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 650

ASSEMBLÉE NATIONALE

 

SÉNAT

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

SESSION ORDINAIRE 2023 - 2024

Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale

 

Enregistré à la présidence du Sénat

le 30 mai 2024

 

le 30 mai 2024

 

 

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

au nom de

 

 

L’OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION

DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES

 

sur

 

 

 

 

 

La décarbonation du secteur de l’aéronautique

 

 

 

par

 

M. Jean-François Portarrieu, député, et M. Pierre Médevielle, sénateur
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale

par M. Pierre HENRIET,

Premier vice-président de l’Office

 

 

Déposé sur le Bureau du Sénat

par M. Stéphane PIEDNOIR

Président de l’Office

 


1

 

 

Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques
et technologiques

 

 

Président

M. Stéphane PIEDNOIR, sénateur

 

 

Premier vice-président

M. Pierre HENRIET, député

 

 

Vice-présidents

 

 M. Jean-Luc FUGIT, député  Mme Florence LASSARADE, sénatrice              M. Victor HABERT-DASSAULT, député              Mme Anne-Catherine LOISIER, sénatrice

 M. Gérard LESEUL député  M. David ROS, sénateur

 

 

 

 

DÉputés

 

 

SÉnateurs

Mme Christine ARRIGHI

M. Philippe BERTA

M. Philippe BOLO

Mme Maud BREGEON

M. Hendrik DAVI

Mme Olga GIVERNET

M. Maxime LAISNEY

M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI

M. Yannick NEUDER

M. Jean-François PORTARRIEU

Mme Mereana REID ARBELOT

M. Alexandre SABATOU

M. Jean-Philippe TANGUY

Mme Huguette TIEGNA

 

 M. Arnaud BAZIN

 Mme Martine BERTHET

 Mme Alexandra Borchio Fontimp

 M. Patrick Chaize

 M. André GUIOL

 M. Ludovic HAYE

 M. Olivier HENNO

 Mme Sonia de La Provôté

 M. Pierre MÉDEVIELLE

 Mme Corinne NARASSIGUIN

 M. Pierre OUZOULIAS

 M. Daniel SALMON

 M. Bruno SIDO

 M. Michaël WEBER

 

 

 


— 1 —

 

SOMMAIRE

___

Pages

Saisine

Synthèse

Introduction

Première partie – état des lieux de l’aviation et de son impact environnemental

I. Un secteur international et innovant

1. Une évolution rapide depuis un siècle

a. Les premiers balbutiements de la conquête de l’air

b. Les pionniers des engins « plus lourds que l’air »

c. L’impact de la Première guerre mondiale sur l’évolution de l’aviation

d. Les années 1920-1930, âge d’or de l’aviation

e. La Seconde guerre mondiale, une étape décisive

f. L’essor de l’aviation commerciale moderne

g. Une baisse drastique de la consommation unitaire de carburant compensée par une hausse plus rapide du trafic aérien

2. L’état actuel du trafic aérien

a. Usage commercial, militaire et privé

b. Trajets en avion : régional, court, moyen, long-courrier ; domestique ou international

c. Les différents types de voyageurs : des inégalités d’usage

d. Évolution du trafic de passagers et du fret

e. Le secteur aéronautique, atout majeur pour la France

3. Une filière structurée par des acteurs à différentes échelles

a. Les acteurs institutionnels nationaux et internationaux

b. Les acteurs du secteur privé

II. L’impact carbone du secteur aérien

1. Le fonctionnement des avions

a. Aérodynamique d’un avion

b. Propulsion de l’avion

c. Systèmes de l’avion

2. Les émissions d’un avion

a. Combustion du kérosène

b. Émissions de gaz à effet de serre

c. Effets non-CO2

d. Comparaison entre effets CO2 et effets non-CO2

3. État des lieux des émissions actuelles

a. Émissions du secteur aérien en France et dans le monde

b. Quelles évolutions prévisibles ?

c. Quels trajets et quels voyageurs émettent le plus ?

d. État des connaissances sur les effets non-CO2

Deuxième partie – Cadre légal et engagements internationaux

I. L’équation de Kaya

II. Les feuilles de route de l’OACI et de l’ATAG

1. À partir de 2008, l’affirmation d’un objectif majeur : une croissance du trafic neutre en carbone à compter de 2020

a. Les objectifs de l’ATAG (2008)

b. Des objectifs endossés par l’OACI (37e session, 2010)

c. Comment parvenir à une croissance « carbo-neutre » du trafic ? Les premières approches de l’OACI (38e session, 2013)

d. L’adoption par l’OACI du dispositif CORSIA (39e session, 2016)

2. À partir de 2019, l’exploration d’un objectif « net zéro » des émissions en 2050

a. L’OACI vers un « objectif ambitieux à long terme » (40e session, 2019)

b. Le scénario Waypoint 2050 de l’ATAG (2021)

3. En 2022, l’adoption d’un objectif « net zéro » des émissions en 2050

III. La feuille de route de l’Union européenne

1. Le Pacte vert européen (2019)

2. Le rapport Destination 2050 - Une trajectoire vers l’aviation européenne à zéro émission (2021)

IV. Les feuilles de route nationales

1. Le plan de relance de l’aéronautique (2020)

2. La feuille de route de la décarbonation du transport aérien du CORAC (2021)

3. La feuille de route de décarbonation de l’aérien dans le cadre de la loi Climat et résilience (2023)

4. La feuille de route du Bureau français des e-fuels (2023)

Troisième partie – technologies et innovations pour la décarbonation

I. L’Innovation dans la conception et l’efficacité des avions

1. La réduction de la masse des aéronefs

a. Les matériaux composites

b. La fabrication additive

c. L’allègement des câbles de transmission

2. L’amélioration de l’aérodynamique

a. La réduction de la traînée induite

b. La réduction de la traînée de frottement

3. L’électrification des systèmes non propulsifs

4. Les évolutions de la propulsion

a. L’augmentation du rendement thermique

b. L’amélioration du rendement propulsif

c. La technologie Open Fan

II. L’électrification de l’aviation

1. Les atouts de l’électrification

2. Batteries et câblage : un enjeu de poids et de sécurité

3. Les limites des applications de la propulsion 100 % électrique

4. Safran, acteur majeur de la propulsion électrique

5. Les applications des avions 100 % électriques

6. L’hybridation, nouvelle perspective pour l’aviation régionale

a. Une réponse aux limites actuelles du 100 % électrique

b. Les architectures propulsives hybrides

c. Une option adaptée aux vols régionaux

d. Des projets susceptibles d’aboutir prochainement

III. L’avion à hydrogène

1. L’hydrogène : des propriétés physiques qui créent des contraintes particulières

a. Un problème central : la faible densité volumique d’énergie

b. De nouvelles exigences de sécurité

2. Deux modalités d’utilisation de l’hydrogène

a. L’alimentation en hydrogène de turboréacteurs

b. L’utilisation de l’hydrogène dans une pile à combustible

c. Le potentiel d’une configuration mixte

3. De nombreux projets d’avions à hydrogène en cours de développement

4. Les enjeux relatifs aux infrastructures aéroportuaires

IV. L’amélioration des opérations en vol et au sol

1. Les opérations en vol, la nécessité d’une gestion optimale et flexible

a. L’adaptation des trajectoires aux conditions internes et externes

b. Un décollage et atterrissage continus

c. Une approche globale du trafic aérien

d. La diminution du fuel tankering

2. Les opérations au sol, une réduction de la consommation de carburant hors propulsion

a. Une alimentation plus électrifiée pendant la phase de stationnement

b. Une optimisation des trajectoires et de l’utilisation des moteurs pendant la phase de roulage

Quatrième partie – Les carburants décarbonés

I. L’intérêt des carburants d’aviation durables

1. La classification des biocarburants

2. La définition des carburants durables au sein de l’Union européenne

3. La nécessité d’une certification technique opérationnelle

4. Les effets de l’incorporation des carburants d’aviation durables

5. L’état de la certification des filières de carburants d’aviation durables

6. Les différentes filières de biocarburants

a. La voie oléochimique

b. La voie biochimique

c. La voie thermochimique

7. Les e-carburants

8. Les projets de carburants PtL en France

9. Les réductions d’émissions permises par les carburants d’aviation durables

10. Les émissions non-CO2 des carburants d’aviation durables

11. La situation en France aujourd’hui

12. Une filière qui peine à se développer

II. L’accès aux ressources, un frein au développement des carburants d’aviation durables

1. Un gisement de biomasse limité

2. Le risque d’un déplacement des émissions

3. Une collecte difficile de la biomasse

4. Une traçabilité délicate à garantir

III. Le rôle central de l’hydrogène

1. Assurer la disponibilité des ressources nécessaires à la production de l’hydrogène à destination du secteur aérien

2. L’hydrogène naturel : un accélérateur de la décarbonation de l’aviation ?

IV. Les perspectives de développement des carburants d’aviation durables

1. La poursuite des recherches, voie obligée vers de nouvelles certifications

2. Un dialogue nécessaire entre les acteurs

3. La réglementation européenne et le soutien public

Cinquième Partie – un écosystème aéronautique Français à renforcer

I. La décarbonation, tournant majeur pour le secteur aéronautique français

1. Une nouvelle ère de l’aviation

2. Quelle aviation durable en 2050 ?

II. Accélérer la production des carburants d’aviation décarbonés

1. Une réponse adaptée à plusieurs enjeux nationaux

2. Le nécessaire développement des carburants synthétiques

III. Soutenir la recherche et l’innovation pour l’aviation décarbonée

1. Renforcer la coopération entre les acteurs de l’innovation

2. Poursuivre le soutien à la R&D ainsi qu’à l’innovation dans le domaine des technologies d’électrification de l’aviation, y compris hydrogène

3. Consolider les coopérations entre concepteurs d’aéronefs électrifiés et forces armées

4. Approfondir les recherches sur les effets non-CO2

IV. Préparer les infrastructures nécessaires à l’aviation décarbonée

1. Engager l’adaptation du contrôle aérien aux impératifs de décarbonation de l’aviation

2. Inciter les grands aéroports à prendre en compte les émissions de CO2 dans leur tarification.

3. Établir, au niveau européen, un calendrier pour la décarbonation des opérations au sol dans les grands aéroports

4. Programmer l’adaptation des aéroports de villes de taille moyenne à l’essor de l’aviation régionale

CONCLUSIONS

RECOMMANDATIONS

EXAMEN DU RAPPORT PAR L’OFFICE

liste des personnes entendues par les rapporteurs

ANNEXE – Compte rendu de la mission de M. Jean-François Portarrieu, député, et M. Pierre Médevielle, sénateur, aux États-Unis (11 - 14 mars 2024)

 

 

 

 


1 —

 

   Saisine

 

 

 


   Synthèse

Le secteur aéronautique joue un rôle de premier plan dans l’économie mondiale, puisqu’il facilite le commerce international, le tourisme et les échanges culturels. Il est cependant un contributeur significatif aux émissions de gaz à effet de serre, responsables du changement climatique. Faute d’une action résolue, l’impact du secteur aéronautique pourrait augmenter considérablement, tant en termes absolus que relatifs, du fait de la croissance du trafic aérien prévue dans les prochaines décennies. Malgré la baisse concomitante des émissions dans d’autres secteurs, ceci mettrait en péril les efforts de limitation du réchauffement climatique.

Saisi par les commissions des affaires économiques ainsi que du développement durable et de l'aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, l'Office a évalué les avancées technologiques et les développements industriels et opérationnels susceptibles de faciliter la décarbonation du secteur de l’aéronautique. Le rapport ([1]) formule plusieurs recommandations destinées à développer la production des carburants d’aviation décarbonés, à soutenir la recherche et l’innovation et à préparer les infrastructures nécessaires au développement de l’aviation décarbonée.

 


1 —

 

  1.   L’impact de l’aviation sur le climat

Le secteur aéronautique a connu un rapide développement depuis le début du XXe siècle. Le trafic aérien mondial devrait continuer à croître à un rythme soutenu, probablement supérieur à 3 % par an, dans les décennies à venir, notamment en Asie-Pacifique et au Moyen-Orient.

Les moteurs d’avions à turbine utilisent des carburants à base de kérosène. Celui-ci émet, tout au long de son cycle de vie, 3,75 kg de CO2 par kilogramme consommé. D’autres produits issus de la combustion du kérosène, comme la vapeur d’eau et les oxydes d’azote (NOx) ont également des impacts sur le climat, qui sont appelés « effets non-CO2 » et dont l’ampleur exacte n’est pas connue précisément.

Soumis à une forte concurrence, le secteur aérien a toujours cherché à baisser sa consommation de carburant. Toutefois, cette réduction a été plus que compensée par la croissance rapide du trafic aérien. Ainsi, depuis 1973, l’intensité énergétique de l’aviation a diminué de 79 % mais le trafic aérien a augmenté de 1 236 %, si bien que les émissions de CO2 se sont accrues globalement de 176 %.

À ce jour, le secteur est directement responsable de 2 % à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ce qui est comparable aux émissions d’un pays comme l’Allemagne. Si rien n’est fait, avec la poursuite de la croissance du trafic et la décarbonation des autres secteurs économiques, cette part devrait augmenter fortement dans les années à venir.

  1.   Une prise de conscience des acteurs du secteur

Les acteurs du secteur aéronautique ont engagé des démarches de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a adopté en 2008 un objectif de croissance du trafic « neutre en carbone » à partir de 2020, puis en 2022 un objectif « net zéro » pour 2050. L’Union européenne s’est donné une feuille de route à travers le Pacte vert adopté en 2019 et le paquet climat « Fit for 55 » adopté en 2023.

En France, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – dite loi Climat et résilience –a conduit à élaborer une « feuille de route de décarbonation de l’aérien », sous l’égide de la DGAC et du GIFAS, qui présente plusieurs scénarios et formule des recommandations pour la filière et pour l’État.

