N° 2411

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 mars 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à protéger les Français des risques climatiques et financiers associés
aux investissements dans les énergies fossiles (n° 2230),

 

par Mme Cyrielle CHATELAIN,

Députée

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 Voir le numéro : 2230


 

SOMMAIRE

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Page

Avant-Propos

I. le financement intarissable du secteur des Énergies fossiles, une pratique incompatible avec la lutte contre le rÉchauffement climatique

II. Le rÉchauffement climatique, un facteur de risque STRUCTURANT en matIÈre d’instabilitÉ financiÈre

III. la nÉcessitÉ d’une action structurelle en France, À l’avantgarde de la rÉglementation europÉenne

Travaux de la commission

Discussion gÉnÉrale

Examen des articles

Article 1er  (article L. 500-2 [nouveau] du code monétaire et financier) Restrictions à la fourniture de services financiers aux entreprises actives  dans le secteur des énergies fossiles

Article 2 (article L. 511-41-1 A du code monétaire et financier) Création d’un coussin de fonds propres pour l’exposition  des établissements de crédit et des sociétés de financement  aux activités relatives aux énergies fossiles

Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE

 


   Avant-Propos

La proposition de loi portée par la rapporteure repose sur le constat de la « double matérialité » du risque climatique, expression employée dans un rapport de l’Institut Veblen consacré à l’urgente nécessité de mettre la réglementation bancaire au service de la transition écologique ([1]). Les acteurs financiers et leurs superviseurs doivent non seulement maîtriser les risques systémiques que font peser le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité sur la stabilité du système financier, mais également mettre un terme aux dégâts climatiques et environnementaux causés directement ou indirectement par le financement du secteur des énergies fossiles.

I.    le financement intarissable du secteur des Énergies fossiles, une pratique incompatible avec la lutte contre le rÉchauffement climatique

Lundi 9 août 2021, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publiait le premier volet de son sixième rapport ([2]). Ce dernier confirme que les activités humaines sont sans équivoque à l’origine du changement climatique et appelle à l’action face à un réchauffement climatique dont les impacts se font ressentir aujourd’hui sur l’ensemble du globe, s’aggravent et sont en passe de devenir irréversibles.

La combustion d’énergies fossiles est la première cause du réchauffement climatique. Elle est responsable de 75 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales et de 90 % des émissions de CO2Pourtant, les acteurs financiers continuent d’investir massivement dans les énergies fossiles, au détriment des engagements pris par la France, l’Union européenne et la communauté internationale en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique.

Selon le rapport Banking on Climate Chaos réalisé par une coalition d’organisations non gouvernementales (ONG), les soixante plus grandes banques mondiales ont ainsi accordé 5 500 milliards de dollars de financements (prêts, actions, obligations) aux entreprises du secteur des énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) entre 2016 et 2022 ([3]), soit immédiatement après l’Accord de Paris du 12 décembre 2015. Les financements s’élèvent à 669 milliards de dollars pour la seule année 2022, alors que les géants pétro-gaziers ont généré en parallèle des bénéfices records dans le contexte de la guerre en Ukraine. Les banques françaises sont particulièrement bien placées en la matière : la BNP Paribas (11e), la Société Générale (21e) et le Crédit Agricole (23e) se situent dans la première moitié du classement établi dans le rapport Banking on Climate Chaos, avec respectivement 165,4 milliards d’euros, 98,3 milliards d’euros et 89,0 milliards d’euros de financements « fossiles » sur la période 2016-2022.

Pour respecter nos objectifs climatiques, il est indispensable de laisser dans nos sous-sols plus des deux tiers des énergies fossiles. Des projets de petite taille – les huit nouveaux puits de pétrole en Gironde annoncés en 2022 – aux « bombes climatiques » ([4]), plus aucun nouveau projet ne doit voir le jour si nous souhaitons limiter le réchauffement climatique. Les 425 « bombes climatiques », c’est-à-dire ces mégasites d’extraction fossiles qui contiennent chacun un potentiel d’émission de CO2 équivalent à au moins 1 milliard de tonnes, sont incompatibles avec l’objectif – d’ores et déjà compromis – consistant à limiter le réchauffement planétaire à + 1,5 °C ou + 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici à la fin du siècle. Il est donc vital de ne pas financer les 128 mégaprojets dont l’extraction doit débuter prochainement et d’arrêter les 294 sites d’ores et déjà en exploitation.

L’appui financier accordé au secteur des énergies fossiles, en particulier pour les opérations d’exploration, d’extraction et d’exploitation de nouveaux gisements, contribue au verrouillage de l’économie carbonée. Or une transition tardive et désordonnée sera autrement plus dommageable pour nos économies et nos sociétés. À l’inverse, la transition énergétique nécessite un choc de financement via la réorientation des flux en faveur de la sobriété énergétique et du développement des énergies renouvelables, et l’alignement du système bancaire et financier sur nos objectifs climatiques. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a appelé, dès 2021, à renoncer immédiatement à l’engagement de nouveaux projets dans le secteur des énergies fossiles. Selon l’AIE, les politiques visant à atteindre la neutralité carbone en 2050 et limiter le réchauffement climatique à + 1,5 °C conduiront à une réduction importante de la demande d’énergies fossiles : dès lors, « il n’y a pas besoin d’investir dans de nouvelles capacités d’approvisionnement en énergie fossile » ([5]).

II.    Le rÉchauffement climatique, un facteur de risque STRUCTURANT en matIÈre d’instabilitÉ financiÈre

Si le financement du secteur des énergies fossiles contribue au réchauffement climatique, ce dernier fragilise, en retour, la stabilité du système bancaire et financier.

Les risques liés au climat et à l’environnement constituent des « cygnes verts » (Green Swans), qui diffèrent des « cygnes noirs » à plusieurs égards : si les « cygnes verts » sont extrêmes et difficiles à anticiper à l’aune des approches traditionnelles de la gestion des risques, se limitant à extrapoler des données historiques, à la manière des cygnes noirs, ils se distinguent à la fois par le caractère quasi‑certain de leur matérialisation, par la menace existentielle qu’ils représentent pour l’humanité et par la complexité des réactions en chaîne et des effets en cascades qu’ils sont susceptibles de générer ([6]).La spécificité des risques climatiques est que, contrairement à une crise ordinaire où les banques en difficultés peuvent être aidées, il sera bien plus difficile d’accompagner les banques fragilisées en raison de secteurs économiques entiers rendus non-viables par le réchauffement climatique et ses impacts irréversibles ([7]).

Le système bancaire et financier est exposé à d’importants risques liés au climat et à l’environnement, et risque de se trouver fortement fragilisé voire déstabilisé, au point de créer un risque de la faillite d’entités individuelles voire de défauts en série. Or la crise financière de 2008 a démontré que le sauvetage des établissements systémiques, trop gros pour faire faillite (Too Big to Fail), est porteur d’un important coût économique, social et budgétaire, sans garantir absolument la sécurité des dépôts des épargnants.

La littérature économique distingue classiquement deux types de risques liés au climat et à l’environnement, qui peuvent se cumuler et se matérialisent sous des formes aigues ou chroniques. D’une part, le risque physique couvre les conséquences économiques et financières liées à l’augmentation de la fréquence et du coût des aléas climatiques extrêmes, par exemple sur la solvabilité des ménages, des entreprises, voire des États. D’autre part, le risque de transition renvoie aux pertes financières d’une entité financière du fait de l’évolution de l’économie (réglementations, préférences de marché, ruptures technologiques, etc.). Le risque de transition est d’autant plus important que le changement est abrupt et peut être atténué dans le cadre d’une transition planifiée. L’inaction climatique augmente donc le risque d’évolution brutale et amplifie les risques auxquels seront soumis les acteurs économiques et financiers.

Les risques climatiques prennent notamment la forme des « actifs échoués » (stranded assets). Il s’agit d’actifs (prêts, titres) détenus auprès d’entreprises dont le modèle économique est incompatible avec nos objectifs environnementaux et qui subiront une perte de valeur significative – et irréversible – en cas de transition écologique aboutie. Selon une étude thématique, annexée au rapport de M. Jean Pisani-Ferry et Mme Selma Mahfouz sur les incidences économiques de l’action pour le climat, « les secteurs les plus directement touchés par le risque de capital échoué lié aux deux types de risques (de transition et climatique) seraient les industries extractives d’énergies fossiles, les industries manufacturières, la production d’électricité, la construction, le secteur immobilier et les transports. » ([8]). Ce rapport éclaire l’ampleur du coût de l’obsolescence climatique du stock de capital : le montant annuel des capitaux échoués, toutes catégories d’actifs confondus, atteindrait en moyenne 1 000 milliards de dollars dans le monde sur la période 2015-2050, pour un flux annuel de capital dévalué d’un point de PIB en cas de transition retardée au-delà de 2030. Pour les activités d'extraction et de production d’énergies fossiles, les pertes atteindraient 360 milliards de dollars et 100 milliards de dollars pour la production d’électricité à partir de fossiles ([9]).

En 2022, l’incidence du réchauffement climatique sur les activités économiques et les infrastructures s’est fait durement ressentir en France : en raison d’une sécheresse historique, la production agricole a baissé en de 10 % à 30 % par rapport à 2021 selon les filières, la production hydroélectrique a baissé de 20 % par rapport à la moyenne 2015-2019 ([10]) et les assureurs ont dû couvrir à hauteur de 2,9 milliards d’euros les dommages liés à la sécheresse des sols dans le cadre du régime de « catastrophes naturelles » ([11]). À ces pertes économiques, s’ajoute un drame humain insupportable avec près de 33 000 décès en raison des fortes chaleurs entre 2014 et 2022 ([12]).

Les vulnérabilités associées au financement du secteur des énergies fossiles ne sont pas hypothétiques au regard de l’accélération et de l’aggravation des aléas climatiques. Les actifs liés aux énergies fossiles représentent entre 68 % et 131 % du noyau dur de fonds propres, dits de catégorie 1 (CET1), d’un panel de onze banques étudié par l’Institut Rousseau. Ces travaux concluent que, « dans le scénario dans lequel une perte de 80 % de la valeur des actifs fossiles serait constatée », les fonds propres du Crédit Agricole et de la Société Générale seraient insuffisants pour absorber leurs pertes ([13]).

III.   la nÉcessitÉ d’une action structurelle en France, À l’avant‑garde de la rÉglementation europÉenne

Le cercle vicieux entre la crise climatique et la crise financière (climatefinance doom loop) n’est pas une fatalité. La rapporteure relève que les acteurs financiers et les pouvoirs publics français et européens, s’ils ne semblent pas en prendre la mesure, se mobilisent progressivement. Les banquiers, les assureurs et les gestionnaires d’actifs renforcent leurs politiques d’exclusion sectorielles, tandis que la législation visant à orienter les flux financiers vers des investissements durables prend forme. En matière de réglementation prudentielle, les trilogues menés sur le « paquet bancaire » dit CRR III/CRD VI ont permis d’enrichir les propositions initiales présentées par la Commission européenne le 27 octobre 2021. À titre d’exemple, les établissements bancaires devront se doter de plans de transition intégrant les risques liés aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance, dits ESG ([14]). Ces plans devront comprendre des objectifs et des actions mesurables tendant à intégrer les critères ESG dans la politique de gestion de risques et le modèle d’affaires de l’entreprise, dont le respect sera contrôlé par les superviseurs nationaux.

Il convient toutefois de renforcer et d’accélérer les efforts contribuant au verdissement de la réglementation financière et bancaire. La proposition de loi est portée par la rapporteure sur la base des travaux menés avec plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), en particulier Reclaim Finance, Les Amis de la Terre, Greenpeace, Oxfam et le Réseau Action Climat. Le texte repose sur deux axes complémentaires :

 planifier l’encadrement et l’extinction progressive de l’exposition des acteurs financiers aux énergies fossiles, par l’intermédiaire d’une règle de flux leur interdisant de financer de nouveaux projets sur l’ensemble de la chaîne de valeur des énergies fossiles et d’une règle de stock leur imposant de se défaire progressivement des actifs liés aux énergies fossiles (article 1er) ;

– renforcer la résilience du système financier face au réchauffement climatique, en créant une nouvelle catégorie de coussin de fonds propres portant sur l’exposition des établissements de crédit et des sociétés de financement aux activités relatives aux énergies fossiles (article 2).

La rapporteure est consciente que l’Union européenne constitue un échelon indispensable pour assurer l’alignement du secteur financier sur nos objectifs climatiques et environnementaux. L’intégration du marché financier européen, fondée sur la libre circulation des capitaux et des paiements, et la primauté du cadre prudentiel issu de la crise financière de 2008 plaident pour une action européenne.

Le législateur français gagnerait néanmoins à exercer pleinement un rôle précurseur, puisque ces transformations interviendront inévitablement et qu’elles seront d’autant plus fortes qu’elles émergeront d’un débat démocratique au sein de nos institutions. Les règlementations du secteur financier doivent être précisées et contrôlées de manière démocratique par le Parlement européen et les parlements nationaux. Ainsi, la France ne doit pas hésiter à agir en pionnier pour avoir un effet d’entraînement par rapport aux autres pays européens.

Il revient donc aux parlementaires d’anticiper les risques et, dans la mesure du possible, de les endiguer. La France dispose d’une expérience et d’une légitimité solides en la matière, comme l’illustre son action pionnière en matière de devoir de vigilance des entreprises ([15]).

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   Travaux de la commission

   Discussion gÉnÉrale

Au cours de sa séance du mercredi 27 mars, la commission a procédé à l’examen de la proposition de loi visant à protéger les Français des risques climatiques et financiers associés aux investissements dans les énergies fossiles (n° 2230) (Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure).

M. le président Éric Coquerel. Mes chers collègues, nous examinons ce matin un texte inscrit par le groupe Écologiste-NUPES à l’ordre du jour de sa journée réservée, le jeudi 4 avril : la proposition de loi visant à protéger les Français des risques climatiques et financiers associés aux investissements dans les énergies fossiles.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. C’est avec un grand plaisir que je vous présente cette proposition de loi relative à l’encadrement et à l’extinction progressive du financement des énergies fossiles par les acteurs de la finance.

Dans leur rapport de mai 2023, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz ont rappelé que le réchauffement climatique aurait un coût exorbitant, donc un impact significatif sur nos économies. Le rapport Stern de 2006 indiquait que le coût économique de l’inaction climatique équivaudrait à une baisse permanente d’au moins 5 % du niveau de la consommation mondiale. Des travaux ultérieurs ont conclu à des impacts plus marqués du changement climatique sur l’activité économique globale. La perte de PIB à l’horizon 2100 serait comprise entre 7 et 23 %.

En 2022, les effets sur les activités économiques et les infrastructures se font déjà durement sentir en France. En raison d’une sécheresse historique, la production agricole a baissé de 10 à 30 % selon les filières. La production hydroélectrique a diminué de 20 %. Les assureurs ont dû couvrir 2,9 milliards d’euros de dommages dus à des catastrophes naturelles au titre du risque « retrait-gonflement des argiles » (RGA).

À ces effets économiques s’ajoute un drame humain insupportable : la perte de 33 000 vies, en France, entre 2014 et 2022, en raison des fortes chaleurs.

La combustion des énergies fossiles est la première cause du réchauffement climatique. Elle est responsable de 75 % des émissions de gaz à effet de serre et de 90 % des émissions de CO2.

Les travaux du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sont arrivés à cette conclusion sans appel : pour sauver le climat, il ne faut plus un seul nouveau projet d’extraction de pétrole, de charbon ou de gaz, et il est indispensable de fermer prématurément certains sites en cours d’exploitation.

