N° 2465

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 avril 2024

 

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation,

 

 

 

 

par M. Didier LE GAC,

Député

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 Voir le numéro : 2326.


SOMMAIRE

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 Pages

Examen des conditions requises pour la création de la commission d’enquête

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe : lettre du Garde des sceaux

 


   Examen des conditions requises pour la création de la commission d’enquête

Mme Mereana Reid Arbelot et plusieurs membres du groupe Gauche démocrate et républicaine - NUPES ont déposé, le 12 mars 2024 une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête « relative à la politique d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d'expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu'à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation ».

Lors de la Conférence des présidents du mardi 19 mars 2024, le président du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES, M. André Chassaigne, a fait usage, pour cette proposition, du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire, une fois par session ordinaire. Par conséquent, et conformément au second alinéa de l’article 140 du Règlement, il revient à la commission de la défense nationale et des forces armées, à laquelle a été renvoyée la proposition de résolution, de vérifier si les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’opportunité d’une telle création.

Dans la même logique, la proposition de résolution ne sera pas soumise au vote de l’Assemblée nationale : en effet, en application du deuxième alinéa de l’article 141 précité, la Conférence des Présidents « prend acte de la création de la commission d’enquête » dès lors que cette création répond aux exigences fixées par l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et au chapitre IV de la première partie du titre III du Règlement.

Ces exigences sont présentées ci-après :

Extraits du Règlement de l’Assemblée nationale

Article 137

Les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont déposées sur le bureau de l’Assemblée. Elles doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. Elles sont examinées et discutées dans les conditions fixées par le présent Règlement.

Article 138

1. Est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre.

2. L’irrecevabilité est déclarée par le Président de l’Assemblée. En cas de doute, le Président statue après avis du Bureau de l’Assemblée.

Article 139

1. Le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête est notifié par le Président de l’Assemblée au garde des Sceaux, ministre de la Justice.

2. Si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue.

3. Lorsqu’une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le Président de l’Assemblée, saisi par le garde des Sceaux, en informe le président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux.

En premier lieu, pour être recevables, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion », en application de l’article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale.

En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l’article unique de la proposition de résolution, elle serait chargée « d’étudier et d’évaluer la politique française d’expérimentation nucléaire, l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, la reconnaissance et l’indemnisation des victimes, ainsi que la reconnaissance des dommages environnementaux et leur réparation ».

L’exposé des motifs apporte des précisions supplémentaires sur les faits faisant l’objet de cette commission d’enquête :

1° Les raisons ayant orienté la France vers le choix de sites polynésiens pour son expérimentation nucléaire, à l’exclusion de toutes les autres options ;

2° L’état des connaissances du Gouvernement français sur les conséquences des essais nucléaires sur la santé et l’environnement au moment où la Polynésie française a été choisie, mais également au cours des opérations et jusqu’à aujourd’hui ;

3° La diversité des niveaux d’information transmis aux populations, aux vétérans et aux personnels civils au cours de la période des essais nucléaires ;

4° Les doses réelles de radioactivité reçues par la population, les vétérans et les personnels civils au cours des 193 essais nucléaires ;

5° L’ensemble des conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales des trente années d’expérimentation atomique en Polynésie française ;

6° L’effectivité du régime d’indemnisation de l’ensemble des victimes des essais nucléaires français et les mesures concrètes à adopter afin de les mener à une guérison complète ;

7° L’efficacité des mesures de réparation et de réhabilitation environnementale adoptées ;

8° L’accès aux archives relatives aux conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales de l’installation et des opérations du CEP en Polynésie française.

La proposition de résolution expose donc des faits précis et variés de nature à fonder la constitution d’une commission d’enquête.

En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont recevables sauf si, dans les douze mois qui précèdent leur discussion, a déjà eu lieu, avec un objet identique, une commission d’enquête ou une mission d’information effectuée dans les conditions prévues à
l’article 145-1 du Règlement (c’est-à-dire avec les prérogatives d’une commission d’enquête).