  1.   Les technologies et innovations pour la décarbonation
    1.   L’électrification de l’aviation

L’électrification de l’aviation présente plusieurs atouts : l’absence complète d’émissions en vol, des coûts d’exploitation limités en termes de carburant et de maintenance, la réduction du bruit et la possibilité d’une propulsion distribuée sur la voilure, qui permet de réduire la consommation de 20 % à 30 % et accroît la portance à basse vitesse.

Mais elle se heurte à un obstacle majeur : une densité énergétique massique des batteries trop faible, de 250 Wh/kg pour la technologie Li-ion, soit 48 fois moins que celle du kérosène. D’après une étude récente de la NASA, il faudrait qu’elle atteigne au moins 400 Wh/kg et 750 Wh/kg pour répondre aux besoins respectifs des aviations générale et régionale.

De ce fait, l’avion 100 % électrique sera, dans un premier temps, limité au transport d’un petit nombre de passagers sur de courtes distances. Les premiers avions électriques commercialisés sont d’ailleurs des biplaces destinés à la formation des pilotes.

Les taxis volants électriques (eVTOL ou Electrical Vertical Take-Off and Landing aircraft) sont un autre champ d’application de l’électrification. Mais ces aéronefs à décollage vertical sont surtout destinés à remplacer le transport terrestre et ne contribuent donc pas directement à la décarbonation de l’aviation.

Les avions hybrides associent propulsions électrique et thermique afin de s’affranchir des limites du « tout électrique » et de combiner les avantages des deux modes, par exemple en décollant et en atterrissant en mode électrique et en réservant la motorisation thermique au vol en régime de croisière.

Les avions hybrides en cours de développement par des start-up françaises et étrangères pourront emporter quelques dizaines de passagers sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres, à un coût par passager qui devrait être significativement inférieur à celui des avions actuels, ce qui favorisera le développement de l’aviation régionale.

  1.   Les perspectives de l’hydrogène

L’hydrogène peut être utilisé de deux façons pour propulser un avion. D’une part, il peut alimenter une pile à combustible qui génère de l’électricité pour entraîner un moteur électrique, en n’émettant que de l’eau. D’autre part, il peut être brûlé dans un turboréacteur, à la place du kérosène, auquel cas il émet de la vapeur d’eau mais aussi des oxydes d’azote (NOx).

À l’inverse des batteries, la densité énergétique massique de l’hydrogène est 3 fois supérieure à celle du kérosène. Toutefois, sa densité énergétique volumique est 3 000 fois inférieure. Il doit donc être stocké soit sous forme gazeuse à très haute pression, par exemple 700 bars, soit sous forme liquide à une température inférieure à – 253,6° C ; ceci nécessite des réservoirs lourds et encombrants.

De ce fait, les avions à hydrogène pourront difficilement franchir de très longues distances.

La conception d’un avion à propulsion hydrogène pose de multiples difficultés techniques, notamment sur le plan de la sécurité : intégration des réservoirs, confinement sûr de l’hydrogène, distribution du fluide au sein de l’avion, etc.

De plus, l’exploitation d’une flotte d’avions à hydrogène nécessiterait que celui-ci puisse être disponible non seulement dans quelques grands aéroports, mais aussi dans ceux vers lesquels des avions seraient susceptibles d’être déroutés en cas de difficulté.

Si aucun de ces obstacles n’apparaît a priori insurmontable, les résoudre demandera du temps, tout comme la certification d’un avion à hydrogène. Des entreprises de toutes tailles, du leader mondial Airbus aux start-up, en France comme à l’étranger, travaillent sur la conception d’avions à hydrogène et, pour certaines, font déjà voler des prototypes.

  1.   L’innovation dans la conception et l’efficacité des avions

Les propulsions électrique, hybride et hydrogène n’étant adaptées qu’aux liaisons court- et moyen-courriers, les technologies actuelles continueront à être utilisées pour les vols long-courriers, qui génèrent plus de la moitié des émissions de CO2 de l’aviation.

Pour décarboner ces liaisons, plusieurs solutions existent. Il est possible de diminuer d’à peu près un quart la consommation des avions, donc leurs émissions de CO2, en améliorant leur efficacité énergétique, notamment en réduisant leur masse, en perfectionnant leur aérodynamique ou en optimisant le rendement thermique et propulsif des moteurs.

Les avions peuvent être sensiblement allégés, tant pour les structures (fabrication additive, substitution de matériaux composites aux matériaux métalliques) que pour le câblage servant à la transmission de données (multiplexage, fibre optique ou technologies sans-fil).

L’aérodynamique peut être améliorée en réduisant la traînée induite par l’ajout de winglets en bout d’ailes ou l’allongement de ces dernières, et en diminuant la traînée de frottement, par la conception de voilures laminaires, améliorant l’écoulement de l’air, ou par l’intégration motrice à la carlingue.

Pour améliorer l’efficacité des moteurs, il est possible d’agir sur leurs rendements thermique et propulsif.

L’augmentation du rendement thermique peut être obtenue en modifiant la conception de la chambre de combustion ou par un accroissement de la température en sortie de celle-ci, qui suppose d’utiliser de nouveaux matériaux comme les composites à matrice céramique.

L’amélioration du rendement propulsif est obtenue principalement par l’augmentation du taux de dilution, notamment en agrandissant la taille de la soufflante. Le taux de dilution des turboréacteurs est ainsi passé de 2:1 dans les années 1970 à 12:1 dans les années 2010 et pourrait atteindre 25:1 à 30:1 pour la prochaine génération de turboréacteurs.

  1.   L’optimisation des opérations en vol et au sol

Enfin, l’efficacité énergétique globale des aéronefs peut être améliorée d’environ 10 % en optimisant les opérations en vol et au sol.

En vol, les travaux portent sur l’adaptation des trajectoires aux conditions internes et externes à l’avion. De nouveaux systèmes d’aide à la navigation faisant appel à l’intelligence artificielle seront à même de prendre en compte les paramètres pertinents et de proposer aux pilotes une trajectoire optimale.

Au sol, les principales pistes d’amélioration consistent à électrifier certaines fonctions lors du stationnement, comme le chauffage ou la climatisation, et à n’utiliser qu’un seul moteur en phase de roulage (SETI/SETO) ou à électrifier celle-ci.

  1.   Les carburants d’aviation durables (CAD)
    1.   Le rôle essentiel des carburants d’aviation durable

La mesure la plus importante pour réduire les émissions des avions à motorisation thermique consiste à substituer tout ou partie du kérosène d’origine fossile par des carburants d’aviation durables (CAD), aussi appelés SAF (pour Sustainable Aviation Fuel).

Il en existe deux grandes catégories, en fonction de l’origine du carbone et de l’hydrogène dont ils sont constitués :

Le 13 septembre 2023, l’Union européenne a adopté la réglementation ReFuel EU qui fixe des mandats d’incorporation des CAD pour les vols internes : leur part totale doit passer de 2 % en 2025 à 70 % en 2050, et pour le sous-ensemble des e‑carburants, de 1,2 % en 2030 à 35 % en 2050.

ReFuel EU retient une définition restrictive des CAD, qui introduit des limitations sur la provenance des matières premières, afin de prendre en compte des enjeux éthiques et sociétaux.

A contrario, des pays tels que les États-Unis, le Japon ou le Canada n’ont pas fixé de tels mandats, même s’ils partagent un objectif ambitieux d’incorporation de 10 % de carburants d’aviation durables en 2030.

Les carburants d’aviation durables doivent par ailleurs être certifiés par l’ASTM International, qui vérifie qu’ils sont compatibles avec les moteurs d’aviation. À ce jour, sept filières de production de CAD sont certifiées dans le cadre de la norme ASTM D7566, qui impose des contraintes de composition et de propriétés thermo-physiques (point de fusion, ébullition, etc.) et encadre l’origine des hydrocarbures synthétiques et le procédé de raffinage utilisé.

Dans ce cadre, l’incorporation de CAD dans le kérosène est limitée à 50 %, en raison de l’absence de molécules aromatiques, indispensables au maintien de l’étanchéité des joints des moteurs. Les moteurs de nouvelle génération seront conçus pour permettre une incorporation à 100 %.

Les molécules aromatiques étant les principales responsables des traînées de condensation des avions, l’usage des CAD devrait réduire les effets non-CO2. Les e-carburants étant exempts des impuretés présentes dans les biocarburants, cette réduction devrait être encore plus marquée dans leur cas.

  1.   L’impact sur les compagnies aériennes

Le coût des biocarburants matures sur un plan technique est 3 à 4 fois plus élevé que celui du kérosène d’origine fossile et celui des e‑carburants est 4 à 10 fois plus élevé. D’après l’ADEME, à l’horizon 2050, le coût des CAD demeurerait environ 2,5 fois plus élevé que celui du kérosène. Le carburant représentant environ le quart des coûts opérationnels des compagnies aériennes, la substitution complète du kérosène par les CAD conduirait à une hausse du prix des billets des vols long-courriers de l’ordre de 35 %.

  1.   En France, une production de CAD limitée par les ressources disponibles

Les ressources disponibles en France pour la production de biocarburants devraient permettre de répondre à l’essentiel des besoins de l’aviation jusqu’en 2030-2035.

En effet, le gisement annuel des ressources durables lipidiques est de 0,5 million de tonnes (Mt), dont 0,3 Mt sont collectées, ce qui permettrait de produire 0,25 Mt/an de CAD. Le gisement de biomasse ligno-cellulosique représente quant à lui 67 Mt ; en mobiliser 10 % permettrait de produire 1,8 Mt/an de CAD.

Le complément nécessaire sera fourni par les e‑carburants, qui deviendront majoritaires dans l’approvisionnement en CAD à partir de 2040. Dans ce domaine, la France bénéficie de deux atouts.

D’une part, c’est l’un des rares pays en Europe, avec la Norvège et la Suède, à disposer d’une électricité suffisamment décarbonée pour produire utilement des e‑carburants : sur leur cycle de vie, les e‑carburants français seront 10 fois moins émetteurs de gaz à effet de serre que le kérosène, alors que des e-carburants produits avec le mix énergétique européen moyen seraient plus émetteurs que le kérosène.

D’autre part, plusieurs entreprises françaises sont en pointe dans le domaine des électrolyseurs indispensables à la production d’hydrogène décarboné. Par contre, la France est en retard sur les technologies de capture du carbone, en particulier par rapport aux États-Unis et à l’Allemagne.

L’installation de 6,5 gigawatts d’électrolyseurs d’ici 2030 et de 10 gigawatts d’ici 2035, prévue dans le cadre du Plan hydrogène, devrait permettre de produire par électrolyse 0,8 Mt d’hydrogène dès 2030 et 1,3 Mt dès 2035, ce qui devrait très largement permettre de répondre aux besoins de l’aviation et des autres secteurs consommateurs d’hydrogène jusqu’en 2040.

Globalement, pour satisfaire ses besoins en CAD, la France devra disposer d’environ 2 TWh d’électricité en 2030 et 50 TWh en 2040 si elle peut mobiliser 6,7 Mt de biomasse sèche, ou de 2 TWh d’électricité en 2030 et 71 TWh en 2040 si seulement 4 Mt de biomasse sèche peuvent être mobilisés.

La mise en place de nouveaux moyens de génération d’électricité décarbonée en quantité suffisante sera donc indispensable à la production des carburants d’aviation durables à l’horizon 2040.

 


 


   Introduction

Le 7 mars 2023, la commission des affaires économiques et la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale ont saisi l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) « d’une étude visant à évaluer les avancées technologiques et les développements industriels et opérationnels susceptibles de permettre la décarbonation du secteur de l’aéronautique ». L’Office a confié cette étude à M. Jean-François Portarrieu, député, et M. Pierre Médevielle, sénateur, le 23 mars 2023.

Les rapporteurs ont suivi une démarche d’investigation conforme aux pratiques habituelles de l’Office, en procédant à une large consultation des parties prenantes. À l’occasion d’auditions et de plusieurs déplacements en France ainsi que d’un déplacement aux États-Unis, ils ont rencontré plus de 100 chercheurs, universitaires, associations, acteurs institutionnels et industriels français et étrangers.

*    *
*

Le secteur aéronautique joue un rôle de premier plan dans l’économie mondiale, puisqu’il facilite le commerce international, le tourisme et les échanges culturels. Cependant, ce secteur est également un contributeur significatif aux émissions de gaz à effet de serre responsables du changement climatique. Avec la croissance du trafic aérien prévue dans les prochaines décennies et la baisse concomitante des émissions dans d’autres secteurs, l’impact du secteur aéronautique devrait augmenter considérablement, tant en termes absolus que relatifs, mettant en péril les efforts de limitation du réchauffement climatique.

Les enjeux environnementaux de l’aviation sont multiples. Ses émissions de CO2 contribuent directement à l’effet de serre et au changement climatique. D’autres émissions, telles que les oxydes d’azote (NOx) et les particules fines, ont également un impact sur le climat, tout comme la qualité de l’air, en particulier à proximité des aéroports. Enfin, le bruit généré par les avions est une source de nuisance pour les populations, avec des effets démontrés en termes de santé et de qualité de vie. Lors de leurs entretiens aux États-Unis, les rapporteurs ont relevé l’accent mis par leurs interlocuteurs sur ce dernier inconvénient.

Sur le plan économique, la décarbonation de l’aviation devrait avoir des impacts majeurs. Les investissements nécessaires pour la recherche, le développement et le déploiement de technologies propres sont considérables. Cependant, ces investissements peuvent stimuler l’innovation, créer de nouveaux emplois et ouvrir de nouveaux marchés, permettant aux pionniers d’aujourd’hui de prétendre devenir les leaders de demain.

Pour expliciter l’ampleur du défi, les rapporteurs se sont attachés à dresser un état des lieux précis et actualisé des émissions de gaz à effet de serre générées par le secteur de l’aviation. Cela inclut l’évaluation des tendances actuelles, l’impact environnemental des opérations aériennes et la part de l’aviation dans les émissions globales de CO2.

