N° 2409

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI,
visant à instaurer de nouveaux objectifs de programmation énergétique pour répondre concrètement à l’urgence climatique (n° 2228)

PAR Mme Julie LAERNOES

Députée

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 Voir le numéro : 2228.

 


   SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Une loi de programmation de l’énergie et du climat qui se fait attendre

A. L’absence de débat démocratique sur la révision des objectifs de politique énergétique et climatique

B. Une situation Qui nuit à la mobilisation des acteurs de la transition écologique

II. Des objectifs nationaux qui ne sont pas à la hauteur des défis climatiques

A. Une stratégie nationale bas-carbone (SNBC) insuffisamment exigeante

B. Des objectifs énergétiques dépassés

1. Des résultats encore éloignés de la neutralité carbone

2. Des cibles non alignées sur les engagements européens de la France

3. L’accélération des efforts à fournir selon les experts mondiaux

III. La priorité absolue de la réduction du recours aux énergies fossiles

A. Renforcer les leviers d’action pour sortir de notre dépendance

B. Être exemplaires et cohérents

COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Article 1er (articles L. 100-1 A, L. 100-1 et L. 100-4 du code de l’énergie) Nouveaux objectifs de programmation énergétique

Article 2 (article L. 311-5-3-1 [nouveau] du code de l’énergie et articles 1er, 22 et 39  de l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020) Interdiction de l’exploitation d’une installation de production d’électricité à partir de charbon à compter du 1er janvier 2027

Article 3 (articles L. 111-9, L. 111-12, L. 132-6, L. 142-1 et L. 142-2 [abrogé] du code minier) Anticipation de l’arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures et du charbon en France

Article 4 Gage financier

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnées

Liste des contributions reçues

 


 

   INTRODUCTION

I.   Une loi de programmation de l’énergie et du climat qui se fait attendre

A.   L’absence de débat démocratique sur la révision des objectifs de politique énergétique et climatique

Depuis la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), les articles L. 100-1 à L. 100-4 du code de l’énergie définissent les grandes orientations de la politique énergétique nationale et ses principaux objectifs chiffrés (article L. 100-4).

Toutefois, jusqu’en 2019, aucun mécanisme n’était prévu pour réinterroger périodiquement ces cibles bien qu’elles aient été définies à des horizons plus ou moins lointains (souvent une échéance en 2030, soit une quinzaine d’années plus tard à l’époque, et une échéance en 2050), et ce, quels que soient les évolutions climatiques mondiales et nationales et les progrès réellement obtenus par l’action publique.

En pratique, cette absence de « clause de revoyure » laissait au Gouvernement toute latitude pour proposer, ou pas, de les faire évoluer. Tout au mieux le II de l’article L. 100-4 disposait-il, et dispose encore, que l’atteinte de ces objectifs fait l’objet d’un rapport au Parlement dans les six mois précédant l’échéance d’une période de la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-3 du code de l’énergie, et que ce « rapport et l’évaluation des politiques publiques engagées […] peuvent conduire à la révision des objectifs de long terme définis au I du présent article ».

Aucun mécanisme n’était prévu, non plus, pour associer le Parlement à l’élaboration des outils réglementaires qui pilotent la déclinaison opérationnelle des objectifs fixés par la loi :

– la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui « définit les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental », afin d’atteindre les objectifs de la politique énergétique nationale (article L. 141-1 du code de l’énergie) ;

– la stratégie nationale bas‑carbone (SNBC), qui « définit la marche à suivre pour conduire la politique d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre » et les plafonds, déclinés au niveau national et par secteur, des émissions de gaz à effet de serre (lesdits « budgets carbone ») qui en résultent (articles L. 222-1 A et B du code de l’environnement).

Ces deux actes sont fixés par décret, après une consultation publique, et ce n’est qu’une fois publiés qu’ils font l’objet d’une présentation au Parlement.

Certains des acteurs auditionnés par la rapporteure ont rappelé la différence d’enjeux et de portée entre une consultation publique et un débat démocratique. La première offre à toutes les parties intéressées l’occasion d’apporter leurs contributions au projet, mais l’État a le dernier mot. C’est le débat mené lors de l’examen d’une loi qui permet le plein exercice démocratique ; et les orientations qui sont finalement adoptées sont l’expression du vote majoritaire. Elles ont ainsi plus de force politique que des dispositions réglementaires, plus de lisibilité pour la société et, en vertu de la hiérarchie des normes, sont moins aisément contestables et révisables.

En tout état de cause, le législateur n’a pas pour mission d’entrer dans le détail d’une PPE, qui explicite les projections fondant les arbitrages et décline les objectifs et les dispositifs par secteur et par année. Il revient à l’État de déterminer les modalités pratiques de la mise en œuvre des lois, une fois que celles-ci ont défini les orientations et identifié les leviers d’action à privilégier.

Il est néanmoins paru légitime, en 2019, que le Parlement se prononce sur le rythme infra-décennal des progrès visés par la PPE et sur l’adéquation des moyens nationaux mobilisés. À l’initiative des députés et avec le soutien des sénateurs, l’article 2 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a ainsi introduit le principe de la détermination par la loi, tous les cinq ans, des « objectifs et [des] priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique ».

L’article L. 100-1 A du code de l’énergie dispose que cette loi quinquennale décline chaque grand objectif (réduction des émissions de gaz à effet de serre, réduction de la consommation énergétique finale, réduction de la consommation énergétique primaire fossile, développement des énergies renouvelables, etc.) par deux ou trois périodes successives de cinq ans. Il exige par ailleurs que la PPE, la SNBC et les budgets carbone soient compatibles avec ces objectifs ([1]) – et ne se contentent pas de les prendre en compte. La loi quinquennale, la PPE et la SNBC forment la stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC).

Le même article L. 100-1 A prévoyait que la première loi quinquennale, dite loi de programmation Énergie-climat ou LPEC, soit adoptée avant le 1er juillet 2023.

Or, cette échéance est passée depuis près de neuf mois sans que la LPEC n’ait encore fait l’objet d’un débat au Parlement. Un avant-projet de loi « de souveraineté énergétique » comportant une partie programmatique a été soumis fin décembre au Conseil économique, social et environnemental et au Conseil national de la transition écologique, pour être finalement retiré en janvier.

Après deux mois d’incertitude, le 15 mars dernier, le Premier ministre a annoncé le lancement d’un débat public sur le projet de stratégie française énergie climat, sous l’égide de la Commission nationale du débat public.

Cette nouvelle étape a de quoi surprendre dans la mesure où la SFEC a déjà fait l’objet d’une première « consultation publique volontaire » fin 2021, suivie d’une grande consultation citoyenne « Notre avenir énergétique se décide maintenant », qui s’est déroulée d’octobre 2022 et à février 2023, puis des travaux préparatoires de sept groupes de travail de mai à septembre 2023, avant d’être mise en consultation le 22 novembre dernier.

Les services ministériels ont expliqué à la rapporteure qu’il s’agit de consolider les arbitrages programmatiques en se donnant le temps de répondre aux interrogations qui persistent sur certains choix stratégiques. Le Secrétaire général à la planification écologique a précisé que cette consultation porte sur le projet de SNBC, qui, lui, n’a pas encore été soumis à consultation.

En tout état de cause, il n’est pas dit qu’un projet de loi de programmation quinquennale (avec ses nouveaux objectifs mais aussi la programmation des moyens d’action) sera ensuite soumis au Parlement, ni même quand la loi sera révisée pour intégrer les nouvelles cibles annoncées par la SFEC.

B.   Une situation Qui nuit à la mobilisation des acteurs de la transition écologique

Non seulement ce manque de respect de la loi interroge, mais l’absence du cadre légal que la LPEC devait définir a déjà des répercussions très concrètes sur la mise en œuvre de la transition écologique et énergétique de notre pays :

– la plupart des objectifs nationaux n’ont pas été révisés depuis 2019, voire 2015, au point d’être désormais déconnectés des engagements européens de la France, sans parler de l’aggravation de la situation climatique (voir le point suivant) ;

– la programmation pluriannuelle de l’énergie est aujourd’hui bloquée dans son cadre défini pour 2019-2028 par le décret n° 2020-456 du 21 avril 2020.

Le ministère de la transition énergétique a certes mis en consultation, le 22 novembre 2023, le volet énergétique de la nouvelle SFEC – présenté comme le projet de PPE‑III –, conformément au rythme de révision, tous les cinq ans au moins, prévu par l’article L. 141-4 du code de l’énergie.

Mais il reste un problème juridique non clarifié : ce même article précise qu’une nouvelle PPE doit être publiée dans les douze mois suivant l’adoption de la loi quinquennale, et que l’article L. 141-1 prévoit que la PPE a pour objet d’atteindre les objectifs de la politique énergétique nationale définis par les articles L. 100-1, L. 100-2, L. 100-4 et L. 100-1-A. Une actualisation de la SNBC doit également intervenir dans l’année suivant l’adoption de la loi quinquennale pour adapter les budgets carbone 2024‑2028 et 2029-2033 et, surtout, arrêter ceux des périodes 2034-2038 et suivantes – l’article L. 222-1 C du code de l’environnement lie expressément leur détermination à l’adoption de la LPEC.

Dans le cas de la PPE comme celui de la SNBC, on pourrait questionner la régularité d’un document qui serait publié en l’absence de loi quinquennale. Interrogés sur ce point, les services ministériels ont fait valoir que ni la PPE, ni la SNBC ne pourront être publiées avant le début de l’année 2025, ce qui laisserait le temps d’« un débat démocratique ».

Cette réponse laisse espérer une issue au problème juridique mais accentue le problème opérationnel posé par l’absence de PPE et de SNBC actualisées.

C’est particulièrement criant s’agissant de la SNBC, notamment parce que la SNBC en vigueur de donne aucune trajectoire après 2033. Si les grandes lignes de la SNBC-III, ou SNBC 2030, ont été esquissées par le plan d’action pour atteindre les objectifs de neutralité carbone présenté au Conseil national de la transition écologique par le Gouvernement le 22 mai 2023 ([2]) et se précisent dans le Plan national intégré énergie-climat (Pniec) transmis le 11 novembre à la Commission européenne ([3]), le projet complet de SNBC est toujours en attente.

Au demeurant, les hypothèses, trajectoires et objectifs du Pniec et du projet de PPE-III ont été présentés par le Gouvernement comme provisoires et susceptibles d’être modifiés. Une telle incertitude à trois mois de l’échéance (fin juin) à laquelle la France est tenue de présenter une version définitive – et alignée sur les objectifs européens « Fit for 55 » – de ces différents documents fait craindre que notre pays se mette en irrégularité sur des engagements qu’il a pourtant validés.

En attendant, faute de documents de pilotage actualisés, confirmés et validés démocratiquement, les investisseurs potentiels n’ont pas de lisibilité à moyen et long termes sur les axes qui seront privilégiés par l’État, ni les porteurs de projets sur les dispositifs de soutien qu’il mettra en œuvre, ni les industriels et autres professionnels sur les perspectives de développement des filières intervenant dans les secteurs des énergies renouvelables, de la rénovation énergétique et de la maîtrise des consommations énergétiques, ni, enfin, les gestionnaires des réseaux publics d’électricité et de gaz sur leurs besoins de renforcement et d’adaptation. L’absence de loi quinquennale bride donc des investisseurs qui devraient pourtant se mobiliser massivement pour relever les défis de demain.

Elle bride aussi la mobilisation des collectivités territoriales. L’article L. 141-5-1 prévoit, en effet, que des objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables seront établis pour contribuer aux objectifs de la loi quinquennale et de la PPE qui en découlera ; l’article L. 141-5-3 spécifie par ailleurs que la définition des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables doit permettre d’atteindre ces mêmes objectifs. Mais en l’absence de PPE validée, les collectivités manquent des références qui leur permettraient de vérifier que les planifications sont suffisantes.

Le rapport sur l’application de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, que vient de publier la commission des affaires économiques, montre comment l’absence de PPE actualisée retarde le déploiement local des énergies renouvelables ([4]).

II.   Des objectifs nationaux qui ne sont pas à la hauteur des défis climatiques

A.   Une stratégie nationale bas-carbone (SNBC) insuffisamment exigeante

● En signant, le 22 avril 2016, l’Accord de Paris du 12 décembre 2015, la France s’est engagée à limiter l’augmentation de la température moyenne « bien en dessous de 2 °C », et si possible à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Pour cela, suivant les recommandations du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU (GIEC), la France et les autres signataires se sont engagés à agir pour que le monde atteigne la neutralité carbone au cours de la deuxième moitié du XXIème siècle.

Le climat est en effet essentiellement perturbé par les émissions anthropiques de gaz à effet de serre (GES, des gaz qui absorbent et réémettent une partie des rayons solaires, contribuant au réchauffement de l’atmosphère), le dioxyde de carbone (CO2) constituant 76 % des émissions GES de la France.

Créée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 ([5]), la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Dès 2015, l’article L. 100-4 du code de l’énergie lui donne comme objectif fondamental la neutralité carbone ([6]) d’ici 2050, avec une cible intermédiaire de - 40 % d’émissions (brutes) de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030.

Si cette cible intermédiaire n’a pas été révisée depuis 2015, la loi Énergie climat de 2019 ([7]) a renforcé la trajectoire à suivre pour atteindre la neutralité carbone en 2050 en disposant que les émissions de gaz à effet de serre de la France en 1990 doivent, d’ici-là, être divisées par un facteur supérieur à six, au lieu de quatre (article L. 100‑4).

Cela impose de les ramener à 80 millions de tonnes équivalent CO2 (MtCO2eq) d’ici 2050 – sachant que les émissions (brutes) s’établissaient à 539,3 MtCO2eq en 1990 et à 458 MtCO2eq en 2015 ([8]).

Valeurs et périmètres des émissions de gaz à effet de serre utilisés par la SNBC et le paquet européen « Fit for 55 »

Les objectifs légaux de la politique énergétique nationale, la SNBC comme les objectifs européens se réfèrent aux émissions territoriales, à savoir les volumes de GES physiquement émis à l’intérieur du territoire français, sans tenir compte des échanges internationaux de notre pays. Cela correspond au décompte de l’inventaire national des émissions de gaz à effet de serre, qui lui-même répond aux normes de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ce sont ces inventaires nationaux, établis par l’association à but non lucratif Centre interprofessionnel d’études de la pollution atmosphériques (Citepa), qui sont notifiés à la Commission européenne et aux instances internationales pour suivre le respect des engagements de la France ([9]).

Elles se distinguent de l’empreinte carbone de la France, qui prend en compte l’impact carbone des importations et exportations du pays. Celle-ci était estimée à 623 MtCO2eq en 2022 ([10]).

Selon les besoins, les politiques françaises et européennes se réfèrent à des volumes bruts, qui correspondent aux émissions liées à lʼutilisation des terres, au changement dʼaffectation des terres et à la foresterie – UTCATF – dont le solde des émissions moins les captations est négatif en France, ou à des émissions nettes qui tiennent compte de l’effet « puits de carbone » des UTCATF (et d’autres systèmes techniques s’il en existe).

L’Union européenne distingue aussi, parfois, le périmètre des secteurs « soumis au partage de l’effort » (bâtiments, transports, agriculture et déchets) parce qu’ils ne sont pas couverts par le marché carbone communautaire (le système d’échange de quotas carbone, dit SEQE-UE ou EU-ETS) et les secteurs soumis à ce système.

Pour mettre en œuvre cette transition, la SNBC définit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre et fixe des objectifs à court et moyen termes, les budgets carbone, au niveau national ainsi que pour chaque secteur d’activité émetteur, de l’industrie au bâtiment en passant par l’agriculture et les transports, tout en donnant des orientations pour les mettre en œuvre.

Depuis sa mise en place cependant, les résultats ne sont malheureusement pas à la hauteur des ambitions de long terme de notre pays.

Les premiers budgets carbone n’ont pas été respectés sur la période 2015-2018. Le comité d’experts pour la transition énergétique (CETE) ([11]) a estimé leur dépassement à + 72 MtCO2eq, soit une baisse annuelle des émissions de seulement 1,1 % par an, contre 1,9 % initialement prévu.

Ce retard sur la trajectoire de réduction de gaz à effet de serre est à l’origine de « l’Affaire du siècle », portée devant le tribunal administratif de Paris par Greenpeace, Oxfam et Notre Affaire à tous, entre autres. Le jugement, prononcé en 2021, a condamné l’État à prendre des mesures supplémentaires afin de réparer le préjudice écologique issu du non-respect de son budget carbone.

Fin 2023, le Gouvernement était plus optimiste : les chiffres du premier trimestre 2023 indiquaient que la France était sur la bonne voie pour respecter le budget carbone national 2019-2023, les émissions de CO2 liées à la combustion d’énergie ayant notamment baissé de 2,7 % en 2022 et à nouveau de 4,8 % en 2023 (- 19 MtCO2eq) ([12]).

Toutefois, si ces progrès sont objectifs, une analyse réalisée par le site AEF Info le 30 novembre dernier ([13]) montrait un biais important : « les budgets carbone ont été révisés à la hausse entre la SNBC-I et la SNBC-II, contrairement aux recommandations du Haut Conseil pour le climat dans son premier rapport annuel ». Constatant que la SNBC-II octroie systématiquement des maxima d’émissions brutes plus élevés que la SNBC-I, favorisant en particulier les transports, les bâtiments et l’industrie, secteurs comptant parmi les plus émetteurs, cette analyse concluait que « le gouvernement a décidé de reporter les efforts audelà de 2024 ».

L’autre conséquence, observait-il, est que « la marche s’annonce haute pour respecter l’objectif que se fixe le Gouvernement de 270 MtCO2eq pour 2030 » [nota bene : objectif figurant dans le plan de mai 2023, ce qui équivaut à une baisse de 50 % des émissions brutes par rapport à 1990, selon les données estimées par le Citepa, et à au moins 55 % des émissions nettes. Ces objectifs en pourcentages ont été repris par le Pniec]. La France ayant encore émis environ 404 MtCO2eq (hors UTCATF) en 2022, le rythme annuel de baisse des émissions reste insuffisant et devrait donc doubler, et passer de - 2,1 % à - 4,9 % ces prochaines années. « Un défi d’autant plus grand que les forêts – victimes de sécheresses répétées et de maladies (crise des scolytes) – sont des puits de carbone de moins en moins efficaces ».

De fait, le Gouvernement semble avoir des difficultés à finaliser la nouvelle feuille de route climatique, y compris au niveau européen.

Le 18 décembre, la Commission européenne lui a adressé deux dossiers d’observation sur son Plan national intégré énergie-climat. Son évaluation montrait qu’au regard des hypothèses retenues, la France n’atteindrait en 2030 qu’une baisse des émissions de 46,4 % par rapport à 2005 sur le périmètre (plus restreint) des secteurs soumis au partage de l’effort (voir l’encadré supra), contre l’objectif de - 47,5 % donné par l’Union européenne. La France ne parviendrait pas non plus à son objectif de - 34 MtCO2 captés par les puits de carbone, mais à peine plus que la moitié avec - 18 MtCO2, ce qui l’obligerait mécaniquement à accentuer ses efforts de réduction d’émissions par secteur.

Car non seulement la France a pris du retard sur ses propres cibles, mais l’Europe a durci ses objectifs en la matière. Avec la publication de son paquet « Fit for 55 » le 14 juillet 2021, l’Union européenne a en effet relevé son objectif de réduction des émissions nettes (c’est-à-dire après déduction des captations de CO2) en 2030 par rapport à 1990 de 40 % à 55 %, sans que la France n’ait encore aligné les trajectoires de sa SFEC.

Cela devrait être fait dans la nouvelle feuille de route, mais avec le risque que perdure, faute de révision législative, un objectif légal très en-deçà de ces nouvelles exigences.

      L’article 1er de la présente proposition de loi vise donc à aligner l’objectif légal de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur celui de l’Union européenne.

B.   Des objectifs énergétiques dépassés

L’atteinte de la neutralité carbone nécessite en particulier de réduire et décarboner totalement les consommations d’énergie.

La programmation pluriannuelle de l’énergie est l’outil de pilotage de ces actions (pour la France continentale). Mais son cadre est déterminé par l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Dix des orientations de cet article L. 100-4 traitent d’énergie, déclinant les différents leviers d’action à privilégier. La plupart de ces axes d’action comportent des objectifs chiffrés, qui tracent les trajectoires souhaitées pour réussir 2050.

1.   Des résultats encore éloignés de la neutralité carbone

La récente publication des indicateurs de suivi de la PPE ([14]) montre que la plupart des objectifs progressent et que si certains stagnent ou se dégradent un peu entre 2021 et 2022 (comme la consommation de produits pétroliers), sur la durée, une tendance positive se dessine nettement.

Toutefois, comme en termes d’émissions de GES, ces progrès sont encore insuffisants, et les retards pris sur les objectifs intermédiaires obligeront à augmenter les efforts à faire pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

● C’est particulièrement notable s’agissant de la maîtrise de la demande d’énergie et de la réduction de la consommation des énergies fossiles, qui sont pourtant au centre du volet énergétique de la stratégie française énergie-climat.

La PPE-II, publiée en avril 2020, ne fixait pas d’objectifs intermédiaires trop exigeants par rapport aux attendus actuels de la loi pour 2030, à savoir 20 % de baisse de l’ensemble de la consommation énergétique finale et 40 % de baisse de la consommation primaire d’énergies fossiles par rapport à 2012, avec des sous‑objectifs ainsi arrêtés :

 consommation finale d’énergie : - 7,5 % en 2023 et - 16,5 % en 2028 ;

 consommation primaire de gaz naturel : - 10 % en 2023 et - 22 % en 2028 ;

 consommation primaire de pétrole : - 19 % en 2023 et - 34 % en 2028 ;

 consommation primaire de charbon : - 66 % en 2023 et - 80 % en 2028.

Cependant l’étude Chiffres clés de l’énergie, publiée en septembre 2023 ([15]), montre qu’à peine un an avant l’échéance de 2023, les résultats sont encore loin des cibles.

 

2012

2022

Évolution réelle 2022/2012

Objectif PPE‑II 2023/2012

Consommation énergétique finale *

155,1Mtep

1 588 TWh

- 6 %

- 7,5 %

Part des énergies fossiles dans la consommation d’énergie finale

Env. 68 %

Env. 61 %

-

-

Consommation d’énergie primaire *

260,9 Mtep

2 544 TWh

nc

-

Consommation pétrole

30,3 %

30,3 %

- 14,4 %

- 19 %

Consommation gaz

14,8 %

15,5 %

- 5,8 %

- 10 %

Consommation charbon

4,2 %

2,9 %

- 48,2 %

- 66 %

Source : SDES, Chiffres clés de l’énergie, éditions 2013, 2014 et 2023. * Données corrigées des variations climatiques

Les indicateurs de suivi de la PPE confirment des écarts entre le réalisé en 2022 et l’objectif 2023 de + 31 TWh pour la consommation finale et + 70 TWh pour la consommation primaire d’énergies fossiles.

Le pas à franchir pour atteindre les objectifs pour 2030 en sera d’autant plus important.

Le chemin qu’il reste à parcourir d’ici 2050, soit dans à peine 26 ans, apparaît encore plus exigeant quand on considère le poids que les énergies fossiles représentent encore dans nos consommations. En 2022, elles constituaient toujours plus de 60 % de la consommation énergétique finale de la France – 58 % en 2023 selon les chiffres donnés par le projet de SFEC en consultation –, plus de 91 % de celle des transports, 47 % de la consommation industrielle, 39 % dans le secteur tertiaire et encore 36 % dans le secteur résidentiel – les plus gros consommateurs d’énergie en volume étant les transports (33 %) et le résidentiel (30 %).

Au vu de ces timides résultats, on peut légitimement s’interroger sur la suffisance des moyens mobilisés par le Gouvernement pour atteindre les objectifs qu’il a luimême fixés dans ses outils de pilotage.

● S’agissant du développement des énergies renouvelables, les indicateurs de suivi de la PPE montrent en revanche une réelle accélération à partir de 2019 : alors que la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie n’était que de 16,4 % en 2018, elle se hisse à 20,3 % en 2022.

Mais là encore, les progrès sont insuffisants, au regard des propres objectifs de la PPE-II, qui ciblait une part de 25 % en 2023 et de 34 à 38 % en 2028, et plus encore si l’on considère les nouvelles attentes de l’Union européenne.

Et si la part de l’électricité renouvelable dans la production nationale d’énergie a progressé, s’établissant à 27,9 % en 2022, contre 22,6 % en 2021 et 18,7 % en 2018, dépassant ainsi les objectifs PPE-II en pourcentage (fixés à 27 % pour 2023), les capacités installées en 2022 (64,5 GW) sont encore inférieures de 10,7 GW à la cible pour 2023. Ces capacités ont réellement progressé de + 14 GW depuis 2018. Mais le bond de la proportion d’électricité renouvelable dans la production d’énergie est aussi le résultat de la baisse de la production totale en 2022.

On relève à ce propos que si la PPE-II avait été plus ambitieuse en matière d’électricité renouvelable et si le Gouvernement avait plus activement soutenu le développement de ces capacités, la France aurait été moins fragilisée par la chute de la production nucléaire en 2021-2022 ;

Enfin, la part de l’électricité renouvelable dans la consommation (d’énergie) se développe mais pas au rythme visé par la PPE-II. Elle ne représente que 27,3 %, là où la PPE-II visait 36 % en 2023 et 49 à 52 % en 2028.

2.   Des cibles non alignées sur les engagements européens de la France

L’Union européenne a non seulement durci ses exigences en matière de réduction des émissions GES (voir supra), mais elle a aussi décidé, en mars 2023, que la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen devrait atteindre 42,5 % en 2030, au lieu des 32 % visés auparavant, afin de sortir plus vite des énergies fossiles. La directive sur les énergies renouvelables, dite RED III, est entrée en vigueur le 20 novembre dernier.

La cible pour la France serait même de 44 % afin qu’elle rattrape son retard. Elle a, en effet, été le seul État de l’Union à ne pas avoir atteint l’objectif intermédiaire de 23 % fixé pour 2020. Les énergies vertes ne représentaient à cette date que 19 % de son bouquet énergétique.

En tout état de cause, les objectifs actuellement fixés dans la loi sont en très net décalage sur les deux objectifs attendus au niveau européen.

Notons que l’accord signé à Dubaï par 116 pays, dont la France, le 12 décembre dernier, à l’issue de la 28ème édition de la Conférence des parties (COP 28), a la même approche en prévoyant de tripler les capacités d’énergies renouvelables dans le monde, à l’horizon 2030, pour se libérer des énergies fossiles. Les pays ont également promis de doubler le rythme annuel de progression de l’efficacité énergétique jusqu’en 2030, de 2 % à 4 %, sans toutefois que cette promesse ait une valeur contraignante.

