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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 septembre 2024
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI d’approbation des comptes
de la sécurité sociale de l’année 2023
PAR M. Yannick NEUDER
Rapporteur général, Député
Voir le numéro : 4.
–– 1 ––
● Le présent rapport, qui fait suite aux travaux de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale sur le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de 2023 (Placss), est publié dans un contexte bien particulier.
En premier lieu car la commission des affaires sociales avait déjà eu à examiner le même texte sous la précédente législature. Réunie le mercredi 5 juin 2024, la commission avait alors rejeté ce texte en prévision de son examen en séance publique prévu le vendredi 14 juin. La décision prise le 9 juin par la Président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale a mis un terme à la XVIe législature, ce qui a logiquement eu pour conséquence d’interrompre l’examen des textes qui se trouvaient en instance de première lecture à l’Assemblée.
En second lieu car l’identité et l’appartenance politique du rapporteur général ont changé à la faveur du renouvellement de l’Assemblée nationale intervenu à la suite des élections des 30 juin et 7 juillet derniers. Si la réalité des comptes de la sécurité sociale afférents à l’exercice 2023 n’a naturellement pas évolué depuis le printemps, la lecture qu’en fait le rapporteur général n’est donc pas celle qu’en faisait sa prédécesseure. Par ailleurs, si les dernières perspectives financières pour l’année 2024 ne sont pas connues à la date de publication du présent rapport, il apparaît qu’elles pourraient être plus dégradées que les anticipations qui avaient pu être faites au moment du premier examen du Placss 2023.
Aussi ne s’agit‑il pas pour l’actuel rapporteur général de présenter à nouveau le cadre organique dans lequel s’inscrit l’examen du Placss ou ses appréciations sur l’enrichissement des informations fournies aux députés à cette fin. Il partage, pour l’essentiel, celles portées par sa prédécesseure, notamment en ce qui concerne l’annexe 2 relative aux mesures de réduction ou d’exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale. Il ne s’agit pas davantage de revenir sur la présentation de la situation financière et patrimoniale des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, laquelle fait l’objet de développement dans la suite du rapport. En revanche, le Placss 2023 présente plusieurs enseignements qui mériteraient, selon le rapporteur général, d’être particulièrement mis en lumière.
● Si les déficits constatés pour l’année 2023 sont en baisse par rapport aux années précédentes, cet effet est essentiellement imputable à des facteurs conjoncturels, au premier rang desquels se trouve la quasi‑extinction des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire (1,1 milliard d’euros en 2023 contre 11,7 milliards d’euros l’année précédente). Or, ce sont des éléments sur lesquels il ne sera plus possible de compter à l’avenir pour équilibrer les comptes sociaux. Les déficits des branches maladie et vieillesse étant de nature structurelle, il faut donc nécessairement y apporter des réponses structurelles elles aussi.
Compte tenu de nos niveaux de prélèvements obligatoires, les plus élevés des pays développés, l’augmentation des recettes, c’est‑à‑dire des cotisations sociales ou des impôts, ne peut constituer une voie sérieuse de redressement des comptes sociaux. Si certains chantiers liés aux exonérations de cotisations sociales et à leur impact sur l’emploi, la compétitivité et le pouvoir d’achat des ménages peuvent être explorés, ils ne sont pas de nature à régler durablement les déficits des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Cela exige que des choix forts soient effectués pour maîtriser les dépenses sociales tout en préservant des niveaux de financement suffisants pour assurer un service de qualité aux assurés sociaux, en particulier en matière de santé, dans un contexte où les besoins sont croissants. Ce chemin de crête est le seul qui est susceptible d’apporter une vraie réponse aux enjeux à venir.
● Le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes de la branche famille est un motif de préoccupation qu’il ne faut pas prendre à la légère. Premièrement la Cour avait déjà refusé de certifier les comptes de l’exercice 2022. Certes, la Cour fait état d’un certain nombre d’améliorations et d’actions mises en œuvre par le réseau des caisses d’allocations familiales pour fiabiliser les données déclaratives. Mais il n’est toutefois pas possible de se satisfaire du fait que le montant des préjudices financiers persistant après les opérations de contrôle interne est estimé à 5,5 milliards d’euros d’indus et de rappel. Ce montant correspond, faut-il le rappeler, à 7,4 % du montant total des prestations versées ([1]). La Cour des comptes évoque les faiblesses du cadre général du contrôle interne de maîtrise des risques financiers, des fragilités quant à la gouvernance du système d’information en matière de sécurité et une application hétérogène des actions déployées par les caisses d’allocations familiales en matière de lutte contre la fraude.
Cette réalité apporte une justification suffisante au rapporteur général pour refuser d’approuver les comptes de l’exercice 2023. C’est d’ailleurs le choix qu’a effectué la commission lors de sa réunion du 25 septembre. Il serait toutefois malhonnête de ne pas évoquer le fait qu’une partie non négligeable des problèmes qui affectent les comptes de la branche famille provient de ce que notre système social comporte encore trop de normes qui sont, pour reprendre les termes employés par le Haut Conseil du financement de la protection sociale dans un rapport récent, « mal construites », « illisibles » ou « permissives » ([2]). La simplification du système de prestations sociales et la simplification des normes doit donc être une priorité, non seulement car la complexité incite aux comportements frauduleux, mais également car elle alimente le phénomène de non‑recours aux droits. Agir sur ces deux faces d’une même pièce – lutte contre la fraude et contre le non‑recours – est une ardente nécessité car il s’agit du point de départ du long trajet qui nous permettra de restaurer la confiance de nos concitoyens dans notre système de protection sociale.
Article liminaire
Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2023
Supprimé par la commission
L’article liminaire est un article obligatoire des lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, en application du cadre défini par la loi organique du 14 mars 2022 ([3]).
Il présente, pour l’exercice exécuté, les prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale, ce qui représente un champ plus important que celui qui est applicable aux lois de financement.
Le présent article fait état d’un solde excédentaire de 12,9 milliards d’euros, soit 0,5 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2023.
● Le cadre organique général de la programmation des finances publiques établi en 2012 ([4]), prévoyait que les lois de finances de l’année, les lois de finances rectificatives ainsi que les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire « présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».
Cette disposition ne s’était appliquée qu’une fois dans le champ des lois de financement, à l’occasion de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 ([5]), mais le champ retenu présentait la situation pour l’ensemble des administrations publiques (« toutes APU »), un choix inadapté au périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale.
Sur le modèle de la loi de financement de l’année ([6]), la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss) a été doté d’un tel article liminaire ([7]). Le législateur financier social peut dorénavant disposer d’une information renforcée sur un champ élargi par rapport à celui des lois de financement et comparer les prévisions adoptées à l’automne avec son exécution en Lacss au printemps.
Dispositions relatives à l’intégration d’un article liminaire dans la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale
(Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale)
« La loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale :
« 1° Comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant les recettes, les dépenses et le solde des administrations de sécurité sociale relatifs à l’année à laquelle cette loi se rapporte ; »
● À l’instar de la loi de financement de l’année, des annexes informatives relatives à l’exécution des comptes des régimes d’assurance chômage et des régimes de retraite légalement obligatoires viennent éclairer la représentation nationale sur les données inscrites à l’article liminaire ([8]). Bien qu’il ne conduise pas en tant que tel à une extension du périmètre des lois de financement, l’article liminaire traduit l’importance pour le législateur de connaître la situation financière de ces régimes qui couvrent une partie des risques sociaux de millions de français.
Dans la continuité des discussions menées lors de l’examen de la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale ([9]), le rapporteur général souscrit à l’opinion plusieurs fois formulée par sa prédécesseure selon laquelle une réflexion doit être menée aux fins d’envisager une extension du champ des lois de financement à un périmètre plus large qu’actuellement.
L’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([10]) a illustré à quel point les dispositions concernant les régimes obligatoires de base de retraites étaient susceptibles de produire des effets sur les régimes de retraite complémentaire, qu’il s’agisse des mesures relatives à l’âge d’ouverture des droits ou à la durée de cotisation.
Plus récemment, une part importante de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ([11]) a porté sur les transferts financiers assurés par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à destination de l’Unedic et de l’Agirc‑Arrco en compensation des allègements généraux de cotisations pour les régimes d’assurance chômage et de retraite complémentaire. Il est donc paradoxal que les conditions financières de ces régimes ne puissent pas être affectées par des lois de financement alors qu’elles peuvent l’être par toute loi ordinaire.
Au‑delà de la simple question des régimes complémentaires et de l’assurance chômage, le rapporteur général est convaincu qu’une telle réflexion devrait s’étendre à d’autres pans de notre système de protection sociale afin que puissent être présentées au Parlement, dans un même texte, toutes les données relatives aux dépenses sociales, qu’elles proviennent des administrations de sécurité sociale ou d’autres administrations publiques telles que l’État et les collectivités territoriales. Cette extension permettrait au législateur d’évaluer pleinement l’efficacité des dépenses de protection sociale. Elle répond par ailleurs aux nouvelles réalités sociales et économiques.