Ils ont également cherché à identifier les technologies et innovations prometteuses pouvant contribuer à réduire les émissions du secteur : utilisation de carburants alternatifs, tels que les biocarburants et l’hydrogène, avancées dans la conception des avions pour une efficacité énergétique accrue, potentiel des systèmes de propulsion décarbonés, etc.

C’est sur la base de ces analyses que les rapporteurs ont formulé des recommandations destinées à accélérer la décarbonation de l’aviation, tout en préservant les atouts de la France dans ce secteur industriel majeur.

 

 


   Première partie

état des lieux de l’aviation et de son impact environnemental

 

I.   Un secteur international et innovant

1.   Une évolution rapide depuis un siècle

a.   Les premiers balbutiements de la conquête de l’air

Les débuts de la conquête de l’air remontent à la fin du XVIIIe siècle, avec le développement des ballons à air chaud par les frères Joseph-Michel et Jacques-Étienne Montgolfier. En 1783, le premier vol habité en ballon a lieu à la Folie Titon. Cette première incursion dans le ciel est suivie de progrès dans le domaine des engins plus légers que l’air, notamment avec les dirigeables, qui utilisent des gaz légers tels que l’hydrogène pour s’élever. Bien que prometteurs pour le transport de passagers et de marchandises comme pour les applications militaires, les dirigeables voient leur développement freiné par leurs performances limitées, leur relative fragilité et les risques mis en évidence par des catastrophes telles que l’incendie du Hindenburg en 1937.

b.   Les pionniers des engins « plus lourds que l’air »

La véritable genèse de l’aviation moderne commence avec les frères Orville et Wilbur Wright. Le 17 décembre 1903, à Kitty Hawk, en Caroline du Nord, ils effectuent le premier vol contrôlé et prolongé d’un aéronef motorisé plus lourd que l’air sur le Flyer, une machine volante qu’ils ont conçue et réalisée.

Quelques années plus tôt, en 1890, près de Paris, Clément Ader est probablement déjà parvenu à faire décoller sur quelques mètres un engin plus lourd que l’air motorisé : l’avion Éole, dont les ailes sont inspirées de celles des chauve-souris. Mais la conception de l’appareil, en particulier l’absence de gouverne de direction efficace, ne permettait pas un vol stable et contrôlé.

Après l’exploit des frères Wright, les vols et les progrès s’enchaînent aussi bien en France qu’aux États-Unis. Le 25 juillet 1909, Louis Blériot effectue la première traversée de la Manche à bord d’un avion monoplan léger de sa conception : le Blériot Type XI. Cet appareil, produit jusqu’en 1931, fut le premier avion utilisé à des fins militaires, le 23 octobre 1911, durant la guerre italo-turque, pour un vol de reconnaissance au-dessus de Tripoli.

c.   L’impact de la Première guerre mondiale sur l’évolution de l’aviation

La Première guerre mondiale accélère le développement des technologies aéronautiques en initiant une compétition intense entre les belligérants, qui permet d’étendre les applications militaires de l’aviation de la reconnaissance à la chasse aérienne, en passant par l’appui rapproché au sol et le bombardement. Les fragiles aéronefs du début du conflit laissent la place à des machines beaucoup plus robustes et plus puissantes, dotées d’un fuselage métallique, capables d’atteindre des vitesses relativement élevées et d’effectuer des manœuvres complexes.

d.   Les années 1920-1930, âge d’or de l’aviation

Après la guerre, ces avancées technologiques sont transposées dans le domaine civil et les pilotes démobilisés sont engagés par les premières compagnies aériennes. En 1927, le vol transatlantique en solitaire de Charles Lindbergh à bord du Spirit of Saint Louis accroît l’intérêt du public pour l’aviation. Au cours de cette période, le développement de moteurs plus efficaces et l’introduction des premiers avions de ligne modernes, tels que le Boeing 247 ou le Douglas DC-3, révolutionnent le transport aérien commercial en permettant des voyages plus sûrs, plus rapides et plus confortables. Ces progrès contribuent à la croissance des compagnies aériennes, en particulier aux États-Unis.

e.   La Seconde guerre mondiale, une étape décisive

Durant la Seconde guerre mondiale, des technologies aussi révolutionnaires que les radars ou les turboréacteurs sont développées. Le passage de l’hélice au moteur à réaction permet des vols à haute altitude, à des vitesses proches de 800 kilomètres par heure [2]. Ces nouvelles conditions de vol imposent aux ingénieurs de revoir intégralement la conception des avions : forme, matériaux, manœuvre de décollage, pressurisation, etc.

f.   L’essor de l’aviation commerciale moderne

Après la guerre, les industriels rentabilisent les efforts financiers et technologiques fournis durant le conflit [3]. Face à ces évolutions, la première conférence internationale de l’aviation civile se tient en 1944 à Chicago. Elle voit la création de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) qui assure, encore aujourd’hui, la coordination du secteur aéronautique mondial. Cette conférence permet également de fixer les premières normes de sécurité aérienne, ouvrant la voie à une nouvelle accélération du développement de l’aéronautique.

En effet, les progrès techniques et le nouveau cadre réglementaire international permettent le développement à grande échelle du marché du transport commercial, en particulier de passagers. Les chocs pétroliers de la décennie 1970 incitent les compagnies aériennes à densifier les vols et les routes aériennes, afin de contenir les coûts et améliorer la rentabilité.

À la fin des années 1970, le trafic aérien croît à un rythme annuel moyen de 5 %, porté par une baisse constante des coûts par kilomètre et par passager. Cette évolution permet la démocratisation du voyage aérien, qui constitue la troisième révolution de l’aéronautique.

 

L’indicateur ASK ou « available seat kilometers » correspond à la capacité aérienne disponible
(produit du nombre de sièges disponibles et du nombre de kilomètres parcourus).
L’indicateur RPK ou « passenger seat kilometers » désigne le nombre de kilomètres réellement parcourus par les clients.

Évolution du trafic aérien depuis les années 1930 (unité en ordonnées : « T » = « tera » = 1012).

g.   Une baisse drastique de la consommation unitaire de carburant compensée par une hausse plus rapide du trafic aérien

Pour résister à la concurrence et abaisser la consommation de carburant des appareils, les avionneurs innovent constamment. Ils proposent des modèles de plus en plus légers et performants, en modifiant la taille ou la forme des ailes, les matériaux ou encore en améliorant les performances du moteur.

Ainsi, depuis les premiers avions à réaction du début des années 1970, la consommation de carburant par kilomètre et par passager a baissé de 80 %. Avec la mise en service des avions de dernière génération (familles Airbus A320 neo, A330 neo, A350, Boeing B737 MAX et B787), elle est inférieure, par passager, à 3 litres aux 100 kilomètres.

Cependant, sur la même période, le trafic aérien a été multiplié par 13. Les émissions de CO2 du trafic aérien ont donc quasiment triplé depuis les années 1970.

Il est généralement admis que l’aviation commerciale (avions de ligne et avions cargo) représente à ce jour environ 2 % à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit l’équivalent de celles d’un pays comme l’Allemagne ou de la production industrielle mondiale d’un gaz tel que l’hydrogène.

Émissions mondiales de gaz à effet de serre par secteur en 2016
(Source : Hanna Ritchie d’après des données de Climate Watch, de World Ressources Institute)

2.   L’état actuel du trafic aérien

a.   Usage commercial, militaire et privé

Le transport commercial de passagers représente 71 % de la consommation de carburant de l’aviation. En 2019, en France, l’avion était utilisé pour 9 % de l’ensemble des voyages et 79 % des voyages de 900 kilomètres ou plus [4].

Le fret aérien consomme 17 % du carburant d’aviation au niveau mondial. Ce mode de transport présente de nombreux avantages : il permet d’éviter certaines frontières, de se rendre dans des endroits inaccessibles autrement ; il est rapide et sûr. Cependant, il reste très onéreux, si bien qu’il est réservé au transport de marchandises à haute valeur ajoutée (équipement électronique, œuvres d’art, produits de luxe, etc.). Il représente 35 % des échanges de marchandises en valeur mais seulement 1 % en volume.

L’aviation militaire contribue à 8 % de la consommation de kérosène mondiale. En France, les forces armées disposent d’une composante aérienne (armée de l’air), et des avions militaires sont également affectés à la force marine, dotée d’une aéronautique navale.

L’aviation d’affaires, qui consomme 4 % du carburant d’aviation, recouvre l’utilisation d’avions par des entreprises et des individus pour le transport privé, à des fins commerciales ou personnelles, en dehors des services aériens commerciaux réguliers. Sauf exception, ces avions comportent moins de vingt sièges. En 2021, environ 70 % des trajets en jets privés en Europe ont été effectués pour des motifs professionnels [5].

L’aviation d’affaires permet un accès direct à des destinations multiples et souvent moins accessibles, offrant ainsi un avantage significatif en termes de gain de temps, de flexibilité et d’efficacité pour les affaires. La France est le premier marché d’Europe en termes de mouvements de jets privés. Les États-Unis et l’Europe drainent 90 % de l’activité du marché mondial et exploitent 77 % de la flotte mondiale de jets privés.

Source :S. Gössling et A. Humpe, « The global scale, distribution and growth of aviation :
Implications for climate change », Global Environmental Change, novembre 2020

b.   Trajets en avion : régional, court, moyen, long-courrier ; domestique ou international

Les compagnies aériennes proposent une gamme variée de services aériens, organisés selon des critères géographiques et de distance. Ces services se déclinent principalement en trois catégories : le transport domestique, caractérisé par des opérations aériennes au sein des frontières nationales, le transport régional, qui vise à connecter des passagers de petites et moyennes agglomérations à des hubs aéroportuaires majeurs dans un rayon de 100 à 400 kilomètres, et le transport international, qui établit des liaisons entre différents pays, voire continents.

La classification des vols en court, moyen et long-courrier est sujette à des variations, en l’absence de critères standardisés. En général, les vols court-courriers couvrent des distances n’excédant pas 500 kilomètres, les vols moyen-courriers s’étendent entre 500 et 5 000 kilomètres et les vols long-courriers excèdent cette distance. La définition précise de ces catégories peut varier selon les compagnies aériennes et les types d’appareils. Le record mondial du plus long vol commercial est détenu depuis le 15 mai 2020 par la compagnie aérienne française French Bee reliant Papeete à Paris sans escale sur 16 129 kilomètres en 16 heures et 45 minutes. La liaison directe envisagée entre Londres et Sydney, couvrant une distance de 18 000 kilomètres en environ 20 heures, illustre la capacité d’extension des opérations aériennes long-courrier.

Au niveau mondial, les vols commerciaux se répartissent entre un tiers de vols domestiques et deux tiers de vols internationaux. En France métropolitaine, les vols internationaux représentent le segment le plus dynamique : 74 % du trafic passager est international, mais seulement 38 % s’effectue en dehors de la zone Schengen.

Source : Union des Aéroports Français (UAF), 2022

Les aéroports de Paris (Paris-Charles de Gaulle et Paris-Orly) accueillent respectivement 57 millions et 29 millions de passagers par an. Ils représentent 53 % du trafic de passagers en France métropolitaine. 34 % de ce trafic s’effectue vers ou depuis des destinations situées en dehors de la zone Schengen.

Les grands aéroports régionaux reçoivent plus de 5 millions de passagers chaque année. Il s’agit des aéroports Bâle-Mulhouse, Bordeaux-Mérignac, Lyon-Saint-Exupéry, Marseille-Provence, Nantes-Atlantique, Nice-Côte d’Azur et Toulouse-Blagnac. D’autres aéroports régionaux accueillent annuellement entre 1 et 5 millions de passagers : Paris-Beauvais, Lille-Lesquin, Montpellier, Ajaccio-Napoléon Bonaparte et Bastia-Poretta. Enfin, des aéroports de proximité accueillent entre 100 000 et 1 million de passagers : Biarritz, Strasbourg, Brest, Rennes, etc.

Plus les aéroports sont petits, plus le trafic domestique est important. Il représente 54,6 % du trafic pour les aéroports de proximité, 51,6 % pour les aéroports régionaux et 35,1 % pour les grands aéroports régionaux. Les lignes domestiques françaises les plus utilisées sont : Paris-Toulouse (3,2 millions de passagers par an), Paris-Nice (idem), Paris-Marseille (1,6 million), Paris-Bordeaux (1,2 million).

c.   Les différents types de voyageurs : des inégalités d’usage

Par rapport au transport ferroviaire ou routier, l’avion est un moyen de transport peu démocratisé : 40 % des Français n’ont jamais pris l’avion [6] (environ 80 % des personnes au niveau mondial), alors que 36 % le prennent au moins une fois par an [7]. En France, en 2017, le secteur aérien représentait seulement 0,1 % des trajets, 1 % du temps de transport et 16 % des kilomètres parcourus, en incluant les voyages à l’étranger [8].

Source : Pouvoir voler en 2050, The Shift Project, 2021

Part de la population prenant l’avion au moins une fois par an
en fonction du niveau de revenus [9]

 

Population

Population qui vole au moins une fois dans l’année a

Nombre de passagers b

 

(en millions)

(en millions)

(en % de la population)

(en millions)

(en % de la population)

Très faibles revenus

705

5

0,7 %

23

3%

Faibles revenus

3023

91

3 %

454

15%

Revenus élevés

2656

266

10 %

1313

49%

Revenus très élevés

1210

484

40 %

2442

202%

Ensemble

7594

845

11 %

4233

56%

(a) un individu qui prend 2 fois l’avion dans l’année compte pour 1

(b) un individu qui prend 2 fois l’avion dans l’année compte pour 2

Source : S. Gössling et A. Humpe, « The global scale, distribution and growth of aviation : Implications for climate change », Global Environmental Change, novembre 2020

d.   Évolution du trafic de passagers et du fret

En 2019, 180 millions de passagers ont voyagé sur 1,57 million de vols domestiques et internationaux au départ de la France, ce qui représente une multiplication par cinq du nombre de passagers par rapport à 1980, principalement du fait de l’augmentation des vols internationaux.