3.   L’accélération des efforts à fournir selon les experts mondiaux

Pour le GIEC, comme pour l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les politiques actuellement mises en œuvre ne suffisent pas à ralentir le réchauffement climatique, qui pourrait atteindre + 2,8 °C voire 3,2 °C en 2100 selon le GIEC. Tous deux s’accordent à dire qu’il faut accentuer les efforts au cours des prochaines années.

En septembre 2023, le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a lui-même exhorté les pays les plus développés à passer à la vitesse supérieure et à avancer leurs objectifs.

Cette nécessité de réaliser l’essentiel des efforts dans les années à venir est également confirmée par le Conseil scientifique de l’Union européenne sur le changement climatique, selon lequel l’Europe doit réduire ses émissions de 90 % à 95 % d’ici à 2040 si elle veut atteindre son objectif de neutralité carbone en 2050.

S’agissant de la France, les travaux du centre de recherche Climate Analytics montrent que plus de 80 % des baisses d’émissions devraient être réalisées d’ici à 2035 pour atteindre la neutralité carbone au niveau national.

Enfin, dans son cinquième rapport annuel publié en juin 2023, le Haut Conseil pour le climat indiquait que la baisse des émissions de gaz à effet de serre en France est encore insuffisante et que le rythme de baisse actuel devait « presque doubler » d’ici à 2030.

III.   La priorité absolue de la réduction du recours aux énergies fossiles

A.   Renforcer les leviers d’action pour sortir de notre dépendance

Si elles ne sont pas les seules responsables du réchauffement climatique, les activités brûlant des énergies fossiles sont les plus émettrices de gaz carbonique : selon les calculs de l’Ademe, pour produire un kilowattheure (kWh) électrique par exemple, le gaz émettrait 418 grammes de CO2, le fuel 730 grammes et le charbon 1 060 grammes.

Or, comme on l’a vu, leur part dans la consommation énergétique finale est encore importante, de près de 61 % en 2022 (sur un total de 1 588 TWh) et de 58 % en 2023, et leur baisse depuis 2012 reste insuffisante.

Au demeurant, sortir des énergies fossiles est un impératif climatique et écologique, mais aussi économique et de souveraineté. En effet cela réduirait aussi la facture énergétique de la France – le coût de ses importations d’énergie, qui sont montées à 100 milliards d’euros (Md€) en 2022, pendant la crise énergétique européenne – ; cela allégerait sérieusement son déficit de la balance commerciale (qui pèse entre 25 et 80 Md€ par an), et lui ferait regagner en souveraineté. ([16])

Mais sortir de notre dépendance aux énergies fossiles suppose une action renforcée sur les trois piliers complémentaires que sont l’amélioration de la performance énergétique, la sobriété et le remplacement des énergies fossiles par des énergies à faibles émissions de carbone. Les deux premiers permettent de réduire les consommations individuelles, tandis que le troisième amène une réduction du bilan carbone des usages.

Selon les travaux prospectifs de Réseau de transport d’électricité (RTE), présentés dans son « bilan prévisionnel 2023-2035 » en fin d’année dernière ([17]), sur le premier volet (l’efficacité énergétique), notre pays pourrait économiser entre 75 et 100 TWh par an à condition d’augmenter le volume et l’efficacité des rénovations thermiques dans les bâtiments, en complément de l’amélioration de la performance des équipements.

Sur la sobriété, la poursuite des « gestes simples » engagés par les Français depuis l’hiver 2022-2023 permettrait d’économiser jusqu’à 25 TWh en 2035. C’est l’hypothèse retenue dans son principal scénario (le A ci-après) ; une hypothèse de sobriété renforcée pourrait faire économiser jusqu’à 60 TWh, mais suppose une modification profonde de certains comportements.

L’étude de RTE sur l’évolution du système électrique à l’horizon 2050, « Futurs énergétiques 2050 », est une des principales références scientifiques et techniques servant de base à l’établissement de la SFEC. La première publication, en octobre 2021, étudiait différents scénarios reposant sur des hypothèses très contrastées, mais avec les mêmes objectifs : la diminution de la consommation finale d’énergie et le remplacement des énergies fossiles.

RTE a poursuivi ses travaux pour approfondir ces premiers résultats. Le « Bilan prévisionnel 2023-2035 », présenté le 20 septembre dernier, actualise la première période de Futurs énergétiques 2050, à mi-parcours de l’objectif de neutralité carbone du pays. Il se concentre désormais sur 3 scénarios possibles avec des rythmes différents de consommation, d’électrification des usages et de développement des énergies bas carbone :

– le scénario A « Accélération réussie », qui permet d’atteindre les objectifs de décarbonation accélérée et de réindustrialisation en 2030 et 2035. Il suppose une électrification renforcée, avec une consommation d’électricité accrue ;

– le scénario B « Atteinte partielle », qui permettrait d’atteindre les objectifs climatiques et de réindustrialisation avec un retard de 3 à 5 ans ;

– et le scénario C  décrivant un environnement de « mondialisation contrariée », dans lequel les tensions macroéconomiques et géopolitiques se prolongent durablement, repoussant l’atteinte de la neutralité carbone.

RTE souligne que le scénario A n’est atteignable qu’en mobilisant tous les leviers de l’efficacité énergétique, de la sobriété, du nucléaire et des énergies renouvelables.

Il estime enfin que, d’ici à 2035, il faudrait tripler les investissements, de 25 à 35 milliards d’euros par an, pour la production et les capacités de flexibilité.

Sur le troisième volet d’action (le remplacement des énergies fossiles), eu égard à la nécessité de préserver les usages alimentaires ou les puits de carbone, le biogaz, les biocarburants ou l’énergie-bois ne peuvent connaître qu’un développement très encadré.

La production de chaleur renouvelable présente plus de possibilités de croissance, avec les pompes à chaleur, le solaire thermique, la combustion des déchets, la chaleur de récupération ou la géothermie. Les services ministériels comptent beaucoup sur le développement de ces technologies pour faire progresser la part des énergies renouvelables dans le mix français. De fait, l’enjeu est de taille puisque la chaleur et le froid représentent la moitié de la consommation finale d’énergie de notre pays.

Il n’en reste pas moins qu’une grande partie de l’avenir se joue du côté de l’électrification de certains usages et de son indispensable corolaire, le développement de l’électricité « décarbonée ». La transition d’une partie des transports et de l’industrie, mais aussi les pompes à chaleur et la production d’hydrogène généreront de nouveaux besoins en électricité importants. Le scénario A de RTE envisage une consommation finale en électricité entre 580 et 640 TWh par an d’ici 2035, contre 460 TWh actuellement – notons que ce besoin pourrait monter jusqu’à 900 voire 1 000 TWh si la France se mettait à la production d’e-fuel pour la consommation aérienne.

Or, les projections de RTE montrent que, sur le moyen terme, seul le développement rapide et substantiel de l’électricité renouvelable sera en mesure de répondre à l’augmentation des besoins.

Les années 2030-2035 seront en effet confrontées à un problème de bouclage entre l’accroissement de la consommation électrique et les disponibilités nationales de production d’électricité : la prolongation des centrales nucléaires existantes dépendra de leur état et seule l’Autorité de sûreté nucléaire pourra en décider ; quant aux nouvelles installations, si leur construction était engagée, elles ne seront pas encore en capacités de produire. L’éventuelle mise en production de Flamanville ne changera guère la situation.

Une accélération importante de la production d’électricité renouvelable est nécessaire à la sécurité d’approvisionnement dans tous ses scénarios : il nous faut une production supplémentaire d’au moins 270 TWh et, si possible, jusqu’à 320 TWh à l’horizon 2035. Plusieurs panachages sont possibles pour atteindre ces volumes, mais « freiner sur l’un des moyens de production renouvelables oblige à accélérer d’autant sur les autres » (source : Bilan prévisionnel 2030-2035).

      L’article 1er de la proposition de loi propose précisément de relever les objectifs énergétiques de la SFEC, en termes de réduction des consommations énergétiques, en particulier fossiles, comme en termes d’accélération et de renforcement du développement des énergies renouvelables.

B.   Être exemplaires et cohérents

Au-delà de ces enjeux de capacités énergétiques, la France, en tant que pays organisateur de la COP 21 et en tant que pays influent, à la fois au sein de l’Union européenne et dans la diplomatie internationale, a aussi un devoir d’exemplarité.

Il n’est pas cohérent de prétendre lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et conserver le recours, même ponctuel, aux centrales à charbon les plus émettrices.

Il n’est pas plus justifié de permettre, encore, la prolongation des autorisations à rechercher ou à exploiter des hydrocarbures sur notre territoire, même si ces prolongations seraient limitées au 1er janvier 2040.

      La proposition de loi propose en conséquence :

– à l’article 2, d’arrêter l’usage du charbon pour la production d’électricité ;

– et à l’article 3, d’accélérer l’arrêt définitif de l’exploration et de l’extraction d’hydrocarbures et de charbon sur le territoire national.

 


   COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Article 1er
(articles L. 100-1 A, L. 100-1 et L. 100-4 du code de l’énergie)
Nouveaux objectifs de programmation énergétique

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 1er proposait d’inscrire dans la loi les engagements internationaux et européens de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de renforcer les grands objectifs opérationnels en matière énergétique, qu’il s’agisse de réduction des consommations d’énergie ou de développement des énergies renouvelables.

La plupart des modifications apportées par la commission des affaires économiques ont remplacé ces propositions par les dispositions programmatiques du projet de loi dit de « souveraineté énergétique », substituant notamment aux grands objectifs relatifs aux énergies renouvelables un objectif global de décarbonation du mix énergétique français et réintroduisant des objectifs en termes de capacités nucléaires.

  1.   LE DROIT EN VIGUEUR
    1.   La loi fixe les grands objectifs de la politique nationale de l’énergie et du climat

Les articles L. 100-1 à L. 100-4 du code de l’énergie définissent les principes généraux de la politique énergétique nationale : l’article L. 100-1 énonce ses grands objectifs (à l’exception de l’objectif de lutte contre le dérèglement climatique, qui est énoncé et précisé à l’article L. 100-4), le L. 100-2 les axes d’action donnés à l’État et aux collectivités territoriales pour atteindre ces objectifs ; et le L. 100-4 décline sa réponse à l’urgence écologique et climatique en quatorze grands objectifs opérationnels pour les moyen et long termes.

● Avant toute chose, le 1° de l’article L. 100-4 définit l’objectif central de la lutte contre le réchauffement climatique : la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Le 1° vise la neutralité carbone en 2050. La neutralité carbone est une valeur relative : elle est définie comme « un équilibre, sur le territoire national, entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre, tel que mentionné à l’article 4 de l’accord de Paris ratifié le 5 octobre 2016 ». Le « zéro émission nette » des Nations Unies ou de l’Union européenne suppose donc que les émissions seront couvertes par les captations de gaz à effet de serre.

Le 1° prévoit toutefois une cible intermédiaire de - 40 % d’émissions (brutes) de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030.

Ce sont les objectifs fondamentaux de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), à savoir la feuille de route de la France pour conduire ses politiques d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (et le volet climatique de la stratégie française pour l’énergie et le climat – SFEC – voir le propos introductif), qui doit cependant veiller « à ne pas substituer à l’effort national d’atténuation une augmentation du contenu carbone des importations » (article L. 222-1-B du code de l’environnement).

La SNBC est prévue et organisée par les articles L. 222-1 A et suivants du code de l’environnement. Elle définit donc, par décret, la marche à suivre en fixant un plafond national des émissions de gaz à effet de serre dénommé « budget carbone » pour chaque période consécutive de cinq (après la première période 2015-2018) et décrit les dispositions à prendre dans chaque secteur pour respecter les budgets carbone ([18]).

Ces plafonds sont ensuite répartis par grands secteurs, par secteurs d’activité et par catégorie de gaz à effet de serre (les trois quarts des émissions étant toutefois composés de gaz carbonique ou CO2). Ces budgets carbone sectoriels sont eux‑mêmes répartis en tranches indicatives d’émissions annuelles.

Les budgets carbone successifs dessinent la trajectoire de référence pour atteindre la neutralité carbone en 2050, mais ne la décrivent que jusqu’à un horizon d’une quinzaine d’années. La SNBC actuelle (SNBC-II), adoptée par un décret du 21 avril 2020, ne se projette ainsi que jusqu’en 2033.

● La plus grande partie des autres orientations définies à l’article L. 100-4 du code de l’énergie formulent des objectifs, généralement chiffrés, relatifs aux consommations d’énergie, aux sources énergétiques fossiles utilisées ou à la production d’énergie (qui sont rappelés dans le II du présent commentaire).

Ces orientations et objectifs doivent être mises en œuvre par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévue aux articles L. 141-1 et suivants du même code.

Fixée par décret, la PPE définit les modalités d’action des pouvoirs publics pour la gestion de l’ensemble des formes d’énergie sur le territoire métropolitain continental (la Corse et les territoires d’outre-mer ayant leurs propres programmations pluriannuelles de l’énergie) « afin d’atteindre les objectifs définis aux articles L. 1001, L. 100-2 et L. 100-4 (…) ainsi que par la loi prévue à l’article L. 100-1 A » (la loi de programmation quinquennale énergie climat).

Pour ce faire, elle se fonde sur des scénarios de besoins énergétiques associés aux activités consommatrices d’énergie, reposant sur différentes hypothèses d’évolution de la démographie, de la situation économique, de la balance commerciale et d’efficacité énergétique. Elle définit aussi les mesures nécessaires pour garantir la sécurité d’approvisionnement en énergie et les conditions d’un développement équilibré des réseaux, du stockage et de la transformation des énergies, ainsi que du pilotage de la demande d’énergie.

La PPE doit être compatible avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés dans les budgets carbone, ainsi qu’avec la SNBC. Pour contribuer à l’atteinte de ces objectifs, la PPE développe deux grands volets d’action :

– le premier consacré à l’amélioration de l’efficacité énergétique et à la baisse de la consommation d’énergie primaire, en particulier fossile.

Il peut identifier des usages pour lesquels la substitution d’une énergie à une autre est une priorité et indique des priorités de baisse de la consommation d’énergie fossile par type d’énergie en fonction du facteur d’émission de gaz à effet de serre de chacune.

Il identifie les usages pour lesquels l’amélioration de l’efficacité énergétique et la baisse de la consommation d’énergie primaire sont une priorité et contient une feuille de route de la rénovation énergétique des bâtiments, précisant les modalités de mise en œuvre de l’objectif de réduction de la consommation énergétique finale mentionné au 2° du I de l’article L. 100-4 pour les bâtiments à usage résidentiel ou tertiaire et de mise en œuvre de l’objectif de rénovation des bâtiments en fonction des normes « bâtiment basse consommation » ou assimilées mentionné au 7° du même I ;

– le second volet s’attache au développement de l’exploitation des énergies renouvelables et de récupération. Ce volet quantifie les gisements d’énergies renouvelables valorisables par filière et précise les modalités de mise en œuvre des objectifs chiffrés de l’article L. 100-4.

La PPE couvre deux périodes successives de cinq ans.

  1.   Ces objectifs devaient être réinterrogés par une loi de programmation adoptée avant le 1er juillet 2023

Les objectifs définis par l’article L. 100-4 du code de l’énergie n’ont pas évolué depuis la loi Énergie-climat de novembre 2019, voire depuis la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) d’août 2015, qui a mis en place la PPE et la SNBC.

Certains datent ainsi déjà de dix ans, alors que le contexte a évolué, avec une dégradation climatique qui s’accélère et le renforcement des exigences européennes (voir le propos introductif).

La loi relative à l’énergie et au climat de 2019 a pourtant prévu que la loi détermine, tous les cinq ans, les « objectifs et les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique ».

L’article L. 100-1 A du code de l’énergie, qui en est issu, dispose que cette loi quinquennale décline chaque grand objectif de la politique énergétique nationale relatif aux émissions de gaz à effet de serre et à l’énergie.

Elle est donc censée permettre de réviser, et compléter pour les périodes suivantes, les orientations de la stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC), ses trajectoires et principaux objectifs opérationnels, ainsi que le niveau et la nature des moyens que l’État devrait mobiliser.

Le même article L. 100-1 A prévoyait enfin que la première loi quinquennale, dite loi de programmation Énergie-climat ou LPEC, devait être adoptée avant le 1er juillet 2023. Mais elle se fait toujours attendre presque neuf mois après cette échéance ; et les récentes annonces du Premier ministre concernant le lancement d’un grand débat public sur la SFEC reculent encore de plusieurs mois toute perspective d’examen d’une loi programmatique.

Or, on a vu que l’absence de LPEC et l’actualisation des objectifs donnés à la PPE et à la SNBC qui devait en découler posent déjà d’importants problèmes aux investisseurs et aux responsables publics, locaux notamment.

Manquant de perspectives lisibles sur les arbitrages opérationnels et les soutiens dont ils pourront bénéficier, les premiers retardent leurs investissements, voire vont investir ailleurs, attirés par des politiques plus agressives comme l’Inflation Réduction Act américain. Les seconds ne sont pas en mesure d’évaluer l’ampleur des efforts qu’ils devront faire pour contribuer à la feuille de route climatique nationale.

Tout cela nuit à la mise en œuvre de la politique nationale de transition écologique et énergétique, et en interdit toute accélération significative, malgré l’urgence qu’il y a à le faire.

  1.   La proposition DE LOI : DE nouveaux objectifs plus volontaristes mais toujours pragmatiques

Cette situation ne peut perdurer encore longtemps. Il est impératif de rehausser nos objectifs pour nous mettre sur la bonne trajectoire climatique et réussir le défi de la neutralité carbone en 2050.

L’article 1er de la présente proposition de loi propose en conséquence de réviser, sans plus attendre, les principaux objectifs de la SFEC, à savoir la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la baisse des consommations énergétiques, le retrait des énergies fossiles et le développement des énergies renouvelables.

Ces nouvelles trajectoires doivent être suffisamment ambitieuses pour accélérer les processus de progrès et redonner des perspectives aux acteurs, tout en restant plausibles, et respectueuses des engagements européens et mondiaux de notre pays. La rapporteure s’est ainsi attachée à tester chacune de ses propositions auprès des divers experts, professionnels et responsables publics qu’elle a auditionnés.

  1.   TRaduire nos engagements internationaux et européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre

Le présent article propose, d’abord, de définir des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre conformes aux engagements internationaux et européens de la France.

● Le introduit une huitième finalité pour la politique énergétique nationale : à côté de la nécessité d’assurer la sécurité d’approvisionnement, de maintenir un prix de l’énergie compétitif ou de lutter contre la précarité énergétique, par exemple, l’article L. 100-1 du code de l’énergie imposerait désormais de garantir « une réduction des émissions de gaz à effet de serre compatibles avec l’accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 afin de limiter l’élévation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels ».

Il s’agit d’inscrire dans la loi cet engagement fondateur de la politique mondiale de lutte contre le changement climatique de notre pays, pour laquelle notre pays a largement contribué lors de la 21ème édition de la Conférence des parties en 2015. La nouvelle disposition rappelle sa visée fondamentale, la limitation de l’élévation des températures sur notre planète, et ne préjuge pas de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre devant être définie pour y contribuer, mais suppose d’adapter les objectifs de réduction en conséquence. La neutralité carbone en 2050 est évidemment un absolu indépassable (et déjà inscrit dans la loi au 1° de l’article L. 100-4). Mais les objectifs intermédiaires peuvent changer en fonction de l’évolution de la situation générale et des solutions disponibles.

Cela étant, il n’est évidemment pas question de faire porter à la France la responsabilité d’un phénomène qui se joue à une échelle mondiale, mais seulement de rappeler qu’elle doit contribuer activement à le contrecarrer. La rapporteure a donc porté un amendement qui venait préciser la portée de cette disposition.

● Le a du 2° propose justement de nouveaux objectifs intermédiaires en modifiant le 1° de l’article L. 100-4. Il substitue à l’objectif actuel de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030 un objectif double, sur la même période :

– celui de réduire les émissions brutes d’au moins 55 % (« en excluant les émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie ») ;

– et celui de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre de 55 %.

Cette deuxième cible intègre l’objectif minimal du paquet européen « Fit for 55 » qui vise la réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’« au moins » 55 % d’ici à 2030.

Elle prend donc en compte les capacités d’absorption de gaz carbonique (CO2) des puits de carbone, au contraire de la première. Un puits de carbone est un réservoir qui capte et stocke, par un mécanisme naturel ou artificiel, le carbone atmosphérique. Les principaux puits de carbone sont les océans et certains milieux continentaux comme les forêts en formation, les tourbières, etc([19])

Toutefois l’ampleur et la disponibilité à venir de nos capacités d’absorption et de stockage des gaz à effet de serre sont aujourd’hui encore incertaines. Les dernières estimations du Citepa les évaluent à 17,1 MtCO2eq en 2021, bien loin des 42 MtCO2eq envisagés par la SNBC-II. L’UTCATF (voir le propos introductif) n’aurait ainsi permis de compenser que 4,1 % des émissions des autres secteurs ([20]). Principal puits carbone de notre pays, les forêts françaises ont vu leur capacité d’absorption s’effondrer depuis une vingtaine d’années et le phénomène s’est accéléré depuis 2015, avec les sécheresses à répétition, le développement des parasites et la hausse de la mortalité des arbres et des prélèvements.

L’objectif de neutralité carbone en 2050 exige des États d’accroître leurs capacités d’absorption et de stockage durable du carbone. Pour rappel, il restera, en théorie, 80 MtCO2eq d’émissions résiduelles à compenser. Les auditions de la rapporteure ont rappelé l’importance d’adapter nos forêts aux changements climatiques afin de maintenir, voire régénérer, le puits forestier. Mais d’autres mesures seront nécessaires : le Secrétaire général à la planification écologique a notamment cité les prélèvements raisonnés de bois et leur utilisation dans des produits bois à longue durée de vie, la maximisation des puits agricoles (sols, haies, etc.) et la réduction de l’artificialisation des sols. Les solutions techniques sont aussi à l’étude, mais présentent encore de sérieuses limites.

En tout état de cause, il est peu probable que nos capacités d’absorption se développent significativement d’ici six ans.

Pour atteindre le résultat en net, il faut donc une diminution des émissions en brut suffisante. Tel est l’objet de la première cible de la proposition. Elle s’inspire du projet de loi dit « de souveraineté énergétique » envisagé en janvier dernier, dont l’article 1er proposait de : « tendre vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 50 % en excluant les émissions et absorptions associées à l’usage des terres et à la foresterie ». Ces 50 % se fondaient sur l’hypothèse que la France disposera en 2030 des capacités d’absorption nécessaires pour réduire ses émissions de 5 % supplémentaires et atteindre ainsi les objectifs européens. C’est le pari que faisait également le Haut Conseil pour le climat, dans son rapport annuel publié en septembre 2023.

D’autres acteurs auditionnés par la rapporteure estiment, pour leur part, que la réussite de l’objectif fondamental issu de l’accord de Paris nécessiterait un objectif intermédiaire de réduction des émissions brutes en 2030 plus ambitieux : à - 65 % pour Réseau Action climat et - 62,5 % pour Greenpeace.

Toutefois, soucieuse de donner à la stratégie française pour l’énergie et le climat des objectifs volontaristes mais qui restent réalisables, la rapporteure a choisi de rester sur la trajectoire arrêtée par l’Europe, tout en s’assurant qu’elle pourra être respectée, même avec un puits de carbone amoindri. De fait, un objectif de - 55 % de réduction des émissions brutes garantirait, dans tous les cas, l’atteinte des -55 % en net visés par l’Union européenne.

Cependant, les auditions ont montré qu’un objectif laissant croire qu’il n’y aurait plus de puits carbone net en 2035 enverrait un message négatif à ceux qui ont la responsabilité de préserver et régénérer ces capacités d’absorption et de stockage. La rapporteure a donc porté un amendement qui ramenait à 50 % l’objectif de réduction des émissions brutes (hors UTCAFT), tout en rappelant qu’il s’agit d’atteindre une baisse d’au moins 55 % en net (avec les compensations UTCAFT), ce qui obligeait à trouver les capacités de captation pour combler la différence.

  1.   REnforcer les objectifs énergétiques

Pour réussir ces nouvelles trajectoires de réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’article 1er propose d’augmenter les ambitions des principaux leviers de la lutte contre le réchauffement climatique. Les b à f du 2° modifient ainsi plusieurs des objectifs opérationnels donnés à la politique énergétique nationale par l’article L. 100-4 du code de l’énergie.

  1.   La réduction des consommations énergétiques
    1.   En termes de consommation finale

Le 2° de l’article L. 100-4 prévoit aujourd’hui de réduire la consommation énergétique finale ([21]) de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012, en visant les objectifs intermédiaires d’environ 7 % en 2023 et de 20 % en 2030.

Le b du 2° du présent article substitue à ces 20 % l’objectif intermédiaire d’un recul de la consommation énergétique finale d’au moins 30 % en 2030.

Selon la dernière édition des Chiffres clés de l’énergie ([22]), la consommation énergétique finale de la France s’est élevée à 1 532 TWh (données non corrigées) en 2022, répartis entre les transports (34 %), le secteur résidentiel (28 %), l’industrie (18 %), le tertiaire (17 %) et l’agriculture (3 %). En données corrigées des variations climatiques, cette consommation était de 1 588 TWh, en légère baisse par rapport à 2021 (- 1,6 %) ; mais elle a augmenté dans les transports et le tertiaire.

Globalement, la consommation énergétique finale s’est infléchie depuis 2002 ; son recul a été de 0,6 % en moyenne annuelle entre 2011 et 2022, à climat corrigé. Mais elle restait supérieure à la trajectoire prévue par l’actuelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour respecter les objectifs de la France (voir le propos introductif).

Au-delà du retard pris, on a vu précédemment qu’il est indispensable d’accentuer les efforts individuels d’économie d’énergie pour tenir le cap de la neutralité carbone et maîtriser la progression de la demande d’électricité.

Notons que le Gouvernement a lui-même fixé l’objectif de réduire de 30 % notre consommation d’énergie en 2030 par rapport à 2012 dans son projet de Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) présentée en novembre dernier (pages 40 et 44).

Cet axe de la politique énergétique passe par des actions visant à développer l’efficacité énergétique, notamment dans les secteurs des transports et du bâtiment, et la sobriété énergétique. En audition, RTE et Négawatt ont confirmé que cet objectif est ambitieux, mais tout à fait atteignable si on accentue les mesures structurelles de sobriété énergétique.

  1.   L’enjeu d’une rénovation énergétique ambitieuse des logements

Dans sa version actuelle, le 7° de l’article L. 100-4 donne l’objectif de « disposer d’un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments sont rénovés en fonction des normes « bâtiment basse consommation » ou assimilées, à l’horizon 2050, en menant une politique de rénovation thermique des logements concernant majoritairement les ménages aux revenus modestes ».