Le rapporteur général estime en outre nécessaire de renforcer le pilotage pluriannuel du financement de la sécurité sociale. Si l’annexe A du projet de loi de financement de l’année présente bien la trajectoire financière des Robss pour les cinq années à venir, elle ne précise pas suffisamment les mesures envisagées pour respecter cette trajectoire. Ce problème n’est pas davantage résolu par le cadre pluriannuel de programmation des finances publiques : si l’article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit certes la nécessité de réaliser des économies de l’ordre de 6 milliards d’euros par an pour les années 2025 à 2027 sur le champ des Asso, ledit article se borne à renvoyer à des revues de dépenses la responsabilité de définir les mesures envisageables ([12]). Ces dispositions ne présentent par ailleurs aucun caractère contraignant pour le législateur financier social.
La distinction entre le champ des Robss et des Asso
Périmètre traditionnel des lois de financement de la sécurité sociale, les Robss constituent une notion plus institutionnelle que comptable, puisqu’ils comprennent l’ensemble des régimes auxquels les assurés doivent obligatoirement être affiliés pour la couverture des risques sociaux auxquels ils peuvent être confrontés.
La nature de ces régimes exclut donc de leur champ :
– les régimes complémentaires légalement obligatoires, qui régissent principalement la couverture du risque vieillesse en plus des régimes de base ;
– les régimes qui ne sont pas considérés comme intégrés dans le champ de la sécurité sociale, comme le régime d’assurance chômage ;
– les régimes facultatifs de couverture des risques sociaux.
Les régimes obligatoires de base encadrent le champ d’action des lois de financement.
Le champ des « administrations de sécurité sociale » ou « Asso » constitue, lui, un sous‑ensemble du secteur des administrations publiques en comptabilité nationale. Le système européen des comptes (SEC) de 2010 définit le secteur des Asso comme « toutes les unités de sécurité sociale, indépendamment du niveau administratif qui gère ou administre les régimes. Si un régime de sécurité sociale ne répond pas aux critères requis pour être qualifié d’unité institutionnelle, il est classé avec son unité mère dans l’un des autres sous-secteurs du secteur des administrations publiques. Si les hôpitaux publics fournissent un service non marchand à la communauté dans son ensemble et s’ils sont contrôlés par des régimes de sécurité sociale, ils sont classés dans le sous-secteur des fonds de sécurité sociale. »
Ce secteur comprend donc l’ensemble des personnes institutionnelles qui ont pour fonction de verser des prestations sociales dans le cadre de régimes au sein desquels :
– l’ensemble ou une partie de la population sont tenus de participer au régime ou de verser des cotisations en vertu des dispositions légales ou réglementaires ;
– les administrations publiques qui sont responsables de la gestion de ces personnes pour ce qui concerne la fixation ou l’approbation des cotisations et des prestations.
Ce champ comptable est retenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au moment de l’établissement des comptes de la nation mais aussi par la loi de finances dans le cadre de son propre article liminaire.
Le champ des Asso est naturellement plus large que celui des Robss, même s’il faut ôter de ce champ les systèmes en vertu desquels l’employeur verse lui-même les prestations aux personnes qu’il emploie. Les régimes de retraite obligatoires de l’État entrent bien dans le champ des Robss, mais pas dans celui des Asso. Le secteur des Asso comprend, par ailleurs :
– les régimes complémentaires d’assurance vieillesse et d’assistance maladie ;
– le régime d’assurance chômage ;
– les comptes des établissements de santé ;
– le solde de l’ensemble des « satellites » comme la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ou le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).
● Le solde des administrations de sécurité sociale est en excédent de 0,5 % du PIB pour l’exercice 2023, ce qui représente 12,9 milliards d’euros. L’excédent est en augmentation par rapport à celui constaté pour l’année 2022 ([13]) malgré une croissance des recettes (+ 4,5 %) plus faible que celle de l’activité en volume (+ 6,3 %) ([14]). L’explication essentielle de cette amélioration réside dans la quasi‑extinction des dépenses de santé liées à la crise sanitaire (1,1 milliard d’euros en 2023 contre 11,7 milliards d’euros en 2022) ([15]).
Les dépenses des administrations de sécurité sociale se sont élevées à 735 milliards d’euros en 2023. Elles ont augmenté de 4 % par rapport à 2022, sous l’effet principal des revalorisations annuelles de prestations intervenues au 1er janvier (+ 0,8 % pour les pensions de retraite et certaines prestations assimilées) et au 1er avril 2023 (+ 1,6 % pour les autres prestations sociales). Cette augmentation traduit aussi l’effet, en année pleine, de la revalorisation anticipée des prestations de 4 % votée en juillet 2022 dans la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ([16]). Ces deux facteurs conduisent les prestations sociales et les prestations de vieillesse à croître plus rapidement qu’en 2022. Cette accélération « à contretemps » reflète le décalage temporel entre l’inflation constatée en 2022 (+ 5,3 % ([17])) et ses répercussions sur le niveau des dépenses de prestations sociales en 2023 provoqué par les règles légales de revalorisation ([18]).
Les recettes ont atteint 748,5 milliards d’euros et elles conservent leur dynamisme (+ 4,5 %), portées par la résilience de la masse salariale. Comme les années précédentes, l’écart entre la croissance de la masse salariale (+ 5,7 %) et celle des cotisations (+ 4,6 %) tient à l’incidence des allègements généraux de cotisations dont le montant a fortement augmenté (+ 9,7 %) sous l’effet principal des revalorisations successives du Smic. Enfin, l’évolution de la part des taxes affectées aux administrations de sécurité sociale a décéléré par rapport à 2022 (+ 1,6 % contre + 4,4 %). Cela s’explique, entre autres, par la sous‑compensation à l’Unedic des allègements généraux sur les cotisations d’assurance chômage. Il en a résulté une minoration de 2 milliards d’euros du montant de TVA affectée par l’État à l’Acoss, lesquels furent redirigés vers l’opérateur France Compétences ([19]).
À l’instar de l’exercice 2022, l’excédent des Asso est porté par les organismes ne relevant pas du champ des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. L’on rappellera que depuis 2005, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) sont considérés comme des administrations de sécurité sociale. Leurs soldes structurellement excédentaires améliorent donc mécaniquement la situation financière des Asso. Ainsi les 18,3 milliards d’euros de dette amortie par la Cades en 2023 ([20]) suffisent‑ils à compenser le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, alors même qu’ils ne représentent que la couverture de déficits passés ([21]).
● Malgré l’amélioration de la situation financière des administrations de sécurité sociale, l’excédent est toutefois inférieur à la prévision inscrite à l’article liminaire de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 (0,7 % du PIB) ([22]).
Solde, recettes et dépenses des ASSO pour 2022 et 2023
(en pourcentage du PIB)
Exécution |
Prévision initiale 2023 |
Prévision révisée 2023 |
Exécution 2023 |
Écart d’exécution |
Écart à la prévision initiale |
Écart à la prévision révisée |
|
Recettes |
27,0 % |
26,9 % |
26,6 % |
26,7 % |
‑ 0,3 |
‑ 0,2 pt |
0,1 pt |
Dépenses |
26,6 % |
26,1 % |
25,9 % |
26,2 % |
‑ 0,4 |
0,1pt |
0,3 pt |
Solde |
0,4 % |
0,8 % |
0,7 % |
0,5 % |
0,1 |
‑ 0,3 pt |
‑ 0,2 pt |
Source : commission des affaires sociales à partir des données issues du Placss 2022, de la LFSS 2023, de la LFSS 2024 et du Placss 2023.
Plusieurs facteurs expliquent cet écart à la prévision de 0,2 point de PIB :
– le premier facteur résulte de la situation macroéconomique plus dégradée qu’initialement escompté. La croissance du PIB en volume – c’est-à-dire corrigée du niveau de l’inflation – s’est établie à 0,9 %, un niveau inférieur de 0,1 point aux estimations de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. L’évolution de la masse salariale soumise à cotisations du secteur privé fut moins dynamique que prévu. Cela traduit notamment le fait que l’effet de la diminution de l’inflation sur l’évolution des salaires s’est manifesté avec davantage de réactivité. En effet, le salaire moyen par tête (SMPT) a débuté son ralentissement dès le printemps 2023 et dans une proportion plus importante que prévue, passant de 4,5 % au premier trimestre 2023 à une hausse de seulement 3,0 % en glissement annuel au quatrième trimestre 2023. L’évolution moyenne en 2023 s’est ainsi établie à 4,2 %, un niveau moindre que les prévisions sous-jacentes aux textes financiers adoptés à l’automne 2023 (5,3 %).
Évolution des indicateurs macroéconomiques
|
Exécution 2022 (a) |
Exécution 2023 (b) |
Évolution (b-a) |
Hypothèses macro-économiques 2023 |
LFSS 2024/Placss 2023 |
Évolution du PIB en volume |
2,5 % |
0,9 % |
‑ 1,6 pt |
1,0 % |
‑ 0,1 pt |
Évolution de la masse salariale soumise à cotisations du secteur privé |
8,9 % |
5,7 % |
‑ 3,2 pt |
6,3 % |
‑ 0,6 pt |
Inflation hors tabac |
5,3 % |
4,8 % |
‑ 0,5 pt |
4,8 % |
0 pt |
Source : commission des affaires sociales sur la base des données issues du programme de stabilité 2024‑2027 et du Placss 2023.