Cette croissance est similaire au niveau mondial : le nombre de passagers a été multiplié par huit, passant de 310 millions à 4,5 milliards entre 1970 et 2019. L’évolution a été rapide : de 5 à 6 % par an entre 2012 et 2019, avec une croissance plus forte dans les pays émergents (Asie du Sud et du Sud-Est, Émirats Arabes Unis).

Concernant le fret, en 2019, 2,2 millions de tonnes de marchandises ont été transportées en 55 900 mouvements au départ de la France, et 57,6 millions de tonnes au niveau mondial. Le fret a connu un essor important depuis une cinquantaine d’années : le trafic de marchandises (la masse transportée multipliée par la distance parcourue, en tonnes.kilomètres) a été multiplié par 14 entre 1970 et 2019, passant de 15,5 millions de t.km à 221 millions de t.km.

Source : UAF 2022 (unité = tonnes.km ; « M » = « millions »)

La crise de la Covid-19 a conduit à une baisse de 60 % du trafic de passagers entre 2019 et 2020, entraînant des pertes économiques historiques pour les compagnies aériennes et les aéroports ainsi que, dans une moindre mesure, pour les constructeurs aéronautiques. Le niveau de trafic de 2019 n’a été à nouveau atteint que trois ans plus tard, en mai 2023. Ainsi, l’indicateur de redressement du trafic aérien en France atteint le taux de 99,6 % en référence à 2019 et le trafic international représente 101,6 % de celui de mai 2019. En 2022, la demande de fret aérien avait quasiment retrouvé son niveau de 2019, mais l’Association du transport aérien international (IATA) [10] tablait sur une baisse de volume de 5,6 % à l’échelle mondiale en 2023, principalement liée à la baisse des crédits des transporteurs.

D’après les projections du Groupe d’action du transport aérien (ATAG) [11], la croissance globale du trafic de passagers devrait se poursuivre à un rythme annuel moyen de 3,1 % sur la période 2021-2025. Elle devrait être plus forte en Asie-Pacifique et au Moyen Orient qu’en Europe et en Amérique du Nord.

Source : ATAG 2021

Source : ATAG 2021

e.   Le secteur aéronautique, atout majeur pour la France

À l’échelle mondiale, le transport aérien permet le développement des échanges économiques, le tourisme international et des liaisons entre territoires irréalisables autrement.

La France occupe une place particulière dans l’écosystème aérien. Positionnée comme première destination touristique mondiale, avec environ 90 millions de visiteurs par an, elle abrite l’aéroport Paris–Charles de Gaulle, premier aéroport français et neuvième aéroport mondial en termes de passagers (76 millions par an). Cet aéroport est le hub de deux sociétés internationales de transport de marchandises de premier plan : Fedex et DHL, ainsi que de la compagnie Air France. Dans le secteur de l’industrie, l’avionneur Airbus fournit 50 % des avions de ligne mondiaux et le motoriste Safran produit 70 % des moteurs d’avions court- et moyen-courriers.

En France, le transport aérien a joué un rôle prépondérant dans le désenclavement des territoires ultramarins, avec des vols entre l’Outre-mer et la métropole et des vols internes aux outre-mers comportant des communes insulaires. Dans un rapport du Sénat sur les Outre-Mer publié en 2009, le secteur aérien est qualifié d’essentiel pour le développement économique des territoires [12]. En 2019, un autre rapport du Sénat sur la contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires considère l’avion comme un outil pertinent pour rejoindre Paris dès lors que le temps de trajet en train ou en voiture nécessite plus de quatre heures.

Par ailleurs, le secteur aérien représente une source d’emplois très importante ainsi qu’un levier de croissance pour l’économie nationale. Le chiffre d’affaires généré en 2018 par l’ensemble du secteur aérien en France s’élevait à 100 milliards d’euros, équivalent à 4,3 % du produit intérieur brut. En agrégeant emplois directs et indirects, ce secteur emploie 342 000 personnes [13]. Il représente 7 % de l’activité industrielle française [14] et se place au deuxième rang mondial, juste derrière les États-Unis et devant la Chine, avec un chiffre d’affaires de 58 milliards d’euros en 2018 [15].

Le transport aérien et les activités aéroportuaires comptaient 85 000 emplois directs en France en 2022 [16]. Les aéroports ont de nombreux impacts immédiats sur le développement des territoires, en termes d’emploi, de commande locale de biens et de services ou encore de fiscalité, par leurs activités propres (gestion, maintenance, sécurité, commerces, etc.) et les activités directement liées (maintenance aéronautique, chaînes logistiques, tourisme, etc.).

Enfin, transport aérien et développement économique s’influencent mutuellement de manière positive, le premier permettant le déplacement des salariés, des clients et des touristes et le second l’implantation des infrastructures. En outre, l’accroissement des capacités aéroportuaires rétroagit sur l’emploi : on estime qu’un million de passagers annuels ou cent mille tonnes de fret supplémentaires créent plus de trois mille emplois directs et indirects [17].

3.   Une filière structurée par des acteurs à différentes échelles

a.   Les acteurs institutionnels nationaux et internationaux

L’aviation possède une forte dimension internationale : les réglementations nationales doivent être homogènes pour éviter les distorsions de concurrence, par exemple pour les taxes sur les carburants. Les aéroports de départ et d’arrivée doivent également pouvoir répondre aux mêmes besoins pour un avion donné : type de carburant, aire de stationnement, etc.

i.   L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)

L’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) est une institution spécialisée des Nations unies, créée en 1944 pour coordonner les activités diplomatiques des gouvernements dans le domaine du transport aérien international. Depuis sa création, les 193 États-membres ont adopté plus de 12 000 normes et bonnes pratiques qui guident l’harmonisation des réglementations nationales sur la sécurité, la sûreté, l’efficacité et la capacité de l’aviation, ainsi que sur la protection de l’environnement, et aident à établir un réseau de transport véritablement mondial.

L’OACI assure la promotion des progrès techniques et opérationnels pour atteindre les objectifs environnementaux qu’elle se fixe, notamment l’amélioration de l’efficacité énergétique, qui figure parmi ses objectifs depuis 2010. Elle encourage également l’innovation technologique, par exemple pour les propulsions alternatives, ainsi que les carburants d’aviation durables (CAD, en anglais Sustainable Aviation Fiouls ou SAF).

ii.   L’Agence de l’Union européenne de la sécurité aérienne (EASA)

L’EASA (European Union Aviation Safety Agency), Agence de l’Union européenne de la sécurité aérienne, établie en 2002 et basée à Cologne, est une institution de l’Union européenne chargée de promouvoir les normes de sécurité et de protection de l’environnement dans le secteur de l’aviation civile.

Le mandat de l’EASA recouvre un large champ d’activités, incluant la certification des aéronefs et des équipements, la surveillance de la sécurité des compagnies aériennes, l’élaboration de normes techniques et la promotion de la recherche et du développement dans le domaine de la sécurité aérienne.

L’agence est également responsable de l’harmonisation des réglementations de sécurité aérienne au sein des États membres de l’Union européenne et travaille en étroite collaboration avec les autorités nationales de l’aviation civile. Elle collabore également avec les organisations internationales de l’aviation et des autorités de pays tiers.

iii.   La Federal Aviation Administration (FAA)

Équivalent américain de l’EASA, la FAA est l’agence gouvernementale américaine responsable de la régulation de tous les aspects de l’aviation civile aux États-Unis. Fondée en 1958 sous le nom d’Agency for Federal Aviation avant d’être rebaptisée en 1967, la FAA fait partie du Département du Transport (United States Department of Transportation ou USDOT). Son siège se situe dans la capitale Washington.

Le mandat principal de la FAA est d’assurer la sécurité du système de transport aérien national, en réglementant l’aviation civile et en gérant le trafic aérien sur le territoire américain et dans les eaux internationales adjacentes. Elle encourage et facilite le développement d’un système de transport aérien sûr, efficace et durable, tout en protégeant l’environnement.

À ce titre, les responsabilités de la FAA englobent plusieurs domaines clés. En particulier, dans le cadre de la régulation de la sécurité aérienne, elle élabore des politiques, des règlements et des normes pour la construction, l’exploitation et l’entretien des aéronefs. Elle délivre également des certifications aux pilotes, aux techniciens de maintenance et aux compagnies aériennes.

De plus, pour assurer la gestion du trafic aérien, l’agence opère le National Airspace System (NAS), qui comprend la navigation aérienne, la gestion du trafic aérien et les infrastructures connexes, pour garantir des vols sûrs et ordonnés. Par ailleurs, la FAA travaille à réduire les impacts environnementaux de l’aviation, notamment en réglementant les émissions sonores et atmosphériques des aéronefs.

À l’occasion de leur déplacement à Washington, les rapporteurs ont pu prendre connaissance des initiatives engagées par la FAA pour décarboner l’aviation, conformément au U.S. Aviation Climate Action Plan en cours de mise à jour. Elles portent sur plusieurs axes : évolution technologique, carburants durables, optimisation opérationnelle, etc. L’objectif de ce plan sur 3 ans est l’atteinte de zéro émissions nettes de gaz à effet de serre en 2050.

Enfin, comme l’a souligné Pierre Farjounel, directeur général Europe d’Universal Hydrogen lors de son audition, la FAA porte une attention particulière à la facilitation de l’innovation, en particulier au travers de son Centre pour les concepts émergents et l’innovation (en anglais, Center for Emerging Concepts and Innovation ou CECI) qui permet aux entreprises innovantes d’engager un dialogue technique sans entrer dans un processus de certification formalisé.

iv.   L’ASTM International

L’ASTM International, anciennement connue sous le nom d’American Society for Testing and Materials, est une organisation internationale de normalisation qui développe et publie des normes techniques pour une vaste gamme de matériaux, produits, systèmes et services. Fondée en 1898, l’ASTM joue un rôle essentiel dans la définition des standards de qualité, de sécurité, de performance et de conformité environnementale à travers le monde.

Dans le domaine de l’aviation, l’ASTM International élabore des normes qui couvrent différents aspects, allant de la conception et la fabrication des aéronefs jusqu’aux technologies et matériaux innovants utilisés dans l’industrie. Ces normes sont élaborées par des comités d’experts provenant de divers secteurs de l’aviation, y compris les fabricants d’aéronefs, les compagnies aériennes, les organismes de réglementation et les institutions de recherche.

En particulier, l’ASTM International établit des spécifications pour les carburants d’aviation, y compris les biocarburants, pour s’assurer qu’ils sont sûrs, performants et compatibles avec les moteurs d’aéronefs existants ou à venir.

v.   Le Conseil consultatif pour la recherche aéronautique en Europe (ACARE)

Le Conseil consultatif pour la recherche aéronautique en Europe (ACARE, de l’anglais Advisory Council for Aeronautics Research in Europe) est un organe consultatif européen qui vise à améliorer la compétitivité et la durabilité du secteur aéronautique au sein de l’Union européenne. Ce partenariat public-privé entre la direction générale des transports et de l’énergie de la Commission européenne et les représentants de l’industrie a été lancé lors du salon de Paris-Le Bourget de 2001. Il compte une quarantaine de membres.

À la suite de la publication de l’Agenda stratégique de recherche de l’ACARE en 2002, la Commission européenne a lancé plusieurs initiatives de recherche aéronautique dans le cadre de ses sixième et septième Programmes-cadres de recherche et de développement technologique (PCRD, en anglais Framework Programmes for Research and Technological Development) ainsi que du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020. Par exemple, l’entreprise commune SESAR, créée en 2007, pilote la définition et la mise en œuvre d’un nouveau plan directeur pour la gestion du trafic aérien en Europe et l’initiative technologique conjointe Clean Sky, initiée en 2008, coordonne et finance des projets de recherche destinés à atténuer l’impact environnemental de l’aviation en développant des technologies plus économes en carburant.

vi.   La direction générale de l’Aviation civile (DGAC)

La direction générale de l’Aviation civile (DGAC) est l’administration chargée de réguler et de superviser les activités de l’aviation civile en France. Relevant du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, la DGAC joue un rôle essentiel dans la gestion de la sûreté et de la sécurité du transport aérien, la navigation aérienne, la défense des positions françaises dans les instances internationales, la formation du personnel aéronautique, ainsi que dans la régulation du transport aérien et le développement durable du secteur aérien.

La DGAC est organisée en plusieurs directions et services qui reflètent ses diverses missions, dont la direction de la Sécurité de l’aviation civile, la direction des Services de la navigation aérienne et la direction du Transport aérien. Elle dispose également d’établissements publics tels que l’École nationale de l’aviation civile (ENAC), qui forme les professionnels du secteur.

vii.   Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS)

Créé en 1908, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) est une fédération professionnelle regroupant plus de 400 entreprises, des grands groupes jusqu’aux PME, des secteurs aéronautique et spatial, dans le domaine civil ou militaire.

Le GIFAS représente ses adhérents auprès des autorités françaises, européennes et internationales et défend leurs intérêts. De plus, il assure une coordination entre ses membres et les accompagne sur diverses thématiques : compétitivité économique, numérisation, stratégie d’innovation, etc.

Il dispose également d’un réseau international, avec cinq bureaux situés à Washington, Montréal, New Delhi et Dubaï, qui assurent une coordination régionale pour ses membres présents à l’étranger ou souhaitant s’y implanter.

Enfin, le GIFAS organise tous les deux ans, par l’intermédiaire de sa filiale SIAE, le Salon international de l’aéronautique et de l’espace de Paris-Le Bourget, qui est le salon professionnel le plus important au niveau mondial dans ce secteur.

viii.   Le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC)

Le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), créé en 2008, coordonne la recherche et l’innovation dans l’aéronautique civile française. Il réunit des acteurs clés du secteur, comme les avionneurs, les équipementiers, les compagnies aériennes, les aéroports, les centres de recherche et les ministères, sous l’égide de la DGAC et du GIFAS.