Pourtant, l’humanité n’a jamais consommé autant de charbon, de pétrole et de gaz qu’aujourd’hui. Selon l’AIE, l’utilisation des énergies fossiles a dépassé son record absolu, atteignant 36,8 milliards de tonnes en 2022. Les multinationales du fossile comme la société Vermilion continuent d’ouvrir de nouveaux puits – encore huit prochainement en Gironde, au cœur de la forêt de La Teste-de-Buch ravagée par les premiers méga-incendies en France. TotalEnergies, ExxonMobil et Shell continuent d’investir dans l’exploitation et l’ouverture de sites qualifiés de « bombes climatiques » – je parle des 425 sites actuellement ou prochainement ouverts et dont l’exploitation ruinerait à elle seule notre chance de contenir le réchauffement au-dessous de 1,5 °C.

TotalEnergies ne prévoit d’ailleurs pas de diminution d’exploitation du pétrole d’ici à 2030, tandis qu’il planifie dans le même temps une augmentation de sa production de gaz naturel liquéfié. Il y a une seule raison à cela : le pétrole est une « machine à cash ».

Cette machine à cash est alimentée par les acteurs financiers. En 2022, les six plus grandes banques françaises avaient un niveau d’exposition cumulée aux énergies fossiles supérieur à la moyenne européenne, avec un cumul de 125 milliards d’euros d’actifs à leur bilan. Depuis l’Accord de Paris en 2015, ce sont plus de 5,5 billions de dollars qui ont été versés par les soixante plus grandes banques mondiales aux entreprises du pétrole, du charbon et du gaz.

Un tel rythme de financement des énergies fossiles n’est plus soutenable. Il va à l’encontre des objectifs climatiques que la France et l’ensemble de la communauté internationale se sont assignés. Le respect de ces objectifs climatiques est un impératif absolu et vital à l’échelle planétaire.

Les auditions menées dans le cadre de cette proposition de loi ont montré qu’un mouvement a été engagé par les banques françaises, qui augmentent le taux de leurs prêts aux énergies fossiles. Certaines se sont engagées à ne pas financer de nouveaux projets fossiles ou à réduire leurs encours de prêts aux acteurs du fossile. Ce changement est dû à plusieurs facteurs.

Il faut tout d’abord mentionner les actions des associations telles qu’Oxfam, Reclaim Finance, Finance Watch, Greenpeace ou encore les Amis de la Terre, que je tiens à remercier. Mais cela tient aussi à la demande grandissante des clients, qui rechignent à déposer leur argent dans des banques qui s’en serviraient pour financer les énergies fossiles. On assiste enfin à une prise de conscience d’une partie des acteurs financiers, qui ne peuvent que constater l’ampleur des impacts du réchauffement climatique.

Cependant, la solidité de leur engagement est actuellement difficile à mesurer. Les informations transmises sur ces sujets sont des données internes aux banques, souvent parcellaires. Elles concernent principalement les prêts dans le secteur énergétique, mais très peu les émissions d’obligations ou l’asset management. En outre, dans ce domaine, les objectifs des banques sont très peu précis.

Ainsi, le mouvement en cours aux niveaux français et européen doit être accompagné par le législateur afin de s’assurer de la solidité de la transition et d’éviter tout greenwashing et toute stratégie de retardement de la transition.

L’article 1er de cette proposition de loi fixe un calendrier de sortie des investissements fossiles clair et harmonisé pour les acteurs financiers. Il prévoit une réduction des investissements fossiles de 50 % par rapport à 2025 d’ici à 2030, et de 90 % d’ici à 2040. De même, il interdit les investissements dans les nouveaux projets fossiles, conformément aux recommandations du GIEC et de l’AIE. Il s’agit de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’inciter les acteurs bancaires à respecter des objectifs afin que nous puissions contenir le réchauffement climatique en dessous de 2 °C.

Si nous n’agissons pas dès maintenant, notre budget carbone sera consommé et nous nous dirigerons vers un monde où la température aura augmenté de 4 °C. Les conditions de vie seront fortement dégradées, voire insupportables. Comme je vous l’ai expliqué au début de mon propos, le système économique sera fortement fragilisé. Le rapport « The Green Swan », élaboré en 2020 par la Banque des règlements internationaux et la Banque de France était on ne peut plus clair : les risques liés au climat sont une source de risques financiers. L’accumulation de CO2 au-delà d’une certaine limite peut avoir des impacts irréversibles. Alors que les difficultés des banques, lors d’une crise financière ordinaire, peuvent être résolues par de l’aide, il sera beaucoup plus difficile d’y remédier dans le cas de secteurs qui ne seront plus viables à cause du réchauffement climatique.

Les risques climatiques sont colossaux pour le système économique. Pour les banques et les acteurs de la finance, ils sont principalement de deux sortes.

Il y a, d’une part, les risques physiques liés au coût économique et aux pertes financières entraînées par des catastrophes climatiques sévères. 2023 est la troisième année où les sinistres climatiques ont été les plus graves, ce qui a amené les assurances à combler des pertes à hauteur de 6,5 millions d’euros. Pour prévenir ces risques, il est indispensable d’engager une bifurcation énergétique, économique, et de changer nos modes de vie. C’est la seule manière d’éviter le chaos climatique.

Il y a, d’autre part, les risques de la transition. Ce sont les risques associés à un changement abrupt – changement politique, augmentation du risque réputationnel, limites technologiques. Ils sont induits si la transition est subie, si elle se fait par la contrainte et non par la planification. Sans action immédiate ni trajectoire claire, le risque d’un changement abrupt augmente considérablement. L’exposition des acteurs financiers aux énergies fossiles leur fait courir un risque de transition important.

La nécessaire sortie des énergies fossiles, qui impose de laisser dans le sol une très grande partie des ressources aujourd’hui inexploitées, entraînera une perte de valeur des actifs fossiles, qui deviendront des « actifs échoués ». S’ils perdent 80 % de leur valeur, ce qui paraît tout à fait plausible dans un monde neutre en carbone, trois à cinq des plus grandes banques européennes n’auraient pas assez de fonds propres pour essuyer leurs pertes, et de nombreuses banques françaises basculeraient dans le rouge.

Ces risques climatiques ne sont pas reflétés par les données passées. Ils peuvent survenir à court, moyen et long terme alors que le système actuel n’est conçu que pour analyser le risque à court terme – à un an, voire à trois ans – et sur la base d’événements déjà survenus. C’est ce que l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, appelait la « tragédie des horizons ». Les banques anticipent donc difficilement les futurs risques liés au dérèglement climatique.

C’est pourquoi l’article 2 de cette proposition de loi vise à protéger les Français en garantissant la stabilité du système financier par une augmentation des fonds propres exigés des banques lorsqu’elles investissent dans les énergies fossiles, afin de réduire leur exposition. C’est aussi la meilleure manière d’éviter les risques physiques induits par les impacts des énergies fossiles et du réchauffement climatique.

Il est apparu que le texte que je vous propose pouvait encore être amélioré. Je défendrai donc plusieurs amendements visant à renforcer cette proposition de loi.

Le message que je cherche à faire passer est extrêmement clair : le monde de la finance ne peut plus continuer à s’extraire des limites physiques de notre monde. Les impératifs climatiques s’imposent à tous, et en premier lieu aux acteurs économiques qui ont contribué pendant des décennies à financer et à renforcer des activités faisant peser un risque vital sur l’ensemble de la population dans le but d’en tirer des profits immédiats. Le retard accumulé face à la catastrophe climatique est considérable. Il convient donc de retrouver notre souveraineté, de reprendre la main sur les investissements des banques et des acteurs financiers en fixant un cadre clair pour protéger les Français. En tant que législateur, nous devons nous extraire des impératifs de rendement immédiat pour prendre les mesures qui s’imposent et pouvoir enfin ouvrir de nouveaux horizons.

M. le président Éric Coquerel. « Notre maison brûle », disait un ancien Président de la République. Depuis, l’incendie n’a pas arrêté de s’étendre, réellement – il suffit de regarder ce qui se passe en France chaque été – comme de façon imagée. Je suis de ceux qui pensent que la dette écologique est la plus dangereuse que nous sommes en train de léguer à nos enfants et petits-enfants – je ne sais jusqu’où iront les générations, tant les conditions de vie sur la Terre pourraient devenir insupportables. À en croire la quasi-totalité des scientifiques, il est intolérable de continuer de rejeter tant de gaz carbonique, de gaz à effet de serre, dans l’atmosphère. Je regarde donc votre proposition de loi avec intérêt.

Je vous recommande la lecture d’un livre de Mickaël Correia, Le Mensonge Total : même ceux qui ne partagent pas les opinions de l’auteur y trouveront des informations concrètes et difficilement réfutables. On y apprend notamment que 80 % des investissements de Total sont tournés vers les énergies carbonées et qu’il ne reste donc que 20 % pour les énergies renouvelables. C’est l’inverse de ce que veut nous faire croire la communication du groupe, qui camoufle de façon assez scandaleuse la poursuite du développement de certains projets, notamment en Afrique, alors que chacun sait qu’il conviendrait de ne plus créer aucun projet de ce genre, ne serait-ce que pour respecter l’Accord de Paris.

Il faut donc mettre le holà. Vous le faites en interdisant le financement de tels projets par des acteurs privés, ce qui est évidemment important car les banques françaises demeurent de grands pourvoyeurs de fonds des énergies carbonées. Vous auriez peut-être pu aller un peu plus loin en prévoyant une interdiction pure et simple de ces projets, d’autant que les compagnies concernées peuvent parfois s’autofinancer, ce qui les dispense de faire appel aux banques. Cependant, il faut avancer et le pas que vous proposez doit être fait. Pour ma part, je soutiendrai donc cette proposition de loi.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Si nous souhaitons comme vous, madame la rapporteure, accompagner efficacement la transition écologique du secteur financier, nous n’en avons pas moins une divergence d’appréciation quant aux moyens d’y parvenir. Dans un domaine où la réglementation est entièrement européenne, une législation nationale porterait un coup majeur à la compétitivité de nos banques.

Vous pouvez, monsieur le président, stigmatiser de grandes entreprises françaises, mais je vous rappelle qu’un tiers des investissements de TotalEnergies concernent le bas-carbone et le renouvelable.

La rédaction de cette proposition de loi comporte également des imperfections qui auraient des conséquences négatives sur la transition de l’économie réelle. Il est impératif de laisser une place résiduelle aux énergies fossiles, ne serait-ce que parce que certaines industries ne peuvent s’en extraire. L’ensemble des accords internationaux auxquels vous avez fait référence ne visent d’ailleurs absolument pas à interdire tout financement des énergies fossiles. En outre, certaines des activités que vous voudriez voir interdites de financement participent aujourd’hui à la transition énergétique – je pense à la production d’hydrogène et de biogaz, au raffinage et à la distribution des biocarburants. D’autres sont essentielles à l’activité économique, comme les stations-services ou les plans de transition énergétique.

Il faut certainement améliorer les réglementations existant au niveau européen, qui est le niveau adéquat pour atteindre votre objectif, auquel nous souscrivons. Nous sommes néanmoins défavorables à votre proposition de loi.

M. Kévin Mauvieux (RN). Le constat est unanime et partagé par les membres du Rassemblement national : il y a un changement climatique, et nous devons trouver des solutions pour nous adapter et éviter qu’il n’aille trop loin.

Cependant, votre proposition de loi est un peu cocasse. Vous voulez interdire les investissements dans les énergies fossiles alors que les pays les plus écolos en ont besoin pour produire de l’électricité, puisque les énergies renouvelables ne fonctionnent pas à plein. Ainsi, l’Allemagne, parce qu’elle est très écologiste, a besoin de charbon pour produire de l’électricité. Il s’agit là d’un cercle vicieux.

Le texte que vous nous proposez est une nouvelle fois empreint d’un esprit de contrainte ou de punition. Or il serait possible de prendre des mesures plus incitatives. Il faut effectivement réorienter peu à peu les financements vers des projets de développement durable ou favorables à la planète, mais la contrainte n’est pas la meilleure méthode. Ainsi, votre article 2, qui vise à obliger les entreprises du secteur financier à constituer un coussin financier pour couvrir les risques, pourrait obérer la capacité des banques à octroyer des prêts.

L’article 1er vise à réduire les investissements dans les énergies fossiles. Or, aujourd’hui, de nombreux pays, dont la France, n’ont malheureusement pas trouvé toutes les solutions pour sortir de ce type d’énergies. Votre mesure nous mènerait donc vers la décroissance, ce qui n’est pas notre objectif. Le Rassemblement national plaiderait plutôt pour la mise en place d’un outil européen de quantitative easing vert, qui n’instaurerait aucune contrainte mais permettrait d’orienter les financements vers des économies plus durables.

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Rappelons une réalité simple : plus des deux tiers des émissions humaines de gaz à effet de serre sont issus de l’industrie des énergies fossiles. Si nous voulons respecter nos engagements climatiques et maintenir la viabilité du seul écosystème compatible avec la vie humaine, nous n’avons pas le choix : nous devons immédiatement interdire l’exploitation de tout nouveau gisement de pétrole, de gaz ou de charbon, comme le demande l’AIE elle‑même. Il est d’ailleurs beaucoup plus difficile de fermer une infrastructure d’extraction fossile, dans laquelle ont été investis des moyens financiers et de laquelle dépendent des emplois existants, que de renoncer à créer une nouvelle infrastructure. En tant que législateur, nous avons donc la responsabilité d’agir et d’interdire l’émergence de nouveaux projets fossiles.

La proposition de loi qui nous est soumise paraît absolument nécessaire, dans la mesure où elle interdit le financement de tels projets par les banques et les autres acteurs financiers afin de couper l’apport en capitaux nécessaires à la création de nouvelles infrastructures. Il faudra cependant un changement plus vaste et plus radical pour permettre une réelle interdiction des nouveaux projets fossiles, car les superprofits réalisés par les entreprises extractives leur permettent de s’autofinancer, c’est-à-dire de se passer d’un recours aux banques et aux marchés.

L’obligation, pour les prestataires de services financiers, de se doter d’une stratégie de réduction de la part d’actifs fossiles détenus dans leur portefeuille d’investissements va dans le bon sens. Il s’agit néanmoins d’une obligation de moyens et non d’une obligation de résultat. Aussi un groupe qui se fixerait sciemment une stratégie défaillante pour constater son échec après coup ne violerait-il pas cette nouvelle obligation. Nous proposerons donc d’enrichir le texte en passant d’une obligation de moyens à une obligation de résultat.

Le capitalisme financiarisé actuel est tout simplement incompatible avec la nécessaire bifurcation écologique. C’est en cela que votre proposition de loi va dans le bon sens. Nous la soutiendrons.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Commençons par ce qui est positif : le constat que vous faites sur les risques climatiques est lucide, et nous pouvons le partager.

Là s’arrête le positif. Entre l’inertie que vous déplorez et votre proposition de loi, il y a tout un monde – un monde concret, réel, qui a des besoins énergétiques. Notre industrie, notre agriculture, nos ménages et nos services publics ont besoin de consommer de l’énergie.

Votre article 2 prévoit un durcissement des exigences prudentielles imposées aux banques afin de prendre en compte les risques liés aux actifs investis dans les énergies fossiles. Les banques sont les coupables idéaux, les plus facilement trouvables. Le problème, c’est que cette mesure, prise à l’échelle strictement nationale, affaiblira l’ensemble du système bancaire français, dont vous assombrirez les perspectives, et renforcera les systèmes bancaires étrangers. Du reste, nos banques sont déjà bien armées en matière de risques prudentiels.