– le second facteur relève d’un changement de périmètre. Entre 2022 et 2023, l’Insee a fait passer les comptes nationaux en base 2020. Sur le champ qui intéresse le présent article, cette évolution conduit à exclure l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique du périmètre des administrations de sécurité sociale ([23]). Cet établissement étant structurellement excédentaire, ce changement dégrade mécaniquement le solde de près de 0,1 point de PIB, ce qui représente la moitié de l’écart constaté ;● L’analyse de cet article liminaire est également l’occasion de faire celle des régimes d’assurance chômage et de retraite légalement complémentaires, pour lesquels une annexe informative ad hoc est remise au Parlement, en application de la loi organique du 14 mars 2022 précitée ([24]).
● L’assurance chômage est en excédent pour la deuxième année consécutive puisqu’il s’établit à 1,6 milliard d’euros (contre 4,3 milliards d’euros en 2022).
Les facteurs ayant permis à l’Unedic de renouer avec une situation excédentaire dès 2022 continuent de produire leurs effets, qu’il s’agisse de la fin progressive des dépenses supplémentaires liées aux mesures exceptionnelles de soutien à l’économie, de l’amélioration de la situation macroéconomique suite à la reprise ayant suivi la crise sanitaire ou des effets de la réforme de l’assurance chômage de 2019.
Toutefois, force est de constater que l’excédent diminue par rapport à 2022. Cette diminution résulte à la fois d’effets en dépenses et d’effets en recettes. Les dépenses ont augmenté de 5,5 % en raison de deux facteurs principaux :
– une remontée du taux de chômage en cours d’année qui s’est traduite par une augmentation des allocations et aides de 1,6 milliard d’euros ;
– l’augmentation de 400 millions d’euros de la contribution de l’Unedic au financement de France Travail, laquelle est assise sur les recettes de contributions de l’année N-2. Or, ces recettes ont fortement augmenté en 2021 par rapport à l’année 2020 qui a marqué le début de la crise sanitaire et la chute des recettes de l’Unedic.
Les recettes ont quant à elles baissé de 1,2 % sous l’effet du ralentissement de l’évolution de la masse salariale et de la réaffectation de 2 milliards d’euros de recettes vers le financement des actions menées par France compétences en faveur du développement des compétences et de l’accès à l’emploi (cf. supra).
Bien qu’en diminution, l’excédent permet tout de même de poursuivre la trajectoire de désendettement puisque la dette du régime s’établirait à 59,1 milliards d’euros fin 2023 contre 60,7 milliards d’euros fin 2022.
● La situation des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires est également favorable : leur excédent s’accroît à 9,6 milliards d’euros en 2023, contre 6,6 milliards d’euros en 2022. 87,2 % des dépenses de prestations de ces régimes au titre du risque vieillesse sont portées par l’Agirc-Arrco, qui verse les pensions de retraite complémentaire des salariés et des cadres du secteur privé.
Le rapporteur général observe que le coût du transfert versé par l’Acoss à l’Agirc‑Arrco au titre de sa mission de compensation des exonérations de cotisations de retraite complémentaire s’est élevé à 900 millions d’euros. L’existence même de cette contribution résulte du mécanisme retenu par le législateur financier social pour compenser les pertes de recettes pour l’Agirc‑Arrco résultant de l’élargissement des allégements généraux aux cotisations de retraite complémentaire adopté en loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ([25]). Ce transfert est certes neutre sur le solde consolidé des administrations de sécurité sociale, mais il contribue toutefois à dégrader le solde de la branche vieillesse du régime général de 900 millions d’euros, un montant équivalent à 60 % de son déficit (Fonds de solidarité vieillesse compris) et à près de 8 % du déficit de la sécurité sociale pour 2023.
Mécanisme de compensation à l’Agirc‑Arrco et à l’Unedic des pertes de recettes résultant de l’élargissement du dispositif de réduction dégressive de cotisations sociales sur les bas salaires
Afin de compenser la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le dispositif de réduction dégressive de cotisations sociales sur les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic, prévu à l’article L. 214‑17 du code de la sécurité sociale, a été élargi aux contributions d’assurance chômage et aux cotisations de retraite complémentaire par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
En application des 7° et 7° bis de l’article L. 225‑1‑1 du code de la sécurité sociale, l’Acoss est chargée de compenser à l’Agirc‑Arrco et à l’Unedic la perte de recettes résultant de ce dispositif. Elle a bénéficié pour ce faire d’une affectation supplémentaire de 5,18 points de TVA par l’État ([26]).
Dans la mesure où la compensation à l’Agirc‑Arrco et à l’Unedic se fait « à l’euro près » et que la part de TVA affectée par l’État à l’Acoss se fait « pour solde de tout compte », un éventuel écart entre ces deux montants s’impute sur le solde de cette dernière. Les sommes correspondant à cet écart sont ensuite réparties entre les branches du régime général.
Comme le rappelle le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, le fort dynamisme des allégements généraux observé ces dernières années combiné à la hausse plus mesurée des recettes de TVA a conduit à ce que cet écart se creuse en 2022 au détriment du régime général (‑ 400 millions d’euros). En 2023, la contribution du régime général s’est donc accrue de plus de 1 milliard d’euros pour s’établir à 1,5 milliard d’euros.
Résultats financiers des régimes complémentaires de retraite pour 2023
(en milliards d’euros)
Régime |
Type de population couverte |
Résultat en 2022 |
Résultat en 2023 |
Association générale des institutions de retraite des cadres et association des régimes de retraite complémentaire (Agirc‑Arrco) |
Salariés et cadres du secteur privé |
+ 5,2 |
+ 6,1 |
Complémentaire de la CNAVPL |
Professions libérales |
+ 0,2 |
+ 1,3 |
Caisse nationale déléguée à la sécurité sociale des travailleurs indépendants |
Travailleurs indépendants |
+ 0,5 |
+ 0,7 |
Institut de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités (Ircantec) |
Agents publics |
+ 0,7 |
+ 1,3 |
Régime additionnel de la fonction publique (RAFP)* |
Fonctionnaires |
0 |
0 |
Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l’aviation civile (CRPNPAC) |
Personnel navigant de l’aviation civile |
0 |
0 |
Exploitants agricoles |
Exploitants agricoles |
+ 0,1 |
0 |
Caisse nationale des barreaux français (CNBF) |
Avocats |
– 0,1 |
+ 0,2 |
Total |
|
+ 6,6 |
+ 9,6 |
Source : Annexes 4 aux Placss 2022 et 2023.
* Le régime de retraite additionnelle de la fonction publique reste présenté dans l’annexe 4 bien qu’il n’appartienne plus au champ des administrations de sécurité sociale depuis le passage des comptes nationaux en base 2020.
*
* *
Supprimé par la commission
Conformément au 2° l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale introduit par la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, l’article 1er du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale prévoit d’approuver les comptes, pour l’année 2023, des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) ainsi que ceux du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).
L’exercice 2023 confirme la diminution du déficit des Robss et du FSV par rapport à l’année précédente, qui se réduit de 19,6 milliards d’euros à 10,8 milliards d’euros, en raison principalement de la baisse des dépenses liées à la crise sanitaire, laquelle a permis aux recettes de la sécurité sociale – favorisées par l’inflation – de croître davantage que ses dépenses. En revanche, si l’on exclut les dépenses liées à la crise sanitaire, les charges des régimes de base et du FSV ont augmenté plus vite que leurs produits, entraînant une dégradation du solde « hors covid » à hauteur de 1,7 milliard d’euros.
En 2005, le législateur organique a souhaité conférer aux lois de financement une organisation permettant d’examiner des dispositions financières portant sur trois exercices différents. À ce titre, l’article L.O. 111-3 dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur du nouveau cadre organique prévoyait que, dans une première partie comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos, les lois de financement approuvent :
– les tableaux d’équilibre par branche des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes, soit le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice clos ;
– les dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour ce même exercice ;
– les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette. Ces organismes sont respectivement le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
Cette première partie permettait de respecter, dans le cadre des lois de financement, le principe selon lequel « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière », en application de l’article 47-2 de la Constitution.
Pour rappel, les tableaux d’équilibre, établis à partir du compte de résultat des branches du régime général ou de l’ensemble des régimes de base, permettent de présenter un montant agrégé de recettes (produits des comptes après retraitement) et de dépenses (charges des comptes après retraitement) ainsi qu’un solde.
La loi organique du 14 mars 2022 ([27]) modifie, à compter de 2023, la structuration des lois de financement de la sécurité sociale, de telle sorte que la première partie est supprimée des lois de financement de l’année et s’intègre dans un nouveau texte budgétaire, la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss).
En application du 2° de l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, la Lacss comprend ainsi une approbation :
– des « tableaux d’équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, par branche, et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie constatées lors de cet exercice » ;
– des « montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base et aux organismes concourant au financement de ces régimes et les montants correspondant à l’amortissement de leur dette ».
