N° 2440

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 2396),
DE MME AURELIE TROUVÉ
ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,


invitant le Gouvernement français à soutenir un moratoire
sur tous les accords de libre-échange non encore entrés en vigueur
et à amplifier l’utilisation des clauses de sauvegarde,

 

 

PAR Mme Aurélie TROUVÉ,

Députée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Pierre-Henri DUMONT, MM. Frédéric PETIT, Charles SITZENSTUHL, vice‑présidents ; M. Henri ALFANDARI, Mmes Louise MOREL, Nathalie OZIOL, Sandra REGOL, secrétaires ; MM. David AMIEL, Rodrigo ARENAS, Pierrick BERTELOOT, Manuel BOMPARD, Mme Pascale BOYER, MM. Stéphane BUCHOU, André CHASSAIGNE, Mmes Sophia CHIKIROU, Annick COUSIN, Laurence CRISTOL, MM. Fabien DI FILIPPO, Grégoire DE FOURNAS, Thibaut FRANÇOIS, Mme Félicie GÉRARD, MM. Benjamin HADDAD, Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mmes Brigitte KLINKERT, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Denis MASSÉGLIA, Mmes Joëlle MÉLIN, Yaël MENACHE, Lysiane MÉTAYER, Danièle OBONO, Anna PIC, MM. Christophe PLASSARD, Jean-Pierre PONT, Alexandre SABATOU, Nicolas TURQUOIS, Mickaël BOULOUX, Nicolas SANSU, Vincent SEITLINGER, Mmes Michèle TABAROT, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA, Marie-Noëlle BATTISTEL, Marie POCHON, Aurélie TROUVÉ.

 


SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : FACE À LA SITUATION DANS LAQUELLE SONT PLACÉS NOS AGRICULTEURS, SOUTENIR AU PLUS VITE UN MORATOIRE SUR TOUS LES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE NON ENCORE conclus

I. Déjà fragilisés, les agriculteurs européens subissent une concurrence déloyale des agriculteurs des pays avec lesquels l’Union europÉenne a conclu des accords de libre-échange

A. Les agriculteurs : une profession aux abois

B. Face à cette situation critique, mettre fin à la concurrence déloyale constitue une revendication au cœur des manifestations d’agriculteurs récentes

II. Or, l’Union européenne est la puissance commerciale ayant conclu le plus grand nombre d’accords de libre-échange au monde… et continue d’en conclure

A. L’Union européeNne dispose du réseau d’accords de libreéchange le plus développé au monde

B. Contrairement à ce qu’elle avait annoncé, l’Union européenne semble prise d’une « frénésie » LIBREÉchangiste et a multiplié les accords ces derniers mois

C. CES accords sont d’autant plus problématiques qu’en leur sein l’agriculture apparaît de plus en plus comme une monnaie d’échange

III. Dans ces conditions, il est urgent de soutenir un moratoire afin d’empêcher l’entrée en vigueur de tout nouvel accord

A. Des négociations en cours menacent d’accroître encore le nombre d’accords en vigueur

1. Un accord avec le Mercosur serait inexplicable

2. L’exemple de l’Australie

B. Le moratoire : une réponse directe aux manifestations qui ont émaillé toute l’Europe ces dernières semaines

DEUXIÈME PARTIE : EN PARALLÈLE DE CE MORATOIRE, RECOURIR LE PLUS POSSIBLE, DANS LE CADRE DE NOS RELATIONS COMMERCIALES ACTUELLES, AUX mesures DE SAUVEGARDE

I. Des outils existent pour protéger, dans le cadre des relations commerciales actuelles, nos agriculteurs

A. Des dispositions particulières pour les produits agricoles au sein des règles de l’Organisation mondiale du commerce : la mesure de sauvegarde spéciale

1. Les sauvegardes « classiques »

2. La mesure de sauvegarde agricole

B. En dehors des règles générales, des clauses de sauvegarde sont également prévues au sein des accords de libre-échange bilatéraux

II. Pourtant, l’Union européenne fait le choix de ne pas y recourir, ou dans des proportions moindres que nos partenaires : un sursaut est donc indispensable

A. L’Union européenne recourt sensiblement moins que ses partenaires aux mesures de sauvegarde agricoles

1. Les chiffres de l’Organisation mondiale du commerce

2. Les réponses de la Commission européenne sur les mesures spéciales en vigueur : un terrible aveu

B. Dans ces conditions, il est urgent d’opérer un changement de paradigme afin de mieux protéger nos agriculteurs en recourant davantage aux mesures de sauvegarde

EXAMEN EN COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

 


   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

Ces derniers mois ont été marqués par des manifestations d’agriculteurs, en France et ailleurs dans l’Union européenne. Suffisamment rares pour être soulignées, ces manifestations doivent nous alerter en tant qu’élus de la nation. Ces évènements sont l’expression d’un malaise grandissant de la profession, que relève la chute continue du nombre d’exploitations : alors que l’on recensait près de 1 200 000 exploitations en France en 1980, ce nombre n’était plus que de 380 000 en 2020. Les causes de ce malaise sont connues : des conditions de travail difficiles et, à la fin, des revenus instables et insuffisants.

Les revendications exprimées lors de ces manifestations ont été diverses, qu’il s’agisse d’assurer à la profession un revenu digne ou d’alléger la charge administrative, et toutes n’étaient pas unanimement partagées. Au cœur de ces revendications, au moins une faisait toutefois consensus : mettre fin à la concurrence déloyale des pays tiers à laquelle sont soumis les agriculteurs de l’Union européenne.

L’Union européenne n’a en effet eu de cesse d’ouvrir ses marchés, exposant au fil des accords conclus un peu plus les agriculteurs européens à la concurrence internationale. Sourde aux alertes de la profession – car la dénonciation des conséquences de cette stratégie du libre-échange pour l’agriculture européenne ne date pas d’hier –, l’Union a multiplié les accords au point d’être aujourd’hui la puissance en ayant conclu le plus grand nombre à travers le monde. Non contente de détenir ce triste record, l’Union européenne continue de négocier de nouveaux accords, qui plus est avec des pays dont on sait qu’ils fragiliseront certaines de nos filières qui n’en ont vraiment pas besoin : à cet égard, l’exemple du projet d’accord avec le Mercosur est probant.

Cette concurrence, dommageable pour nos agriculteurs, l’est d’autant plus qu’elle est souvent déloyale. Le recours à des produits non autorisés dans l’Union européenne, des rémunérations très faibles ou des normes de protection de l’environnement moins ambitieuses sont autant d’exemples de conditions de concurrence inéquitables. Conclure de nouveaux accords ne conduirait qu’à exposer davantage nos agriculteurs à ce type de situations. Pour cette raison, cette proposition de résolution européenne invite à instaurer au plus vite un moratoire sur les accords de libre-échange. Cela reviendrait, très concrètement, à interrompre les négociations en cours avec le Mercosur, l’Australie, l’Inde, l’Indonésie, les Philippines la Thaïlande ou encore la Malaisie et à n’en ouvrir aucune nouvelle.

Cela ne saurait toutefois suffire : même sans nouveaux accords, la situation actuelle reste extrêmement préoccupante et l’Union européenne doit se saisir des outils dont elle dispose pour mieux protéger les agriculteurs. Cela passe notamment par un recours accru aux mesures de sauvegarde spéciales pour l’agriculture dont l’Union se saisit aujourd’hui trop peu, de façon absolue comme relative : à titre de comparaison, sur la période récente, l’Union européenne a ainsi bien moins activé ce type de mesures que les États-Unis.

 


   PREMIÈRE PARTIE : FACE À LA SITUATION DANS LAQUELLE SONT PLACÉS NOS AGRICULTEURS, SOUTENIR AU PLUS VITE UN MORATOIRE SUR TOUS LES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE NON ENCORE conclus

 

I.   Déjà fragilisés, les agriculteurs européens subissent une concurrence déloyale des agriculteurs des pays avec lesquels l’Union europÉenne a conclu des accords de libre-échange

A.   Les agriculteurs : une profession aux abois

Les agriculteurs sont l’une des catégories professionnelles qui travaillent le plus. Comme le relève l’Insee ([1]), les agriculteurs déclarent un temps de travail hebdomadaire bien supérieur à celui de l'ensemble des personnes en emploi : en 2019, pour leur emploi principal, ils ont déclaré une durée hebdomadaire de travail de 55 heures en moyenne, contre 37 heures pour l'ensemble des personnes en emploi (soit une durée moyenne supérieure de 49 %). En outre, et c’est peut-être le plus important, en raison d’un nombre réduit de congés, leur durée de travail annuelle effective excède dans des proportions encore plus grandes celle de l’ensemble des personnes en emploi (+ 65 %).

Outre le temps de travail, les conditions de travail sont également difficiles. À ces contraintes physiques s’ajoute une forte pression, notamment financière, en raison de la contraction régulière d’un emprunt en début d’installation pour acheter la terre et les équipements.

Pour autant, ces conditions de travail difficiles et cette activité intense ne se traduisent pas dans la rémunération, bien au contraire. Selon l’Insee, le revenu net moyen d’un exploitant était en 2021 de 1 860 euros – à titre de comparaison, le salaire net moyen des employés du secteur privé s’établissait la même année à 2 524 euros. Ce chiffre cache en outre de grandes disparités entre les différentes filières, et parfois même au sein des filières. Ainsi, toujours selon l’Insee ([2]), 16,2 % des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté,
contre 14 % de la moyenne des Français. Par ailleurs, dans la production agricole, les revenus varient fortement d’une année sur l’autre, en raison notamment des fluctuations des prix. Les revenus peuvent donc parfois descendre extrêmement bas.