Les limites et interdictions que vous préconisez, avec un excès de dogmatisme, ne conviennent pas aux Républicains. Contrairement à vous, nous privilégions l’incitation à la coercition, la pédagogie à la sanction. Le groupe Les Républicains ne votera donc pas cette proposition de loi.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Bien que cette proposition de loi soit louable dans ses intentions, nous nous interrogeons quant à son efficacité et à ses conséquences potentielles sur notre économie et notre secteur financier. La lutte contre le changement climatique est bien sûr une priorité absolue. Cependant, les mesures que vous proposez risquent de s’avérer totalement inefficaces. Votre approche unilatérale ne saurait empêcher le financement de projets dans d’autres pays du monde.

La décarbonation progressive des actifs imposée aux institutions financières, avec des réductions de 50 % d’ici à 2030 de 90 % d’ici à 2040, présente un risque considérable de déstabilisation. Un désengagement aussi précipité réduira sans doute la compétitivité des banques françaises sur le marché international, puisque les institutions concurrentes ne seront pas soumises aux mêmes contraintes. Cette situation entraînera une fuite de capitaux et diminuera l’attractivité de notre place financière au moment où nous devrions, au contraire, tout mettre en œuvre pour faire de Paris un centre financier majeur, engagé dans la finance verte.

Vous proposez également de rehausser les garanties demandées aux banques, en matière de fonds propres, pour couvrir les risques liés aux énergies fossiles. Cette mesure n’est pas réaliste, d’autant qu’il n’est pas prévu de coordination avec les autres pays membres de l’Union européenne.

Si nous partageons vos objectifs, nous n’approuvons pas les moyens proposés. Il nous semble indispensable d’adopter une approche plus équilibrée et coordonnée. Nous devons bien mener une course d’adaptation, mais dans le cadre d’une stratégie et d’une trajectoire solides et soutenables en faveur d’une transition que nous savons inévitable.

M. Philippe Brun (SOC). Quels sont nos objectifs ? Nous voulons réduire notre usage des énergies fossiles. Nous voulons sortir du pétrole. Nous devons réduire notre dépendance à ces énergies. Cela ne fait aucun doute. Or, aujourd’hui, notre économie tourne aux deux tiers grâce aux énergies fossiles. Au-delà des aspects environnementaux, que nous connaissons tous, cette situation pèse sur notre déficit commercial, plombé par notre dépendance aux énergies fossiles importées, en particulier au gaz et au pétrole. Aussi cette proposition de loi revêt-elle un enjeu non seulement environnemental, mais également de souveraineté. Il est urgent de nous émanciper des pays producteurs, dont le régime est souvent autoritaire.

De l’autre côté de l’équation, nous constatons notre insuffisance s’agissant de la production d’énergies renouvelables. Nous sommes le seul pays européen à ne pas respecter ses objectifs en la matière : alors que les énergies renouvelables devraient représenter 23 % de notre consommation d’énergie finale, nous n’en sommes qu’à 19 %, soit 4 points de retard. Or, chez les meilleurs élèves, cette proportion oscille entre 40 et 60 %.

Nous soutiendrons votre proposition de loi, qui vise à remédier à ces problèmes. Sa rédaction est perfectible : c’est pourquoi nous accueillons très favorablement les amendements qu’a déposés madame la rapporteure afin de clarifier ses intentions, en particulier l’amendement CF10 visant à remplacer, à l’alinéa 6 de l’article 1er, le terme « développement » par le mot « construction » – nous voyons un certain risque à aller au-delà.

Nous avons l’intention d’envoyer un message politique important : il est urgent d’accélérer le mouvement et de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles.

M. Christophe Plassard (HOR). Madame la rapporteure, je vous remercie pour votre travail d’autant plus sincèrement que votre proposition de loi nous permet d’avoir un débat nécessaire sur l’enjeu de notre siècle, la lutte contre le dérèglement climatique.

Nous partageons votre constat : pour réussir ce défi, il nous faudra évidemment sortir de notre dépendance aux énergies fossiles, le plus tôt étant le mieux. Le sujet central est celui-ci : il n’y a pas de transition écologique réussie sans transition énergétique.

C’est sur la méthode que nos analyses divergent. Vous prenez le parti de mettre fin aux financements des énergies fossiles pour faire cesser nos dépendances. Si cette idée est à première vue séduisante, il nous semble, à plusieurs égards, qu’elle pose des difficultés pratiques difficilement surmontables.

Premièrement, le financement de ces activités est aujourd’hui mondialisé. Une interdiction en France n’aurait presque aucun impact car les entreprises concernées iraient se financer auprès d’acteurs étrangers.

Deuxièmement, la liste que vous dressez des activités relatives aux énergies fossiles est extrêmement large, si bien que l’interdiction risque de s’appliquer à des énergies plus propres telles que l’hydrogène vert, le biogaz ou les biocarburants.

Troisièmement, un arrêt aussi brutal du financement des entreprises exploitant des énergies fossiles les exposerait à de graves difficultés. Je pense aux enjeux en matière d’emplois, aux pertes possibles pour les petits actionnaires et épargnants ainsi qu’aux effets d’une interdiction de financement sur les branches de ces entreprises consacrées aux énergies décarbonées.

Je pourrais encore citer d’autres difficultés telles que les risques généraux pour notre économie, en particulier pour le secteur financier et bancaire.

Toutes ces difficultés pratiques ne doivent pas pour autant nous condamner à l’immobilisme. Nous devons continuer à décarboner nos usages et à innover pour être capables de nous passer des énergies fossiles le plus rapidement possible.

Par ailleurs, en matière de transparence financière, les choses avancent, notamment au niveau européen avec le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR), la taxonomie européenne et la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD). Nous devons continuer d’avancer à l’échelon européen, qui nous semble le plus pertinent, pour réguler les financements dans ce domaine.

Pour toutes ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Hier, TotalEnergies a fêté ses 100 ans au château de Versailles sous haute protection des forces de l’ordre. L’entreprise tire des fossiles 98 % de sa production et est impliquée dans trente-trois des bombes climatiques, celles-là mêmes qui ne nous permettront pas de maintenir notre trajectoire sous 1,5 °C. Et pourtant, son action a progressé de plus de 20 % depuis le début de l’année. Le marché ne tient donc pas compte des risques climatiques pour apprécier les actifs. Les démarches louables en matière de finance durable se révèlent très insuffisantes.

Je remercie donc la présidente Chatelain de cette proposition de loi essentielle, qui vise à freiner l’investissement dans les énergies fossiles pour arrêter la course folle à l’extraction des dernières gouttes de pétrole.

Pour évaluer adéquatement les risques, il est primordial de pouvoir accéder aux données. Il faut donc renforcer la transparence des acteurs financiers. Il est impératif que l’Autorité des marchés financiers (AMF) lutte de manière plus proactive contre le greenwashing, sur le modèle de ses homologues américain et australien, dont les mesures sévères contre de telles pratiques se chiffrent en millions.

Je vous invite à voter la proposition de loi, car les risques climatiques menacent nos conditions de vie, mais aussi, bien sûr, toute notre économie.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). La transition écologique impliquera une mutation profonde de nos modes de consommation et de production dans tous les secteurs. Le secteur financier doit y prendre sa part.

Or, s’il existe des dispositifs permettant de flécher l’encours de l’épargne réglementée vers les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) investissant dans la transition écologique, le compte n’y est pas : les acteurs financiers continuent d’investir massivement dans les énergies fossiles, a fortiori les grandes banques françaises.

Il serait illusoire de penser que les établissements bancaires se responsabiliseront d’eux-mêmes, surtout si les profits de court terme continuent de croître. Il est donc essentiel de prendre des mesures contraignantes en fixant une trajectoire obligatoire concernant la détention des actifs fossiles.

Nous approuvons l’esprit de la disposition empêchant de financer de nouveaux projets, mais elle nous semble très stricte : il faudrait prévoir des dérogations, notamment en cas de risque concernant l’approvisionnement en électricité.

Enfin, devant l’incapacité des banques à prendre en compte les risques de long terme pesant sur les actifs fossiles, nous souscrivons à l’article 2, qui tend à relever le niveau de risque de ces actifs dans le cadre des ratios de fonds propres.

Nous voterons pour la proposition de loi.

M. Michel Castellani (LIOT). La profitabilité du secteur des hydrocarbures reste très élevée, ce qui n’incite pas à réorienter les investissements vers les énergies renouvelables. Dans ce contexte, toute proposition visant à réduire l’asymétrie qui existe de ce point de vue entre les types d’énergie nous semble bienvenue. Nous soutenons sans réserve toute politique contribuant à la maîtrise de notre avenir énergétique et climatique.

Toutefois, le dispositif proposé nous conduit à nous interroger.

D’abord, ce n’est pas parce que nous réduirons le financement des énergies fossiles que les banques investiront davantage dans les énergies renouvelables. La commission d’enquête sénatoriale sur Total a montré que le problème est plutôt le manque de projets rentables dans le domaine des énergies renouvelables.

Par ailleurs, ce texte pourrait être contourné, tout en nuisant à la compétitivité du secteur bancaire français.

Enfin, nous alertons sur le danger du dispositif pour nos territoires. Dans la région dont je suis originaire, la Corse, deux centrales thermiques constituent le rouage essentiel de la fourniture d’électricité. Il est difficile d’imaginer pénaliser les investissements éventuels destinés à ces sites, même s’il conviendrait de diversifier le mix énergétique, et tout investissement destiné à créer des infrastructures serait in fine plus cher, sans permettre de réorienter notre économie vers un modèle durable.

Nous saluons cependant le travail de la rapporteure et l’intérêt de sa démarche sur un sujet important.

Nous nous abstiendrons.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Je remercie l’ensemble des groupes qui soutiennent la proposition de loi. Je ne doute pas que j’arriverai à convaincre le groupe GDR que l’interdiction des nouveaux projets est indispensable, sans exception. En ce qui concerne les autres groupes, je regrette que les déclarations d’intentions soient immédiatement suivies d’un discours du laisser-faire : on constate qu’il faut agir, mais on ne fait rien. Nous connaissons les effets des énergies fossiles, de leur production et de leur combustion depuis 1965, et depuis cette date – cela fait soixante ans –, nous poursuivons la politique du laisser-faire. Cela nous conduit à un monde à plus 4 °C ; cela doit s’arrêter aujourd’hui.

J’aurais bien évidemment accueilli favorablement des amendements de la majorité introduisant des exceptions pour le financement de l’hydrogène vert ou de tout type d’énergie renouvelable ; malheureusement, il n’y en a aucun. Je vous invite à travailler sur ce sujet si vous le souhaitez. En revanche, je rappelle que l’hydrogène étant actuellement majoritairement brun, il ne peut être totalement exclu du dispositif.

Concernant le financement des activités renouvelables par des majors du fossile, il existe, mais dans des proportions trop marginales par rapport au reste de leur portefeuille. Total, par exemple, investit trois fois plus dans les fossiles que dans les énergies renouvelables. Quand on fait 20 milliards de profits, on peut en prendre une partie pour financer des activités renouvelables.

Pourquoi légiférer au niveau national ? D’abord, ne sous-estimez pas la force des banques françaises. Entre 2016 et 2022, BNP occupait la onzième place du classement mondial des financeurs des énergies fossiles, la Société générale la vingt et unième et le Crédit Agricole la vingt-troisième. Nos acteurs financiers et bancaires sont importants, ils ont donc une responsabilité et une capacité d’entraînement importantes.

Ensuite, ne négligez pas le risque réputationnel. Un nombre grandissant de clients individuels, mais aussi d’institutions, demandent à leur banque de sortir des énergies fossiles, ce qui incite des banques, en France et ailleurs, à engager, certes minimalement, la transition. Ainsi, la banque britannique Barclays a dû commencer à réfléchir à ses investissements fossiles à la demande de l’université de Cambridge. De plus en plus d’acteurs s’aperçoivent que l’on ne peut pas continuer à financer des activités qui nous mettent en péril.

Enfin, je vous invite, si ce n’est déjà fait, à lire The Green Swan, dont les auteurs, pour certains issus des banques centrales elles-mêmes, soulignent que celles-ci ne peuvent céder à la demande croissante qui leur est faite de se substituer aux interventions des gouvernements. Nous avons une souveraineté et une capacité à décider. Nous ne pouvons pas laisser les acteurs européens que sont les banques centrales se charger des choix politiques : ceux-ci doivent être faits ici.

Vous voyez dans cette proposition de loi une limitation ; j’y vois un renforcement de nos acteurs financiers et une source de protection.

Je ne sais pas si vous disposez des chiffres de l’exposition des banques aux énergies fossiles dans l’ensemble de leurs secteurs d’activité – encours de prêts, prêts aux énergies, prêts corporate, émissions d’obligations, asset management, activité assurantielle. Pour notre part, nous avons rencontré l’AMF, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), la direction générale du Trésor ; personne ne m’a donné ces chiffres. Et quand nous en avons, ils proviennent de modèles internes aux banques. Nous appelons à davantage de transparence et espérons que le prochain rapport commun de l’ACPR et de l’AMF nous procurera des données plus consolidées. Je crois d’ailleurs qu’elles ont avancé dans ce travail, ce qui est une très bonne chose.

Les écologistes sont pour la sortie du charbon. Je sais que le Rassemblement national est obsédé par l’Allemagne et par la défense du charbon ; c’est bien normal, puisque ses collègues européens de l’AfD font campagne pour que le charbon soit utilisé sans limite en Allemagne. Nous pouvons compter sur l’extrême droite pour maintenir notre dépendance aux énergies fossiles !

Cette proposition de loi est un texte de conviction : la conviction que notre modèle économique ne peut et ne doit pas contrer les limites planétaires et que la réalité du réchauffement climatique doit être réellement prise en compte dans notre économie. Cette conviction, vous n’êtes pas obligés de la partager. En revanche, je n’ai entendu aucune réponse tenant compte des données chiffrées qui montrent que le risque climatique, qu’on le veuille ou non, aura des effets colossaux sur nos économies. On parle d’une perte de 23 % de PIB d’ici à 2100, de secteurs entiers qui ne seront plus viables. Et ce ne sont pas seulement des sources écologistes, certes très solides, qui le disent, mais aussi des acteurs bancaires importants ayant travaillé à la Banque de France et à la Banque centrale européenne, que vous devriez être enclins à écouter.

Vous vous inquiétez des encours de prêts. On sait qu’augmenter les coussins climatiques ne réduira pas la capacité à prêter. En revanche, les risques climatiques physiques sont concrets et vont commencer d’être évalués. Comment pourra-t-on souscrire une assurance quand on habitera dans le Nord-Pas-de-Calais ou sur un trait de côte ? Comment pourra-t-on emprunter pour financer des activités jugées à risque du point de vue climatique ? C’est si nous ne nous saisissons pas du sujet, si nous n’accompagnons pas les banques pour qu’elles se renforcent face à ce risque, qu’il y aura des difficultés en matière de prêts.

Je vous invite à travailler sur les amendements afin que nous puissions adopter le texte.

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*     *

 

 

 


   Examen des articles

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er de la proposition de loi insère un nouvel article L. 500-2 au sein du code monétaire et financier.

Le I de cet article définit les activités relatives aux énergies fossiles en couvrant largement la chaîne de valeur des combustibles fossiles.

Le II de cet article interdit aux prestataires de services soumis au livre V du code monétaire et financer de fournir des services financiers aux entreprises qui engagent de nouveaux projets dans le secteur des énergies fossiles et les oblige à réduire progressivement l’exposition de leur portefeuille d’investissements à ces activités.