Seule est soustraite au champ de la clôture des comptes l’approbation des comptes du régime général. Bien que ce régime, qui embrasse désormais les salariés et les travailleurs indépendants, représente la majorité des cotisants et des assurés, le champ d’application des lois de financement est constitué de l’ensemble des régimes obligatoires de base. La présentation des comptes d’un régime particulier, fût-il le plus important numériquement, ne conservait pas beaucoup de pertinence alors même que l’intégration des travailleurs indépendants en son sein par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a montré que les frontières de ces régimes étaient suffisamment mouvantes pour interdire un véritable suivi dans le temps, y compris au moment de l’examen des comptes.
Comparaison du solde des rÉgimes obligatoires de base avec l’exercice prÉcÉdent
(en milliards d’euros)
|
Résultats 2022 (Placss 2022) |
Résultats 2023 (Placss 2023) |
||||
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Maladie |
221,1 |
242,1 |
– 21,0 |
232,8 |
243,9 |
– 11,1 (– 7,1) |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
16,2 |
14,5 |
+ 1,7 |
16,8 |
15,4 |
+ 1,4 (+ 2,2) |
Vieillesse |
259 |
262,8 |
– 3,8 |
272,5 |
275,1 |
– 2,6 (– 3,6) |
Famille |
53,3 |
51,4 |
+ 1,9 |
56,8 |
55,7 |
+ 1,0 (+ 1,3) |
Autonomie |
35,4 |
35,2 |
+ 0,2 |
37,0 |
37,6 |
– 0,6 (– 1,2) |
Total* |
570,3 |
591,3 |
– 21,0 |
598,5 |
610,4 |
– 11,9 (– 8,4) |
Total incluant le FSV |
572 |
591,6 |
– 19,6 |
600,0 |
610,7 |
– 10,8 (– 7,1) |
(*) Hors transferts entre branches.
Source : commission des affaires sociales.
● Dans la continuité des deux exercices précédents, les comptes consolidés des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse pour 2023 témoignent d’une amélioration du solde. Celui-ci était déficitaire de 39,7 milliards d’euros en 2020, 24,3 milliards en 2021 et 19,6 milliards en 2022. Le déficit s’est à nouveau réduit en 2023, pour s’établir à 10,8 milliards d’euros. En quatre exercices budgétaires, les comptes des Robss et du FSV se sont donc améliorés de près de 30 milliards d’euros.
● Ce constat appelle plusieurs commentaires du rapporteur général qui sont de nature à relativiser cette amélioration :
– d’une part, la résorption du déficit des régimes de base est principalement due à l’amélioration du solde de la branche maladie, dont le déficit s’est réduit de 30 milliards d’euros en 2020 à 11,1 milliards en 2023. Or ce rétablissement tient au premier chef à la disparition progressive des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire, dont le montant s’est élevé à 1,1 milliard d’euros en 2023 contre 11,7 milliards d’euros l’année précédente. L’ensemble des dépenses supplémentaires imputables à la crise sanitaire ont entraîné un surcoût de 50 milliards d’euros pour la sécurité sociale entre 2020 et 2023 ([28]) ;
– d’autre part, l’amélioration du solde est moindre que prévu lors de la rectification des tableaux d’équilibre par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 : alors que le déficit des Robss et du FSV était évalué à 8,7 milliards d’euros, les comptes soumis à l’approbation du Parlement font état d’un résultat supérieur de 2,1 milliards d’euros à ce montant. De même que le budget de l’État, les comptes des régimes de sécurité sociale ont été affectés par l’enregistrement de recettes moins importantes qu’anticipé, ces moins-values expliquant la plus grande partie de l’écart à la prévision. Les dépenses se sont aussi écartées, quoique dans une moindre mesure, des estimations qui figuraient dans les mêmes tableaux d’équilibre : elles se sont révélées conformes à ces prévisions à 0,2 milliard d’euros près.
● En outre, l’exercice 2023 s’est caractérisé par des évolutions contrastées entre les branches et entre les régimes de sécurité sociale.
D’un côté, la situation financière de la branche maladie a continué de se redresser sous l’effet de l’extinction progressive des dépenses liées à la crise sanitaire, tandis que la branche vieillesse a vu son déficit se résorber, dans la continuité de l’exercice précédent. Pour l’une et l’autre de ces branches cependant, les prévisions qui figurent dans le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale font état d’une dégradation du solde en 2024 : le déficit de la branche maladie augmenterait de 0,3 milliard d’euros, pour atteindre 11,5 milliards d’euros ([29]) ; le solde consolidé de l’ensemble des régimes de la branche vieillesse et du FSV se dégraderait fortement, à tel point que le déficit atteindrait alors 6,9 milliards d’euros contre 1,4 milliard d’euros en 2023 ([30]).
D’autre part, les excédents des branches famille et accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) se sont réduits respectivement de 0,9 milliard d’euros et de 0,3 milliard d’euros, tandis que la branche autonomie, excédentaire en 2022 à hauteur de 0,2 milliard d’euros, enregistre un déficit de 0,6 milliard d’euros. Ce dernier sera cependant résorbé dès 2024 par l’affectation à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) d’une fraction du produit de la contribution sociale généralisée (CSG), égale à 0,15 point, dont bénéficiait jusqu’à présent la Cades ([31]).
Il convient également de souligner les différences entre la situation financière respective des différents régimes de base. À cet égard, le rapporteur général tient à appeler l’attention sur le déficit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) : celui-ci s’est à nouveau accentué en 2023 pour atteindre 2,5 milliards d’euros, contre 1,8 milliard d’euros l’année précédente ([32]). Les prévisions pour l’année 2024 font état d’une nouvelle dégradation des perspectives financières de ce régime, dont le déficit s’élèverait à 3,9 milliards d’euros. D’après la Cour des comptes, le solde de la CNRACL se dégraderait continûment au cours des prochaines années et son déficit atteindrait 8,1 milliards d’euros en 2027, cette somme étant égale aux trois quarts du déficit prévisionnel de l’ensemble de la branche vieillesse et du FSV ([33]).
● En application du 4° de l’article L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale et de l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières, la Cour des comptes établit chaque année un « rapport présentant le compte rendu des vérifications qu’elle a opérées en vue de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité » des comptes du régime général de sécurité sociale, qu’elle remet au Parlement et au Gouvernement au titre de sa mission constitutionnelle d’assistance à ces derniers dans le contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale.
Le rapport de certification des comptes 2023 du régime général et du Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) a été publié le 17 mai 2024. La Cour des comptes y constate « qu’il ne lui est pas possible d’exprimer une position concernant les comptes de la branche famille », entraînant la non‑certification de ces derniers ([34]). Elle certifie avec réserve les comptes des autres branches et de l’activité de recouvrement.
● Dans son précédent rapport de certification, portant sur l’exercice 2022, la Cour avait refusé de certifier les comptes de la branche famille. Elle avait alors relevé plusieurs anomalies significatives et l’insuffisance d’éléments probants concernant le cadre général du contrôle interne, les erreurs affectant les prestations légales en raison de l’insuffisante fiabilité des données déclaratives et les erreurs résiduelles des données déclaratives non corrigées après contrôle interne. Elle estimait notamment que le niveau des erreurs résiduelles imputables à des données déclaratives non corrigées au bout de vingt‑quatre mois atteignait 5,8 milliards d’euros d’indus et de rappels, ce qui représentait un doublement du montant de ces erreurs en quatre ans. Ces indus et rappels représentaient alors 7,6 % du montant des prestations servies, et plus particulièrement la prime d’activité (un quart des prestations concernées), le revenu de solidarité active (un cinquième) et les aides au logement (un huitième). Les opérations internes effectuées par les caisses d’allocations familiales (CAF) étaient également entachées d’erreurs dont le niveau était évalué par la Cour à 1,7 milliard d’euros.
Dans la présentation de son opinion concernant les comptes 2023, la Cour relève que « la situation a évolué favorablement sur certains aspects » ([35]). Elle souligne en particulier que la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a mis en œuvre, à compter du second semestre 2023, un plan d’action tendant à améliorer la qualité de la liquidation des prestations afin d’en garantir le versement à bon droit ; que le niveau des objectifs assignés aux CAF a été maintenu depuis l’exercice précédent, après trois années de baisse de ces objectifs ; et que la performance financière des contrôles effectués par les caisses a progressé.
● Toutefois, la Cour indique que la mise en œuvre du plan d’action précité n’a pas encore apporté « d’assurance raisonnable sur la maîtrise des risques affectant les opérations que les caisses réalisent » ([36]). En effet, celui-ci n’a été mis en œuvre qu’à compter du second semestre de l’année 2023.