Ces conditions et revenus du travail entraînent une souffrance d’une partie de la profession qui se traduit par une prévalence des burn-out et, plus tragiquement, des suicides plus élevés que dans le reste de la population. Un rapport de la Mutualité sociale agricole de 2023 indique ainsi qu’en 2020, les usagers des soins du régime agricole de 15 à 64 ans ont un risque de mortalité par suicide supérieur de 30,9 % à celui des assurés tous régimes (avec un sur-risque est
de 77,3 % pour les non-salariés) ([3]).

Les difficultés du métier combinées à la faible rémunération créent peu d’attrait pour la profession et conduisent, in fine, à son déclin. Ainsi, comme le fait remarquer la Cour des comptes ([4]), chaque année depuis 2015, en moyenne 20 000 chefs d’exploitation cessent leur activité en France tandis que 14 000 s’installent. Alors qu’en 1984, les agriculteurs représentaient 7,3 % de la population en emploi, ce chiffre n’était plus que de 1,5 % en 2019. La pyramide des âges de la profession ne devrait qu’accentuer ce phénomène puisque, d’ici 2030, la moitié des agriculteurs français devraient partir à la retraite ([5]), alors même qu’ils sont confrontés à des difficultés de transmission des exploitations de plus en plus importantes.

B.   Face à cette situation critique, mettre fin à la concurrence déloyale constitue une revendication au cœur des manifestations d’agriculteurs récentes

Preuve du malaise décrit plus haut, des manifestations d’agriculteurs ont émaillé l’Europe ces derniers mois. Ce fut par exemple le cas en France, aux Pays-Bas ou en Allemagne. Les revendications mises en avant lors de ces manifestations relevaient de plusieurs thématiques : absence de prix rémunérateurs, charge administrative, dureté du métier…

Au cœur des revendications, une revenait souvent : celle de mieux protéger les agriculteurs de la concurrence – déloyale la plupart du temps – des pays tiers ([6]). À mesure que l’Union européenne conclut des accords libre‑échange, son marché s’ouvre aux denrées des autres pays. Cette concurrence, dont les bienfaits supposés pour le consommateur sont fortement contestables, fragilise un peu plus des agriculteurs déjà en grande difficulté (cf. supra). Une concurrence accrue ne peut en effet que conduire à une guerre des prix intensifiée dont les agriculteurs pâtissent.

Cette concurrence, déjà dommageable pour nos agriculteurs, l’est d’autant plus qu’elle est la plupart du temps déloyale, qu’il s’agisse des différences exorbitantes de rémunération qui peuvent exister pour les travailleurs en fonction des régions du monde – souvent au désavantage de l’Union européenne –, de la taille des exploitations, des produits et des pratiques autorisés ou encore des normes environnementales auxquelles sont soumis les agriculteurs. Comme indiqué au sein de l’exposé des motifs de la proposition de résolution, les techniques de production des agricultrices et agriculteurs de Nouvelle-Zélande ou du Brésil autorisent par exemple souvent des produits vétérinaires qui ne sont pas tolérés dans l’Union européenne. Les exploitants dans ces pays peuvent, par conséquent, produire avec de plus forts rendements, quand l’effort de qualité, la protection du bien-être des bêtes et l’interdiction de substances phytosanitaires nocives à la santé publique renchérissent les coûts de production des agricultrices et agriculteurs ainsi que des éleveurs européens. De même, le Kenya est déjà le deuxième exportateur de haricots verts en Europe, grâce aux salaires dérisoires de la main-d’œuvre agricole dans ce pays – une cinquantaine d’euros mensuels pour un salarié. Ce sont désormais les exportations de riz et de sucre qui vont bénéficier d’une libéralisation progressive, en raison notamment de l’accord de libre-échange avec le Japon et du potentiel accord avec les pays du Mercosur, alors que ces filières sont déjà très durement affectées par la concurrence internationale en France par exemple : de fait, les surfaces rizicoles diminuent chaque année en Camargue tandis que les sucreries ferment dans l’hexagone.

Si les syndicats agricoles restent divisés sur certaines questions, leur condamnation des conséquences des accords de libre-échange conclus par l’Union européenne est unanime. C’est ce qui ressort des auditions menées avec la Confédération Paysanne, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs dans le cadre de la rédaction de ce rapport. Auditionnées au cours des travaux, certaines filières ont également fait part de leurs fragilités et de leurs réticences à signer tout accord nouveau. L’Anvol a ainsi fait remarquer que les mesures de soutien à l’Ukraine ont profondément affecté la filière volaille. L’Union européenne a en effet, dans un premier temps, largement assoupli les règles d’importation de produits agricoles ukrainiens afin de soutenir le pays à la suite de l’invasion russe, au risque de déstabiliser certains producteurs des États membres. De même, Interbev a déploré que les échanges internationaux ne soient pas « loyaux » et que l’absence de contrôles véritables ne permette pas de s’assurer que les produits importés dans l’Union européenne respectent les normes que se sont engagés à respecter nos partenaires. La Confédération paysanne, reprenant les chiffres de France AgriMer, a quant à elle, tenu à alerter sur la situation de la filière fruits et légumes : le déficit commercial de la France en fruits et légumes atteignait 2,1 milliards d'euros en 2019, générant des taux de dépendance de 60 % en fruits frais tempérés et de 79 % en légumes frais, hors pommes de terre. Depuis, ce déficit n’a fait que s’accroître : sur la période janvier-octobre 2023 il s’élevait à 4,3 milliards d’euros.

II.   Or, l’Union européenne est la puissance commerciale ayant conclu le plus grand nombre d’accords de libre-échange au monde… et continue d’en conclure

A.   L’Union européeNne dispose du réseau d’accords de libre‑échange le plus développé au monde

Le commerce a toujours été au cœur du projet européen, comme en témoigne le préambule du Traité de Rome qui décrit les États fondateurs « désireux de contribuer (…) à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux ».

Cet attachement au libre-échange a été réaffirmé récemment. Dans la dernière communication ([7]) de la Commission sur l’orientation donnée à la politique commerciale commune, il est ainsi inscrit : « Le commerce est l’un des instruments les plus puissants de l’Union européenne. Il est au cœur de la prospérité économique et de la compétitivité de l’Europe ».

Cette philosophie s’est traduite par la conclusion de dizaines d’accords de libre-échange par l’Union européenne, mouvement qui s’est accéléré avec l’échec du cycle de Doha. De fait, l’Union européenne est aujourd’hui partie à 46 accords de libre-échange, ce qui fait de l’Union la première puissance en termes d’accords conclus.

 

Signataires

Nombre d’accords de libre-échange

Chine

18

Japon

18

Canada

15

États-Unis

14

Source : rapporteure, à partir des données de l’Organisation mondiale du commerce

Il est intéressant de remarquer que les autres principales puissances commerciales au monde – les États-Unis et la Chine – disposent chacune d’un réseau d’accords bien moins développé que celui de l’Union. Autrement dit, tout autant attachées au commerce qu’elles sont, ces puissances estiment avoir moins besoin que les Européens d’accorder des concessions à leurs partenaires – car les accords de libre-échange ne sont rien d’autre que des moyens de faciliter l’accès aux marchés.

B.   Contrairement à ce qu’elle avait annoncé, l’Union européenne semble prise d’une « frénésie » LIBRE‑Échangiste et a multiplié les accords ces derniers mois

Régulièrement accusée de faire preuve de naïveté à l’égard de ses partenaires commerciaux, la Commission européenne semblait avoir opéré au début de la mandature 2019-2024 un changement de paradigme, louable en apparence, dans la manière d’appréhender le libre-échange. Il s’agissait notamment de rétablir des conditions de concurrence équitables avec nos partenaires. Le réexamen de la politique commerciale ([8]) ne disait rien d’autre en qualifiant de « ferme » la politique à venir. La nomination d’un « procureur commercial » européen devait également permettre de s’assurer, avant de conclure de nouveaux accords, que les accords conclus étaient bénéfiques aux acteurs européens et que les partenaires avec lesquels l’Union les avait signés respectaient bien les règles fixées par les accords.

Force est de constater que ce changement de paradigme ne relevait que des mots. L’Union européenne a en effet multiplié les accords de libre-échange depuis 2019. On peut ainsi citer les accords avec le Mexique (en vigueur depuis 2019), le Vietnam (en vigueur depuis 2020), la Nouvelle-Zélande (entrée en vigueur à venir, cette année), le Chili (entrée en vigueur à venir, cette année), ou encore celui avec le Kenya, qui doit toujours être ratifié par ce dernier.

Face à l’urgence écologique et sociale, la multiplication de tels accords est incompréhensible. Alors qu’il est indispensable de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, que les citoyens sont constamment encouragés à consommer local ou encore que nombre d’agriculteurs ne parviennent plus à vivre dignement, conclure des accords de libre-échange avec des pays situés au bout du monde constitue un non-sens. La Commission européenne reconnaît elle-même, dans une étude ([9]) publiée récemment sur l’impact économique cumulé des accords de libre-échange à venir sur l’agriculture européenne, la « vulnérabilité de certaines marchandises telles que le bœuf, la viande ovine, la volaille, le sucre et le riz du fait des importations européennes accrues de ces marchandises en raison de la libéralisation des échanges », qu’accentuerait l’entrée en vigueur des dix accords considérés dans le cadre de l’étude.

C.   CES accords sont d’autant plus problématiques qu’en leur sein l’agriculture apparaît de plus en plus comme une monnaie d’échange

Si c’est peut-être l’agriculture dont on entend le plus parler lorsqu’il est question d’accords de libre-échange – pour des raisons culturelles en France notamment –, le secteur ne constitue qu’une partie des négociations qui concernent en réalité des pans entiers de l’économie. L’industrie et, dans une moindre mesure, les services sont également concernés par ces accords, dans des proportions bien plus grandes. Ainsi, les échanges commerciaux agroalimentaires entre l’Union européenne et le reste du monde représentent en valeur moins d’10 % des échanges commerciaux de biens de l’Union avec ses partenaires ([10]).