Le III et le IV de cet article L établissent le régime de sanction des prestataires de services en cas de manquement aux restrictions de financement des entreprises du secteur des énergies fossiles.

Position de la commission des finances

Après avoir rejeté dix amendements, la commission des finances a rejeté cet article.

  1.   L’État du droit

La législation visant à planifier le désinvestissement des énergies fossiles se limite, aux niveaux européen et français, à établir des exigences de transparence limitées pour la politique d’investissement des acteurs financiers et à valoriser les produits financiers dits durables (A). Ainsi, les stratégies de sortie des énergies fossiles mises en œuvre par les acteurs financiers sont uniquement volontaires, ce qui limite grandement leur portée (B).

  1.   un cadre juridique centrÉ sur la transparence et la classification des investissements

Les règles en vigueur en France et dans l’Union européenne se limitent à soumettre les acteurs financiers à des obligations de reporting environnemental (1) et à classifier les investissements et les financements selon leur caractère durable (2).

  1.   Les obligations d’information et de transparence en matière de reporting environnemental

L’alignement des stratégies d’investissement des acteurs financiers sur les objectifs nationaux et internationaux de limitation du réchauffement climatique suppose, en premier lieu, d’assurer une information fiable et transparente sur leur exposition aux énergies fossiles. Les législateurs français et européen ont renforcé les obligations de transparence pesant sur les acteurs financiers, afin que ceux-ci intègrent les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, dits ESG, dans leur rapportage (reporting) extra-financier et dans leur gestion des risques.

La France s’est dotée d’une législation pionnière en matière de transparence extra-financière, en définissant les informations que les acteurs financiers sont tenus de publier au titre de l’intégration des critères ESG dans leur politique d’investissement. Les premières dispositions en la matière ont été introduites par l’article 224 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II. Le VI de l’article 173 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique et la croissance verte et l’article 29 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ont successivement renforcé les exigences d’information et étendu le périmètre des entités assujetties.

Les dispositions françaises s’inscrivent dans une dynamique internationale et européenne. Dès 2015, le Conseil de stabilité financière, institué à l’initiative des pays du G20, met en place un groupe de travail intitulé Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD). Composé de parties-prenantes du secteur financier, le TCFD publie en 2017 une série de recommandations afin que les acteurs financiers publient volontairement des informations sur la prise en compte des risques climatiques au titre de quatre piliers : la gouvernance ; la stratégie d’investissement ; la gestion des risques ; les indicateurs et les objectifs utilisés ([16]). Près de 1 800 institutions financières signataires, dites supporters, se sont engagées à adopter le cadre de reporting volontaire du TCFD ([17]). Ce dernier a inspiré les dispositions du règlement européen du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, dit SFDR ou règlement Disclosure. Le règlement SFDR porte sur l’ensemble des critères ESG, dépassant les seuls enjeux liés au climat et à l’environnement traités par l’article 29 de la loi dite énergie-climat. Il impose notamment aux acteurs des marchés financiers, tels que les prestataires de services d’investissement, et aux conseillers financiers de publier des informations concernant « l’intégration des risques en matière de durabilité » dans leurs décisions d’investissement et leurs prestations de conseil ([18]).

Le périmètre d’application des obligations de reporting extra-financier issu de l’article 173 de la loi relative à la transition énergétique et la croissance verte couvre les sociétés de gestion de portefeuille, les entreprises d’assurance et de réassurance régies par le code des assurances, les mutuelles ou unions relevant du code de la mutualité, les institutions de prévoyance et leurs unions régies par le code de la sécurité sociale, ainsi que la Caisse des dépôts et consignations, les institutions de retraite complémentaire relevant du régime général de la sécurité sociale et des régimes de retraite complémentaire des agents publics ([19]). L’article 29 de la loi relative à l’énergie et au climat a étendu ce champ aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement fournissant des activités de gestion pour le compte de tiers et de conseil en investissement ainsi qu’aux fonds de retraite professionnelle supplémentaire (FRPS). Sont assujetties les entités dont le bilan ou les actifs sous gestion sont supérieurs à 500 millions d’euros ([20]). L’approche retenue permet de couvrir davantage d’acteurs que le seuil d’application de 500 employés par entité fixé par le règlement SFDR ([21]), en dessous duquel les entreprises disposent de la faculté de ne pas publier d’information sur la prise en compte des incidences négatives de leurs décisions d’investissement sur les critères ESG ([22]).

Le décret n° 2021-663 du 27 mai 2021 pris en application de l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier précise les informations à fournir dans le cadre du rapport dit article 29, qui doit être publié annuellement :

– la démarche générale de l’entité assujettie sur la prise en compte des critères ESG dans sa politique d’investissement, par exemple au titre de sa politique d’exclusion consistant à proscrire tout investissement dans certains secteurs (charbon, pétrole et gaz non-conventionnels, etc.) ;

– les moyens internes déployés par l’entité assujettie pour contribuer à la transition écologique, notamment en matière de ressources humaines (effectifs en charge du suivi des critères ESG, formation des équipes d’investissement, etc.) ;

– l’intégration des critères ESG au niveau des instances de gouvernance ;

– la stratégie d’engagement auprès des émetteurs ou des gérants, notamment par l’intermédiaire de la politique de vote aux assemblées générales des émetteurs ;

– la part des encours concernant les activités éligibles à la taxonomie verte de l’Union européenne ([23]) et la part des encours dans les entreprises actives dans le secteur des combustibles fossiles, qui permettent d’apprécier la proportion des investissements réalisés dans des actifs durables ou bruns ;  

– la stratégie d’alignement avec les objectifs des articles 2 et 4 de l’Accord de Paris du 12 décembre 2015 relatifs à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre ;

– la stratégie d’alignement avec les objectifs de long terme liés à la biodiversité, qui implique pour l’entité assujettie de modéliser son empreinte sur les écosystèmes ;

– la prise en compte des risques ESG dans la gestion des risques, qui conduit par exemple les entreprises d’assurance à évaluer leurs risques physiques et de transition, ainsi que les risques de responsabilité. Ces derniers correspondent aux dommages et intérêts dont devrait s’acquitter une entreprise reconnue responsable d’avoir contribué au réchauffement climatique et bénéficiant d’une assurance en responsabilité civile ;

– conformément au principe « appliquer ou expliquer » (comply or explain), les mesures prises par l’entité assujettie dans le cadre d’un « plan d’amélioration continue » si elle décide ne pas publier certaines informations mentionnées supra.

● Si elle se félicite du renforcement des exigences de reporting extra‑financier, la rapporteure regrette que la majorité des entités assujetties ne se conforme pas à l’obligation de publication du rapport dit article 29 et que les informations publiées soient largement lacunaires.

D’une part, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) relève que de nombreuses entités assujetties n’ont pas publié leur rapport dit article 29 pour l’exercice 2021 sur la plateforme prévue à cet effet ([24]). La plateforme Climate Transparency Hub n’a été destinataire que de 11 rapports déposés par des banques, 47 rapports remis par des organismes d’assurance et 371 rapports en provenance de sociétés de gestion de portefeuille pour l’exercice 2021, qui correspond à la première année de reporting. Or l’Ademe précise que près de 300 banques, 450 entreprises d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance, ainsi que 700 sociétés de gestion de portefeuille étaient tenues de publier un rapport dit article 29 à cette occasion. L’Ademe ne peut que constater un « écart à la cible », ce taux important de non‑conformité étant attribué à plusieurs facteurs, tels que la nécessité pour les entités assujetties de s’approprier une obligation récente et la pratique des organismes d’assurance consistant à publier un rapport consolidé au niveau du groupe plutôt que par entité ([25]).

D’autre part, le périmètre des informations à publier ne permet pas d’apprécier correctement la prise en compte par les acteurs financiers des critères ESG dans leurs opérations. Ainsi, les banques ne sont tenues de publier un rapport dit article 29 qu’au titre de leurs activités de conseil en investissement et de gestion de portefeuille pour compte de tiers. Les activités purement bancaires ne sont pas soumises aux obligations de reporting extra‑financier, excluant de fait l’encours des prêts accordés par les établissements de crédit aux entreprises du secteur des énergies fossiles.

Par ailleurs, les informations communiquées par les entités assujetties reflètent imparfaitement leur exposition à la chaîne de valeur du secteur des énergies fossiles. Si l’information relative à la part des encours dans les entreprises actives dans le secteur des combustibles fossiles doit couvrir aussi bien l’amont que l’aval de la chaîne de valeur ([26]), certains acteurs ne précisent pas le périmètre de leur politique d’exclusion sectorielle ([27]). Il est par conséquent impossible de savoir si les entreprises exclues du champ d’investissement relèvent du segment « amont » (upstream), telles que les opérations d’exploration et d’exploitation de combustibles fossiles, du segment intermédiaire (midstream), dont les activités de transport et de stockage, ou à l’inverse du segment « aval » (downstream), au stade de la distribution. À titre d’exemple, il est regrettable que la société Crédit Mutuel Alliance Fédérale ne soit pas plus explicite sur le périmètre des activités concernées par sa politique d’exclusion tendant à « stopper tout financement de nouveau projet d’exploration, de production et d’infrastructure dans le pétrole et le gaz » ([28]).

Ces manquements rendent impossible pour le législateur d’avoir une connaissance de la réalité des expositions des banques aux fossiles sur l’ensemble de leur activité.

  1.   La classification des activités économiques et des financements dans le cadre d’une « finance durable »

Les autorités européennes et françaises ont adopté des mesures destinées à orienter les financements et les investissements vers des activités économiques et des supports financiers compatibles avec les objectifs environnementaux qu’elles se sont assignées.

À cet égard, le règlement européen du 18 juin 2020 établissant une taxonomie verte définit des critères harmonisés permettant de classer une activité économique comme « durable sur le plan environnemental ». Celle-ci doit contribuer substantiellement à un ou plusieurs des six objectifs environnementaux recensés par l’acte législatif, sous réserve de ne pas causer de préjudice important aux autres objectifs environnementaux et de respecter des « garanties minimales » en matière de droits fondamentaux et de droits sociaux ([29]).

Par ailleurs, le règlement dit SFDR du 17 novembre 2019 impose aux gestionnaires de produits financiers de classer les fonds proposés selon leur degré d’ambition en matière climatique et environnementale ([30]). Il distingue les fonds dits article 8, qui font la promotion de caractéristiques environnementales ou sociales, les fonds dits article 9, dont l’objectif est « l’investissement durable », et les fonds dits article 6, qui ne relèvent d’aucune des deux catégories précédentes. Les fonds dits article 9, dont les exigences de durabilité sont les plus élevées, doivent en principe comprendre un indice de référence aligné avec l’objectif d’investissement durable, défini comme contribuant à un objectif environnemental ou social ([31]). Leur commercialisation doit s’accompagner d’une description du caractère « durable sur le plan environnemental », au sens de la taxonomie européenne, des investissements sous-jacents. Selon les données communiquées à la rapporteure par l’Association française de gestion financière, l’encours des fonds « article 8 » et « article 9 » s’élèvent à 2 240 milliards d’euros en 2022, en hausse de 6,9 % par rapport à 2021 ([32]).

La composition des fonds « article 9 », autrement appelée fonds « superverts », est cependant hautement questionnables. M. Adrien Sénécat, a publié le 29 novembre 2022 dans Le Monde, une enquête intitulée « La grande tromperie des fonds d’investissement verts » ([33]). Dans cette enquête, le journaliste révèle que, sur les 838 fonds européens dits article 9, près de la moitié comportait des actifs dans le secteur des énergies fossiles. Des fonds verts proposés par des gestionnaires français et européens – Amundi, BNP Paribas, Candriam, etc. – investissent ainsi auprès du pétrolier espagnol Repsol, du groupe pétrolier et gazier britannico-néerlandais Shell ou encore de l’entreprise TotalEnergies.

La rapporteure prend acte de la multiplication des dispositifs visant à réorienter les flux financiers vers des actifs durables., mais s’inquiète de la solidité et de la transparence de ces dispositifs, ainsi que des risques d’écoblanchiment (greenwashing).

En France, le label « Investissement socialement responsable » (ISR) créé en 2016, qui vise à distinguer la prise en compte des critères ESG dans la gestion d’actifs, s’inscrit dans la même démarche. Le nouveau référentiel du ISR exclut à partir du 1er mars 2024 les émetteurs développant de nouveaux projets d’exploration, d’extraction ou de raffinage d’énergies fossiles ([34]). Cette plus grande sélectivité est bienvenue, bien que tardive au regard des recommandations formulées par l’Inspection générale des finances dans un rapport de décembre 2020 ([35]).

La labellisation des produits dits durables ou verts repose toutefois encore largement sur l’auto-certification des acteurs et sur des critères sujets à interprétation. L’Autorité des marchés financiers (AMF), auditionnée par la rapporteure, estime que la vocation initiale du règlement dit SFDR en matière de transparence de l’information est désormais complétée par une fonction de labellisation. Or les concepts employés, tels que « l’investissement durable », manquent de précision et contribuent à « [engendrer] de la confusion parmi les investisseurs » selon le superviseur ([36]).

En tout état de cause, il apparaît que les initiatives européennes et françaises visent à produire un effet « signal » au bénéfice des actifs durables, sans contraindre les marchés financiers à réduire leur exposition au secteur des énergies fossiles et que leurs effets sont aujourd’hui limités.

  1.   L’absence de normes OBLIGEANT au dÉsinvestissement des Énergies fossiles

Les politiques d’exclusion sectorielles et de désinvestissement du secteur des énergies fossiles reposent sur des initiatives privées volontaires. À titre d’exemple, les banques membres de la coalition Net-Zero Banking Alliance (NZBA), lancée en 2021 et représentant 40 % des actifs bancaires mondiaux, se sont engagées à réduire les émissions de gaz à effet de serre attribuables à leurs portefeuilles de prêts et d’investissements pour atteindre la neutralité carbone en 2050 au plus tard. L’ensemble des grandes banques françaises ont rejoint cette coalition, qui regroupe six des banques appartenant aux dix plus grands financeurs mondiaux des énergies fossiles ([37]) : JPMorgan Chase (1er), Citi (2e), Wells Fargo (3e), Mitsubishi UFJ Financial Group (6e), Mizuho Financial (8e) et Scotiabank (9e). La banque Citi, quatrième financeur mondial des énergies fossiles, est membre du comité de pilotage de la coalition Net-Zero Banking Alliance. La rapporteure s’interroge sur la véracité des objectifs affichés par cette coalition.

Si elle reconnaît les efforts des acteurs financiers pour se désengager du secteur des énergies fossiles, la rapporteure rappelle que le caractère volontaire de ces initiatives présente des faiblesses bien documentées. Ainsi, le think tank I4CE constate que « les niveaux d’ambition réels [sont] discutables » en ce qu’ils reposent principalement sur des objectifs de réduction de l’intensité carbone des portefeuilles d’actifs, par exemple exprimés en équivalent CO2 par kilowattheure (gCO2eq/KWh) pour la production d’électricité. Ces données ne reflètent pas la réduction absolue des émissions de gaz à effet de serre dans l’économie réelle ([38]). Par ailleurs, les politiques d’exclusion sectorielles des acteurs financiers portent avant tout sur le charbon et les hydrocarbures non conventionnels (pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux, etc.) ([39]). Les mesures restrictives à l’égard des hydrocarbures conventionnels sont plus rares, bien que certaines entités excluent le financement de nouveaux projets d’exploration ou de production de pétrole et de gaz naturel, telles que le Crédit Mutuel Alliance Fédérale et La Banque Postale dans le secteur bancaire, ainsi qu’Allianz dans le secteur assurantiel.