Le CORAC vise à harmoniser les efforts de recherche pour réduire l’impact environnemental de l’aviation, notamment en diminuant de manière significative la consommation de carburant et les émissions de CO2 des aéronefs.

Ainsi que l’a rappelé à l’occasion de son audition Yannick Assouad, directrice générale adjointe chargée des activités avioniques et membre du comité exécutif du groupe Thales, ainsi que présidente du comité de pilotage du CORAC, celui-ci gère le plan de relance de l’aéronautique, doté d’un budget de 2,5 milliards d’euros, et 1,2 milliard d’euros supplémentaires attribués pour le développement de l’avion régional monocouloir ultrasobre, ainsi que les crédits de recherche de la DGAC à hauteur de 135 millions d’euros par an.

ix.   L’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA)

Créé en 1946, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) est un établissement public de recherche placé sous la tutelle du ministère des Armées dont la mission principale est de soutenir l’innovation et le développement dans le domaine de l’aéronautique, de l’espace et de la défense. À ce titre, il a contribué à de nombreux programmes aérospatiaux majeurs en France et en Europe : Concorde, Ariane, Airbus, Rafale, etc.

L’expertise de l’ONERA couvre un large spectre de disciplines : aérodynamique, propulsion, matériaux et structures, physique des hautes altitudes, systèmes embarqués, etc. Cette diversité de compétences lui permet de mener des recherches fondamentales et appliquées, allant des études théoriques aux essais en soufflerie en passant par le développement de technologies avancées et la simulation numérique. L’une des forces de l’ONERA réside dans son infrastructure de recherche, qui comprend des installations uniques en Europe, telles que des souffleries et des supercalculateurs.

L’ONERA collabore étroitement avec de nombreux acteurs du secteur aérospatial en France et à l’étranger : universités, centres de recherche, grandes entreprises, PME, etc. L’organisme joue également un rôle central dans la formation des chercheurs et des ingénieurs, par le biais de programmes doctoraux et de postdoctoraux.

b.   Les acteurs du secteur privé

i.   Les constructeurs

Le marché de la construction d’avions moyen-courriers et long-courriers est dominé par le français Airbus (gammes A220, A320, A321, A350) et l’américain Boeing (gammes 737, 767, 777 et 787). En 2023, ces deux entreprises ont reçu respectivement 2 094 et 1 314 commandes nettes. Elles ont respectivement livré la même année 735 et 528 appareils. Pour les court-courriers, le segment se répartit entre le canadien Bombardier et le brésilien Embraer, avec une montée en puissance du constructeur franco-italien ATR.

Les avionneurs font appel à un grand nombre de sous-traitants, fournisseurs d’équipements ou de pièces spécifiques, souvent des PME et ETI. Les travaux confiés en sous-traitance représentent entre 30 % et 80 % de la valeur de l’aéronef. Par exemple, Airbus a recours à 12 000 sous-traitants, dépendants de l’avionneur.

De nombreux sous-traitants travaillent pour plusieurs avionneurs et certains pour des entreprises d’autres secteurs de pointe. Lors de son audition, la DGAC a souligné la nécessité de soutenir l’ensemble de l’écosystème de la filière industrielle aéronautique, par un accompagnement financier à toutes les échelles : les avionneurs, les motoristes, mais également leurs sous-traitants, PME et ETI.

Les constructeurs aéronautiques mettent en œuvre de lourds programmes industriels qui s’étagent dans des intervalles de temps assez longs, environ tous les 50 ans. Par exemple, la conception de l’Airbus A320 remonte aux années 1990 et celle du Boeing 737 aux années 1960. Le programme de sortie d’un nouvel avion, qui présente toujours une part de risque industriel, est préparé très en amont. Ainsi, pour une nouvelle génération d’appareils qui doivent entrer en service vers 2035, l’avionneur doit avoir choisi ses fournisseurs dès 2027-2028, ce qui implique que les technologies nécessaires soient disponibles avant 2027.

L’industrie aéronautique est aussi marquée par un fort impératif de sécurité. Tous les composants techniques, de la carlingue au carburant, en passant par le moteur et les systèmes internes, doivent suivre un processus strict de certification par l’EASA et la FAA, nécessitant généralement plusieurs années.

ii.   Les motoristes

Dans l’industrie aéronautique, les motoristes jouent un rôle majeur. Ces entreprises sont au cœur de l’innovation technologique, contribuant significativement à l’amélioration de la performance, de l’efficacité énergétique ainsi qu’à la réduction des émissions et du bruit.

Au niveau mondial, les principaux motoristes sont : General Electric Aviation, une branche de General Electric, avec les moteurs GE90, GEnx et GE9X ; Rolls-Royce plc, non lié à la célèbre marque automobile, avec les moteurs Trent 1000, Trent XWB et Trent 7000 ; Pratt & Whitney, une unité de Raytheon Technologies, avec la gamme PurePower Geared Turbofan ; Safran Aircraft Engines, membre du groupe Safran ; CFM International, une coentreprise créée par GE Aviation et Safran Aircraft Engines, avec les moteurs CFM56 et LEAP.

iii.   Les compagnies aériennes

Le modèle économique des compagnies aériennes est très spécifique, avec de gros volumes mais de faible marges. Les coûts fixes : salaires, entretien des avions, loyers des avions, représentent 50 % de leurs coûts de fonctionnement. Dans ce secteur d’activité très soumis à la concurrence internationale, les marges bénéficiaires oscillent entre 1 % et 3 % du chiffre d’affaires. D’après l’Association du transport aérien international (IATA), en 2023, les compagnies aériennes ne gagnaient en moyenne que 2,25 dollars américains par passager. Leur rentabilité dépend donc principalement des coûts variables, en particulier du coût du carburant, et du taux de remplissage des avions.

D’après Doganis, 2010.
En fonction des fluctuations du prix du baril, la part du kérosène dans les coûts peut atteindre 30 %.

Les compagnies européennes sont moins rentables que leurs homologues américaines [18]. L’écart s’explique par un marché moins concentré. De plus, les compagnies aériennes historiques subissent de plein fouet la forte concurrence des compagnies à bas prix comme Easyjet, Ryan Air, Transavia ou Wizz Air, qui représentent aujourd’hui 40 % du marché européen. Du fait de cette concurrence, les activités court- et moyen-courrier d’Air France et de Lufthansa sont déficitaires depuis plusieurs années [19].

iv.   L’Association du transport aérien international (IATA)

Fondée en 1945, l’Association du transport aérien international (IATA, de l’anglais International Air Transport Association), est l’organisation professionnelle mondiale des compagnies aériennes. Elle représente quelque 300 compagnies aériennes qui générent 83 % du trafic aérien mondial [20]. Basée à Montréal, avec un centre exécutif principal à Genève, l’IATA vise à faciliter la coopération entre les compagnies aériennes.

Dans ce cadre, l’IATA représente les intérêts des compagnies aériennes auprès des régulateurs, des autorités gouvernementales et des fournisseurs de services. Elle élabore également des normes internationales pour les procédures et services de l’aviation, telles que la billetterie électronique, le transport de marchandises dangereuses et les procédures de sécurité. De plus, elle propose des programmes de formation pour améliorer les compétences professionnelles dans divers domaines de l’aviation.

v.   Le Groupe d’action du transport aérien (ATAG)

Le Groupe d’action du transport aérien (ATAG, de l’anglais Air Transport Action Group) est un groupe d’experts issus de tous les secteurs de l’industrie aéronautique : compagnies aériennes, gestionnaires d’aéroports, constructeurs, organisations de navigation aérienne, etc.

L’ATAG a été fondée en 1990 dans le but de promouvoir le transport aérien durable et, à ce titre, joue un rôle de premier plan dans la coordination des efforts de l’industrie pour réduire son empreinte environnementale et améliorer son efficacité énergétique.

II.   L’impact carbone du secteur aérien

1.   Le fonctionnement des avions

a.   Aérodynamique d’un avion

Un avion à l’équilibre est soumis à quatre forces : son poids, la poussée des moteurs et la résultante des efforts aérodynamiques, que l’on décompose en une force verticale opposée au poids, la portance, et une force horizontale opposée à la poussée des moteurs, la traînée.

Représentation schématique des 4 forces principales sur un avion. Source : Référentiel Supaéro

L’enjeu principal de la conception d’un avion consiste à maximiser la portance pour pouvoir transporter une plus grande masse, et minimiser la traînée pour réduire la consommation de carburant.

Les avionneurs ont l’habitude de décomposer la traînée en deux postes prédominants : la traînée de frottement, due au frottement de l’air sur les surfaces de l’avion, et la traînée induite, générée par la portance locale qui n’est pas strictement verticale en bout d’aile.

La traînée induite est liée au mouvement vertical descendant induit par le contournement de l’air en bout d’aile. La force de portance locale Leff n’est pas perpendiculaire à la direction de la vitesse de vol et sa projection selon cette direction donne une contribution appelée traînée induite Di. Source : Référentiel Supaéro

b.   Propulsion de l’avion

Les avions commerciaux fonctionnent avec deux types de moteurs : les turbopropulseurs et les turboréacteurs.

Turboréacteur (à gauche) et turbopropulseur (à droite) Source : Référentiel Supaéro

Les turbopropulseurs combinent les éléments d’une turbine à gaz avec une hélice. L’air entrant est comprimé par un compresseur et mélangé à du carburant dans une chambre de combustion, où le mélange est ensuite enflammé. Les gaz chauds produits passent à travers une turbine, la faisant tourner ainsi que le compresseur et l’hélice connectés à la turbine via un arbre. L’hélice, en tournant, crée l’essentiel de la poussée nécessaire pour propulser l’avion.

Les turbopropulseurs sont bien adaptés à des vitesses basses et à des vols de courte à moyenne distance, en raison d’une meilleure performance dans la conversion du carburant en poussée, surtout à des altitudes basses. Par ailleurs, leurs coûts d’exploitation sont relativement bas, ce qui les rend attrayants pour les opérations aériennes régionales et de fret.

Les turbopropulseurs ne permettent pas d’atteindre des vitesses très élevées. En effet, la vitesse d’écoulement en bout de pale des hélices ne doit pas dépasser la vitesse du son car cela altèrerait l’aérodynamique de l’hélice donc sa performance. Néanmoins, l’avion de ligne doté de turbopropulseurs le plus rapide à ce jour, le Tupolev Tu-114, pouvait atteindre une vitesse de pointe de 870 km/h (Mach 0,88), proche de celle des avions de ligne modernes. Enfin, l’hélice génère beaucoup de bruit, ce qui peut être gênant pour le confort des passagers.

Les turbopropulseurs ont une puissance réduite : les plus puissants délivrent au maximum 10 mégawatts. De ce fait, ils sont en général utilisés sur des avions de ligne de taille limitée, par exemple l’ATR-72.

Les turboréacteurs aspirent l’air à l’avant du moteur, où il est comprimé par un ou plusieurs compresseurs. L’air comprimé entre dans la chambre de combustion, où il est mélangé avec du carburant et enflammé. Les gaz chauds ainsi produits passent à travers la turbine, la faisant tourner ainsi que le compresseur. Les gaz s’échappent ensuite à grande vitesse à travers la tuyère à l’arrière du moteur, créant la poussée qui propulse l’avion vers l’avant.

Les moteurs des avions de ligne actuels utilisent des turboréacteurs double flux : un flux secondaire s’ajoute au flux primaire et passe dans la tuyère d’éjection en contournant la chambre de combustion, générant une poussée additionnelle à celle du flux primaire. Le taux de dilution désigne le rapport des débits de masse entre le flux secondaire et le flux primaire.

Les turboréacteurs permettent d’atteindre des vitesses élevées, ce qui les rend optimaux pour les vols long-courriers et les avions de chasse. Ils sont efficaces à haute altitude, où l’air est moins dense, ce qui permet de voler indépendamment des conditions météorologiques et de réduire la traînée.

Les turboréacteurs sont moins efficaces à basse vitesse et à basse altitude, ce qui se traduit par une consommation de carburant plus élevée dans ces conditions de vol. En outre, les coûts de maintenance et d’exploitation peuvent être plus élevés que pour les turbopropulseurs, en particulier pour les opérations de courte distance.

Le rendement thermopropulsif ou global mesure la performance des moteurs : il désigne le rapport entre l’énergie utile de propulsion de l’aéronef et l’énergie fournie lors de la combustion du kérosène. Le rendement global des turboréacteurs double flux est de 25 %. Les turbopropulseurs ont un meilleur rendement, mais une vitesse et une altitude limitées.

c.   Systèmes de l’avion

En plus de propulser l’avion, les moteurs alimentent ses différents systèmes de sécurité, de navigation et de communication. Entre 5 et 10 % de la consommation totale de carburant y sont consacrés. Suivant les applications, cette énergie est transformée en puissance électrique, pour les commandes de vol et les systèmes de cabine, puissance hydraulique, pour les commandes de vol et les atterrisseurs, ainsi que puissance pneumatique, pour la protection contre le givre et le conditionnement d’air.

Le carburant alimente également le groupe auxiliaire de puissance (en anglais Auxiliary Power Unit ou APU). Il s’agit en général d’un turbomoteur à démarrage électrique, d’une puissance pouvant atteindre plusieurs centaines de kilowatts, qui consomme du kérosène pour alimenter les systèmes de bord : conditionnement d’air, tension électrique, pression hydraulique, etc., quand les moteurs sont à l’arrêt, ce qui permet d’économiser le carburant.

L’APU permet de faire démarrer les moteurs. En effet, si en régime de croisière ils s’autoalimentent car la turbine à gaz permet de faire fonctionner les compresseurs, il faut de l’énergie pour les démarrer et initier ce cycle. Hormis certains avions d’affaires, presque tous les avions disposent d’un groupe auxiliaire de puissance.

Les différentes phases d’un vol commercial (source : Le monde de l’aviation civile, ENAC)

2.   Les émissions d’un avion

a.   Combustion du kérosène

Les moteurs d’avion à turbine utilisent des carburants à base de kérosène. Celui-ci a une densité assez élevée, même à température ambiante, et un fort pouvoir calorifique, de l’ordre de 43 mégajoules par kilogramme, rendant son utilisation très intéressante à bord des aéronefs.

