N° 2459

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 10 avril 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE

ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à compléter les dispositions applicables au Haut Conseil de stabilité financière (n° 2091),

PAR M. Lionel CAUSSE,

Député

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 Voir le numéro : 2091


SOMMAIRE

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Page

Introduction

I. la crÉation du haut conseil de stabilitÉ financiÈre visAIT À tirer les enseignements de la crise financiÈre de 2008

A. la nÉcessitÉ de mieux superviser le risque systÉmique

B. Le haut conseil de stabilitÉ financiÈre est l’autoritÉ chargÉe de la politique macroprudentielle en France

1. Le COREFRIS, qui précède le HCSF, ne disposait pas de pouvoirs contraignants

2. Le HCSF : une autorité de supervision macroprudentielle conforme aux exigences européennes de bonne gouvernance

a. Une composition reconduite

b. Des pouvoirs élargis

c. Un nouveau régime déontologique pour les membres

II. les dÉcisions du hcsf en matiÈre de fixation des conditions d’octroi de crÉdit font l’objet de critiques

A. Les normes encadrant l’octroi dU crÉdit IMMOBILIER ont ÉtÉ progressivement adaptÉes

1. L’immobilier est un secteur clé pour la stabilité financière

2. Des critères d’abord formulés sous la forme de recommandations

3. En 2021, le HCSF rend ses recommandations contraignantes

4. Des ajustements à la marge en 2023

B. Des dÉcisions du hcsf critiquÉes pour leurs effets nÉgatifs sur le marchÉ immobilier et l’accession À la propriÉtÉ

1. Une production de crédits immobiliers en berne depuis 2022

a. Une forte baisse de la production de crédits à l’habitat

b. Une baisse de la capacité d’emprunt des ménages

2. Le modèle français du financement du crédit à l’habitat est robuste

3. Les banques font une analyse du risque de crédit plus complète que le critère restrictif du taux d’effort fixé par le HCSF

C. Le HCSF défend l’efficacitÉ de ses mesures en faveur de la stabilité financière

1. Une réduction des risques d’endettement excessif des ménages

2. La situation de la production de crédits à l’habitat s’expliquerait avant tout par la faible demande et l’attentisme des ménages

Travaux de la commission

Discussion gÉnÉrale

Examen des articles

Article premier (article L. 631-2 du code monétaire et financier) Ajout d’un député et d’un sénateur, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, parmi les membres du HCSF

Article 2 (article L. 631-2-1 du code monétaire et financier) Possibilité pour les établissements de crédit ou les sociétés de financement de déroger aux décisions du HCSF fixant les conditions d’octroi de crédit

Article 3 (nouveau) (article L. 631-2-3 du code monétaire et financier) Définition des obligations déontologiques applicables aux parlementaires désignés pour siéger au HCSF

Article 4 (nouveau) (articles L. 783-13, L. 784-13 et L. 785-12 du code monétaire et financier) Application des dispositions de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna

Titre

Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

ANNEXE

 


   Introduction

La proposition de loi (n° 2091) visant à compléter les dispositions applicables au Haut Conseil de stabilité financière a été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale le mardi 23 janvier 2024.

Le mardi 26 mars 2024, la conférence des présidents a inscrit cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Le mercredi 27 mars 2024, la commission des finances a nommé M. Lionel Causse en qualité de rapporteur.

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Le Parlement s’est trop longtemps désintéressé des activités du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), créé en 2013 afin d’assurer la surveillance macroprudentielle du système financier. D’abord sous la forme d’une recommandation en 2019, puis d’une décision contraignante en 2021, le HCSF a fixé plusieurs critères visant à prévenir un endettement excessif des emprunteurs sur le territoire français : le taux d’endettement individuel ne doit pas dépasser 35 % des revenus ; la durée du prêt ne peut excéder 25 ans ; une flexibilité est offerte aux banques pour déroger, sous certaines conditions, à ces normes pour 20 % de leur production de crédits immobiliers.

Ce niveau de contrainte sur les établissements bancaires, qui s’impose à leur appréciation du risque d’endettement excessif de l’emprunteur, est apparu pour de nombreux observateurs comme une entrave trop stricte à l’octroi de crédit. Pourtant, le marché français du crédit immobilier est largement reconnu comme fiable et sûr : il s’appuie sur des taux fixes bas, des marges bancaires limitées et présente une très faible sinistralité.

Or seulement 780 000 crédits immobiliers ont été accordés en 2023 : c’est une division de près de moitié par rapport à 2021, soit avant l’entrée en vigueur des normes contraignantes du HCSF. Cette diminution de volume est aussi visible en montant : 7,6 milliards d’euros de crédit à l’habitat hors renégociations ont été produits en janvier 2024, au plus bas depuis 2014. En outre, l’emprunteur doit réaliser un effort de plus en plus important : le niveau de l’apport personnel moyen était au quatrième trimestre 2022 supérieur de 43,5 % à son niveau du quatrième trimestre 2019.

Si l’effet mécanique de la hausse des taux et l’attentisme des ménages dans une situation où les prix demeurent élevés expliquent la majeure partie de la baisse de l’octroi de crédits immobiliers, les normes du HCSF sont un facteur supplémentaire qui peut freiner l’accession à la propriété. Si la hausse des taux conduit à un crédit plus cher, il faut veiller à ce que celui-ci n’en soit pas pour autant inaccessible alors que la crise du logement prend une ampleur inquiétante.

Si les décisions du HCSF peuvent faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, le rapporteur estime qu’il ne serait pas acceptable de faire reposer uniquement sur le juge le contrôle démocratique de la régulation. Il revient donc au Parlement de réinvestir le champ de la régulation macroprudentielle pour le définir et en contrôler l’application, alors que, depuis 2013, il ne s’est prononcé qu’à une seule reprise sur les missions du HCSF relatives à la fixation des conditions d’octroi de crédit – lors du vote de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Il convient d’être clair et transparent sur les objectifs de cette proposition de loi. Ce texte n’a pas pour ambition de remettre en cause l’indépendance du HCSF, indispensable au bon exercice de ses missions, ni de porter atteinte à sa compétence en matière de surveillance du système financier afin de prévenir le retour de crises. Il est essentiel de conserver les leçons tirées de la crise financière de 2008 en matière de régulation du secteur bancaire.

Le HCSF doit rester un organe technique, mais, alors que ses décisions ont un impact sur l’accès au crédit immobilier de millions de Français, il ne doit pas être un organe technocratique : la présence de parlementaires permettrait de stimuler le débat public autour des évolutions envisagées et de renforcer la légitimité démocratique des mesures prises.

Enfin, il conviendrait de prévoir explicitement dans la loi que le HCSF puisse fixer les conditions selon lesquelles les établissements bancaires sont autorisés à déroger à ses normes, au regard des variations d’offre et de demande de crédit, et en tenant compte des effets de ses décisions sur la croissance économique du pays.

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I.   la crÉation du haut conseil de stabilitÉ financiÈre visAIT À tirer les enseignements de la crise financiÈre de 2008

Après le choc entraîné par la crise financière de 2008 et ses conséquences socio-économiques coûteuses, des réflexions ont conduit à créer des autorités de surveillance macroprudentielle afin de prévenir le risque systémique, c’est-à-dire un dysfonctionnement du système financier dans son ensemble 

A.   la nÉcessitÉ de mieux superviser le risque systÉmique

La faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008 et la crise financière associée ont mis en évidence le degré d’interdépendance des acteurs économiques et leur exposition au risque systémique, défini comme « un risque de perturbation du système financier susceptible d’avoir de graves répercussions sur le système financier et l’économie réelle » ([1]).

Alors que la surveillance du système financier reposait à l’époque surtout sur une supervision individuelle des entités, aussi appelée « microprudentielle », assurée en France par l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et l’Autorité des marchés financiers (AMF), le rapport du groupe de haut niveau sur la supervision financière dans l’Union européenne, présidé par Jacques de Larosière et remis à la Commission européenne le 25 février 2009, a mis en évidence l’exposition du système dans son ensemble à des risques communs. Ce rapport définit l’objectif de la surveillance macroprudentielle comme étant celui de « limiter les difficultés du système financier dans son ensemble afin de protéger l’économie générale des pertes importantes en termes de produit réel », en portant « une attention particulière aux chocs communs ou corrélés et aux chocs touchant les parties du système financier déclenchant des effets contagieux par entraînement ou par rétroaction ».

L’intérêt d’articuler la régulation financière autour de deux approches complémentaires a ainsi été mis en lumière dans le sillage de la crise financière de 2008 : une supervision microprudentielle afin de contrôler la situation d’une entité et de limiter ses difficultés ; une supervision macroprudentielle afin d’établir un cadre réduisant les incitations pour les institutions financières à adopter des comportements individuels qui présenteraient des externalités négatives pour l’ensemble du système.

Les crises financières ont un coût important pour les finances publiques

Plusieurs analyses menées sur les crises financières ont mis en évidence leur coût pour les finances publiques et leurs conséquences durablement négatives sur l’économie.

Ainsi, une étude conduite par les économistes du Fonds monétaire international (FMI) Luc Leaven et Fabian Valencia (2018) à partir des données de 151 crises bancaires systémiques survenues entre 1970 et 2017 montre que, dans les économies avancées, une crise bancaire est corrélée à une augmentation de la dette publique de 21,1 points de produit intérieur brut (PIB). En comparant l’écart entre la tendance pré-crise et les cinq années qui suivent la crise, le coût économique global de la crise financière serait de 35 points de PIB.

En s’appuyant sur des données issues de crises financières observées dans 30 pays membres de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) entre 1960 et 2008, les économistes Davide Furceri et Annabelle Mourougane (2012) estiment qu’une crise financière réduirait la croissance potentielle entre 1,5 % et 2,4 % en moyenne, affectant durablement la dynamique de croissance des économies.

B.   Le haut conseil de stabilitÉ financiÈre est l’autoritÉ chargÉe de la politique macroprudentielle en France

Le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a été créé en 2013 afin de répondre aux nouvelles exigences européennes en matière de surveillance du système financier.

1.   Le COREFRIS, qui précède le HCSF, ne disposait pas de pouvoirs contraignants

Afin d’apporter une première réponse institutionnelle à la crise de 2008, l’article 1er de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière a créé le Conseil de régulation financière et du risque systémique (COREFRIS), qui succédait au collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier (CACES) ([2]).

Alors que le CACES avait pour seule mission « de faciliter les échanges d’information entre les autorités de contrôle des groupes financiers ayant à la fois des activités de crédit, d’investissement ou d’assurance ainsi que d’évoquer toute question d’intérêt commun relative à la coordination du contrôle desdits groupes » ([3]), le COREFRIS était doté d’une composition et de missions de surveillance macroprudentielle qui préfiguraient celles du HCSF.

Ainsi, un nouvel article L. 631-2-1 du code monétaire et financier prévoyait qu’en plus de sa fonction en matière de coopération entre les institutions que ses membres représentent, le COREFRIS :

– examinait les analyses de la situation du secteur et des marchés financiers et évaluait les risques systémiques qu’ils comportaient, compte tenu des avis et recommandations du comité européen du risque systémique (CERS) ;

– facilitait la coopération et la synthèse des travaux d’élaboration des normes internationales et européennes applicables au secteur financier et pouvait émettre tout avis ou position qu’il estimait nécessaire.

Toutefois, le COREFRIS ne disposait pas de pouvoirs contraignants, ce qui limitait sa capacité à agir sur les risques systémiques menaçant l’ensemble du système financier. 

2.   Le HCSF : une autorité de supervision macroprudentielle conforme aux exigences européennes de bonne gouvernance

L’article 30 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires crée le Haut Conseil de stabilité financière, autorité nationale en charge de la politique macroprudentielle et disposant de pouvoirs propres nouveaux et contraignants. Cette évolution est en cohérence avec le renforcement de la surveillance du risque systémique au niveau européen : la directive CRD IV ([4]), en cours de négociation au moment des débats parlementaires sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, prévoyait notamment que « les États membres de l’Union européenne devront désigner une autorité macro-prudentielle dotée de pouvoirs juridiquement contraignants » ([5]).

a.   Une composition reconduite

Hormis le mode de nomination des personnalités qualifiées, dont deux parmi les trois sont désormais respectivement désignées par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, la composition du HCSF est identique à celle du COREFRIS. La fréquence minimale de ses réunions passe de deux à quatre par an, sachant que le président reste libre de convoquer le conseil à tout moment.

 

 

 

 

comparAison de la composition et du fonctionnement des autoritÉs chargÉes de la régulation financiÈre en france

 

CACES (1999-2010)

COREFRIS (2010-2013)

HCSF (depuis 2013)

Président

Ministre chargé de l’économie ou son représentant

Ministre chargé de l’économie

Ministre chargé de l’économie

Membres

Gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel, ou son représentant

Gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel

Gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Président de l’Autorité des marchés financiers, ou son représentant

Président de l’Autorité des marchés financiers

Président de l’Autorité des marchés financiers

 

Vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel

Vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

 

Président de l’Autorité des normes comptables

Président de l’Autorité des normes comptables

 

3 personnalités qualifiées, choisies en raison de leurs compétences dans les domaines monétaire, financier ou économique, nommées par le ministre chargé de l’économie pour une durée de cinq ans

3 personnalités qualifiées, désignées en raison de leurs compétences dans les domaines monétaire, financier ou économique, respectivement, par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et le ministre chargé de l’économie pour une durée de cinq ans

Nombre de réunions annuelles minimum

3

2 et en tant que de besoin sur convocation du président

4 et en tant que de besoin sur convocation du président

Source : commission des finances.

b.   Des pouvoirs élargis

En revanche, les missions et les pouvoirs du HCSF sont élargis par rapport à ceux du COREFIS. Tout d’abord, l’article L. 141-5-1 du code monétaire et financier précise le rôle général reconnu au HCSF : veiller à la stabilité du système financier.

Il est désormais précisé à l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier que le HCSF « exerce la surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d’en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique ». Il est également chargé de la définition de la politique macroprudentielle, sans préjudice des compétences des autorités microprudentielles qui le compose.

Outre les trois missions dévolues au COREFRIS qui font l’objet d’aménagements mineurs, la loi bancaire de 2013 dote le HCSF de nouveaux pouvoirs contraignants, en conformité avec les exigences du droit de l’Union européenne ([6]). Cette insertion du HCSF dans le cadre de surveillance macroprudentielle européen est soulignée à l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier par le fait que le HCSF « prend en compte les objectifs de stabilité financière au sein de l’Union européenne et dans l’Espace économique européen » dans l’accomplissement de ses missions.

● Sur proposition du gouverneur de la Banque de France, il peut imposer aux établissements de crédit et aux sociétés de financement des obligations en matière de fonds propres.

La fixation d’exigences supplémentaires de fonds propres relève du dispositif global de stabilité financière. Elle se traduit par la détermination de « coussins contracycliques » : en incitant les établissements bancaires à renforcer en haut de cycle leurs fonds propres, et donc à éviter une croissance excessive du crédit, les risques de faillites bancaires en raison d’un effondrement du crédit en temps de ralentissement économique sont limités. Ce coussin, qui est compris entre 0 et 2,5 % des actifs pondérés en fonction du montant total d’exposition au risque, voire davantage dans certaines situations, s’élève à 1 % en France au premier trimestre 2024. Un coussin supplémentaire, dit « systémique », est également prévu par la directive CRD IV afin de « prévenir un risque aggravé de déstabilisation du système financier ».

L’article 4 de l’ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 ([7]) précise les références à la définition du coussin contracyclique ([8]) et du coussin pour le risque systémique ([9]) et mentionne que les décisions du HCSF qui y sont relatives font l’objet d’une publication. Il prévoit également que le HCSF peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, « prendre les mesures prévues à l’article 458 du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 », c’est-à-dire les mesures relatives aux grands risques des institutions systémiques ([10]).

● En outre, afin de prévenir « l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques », la loi bancaire de 2013 prévoit que, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, le HCSF peut fixer les conditions d’octroi de crédit par les entités soumises au contrôle de l’ACPR ([11]). L’article 49 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin II », a étendu ce pouvoir du HCSF aux entités soumises au contrôle de l’AMF ([12]) et ayant reçu l’autorisation d’exercer une activité d’octroi de crédit. Il précise que les décisions du HCSF s’appliquent lorsque les entités soumises au contrôle de l’ACPR ou de l’AMF « consentent des prêts à des agents économiques situés sur le territoire français ou destinés au financement d’actifs localisés sur le territoire français ».

L’article 79 de la directive CRD IV prévoit en effet que les autorités compétentes veillent notamment à ce que « l’octroi de crédits soit fondé sur des critères sains et bien définis » : ce pouvoir du HCSF vise à prévenir l’apparition de déséquilibres financiers sur le prix des actifs et un endettement excessif des agents qui présenterait un risque pour l’ensemble du système financier.

● L’article 49 de la loi Sapin II a introduit la faculté pour le HCSF, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, de moduler les règles de constitution et de reprise de la provision pour participation aux bénéfices à l’égard de diverses entités du secteur de l’assurance. Il peut également, après avis du collège de supervision de l’ACPR et pour une période maximale de trois mois renouvelable, prendre une série de mesures conservatoires, énumérées au 5° ter de l’article L. 631‑2-1 du code monétaire et financier, à l’égard de ces mêmes entités.

● Ces mesures contraignantes du HCSF, mentionnées au 4° à 5° ter de l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier, peuvent faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État. Le ministre chargé de l’économie, la Banque de France, l’ACPR, l’AMF et l’ANC veillent à la mise en œuvre des décisions.

● Concernant les mesures non contraignantes, le HCSF a la possibilité de formuler tous avis ou recommandations « de nature à prévenir tout risque systémique et toute menace à la stabilité financière », qui peuvent être rendus publics. Il peut également adresser aux institutions européennes compétentes tout avis « visant à recommander l’adoption des mesures nécessaires à la prévention de tout risque systémique menaçant la stabilité financière de la France ».

c.    Un nouveau régime déontologique pour les membres

Contrairement au COREFRIS, les membres du HCSF peuvent désormais être amenés à examiner des situations individuelles et à recevoir des informations confidentielles. C’est pourquoi l’article 30 de la loi bancaire de 2013 prévoit un ensemble de règles relatives à la prévention des conflits d’intérêt et au respect du secret professionnel par les membres du HCSF et, en particulier, les personnalités qualifiées qui le composent ([13]).

 

Les autorités spécialisées dans la supervision macroprudentielle

Après 2008, les réflexions menées afin de prévenir une nouvelle crise financière ont conduit à créer des organes spécialisés dans la supervision macroprudentielle.

Au niveau international, le Conseil de stabilité financière (CSF ou Financial Stability Board), créé par la réunion du G20 à Londres en avril 2009, a succédé au Forum de stabilité financière (FSF ou Financial Stability Forum). Son mandat est élargi afin notamment d’évaluer les vulnérabilités affectant le système financier mondial et de suggérer les mesures nécessaires pour y remédier, de promouvoir la coopération entre les autorités responsables de la stabilité financière et de suivre les bonnes pratiques en matière de régulation. Dans son programme de travail pour 2024, il est prévu que le CSF conduise un examen du cadre de la politique macroprudentielle française.

Dans l’Union européenne, un nouveau cadre de supervision macroprudentielle a été mis en place avec le Comité européen du risque systémique (CERS) par le règlement (UE) n° 1092/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010. C’est un organe de surveillance qui ne dispose pas de pouvoirs contraignants. L’article 16 du règlement n° 1092/2010 prévoit que le CERS peut émettre des alertes et formuler des recommandations, à l’ensemble de l’Union européenne ou à un État membre, concernant les mesures correctives à prendre en cas de risques concernant la stabilité financière.

Aux États-Unis, le Financial Stability Oversight Council (FSOC), créé en 2010 par le Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, est présidé par le Sécrétaire au Trésor et se réunit au minimum trimestriellement. Il est chargé d’analyser les risques pesant sur le système financier américain, de réduire l’aléa moral de ses principaux acteurs et de répondre aux menaces pour la stabilité financière. À ce titre, il peut formuler des recommandations mais également imposer des standards prudentiels plus élevés à des institutions qui présentent une importance systémique.

Introduit en 2011, le Financial Policy Committee est l’autorité chargée d’assurer la stabilité financière au Royaume-Uni. Il dispose de pouvoirs contraignants, par exemple relatifs à la constitution de coussins contra-cycliques pour les institutions financières.


II.   les dÉcisions du hcsf en matiÈre de fixation des conditions d’octroi de crÉdit font l’objet de critiques

Afin d’éviter une « surchauffe » sur le marché du crédit immobilier, le HCSF a, depuis 2019, édicté plusieurs critères concernant la durée de remboursement des crédits et le taux d’effort à respecter par les prêteurs. Ces normes ont fait l’objet de critiques quant à leur degré de sévérité et leur pertinence au regard de la conjoncture.

A.   Les normes encadrant l’octroi dU crÉdit IMMOBILIER ont ÉtÉ progressivement adaptÉes

Au regard du rôle particulier du secteur de l’immobilier, le HCSF a défini un régime contraignant d’octroi du crédit immobilier reposant principalement sur la maturité du crédit et le taux d’effort de l’emprunteur.

1.   L’immobilier est un secteur clé pour la stabilité financière

Le secteur de l’immobilier joue un rôle particulier dans l’économie à plusieurs titres : les biens immobiliers représentent une grande partie du patrimoine des ménages, les crédits immobiliers sont un poste important du bilan des établissements bancaires et la construction de logements est un secteur d’activité source d’emplois et de croissance.