Les interlocuteurs auditionnés par la rapporteure, dont la direction générale du Trésor, ont indiqué ne pas avoir connaissance de dispositions, en vigueur ou en discussion dans l’Union européenne ou dans d’autres pays tiers, visant à interdire le financement de nouveaux projets dans le secteur des énergies fossiles. De la même manière, il n’existe a priori pas de mesures contraignant les prestataires de services financiers à réduire leur exposition aux entreprises actives dans le secteur des énergies fossiles.

En adoptant la proposition de la loi, la France se doterait d’une législation pionnière en la matière.

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article 1er de la proposition de loi interdit aux prestataires de services financiers de soutenir les entreprises qui engagent de nouveaux projets dans le secteur des énergies fossiles, tout en les obligeant à engager une trajectoire de désinvestissement planifiée en la matière, en vue de respecter les objectifs de neutralité carbone d’ici à 2050 fixés par l’Accord de Paris (A). Les mesures proposées sont justifiées par un motif d’intérêt général et sont proportionnées à l’objectif poursuivi, de telle sorte que leur conformité aux normes constitutionnelles et conventionnelles en vigueur est peu contestable (B).

  1.   Des RÈgles de flux et de stock pour RÉduire l’exposition des acteurs financiers au secteur des Énergies fossiles

L’article 1er de la proposition de loi, au large champ d’application matériel (1), encadre la fourniture de services financiers par une règle de flux et par une règle de stock (2), dont le non-respect est sanctionné (3).

  1.   Un large champ d’application matériel

L’article 1er de la proposition de loi insère un nouvel article L. 500-2 au sein du code monétaire et financier. Le I de ce nouvel article définit les « activités relatives aux énergies fossiles » et le II encadre la fourniture de services financiers aux entreprises actives dans le secteur des énergies fossiles.

La définition des « activités relatives aux énergies fossiles » figurant au I du nouvel article L. 500-2 du code monétaire et financier couvre l’essentiel des segments de la chaîne de valeur du secteur des énergies fossiles :

– en amont de la chaîne de valeur, sont concernés l’extraction d’hydrocarbure, de pétrole brut, de gaz naturel ou de tourbe ; la production de gaz naturel ou de combustibles gazeux, tels que l’hydrogène ; la construction ou l’agrandissement d’infrastructures visant à l’exploration ou à l’exploitation des réserves d’énergies fossiles ;

– en aval de la chaîne de valeur, sont intégrés la distribution de gaz naturel et de combustible gazeux ; le raffinage et la distribution de pétrole ; la cokéfaction et le raffinage du charbon ; l’exploitation de centrales produisant de l’électricité à partir d’énergies fossiles, soit les centrales thermiques « à flamme ».

Le périmètre des entités assujetties aux exigences du II du nouvel article L. 500-2 du code monétaire et financier comprend l’ensemble des prestataires de services soumis au livre V du code monétaire et financier. Sont ainsi concernées :

– les prestataires de services bancaires, en particulier les établissements de crédit, qui peuvent notamment être agréés en qualité de banque, et les sociétés de financement, qui ne peuvent pas collecter les dépôts du public ;

– les prestataires de services de paiement, tels que les startup innovantes (fintech) fournissant un service d’initiation de paiement (SIP) ou un service d’information sur les comptes (SIC) ;

– les changeurs manuels, chargés des opérations de change consistant en l’échange immédiat de monnaies libellées en devises différentes ;

– les établissements de monnaie électronique, responsables de l’émission et de la gestion de monnaie électronique ;

– les prestataires de service d’investissement, qui sont des entreprises d’investissement ou des sociétés de gestion de portefeuille, couramment appelés « gestionnaires d’actifs » ;

– les autres prestataires de services visés au titre III du livre V du code monétaire et financier, dont les conseillers en investissements financiers et les sociétés d’analyse financière ;

– les intermédiaires en biens divers et émetteurs de jetons, ces derniers levant des fonds par l’émission des jetons numériques dits tokens.

  1.   L’encadrement de la fourniture de services financiers par une règle de flux et par une règle de stock

Le II du nouvel article L. 500-2 du code monétaire et financier soumet à deux obligations les entités dont les services concourent à l’engagement ou à la réalisation de projets dans le secteur des énergies fossiles. Ces mesures visent à contraindre les acteurs financiers à réduire leur exposition au secteur des énergies fossiles afin d’atténuer le réchauffement climatique et de renforcer la stabilité du système financier.

En premier lieu, le 1° du II du nouvel article L. 500-2 du code monétaire et financier établit une règle de flux. Il interdit aux prestataires de services mentionnés supra de fournir, à partir du 1er janvier 2025, des services financiers aux entreprises qui lancent de nouveaux projets portant sur les activités relatives aux énergies fossiles.

En second lieu, le 2° du II du nouvel article L. 500-2 du code monétaire et financier établit une règle de stock. Il impose aux prestataires de services mentionnés supra de mettre en œuvre une stratégie de réduction de la part des « actifs fossiles » détenus dans leur portefeuille d’investissements. Le terme de « portefeuille d’investissements » renvoie à l’encours sous gestion pour compte propre ou pour compte de tiers. Il exclut la part des actifs bancaires correspondant aux prêts. 

En l’absence de définition explicite, les « actifs fossiles » peuvent être assimilés aux actifs liés à des entreprises ayant des « activités relatives aux énergies fossiles » telles que définies au I du nouvel article L. 500-2 du code monétaire et financier (actions, obligations, prêts). La trajectoire de décarbonation des encours est progressive, le stock des actifs liés aux énergies fossiles devant être réduit de 50 % entre le 1er janvier 2025 et le 1er janvier 2030 et de 90 % entre le 1er janvier 2025 et le 1er janvier 2040. En l’absence d’année ou de période de référence explicite, il convient d’apprécier la baisse de la part des « actifs fossiles » par rapport à la situation au 1er janvier 2025. Le taux d’effort n’est pas fixé à 100 % afin de préserver une marge de manœuvre pour les entités assujetties, certains secteurs difficiles à décarboner tels que l’industrie lourde se caractérisant par d’importants besoins de financement.

  1.   Un régime de sanction dissuasif

Le III et le IV du nouvel article L. 500-2 du code monétaire et financier définissent le régime de sanction applicable aux entités assujetties en cas de manquement aux règles de flux et de stock présentées supra.

Les prestataires de services qui ne se conforment pas à ces dispositions encourent une amende dont le montant est égal à 2 % du chiffre d’affaires réalisé en France. L’amende est portée à 4 % du chiffre d’affaires en cas de manquement répété.

Par ailleurs, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sont chargées de publier annuellement la liste des prestataires de services faisant l’objet d’une sanction. Les frais de publication sont supportés par la personne sanctionnée.

Le régime de sanction introduit par l’article 1er de la proposition de loi s’inspire des pouvoirs de sanction aujourd’hui attribués à l’AMF et l’ACPR. La commission des sanctions de chaque autorité peut prononcer des sanctions disciplinaires et pécuniaires à l’encontre des personnes et pour les faits entrant dans le champ de son contrôle. Le quantum des sanctions proposées est proportionné au manquement réprimé et adapté au dispositif répressif existant. À titre d’exemple, la commission des sanctions de l’ACPR peut infliger une sanction pécuniaire maximale de 10 % du chiffre d’affaires annuel net à un établissement de crédit qui manquerait aux exigences européennes en matière de fonds propres ([40]). Par ailleurs, l’ACPR et l’AMF ont d’ores et déjà la faculté de recourir à la pratique dite du name and shame ([41]), qui consiste à désigner publiquement une personne morale ou physique à laquelle sont attribuées des pratiques répréhensibles.

  1.   UNE DISPOSITION CONFORME À LA CONSTITUTION ET AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE

L’article 1er de la proposition de la loi est susceptible de porter atteinte à la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Il apporte également des restrictions au principe de la libre prestation de services et au principe de la libre circulation des capitaux et des paiements, consacrés aux articles 56 et 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

La rapporteure estime toutefois que la conciliation opérée entre les objectifs de la proposition de loi, dont la lutte contre le réchauffement climatique, et les principes protégés par la Constitution et le droit de l’Union européenne est équilibrée.

La limitation de la liberté d’entreprendre est justifiée par l’objectif de valeur constitutionnel de « protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains ». Le Conseil constitutionnel a consacré l’existence de cet objectif de valeur constitutionnel dans sa décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, habilitant le législateur à porter une atteinte proportionnée à une exigence constitutionnelle sur le fondement de la protection de l’environnement ([42]).

Par ailleurs, le juge européen a de longue date admis des restrictions aux quatre libertés fondamentales du marché intérieur, sous réserve que celles-ci soient proportionnées et non discriminatoires. La Cour de justice de l’Union européenne a, par exemple, admis que la protection de l’environnement constituait une raison impérieuse d’intérêt général de nature à justifier une restriction à une liberté fondamentale garantie par les traités ([43]). Selon une jurisprudence constante, les motifs de nature purement économique ne peuvent constituer une raison impérieuse d’intérêt général. Tel n’est pas le cas des objectifs poursuivis par la proposition de la loi, qui sont des objectifs de protection de l’environnement et, en particulier, de lutte contre le réchauffement climatique.

  1.   la position de la commission

Contre l’avis de la rapporteure, la commission a rejeté l’article 1er de la proposition de loi. Elle avait précédemment rejeté plusieurs amendements de la rapporteure visant à améliorer le dispositif initialement proposé, dont :

– un amendement intégrant la construction d’infrastructures de transport et de stockage, qui relèvent du segment intermédiaire de la chaîne de valeur, dans le périmètre des « activités relatives aux énergies fossiles » (amendement CF10) ;

– un amendement substituant au régime de sanction ad hoc les dispositions du code monétaire et financier relatives aux pouvoirs de contrôle et de sanction de l’ACPR et de l’AMF (amendement CF13). 

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*     *

Amendement CF6 de M. Michel Sala

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Nous souhaitons que l’extraction de charbon soit explicitement incluse dans les « activités relatives aux énergies fossiles » définies à l’article 1er. Cela aurait des effets positifs directs : le charbon représentait en 2021 près de 36 % du mix électrique mondial. Outre la combustion, la seule extraction contribue fortement à détruire la biodiversité et la santé humaine. Elle est responsable de l’accélération de l’érosion des sols, de la pollution des nappes phréatiques et de celle des zones humides.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Avis très favorable à cet amendement de précision. Le charbon est bien couvert par l’article, mais l’amendement en sécurise juridiquement la rédaction.

Selon le dernier rapport commun de l’ACPR et de l’AMF sur le suivi et l’évaluation des engagements climatiques des acteurs de la place, publié en 2022, contrairement aux banques et aux assurances, les fonds de gestion français ont augmenté leur exposition au secteur du charbon. Il est donc indispensable de continuer le travail de décarbonation, y compris dans ce secteur.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Ce n’est pas parce que l’on s’oppose à la proposition de loi qu’on est du côté du laisser-faire. Citons le plan d’action de la Commission européenne pour la finance durable, qui crée de fortes obligations de transparence, la directive CSRD, la loi relative à l’industrie verte, qui instaure un indicateur, les instruments prudentiels européens, qui permettent de mieux prendre en considération les risques climatiques, la taxonomie européenne, qui impose l’identification de différents ratios d’actifs verts, enfin la directive sur le devoir de vigilance.

Nous voulons tous verdir le secteur financier et l’orienter vers la transition écologique, mais, pour notre part, nous ne souhaitons pas le contraindre et, surtout, le faire de façon solitaire, car il y a là un risque pour la compétitivité – vous n’avez pas répondu à cette remarque, madame la rapporteure.

M. Kévin Mauvieux (RN). Madame la rapporteure tente de faire passer le Rassemblement national pour les rois du charbon et du pétrole. En réalité, si le Rassemblement national avait été au pouvoir en Allemagne, il y aurait toujours des centrales nucléaires dans ce pays, de sorte que l’on n’aurait pas besoin de charbon. C’était d’ailleurs l’objectif du maintien du nucléaire que d’éviter le recours au charbon.

Comme M. Lefèvre, nous pensons qu’il faut verdir notre économie, nous l’avons dit et redit, mais à la contrainte, nous préférons l’incitation – en l’occurrence, l’incitation à orienter les investissements vers des actifs de fonds dits article 9.

Nous nous opposerons donc à cet amendement, ainsi qu’à tous ceux de La France insoumise qui étendent le champ de la proposition de loi.

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Lefèvre, le Gouvernement ne voit pas d’inconvénient à prendre des mesures contraignantes quand il s’agit de contraindre les salariés à travailler deux ans de plus.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Pour ce qui est des risques d’un changement en solitaire, je ne vous ai peut-être pas convaincu, monsieur Lefèvre, mais il me semble bien vous avoir répondu, en invoquant plusieurs arguments. D’abord, les banques centrales au niveau européen ne peuvent ni ne veulent se substituer aux décideurs nationaux. Ensuite, le risque réputationnel est élevé. Enfin, les acteurs français sont aussi des acteurs mondiaux et leur transition préparerait un changement plus général.

C’est vrai, nous sommes en désaccord sur un point : pour vous, la compétitivité n’est pas négociable ; pour moi, ce sont les conditions de vie sur Terre qui ne le sont pas.

Quant au Rassemblement national, il connaît bien mal le mix énergétique allemand : le nucléaire y occupait une part infime et ce n’est pas le fait d’y avoir renoncé qui a contraint à recourir au charbon, mais une dépendance historique à cette source d’énergie, liée notamment à la présence de lignite. Si l’extrême droite était au pouvoir en Allemagne, on y trouverait des centrales à charbon et des centrales nucléaires, mais pas d’énergies renouvelables.

Je vous invite également à vous renseigner sur les fonds « article 9 » : leur caractérisation dépend d’une autodéclaration des acteurs financiers et une partie de ces fonds « superverts » finance en réalité les énergies fossiles. Cela confirme que se reposer sur l’autodéclaration ou sur des indicateurs donnés par les banques, si solides soient-ils, ne garantit pas une transition totale. L’accompagnement ne suffit pas ; il faut aussi fixer des objectifs clairs.

La commission rejette l’amendement CF6.

Amendement CF5 de M. Vincent Seitlinger

M. Patrick Hetzel (LR). Il s’agit de supprimer de l’alinéa 5 le mot « exploration », car nous avons besoin d’informations précises sur les ressources disponibles.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Avis défavorable. Si les acteurs financiers mettent de l’argent dans l’exploration, c’est bien parce qu’ils comptent faire ensuite de l’exploitation et de la production. Il faut donc interdire l’exploitation et l’exploration.

La commission rejette l’amendement CF5.

Amendement CF10 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. L’amendement substitue le terme de construction à celui de développement afin d’éviter toute interprétation restrictive limitant l’interdiction à l’agrandissement d’infrastructures existantes. En outre, il ajoute le transport et le stockage d’énergies fossiles aux activités visées par la proposition de loi.

La commission rejette l’amendement CF10.

Amendement CF7 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Nous proposons d’étendre aux entreprises énergétiques l’interdiction de financement de nouveaux projets d’activités relatives aux énergies fossiles.

Pour la seule année 2022, les superprofits des compagnies de charbon, de pétrole et de gaz ont atteint 4 000 milliards de dollars. Cette manne leur permet de s’autofinancer dans de plus grandes proportions et, ainsi, d’avoir moins recours aux banques et aux marchés, voire de s’en passer totalement. Pour être efficace, le définancement des énergies fossiles doit cibler tous les types d’investissement, y compris internes.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. L’amendement va beaucoup plus loin que la proposition de loi. Vous avez raison : l’objectif est bien, à terme, de sortir de notre dépendance aux énergies fossiles. Avis favorable.