Dès lors, si l’on entend moins de contestations des autres secteurs de l’économie, alors même qu’ils représentent une part des exportations et des importations bien plus grandes, c’est parce qu’ils profitent davantage de la conclusion d’accords de libre-échange que l’agriculture. Il est d’ailleurs révélateur que l’Allemagne soit l’un des États membres les plus allants en matière de commerce : l’Allemagne n’est pas une puissance agricole, mais industrielle.

Dès lors, l’agriculture apparaît de plus en plus comme une « monnaie d’échange » pour l’Union européenne. Autrement dit, les concessions faites à nos partenaires en contrepartie de débouchés pour nos entreprises le sont souvent en matière agricole. Un rapport d’information récent ([11]) de l’Assemblée nationale, reprenant les mots d’une eurodéputée ([12]) bien au fait de ces sujets, ne dit rien d’autre : « lors des négociations commerciales, l’agriculture serait considérée de façon croissante comme une « monnaie d’échange » selon les mots d’une eurodéputée auditionnée dans le cadre du rapport, au détriment des secteurs fortement producteurs de valeur ajoutée ». C’est aussi l’avis de Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne qui considère  ([13]) que « dans pratiquement tous les accords de libre-échange, l'agriculture est toujours la monnaie d'échange contre la vente de voitures ou d'avions Airbus » ou encore du média spécialisé dans les questions agricoles Agra qui explique que « Dans la phase finale de ce type de pourparlers, l’accès des produits agricoles sensibles au marché européen sert souvent de monnaie d’échange pour obtenir des concessions dans d’autres secteurs. »  ([14]). Cette situation est inacceptable pour la rapporteure et justifie à ses yeux de mettre fin au plus vite à la conclusion de tout nouvel accord.

Des exemples très concrets de ce sacrifice de l’agriculture à l’autel d’autres intérêts commerciaux se trouvent dans les projets d’accords avec le Mercosur et l’Australie. Les concessions tarifaires l’illustrent bien. Dans le premier cas, pour accorder des avantages d’un ordre de grandeur équivalent, les Européens sont contraints d’ouvrir leurs marchés agricoles, en l’échange de promesses d’exportations accrues en matière de technologies de pointe ou d’automobiles. Dans le second, l’abaissement spectaculaire prévu des droits à l’entrée sur la viande de bœuf et d’ovins s’explique par les objectifs de négociation de l’Union européenne, qui concernent en priorité l’accès au marché pour les biens industriels et les services, ainsi que l’accès aux minerais australiens : cela suppose des concessions importantes sur les marchés agricoles, alors que les tarifs douaniers équivalents OMC sur les produits agricoles sont beaucoup plus élevés aux frontières de l’UE (11,4 %) qu’à l’entrée sur le marché australien (1,2 %).

III.   Dans ces conditions, il est urgent de soutenir un moratoire afin d’empêcher l’entrée en vigueur de tout nouvel accord

  1.   Des négociations en cours menacent d’accroître encore le nombre d’accords en vigueur

Alors que la contestation envers la politique commerciale menée par l’Union européenne ne cesse de grandir, l’Union européenne continue de négocier avec des pays tiers afin de signer de nouveaux accords. Le réseau d’accords de l’Union, déjà le plus développé au monde, devrait ainsi continuer à s’accroître. Deux accords en cours de négociation illustrent cette dynamique.

1.   Un accord avec le Mercosur serait inexplicable

Le Mercosur désigne un espace de libre circulation des biens et des services en Amérique latine qui regroupe cinq pays : l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie. Certains pays, comme le Chili ou la Colombie en sont membres associés.

Le secteur primaire représente encore une part importante de ces économies. Ainsi, l'agriculture, la sylviculture, la chasse et pêche pèsent pour 13 % du PIB bolivien tandis que le Brésil est le troisième pays exportateur au monde de produits agricoles et alimentaires. Un accord fragiliserait ainsi fortement nos agriculteurs, d’autant que les pays du Mercosur sont des producteurs très importants de filières fragilisées en Europe (sucre, bœuf, volaille). Ainsi, selon l’étude précitée de la Commission européenne, sur la base de dix accords récemment conclus ou en cours de négociations et s’ils étaient adoptés, l’impact de ces accords sur la balance commerciale européenne de viande bovine serait une détérioration de 17-18 %, cette détérioration provenant en grande partie de la hausse des importations en provenance des pays du Mercosur.

En dehors des questions économiques, conclure un tel accord constituerait un non-sens écologique. Un rapport ([15]) commandé par le Gouvernement avait déjà mis en avant en 2019 que le coût climatique du projet d’accord de 2019 avec le Mercosur était supérieur aux avantages économiques qu’il pourrait procurer. En particulier, l’accroissement de la production qui découlerait de l’accord dans les pays du Mercosur pourrait conduire à exploiter des centaines de milliers d’hectares de surface de production supplémentaires, conduisant à aggraver une déforestation déjà excessive et incontrôlée dans cette région du monde.

Surtout, cet accord exposerait nos agriculteurs à une concurrence déloyale. Le large recours aux pesticides au Brésil en est un exemple, tant parce que certains des pesticides autorisés dans ce pays ne le sont pas au sein de l’Union européenne que parce que les pesticides autorisés dans les deux blocs y sont utilisés dans des proportions bien différentes – beaucoup plus au Brésil. En septembre 2023, le gouvernement brésilien a ainsi autorisé le recours à plus de 200 produits dont certains sont considérés comme dangereux pour la santé et toxiques pour l’environnement. Le pays est le premier consommateur au monde de produits phytosanitaires agrotoxiques avec 20 % du total commercialisé dans le monde selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Le Brésil n’est pas non plus exempt de soupçons en matière de travail forcé dans les exploitations agricoles – un coût du travail nul avec lequel l’Union européenne ne peut, par définition, pas rivaliser. Enfin, un autre exemple de concurrence déloyale réside dans la taille des exploitations brésiliennes, sans commune mesure avec la taille moyenne des exploitations européennes.

2.   L’exemple de l’Australie

Si elles ont achoppé en novembre, les négociations ne manqueront pas d’être rouvertes avec l’Australie.

Outre le fait que conclure un accord avec une région du monde aussi éloignée est critiquable en raison des impératifs écologiques, un tel accord fragiliserait encore un peu plus nos agriculteurs, et en particulier nos éleveurs. Ce sont en effet des dizaines de milliers de tonnes supplémentaires de viande bovine et ovine qui, selon les premiers projets présentés par la Commission, feraient l’objet de droits de douane nuls.

B.   Le moratoire : une réponse directe aux manifestations qui ont émaillé toute l’Europe ces dernières semaines

Face au danger que représentent les accords de libre-échange pour l’agriculture européenne et la menace qu’ils constituent pour notre souveraineté alimentaire, il est impératif de ne plus conclure aucun accord de ce type avec un pays tiers (ou un bloc de pays, comme pour le Mercosur). La Commission doit entendre les revendications des agriculteurs mais également des citoyens européens qui sont demandeurs de produits sains, locaux et qui ne contribuent pas à dégrader de façon excessive l’environnement en parcourant des milliers de kilomètres ou en étant responsables de déforestation.

La rapporteure appelle donc le Conseil à mettre en œuvre un moratoire sur les accords de libre-échange en ne mandatant plus la Commission pour aucune négociation. La France, puissance agricole dont les agriculteurs n’ont eu de cesse de critiquer la dérive libérale de l’Union européenne, doit porter cette voix.

La rapporteure tient à souligner qu’un tel moratoire ne signifierait en aucun cas la fin des échanges commerciaux : le commerce bilatéral existe parfaitement sans qu’il y ait besoin de conclure des accords de libre-échange. De tels accords ne font que l’amplifier et ne conduisent en réalité qu’au désarmement tarifaire sur des catégories de produits bien spécifiques, stratégiques pour la sécurité alimentaire européenne et les économies locales.

 


   DEUXIÈME PARTIE : EN PARALLÈLE DE CE MORATOIRE, RECOURIR LE PLUS POSSIBLE, DANS LE CADRE DE NOS RELATIONS COMMERCIALES ACTUELLES, AUX mesures DE SAUVEGARDE

I.   Des outils existent pour protéger, dans le cadre des relations commerciales actuelles, nos agriculteurs

A.   Des dispositions particulières pour les produits agricoles au sein des règles de l’Organisation mondiale du commerce : la mesure de sauvegarde spéciale

1.   Les sauvegardes « classiques »

Les accords conclus dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) visent à libéraliser le commerce de marchandises entre les États. Pour autant, des dispositions existent au sein de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 pour permettre à un pays de se protéger des exportations des pays tiers sous conditions. Ces mesures concernent principalement les « mesures de sauvegarde » permettant à un État de restreindre temporairement les importations d’un produit si une poussée des importations de ce produit menace de causer ou cause un dommage à une branche de la production nationale. Les mesures de sauvegarde font l’objet d’un accord spécial – l’Accord sur les sauvegardes – et sont prévues à l’article XIX de l’Accord de 1994 précité.

L’article XIX de cet accord prévoit « des mesures d’urgence concernant l’importation de produits particuliers ». Ces mesures sont de nature à suspendre, de manière temporaire, tout ou une partie des engagements pris en matière de commerce pour un produit donné. Pour appliquer cet article XIX, trois conditions cumulatives doivent être réunies ([16]) :

     le produit est importé en quantités tellement accrues et à des conditions telles qu’il cause ou menace de causer un dommage grave aux producteurs de l’État concerné ;

     ce dommage doit être causé par une évolution imprévue ;

     ce dommage est l’effet d’engagements commerciaux.