L’expérience des crises financières passées a démontré les liens forts entre les marchés immobiliers et la stabilité du système financier et économique, ce qui appelle une vigilance accrue des autorités macroprudentielles nationales et internationales. En effet, un endettement et une prise de risques excessifs en période de haut de cycle peuvent avoir des conséquences négatives sur l’ensemble de l’économie en cas de retournement de la conjoncture : aux pertes de crédit sur des portefeuilles hypothécaires s’ajoute la diminution de la consommation des ménages. 

● Dans son alerte formulée en juin 2019 ([14]), le CERS relève plusieurs « vulnérabilités à moyen terme » pour la France qui pourraient représenter des sources de risque systémique :

– un endettement des ménages français relativement élevé par rapport à leur revenu disponible, qui pourrait entraîner une chute de la consommation en cas de choc macroéconomique et augmenter les risques encourus par le système financier ;

– une croissance relativement forte des prêts immobiliers, qui pourrait conduire à renforcer la hausse de l’endettement des ménages ;

– des prix de l’immobilier qui peuvent être localement élevés par rapport aux revenus et aux loyers.

Le CERS note que « compte tenu de la hausse de l’endettement des ménages et des signes de détérioration des critères d’octroi des prêts, les autorités nationales françaises pourraient envisager des mesures préventives supplémentaires, telles que des lignes directrices explicites relatives aux critères d’octroi des prêts, tant sous la forme de recommandations que de mesures formelles se rapportant aux emprunteurs ».

● Dans une note publiée en 2019 relative au diagnostic des risques dans le secteur de l’immobilier résidentiel, le HCSF met également en évidence les risques pour la stabilité financière associés à la trajectoire de prix des actifs immobiliers et à la dynamique d’endettement des ménages.

Dans un contexte de baisse des taux d’intérêt, il relevait alors une forte augmentation de la production de crédits à l’habitat, de l’ordre de 6 % en glissement annuel depuis juin 2017, avec un volume de transactions de près d’un million en glissement annuel en mai 2019 contre 800 000 dans la précédente phase d’expansion des années 2000.

À l’instar du CERS, le HCSF relève dans son analyse qu’un endettement des ménages en hausse en raison de l’augmentation des prix immobiliers peut nuire à leur capacité de remboursement et amplifier les conséquences négatives des chocs économiques. Ainsi, l’endettement des ménages français était au quatrième trimestre 2018 de 95,1 % de leur revenu disponible brut, soit le deuxième plus élevé parmi les grands pays de la zone euro : constitué à 83 % de crédits à l’habitat en juin 2019, ce ratio s’élevait même à 90 % pour les moins de 30 ans.

La capacité d’achat immobilière des ménages

La capacité d’achat immobilière d’un ménage dépend de son apport personnel et du montant qu’il peut emprunter. Ce dernier élément dépend de trois facteurs : les revenus du ménage, le taux d’intérêt et la maturité du crédit.

En cas de baisse du taux d’intérêt, il est possible d’emprunter davantage à risque constant pour le ménage avec les mêmes mensualités et une durée du prêt allongée – l’exposition de la banque au risque de défaut du ménage augmentant néanmoins. En revanche, hors situation de baisse des taux d’intérêt, si l’allongement de la maturité et la hausse du taux d’effort augmentent la capacité d’achat, elles accroissent également le risque.

Il convient ainsi de distinguer les facteurs qui tendent à augmenter la capacité d’achat à risque constant, comme l’augmentation du revenu et du taux d’apport, et les facteurs comme l’augmentation du taux d’effort ou l’allongement supplémentaire de la maturité (au-delà du seul allongement permis par la baisse des taux) qui augmentent le risque.

Source : note du HCSF relative au diagnostic des risques dans le secteur immobilier résidentiel, 2019.

Le HCSF relève dans sa note que le taux d’effort des emprunteurs, c’est-à-dire les charges annuelles d’emprunt associées à l’endettement total de l’emprunteur par rapport à ses revenus annuels, s’élève en 2018 à 30,1 % et suit une tendance haussière qui reste contenue en raison de la baisse des taux d’intérêt. Alors qu’une pratique habituelle du marché limite le taux d’effort à 33 %, 25 % des crédits sont tout de même octroyés à des taux d’effort supérieurs à 35 %. Le taux d’effort a néanmoins surtout augmenté pour les prêts destinés aux résidences principales et aux primo-accédants, catégories d’emprunteurs plus vulnérables, alors qu’elle était auparavant surtout portée par le financement des investissements locatifs. Par ailleurs, la maturité moyenne des prêts est passée à 20,1 années fin mai 2019 contre 18 années en 2015.

Cette augmentation du taux d’effort des ménages et de la maturité des prêts accroît le risque qu’ils fassent défaut en cas d’aléas ou de choc économique, ce qui contribue à la fragilité de la consommation des ménages en cas de choc et représente une vulnérabilité pour l’ensemble du système financier. Le HCSF souligne par ailleurs l’exposition croissante des banques au risque de défaut des emprunteurs : des pertes sur les crédits à l’habitat, qui restent marqués par une très faible sinistralité, pénaliseraient la solvabilité des établissements de crédits.

Enfin, le HCSF avançait qu’il étudierait lors des prochains mois « les modalités d’actions pertinentes et proportionnées pour contenir ces risques ».

2.   Des critères d’abord formulés sous la forme de recommandations

Dans une recommandation n° R-HCSF-2019-1 relative aux évolutions du marché immobilier résidentiel en France en matière d’octroi de crédit, publiée le 20 décembre 2019, le HCSF conseillait aux établissements de crédit et aux sociétés de financement de prendre en considération les critères suivants dans l’octroi des crédits immobiliers résidentiels en France :

– le taux d’effort à l’octroi des emprunteurs de crédit immobilier, en veillant à ce qu’il ne dépasse pas 33 % ;

– la maturité du crédit à l’octroi, en veillant à ce qu’elle n’excède pas 25 ans.

Cette première recommandation invite les établissements à faire « preuve de prudence en se conformant aux bonnes pratiques usuelles qui garantissent la robustesse du modèle de financement du logement prévalant en France » afin de prévenir toute dynamique d’endettement excessif des ménages. Le HCSF souligne que cette recommandation « complète » l’appréciation des risques faite par les banques et « ne saurait en aucune manière s’y substituer ».

La recommandation prévoit également une marge de flexibilité qui permet de ne pas appliquer les critères du HCSF à une partie de la production de crédits immobiliers « afin de ne pas pénaliser l’accession à la propriété ». Cette flexibilité est fixée à 15 % de la production trimestrielle de nouveaux crédits. Elle est réservée, pour au moins 75 %, aux crédits accordés aux primo-accédants et aux acquéreurs d’une résidence principale.

● Ces nouvelles exigences ont toutefois fait l’objet de critiques de la part de certains professionnels, notamment les courtiers et les professionnels du logement, qui reprochaient à la recommandation du HCSF de nuire à la reprise du marché immobilier alors que la crise sanitaire commencée en mars 2020 produisait ses premiers effets sur l’économie.

Dans sa recommandation n° R-HCSF-2021-1 relative à l’octroi de crédits immobiliers résidentiels en France du 27 janvier 2021, le HCSF apporte plusieurs aménagements aux critères fixés en décembre 2019. Ainsi, il recommande aux établissements de crédit et aux sociétés de financement de veiller à ce que :

– le taux d’effort des emprunteurs de crédit immobilier n’excède pas 35 % ;

– la maturité du crédit n’excède pas 25 ans, avec la possibilité d’ajouter une période maximale de 2 ans de différé d’amortissement, dans les cas où la date d’entrée en jouissance du bien est décalée par rapport à l’octroi du crédit. Cet ajout permet d’intégrer les spécificités de certaines opérations, comme les ventes en l’état futur d’achèvement (VEFA) et les contrats de construction de maisons individuelles (CCMI).

La notice accompagnant la recommandation du 27 janvier 2021 précise que le taux d’effort, qui correspond à la part des revenus annuels de l’emprunteur consacrés au remboursement de l’ensemble des charges annuelles des prêts, intègre le remboursement du capital emprunté et « l’ensemble des charges d’intérêts et d’assurances ». Cette exigence intéressant l’assurance-emprunteur, critiquée par de nombreux professionnels, pourrait avoir des incidences pratiques notables dans la mesure où beaucoup d’établissements prêteurs excluaient jusqu’à présent ce coût du calcul des charges annuelles.

Le HCSF augmente également dans sa recommandation la marge de flexibilité admise, qui pourra aller jusqu’à 20 % du montant de la production trimestrielle de nouveaux crédits. Au sein de cette marge, des sous-critères sont définis : au moins 80 % seront destinés aux acquéreurs de leur résidence principale et au moins 30 % seront réservés aux primo-accédants.

Enfin, il annonce envisager de donner un caractère contraignant à cette recommandation à l’été 2021.

3.   En 2021, le HCSF rend ses recommandations contraignantes

Par sa décision n° D-HCSF-2021-7 du 29 septembre 2021, le HCSF a décidé de rendre contraignantes les exigences posées par sa recommandation du 27 janvier 2021 relative aux critères d’acceptation des crédits immobiliers (cf. annexe du présent rapport). Dans les énoncés de sa décision, il mentionne notamment la contribution du crédit à l’habitat au quasi-doublement de l’endettement des ménages rapporté à leur revenu disponible brut en vingt ans, à hauteur de 100,9 % au premier trimestre 2021, et la « dégradation tendancielle des conditions d’octroi observée depuis 2015 ». L’audition de la Seconde sous-gouverneure de la Banque de France par le rapporteur a également révélé que cette décision du HCSF était motivée par une application inégale des recommandations par les établissements visés : rendre les critères contraignants avait ainsi pour effet de mettre l’ensemble des acteurs sur un pied d’égalité et d’inscrire dans la durée les bonnes pratiques en matière d’octroi de crédits immobiliers.

La décision prévoit qu’outre leurs critères propres, les établissements de crédit et les sociétés de financements appliquent les critères d’octroi cumulatifs suivants en matière de crédit immobilier :

– un taux d’effort des emprunteurs qui n’excède pas 35 % ;

– une maturité du crédit qui n’excède pas 25 ans, avec la possibilité d’ajouter une période maximale de 2 ans de différé d’amortissement dans les cas où la date d’entrée en jouissance du bien est décalée par rapport à l’octroi du crédit, et, cas nouveau par rapport à la recommandation du 27 janvier 2021, lorsque les crédits liés à des acquisitions dans l’ancien donnent lieu à un programme de travaux dont le montant représente au moins 25 % du coût total de l’opération.

La définition du taux d’effort à l’article 4 de la décision reprend les principes définis dans la notice de la recommandation du 27 janvier 2021.

En outre, l’article 2 précise la définition de la marge de flexibilité, qui permet aux entités assujetties à la décision d’y déroger jusqu’à 20 % de la production de nouveaux crédits immobiliers de chaque trimestre civil à condition de respecter les deux sous-enveloppes suivantes :

– au moins 80 % de la flexibilité maximale est réservée aux acquéreurs de leur résidence principale, soit 16 % de la production trimestrielle ;

– parmi ces 80 %, au moins 30 % de la flexibilité maximale est réservée aux primo-accédants.

Ainsi, 4 % de la production trimestrielle est libre d’affectation et peut financer des investissements locatifs ou des résidences secondaires.

La décision s’applique pour les crédits décaissés à compter du 1er janvier 2022. Depuis cette date d’entrée en vigueur, l’ACPR contrôle la mise en œuvre de la décision et peut infliger des sanctions disciplinaires et pécuniaires aux entités qui s’écarteraient des normes fixées au-delà de la marge de flexibilité.  

4.   Des ajustements à la marge en 2023

Face à l’évolution de la conjoncture, le HCSF a apporté en 2023 plusieurs modifications marginales à sa décision de 2021, « qui n’en modifient ni l’équilibre ni la portée » ([15]).

● Afin de tenir compte des évolutions structurelles en cours du marché immobilier et de donnant ainsi « une souplesse supplémentaire à l’investissement locatif » ([16]), la décision n° D-HCSF-2023-02 du 29 juin 2023 amende le calcul des sous-enveloppes de la flexibilité maximale :

– 70 % de la production maximale de prêts dits non conformes ou dérogatoires est réservée à des opérations d’acquisition d’une résidence principale, au lieu de 80 % auparavant : cette évolution signifie que jusqu’à 6 % de la production trimestrielle, contre 4 % précédemment, peuvent déroger aux normes fixées pour des objets autres que les achats de résidence principale ;

– parmi ces 70 %, 30 % de la production maximale de prêts non conformes est réservée à l’acquisition d’une résidence principale par des primo-accédants, ce qui revient à ce que jusqu’à 14 % de la production trimestrielle portent sur des prêts non conformes pour des objets autres que les achats de résidence principale par un primo-accédant.  

Par ailleurs, au regard des « difficultés pratiques dans la mise en œuvre de la mesure par certains établissements de crédit », le HCSF a décidé lors de séance du 13 juin 2023 de revoir le critère d’appréciation du respect des limites encadrant la marge de flexibilité. Le communiqué de presse indique ainsi qu’en cas de dépassement limité pour un trimestre donné (T) de la limite fixée pour la marge de flexibilité maximale ou une des sous-enveloppes, l’ACPR assurera un suivi rapproché de l’évolution de la situation en coordination avec l’établissement concerné mais n’envisagera d’engager des actions à l’encontre de cet établissement qu’au terme des deux trimestres suivants (T+1 et T+2) afin de prendre en compte les éventuelles mesures correctrices mises en œuvre pour remédier à la situation. Ainsi, si ces limites sont respectées pour le total de la production entrant dans le champ de la décision sur les 3 trimestres consécutifs T, T+1 et T+2, l’ACPR n’a pas vocation à engager de procédure.

Cette marge d’appréciation vise à simplifier la gestion opérationnelle de la production, en particulier de la production non conforme pour les établissements, et à favoriser la pleine utilisation de la flexibilité par le HCSF. Dans la mesure où l’incertitude qui peut exister sur la temporalité du décaissement des crédits ou d’éventuels effets saisonniers peuvent donner lieu à des dépassements ponctuels, leur impact se trouve ainsi atténué.

Les établissements de crédit auront donc plus de liberté en matière d’octroi de crédits sur les périodes de forte demande. Il conviendra d’observer dans le temps si cette modification fait évoluer les pratiques, en encourageant les établissements prêteurs à s’écarter plus régulièrement des exigences du HCSF.

Cette mesure, entrée en vigueur le 1er juillet 2023, s’applique pour tous les nouveaux crédits définis à l’article 3 de la décision D-HCSF-2021-7 du 29 septembre 2021 dont le premier décaissement est effectué à partir de cette même date.

● La décision n° D-HCSF-2023-6 du 18 décembre 2023, considérant « l’existence de difficultés pratiques résiduelles dans la mise en œuvre de la mesure et l’impact de la hausse des taux d’intérêt sur la dynamique du marché et l’endettement des ménages toujours élevé », modifie la décision du 29 septembre 2021 sur deux points :

– afin notamment de favoriser les travaux de rénovation énergétique, le HCSF abaisse à 10 % du coût total de l’opération le coût des travaux permettant de prendre en compte l’existence d’un différé d’amortissement et ainsi porter la durée du crédit jusqu’à 27 ans ;

– les prêts relais, c’est-à-dire le crédit à l’acheteur propriétaire qui désire acquérir un nouveau bien avant la vente du premier bien et qui permet de financer l’apport que constituerait cette vente dans l’attente de sa réalisation, sont exclus du calcul du taux d’effort. Jusqu’alors, si le capital du prêt relais était déjà exclu, les intérêts du prêt ne l’étaient pas : ils ne seront désormais plus pris en compte dans le calcul du taux d’endettement, tant que le prêt relais ne dépasse pas 80 % de la valeur du bien mis en vente. L’objectif est ici d’éviter que le fait d’être propriétaire d’un premier bien empêche l’octroi d’un nouveau crédit.

Cette mesure s’applique pour tous les nouveaux crédits dont le premier décaissement est effectué à partir du 1er janvier 2024.

Par ailleurs, le communiqué de presse du 4 décembre 2023 précise que la souplesse d’appréciation accordée à l’ACPR en juin en matière de conformité à la norme s’entend bien « pour les limites d’allocation au sein de la marge de flexibilité de 20 % ainsi que sur la marge totale de 20 % ».

Ce même communiqué indique que le HCSF soutient la mise en place par la Fédération bancaire française (FBF) « d’un dispositif offrant la possibilité d’un réexamen aux ménages solvables dont la demande de crédit immobilier aurait été refusée ».

En conséquence, dans les prochaines semaines, les banques pourraient mettre en place une procédure de réexamen des dossiers refusés, soit en donnant davantage d’explications quand un crédit est refusé, soit en le réétudiant si l’emprunteur pense avoir la solvabilité nécessaire pour obtenir un prêt immobilier qui aurait été injustement refusé. Ce dispositif mis en place à titre temporaire depuis le mois de février 2024, qui donne l’opportunité aux emprunteurs concernés de mieux comprendre les raisons de la décision prise par leur banque, devrait néanmoins avoir un effet très faible sur l’octroi de prêts hors cas de modification de la demande de l’emprunteur.

Évolution des normes du hcsf relatives à l’octroi de crÉdits immobiliers rÉsidentiels en France

 

R-HCSF-2019-1

R-HCSF-2021-1

D-HCSF-2021-7

D-HCSF-2023-02*

D-HCSF-2023-6*

Caractère contraignant

Non

Non

Oui

Taux d’effort maximal

33 %

35 %

35 %

Maturité maximale

25 ans

25 ans

+ 2 ans dans certaines situations

25 ans

 

+ 2 ans dans certaines situations,

dont la réalisation de travaux

pour 25 % du coût total de l’opération

25 ans

 

+ 2 ans dans certaines situations, dont la réalisation de travaux pour 10 % du coût total de l’opération

Marge de flexibilité maximale**

 

Part réservée aux acquéreurs de résidences principales

 

Part réservée aux primo-accédants

15 % de la production trimestrielle de crédits

20 % de la production trimestrielle de crédits

20 % de la production trimestrielle de crédits

au moins 75 %

de la flexibilité maximale

au moins 80 % de la flexibilité maximale

au moins 80 % de la flexibilité maximale

au moins 70 % de la flexibilité maximale

au moins 30 % de la flexibilité maximale

au moins 30 % de la flexibilité maximale

(*) Amendements à la décision de 2021.

(**) À la condition de respecter les sous-enveloppes.

Source : commission des finances.

B.   Des dÉcisions du hcsf critiquÉes pour leurs effets nÉgatifs sur le marchÉ immobilier et l’accession À la propriÉtÉ

Au regard de la baisse spectaculaire de la production de crédits immobiliers depuis 2022, de nombreux professionnels du secteur ont critiqué les normes du HCSF en leur reprochant d’être injustifiées au regard de la solidité du modèle français du crédit à l’habitat et de s’être substituées à l’expertise des banques.

1.   Une production de crédits immobiliers en berne depuis 2022

Depuis le début de l’année 2022, une chute de la production de crédit à l’habitat et de la capacité d’emprunt des ménages peut être observée.

a.   Une forte baisse de la production de crédits à l’habitat

La politique monétaire restrictive menée afin de lutter contre l’inflation dans la zone euro a entraîné une hausse massive des taux d’intérêt des nouveaux crédits à l’habitat aux ménages : ils ont progressé de 311 points de base depuis décembre 2021, pour atteindre en moyenne 4,11 % en février 2024.

taux d’intÉrÊt des crÉdits nouveaux À l’habitat aux mÉnages

(taux effectif global, en pourcentage)

Source : commission des finances, d’après les données de la Banque de France.

Ce renchérissement des prêts immobiliers a entraîné une très forte diminution de leur flux. Depuis le point haut historique atteint en 2021 avec 244 milliards d’euros, la production sur douze mois glissants avait été diminuée par deux en février 2024 pour s’élever à 128 milliards d’euros. Ce niveau est proche de celui de la période de taux d’intérêt très bas, avec une production d’environ 120 milliards d’euros en 2015 : toutefois, en euros constants, la production actuelle marque en réalité une forte baisse par rapport aux périodes antérieures. En nombre de crédits à l’habitat octroyés, la baisse est également marquée. Ainsi, sur l’année 2023, leur nombre s’établit à environ 780 000 contre 1 500 000 en 2021.

Cette baisse de la production de crédits à l’habitat est également visible dans d’autres pays de la zone euro, notamment en Allemagne où la trajectoire de baisse de la production est similaire à la France.

 

 

 

 

 

production de crÉdits À l’habitat aux mÉnages

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances, d’après les données de la Banque de France.

La production mensuelle de crédits à l’habitat est également en forte baisse en France depuis le premier trimestre 2022, avec seulement 9,8 milliards d’euros de prêts octroyés en février 2024, soit une division par près de trois en deux ans.

production mensuelle de crÉdits À l’habitat (2010-2024)

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances, d’après les données de la Banque de France.

 

Une telle chute ne s’était pas constatée depuis l’automne 2008 : elle se caractérise par sa durée de baisse d’activité et par son impact sur l’ensemble des secteurs de l’immobilier résidentiel.

Au regard de cette situation, de nombreux professionnels du secteur souhaitent un assouplissement des critères d’octroi des crédits à l’habitat fixé par le HCSF afin de relancer la production. En effet, si le niveau du crédit reste élevé en France par rapport à d’autres pays européens, les freins qui pèsent sur l’offre ne permettent pas de rétablir la confiance sur le marché et maintiennent une pression à la baisse sur les niveaux de prêts.

b.   Une baisse de la capacité d’emprunt des ménages

Avec la hausse des taux d’intérêt, la capacité d’emprunt des ménages a diminué sur la période récente après une longue période de progression reflétant pour partie la baisse des taux d’intérêt. Au dernier trimestre 2023, cette capacité est évaluée à environ 300 000 euros, en baisse de 40 000 euros par rapport à la fin de l’année 2021.