Si l’amendement est adopté, peut-être faudra-t-il apporter quelques modifications au texte afin de préserver les financements pour des raisons de sécurité, qui devraient tous nous mettre d’accord.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je suis totalement opposée à cette extension de l’interdiction. Il est atterrant et désespérant que la NUPES dans toutes ses composantes n’ait d’autre perspective qu’interdire toujours davantage. En cas de blackout, ne sera-t-il pas nécessaire de recourir à autre chose que ce que l’on connaît aujourd’hui ?

La commission rejette l’amendement CF7.

Amendement CF3 de M. Vincent Seitlinger

M. Patrick Hetzel (LR). Nous souhaitons supprimer l’alinéa 9, car il entre en contradiction avec la liberté d’entreprendre, principe à valeur constitutionnelle, et avec le droit à exercer librement une activité économique dans le domaine de son choix.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Puisque vous invoquez la Constitution, je rappelle que le Conseil constitutionnel a reconnu pour la première fois en 2020 que la protection de l’environnement est un objectif de valeur constitutionnelle pouvant justifier des restrictions à la liberté d’entreprendre. Le texte est donc bien conforme à la Constitution.

Vous souhaitez supprimer l’obligation faite aux acteurs financiers de décarboner progressivement leurs expositions au motif que nous ne ferions que contraindre. En réalité, il s’agit de protéger et d’anticiper. Avec vous, on contraint toujours les Français, jamais les grandes entreprises. Vous avez choisi de nous imposer un modèle. Pourquoi les gens sont-ils dépendants de leur voiture ? Parce qu’on a supprimé les trams, les trams-trains, tout ce qui leur permettait de se déplacer. Nous proposons une nouvelle manière de faire qui les rendra capables d’affronter les contraintes énergétiques à venir.

La commission rejette l’amendement CF3.

Amendement CF8 de M. Michel Sala

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Pour une sortie progressive des énergies fossiles, le texte prévoit une réduction de 50 % de la part d’actifs fossiles dans les investissements d’ici à 2030 et de 90 % d’ici à 2040. Nous proposons d’ajouter l’objectif d’une sortie totale d’ici à 2050.

On va sans doute nous dire à nouveau que nous allons beaucoup trop loin, mais la neutralité carbone n’est qu’une étape et la stratégie finale doit bien viser le net zéro. Accélérer le calendrier de réduction des émissions de gaz à effet de serre obligerait certaines entreprises à instaurer de vrais plans de transition écologique.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Avis très favorable à cet amendement, cohérent avec l’objectif de la proposition de loi de réduire à zéro le stock d’actifs fossiles.

La commission rejette l’amendement CF8.

Amendement CF9 de Mme Charlotte Leduc

Mme Charlotte Leduc (LFI-NUPES). Nous proposons de compléter l’obligation de moyens exprimée à l’alinéa 9 par une obligation de résultat.

Le maintien d’une obligation de stratégie est essentiel pour permettre aux entreprises de s’emparer du sujet et de planifier la réduction de la part d’actifs fossiles dans leurs portefeuilles d’investissements. Toutefois, un groupe qui se doterait, sciemment ou non, d’une stratégie non crédible ou défaillante respecterait au sens strict les obligations imposées par la proposition de loi. Nous proposons donc d’ajouter une obligation de réduction réelle dans les mêmes proportions : de 50 % à l’horizon 2030 et de 90 % à l’horizon 2040.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Avis favorable. Cette précision est indispensable. Il ne s’agit pas seulement de fixer des objectifs qui pourraient ne pas être respectés, mais bien de décarboner réellement les encours et activités des banques.

La commission rejette l’amendement CF9.

Amendements CF13 de Mme Cyrielle Chatelain et CF4 de M. Vincent Seitlinger (discussion commune)

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Il s’agit d’intégrer aux dispositions existantes du code monétaire et financier la procédure et le régime de sanction prévus par le texte.

Concrètement, l’ACPR et l’AMF seront chargées de veiller au respect des dispositions de la proposition de loi par les prestataires de services financiers qu’elles contrôlent déjà. Les procédures de sanction actuellement mises en œuvre par les deux autorités garantissent les droits de la défense et la gradation des peines encourues. Les amendes prononcées en cas de manquement aux restrictions de financement n’interviendront qu’en dernier recours et pourront atteindre 10 % du chiffre d’affaires annuel. C’est à la fois proportionné et efficace.

M. Patrick Hetzel (LR). L’alinéa 10 prévoit une sanction pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires. Au vu des transactions financières, cela signifie que l’entreprise n’aurait plus qu’à déposer le bilan. Il ne s’agit même plus de dissuasion, mais d’une attaque en règle contre le milieu économique. On voit que les auteurs du texte sont totalement déconnectés de la réalité : les profits réalisés sont généralement beaucoup plus faibles ; il aurait au moins fallu faire dépendre le montant de l’amende de ces profits et non du chiffre d’affaires.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Vous devez donc être convaincu par la proposition de réécriture que je viens de formuler. La sanction de 100 millions d’euros ou 10 % du chiffre d’affaires figure déjà dans la loi ; nous proposons simplement d’intégrer notre dispositif à ceux qui existent.

M. Daniel Labaronne (RE). Après les interdictions, les sanctions ! Vous promouvez une écologie punitive, avec une stratégie idéologique : vous voulez imposer au système économique la décroissance, en ciblant le secteur financier et bancaire, qui à vos yeux représente le diable. Nous ne pouvons adhérer à cette approche.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Vous nous reprochez de vouloir imposer une écologie punitive, faite d’interdictions et de sanctions, mais l’incitation que vous prônez ne fonctionne pas : elle permet seulement aux acteurs économiques climaticides de gagner du temps et de continuer à exploiter les fossiles.

Vous refusez la contrainte et vous défendez la liberté d’entreprendre. En réalité, vous soutenez la liberté de détruire le climat. Or nous ne pouvons pas continuer à faire comme si de rien n’était : nous allons dans le mur ! Pensez aux générations futures – à vos propres enfants : nous allons leur laisser une planète inhabitable.

Mme Véronique Louwagie (LR). Nous partageons la volonté de réduire fortement la part des énergies fossiles, mais beaucoup d’éléments doivent être pris en considération et il faut prévoir la déclinaison des mesures dans le temps.

Par ailleurs, le texte prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires, soit la totalité de la marge de certains prestataires. Une telle disposition mettrait en péril le secteur tout entier. Les sanctions doivent rester mesurées : je vous invite à adopter l’amendement CF4.

M. le président Éric Coquerel. Vous n’hésitez pas à proposer de sanctionner des chômeurs que vous accusez de ne pas suffisamment chercher du travail ou de ne pas accepter certains postes. Pourtant, les émissions de gaz à effet de serre sont autrement plus dangereuses pour la société : nous risquons de ne plus pouvoir respirer sur cette planète. Mais, dans ce domaine, vous refusez les interdictions et les contraintes.

Monsieur Labaronne, je ne comprends pas votre argument. Si, comme nous, vous voulez décélérer les émissions de CO2, il faut adopter des mesures contraignantes. Des sanctions trop faibles pour inquiéter les institutions financières ne serviront à rien. On ne peut pas changer de discours selon les circonstances. Le problème que nous examinons est le plus menaçant pour l’humanité.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ces leçons de morale sont insupportables, monsieur le président. Les émissions de gaz à effet de serre doivent ici jouer le rôle du juge de paix. Or l’année derrière, la France a atteint ses objectifs dans ce domaine. Vous dites que nous ne faisons rien et que nous ne comprenons rien au réchauffement climatique : c’est intolérable, et c’est faux.

M. le président Éric Coquerel. Personne ne dit cela.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Si, la rapporteure a affirmé que nous ne faisions rien. Contrairement à vous, nous considérons que le monde économique est un acteur majeur de la transition écologique. Or vous voulez l’affaiblir, en particulier les secteurs de l’énergie et de la finance. C’est le seul objectif de ce texte : il prévoit des mesures franco‑françaises, notamment des interdictions, qui les pénaliseront.

Nous sommes pour notre part cohérents.

Les acteurs économiques ne vous ont pas attendus pour avoir conscience du risque de réputation ; ils prennent des mesures pour assurer la transition. Ils prennent des risques en investissant des sommes colossales, comme en témoigne l’exemple d’ArcelorMittal à Dunkerque. Et vous, vous les montrez du doigt !

Vous êtes contre le pétrole. Je suppose que vous êtes donc favorables aux voitures électriques. Mais vous êtes contre les mines de lithium, notamment dans l’Allier. À Paris, vous soutenez les méthaniseurs pour assurer la transition écologique mais, sur le terrain, vous vous opposez à toutes les installations de méthaniseurs. Cela révèle votre incohérence.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Oui, nos émissions de gaz à effet de serre diminuent. Toutefois, le Conseil d’État est clair : c’est le résultat de facteurs conjoncturels – la hausse des prix de l’énergie et la douceur de l’hiver passé. Par sa décision du 10 mai 2023, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement de prendre des mesures structurelles, à même de garantir dans la durée la baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Vous avez raison, les banques, conscientes du risque de réputation, prennent des mesures. Toutefois, nous ne disposons pas de données pour évaluer l’incidence de ces dernières ; elles peuvent se fixer des objectifs sans se donner les moyens de les atteindre. Nous ne voulons pas courir le risque que les établissements se limitent à un greenwashing et que nous nous apercevions dans dix ans que l’exposition aux fossiles n’a pas diminué. En imposant des objectifs et des critères de transparence, nous assumons notre rôle de législateur.

En 2008, la crise des subprimes a montré que le secteur bancaire est incapable de s’autoréguler et que l’explosion d’une bulle économique déstabilise fortement l’économie et toute la société, entraînant notamment du chômage. Il revient donc au législateur de réguler le secteur bancaire ; nous l’assumons.

Le calendrier est dicté par l’Accord de Paris. Il est indispensable de respecter les échéances que la communauté internationale s’est ainsi données, si nous voulons limiter le réchauffement climatique à 2 °C. La seule question qui se pose est : le voulons-nous ?

L’amendement CF13 vise à remplacer les sanctions initialement prévues dans le texte par un dispositif déjà en vigueur, dont les sanctions peuvent atteindre 10 % du chiffre d’affaires, en nous en remettant aux très compétentes ACPR et AMF. Ainsi, la proportionnalité sera respectée. Comme tous les acteurs exerçant d’importantes responsabilités dans le monde économique, les acteurs financiers, qui bénéficient d’une garantie de l’État, parce qu’ils détiennent l’épargne des Français, doivent être contrôlés, et sanctionnés quand ils ne respectent pas la loi.

La commission rejette successivement les amendements CF13 et CF4.

Amendement CF15 de Mme Cyrielle Chatelain.

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Cet amendement visait à assurer la cohérence avec les dispositions de l’amendement CF13. Je le retire.

L’amendement CF15 est retiré.

Amendement CF19 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Il s’agit d’instaurer un comité consultatif. Madame Christelle Petex avait déposé un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution. Cet amendement définit la constitution du comité et précise que les membres en seront bénévoles. Comme vous, nous sommes persuadés que nous ne réussirons pas la transition énergétique sans une forte bifurcation des acteurs économiques et financiers. Ce comité consultatif est donc indispensable. Au cours des auditions, je me suis forgé la conviction que nous avions besoin de plus de transparence et qu’il fallait donner plus de place aux élus, dans ce domaine et dans le suivi des acteurs financiers.

La commission rejette l’amendement CF19.

Elle rejette l’article 1er.

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Après l’article 1er

Amendement CF18 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Les assurances sont fortement exposées au risque climatique, parce qu’elles assurent contre les risques, mais aussi parce qu’une partie de leurs fonds sont placés dans le domaine fossile. Lorsqu’ils le sont par des gestionnaires d’actifs, le texte s’applique. Toutefois, au regard de leur exposition au charbon, au gaz et au pétrole, les assurances devraient entrer pleinement dans le champ de la présente proposition de loi. Cet amendement vise à y pourvoir.

La commission rejette l’amendement CF18.

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Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 de la proposition de loi modifie le II de l’article L. 511-41-1-A du code monétaire et financier, en complétant la typologie existante des coussins de fonds propres par une exigence spécifique en matière d’exposition aux activités relatives aux énergies fossiles. 

Position de la commission des finances

Après avoir rejeté deux amendements de la rapporteure, la commission des finances a rejeté cet article.

  1.   L’État du droit

 Les exigences de coussins de fonds propres établies par l’Union européenne sont destinées à renforcer la solidité financière du système financier (A). La politique macroprudentielle européenne intègre insuffisamment les risques liés au climat et à l’environnement dans les exigences de fonds propres supplémentaires (B).

  1.   Une politique macroprudentielle europÉenne, dÉclinÉe au niveau national

La crise financière de 2008 a conduit l’Union européenne à se doter d’un cadre macroprudentiel robuste (1), dont la mise en œuvre est essentiellement assurée par les autorités de surveillance des États membres (2).

  1.    La réglementation macroprudentielle européenne introduit des exigences de coussins de fonds propres

La politique macroprudentielle vise à renforcer la capacité du système financier à absorber des chocs financiers ou économiques sans répercussions graves, telles que la faillite en chaîne d’établissements financiers. Les instruments macroprudentiels sont mobilisés en complément des dispositifs microprudentiels, dont la fonction est de limiter les risques de défaillance individuelle.

Les accords de Bâle III, publiés par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire le 16 décembre 2010, ont renforcé les exigences de fonds propres applicables à l’ensemble des établissements de crédit. Ces règles micropudentielles sont mises en œuvre au niveau européen dans le cadre du paquet législatif dit CRR/CRD IV, composé du règlement du 26 juin 2013 dit CRR (Capital Requirement Regulation([44]) et de la directive du 26 juin 2013 dite CRD IV (Capital Requipement Directive IV([45])

● Les établissements de crédit doivent respecter à tout moment trois ratios de solvabilité  ([46]). Ces exigences sont calculées à partir des fonds propres réglementaires et des actifs pondérés des risques (Risk-Weighted Assets, RWA), c’est-à-dire le montant total des actifs détenus par l’établissement, ajusté du niveau de risque associé à chaque catégorie d’actifs (obligations souveraines, crédits hypothécaires, etc.)   :

– le ratio de fonds propres de base de catégorie 1, dit CET1 : le niveau des fonds propres CET1, soit le noyau dur composé des fonds propres les plus solides (capital, réserve), doit être supérieur ou égal à 4,5 % des RWA ;

– le ratio de fonds propres de catégorie 1, dit Tier 1 : le niveau des fonds propres CET1 et des fonds propres additionnels dits AT1 (Additional Tier 1) doit être supérieur ou égal à 6 % des RWA ;

– le ratio de solvabilité global : le niveau des fonds propres de catégorie 1 et de catégorie 2 (Tier 2), ces derniers correspondant à des fonds propres complémentaires plus risqués (titres subordonnés à durée indéterminée, etc.), doit être supérieur ou égal à 8 % des RWA.