La proposition de loi ne revient pas sur cette cible mais le f du 2° de l’article 1er définit une trajectoire pour y parvenir : le rythme annuel de rénovation thermique des logements doit atteindre 370 000 rénovations énergétiques performantes, au sens de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation ([23]), sur la période 2024-2030, puis 900 000 sur la période 2030‑2050.

Ces rythmes sont très supérieurs à ceux constatés ces dernières années. Les travaux de la mission d’information sur la rénovation énergétique des logements ([24]) ont en effet montré qu’en 2022, sur les 670 000 logements rénovés grâce à MaPrimeRénov’, seules 65 939 rénovations globales ont été réalisées. Au total, sur 2021-2022, l’ANAH n’en recense que 176 067. De son côté, l’observatoire BBC d’Efinergie, créé en partenariat avec l’Ademe et le ministère de la transition écologique, ne dénombre qu’environ 331 000 logements engagés dans une rénovation basse consommation depuis le lancement du label BBC-Efinergie en rénovation en 2009.

Pour autant, l’atteinte de la rénovation performante complète du parc de logements en 2050 exige un rythme et une action plus volontaristes. Rappelons en effet que selon les Chiffres clés de l’énergie précités, au 1er janvier 2022, le parc de logements (résidences principales, secondaires ou logements vacants) comptait encore environ 7,2 millions de passoires thermiques (aux étiquettes F et G du diagnostic de performance énergétique) et que, dans son ensemble, le secteur du bâtiment représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre.

C’est le constat qu’en fait aussi le projet de SFEC (page 11) en fixant l’objectif de 200 000 rénovations « d’ampleur » dès 2024 et 900 000 en 2030, de même que le Haut Conseil pour le climat, qui préconisait, dès son premier rapport, de passer d’environ 70 000 rénovations globales effectuées annuellement (en moyenne sur la période 2012‑2018) à 370 000 par an dès 2022 et 700 000 par an à partir de 2030 – trajectoire reprise par la SNBC-II de 2020 (page 19 ([25])).

Les auditions menées par la rapporteure n’ont pas permis d’affiner sa proposition. Il reste que celle-ci rejoint celle du Gouvernement à partir de 2030. En outre, vu l’ampleur de la tâche, il lui semble risqué d’attendre l’échéance de 2030 pour lancer véritablement ces chantiers. Il importe enfin de remobiliser les ménages et les professionnels du secteur après les annonces formulées ces dernières semaines par le Gouvernement, comme la forte diminution du budget consacré à MaPrimeRénov’, principal dispositif de soutien à la rénovation thermique des logements, ou la réduction de l’ambition jusqu’alors affichée de favoriser la rénovation performante des bâtiments. Il convient de donner un cap ambitieux afin de contrecarrer le message de renoncement qu’elles traduisent et de responsabiliser l’État devant l’ampleur du défi à accomplir.

  1.   En termes de consommation primaire des énergies fossiles

Le 3° de l’article L. 100-4 prévoit de réduire la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40 % en 2030 par rapport à l’année de référence 2012, en modulant cet objectif par énergie fossile en fonction du facteur d’émissions de gaz à effet de serre de chacune.

Le c du 2° du présent article propose de relever la cible de 40 % à « au moins 50 % » Il ajoute la précision que « la trajectoire de réduction pour chaque énergie fossile est précisée par la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 ».

Cette dernière disposition donne un cap un peu plus directif que le 2° de l’article L. 141-2, qui prévoit que la PPE « peut identifier des usages pour lesquels la substitution d’une énergie à une autre est une priorité et indique des priorités de baisse de la consommation d’énergie fossile par type d’énergie en fonction du facteur d’émission de gaz à effet de serre de chacune ». Elle ne revient pas sur l’idée que les efforts de réduction sont modulés en fonction du poids carbone des sources d’énergie fossile, mais exige que la PPE définisse une trajectoire de réduction pour chacune.

De fait, les énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) sont la première cause du changement climatique d’origine anthropique, responsables de 75 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, et de 90 % des émissions de CO2.

En 2012, l’année de référence choisie par l’article L. 100-4, elles représentaient 49,3 % du mix énergétique français. Selon l’édition 2023 des Chiffres clés de l’énergie, le bouquet énergétique primaire réel de la France se composait encore d’environ 30 % de pétrole, 16 % de gaz naturel, et 3 % de charbon en 2022 ([26]), année où, il est vrai, les productions nucléaire et hydroélectrique ont fortement reculé. Mais en 2021 leurs parts respectives étaient encore de 28 %, 16 % et 3 %, soit un total de 47 %.

On a vu précédemment qu’il restait encore un saut important à réaliser pour rejoindre la trajectoire de la PPE-II en 2023, a fortiori pour remplir nos engagements sur les réductions d’émissions de gaz à effet de serre.

On relèvera que dans son projet de loi de souveraineté énergétique, le Gouvernement proposait de relever à 45 % l’objectif de baisse de la part des fossiles dans la consommation primaire d’énergie.

Selon le Secrétaire général à la planification écologique, cela suffirait à renverser les proportions entre énergies carbonées et énergies « décarbonées » dans la consommation finale d’énergie : la part des fossiles qui représenteraient aujourd’hui 58 % de cette consommation finale descendrait à 42 % (et les énergies « décarbonées » monteraient à 58 %). Cette inversion des proportions est une des cibles centrales du projet de SFEC (pages 7 et 19), et la contre-proposition du Gouvernement français à l’Union européenne sur les énergies renouvelables (voir le point suivant).

La proposition de loi est un peu plus ambitieuse. La rapporteure considère en effet que tous les gisements d’économies ne sont pas mis à contribution, en particulier dans les transports.

En effet, alors que le secteur des transports est le plus émetteur de gaz à effet de serre en France (32 % selon les données du SDES pour 2022) et constitue le premier secteur de consommation d’énergie finale dans le pays (34 % selon l’édition 2023 des « Chiffres clés de l’énergie » du ministère de la transition écologique), peu de propositions sont avancées dans le projet de SFEC.

En outre, à rebours des ambitions de la SNBC, les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien ne cessent de croître : pour la part domestique (incluant les trajets au sein de l’hexagone et avec l’Outre-mer), cette hausse est de 21 % entre 2022 et 2023 et le niveau atteint en 2023 dépasse désormais le niveau pré-crise de 2019 ([27]).

Il devient donc plus nécessaire que jamais de transformer durablement nos modes de déplacement et d’encourager la sobriété dans le transport aérien, mais aussi dans le transport routier de marchandises.

  1.   Le développement des énergies renouvelables

Le 4° de l’article L. 100-4 vise à porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 33 % au moins de cette consommation en 2030. Pour parvenir à cet objectif, les énergies renouvelables doivent représenter en 2030, notamment :

– au moins 40 % de la production d’électricité ;

– 38 % de la consommation finale de chaleur ;

– et 10 % de la consommation de gaz. L’article L. 100-4 précise que celle‑ci comprend la consommation de gaz renouvelable, dont le biogaz, au sens de l’article L. 445-1, et de gaz bas carbone, au sens de l’article L. 447-1.

Le d du 2° de l’article 1er propose de relever ces objectifs :

– le taux : « 33 % » est remplacé par le taux : « 44 % » ;

– le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 45 % » ;

– le taux : « 38 % » est remplacé par le taux : « 45 % » ;

– le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 15 % » et ne tient plus compte du gaz bas carbone dans la catégorie des gaz renouvelables.

  1.   La part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie

Comme on l’a vu précédemment, la directive européenne révisée sur les énergies renouvelables (RED III) fixe un objectif contraignant de 42,5 % d’énergies renouvelables dans la consommation européenne finale d’ici à 2030. La Commission européenne estime que cet objectif serait même de 44 % pour la France, contre 20,3 % atteint en 2022. La proposition de loi propose d’inscrire cette dernière cible de 44 % dans la loi.

La direction générale de l’énergie et du climat auditionnée par la rapporteure souligne que l’objectif de 44 % serait inatteignable en 2030. Le Gouvernement propose de considérer plutôt la part des énergies carbonées dans la consommation finale en visant une inversion des proportions actuelles en 2030 (voir le point précédent).

De fait, le projet de PPE/SFEC ne donne aucune cible globale pour les énergies renouvelables, seulement des cibles en valeur absolue (en volume de TWh) par filière énergétique, sans que l’on puisse calculer directement le pourcentage que donnerait l’addition de chacune de ces cibles.

Le Secrétaire général à la planification écologique a toutefois précisé à la rapporteure que notre pays ne serait pas capable d’atteindre 44 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale en 2030, sauf à recourir fortement aux ressources de la biomasse (comme combustible ou comme matière première pour la production de biogaz ou de biocarburant). Or, il est désormais crucial de modérer le recours énergétique à la biomasse – qui ne doit pas se faire au détriment de ses utilisations alimentaires ou comme puits de carbone.

Selon les estimations ministérielles, la France ne serait en mesure d’atteindre qu’un taux de 36 % en 2030.

La rapporteure prend acte de ces réserves et a donc porté un amendement pour modérer la cible proposée. Mais, considérant le retard pris par la France en la matière et n’étant pas en mesure d’apprécier si ces 36 % traduisent le maximum de la mobilisation que l’on peut attendre des responsables publics et des filières, elle s’est plutôt calée sur l’objectif acté par la directive RED III, de 42,5 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute. S’il s’avère difficile à atteindre, il acte la responsabilité de l’État et des élus dans la mise en œuvre des engagements internationaux de notre pays. Et il donne un cap fort aux filières.

  1.   La part des énergies renouvelables dans la production d’électricité

● Le projet de PPE/SFEC reste flou sur la proportion à viser pour 2030‑2035. Mais certaines indications permettraient de déduire les cibles hautes et basses :

– le projet envisage (pages 19 et 49) une trajectoire « basse » de développement de l’électricité d’origine renouvelable qui verrait la production d’électricité renouvelable s’accroître de + 96 TWh en 2030 et de + 197 TWh en 2035, grâce notamment à la mise en service de 18 GW d’éolien offshore, dont l’État attend une production supplémentaire de 69 TWh – à rapporter au total de 101 TWh en 2022 ;

– concernant la production d’électricité, le scénario central (présenté en page 19) vise une production de 560 TWh sur 2030-2035, contre 460 TWh en 2022, dans laquelle la part du renouvelable serait alors de 35 % en 2030 et 53 % en 2035.

Dans l’hypothèse haute du scénario A de RTE, d’une production à 640 TWh en 2035 (envisagé page 44), la part du renouvelable s’établirait à 46 % en 2035.

Au vu de ces projections, la proposition du présent article d’augmenter la proportion d’énergies renouvelables dans la production d’électricité nationale de 40 % à 45 % dès 2030 apparaît prématurée. C’est en effet la mise en production des nouvelles capacités d’éolien en mer qui assurera l’essentiel du bond ; mais leur mise en production ne se fera pas avant 2035.

Au demeurant, France Renouvelables a elle-même fait part de ses doutes quant à la capacité des filières de réussir à atteindre une proportion de 45 % d’électricité renouvelable en 2030.

Dans ces conditions, la rapporteure a proposé de ne plus modifier l’objectif inscrit dans la loi, qui est déjà de 40 %. La rapporteure appelle toutefois l’État, les élus et les filières à accélérer la mobilisation pour donner un véritable coup d’accélérateur à la production d’énergie renouvelable électrique afin de rattraper notre retard et tenir l’ambition de cet objectif.

● La proposition de loi ne définit aucun objectif de développement par filière de production d’électricité renouvelable, laissant à l’État la souplesse de déterminer les leviers à actionner, à l’exception de l’éolien en mer.

Pour cette filière, le e du 2° du présent article 1er propose simplement d’acter dans la loi les annonces du pacte éolien en mer négocié par le Gouvernement en 2018, à savoir un objectif portant « le volume total d’attribution des capacités installées de production à l’issue de procédures de mise en concurrence à au moins 20 gigawatts d’ici à 2030, afin d’atteindre une capacité installée d’au moins 18 gigawatts mise en service en 2035 ».

Le projet de PPE/SFEC a confirmé ces cibles, tout en annonçant que « pour sécuriser la trajectoire à 2035, la PPE prévoira notamment d’attribuer de l’ordre de 10 GW supplémentaires d’ici fin 2025, à l’issue de l’exercice de planification des quatre façades maritimes » (page 48).

  1.   La part des énergies renouvelables dans les consommations finales de chaleur et de gaz

● La chaleur représente 43 % de la consommation d’énergie en France, mais seuls 22,3 % sont assurés par des sources d’énergie renouvelable (source : Syndicat des énergies renouvelables – SER). Le SER préconise de doubler cette proportion d’ici 2030. Le présent article reprend cette proposition en portant la proportion cible à 45 % (au lieu des 38 % actuels).

Sur ce point, les annonces du projet de PPE//SFEC vont un peu plus loin, mais à l’horizon 2035, en envisageant de porter la consommation de chaleur renouvelable et de récupération de 183 TWh en 2021 à au moins 330 TWh, soit une multiplication par plus de deux (page 55).

Les services ministériels comme le Secrétaire général à la planification écologique n’ont pas jugé l’objectif intermédiaire de la proposition de loi incompatible avec leurs prévisions.

● L’objectif proposé pour la production de biogaz, portant sa part de 10 à 15 % de la consommation de gaz, n’a pas soulevé davantage de remarques de leur part.

De fait, cette cible coïncide avec celle envisagée par le projet de PPE/SFEC (qui porterait la production de 10,5 TWh par an en 2023 à 50 TWh en 2030, dont 44 TWh injecté dans le réseau de gaz – page 60).

Leur seule réticence a concerné la suppression de l’inscription du gaz bas carbone parmi le gaz renouvelable. Toutefois, non seulement le gaz bas-carbone, qui n’est pas produit à partir de sources d’énergie renouvelable (comme le méthane synthétique ou e-méthane par exemple), ne répond pas à la définition d’une énergie renouvelable ([28]), mais ses techniques de production sont loin d’être matures aujourd’hui et tendent à consommer beaucoup d’électricité en base.

  1.   La position de la commission

Outre un amendement rédactionnel (CE101), la commission des affaires économiques a adopté plusieurs amendements modifiant l’article 1er, en grande partie contre l’avis de la rapporteure :

– l’amendement CE17 de Mme Pic (SOC), qui repousse au 1er janvier 2025 l’échéance donnée par la loi pour l’adoption de la première loi de programmation quinquennale pour l’énergie et le climat ;

– les amendements identiques CE75 de Mme Bregeon (RE) et CE94 de M. Albertini (HOR), qui réécrivent le nouvel objectif général, donné à la politique énergétique nationale à l’article L. 100-1 du code de l’énergie, de réduction des émissions de gaz à effet de serre : plutôt que contribuer à un objectif compatible avec l’accord de Paris, la politique énergétique nationale doit « contribuer au respect des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, en cohérence avec l’effort mondial exigé par l’accord de Paris » ;

– les amendements identiques CE76 de Mme Bregeon (RE) et CE95 de M. Lamirault (HOR), qui ramènent, à l’instar de la proposition de la rapporteure, l’objectif de réduction des émissions brutes de GES (sans prendre en compte les puits de carbone) défini au 1° de l’article L. 100‑4 à 50 %, mais en supprimant l’inscription dans la loi de l’objectif européen d’une réduction d’au moins 55 % des émissions nettes (en prenant en compte les puits de carbone).

Le sous-amendement CE107 de M. Albertini (HOR) a renforcé le résultat attendu en revenant à l’idée de « réduire » au lieu de « tendre vers » et en précisant que l’objectif est d’« au moins 50 % » ;

– l’amendement CE59 de M. Armand (RE), soutenu par la rapporteure, qui donne un objectif supplémentaire de réduction de la consommation énergétique finale de 40 % pour 2040, tel que suggéré par l’un des groupes de travail sur la stratégie française pour l’énergie et le climat ;

– l’amendement CE78 de Mme Bregeon (RE), qui abaisse la cible, initialement proposée, de réduction des consommations d’énergies fossiles en 2030 d’au moins 50 % à « environ 45 % » ;

– les amendements identiques CE79 de Mme Bregeon (RE) et CE98 de M. Albertini (HOR), qui réécrivent entièrement le 4° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie afin de substituer aux grands objectifs relatifs aux énergies renouvelables un objectif global d’au moins 58 % de part d’énergies « décarbonées » dans la consommation finale en 2030 (avec une valeur brute cible de production d’électricité « décarbonée » en métropole continentale de 560 TWh).

Cette nouvelle approche n’exige donc pas de respecter l’objectif européen de 42,5 % de renouvelables dans notre consommation finale d’énergie ;

– avec l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement CE26 de Mme Pic (SOC), qui introduit à l’article L. 100-4 un objectif de développement des installations utilisant l’énergie cinétique des courants marins (les hydroliennes entre autres) pour atteindre une capacité installée de 1 GW d’ici à 2030 et de 5 GW d’ici à 2040 ;

– l’amendement CE82 de Mme Bregeon (RE), qui relève, avec l’avis favorable de la rapporteure, l’objectif d’attribution de nouvelles capacités d’éoliennes offshore à 26 GW d’ici 2034, au lieu de 20 GW en 2030.

Le sous-amendement CE109 de la rapporteure a, par ailleurs, rétabli le caractère contraignant (au lieu du simple « tendre vers » que proposait le CE82, auquel le sous-amendement se rattache) de l’objectif de 18 GW de capacités mises en service dès 2035, conformément au projet de SFEC soumis à consultation en novembre dernier ;

– l’amendement CE85 de Mme Bregeon (RE), qui rétablit le 5° de l’article L. 100-4, abrogé par la loi « Nouveau nucléaire » de 2023, afin d’acter, en premier lieu, le maintien en fonctionnement du parc nucléaire existant, sous réserve des exigences de sûreté nucléaire, et de programmer, en second lieu, la construction d’au moins 10 GWe de nouvelles capacités nucléaires d’ici 2026.

La commission des affaires économiques n’a pas souhaité répondre à la proposition de la rapporteure de trouver ensemble un compromis permettant de résoudre l’urgence immédiate du bouclage de l’approvisionnement en électricité en 2030‑2035, rejetant son sous‑amendement CE108 qui supprimait l’objectif de production du nouveau nucléaire ;

– l’amendement CE86 de Mme Bregeon (RE), qui ajoute à l’article L. 100‑4 l’objectif 5° bis d’« assurer la disponibilité d’installations permettant le retraitement et la valorisation des combustibles usés ». Le programme nucléaire du Gouvernement implique non seulement le maintien des installations existantes, mais aussi la construction de nouvelles ;

– l’amendement CE70 de M. Armand (RE), qui remplace les objectifs de sobriété et d’efficacité énergétique des bâtiments, définis par la proposition de loi en nombre de rénovations thermiques performantes à réaliser dans les prochaines années, par la fixation des volumes d’économies d’énergie à atteindre sur les dix prochaines années, mesurées par le dispositif des certificats d’économies d’énergie (article L. 221-1 du code de l’énergie), selon les trajectoires minimales et maximales des obligations d’économies d’énergie annuelles (exprimées en TWhc) ci-après :

Année

2026-2030

2021-2035

Minimum

1 250

1 250

Maximum

2 500

2 500

Ces cibles n’imposent pas d’éradiquer en priorité les passoires thermiques mais seulement de réduire l’impact carbone global du secteur des bâtiments ;

– l’amendement CE88 de Mme Bregeon (RE), qui repousse de 2030 à 2050 l’objectif d’autonomie énergétique des territoires ultramarins, à savoir leur capacité à s’approvisionner en énergie sans recourir aux importations ;

– l’amendement CE90 de Mme Bregeon (RE), qui substitue à l’objectif 11° de l’article L. 100-4, portant actuellement sur les capacités d’effacement de la consommation électrique, un objectif de développement de l’hydrogène bas‑carbone par électrolyse de 6,5 GW en 2030 ;

– enfin, l’amendement CE71 de M. Armand (RE), qui confirme au I bis de l’article L. 100 4 le « choix durable » du nucléaire dans le mix énergétique national et un niveau de capacités nucléaires installées d’au moins 63 GW « sous réserve des dispositions relatives à la sûreté nucléaire ».

On relève que plus des deux-tiers des modifications apportées sont directement issues du projet de loi dit de « souveraineté énergétique » présenté en décembre par le Gouvernement, puis retiré en janvier.

 

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Article 2
(article L. 311-5-3-1 [nouveau] du code de l’énergie et articles 1er, 22 et 39
de l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020)
Interdiction de l’exploitation d’une installation de production d’électricité à partir de charbon à compter du 1er janvier 2027

Adopté par la commission avec modifications

 

L’article 2 inscrit dans la loi l’interdiction de l’exploitation de toute installation de production d’électricité à partir de charbon située sur le territoire de France métropolitaine à partir du 1er janvier 2027.

I. LE DROIT EN VIGUEUR

  1.   LE DROIT DÉFINIT UN PLAFOND D’ÉMISSIONS APPLICABLE AUX INSTALLATIONS DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ À PARTIR DE COMBUSTIBLES FOSSILES

L’article L. 311-5-3 du code de l’énergie prévoit, depuis la loi Énergie climat de 2019 ([29]), que l’autorité réglementaire fixe un plafond d’émissions de gaz à effet de serre aux installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles situées sur le territoire métropolitain continental qui émettent plus de 0,55 tonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure (tCO2e/MW).

Concrètement, il induit un nombre maximal d’heures de fonctionnement par an, qui varie selon leurs niveaux d’émissions.

Ce plafond vise à contribuer aux objectifs définis aux 1° et 3° du I de l’article L. 100‑4 du code de l’énergie, à savoir l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050, avec une réduction intermédiaire de 40 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) entre 1990 et 2030, ainsi que la diminution de la consommation énergétique primaire des énergies fossiles de 40 % d’ici 2030 par rapport à l’année de référence 2012. Ce plafond a également pour objectif de faire respecter le budget carbone national prévu à l’article L. 222-1 A du code de l’environnement (voir le propos introductif).

Un décret n° 2019-1467 ([30]) a été pris le 26 décembre 2019 en application de l’article L. 311-5-3. Codifié à l’article D. 311-7-2 du code de l’énergie, il a fixé le plafond annuel de gaz à effet de serre pour chacune de ces installations à 0,7 KtCO2e/MW par an et par mégawatt de puissance installée, soit un seuil d’environ 700 heures de fonctionnement par an et par centrale s’agissant des centrales à charbon – ou l’équivalent de 29 jours dans l’année (source : ministère de la transition écologique).

En limitant fortement leur durée annuelle d’exploitation et, par suite, leurs perspectives de rentabilité, ce décret a entraîné l’arrêt définitif de deux des quatre dernières centrales à charbon alors en activité en France métropolitaine : celle de Gardanne (Bouches-du-Rhône) et du Havre (Seine-Maritime), ce qui était le but explicitement recherché.

  1.   DES DÉCRETS SONT VENUS ASSOUPLIR LE PLAFOND D’ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE INITIALEMENT FIXE

Depuis, toutefois, trois décrets ont été pris ([31]), entre le 5 février 2022 et le 23 août 2023, pour relever le plafond de 0,7 KtCO2e/MW. Décidés dans un contexte d’urgences multifactorielles, ces assouplissements ont eu pour conséquence de maintenir et d’augmenter l’activité de la centrale à charbon de Cordemais (en Loire-Atlantique) et de relancer celle de Saint-Avold (en Moselle), initialement fermée depuis le 31 mars 2022.

Par trois fois, ils ont repoussé la date de rétablissement du plafond d’émissions initialement fixé.

  1.   Le décret du 5 février 2022 : un assouplissement des plafonds en réponse aux défis de la corrosion sous contrainte et de la crise sanitaire

En raison de la faible disponibilité du parc électronucléaire provoquée par des problèmes techniques de corrosion sous contrainte et des retards, engendrés par la crise sanitaire, dans la mise en œuvre du programme de maintenance, RTE avait placé l’hiver 2021-2022 sous vigilance renforcée.

Se fondant sur l’obligation d’assurer la sécurité d’approvisionnement, mentionné au 2° de l’article L 100-1 du code de l’énergie, le décret du 5 février 2022 a relevé le plafond d’émissions, l’augmentant pour l’hiver (à 1 Kt CO2e/MW) puis le réduisant progressivement en prévoyant un retour au niveau initial de 0,7 Kt CO2e/MW au 1er janvier 2023.

  1.   Les décrets du 14 septembre 2022 et du 23 août 2023 : un nouvel assouplissement des plafonds en réponse à la crise énergétique engendrée par la guerre en Ukraine

Cependant, deux nouveaux décrets ont été pris, en application de l’article 36 de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, afin de faire face aux difficultés d’approvisionnement liées à la guerre en Ukraine.

Portant le plafond à 3,1 kt CO2e/MW sur la période de mars 2022 à mars 2023, le décret du 14 septembre 2022 prévoyait de rétablir le plafond initial au 1er janvier 2024. Mais la dérogation a été prolongée par le décret du 23 août 2023 avec une date de retour au plafond d’émissions initial fixée au 1er janvier 2025.

Des mesures de compensation sont prévues.

L’article 1er du décret n° 2022-1233 a également précisé, à l’article D. 311-7-3 du code de l’énergie, les conditions d’exploitation que doivent respecter les exploitants des installations concernées et a défini la compensation due au titre des émissions de GES générées par l’activité des centrales au-delà des plafonds d’émissions fixés.

Ces compensations peuvent se présenter sous forme de projets visant à réduire les émissions de GES ou à augmenter l’absorption de CO2 sur le territoire français. Le montant libératoire de compensation pour les projets concernés est fixé à 40 €/t CO2 émis. Le décret du 23 août 2023 a relevé le montant libératoire à 50 €/t CO2e émis.

Cette obligation de compensation s’ajoute aux exigences de restitution de quotas dans le cadre du marché carbone européen.

  1.   LE DROIT PRÉVOIT UN ACCOMPAGNEMENT DES SALARIÉS AFFECTÉS PAR LA FERMETURE DES CENTRALES

En parallèle, l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon a mis en place un dispositif spécifique d’accompagnement pour les salariés affectés par la décision de fermeture des centrales électriques à charbon.

Ces mesures concernent à la fois les salariés des entreprises exploitant les installations de production d’électricité (article 1er), le personnel portuaire régi par une convention collective nationale unifiée ports et manutention (article 22) et les salariés de l’ensemble de la chaîne de sous-traitance (article 39).

  1.   Les dispositions de la proposition DE LOI
    1.   LA PROPOSITION DE LOI VISE À INTERDIRE L’EXPLOITATION D’INSTALLATIONS DE PRODUCTION D’ÉLECTRICITÉ À PARTIR DE CHARBON À COMPTER DU 1ER JANVIER 2027

Le présent article 2 propose d’insérer, dans le code de l’énergie, un article L. 311-5-3-1 interdisant totalement, à compter du 1er janvier 2027, l’exploitation des installations de production d’électricité à partir de charbon sur le territoire métropolitain continental.