La Cour constate également les indicateurs d’évaluation du risque résiduel lié aux données déclaratives, qui permettent d’estimer le montant des préjudices financiers persistant après les opérations de contrôle interne, stagnent s’agissant de l’indicateur à vingt‑quatre mois (7,4 %, soit 5,5 milliards d’euros d’indus et de rappels) ou se dégradent s’agissant des données déclarées à neuf mois (10,9 %, soit 8,6 milliards d’euros). Elle note que, d’une façon générale, « la capacité de détection des erreurs par le réseau demeure très inférieure au risque induit par l’insuffisante fiabilité des données déclarées par les allocataires » ([37]).
Par ailleurs, le niveau d’erreurs imputables aux caisses elles-mêmes, bien qu’en baisse, reste élevé (1,65 %, soit environ 1 milliard d’euros) ([38]).
La Cour des comptes souligne en outre que les dispositifs de lutte contre la fraude restent perfectibles. Elle observe en particulier qu’un « contrôle sur place approfondi d’un échantillon représentatif de l’ordre de 6 000 dossiers d’allocataires, dont les résultats sont extrapolés sur le plan statistique » conduit à estimer que la fraude représente « 4,9 % des prestations légales versées, soit 3,9 milliards d’euros ». Ce montant est supérieur de près de 39 % à l’estimation réalisée en 2021 : il était alors évalué à 2,8 milliards d’euros ([39]).
L’ensemble de ces éléments justifient que la Cour ne se considère pas en mesure de certifier les comptes de la branche famille, en dépit des améliorations rappelées supra. Le rapporteur général prend acte de cette impossibilité et proposera à la commission, compte tenu du montant des dépenses concernées par ces anomalies, de refuser d’approuver les comptes des régimes de base et du FSV en rejetant le présent article.
En dépit des moins-values constatées en fin d’exécution compte tenu du moindre dynamisme de la masse salariale privée par rapport aux prévisions, les recettes des Robss ont confirmé en 2023 le dynamisme qui les caractérise depuis 2021. Le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale indique qu’elles ont progressé de 4,8 %, après une augmentation de 5,4 % en 2022 ([40]). Elles s’élèvent ainsi à 600,0 milliards d’euros, soit 27,5 milliards d’euros de plus que l’année précédente. Si ce résultat est inférieur de 2,2 milliards d’euros à la prévision inscrite dans la loi de financement pour 2024, il convient de rappeler que les tableaux d’équilibre inclus dans la loi de financement pour 2023 faisaient état d’un montant bien inférieur – à hauteur de 5,1 milliards d’euros – à ce résultat. Selon la Cour des comptes, ce surcroît de recettes tient à la forte croissance de la masse salariale durant les trois premiers trimestres ([41]).
Le ralentissement de la croissance des recettes par rapport aux exercices précédents doit être mis en regard de la normalisation du contexte macroéconomique au sortir de la crise sanitaire. Après la très forte reprise de l’activité constatée en 2021 – marquée par une augmentation du PIB en volume de 6,4 % –, la croissance a ralenti en 2022 – 2,5 % – et en 2023 – 0,9 %. De manière analogue, après une forte accélération en 2022, l’inflation a ralenti en 2023, la croissance de l’indice des prix à la consommation hors tabac refluant ainsi de 5,3 % à 4,8 %.
En outre, si la croissance de la masse salariale soumise à cotisations a ralenti depuis 2022 – elle avait alors augmenté de 8,9 % –, celle-ci est demeurée dynamique en 2023, en augmentant de 5,7 %. Or, comme le rappelle le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, la masse salariale est « le sous-jacent macroéconomique majeur de l’évolution des cotisations sociales » et, par conséquent, des recettes de la sécurité sociale, constituées pour près de moitié – à hauteur de 48 % – de cotisations ([42]). Pour rappel, chaque point supplémentaire de croissance de la masse salariale du secteur privé entraîne un surcroît de recettes de 2,43 milliards d’euros pour les régimes de base ([43]).
L’augmentation du produit des cotisations sociales (+ 4,3 %) se révèle cependant inférieure à la croissance de la masse salariale privée en raison, tout d’abord, de la baisse des cotisations maladie des travailleurs indépendants et des exploitants agricoles prévue par la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ([44]). L’impact sur le niveau total des recettes de la sécurité sociale est cependant neutralisé par l’affectation d’une fraction de TVA d’un montant de 0,6 milliard d’euros. À cet égard, le rapporteur général souhaiterait souligner l’intérêt que présenterait la reprise du débat sur la substitution de nouvelles fractions de TVA aux recettes tirées de cotisations (« TVA sociale ») afin de réduire les charges supportées par les entreprises et lutter contre les freins à la progression salariale, tout en préservant les ressources de la sécurité sociale.
En outre, le dynamisme des allègements généraux de cotisations – en hausse de 10,0 % – limite la croissance des cotisations sociales du secteur privé à hauteur de 1,3 point ([45]). Ce dynamisme s’explique par les revalorisations successives du Smic, qui atteignent 5,4 % en moyenne annuelle.
Par ailleurs, le rendement de la CSG a poursuivi sa croissance, à hauteur de 4,5 %. L’évolution du produit varie cependant entre ses différentes assiettes : la CSG assise sur les revenus d’activité a augmenté moins rapidement que l’année précédente (4,5 %, après 8,2 % en 2022), de même que la CSG portant sur les revenus du capital (4,8 %, contre 11,9 % lors de l’exercice précédent), l’effet retour des revalorisations de prestations a soutenu le produit de la CSG sur les revenus de remplacement, en hausse de 0,7 point (4,7 %, après 4 %). Le rendement des autres impôts, taxes et contributions sociales progresse de 3,6 %, principalement en raison de leur évolution spontanée (3,1 point), mais également de l’affectation d’une fraction supplémentaire de TVA au titre de la compensation de la baisse de cotisations maladie susmentionnée.
Au total, le taux de croissance des recettes est identique à celui de l’inflation hors tabac – soit 4,8 %. Selon les prévisions qui figurent dans le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, les recettes devraient croître en 2024 plus rapidement que l’indice des prix à la consommation : elles augmenteraient ainsi de 4,3 %, tandis que l’inflation hors tabac n’excèderait pas 2,4 % selon les prévisions présentées dans le dernier programme de stabilité.
Évolution entre la prÉvision, la rectification et l’exÉcution en lfss des recettes par branche des robss pour l’exercice 2023
(en milliards d’euros)
Recettes par branche |
Prévision en LFSS 2023 |
Rectification en LFRSS 2023 |
Rectification en LFSS 2024 |
Écart entre la prévision en LFSS 2023 et la rectification en LFSS 2024 |
Exécution en Placss 2023 |
Écart entre la rectification et l’exécution |
Écart entre la prévision et l’exécution |
Maladie |
231,2 |
231,2 |
234,2 |
+ 3,0 |
232,8 |
– 1,4 |
+ 1,6 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
17,0 |
17,0 |
17,2 |
+ 0,2 |
16,8 |
– 0,4 |
– 0,2 |
Vieillesse |
269,7 |
269,8 |
273,1 |
+ 3,4 |
272,5 |
– 0,6 |
+ 2,8 |
Famille |
56,7 |
56,7 |
57,0 |
+ 0,3 |
56,8 |
– 0,2 |
+ 0,1 |
Autonomie |
36,2 |
36,3 |
36,8 |
+ 0,6 |
37,0 |
+ 0,2 |
+ 0,8 |
Ensemble des branches* |
593,2 |
593,3 |
601,0 |
+ 7,8 |
598,5 |
– 2,5 |
+ 5,3 |
Ensemble des branches et FSV |
594,8 |
595,0 |
602,2 |
+ 7,4 |
600,0 |
– 2,2 |
+ 5,1 |
(*) Indépendamment des transferts entre branches
Source : commission des affaires sociales.
Ressources nettes des rÉgimes de base et du FSV par catÉgorie de recettes en 2023
(en millions d’euros)
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.
● Le rapporteur général note, s’agissant des dépenses, que l’exécution se situe au niveau de la prévision rectifiée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. Les charges des Robss et du FSV atteignent ainsi 610,7 milliards d’euros, en hausse de 3,1 % par rapport à 2022, tandis que la dernière loi de financement les évaluait à 610,9 milliards d’euros. Les comptes 2023 confirment ainsi le ralentissement de la hausse des dépenses constaté au cours des trois exercices précédents, au cours desquels elles avaient crû respectivement de 6,2 %, 5,7 % et 4,3 %. Le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale souligne, à cet égard, que les dépenses nettes des Robss et du FSV « ont plus fortement baissé en volume qu’elles ne l’avaient fait en 2022 » ([46]). La maîtrise des dépenses est favorisée par la forte diminution des charges liées à la crise sanitaire, qui ont reflué de plus de 10 milliards d’euros (1,1 milliard d’euros, après 11,7 milliards d’euros en 2022).
Il reste que l’augmentation des dépenses a été plus importante qu’anticipé lors de l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, à hauteur de 8,8 milliards d’euros. Cette hausse s’explique principalement par le dynamisme des prestations sociales, en hausse de 3,6 % sur un an. La revalorisation des prestations légales contribue à cette augmentation à hauteur de 1,6 point, soit une participation proche de celle constatée en 2022 (1,7 point). La croissance spontanée des prestations, liée à des effets démographiques, a certes ralenti par rapport à 2022 mais elle demeure le principal contributeur à l’augmentation de ces dépenses, expliquant 2,6 points de hausse de celles-ci contre 3,1 points en 2022.