En aviation civile, le carburant à base de kérosène le plus répandu est le Jet A1, conforme à la norme internationale des carburants d’aviation Aviation Fuel Quality Requirements for Jointly Operated Systems ou AFQRJOS. Il est composé en majorité d’hydrocarbures saturés, constitués de chaînes d’atomes de carbone et d’hydrogène liés par des liaisons simples, et contient au maximum 25 % d’hydrocarbures insaturés aromatiques, constitués de molécules cycliques présentant des liaisons doubles, particulièrement stables. Il inclut aussi certains composés qui placent sa température de gel à -47°C, appropriée pour l’aviation, car à 11 000 mètres d’altitude la température est proche de -56,5°C.


La formule moyenne du kérosène est C10H22 (la chaîne carbonée pouvant inclure de 9 à 13 atomes de carbone). Dans un turboréacteur d’avion, la combustion du kérosène a lieu par la réaction qui suit :

Cette réaction produit du dioxyde de carbone et de la vapeur d’eau, pour respectivement 72 % et 27,6 % de la composition des produits de combustion. Comme la réaction est imparfaite et qu’elle a lieu dans l’air, d’autres composés sont produits en bien plus faibles quantités : des oxydes d’azote (NOx) à hauteur de 0,3 %, du monoxyde de carbone (CO) à hauteur de 0,04 %, des oxydes de soufre (SOx) à hauteur de 0,02 %, des hydrocarbures imbrûlés à hauteur de 0,01 %, des particules de suie à hauteur de 0,0004 %, et du protoxyde d’azote (N2O) dans une proportion inférieure.

Les oxydes d’azote sont formés par oxydation de l’azote de l’air aux fortes valeurs de température et de pression en sortie de chambre de combustion survenant lors des phases de décollage et de montée.

Le monoxyde de carbone et les hydrocarbures imbrûlés résultent de la combustion incomplète du kérosène lors de certaines phases de vol effectuées à puissance réduite.

Les oxydes de soufre proviennent de l’oxydation du soufre contenu dans le kérosène lors de la combustion.

Les suies sont les résidus solides des gaz d’échappement, formés par la condensation des composés aromatiques non brûlés lors de la combustion : leur production augmente lors des phases à haut régime, le décollage et la montée, et dépend aussi de la teneur du carburant en composés aromatiques.

Le protoxyde d’azote est produit lors de la combustion à basse température, c’est-à-dire à haute altitude.

b.   Émissions de gaz à effet de serre

Les gaz à effet de serre absorbent et réémettent le rayonnement infrarouge émis par la surface terrestre réchauffée par le rayonnement solaire. Certains sont présents naturellement dans l’atmosphère (vapeur d’eau, CO2, etc.). Ils rendent possible la vie sur Terre en maintenant la température à 15° C en moyenne. Mais l’augmentation de leur concentration dans l’atmosphère, due aux activités humaines, déséquilibrant le bilan énergétique du système climatique, est le facteur principal du réchauffement climatique. Le CO2, le méthane et le protoxyde d’azote émis lors de la combustion du kérosène sont tous des gaz à effet de serre.

Le kérosène conventionnel génère en fait des gaz à effets de serre tout au long de son cycle de vie : extraction, transport, raffinage, puis combustion. Il est donc important de ne pas considérer seulement les émissions générées par le vol, mais celles associées au cycle de vie du kérosène. L’intérêt de certaines solutions présentées par la suite, par exemple les biocarburants, réside dans le fait que le CO2 émis lors de la combustion a été capté en amont, dans l’air ou par photosynthèse.

De même, pour les avions électriques, qui n’émettent pas de CO2 en vol, l’impact carbone de l’électricité doit être pris en compte dans la mesure des émissions de gaz à effet de serre. L’analyse en cycle de vie permet d’évaluer de la manière la plus exhaustive possible l’impact environnemental d’un avion.

Source : ADEME « Détail des émissions de CO2eq par kg de kérosène consommé »

Le kérosène émet 3,75 kilogrammes de CO2 par kilogramme consommé, dont 16 % pour sa production et sa distribution et 84 % pour sa combustion. Les autres gaz à effet de serre émis, méthane et protoxyde d’azote, ont un pouvoir réchauffant (PRG) supérieur à celui du CO2 : 28 fois plus élevé pour le méthane et 273 fois plus élevé pour le protoxyde d’azote. Même s’ils sont émis en bien plus faible quantité, le bilan du kérosène est rehaussé à 3,825 kilogrammes de CO2eq par kilogramme consommé lorsqu’ils sont pris en compte.

90 % des émissions liées aux vols commerciaux ont lieu pendant la phase de croisière et 9 % pendant les phases d’atterrissage et de décollage (en anglais, Landing and Take-off cycle ou LTO). Enfin, 1 % des émissions est dû à l’utilisation des groupes auxiliaires de puissance.

Comparaison des émissions par passager.kilomètre selon le mode de transport.
Source : Autorité de régulation des transports, d’après la base carbone de l’ADEME.

c.   Effets non-CO2

D’autres produits issus de la combustion, sans avoir pour impact direct un renforcement de l’effet de serre, ont néanmoins des effets notables, à plus ou moins long terme, sur le climat. Pour décrire leur effet, on utilise la notion de forçage radiatif, qui correspond à la différence entre le flux radiatif reçu et le flux radiatif émis par le système climatique terrestre [21].

Le CO2 et les autres gaz à effet de serre augmentent le forçage radiatif, ce qui induit un réchauffement de l’atmosphère.

On distingue en pratique cinq effets non-CO2 : la formation de cirrus induits par les traînées de condensation, l’effet des NOx et de la vapeur d’eau sur les concentrations de gaz à effet de serre, les interactions aérosol-radiation et les interactions aérosol-nuage. Ils agissent sur le forçage radiatif de manière positive ou négative. Cependant, au total, l’effet réchauffant est supérieur à l’effet refroidissant.

Source : projet Climaviation

  1.   La formation des cirrus induits par les traînées de condensation

Les traînées de condensation sont des nuages fins et linéaires de particules de glace visibles derrière les aéronefs en vol, qui se forment par condensation de la vapeur d’eau issue de la combustion du carburant. Dans le cas des carburants à base de kérosène, cette condensation est fortement favorisée par la présence d’aérosols de combustion comme la suie, mais aussi de soufre et d’hydrocarbures imbrûlés. Si l’air est sec, les traînées se dissipent vite et leur effet est négligeable. Principalement en haute altitude (les avions passent 10 à 15 % du temps de leur régime de croisière dans de telles régions), si l’air est sursaturé d’humidité par rapport à la glace, les particules de glace de la traînée grossissent par déposition des molécules de vapeur d’eau ambiante et la traînée peut subsister, voire se développer en cirrus induits persistants, qui ont des effets complexes sur le forçage radiatif.

Les interactions aérosol-nuage sont les processus par lesquels les aérosols entraînent la formation des nuages, notamment lors des traînées de condensation. Les cristaux de glace qui constituent les cirrus se forment alors autour de ces aérosols. Dans une atmosphère avec une forte concentration en aérosols, les nuages se forment sur une plus grande quantité d’aérosols, formant des cristaux plus petits, ce qui retient plus les infrarouges la nuit, augmentant le forçage radiatif. On a cependant une estimation très incertaine des effets quantitatifs de ces interactions sur le forçage radiatif.

  1.   L’effet des NOx et de la vapeur d’eau sur les concentrations de gaz à effet de serre

Les NOx (NO, NO2) ont un effet à la fois positif et négatif sur le forçage radiatif, dû à une interaction complexe avec les autres gaz à effet de serre. Dans les basses couches de l’atmosphère, ce sont des polluants qui nuisent à la qualité de l’air. En haute atmosphère, ils agissent sur la chimie environnante, dans une interaction complexe avec l’ozone (O3) et le méthane (CH4).

À court terme, les NOx réagissent avec l’oxygène de l’air pour créer de l’ozone (O3), ce qui augmente le forçage radiatif, l’ozone étant un gaz à effet de serre. De manière concomitante, les NOx réduisent la durée de vie et l’abondance du méthane (CH4), ce qui réduit le forçage radiatif induit par le méthane. À long terme, cette réduction du méthane diminue la quantité d’ozone et de vapeur d’eau stratosphériques, ce qui induit un forçage radiatif négatif.

Néanmoins, la contribution des NOx à l’effet de serre constitue un terme de forçage positif, et donc une élévation de la température atmosphérique. Les NOx ont cependant un impact bien inférieur à celui du CO2.

  1.   Les interactions aérosol-radiation et aérosol-nuage

Les interactions aérosol-radiation sont dues aux particules fines émises lors de la combustion, notamment de la suie (aérosol) et des SOx (précurseurs d’aérosol, formant des aérosols de sulfate SO42- par oxydation dans l’atmosphère ambiante). Les deux types d’aérosols créent du forçage radiatif à partir des interactions aérosol-rayonnement : la suie absorbe le rayonnement à ondes courtes, ce qui entraîne un réchauffement net, et l’aérosol de sulfate diffuse le rayonnement à ondes courtes entrant, ce qui entraîne un refroidissement net.

De nombreuses incertitudes subsistent sur l’impact des différents effets non-CO2. C’est pourquoi des recherches supplémentaires demeurent nécessaires pour les quantifier.

d.   Comparaison entre effets CO2 et effets non-CO2

Une différence notable entre les effets CO2 et non-CO2 concerne leurs échelles de temps. Alors que le CO2 demeure pendant des siècles dans l’atmosphère, les cirrus induits par les traînées de condensation subsistent quelques jours dans le pire des cas et les aérosols au plus un an. Ainsi, l’impact des effets CO2 est cumulatif et sur le long terme, alors que l’impact des effets non-CO2 dépend de la variation des émissions annuelles.

Source : Référentiel Supaéro

La variation des effets non-CO2 dépend fortement de la variation du trafic, comme le fait apparaître, sur le graphique précédent, la forte corrélation entre le trafic aérien et le forçage radiatif efficace ou RFE (en anglais, Effective Radiative Forcing ou ERF) lié à l’aviation, en sachant que le forçage radiatif efficace lié au CO2 reste stable dans le temps.

3.   État des lieux des émissions actuelles

a.   Émissions du secteur aérien en France et dans le monde

En France, les vols aériens domestiques émettent annuellement 5,4 Mt de CO2, soit 4 % des émissions du secteur des transports et 1,2 % des émissions totales du pays (en 2021, le secteur des transports générait 39 % des émissions de CO2eq nationales, 94 % étant issues du transport routier [22]). En prenant en compte les soutes internationales, les vols au départ de la France émettent annuellement 24,3 Mt de CO2, ce qui représente 14,9 % des émissions du secteur des transports et 5,3 % des émissions françaises de gaz à effet de serre.

Emissions de CO2 – périmètre France. Source Citepa et DGAC

Au niveau mondial, le secteur aérien a émis environ une gigatonne de CO2 en 2019, ce qui représente 11 % des émissions dues aux transports et 2 à 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

D’après le CITEPA, en 2020, avec la baisse du trafic résultant de la crise de la Covid-19, les émissions du trafic aérien international ont baissé de 57% par rapport à 2019. Le trafic ayant repris sa croissance, les émissions ont augmenté en 2023 de 16 % par rapport à 2022, mais restent 15 % plus basses qu’en 2019 [23].

L’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dues au secteur aérien a été notable au cours des 30 dernières années. En France, ces émissions ont augmenté de 85 % entre 1990 et 2019, du fait des vols internationaux (+105 %) plutôt que des vols domestiques (+37 %). Compte tenu de la baisse des émissions de gaz à effet de serre sur la même période, la part de l’aérien dans les émissions françaises a été plus que doublée, passant de 2,4 % en 1990 à 5,3 % en 2019.

b.   Quelles évolutions prévisibles ?

L’OACI estime que si aucune nouvelle mesure n’est prise, les émissions du transport aérien mondial en 2050 pourraient tripler par rapport au niveau de 2010, en lien avec une forte croissance du trafic mondial [24].

En 2019, l’EASA prévoyait, en l’absence de progrès technologique, une augmentation de 37 % des émissions de CO2 du secteur aérien européen entre 2017 et 2040, dans l’hypothèse d’une poursuite de la croissance tendancielle du trafic aérien constatée avant la crise Covid [25].

En avril 2024, l’Agence internationale de l’énergie (IEA) observe dans son rapport mensuel [26] que, malgré une activité aérienne « à peu près équivalente », la demande de carburant pour le transport aérien « a diminué de plus de 6 % au second semestre 2023 par rapport à la même période en 2019 », estimant que « cette tendance devrait se poursuivre avec l’arrivée (…) d’un plus grand nombre de nouveaux avions » plus sobres en kérosène, ce qui contribuera à limiter l’effet de la progression de la demande de transport aérien sur les émissions de CO2 à moyen terme.

D’après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), sans action complémentaire à celles déjà prises aujourd’hui, les émissions de CO2 liées aux vols au départ de la France pourraient augmenter de 26 % entre 2019 et 2050. Compte tenu de la baisse globale des émissions françaises, leur part dans celles-ci pourrait être multipliée par 4, atteignant 23 %.

c.   Quels trajets et quels voyageurs émettent le plus ?

Les trajets les plus longs sont les moins nombreux, mais les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Au niveau mondial, les émissions proviennent à 80 % des vols de plus de 1 500 kilomètres, pour lesquels n’existe aucune alternative. 46 % des émissions sont dues aux vols long-courriers de plus de 4 000 kilomètres, alors qu’ils ne représentent que 6 % des vols.

De même, les émissions des vols au départ de la France proviennent à 80 % des vols internationaux moyen- et long-courriers (voir figure ci-dessous).

Source : The Shift Project 2021.