De fait, en disposant que « les valeurs limites d’émission sont fixées par décret », l’article L. 311-5-3 laisse aujourd’hui à l’exécutif la faculté de réactiver et d’augmenter, selon son appréciation, l’activité des centrales à charbon. Ce choix, fait par le Gouvernement en 2022 et 2023, est révélateur de l’insuffisance de sa politique de transition énergétique. Un développement plus volontariste de l’électricité renouvelable aurait permis de pallier la chute de la production nucléaire et aurait évité que soient relancées des centrales à charbon, que le Président de la République avait lui-même promis de fermer.

Le Président de la République a réitéré cette promesse le 25 septembre dernier, au même horizon de 2027 que celui retenu par la proposition ([32]).

Cette promesse doit désormais se traduire en actes, et ce de manière pérenne. En inscrivant dans la loi l’interdiction de la production d’électricité à partir du charbon, il sera impossible en effet pour l’exécutif de réactiver, en jouant sur les plafonds d’émissions, l’activité des centrales à charbon.

  1.   Interdire l’activité des centrales à charbon est cohérent avec nos engagements de réduction des émissions de GES

Il est en effet particulièrement irresponsable de continuer à brûler la plus désastreuse des énergies fossiles.

La production d’électricité au charbon est la méthode la plus néfaste pour le climat. Le charbon brûlé émet 2,2 fois plus de carbone que le gaz naturel ([33]). Les centrales thermiques au charbon libèrent par ailleurs, dans l’air et les cours d’eau, du dioxyde de soufre, de l’oxyde d’azote, des particules fines et du mercure qui sont préjudiciables pour l’environnement et la santé humaine.

En 2020, la production d’électricité en France par le charbon représentait moins de 1,2 % de la consommation nationale d’électricité mais environ 30 % des émissions de GES du secteur électrique ([34]).

En fermant les deux centrales à charbon encore en activité, on peut espérer une baisse de près de 10 MtCO2e/an ([35]).

  1.   Interdire l’activité des centrales à charbon s’inscrit dans une stratégie plus globale de planification énergétique

L’interdiction de l’activité des centrales à charbon n’est pas envisagée en faisant abstraction de la sécurité d’approvisionnement. Elle s’inscrit dans une stratégie de planification énergétique globale et actualisée.

Une stratégie énergétique respectant les objectifs rehaussés à l’article 1er de la proposition de loi (voir le commentaire correspondant) permettra en effet de mieux anticiper les besoins énergétiques afin d’assurer leur couverture en se dispensant des centrales à charbon :

– une action volontariste et des objectifs ambitieux d’efficacité et de sobriété énergétique permettront de faire baisser la consommation individuelle d’électricité, de modérer une partie de l’augmentation de la consommation d’électricité induite par l’électrification des usages et de réduire en conséquence les besoins de flexibilité ;

– parallèlement, le déploiement des énergies renouvelables réduira d’autant le besoin de recourir aux autres formes de production d’électricité.

Il est vrai que, dans un contexte où les nouvelles capacités nucléaires promises ne seront pas disponibles en 2030-2035, et où la consommation d’électricité est vouée à s’accroître dans les prochaines années, comme le montrent tous les scénarios de l’Ademe ([36]) et de RTE (voir le propos introductif), il est nécessaire de consolider notre flexibilité énergétique.

Mais une flexibilité bien gérée à l’échelle du réseau électrique permettra d’éviter, au minimum, les recours ponctuels aux centrales thermiques.

Comme expliqué par RTE lors de son audition, les flexibilités peuvent être courtes ou longues :

– les flexibilités courtes reposent notamment sur le stockage (avec les batteries en particulier) ;

– les flexibilités longues reposent quant à elles sur le maintien et le développement de moyens de production pilotables permettant de répondre aux pics de consommation. Cela peut passer par des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) ou encore par le gaz. De fait, plusieurs acteurs auditionnés ont souligné qu’il sera difficile, dans un avenir immédiat, de se passer de la production d’électricité à partir du gaz pour assurer le bouclage entre l’offre et la demande. Toutefois, la présente proposition de loi porte aussi un objectif volontariste de développement du gaz renouvelable, qui pourra venir en substitution du gaz naturel.

Enfin, des capacités énergétiques supplémentaires pourraient découler de la reconversion des centrales à charbon vers un autre combustible ou un autre usage, à laquelle la rapporteure n’est pas opposée par principe. Il est cependant indispensable que ces reconversions soient acceptables d’un point de vue environnemental, économique et social. Le délai de 2027 laisse un peu de temps pour définir l’avenir des installations elles-mêmes. Toutefois, il importe de ne pas laisser perdurer les incertitudes trop longtemps afin que les acteurs du secteur, et leurs salariés, puissent s’adapter sereinement à ces transitions.

  1.   LA PROPOSITION DE LOI AJUSTE L’ORDONNANCE N° 2020-921 DU 29 JUILLET 2020

Comme mentionné supra, l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 porte des mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon, qui ont vocation à s’appliquer aux salariés impactés par les prochaines fermetures.

Toutefois, celles-ci seraient fondées sur le nouvel article L. 311-5-3-1 du code de l’énergie, créé par la présente proposition de loi, alors que les dispositifs actuels se réfèrent à l’article L. 311-5-3.

Il convient donc d’ajouter la référence au L. 311-5-3-1 du code de l’énergie pour s’assurer que tous les acteurs mentionnés seront bien inclus dans les dispositifs d’accompagnement.

  1.   La position de la commission

Avec l’avis favorable de la rapporteure, la commission des affaires économiques a adopté l’amendement CE50 de M. Laisney (LFI-Nupes) prévoyant que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant la possibilité d’appliquer aux salariés des entreprises sous-traitantes des centrales à charbon appelées à fermer les mêmes mesures d’accompagnement social que celles prévues pour les salariés de ces centrales.

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Article 3
(articles L. 111-9, L. 111-12, L. 132-6, L. 142-1 et L. 142-2 [abrogé] du code minier)
Anticipation de l’arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures et du charbon en France

Supprimé par la commission

 

L’article 3 prévoyait d’accélérer l’arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures et du charbon en France.

 

I. LE DROIT EN VIGUEUR : un arrêt de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures en France qui ne sera « complet » qu’en 2040

  1.   Des cessations d’activités échelonnées sur plusieurs décennies

Promulguée le 30 décembre 2017, la loi n° 2017-1839 ([37]), dite loi « Hydrocarbures », a acté l’arrêt de la délivrance de nouveaux titres miniers autorisant la prospection ou l’extraction des hydrocarbures liquides ou gazeux et la mise en extinction progressive des titres existants.

La décision d’arrêter ces activités, posée à l’article L. 111-6 du code minier, concerne aussi le charbon. Ses modalités, définies aux articles L. 111-4 et suivants, s’appliquent à l’ensemble du territoire national, métropolitain comme ultramarin, ainsi qu’aux mers et océans sous souveraineté française, qu’il s’agisse du domaine public maritime ou du fond de la mer et du sous-sol des zones économiques exclusives et des plateaux continentaux ([38]) (article L. 111-8 du code minier).

En tout état de cause, hormis l’interdiction d’exploiter les hydrocarbures connexes ([39]) à un gisement faisant l’objet d’un titre d’exploitation pour une autre substance (article L. 111-6), la loi Hydrocarbures ne prévoit aucune cessation d’activités immédiate, ni anticipation d’échéance, pas même s’agissant des travaux de recherches.

En outre, les échéances varient selon les cas et peuvent être éloignées. L’article L. 111-9 du code minier dispose bien que ne sont plus accordés :

– de nouveaux permis exclusifs de recherches ou autorisation de prospections préalables en vue de la recherche, y compris à des fins expérimentales, portant sur les hydrocarbures ou le charbon ;

– ni nouvelles concession en vue de l’exploitation de ces mêmes substances (en-dehors du cas évoqué ci-après).

Le régime de droit commun des autorisations à rechercher ou exploiter les substances de mine

Le code minier distingue deux étapes opérationnelles : l’exploration et l’exploitation, chacune nécessitant un titre spécifique, dans la plupart des cas, puis l’obtention d’une autorisation administrative pour l’ouverture des travaux (en cas de dangers ou d’inconvénients graves, notamment pour la santé publique ou l’environnement cf. les articles L. 161-1 et L. 162-1).

Pour la première étape, le titre le plus fréquent est le « permis exclusif de recherches » (PER). Il assure à son titulaire le monopole des travaux de prospection dans le périmètre défini par le titre et le droit de disposer librement des produits extraits. Le PER est accordé par arrêté du ministre chargé des mines pour une durée initiale maximale de cinq ans renouvelable deux fois (article L. 142-1).

Il peut aussi s’agir, dans certains cas, d’une « autorisation de prospection préalable », qui ne confère aucune exclusivité et s’applique uniquement à la recherche sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive.

Une fois les opérations d’exploration achevées, l’explorateur peut demander une autorisation (appelée « concession ») pour exploiter les substances découvertes. La concession est accordée par décret en Conseil d’État pour une durée maximale de cinquante ans (article L. 132-11). Elle peut faire l’objet de prolongations successives, chacune d’une durée inférieure ou égale à vingt-cinq ans (article L. 142-7).

Mais le même article L. 111-9 prévoit des aménagements au principe ainsi fixé. Restent donc possibles :

– la prolongation d’un permis exclusif de recherches portant sur les hydrocarbures ou le charbon, conformément aux articles L. 142-1 et L. 142-2.

Ne faisant pas de distinction entre les substances de mine recherchées, le premier article précise que chacune des deux prolongations possibles pour un PER est de droit, soit pour une durée au moins égale à trois ans, soit pour la durée de validité précédente si cette dernière était inférieure à trois ans, à condition que le titulaire ait satisfait à ses obligations et souscrit à certains engagements financiers.

L’article L. 142-2 ne concerne que les permis exclusifs de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux, prévoyant que la superficie couverte par le PER est réduite de moitié lors du premier renouvellement, puis du quart de la surface restante lors du deuxième. L’administration peut cependant accorder une prolongation « exceptionnelle » de trois ans supplémentaires sans réduction de surface si des événements ont perturbé le déroulement du programme de travaux, indépendamment de la volonté du titulaire du permis.

Un permis exclusif de recherche peut ainsi être prolongé de dix voire treize années au-delà de sa première échéance ;

– la prolongation d’une concession portant sur les hydrocarbures ou le charbon pour une durée dont l’échéance n’excède pas le 1er janvier 2040.

Une concession qui arriverait à son échéance en 2024 ne peut plus être prolongée d’une durée supplémentaire, elle-même prolongeable, pouvant aller jusqu’à 25 ans. Elle pourrait néanmoins être poursuivie de 15 années supplémentaires ;

– enfin, l’octroi d’une concession au titulaire d’un permis exclusif de recherches portant sur les hydrocarbures ou le charbon.

La loi Hydrocarbures n’a en effet pas remis en cause le « droit de suite » ou « privilège de l’inventeur » qui est reconnu par l’article L. 132-6 du code minier.

Celui-ci garantit au titulaire d’un PER l’exclusivité, pendant la durée de validité du permis, pour demander une concession portant, à l’intérieur du périmètre du titre d’exploration, sur des substances mentionnées par lui (quelles qu’elles soient).

Jusqu’à la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, l’article L. 132-6 lui reconnaissait également le droit à obtenir cette concession sous la seule condition de présenter les capacités techniques et financières pour mener les travaux correspondants.

Depuis cette même loi, le titulaire d’un PER reste seul à pouvoir présenter, sans mise en concurrence, une demande de concession pour exploiter les substances qu’il a trouvées. Et s’il n’a plus de droit à l’obtenir, le dépôt d’une demande de titre exclusif d’exploitation avant l’expiration de son titre de recherches, lui vaut d’être reconnu comme l’inventeur du gisement concerné. Il peut alors être indemnisé s’il n’obtient pas le titre d’exploitation : la décision accordant ce titre à un autre opérateur doit fixer l’indemnité qui lui est due par ce concessionnaire. Cette disposition de l’article L. 132-7 vise à compenser la perte de ses perspectives de valoriser ses investissements initiaux.

En l’état actuel du droit, le titulaire d’un PER portant sur des hydrocarbures ou du charbon peut ainsi obtenir une concession pour les exploiter. L’article L. 11112 limite cependant la durée des concessions attribuées en application de l’article L. 132-6 : elles ne peuvent permettre de dépasser léchéance du 1er janvier 2040 « sauf lorsque le titulaire du permis exclusif de recherches démontre à l’autorité administrative que la limitation de la durée de la concession induite par cette échéance ne permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d’exploitation, en vue d’atteindre l’équilibre économique, par l’exploitation du gisement découvert à l’intérieur du périmètre de ce permis pendant la validité de celui-ci ». Dans ce dernier cas, l’autorité administrative fixe les modalités de prise en compte des coûts de recherche et d’exploitation dans un décret en Conseil d’État.

Notons enfin que l’article 3 de la loi Hydrocarbures dispose que toutes les demandes de titres déposées postérieurement à sa publication sont soumises à cette loi, de même que les demandes déposées avant cette date sous réserve de décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée enjoignant à ladministration de procéder à la délivrance ou dautoriser la prolongation de lun de ces titres.

  1.   Des titres actifs encore nombreux

La production pétrolière nationale est très marginale, ne représentant que 1 % de la consommation française (soit 0,8 tonne sur 77 millions tonnes équivalent pétrole – tep ([40])). Mais elle correspond encore à 64 gisements pétroliers et gaziers en exploitation aujourd’hui, principalement dans le Bassin aquitain et dans le Bassin parisien.

Conformément à l’article 11 de la loi Hydrocarbures, une liste des titres miniers en cours de validité ([41]) et une carte ([42]) présentant leur périmètre sur le territoire national sont publiées depuis le 15 mars 2018 sur le site du ministère chargé de l’énergie, et régulièrement actualisées.

Selon la dernière actualisation, en date du 1er janvier 2024, on recense :

– 7 permis exclusifs de recherches actifs, dont 2 qui font l’objet d’une demande de prolongation et 2 d’une demande de concession ;

– 64 concessions, dont 5 faisant l’objet d’une demande de prolongation.

8 titres d’exploitation ont une échéance supérieure au 1er janvier 2040, dont une allant jusqu’en 2054 ; et 9 ont déjà été prolongés jusqu’au 1er janvier 2040.

Enfin, 3 demandes de concession sont en cours d’instruction depuis, selon les cas, un ou cinq ans.

Par rapport aux chiffres connus à l’époque de l’examen du projet de loi Hydrocarbures, on constate une forte baisse du nombre de PER : on dénombrait 31 permis actifs pour les hydrocarbures conventionnels, dont 19 faisaient l’objet d’une demande de prolongation, sans compter les 43 demandes d’octroi au 1er juillet 2017.

Concernant les concessions en revanche, il y a une légère augmentation puisqu’on recensait 63 titres en cours de validité au 1er juillet 2017, avant exercice d’un éventuel droit de suite des titulaires de PER.

II. Les dispositions de la proposition DE LOI

  1.   L’accélération de la fin des titres d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures
    1.   La fin des aménagements au principe d’un arrêt de la recherche et de l’exploitation

Le 1e du présent article 3 propose de supprimer tous les aménagements prévus par l’article L. 111-9 du code minier s’agissant des titres relatifs aux hydrocarbures ou au charbon. Ne seraient désormais plus possibles :

– l’octroi d’une concession, « y compris dans le cas prévu à l’article L. 1326 ».

Le titulaire d’un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures ou de charbon ne pourrait donc plus demander de concession au nom du privilège de l’inventeur, qui est maintenu pour les titres relatifs aux autres substances ;

– la prolongation d’une concession.

La disposition ne met pas fin aux concessions en cours de validité. Mais elle interdit de les prolonger au-delà de leur échéance actuelle. Cela concernerait les 46 concessions qui peuvent, aujourd’hui, espérer une prolongation jusqu’au 1er janvier 2040 ;

– enfin, la prolongation d’un permis exclusif de recherches « par dérogation à l’article L. 142-1 », qui définit le droit à prolongation des PER.

Cette interdiction est confirmée par l’ajout d’une disposition-miroir à l’article L. 142-1 refusant explicitement le droit à prolongation aux titres de recherches relatifs aux hydrocarbures et au charbon (4° de l’article 3).

Ce droit n’est évidemment pas remis en cause pour les titres relatifs aux substances autres.

Enfin, en cohérence, le 5° de l’article 3 abroge l’article L. 142-2 (qui prévoit la réduction progressive des périmètres des PER d’hydrocarbures au fil de leurs renouvellements), devenu sans objet ; et la référence à cet article est supprimée à l’article L. 132-6 par le 3° de l’article 3.

  1.   La cessation anticipée des concessions accordées au nom du privilège de l’inventeur depuis le 31 décembre 2017

Le 2° de l’article 3 va plus loin en prévoyant de ramener au 1er janvier 2027 l’échéance des concessions accordées en application de l’article L. 132-6 (le privilège de l’inventeur) depuis le 31 décembre 2017.

Les concessions accordées auront permis de rentabiliser les investissements de leurs titulaires pendant plusieurs années. En outre, l’article L. 111-7 du code minier offre la possibilité aux exploitants d’hydrocarbures ou de charbon de demander la reconversion de leur titre pour le transformer en titre d’exploitation d’une autre substance, ou pour un autre usage du sol (géothermique par exemple), si cette substance ou cet usage est connexe au gisement initialement exploité.

Toutefois, après analyse plus approfondie des risques, notamment constitutionnels, entraînés par cette anticipation des échéances, la rapporteure a finalement proposé de supprimer cette disposition.

  1.   Le maintien Des dérogations de bon sens

Les propositions qui précèdent visent à mettre fin à des aménagements trop conciliants, qui contribuent à maintenir les activités d’exploration ou d’exploitation des hydrocarbures et du charbon bien au-delà des échéances en vigueur.

Toutefois, certains dispositifs autorisant de telles activités méritent d’être conservés :

– la dérogation perpétuelle prévue au premier alinéa de l’article L. 111‑6 pour le gaz de mine, communément appelé « grisou » et défini à l’article L. 111-5 comme « le gaz dont la récupération s’effectue sans intervention autre que celles rendues nécessaires pour maintenir en dépression les vides miniers contenant ce gaz, afin de l’aspirer ».

Il se distingue du « gaz dont la récupération nécessiterait la mise en œuvre d’actions de stimulation, cavitation ou fracturation du gisement », ou gaz de couche ou de schiste, totalement interdit depuis la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

L’exception accordée au gaz de mine répond à un impératif de sécurité. En effet, à l’arrêt de l’exploitation d’une mine de charbon, le grisou, qui est principalement constitué de méthane, continue à remonter à travers le réseau des vides laissés par les travaux miniers, s’ils ne sont pas ennoyés, avec un risque d’explosion bien connu ;

– et l’exception à l’interdiction d’exploiter les hydrocarbures connexes au gisement d’une autre substance. Le dernier alinéa du même article L. 111-6 prévoit que l’exploitant est autorisé « à intégrer ces hydrocarbures dans un processus industriel dès lors que leur extraction est reconnue comme le préalable indispensable à la valorisation des substances sur lesquelles porte le titre d’exploitation ou qu’elle résulte d’impératifs liés à la maîtrise des risques ». Interdire cette récupération reviendrait en effet à empêcher l’exploitation de l’autre substance.

Il reste que la valorisation éventuelle des hydrocarbures est « strictement limitée à un usage local, sans injection dans un réseau de transport ou liquéfaction ».

Il s’agit d’exceptions de bon sens.

  1.   La position de la commission

Contre l’avis de la rapporteure, la commission des affaires économiques a adopté les amendements CE11 de M. Meizonnet (RN) et CE83 de Mme Bregeon qui suppriment l’article 3.

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Article 4
Gage financier

Adopté par la commission sans modification

L’article 4 insère un gage classique en créant une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services, afin d’assurer la recevabilité financière de la proposition de loi au titre de l’article 40 de la Constitution.


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 27 mars 2024, la commission a examiné la proposition de loi visant à instaurer de nouveaux objectifs de programmation énergétique pour répondre concrètement à l’urgence climatique (n° 2228) (Mme Julie Laernoes, rapporteure).

M. le président Stéphane Travert. Tout comme la proposition de loi visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs, soumise à notre commission hier, le texte que nous examinons aujourd’hui figure à l’ordre du jour des séances réservées au groupe Écologiste-Nupes, le jeudi 4 avril.

Je laisserai la rapporteure présenter les dispositions de ce texte, qui a fait l’objet de 107 amendements.

Je m’arrêterai seulement sur l’article 1er, qui vise à rehausser les objectifs de la politique énergétique. En effet, celui-ci a donné lieu à la plus grande partie des amendements déposés. De plus, la plupart des 20 amendements que j’ai dû déclarer irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution portent sur cet article. Ses dispositions ne modifient que deux articles du code de l’énergie : l’article L. 100-1, qui définit les objectifs de la politique énergétique nationale, et l’article L. 100-4, qui précise ces objectifs pour répondre à l’urgence écologique et climatique. Les dispositions de la proposition de loi portant exclusivement sur les objectifs de la politique énergétique, je n’ai pu retenir les amendements concernant les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre.

Enfin, un amendement ayant été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, il nous reste 86 amendements à examiner.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je tiens d’abord à vous remercier, chers collègues, pour vos propositions d’amendements nombreuses et sérieuses. Celles-ci démontrent notre volonté commune et notre impatience de pouvoir débattre de la programmation énergétique, afin de définir de façon démocratique notre feuille de route pour sortir des énergies fossiles et répondre à la crise climatique, tout en garantissant un approvisionnement en énergie suffisant pour tous nos compatriotes.

Nous sommes impatients car le projet de loi de programmation quinquennale sur l’énergie et le climat (LPEC) se fait toujours attendre, alors qu’il aurait dû être débattu et adopté par le Parlement avant l’été 2023. L’examen a été plusieurs fois annoncé puis reporté, avant que la programmation ne fasse l’objet d’un volet particulier de l’avant-projet de loi sur la souveraineté énergétique, finalement retiré de cet avant-projet en janvier 2024.

Les récentes annonces du Premier ministre concernant le lancement d’un grand débat public sur la stratégie française pour l’énergie et le climat repoussent encore de plusieurs mois toute perspective d’examen d’une loi de programmation.

Certes, la consultation est toujours légitime sur des sujets aux conséquences si nombreuses, mais ces temps d’échange ont déjà eu lieu au cours des deux dernières années. Fin 2021, une première concertation publique volontaire a été lancée sur la stratégie française sur l’énergie et le climat. Puis, une nouvelle consultation a été menée fin 2022, sous la tutelle de la Commission nationale du débat public (CNDP). À cette occasion, plus de 31 000 contributions ont été recueillies. Un « tour de France des régions » et un forum des jeunesses ont également été organisés.

Plus récemment, sept groupes de travail représentant la société civile, les collectivités territoriales et les parlementaires – auxquels nous sommes plusieurs à avoir participé – ont travaillé en bonne intelligence, pendant plus de six mois, pour trouver un consensus et faire émerger des propositions concrètes, qui ont été soumises à la consultation le 22 novembre dernier.

À présent, le débat doit avoir lieu lors de l’examen d’une loi, pour permettre le plein exercice démocratique, déterminer de nouveaux objectifs mais aussi la programmation des moyens d’action. Si notre pays ne peut se passer encore longtemps de cette loi de programmation énergétique d’un point de vue légal, il s’agit aussi d’un impératif en matière de climat, d’économie et de souveraineté.

Nous avons pris du retard pour atteindre les cibles actuelles, qu’il s’agisse du rythme annuel de baisse des émissions de gaz à effet de serre ou du développement des énergies renouvelables. Mais surtout, nos objectifs définis à l’article L. 100-4 du code de l’énergie sont devenus obsolètes compte tenu de l’indispensable relèvement de l’ambition climatique. Ainsi, certains objectifs-cibles ont été fixés il y a dix ans, alors que la dégradation climatique s’accélère et que l’Union européenne (UE) a fermement renforcé ses exigences.

Plus largement, une tendance au recul des ambitions écologiques semble se développer au niveau international, alors que les scientifiques du monde entier continuent d’alerter sur l’urgence et exhortent nos pays développés à passer à la vitesse supérieure.

Ce n’est pas le moment de faire une pause en matière d’engagement, et plus nous tarderons à relever les ambitions de nos objectifs intermédiaires, plus les efforts à fournir pour atteindre la neutralité carbone en 2050 seront importants et difficiles. Non seulement l’absence de loi nous fait perdre un temps précieux à cet égard, mais elle a d’ores et déjà des répercussions concrètes sur la mise en œuvre de la transition écologique et énergétique dans notre pays.

En effet, faute de cap clair validé de façon démocratique, les investisseurs et porteurs de projet ne peuvent identifier les axes qui seront privilégiés par l’État à moyen et long termes et les industriels, comme les autres professionnels, sont confrontés au manque de lisibilité des perspectives de développement des filières dans les secteurs des énergies renouvelables, de la rénovation énergétique, du renforcement et de l’adaptation des réseaux et de la maîtrise des consommations énergétiques. Les collectivités locales ne sont pas non plus en mesure d’évaluer l’ampleur des efforts à fournir.

Cette absence de loi quinquennale bride donc tous les acteurs. Ils dépendent du cap que nous devons nous fixer et attendent de se mobiliser massivement afin de relever les défis de demain.

Cette situation ne peut perdurer et je sais qu’une grande majorité d’entre nous partage l’idée qu’il est nécessaire de pouvoir rapidement débattre et légiférer sur une loi de programmation. J’ai donc décidé d’employer notre droit d’initiative parlementaire et de vous présenter cette proposition de loi.

Avec ce texte, je propose de traduire nos engagements internationaux et européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030, et de renforcer nos objectifs énergétiques pour répondre aux nouvelles ambitions de baisse des émissions.

Ainsi, l’article 1er prévoit de réviser sans plus attendre l’objectif actuel de 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030, en lui substituant l’objectif du paquet européen Fit for 55, qui vise une baisse de 55 % des émissions nettes.

Ce même article prévoit également d’accélérer le rythme de baisse de la consommation d’énergie et d’accélérer la sortie des énergies fossiles, en proposant de baisser de 30 % notre consommation et de diviser par deux notre utilisation des énergies fossiles.

De plus, en cohérence avec la directive européenne RED III, l’article prévoit de rehausser nos objectifs en matière de développement des énergies renouvelables, pour rattraper notre retard considérable en la matière et accélérer la fin de notre dépendance aux énergies fossiles.

Enfin, l’article définit une trajectoire annuelle de rénovation énergétique des logements, pour donner un cap ambitieux aux filières professionnelles et faire en sorte que l’État s’engage de façon crédible et sur le temps long, mais aussi pour en finir avec le stop and go qui ralentit ce chantier crucial pour la transition énergétique.