L’apport moyen pour l’achat d’une résidence principale est estimé ([17]) en décembre 2023 à environ 55 000 euros, en hausse régulière depuis son point bas en avril 2020 où il s’établissait à 30 000 euros.

capacitÉ d’emprunt d’un mÉnage et apport moyen pour l’achat
d’une rÉsidence principale (2014-2023)

(en milliers d’euros)

Sources : ACPR et Banque de France.

Il est intéressant de relever une hausse du taux d’apport personnel moyen depuis le deuxième trimestre 2022, où il oscillait aux alentours de 16 % de la valeur du prêt, et la fin de l’année 2023 où il s’élevait à 22,5 %, traduisant une mobilisation plus importante de l’épargne qui pourrait découler en partie des mesures du HCSF.

taux d’apport personnel moyen sur les nouveaux crÉdits À l’habitat

Sources : ACPR et Banque de France.

2.   Le modèle français du financement du crédit à l’habitat est robuste

Il convient de rappeler que le modèle français du financement du crédit à l’habitat repose sur trois principaux piliers :

– des taux fixes sur l’ensemble de la maturité du prêt : en 2022, 99,2 % des crédits étaient à taux fixes selon l’ACPR ([18]) ;

– la garantie de la majorité des prêts par un système de cautionnement ;

– une évaluation de la solvabilité de l’emprunteur basée sur l’analyse de ses revenus et non sur la valeur de son bien immobilier.

Ces caractéristiques permettent aux ménages français d’accéder à des crédits immobiliers à des taux généralement inférieurs à ceux pratiqués dans les autres pays européens, tout en protégeant leur pouvoir d’achat sur longue période, via les taux fixes. Dans son communiqué de presse du 26 septembre 2023, le HCSF rappelle que « les ménages, comme les entreprises, bénéficient d’une structure d’endettement favorable, en particulier du fait d’un endettement majoritairement à taux fixe ».

Ceci n’est possible que si les banques acceptent de prêter avec des marges très faibles. La condition en est la très grande sécurité de ces crédits, qui se traduit par un taux de sinistralité, c’est-à-dire le taux de passage en défaut trimestriel sur les crédits à l’habitat en France, de 0,10 % en décembre 2022 ([19]).

En s’assurant de la capacité des emprunteurs à rembourser leurs dettes, elles permettent en effet de garantir une très faible sinistralité des crédits immobiliers tout en offrant des crédits à taux d’intérêt fixe de long terme relativement peu chers qui sont favorables aux ménages. Les seuils fixés par le HCSF en matière de conditions d’octroi se fondent ainsi sur les bonnes pratiques habituellement retenues par la profession pour évaluer la solvabilité des emprunteurs.

Par ailleurs, certaines caractéristiques de l’économie française sont des facteurs d’atténuation du risque de crédit en cas de choc sur le marché du logement. Premièrement, le système de garantie utilisé pour garantir les prêts au logement, les garants étant des établissements financiers ou des compagnies d’assurance qui sont régis par l’ACPR, permet d’atténuer le risque pour les établissements de crédit en cas de chute des prix de l’immobilier. En outre, les ménages ont un taux d’épargne élevé par rapport aux autres pays et l’existence d’importants filets de protection sociale permet d’atténuer les conséquences d’une chute soudaine du revenu des emprunteurs en cas de chômage, réduisant ainsi les possibles effets de second tour d’un choc macroéconomique.

3.   Les banques font une analyse du risque de crédit plus complète que le critère restrictif du taux d’effort fixé par le HCSF

Certains observateurs relèvent que les banques utilisent déjà des outils internes d’analyse afin d’évaluer au mieux le risque de crédit de leurs emprunteurs potentiels. À leurs yeux, le critère du taux d’effort, qui n’a jamais été défini par le législateur, serait inutilement restrictif : l’acquisition immobilière dépendrait désormais essentiellement des revenus et du prix du bien, avec un effondrement de l’effet des emprunts et une exclusion mécanique de nombreux acheteurs potentiels hors révision de leur projet d’achat initial.

Les établissements de crédit devraient être laissés libres de prendre en compte tous les critères leur permettant d’évaluer de manière appropriée la capacité de l’emprunteur à remplir ses obligations. Si le taux d’endettement doit rester un indicateur, le reste à vivre, la prise en compte de tous les revenus, voire des actifs non risqués, devraient être également considérés.

En outre, de nombreux mécanismes juridiques existent déjà pour protéger les emprunteurs. Ainsi, les établissements de crédit sont tenus à des obligations lors de l’octroi d’un prêt, comme le devoir de mise en garde. L’établissement doit être en mesure d’évaluer le risque du crédit au regard des capacités financières de l’emprunteur ou de la caution, dont il prend en compte les revenus et l’ensemble des charges financières ([20]). Lorsqu’il manque à cette obligation de mise en garde, il risque d’engager sa responsabilité civile contractuelle et d’être condamné à verser des dommages et intérêts à l’emprunteur au titre du préjudice subi par l’octroi d’un prêt inadapté à sa situation financière.

Même si le HCSF a indiqué dès la recommandation de 2019 que les critères d’octroi qu’il a fixés ne sauraient en aucune manière se substituer à la politique d’octroi des établissements bancaires, il faut pourtant constater que ces derniers sont dans l’obligation de s’y conformer. Pourtant, l’articulation de ces normes réglementaires décidées par l’autorité macroprudentielle avec des règles de niveau législatif n’est pas évidente.

Ainsi, l’article L. 313-16 du code de la consommation, issu du droit de l’Union européenne ([21]), dispose que « le prêteur s’appuie (…) sur les informations nécessaires, suffisantes et proportionnées relatives aux revenus et dépenses de l’emprunteur ainsi que sur d’autres critères économiques et financiers », ce qui laisse entrevoir la notion de « reste à vivre » pourtant incompatible avec le taux d’effort défini par le HCSF. La jurisprudence récente de la Cour de cassation laisse entrevoir également une définition de l’endettement excessif différente de celle du HCSF :

– en 2021, elle a jugé que « le taux d’endettement des emprunteurs devait s’élever à 42 % et que ce taux n’était pas excessif dès lors que les emprunteurs devaient disposer, après remboursement de toutes leurs charges, d’un reste à vivre de 5 531 euros » ([22]) ;

– en 2023, la Cour de cassation a écarté la faute d’une banque au titre de son devoir de mise en garde à un emprunteur présentant un taux d’endettement de 64,22 % avec des « restes à vivre » supérieurs à 3 000 euros pendant la durée de remboursement ([23]).

Enfin, les normes du HCSF seraient un frein au crédit en excluant en partie les primo-accédants, et, de manière plus marquée, les investisseurs. À ce titre, une distinction entre les normes relatives aux opérations pour usage personnel et celles aux opérations avec génération de revenus est demandée par certains professionnels.

C.   Le HCSF défend l’efficacitÉ de ses mesures en faveur de la stabilité financière

Malgré ces critiques, le HCSF soutient l’efficacité de ses mesures en matière de fixation des conditions d’octroi de crédit, qui ont selon lui permis de limiter les risques d’endettement excessif des ménages. Il serait fait un mauvais procès au HCSF alors que la conjoncture serait la première responsable de la production décevante de crédits à l’habitat.

1.   Une réduction des risques d’endettement excessif des ménages

Partant d’un niveau assez faible, le taux d’endettement des ménages a augmenté continûment en France depuis 25 ans et dépasse aujourd’hui les niveaux observés dans les autres grands pays européens : il est passé de 54 % à 102 % du revenu disponible brut entre juin 2002 et juin 2022. Des échéances de prêts élevées peuvent mettre en difficulté un ménage en cas d’imprévu personnel. L’assurance emprunteur et la caution, quasi systématiquement demandées par les banques prêteuses en France, couvrent une partie seulement des aléas de la vie. On peut néanmoins relever que si on comptait en 2023 9,03 millions de ménages détenant des crédits immobiliers, seuls 0,12 % d’entre eux était en situation de surendettement, contre 0,29 % en 2015. 

la dette des mÉnages dans la zone euro

(en pourcentage du revenu disponible brut)

Source : Banque de France

Le HCSF a également étudié les conséquences de l’épisode de dérive des conditions d’octroi de crédit lors de la période 2005-2008, qui avait conduit à un quasi-doublement de la sinistralité observée sur ces cohortes de crédits immobiliers, expliqué principalement par le relâchement des conditions d’octroi (allongement des maturités d’emprunt et du taux d’endettement des ménages). Une telle évolution est doublement préjudiciable pour les ménages fragilisés financièrement par des conditions d’octroi insuffisamment prudentes et pour les banques qui voient l’équilibre de l’activité de crédit immobilier potentiellement remis en cause par ce surcroît de sinistralité.

Les taux de défaut sur les emprunts immobiliers sont faibles en France, mais les banques y sont sensibles car elles font traditionnellement très peu de marge sur ces crédits. Or, la sinistralité est directement liée aux taux d’effort : entre 2008 et 2015, le doublement du taux de défaut a été porté par les cohortes d’emprunteurs pour lesquelles les conditions d’octroi s’étaient le plus assouplies lors de la précédente remontée des taux.

La hausse constatée de la part des crédits les plus risqués dans la distribution de crédit immobilier, après plusieurs années de relâchement progressif des critères d’octroi, était d’autant plus préoccupante qu’elle intervenait dans un contexte de taux d’intérêt exceptionnellement bas. Une récente analyse de la Banque de France montre que la hausse des ménages endettés pour motif immobilier entre 2017 et 2021 a été plus marquée pour les ménages aux revenus les plus élevés que pour le reste de la population, respectivement de 56 % à 58 % et de 25 % à 26 % ([24]).

En phase de remontée des taux d’intérêt, la demande d’assouplissement sur les critères de prudence à l’octroi de crédit est forte alors que ce sont justement ces critères qui rendent les emprunteurs comme les prêteurs plus résilients au niveau individuel comme au niveau de l’économie tout entière (résilience de la consommation, de l’investissement, moindre chute des prix des actifs financiers, etc.). 

La France n’est pas le seul pays à avoir introduit des normes d’octroi de crédit à l’habitat. Dans l’Union européenne, 13 pays sur 27 imposent des limites au taux d’effort des emprunteurs selon le CERS.

comparaison internationale des mesures relatives À l’octroi de crÉdit

 

Australie

Belgique

Canada

France

Irlande

Pays-Bas

Nouvelle-Zélande

Royaume-Uni

Mesures emprunteur

Prêt/valeur du bien

 

 

 

Service de la dette/revenu

 

 

 

Dette/Revenu

 

 

 

 

 

 

Durée ou amortissement

 

 

 

Exigences en capital

Coussin macroprudentiel

 

 

Augmentation des pondérations

 

 

 

 

Autres

 

 

 

 

 

 

(*) Mesures en vigueur au mois de juillet 2023.

Source : rapport de décembre 2023 du Committee on the Gobal Financial System (CGFS) relatif aux politiques macroprudentielles mises en place pour limiter les risques sur le marché immobilier ; Banque de France.

Le HCSF aurait pu, comme cela a été pratiqué en Irlande ou en Nouvelle-Zélande, limiter le ratio prêt/valeur du bien mais a préféré se concentrer sur le ratio remboursement de la dette/revenu, soit le taux d’effort, pour deux raisons :

– le taux d’effort est plus favorable aux ménages primo-accédants qui n’ont pas encore constitué un apport personnel important ; il correspond à la pratique des banques au moment d’octroyer les prêts en France ;

– une limite constante de taux d’effort a l’avantage de ne pas amplifier la dynamique de prix de l’immobilier à la hausse comme à la baisse.

Au total, les mesures d’encadrements prises par le HCSF auraient eu les effets suivants :

– la part des prêts dont le taux d’effort est supérieur à 35 % est passée de 32,3 % au premier trimestre 2020 à 13,2 % au deuxième trimestre 2022, soit un recul de 19 points de pourcentage. Conformément à l’intention de la mesure du HCSF, la forte remontée des taux d’intérêt récente ne s’est pas traduite par une dégradation des taux d’effort (la part des prêts dont le taux d’effort est supérieur à 35 % n’a augmenté que de 2 points de pourcentage depuis l’été 2022 pour atteindre 15,2 % au quatrième trimestre 2023) ;

– la part des prêts dont la maturité est supérieure à 25 ans est passée de 12,3 % au premier trimestre 2020 à 5,2 % au troisième trimestre 2022, soit un recul de 7,1 points de pourcentage. La part des prêts dont la maturité est supérieure à 25 ans n’a augmenté que de 2,5 points de pourcentage depuis lors, pour atteindre 7,6 % au quatrième trimestre 2023.

Malgré les assouplissements intervenus en 2023, la marge de flexibilité continue d’être significativement sous-utilisée par les établissements, signe pour le HCSF d’une souplesse suffisante laissée aux prêteurs. Ainsi au quatrième trimestre 2023 :

– la part des prêts ne respectant pas les seuils de critères d’octroi fixés par le HCSF était de 15,3 % contre un plafond de 20 % ;

– la part des prêts hors primo-accédants ne respectant pas les seuils de critères d’octroi fixés par le HCSF était de 10,7 %, contre un plafond de 14 % ;

– la part des prêts hors résidences principales ne respectant pas les seuils de critères d’octroi fixés par le HCSF était de 4,1 %, contre un plafond de 6 %.

Toutefois, certaines personnes auditionnées par le rapporteur ont souligné que la sous-utilisation de la marge de flexibilité serait le signe de la difficulté des banques à utiliser les facultés de dérogation accordées, en raison de l’inertie de la consolidation des données au niveau d’un réseau bancaire. La modification en 2023 de l’appréciation de la marge de flexibilité sur trois trimestres glissants a donc été largement saluée.

2.   La situation de la production de crédits à l’habitat s’expliquerait avant tout par la faible demande et l’attentisme des ménages

La baisse de la production observée depuis 2022 s’expliquerait d’abord par le ralentissement de la demande des ménages en réaction au décalage entre la hausse des taux d’emprunt et l’ajustement attendu des prix des biens immobiliers. Plus généralement, sans pouvoir se prononcer sur l’ensemble des situations individuelles, le fait que les marges de flexibilité restent largement sous utilisées montre que la norme mise en place par le HCSF n’aurait pas conduit à exclure de l’accession à la propriété des emprunteurs solvables. Par ailleurs, une baisse des prix cohérente avec l’évolution des taux d’intérêt aurait réduit d’éventuels phénomènes d’exclusion tout en permettant un redémarrage plus rapide de la demande.

Des signes encourageants de retournement de la conjoncture sont à relever au premier trimestre 2024. Au mois de février, pour la première fois depuis début 2022, le taux d’intérêt moyen, hors frais et assurances, des nouveaux crédits à l’habitat (hors renégociations) est en repli de 6 points de base (4,11 % après 4,17 %). Par rapport à février 2023, l’encours de crédits à l’habitat progresse de 0,4 %.  


   Travaux de la commission

   Discussion gÉnÉrale

Au cours de sa réunion du mercredi 10 avril à 9 heures, la commission a procédé à l’examen de la proposition de loi visant à compléter les dispositions applicables au Haut Conseil de stabilité financière (n° 2091) – (M. Lionel Causse, rapporteur).

M. Lionel Causse, rapporteur. Le Parlement s’est trop longtemps désintéressé des activités du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), créé en 2013 afin d’assurer la surveillance macroprudentielle du système financier. Malgré la technicité du sujet, je suis convaincu de l’importance, pour la représentation nationale, de débattre du fonctionnement et des missions de cette autorité, dont les récentes décisions en matière de fixation des conditions d’octroi de crédit ont fait l’objet de commentaires pour le moins contrastés.

D’abord sous la forme d’une recommandation, en 2019, puis d’une décision contraignante, en 2021, le HCSF a défini des principes visant à prévenir un endettement excessif des emprunteurs sur le territoire français : le taux d’endettement individuel ne doit pas dépasser 35 % des revenus et la durée du prêt ne peut excéder vingt-cinq ans. Une possibilité est laissée aux banques de déroger à ces normes, sous certaines conditions, pour 20 % de leur production de crédits immobiliers.

Ce niveau de contrainte sur les établissements bancaires, qui s’impose à leur appréciation du risque d’endettement excessif de l’emprunteur, est apparu à de nombreux observateurs comme une entrave trop stricte à l’octroi de crédits, alors que l’ensemble des acteurs auditionnés, dont la Banque de France, a reconnu la solidité du marché français du crédit immobilier, qui s’appuie sur des taux fixes bas, des marges bancaires limitées, et présente une très faible sinistralité.

Le dépôt de cette proposition de loi a ainsi été motivé par plusieurs constats. Tout d’abord, la production de crédits immobiliers a presque été divisée par deux entre 2021, avant l’entrée en vigueur des normes du HCSF, et 2023, où seulement 780 000 crédits immobiliers ont été accordés. Cette diminution de volume est également visible en montant : 7,6 milliards d’euros de crédits à l’habitat, hors renégociations, ont été produits en janvier 2024, chiffre le plus bas depuis 2014.

L’emprunteur, enfin, doit réaliser un effort de plus en plus important : le niveau de l’apport personnel moyen était, au quatrième trimestre 2022, supérieur de 43,5 % à son niveau du quatrième trimestre 2019.

Le marché du crédit immobilier est donc aujourd’hui loin d’être en surchauffe : si l’effet mécanique de la hausse des taux ainsi que l’attentisme des ménages, dans une situation où les prix demeurent élevés, expliquent la majeure partie de la baisse de l’octroi de crédits immobiliers, les normes du HCSF concourent également à freiner l’accession à la propriété. Si la hausse des taux conduit à un crédit plus cher, il faut veiller à ce qu’il n’en devienne pas pour autant inaccessible à l’heure où nous connaissons une crise du logement d’une ampleur inquiétante.

Il est nécessaire d’être parfaitement clair sur les objectifs de cette proposition de loi. Ce texte n’a pas pour ambition de remettre en cause l’indépendance du HCSF, indispensable au bon exercice de ses missions, ni de porter atteinte à sa compétence en matière de surveillance du système financier, afin de prévenir le retour de crises. Il est essentiel de conserver les leçons tirées de la crise financière de 2008 en matière de régulation du secteur bancaire.

Mme Karine Berger, rapporteure à l’Assemblée nationale du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires qui a institué en 2013 le HCSF, écrivait dans son rapport, pour la première lecture du texte, que le pouvoir conféré au HCSF en matière de fixation des conditions d’octroi de crédit « aurait vocation à être utilisé avec parcimonie » et qu’il était écarté qu’il puisse « mener une politique globale d’encadrement du crédit ». Il me semble intéressant que le Parlement puisse débattre de l’effectivité de ces intentions du législateur, alors que, depuis 2013, il ne s’est prononcé qu’à une seule reprise sur l’organisation et les missions du HCSF – par le vote d’ordonnances en 2017.

J’ai écouté avec intérêt, notamment dans le cadre du cycle d’auditions menées en amont de ce débat en commission, les arguments s’opposant à la rédaction du texte, en particulier à son article 2. C’est pourquoi j’ai déposé plusieurs amendements qui tendent à revenir sur la permission accordée aux banques de déroger aux normes d’octroi de crédit, afin de trouver un compromis acceptable pour améliorer les décisions prises par le HCSF tout en levant les craintes exprimées.

L’article 1er vise à compléter la composition du HCSF afin d’y faire entrer un député et un sénateur, désignés par la présidente ou le président de leurs chambres respectives.

Le HCSF doit rester un organe technique ; mais, alors que ses décisions ont des conséquences sur l’accès au crédit immobilier de millions de Français, il ne doit pas être un organe technocratique. La présence de parlementaires permettrait de stimuler le débat public autour des évolutions envisagées et de renforcer la légitimité démocratique des mesures prises. L’indépendance du HCSF vis-à-vis du pouvoir politique n’en serait nullement réduite : ses membres parlementaires ne sauraient influencer à eux seuls le sens des décisions. Je rappelle, par ailleurs, que le vrai pouvoir au sein de l’autorité réside dans la faculté de proposer des mesures contraignantes, laquelle appartient au seul gouverneur de la Banque de France.

Je soutiendrai la proposition de soumettre les parlementaires désignés pour siéger au HCSF aux mêmes obligations déontologiques que celles auxquelles les personnalités qualifiées sont soumises, afin d’assurer une indépendance totale de ses membres et de préserver la neutralité nécessaire à la qualité des décisions.

Afin de renforcer le contrôle parlementaire sur le HCSF, je souhaiterais également que les personnalités qualifiées soient désignées pour siéger après une audition devant les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

L’article 2 avançait une évolution majeure, puisqu’il offrait la possibilité aux établissements bancaires de déroger aux normes du HCSF en matière de conditions d’octroi de crédit. Je proposerai plusieurs amendements réécrivant entièrement cet article, leur dénominateur commun étant que c’est au HCSF, et non aux établissements de crédit, qu’il reviendra de fixer, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, les conditions auxquelles les établissements bancaires seront autorisés à déroger à ses normes, au regard des variations de l’offre et de la demande de crédit.