 

2.   La mesure de sauvegarde agricole

Le secteur agricole fait l’objet d’un dispositif spécifique : la clause de sauvegarde spéciale. Les dispositions relatives aux mesures de sauvegarde concernant l’agriculture diffèrent en effet de celles qui s’appliquent aux mesures de sauvegarde normales. C’est l’article 5 de l’Accord sur l’agriculture de l’OMC qui les prévoit. Ainsi, dans le domaine de l’agriculture, contrairement à ce qui se passe pour les sauvegardes normales :

     l’application de tarifs de sauvegarde plus élevés peut être automatiquement déclenchée lorsque le volume des importations excède un certain niveau ou que les prix tombent en deçà d’un certain niveau ;

     il n’est pas nécessaire de démontrer qu’un dommage grave est causé à la branche de production nationale.

L’existence d’une telle mesure s’explique principalement initialement par la nécessité, notamment pour les pays en développement, de garantir leur sécurité alimentaire. En effet, à mesure que les pays abaissent leurs droits de douane et les consolident à de faibles niveaux – car il faut garder à l’esprit que les mesures de sauvegarde sont prévues au sein d’accords qui ont pour but premier de libéraliser le commerce mondial –, ils deviennent de plus en plus vulnérables à l'instabilité des marchés agricoles extérieurs et à des poussées soudaines des importations.

B.   En dehors des règles générales, des clauses de sauvegarde sont également prévues au sein des accords de libre-échange bilatéraux

Les accords de libre-échange bilatéraux comportent des clauses de sauvegarde pour se prémunir, là encore, d’une hausse subite des exportations du pays partenaire qui viendrait déstabiliser une branche de la production nationale.

Dans le cas de l’accord de libre-échange que l’Union européenne a conclu avec le Japon par exemple, les mesures de sauvegarde agricoles sont mentionnées dès le chapitre II, à l’article 2.5 qui leur est dédié (page 9 d’un accord de 897 pages au total). Le second alinéa de cet article prévoit que « Des mesures de sauvegarde agricoles peuvent être appliquées aux marchandises agricoles originaires en vertu du présent accord, conformément à l'annexe 2-A, partie III, section C ». Dans cette annexe, des dispositions sont ainsi prévues pour la viande de porc ou celle de bœuf par exemple.

II.   Pourtant, l’Union européenne fait le choix de ne pas y recourir, ou dans des proportions moindres que nos partenaires : un sursaut est donc indispensable

A.   L’Union européenne recourt sensiblement moins que ses partenaires aux mesures de sauvegarde agricoles

1.   Les chiffres de l’Organisation mondiale du commerce

La rapporteure s’est procuré un document de l’OMC de 2017 qui recense le nombre de recours, par membre, à la sauvegarde spéciale pour l’agriculture. Si ce document ne reflète donc pas la situation actuelle, il est néanmoins éloquent  ([17]). Sur la période couverte, on constate par exemple que l’Union européenne a globalement 3 à 5 fois moins recours à la sauvegarde spéciale pour l’agriculture fondée sur les prix que les États-Unis.

Mesures appliquées au titre de la sauvegarde spéciale
pour l'agriculture fondée sur les prix

 

Membre

Application potentielle

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Barbade

128

23

32

26

26

27

26

 

 

 

 

 

 

Corée, République de

123

8

7

4

4

8

9

5

2

1

1

 

 

ÉtatsUnis

188

83

66

72

61

53

59

48

58

57

53

44

 

Japon

147

9

6

16

10

6

7

7

8

14

11

7

12

Philippines

136

2

2

1

1

1

1

1

1

1

1

1

5

Taipei chinois

107

24

23

33

32

49

4

8

10

0

70

61

65

Union européenne

685

18

16

16

22

22

22

22

21

20

17

8

 

Source : Organisation mondiale du commerce

Déjà révélateurs en valeur absolue, les chiffres le sont d’autant plus lorsque l’on compare l’application effective à l’application potentielle (les mesures de sauvegarde agricoles ne peuvent pas viser tous les produits mais seulement certaines lignes tarifaires prédéfinies). Entre 2004 et 2014, au minimum 23,4 % des produits visés par les États-Unis faisaient ainsi l’objet d’une sauvegarde spéciale fondée sur les prix – et jusqu’à 44 % ! – quand ce ratio atteignait au maximum 3,2 % sur la période pour l’Union européenne. Le constat est sans appel.

2.   Les réponses de la Commission européenne sur les mesures spéciales en vigueur : un terrible aveu

La rapporteure a tenu à rencontrer les services concernés de la Commission européenne, à savoir la direction générale de l’Agriculture et la direction générale du Commerce.

Au cours de cette audition, la rapporteure a demandé à ce que lui soient communiqués les chiffres relatifs au recours par l’Union européenne aux mesures de sauvegarde agricoles : n’en disposant pas au moment de l’échange, les services s’étaient alors engagés à les lui fournir. Sans retour de la Commission, une première relance leur a alors été adressée. Sans retour toujours, une seconde relance a été envoyée. Une réponse a alors fait état de « quelques mesures » relevant de l’article 5 de l’accord sur l’Agriculture de l’OMC, « par exemple pour la volaille et les œufs ». La rapporteure a alors demandé non pas des exemples mais une vue globale des sauvegardes spéciales pour l’agriculture. La réponse a été accablante : « These are the only ones », autrement dit « Celles-ci sont les seules ».

Seuls deux secteurs font donc l’objet de mesures de sauvegarde agricoles, ce qui est inacceptable pour la rapporteure étant donné la terrible situation dans laquelle sont placés nombre d’agriculteurs européens.

B.   Dans ces conditions, il est urgent d’opérer un changement de paradigme afin de mieux protéger nos agriculteurs en recourant davantage aux mesures de sauvegarde

Un moratoire n’aurait pour effet que d’empêcher que la situation empire, en n’exposant pas davantage nos agriculteurs à la concurrence d’autres pays. Toutefois, il ne s’agit pas uniquement d’empêcher que la situation s’aggrave : il s’agit de faire en sorte qu’elle s’améliore ! Dans le cadre des relations commerciales actuelles de l’Union européenne, des outils peuvent être mobilisés pour mieux protéger les agriculteurs des États membres, au premier rang desquels les mesures de sauvegarde agricoles précédemment évoquées.

Les chiffres prouvent que l’Union européenne peut le faire. Elle dispose du droit de recourir aux mesures spéciales dans l’agriculture pour un grand nombre de lignes tarifaires et y recourt beaucoup moins que les autres puissances. L’Union européenne ne doit pas hésiter à s’affirmer face à ses partenaires commerciaux, à qui elle ouvre l’un des marchés les plus grands et les plus riches du monde. Elle ne doit pas non plus se réfréner au motif du risque contentieux. L’enjeu est trop important : celui de la survie de nos agriculteurs.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 3 avril 2024, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Je tiens à vous remercier, chers collègues, de m’accueillir au sein de cette commission pour présenter cette proposition de résolution européenne visant à inviter le Gouvernement français à soutenir un moratoire sur tous les accords de libre-échange non encore entrés en vigueur et à amplifier l’utilisation des clauses de sauvegarde.

Ce texte cherche à ouvrir débat que je crois essentiel en cette période : quel commerce international et quelles protections pour les productions vulnérables et stratégiques de nos économies souhaitons-nous ?

J’ai concentré mon travail sur l’agriculture car il s’agit du secteur le plus affecté par le libre-échange. Le libre-échange, celui des formes de concurrence déloyales venues de l’autre bout du monde, provoque en effet de graves préjudices pour nos agriculteurs.

L'agriculture a longtemps eu un statut particulier dans le commerce international, jusqu’aux années 1990 avec l’intégration de l’agriculture au Cycle de Doha. Cependant, dans les faits, toutes les grandes puissances agricoles à l’exception de l’Union européenne continuent à protéger leur agriculture par une régulation des prix et par des droits de douane ciblés sur les filières sensibles. C’est le cas de la Chine, des États-Unis, ou encore de la Russie.

L’Europe, en multipliant depuis les années 1990 les accords de libre‑échange, a bien plus libéralisé son marché agricole que le reste du monde. Elle a, ainsi, signé 45 accords de libre-échange avec des États tiers tandis que les États‑Unis n’en ont signé que 14. L’agriculture est souvent utilisée comme une monnaie d’échange par l’Union européenne dans ses accords de libre-échange, pour promouvoir l’exportation de biens industriels et de services vendus par des multinationales exportatrices.

L’Union européenne a conclu ces dernières années pléthore d’accords de libre‑échange. Le CETA a été conclu en 2016, des accords avec Singapour, le Japon et le Mexique sont en vigueur depuis 2019, un accord avec le Vietnam est en vigueur depuis 2020, tandis que des accords viennent d’être conclus avec la Nouvelle‑Zélande, le Chili ou encore le Kenya.

Des accords de libre-échange sont actuellement en cours de négociation avec des puissances agricoles de premier plan, comme l’Australie, l’Inde, la Thaïlande ou encore le bloc Mercosur. Ce sont ces accords qui sont visés par cette proposition de résolution européenne.

Il est souvent expliqué que ces accords de libre-échange pourraient être justes s’ils étaient mieux aménagés. Je tiens à rappeler la définition première d’un accord de libre‑échange telle qu’énoncée par les règles de l’Organisation mondiale du commerce : un accord de libre-échange comporte une baisse drastique des droits de douane entre les parties à l’accord et une baisse des barrières non-tarifaires, c’est‑à-dire les normes sanitaires, environnementales ou encore sociales.

Ainsi, ces accords provoquent un appel d’air en termes d’importations à bas coûts de produits agricoles qui ne respectent pas les normes pourtant imposées à nos agriculteurs.