● En complément des ratios de solvabilité de base, la directive CRD IV introduit quatre coussins de fonds propres afin de mieux maîtriser l’incidence du cycle économique et des risques systémiques sur le système financier :

– le coussin de conservation des fonds propres, qui représente 2,5 % des RWA, s’applique en permanence à l’ensemble des établissements et vise à absorber les pertes dans les périodes de tensions économiques ([47]) ;

– le coussin de fonds propres contra-cyclique, compris entre 0 % et 2,5 % des RWA, est mis en place en cas de croissance excessive du crédit ([48]) ;

– le coussin pour les établissements d’importance systémique mondiale (entre 1 % et 3,5 % des RWA) ou pour les autres établissements d'importance systémique (entre 0 % et 2 % des RWA) s’applique de manière permanente aux entités concernées ([49])  ;

– le coussin pour le risque systémique, qui n’est pas assorti d’un taux maximal, est destiné à prévenir ou atténuer les risques systémiques ou macropudentiels, entendus comme présentant « un risque de perturbation du système financier susceptible d’avoir de graves répercussions sur le système financier et l’économie réelle dans un État membre donné » ([50]). Il peut s’appliquer soit à toutes les expositions de l’établissement situées dans l’État membre, dans l’Union européenne et dans d’autres pays tiers soit, depuis la révision dite CRD ([51]), uniquement à certaines expositions sectorielles.

Les exigences de coussins de fonds propres reposent intégralement sur le noyau dur des fonds propres, dits CET1. Ces surcharges de capital forment « l’exigence globale de coussin de fonds propres » ([52]), auxquelles les établissements de crédit, les entreprises d’investissement et les sociétés de financement doivent se conformer.

  1.   L’essentiel des coussins de fonds propres est activé au niveau des États membres

Les coussins de fonds propres sont activés par les autorités prudentielles des États membres, à l’exception du coussin de conservation de fonds propres, qui est permanent ([53]).

L’application du coussin de conservation de fonds propres est contrôlée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ([54]).

Le coussin de fonds propres contra-cyclique voit son application décidée au niveau national par une autorité désignée dans chaque État membre. Il est fondé sur la déviation du ratio du crédit octroyé aux entreprises non financières du secteur privé au PIB par rapport à sa tendance de long terme. Il tient compte des orientations formulées par le Comité européen du risque systémique (CERS), responsable de la surveillance macroprudentielle du système financier européen. En France, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) est chargé de cette mission en application des articles L. 511-41-1-A et L. 631-2-1 du code monétaire et financier. Il détermine si un tel coussin doit être mis en œuvre et son taux sur une base trimestrielle, sur proposition du gouverneur de la Banque de France ([55]) et après consultation de la Banque centrale européenne (BCE) ([56]).

Les établissements d'importance systémique mondiale et les autres établissements d’importance systémique sont recensés par une autorité désignée dans chaque État membre ([57]). En France, l’ACPR établit la liste de ces établissements sur une base individuelle, sous-consolidée ou consolidée selon les cas, en tenant compte des critères fixés aux paragraphes 2 et 3 de l’article 131 de la directive CRD IV (taille de l’établissement, interconnexion avec le système financier, etc.) ([58]). Cet exercice d’évaluation est mené annuellement et aboutit à l’attribution d’un score de « systémicité » à chaque établissement, qui permet de les classer, pour l’année, dans l’une ou l’autre catégorie. L’exigence additionnelle de fonds propres pour ces établissements est fixée par l’ACPR distinctement selon l’intervalle dans lequel se classe l’empreinte systémique de chaque établissement.

De la même manière, chaque État membre désigne une autorité chargée de de déterminer s’il convient de mettre en œuvre le coussin pour le risque systémique et d’en fixer le taux ([59]). En application des articles L. 511-41-1-A et L. 631-2-1 du code monétaire et financier, la décision de mettre en œuvre cette mesure relève du HCSF, sur proposition du gouverneur de la Banque de France. Comme le précise le HCSF dans sa note sur le coussin pour le risque systémique, la particularité de cette exigence additionnelle est sa modularité et sa capacité à cibler des risques systémiques spécifiques : le coussin pour le risque systémique « peut cibler spécifiquement des sous-ensembles d’établissements financiers ou des sous‑ensembles d’expositions, et le taux appliqué peut varier selon ces sous-ensembles » ([60]). Le taux du coussin pour le risque systémique est fixé par incréments de 0,5 point de pourcentage ou de multiples de cette valeur, sans plafond maximum.

La BCE a également la faculté de se substituer aux autorités nationales compétentes en imposant des exigences plus strictes aux établissements d’un État membre, par exemple en adoptant ou en relevant le taux d’un coussin contra‑cyclique ou d’un coussin pour le risque systémique ([61])

La mise en œuvre des coussins de fonds propres en France en 2024

Le coussin de conservation de fonds propres s’applique au taux de 2,5 %.

Le taux du coussin de fonds propres contra-cyclique applicable à partir du 2 janvier 2024 est de 1 %. Il a été relevé par le HCSF de 0,5 % à 1 % dans une décision du 27 décembre 2022 (décision n° D-HCSF-2022-06), dans le contexte de la guerre en Ukraine. La volalité des marchés financiers, la dynamique inflationniste et le tassement des pespectives de croissance ont justifié cette mesure visant à prévenir le retournement du cycle de crédit.

Les taux du coussin pour les établissements d’importance systémique mondiale et pour les autres établissements d’importance systémique sont compris entre 0,25 % et 1,5 % selon les établissements. Sept établissements, dont quatre d’importance systémique mondiale, sont concernés : BNP Paribas, Groupe Crédit Agricole, Société Générale, Groupe BPCE, Groupe Crédit Mutuel, HSBC Continental Europe et La Banque Postale. Ces taux distincts selon les sous-catégories d’établissements ont été fixés par l’ACPR.

Le taux du coussin pour le risque systémique s’applique uniquement, actuellement, en tant que coussin sectoriel. Son taux est fixé à 3 % par une décision du HCSF du 31 juillet 2023 (décision n° D-HCSF-2023-3). La mesure est entrée en vigueur le 1er août 2023 et s’applique aux banques systémiques françaises qui sont très exposées aux sociétés non financières françaises très endettées. L’indicateur permettant d’identifier les entreprises visées correspond au ratio dette totale/revenu avant intérêt, impôt, dépréciation et amortissement, dit EBITDA. 

  1.   UN Cadre macroprudentiel inadaptÉ aux risques climatiques et environnementaux

Le cadre macroprudentiel en vigueur dans l’Union européenne est inadapté pour prévenir la matérialisation des risques liés au climat et à l’environnement. Plus fondamentalement, les risques physiques et de transition se caractérisent par une « incertitude radicale ». Celle-ci est moins liée à leur matérialisation probable qu’aux « manières, moments et lieux où ils se manifesteront » ([62]). Dans un rapport de l’Institut Veblen publié en juin 2020, plusieurs économistes appellent ainsi au verdissement de la politique macropudentielle face à des instruments qui « restent petitement calibrés […] et n’ont pas été activés dans tous les pays signataires » ([63]).

L’analyse des coussins de fonds propres par l’Autorité bancaire européenne (ABE) aboutit à la même conclusion ([64]) :

– l’objet et les règles applicables au coussin de conservation des fonds propres ne répondent pas aux caractéristiques des risques liés au climat et à l’environnement, d’autant que le taux maximal de 2,5 % est sous-calibré par rapport à l’ampleur des conséquences financières potentielles du réchauffement climatique ;

– le coussin de fonds propres contra-cyclique ne permet pas d’appréhender les facteurs – largement non-cycliques – à l’origine des risques liés au climat et à l’environnement ;

– le coussin pour les établissements d’importance systémique mondiale et pour les autres établissements d’importance systémique est inopérant dans la mesure où les risques liés au climat et à l’environnement ne sont pas corrélés au caractère systémique de l’acteur financier.

Au regard de ces éléments, le coussin pour le risque systémique est susceptible de constituer l’exigence de fonds propres la plus appropriée pour prévenir la constitution des risques climatiques et limiter, le cas échéant, le choc de leur matérialisation sur le système financier.

  1.   LE dispositif proposÉ

L’article 2 de la proposition de loi crée une nouvelle exigence de coussin de fonds propres pour l’exposition aux activités relatives aux énergies fossiles (A). Soucieuse de renforcer le caractère opérationnel du dispositif et sa conformité au droit de l’Union européenne, la rapporteure a proposé deux amendements – rejetés par la commission des finances – consistant à créer une « composante climatique » au sein du coussin pour le risque systémique (B).

  1.   LA crÉation d’un coussin de fonds propres pour l’exposition au secteur des Énergies fossiles

L’article 2 de la proposition de loi modifie le II de l’article L. 511411-A du code monétaire et financier, qui transpose en droit national les exigences de coussins de fonds propres introduites par la directive du 26 juin 2013 dite CRD IV. Il crée un 5° complétant la typologie des coussins additionnels pris en compte dans le calcul de l’exigence globale de coussins de fonds propres que les établissements assujettis sont tenus de satisfaire. Ces derniers devront se conformer à une nouvelle exigence de coussin de fonds propres relative à l’exposition aux activités relatives aux énergies fossiles, telles que définies par l’article 1er de la proposition de loi.

Si la mesure proposée complète utilement les instruments du cadre macropudentiel français, l’attention de la rapporteure a été appelée sur plusieurs limites au cours des auditions de la Banque de France et de la direction générale du Trésor.

Sur le plan technique et opérationnel, les conditions de fixation de la nouvelle exigence de coussin de fonds propres – taux, modalités de calcul, autorité compétente – ne sont pas précisées. Par cohérence, il est souhaitable que ces paramètres soient également inscrits à l’article L. 511-41-1-A du code monétaire et financier, qui décrit la procédure applicable pour les coussins de conservation des fonds propres (III), contra-cyclique (IV), pour les acteurs systémiques (V à VII) et pour le risque systémique (IX).

Par ailleurs, la conformité au droit de l’Union de la mesure proposée est fragilisée par le caractère a priori limitatif des exigences de coussins de fonds propres créées par la directive du 26 juin 2013 dite CRD IV. À titre d’exemple, la création d’une catégorie additionnelle de coussin au sein du II de l’article L. 511‑41-1-A du code monétaire et financier semble incompatible avec « l’exigence globale de coussin de fonds propres » définie par le droit de l’Union européenne auquel il renvoie. En effet, la définition du paragraphe 6 de l’article 128 de la directive du 26 juin 2013 dite CRD IV précise que le montant total des fonds propres exigé correspond au coussin de conservation des fonds propres, « augmenté, le cas échéant », des trois exigences additionnelles mentionnées supra.

  1.   La mobilisation souhaitable du coussin pour le risque systÉmique

Au regard des réserves formulées à l’encontre du dispositif initial, la rapporteure a proposé par amendement une solution de substitution. Celle-ci vise à verdir le cadre macroprudentiel en veillant, dans la mesure du possible, à la conformité du droit national aux dispositions européennes.

Le coussin pour le risque systémique serait mobilisé à cet effet. Il vise à prévenir et atténuer les risques systémiques, soit les risques de perturbation du système financier de nature à provoquer « de graves répercussions sur le système financier et l'économie réelle » ([65]), qui ne sont ni traités par le règlement du 26 juin 2013 dit CRR ni couverts par les autres coussins additionnels ([66]).

Le recours au coussin pour le risque systémique, que l’Autorité bancaire européenne présente comme « l’outil le plus pertinent pour traiter les risques environnementaux dans le cadre macroprudentiel actuel » ([67]), est doublement justifié :

– les risques liés au climat et à l’environnement présentent un caractère systémique, dont le risque de transition susceptible de conduire à la dévaluation des actifs associés au secteur des énergies fossiles (actifs échoués ou stranded assets) ;

– le coussin pour le risque peut être appliqué à des expositions sectorielles, imposant aux établissements assujettis de détenir des fonds propres proportionnels à leur exposition à un secteur spécifique, tel que le secteur des énergies fossiles.

Il a ainsi été proposé d’insérer un IX bis dans l’article L. 511‑41-1-A du code monétaire et financier afin de préciser que le taux du coussin pour le risque systémique, que le HCSF demeure compétent pour fixer, « reflète notamment l’exposition aux risques liés au climat et à l’environnement des établissements de crédit et des sociétés de financement » (amendement CF11). Les établissements d’importance systémique mondiale et les autres établissements d’importance systémique recensés par l’ACPR seraient toutefois soumis à un taux plancher de 10 % du montant de leur exposition finale aux activités relatives aux énergies fossiles. La création d’une « composante climatique » au sein du coussin pour le risque systémique est inspirée du « coussin systémique climatique » proposé par M. Pierre Monnin, économiste au sein du think tank Council on Economie Policies (CEP) ([68]).

La direction générale du Trésor a indiqué à la rapporteure, dans ses réponses écrites, que le coussin pour le risque systémique sectoriel « [peut] s’appliquer uniquement aux expositions aux activités relatives aux énergies fossiles ». Il a toutefois été opposé à la rapporteure que le législateur ne pouvait pas qualifier l’exposition au secteur des énergies fossiles d’élément constitutif d’un risque systémique, cette prérogative relevant du HCSF. Sans sous-estimer les limites d’une législation nationale en matière macroprudentielle et sans préjuger de la conformité au droit européen, la rapporteure relève que la désignation du HCSF comme autorité compétente figure bien dans une disposition législative, à l’article L. 631‑2‑1 du code monétaire et financier.

La mise en place de la « composante climatique » du coussin pour le risque systémique suppose d’engager un dialogue avec les autorités européennes. Le HCSF doit adresser une notification au CERS avant la publication de sa décision, pour que celui-ci la transmette à la Commission européenne, à l’ABE et aux autorités compétentes et désignées des États membres concernés. La notification doit notamment indiquer les raisons justifiant le recours au coussin pour le risque systémique et son taux. Le niveau du taux global maximal de coussin pour le risque systémique, qui correspond au taux cumulé appliqué à un sous-ensemble d’expositions soumis à plusieurs taux de coussins pour le risque systémique, détermine la procédure à suivre. Pour fixer un taux supérieur à 3 %, il convient de notifier la décision au CERS un mois avant sa publication ([69]). Pour fixer un taux supérieur à 5 %, il convient d’obtenir l’autorisation préalable de la Commission européenne ([70]). En tout état de cause, un État membre doit obtenir l’autorisation de la Commission lorsque, pour un même établissement, la somme du taux de coussin pour le risque systémique et du taux de coussin pour les établissements d’importance systémique mondiale ou pour les autres établissements d’importance systémique est supérieure à 5 % ([71]).

Si la fixation à 10 % au moins du taux de la « composante climatique » du coussin pour le risque systémique exige nécessairement l’autorisation de la Commission, il apparaît que celle-ci pourrait s’établir à 0,49 % afin qu’aucune banque française ne soit soumise à un taux cumulé de coussins de fonds propres supérieur à 5 %. Une société française, la BNP Paribas, est aujourd’hui soumise à un taux de coussin de 1,5 % en tant qu’établissement systémique mondial – les autres l’étant à un taux moindre. La somme de cette exigence, du taux du coussin pour le risque systémique sectoriel en vigueur en France (3 %) et de la nouvelle « composante climatique » (0,49 %) maintiendrait l’ensemble des sous‑expositions de la BNP Paribas sous le seuil de 5 % (et a fortiori des autres établissements), exemptant a priori la France d’obtenir l’autorisation de la Commission européenne. La rapporteure a déposé un amendement de repli en ce sens (amendement CF19).

La création d’une « composante climatique » au sein du coussin pour le risque systémique interviendrait dans un cadre européen et national contraint. La rapporteure souligne toutefois que l’accord conclu entre le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen sur le « paquet bancaire » présenté par la Commission européenne le 27 octobre 2021, qui ouvre la voie à une révision du règlement CRR et de la directive CRD, est propice à une telle mesure ([72]).