Les vols de grande capacité sont les plus émetteurs. Au niveau européen, les avions monocouloirs effectuent la plus grande part des vols (65 %), mais les avions bi-couloirs sont ceux qui émettaient le plus de CO2 en 2019 (48 % des émissions totales).

Le segment des jets privés est celui qui émet le plus de gaz à effet de serre par passager. En effet, par passager, un jet privé émet 5 à 14 fois plus qu’un vol commercial [27]. Cette différence s’explique principalement par le nombre de passagers transportés par trajet : en moyenne 4,7 passagers par vol pour un jet privé, contre plusieurs centaines pour les vols commerciaux. Ce segment connaît également une croissance plus forte que les autres, qui se traduit par une augmentation plus rapide de ses émissions. Entre 2005 et 2019, les émissions de CO2 des jets privés européens ont augmenté de 31 %, contre 25 % pour l’aviation commerciale européenne.

Répartition des vols, émissions et NOx en fonction de la distance parcourue et du type d’aéronef en Europe. Source : EASA

Enfin, le coût carbone du secteur aérien est réparti inégalement dans la population. On estime que 1 % seulement de la population mondiale est responsable de 50 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur aéronautique [28].

d.   État des connaissances sur les effets non-CO2

L’estimation la plus récente du forçage du CO2 et des effets non-CO2 et de leurs incertitudes a été réalisé dans un article de Lee et al. (2021)[29] consistant en une compilation et une analyse statistique des modélisations climatiques publiées dans la littérature scientifique, démarche similaire à celle mise en œuvre par le GIEC.

Même si beaucoup d’incertitudes subsistent quant à l’impact des effets non‑CO2, les auteurs estiment que l’aviation, avec ses effets CO2 et non-CO2, représentait en 2011 3,5 % du forçage radiatif induit au niveau mondial. Le CO2 n’en serait que la plus faible part, deux tiers provenant des effets non-CO2, en majorité des traînées de condensation.

Comme indiqué précédemment, les cirrus induits par les traînées de condensation se forment dans des régions sursaturées en glace. Ainsi, seuls certains vols génèrent des traînées de condensation durables. Une étude réalisée dans l’espace aérien du Japon a montré que 17,8 % des vols génèrent des traînées de condensation et que 2,2 % des vols génèrent 80 % de ces traînées. Cette étude demande des justifications supplémentaires mais suggère d’ores et déjà qu’une minorité de vols génère la majorité du forçage radiatif dû à l’aviation, ce qui était déjà le cas pour les seuls effets CO2.

 


   Deuxième partie

Cadre légal et engagements internationaux

 

I.   L’équation de Kaya

En 1990, le chercheur japonais Yoichi Kaya a proposé une approche permettant de décomposer les émissions de CO2 d’un pays en différents facteurs. Elle a par la suite été adaptée au secteur des transports, afin de mettre en évidence des leviers d’action permettant de le décarboner. Pour l’aviation, la formule proposée est la suivante :

CO2 = (CO2 / énergie) × (énergie / trafic) × trafic

Cette présentation de la quantité de CO2 émise permet d’identifier trois leviers de décarbonation : l’intensité carbone de l’énergie utilisée, l’intensité énergétique du transport et le trafic en nombre de passagers.

Émissions = intensité carbone énergie × intensité énergétique × trafic

L’intensité carbone de l’énergie, mesurée en tonnes de CO2 par joule (tCO2/J), désigne la quantité de CO2 émise par unité d’énergie utilisée. Elle peut être réduite par l’utilisation de vecteurs énergétiques autres que le kérosène, tels que l’électricité, l’hydrogène, les biocarburants, etc.

L’intensité énergétique, exprimée en joules par passager et par kilomètre (J/pass.km) désigne l’énergie utilisée pour transporter un passager sur un kilomètre. Les mesures de réduction de l’intensité énergétique (autrement dit d’amélioration de l’efficacité énergétique) incluent la réduction de la consommation via des améliorations du moteur et de la structure de l’avion, ainsi que des mesures d’économie d’énergie en vol et au sol.

Le trafic, en passager.kilomètre (pass.km) ou passager.kilomètre payant (PKP, en anglais revenue passenger kilometer ou RPK [30]), correspond au nombre total de passagers multiplié par la distance parcourue. La question de la réduction du trafic ne sera pas examinée dans le présent rapport, puisqu’elle relève de la politique publique de sobriété.

Evolution des termes de l’équation de Kaya entre 1973 et 2018.
Source : référentiel Supaéro, à partir de données de l’AIE et l’OACI.

Le graphique ci-dessus montre que les émissions de CO2 du secteur ont augmenté de 176 % depuis 50 ans, en raison d’un accroissement de 1 236 % du trafic, alors que l’intensité énergétique a baissé dans le même temps de 79 %. L’intensité carbone est restée stable, illustrant l’utilisation continue du kérosène depuis 50 ans.

II.   Les feuilles de route de l’OACI et de l’ATAG

Les émissions de CO2 du secteur de l’aviation internationale ont vocation à être traitées dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale, qui a pour fonction la régulation mondiale de l’activité de transport aérien ; mais l’ATAG y joue aussi un rôle de premier plan, souvent précurseur.

1.   À partir de 2008, l’affirmation d’un objectif majeur : une croissance du trafic neutre en carbone à compter de 2020

a.   Les objectifs de l’ATAG (2008)

En 2008, le secteur de l’aviation est devenu l’une des premières industries à élaborer un plan d’action climatique au niveau mondial. Le Groupe d’action du transport aérien (ATAG) a adopté une série d’objectifs pour réduire les émissions de CO2, notamment un plafonnement des émissions nettes de CO2 de l’aviation à partir de 2020, une amélioration moyenne de l’efficacité énergétique de 1,5 % par an de 2009 à 2020 et une réduction des émissions nettes de CO2 de l’aviation de 50 % d’ici à 2050, par rapport aux niveaux de 2005.

b.   Des objectifs endossés par l’OACI (37e session, 2010)

En 2010, l’OACI a repris les deux premiers objectifs de l’ATAG. Il s’agit, d’une part, d’un objectif indicatif de stabilisation mondiale des émissions nettes du secteur au niveau de 2020. Depuis, cet objectif indicatif a simplement été réaffirmé en 2013, 2016 et 2019. D’autre part, un objectif indicatif de réduction moyenne annuelle mondiale de la consommation de carburant de 2 % entre 2021 et 2050 a également été retenu.

c.   Comment parvenir à une croissance « carbo-neutre » du trafic ? Les premières approches de l’OACI (38e session, 2013)

En 2013, l’OACI a publié une estimation de la façon dont différents leviers – gestion du trafic et infrastructure, technologie des aéronefs ainsi que carburants alternatifs durables et mesures basées sur le marché – devraient contribuer à la réalisation d’une croissance « carbo-neutre » du trafic après 2020.

Tendances en matière d’émissions nettes de CO2 de l’aviation internationale, OACI [31]

d.   L’adoption par l’OACI du dispositif CORSIA (39e session, 2016)

Lors de sa 39e session, l’OACI a adopté un système mondial de compensation et de réduction des émissions de CO2 pour l’aviation mondiale, en anglais Carbon Offsetting and Reduction Scheme for International Aviation (CORSIA).

Le fonctionnement du CORSIA repose sur l’obligation pour les compagnies aériennes de compenser toute émission excédentaire par rapport au niveau de 2020 en acquérant des crédits carbone, ce qui permet d’atteindre l’objectif de croissance neutre en carbone à compter de 2020. Toutefois, en raison des perturbations causées par la pandémie de covid-19, les émissions de 2019 ont été adoptées comme référence.

Mis en œuvre à partir de 2021, le programme fonctionne sur la base du volontariat jusqu’à fin 2026. À mi-2021, 104 États représentant plus de 80 % de l’activité aérienne internationale se sont portés volontaires pour participer au programme.

Le système CORSIA fait l’objet de critiques sur son efficacité. Les deux principales concernent son périmètre limité aux vols internationaux, qui représentent plus de 60 % des émissions du trafic aérien mondial, et le fait qu’il ne s’applique qu’à la fraction des émissions dépassant le niveau de 2019.

2.   À partir de 2019, l’exploration d’un objectif « net zéro » des émissions en 2050

a.   L’OACI vers un « objectif ambitieux à long terme » (40e session, 2019)

Lors de la quarantième session de l’Assemblée de l’OACI qui s’est tenue fin 2019, les États membres de l’organisation ont demandé au Conseil d’explorer la faisabilité d’un « objectif ambitieux à long terme » ou Long Term Aspirational Goal (LTAG) pour l’aviation civile internationale, visant un niveau zéro d’émissions nettes en 2050.

b.   Le scénario Waypoint 2050 de l’ATAG (2021)

Une première étude de périmètre mondial, Aviation : Benefits Beyond Borders [32], a été publiée en septembre 2020 sous l’égide de l’ATAG, afin de comparer différents scénarios de décarbonation de l’aérien visant à limiter les émissions en 2050 à 50 % de leur niveau de 2005.

Une seconde étude intitulée Waypoint 2050 [33], publiée en septembre 2021, présente une analyse approfondie des moyens par lesquels le secteur aéronautique pourrait atteindre d’ici 2050 des émissions nettes de CO2 égales à zéro.

Le rapport décrit trois scénarios consolidés, chacun basé sur divers sous-scénarios prenant en compte les prévisions de croissance du trafic, les développements technologiques, les améliorations opérationnelles et d’infrastructure, l’utilisation des carburants d’aviation durables et le rôle des mécanismes de compensations de CO2.

Le premier scénario, intitulé « Priorisation de la technologie et des opérations » (en anglais, Pushing Technologies and Operations), met l’accent sur l’innovation technologique, avec le développement de cellules non conventionnelles et, entre 2025 et 2040, une transition de la flotte court-courrier vers des avions de moins de 100 places hybrides ou entièrement électriques. Ce scénario prévoit également des investissements lourds Enfin, 90 % de l’approvisionnement en carburant serait assuré par des carburants d’aviation durables, à hauteur de 380 millions de tonnes.

Scénario 1 : Priorisation de la technologie et des opérations

Le deuxième scénario, « Déploiement agressif du carburant durable » (en anglais, Aggressive Sustainable Fuel Deployment), prévoit des améliorations techniques substantielles, mais basées sur les groupes motopropulseurs et les solutions techniques actuels, sans passage significatif aux technologies électrique ou hybride. Comme dans le scénario précédent, 90 % de l’approvisionnement en carburant serait assuré par des carburants d’aviation durables, mais cette fois à hauteur de 445 millions de tonnes.

Scénario 2 : Déploiement agressif du carburant durable

Enfin, dans le troisième scénario, appelé « Perspective technologique ambitieuse et agressive » (en anglais, Aspirational and Aggressive Technology Perspective), les progrès techniques sont plus ambitieux que dans les précédents, avec des avions électriques comportant jusqu’à 100 sièges, des avions alimentés par de l’hydrogène décarboné pour le segment des avions de 100 à 200 sièges, ainsi qu’une configuration d’avions non conventionnels à propulsion hybride-électrique pour les plus gros avions à l’horizon 2035-2040. Encore une fois, 90 % de l’approvisionnement en carburant serait assuré par des carburants d’aviation durables, mais à hauteur de 330 millions de tonnes seulement.

Scénario 3 : Perspective technologique ambitieuse et agressive

Dans ces trois scénarios, les investissements dans l’exploitation et l’amélioration des infrastructures se traduiraient par une réduction substantielle des émissions, allant de 7 % (scénario 3) à 10 % (scénario 1). Dans tous les cas, des mécanismes de compensation des émissions demeureraient indispensables pour contrebalancer tout excès d’émissions par rapport à l’objectif fixé.

3.   En 2022, l’adoption d’un objectif « net zéro » des émissions en 2050

Lors de la quarante et unième assemblée de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), en octobre 2022, les États membres ont adopté, sur la base d’un rapport évaluant sa faisabilité, l’objectif ambitieux à long terme (en anglais, Long Term Global Aspirational Goal ou LTAG) consistant à atteindre zéro émissions nettes d’ici à 2050 [34].

Ce rapport propose trois scénarios sectoriels basés sur plusieurs sous-scénarios liés à la technologie, aux carburants et aux opérations. Les scénarios ont été analysés pour comprendre leurs impacts sur les émissions de CO2, les coûts, les investissements, ainsi que les implications potentielles sur la croissance de l’aviation, le bruit et la qualité de l’air.

Le rapport conclut qu’aucun des scénarios ne permet d’atteindre un niveau zéro d’émissions nettes en 2050 en se limitant à des mesures internes au secteur, ce en raison des émissions survenant tout au long du cycle de vie des carburants, y compris dans l’hypothèse où les carburants fossiles seraient totalement remplacés par des carburants d’aviation durables.

Le rapport souligne également que le taux de croissance du trafic aérien a un impact significatif sur les émissions résiduelles de CO2 d’ici 2050. Par ailleurs, l’hydrogène, bien que ne représentant qu’une petite partie de l’énergie en 2050, pourrait jouer un rôle plus important dans les décennies suivantes si son utilisation devient techniquement et commercialement viable.

Des améliorations dans les performances des aéronefs à travers toutes les phases de vol, y compris par des mesures non conventionnelles telles que les vols en formation, sont envisagées pour réduire davantage les émissions de CO2.

Les coûts et les investissements associés aux différents scénarios sont largement influencés par les carburants, notamment durables, et nécessitent des investissements significatifs de la part des gouvernements et du secteur aérien.

Émissions de CO2 de l’aviation internationale associées aux scénarios LTAG. Source : OACI 2022

III.   La feuille de route de l’Union européenne

1.   Le Pacte vert européen (2019)

Annoncé en décembre 2019 par la Commission européenne, le Pacte vert européen (en anglais, European Green Deal) présente une stratégie de transformation visant à atteindre, d’ici 2050, la neutralité carbone au sein de l’Union européenne.