Je proposerai également que le HCSF révise tous les trois mois ses décisions en matière de détermination des conditions d’octroi de crédit, après consultation du comité consultatif du secteur financier, afin de favoriser l’adaptation de ses normes à l’évolution de la conjoncture. Je suggère en outre, à travers un autre amendement, que les propositions du gouverneur de la Banque de France et les décisions du HCSF en la matière soient systématiquement rendues publiques.

Enfin, de l’aveu même des personnes auditionnées, le HCSF pourrait améliorer la transparence de sa prise de décision. Je proposerai ainsi qu’il puisse rendre des comptes de façon régulière devant la représentation nationale, sous la forme d’une audition annuelle devant les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

J’espère que nous pourrons avoir un débat de qualité sur cette instance de régulation, encore trop méconnue et pourtant essentielle à la vie économique de notre pays.

M. le président Éric Coquerel. Cette proposition de loi vise à répondre à la crise du logement, en autorisant à passer outre les limites des 35 % de taux d’effort et des vingt-cinq ans de durée de l’emprunt. Quand on est bien informé du problème, le premier réflexe pourrait être de se dire que c’est bien là la solution : puisque les gens ne peuvent plus emprunter, facilitons l’accès au crédit en rehaussant la limite du taux d’effort. Mais je ne le crois pas.

Tout d’abord, comme le gouverneur de la Banque de France me l’a indiqué, les banques ont déjà la possibilité de déroger à ces limites, à hauteur de 20 % de leurs dossiers tous les trois mois. Mais elles font très peu usage de cette faculté.

Il me semble, ensuite, que l’on prend le problème à l’envers : le problème du logement, c’est qu’il est trop cher. La question n’est pas de savoir s’il faut permettre aux gens de se surendetter, avec le risque inflationniste que cela suppose. Le prix du logement est trop élevé, c’est sur lui que nous devons agir, et je ne crois pas que cette proposition de loi le permette. Il faut construire plus de logements et intervenir pour que l’on en revienne à des prix plus raisonnables.

Voilà pour une réflexion générale sur les raisons qui vous ont conduit à proposer ce texte ; mais il aura pour effet particulier l’affaiblissement d’une instance qui joue un rôle essentiel. Créée en 2013 à la suite les leçons tirées de la crise des subprimes de 2008-2011, elle est chargée de la surveillance de la stabilité financière du système et tâche de soumettre à des contraintes des marchés dérégulés, avec les conséquences que l’on sait. Autoriser les banques à s’écarter des décisions du HCSF, c’est prendre le risque d’aggraver la situation et de revenir à un état de choses antérieur à sa création.

Je suivrai attentivement le débat sur le texte et ses amendements, mais je ne crois pas que la logique globale de ce que vous proposez aille dans le bon sens.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Nadia Hai (RE). Je sais que M. Causse, président du Conseil national de l’habitat, est concerné au premier chef par le sujet du logement et de la crise immobilière, et qu’il y travaille beaucoup. Nous accueillons favorablement le texte qu’il nous présente afin de compléter les dispositions applicables au HCSF, une grande partie de la crise immobilière étant en effet liée aux difficultés d’accès à l’emprunt. Les taux d’intérêt sont passés d’un niveau historiquement bas de 1 % en 2021 à 4 % aujourd’hui. Cette hausse, alors que le HCSF fixe les conditions d’octroi de crédits, en a fait chuter la production de 40 % entre décembre 2022 et novembre 2023. Dans un tel contexte, nous devons donner aux banques plus de flexibilité. Bien entendu, monsieur le président, quand une banque accorde un crédit, elle le fait en tenant compte des risques auxquels elle est elle-même exposée. Cela ne se fait pas à l’aveugle, sans contrainte et sans règle. Cette proposition de loi ne résoudra pas la crise immobilière, ni même tous les problèmes relatifs à l’octroi de crédits immobiliers, mais elle y contribuera.

Nous sommes évidemment favorables à l’article 1er, qui permet à la représentation nationale d’être présente dans la gouvernance du HCSF. L’article 2, lui, permet aux établissements de crédit de passer d’une notion de taux d’emprunt à une notion de reste à vivre, ce qui nous paraît essentiel.

Pour ces raisons, le groupe Renaissance votera en faveur de cette proposition de loi.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il faut parfois attacher sa ceinture face à une telle bureaucratie et à un tel étouffement de la démocratie. On a créé un machin inutile, à la dérive, qui s’est octroyé indûment un pouvoir exorbitant ; et l’on se demande maintenant comment le Parlement pourrait récupérer – mais pas trop – un peu de ce pouvoir que l’on a donné à des gens qui ne devraient pas en avoir, parce qu’ils ont peut-être foutu encore plus de bordel, passez-moi l’expression, dans un marché immobilier déjà compliqué depuis trente ans. Les choses simples sont parfois les plus saines : il faut supprimer ce machin qui ne sert à rien. Il faut que notre Parlement reprenne ses responsabilités et que le Gouvernement cesse de se cacher derrière de prétendues expertises pour ne pas prendre les siennes.

Il existe une instance qui doit contrôler les banques, les règles de financement, les règles d’endettement et d’octroi des crédits : c’est l’Assemblée nationale – et peut-être même la commission des finances. J’invite donc mes collègues à reprendre leur pouvoir, à supprimer ce machin socialiste à la dérive et à faire le ménage dans toutes ces instances qui volent le pouvoir du Parlement.

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Cette proposition de loi vise à limiter deux prétendues insuffisances du HCSF. Vous semblez d’abord considérer que son autonomie et son indépendance sont un problème, puisque vous tenez à lui ajouter deux parlementaires désignés par les présidents de chaque chambre. En oubliant ensuite le dangereux précédent de la crise des subprimes de 2008, vous donnez aux banques la possibilité de contourner la limite des 35 % de taux d’effort dans l’octroi de crédits immobiliers. Vous laissez toute liberté aux banques de prêter, aggravant le risque pour les ménages et les institutions financières elles-mêmes.

Mais je crois que cette proposition de loi ne porte pas réellement sur le HCSF. Si ce dernier a pour mission de fixer des normes garantissant la qualité du crédit, il n’a pas celle de régler la crise du marché de l’immobilier. Vous cherchez à lui faire jouer ce rôle en attribuant la crise à sa règle des 35 %. Mais il existe d’autres moyens de régler la crise du marché immobilier, comme la facilitation de la construction de logements sociaux, alors qu’il manque chaque année, selon l’Union sociale pour l’habitat, 518 000 nouveaux logements. C’est surtout de l’accès au logement dont il faut s’occuper : vous auriez pu voter avec nous, l’année dernière, l’encadrement de la baisse des prix et des loyers.

Mais, surtout, en faisant rentrer au HCSF des parlementaires nommés par les présidents de chaque chambre, vous cherchez à renverser l’équilibre des forces, au détriment de l’expertise et en faveur du politique – donc du ministre de l’économie, M. Bruno Le Maire. Trois membres du HCSF sont déjà nommés par les présidents des chambres et le ministre de l’économie.

Votre proposition de loi tente grossièrement de relancer le marché de l’immobilier en contournant les règles protégeant les ménages emprunteurs. En l’état, nous ne la voterons pas.

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Rappelons-nous que le HCSF a été créé en 2013 en réponse à une crise du surendettement qui nous a un peu épargnés, mais que les États-Unis ont connue. Toutefois cet outil, destiné à lutter contre l’endettement excessif, ne répond plus à la demande. Il a été modifié une première fois afin d’assouplir le taux d’usure, mais cela ne suffit pas : les banques font toujours preuve de frilosité dans l’usage de cette possibilité qui leur est donnée.

La première mesure proposée par le texte, consistant à faire rentrer au HCSF un député et un sénateur, permettra au Parlement d’avoir un droit de regard sur les décisions qui y sont prises : j’y suis plutôt favorable.

J’en viens à la deuxième mesure du texte. Les prêts bancaires s’effondrent ; les particuliers n’ont plus accès au crédit immobilier. Les prix sont peut-être en effet trop élevés, mais on ne va pas légiférer pour descendre le prix de l’immobilier, issu d’une transaction entre parties privées. Il ne faut pas pénaliser les ménages et, par ricochet, le secteur du bâtiment et des travaux publics – si vous êtes allé aux assemblées générales des bâtiments et travaux publics vous aurez constaté l’effondrement des travaux – ainsi que les départements : le président des départements de France, que nous avons auditionné la semaine dernière, nous disait que les DMTO – droits de mutation à titre onéreux – ne rentrent plus. Il faut trouver une solution pour assouplir toutes ces règles ; aussi le groupe Les Républicains votera-t-il ce texte.

M. Luc Geismar (Dem). Depuis maintenant un an et demi la production de nouveaux crédits s’est effondrée, alimentant la grave crise du logement que nous connaissons. Sous l’effet de la politique de resserrement monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) destinée à lutter contre l’inflation, les taux d’intérêt ont grimpé et les Français sont devenus attentistes face à cet amoindrissement de leur capacité d’emprunt. Afin de maintenir des conditions favorables à l’emprunt, même en période de taux élevés, ce texte propose en son article 2 d’assouplir les normes d’octroi de crédit immobilier imposées par le HCSF. Les banques auront ainsi la possibilité de déroger à la règle du taux d’effort maximal de 35 % en l’absence de risque d’endettement excessif.

Nous sommes très réservés sur cette mesure. Les normes du HCSF, aussi strictes soient-elles, sont adaptées à notre modèle d’émission de crédits qui repose sur des taux fixes ; elles en garantissent surtout la stabilité et, par extension, la stabilité de notre système financier. Les banques, par ailleurs, bénéficient déjà d’une flexibilité conséquente pour les primo-accédants et les acquéreurs de résidence principale, sans l’utiliser pleinement.

Les dispositions de l’article 1er nous semblent cependant aller dans le bon sens. L’élargissement de la composition du HCSF à un député et à un sénateur reflète une volonté légitime de réinscrire ses décisions dans le débat public et de diminuer la nature discrétionnaire de ses pouvoirs. C’est dans un même esprit que nous accueillons favorablement l’amendement de réécriture de l’article 2 proposé par le rapporteur, qui permettra de rendre plus transparentes les décisions prises par le HCSF et de mieux comprendre ses travaux. S’il venait à être adopté, le groupe Démocrate soutiendra ce texte.

Mme Félicie Gérard (HOR). La question du logement est centrale. Le secteur est en proie à des difficultés importantes, sous l’effet de la hausse des taux, de la baisse du nombre de constructions et de fortes tensions sur le marché immobilier. Pour en améliorer la fluidité, il faut examiner avec attention les règles macroprudentielles en matière d’octroi du crédit immobilier.

Dans la rédaction actuelle de son article 2, la proposition de loi permet aux établissements bancaires de déroger à la règle du taux d’effort maximal de 35 %, sous réserve qu’ils parviennent à démontrer que le concours proposé ne présente pas de risque d’endettement excessif. Il pourrait cependant s’avérer dangereux de ne pas encadrer cette dérogation qui pourrait ouvrir la voie à des situations de surendettement, même si, dans les cas où le reste à vivre est suffisamment important, il semble en effet peu pertinent de limiter ce taux à 35 %. Laisser une marge de manœuvre aux banques peut donc s’avérer opportun en fonction des situations.

Un amendement du rapporteur invite ainsi le HCSF à se prononcer plus régulièrement sur le sujet et à motiver ses avis. Il permet une analyse plus spécifique de chaque situation et des éventuelles dérogations.

Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Après l’usage compulsif du 49.3, voici venir l’usage abusif de propositions de loi écrites par Bercy, qui nous privent de l’avis du Conseil d’État et de l’étude d’impact. Avec l’acquiescement de ceux-là mêmes qui devraient s’y opposer, le Gouvernement met consciencieusement en œuvre l’affaissement du pouvoir législatif. Cette proposition de loi vise à apporter des réponses au pouvoir discrétionnaire du HCSF, pouvoir qui a pour effet de soustraire au débat public les évolutions qu’il décide, en matière notamment de crédit immobilier, et alors même que cette question concerne plusieurs millions de nos concitoyens.

Le Comité européen du risque systémique (CERS) précise que l’autorité macroprudentielle doit bénéficier d’une « indépendance opérationnelle vis-à-vis des organes politiques et de l’industrie financière ». Cette préconisation n’est pas tout à fait respectée, puisque le ministre de l’économie et des finances, autrement dit une autorité politique, est membre de droit du HCSF et le préside.

L’article 2 permettrait aux sociétés de crédit et aux sociétés de financement de s’écarter des conditions d’octroi du crédit déterminées par le HCSF, si elles parviennent à démontrer que la personne ou les personnes sollicitant un crédit ne présentent pas de risque d’endettement excessif.

Cette proposition, qui nous semble inaboutie, remet en cause les règles prudentielles du HCSF, sans préciser comment le prêteur devra apporter la démonstration d’une absence de risque d’endettement excessif pour l’emprunteur.

Notre groupe votera en fonction des amendements qui seront adoptés.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Je m’interroge sur l’objectif que poursuit cette proposition de loi. Depuis plusieurs mois, le ministre de l’économie, de concert avec les courtiers bancaires, cherche à assouplir davantage les conditions d’octroi de crédits, notamment de crédits immobiliers. C’est la politique de hausse des taux d’intérêt menée par la BCE qui est responsable de l’effondrement du crédit immobilier : ils sont passés de 0 % en juin 2022 à 4 %. En plus de son inefficacité dans la lutte contre l’inflation, cette politique s’est avérée destructrice pour l’investissement. Elle a conduit à une augmentation des taux d’intérêt du crédit immobilier, alourdissant le coût de l’emprunt et provoquant mécaniquement un rationnement du crédit. Politique déplorable économiquement, elle l’est aussi pour de nombreux Français qui voient s’envoler d’un coup le projet d’une vie.

Nous ne pouvons cependant pas nous asseoir sur les règles qui garantissent la stabilité financière et limitent les risques de surendettement. C’est ce que le HCSF, lorsqu’il avait refusé de revoir la limite de la capacité d’endettement, avait répondu à Bruno Le Maire.

Le dispositif envisagé à l’article 1er est justifié par un simple parallélisme avec des institutions semblables ; mais n’y a-t-il pas, là aussi, une volonté de reprise en main ?

Nous nous opposons à l’article 2 : j’en dirai un mot lors de la discussion de l’amendement de suppression.

M. Philippe Brun (SOC). Nous sommes assez réservés vis-à-vis de cette proposition de loi. En tant que parlementaires, nous pouvons être favorables à ce que des parlementaires siègent dans le plus grand nombre d’instances ; mais nous considérons que l’article 1er fait courir un risque d’ingérence politique dans une instance essentiellement technique, et que nous avons créée justement pour qu’elle soit préservée de toute influence politique.

L’article 2, dans sa rédaction actuelle, nous inquiète vivement – même si je crois savoir que vous avez déposé un amendement qui nous convient davantage. Il ferait courir le risque de nouveaux subprimes, par la réduction de ce ratio maximal d’endettement qui a fait la solidité du système français, et nous a préservés de la grave crise immobilière que de nombreux pays, et pas seulement les États-Unis, ont connue. D’autres moyens existent pour faciliter le crédit, notamment celui que nous avons proposé dans notre plan de rebond : abattre de deux points les intérêts pour les 100 000 premiers euros empruntés dans le cadre de l’achat d’un logement neuf par un primo-accédant. Cela représente un gain moyen de 100 euros par mois pour un emprunt sur vingt ans. Cette mesure, que nous proposons depuis de nombreuses années, coûterait environ 1,9 milliard d’euros, mais elle accélérerait considérablement la construction de logements et permettrait à de nombreuses familles d’accéder au crédit.

Nous faisons donc valoir nos réserves et sommes ouverts à la discussion avec le rapporteur.

M. Michel Castellani (LIOT). Le rôle macroprudentiel du HCSF est particulièrement important dans la situation actuelle. Toutefois, bien que son mandat soit clair et que ses membres soient reconnus, les décisions qu’il a prises depuis la crise sanitaire, notamment en matière de taux d’effort, ont entraîné une rupture de confiance avec les professionnels.

Nous soutenons l’article 1er, qui permettra à deux parlementaires de rejoindre le HCSF, même si l’on peut s’interroger sur cet empilement d’organismes qui contrôlent la vie financière du pays. Nous étions assez réservés à propos de l’article 2, qui aurait marginalement décrédibilisé le HCSF et qui, surtout, instaurait une dérogation permanente au taux d’effort alors que la crise – nous l’espérons tous – ne devrait être que temporaire. De plus, la flexibilité que permet déjà le HCSF n’est pas pleinement utilisée par les banques. Nous prenons bonne note de la nouvelle rédaction proposée par le rapporteur, qui précise le mandat du HCSF, sans pour autant créer une dérogation systématique. Nous soutiendrons cette réécriture et, si elle est adoptée, le texte dans son ensemble.

M. Lionel Causse, rapporteur. Ce texte, tout d’abord, n’a bien entendu pas vocation à résoudre la crise du logement. Mais cette crise, depuis 2023, a conduit presque tout le monde à s’intéresser au HCSF, institution jusqu’alors très mal connue : il est apparu important que l’on puisse connaître ses décisions et leurs raisons. C’est la perspective de l’article 1er, qui ouvre la gouvernance du HCSF à plus de transparence en y faisant entrer des parlementaires.

Il ne s’agit pas du tout de supprimer cette institution, ce qu’aucune des personnes que nous avons auditionnées ne demande, mais de l’améliorer afin qu’elle soit au rendez-vous de l’économie de notre pays, et ne considère plus uniquement le système macroprudentiel. C’est la raison d’être de l’article 2, qui maintient les normes et les prérogatives du HCSF, mais en lui demandant de prendre en compte également la croissance, l’économie, la vie quotidienne des Françaises et des Français. Même s’il existe des risques relatifs au crédit immobilier, je tiens à rappeler que 76 % des Français en situation de surendettement sont des locataires – 88 % si on y ajoute les personnes logées à titre gracieux. Le paradoxe est qu’on ferme les yeux si un locataire met plus de 50 % de ses revenus dans son loyer, mais qu’on refuse qu’il en mette 40 % dans un crédit immobilier.

C’est toute la pertinence de la notion de reste à vivre que je veux introduire : le banquier ou le courtier aura ainsi la liberté de procéder à une analyse complète, et estimer que l’emprunteur, en devenant propriétaire, et même si son taux d’effort excède un peu les critères du HCSF, pourra améliorer son pouvoir d’achat. On évitera ainsi l’appauvrissement d’un locataire – les études montrent que la part la plus importante de la paupérisation vient en effet des locataires du secteur privé.

*

*     *

 


   Examen des articles

 

Résumé du dispositif et effets principaux

L’article premier de la proposition de loi a pour objet d’ajouter deux membres au Haut Conseil de stabilité financière : un député, désigné par le président de l’Assemblée nationale, et un sénateur, désigné par le président du Sénat.

Modifications apportées par la commission

La commission des finances a adopté cet article après avoir adopté six amendements, dont deux du rapporteur, qui prévoient que :

– les personnalités qualifiées sont désignées pour siéger au HCSF après une audition devant les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, et les parlementaires désignés par la commission des finances de leur chambre ;

– la nomination des personnalités qualifiées et des parlementaires respecte le principe de parité entre les femmes et les hommes.

  1.   L’État du droit

La composition du Haut Conseil de stabilité financière est définie par l’article L. 631-2 du code monétaire et financier. Parmi ses huit membres, cinq sont désignés de droit :

– le ministre chargé de l’économie, qui en assure la présidence ;

– le gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ;

– le vice-président de l’ACPR, qui assiste le gouverneur de la Banque de France ;

– le président de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ;

– le président de l’Autorité des normes comptables (ANC).

En outre, le HCSF est composé de trois personnalités qualifiées ([25]), choisies, pour une durée de cinq ans, en raison de leurs compétences dans les domaines monétaire, financier ou économique, respectivement, par le ministre chargé de l’économie, et, depuis l’article 30 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat.

L’avant-dernier alinéa de l’article L. 631-2 du code monétaire et financier, ajouté par l’article 30 de la loi  2013-672 du 26 juillet 2013, prévoit que les nominations des personnalités qualifiées « respectent le principe, ou, à défaut, l’objectif de parité entre les hommes et les femmes ». Les modalités de mise en œuvre de ce principe, qui peut impliquer l’organisation d’un tirage au sort, sont définies aux articles R. 631-1 à R. 631-3 du code monétaire et financier. Il convient de souligner que la composition actuelle du HCSF est paritaire.

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article premier de la proposition de loi modifie l’article L. 631-2 du code monétaire et financier afin qu’un député et un sénateur, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, siègent au HCSF.

  1.   Renforcer le contrôle parlementaire sur le HCSF

En ajoutant deux parlementaires à la composition du HCSF, le rapporteur propose de compléter le contrôle parlementaire sur cette autorité, qui repose sur plusieurs dispositions principales :

– un pouvoir de nomination, avec deux personnalités qualifiées désignées respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat.

– la remise d’un rapport public annuel au Parlement, en vertu du deuxième alinéa de l’article L. 631-2-2 du code monétaire et financier ;

– l’audition du président du HCSF, sur le fondement du dernier alinéa du même article, par les commissions des finances des assemblées, sans préjudice du fait que tout membre de l’autorité peut être entendu par les commissions des finances aux termes du quatrième alinéa de l’article 57 de la loi organique n° 2001‑692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Le rapporteur considère que l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif reconnue aux autorités administratives indépendantes (AAI) a pour corollaire une exigence de contrôle accru de la part du Parlement. Cette composition modifiée du HCSF doit permettre d’améliorer le consentement à des décisions adoptées selon un processus plus respectueux de la démocratie. Le HCSF a été créé par la loi : son contrôle serait plus aisé si les parlementaires peuvent y siéger et être associés à la discussion des décisions.  