L’article 2 propose une interdiction totale de la production d’électricité à partir du charbon sur notre sol à l’horizon 2027, conformément à la promesse formulée par le Président de la République le 25 septembre 2023, qui doit désormais se traduire en actes, de manière pérenne.

En 2020, la production d’électricité utilisant le charbon représentait moins de 1,2 % de la consommation nationale, mais générait environ 30 % des émissions du secteur électrique. Il serait donc particulièrement irresponsable de repousser l’échéance de la fermeture de ces centrales et de continuer à brûler la plus désastreuse des énergies fossiles.

Enfin, l’article 3 propose d’accélérer la fin des titres d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures, pour cesser au plus vite les forages pétrogaziers sur notre territoire.

Je suis consciente qu’il est peu commun de présenter un tel texte à l’occasion d’une niche parlementaire. Néanmoins, avec l’ensemble des députés du groupe Écologiste, nous considérons qu’il est de notre responsabilité de parlementaires d’engager ce débat structurant sur l’énergie, qui constitue la pierre angulaire de la bataille climatique. Nous souhaitons montrer que sur un enjeu aussi fondamental, une majorité peut et doit être trouvée à l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement considère que ce débat représente sûrement une impasse. Mais il est sain que les divergences puissent s’exprimer et la perspective d’une absence de consensus ne devrait pas empêcher de présenter un projet de loi.

Notre objectif absolu reste le même : cesser de recourir aux énergies fossiles. Et je présente cette proposition de loi parce que j’identifie un chemin de consensus pour les dix prochaines années : celui de l’amélioration de la performance énergétique, de la sobriété et de la massification des énergies renouvelables. Le constat de la nécessité d’agir est partagé par l’ensemble des scénarios de prospective en matière d’énergie et se retrouve dans les conclusions des groupes de travail remises à la ministre Agnès Pannier-Runacher l’été dernier.

Avec ou sans nouveau nucléaire, seul le développement rapide et substantiel des énergies renouvelables pourra répondre au problème qui sera posé d’ici à 2035 par l’écart entre nos besoins en électricité, voués à augmenter en raison de nos efforts pour nous libérer des énergies fossiles, et les disponibilités nationales de production.

Sur la base de ces éléments, mettons-nous d’accord sur un texte de programmation énergétique transpartisan, en débattant des simples objectifs que je vous propose.

J’aurais pu vous soumettre une proposition de loi plus ambitieuse, plus volontaire, en cohérence avec mes engagements politiques. Mais je souhaite que nous avancions collectivement et j’ai donc décidé de vous proposer des objectifs qui sont basés sur les recommandations et les travaux du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), de Réseau de transport d’électricité (RTE) et des groupes de travail réunis autour du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat, et qui correspondent aux engagements européens que nous avons votés. Mon engagement dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’un des défis majeurs de notre siècle, répond à une promesse que j’ai faites à mes enfants.

J’espère que nous ferons preuve d’ouverture et de responsabilité pour aboutir à un texte commun, qui pourrait nous donner les moyens de lutter concrètement contre le réchauffement climatique et de faire face au mur énergétique qui nous attend dès 2030.

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Maud Bregeon (RE). Je voudrais d’abord vous remercier, madame la rapporteure, de nous permettre de débattre sur ce sujet malgré nos divergences de fond. En effet, comme vous, je pense que nous devons échanger sur le mix énergétique de demain et je regrette que le débat tarde à se matérialiser.

Durant cet examen, nous défendrons notre vision d’un équilibre entre l’ensemble des moyens de production décarbonés, qui doit laisser une part importante aux énergies renouvelables mais aussi au nucléaire ; nos amendements vont dans ce sens.

Notre objectif est clair : sortir rapidement des énergies fossiles. Cette urgence doit nous guider et nous n’avons pas le luxe de nous passer de certaines énergies décarbonées. À cet égard, je continue de regretter que, dans certaines familles politiques, on en soit encore à se demander s’il faut favoriser les énergies renouvelables ou le nucléaire, alors que les énergies fossiles représentent encore 60 % de l’énergie finale consommée en France. Je regrette aussi que cette proposition de loi ne mentionne pas la question de l’énergie nucléaire, de la prolongation et du renouvellement du parc.

Quelle place doit occuper le nucléaire dans le mix énergétique de demain ?

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Une loi sur l’énergie et le climat vise un horizon de dix ans. Les groupes de travail constitués par la ministre ont dressé ce constat global alarmant : d’ici à 2030-2035, le bouclage énergétique constituera un problème en raison de la hausse significative de la demande en électricité. Or tout le monde en convient, qu’on y soit favorable ou non : le développement du nouveau nucléaire n’entrera pas en jeu avant 2050. Ainsi, la réduction de la consommation énergétique et la production d’énergies renouvelables constituent les deux seuls piliers de la sécurisation de l’approvisionnement énergétique pour 2030‑2035.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Le texte dont nous débattons fait écho à toutes les décisions absurdes que vous avez prises ou soutenues depuis vingt ans avec deux objectifs : la décroissance et la fin du modèle énergétique français. En trois articles, vous condensez tous les dogmes verts et défendez des mesures aussi dangereuses qu’hypocrites, qui nous rappellent ce que vous êtes : les tartuffes verts du XXIe siècle.

Votre proposition de loi ayant la prétention de revoir la programmation énergétique de notre pays, commençons par en évoquer les oublis : le nucléaire et les importations. Sur ce dernier point, je rappellerai que 99 % des hydrocarbures que nous consommons sont importés et que, lorsque notre production électrique est trop faible, nous achetons à nos voisins de l’électricité produite par des centrales à charbon. Vous mettez la charrue avant les bœufs, ou plutôt vous voulez nous ramener aux temps de la charrue et des bœufs. Votre texte ne prend pas en compte la complexité de la situation.

De plus, accroître la part des énergies renouvelables représente une folie, alors que les Français émettent deux fois moins de CO2 par habitant que les Allemands et trois fois moins que les Américains. Concentrer nos efforts sur les énergies renouvelables revient à nous laisser dicter notre politique énergétique par des pays moins vertueux et plus polluants, à nier l’intermittence du solaire et de l’éolien et à ignorer les 200 milliards d’euros qu’Enedis et RTE annoncent vouloir investir dans leurs réseaux d’ici à 2040. En outre, comment parler de politique énergétique sans évoquer notre parc nucléaire ? C’est refuser de voir l’éléphant au milieu du salon.

En choisissant un modèle basé sur des énergies intermittentes, vous nous exposez à des pénuries, que seules la relance des centrales à gaz, l’exploitation du charbon ou les importations pourraient empêcher. Ainsi, l’article 2 vise à interdire les centrales à charbon alors que leur réouverture sera le résultat direct de décisions que vous soutenez.

Votre texte accumule les mesures démagogiques. Vous demandez l’arrêt de toute production d’hydrocarbures en France, quand le rare pétrole que nous exploitons est prélevé dans des conditions plus propres que celui que nous importons. Mais nous n’en sommes plus à un paradoxe près !

Cette proposition de loi est un concentré de belles intentions aux conséquences dévastatrices. En délocalisant la pollution et en défendant la mise en place d’un mix énergétique incohérent, vous devenez l’incarnation du greenwashing et de l’irresponsabilité. Nous voterons contre ce texte.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je me demande si vous êtes conscients, au Rassemblent national, que le réchauffement climatique existe et qu’un problème d’approvisionnement électrique va se poser à moyen terme ; l’extrême droite souhaite-t-elle revenir à la bougie ?

Vos propositions d’amendements reposent toutes sur la production nucléaire, qui ne nous permet pas, aujourd’hui déjà, de couvrir nos besoins énergétiques. De plus, vous souhaitez revenir sur la rénovation énergétique des logements. Vous proposez donc le chaos climatique, la désorganisation et la hausse des factures des Français.

Vos propositions ne sont ni cohérentes, ni faisables ; vous devriez travailler, lire les rapports et conclusions des différents groupes de travail.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). L’énergie est un bien commun. Elle constitue un besoin vital et doit représenter une priorité pour la nation tout entière.

À certains moments cruciaux de notre histoire, l’État a su organiser les grands chantiers qu’il jugeait nécessaires. Ainsi, 120 barrages ont été construits entre 1945 et 1960, avant le parc des 58 réacteurs prévus par le plan Messmer. Aussi critiquables que soient ces choix, ils relevaient au moins d’une vision pour la nation.

Depuis plus de quarante ans, nous savons que le changement climatique et ses effets nous imposent de tout réorganiser. Ils nous prescrivent de nouveaux objectifs : sobriété, efficacité, adaptation, fin de l’exploitation et de la consommation des énergies fossiles, et développement ambitieux des énergies renouvelables. Par ailleurs, la méthode de la planification écologique s’impose, pour que nos décisions soient prises de façon démocratique.

Mais la Macronie a choisi de tout briser. La France reste le seul pays de l’UE à ne pas avoir atteint ses objectifs pour 2020 en matière d’énergies renouvelables. La Macronie évoque une « écologie populaire », mais ne mise cyniquement que sur la pauvreté de masse pour baisser nos émissions de gaz à effet de serre.

L’État macronien a démoli les capacités industrielles de notre pays en matière énergétique, comme en témoignent la vente de la branche énergie d’Alsthom au groupe états‑unien General Electric, la vente des actifs d’Areva dans le domaine de l’éolien en mer à l’allemand Siemens, la fermeture de l’usine d’hydroliennes de Naval Group à Cherbourg ou la délocalisation de l’assemblage de modules photovoltaïques de l’entreprise iséroise Photowatt. Ce mois-ci encore, nous apprenons que Systovi, avant-dernier fabricant de panneaux photovoltaïques français, s’apprête à fermer et à licencier ses 87 salariés.

Il faut tourner la page de ce vieux monde, de la concurrence et du marché, des zones d’accélération sans objectif, de la fusion dangereuse entre Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), des petits réacteurs modulaires (SMR) privatisés et du marché de l’électricité qui ruine les Français.

Cette proposition de loi fixe plusieurs objectifs indispensables, que le Gouvernement aurait dû programmer depuis longtemps. Il est urgent de voir plus loin et nos amendements vont en ce sens, pour organiser le 100 % d’énergies renouvelables, que les rapports estiment possible et auquel les citoyens sont prêts à participer. Il est temps de cesser le gâchis en matière énergétique. Notre pays mérite mieux que la Macronie.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. En effet, la planification écologique est nécessaire. L’absence de loi au 31 juillet 2023 crée une désorganisation et un manque pour les filières.

Députée de Loire-Atlantique, je partage votre inquiétude quant au mauvais signal donné par la fermeture de Systovi. Nous sommes confrontés au dumping chinois et à la question de la maîtrise technologique en matière d’énergies renouvelables. Il faut planifier et investir dans l’industrie verte française pour maintenir notre savoir-faire sur notre sol.

M. Francis Dubois (LR). À défaut d’étudier un projet de loi de programmation que le Gouvernement aurait dû nous soumettre s’il avait fait de notre futur énergétique une priorité nationale, nous examinons cette proposition de loi, qui vise à instaurer de nouveaux objectifs. S’il paraît louable de vouloir limiter le réchauffement global à 1,5 degré, ce texte reste surtout un artifice de communication, qui n’apporte aucune solution viable pour atteindre ces objectifs.

Nous sommes en désaccord total sur ce que propose l’article 1er quant aux moyens à déployer : tout miser sur les énergies intermittentes constitue une utopie.

Les conclusions de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, remises il y a déjà onze mois, ont mis en avant la nécessaire complémentarité des énergies autour du nucléaire, pour reconquérir notre souveraineté.

De plus, tous les scénarios présentés par RTE concluant à une augmentation de la consommation électrique à l’horizon 2050, il est illusoire de croire que l’éolien ou le photovoltaïque suffiront à couvrir nos besoins ; nous ne pouvons mettre tous nos œufs dans le même panier. En matière d’énergies renouvelables, il faut de la complémentarité et donc relancer l’hydroélectricité et développer l’éolien, le photovoltaïque et la méthanisation.

Une fois encore, la Nupes crie à la catastrophe mais lutte contre les solutions les plus crédibles et les plus décarbonées, comme le nucléaire et l’hydroélectricité. Les énergies intermittentes restent incapables d’accompagner seules une civilisation développée et il faudrait un miracle pour que le recul de la production nucléaire soit intégralement compensé.

De plus, il est absurde de vouloir imposer un plan d’austérité énergétique.

Nous sommes néanmoins d’accord sur le principe de l’article 2, même s’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. S’il paraît indispensable de fermer les centrales à charbon, il faut procéder avec discernement et sans dogme politique, pour éviter les erreurs commises dans le domaine du nucléaire.

Enfin, l’article 3, qui vise à la suppression des exceptions prévues par la loi dite « Hulot », ne tient pas compte de la complexité des enjeux liés à la transition énergétique. Le maintien d’une certaine capacité de production nationale d’hydrocarbures pourrait s’avérer crucial pour la sécurité énergétique, notamment dans un contexte international incertain. En outre, la fin de ces exceptions pourrait freiner l’innovation dans des domaines essentiels, comme le captage et le stockage du CO2.

Soyez cohérents et abandonnez vos dogmes : il ne peut y avoir de programmation énergétique rationnelle en excluant certaines énergies. Notre groupe soutiendra l’article 2 mais votera contre le texte dans son ensemble.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Pour que nous puissions avoir un vrai débat de fond, il serait bon que vous ne parliez pas de « dogme » ni d’« artifice de communication ». Si vous avez lu mon rapport et participé au groupe de travail transpartisan, vous devez savoir qu’il ne s’agit pas d’un dogme mais bien d’une préoccupation globale, celle de trouver les moyens d’enrayer le réchauffement climatique et d’assurer notre sécurité d’approvisionnement.

Les scénarios mis sur la table par l’État prévoient une demande supplémentaire d’électricité de 120 à 180 térawattheures (TWh) d’ici 2035, et misent donc sur une production d’électricité renouvelable supplémentaire de 100 TWh en 2030 et de 197 TWh en 2035. Car il ne sera pas possible d’achever la construction de nouvelles capacités nucléaires à cet horizon. Seules les énergies renouvelables permettront d’atteindre ces objectifs.

M. Philippe Bolo (Dem). Nous partageons deux points d’accord. En premier lieu, nous reconnaissons l’urgence climatique, dont nous pouvons tous prendre la mesure au quotidien, en considérant ses effets sur la biodiversité, la santé, le modèle sociétal et l’économie. En second lieu, nous constatons aussi le manque d’une loi de programmation et notre groupe est attaché à la tenue de ce débat.

Cependant, nous avons des divergences dans la façon d’approcher le sujet. D’abord, vos critiques ne reflètent pas les résultats obtenus par la France, qui reste le seul pays européen à s’être doté d’une planification écologique avec des objectifs sectoriels utiles au fléchage des investissements. De plus, le SGPE a récemment mis à jour 200 indicateurs de suivi, qui montrent des résultats concrets. Enfin, en matière d’émission de gaz à effet de serre, la France s’est fixé l’objectif de 268 millions de tonnes équivalent CO2 en 2030, ce qui représente une trajectoire tendancielle de réduction de 4,1 % par an. L’année dernière, nous avons dépassé cet objectif, en atteignant une réduction de 4,8 millions de tonnes équivalent CO2.

Par ailleurs, nous divergeons sur la question de l’acceptabilité des objectifs. Les résultats obtenus et les efforts collectifs doivent être reconnus parce qu’ils constituent un facteur d’adhésion. En augmentant la hauteur des marches à gravir pour accéder à la neutralité carbone, nous prenons le risque d’un essoufflement et d’un découragement de ceux qui doivent agir, ce qui pourrait aussi alimenter les climatosceptiques.

Nous préférons donc que l’Assemblée nationale soit saisie d’un projet de loi sur le sujet, qui comprendrait un bilan évaluatif consolidé, sincère et critique, ainsi que des études d’impact sur les mutations économiques et sociétales, intégrant les effets de la programmation pour les ménages, les entreprises et les collectivités territoriales.

Je terminerai en posant deux questions. Pourquoi exclure de votre texte les objectifs de séquestration du carbone dans les sols et les forêts ? Qu’est-il prévu au niveau européen pour transposer par pays et par secteurs les objectifs du Fit for 55 ?

Mme Julie Laernoes, rapporteure. J’ai souhaité prendre le temps de débattre avec les personnes que nous avons auditionnées sur la question du net et du brut. Dans son projet de loi sur la souveraineté énergétique, le Gouvernement avait posé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre exprimés en brut, alors que le Fit for 55 se réfère à des chiffres nets. J’ai amendé la rédaction initiale de notre texte afin de prendre en considération certaines alertes faites en auditions. Ainsi, nous proposons désormais une réduction de 50 % en brut, c’est-à-dire sans tenir compte des absorptions par les puits de carbone, conformément à l’objectif fixé par le Gouvernement, et de 55 % en net, avec les puits de carbone donc, pour répondre à la directive européenne, donnant aussi le signal qu’il faut continuer à travailler sur la biodiversité et que le climat n’est pas qu’une question d’énergie.

Plusieurs rapports scientifiques montrent la dégradation des capacités de séquestration du carbone de nos sols et de nos forêts, dues notamment au réchauffement climatique lui-même.

Quant aux directives européennes, il appartient aux États membres de les transposer dans leurs corpus législatifs.

Mme Anna Pic (SOC). Depuis le 31 juillet 2023, le Gouvernement contrevient à l’obligation légale de soumettre une loi de programmation pour l’énergie et le climat au Parlement, obligation pourtant introduite par la majorité en 2019.

L’argument d’une absence de majorité nous est opposé mais jamais les membres du Gouvernement ne sont venus débattre avec les groupes parlementaires de l’opposition des conditions d’une majorité, alors qu’elles ont été réunies successivement avec notre groupe et celui des Républicains, sur les lois relatives à l’accélération de la production d’énergies renouvelables et à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires.

Il est pourtant urgent d’agir, ce dont convient le Gouvernement dans sa stratégie française pour l’énergie et le climat de novembre 2023, en affirmant que « face à l’urgence, nous devons accélérer dans la nécessaire décarbonation de tous les secteurs ».

Deux ans après le début de la législature, nous ne savons toujours pas quel mix énergétique et quelle trajectoire de transition le Gouvernement souhaite proposer. Sans visibilité, les principaux acteurs du secteur tergiversent ou fonctionnent en silo.

L’accélération du développement des énergies renouvelables est à peine perceptible. Le Gouvernement se félicite des 3,2 gigawattheures supplémentaires produits en 2023 grâce aux nouvelles installations photovoltaïques. Cependant, à population égale, notre production demeure quatre fois inférieure à celle du Texas et trois fois inférieure à celle de la Belgique.

S’agissant du nouveau nucléaire, le coût prévisionnel des six premiers réacteurs EPR2 vient d’augmenter de 25 % hors frais financiers, ce qui posera la question de sa compétitivité par rapport aux énergies renouvelables et rend financièrement improbable la création de quatorze nouveaux réacteurs, évoquée par certains. Par ailleurs, nous ignorons si ces six nouveaux réacteurs ont vocation à compléter le parc historique ou à en remplacer les composantes les plus dégradées.

Faute de débat, nous ne savons rien non plus des ambitions en matière d’hydrolien maritime, de biomasse ou de stations de transfert d’énergie par pompage. Nous continuons de naviguer à vue, pendant que le Gouvernement prend des décisions structurantes par décret.

Nous saluons le dépôt de cette proposition de loi et avons choisi d’y contribuer largement, mais nous regrettons que le débat soit en partie tronqué par l’irrecevabilité des amendements portant sur les moyens. Les objectifs posés sont ambitieux et nécessaires, même si le retard déjà pris rend leur atteinte difficile. Nous défendrons des énergies comme la biomasse, le solaire en toiture et l’hydrolien.

Nous voterons ce texte qui va dans le bon sens en l’absence d’un débat sur la loi de programmation et alors qu’un cap doit être rapidement fixé.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je remercie Anna Pic pour ses amendements et ses propos. Le constat est largement partagé : il nous faut une loi de programmation. Certes, monsieur Bolo, des choses fonctionnent, sur lesquelles il faut s’appuyer. Mais l’action ayant été retardée, l’effort à fournir est grand et il nous faut une trajectoire et un cap.

M. Xavier Albertini (HOR). La proposition de loi prévoit de rehausser nos objectifs énergétiques pour tenir compte des évolutions intervenues depuis la dernière loi relative à l’énergie et le climat de 2019, mais aussi des changements qui se sont produits au niveau européen et dans lesquels la France a pris toute sa part, notamment pour fixer une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 et la neutralité carbone pour 2050. Ce dernier objectif n’était partagé en 2019 que par huit États membres.

Comme vous, madame la rapporteure, nous regrettons que les conditions ne soient pas aujourd’hui réunies pour débattre d’une véritable loi de programmation. Nous comprenons votre démarche, mais proposerons plusieurs amendements pour adapter la rédaction du texte, en tenant compte du règlement européen sur le partage de l’effort, qui assigne des objectifs distincts aux États en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous prendrons aussi en considération les objectifs chiffrés et actualisés concernant l’énergie nucléaire, dont l’absence dans votre proposition de loi est incompréhensible. D’autant que vous avez précisé dans votre propos liminaire qu’il ne devait pas y avoir de dogme pour faire avancer le débat.

S’agissant de la production d’électricité issue de l’exploitation du charbon, notre groupe partage la volonté d’inscrire dans la loi une date de fermeture des centrales, dans la lignée des engagements pris par le Président de la République et la majorité présidentielle, lors des campagnes menées en vue des élections présidentielle et législatives.

Nous réservons notre position de vote en fonction de l’évolution du texte.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Sur la question du nucléaire, il ne s’agit pas d’un dogme mais d’une position politique claire et construite, qu’on peut ne pas partager. Le texte n’évoque pas ce sujet parce que le projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires a lui-même supprimé le 5° de l’article L. 100‑4 du code l’énergie. Ensuite, la question de la sécurité de l’approvisionnement électrique se posant à l’horizon 2030-2035, il ne m’a pas semblé utile de mentionner le nouveau nucléaire, qui entrera en jeu plus tard.

Je trouve sain d’avoir un débat sur le nucléaire mais ne souhaite pas qu’il se confonde avec cette proposition de loi, qui vise à donner un cap essentiel en matière d’énergies renouvelables.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Il est temps de sortir du déni. Nous nous trouvons à un point de bascule pour le climat, après des années d’errements en la matière. Tous les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) l’admettent : l’activité humaine a engendré un bouleversement profond de notre climat, qui frappe l’ensemble de la planète. Notre continent est parmi les plus vulnérables à ce changement. Le mois de mars 2024 est le vingt-sixième mois consécutif pendant lequel nous avons enregistré des températures supérieures aux normes.

Cette proposition de loi vous pousse, chers collègues de la majorité, à transformer vos paroles en actes. Pour ne pas être coupables, il faut être responsables et respecter l’accord de Paris, qui fixe un seuil de réchauffement inférieur à 2 degrés d’ici à la fin du siècle. Il faut aussi arrêter la navigation à vue et rompre définitivement avec les énergies fossiles, en premier lieu avec le charbon. Sur ce dernier point, nous vous donnons aussi l’occasion de transformer les engagements du Président de la République en actes : plus aucune centrale à charbon ne doit continuer de fonctionner sur notre territoire.

Enfin, il faut mettre un terme à l’exploration et à l’exploitation d’hydrocarbures sur notre sol. Alors que la France doit être exemplaire en la matière, comment justifier les forages supplémentaires comme ceux de la Teste‑de‑Buche ?

Les déclarations ne permettront pas de faire baisser le thermomètre ni de rénover 95 % des logements, ni de faire baisser les factures des ménages, pris à la gorge par les choix erratiques de ce Gouvernement. Chaque degré supplémentaire entraîne le basculement de milliers de ménages dans la précarité énergétique, génère des incendies et pousse des millions de personnes sur les routes migratoires. Cette proposition de loi permet à la France de se doter d’une vision écologique et énergétique à long terme, et de redevenir un moteur de la lutte contre le réchauffement climatique.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. La lutte contre le réchauffement climatique est une priorité absolue pour notre groupe, mais aussi, démontrons-la avec ce débat, pour l’ensemble de ceux qui composent cette assemblée.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Nous vous remercions d’ouvrir enfin le débat sur nos objectifs énergétiques et climatiques. En effet, depuis des mois, nous attendons en vain que le Gouvernement présente au Parlement son projet de loi de programmation, alors que l’État était dans l’obligation légale d’adopter un tel texte avant le 31 juillet 2023. Le 15 mars, le Premier ministre a annoncé le lancement d’une grande consultation sur la programmation pluriannuelle de l’énergie et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), sous l’égide de la CNDP, alors que des consultations ont déjà eu lieu. Le Gouvernement semble chercher à gagner du temps et refuser de prendre ses responsabilités.

Nous nous félicitons de l’initiative prise par nos collègues, qui rappelle au Gouvernement ses obligations et permet au Parlement de prendre ses responsabilités ; c’est bien à ce dernier de débattre des questions stratégiques.

Sur le fond, nous partageons les orientations de ce texte en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et des consommations d’énergie et d’énergies fossiles. Nous faisons nôtres ses objectifs chiffrés, y compris en matière de rénovation thermique des logements, alors que le Gouvernement ampute de plus d’1 milliard d’euros le budget de MaPrimeRenov’.

Cependant, nous considérons que nos centrales à charbon doivent pouvoir continuer d’être sollicitées, de manière très épisodique, pour garantir notre sécurité d’approvisionnement en cas de pics de consommation. De plus, il ne faut pas entraver les projets d’exploitation de gaz de mine, développés par d’anciennes cités minières, qui restent marginaux et sans incidence notable sur notre consommation d’énergies fossiles. Enfin, le développement d’énergies renouvelables doit impérativement se faire sous maîtrise publique. Ces quelques points de désaccords nous conduiront à nous abstenir aujourd’hui, dans l’attente d’éventuelles inflexions.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Nous nous retrouvons autour de points de convergence majeurs : la réduction des consommations et la lutte contre la précarité énergétique, au moyen d’un plan ambitieux et d’objectifs concrétisés dans la loi.

Quant à la fermeture des centrales à charbon, elle apparaît comme une nécessité d’un point de vue climatique et énergétique mais aussi pour des raisons de planification des investissements publics. Il faudra prendre toutes les précautions nécessaires dans les territoires où ces fermetures adviendront.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). J’ai écouté nos collègues de la majorité et tous ont dit souhaiter une loi de programmation. Alors faites passer le message et débattons enfin de ce projet de loi ! Le Gouvernement craint une majorité relative mais il doit assumer et le débat doit avoir lieu à l’Assemblée. Si le projet de loi n’est pas adopté, vous en prendrez acte ; c’est aussi cela la démocratie. Mais vous pourrez dire que vous avez essayé de défendre une vision de la politique énergétique.