  1.   La position de la commission

Contre l’avis de la rapporteure, la commission a rejeté l’article 2 de la proposition de loi. Elle avait précédemment rejeté deux amendements de la rapporteure visant à redéfinir « l’exigence de coussin de fonds propres pour l’exposition aux activités relatives aux énergies fossiles » proposée :

– un amendement pour assujettir les établissements d’importance systémique mondiale et les autres établissements d’importance systémique à un taux de coussin pour le risque systémique égal au moins à 10 % du montant de leur exposition finale aux activités relatives aux énergies fossiles (amendement CF13) ;

– un amendement pour assujettir les établissements d’importance systémique mondiale et les autres établissements d’importance systémique à un taux de coussin pour le risque systémique égal au moins à 0,49 % du montant de leur exposition finale aux activités relatives aux énergies fossiles (amendement CF19).

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Amendement CF11 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Patrick Bolton, professeur d’économie à l’université de Columbia, explique que les « cygnes verts » nous exposent à la fois à des risques physiques et à des risques de transition abrupte. En effet, à force de repousser l’application de mesures comparables à celles que prévoit la présente proposition de loi, nous courons le danger de devoir prendre des décisions radicales, sans progressivité ni planification.

L’amendement vise à réécrire l’article 2, afin d’intégrer au coussin pour le risque systémique une composante climatique. Les plus grandes banques devraient ainsi constituer une réserve de fonds propres d’un montant au moins égal à 10 % du montant de leur exposition aux activités relatives aux énergies fossiles. La mesure est donc proportionnelle au risque. Le superviseur européen définit le risque systémique comme « Un risque de perturbation dans le système financier susceptible d’avoir de graves répercussions pour l’économie réelle de [l’Union européenne] et pour le fonctionnement du marché intérieur. » Le risque climatique répond à cette définition.

La commission rejette l’amendement CF11.

Amendement CF17 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Le précédent amendement visait à adopter une mesure dont l’application nécessitait l’autorisation de la Commission européenne. Celui-ci tend à agir dans le cadre des prérogatives françaises.

La directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux exigences prudentielles (CRD) ne fait pas obstacle à ce que la France intègre une composante climatique au coussin pour le risque systémique, si l’ensemble des surcharges de fonds propres ne dépasse pas un plafond de 5 %. Plusieurs leviers ayant déjà été actionnés à la suite de défaillances des acteurs économiques, il reste une marge de 0,49 %. L’amendement tend donc à intégrer dans le coussin systémique un minimum de 0,49 % du montant de l’exposition finale aux activités relatives aux énergies fossiles.

La commission rejette l’amendement CF17.

Elle rejette l’article 2.

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Après l’article 2

Amendement CF14 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Plusieurs intervenants ont souligné que s’ils n’approuvaient pas le texte, ils partageaient notre objectif de réduire l’exposition aux risques climatiques. Le présent amendement vise à obliger les banques à intégrer, de manière prospective, les risques liés à l’environnement et au climat dans leur approche interne.

Les obligations de fonds propres sont corrélées aux risques, eux-mêmes évalués en fonction des taux de faillite. Or les risques climatiques sont à venir et ne peuvent être estimés selon des données passées.

Afin de mieux prévenir et protéger, nous proposons donc d’adopter une approche plus prospective.

La commission rejette l’amendement CF14.

Amendement CF12 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Vous refusez d’interdire le financement de nouveaux projets ; de fixer des objectifs de décarbonation aux banques en limitant les encours dans les énergies fossiles ; d’augmenter les fonds propres pour mieux protéger les Français des risques liés à ces mêmes énergies ; de demander aux banques de prendre en compte les risques climatiques dans leur modèle interne. Je vous propose au minimum de mettre un terme à l’absence ou à l’insuffisance d’informations sur les engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des banques, des assurances et des gestionnaires d’actifs.

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a considérablement renforcé les obligations de reporting extra-financier. Or les rapports annuels des entités assujetties présentent de grosses lacunes, persistantes. Par exemple, les informations relatives aux activités soumises à déclaration restent parcellaires. Plusieurs banques ont indiqué que leurs engagements ESG ne concernaient pas les segments intermédiaires et aval de la chaîne des énergies fossiles – notamment parce qu’elles ne financent plus l’exploitation d’énergies fossiles, mais continuent à financer des oléoducs. Les banques doivent donner une vision globale de leur activité. Il ne s’agit pas ici de leur imposer des objectifs contraignants, mais de la transparence.

Si vous êtes convaincus que les objectifs que nous visons sont les bons, et que les acteurs financiers veulent les atteindre par eux-mêmes, vous ne verrez aucune objection à leur imposer la transparence des données.

La commission rejette l’amendement CF12.

Amendement CF16 de Mme Cyrielle Chatelain

Mme Cyrielle Chatelain, rapporteure. Cet amendement tend à prévoir la date d’entrée en vigueur du texte. Les deux articles ayant été rejetés, je le retire.

L’amendement CF16 est retiré.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

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   Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE   

(par ordre chronologique)

 

 

 

 – La Banque Postale : Mme Adrienne Horel-Pagès, directrice de l’engagement citoyen, membre du comité exécutif, et M. Guillaume Biron, directeur du pilotage transverse des risques

 

 – Banque de France : M. François Haas, directeur général adjoint de la stabilité financière et des opérations, M. Alexandre Levy, chargé de mission, et Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire au cabinet du gouverneur

 

 – Autorité de marchés financiers : M. Philippe Sourlas, secrétaire général adjoint en charge de la direction de la gestion d’actifs, et Mme Laure Tertrais, directrice de cabinet de la présidente

 

 – Direction générale du Trésor : M. Gabriel Cumenge, sous-directeur des banques et des financements d’intérêt général, Mme Sandrine Ménard, sous‑directrice du financement des entreprises et du marché financier, et Mme Fanny Michaud, conseillère parlementaire et relations institutionnelles

 

 – Association française de gestion financière : Mme Mirela Agache Durand, vice-présidente, Mme Adina Gurau Audibert, directrice des expertises, et Mme Ana Pirès, directrice de l’investissement responsable

 

 

 

 


([1]) Emmanuel Carré et al., Mettre la réglementation bancaire au service de la transition écologique, juin 2022, p. 9.

([2]) GIEC, Climate Change 2021. The Physical Science Basis, août 2021.

([3]) Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International, Reclaim Finance, Sierra Club et Urgewald, Banking on Climate Chaos : Fossil Fuel Finance Report 2023, avril 2023, p. 4. Les données du rapport, issues principalement de la base de données de l’entreprise Bloomberg LP, n’évaluent pas l’exposition des banques (stock) mais les flux financiers bénéficiant au secteur des énergies fossiles.

([4]) Kjell Kühne et al., “Carbon Bombs” - Mapping key fossil fuel projects, Energy Policy, volume 166, juillet 2022.

([5]) AIE, Net Zero by 2050. A Roadmap for the Global Energy Sector, mai 2021, p. 21.

([6]) Patrick Bolton et al., The green swan. Central banking and financial stability in the age of climate change, Banque des règlements internationaux et Banque de France, janvier 2020, p. 2.

([7]) Ibid., p. 9.

([8]) Pierre-Louis Girard (coord.), Les incidences économiques de l’action pour le climat. Rapport thématique sur le marché du capital, mai 2023, p. 10. 

([9]) Ibid., p. 23. 

([10]) Haut Conseil pour le climat, Acter l’urgence. Engager les moyens, juin 2023, p. 31. 

([11]) Ibid., p. 06. 

([12]) Santé publique France, Chaleur et santé : surveillance et prévention des impacts de la chaleur dans un contexte de changement climatique, dossier de presse, juin 2023, p. 3. 

([13]) Christian Nicol (coord.), Actifs fossiles, les nouveaux subprimes, juin 2021, p. 27. Le scénario étudié d’une dévaluation à hauteur de 80 % repose notamment sur la perte de valeur des actifs liés aux supbrimes constatée en 2007 et 2008. 

([14]) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les pouvoirs de surveillance, les sanctions, les succursales de pays tiers et les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance, et modifiant la directive 2014/59/UE, texte de compromis, p. 245 (4 décembre 2023, 15882/23).

([15]) La France, en adoptant la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, s’est dotée d’un cadre ambitieux et précurseur en la matière. Le Parlement européen et le Conseil ont conclu, en décembre 2023, un accord en trilogue sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937.

([16]) TCFD, Implementing the Recommendations of the Task Force on Climate-related Financial Disclosures, juin 2017.

([17]) TCFD, 2023 Status Report, octobre 2023,  p. 81.

([18]) Article 3 du règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.

([19]) Les régimes de retraite complémentaire des agents publics concernés sont l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (IRCANTEC), l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP) et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

([20]) 1° du IV du décret n° 2021-663 du 27 mai 2021 pris en application de l'article L. 533-22-1 du code monétaire et financier.

([21]) La direction générale du Trésor indique que, pour les données 2019, le seuil domestique de 500 millions d’euros de bilan ou d’actifs sous gestion concernait 230 sociétés de gestion de portefeuille en France, contre 5 sociétés au titre du seuil européen de 500 employés. Voir en ce sens le guide pédagogique sur le décret d’application de l’article 29 de la loi énergie-climat (direction générale du Trésor, juin 2021).

([22]) Article 4 du règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 précité.

([23]) Règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 sur l’établissement d’un cadre visant à favoriser les investissements durables et modifiant le règlement (UE) 2019/2088.

([24]) Ademe, Article 29. Étude statistique sur les rapports 2022, portant sur l’exercice 2021, mars 2023.

([25]) Le 2° du IV de l’article D. 533-16-1 du code monétaire et financier précise que les entités assujetties peuvent procéder à une « agrégation complémentaire », au niveau du groupe, des informations attendues. En revanche, la production d’un rapport dit article 29 au niveau du groupe n’exonère pas une entité assujettie de la publication d’un rapport au niveau individuel.

([26]) La « part des encours dans des entreprises actives dans le secteur des combustibles fossiles » figure parmi les informations qui doivent être publiées dans le rapport dit article 29 aux termes du b) du 4° du III de l’article D. 533-16-1 du code monétaire et financier. Ces entreprises sont définies dans l’annexe I du règlement délégué (UE) 2022/1288 de la Commission du 6 avril 2022, pris en application du règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019, comme « les sociétés qui tirent des revenus de la prospection, de l’exploitation minière, de l’extraction, de la production, de la transformation, du stockage, du raffinage ou de la distribution, y compris le transport, l’entreposage et le commerce, de combustibles fossiles au sens de l’article 2, point 62), du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil ».

([27]) ACPR et AMF, Troisième rapport commun sur le suivi et l’évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place, octobre 2022, p. 39.

([28]) Crédit Mutuel Alliance Fédérale, Rapport article 29 loi énergie-climat, 2023, p. 11.

([29]) Article 3 du règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 précité.

([30]) Sont concernés par cette obligation les produits financiers définis au paragraphe 12 de l’article 2 du règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, tels que les produits d’épargne retraite, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et les fonds d’investissement alternatifs (FIA).

([31]) Paragraphe 17 de l’article 2 du règlement (UE) 2020/852 du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2020 précité.

([32]) AFG, La gestion Investissement Responsable, données d’enquête 2022, septembre 2023, p. 3.

([33]) Adrien Sénécat, La grande tromperie des fonds d’investissement « verts », Le Monde, 29 novembre 2022.

([34]) Annexe VII du référentiel du label ISR, 1er mars 2024, p. 47. 

([35]) Inspection générale des finances, Bilan et perspectives du label « Investissement socialement responsable » (ISR), décembre 2020.

([36]) AMF, Vers une révision de SFDR. Papier de position de l’AMF, février 2024, p. 5.

([37]) Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International, Reclaim Finance, Sierra Club et Urgewald, Banking on Climate Chaos : Fossil Fuel Finance Report 2023, avril 2023, p. 10.

([38]) Michel Cardona, Les limites des engagements climat volontaires des acteurs financiers privés, Institute for Climate Economics, point climat n° 27, p. 6.

([39]) ACPR et AMF, Troisième rapport commun sur le suivi et l’évaluation des engagements climatiques des acteurs de la Place, octobre 2022, p. 7.

([40]) V de l’article L. 612-40 du code monétaire et financier.

([41]) Les articles L. 612-9 (ACPR) et L. 621-15 (AMF) du code monétaire et financier prévoient par principe que les décisions de la commission des sanctions compétente sont rendues publiques, aux frais de la personne sanctionnée, dans les publications, journaux ou supports qu'elle désigne, dans un format proportionné à la faute commise et à la sanction infligée.

([42]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes, paragraphe 4.

([43]) CJUE, 3e chambre, 11 mars 2010, Attanasio Group Srl contre Comune di Carbognano, Aff. C-384/08, point 50.

([44]) Règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant le règlement (UE) n° 648/2012.

([45]) Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE, transposée en droit français par l’ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière.

([46]) Article 92 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précité.

([47]) Article 129 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([48]) Article 130 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([49]) Article 131 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([50]) Article 133 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([51]) Article 1er de la directive (UE) 2019/878 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([52]) Paragraphe 6 de l’article 128 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([53]) Le coussin pour les établissements d’importance systémique mondiale demeure formellement activé par l’autorité nationale compétente, dont le pouvoir discrétionnaire est toutefois fortement encadré par la méthodologie d’évaluation définie par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et la liste annuelle desdits établissements publiée par le Conseil de stabilité financière. Son taux ne peut être nul pour les établissements répondant aux critères de « systémicité ». La méthodologie du Comité de Bâle reconnaît une capacité de modulation limitée aux autorités nationales, au titre du « jugement du superviseur » (Global systemically important banks : revised assessment methodology and the higher loss absorbency requirement, juillet 2018, p. 7).

([54]) Article 2 de l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif aux coussins de fonds propres des prestataires de services bancaires et des entreprises d'investissement.

([55]) 4° de l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier.

([56]) Paragraphe 1 de l’article 5 du règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit.

([57]) Paragraphe 1 de l’article 131 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([58]) Articles 24 et 26-1 de l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif aux coussins de fonds propres des prestataires de services bancaires et des entreprises d'investissement.

([59]) Paragraphe 1 de l’article 133 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([60]) HCSF, Note sur le coussin pour le risque systémique, mars 2021, p. 2.

([61]) Paragraphe 2 de l’article 4 du règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil du 15 octobre 2013 précité.

([62]) Patrick Bolton et al., Le « Cygne vert » : les banques centrales à l’ère des risques climatiques, Bulletin de la Banque de France, 229/8, mai-juin 2020, p. 3.

([63]) Emmanuel Carré et al., Mettre la réglementation bancaire au service de la transition écologique, juin 2022, p. 12.

([64]) ABE, Rapport sur le rôle des risques environnementaux et sociaux dans le cadre prudentiel, EBA/REP/2023/34, octobre 2023, p. 109.

([65]) Paragraphe 1 de l’article 133 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([66]) Article 37 de l’arrêté du 3 novembre 2014 relatif aux coussins de fonds propres des prestataires de services bancaires et des entreprises d'investissement.

([67]) ABE, Rapport sur le rôle des risques environnementaux et sociaux dans le cadre prudentiel, EBA/REP/2023/34, octobre 2023, p. 109.

([68]) Pierre Monnin, Systemic Risk Buffers – The Missing Piece in the Prudential Response to Climate Risks, CEP, juin 2021.

([69]) Paragraphe 11 de l’article 133 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([70]) Paragraphe 12 de l’article 133 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([71]) Paragraphe 15 de l’article 132 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précitée.

([72]) Dans un récent rapport au Parlement européen et au Conseil sur le réexamen des règles macroprudentielles, la Commission indique que l’accord obtenu en trilogue sur le « paquet bancaire » précise que le coussin pour le risque systémique « pourrait être utilisé pour parer aux risques liés au changement climatique et à la transition climatique » (24 janvier 2024, COM (2024) 21 final, p. 14).