  1.   Une innovation par rapport aux principes de gouvernance européens

Lors des auditions menées par le rapporteur, il a été relevé que la présence de parlementaires au sein du HCSF divergerait des principes de gouvernance établis au niveau européen. En effet, le Comité européen du risque systémique (CERS), responsable de la surveillance macroprudentielle du système financier dans l’Union européenne ([26]), recommande au point 1) de la recommandation E de sa recommandation CERS/2011/3 que « dans la poursuite de ses objectifs, l’autorité macroprudentielle est au moins indépendante du point de vue opérationnel, notamment à l’égard des organes politiques et de l’industrie financière » ([27]).

En préambule, il convient de rappeler que les recommandations du CERS n’ont pas de pouvoir contraignant : le règlement (UE) n° 1092/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 prévoit qu’il contrôle simplement « le suivi des alertes et recommandations » qu’il formule. Ce pouvoir est conforme à l’esprit du rapport Larosière, publié le 25 février 2009, qui préfigurait notamment le CERS et estimait que la mission de cet organe serait « de former des jugements et de faire des recommandations sur la politique macroprudentielle, d’émettre des avertissements sur les risques, de comparer les observations sur les évolutions macroéconomiques et prudentielles et de donner des orientations sur ces questions. » ([28])

Si les recommandations du CERS ne s’imposent donc pas aux États‑membres, leur respect n’en demeure pas moins important afin d’éviter tout risque de perturbation du système financier. La recommandation CERS/2011/3 invite ainsi les États‑membres à s’assurer de l’indépendance de l’autorité macroprudentielle, c’est-à-dire le HCSF en France, vis-à-vis des organes politiques.

Or il convient de relever que le ministre de l’économie est déjà présent au sein du HCSF, qu’il préside, sans que l’indépendance de cette autorité ait été mise en cause. Ainsi, l’article premier de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière a consacré la présence et la présidence du ministre chargé de l’économie au conseil de régulation financière et du risque systémique (COREFRIS), prédécesseur du HCSF. Le rapporteur du texte devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, M. Jérôme Chartier, soulignait ainsi dans son rapport que la réunion de l’ensemble des acteurs au sein du COREFRIS « permettra de faciliter une prompte analyse des crises dès leurs premières manifestations » et de « conseiller le ministre en matière de prévention et de gestion du risque systémique ([29]). Les auditions menées par le rapporteur ont rappelé que les interconnexions entre les questions de stabilité financière et la politique économique justifient également la présence du ministère des finances. La présence du ministre a été confirmée à l’occasion du vote de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

En outre, il est intéressant de relever que l’Assemblée nationale avait adopté en séance publique en première lecture, à l’initiative du rapporteur, un amendement n° 30 ([30]), ayant reçu un avis favorable du Gouvernement alors représenté par Mme Christine Lagarde ([31]), ministre de l’économie, prévoyant que le COREFRIS « se réunit en présence des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ». Cette disposition a ensuite été supprimée du texte par le Sénat lors de l’examen en première lecture.

Si la présence du ministre est donc bien acceptée au sein du HCSF, l’ajout de deux parlementaires à sa composition ne saurait porter atteinte aux exigences d’indépendance : parmi les dix membres, seulement trois seraient des personnalités politiques, qui ne pourraient donc influer seules sur le sens des décisions. 

Enfin, le rapporteur relève que si les parlementaires sont soumis aux mêmes obligations de prévention des conflits d’intérêts que les personnalités qualifiées et les membres de droit du HCSF, comme il le propose par son amendement CF36, il est d’autant plus difficile de soutenir que leur seule présence porterait atteinte à l’indépendance de l’autorité macroprudentielle ([32]).

  1.   L’ajout de parlementaires parmi les membres du HCSF soulève des questions relatives au respect du principe de séparation des pouvoirs

La présence de parlementaires au sein d’une autorité administrative indépendante (AAI) pose plusieurs questions relatives au respect du principe de séparation des pouvoirs.

● Si cette présence relève de l’exception, il en existe quelques exemples dans le droit positif, principalement pour les AAI intervenant en matière de libertés publiques :

– le 1° du I de l’article 9 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés permet à « deux députés et deux sénateurs, désignés respectivement par l’Assemblée nationale et par le Sénat de manière à assurer une représentation pluraliste » de siéger à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ;

– le 2° de l’article L. 341-1 prévoit qu’« un député et un sénateur, désignés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat » appartiennent à la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) ;

– le 1° de l’article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure dispose que « deux députés et deux sénateurs, désignés de manière à assurer une représentation pluraliste du Parlement » composent la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

Dans sa décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015, le Conseil constitutionnel a jugé, dans son considérant 43 que « la présence de membres du Parlement parmi les membres de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement n’est pas de nature à porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, garanti par l’article 16 de la Déclaration de 1789, dès lors qu’ils sont astreints, en vertu du troisième alinéa de l’article L. 832-5 du code de la sécurité intérieure, au respect des secrets protégés aux articles 226-13 et 413-10 du code pénal ».  

Aussi, par une sorte de parallélisme, le Conseil constitutionnel pourrait juger que la présence de parlementaires au sein du HCSF ne porte pas atteinte au principe de séparation des pouvoirs, notamment au regard des dispositions visant à prévenir tout conflit d’intérêts des membres du HCSF prévues au I de l’article L. 631-2-3 et celles les tenant au secret professionnel consacrées au II du même article.

● Toutefois, dans sa décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, le Conseil constitutionnel relève que le premier alinéa de l’article L.O. 142 du code électoral ([33]) dispose que « l’exercice des fonctions publiques non électives est incompatible avec le mandat de député » et « qu’il en résulte que les fonctions de membre de la Commission nationale de la communication et des libertés, qui constituent des fonctions publiques non électives, sont incompatibles avec tout mandat parlementaire ».

Le caractère public d’une fonction non élective doit se déduire d’un faisceau d’indices permettant de déterminer si son exercice par un parlementaire constituerait une entorse au principe de séparation des pouvoirs et d’indépendance du député à l’égard de l’exécutif.

La question de l’assimilation de la fonction de membre du HCSF à une fonction publique non élective, qui serait incompatible avec tout mandat parlementaire aux termes de l’article L.O. 142 du code électoral, reste donc à trancher. On peut toutefois relever en faveur de la compatibilité le fait que les désignations sont de la compétence du Parlement.

  1.   La position de la commission

Suivant l’avis du rapporteur, la commission des finances a adopté l’article premier de la proposition de loi.

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté l’amendement CF35, qui prévoit que les personnalités qualifiées sont désignées pour siéger au HCSF après une audition devant les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Cette modalité serait conforme à la pratique d’autres pays, comme au Royaume-Uni où les membres extérieurs du Financial Policy Committee sont entendus par la commission des finances de la Chambre des communes. L’amendement CF1, déposé par M. Charles Sitzenstuhl (Renaissance), a été adopté afin de prévoir également une audition des parlementaires désignés pour entrer au HCSF devant les commissions des finances de chaque assemblée.

Les amendements CF25 et CF31, à l’initiative de Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES), qui adjoint le terme féminin au masculin générique utilisé pour mentionner les parlementaires désignés et les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ont été adoptés par la commission.

Enfin, l’amendement CF26 déposé par M. Mathieu Lefèvre (Renaissance), qui impose que les parlementaires désignés soient un homme et une femme, a été adopté. La commission a également adopté l’amendement CF40 du rapporteur, qui vise à ce que le processus de nomination des parlementaires par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat respecte le principe de parité entre les femmes et les hommes au sein du HCSF, et qui procède à ce titre à des coordinations à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 631‑2 du code monétaire et financier.

*

*     *

Amendement de suppression CF22 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Il s’agit d’un amendement d’appel, et nous serons à l’écoute de la réponse du rapporteur. Nous estimons en effet que cet article fait courir un risque d’ingérence politique dans les décisions d’une autorité chargée de la fixation de ratios macroprudentiels, quand la sagesse commanderait qu’elle en soit préservée. S’il existe une forte demande des ménages quant à la possibilité d’emprunter davantage afin d’accéder à la propriété, elle ne doit pas nous conduire à ne plus les protéger contre le surendettement. Il sera peut-être possible de trouver une rédaction rendant seulement consultatif l’avis des parlementaires siégeant au HCSF.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. Il est important que le Parlement soit représenté au sein du HCSF – dès lors que l’indépendance des membres ainsi désignés est assurée – pour apporter son analyse et contribuer à la transparence de la gouvernance de l’organe. Je souhaite que l’article soit maintenu afin que nous puissions continuer de l’enrichir ensemble.

L’amendement est retiré.

Amendement CF8 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Le 30 mars, dans un entretien au Parisien, Frédéric Figer, directeur de la clientèle des particuliers du réseau SG – Société générale –, disait qu’il n’y avait plus de problème avec le HCSF car les critères d’endettement pour l’achat immobilier ont déjà été assouplis. On ne peut donc pas justifier la proposition de loi par les besoins du marché immobilier. Ce qui bloque, ce sont le fait que les ménages attendent la baisse des taux et le climat anxiogène que le Gouvernement entretient en réduisant massivement le budget.

Le HCSF, reconnu par les acteurs européens et internationaux, garantit à la France des taux d’emprunt plus bas que la moyenne. Monsieur le rapporteur, vous avez auditionné la Banque de France. Quel était son point de vue sur le texte ?

L’instance n’est pas purement technique puisqu’elle est présidée par le ministre de l’économie. Il s’agit par cet amendement de préserver sa neutralité en y intégrant non pas deux parlementaires, mais quatre, désignés par les oppositions et par la majorité.

M. Lionel Causse, rapporteur. La Banque de France, que nous avons auditionnée, est contre la proposition de loi. Mais nous avons aussi entendu beaucoup d’autres acteurs, dont la Fédération bancaire française, selon laquelle il serait notamment souhaitable de pouvoir suspendre, sinon exclure, l’application de ces règles à l’investissement locatif et d’assouplir l’usage de la marge de flexibilité accordée aux banques, dont les sous-critères sont complexes à gérer. Quant à l’Association nationale des conseils financiers, elle insiste sur la prise en compte du reste à vivre. Bref, nous répondons à la demande de nombreux acteurs qui souhaitent que nous puissions avancer sur le sujet.

Avis défavorable à l’amendement : un député et un sénateur, c’est le meilleur équilibre pour préserver l’indépendance de l’instance.

Mme Nadia Hai (RE). L’amendement m’étonne. Je crois que son auteur voulait soutenir l’amendement précédent de suppression de l’article 1er. Il y a un problème de cohérence.

Au sein du HCSF, un député et un sénateur, c’est en effet le bon équilibre.

Nous voterons contre l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Il faut se garder des a priori, ma chère collègue : M. Rome était contre l’amendement précédent, comme je l’aurais été moi-même. En effet, je suis très dubitatif vis-à-vis des instances financières indépendantes du pouvoir politique, par exemple la Banque centrale européenne. Je ne suis pas loin de penser, comme M. Tanguy, que plus l’Assemblée nationale peut décider, s’agissant de questions qui ne sont pas techniques mais éminemment politiques, mieux c’est. Je ne comprends pas très bien l’opposition à l’amendement : augmenter le nombre de parlementaires siégeant au HCSF a pour but d’améliorer la représentation de la diversité des opinions. C’est un principe de précaution. J’y suis d’autant plus sensible que l’un des parlementaires serait nommé par les présidents des commissions des finances.

M. Paul Molac (LIOT). Je soutiens l’amendement. Le HCSF est présidé par le ministre de l’économie : le Gouvernement y est déjà représenté. Il serait de bon sens que, si des parlementaires y siègent, il y ait parmi eux au moins un député et un sénateur de l’opposition, sans quoi il n’y aura plus de pluralité, donc plus d’équilibre.

M. Philippe Brun (SOC). Nous voterons pour l’amendement.

La majorité et l’opposition ont des avis divergents sur les ratios d’endettement. Les experts sont très défavorables à ce que souhaite le Gouvernement. Lisez la réponse de François Villeroy de Galhau à Bruno Le Maire qui lui demandait d’assouplir ces ratios !

Si l’on souhaite politiser le HCSF – et nous ne refusons pas la politique puisque nous sommes des responsables politiques –, autant y assurer le pluralisme.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Nous voterons nous aussi pour l’amendement. Nous en avons déposé qui vont dans le même sens. Il s’agit aussi pour nous de respecter la parité entre hommes et femmes.

Mme Véronique Louwagie (LR). La question posée est intéressante. S’il y a parmi les membres un seul député et un seul sénateur, on peut supposer qu’ils feront partie de la majorité de chacune des chambres ; s’il y en a deux, cela permet d’ajouter des parlementaires de l’opposition. Au sein de la gouvernance de BPIFrance siègent deux députés et deux sénateurs appartenant à la majorité et à l’opposition. Qu’en est-il dans d’autres institutions ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons l’amendement. Mieux vaut deux députés qu’un seul, même s’il en faudrait soixante-treize – le nombre de membres de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

C’est surréaliste. Je n’ai eu aucune réponse au sujet de l’inutilité de ce machin. A-t-il alerté sur un risque financier, une dérive des banques, le péril menaçant le secteur immobilier ? Absolument pas. Au contraire, sous couvert de rassurer leur monde, ces espèces de technocraties d’experts à la noix ne font que cautionner une dérive à laquelle elles sont toujours associées, par intérêt de classe ou personnel. C’est par la démocratie qu’il faut briser cette dérive, par le contrôle qu’exercent les élus du peuple, qui savent ce qu’ils font.

Souvenons-nous des États-Unis : c’est du fait des experts que la finance y a dérivé à partir des années 1990. Ce sont aussi les pseudo-experts qui ont bloqué la séparation entre banques de dépôt et banques d’affaires, une solution basique qui avait permis de remédier à la crise des années trente. Faire croire que les experts sont meilleurs que les élus, ça suffit !

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Je me réjouis que le débat commence, car le sujet est crucial.

L’objet de l’amendement est de préserver un équilibre.

Il faudrait que, avant l’examen en séance publique, le HCSF et la Banque de France soient auditionnés non par le seul rapporteur, mais par l’ensemble de notre commission. Le texte en serait plus lisible.

M. Lionel Causse, rapporteur. Certes, le HCSF est présidé par le ministre de l’économie, mais l’ordre du jour et les propositions émanent uniquement du gouverneur de la Banque de France.

Quant à l’audition que vous proposez, je défendrai un amendement tendant à ce que les membres du HCSF soient auditionnés chaque année par les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF2 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Puisque le rejet de l’amendement précédent empêche de garantir la pluralité au sein du HCSF et que le ministre de l’économie n’y fixe pas l’ordre du jour, nous proposons de l’exclure de la liste des membres. La majorité sera déjà suffisamment représentée par les deux parlementaires.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. L’équilibre proposé permet d’assurer la présence du Parlement au sein du HCSF. Le ministre de l’économie y a lui aussi toute sa place – celle-ci n’a été remise en cause dans aucune des auditions que nous avons conduites.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Je suis défavorable à l’amendement mais, comme mes collègues du groupe Socialistes, j’appelle à une grande vigilance concernant ce que nous sommes en train de faire, en particulier dans l’article 1er. Le HCSF a été conçu pour être une autorité macroprudentielle surveillant le système financier – nous n’arrêtons pas de parler d’immobilier, mais ce n’est pas la raison d’être de cette instance. Il s’agit d’un lieu d’expertise qui fonctionne plutôt bien. En y intégrant des parlementaires, je crains – c’est un avis personnel – que nous n’en fassions un lieu de joutes politiques et que nous ne dénaturions ainsi sa mission. L’amendement en discussion montre bien que nous sommes sur cette pente.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre cet amendement. Quel beau cadeau pour un gouvernement ! Vous voulez retirer son rôle dans ce machin à celui qui, aux yeux des Françaises et des Français, est responsable de la situation économique, financière et bancaire. Ainsi, à la prochaine crise, le ministre pourra dire « c’est pas moi, je n’étais pas au courant, les experts » – à la noix – « ne m’avaient pas prévenu, ils se sont réunis dans mon dos, je n’ai pas choisi l’ordre du jour, si on m’avait consulté ça aurait été différent ». Il y a dans les démocraties occidentales une chaîne systématique de déresponsabilisation. Nos concitoyens veulent que nous soyons responsables. Et là, vous organisez l’irresponsabilité !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF3 de M. Michel Sala

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Nous souhaitons limiter l’emprise du pouvoir exécutif sur les décisions du HCSF en retirant au ministre la possibilité de nommer arbitrairement une personnalité qualifiée. Il préside déjà le HCSF : il serait manifestement déséquilibré en faveur de l’exécutif de lui conserver ce pouvoir de nomination. Notre amendement tend à garantir l’indépendance et l’impartialité du Haut Conseil et à contribuer à la stabilité de ses équilibres internes.

M. Lionel Causse, rapporteur. Les trois personnalités qualifiées nommées au sein du HCSF par le ministre de l’économie, la présidente de l’Assemblée nationale, et le président du Sénat sont indépendantes. Il me semble important de conserver les trois en raison de leur contribution aux décisions du HCSF.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CF35 de M. Lionel Causse et CF4 de M. Sébastien Rome (discussion commune)

M. Lionel Causse, rapporteur. Mon amendement prévoit que les personnalités qualifiées sont désignées pour siéger au HCSF après une audition devant les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Le nôtre tend à ce qu’elles soient désignées sur avis conforme des commissions permanentes chargées des finances statuant à bulletin secret à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. Une audition suffira à garantir l’indépendance des personnes nommées. Votre proposition créerait des lourdeurs et risquerait de bloquer le système.

M. Daniel Labaronne (RE). Il a été question d’« experts à la noix » au sujet des membres du HCSF. Parmi ses membres de droit figurent Bruno Le Maire, le gouverneur de la Banque de France, le vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le président de l’Autorité des marchés financiers et celui de l’Autorité des normes comptables. En fait d’experts à la noix, nous sommes plutôt gâtés ! Quant aux personnalités qualifiées, ce sont trois professeurs d’université reconnus par la communauté scientifique. Un peu de respect pour ces personnes qui veillent à ce que notre système financier reste stable et ne parte pas à la dérive.

M. le président Éric Coquerel. Dès lors que l’on ouvre le HCSF à des parlementaires, les amendements tendent à rendre cette instance la plus représentative possible. J’espère que la représentation des oppositions parlementaires, à laquelle tendait l’amendement CF8, fera l’objet d’une réflexion avant l’examen en séance.

La commission adopte l’amendement CF35.

En conséquence, l’amendement CF4 tombe.

Amendement CF25 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à encourager une politique linguistique qui fait de la féminisation une priorité afin de remédier à un décalage entre les mots et les mœurs. À cette fin, il tend à ajouter les mots « ou une députée » après le mot « député » et les mots « ou une sénatrice » après le mot « sénateur ». Dans une instance financière, en particulier, cela ne ferait pas de mal.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis favorable à cet amendement de bon sens.

Mme Nadia Hai (RE). Nous voterons pour l’amendement, dès lors qu’il n’est pas incompatible avec celui, à venir, de M. Lefèvre qui tend à imposer la désignation paritaire des députés.

M. Fabien Di Filippo (LR). On tombe dans l’absurde en croyant que féminiser le nom de la fonction garantira la parité. La démarche est purement symbolique, sans effet réel. Je vous renvoie aux préconisations de l’Académie française : comme l’un de nos anciens collègues aimait à le rappeler, la fonction, employée au masculin, désigne un député comme une députée. Il n’y a aucune ambiguïté sur ce point. Chercher des querelles là où il n’y en a pas, essayer de pousser des symboles qui n’apportent rien ne rend pas service à la cause ; ce n’est qu’une forme de féminisme mal placé.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Vous pourriez me remercier de vous avoir évité l’écriture inclusive !

La commission adopte l’amendement.

Amendements CF7 de M. Michel Sala et CF32 de Mme Christine Arrighi (discussion commune)

M. Michel Sala (LFI-NUPES). Nous souhaitons garantir que les parlementaires désignés par les présidents de chaque chambre seront issus des oppositions, afin de ne pas bouleverser les équilibres internes au Haut Conseil et de respecter le droit des oppositions à y être représentées. Le Gouvernement et la majorité à l’Assemblée nationale le sont déjà par trois membres sur huit : le ministre chargé de l’économie, la personnalité qualifiée qu’il nomme et celle que nomme la présidente de l’Assemblée. En incluant deux membres supplémentaires issus de la majorité, on risque de faire basculer l’équilibre entre personnalités institutionnelles et personnalités plus politiques.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable. Ce n’est pas au niveau de la loi qu’il faut préciser ces éléments. En outre, seuls trois membres sur dix – le ministre et les deux parlementaires – seront des personnalités politiques ; les personnalités qualifiées sont indépendantes, personne ne le met en doute.

Comme l’a proposé le président, voyons avant l’examen en séance comment garantir une meilleure représentativité.

Mme Nadia Hai (RE). La nouvelle configuration permettra à un membre de l’opposition de siéger au HCSF, ce qui n’a pas toujours été le cas et pourrait ne plus l’être à l’avenir. Je suggère que l’amendement soit retiré et retravaillé en vue de la séance afin que majorité et opposition soient représentées au sein du Haut Conseil.

M. le président Éric Coquerel. Je souscris à cette proposition. Ce sera toujours ça de pris !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CF6 de M. Sébastien Rome et CF31 de Mme Christine Arrighi (discussion commune)

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Notre débat fait prendre conscience de la nécessité démocratique de la représentativité des parlementaires qui siégeront au HCSF.