De manière générale, le mix énergétique que défend le Gouvernement nous convient assez bien. Mais voter des lois sur les énergies renouvelables et le nucléaire en l’absence d’un cadre global est un peu dingo, non ?

Je salue le travail de la rapporteure, qui nous permet de débattre. Même si nous ne sommes pas d’accord sur tout, nous partageons globalement les grands objectifs en matière de baisse de la consommation, de réduction du recours aux énergies fossiles et de rénovation des logements.

Lors des discussions sur le projet de loi relatif à l’accélération du nucléaire, Mme Agnès Pannier-Runacher a déclaré qu’il n’y avait ni plafond, ni plancher. Ce flou m’a conduit à proposer un amendement sur le plancher.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je salue le travail accompli par les députés des différents groupes de la majorité et je sais qu’ils ont tous demandé une loi de programmation au Gouvernement. Mais en l’absence d’un tel texte, n’est-ce pas à nous, parlementaires, de nous emparer de ces questions ?

M. le président Stéphane Travert. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Antoine Armand (RE). Je salue le travail et l’initiative de Mme la rapporteure ; on ne peut pas réclamer qu’un débat ait lieu au Parlement sur ces questions et ne pas se féliciter qu’un groupe politique – quelles que soient nos divergences – nous permette de l’avoir.

J’aurai deux questions. D’abord, si vous visez la neutralité carbone à l’horizon 2050, êtes-vous prête à avoir une discussion sur les objectifs de consommation et de production qu’il faudrait avoir atteints à cette date ? Le débat me semble indispensable et réclame que l’on se pose aussi la question du nucléaire.

Par ailleurs, sommes-nous prêts à considérer avec sérieux la sécurité de notre approvisionnement, qui nécessitera peut-être de conserver des centrales à charbon sur notre sol, qui ne fonctionneront que de façon très épisodique mais permettront d’éviter les black-out ?

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Limiter le réchauffement climatique à 2 degrés ne sera possible qu’en accélérant dès maintenant la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Cependant, nous divergeons sur les moyens d’y parvenir.

Certes, il faut adopter une loi de programmation et développer les énergies renouvelables, mais si nous souhaitons avoir accès à des énergies peu chères, décarbonées et en quantité suffisante pour retrouver notre souveraineté énergétique, il nous faut avoir recours au nucléaire, en développant une politique cohérente. Le mix énergétique pourrait être composé de 70 % de nucléaire et de 30 % d’énergies renouvelables ; que pensez-vous de cette proposition ?

M. Vincent Rolland (LR). On ne peut que souscrire aux objectifs de réduction des émissions des gaz à effet de serre. Par ailleurs, nous sommes favorables à l’article 2.

Néanmoins, vous êtes d’une discrétion absolue s’agissant de l’hydroélectricité, énergie décarbonée qui peut être stockée et permet ainsi de faire face aux pics de consommation énergétique ; quelle est votre position sur le sujet ?

M. Julien Dive (LR). Vous avez raison : pour présenter un tel texte et aborder la question de la programmation énergétique, il faut tenir compte de la situation climatique. Mais il faut aussi prendre en considération celle de notre pays, dont la dette s’élève à 3 100 milliards d’euros – un naufrage ! Que pensez-vous de la nouvelle fiscalité ? En décembre dernier, la direction du Trésor a annoncé qu’elle enregistrerait une perte de 13 milliards d’euros d’ici à 2030, liée à la transition énergétique ; quelles seraient les alternatives d’un point de vue fiscal ?

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Monsieur Armand, une discussion doit effectivement avoir lieu sur l’horizon 2050. Certains sont en faveur d’un scénario 100 % énergies renouvelables, quand d’autres préfèrent un mix équilibré et que d’autres encore souhaitent privilégier la place du nucléaire. Mais comment tracer des perspectives pour 2050 sans avoir dépassé les nœuds qui se profilent à l’horizon 2030-2035 ?

Il nous faut aussi interroger la croyance en une énergie nucléaire décarbonée et abondante, qui pourrait être exploitée ad vitam aeternam, ainsi que notre culture énergétique assez peu favorable aux énergies renouvelables. En effet, il faudra bien développer ces dernières pour dépasser le cap difficile de 2030-2035, annoncé par tous les travaux de prospective, puisqu’il n’y aura pas de nouveaux réacteurs d’ici là et que le parc nucléaire vieillit. Nous sommes confrontés à un « effet falaise » qu’il nous faut prendre en compte pour anticiper la suite.

La question de la sécurité de l’approvisionnement s’est posée avec acuité à l’hiver dernier, en raison de la guerre en Ukraine, de l’indisponibilité de la moitié du parc nucléaire et de la menace des coupures d’électricité.

Monsieur Vigier, je suis d’accord avec vous : la perspective d’un réchauffement à 1,5 degré s’éloigne et il faut relever le défi immense de le limiter à 2 degrés. Dans le cadre de cette lutte, la composante des énergies renouvelables est indispensable. Vous proposez une proportion de 70-30, mais je vous invite à consulter les chiffres de la production nucléaire actuelle. Cet objectif ne semble pas atteignable, car il faudrait prolonger encore longtemps la vie de certaines centrales et en construire plus que nous ne sommes en mesure le faire.

L’hydroélectricité a fait l’objet d’importants investissements volontaires. Cependant, comment l’État se défend-il concernant son refus de mettre en concurrence l’exploitation des barrages ? Je ne suis pas défavorable à ce mode de production, mais la question des ressources en eau est de plus en plus incertaine. Les stations de transfert d’énergie par pompage (step) offrent une certaine flexibilité. Mais je ne suis pas certaine que nous puissions augmenter de manière conséquente les volumes produits. En la matière, le premier enjeu est celui de la gestion des barrages.

En ce qui concerne la fiscalité, je vous renvoie au rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz. Le coût des conséquences du réchauffement climatique constitue un véritable sujet de préoccupation. Il faut sortir du dogme qui consiste à dire que la transition écologique entraîne plus de dépenses pour la puissance publique. En planifiant et en investissant de manière consciente, nous limiterons certaines charges et coûts. De plus, les énergies renouvelables rapportent aussi à l’État.

 

Article 1er (articles L. 100-1 et L. 100-4 du code de l’énergie) : Nouveaux objectifs de programmation énergétique

 

Amendement de suppression CE4 de M. Nicolas Meizonnet.

M. Nicolas Meizonnet (RN). L’article 1er vise à la sobriété en proposant de baisser de 30 % notre consommation énergétique et de 50 % notre consommation primaire d’énergies issues des sources fossiles. Or les objectifs actuels sont déjà très ambitieux, mais aussi partiellement déconnectés de la réalité de notre modèle.

En effet, la France compte parmi les pays développés qui émettent le moins de CO2 par habitant, principalement grâce à une production électrique décarbonée qui repose en grande partie sur l’un des parcs nucléaires les plus puissants du monde. Pourtant, le nucléaire n’est pratiquement pas cité parmi les objectifs de la politique énergétique française et les modifications prévues ici ne remédient pas à ce manque.

Nous souhaitons supprimer cet article prônant la décroissance, qui constitue une aberration économique et écologique.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Avis extrêmement défavorable. Les députés du Rassemblement national font de l’écologie un bouc émissaire plutôt qu’un objet de travail. À travers vos amendements, vous démontrez que non seulement vous n’avez rien compris à la crise énergétique, mais encore moins à la crise climatique. Je le rappelle, la communauté internationale a reconnu en 2015 la nécessité de la neutralité carbone.

La France part peut-être de moins loin que d’autres États, mais elle doit encore parcourir un chemin exigeant. Nous émettons toujours 404 millions de tonnes équivalent CO2 et nous devons atteindre le niveau de 80 millions de tonnes en 2050 ; l’écart est significatif.

La question des importations mérite d’être posée. Cependant, en proposant de supprimer cet article, vous vous positionnez contre la rénovation énergétique des logements, qui permettrait pourtant de réduire le niveau des importations de gaz et de fioul.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Les députés du Rassemblement national vivent dans le passé et ignorent la réalité. Le mix énergétique français est composé à 60 % par les énergies fossiles. De plus, si le nucléaire représente 75 % de l’électricité consommée, il ne correspond qu’à 17 % de notre énergie totale consommée. Par ailleurs, deux tiers des réacteurs français auront plus de 40 ans l’année prochaine, alors qu’aucun réacteur au monde n’a jamais fonctionné jusqu’à 60 ans. Ce matin, le ministre Roland Lescure a évoqué le design de l’EPR2 en précisant que nous en étions à l’étape du « croquis » : nous ne pouvons faire reposer nos objectifs de souveraineté et de décarbonation sur un grand programme de croquis.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Ce qui relève du passé, c’est ce que nous avons vécu en 2022, quand il a fallu demander aux Français de baisser le thermostat de leur radiateur en leur expliquant que nous risquions de connaître des black-out. Une telle situation est liée à l’ambiguïté de la Macronie, qui cède à la pression des écologistes. Le développement des énergies renouvelables et intermittentes au détriment du nucléaire affaiblit considérablement notre modèle énergétique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE17 de Mme Anna Pic.

Mme Anna Pic (SOC). Le présent amendement vise à donner une nouvelle date pour l’adoption de la loi de programmation pour l’énergie et le climat. Nous appelons le Gouvernement à créer les conditions d’une véritable co-construction de ce texte, en vue de trouver une majorité permettant son adoption.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je comprends l’esprit de votre amendement. Pour autant, en ce qui concerne l’énergie et le climat, nous ne faisons que reculer les échéances quand elles se présentent. Il faut en rester au retard pris par le Gouvernement. Avis défavorable.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je partage l’avis de Mme la rapporteure. Il reste que le Gouvernement se cache sur cette question et nous sommes désormais en retard pour atteindre l’objectif qu’il avait fixé en 2019. À l’époque, Mme Borne et Mme Pannier-Runacher avaient promis que la loi de programmation serait l’un des premiers textes examinés… Le sujet n’est pas tant celui du mix énergétique que la nécessité de fixer des objectifs et de les respecter.

Mme Maud Bregeon (RE). Il s’agit d’un amendement de bon sens, qui souligne notre besoin d’une loi pour échanger sur la programmation pluriannuelle de l’énergie. Nous le voterons.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Le Gouvernement est toujours tenu de présenter une loi de programmation et cet amendement lui donne une sorte d’absolution, en lui accordant un délai supplémentaire.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE93 de Mme Sabrina Sebaihi.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à supprimer la mention de la « croissance verte » dans le code de l'énergie. En effet, l’idée que l’on pourrait produire toujours plus et faire croître notre PIB, tout en réduisant les impacts environnementaux, en faisant baisser les émissions de gaz à effet de serre et en réduisant la consommation des ressources naturelles, constitue un mythe.

Ce constat est partagé par de nombreux scientifiques mais aussi par des centaines d’études économiques. Vivre dans le mythe d’une croissance infinie alors que nous dépassons déjà largement la plupart des limites planétaires, revient à vivre dans le rêve ancien des Trente Glorieuses. La croissance verte ne peut plus constituer un socle pour notre politique énergétique.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Avis favorable.

M. Antoine Armand (RE). Cet amendement nécessiterait une longue discussion. Il vise à supprimer la notion de croissance verte et donc l’idée d’une politique publique qui développerait des emplois et de la richesse, tout en étant favorable à l’environnement, à la transition écologique et à la biodiversité. En supprimant cette mention, vous supprimez l’idée que l’on puisse créer des filières de recyclage et d’économie circulaire, qui permettront de générer des emplois et d’avancer dans la transition technologique et écologique. Il s’agit d’un non-sens, y compris pour la décroissance que vous défendez.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE5 de M. Nicolas Meizonnet.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Cet amendement vise à retirer de la politique énergétique nationale l’objectif de mise en place d’une Union européenne de l’énergie, basée sur les énergies renouvelables et l’interconnexion des réseaux. Nous n’avons pas à prendre nos ordres à Bruxelles sur ces questions, alors que nous sommes peut-être l’État occidental le plus exemplaire en la matière.

Si les flux d’énergies entre pays représentent une bonne chose pour rééquilibrer les différents modèles, ils ne doivent pas devenir une priorité. Le plus important reste la souveraineté énergétique nationale et la maîtrise pleine et entière de nos choix et de nos capacités de production.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Visiblement, l’extrême droite méconnaît la question du réchauffement climatique, le système énergétique, mais aussi le fonctionnement de l’UE. Les interconnexions européennes n’ont pas été créées pour faire disparaître la souveraineté des États membres. L’État français a activement contribué à la création de ce système pour écouler ses surplus, mais il en a aussi été largement bénéficiaire. Les centrales nucléaires ne peuvent augmenter leur puissance pour répondre aux pics de consommation, lors desquels nous avons besoin d’apports extérieurs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE19 de Mme Anna Pic et sous-amendement CE112 de Mme Julie Laernoes, amendement CE21 de Mme Anna Pic (discussion commune).

Mme Anna Pic (SOC). L’amendement CE19 vise à inscrire à l’article L. 100-1 deux nouvelles exigences pour la politique énergétique.

Nous proposons d’abord de préciser que la cohésion sociale et territoriale en matière d’énergie passe également par un juste partage territorial de la valeur créée par les installations de production des énergies. Il s’agit d’un objectif que nous avons porté avec force dans le cadre de la loi d’accélération des énergies renouvelables de 2023, qui prévoit une meilleure redistribution aux collectivités territoriales, notamment pour mener des actions de transition ou de lutte contre la précarité énergétique.

Ce juste partage de la valeur est une condition de l’acceptabilité de certaines installations de production d’énergies renouvelables et du succès de notre transition énergétique.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Cet amendement concerne deux sujets : le juste partage de la valeur mais aussi la tarification progressive et sociale des consommations d’énergie. Je partage l’esprit de ce second point, mais il pose néanmoins un certain nombre de questions. Je propose donc de le supprimer dans mon sous-amendement CE112, afin de sauvegarder la première partie de votre amendement.

Mme Anna Pic (SOC). L’amendement CE21 vise à inscrire la notion d’urgence écologique et de crise climatique dans la loi, et d’en faire le déterminant de la politique énergétique nationale, comme l’a fait le Parlement britannique.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je ne suis pas opposée à cette inscription mais elle est mal positionnée. En outre, l’urgence climatique apparaît déjà deux fois, dans les articles L. 100-1 A et L. 100-4 du code de l’énergie. Demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

L’amendement CE21 est retiré.

La commission rejette successivement le sous-amendement CE112 et l’amendement CE19.

 

Amendement CE99 de Mme Julie Laernoes, amendements identiques CE75 de Mme Maud Bregeon et CE94 de M. Xavier Albertini (discussion commune).

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Lors de nos auditions, il est apparu que la rédaction de l’alinéa 3 était ambiguë et l’amendement CE99 vise à la préciser pour que l’État français ne soit pas tenu pour responsable de l’ensemble du dérèglement climatique.

Mme Maud Bregeon (RE). Les amendements identiques visent à modifier l’alinéa 3 pour globaliser les objectifs de réduction et rappeler que la France n’est pas seule à porter cet effort.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je préfère ma rédaction, qui rappelle notre engagement mondial à être proactifs, à la vôtre, qui n’évoque qu’une simple cohérence entre cet engagement et les objectifs nationaux.

Cependant, je suis prête à retirer mon amendement au profit des vôtres, à condition que nous n’affaiblissions pas, ensuite, les objectifs de la loi en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les mots « tendre vers une réduction », que nous trouverons dans des amendements ultérieurs, ne suffisent pas, il faut « réduire ».

Mme Maud Bregeon (RE).  Le « tendre vers » est conforme aux différents calculs effectués, notamment par le SGPE.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Mon avis sera donc défavorable sur les amendements CE75 et CE94.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je voterai certains des amendements de la majorité, mais pas le CE75, ni ceux qui sont moins volontaristes que les textes actuels – et qui proposent, par exemple, de « tendre vers » une réduction, plutôt que de « réduire » nos émissions.

M. Antoine Armand (RE). Je suis favorable à l’esprit de ces amendements – même s’ils diffèrent légèrement les uns des autres. C’est une très bonne chose d’inscrire dans la loi que la France s’engage à respecter l’accord de Paris, mais on ne peut pas se contenter de fixer dans ce texte des objectifs à l’horizon 2030 ou 2035 ; il faut absolument que nous ayons des objectifs à l’horizon 2050. Fixer des objectifs à nos industriels pour dans cinq ou six ans ne suffit pas ; ce qu’il faut, ce sont des objectifs proprement climatiques, de nature à embarquer tout le pays pour 2050 : c’est le seul moyen de respecter l’accord de Paris.

Successivement, la commission rejette l’amendement CE99 et adopte les amendements CE75 et CE94.

 

Amendement CE6 de M. Nicolas Meizonnet.

M. Nicolas Meizonnet (RN). Il s’agit de faire de la préservation du modèle français l’un des objectifs de notre politique énergétique. Depuis une cinquantaine d’années, c’est la complémentarité entre le nucléaire et l’hydroélectricité qui a permis de produire en France une électricité peu chère, décarbonée et abondante. La reconnaissance des problématiques climatiques et l’émergence de nouvelles crises géopolitiques ont mis en exergue la force du système français.

Le modèle français, c’est 48 grammes de CO2 émis par kilowatt, contre 366 grammes pour le modèle allemand, que vous défendez. Le modèle français, c’est 80 % de nucléaire et 10 % d’hydroélectricité, alors que le modèle allemand, c’est 65 % d’énergies renouvelables. CQFD.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je ne sais pas s’il est très utile que je vous réponde puisque, de toute évidence, vous n’avez pas compris qu’un risque pèse sur notre sécurité d’approvisionnement électrique à l’horizon 2030-2035. Les installations déjà existantes ne pourront pas y remédier et les nouvelles ne seront pas encore en activité. Avis très défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE20 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Il s’agit de préciser que la politique énergétique « préserve la disponibilité de la ressource en eau pour la consommation et l’alimentation humaine ».

Qu’il s’agisse de la production hydroélectrique, du refroidissement des centrales nucléaires, de la production sylvicole ou agricole pour la biomasse ou d’autres ressources mobilisant d’importantes quantités d’eau pour la production d’énergie ou de chaleur, l’accélération du changement climatique est un défi majeur pour notre gestion de la ressource en eau. Cet enjeu a été mis en lumière sous la précédente législature par la mission d’information sur la gestion des conflits d’usage en situation de pénurie d’eau.

Dès lors, il apparaît essentiel que, de manière constante et transversale, cette préoccupation soit au centre de la politique énergétique, comme elle devrait d’ailleurs l’être pour l’ensemble des autres secteurs économiques.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. La question des conflits d’usage autour de l’eau, qui est un bien commun, est essentielle. Il me semble que le 4° de l’article L. 100-1 du code de l’énergie inclut déjà cette question, puisqu’il dispose que la politique énergétique « préserve la santé humaine et l’environnement ». Le problème c’est que si l’on mentionne l’eau, il faudrait aussi évoquer les conflits d’usage autour de la biomasse et des sols, qui servent à produire de la nourriture et de l’énergie, mais aussi à capter du carbone. Or le code de l’énergie définit de grands principes, sans entrer dans ce genre de déclinaisons. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, même si, sur le fond, je partage évidemment votre préoccupation.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE76 de Mme Maud Bregeon et CE95 de M. Luc Lamirault et sous-amendement CE107 de M. Xavier Albertini

Mme Maud Bregeon (RE). Cet amendement fait suite à des échanges que j’ai eus avec Mme la rapporteure. Je rappelle d’abord que la contribution attendue de la France en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre est de 50 % pour les émissions brutes et de 55 % pour les émissions nettes. Or je crois qu’il y a eu un petit imbroglio à ce sujet dans la rédaction initiale.

Nous proposons de remplacer le mot « réduire » par « tendre vers une réduction », afin de garder plus de souplesse et d’éviter des risques de contentieux. Ce que dit le SGPE, c’est qu’en poussant les curseurs au maximum, on peut tendre vers une réduction de 50 % : c’est donc la rédaction qui paraît à la fois la plus raisonnable et la plus objective.

M. Xavier Albertini (HOR). La formulation initiale, « réduire les émissions », me semble préférable à l’expression « tendre vers » : c’est à la fois plus juste, plus ambitieux et plus précis juridiquement.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je vous remercie pour ce sous-amendement : il me semble effectivement que l’expression « tendre vers » est trop imprécise sur le plan juridique. J’entends qu’elle est préférable pour l’État, qui espère ainsi ne plus être condamné pour inaction climatique, mais la loi est faite pour fixer des objectifs et leur donner une portée normative, non pour prémunir l’État contre d’éventuelles condamnations. On peut aussi faire le pari qu’il sera capable d’atteindre les objectifs qu’il s’est lui-même fixés.

Dans la proposition de loi initiale, je n’avais pas fait de distinction entre les émissions brutes et les émissions nettes, parce que les différents acteurs avaient des avis divergents sur l’absorption naturelle de nos sols, de nos terres et de nos forêts et que j’avais besoin d’être éclairée à ce sujet. Plusieurs rapports scientifiques ayant montré que nos puits de carbone sont en recul, je n’avais pas compté sur eux au départ. L’audition du Haut Conseil pour le climat et celle du SGPE m’ont toutefois poussée à réintroduire l’objectif d’une baisse des émissions brutes de 50 % et des émissions nettes de 55 % – ce qui est conforme à la trajectoire du Gouvernement. C’est l’objet de mon amendement CE100, qui a le mérite de lier la question climatique à la préservation de nos puits de carbone et de la biodiversité.

À mes yeux, les amendements CE76 et CE95 présentent deux inconvénients : non seulement ils introduisent l’expression « tendre vers », qui est moins ambitieuse, mais en plus ils écartent la notion d’émissions nettes. Même si je salue le sous-amendement de M. Albertini, je suis défavorable à ces amendements. Je vous invite à les retirer au profit du mien, qui suit les préconisations du SGPE et du Haut Conseil pour le climat.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). J’imagine, madame la rapporteure, que si ces amendements sont adoptés, le vôtre tombera, comme ceux avec lesquels il est en discussion commune. Je suis absolument d’accord avec vous : ne plus faire mention des émissions nettes constitue effectivement un recul et votre formulation est bien meilleure.

Pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré Celsius, il faut des objectifs ambitieux de réduction de nos émissions : ceux que propose ce texte, et qui sont tout à fait raisonnables, ne nous permettront sans doute pas de rattraper notre retard. C’est pourquoi nous avions déposé des amendements portant l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 65 % en 2030 et visant la neutralité carbone dès 2040. Nous nous sommes appuyés, pour faire cette proposition, sur l’étude de l’institut Climate Analytics. C’est le seul moyen de respecter l’accord de Paris, que l’on ne cesse d’invoquer en chœur.

Successivement, la commission adopte le sous-amendement et les amendements sous-amendés.

En conséquence, les amendements CE100 de Mme Julie Laernoes, CE32 et CE34 de Mme Clémence Guetté, CE33 et CE35 de M. Maxime Laisney, soumis à une discussion commune, tombent.

 

Amendement CE25 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). La question de l’acceptabilité est cruciale dans le déploiement des énergies renouvelables. Il est donc absolument nécessaire que la planification énergétique se fasse aussi de manière plus fine et territorialisée, même si des objectifs sont fixés au niveau national.

C’est la logique que nous avons déjà défendue lors de l’examen du projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables, à propos de la définition des zones d’accélération, mais aussi de la loi « Climat et résilience », lorsque nous avons plaidé pour la territorialisation des enveloppes d’artificialisation des sols au titre de l’objectif national zéro artificialisation nette (ZAN).

Toutes les politiques de transition écologique doivent être territorialisées, en lien avec les collectivités territoriales et leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), si nous voulons garantir leur succès et leur acceptabilité sociale. Il faut garantir la juste répartition de l’effort entre les territoires et le partage de la valeur.

Développer une démocratie citoyenne est une nécessité, car c’est la vie quotidienne et les paysages auxquels nos concitoyens sont habitués qui vont être modifiés : il faut donc qu’ils puissent en discuter.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. En tant qu’ancienne vice-présidente de métropole, chargée de l’énergie et du climat, je suis très attachée à la décentralisation et à la territorialisation. Cela étant, je ne suis pas favorable à votre amendement, d’abord parce que l’échelon territorial que vous visez n’est pas précisé, ce qui crée une imprécision juridique, ensuite parce que cela induirait des obligations différentes selon les territoires.

Je prendrai un seul exemple, celui de la rénovation énergétique et thermique. Chacun sait qu’il faut une dynamique d’animation sur le long terme pour obtenir des résultats en la matière, c’est-à-dire pour que les propriétaires se décident à rénover leur logement. Or votre proposition risque de freiner les efforts dans les territoires qui ont déjà enclenché une telle dynamique.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Anna Pic (SOC). Il n’y a pas de raison que les territoires qui sont en avance ralentissent. Les objectifs de poursuite et d’accélération doivent être maintenus, y compris au niveau territorial, quel que soit le niveau de départ. C’est ce qui a été fait dans les différents projets de loi que j’ai évoqués. La démocratie citoyenne est d’une importance capitale pour l’acceptabilité et il est essentiel que la population puisse maîtriser son territoire et ses évolutions.

Tous les territoires n’ont pas les mêmes possibilités. J’habite un territoire côtier, où l’on peut mettre à profit les énergies marines renouvelables : il importe de créer des boucles vertueuses propres à chaque territoire.

M. Antoine Armand (RE). Je voterai cet amendement. Même si nous pouvons avoir des discussions sur le niveau de prescriptibilité et sur la difficulté qu’il y a à parler d’autonomie énergétique territoriale, il est très important que l’on puisse avoir cette discussion au niveau des territoires. Les énergies renouvelables se feront dans les territoires ; ce sont les communes et les intercommunalités qui porteront les projets de sobriété. Il s’agit d’un amendement de bon sens, que nous pourrons toujours réécrire en séance.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je suis la première à reconnaître que les collectivités territoriales – région, département, commune, métropole – sont des échelons essentiels. C’est là que la transition énergétique se passe ; c’est là que l’on rénove les logements, que l’on change les modes de déplacement, que l’on peut mener des politiques publiques concernant les déchets, les réseaux de chaleur, etc. Toutefois, la loi prévoit déjà la déclinaison d’un certain nombre d’objectifs au niveau territorial et je reste défavorable à votre amendement, qui ne me semble pas assez mature.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE36 de Mme Clémence Guetté

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je regrette que nous n’ayons pas pu débattre de mes amendements CE33 et CE34, où je proposais de traduire en valeur absolue l’objectif de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Avec cet amendement, je propose d’introduire la notion d’empreinte carbone, qui ne prend pas seulement en compte les émissions produites sur le territoire national, mais aussi les émissions importées. C’est une question qui nous a beaucoup occupés lors de l’examen de la proposition de loi du groupe Horizons sur la fast fashion.