Or tel n’est pas le cas ici. Aucune commission d’enquête et aucune mission d’information dotée des prérogatives d’une commission d’enquête ne s’est saisie dans le délai précité de la question des conséquences des essais nucléaires français dans le Pacifique. À défaut de telles commission et mission d’information, tout au plus peut-on citer, sur la même question, la proposition de loi présentée par M. Moetai Brotherson visant à la prise en charge et à la réparation des conséquences des essais nucléaires français, rejetée par l’Assemblée nationale le 17 juin 2021.

La proposition de résolution remplit donc la deuxième condition de recevabilité.

Enfin, en application de l’article 139 du Règlement, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit, quant à lui, que la mission d’une commission d’enquête déjà créée « prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter ».

Interrogé par la Présidente de l’Assemblée nationale conformément au premier alinéa de l’article 139 précité, M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, lui a fait savoir, dans un courrier du 2 avril 2024, qu’il n’avait pas connaissance de « procédure judiciaire en cours susceptible de recouvrir le périmètre de la commission d’enquête parlementaire envisagée ».

En conséquence, l’ensemble des conditions étant remplies, il apparaît que la proposition de création d’une commission d’enquête relative à la politique d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du Centre d'expérimentation du Pacifique en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu'à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation est recevable.

 

 

 


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 10 avril 2024, la commission examine la proposition de résolution.

M. Jean-Pierre Cubertafon, président. Je vous prie d’excuser l’absence du président Thomas Gassilloud, qui est en route pour la Suisse à la tête d’une délégation de la commission dans le cadre de nos travaux sur la défense nationale.

Le président du groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES, M. André Chassaigne, a fait savoir, à l’occasion de la conférence des présidents du 19 mars dernier, que son groupe souhaitait utiliser son droit de tirage pour la création d’une commission d’enquête relative à la politique française d’expérimentation nucléaire, à l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du centre d’expérimentation du Pacifique (CEP) en Polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu’à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation.

En application du second alinéa de l’article 140 du règlement de l’Assemblée nationale, il appartient à notre commission, à laquelle la proposition de résolution a été renvoyée, de vérifier sa recevabilité, sans se prononcer sur son opportunité ni pouvoir amender son dispositif.

Il revient donc à notre rapporteur, M. Didier Le Gac, de nous éclairer sur la question de savoir si les conditions requises pour la création de cette commission d’enquête sont réunies. En cas de réponse positive, la prochaine conférence des présidents prendra acte de la création de la commission d’enquête.

M. Didier Le Gac, rapporteur. Le 12 mars dernier, Mme Mereana Reid Arbelot et ses collègues du groupe GDR-NUPES ont déposé une proposition de résolution tendant à la création de la commission d’enquête que vous avez évoquée, Monsieur le président. Le 19 mars, le président Chassaigne a indiqué lors de la conférence des présidents que son groupe souhaitait utiliser son droit de tirage à cette fin.

Trois conditions sont requises pour qu’une proposition tendant à la création d’une commission d’enquête soit recevable.

Premièrement, en application de l’article 137 du règlement, « les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête […] doivent déterminer avec précision […] les faits qui donnent lieu à enquête ». En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante : selon l’article unique de la proposition de résolution, il s’agit de « la politique française d’expérimentation nucléaire, l’ensemble des conséquences de l’installation et des opérations du centre d’expérimentation du Pacifique en Polynésie française, la reconnaissance et l’indemnisation des victimes, ainsi que la reconnaissance des dommages environnementaux et leur réparation ».

L’exposé des motifs apporte des précisions supplémentaires sur ces éléments : « 1° Les raisons ayant orienté la France vers le choix de sites polynésiens pour son expérimentation nucléaire, à l’exclusion de toutes les autres options ; 2° L’état des connaissances du gouvernement français sur les conséquences des essais nucléaires sur la santé et l’environnement au moment où la Polynésie française a été choisie, mais également au cours des opérations et jusqu’à aujourd’hui ; 3° La diversité des niveaux d’information transmis aux populations, aux vétérans et aux personnels civils au cours de la période des essais nucléaires ; 4° Les doses réelles de radioactivité reçues par la population, les vétérans et les personnels civils au cours des 193 essais nucléaires ; 5° L’ensemble des conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales des trente années d’expérimentation atomique en Polynésie française ; 6° L’effectivité du régime d’indemnisation de l’ensemble des victimes des essais nucléaires français et les mesures concrètes à adopter afin de les mener à une guérison complète ; 7° L’efficacité des mesures de réparation et de réhabilitation environnementale adoptées ; 8° L’accès aux archives relatives aux conséquences sanitaires, environnementales, économiques et sociales de l’installation et des opérations du CEP en Polynésie française. »

La proposition de résolution expose donc des faits précis et variés qui sont de nature à fonder la création d’une commission d’enquête.