Nous proposons que les membres issus du Parlement soient nommés non par la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, mais par les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il s’agit toujours de garantir la pluralité des points de vue.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Je propose d’ajouter les mots « ou la présidente » après le mot « président ».

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement CF6. Je suis d’accord pour travailler en vue de la séance à une meilleure représentativité des membres de l’instance issus du Parlement.

Avis favorable au CF31.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons l’amendement CF6. Tant qu’à créer des experts, donnons le pouvoir à des gens qui y connaissent quelque chose. Par nature, le président du Sénat et la présidente de l’Assemblée nationale ne peuvent pas être experts en tout. Donc, avant de nommer ces personnalités, ils demanderont l’avis d’experts : en réalité, ce sont des experts qui vont nommer des experts au nom de la représentation nationale. Mieux vaut donner le pouvoir de nomination aux présidents des commissions compétentes. Soyez logiques dans votre illogisme !

La commission rejette l’amendement CF6.

Elle adopte l’amendement CF31.

Amendement CF33 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Les commissions des finances des deux chambres du Parlement sont compétentes en matière économique, monétaire et financière. C’est à ce titre que nous nous prononçons sur la nomination de certains membres du HCSF après leur audition dans nos commissions.

Nous proposons que notre commission, par l’intermédiaire de son président ou de sa présidente, soit plus étroitement associée à la désignation de la députée ou du député et de la sénatrice ou du sénateur qui compléteront la liste des membres du HCSF. À cette fin, le président ou la présidente de la commission des finances de l’Assemblée nationale et son homologue du Sénat feront des propositions au président ou à la présidente de chaque chambre du Parlement.

M. Lionel Causse, rapporteur. Actuellement, aucun parlementaire n’est désigné directement sur proposition des présidents des commissions des finances pour siéger au sein d’une autorité de régulation.

Il me paraîtrait intéressant que le parlementaire désigné soit auditionné par la commission des finances de sa chambre. C’est le sens de l’amendement CF1 de M. Sitzenstuhl, que je soutiendrai. Je demande le retrait du présent amendement au profit de cet amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF1 de M. Charles Sitzenstuhl

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Je l’ai dit, je suis réservé au sujet de l’article 1er. Néanmoins, dès lors que l’on fait siéger un député et un sénateur au HCSF, il me semble important que nous débattions au sein des commissions des finances de l’état d’esprit du collègue qui sera désigné pour cela. Il s’agit de bien veiller à ce que l’objet de sa mission soit l’expertise : il ne doit pas utiliser le HCSF comme une tribune ou un espace de joutes politiques.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CF26 de M. Mathieu Lefèvre

M. Mathieu Lefèvre (RE). Mon amendement vise à imposer la parité lors de la désignation des deux parlementaires.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis favorable.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Je m’interroge sur votre conception de la parité. L’amendement de M. Rome portant à douze le nombre de membres permettait la parité homme-femme au niveau de l’Assemblée, d’une part, et du Sénat, d’autre part. Ici, la parité homme-femme s’apprécie entre les représentants de chaque chambre. Où sera l’homme, où sera la femme ?

M. Mathieu Lefèvre (RE). Il en est déjà ainsi ailleurs, notamment au sein du Haut Conseil des finances publiques.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Ce n’est pas un argument. La parité doit s’entendre au sein de chaque chambre et non entre les deux chambres.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CF23 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement de repli vise à accorder une voix consultative aux deux parlementaires désignés.

Nous sommes réservés sur l’idée de politiser le Haut Conseil de stabilité financière car, dans le passé, certains responsables politiques se sont montrés sensibles au lobby de l’immobilier. En 2007, avant qu’il ne devienne président de la République, Nicolas Sarkozy proposait d’instaurer un système de subprimes en France dans le but de permettre aux ménages à revenu modeste de garantir leur emprunt par la valeur de leur logement. S’il avait été membre du Haut Conseil, il aurait certainement proposé un abaissement des ratios macroprudentiels. Nous sommes heureux que cette réforme n’ait pas abouti.

M. Lionel Causse, rapporteur. Les parlementaires resteront minoritaires au sein du Haut Conseil. Les priver du droit de vote aurait tendance à ne pas satisfaire notre besoin de transparence et de participation du Parlement dans l’instance. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je ne suis pas favorable à des institutions financières indépendantes du pouvoir politique. De plus, on ne peut pas laisser penser qu’un parlementaire serait plus sensible au lobbying qu’une personnalité qualifiée. Certains exemples prouvent l’inverse. En conséquence, je voterai contre l’amendement.

Mme Nadia Hai (RE). Monsieur Brun, votre ligne est incohérente depuis le départ : d’un côté, vous approuvez l’augmentation du nombre de parlementaires par rapport au texte initial ; de l’autre, vous proposez qu’ils n’aient qu’une voix consultative.

Comme l’a justement rappelé M. le président Coquerel, il est grave d’accuser un parlementaire siégeant dans une instance d’être à l’origine d’ingérences politiques.

M. le président Éric Coquerel. Je n’ai pas dit que M. Philippe Brun accusait les parlementaires.

M. Philippe Brun (SOC). Si l’on décide de faire de cette instance technique une instance politique – je n’y suis pas favorable mais c’est apparemment le choix de la commission –, autant qu’elle soit pluraliste afin que les questions sensibles comme l’accès au crédit puissent faire l’objet d’un débat contradictoire : le pouvoir arrête le pouvoir. C’est le sens de mon vote favorable aux amendements de nos collègues Insoumis, même si je continue de préférer que le Haut Conseil conserve une dimension d’expertise indépendante.

J’alerte la commission sur le but que vise la proposition de loi : mettre sous tutelle le Haut Conseil pour permettre à Bruno Le Maire d’imposer les décisions que François Villeroy de Galhau refuse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CF10 de M. Sébastien Rome

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Il s’agit de préciser que les « personnalités qualifiées désignées représentent différentes sensibilités économiques ». Évoquer les différents courants de la pensée économique – néolibéral, hétérodoxe, etc. – permet de garantir la pluralité, afin de mieux anticiper les crises systémiques, ce qui est la mission du Haut Conseil.

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement soulève la difficulté de définir ces différentes sensibilités économiques. On laisserait le politique apprécier cette notion très imprécise alors que l’indépendance des personnalités qualifiées doit être préservée. Surtout, elle n’est pas pertinente pour assurer la qualité des décisions du HCSF. Le seul critère de désignation doit être celui des compétences correspondant au périmètre du Haut Conseil.

Enfin, les personnes auditionnées ont rappelé que, si rien n’empêche de nommer des personnalités qualifiées de différentes écoles de pensée, de nombreux principes de lutte contre le risque systémique sont consensuels et s’appuient sur des connaissances communes au sein de nombreuses écoles économiques. À l’instar de ce que vous dénoncez dans votre exposé sommaire, c’est votre amendement qui serait une attaque à l’indépendance du HCSF. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo (LR). L’amendement apporte certainement davantage de questions qu’il n’en résout. Je m’interroge aussi sur la façon dont on pourrait classifier les experts, entre économistes de gauche ou de droite. Monsieur le président de la commission, qui êtes économiste, accepteriez-vous d’être qualifié d’économiste d’extrême gauche ?

M. le président Éric Coquerel. Pas davantage que je ne vous associe à l’extrême droite, monsieur Di Filippo.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons cet amendement par ironie car il est un aveu que l’expertise indépendante n’existe pas. Tout cela est un mensonge. Il y a des gens qui connaissent leur sujet, qui ont un avis. Ce ne sont pas des robots : ils ont des opinions politiques, des intérêts personnels, des intérêts de classe, des connaissances, des ambitions, un passif, un passé. Les experts ne sont que les représentants d’intérêts ou d’idéologies, toutes respectables, mais jamais infaillibles. Il existe de vrais experts : ceux de la Nasa – National Aeronautics and Space Administration – sont capables d’envoyer une fusée sur la lune. Les économistes, eux, n’ont jamais été capables d’atteindre la moindre cible qu’ils s’étaient fixée.

Mme Nadia Hai (RE). Je tombe des nues : tout à l’heure, les experts étaient « à la noix », maintenant ils ont diverses sensibilités. Le HCSF est un gros « machin ». Vous êtes dans la critique permanente. Pour vous, il y aurait différentes sensibilités chez les experts, mais pas chez les personnalités politiques auxquelles vous voulez donner le pouvoir.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Bien entendu, ils sont élus pour ça. C’est normal !

Mme Nadia Hai (RE). Encore une fois, je ne vois aucune cohérence dans les propos du Rassemblement national. Nous voterons contre l’amendement car nous ne portons pas d’accusation contre les personnalités qui siégeront au HCSF.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Vous avez une piètre image de ce qu’est la science économique. Il s’agit non de qualifier les experts d’économistes de gauche ou de droite mais de préciser l’école économique dont ils se réclament – ces courants, se fondant sur des présupposés différents, parviennent à des conclusions diverses. Certes, des sensibilités de gauche peuvent se sentir plus proches de certaines analyses économiques que d’autres. Que les différentes écoles de pensée soient représentées garantit une analyse plus performante.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CF40 de M. Lionel Causse et CF27 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune)

M. Lionel Causse, rapporteur. L’amendement CF40 vise à ce que le processus de nomination des parlementaires par le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat respecte le principe de parité entre les femmes et les hommes.

La commission adopte l’amendement CF40, l’amendement CF27 ayant été retiré.

Amendement CF9 de M. Michel Sala

M. Michel Sala (LFI-NUPES). L’amendement prévoit d’augmenter le nombre de réunions du Haut Conseil, passant d’un rythme trimestriel à une réunion mensuelle. La formulation vague d’une réunion « en tant que de besoin » laisse au Gouvernement la possibilité d’en déterminer la nécessité, donc de ne pas le réunir. Augmenter la fréquence des réunions garantit aussi au Haut Conseil de mieux suivre les évolutions des conjonctures économiques et financières et d’y répondre rapidement.

M. Lionel Causse, rapporteur. Une réunion par mois, cela paraît excessif. Rien n’empêche le gouverneur de la Banque de France d’organiser davantage de réunions que les quatre prévues. Les personnes auditionnées ont confirmé l’existence de nombreuses réunions de travail pour préparer celles du HCSF.

M. Patrick Hetzel (LR). Si quatre réunions annuelles peuvent sembler insuffisantes, douze réunions, cela relève de la réunionite.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les commissaires aux finances sont heureux de se défausser de leur pouvoir et de constater qu’ils sont moins pertinents que des experts. En revanche, nous exerçons notre pouvoir souverain en suggérant d’ajouter les mots « ou la présidente ».

La commission rejette l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Les amendements adoptés ont permis de féminiser les dispositions de l’article 1er, d’instaurer la parité dans les désignations au HCSF et d’accroître le nombre d’auditions. De plus, le rapporteur s’est engagé à retravailler un amendement améliorant le pluralisme des représentants, notamment avec M. Rome.

La commission adopte l’article 1er modifié.

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Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 de la proposition de loi autorise les établissements de crédit ou les sociétés de financement à ne pas appliquer les décisions du HCSF en matière de taux d’effort des emprunteurs, prises sur le fondement du 5° de l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier, à la condition de démontrer que le crédit proposé ne présente pas de risque d’endettement excessif pour l’emprunteur.

Modifications apportées par la commission

Après avoir adopté un amendement à l’initiative du rapporteur et un sous-amendement présenté par M. Mathieu Lefèvre, la commission des finances a adopté cet article.

L’amendement adopté réécrit l’article 2, qui prévoit désormais que pour les décisions prises en application du 5° de l’article L. 631‑2‑1 du code monétaire et financier :

– le HCSF, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, peut fixer les conditions dans lesquelles les établissements de crédits et les sociétés de financement peuvent déroger à ses décisions en matière d’octroi de crédit, en tenant compte « des variations de l’offre et de la demande de crédit » ;

– les décisions sont mises en place pour trois mois, renouvelables si les conditions le justifient, après consultation du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) ;

– le HCSF doit tenir compte du niveau de respect par les entités soumises à ses décisions des exigences prudentielles définies par le règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

– le HCSF doit porter attention aux effets de ses décisions sur la capacité du système financier à assurer une contribution soutenable à la croissance économique ;

– sous réserve des informations couvertes par le secret professionnel, la proposition formulée par le gouverneur de la Banque de France au président du HCSF fait l’objet d’une publication ;

– les décisions sont systématiquement rendues publiques.

  1.   L’État du droit

Afin de « prévenir l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques », l’article 30 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires permet au HCSF, sur proposition de la Banque de France, de fixer des conditions d’octroi de crédit par les entités soumises au contrôle de l’ACPR ou de l’AMF et ayant reçu l’autorisation d’exercer cette activité, « lorsque ces entités consentent des prêts à des agents économiques situés sur le territoire français ou destinés au financement d’actifs localisés sur le territoire français » ([34]).  

La compétence attribuée par le 5° de l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier au HCSF est nouvelle par rapport aux pouvoirs dont disposait le COREFRIS, ancienne autorité chargée de la surveillance macroprudentielle.

L’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier prévoit également que « le gouverneur de la Banque de France peut décider de rendre publique la proposition qu’il formule au titre » du 5° du même article. Ces décisions peuvent faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État, ce qui n’a jamais été le cas à ce jour selon les informations obtenues par le rapporteur.

Par ailleurs, si l’article L. 631-2-1 ne prévoit pas de manière explicite que les décisions du HCSF relatives à la fixation des conditions d’octroi de crédit sont publiées, à l’inverse de celles mentionnées aux 4°, 4° bis, 5° bis et 5° ter du même article, l’article R. 631-6 du code monétaire et financier dispose que ces décisions « sont publiées au Journal officiel de la République française ainsi que sur le site internet du Haut Conseil de stabilité financière ».

Enfin le II de l’article R. 631-8 du code monétaire et financier détermine que ces décisions du HCSF « sont adoptées à condition qu’au moins quatre membres aient émis un vote favorable », avec une voix prépondérante du président, c’est-à-dire du ministre de l’économie, en cas de partage égal des voix.

  1.   Le dispositif proposÉ

L’article 2 de la proposition de loi insère un alinéa à l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier afin de préciser que les décisions prises par le HCSF en application du 5° du même article en matière de taux d’effort de l’emprunteur peuvent être écartées par les établissements de crédit ou les sociétés de financement, à la condition de démontrer que le crédit proposé ne présente pas de risque d’endettement excessif.

Mme Karine Berger, rapporteure à l’Assemblée nationale sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, écrivait dans son rapport que le futur HCSF « aurait le pouvoir d’imposer des critères quantitatifs sur les conditions d’octroi, par les établissements de crédit, de prêts individuels, en fonction des caractéristiques des emprunteurs – ce qui écarte la possibilité de mener une politique globale d’encadrement du crédit. » ([35]) Ce rapport soulignait également que le pouvoir du HCSF en la matière avait vocation à être utilisé « avec parcimonie », tandis que toute décision serait précédée par une analyse approfondie des coûts et bénéfices « à partir d’une batterie d’indicateurs quantitatifs. »

Ces observations ne semblent pas correspondre à la réalité de l’exercice du pouvoir du HCSF, qui encadre aujourd’hui depuis presque trois ans l’ensemble des crédits immobiliers.

Alors qu’il convient de faciliter l’accès au crédit de personnes ne présentant pas de risques d’endettement excessif, la limite du taux d’effort de 35 % ne paraît pas la plus appropriée et il semble préférable de laisser les banques utiliser leurs propres outils d’évaluation des risques d’endettement des emprunteurs en prenant notamment en compte leur « reste à vivre ».

L’intention du rapporteur est de revenir au régime des recommandations qui prévalait avant la décision de 2021. L’article 2 propose ainsi de limiter le pouvoir contraignant des normes du HCSF en matière de fixation des conditions d’octroi de crédit, à la condition de démontrer que les emprunteurs envisagés ne sont pas en situation d’endettement excessif.

  1.   La position de la commission

À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté l’amendement CF41, qui réécrit l’article 2 de la proposition de loi.

● L’amendement CF41 vise à compléter et préciser l’encadrement des décisions du HCSF en matière de fixation des conditions d’octroi de crédit, tout en préservant les capacités d’action contraignantes de l’autorité en la matière.

Ainsi, il ne reprend pas la possibilité contenue dans le texte initial, qui permettait aux établissements de crédit et aux sociétés de financement de déroger aux normes du HCSF prises en application du 5° de l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier, après démonstration d’une absence d’endettement excessif de l’emprunteur.

En effet, la faculté de dérogation aux normes du HCSF en matière de fixation des conditions d’octroi de crédit qui serait alors attribuée aux établissements de crédit et aux sociétés de financement présenterait des risques potentiels en matière de maîtrise de l’endettement privé. Sans être pour autant un retour intégral à une forme d’autorégulation des acteurs financiers, puisqu’ils seraient toujours soumis à la démonstration de l’absence de risque d’endettement excessif des emprunteurs, cette mesure rendait le pouvoir du HCSF moins effectif et pouvait représenter une complexité pour les établissements sur lesquels reposait la charge de la preuve.

Le rapporteur a donc été attentif à l’argument selon lequel cette souplesse accordée afin de favoriser l’accession à la propriété des ménages, au regard du système robuste de crédit à l’habitat français, pouvait également présenter des risques une fois le cycle du crédit réamorcé.

● L’amendement CF41 consacre au niveau législatif la faculté pour le HCSF, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, de fixer les conditions dans lesquelles les établissements de crédits et les sociétés de financement peuvent déroger à ses décisions en matière d’octroi de crédit, comme il le permet déjà aujourd’hui, avec un complément lui enjoignant de tenir compte à ce titre « des variations de l’offre et de la demande de crédit » (b du 1° de l’article 2 du texte adopté par la commission).

Le c du 1° de l’article 2 du texte adopté par la commission propose que les décisions du HCSF prises en application du 5° de l’article L. 631‑2‑1 du code monétaire et financier soient mises en place pour trois mois, renouvelables si les conditions le justifient, après consultation du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) instauré par l’article L. 614-1 du code monétaire et financier.

Lors de sa prise de décision relative aux conditions d’octroi de crédit, le HCSF doit désormais également :

– tenir compte du niveau de respect par les entités soumises à ses décisions des exigences prudentielles définies par le règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui introduit dans le droit européen le dispositif dit de « Bâle III » (a du 1° de l’article 2 du texte adopté par la commission) ;

– porter attention aux effets de ses décisions sur la capacité du système financier à assurer une contribution soutenable à la croissance économique, ce qui est un rappel du premier alinéa de l’article L. 631‑2‑1 du code monétaire et financier (b du 1° de l’article 2 du texte adopté par la commission).

Enfin, afin d’améliorer la transparence de la prise de décision et de mieux comprendre les travaux du HCSF, l’amendement CF41 vise à ce que :

– sous réserve des informations couvertes par le secret professionnel mentionnées au 1° de l’article L. 631‑2‑1 du code monétaire et financier, la proposition formulée par le gouverneur de la Banque de France au président du HCSF au titre de la détermination des conditions d’octroi de crédit fasse l’objet d’une publication (2° de l’article 2 du texte adopté par la commission) ;

– les décisions prises par le HCSF en application du 5° de l’article L. 631‑2‑3 du code monétaire et financier soient systématiquement rendues publiques (3° de l’article 2 du texte adopté par la commission).  

L’ensemble de ces dispositions, qui modifient en profondeur l’article 2 du texte initial, maintiennent l’effectivité des pouvoirs du HCSF, tout en l’invitant à davantage motiver ses décisions et à être plus transparent vis-à-vis du public. L’objectif est également d’inciter le HCSF à mieux prendre en compte les conséquences de ses décisions sur l’économie réelle.

● En outre, la commission des finances a adopté le sous-amendement CF44, déposé par M. Mathieu Lefèvre (Renaissance), à l’amendement CF41. Ce sous-amendement vise à ce que l’article 2 de la proposition de loi entre en vigueur après consultation de la Banque centrale européenne (BCE).

Conformément au paragraphe 4 de l’article 127 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la BCE « est consultée (…) par les autorités nationales, sur tout projet de réglementation dans les domaines relevant de sa compétence ». Or le paragraphe 5 de l’article 127 du TFUE prévoit que le système européen de banques centrales (SEBC), composé de la BCE et des banques centrales nationales, « contribue à la bonne conduite des politiques menées par les autorités compétentes en ce qui concerne le contrôle prudentiel des établissements de crédit et la stabilité du système financier. » La proposition de loi portant bien sur un domaine relevant des attributions de la BCE, cette dernière doit donc être consultée.

Toutefois, il convient de préciser que le seul fait de soumettre l’entrée en vigueur de l’article 2 à la consultation de la BCE ne saurait satisfaire aux exigences du droit de l’Union européenne. En effet, l’article 4 de la décision 98/415/CE du Conseil ([36]) indique que chaque État membre « veille à ce que la BCE soit consultée en temps utile pour permettre à l’autorité qui prend l’initiative d’un projet de réglementation de tenir compte de l’avis de la BCE avant de prendre sa décision sur le fond ». Aux termes de l’article 3 de la même décision, le délai de présentation de l’avis ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de notification, sauf cas d’extrême urgence. La BCE peut demander une extension du délai de quatre semaines, qui ne peut être refusée sans motif raisonnable. À l’expiration du délai imparti, il est possible de passer outre l’absence d’avis.

Ainsi, la consultation de la BCE devrait avoir lieu avant l’adoption définitive de la proposition de loi afin de permettre aux parlementaires d’avoir encore la possibilité de modifier le texte après avoir pris connaissance de l’avis. Par ailleurs, la BCE devrait être saisie de l’ensemble des articles de la proposition de loi et non uniquement de son article 2. En pratique, cette consultation est réalisée par le Gouvernement.