Plusieurs mesures nouvelles ont également contribué, de façon plus limitée, à l’augmentation des dépenses de prestations. Il s’agit notamment des revalorisations salariales transversales dans la fonction publique, qui augmentent les dépenses entrant dans le champ de l’Ondam, ainsi que de mesures ciblées concernant les bas salaires et le versement d’une prime de pouvoir d’achat. D’autres mesures nouvelles ont contribué à la hausse des dépenses, en particulier la revalorisation de l’allocation de soutien familial (ASF) à compter de novembre 2022 ; l’augmentation des minima de pension de retraite, partiellement compensée par les premiers effets des mesures d’âge mises en œuvre en application de la loi de financement rectificative ; la poursuite de la montée en charge des revalorisations salariales issues du Ségur de la santé.
● Le rapporteur général note ainsi que la dégradation du solde des régimes obligatoires de base et du FSV tient à une croissance des recettes inférieures aux prévisions trop optimistes du précédent Gouvernement et à une absence de maîtrise des dépenses. Il relève également, s’agissant de l’exercice en cours, que la prévision de déficit présentée dans le dernier rapport à la Commission des comptes de la Sécurité sociale s’établit à 16,6 milliards d’euros ([47]), soit 5,1 milliards d’euros de plus que la prévision inscrite dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale ([48]).
Évolution entre la prÉvision, la rectification et l’exÉcution en lfss des dépenses par branche des robss pour l’exercice 2023
(en milliards d’euros)
Dépenses par branche |
Prévision en LFSS 2023 |
Rectification en LFRSS 2023 |
Rectification en LFSS 2024 |
Écart entre la prévision en LFSS 2023 et la rectification en LFSS 2024 |
Exécution en Placss 2023 |
Écart entre la rectification en LFSS 2024 et l’exécution |
Écart entre la prévision et l’exécution |
Maladie |
238,3 |
239,1 |
243,7 |
+ 5,4 |
243,9 |
+ 0,2 |
+ 5,6 |
Accidents du travail et maladies professionnelles |
14,8 |
14,8 |
15,3 |
+ 0,5 |
15,4 |
+ 0,1 |
+ 0,6 |
Vieillesse |
273,3 |
273,7 |
275,0 |
+ 1,7 |
275,1 |
+ 0,1 |
+ 1,8 |
Famille |
55,3 |
55,3 |
56,0 |
+ 0,7 |
55,7 |
– 0,3 |
+ 0,4 |
Autonomie |
37,4 |
37,5 |
37,9 |
+ 0,5 |
37,6 |
– 0,3 |
+ 0,2 |
Ensemble des branches* |
601,6 |
602,8 |
610,5 |
+ 8,9 |
610,4 |
– 0,1 |
+ 8,8 |
Ensemble des branches et FSV |
601,9 |
603,2 |
610,9 |
+ 9,0 |
610,7 |
– 0,2 |
+ 8,8 |
(*) Indépendamment des transferts entre branches
Source : commission des affaires sociales.
Conformément à la loi organique, le 2° prévoit les recettes, les dépenses et le solde du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’année 2023. Pour rappel, le FSV est un établissement public administratif créé par la loi du 22 juillet 1993 ([49]), dont les missions, qui relèvent du financement des prestations non contributives à l’assurance vieillesse, sont définies aux articles L. 135-1 à L. 135- 5 du code de la sécurité sociale. À ce titre, le fonds :
– assure le refinancement des régimes de retraite au titre de certains avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale comme, sous certaines conditions, les validations de trimestres d’assurance vieillesse au titre du chômage, de l’activité partielle, des arrêts de travail, du volontariat du service civique, des périodes d’apprentissage et de stages de formation professionnelle ;
– finance l’intégralité du minimum vieillesse versé par les régimes de retraite.
Pour ce faire, il dispose de recettes dont la composition a varié au cours du temps, mais qui ont toujours porté majoritairement sur le capital. Les recettes ont évolué en 2021 avec la création de la cinquième branche, qui a conduit à réaffecter de la CSG entre le régime général et le FSV : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a abaissé le taux de CSG assise sur le patrimoine et les placements attribués au FSV de 8,6 à 6,67 points tout en relevant ceux de la CSG sur les retraites et les pensions d’invalidité de 1,98 à 2,94 points ([50]). Aucune modification de la structure des recettes n’est intervenue depuis lors.
Évolution des recettes, des dÉpenses et du solde du fsv (2019-2023)
(en milliards d’euros)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Recettes |
17,2 |
16,7 |
17,7 |
19,4 |
20,4 |
Dépenses |
18,8 |
19,1 |
19,3 |
18 |
19,3 |
Solde |
– 1,6 |
– 2,5 |
– 1,5 |
+ 1,3 |
+ 1,1 |
Source : commission des affaires sociales.
L’analyse de l’évolution du solde du FSV montre qu’en 2023, celui-ci affiche un excédent pour la deuxième année consécutive et la seconde fois depuis 2009. Malgré la forte augmentation de ses dépenses, qui passent de 18,0 milliards d’euros à 19,3 milliards d’euros – soit une hausse de 7 % –, le fonds reste excédentaire en raison du dynamisme de ses recettes qui, après avoir atteint 19,3 milliards d’euros en 2022, s’élèvent à 20,4 milliards d’euros en 2023. Cette augmentation demeure moins importante que celle des charges du fonds, ce qui explique la contraction de son excédent de 1,3 milliard d’euros en 2022 à 1,1 milliard d’euros en 2023.
Évolution des prÉvisions des recettes, des dÉpenses et du solde du fsv (2023)
(en milliards d’euros)
|
Prévision en LFSS 2023 |
Rectification en LFRSS 2023 |
Rectification en LFSS 2024 |
Exécution en Placss 2023 |
Recettes |
20,6 |
20,6 |
20,3 |
20,4 |
Dépenses |
19,3 |
19,3 |
19,5 |
19,3 |
Solde |
+ 1,3 |
+ 1,3 |
+ 0,8 |
+ 1,1 |
Source : commission des affaires sociales.
Après avoir diminué en 2022 de 6,4 % sous l’effet du repli des prises en charge de cotisations, les charges du FSV augmentent en raison, tout d’abord, d’une prise en charge de cotisations plus importante, notamment au titre des périodes de chômage. Le coût des prises en charge de cotisations au titre des périodes validées gratuitement par les régimes de base d’assurance vieillesse augmente ainsi de 1,0 milliard d’euros. Compte tenu de la stabilité des effectifs de chômeurs concernés par ces prises en charge, permise par la bonne tenue de l’emploi, cette évolution s’explique par un effet prix en lien avec la hausse de 5,4 % de la cotisation de référence annuelle, assise sur les revalorisations du Smic. À l’inverse, les prises en charge des cotisations maladie, invalidité et AT-MP ont régressé de 0,2 %, après avoir fortement augmenté l’année précédente, à hauteur de 12,1 %, sous l’effet d’une augmentation du nombre d’arrêts maladie au début de l’année 2022 liée à l’apparition d’un nouveau variant de la covid-19. Pour mémoire, l’ensemble des prises en charge de cotisations représente les trois quarts des charges du FSV.
En ce qui concerne les autres postes de dépenses, on relève que les charges correspondant au financement du minimum vieillesse ont progressé de 6,4 %, soit une croissance plus rapide qu’en 2022 (+ 4,6 %). Cette augmentation s’explique par l’effet en année pleine de la revalorisation des prestations de 4,0 % anticipée au 1er juillet 2022, joint à la hausse de 0,8 % de celles-ci à compter du 1er janvier 2023. Les dépenses relatives au minimum vieillesse constituent un quart des charges du FSV.
Compte tenu de la structure des recettes du FSV, et bien que la croissance de ses ressources ait été moins soutenue qu’en 2022, cette dynamique peut également être imputée à la bonne tenue de l’activité qui a permis à la CSG de maintenir un fort rendement : le produit de la CSG sur les revenus du capital et de remplacement augmente ainsi de 5,3 % en 2023, après avoir crû de 9,2 % l’année précédente. Le rendement de la CSG sur les revenus du capital a cependant vu sa progression limitée par la baisse de 0,5 % du produit correspondant aux revenus du patrimoine en raison de plus-values mobilières moins importantes en 2022. L’augmentation du rendement de la CSG sur les produits de placement, à hauteur de 9,1 %, compense toutefois en partie cette diminution et confirme la bonne tenue de l’activité économique en sortie de crise. Par ailleurs, la CSG assise sur les revenus de remplacement a fortement progressé, à hauteur de 6,3 %, soit un rythme plus soutenu qu’en 2022 (5,5 %), en raison de l’effet retour des revalorisations de prestations sociales.