Prenons l’exemple du CETA. Au Canada, en matière de viande bovine, il existe des unités d’engraissement de 26 000 bêtes tandis qu’en France ces unités n’accueillent que 50 bêtes. De plus, les agriculteurs canadiens utilisent des antibiotiques de croissance et des farines animales interdits en Europe. L’utilisation de clauses miroirs dans cet accord n’est pas une mesure suffisante, tant les normes environnementales et les coûts de production divergent. Effectivement, cet accord bénéficie à certains secteurs, notamment aux exportations de fromage français, mais ces bénéfices sont faibles dans la mesure où les exportations de fromage français vers le Canada ne représentent que 0,5 % de la production de fromage français. L’ensemble des syndicats agricoles approuvent cette résolution car, si ces accords favorisent en effet certains secteurs de manière minime, ils sont fortement défavorables à un très grand nombre de secteurs.

Cette concurrence déloyale se présente dans de nombreux accords de libre‑échange et pas seulement en matière d’élevage. Il est nécessaire de mentionner le secteur des fruits et légumes, avec notamment les pommes chiliennes ou sud‑africaines qui coûtent 50 %, voire plus, moins chères que les pommes françaises, ou encore les haricots du Kenya récoltés par des travailleurs sans salaire minimum, ni protection sociale.

De plus, la Commission européenne a récemment mis à jour son étude globale de l’impact économique cumulé des accords de libre-échange à venir sur l’agriculture européenne. Cette étude souligne la vulnérabilité de certaines productions européennes telles que le bœuf, la viande ovine, la volaille, le sucre et le riz du fait des importations européennes accrues de ces marchandises en raison de la libéralisation des échanges. Cette vulnérabilité serait accentuée par l’entrée en vigueur des dix accords sur lesquels nous proposons un moratoire.

Nous avons auditionné l’ensemble des syndicats agricoles, et leur réponse est quasi unanime. À l’exception de la filière des vins et spiritueux, l’ensemble des organisations syndicales interprofessionnelles agricoles s’opposent à l’entrée en vigueur de nouveaux accords de libre-échange. Seule la filière laitière est divisée sur le sujet, une partie de cette filière étant dans un type d’élevage mixte, en produisant à la fois des produits laitiers et de la viande.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous faisons écho à leurs demandes, et nous proposons au Gouvernement français de décider d’un moratoire sur tous les accords de libre-échange qui ne sont pas encore conclus, et de le faire valoir auprès du Conseil européen. Cela signifie d’arrêter les négociations en cours et ne pas en ouvrir de nouvelles, pour protéger nos agriculteurs et notre environnement. Ce moratoire est un appel vibrant à agir pour notre souveraineté alimentaire et pour la survie de nos territoires ruraux.

Nous proposons également, dans un second alinéa, que la France demande l’activation de toutes les clauses de sauvegarde existantes. Il en existe trois types : les mesures relevant de l’accord général de l’OMC, les mesures propres à l’accord sur l’agriculture de l’OMC et celles incluses dans les accords bilatéraux, trop rares, mais par exemple présentes dans l’accord avec le Japon. C’est un outil légal du point de vue du droit international du commerce, mais sous-utilisé, qui permettrait de protéger nos agriculteurs contre les importations qui mettent une filière en danger. Évidemment, leur usage doit être justifié, ciblé, ne peut être éternel, mais il n’emporte aucune difficulté juridique, et ne comporte pas de risque contentieux majeur. Il n’y a aucun obstacle à recourir davantage à ces clauses si ce n’est un obstacle idéologique.

Par ailleurs, nous avons auditionné les directions générales Agriculture et Commerce de la Commission européenne et leur avons demandé à quel point elles recouraient aux clauses de sauvegarde. Nous avons découvert que l’Union européenne ne s’en sert pas, ou très marginalement. En effet, l’Union dispose de 685 mesures potentielles de sauvegarde au titre de l’accord sur l’agriculture à l’OMC, dont 180 sur la viande ou encore 150 sur les produits laitiers. Or, elle n’en utilise aujourd’hui que 2. À titre de comparaison, les États-Unis utilisaient, en 2014, 44 clauses de sauvegarde tandis que l’Union en utilisait seulement 8. Les États-Unis sont ainsi dans une logique de protection et moins dans une logique de libéralisation par rapport à l’Union. En effet, ils ont signé trois à quatre fois moins d’accords de libre-échange et utilisent cinq à six fois plus leurs clauses de sauvegarde disponibles dans le droit de l’OMC. L'Union européenne est ainsi plus libérale que tous les libéraux.

Les agriculteurs demandent à être payés dignement pour leur travail, avec des prix rémunérateurs garantis. Cela n’est possible qu’en protégeant nos marchés domestiques. Si l’on souhaite rémunérer correctement nos agriculteurs, il faut qu’ils soient protégés de la concurrence. Il faut, dans ces conditions, stopper les accords de libre-échange à venir.

La bifurcation écologique ne sera possible qu’avec une protection face à la concurrence, car nous ne pouvons pas réclamer de nos agriculteurs de stopper l’utilisation de certains pesticides tout en tolérant l’importation de produits étrangers utilisant ces mêmes pesticides.

Enfin, un dernier enjeu est celui de l’autonomie alimentaire. Je tiens à rappeler que la balance agricole française est en chute depuis 2014, avec un creusement des importations nettes.

Pour répondre aux trois défis que constituent le maintien de l'agriculture familiale, la bifurcation agroécologique et l’autonomie alimentaire, je vous engage à soutenir ce texte visant à inviter le Gouvernement français à soutenir un moratoire sur tous les accords de libre‑échange non encore entrés en vigueur et à amplifier l’utilisation des clauses de sauvegarde.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

Mme Nicole Le Peih (RE). Agricultrice et députée bretonne, j’ai lu avec attention votre proposition de résolution. Je partage l’une de vos convictions : les accords de libre-échange conclus par l’Union européenne sont effectivement imparfaits, mais, par définition, chaque accord comporte des compromis et des concessions. L’objectif de l’Union européenne et de la France est de trouver le juste équilibre. Si cet équilibre n’est pas atteint, comme cela est le cas avec le Mercosur, la France s’oppose fermement pour bâtir un nouvel accord plus responsable. Permettez-moi de rétablir quelques vérités car, à aucun moment, vous n’avez évoqué les bénéfices des accords pour le consommateur européen, pour les entreprises et pour les pays en voie de développement. Vous résumez l’accord entre l’Union européenne et le Kenya à un accord qui permet d’exporter des haricots verts en Europe, cela est réducteur. Cet accord est le plus ambitieux conclu par l’Union avec un pays en voie de développement, notamment en ce qui concerne les dispositions en termes de durabilité comme la protection de l’environnement, les droits sociaux et l’égalité homme femme. Les accords commerciaux renforcent les liens politiques et stratégiques entre nos pays. Ce sont des outils efficaces pour promouvoir des normes environnementales et ouvrir de nouvelles perspectives pour nos entreprises.

Nos producteurs sont par exemple favorisés par l’accord avec la Nouvelle‑Zélande, tandis que certains secteurs sensibles sont exclus de la libéralisation des échanges afin de les protéger. Vous n’évoquez à aucun moment les mesures miroirs qui visent à appliquer les standards européens à tous les produits importés.

Mme Joëlle Mélin (RN). Nous soutiendrons votre proposition de résolution demandant au Gouvernement français un moratoire sur tous les accords de libre-échange non encore entrés en vigueur. Mon groupe le demande au Parlement européen depuis de très nombreuses années. Je note d’ailleurs que les dossiers qui incluent des accords de libre-échange ont été votés par de très nombreux groupes politiques ici. Plus généralement, un accord de libre-échange n’est justifié que s’il permet aux deux parties d’en tirer profit. Inclure quasi systématiquement l’agriculture et des clauses environnementales intenables pour certains pays tiers est manifestement un gage d’échec surtout si on omet des clauses de sauvegarde, de revoyure ou des clauses miroirs. Aujourd’hui, l’agriculture est malmenée tant dans ses valeurs que sa qualité via les prix pratiqués sous une pression permanente toujours à la baisse. Nous souhaitons donc la réorientation de la politique commerciale européenne pour privilégier les agriculteurs et les impératifs écologiques. Pour vous avoir précédé sur cette voie, nous vous soutenons donc aujourd’hui car il faut être le plus nombreux possible en tant que représentants des peuples européens pour arrêter la marche aveugle et déshumanisée de la Commission européenne.

Mme Danièle Obono (LFI-NUPES). Les manifestations d’agriculteurs et d’agricultrices ces derniers mois ont mis sur le devant de la scène la question des revenus des agriculteurs mais aussi celle de la concurrence déloyale causée par les accords de libre-échange. Cette proposition de résolution est donc particulièrement pertinente. Je note que tous les groupes européens auxquels appartiennent la majorité des représentants des délégations françaises au Parlement européen ont voté en faveur de ces traités, sauf le groupe de La Gauche présidé par Manon Aubry. L’Union européenne a signé trois fois plus d’accords de libre-échange que les États‑Unis mais utilisé quatre fois moins les clauses de sauvegarde permises par l’OMC. L’Union européenne fait du zèle dans la course au libéralisme et dans le travail de sape de toute protection sociale. Rappelons également que cette obsession pour les accords de libre-échange constitue un véritable déni démocratique puisque leur ratification s‘effectue sans l’aval des parlements nationaux. Le Gouvernement français a ratifié en catimini le traité avec la Nouvelle-Zélande en novembre 2023 et a laissé passer les traités avec le Chili et le Kenya en février 2024. Après le vote du Sénat contre la ratification du CETA, l’adoption de cette proposition de résolution permettrait d’interrompre les négociations en cours. Face à l’urgence climatique et sociale, continuer à conclure des accords est climaticide.