● Suivant l’avis du rapporteur, la commission des finances a adopté l’article 2 de la proposition de loi ainsi modifié.

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Amendements de suppression CF11 de M. Michel Sala, CF17 de M. Jean-Marc Tellier et CF24 de M. Philippe Brun

M. Michel Sala (LFI-NUPES). L’amendement CF11 vise à supprimer l’article 2, qui remet en cause la légitimité du Haut Conseil en raison de son non-alignement politique. Les représentants du HCSF et de la Banque de France se sont prononcés contre toute modification de la règle prévoyant une capacité d’endettement maximale de 35 % car le Haut Conseil n’est pas chargé de fixer les règles concernant le marché de l’immobilier. En outre, ce contournement se ferait au détriment de la qualité du crédit et reviendrait sur les principes de sécurité existant depuis 2008. L’article aura pour conséquence d’exposer les futurs acquéreurs à des risques de défaut renforcés. Financiariser l’économie pourrait conduire à des créances pourries, celles-là mêmes qui ont mené à la crise de 2008 aux États-Unis.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). L’article permet aux banques de déroger au critère du taux d’effort, fixé à 35 % d’endettement. Les banques n’utilisent pas toutes les mesures de flexibilité existantes : certaines continuent de fixer une limite au taux d’effort à 33 %, et les 20 % de dérogation aux règles du droit commun ne sont pas atteints. Ces leviers semblent inefficaces, à l’heure où le véritable frein est le coût du crédit.

Comme le Haut Conseil de stabilité financière l’a rappelé plusieurs fois, le taux d’effort permet de protéger les ménages du risque de surendettement et de prévenir le risque systémique qui pourrait en résulter pour l’économie. Faire sauter ce verrou s’avère dangereux, alors que le critère retenu pour le remplacer – laisser à chaque banque le soin de déterminer, par le moyen qu’elle souhaite, qu’un projet ne présente pas de risque de surendettement – n’est pas satisfaisant : nous connaissons les modèles d’appréciation des risques par les banques lorsqu’il s’agit de glaner des profits supplémentaires.

Nous demandons donc de supprimer ce dispositif inefficace et dangereux.

M. Philippe Brun (SOC). Nous sommes opposés à l’article 2 car le HCSF prévoit déjà la possibilité pour les prêteurs de déroger au taux d’effort de 35 % : les banques peuvent autoriser un endettement supérieur dans 20 % des dossiers, tous les trois mois. Or cette faculté n’est utilisée qu’à hauteur de 15 % des prêts. Il convient d’appliquer la loi existante plutôt que d’élever le niveau de risque concernant l’endettement des ménages français.

M. Lionel Causse, rapporteur. La Fédération bancaire française (FBF) estime que les établissements bancaires ont toujours pratiqué des prix responsables et qu’ils sont capables de gérer les enjeux de surendettement de leurs clients. Jusqu’en 2021, le HCSF n’émettait que des recommandations ; ce n’est que depuis cette date qu’il impose des normes au secteur bancaire en matière d’octroi de crédits. Or le risque bancaire et les crédits accordés par les établissements n’ont pas été modifiés. La FBF estime important d’accroître la marge de flexibilité et souligne que les 20 % de dérogations ne sont pas atteints du fait des sous-compartiments, qui rendent leur comptabilité complexe.

J’ai toutefois entendu les arguments des personnes auditionnés. C’est pourquoi je proposerai un amendement de réécriture qui laisse la main au HCSF, tout en lui demandant d’intégrer d’autres notions dans sa prise de décision. Je vous suggère donc de retirer vos amendements de suppression à son profit, afin que nous puissions débattre de l’article 2 dans sa nouvelle rédaction ; à défaut, avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je ne doute pas de la sincérité du rapporteur car, devant la multiplication des dossiers de crédit difficilement acceptés ou refusés depuis la remontée des taux d’intérêt, on pourrait être tenté d’assouplir les règles. Ce serait pourtant proposer de mauvaises solutions à de vrais problèmes.

Il convient plutôt de s’attaquer à l’une des raisons pour lesquelles les dossiers ne passent pas, à savoir l’exigence d’un apport personnel, qui conduit les banques à refuser certains demandeurs pourtant solvables.

Surtout, l’assouplissement des règles a un effet inflationniste. Or le problème vient d’un prix trop élevé du logement. Si on adapte le crédit sur ce prix, on n’arrivera pas à le régler.

Vous comptez donner au HCSF « la possibilité de » déroger aux règles. Or les banques l’ont déjà, à hauteur de 20 %, et elles ne l’utilisent pas. C’est la question sur laquelle il faut travailler.

Je partage donc les réserves émises sur l’article.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Une fois n’est pas coutume, je suis assez en phase avec vous et je remercie le rapporteur pour son travail de réécriture de l’article. Il serait baroque d’avoir donné ce rôle d’encadrement au Haut Conseil, puis de voter un dispositif lui permettant de l’outrepasser. La hausse des taux a pour objectif de lutter contre l’inflation. Ce pilotage par la Banque de France vise à trouver un juste équilibre entre le soutien à l’économie et la lutte contre le surendettement et les risques de crise. Les marges de manœuvre actuelles sont significatives. Il faut renforcer la transparence, le dialogue et la visibilité sur l’action du Haut Conseil et, surtout, lui faire confiance.

C’est pourquoi je voterai contre les amendements de suppression et pour l’amendement de réécriture.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Après avoir réaffirmé à l’article 1er qu’un comité d’experts très pertinent prenait le pouvoir de la commission des finances, celle-ci demande de déroger à certaines décisions que le comité pourrait prendre car elles n’iraient pas dans le sens de l’intérêt général que la commission est censée défendre… Devant ce mécano absurde, je ne sais s’il faut rire ou pleurer. Soit la commission des finances gère l’intérêt général que les Françaises et les Français lui ont délégué ; soit il y a un comité infaillible. Mais là, nous sommes chez les fous, comme les deux courageux Gaulois des Douze Travaux d’Astérix, perdus dans un dédale bureaucratique.

Exerçons le pouvoir que les Français nous ont confié et reprenons notre sens commun face à des chiffres donnés au doigt mouillé – comme par hasard, la science économique est la seule qui arrive à des chiffres ronds.

Mme Véronique Louwagie (LR). Le prix du logement n’est pas le seul problème. Il faut aussi considérer le manque de logements ; l’application de la législation relative au zéro artificialisation nette (ZAN) qui rend la construction de logements plus difficile ; et les normes du DPE – diagnostic de performance énergétique – qui, s’appliquant à toutes les relations entre les propriétaires et les locataires, va mettre en difficulté le système locatif.

Devant les difficultés que rencontrent certains ménages pour accéder au crédit, tout ce qui assouplit le dispositif est souhaitable. Naturellement, il faut bien rédiger le dispositif et l’assortir de garde-fous.

Mme Nadia Hai (RE). Dans son propos liminaire, M. le président Coquerel a dit que les banques autorisaient peu la dérogation sur le taux d’effort et qu’elles pourraient conduire à des situations de surendettement. C’est méconnaître les mécanismes de régulation et les normes auxquelles sont soumises les banques, notamment le comité de Bâle, qui impose aux banques de gérer leur risque. Les banques produisent certes des crédits car c’est ce que l’on attend d’elles, mais elles gardent une notion rigoureuse du remboursement des engagements qu’elles sont prêtes à octroyer. C’est pourquoi je suis très défavorable aux amendements de suppression et pour l’amendement de réécriture du rapporteur.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Quand le directeur de clientèle du réseau Société générale estime qu’il n’est pas nécessaire de revoir les règles, on peut s’interroger sur cet assouplissement. Si, parallèlement, on n’augmente pas les salaires, la crise est inévitable. Je ne vois pas l’utilité de nouveaux critères d’assouplissement, puisque le dispositif a déjà été assoupli.

M. Michel Castellani (LIOT). Plusieurs éléments doivent être pris en compte : la contribution à la croissance économique, l’équilibre du système financier, la transparence, les limites induites par le possible surendettement. Il nous semble suffisamment démocratique que le gouverneur propose une dérogation au Haut Conseil, qui la votera.

La commission rejette les amendements.

Amendement CF41 de M. Lionel Causse, sous-amendements CF44 de M. Mathieu Lefèvre, CF45 et CF46 de M. Philippe Brun

M. Lionel Causse, rapporteur. Mon amendement a pour objet de préciser que les décisions du HCSF visant à déterminer les conditions d’octroi de crédit tiennent compte du niveau de respect par les entités soumises à son contrôle des exigences prudentielles définies par le règlement européen du 26 juin 2013, qui introduit dans le droit européen le dispositif dit de Bâle III. Il mentionne que le HCSF doit prêter attention aux effets de ses décisions sur la capacité du système financier à assurer une contribution soutenable à la croissance économique.

Il prévoit en outre que les possibilités de dérogation aux normes fixées en matière de conditions d’octroi de crédit sont déterminées par le HCSF, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, eu égard aux variations de l’offre et de la demande de crédit. Ces décisions sont appliquées pour trois mois renouvelables, si les conditions le justifient, après consultation du comité consultatif du secteur financier.

Afin d’améliorer la transparence de la prise de décision et de mieux comprendre les travaux de cette autorité, les décisions prises par le HCSF en application de l’alinéa 5 de l’article L. 631-2-3 du code monétaire et financier sont systématiquement rendues publiques ; le gouverneur de la Banque de France peut décider de rendre publique sa proposition concernant la fixation des conditions d’octroi du crédit par le HCSF.

M. Mathieu Lefèvre (RE). L’objectif du sous-amendement CF44 est d’inscrire la France dans un cadre européen afin que cette possibilité de déroger aux règles actuelles ne l’écarte pas trop de ce qui se pratique dans l’Union européenne. Le dispositif pourrait contribuer à fragiliser l’image de la France, notamment eu égard à la maîtrise de sa dette privée. Les critères introduits par le législateur et par les autorités européennes visent à rendre le crédit plus sûr mais pas plus rare.

M. Philippe Brun (SOC). L’amendement de réécriture ne fait que redire des critères que le HCSF respecte déjà : Bâle III s’applique et le paragraphe sur la contribution à la croissance est suffisamment flou pour ne pas être normatif.

Le sous-amendement CF45 vise à supprimer l’obligation de publicité des décisions car elle accroît la pression sur le gouverneur de la Banque de France, pour le forcer à se soumettre à la volonté des ministres de l’économie et du logement. M. Kasbarian souhaite même aller jusqu’à des prêts in fine, où l’emprunteur paie chaque mois les intérêts et ne rembourse le capital qu’en une seule fois, à l’échéance du prêt. On imagine les catastrophes en cas de séparation, de divorce, de chômage ou de baisse des prix de l’immobilier. Ne jouons pas les apprentis sorciers, ayons confiance dans la Banque de France, dans nos experts. Le Haut Conseil ne doit suivre aucune consigne politique.

Par le sous-amendement CF46, de repli, nous proposons que la publication des propositions du gouverneur de la Banque de France ne soit que facultative.

M. Lionel Causse, rapporteur. Avis favorable pour le sous-amendement CF44 : la consultation de la BCE me semble être la moindre des choses sur un tel sujet.

Avis défavorable pour les deux autres sous-amendements dont j’ai du mal à comprendre l’argumentaire : notre volonté de rendre publiques les décisions du HCSF traduirait notre manque de confiance à l’égard de cet organisme. Mon amendement de réécriture de l’article 2 montre au contraire que nous faisons confiance au HCSF et à la Banque de France, tout en appelant à plus d’informations sur la gouvernance et les prises de décision. Je m’étonne de voir que des députés ne partagent pas ce souhait.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Certains amendements renvoient à des considérations européennes. Le Gouvernement, qui défend la réalisation d’une union de marchés de capitaux et d’une union bancaire, vise à une harmonisation européenne sur ces sujets. Monsieur le rapporteur, n’y a-t-il pas de surtranspositions cachées dans ce texte et les ajouts que nous sommes en train de lui apporter ? Le secrétariat général des affaires européennes a-t-il été interrogé ? Si ce n’est pas le cas, je pense qu’il pourrait être utile de faire ce travail de vérification avant l’examen du texte en séance ; cela évitera de nous mettre en contradiction avec nos positions sur la surtransposition dans d’autres domaines.

M. Philippe Brun (SOC). Vos propos, monsieur le rapporteur, sont en décalage avec le texte de la proposition de loi. Les décisions du HCSF sont déjà publiques. Vous proposez ici de rendre public l’avis que donne le gouverneur de la Banque de France au sein du HCSF. Attaché au secret des délibérations, je propose de supprimer la publicité de l’avis donné par le gouverneur, tout en conservant le caractère public des décisions finales du HCSF.

M. Lionel Causse, rapporteur. Monsieur Sitzenstuhl, dans la réécriture de l’article, je fais précisément référence au règlement de l’Union européenne et aux normes Bâle III, afin d’éviter les surtranspositions.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Après les incantations féministes nous avons droit aux incantations fédéralistes, grâce à l’amendement de notre collègue Lefèvre. Cette année, les experts de la Banque centrale européenne ont détruit 0,6 point de PIB en Europe – ce qui a touché la France en particulier – dans les secteurs du logement et du financement des entreprises. Ils font n’importe quoi. Ils n’ont pas vu venir l’hyperinflation et, sinon par l’effet du hasard, ils n’ont jamais été capables de respecter l’objectif d’une inflation contenue à 2 %. Et vous voulez encore leur demander leur avis ! Plus les experts de la BCE se tairont, mieux la France se portera.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Monsieur Tanguy, respecter la parité dans un HCSF ne relève pas de l’incantation féministe. Votre propos est très désobligeant à l’égard des femmes parlementaires qui pourraient y siéger. Sans la BCE et les positions prises par Mario Draghi en 2011, il n’y aurait aucune stabilité ou prospérité depuis dix ans, et nous aurions largement sombré. Votre appréciation du rôle de la BCE n’est étayée que par votre opinion qui n’est en rien une vérité.

Successivement, la commission adopte le sous-amendement CF44 et rejette les sous-amendements CF45 et CF46.

Elle adopte l’amendement CF41 sous-amendé et l’article 2 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements à l’article tombent.

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Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par la commission à l’intiative du rapporteur, l’article 3 de la proposition de loi précise que les parlementaires désignés pour siéger au HCSF informent son président de leurs intérêts, fonctions et mandats détenus au cours des deux années précédant leur nomination, qu’ils détiennent ou viendraient à détenir.

En outre, cet article interdit la nomination d’un parlementaire au HCSF s’il détient un mandat ou un intérêt dans une entité soumise au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou de l’Autorité des marchés financiers ou s’il est salarié ou prestataire d’une telle entité.

  1.   L’État du droit

Le I de l’article L. 631-2-3 du code monétaire et financier, introduit par l’article 30 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013, prévoit des dispositions tendant à prévenir les conflits d’intérêt au sein du HCSF.

En vertu des 1° à 3° du I de cet article, les personnalités qualifiées doivent informer le président du HCSF, c’est-à-dire le ministre de l’économie :

– des intérêts qu’elles ont détenus au cours des deux années précédant leur nomination, qu’elles détiennent ou qu’elles viendraient à détenir ;

– des fonctions qu’elles ont exercées au cours des deux années précédant leur nomination, dans une activité sociale, économique ou financière, qu’elles exercent ou viendraient à exercer ;

– de tout mandat qu’elles ont détenu au sein d’une personne morale au cours des deux années précédant leur nomination, qu’elles détiennent ou qu’elles viendraient à détenir.

Le président du HCSF doit procéder à la publication de ces éléments.

En outre, aucun membre ne peut être salarié, prestataire, détenir un mandat ou un intérêt dans une entité soumise au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) ou de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Enfin, pendant les trois années qui suivent la fin de leurs fonctions, temporairement ou définitivement, les membres ne peuvent prendre ou recevoir une participation par conseil ou capitaux dans une personne dont ils ont été chargés d’assurer la surveillance dans le cadre de leur activité au sein du HCSF.

  1.   Le dispositif proposÉ

Cet article résulte de l’adoption des amendements identiques CF36, déposé par le rapporteur, et CF5, déposé par M. Michel Sala (LFI-NUPES).

Il soumet les parlementaires à la même obligation d’information du président du HCSF que les personnalités qualifiées, prévue aux 1° à 3° du I de l’article L. 631-2-3 du code monétaire et financier, qui porte sur leurs intérêts, fonctions et mandats détenus au cours des deux années précédant leur nomination, qu’ils détiennent ou viendraient à détenir. Ces informations sont rendues publiques par le président du HCSF.

L’article 3 s’oppose également à ce qu’un parlementaire puisse être nommé membre du HCSF s’il détient un mandat ou un intérêt dans une entité soumise au contrôle de l’ACPR ou de l’AMF ou s’il est salarié ou prestataire d’une telle entité.

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Amendement CF37 de M. Lionel Causse

M. Lionel Causse, rapporteur. Il s’agit de faire en sorte que tous les membres du HCSF, et non seulement son président, puissent être entendus annuellement par les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, afin de renforcer le contrôle du Parlement sur cette autorité. Cette audition pourrait, par exemple, avoir lieu à l’occasion de la publication du rapport annuel du HCSF prévu à l’alinéa 2 de l’article L.631-2-2 du code monétaire et financier.

Mme Véronique Louwagie (LR). Monsieur le président, la commission des finances peut-elle demander l’audition annuelle des membres du HCSF et ceux-ci sont-ils obligés d’accepter ?

M. le président Éric Coquerel. Oui.

Mme Véronique Louwagie (LR). Dans ce cas, cet amendement présente-t-il un intérêt ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). N’y aurait-il pas plus simple que de faire venir tous les membres du HCSF ? Les auditions étant ce qu’elles sont, chacun va parler pendant vingt minutes et nous en aurons pour une matinée. Ne pourrait-on pas plutôt demander au député qui siégera dans cette instance de venir nous en parler une fois par an ? Nous serions informés sans faire venir le ministre, le gouverneur de la Banque de France et d’autres encore. Évitons le formalisme !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Veillons, en effet, à ne pas nous créer une contrainte supplémentaire. Le HCSF compte neuf membres et nous pouvons déjà auditionner son président – qui peut d’ailleurs venir accompagné. Nous n’avons pas créé une telle obligation, inscrite dans la loi, pour le gouverneur de la Banque de France ou le ministre de l’économie et des finances. Nous n’allons pas nous en sortir si nous commençons à prévoir dans la loi le nombre d’auditions que nous devons faire avec les uns et les autres. Cela reviendrait même à affaiblir le pouvoir de la commission des finances.

M. Sébastien Rome (LFI-NUPES). Nous pourrions auditionner les personnalités qualifiées, d’autant qu’elles le souhaitent, non pas de manière obligatoire mais à la demande du président de la commission des finances. Il serait utile de le faire avant le passage du texte en séance, c’est-à-dire durant les quinze jours à venir.

M. Daniel Labaronne (RE). Ce débat me fait penser au comité consultatif du secteur financier (CCSF), au sein duquel je représente l’Assemblée nationale. Suivant la logique de cet amendement, nous devrions aussi prévoir d’auditionner les soixante-dix membres de ce comité. Je proposerais plutôt d’entendre sa présidente afin qu’elle nous rende compte des travaux qui y sont conduits. Je suis donc très réservé sur l’amendement du rapporteur.

M. le président Éric Coquerel. Pour ma part je suggérerais une réécriture de l’amendement, monsieur le rapporteur.

M. Lionel Causse, rapporteur. J’ai déposé cet amendement à la suite de l’audition des personnalités qualifiées, à laquelle assistait notre collègue Rome. C’était la première fois que ces personnalités étaient entendues à l’Assemblée et au Sénat, ce qui nous a donné l’idée de formaliser de futures auditions. Nos échanges m’incitant à penser qu’elles pourraient avoir lieu de manière un peu plus naturelle, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CF36 de M. Lionel Causse et CF5 de M. Michel Sala

M. Lionel Causse, rapporteur. Il s’agit de préciser que les parlementaires désignés pour siéger au HCSF informent le président de cette institution de leurs intérêts, fonctions et mandats détenus au cours des deux années précédant leur nomination, comme c’est déjà le cas pour les trois personnalités qualifiées nommées par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et le ministre de l’économie. Cela va dans le sens de la transparence et de l’indépendance des personnes désignées au HCSF.

La commission adopte les amendements.

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Résumé du dispositif et effets principaux

Introduit par la commission à l’initiative du rapporteur, l’article 4 prévoit que les articles L. 631-1, L. 631-2-1, à l’exception de son vingtième alinéa, et L. 631-2-3 du code monétaire et financier, soient applicables dans leur rédaction modifiée par la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

Cet article résulte de l’adoption par la commission de l’amendement CF38 du rapporteur, qui apporte les coordinations nécessaires à l’application des articles L. 631-1, L. 631-2-1, à l’exception de son vingtième alinéa, et L. 631-2-3 du code monétaire et financier, dans leur rédaction modifiée par les dispositions de la proposition de loi, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

● L’article 74 de la Constitution, qui régit les collectivités d’outre-mer (COM) que sont la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna aux termes du deuxième alinéa de l’article 72-3 de la Constitution, prévoit qu’elles ont un statut défini par une loi organique, adoptée après avis de l’assemblée délibérante, qui fixe notamment « les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ». 