Les émissions de gaz à effet de serre importées sont un angle mort de notre politique énergétique : elles ne sont pas non plus prises en compte dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Or cela n’a aucun sens de faire des efforts pour limiter les émissions sur notre territoire national s’ils sont annulés par nos émissions importées. Par ailleurs, adopter ce point de vue nous permettrait de relativiser les progrès accomplis et de mieux mesurer le chemin qu’il nous reste à parcourir.

Le Haut Conseil pour le climat évalue l’empreinte carbone à 1,5 fois le montant total des émissions nationales, ce qui est considérable. Or il est possible d’agir sur les émissions importées, puisque 85 % d’entre elles sont contrôlées par des acteurs économiques français.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je vous remercie de poser cette question essentielle. À l’heure actuelle, les émissions de gaz à effet de serre sont comptabilisées de manière territoriale : c’est ce que prévoient les accords climatiques de l’ONU, c’est ce qui se fait à l’échelle européenne et, logiquement, à l’échelle de l’État français.

Réfléchir en termes d’empreinte carbone revient à comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre que nous importons lorsque nous importons des biens – vêtements, téléviseurs et autres. La désindustrialisation de nos pays a eu pour conséquence de repousser des industries polluantes en dehors de nos frontières ; la réindustrialisation en cours se devra d’être verte et d’éviter cet écueil.

Comme vous l’avez dit, prendre en compte les émissions importées, c’est multiplier par 1,5 le niveau des émissions nationales. Il me paraît essentiel d’inscrire dans la loi un objectif de réduction de notre empreinte carbone, car la SNBC ne prévoit que des cibles indicatives. Je me suis toutefois permis de réécrire votre amendement : le CE108, qui va suivre, propose d’inscrire pour la première fois dans le code de l’énergie un objectif de réduction de notre empreinte carbone, mais seulement à l’horizon 2050. Je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). J’ai du mal à y voir clair, quand on parle de la contribution d’un territoire à la décarbonation ou même de la territorialisation des énergies carbonées importées.

Je suis l’élu d’un territoire qui est le champion du monde de la production énergétique décarbonée : nous avons deux centrales nucléaires, nous allons accueillir deux réacteurs de type EPR, nous avons un parc éolien offshore et le territoire est saturé d’éoliennes. Nous produisons d’ailleurs un peu plus d’énergie que nous n’en consommons. Or nous n’avons pas l’impression que notre contribution à l’énergie décarbonée est vraiment prise en compte, quand l’État formule des exigences dans d’autres domaines, comme l’artificialisation des sols.

Je prendrai un autre exemple : le port du Havre est le premier port chinois. L’empreinte carbone des produits importés au Havre risque donc de porter préjudice au bilan territorialisé de la communauté de l’agglomération havraise (Codah). Je m’interroge sur la portée d’une telle mesure, et sur le périmètre qui serait pertinent.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission rejette l’amendement CE108 de Mme Julie Laernoes, rapporteure.

Suivant l’avis de celle-ci, elle rejette ensuite l’amendement CE52 de Mme Hélène Laporte.

 

Amendement CE59 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand (RE). Cet amendement reprend une partie des travaux du groupe de travail sur la sobriété énergétique – l’un des sept groupes constitués pour préparer la stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) – que copilotait Olga Givernet. Nous proposons d’assurer l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 en ajoutant un jalon supplémentaire, à savoir une réduction globale de la consommation d’énergie finale de 40 % en 2040.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

Amendements CE60 de M. Antoine Armand et CE78 de Mme Maud Bregeon (discussion commune)

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je suis défavorable à vos deux amendements, parce qu’ils proposent d’abaisser la cible de réduction des consommations d’énergies fossiles en 2030 de 50 à 45 %, alors que ces consommations sont les premières responsables du réchauffement climatique, et que je suis convaincue, pour avoir moi aussi participé aux groupes de travail préparatoires de la SFEC, qu’il existe des marges de progrès, notamment dans le domaine des transports. La question ne se résume pas au transport aérien. S’agissant des transports terrestres, la seule proposition de la SFEC concerne l’électrification de la voiture individuelle : c’est une mesure importante, mais certainement pas la seule pour décarboner nos transports. Les collectivités territoriales ont aussi un rôle majeur à jouer pour développer les TER, le train du quotidien, les transports en commun.

La commission rejette l’amendement CE60 et adopte l’amendement CE78.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE53 de Mme Hélène Laporte.

 

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CE101 de Mme Julie Laernoes, rapporteure.

Amendement CE14 de Mme Christine Engrand

Mme Christine Engrand (RN). Il y a tout juste un an, nous avons été conditionnés à l’idée qu’une rupture générale d’approvisionnement en énergie était possible. Un tel scénario était d’autant plus plausible que le niveau des indicateurs de production énergétique était alarmant. L’adoption de mesures radicales telles que celles énoncées dans cette proposition de loi apparaît dans ce contexte comme un choix hasardeux et même préjudiciable en temps de crise. La précarité énergétique dans laquelle nous nous trouvons est non pas le fruit du hasard mais le résultat de choix politiques privilégiant le développement d’énergies renouvelables intermittentes au détriment de sources plus stables et fiables. Cette orientation stratégique s’est révélée un pari risqué dans un contexte d’électrification des usages.

Si la France avait poursuivi de façon constante le développement du nucléaire, elle aurait sans doute pu s’affranchir des centrales à charbon qui, rappelons-le, ne fonctionnent que huit heures par semaine environ : loin d’être une solution pérenne, elles servent uniquement à pallier les déficits occasionnés par l’intermittence des énergies renouvelables.

Il est impératif de maintenir les centrales à charbon comme solution d’appoint jusqu’à ce que la relance de notre parc nucléaire compense pleinement l’intermittence des énergies renouvelables. Le présent amendement propose de supprimer une grande partie de l’article 1er, considérant qu’il ne fait qu’exacerber les vulnérabilités de notre système énergétique sans offrir de solutions concrètes ni viables à long terme.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE64 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand (RE). Cet amendement est issu de la centaine de propositions avancées par les groupes de travail ayant réuni des industriels, des associations et des parlementaires d’horizons différents. Ces groupes avaient pour objectif de définir une trajectoire pour 2035 et 2050 et d’assurer la sécurité de notre approvisionnement autour de quatre piliers : sobriété, efficacité énergétique, énergies renouvelables, thermique et électrique, et enfin énergie nucléaire.

Pour pouvoir débattre de la programmation énergétique – ce que nous souhaitons tous –, nous avons besoin de chiffrer les performances en matière d’efficacité et de sobriété, mais aussi de connaître les positions des uns et des autres à ce sujet. Qui considère que la sobriété n’est pas indispensable pour réussir la transition écologique ? Qui considère que l’on peut se passer du nucléaire pour respecter les engagements de l’accord de Paris ?

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Vous proposez de substituer aux alinéas 10 à 18 une partie du texte que le Gouvernement avait brièvement mis sur la table. Or ce texte avait suscité l’inquiétude, voire l’opposition du Conseil national de la transition écologique (CNTE). Si je reconnais que certains des piliers que vous avez évoqués sont essentiels à l’atteinte de la neutralité carbone, je juge néanmoins inopportune votre proposition de rédaction. Avis défavorable.

Mme Maud Bregeon (RE). Je voterai contre cet amendement, même si j’en partage l’objectif. Nous avons en effet travaillé, avec nos collègues du groupe Horizons, sur une proposition allant dans le même sens que celle de M. Armand mais structurée en plusieurs étapes : les amendements identiques CE79 et CE98 fixent un objectif en matière d’énergies décarbonées dans la consommation finale d’énergie ; les amendements identiques CE80 et CE96 déterminent un objectif en matière de production nucléaire ; enfin, les amendements identiques CE81 et CE97 définissent des objectifs relatifs à la production d’énergies renouvelables. Ainsi, chaque groupe pourra se positionner sur l’objectif global ainsi que, de façon distincte, sur les parts respectives de chaque énergie.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE79 de Mme Maud Bregeon et CE98 de M. Xavier Albertini

Mme Julie Laernoes, rapporteure. La modification que vous proposez est substantielle. J’y suis très défavorable, même si j’ai bien conscience que l’objectif de 58 % d’énergies décarbonées dans la consommation finale en 2030 implique une augmentation de la part des énergies renouvelables et non pas seulement de celle du nucléaire. Vos amendements visent en effet à modifier durablement la cible et à ne plus distinguer ces énergies dans le code de l’énergie. C’est là un point dur de nos discussions : la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables doit être soutenue et non masquée dans une catégorie plus globale regroupant les énergies décarbonées.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements suivants se rapportant aux alinéas 10 à 16 tombent.

 

Amendement CE1 de M. Lionel Tivoli

M. Nicolas Meizonnet (RN). Le groupe Rassemblement national n’est pas opposé aux énergies renouvelables dès lors qu’elles sont pilotables et qu’elles garantissent la souveraineté nationale. Le présent amendement vise à encourager plus fortement le développement de l’énergie hydroélectrique, à hauteur de 27,5 gigawatts (GW) dès 2030.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE26 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Nous proposons d’ajouter un alinéa fixant, pour la production d’électricité issue d'installations utilisant l’énergie cinétique des courants marins, un objectif de capacité installée de 1 GW d’ici à 2030 et de 5 GW d’ici à 2040. Par nature invisibles et inaudibles, les hydroliennes sont mieux acceptées par la population que les éoliennes terrestres ou en mer. Les courants marins sont constants et d’une intensité prédictible, de jour comme de nuit : l’énergie qui en est issue présente un niveau de rendement très élevé et peut constituer une énergie de base de notre mix énergétique, en complément du nucléaire.

La France dispose d’un potentiel exceptionnel pour le développement de cette énergie, du fait de la puissance des courants dans le Raz Blanchard et dans le passage du Fromveur. Ce potentiel a été estimé à 5 GW, soit une puissance équivalente à celle de trois réacteurs de type EPR de deuxième génération – pour un coût et une durée de construction deux à trois fois inférieurs ! Une telle puissance permettrait de couvrir 50 % de la consommation annuelle de la Normandie et 10 % de celle de la Bretagne.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Avis favorable.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je voterai cet amendement. Cette source d’énergie renouvelable prédictible présente un intérêt énergétique réel pour notre pays, permettant notamment de réguler le réseau. Les annonces que le Gouvernement avait faites avant l’été en faveur du développement de la filière semblent s’être perdues avec l’enterrement du projet de loi de programmation sur l’énergie et le climat et de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Il est indispensable que nous réaffirmions tous notre soutien au développement de cette énergie.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE82 de Mme Maud Bregeon et sous-amendement CE109 de Mme Julie Laernoes

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je soutiens l’amendement de Mme Bregeon, qui fixe de nouvelles perspectives plus élevées, même si elles sont un peu plus lointaines, pour l’énergie éolienne en mer, mais je propose de remplacer l’expression « et de tendre vers », qui affaiblit l’objectif de 18 GW de capacités mises en service en 2030, par les mots « afin d’atteindre ». Il me semble important en effet que des objectifs fermes soient inscrits dans la loi.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CE68 de M. Antoine Armand tombe.

 

Amendement CE27 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement porte sur la programmation énergétique en matière de biomasse. Les besoins en biocarburants, en chaleur et en production d’énergie dans le cadre des processus industriels vont augmenter significativement d’ici à 2040, du fait de la décarbonation des secteurs industriels et des transports. Or la biomasse soulève une problématique complexe de conflits d’usages et de limitation de la ressource au regard d’autres impératifs, ceux de la préservation de la biodiversité, des puits de carbone naturels et de notre souveraineté alimentaire. Une planification stratégique de l’État, en lien avec les collectivités territoriales, est nécessaire pour hiérarchiser les usages et mieux allouer les ressources disponibles au regard de ces impératifs.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je comprends votre préoccupation sur le fond, mais les alinéas que vous proposez ne s’inséreraient pas de façon satisfaisante dans la loi. En outre, votre préoccupation est déjà satisfaite par l’objectif 10° de l’article L. 100-2 du code de l’énergie. J’émets donc une demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Anna Pic (SOC). Je retire mon amendement et vais m’efforcer de le réécrire. On ne peut évacuer cette question systémique.

L’amendement est retiré.

Amendement CE87 de Mme Maud Bregeon

Mme Maud Bregeon (RE). Cet amendement tend à transposer dans la proposition de loi les objectifs concernant le secteur des transports de la directive européenne 2023/2043 relative à la promotion des énergies renouvelables.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Une expertise plus poussée me semble nécessaire avant de pouvoir inscrire dans la loi des objectifs chiffrés pour les carburants et gaz renouvelables concernés. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE16 de M. Benjamin Saint-Huile et CE85 de Mme Maud Bregeon, sous-amendement CE110 de Mme Julie Laernoes (discussion commune)

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Notre amendement vise à fixer un objectif plancher pour l’énergie nucléaire plutôt qu’une part de mix énergétique.

Mme Maud Bregeon (RE). Nous souhaitons quant à nous inscrire dans la loi notre volonté de maintenir en fonctionnement les réacteurs nucléaires actuels – tant que les exigences de sûreté le permettent, bien sûr.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. L’amendement de M. Saint-Huile ne vise pas seulement à maintenir le parc actuel en fonctionnement mais prévoit également une augmentation du rendement des centrales nucléaires, en fixant un plancher très ambitieux. Vous ne serez pas étonnés que je n’y sois pas favorable.

Considérant que le climat ne peut être pris en otage par le débat sur le nucléaire, j’ai néanmoins fait le choix de faire un pas important dans votre direction. Tout en restant fidèle à mes convictions antinucléaires, je suis consciente du fait que la France dispose d’un parc nucléaire installé important, qui produit actuellement l’essentiel de son électricité.

Je donnerai donc un avis favorable à l’amendement de Mme Bregeon, à condition que soit voté mon sous-amendement. Je suis tout à fait défavorable au développement de nouveaux réacteurs nucléaires – qui constitue, de fait, une ligne rouge dans une proposition de loi écologiste – mais je propose un compromis : inscrivons dans la proposition de loi le maintien du nucléaire existant, sous réserve des exigences de sûreté.

Mme Maud Bregeon (RE). Je ne voterai pas ce sous-amendement. Je considère en effet que le nouveau nucléaire a toute sa place dans notre mix – notamment avec la mise en service de Flamanville 3 dans les mois à venir – et que le développement du nucléaire, comme des énergies renouvelables, doit s’inscrire dans le temps long.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Pour l’instant, le démarrage de Flamanville 3 a suscité plus d’articles de presse qu’il n’a produit d’électrons !

Notre groupe votera pour le sous-amendement mais contre les deux amendements. La disponibilité du parc dépend de critères techniques et ne peut donc pas être inscrite dans la loi. Je rappelle en outre, s’agissant d’un plancher de puissance installée de 63 GW, que le ministre délégué Roland Lescure évoque lui-même des « croquis » lorsqu’il parle des six futurs EPR 2 ! Enfin, deux tiers de nos réacteurs auront quarante ans ou plus l’année prochaine. Certains d’entre eux devraient donc fermer – à moins que la nouvelle autorité, si elle était créée, ne prenne des décisions davantage basées sur des considérations politiques que sur des critères de sûreté nucléaire.

M. Antoine Armand (RE). De mémoire, c’est la première fois que le groupe Écologiste propose clairement un maintien des installations nucléaires existantes – autant que permis par la sûreté nucléaire. Je salue ce pas qui va dans notre direction tout en étant cohérent avec les autres propositions de ce groupe. Peut-être devriez-vous également faire ce pas, chers collègues de La France insoumise. Nous pourrons ainsi montrer qu’en dépit de nos désaccords, nous disposons d’un socle de discussion dans la perspective d’un débat parlementaire sur la politique énergétique et de l'examen d’un projet de loi de programmation.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je fais effectivement un pas mais je suis la seule à le faire puisque vous refusez de vous en tenir au nucléaire existant.

Par manque d’anticipation, nous nous retrouvons avec sur notre sol une majorité de réacteurs âgés de 39 ans, qui approchent de la durée limite d’utilisation et dont la prolongation pour dix à vingt ans supplémentaires est soumise aux autorités de sûreté. Nous sommes conscients par ailleurs de « l’effet falaise » qui risquerait de se produire si l’on fermait tous les réacteurs atteignant la cible de quarante ans.

Je voudrais rappeler à ce sujet les débats que nous avons eus sur la sûreté nucléaire. Pour disposer d’une expertise et d’un avis éclairés sur la prolongation du parc, il nous faut une organisation robuste en matière de sûreté nucléaire. Le projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire doit être discuté lors d’une prochaine commission mixte paritaire. S’il était adopté, actant la fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) avec l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), les conditions ne seraient plus réunies pour que la prolongation du parc soit décidée avec le même niveau de confiance qu’aujourd’hui. Il ne faut pas que cette réforme passe.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je retire mon amendement au profit de celui de Mme Bregeon. Sans approuver le sous-amendement, je remercie néanmoins la rapporteure pour ses propos que je partage s’agissant de la sûreté nucléaire : la relance du nucléaire, nécessaire pour remplir les objectifs qui ont été fixés après le discours du Président de la République à Belfort, ne passe pas par une réorganisation de la sûreté nucléaire. Le vote intervenu en séance publique la semaine dernière démontre la fragilité de l’argumentaire à ce sujet.

L’amendement CE16 est retiré.

La commission rejette le sous-amendement CE110 et adopte l’amendement CE85.

 

Amendement CE86 de Mme Maud Bregeon

Mme Maud Bregeon (RE). Cet amendement vise à assurer la disponibilité des installations contribuant au retraitement et à la valorisation des combustibles usés.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Avis défavorable.

M. Antoine Armand (RE). Cet amendement, que je soutiens, va dans le sens du sous‑amendement que vous venez de défendre, madame la rapporteure : un cycle du combustible performant est nécessaire au maintien du parc existant dans des conditions de fonctionnement efficaces. Ayant fait un pas dans notre direction, vous devriez plutôt y être favorable.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Des pas sont faits d’un côté mais pas de l’autre. Je ne suis pas favorable à de nouvelles installations nucléaires.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Notre collègue Armand nous invitait tout à l’heure à faire un pas pour que le dialogue puisse s’engager. Pourtant, lorsque la rapporteure décide de faire ce pas, on lui claque la porte au nez ! S’il y avait une réelle volonté de travailler à la façon d’affronter le défi électrique auquel nous serons confrontés d’ici à 2035, le dialogue pourrait peut-être s’engager. Mais le Gouvernement refuse de présenter son projet de loi de programmation et nos collègues refusent d’accepter la main tendue par la rapporteure : ils ne sont pas dans une volonté de dialogue mais cherchent à imposer leurs choix, au besoin en contournant le vote du Parlement. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas soutenu l’amendement précédemment adopté.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Je salue la volonté d’avancer de la rapporteure, qui fait un pas non négligeable. La majorité pourrait faire de même en retirant le texte relatif à la sûreté nucléaire !

M. le président Stéphane Travert. Le message sera transmis !

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE40 de Mme Clémence Guetté

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Notre groupe propose, s’agissant de la rénovation thermique des bâtiments prévue par le code de l’énergie, de remplacer les termes « à l’horizon 2050 » par l’expression « au plus tard en 2050 ».

Le secteur du bâtiment est fortement émetteur de gaz à effet de serre, et plus de 12 millions de nos concitoyens sont en situation de précarité énergétique. Or le rythme auquel sont menés les travaux de rénovation est largement insuffisant. En réalisant 200 000 rénovations par an, comme le prévoit l’objectif pour 2024, on ne pourrait même pas traiter l’ensemble des 6,6 millions de passoires énergétiques de notre pays d’ici à 2050.

Quant au dispositif MaPrimeRénov’ – auquel le Gouvernement a retiré 1 milliard d’euros le mois dernier par décret –, ses insuffisances sont désormais connues. Le reste à charge est beaucoup trop important pour les ménages modestes.

Nous soutenons l’objectif de 900 000 rénovations énergétiques performantes sur la période 2030-2050 tel que prévu par la proposition de loi, mais nous souhaitons qu’il puisse être atteint dès que possible – et dans tous les cas, pas après 2050.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je suis très favorable à cet amendement.

M. Antoine Armand (RE). Ce débat est important et les questions posées sont les bonnes. Il demeure toutefois une autre question, cardinale, qui est l’objet de mon amendement CE70 à venir : pourquoi raisonne-t-on en nombre de rénovations et non pas directement en gains énergétiques ? Ce sont ces gains qui importent. Cette question méthodologique va nous revenir en boomerang. Les politiques de rénovation doivent être arbitrées selon la quantité d’énergie économisée.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). D’abord, le nombre de passoires énergétiques rénovées est un indicateur facile à suivre. Vous semblez ensuite oublier une réalité sociale très concrète, monsieur Armand. Sur l’ensemble des passoires thermiques, 4,8 millions sont des résidences principales dont les habitants subissent les aléas climatiques été comme hiver. Le nombre de logements rénovés est donc un indicateur pertinent sur le plan social.

De nombreux ménages ne parviennent plus à payer leurs factures d’énergie et un sur cinq souffre du froid dans son logement. Vous devriez, comme nous, vous en inquiéter.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE41 de M. Maxime Laisney et sous-amendement CE111 de Mme Julie Laernoes

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement vise à avancer à 2035 au plus tard la date à laquelle l’objectif de rénovation thermique devra être tenu s’agissant des logements sociaux. Je commencerai par souligner, à cet égard, que tandis que 5 millions de personnes attendent une solution de logement dans le parc social, le Gouvernement a décidé de casser la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU) en y intégrant le logement intermédiaire.

On estime qu’il y a 400 000 passoires thermiques dans le parc social. Leur rénovation permettrait de réduire le gaspillage énergétique, de montrer l’exemplarité de la puissance publique, de protéger les ménages contre l’envolée des coûts de l’énergie et d’offrir à ces derniers des conditions de vie dignes. Je visite régulièrement dans ma circonscription – comme je l’ai fait récemment à Chelles, à Noisiel, à Champs-sur-Marne ou à Lognes – des logements du parc social totalement dégradés, dans lesquels on va jusqu’à trouver des champignons dans les chambres des enfants.

La rapporteure propose par un sous-amendement de fixer l’échéance à 2040 au lieu de 2035, mais c’est une date trop tardive.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Comme nous l’avons souligné avec ma collègue Marjolaine Meynier-Millefert dans notre rapport d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments, le logement social présente des caractéristiques qui facilitent la mise en œuvre d’une politique de rénovation. D’abord, les bailleurs sociaux ayant réalisé l’inventaire de leur parc, ils disposent d’une bonne visibilité sur les rénovations à mener. Chaque denier public consacré à la rénovation du parc social se traduit ainsi directement en économies d’énergie, concourant à trois objectifs de notre politique publique : lutter contre la précarité énergétique, réduire notre consommation d’énergie et lutter contre le réchauffement climatique.

Outre qu’elles permettent un gain immédiat, les rénovations réalisées dans le parc social peuvent également amorcer une dynamique dans la filière du bâtiment, prélude à une massification des travaux de rénovation.

J’émets un avis favorable à l’amendement, à condition toutefois que soit adopté mon sous-amendement CE111 visant à fixer l’échéance à 2040 au lieu de 2035, pour prévoir un délai suffisant.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

 

Amendement CE70 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand (RE). Cet amendement vise à fixer des objectifs en termes de quantité d’énergie économisée, en se fondant sur les dernières estimations en la matière issues des administrations. L’efficacité énergétique est en effet un enjeu crucial.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je suis défavorable à cet amendement qui modifierait totalement le paradigme s’agissant de la rénovation des logements.

On peut considérer que ce qui importe n’est pas l’état des logements mais la baisse globale de la consommation énergétique. Intellectuellement, cela peut se comprendre. Mais plutôt que d’inciter à des rénovations efficaces, une telle approche inciterait à faire de petits gestes. Les habitants des passoires énergétiques, par exemple, réduiraient leur consommation en n’allumant plus du tout leur chauffage. En outre, le signal envoyé à la filière du bâtiment ne serait plus le même.

La commission adopte l’amendement.

 En conséquence, les amendements CE7 de M. Nicolas Meizonnet et CE104 de Mme Julie Laernoes tombent.

 

Amendement CE29 de Mme Anna Pic

Mme Anna Pic (SOC). Cet amendement vise à donner pour objectif à la politique énergétique le soutien aux opérations d’autoconsommation individuelle et collective d’énergies renouvelables. La France peine en effet à atteindre ses objectifs de développement des énergies renouvelables ; elle est le seul État européen à ne pas les avoir atteints en 2020. Or l’acceptabilité des projets dans les territoires, essentielle à cet égard, nécessite une forte implication des citoyens et des collectivités.

Pour accélérer la transition énergétique, nous devons donc nous doter enfin d’une politique volontariste de développement de l’énergie, qui soit aux mains des citoyens et des collectivités. Cette politique doit s’inscrire dans la durée et se donner des objectifs ambitieux.

Si la loi relative à l’accélération de la production d'énergies renouvelables de 2023 a facilité la création de sociétés locales incluant citoyens, collectivités et bailleurs sociaux, il est essentiel d’accélérer cette dynamique. Alors que les obligations de solarisation des immeubles tertiaires ont été nettement renforcées, à l’initiative de notre groupe notamment, il est aussi cohérent d’inscrire cette dynamique dans les objectifs de la politique énergétique de la France.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je suis très favorable à l’autoconsommation individuelle et collective, que nous avons essayé de promouvoir – sans grand succès – dans la loi d'accélération. Ayant été confrontée, en tant qu’élue locale, à des difficultés qui n’ont pas été réglées, je trouve cet amendement tout à fait opportun. Sa rédaction n’étant pas satisfaisante, je vous propose néanmoins que vous le retiriez et que nous le réécrivions ensemble d’ici à l’examen du texte en séance.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE88 de Mme Maud Bregeon

Mme Maud Bregeon (RE). En outre-mer, l’énergie est d’origine fossile à hauteur de 83 %. Le présent amendement maintient l’objectif de 100 % d’énergies renouvelables dans le mix de production d’électricité de ces territoires en 2030, mais fixe à 2050 l’objectif de leur autonomie énergétique.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE54 de Mme Hélène Laporte tombe.

 

Amendement CE39 de M. Maxime Laisney

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Cet amendement vise à supprimer la mention « bas-carbone » après le mot « hydrogène », au 10° de l’article L. 100-4 du code de l’énergie. L’hydrogène bas-carbone peut en effet être produit à partir d’énergie nucléaire ou d’énergies fossiles associées à des technologies de capture et de stockage du carbone. Sans même parler des inconvénients du nucléaire, nous considérons que la mention « bas-carbone » nuit à la clarté de nos discussions.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE90 de Mme Maud Bregeon

Mme Maud Bregeon (RE). Cet amendement vise à introduire dans le code de l’énergie la stratégie hydrogène comme moyen d'atteindre les objectifs climatiques.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE30 de Mme Anna Pic tombe.