M. Pierre Henri Dumont (LR). Le groupe Les Républicains a toujours su prendre ses responsabilités quand il estimait que des accords de libre-échange instauraient des distorsions de concurrence entre producteurs européens et producteurs étrangers. Dès 2019, les Républicains avaient à la quasi-unanimité voté contre le traité de libre-échange avec le Canada. Mais ne mélangeons pas tout. Les accords de libre-échange ne sont pas en eux‑mêmes nocifs mais seulement les accords qui introduisent des distorsions de concurrence. Le libre-échange participe à la prospérité et au développement. Il suffit de voir le marché intérieur européen. Je m’étonne de voir le Rassemblement national favorable à l’idéologie gauchisante de la décroissance et de l’autarcie. Nous allons voter contre cette proposition de résolution. Oui au libre-échange, non aux accords qui introduisent des distorsions de concurrence.

Mme Sabine Thillaye (Dem). Dans un monde où les échanges commerciaux progressent inexorablement, il y a un impératif de maintenir des relations équilibrées avec nos partenaires. L’importance d’un commerce équilibré avec les pays dont nous partageons les intérêts ne saurait être sous-estimée tant sur le plan économique que géopolitique. Actuellement, plusieurs accords sont en discussion avec des partenaires clefs. Dans ce contexte, votre proposition de résolution vise à instaurer un moratoire. Nous plaidons pour des règles bilatérales efficaces plutôt qu’une absence de cadre. Les accords de libre-échange offrent une plateforme d’échanges privilégiés avec nos partenaires, encadrés par des règles qui favorisent l’accès pour nos entreprises à des marchés. Un moratoire priverait notre économie d’un levier d’action et de transformation. Les traités de libre-échange conditionnent les importations au respect de normes sanitaires et environnementales, souvent les plus exigeantes du monde. En ce qui concerne les mesures de sauvegarde, la France agit déjà pour inciter la Commission européenne à utiliser ces outils de défense commerciale afin de protéger les filières sensibles. Le groupe Démocrate votera donc contre cette proposition de résolution.

M. Henri Alfandari (HOR). Madame la rapporteure, vous voulez que l’on soutienne un moratoire sur tous les accords de libre-échange, sans aucune distinction. La position de la France est claire sur le Mercosur ; celui-ci n’avancera pas, alors que le CETA est un accord plutôt bien fait, qui est l’exemple du type d’accords que l’on souhaite promouvoir.

Il ne faut pas oublier qu’un accord de libre-échange c’est une négociation. Avec votre PPRE, on ne pourrait plus faire évoluer les choses puisque l’on ferait un moratoire sur tous les accords, interrompant les négociations engagées.

Je crois que ce qui est essentiel, c’est de promouvoir les clauses miroirs qui sont un outil extrêmement intéressant. En revanche, il faudrait proposer non pas que l’on ait les mêmes normes, mais que l’on se concentre sur les normes que l’on peut contrôler. Il faudrait baser les clauses miroirs sur ce type d’indicateurs que sont les limites maximales de résidus.

Nous voterons contre votre proposition de résolution.

Mme Anna Pic (SOC). Je tiens à saluer l’initiative de madame la rapporteure dans le contexte du vote de rejet au Sénat de la ratification de l’accord CETA et de l’affirmation par la majorité qu’il serait appliqué malgré tout et ne serait pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. La représentation nationale devrait pouvoir débattre de cet accord qui engage notre vision du commerce international et le quotidien de nos agriculteurs. Au lieu de cela, un accord sera appliqué sans jamais avoir été validé par le Parlement.

Le vote récent du Sénat n’est pourtant pas anodin, c’est une critique du bien‑fondé du caractère équilibré des accords de libre-échange conclus par l’Union européenne. Ces accords privilégient l’ouverture des marchés extérieurs aux biens industriels européens, au détriment de la concession par l’Union européenne de quotas de produits agricoles en provenance de pays tiers.

Cette proposition de résolution européenne permet donc de répondre à ce qui s’apparente à une forme de faillite démocratique. Elle va dans le bon sens et nous la soutiendrons : les accords de libre-échange, en particulier quand ils présentent un danger pour les filières agricoles ou le respect des normes sanitaires et environnementales, comme c’est le cas avec le Mercosur et le CETA, doivent pouvoir être remis en cause par le Parlement.

Plus largement, il semble nécessaire, bien que l’activation d’outils existant tels que les moratoires et mesures de sauvegarde soient politiquement opportuns, de travailler également à la modification du droit existant pour rendre ces outils de défense commerciale véritablement efficaces. C’est le sens de l’un des amendements déposés par notre groupe.

Notre second amendement vise à inviter, à titre subsidiaire, le Gouvernement à un moratoire immédiat sur tous les accords de libre-échange non entrés en vigueur contenant des dispositions relatives aux produits agricoles. En effet, les importations non régulées de produits agricoles déstabilisent profondément les filières, nos préférences collectives, et le modèle de société de nombre d’États membres, comme l’ont attesté les récentes manifestations d’agriculteurs dans toute l’Europe.

Il convient donc, comme cette proposition de résolution européenne le prévoit, de trouver tous les moyens de protéger les consommateurs français et européens ainsi que nos agriculteurs. Notre souveraineté alimentaire et la qualité de nos agricultures sont en jeu.

Le groupe Socialistes et apparentés votera donc en faveur de la proposition de résolution.

Mme Marie Pochon (Ecolo-NUPES). Je voudrais vous remercier pour cette proposition de résolution européenne qui répond à un enjeu absolument fondamental, d’ailleurs souligné dans la loi d’orientation agricole, celui de notre souveraineté alimentaire. C’est celle-ci qui laisse la possibilité de mettre en place les politiques agricoles les mieux adaptées à leurs populations, sans qu’elles puissent porter atteinte aux populations d’autres pays. La souveraineté alimentaire rompt avec l’organisation des marchés agricoles mise en œuvre par l’Organisation mondiale du commerce. Ce principe est au cœur de la vision des écologistes en matière agricole. Il est par essence incompatible avec la soumission de nos paysans, aux impératifs de compétitivité ultra‑concurrentiels issus d’une globalisation non‑régulée.

Les accords de libre-échange que vous dénoncez vont à l’encontre de la possibilité pour les peuples de déterminer les politiques agricoles, pour et par eux-mêmes, et non pas pour satisfaire des contraintes de marché. Ce principe fondamental ne peut souffrir d’aucun compromis, c’est la position des écologistes depuis toujours. En cela, notre groupe soutient totalement la demande d’un moratoire immédiat et ferme sur ces accords, qui tuent les agriculteurs, qui échangent indifféremment voitures ou minéraux rares, contre des agneaux, du blé ou des patates, qui portent atteinte à l’environnement et à la souveraineté des peuples.

Chers collègues, entendons-nous bien, le débat ne porte pas sur « voulons-nous mettre fin au commerce international ? ». En effet, 70 % des importations européennes de viande bovine proviennent déjà des pays du Mercosur. L’Europe est également le troisième partenaire commercial de la Nouvelle-Zélande. La question est bien « comment faire en sorte que les règles du commerce international bénéficient aux populations, et non plus aux grandes firmes multinationales ? »

La réponse ne viendra pas du CETA, que certains ici entendent continuer à appliquer sans l’aval des peuples européens, ni du Mercosur, ni des accords avec le Chili, l’Afrique du Sud ou la Nouvelle-Zélande.

À l’heure où des millions de Français font face à la hausse des prix et peinent à accéder à une alimentation saine et durable, où se produisent des importations massives de produits destinés à l’alimentation soumis à des normes sociales et environnementales inférieures aux nôtres, à l’heure d’un plan social massif en agriculture, à l’heure de l’effondrement du vivant et des changements climatiques qui devraient nous conduire à nous interroger sur l’ensemble des politiques que nous menons, à l’heure où tant d’entre vous ont défendu la fin de la concurrence déloyale, notre priorité doit être celle d’un moratoire et de clauses de sauvegarde protégeant l’exception agricole française et européenne, nos agriculteurs et l’environnement.

Pour ce qu’il nous faudra faire par la suite, les écologistes prônent une révision fondamentale de notre approche commerciale internationale, notamment sur le commerce des produits agricoles, afin de l’aligner avec des impératifs de justice sociale, de protection environnementale et de résilience économique locale. Nous l’avons fait par le passé, nous devons le faire pour l’avenir : alors, faisons-le.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). Les députés communistes et GDR souscrivent pleinement au contenu de cette proposition de résolution européenne en faveur d’un moratoire sur la conclusion de tous les accords de libre-échange.

Ce rapport revient très utilement sur les fondements de l’accélération des négociations et de la conclusion de ces accords. Les racines du problème sont en effet éminemment politiques : la multiplication des accords de libre-échange est arrimée au mythe néolibéral des vertus intrinsèques de l’expansion du commerce international. Un mythe qui nourrit cette obsession des dirigeants européens de faire du libre-échange une grande priorité politique de l’Union, quels qu’en soient les impacts et les effets, en particulier sur le secteur agricole, sur l’environnement et nos engagements climatiques, ou sur le plan social.

Cette obsession fait suite à l’échec, après 2006, des négociations de libre‑échange du cycle de Doha au sein de l’Organisation mondiale du commerce et aux impasses successives à l’adoption de traités multilatéraux, comme l’accord sur le commerce et les services.

Il est important de rappeler que les concurrences déloyales et la pression sans précédent sur les prix sont le fruit de cette continuité idéologique et politique. Une continuité libérale, qui ne constitue que le prolongement des ambitions initiales de l’Organisation mondiale du commerce, du mythe d’un capitalisme mondialisé et financiarisé, et d’une société du tout marché, supposée bienfaitrice de l’humanité.

Si ces accords sont aujourd’hui si contestés, c’est parce qu’ils apparaissent totalement dépassés au regard des enjeux humains et environnementaux du XXIe siècle. Ils sont déconnectés de ces enjeux internationaux prioritaires. Plus grave encore, la poursuite de la conclusion de ces accords porte des logiques dangereuses qui contribueront à approfondir les conflictualités entre États ou régions, plutôt que de construire des coopérations bilatérales et multilatérales, qui, seules, peuvent permettre de répondre aux défis climatiques, environnementaux, sociaux, et en matière de paix mondiale.