Pour la Polynésie française, le 7° de l’article 14 de la loi organique n° 2004‑192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française dispose que les autorités de l’État sont compétentes en matière de crédit. Le premier alinéa de l’article 7 de cette loi organique prévoit que « dans les matières qui relèvent de la compétence de l’État, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. » Ainsi, l’application en Polynésie française des articles L. 631-1, L. 631‑2-1, à l’exception de son vingtième alinéa, et L. 631-2-3 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la proposition de loi, nécessite de modifier le tableau du second alinéa du I de l’article L. 784-13 du code monétaire et financier.

Le a) de l’article 4 de la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer indique que ce territoire est régi « dès leur promulgation dans le territoire, par les lois, décrets et arrêtés ministériels déclarés expressément applicables aux territoires d’outre-mer ou au territoire des îles Wallis et Futuna ». L’amendement CF38 prévoit donc une modification du tableau du second alinéa du I de l’article L. 785-12 du code monétaire et financier afin que les articles du code monétaire et financier modifiés par la proposition de loi y soient applicables.

● L’article 77 de la Constitution dispose que la loi organique, prise après avis de l’assemblée délibérante de la Nouvelle-Calédonie, détermine la répartition des compétences entre l’État et la Nouvelle-Calédonie.

Le 5° du I de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie prévoit que l’État est compétent en matière de crédit. En outre, le premier alinéa de l’article 6-2 de cette loi organique mentionne que « dans les matières qui relèvent de la compétence de l’État, sont applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. » Ainsi, il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’une modification du tableau du second alinéa du I de l’article L. 783-13 du code monétaire et financier est requise afin que les articles du code monétaire et financier, tels que modifiés par la proposition de loi, soient applicables en Nouvelle-Calédonie.

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Amendement CF38 de M. Lionel Causse

M. Lionel Causse, rapporteur. Il apporte les coordinations nécessaires à l’application des dispositions de la proposition de loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CF34 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). La présente demande de rapport vise à une meilleure prise en compte de l’ensemble des politiques de la pierre sous la responsabilité du Gouvernement et de sa majorité depuis 2017, qui ont comprimé ce poste de dépense et maintenu l’évolution des aides au logement de la mission Cohésion des territoires à un niveau inférieur à celui de l’inflation – les dernières décisions vont d’ailleurs dans le même sens. Les difficultés du logement en France ne vont pas être résolues par une modification du droit financier que le HCSF est amené à considérer. Il s’agit notamment de mesurer à quel point les politiques appliquées depuis 2017 ont reposé sur un endettement individuel des ménages et un délaissement du logement social.

M. Lionel Causse, rapporteur. Si les décisions du HCSF sur l’endettement des agents économiques ont bien des conséquences sur le secteur immobilier, l’objet du rapport demandé est beaucoup trop large par rapport aux sujets qui intéressent la proposition de loi. De nombreux rapports ont déjà été réalisés – je pense notamment à la mission d’information réalisée l’an dernier par Daniel Labaronne et Charles de Courson sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété – dont le Parlement peut se saisir pour aller plus loin si nécessaire. Avis défavorable.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Les débats sur cette proposition de loi traduisent une inquiétude parfaitement illustrée par le présent amendement : il n’est question que du secteur immobilier alors que nous sommes censés traiter des missions du HCSF, ce qui créé une grande confusion. Nous y verrons peut-être plus clair lors des débats en séance, mais soit on parle du HCSF, soit on parle du secteur immobilier. Ce sont deux discussions différentes pour lesquelles les ministres ne seront pas les mêmes au banc.

M. Michel Castellani (LIOT). Je ne me prononce pas sur cet amendement, mais je voudrais profiter du débat pour souligner le rôle moteur du secteur du logement et du bâtiment et travaux publics (BTP), qui ne saurait constituer une simple variable d’ajustement budgétaire. La politique du logement crée beaucoup plus de richesses qu’elle ne coûte car elle a un effet de levier sur de nombreuses activités. C’était une parenthèse.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Finalement, nous n’avons ni étude d’impact, ni avis du Conseil d’État, ni rapport.

La commission rejette l’amendement.

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Amendement CF39 de M. Lionel Causse

M. Lionel Causse, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à clarifier le titre de la proposition de loi.

Je profite de cette dernière prise de parole pour remercier tous les participants à ces débats qui montrent que nous avons bien fait de nous saisir de ce sujet et qui augurent des échanges aussi riches en séance.

La commission adopte l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Avant de passer au vote sur l’ensemble du texte, je voulais dire que je partage l’avis de M. Sitzenstuhl : cette proposition de loi est double, ce qui explique peut-être la difficulté de nos discussions.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

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   Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

(par ordre chronologique)

 

– Association Nationale des Conseils Financiers *

M. David Charlet, Président

 

– Fédération bancaire française *

M. Pierre Bocquet, directeur du département banque en ligne et banque de détail

M. Antoine Esneault, chargé d’études au département relations institutionnelles France

 

– Fédération des promoteurs immobiliers *

M. Didier Bellier-Ganière, délégué général

Mme Anne Peyricot, directrice de cabinet et des relations institutionnelles

 

– Meilleurtaux.com *

M. Guillaume Autier, président

 

– Association Française des Intermédiaires en Bancassurance

Mme Sophie Meunier Poutot, présidente

M. Hugo Maurel, administrateur

 

– Association Professionnelle des Intermédiaires en Crédits

Mme Caroline Arnould, présidente, directrice générale de CAPFI

 

– Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages

Mme Maï-Caroline Bullier, adjointe au sous-directeur du financement et de l’économie du logement et de l’aménagement

M. Yasmine Mamoune, chargée de mission au bureau des études économiques

 

– Banque de France

Mme Agnès Benassy-Quéré, seconde sous-gouverneure

M. Jean Boissinot, directeur adjoint à la direction de la stabilité financière

Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur

M. Alexandre Levy, chargé de mission

 

– Union nationale des propriétaires immobiliers *

M. Sylvain Grataloup

Mme Coralie Adam

 

– Personnalités qualifiées du Haut Conseil de stabilité financière

Mme Hélène Rey

Mme Marianne Verdier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 


   ANNEXE

 

Version consolidée ([37]) de la décision n° D-HCSF-2021-7 relative aux conditions d’octroi
de crédits immobiliers

29 septembre 2021

 

Le Haut Conseil de stabilité financière,

Vu le code des assurances, notamment ses articles L. 241-1 et L. 242-1 ;

Vu le code de la consommation, notamment ses articles L. 313-1 et L. 311-1 ;

Vu le code de la construction et de l’habitation, notamment ses articles L. 31-10-3, L. 221-1, L. 231-1, L. 232-1 et L. 261-3 ;

Vu le code général des impôts, notamment ses articles 10, 11, 156, 156 bis et 199 novovicies ;

Vu le code monétaire et financier, notamment ses articles L. 511-1, L. 511-30 et le 5° de l’article L. 631-2-1 ;

Vu le code de l’urbanisme, notamment son article L. 331-1 ;

Vu la recommandation n° 2019/12 du Comité européen du risque systémique du 27 juin 2019 sur les vulnérabilités à moyen terme dans le secteur de l’immobilier résidentiel en France (CERS/2019/12) ;

Vu la recommandation n° R-HCSF-2021-1 relative à l’octroi de crédits immobiliers résidentiels en France du 27 janvier 2021 ;

Vu la proposition du Gouverneur de la Banque de France au HCSF en date du 8 septembre 2021 ;

 

Considérant que l’endettement des ménages est passé de 53,4 % du revenu disponible brut à 100,9 % entre le 1er trimestre 2001 et le 1er trimestre 2021 et que le crédit à l’habitat contribue significativement à cette dynamique ;

Considérant que la robustesse du modèle de financement du logement prévalant en France s’appuie sur des bonnes pratiques que constituent en particulier la maîtrise du taux d’effort des emprunteurs et le caractère raisonnable de la maturité ;

Considérant que le niveau d’endettement atteint conjugué à la dégradation tendancielle des conditions d’octroi observée depuis 2015 est de nature à fragiliser les ménages ;

Considérant le besoin de pérenniser un octroi prudent de crédit à l’habitat compte-tenu du niveau d’endettement atteint ;

Considérant le 5° de l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier selon lequel le Haut Conseil de stabilité financière peut, en vue de prévenir un endettement excessif des agents économiques, fixer des conditions d’octroi de crédit par les entités soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel ;

 

Décide :

Article 1er

Outre leurs critères propres, les établissements de crédit et les sociétés de financement mentionnés à l’article L. 511-1 du code monétaire et financier appliquent les critères d’octroi cumulatifs suivants en matière de crédit immobilier ;

(i) le taux d’effort des emprunteurs de crédit immobilier n’excède pas 35 % ;

(ii) la maturité du crédit n’excède pas 25 ans.

Dans les cas suivants induisant une entrée en jouissance du bien décalée par rapport à l’octroi du crédit, un différé d’amortissement d’une durée analogue à celle de ce décalage est toléré dans la limite d’une maturité maximale de 27 ans et d’une période d’amortissement ne pouvant excéder 25 ans ;

-          les crédits immobiliers liés à une vente en l’état futur d’achèvement, au sens de l’article L. 261‑3 du code de la construction et de l’habitation, ou dans le cadre d’un contrat de construction d’une maison individuelle, au sens des articles L. 231-1 et L. 232-1 du même code, ou dans le cadre d’un contrat de promotion, au sens de l’article L. 221-1 du même code ;

-          les crédits immobiliers liés à des acquisitions dans l’ancien donnant lieu à un programme de travaux dont le montant représente [Rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2024 ([38])] au moins 10 % du coût total de l’opération et qui a pour objet la création de surfaces habitables nouvelles ou de surfaces annexes, la modernisation, l’assainissement ou l’aménagement des surfaces habitables ou des surfaces annexes, la réalisation de travaux de rénovation énergétique.

Article 2

Les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent déroger aux critères mentionnés à l’article 1 pour une marge de flexibilité pouvant aller jusqu’à 20 % de la production de nouveaux crédits immobiliers de chaque trimestre civil.

[Rédaction en vigueur depuis le 1er juillet 2023 ([39])] Au moins 70 % de la flexibilité maximale sera réservée aux acquéreurs de leur résidence principale avec au moins 30 % de la flexibilité maximale réservée aux primo-accédants. Les 30 % restants de flexibilité maximale, soit 6 % de la production trimestrielle, sont libres d’utilisation.

Cette dérogation devra pouvoir être justifiée dans le cadre d’une politique écrite du prêteur.

Pour les établissements de crédit et les sociétés de financement affiliés à un organe central visé par l’article L. 511-30 du code monétaire et financier, la marge de flexibilité peut être utilisée sur une base agrégée au niveau de l’ensemble des affiliés, sous le contrôle de l’organe central.

Article 3

La présente décision s’applique aux contrats de crédit mentionnés à l’article L. 313-1 du code de la consommation consentis à des agents économiques situés sur le territoire français ou destinés au financement d’actifs localisés sur le territoire français, à l’exception des crédits relais tels que définis au 16° de l’article L. 311-1 du code de la consommation, des crédits faisant l’objet d’une renégociation, de ceux consentis pour le remboursement anticipé d’un crédit souscrit auprès d’un autre établissement de crédit, autrement appelés rachats externes, et de ceux résultant d’un regroupement de crédits.

Article 4

Pour l’application de la présente décision, on entend par :

« Production trimestrielle de nouveaux crédits immobiliers » : le montant total, tel que défini au 10 ° de l’article L. 311-1 du code de la consommation, des nouveaux crédits immobiliers, tels que définis à l’article 3, mis en place au cours d’un trimestre civil.

 « Résidence principale », la résidence de l’emprunteur ou des co-emprunteurs au sens des articles 10 et 11 du code général des impôts.

 « Revenus annuels » : le revenu net avant impôt de l’emprunteur (ou à la somme des revenus nets avant impôt des co-emprunteurs le cas échéant) calculé comme le revenu net global tel que défini aux articles 156 et 156 bis du code général des impôts, majoré des abattements forfaitaires pris en compte et minoré des revenus exceptionnels, c’est-à-dire les revenus qui par leur nature ne sont pas susceptibles de constituer une ressource stable et récurrente, mobilisable pour faire face aux charges d’emprunt. Toutefois, s’agissant des revenus fonciers, y compris le cas échéant les loyers futurs tirés de la location du bien faisant l’objet du crédit, le revenu à prendre en compte est le revenu brut avant déduction d’éventuels abattements fiscaux et charges, y compris intérêts d’emprunts et assurance emprunteur, auquel il doit être appliqué des décotes par les établissements de crédit afin de refléter le risque locatif. Les revenus annuels peuvent, le cas échéant, être majorés du montant annualisé des réductions d’impôts accordées dans le cadre du dispositif prévu à l’article 199 novovicies du code général des impôts, dès lors que le crédit immobilier sur lequel porte la décision d’octroi est concerné par le dispositif précité.

« Charges annuelles d’emprunt », la somme des différents montants totaux dus par l’emprunteur (ou les co-emprunteurs, le cas échéant), tels que définis au 9° de l’article L.311-1 du code de la consommation, pour une année donnée. Dans le cadre d’un prêt relais (défini au 16° de l’article L. 311‑1 du code de la consommation) le remboursement du capital est exclu des charges annuelles d’emprunt.

« Taux d’effort », le ratio comprenant au numérateur les charges annuelles d’emprunt associées à l’endettement total de l’emprunteur (ou des co-emprunteurs, le cas échéant) comprenant le prêt considéré et l’ensemble des emprunts en cours, quelle qu’en soit leur nature, et au dénominateur les revenus annuels. Il s’apprécie en prenant les charges annuelles d’emprunt maximales sur l’ensemble de la période d’amortissement du crédit ramenées aux revenus annuels appréciés à l’octroi.

« Maturité du crédit à l’octroi » : la durée initiale du crédit, en années. Elle est la somme de la durée de la période de différé, qui débute lors du premier décaissement et se termine à la première échéance donnant lieu à un remboursement du capital emprunté, et de la durée de la période d’amortissement, qui débute lors du premier remboursement du capital emprunté et se termine lorsque le crédit est entièrement remboursé.

« Coût total d’une opération » : ce coût comprend :

-          la charge foncière ou la charge immobilière, les honoraires de géomètre et les taxes afférentes, à l’exclusion des frais d’acte notarié et des droits d’enregistrement pour les terrains à bâtir ou les immeubles anciens ;

-          les coûts d’aménagement et de viabilisation du terrain et les honoraires afférents ;

-          le coût des travaux, y compris les honoraires liés à leur réalisation ou leur certification, à l’exception des montants financés au moyen de l’avance prévue au chapitre IX du code de la construction et de l’habitat ;

-          les honoraires de négociation restant, le cas échéant, à la charge de l’acquéreur ;

-          les frais relatifs à l’assurance de responsabilité mentionnée à l’article L. 241-1 du code des assurances ou à l’assurance de dommages mentionnée à l’article L. 242-1 du même code ;

-          la taxe d’aménagement mentionnée à l’article L. 331-1 du code de l’urbanisme.

Si le terrain destiné à la construction a été acquis depuis moins de deux ans à la date d’émission de l’offre de prêt, sa valeur d’acquisition peut être prise en compte dans le coût de l’opération. En cas d’acquisition d’un bien dont une partie est destinée à un autre usage que l’habitation à titre de résidence principale de l’emprunteur, le coût d’opération ne concerne que les surfaces affectées au logement.

« Primo-accédant » : emprunteur (ou co-emprunteurs le cas échéant) en accession à la première propriété, au sens de l’article L. 31-10-3 du code de la construction et de l’habitation.

 

Article 4 bis [en vigueur depuis le 1er janvier 2024 ([40])]

1. Les crédits relais tels que définis au 16° de l’article L. 311-1 du code de la consommation, dont la quotité de financement est inférieure ou égale à 80 %, sont exclus du calcul du taux d’effort.

2. Pour l’application des dispositions du présent article, est considéré comme quotité de financement le rapport entre le montant du crédit relais et la valeur du bien mis en vente, nette le cas échéant du capital restant dû sur le prêt encore en cours sur le bien.

 

Article 5

La présente décision entre en vigueur le 1er janvier 2022. Elle s’applique à tous les nouveaux crédits définis à l’article 3 dont le premier décaissement est effectué à partir de cette même date.

Elle sera publiée au Journal officiel de la République Française et sur le site Internet du haut Conseil de stabilité financière.

 

Article 6

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est chargée de veiller à la mise en œuvre de cette décision.

 

Fait le 29 septembre 2021,

Le président du Haut Conseil de stabilité financière

Bruno Le maire, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance

 

 


([1]) Paragraphe 10 de l’article 3 de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.  

([2]) Créé par l’article 60 de la loi n° 99-532 du 25 juin 1999 relative à l’épargne et à la sécurité financière.  

([3]) Article L. 631-2 du code monétaire et financier dans sa rédaction en vigueur avant le 24 octobre 2010.  

([4]) Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.

([5]) Étude d’impact du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, 18 décembre 2012.  

([6]) Cf. paragraphe 1 de l’article 136 de la Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

([7]) Ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière financière.  

([8]) 1° du II de l’article L. 511-41-1 A et article L. 533-2-1 du code monétaire et financier.

([9]) 4° du II de l’article L. 511-41-1 A et article L. 533-2-1 du code monétaire et financier.

([10]) Cf. les décisions n° D-HCSF-2018-2 du 11 mai 2018 et n°D-HCSF-2023-3 du 28 juillet 2023.

([11]) Mentionnées à l’article L. 612-2 du code monétaire et financier.  

([12]) Mentionnées à l’article L. 621-9 du code monétaire et financier.  

([13]) Article L. 631-2-3 du code monétaire et financier.  

([14]) Recommandation n° 2019/12 du Comité européen du risque systémique du 27 juin 2019 sur les vulnérabilités à moyen-terme dans le secteur de l’immobilier résidentiel en France (CERS/2019/12).  

([15]) Rapport annuel 2023 du HCSF.  

([16]) Ibid.  

([17]) Estimation à partir de l’indicateur Loan to value (LTV), qui désigne le rapport entre le montant de prêt octroyé et la valeur du bien financé.

([18]) ACPR, Les conditions de financement de l’habitat en 2022, 2023.  

([19]) Ibid.  

([20]) Cass.com., 20 juin 2006, n° 04-14.114.

([21]) Directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel.  

([22]) Cass. civ. 1ère, 10 novembre 2021, n° 20-10.450.

([23]) Cass. civ. 1ère, 12 juill. 2023, n° 22-11.321

([24]) Bulletin de la Banque de France, Immobilier et endettement des ménages en France, Allemagne, Espagne et Italie, mars-avril 2024, 251/3.  

([25]) Ces personnalités qualifiées sont aujourd’hui Mmes Raphaëlle Bellando, nommée en juin 2014 par le président du Sénat et dont le mandat a été renouvelé en 2019, Hélène Rey, nommée en juin 2014 par le ministre de l’économie et dont le mandat a été renouvelé en 2019, Marianne Verdier, nommée en octobre 2020 par le président de l’Assemblée nationale.

([26]) Article 3 du règlement (UE) n° 1092/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier dans l’Union européenne et instituant un Comité européen du risque systémique.  

([27]) Recommandation CERS/2011/3 du comité européen du risque systémique du 22 décembre 2011 concernant le mandat macroprudentiel des autorités nationales.

([28]) Rapport du groupe de haut niveau sur la supervision financière dans l’Union européenne, présidé par Jacques de Larosière et remis à la Commission européenne le 25 février 2009.

([29]) Rapport n° 2550 fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de régulation bancaire et financière (n° 2165) par M. Jérôme Chartier, 25 mai 2010.

([30]) Deuxième séance du 10 juin 2010.  

([31]) Mme Christine Lagarde préside aujourd’hui le CERS en tant que président de la Banque centrale européenne.

([32]) Cf. le considérant 12 de la recommandation CERS/2011/3.  

([33]) Cet article est applicable aux sénateurs en vertu de l’article L.O. 297 du code électoral.  

([34]) 5° de l’article L. 631-2-1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction modifiée par l’article 49 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin II ».

([35]) Rapport n° 707 fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, Mme Karine Berger, 7 février 2013.  

([36]) Décision 98/415/CE du Conseil du 29 juin 1998 relative à la consultation de la Banque centrale européenne par les autorités nationales au sujet de projets de réglementation.  

([37]) Décision n° D-HCSF-2021-7 du 29 septembre 2021, amendée par les décisions n° D-HCSF-2023-02 du 29 juin 2023 et n° D-HCSF-2023-6 du 18 décembre 2023.

([38]) 1) de l’article 1er de la décision n° D-HCSF-2023-6 du 18 décembre 2023. Rédaction antérieure prévue par la décision n° D-HCSF-2021-7 : « les crédits immobiliers liés à des acquisitions dans l’ancien donnant lieu à un programme de travaux dont le montant représente au moins 25 % du coût total de l’opération et qui a pour objet la création de surfaces habitables nouvelles ou de surfaces annexes, la modernisation, l’assainissement ou l’aménagement des surfaces habitables ou des surfaces annexes, la réalisation de travaux de rénovation énergétique. »

([39]) Article 1er de la décision n° D-HCSF-2023-02 du 29 juin 2023. Rédaction antérieure de cet alinéa prévue par la décision n° D-HCSF-2021-7 : « Au moins 80 % de la flexibilité maximale sera réservée aux acquéreurs de leur résidence principale avec au moins 30 % de la flexibilité maximale réservée aux primo-accédants. Les 20 % restants de flexibilité maximale, soit 4 % de la production trimestrielle, sont libres d’utilisation ».

([40]) Article 2 de la décision n° D-HCSF-2023-6 du 18 décembre 2023.