 

Amendement CE71 de M. Antoine Armand

M. Antoine Armand (RE). Cet amendement propose de sortir de l’ère des pourcentages pour entrer dans celle des capacités installées minimales : il vise à fixer une capacité installée de production électronucléaire sur notre sol qui soit en mesure de répondre au défi de l’électrification des usages dès 2035 et dans les années suivantes, en ligne avec les engagements de l’accord de Paris.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

La commission adopte l’article 1er modifié.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE45 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Notre groupe propose que la planification énergétique bénéficie de moyens adaptés. Pour avoir été co-rapporteur de la mission relative à l’application de la loi d’accélération du développement des énergies renouvelables, je suis très sceptique quant au déploiement des zones d’accélération prévues par la loi votée l’an dernier. Un an après la promulgation de celle-ci, 70 % des décrets n’avaient d’ailleurs pas été pris par le Gouvernement. Cela témoigne du « deux poids, deux mesures » en matière d’énergies.

Les énergies renouvelables dans notre pays sont non seulement en retard, mais en ralentissement : en 2023, 4,5 GW supplémentaires seulement ont été connectés contre 5,3 GW en 2022. L’instruction des dossiers et les contrôles, en particulier, posent problème. La direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) et les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) manquent de moyens. Ceux de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) sont mobilisés mais ne sont sans doute pas suffisants.

En France, dix personnes gèrent huit projets d’implantations d’énergies renouvelables quand, au Danemark, vingt personnes travaillent pour un seul projet. Au-delà des dispositifs – qui ne sont pas au niveau, raison pour laquelle nous n’avions pas voté la loi –, il faut également des moyens.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE46 de Mme Clémence Guetté

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Nous ne désespérons pas que nos appels unanimes à une discussion sur la LPEC adressés au Gouvernement aboutissent un jour. En attendant, nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’option que nous privilégions, à savoir la stratégie 100 % énergies renouvelables. C’est un scénario que RTE a envisagé – il l’a appelé « M0 » –, tout comme NégaWatt et d’autres organisations.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je pense effectivement que pour débattre du mix énergétique à l’horizon 2050, il est important de disposer du maximum d’éléments. Avis très favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE47 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous demandons que le Gouvernement remette un rapport au Parlement en vue de développer les capacités géothermales du pays.

Dans la mission flash qu’ils lui ont consacrée, nos collègues Gérard Leseul et Vincent Thiébaut ont montré que la géothermie présentait de nombreux avantages : disponible en continu, c’est une énergie très largement décarbonée, avec une faible emprise foncière, ce qui est un atout essentiel à l’heure de la loi ZAN. Un tiers de l’Hexagone présente un fort potentiel en la matière, tout comme les territoires ultramarins.

Nos collègues ont fait plusieurs recommandations : augmenter nos connaissances sur le sujet ; inscrire les objectifs en matière de développement de la géothermie dans les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) ; étendre le fonds de garantie ; revoir la gouvernance à l’échelle régionale, etc. Un plan d’action du Gouvernement en faveur de la géothermie a été rendu public en février 2023, mais on peut aller plus loin. La géothermie nécessite d’importants investissements financiers au départ, au moment où l’on creuse, mais est assez peu coûteuse ensuite. Bien qu’il y ait là un enjeu de souveraineté, la chaleur renouvelable reste souvent l’impensé de nos discussions sur les énergies renouvelables.

Contre l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

 

Article 2 (article L. 311-5-3-1 [nouveau] du code de l’énergie et articles 1er, 22 et 39 de l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020) : Interdiction de l’exploitation d’une installation de production d’électricité à partir de charbon à compter du 1er janvier 2027

 

Amendement de suppression CE8 de M. Nicolas Meizonnet

M. Nicolas Meizonnet (RN). Sans nier les effets délétères de l’usage du charbon, il faut rappeler que la France s’est dotée depuis plusieurs décennies d’un modèle unique qui a su se passer du charbon, alors que la plupart des pays du monde l’utilisent encore en grande quantité, notamment l’Allemagne, que vous érigez en modèle.

Pour des raisons conjoncturelles, quelques centrales à charbon sont encore utilisées, notamment à Saint‑Avold, en Moselle. Elles servent d’appoint lorsqu’il n’y a pas assez de vent ou de soleil pour produire de l’électricité au moyen des énergies renouvelables.

La fermeture de la centrale de Fessenheim n’a pas aidé, pas plus que l’affaiblissement de la filière nucléaire, que vous souhaitez. Le fait que l’on utilise encore autant de charbon est la conséquence de vos décisions et de vos choix. Tout le monde, en France, souhaite que l’on arrête d’utiliser du charbon, mais cela doit passer par des investissements massifs dans le nucléaire, et non par des interdictions.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Il va falloir changer de disque, parce qu’il est un peu rayé. Dire que c’est la faute des écologistes si on continue à cramer du charbon en France, c’est un peu fort. Les écologistes n’ont pas été souvent au gouvernement et, lorsqu’ils l’ont été, ils n’étaient pas majoritaires.

Je vous invite à lire le rapport de notre collègue Antoine Armand sur les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France : il explique très bien comment la filière du nucléaire a perdu en compétences. Il est plus facile de vous en prendre à votre bouc émissaire préféré, à savoir les écologistes, que de voir la réalité. Ce qui est étonnant dans votre argumentation, c’est cette idée d’une préférence nationale concernant le charbon. Le charbon français – incroyable ! – émettrait moins de gaz à effet de serre que le charbon allemand, que vous détestez. J’ai un scoop pour vous : ce n’est pas le cas.

C’est justement parce que la France a déjà beaucoup avancé vers la décarbonation qu’elle pourrait se passer du peu de charbon qu’elle consomme encore et honorer ainsi les promesses du Président de la République. J’ai déjà expliqué que le charbon ne représentait que 1,2 % de la production d’électricité sur notre sol, mais 30 % des émissions de gaz à effet de serre de la production d’électricité. Il faut que nous nous donnions une date de sortie si nous voulons trouver des moyens de reconversion et des projets alternatifs territoriaux. Sinon, nous risquons de continuer à repousser la fermeture d’installations qui sont aussi nocives pour celles et ceux qui y travaillent.

M. Antoine Armand (RE). Cet amendement du Rassemblement national vaut autant pour le dispositif qu’il veut supprimer que pour son exposé des motifs, dont je me permets de vous lire une phrase : « Le charbon présente deux désavantages majeurs : il n’est pas disponible en grande quantité sur le sol français et, surtout, son exploitation dans des centrales thermiques rejette énormément de carbone, ce qui présente un risque sanitaire tout en aggravant le dérèglement climatique. »

Le charbon est l’un des principaux responsables du dérèglement climatique : c’est un fait avéré par le Giec et par tous les scientifiques sérieux de cette planète. Ce type de raisonnement, cher collègue du Rassemblement national, risque de vous disqualifier définitivement dans la lutte contre le changement climatique et de laisser penser que vous êtes climatosceptique.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE55 de Mme Hélène Laporte.

 

Amendement CE49 de M. Matthias Tavel

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Il s’agit de s’assurer que la sortie du charbon, qui avait été annoncée pour 2022 et qui a été reportée à 2027 par le Président de la République, se fera dans de bonnes conditions, à la fois socialement et du point de vue de la production électrique.

Dans le département que je représente, la Loire-Atlantique, se trouve la centrale de Cordemais. Depuis de nombreuses années, un travail est engagé, notamment de la part des salariés, pour convertir cette centrale à charbon en une centrale utilisant de la biomasse, constituée de déchets de bois – et non d’arbres coupés spécialement à cet effet, ce qui serait inacceptable. Le Président de la République s’est lui-même rallié à cette idée de convertir des centrales mais EDF, qui est le propriétaire de celle de Cordemais, faire preuve de beaucoup de mauvaise volonté. Il nous paraît donc nécessaire d’inscrire dans la loi que la conversion des centrales à charbon en centrales d’énergie renouvelable garantit la capacité de production électrique dont notre pays a besoin.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je suis comme vous députée de Loire-Atlantique. J’ai par ailleurs exercé des missions en tant qu’élue locale dans ce département. J’ai donc été amenée à me pencher sur la situation de la centrale de Cordemais et je l’avais évidemment en tête en rédigeant l’article 2.

J’émettrai toutefois un avis défavorable sur votre amendement, car je ne crois pas souhaitable de systématiser, dans la loi, la conversion des centrales à charbon en centrales d’énergie renouvelable. Des rapports du WWF montrent que tous les projets de conversion n’ont pas que des effets positifs. La centrale de Gardanne, par exemple, est critiquée parce qu’elle n’utilise pas du bois déchet pour l’alimenter.

Le projet Ecocombust, qui pourrait voir le jour à Cordemais, utiliserait quant à lui du bois de classe B, c’est-à-dire de déchets de bois, sous la forme de black pellets. Or on ne sait pas tout de l’impact environnemental de la combustion des black pellets : pour rappel, le bois de classe B, c’est du bois Ikea, plein de colle et de produits chimiques. Il y a donc un risque de dégradation de la qualité de l’air, qui n’a pas été pris en compte dans les études dont nous disposons sur le projet Ecocombust. La question de la rentabilité économique du projet se pose aussi, même si un investisseur a été trouvé pour fournir le black pellets. Mais j’entends votre préoccupation sociale.

Au cours des auditions, j’ai posé la question de la sécurité d’approvisionnement électrique. Or il apparaît qu’il serait possible de fermer la centrale de Cordemais sans produire d’énergie alternative. Par ailleurs, d’autres syndicats proposent d’autres projets, impliquant par exemple le parc éolien offshore. La centrale, se trouvant à proximité de réseaux majeurs d’électricité et de gaz, pourrait stocker des énergies renouvelables produites à des moments où l’on n’en a pas besoin. C’est un autre modèle que le projet Ecocombust, qui mérite aussi d’être examiné.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Je suis convaincu que pour garantir la sécurité de notre approvisionnement électrique, nous avons besoin de capacités de production pilotables et reposant sur les énergies renouvelables. Du reste, mon amendement ne se limite pas à la question de la biomasse et sa formulation est beaucoup plus large, car j’ai bien conscience que le projet qui est développé à Cordemais, et que je soutiens, ne peut pas forcément être reproduit ailleurs.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE50 de M. Maxime Laisney

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Cet amendement concerne aussi la conversion des centrales à charbon, mais porte plus spécifiquement sur les mesures d’accompagnement social de leurs salariés et de ceux des entreprises sous-traitantes. Il importe de prévoir dans la loi des mesures d’accompagnement très claires, afin d’éviter la situation que nous avons connue à Saint-Avold, où l’on a demandé à des salariés qui avaient été licenciés de reprendre le travail, parce qu’on s’est rendu compte qu’on avait besoin d’eux et que personne n’y avait pensé avant.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

 

La commission adopte l’article 2 modifié.

 

 

Article 3 (articles L. 111-9, L. 111-12, L. 132-6, L. 142-1 et L. 142-2 [abrogé] du code minier) : Anticipation de l’arrêt de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures et du charbon en France

 

Amendements de suppression CE11 de M. Nicolas Meizonnet et CE83 de Mme Maud Bregeon

M. Nicolas Meizonnet (RN). La production pétrolière française représente 1 % de notre consommation, qui équivaut à plus de 77 millions de tonnes d’équivalent pétrole. Cette production est donc très faible, mais elle permet tout de même de couvrir une petite partie des besoins de l’économie française. La production française d’hydrocarbures n’est pas seulement utile pour des raisons stratégiques : elle permet aussi de contrôler l’impact environnemental de l’exploitation et d’éviter les émissions liées au transport international.

Vous allez sans doute me répondre, madame la rapporteure, que la production française d’hydrocarbures n’est pas plus vertueuse que celle des autres et qu’il n’y a pas plus d’émissions de gaz à effet de serre liées au transport. C’est à se demander si vous n’êtes pas un peu climatosceptique…

Sans que cela ait un impact important sur le secteur énergétique français, l’arrêt de la production de pétrole en France serait une erreur à la fois économique et environnementale.

Mme Maud Bregeon (RE). La France a été le premier pays au monde à interdire la recherche et l’exploitation des hydrocarbures sur son sol et nous avons évidemment vocation à en finir avec elles. Néanmoins, dans la mesure où nous en avons encore besoin et où nous avons des concessions qui peuvent continuer à exploiter, il nous semble pertinent de produire ce dont nous avons besoin sur notre sol, plutôt que d’importer du pétrole produit à des milliers de kilomètres.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Je suis très défavorable à ces amendements. Nous avons le devoir de lutter contre le réchauffement climatique et nous avons aussi un devoir d’exemplarité. Autoriser ou prolonger des forages pétroliers sur notre sol me paraît inepte. Ma collègue Sabrina Sebaihi a évoqué La Teste-de-Buch : on voudrait y chercher du pétrole, alors que la forêt de cette commune a brûlé du fait du réchauffement climatique. Quelle ironie du sort !

La production pétrolière de la France représente 1 % de sa consommation. Il me semble que nous avons une responsabilité historique, en tant qu’Européens, puisque les émissions de gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique sont celles que nous avons majoritairement envoyées dans l’atmosphère. Or ce sont les pays du Sud qui sont le plus affectés par les effets du réchauffement climatique. Par ailleurs, comment peut-on demander à nos concitoyens de faire des efforts de sobriété et d’efficacité énergétique en faisant isoler leur maison tout en autorisant, à côté de chez eux, des forages d’énergies fossiles ?

Afin de tenir compte des préconisations juridiques du ministère et du SGPE, j’ai moi‑même déposé un amendement, le CE105, qui supprime les alinéas 7 et 8.

Si l’on veut s’attaquer aux énergies fossiles, il faut commencer, symboliquement, par s’attaquer aux industries fossiles chez nous.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements CE12 de M. Nicolas Meizonnet, CE105 de Mme Julie Laernoes et CE51 de Mme Clémence Guetté tombent.

 

 

Après l’article 3

 

Amendement CE13 de M. Nicolas Meizonnet

M. Nicolas Meizonnet (RN). Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport comparant l’impact carbone de la production d’un litre de pétrole extrait en France et l’impact carbone d’un litre de pétrole importé, transport compris.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. Les demandes de rapport déposées par le Rassemblement national illustrent son incapacité à se positionner sur la question écologique. Il faut dire que lorsqu’on fait des écologistes un bouc émissaire, il est difficile de faire des propositions cohérentes en matière d’écologie… Quand on dépose des amendements aussi hallucinants que les vôtres, il faut oser traiter de climatosceptique une écologiste qui dépose une proposition de loi pour répondre à l’urgence climatique ! Ce que je comprends, c’est que vous n’avez pas lu les rapports du Giec et que vous ne croyez pas au réchauffement climatique. Il semble que le climatoscepticisme ne soit pas mort dans notre assemblée, ce qui est un sérieux problème, et vous l’incarnez à merveille.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 4 : Gage financier

 

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Mme Julie Laernoes, rapporteure. C’est la mort dans l’âme, mes chers collègues, que je dois vous demander de votre contre ce texte.

J’ai fait un travail de compromis, en reprenant les objectifs proposés par le Gouvernement, parce que je pense sincèrement qu’il est impératif d’agir. J’ai promis à mes enfants qu’ils auraient un avenir sur cette planète. Or le réchauffement climatique rend cet avenir incertain.

J’ai déposé cette proposition de loi parce que je ne voyais arriver aucun texte de programmation. J’ai déposé un texte sérieux, sur lequel il était possible de débattre et à partir duquel nous pouvions tracer une voie commune pour avancer. Il me semble qu’il y a des points fondamentaux sur lesquels nous aurions pu nous mettre d’accord, comme la baisse de la consommation, la sobriété et la montée en puissance des énergies renouvelables. Tous ceux qui ont travaillé sérieusement sur ces questions et participé aux groupes de travail organisés par le ministère savent qu’il n’y a pas de recette miracle pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles et améliorer notre bilan carbone d’ici à 2030 ou 2035. Il n’y a que deux solutions : la baisse de la consommation et le développement des énergies renouvelables – mais j’ai conscience que nous sommes dans un pays dont la culture n’est pas forcément très favorable à celles-ci, comme nous en avons encore eu la preuve aujourd’hui.

J’ai fait des gestes d’ouverture pour inscrire dans la loi des objectifs révisés, car ceux que nous avons fixés il y a dix ans ne correspondent plus à rien. Pourquoi ai-je tenu à les inscrire dans la loi ? Parce que tant qu’on ne modifiera pas la loi, les industriels ne lanceront pas leurs investissements, ce qui retardera encore les changements. Et sans loi, le Parlement ne pourra pas contrôler l’action du Gouvernement sur cette politique majeure de l’énergie et du climat.

Signe d’ouverture encore, l’horizon de cette proposition de loi est 2030 ou 2035, ce qui exclut la question du nucléaire. Du reste, vous avez déjà inscrit dans la loi d’accélération du nucléaire des objectifs de construction de nouveaux EPR. J’espérais que nous pourrions sortir des postures et montrer que le Parlement souhaite réellement se doter d’une programmation énergétique. Mais nous nous sommes enferrés dans des débats stériles autour du nucléaire, qui est le sujet d’après. La neutralité carbone se jouera d’abord, en effet, sur la réduction de la consommation et la montée en puissance des énergies renouvelables. Le nucléaire viendra ensuite, entre 2035 et 2050.

Malheureusement, le climat a fait les frais du débat sur le nucléaire. Quel besoin aviez-vous, Madame Bregeon, de déposer un amendement sur la question du retraitement ? Avec de telles initiatives, et malgré les ouvertures que j’ai faites, vous avez repoussé la main que je vous tendais. Votre croyance aveugle dans le dogme du nucléaire va nous empêcher d’adopter les mesures qui seraient nécessaires à la France pour relever le défi climatique. Ce n’est pas responsable.

M. le président Stéphane Travert. J’ai tout de même le sentiment, madame la rapporteure, que nos débats se sont déroulés de manière apaisée et que chacun a pu faire valoir ses positions.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 

 

 


Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

 

 

M. Phuc-Vinh Nguyen, chercheur en politique française et européenne à l’Institut Jacques Delors

Table ronde ONG :

Réseau Action climat (RAC) *

M. Bastien Cuq, responsable énergie

Greenpeace France *

M. Nicolas Nace, chargé de campagne Transition énergétique

CLER (Réseau pour la transition énergétique) *

M. Marc Jedliczka, co-président du CLER et directeur général d’Hespul

M. Alexis Monteil-Gutel, directeur du CLER

Syndicat des énergies renouvelables (SER) *

M. Jules Nyssen, président

M. Alexandre de Montesquiou, consultant, directeur associé d’Ai2P, en charge des relations parlementaires du SER

Union française d’électricité (UFE) *

M. Daniel Gama, directeur Énergies renouvelables, réseaux et marchés

M. Oussama Haned, chargé de relations institutionnelles

Table ronde Projections et scénarios :

Réseau de transport d’électricité (RTE)

M. Thomas Veyrenc, directeur général du pôle finances, achats et risques

NegaWatt *

M. Yves Marignac, porte-parole de l’association

Agence de la transition écologique (Ademe)

M. David Marchal, directeur exécutif de l’expertise et des programmes

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

Mme Diane Simiu, directrice du climat, de l’efficacité énergétique et de l’air

M. Laurent Kueny, directeur de l’énergie

Haut Conseil pour le climat

Mme Corinne Le Quéré, présidente

M. Yohanan. Kasriel, membre du secrétariat du Haut conseil pour le climat

Secrétariat général de la planification écologique

M. Antoine Pellion, secrétaire général à la planification écologique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


Liste des contributions reçues

 

 

Enedis

 

Fédération des services énergie environnement (Fedene)

 

France Renouvelables

 

France Gaz

 

France Gaz Liquides

 

Terra Nova


([1]) Ce lien de compatibilité implique que la PPE, ou la SNBC, n’inclut pas de mesures contraires aux orientations et dispositions arrêtées par la loi pour la politique nationale de l’énergie et du climat.

([2]) Pour une présentation sur le site du Citepa : https://www.citepa.org/fr/2023_05_a07/

([3]) Les États membres doivent adresser chaque année à Bruxelles un tel plan afin que la Commission vérifie qu’ils suivent la trajectoire définie par l’Union européenne pour atteindre la neutralité carbone. Cf. le document : https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42985-projet-pniec-2023.pdf

([4]) Rapport d’information n° 2200 de MM. Henri Alfandari, Éric Bothorel, Maxime Laisney et Nicolas Meizonnet, 13 février 2024.

([5]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([6]) Les émissions doivent être couvertes par les absorptions de gaz à effet de serre. Celles-ci peuvent résulter du puits de carbone naturel (forêt et terres agricoles) ou du captage et du stockage de carbone (CSC).

([7]) Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

([8]) Ces 80 MtCO2eq d’émissions résiduelles devront être intégralement compensées par des puits de carbone.

([9]) Au titre de la CCNUCC et du règlement européen 2018/1999 sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, qui remplace le règlement européen n° 525/2013 relatif à un mécanisme pour la surveillance et la déclaration des émissions de GES. Les inventaires sont publiés sur les sites de la CCNUCC et de l’Agence européenne de l’environnement. Les services ministériels chargés du climat et de l’énergie demandent par ailleurs au Citepa un inventaire au format dit « SECTEN » (par SECTeur émetteur et par ENergie) qui précise l’inventaire CCNUCC au niveau sectoriel. Voir le site du Citepa et les études ministérielles : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat-2023/pdf/chiffres-cles-du-climat-2023.pdf

([10]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-carbone-de-la-france-de-1995-2022

([11]) Remplacé depuis 2019 par le Haut Conseil pour le climat dans ses missions d’évaluation de la politique climatique de la France et de la SNBC.

([12]) https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/barometre-mensuel/CP_Citepa_Barometre_Emissions_GES_mars_2024.pdf

([13]) https://www.aefinfo.fr/depeche/694953-la-france-tient-elle-ses-promesses-de-reduction-des-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre

([14]https://www.economie.gouv.fr/files/files/2024/2024_01_22_Publication_Indicateurs_Definitifs_PPE.pdf?v=1710494281

([15]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-de-lenergie-edition-2023

([16]) Cf. le rapport n° 1028 de la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France, M. Antoine Armand, 30 mars 2023.

([17]) https://www.rte-france.com/analyses-tendances-et-prospectives/les-bilans-previsionnels

([18]) Pour chaque période, la SNBC définit aussi un plafond indicatif des émissions de gaz à effet de serre dénommé « empreinte carbone de la France », qui ajoute, aux budgets carbone « territoriaux, le poids carbone de ses importations et retranche celui de ses exportations.

([19]) Des systèmes technologiques de captage-stockage du CO2 (CSC ou, CCS en anglais) sont en cours de mise au point, tels ceux consistant à fixer le CO2 puis à l’injecter dans des réservoirs géologiques étanches à plus de 1 000 m de profondeur, ou le Direct air carbone capture and storage (DACCS), qui vise à capter le CO2 dans l’air ambiant. Des technologies récupérant le CO2 pour l’utiliser sont également étudiées. Mais ces diverses solutions techniques ne sont pas matures, consomment beaucoup d’électricité et on en ignore le coût futur.

([20]) https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/secten/2023/Citepa_Secten_ed2023_v1.pdf

([21]) La consommation d’énergie finale est égale à la consommation d’énergie primaire moins toutes les « pertes » d’énergie au long de la chaîne qui transforme les ressources énergétiques en énergies utilisées dans la consommation finale. La consommation d’énergie finale est soit une consommation directe d’énergie primaire non transformée, comme le charbon brûlé sous les chaudières ou injecté dans les fours des cimenteries, soit une consommation d’énergie secondaire comme l’essence ou l’électricité.

([22]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/chiffres-cles-de-lenergie-edition-2023

([23]) En règle générale, une rénovation énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment à usage d’habitation est dite performante lorsque des travaux, qui veillent à assurer des conditions satisfaisantes de renouvellement de l’air, permettent de respecter les conditions suivantes :

a) Le classement du bâtiment ou de la partie de bâtiment en classe A ou B au sens de l’article L. 173-1-1 ;

b) L’étude des six postes de travaux de rénovation énergétique suivants : l’isolation des murs, l’isolation des planchers bas, l’isolation de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire ainsi que les interfaces associées (17° bis de l’article L. 111-1 du CCH).

([24]) Cf. rapport d’information n° 1700 de la mission d’information commune sur la rénovation énergétique des bâtiments, Mmes Julie Laernoes et Marjolaine Meynier-Millefert, rapporteures.

([25]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/SNBC-2%20synthe%CC%80se%20VF.pdf

([26]) En volumes, les consommations de produits pétroliers raffinés se sont élevées à 733,9 TWh (63,1 millions de tep) en 2022, celles de gaz naturel à 463 TWh et celles de charbon à 75,2 TWh, sur une consommation énergétique primaire totale de 2 482 TWh en données non corrigées ou 2 544 en données corrigées.

([27]) https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/barometre-mensuel/CP_Citepa_Barometre_Emissions_GES_mars_2024.pdf

([28]) Selon l’article L. 211-2 du code de l’énergie, une énergie renouvelable est « une énergie produite à partir de sources non fossiles renouvelables, à savoir l’énergie éolienne, l’énergie solaire thermique ou photovoltaïque, l’énergie géothermique, l’énergie ambiante, l’énergie marémotrice, houlomotrice et les autres énergies marines, l’énergie hydroélectrique, la biomasse, les gaz de décharge, les gaz des stations d’épuration d’eaux usées et le biogaz ».

Est désigné comme gaz bas-carbone « un gaz constitué principalement de méthane (…) dont le procédé de production engendre des émissions inférieures ou égales à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l'énergie » (article L. 447-1)

([29]) Article 12 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.

([30]) Décret n° 2019-1467 du 26 décembre 2019 instaurant un plafond d’émissions de gaz à effet de serre pour les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles

([31]) Décrets n° 2022-123, n° 2022-1233 et n° 2023-817.

([32]) Dans son discours du 25 septembre 2023 évoquant les grands axes de la planification écologique française

([33]) Source : Fonds monétaire international.

([34]) Dossier de presse « Fermeture des centrales à charbon d’ici 2022 », ministère de l’écologie et de l’aménagement du territoire, janvier 2020.

([35]) Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, « La fermeture des centrales à charbon aura lieu d’ici 2022 », 16 janvier 2020.

([36]) Exercice de scénarisation de l’Ademe « Transition(s) 2050 » publié en novembre 2021 et actualisé en mars 2024.

([37]) Loi n° 2017-1839 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.

([38]) Cf. leurs définitions aux articles 11 et 14 de l’ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française.

([39]) Art. L.121-5 du code minier : Sont considérées comme substances connexes au sens du présent code celles contenues dans une masse minérale ou fossile dont l’abattage est indispensable pour permettre l’extraction des substances mentionnées dans le titre ou l’autorisation.

([40]) La production gazière s’élevait à 0,16 milliard de m3 de gaz en 2015. Source : ministère de la transition écologique.

([41]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/TH_20240101.pdf

([42]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2024_01.pdf