J’ajouterais que le principe d’un moratoire ne saurait constituer un aboutissement. Il faut substituer à cette politique insensée, une nouvelle ambition d’accords de coopération et de maîtrise du commerce international et des investissements. Une telle révolution copernicienne pourrait d’ailleurs s’appuyer sur l’article 217 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui autorise des accords d’association, permettant à l’Union européenne, « de conclure avec un ou plusieurs pays tiers ou organisation internationale, des accords créant une association caractérisée par des droits et obligations réciproques, des actions en commun, et des procédures particulières ».

Je veux donc rassurer les collègues, qui ne manquent pas de donner des leçons de responsabilité : une autre politique de coopération européenne est possible. Commençons par voter cette proposition de résolution européenne qui donnerait un premier signal en ce sens.

M. Thibaut François (RN). L’esprit du libre-échange a visiblement altéré les capacités de décision des dirigeants européens et de certains députés. Les politiques introduites depuis quelques années exposent nos agriculteurs à une concurrence qui est insupportable. Il s’agit avant tout de restrictions sanitaires, quotas, et autres limites imposées par les décideurs européens, alors que l’Union européenne ouvre ses marchés à une infinité de produits surchargés de pesticides, issus de pays ne respectant nullement les normes requises.

Les multiples accords de libre-échange entre l’Union européenne et des pays comme la Nouvelle-Zélande démontrent une nouvelle fois l’hypocrisie de l’Union européenne, au prétexte de vouloir respecter les normes du Green Deal. Les députés du Rassemblement national sont les seuls qui se sont opposés à ce nouvel accord commercial désastreux pour nos agriculteurs, contrairement aux députés de la majorité présidentielle et aux Républicains au Parlement européen.

Nous devons cesser avec ces politiques qui malmènent l’agriculture française et la souveraineté alimentaire de notre pays. Les élus du Rassemblement national soutiennent cette demande de moratoire sur les accords de libre-échange et demandent au Gouvernement d’aller plus loin dans la préservation de notre souveraineté agricole.

En effet, la préservation de notre souveraineté alimentaire passera par l’inscription dans la loi que l’agriculture est d’intérêt général, au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation.

Je souhaiterais connaître, madame la rapporteure, l’état d’avancement des négociations pour un accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Australie, alors que les négociations avaient échoué en marge du G7, à l’automne 2023.

Pour répondre à Madame Obono, je tiens à sa disposition le procès-verbal des votes du Parlement européen de son groupe, et notamment des socialistes, sur la stratégie de la ferme à la fourchette. Je vois que Madame Aubry a voté en faveur de ce texte, ainsi que Monsieur Glucksmann. Quand vous avez voté en faveur de la limitation du nombre de productions agricoles en Europe, cela impliquait le recours à plus de libre-échange. Les seuls députés qui ont été cohérents sur le sujet sont bien ceux du Rassemblement national.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je remercie la rapporteure pour son exposé. Même si nous avons une conception idéologique très différente sur le sujet, je reconnais volontiers la profondeur de son travail.

La question agricole a mis en lumière les failles de ces accords de libre-échange. En effet, ils sont conclus au niveau européen alors que nous avons une agriculture performante, exportatrice – la France est là sixième puissance exportatrice mondiale –, même s’il s’agit d’un des moteurs de notre balance commerciale qui souffre beaucoup ces dernières années. On voit que ces accords de libre-échange font la part belle à des produits industriels et offrent souvent des quotas très généreux à des pays qui n’ont pas une agriculture semblable à la nôtre.

Malgré tout, il n’est pas question de rejeter tout accord de libre-échange : je crois que beaucoup des députés qui se battent férocement contre le libre-échange, travaillent eux-mêmes avec des équipements numériques qui viennent de l’étranger. Je placerais donc la question sur un autre registre, en abordant deux points.

Le premier est celui de la compétitivité de notre agriculture et de notre économie française. Sur cet aspect, nous n’avons pas une vision décroissante et décliniste de l’économie. Les caricatures que vous faites sont relativement inquiétantes en pensant qu’une exploitation ne devrait pas compter plus de cinquante vaches, car ce serait la meilleure façon de bien traiter les questions environnementales. Vous pouvez avoir des fermes qui comptent un millier de vaches, mais avec plusieurs agriculteurs qui travaillent de manière coordonnée et où les bêtes peuvent être mieux traitées que dans de plus petites exploitations. C’est ce que m’ont appris les nombreuses visites de fermes que j’ai réalisées durant mes mandats.


Ensuite, sur la question de l’application des clauses miroirs, si les contrôles douaniers doivent être renforcés, le rejet de prime abord de tout libre-échange ne serait pas une solution pour la plupart de nos agriculteurs. Vous aggraveriez encore leur situation.

M. Nicolas Turquois (Dem). Quel dogmatisme que de refuser tout accord d’échange et de libre-échange ! Le contrat est la base de notre société démocratique, par opposition aux sociétés autocratiques qui prônent le rapport de force. Les accords de libre‑échange ont permis la construction de l'Union européenne en favorisant la paix et la prospérité, d'abord à l'Ouest, puis à l'Est. Des accords déséquilibrés ont été conclus au détriment de l'agriculture. Mais, il nous revient de travailler à la conclusion d’accords équilibrés. Refuser a priori des rapports d'échange avec des États qui peuvent partager, comme le Canada, nos valeurs démocratiques me semblent regrettable pour la paix et la prospérité de nos pays respectifs.

M. Manuel Bompard (LFI–NUPES). Je souhaite d’abord rappeler à nos collègues Les Républicains que les échanges internationaux et commerciaux existaient avant les accords de libre-échange. Faire croire que le refus des accords de libre-échange et de leur multiplication reviendrait à l'autarcie et au refus de tout échange international est de mauvaise foi.

Monsieur François, nous abordons aujourd’hui la question des accords de libre‑échange et non celui du vote sur la stratégie de la ferme à l’assiette. Cependant, les députés européens membres du groupe Identité et Démocratie ont voté majoritairement en faveur de l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande.

Enfin, tous se revendiquent des clauses miroirs pour masquer leur soutien aux accords de libre-échange. Pourtant, aucun observateur sérieux ne considère l'Union européenne capable de contrôler le respect de telles clauses par les pays avec lesquels nous aurions conclu des accords de libre-échange.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Si l’on tient aux agriculteurs et à la production agricole, la priorité est de s'opposer à la poursuite de ces accords de libre-échange. Au cours des auditions, l’ensemble des syndicats agricoles nous ont fait part de leur volonté d’adoption d’un moratoire sur les nouveaux accords de libre-échange.

Nous ne sommes pas opposés au commerce international, nous soutenons un commerce équilibré. Un accord de libre-échange, selon les règles de l’OMC, est fait pour « baisser drastiquement les droits de douane des deux parties et les normes de protection », à savoir les normes de santé et d'environnement. Nous vous proposons de stopper la multiplication des accords de libre-échange que seule l'Europe entreprend dans le monde. Les États-Unis sont partie à 14 accords de libre‑échange, l’Union européenne 45. Jusqu'où l'Europe ira-t-elle en matière de commerce international, alors que le Brésil, la Chine, les États-Unis, ou la Russie régulent leurs marchés agricoles ?

Premièrement, la multiplication des accords de libre-échange met en danger la souveraineté et la sécurité alimentaire de l’Union européenne, la production agricole, les volailles, la viande bovine, les fruits, les légumes et les protéines végétales. La Commission européenne le souligne dans son dernier rapport sur les effets cumulés des accords de libre‑échange.

Deuxièmement, les accords de libre-échange avantageraient les consommateurs européens. Mais quels en seraient les effets concrets pour le consommateur européen ? Est-ce de pouvoir manger de la viande traitée par des antibiotiques de croissance nourris avec des farines animales dans des élevages de 26 000 bêtes ?

Il est dit que les accords de libre-échange pourraient être bénéfiques pour les pays en développement. Cependant, le principal syndicat d'agriculteurs d'Afrique de l'Ouest considère que les accords de partenariat économique signés avec les pays africains sont une catastrophe. La multiplication des accords de libre‑échange avec les pays africains n'a fait qu'augmenter la dépendance alimentaire de ces pays. L’enjeu est de stopper la logique libre-échangiste pour leur offrir une souveraineté alimentaire.

Troisièmement, il existe en effet des quotas tarifaires : après un certain volume, les droits de douane nuls sont suspendus. Cependant, le quota est de 38 000 tonnes pour la viande d'agneau provenant de Nouvelle-Zélande, une quantité qui déstabilise les marchés agricoles.

Enfin, la position du groupe Renaissance, qui est de considérer l’accord CETA comme « plutôt bien fait » est cohérente mais contraire à celle de tous les syndicats agricoles et interprofessions agricoles. Je suis cependant surprise par la position du groupe Les Républicains qui s'oppose au CETA, mais serait favorable à poursuivre les négociations avec le Mercosur, l'Australie, l'Inde, l'Indonésie, les Philippines, la Thaïlande et la Malaisie, et s'oppose à la présente proposition de résolution européenne.

M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président. Nous en venons à l’examen des amendements.

Amendement n°°1

M. Mickaël Bouloux (SOC). Cet amendement vise à mieux cibler le moratoire sur les accords de libre-échange en précisant qu’il s’appliquerait à tous les accords non encore entrés en vigueur « et contenant des dispositions relatives aux produits agricoles ».

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Je suis d'accord sur le principe, mais nous considérons que votre amendement est déjà satisfait puisque le secteur agricole est concerné par tous les accords de libre-échange, directement ou indirectement comme c’est le cas de l’accord avec Singapour.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Je suis convaincu par vos explications et retire volontiers l’amendement.