Deux mesures nouvelles introduites par la loi de financement rectificative pour 2023 ont également une incidence sur les dépenses engagées par le FSV au titre de la prise en charge de prestations : d’une part, le relèvement du seuil de récupération sur succession de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et de l’allocation de solidarité vieillesse (ASV) devrait limiter la réduction la charge du FSV au titre du minimum vieillesse permise par cette récupération ; d’autre part, l’incidence de l’allongement de la durée de résidence requise pour bénéficier de l’ASPA, relevée de six mois à neuf mois le 1er septembre dernier, se manifestera à compter de 2024 sur les dépenses du FSV.
D’après le dernier rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, l’excédent du FSV devrait s’accroître en 2024 pour atteindre 1,3 milliard d’euros.
Contribution des principaux facteurs À l’Évolution des charges et produits nets du FSV (2022-2024)
(en points)
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024.
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* *
Article 2
Approbation, pour l’exercice 2023, des dépenses constatées de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et celles qu’il met en réserve et du montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale
Supprimé par la commission
Conformément aux 2° et 3° de l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, l’article 2 du présent projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale soumet à l’approbation du Parlement :
– le montant définitif des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), qui atteint 247,8 milliards d’euros ;
– le montant des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, catégorie uniquement constituée du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), dont les recettes sont nulles comme chaque année depuis 2011 ;
– le montant des recettes mises en réserve par le FSV, lesquelles sont également nulles depuis 2011 ;
– le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui s’élève à 18,3 milliards d’euros en 2023.
Créé en même temps que les lois de financement de la sécurité sociale, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est inscrit dès 1996 dans la loi organique ([51]) comme un outil de régulation du montant des dépenses de santé remboursées par les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, et en particulier par l’assurance maladie.
La loi organique de 2005 ([52]), qui visait à affiner l’exercice des lois de financement, a créé le principe de sous-objectifs de l’Ondam. Cet objectif est ainsi décliné depuis 2006 en six sous-objectifs, qui sont les suivants :
– soins de ville ;
– établissements de santé ;
– deux sous-objectifs médico-sociaux ;
– fonds d’intervention régional et soutien national à l’investissement ;
– « autres prises en charge » (dotations aux établissements accueillant des personnes confrontées à des difficultés spécifiques, notamment l’addiction, les soins des Français de l’étranger et dotations de l’assurance maladie à plusieurs opérateurs nationaux de la politique de santé).
Conformément au cadre issu de la loi organique du 14 avril 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ([53]), le présent projet de loi est assorti d’une annexe consacrée à l’Ondam et aux dépenses de santé (annexe 3), qui permet de disposer de davantage d’informations sur cette dynamique.
Le 1° du présent article tend à approuver le montant définitif de l’Ondam 2023, qui s’établit à 247,8 milliards d’euros.
Évolution des prÉvisions et du résultat définitif de l’ONDAM 2023 pour l’ensemble des robss
(en milliards d’euros)
|
Prévision en LFSS 2023 |
Rectification en LFRSS 2023 |
Rectification en LFSS 2024 |
Exécution en Placss 2023 |
Montant de l’Ondam |
244,1 |
244,8 |
247,6 |
247,8 |
Source : commission des affaires sociales.
Le montant définitif des dépenses entrant dans le périmètre de l’Ondam s’établit ainsi à 247,8 milliards d’euros en 2023, en progression de 0,3 % par rapport à 2022. La mise en extinction des dépenses imputables à la crise sanitaire – dont le montant a diminué de 10,6 milliards d’euros – compense la plus grande partie de l’augmentation des charges dépourvues de lien avec celle-ci. Aussi, si l’on exclut les dépenses exceptionnelles liées à la pandémie de covid-19, l’exécution de l’Ondam 2023 est en hausse de 4,8 % par rapport à 2022.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 prévoyait une croissance de l’Ondam hors dépenses de crise de 3,5 %. La diminution de ces dernières, rendue possible par le caractère désormais endémique et l’intensité faiblissante de la pandémie de covid-19, devait conduire à une réduction du montant total des dépenses relevant de l’Ondam à hauteur de 1,2 %. À la différence de l’année précédente, au cours de laquelle l’Ondam n’a été rectifié qu’à une seule reprise, l’exercice comptable 2023 a donné lieu à deux modifications de cet objectif en cours d’exécution à la faveur, d’une part, de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 ([54]), qui a l’a relevé de 750 millions d’euros ; et, d’autre part, de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ([55]), qui l’a majoré de 2,8 milliards d’euros.
L’écart de 750 millions d’euros entre la prévision inscrite dans la loi de financement initiale pour 2023 et celle qui figure dans la loi de financement rectificative 2023 tient compte à la fois de :
– la majoration de l’Ondam hospitalier à hauteur de 600 millions d’euros pour financer des mesures d’attractivité dans les établissements de santé, en particulier la prolongation des mesures portant sur la rémunération du temps de travail de nuit ;
– l’augmentation du sous-objectif correspondant aux soins de ville, à raison de 150 millions d’euros, afin de tenir compte du dynamisme des dépenses liées aux indemnités journalières.
Une seconde rectification a ensuite été apportée à l’Ondam 2023 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 ([56]). Cette modification a conduit à relever l’objectif de dépenses de 244,8 milliards d’euros à 247,6 milliards d’euros, montant retenu dans la présentation de l’évolution prévisionnelle de l’Ondam qui figure dans la dernière loi de programmation des finances publiques ([57]).
La rectification opérée par la loi de financement pour 2024 visait d’abord à tenir compte des mesures de revalorisation salariale prises en juin 2023, dont ont bénéficié les personnels des établissements sanitaires et médico-sociaux publics, et qui ont été étendues sous forme de mesures équivalentes aux établissements privés. Au total, leur entrée en application a conduit à relever l’Ondam de 1,6 milliard d’euros.
L’effet mécanique de l’inflation sur le montant des indemnités journalières a aussi donné lieu à une majoration du sous-objectif correspondant aux soins de ville. Les hausses successives du Smic intervenues en 2022 et 2023 ont entraîné la revalorisation de la base de calcul de ces indemnités (effet prix) et conduit à relever ce sous-objectif (hors dépenses liées à la crise) de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de financement rectificative. Ainsi, le montant total des rectifications apportées à la prévision des dépenses relevant du sous-objectif « soins de ville » pour tenir compte du dynamisme des indemnités journalières a atteint 1,25 milliard d’euros en cours d’exécution – avant que ce montant ne soit abaissé de 0,1 milliard d’euros lors de la présentation des comptes définitifs.
En outre, la mise en œuvre d’un fonds d’urgence au profit des établissements médico-sociaux, d’une part, et l’anticipation de revalorisations tarifaires négociées avec les transporteurs sanitaires privés, d’autre part, ont entraîné une augmentation des dépenses prévues au titre du fonds d’intervention régional (FIR), correspondant au cinquième sous-objectif de l’Ondam. Celui-ci a ainsi été majoré de 0,3 milliard d’euros.
La rectification à la baisse de la prévision des dépenses de crise et de l’objectif global de dépenses a cependant contribué, à hauteur de 0,1 milliard d’euros dans l’un et l’autre cas, à limiter l’ampleur de la majoration de l’Ondam opérée par la dernière loi de financement de la sécurité sociale.
ONDAM 2023 et rectification par sous-objectif
Source : annexe III au Placss.
Le dépassement de 0,2 milliard d’euros de l’Ondam entre la rectification en loi de financement pour 2024 et l’exécution constatée dans le présent projet de loi découle, d’après le Gouvernement, « des dépenses de soins de ville (+0,2 milliard d’euros) et des établissements de santé (+0,4 milliard d’euros) » ([58]), lesquelles ont été partiellement compensées par la sous-exécution de l’Ondam médico-social (‑ 0,3 milliard d’euros) et du sous-objectif correspondant aux « autres prises en charges » (‑ 0,1 milliard d’euros). Le surcroît de dépenses dépourvues de lien avec la crise sanitaire et entrant dans les périmètres respectifs des deux premiers sous-objectifs est compensé par la sous-exécution de l’objectif global de dépenses médico-social et du sous-objectif « autres prises en charges ». Aussi, en tenant compte de ces compensations entre sous-objectifs, l’écart à la prévision s’explique-t-il par des dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire, d’un montant de 0,1 milliard d’euros, et par l’attribution d’une aide exceptionnelle aux établissements hospitaliers pour un coût total de 0,5 milliard d’euros, celle-ci étant rattachée à l’Ondam exécuté en 2023 bien qu’elle n’ait été versée que l’année suivante.
Au total, les dépenses relevant du sous-objectif « Établissements de santé » atteignent ainsi 102,8 milliards d’euros (en progression de 5,6 % depuis 2022). Celles correspondant aux soins de ville s’élèvent à 105,3 milliards d’euros, en diminution de 2 % par rapport à l’année précédente.
PREMIER CONSTAt DE L’ONDAM 2023
Note de lecture : OGD : objectif global de dépenses ; PA : établissements et services d’accueil des personnes âgées en perte d’autonomie ; PH : établissements et services d’accueil des personnes handicapées.
Source : annexe III au Placss, p. 10.
● Le 2° porte approbation du montant de la dotation au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), montant constamment nul depuis 2011. Il constitue une donnée obligatoire en application de l’article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale, qui fait obligation au législateur de mentionner dans la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale le montant des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires, catégorie comprenant le seul FRR dans le droit positif.