Contrairement aux initiatives précédentes de l’Union européenne, souvent sectorielles et principalement axées sur l’énergie, le Pacte vert européen adopte une approche transverse. Il vise à intégrer et à harmoniser les politiques environnementales à travers presque tous les secteurs de l’économie : énergie, industrie, alimentation et agriculture, transports, etc. Le secteur de l’aviation est bien entendu concerné.

Le système d’échange de quotas d’émission au sein de l’Union européenne (EU-ETS, en anglais European Union Emissions Trading System), mis en place à partir de 2005, devait s’appliquer à partir de 2012 à l’ensemble des vols de l’Union européenne. Mais une levée de bouclier des gouvernements étrangers, en particulier des États-Unis et de la Chine, a conduit à limiter son application aux vols intérieurs de l’Espace économique européen (EEE).

En octobre 2023, le Conseil et le Parlement européens ont adopté les dispositions essentielles du paquet climat « Fit For 55 » (en français, « ajustement à l’objectif 55 »), dont le nom fait référence à l’objectif de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport à 1990. Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, cet objectif a été révisé à 57 % à l’occasion de la publication du plan REPowerEU pour renforcer la sécurité énergétique de l’Union européenne.

Dans ce cadre, les émissions des secteurs couverts par le système EU-ETS devront diminuer de 62 % d’ici 2030 par rapport à leurs niveaux de 2005, ce qui passera par la suppression complète, d’ici 2026, des quotas d’émission gratuits alloués au secteur aérien. Jusqu’en 2026, le champ d’application du système restera limité aux vols intérieurs mais pourrait être étendu par la suite.

Par ailleurs, la réglementation RefuelEU adoptée dans le cadre du paquet climat « Fit For 55 » fixe des quotas d’incorporation de carburants d’aviation durables. Les fournisseurs de carburants devront également respecter des quotas de fourniture de carburants d’aviation durable.

Les aéroports de l’Union européenne dont le trafic annuel est supérieur à 800 000 passagers ou le trafic de fret supérieur à 100 000 tonnes doivent permettre le ravitaillement en carburants d’aviation durables. Si possible, ils devront également mettre en place les infrastructures nécessaires à d’autres sources d’énergie, comme l’électricité ou l’hydrogène.

Les compagnies aériennes opérant au départ d’aéroports situés dans l’Union européenne sont tenues d’avitailler au sein de l’Union au moins 90 % du carburant d’aviation dont elles ont besoin chaque année. Cette obligation vise à éviter le tankering, une pratique consistant à emporter plus de carburant que nécessaire à partir de pays tiers.

Jusqu’en 2035, un mécanisme de flexibilité des carburants d’aviation durables permettra de moyenner l’obligation d’incorporation entre les aéroports de l’Union européenne. Ainsi, les objectifs pourront être dépassés dans certains aéroports et ne pas être atteints dans d’autres, par exemple les plus petits.

L’une des mesures du paquet « Fit for 55 » susceptible d’avoir un impact sur le secteur de l’aviation n’a pas encore été adoptée et ne le sera probablement pas avant les prochaines élections européennes. Il s’agit de la refonte de la directive sur la taxation de l’énergie (en anglais, Energy Taxation Directive ou ETD) qui fixe un cadre pour la taxation de l’électricité et des carburants, dont les carburants pour l’aviation, au sein de l’Union européenne.

La proposition initiale de réforme met fin aux exonérations fiscales actuelles sur le kérosène pour les vols intérieurs de transport de passagers. Concrètement, pour ces vols, le taux d’imposition minimal du carburant d’aviation est progressivement augmenté pendant 10 ans, jusqu’à atteindre 10,75 euros par gigajoule. Les carburants d’aviation durables et l’hydrogène renouvelable ne sont pas soumis à cette taxe.

2.   Le rapport Destination 2050 - Une trajectoire vers l’aviation européenne à zéro émission (2021)

Suite à la « table ronde sur la relance de l’aviation européenne » qui s’est tenue en novembre 2020, cinq associations européennes ont pris, dans le cadre d’un rapport intitulé Destination 2050 - A route to net zero European aviation (en français : « Destination 2050 - Une trajectoire vers l’aviation européenne à zéro émission »), une série d’engagements visant à décarboner l’aviation européenne d’ici 2050.

Il s’agit des associations Airlines for Europe (A4E), qui regroupe des compagnies aériennes européennes, Airports Council International-EUROPE (ACI), qui représente des opérateurs de plateformes aéroportuaires, Aerospace and Defence Industries Association of Europe (ASD), qui défend les intérêts d’industriels du secteur aérospatial et de défense, European Regions Airline Association (ERA), dont les adhérents sont des compagnies aériennes régionales, et Civil Air Navigation Services Organisation (CANSO) qui rassemble des prestataires de services de la navigation aérienne.

Le rapport conclut qu’il est possible de parvenir, d’ici 2050, à des émissions nettes de CO2 nulles pour tous les vols à l’intérieur et au départ de l’Union européenne par des efforts conjoints et coordonnés de l’industrie et des pouvoirs publics. Les associations représentant l’industrie aéronautique européenne se sont engagées à atteindre cet objectif et à contribuer aux objectifs fixés dans le cadre du Pacte vert européen et de l’Accord de Paris.

Les résultats sont présentés pour tous les vols à l’intérieur et au départ de la région Union européenne [35]. L’amélioration de la technologie des avions et des moteurs, de la gestion du trafic aérien et de l’exploitation des avions, ainsi que les carburanst d’aviation durables et les mesures économiques offrent tous un potentiel de décarbonation.
Modélisés pour 2030 et 2050, les impacts sont interpolés de manière linéaire. L’année de référence de cette étude est 2018.

Le rapport identifie un scénario permettant d’atteindre cet objectif, qui combine les nouvelles technologies, des opérations améliorées, des carburants d’aviation durables et des mesures économiques. Les émissions absolues seraient réduites de 92 %, tandis que les 8 % restants seraient éliminés de l’atmosphère par des émissions négatives, obtenues grâce à des puits de carbone naturels ou des technologies spécifiques.

Enfin, le rapport formule plusieurs recommandations pour l’industrie et les gouvernements européens.

Pour l’industrie aéronautique, les recommandations consistent à continuer à investir massivement dans la décarbonation, à développer des avions plus économes en carburant et à les mettre en service grâce à un renouvellement continu de la flotte, à développer des aéronefs à hydrogène et des aéronefs hybrides et électriques ainsi que les infrastructures aéroportuaires associées, à accroître la production et l’adoption des carburants d’aviation durables, à mettre en œuvre les dernières innovations en matière de gestion du trafic aérien et à compenser les émissions de CO2 restantes par la captation du CO2 dans l’air.

Pour les gouvernements européens, il est recommandé de soutenir les investissements industriels en les stimulant directement ou en réduisant le risque d’investissement grâce à un cadre politique cohérent et à long terme, de stimuler le développement et le déploiement d’innovations en finançant des programmes de recherche et en promouvant les technologies d’élimination du carbone, de collaborer avec le secteur de l’énergie pour garantir une disponibilité suffisante d’énergies renouvelables à un coût abordable, de soutenir le développement de l’industrie des carburants d’aviation durables, enfin de contribuer à l’optimisation de la gestion du trafic aérien, notamment en mettant pleinement en œuvre le « ciel unique européen ».

IV.   Les feuilles de route nationales

1.   Le plan de relance de l’aéronautique (2020)

En juin 2020, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), en concertation avec le Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC), a présenté une nouvelle feuille de route du secteur aéronautique, associée à un soutien financier de 1,5 milliard d’euros décidé dans le cadre du plan de relance de juin 2020.

Ce soutien financier cible la conception, à horizon 2030, de trois modèles d’avion décarbonés : un successeur « ultra sobre » de l’Airbus A320neo, avec une exigence de réduction de la consommation de carburant d’au moins 30 % ; un nouvel avion régional à propulsion électrique ou hybride électrique-hydrogène ; enfin, d’ici 2035, un nouvel avion zéro émission, propulsé à l’hydrogène, avec un premier démonstrateur entre 2026 et 2028.

Par rapport à la précédente feuille de route du CORAC, définie en 2019 avant l’épidémie et avant le Pacte vert européen, cette nouvelle stratégie avance le calendrier prévu de dix ans.

2.   La feuille de route de la décarbonation du transport aérien du CORAC (2021)

Le CORAC joue un rôle prépondérant dans la définition des orientations stratégiques et des priorités de recherche pour la décarbonation de l’aviation en France. Sa feuille de route, publiée en décembre 2021, vise à aligner les efforts de recherche et développement avec les investissements et les initiatives politiques, afin d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 dans le secteur aérien.

La feuille de route du CORAC identifie plusieurs axes de recherche et d’innovation prioritaires, tels que l’amélioration de l’efficacité aérodynamique des avions, la gestion optimisée du trafic aérien, les carburants d’aviation durables et les propulsions alternatives.

Elle prévoit notamment la mise en service d’un hélicoptère hybride ultra frugal en 2030, d’un avion régional ou court-moyen-courrier de nouvelle génération à zéro émission en 2035 et d’un avion d’affaires « ultra frugal » (30 % d’amélioration de l’efficacité énergétique) à partir de 2030.

Trajectoire de décarbonation de l’aérien – périmètre Monde
Référence de la stratégie CORAC pour le « zéro émission nette » en 2050

3.   La feuille de route de décarbonation de l’aérien dans le cadre de la loi Climat et résilience (2023)

Présentée en mars 2023, la feuille de route de décarbonation de l’aérien [36] résulte d’un travail de synthèse des travaux engagés, sous l’égide de la DGAC et du GIFAS, par les acteurs de la filière aérienne, dans le cadre de l’article 301 de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – dite loi Climat et résilience – du 22 août 2021.

Elle propose deux scénarios : « Action » et « Accélération », déclinés sur les périmètres « Domestique France » et « Départ international France », pour lesquels la croissance du trafic est donnée à 0,8 % par an sur le premier périmètre et 1,1 % par an sur le second (en passager.kilomètre, PKT).

Sur le premier périmètre, le scénario « Action » prévoit une décarbonation du secteur aérien de près de 80 % à l’horizon 2050, les émissions résiduelles étant compensées. Les mesures permettant d’atteindre ce résultat sont : le renouvellement des flottes, l’utilisation d’avions plus performants, des opérations aériennes optimisées et, surtout, l’incorporation de carburants d’aviation durables à hauteur de 63 % en 2050. Plus ambitieux, le scénario « Accélération » vise une décarbonation du secteur aérien de 92 % à horizon 2050, notamment par une incorporation des carburants d’aviation durables à hauteur de 85 % en 2050 (10 % en 2030) et une accélération de l’innovation.

Scénario « Accélération » vols intérieurs
(« renouvellement 2018 » désigne le renouvellement des flottes dotées de technologies datant de 2018).

Sur le périmètre « Départ international France », le scénario « Action » prévoit une décarbonation à hauteur de 77% à l’horizon 2050 et le scénario « Accélération » une décarbonation à hauteur de 91%, également grâce à plus d’incorporation de carburants d’aviation durables et à une accélération de l’innovation.

Scénario « Accélération » vols internationaux au départ de la France
(« renouvellement 2018 » désigne le renouvellement des flottes dotées de technologies datant de 2018).

La réalisation de ces différents scénarios s’accompagne de recommandations d’actions pour la filière : déploiement par les industriels d’avions plus efficaces sur le plan énergétique et acquisition de ces derniers par les compagnies aériennes ; poursuite des recherches sur la nouvelle génération d’aéronefs et sur l’incorporation à 100% des carburants aéronautiques durables dans les flottes ; développement d’une filière nationale de carburants aéronautiques durables et incorporation croissante de ces derniers, au-delà des exigences réglementaires dans le scénario le plus ambitieux ; investissement dans les installations d’électrification au sol et l’achat d’engins de piste bas carbone et déploiement des logiciels d’accompagnement des pilotes et des outils de partage d’information entre aéroports, compagnies aériennes et contrôleurs pour optimiser les opérations en vol et au sol ; adaptation des infrastructures aéroportuaires pour garantir la distribution des énergies et vecteurs énergétiques décarbonés ; enfin adaptation des emplois et des compétences, pour garantir le déploiement des différents leviers de décarbonation.

Par ailleurs, les acteurs de la filière adressent, dans ce même cadre, des demandes à l’État : un financement du CORAC à hauteur de 450 M€ par an ; l’implication des opérateurs (compagnies aériennes et aéroports) et le soutien financier à ces derniers ; la facilitation de l’émergence d’une filière française des carburants d’aviation durables, qui nécessite de structurer une filière de production, de contribuer au financement des investissements initiaux et de subventionner l’incorporation en France ; la mobilisation des énergies décarbonées ou bas carbone (électricité et biomasse), dans les proportions requises pour tenir la trajectoire présentée, notamment dans le cadre des futures planifications énergétiques ; le soutien au renouvellement accéléré des flottes, par des mesures d’aides financières, fiscales et comptables ; l’accompagnement des services de la navigation aérienne et des industriels concernés par l’optimisation des opérations en vol et au sol ; enfin, la garantie de la soutenabilité financière globale de la décarbonation du secteur, en mettant en place des dispositifs de soutien adéquats, en évitant les doubles taxations et les distorsions de concurrence.

4.   La feuille de route du Bureau français des e-fuels (2023)

La création d’un Bureau français des e-fuels a été annoncée en juillet 2023. Organisme indépendant, il réunit des « experts, professeurs, chercheurs, universitaires, industriels, techniciens et financiers ». Son objectif prioritaire est de promouvoir une « filière française d’e-fuels, vertueuse, compétitive et durable ».

Il assure un suivi du secteur au travers de la publication d’un Observatoire des e-fuels qui se focalise sur trois carburants de synthèse : l’e‑méthane, l’e-méthanol et l’e-kérosène. Cet observatoire propose une cartographie de la filière mise à jour régulièrement : revue des projets et des briques technologiques, besoins en intrants, impacts socio-économiques et environnementaux.

La figure suivante préssente les 24 projets d’implantation d’installations de production d’e-fuel, tous stades d’avancement confondus, répartis sur 18 départements métropolitains.