L’amendement n°°1 est retiré.

Amendement n°°2

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). L’amendement proposé par Mme Marietta Karamanli invite le Gouvernement à œuvrer de manière plus volontariste dans les instances compétentes en faveur de la réforme du droit européen et du droit international relatifs aux mesures de défense commerciale, et particulièrement afin de faciliter le mise en œuvre des mesures de sauvegarde. En effet, les outils juridiques en vigueur dans le droit du commerce international et dans le droit de l'Union européenne sont largement insuffisants dans la pratique et souvent inopérants pour avoir un impact efficace sur nos filières agricoles.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement qui permet d'élargir la demande faite au Conseil européen d’agir en faveur d’une application plus forte, non seulement du mécanisme de clauses de sauvegarde, mais aussi des mécanismes antidumping et antisubventions. Seulement deux clauses de sauvegarde ont été activées quand les États-Unis en affichent près d'une cinquantaine.

Mme Nicole Le Peih (RE). Je considère que cet amendement est déjà satisfait car le Gouvernement le fait depuis de nombreuses années. En effet, sous l'impulsion de la France, la Commission européenne a créé un poste de procureur commercial européen veillant à ce que nos partenaires respectent leurs engagements et assurant que nos PME tirent le meilleur parti de nos accords commerciaux.

Mme Joëlle Mélin (RN). Le Rassemblement national s'abstiendra sur cet amendement dont l’apport au texte est nul. M. Bompard, je vous indique que nous avons voté contre l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande.

L’amendement n°°2 est rejeté.

L’article unique de la proposition de résolution européenne est rejeté.

La proposition de résolution européenne est donc rejetée.

 

 

 


   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

Article unique

 

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 5 du Traité sur l’Union européenne,

Vu les articles 2 et 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 et l’accord sur les sauvegardes qui met en œuvre son article XIX,

Vu le Règlement (Union européenne) 2019/287 du Parlement européen et du Conseil du 13 février 2019 portant mise en œuvre des clauses de sauvegarde bilatérales et autres mécanismes permettant le retrait temporaire des préférences dans certains accords commerciaux conclus entre l’Union européenne et des pays tiers,

Vue la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité social et économique européen au Comité des régions du 18 février 2021, la « Revue de politique commerciale – Une politique commerciale ouverte, durable et assurée »,

Vu la proposition de résolution n° 1724 de Mme Nathalie Oziol et les membres du groupe La France insoumise – Nouvelle union populaire écologique et sociale visant à s’opposer à la ratification de l’accord de libre‑échange et d’association entre l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande, et à soumettre sa ratification au Parlement français.

Considérant que la Commission européenne propose de conclure des accords de libre‑échange avec l’Australie, la Nouvelle‑Zélande, le bloc du Mercosur, la Thaïlande, l’Inde, l’Indonésie, notamment ;

Considérant que le nombre d’exploitations agricoles en France est passé de 520 000 à 416 000 entre 2010 et 2020, soit une chute de 20 % ;

Considérant que la part de l’élevage décroît constamment dans la production agricole française depuis le début des années 2000 ;

Considérant que la libéralisation des échanges de produits agricoles expose les agricultrices et agriculteurs français à une concurrence internationale déloyale résultant de la prévalence de normes environnementales et sociales moins strictes hors de l’Union européenne ;

Considérant que cette concurrence crée une pression à la baisse sur les prix et accroît très nettement leur volatilité, affectant les revenus des agricultrices et agriculteurs locaux et menaçant la survie des petites exploitations ;

Considérant que l’ouverture aux importations agricoles opère au détriment de la diversité et de la qualité qui sont deux caractéristiques éminentes de l’agriculture française ;

Considérant que la libéralisation des marchés agricoles renforce la concentration et la capitalisation des fermes françaises, et favorise les modes de production ultra‑intensifs ;

Invite le Gouvernement à soutenir un moratoire sur tous les accords de libre‑échange qui ne sont pas encore entrés en vigueur, et exhorte le Gouvernement à tout mettre en œuvre dans ce sens ;

Demande au Gouvernement de défendre l’activation, autant que de besoin, toutes les clauses de sauvegarde disponibles dans l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, dans les accords de commerce bilatéraux et dans le règlement du 13 février 2019 aux frontières européennes, comme aux frontières françaises.

 


   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 avril 2024

Rectangle

Proposition de rÉsolution europÉenne invitant le Gouvernement français À soutenir un moratoire sur tous les accords de libre-Échange non encore entrÉs en vigueur et À amplifier l’utilisation des clauses de sauvegarde (n°2396)

 

AMENDEMENT

No 1

présenté par

Anna Pic, Marietta Karamanli, Mickaël Bouloux, Marie-Noëlle Battistel

et les membres du groupe Socialistes et apparentés

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ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 17 insérer l’alinéa suivant :

« Invite à titre subsidiaire le Gouvernement à un moratoire immédiat sur tous les accords de libre-échange non entrés en vigueur contenant des dispositions relatives aux produits agricoles » ;

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement déposé par le groupe Socialistes et apparentés vise à demander à titre subsidiaire un moratoire immédiat sur tous les accords de libre-échange non entrés en vigueur contenant des dispositions relatives aux produits agricoles. Cette demande plus ciblée semble la mieux à même datteindre les effets recherchés. Une telle revendication pourrait être formulée de telle manière et s’étendre temporairement jusqu’à ce que les règles du commerce international établissent clairement lobligation de ne commercer quentre des États ou Organisations régionales possédant le même niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire, à travers la reconnaissance de la validité des « clauses miroirs ».

 

 

Cet amendement est retiré.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

3 avril 2024

Rectangle

Proposition de rÉsolution europÉenne invitant le Gouvernement français À soutenir un moratoire sur tous les accords de libre-Échange non encore entrÉs en vigueur et À amplifier l’utilisation des clauses de sauvegarde (n°2396)

 

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Anna Pic, Marietta Karamanli, Mickaël Bouloux, Marie-Noëlle Battistel

et les membres du groupe Socialistes et apparentés

----------

ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 17, insérer l’alinéa suivant :

Invite le Gouvernement à œuvrer dans toutes les instances compétentes pour la réforme du droit européen et du droit international relatifs aux mesures de défense commerciale particulièrement les mesures de sauvegarde, dans un sens plus progressiste et facilitant leur mise en œuvre effective.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement déposé par le groupe Socialistes et apparentés vise à inviter le Gouvernement à œuvrer dans toutes les instances compétentes pour la réforme du droit européen et du droit international relatifs aux mesures de défense commerciale particulièrement les mesures de sauvegarde, dans un sens plus progressiste et facilitant leur mise en œuvre effective. En effet, il semble que les outils juridiques existants en vigueur, tant dans le droit du commerce international tel quil résulte du GATT que dans le droit actuel de lUnion Européenne, semblent largement insuffisants ou dans la pratique souvent inopérants pour escompter les effets recherchés et avoir un impact de masse réellement efficace sur les filières agricoles.

 

Cet amendement est rejeté.

 


   ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

 

 

     Vendredi 8 mars 2024

 

     Vendredi 8 mars 2024

 

     Mardi 12 mars 2024

 

     Mercredi 13 mars 2024


     Jeudi 14 mars 2024

 

     Jeudi 14 mars 2024

 

     Vendredi 15 mars 2024

 


([1])  Olivier Chardon, Yves Jauneau, Joëlle Vidalenc, « Les agriculteurs : de moins en moins nombreux et de plus en plus d'hommes », 2021.

([2])  Insee, Un panorama de l’agriculture en France, 2024.

([3])  Mutualité sociale agricole, Rapport charges et produits MSA 2024, juillet 2023.

([4])  Cour des comptes, La politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles, 2023.

([5])  Gouvernement, Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, 2023.

([6])  À noter que la concurrence à laquelle font face les agriculteurs européens provient parfois des États membres de l’Union européenne eux-mêmes. Au sein du marché unique, des différences de rémunérations substantielles existent, notamment en raison des salaires très bas en Europe de l’Est. En outre, il est de notoriété publique que de nombreuses exploitations agricoles dans les pays d’Europe du Sud recourent à des travailleurs sans papiers.

([7])  COM2021 (66) final, Réexamen de la politique commerciale commune – Une politique commerciale ouverte, durable et ferme, fév. 2021.

([8])  Communication précitée.

([9])  Commission européenne, Cumulative economic impact of upcoming trade aggreements on EU agriculture, 2024.

([10])  En 2022, légèrement plus de 400 milliards d’euros pour les premiers, contre près de 5 600 milliards pour les seconds.

([11])  Rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes sur le bilan des accords de libre‑échange, présenté par Thomas Ménagé et Lysiane Métayer, oct. 2023.

([12])  Marie-Pierre Védrenne.

([13])  Propos confié à l’AFP, janv. 2024.

([14])  AgraEurope, UE/Mercosur : l’agriculture, monnaie d’échange, 28/06/2019.

([15])  Commission d’évaluation du projet d’accord avec le Mercosur présidée par S. Ambec, 2019.

([16])  Premier paragraphe de l’article XIX : « Si, par suite de l'évolution imprévue des circonstances et par l'effet des engagements, y compris les concessions tarifaires, qu'une partie contractante a assumés en vertu du présent Accord, un produit est importé sur le territoire de cette partie contractante en quantités tellement accrues et à des conditions telles qu'il cause ou menace de causer un dommage grave aux producteurs nationaux de produits similaires ou de produits directement concurrents, cette partie contractante aura la faculté, en ce qui concerne ce produit, dans la mesure et pendant le temps qui pourront être nécessaires pour prévenir ou réparer ce dommage, de suspendre l'engagement en totalité ou en partie, de retirer ou de modifier la concession. »

([17])  Les chiffres relatifs aux mesures de sauvegarde agricoles en vigueur sont communiqués ensuite.