En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont recevables sauf si, dans les douze mois qui précèdent leur discussion, a déjà eu lieu une commission d’enquête, ou une mission d’information effectuée dans les conditions prévues à l’article 145‑1, dont l’objet était identique. Tel n’est pas le cas ici.

Enfin, en application de l’article 139, une telle proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition. Le troisième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit en effet que la mission d’une commission d’enquête déjà créée « prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter ».

Interrogé par la présidente de l’Assemblée nationale, M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir par un courrier du 2 avril 2024 qu’il n’avait pas connaissance de procédures judiciaires en cours susceptibles de recouvrir le périmètre de la commission d’enquête envisagée.

Par conséquent, la proposition de création de la commission d’enquête est recevable.

M. Jean-Pierre Cubertafon, président. Je cède la parole aux orateurs de groupe.

M. José Gonzalez (RN). Nous respectons bien évidemment le choix du groupe GDR et les conditions de recevabilité de sa proposition de résolution paraissent réunies.

Le groupe Rassemblement national comprend évidemment l’ambition d’une meilleure reconnaissance et réparation pour les victimes des essais nucléaires français en Polynésie. Mon groupe est également favorable, quand c’est possible, à une plus grande ouverture des archives sur ce sujet, comme le demande la proposition de résolution. C’est une question de transparence au sein de notre démocratie.

Nous déplorons l’ensemble des victimes civiles et militaires de ces essais, tout en rappelant notre attachement au modèle français de dissuasion. Dans ce contexte, tout effort pour mieux reconnaître et indemniser les victimes de cette politique de défense – indispensable à notre pays – est louable.

Cependant, la question de l’impact des essais nucléaires est déjà documentée et a été examinée par notre assemblée. De nombreux rapports et enquêtes ont été réalisés. La loi Morin définit en outre un premier cadre légal.

Par ailleurs, le corps médical a émis des réserves quant à ce texte et à celui, de même inspiration, de M. Brotherson, en 2021.

Le groupe Rassemblement national s’abstiendra donc lors du vote.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NUPES). S’agissant des conditions de recevabilité, le groupe LFI-NUPES souscrit à l’analyse du rapporteur.

Cette commission d’enquête devra répondre à plusieurs questions : pourquoi la France a-t-elle choisi la Polynésie pour ses expérimentations nucléaires ? Que savaient les autorités des conséquences sanitaires et environnementales des essais à l’époque où ce choix a été opéré ? Quelle était la qualité de l’information fournie aux populations comme aux personnels, notamment sur les doses de radioactivité reçues à la suite des 193 essais nucléaires menés entre 1966 et 1996 ? Il est essentiel de faire la lumière sur tous ces points.

Le rapport de Moetai Brotherson sur la proposition de loi visant à la prise en charge et à la réparation des conséquences des essais nucléaires préconisait déjà, en 2021, une amélioration des conditions d’indemnisation et une prise en charge par l’État des frais liés aux maladies radio-induites, pour l’instant supportés par la Caisse de prévoyance sociale (CPS) de Polynésie française. En outre, aux victimes directes, il faudrait ajouter les victimes indirectes.

En raison des ravages provoqués sur l’environnement, un grand plan de dépollution et de traitement des déchets nucléaires sera indispensable.

Il est enfin essentiel que l’accès aux archives soit garanti pour permettre la pleine manifestation de la vérité, dans l’intérêt des populations directement et indirectement concernées, de leurs proches et de leurs descendants.

Mme Josy Poueyto (Dem). Les essais nucléaires en Polynésie ont été importants pour développer notre arsenal nucléaire, qui confère à la France son statut de grande puissance. Mais nous savons tous qu’ils ont provoqué d’importants dégâts sur la santé des personnes exposées aux radiations, sur la société et l’économie polynésiennes et sur l’environnement.

Ces essais ont en effet entraîné le développement de nombreuses maladies radio-induites au sein des populations comme du personnel exposé. Alors que les atolls de Moruroa et de Fangataufa avaient été choisis pour leur éloignement par rapport aux lieux de vie des Polynésiens, nous savons aujourd’hui que les populations ont subi les conséquences de ces expérimentations hautement toxiques. Ces essais ont également provoqué d’importants dommages environnementaux : il y a eu une pollution des sols et un effondrement des récifs coralliens. Ils ont enfin désorganisé la société et l’économie, occasionnant notamment la disparition du tissu économique traditionnel et d’importants dommages psycho-sociaux.

L’État a reconnu les conséquences de ces essais nucléaires en 2010 par la loi Morin, qui a instauré un mécanisme d’indemnisation des victimes, lesquelles peuvent ainsi obtenir une réparation financière.

Nous nous accordons pour estimer ce système perfectible. Les critères pris en considération pour l’indemnisation font débat au sein de la communauté scientifique : le nombre d’indemnisations accordées est faible au regard du nombre de demandes déposées et il faut sans doute réformer le système. Nous manquons d’informations sur les personnes touchées, parfois parce qu’elles renoncent à leurs droits. La ministre de la santé, Mme Catherine Vautrin, l’a affirmé : au vu de l’avancée de la recherche médicale, la liste des maladies radio-induites doit être allongée et les frais ne doivent pas être supportés par la CPS, mais par l’État. Si celui-ci s’est engagé sur le principe, le montant doit encore faire l’objet de négociations. D’autres sujets, tels que les différents niveaux d’information de la population et du personnel, ainsi que le niveau de connaissance de l’État quand il a choisi la Polynésie, devront aussi être abordés.

Le Président de la République l’a affirmé en 2021 lors de son voyage en Polynésie : la France doit assumer son passé nucléaire, qui fait partie de l’histoire de notre nation. Il s’est engagé à ouvrir les archives, dans la mesure où cela est possible en préservant le secret de notre défense nationale.

Le groupe Démocrate votera la proposition de résolution.

M. Pierre Henriet (HOR). S’agissant de la recevabilité de la proposition de résolution, nous suivrons l’avis du rapporteur.

Cette commission d’enquête s’inscrira dans la continuité d’autres travaux, notamment ceux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), dont un excellent rapport de MM. Henri Revol et Jean-Paul Bataille traitait dès février 2002 des « incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996 et des éléments de comparaison avec les essais des autres puissances nucléaires ».

Nous souhaitons que la commission veille à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). La Polynésie, par la voix de ses habitants, de ses élus et des associations de défense de l’environnement et des droits humains, réclame depuis des décennies une prise en charge adéquate des conséquences sanitaires et environnementales de cette sombre page de notre histoire.

Le nombre de cas de cancers et d’autres maladies graves directement attribuables aux rayonnements ionisants ne cesse de croître. Face à cette réalité, nous avons le devoir d’agir. La loi Morin de 2010 était un premier pas. La procédure d’indemnisation doit être revue et simplifiée pour qu’une juste compensation soit attribuée à toutes les victimes.

La question de la décontamination des sites touchés reste entière. Les études environnementales récentes indiquent que la radioactivité persiste dans certains écosystèmes, ce qui crée un risque pour les générations futures. Des programmes ambitieux de décontamination doivent être mis en place, en étroite collaboration avec les autorités locales et les communautés autochtones, afin de restaurer ces territoires.

Je tiens à souligner qu’il ne faut pas oublier le passé nucléaire de la France en Algérie. Les premiers essais, menés en 1960 à Reggane et à In Ecker, ont également laissé des séquelles profondes : cette part de notre histoire commune mérite une attention particulière, dans le respect de la mémoire et de la dignité des victimes. Les principes de reconnaissance et de réparation ainsi que de prévention qui guident notre action en Polynésie doivent s’appliquer en Algérie.

 

La commission adopte la proposition de résolution.


   annexe : lettre du Garde des sceaux