En effet, en application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le Fonds a été mis en extinction : aucune recette ne lui est plus affectée tandis qu’il décaisse chaque année 2,1 milliards d’euros au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) afin de participer, en application de la LFSS 2011, au financement des déficits des organismes chargés d’assurer les prestations du régime de base de l’assurance vieillesse pour les exercices 2011 à 2024 ([59]).
Créé en 1999 ([60]), le FRR était chargé de mettre en réserve et de faire fructifier des ressources qui lui étaient affectées afin de maintenir voire d’améliorer le niveau des pensions à l’horizon 2020, dans la perspective d’une dégradation prévisible des équilibres financiers. Compte tenu de la forte détérioration des régimes d’assurance vieillesse à la suite de la crise financière des années 2008-2009, il a été décidé de mettre à contribution le fonds avant l’horizon initialement prévu, pour alimenter la Cades.
● Dans la même logique, le 3° prévoit que le FSV ne met aucune somme en réserve, comme chaque année depuis 2011 ([61]).
La Cades a été créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 portant mesures relatives au remboursement de la dette sociale pour amortir et éteindre la dette du régime général de la sécurité sociale. Elle est historiquement affectataire :
– depuis sa création, d’une ressource exclusive, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;
– depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG) ([62]) ;
– depuis 2011, du versement annuel précité du FRR ([63]).
Ces ressources lui permettent chaque année d’assurer l’amortissement d’une partie de la dette sociale reprise et financée par des opérations d’emprunt sur les marchés ([64]). L’amortissement est égal à la différence entre le produit des ressources affectées et le montant des charges financières nettes de la caisse (déduction faite, donc, des produits financiers qu’elle peut percevoir).
Le 4° porte ainsi approbation du montant de la dette amortie par la Cades en 2023, à savoir 18,3 milliards d’euros, contre 19 milliards d’euros en 2022.
Cet objectif d’amortissement est identique à celui fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, qui était lui-même supérieur de 600 millions d’euros à l’objectif défini par les lois de financement initiale et rectificative pour 2023 (17,7 milliards d’euros). Il marque une diminution – de 700 millions d’euros – de la capacité d’amortissement de la Cades par rapport à l’exercice 2022, l’augmentation des charges financières liée à la hausse des taux d’intérêt n’étant que partiellement compensée par la croissance du produit de la CSG et de la CRDS.
Montant de la dette sociale amortie par la cades
(2019-2023, en milliards d’euros)
Source : commission des affaires sociales, à partir des données des LFSS 2021 (donnée 2019), 2022 (donnée 2020), 2023 (donnée 2021), du Placss 2022 (donnée 2022) et du Placss 2023 (donnée 2023).
D’après les comptes définitifs de la Cades présentés dans l’annexe 7 au présent projet de loi, les ressources de celle-ci s’élèvent, en 2023, à 21,30 milliards d’euros, contre 2,99 milliards d’euros de charges financières nettes. Les recettes fiscales de la caisse s’élèvent à 10,1 milliards d’euros au titre de la fraction du produit de la CSG dont elle est affectataire et à 8,8 milliards d’euros correspondant au rendement de la CRDS ([65]).
Le taux de financement s’établit à 2,15 % au 31 décembre 2023 contre 1,29 % un an plus tôt. Le taux d’intérêt moyen résultant des instruments à taux fixe, qui représentent 73,56 % de la dette de la Cades, atteint 1,50 % au 31 décembre 2023, les taux révisables représentent 23,77 % de l’endettement de la Cades et s’établissent à 3,96 % – soit une hausse de 2,3 points par rapport à 2022 – tandis que l’endettement à taux indexé à 2,70 % représente 2,67 % de la structure d’endettement.
● Le rapporteur général prendra connaissance avec intérêt du rapport de Mme Stéphanie Rist et de M. Hadrien Clouet, rapporteurs de la mission d’information sur la gestion de la dette sociale que la commission des affaires sociales a créée en juillet dernier, dans le prolongement des travaux que la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss) a consacrés à cette thématique au premier semestre de cette année, jusqu’à l’achèvement de la XVIe législature.
*
* *
Article 3
Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2023
Supprimé par la commission
L’article 3 porte approbation du tableau patrimonial qui retrace la situation financière de la sécurité sociale au 31 décembre du dernier exercice clos (2023) ainsi que l’affectation des excédents et des déficits constatés au terme de cet exercice.
Ce tableau reflète une situation légèrement plus favorable qu’en 2022 mais qui reste marquée par une dette importante.
● Cet article, qui fait partie des dispositions obligatoires des lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale, était auparavant inscrit en première partie des lois de financement de l’année.
Article L.O. 111-3-13 du code de la sécurité sociale.
« La loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale :
« [...]
« Approuve le rapport mentionné au 2° de l’article L.O. 111-4-4. »
Article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale.
« Sont jointes au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale des annexes :
« [...]
« 2° Comportant un rapport décrivant les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos. Ce rapport présente également un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ; »
Son objectif est d’informer la représentation nationale sur l’état de la situation patrimoniale d’une partie des régimes intégrant le champ des lois de financement de la sécurité sociale ([66]). Le rapport qu’il propose d’approuver permet d’apprécier, outre le solde qui peut s’analyser comme un « flux », la situation financière nette consolidée, intégrant l’ensemble de l’actif et du passif du champ des lois de financement. Les « stocks » sont ainsi présentés (réserves, dettes) de même que la manière dont les déficits sont finalement pris en charge.
Après trois années de dégradation continue, l’annexe reflète une légère amélioration de la situation financière des régimes de sécurité sociale en 2023, tant en ce qui concerne la dette (le passif net) que l’endettement financier (passif financier net).
● Le passif net représente l’équivalent du cumul des déficits de la sécurité sociale qui restent à financer. Après des années de résorption entre 2014 et 2020, il a connu une dégradation rapide. Les conséquences de la crise sanitaire et de l’effort financier de la sécurité sociale en faveur du maintien de l’activité ont conduit à ce que ce passif croisse de façon continue, passant de 61,4 milliards d’euros en 2019 à 99,2 milliards d’euros au 31 décembre 2022. La situation s’est toutefois améliorée en 2023 puisque le passif net a diminué de 7 milliards d’euros au 31 décembre 2023.
Évolution du passif net de la sécurité sociale depuis 2011
|
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Passif net au 31 décembre (capitaux propres négatifs) |
– 100,6 |
– 107,2 |
– 110,9 |
– 110,7 |
– 109,5 |
– 101,4 |
– 88,5 |
– 77,0 |
– 61,4 |
– 86,7 |
– 93,5 |
– 99,2 |
– 92,2 |
Source : annexe au Placss pour 2023.
L’évolution par rapport à 2022 reflète plusieurs facteurs dont certains participent à l’amélioration du passif net tandis que d’autres contribuent à le dégrader :
– le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du FSV s’est réduit de près de 9 milliards d’euros. Le résultat consolidé sur le périmètre de la sécurité sociale au sens des lois de financement de la sécurité sociale redevient donc positif en 2023 (8,5 milliards d’euros) dans la mesure où les résultats de la Cades, c’est-à-dire sa capacité d’amortissement de la dette reprise (18,3 milliards d’euros), et du FRR (1 milliard d’euros) font plus que compenser le déficit des régimes (– 10,8 milliards d’euros) ;
– la revalorisation de près de 1 milliard d’euros des actifs du FRR en valeur de marché ([67]) ;
– la réduction d’1,8 milliard d’euros des réserves de la sécurité sociale (22,5 milliards d’euros). Ces réserves sont majoritairement constituées de celles accumulées par le FRR grâce aux résultats réalisés depuis sa création (13,6 milliards). Elles sont malgré tout en léger reflux en 2023 en raison d’un résultat déficitaire du FRR pour 2022 (‑ 500 millions d’euros). L’essentiel de la diminution des réserves consolidées de la sécurité sociale au 31 décembre 2023 s’explique toutefois par la réduction des réserves des autres régimes que le régime général (‑ 1,1 milliard d’euros) ;
– l’augmentation de 2,5 milliards d’euros du report à nouveau déficitaire qui représente les déficits cumulés des régimes de base et du FSV antérieurs à l’exercice 2023 (‑ 149,4 milliards d’euros). S’agissant du régime général et du FSV, le report à nouveau est bénéficiaire (+ 13,1 milliards d’euros) et s’améliore par rapport à 2022. Cette situation s’explique par les reprises de dette effectuées par la Cades à hauteur de 24,2 milliards d’euros en 2023 ([68]) qui ont comblé le report à nouveau négatif de la branche maladie (qui aurait dû s’élever à ‑ 21,6 milliards d’euros après affectation du déficit 2022) et redressé le report à nouveau de la branche vieillesse (qui s’établit à ‑ 0,2 milliard d’euros après reprise) ([69]) ;
Les facteurs contribuant à l’amélioration du passif net (réduction du déficit des Robss et revalorisation des actifs du FRR) l’emportent donc sur ceux le dégradant (dégradation du report à nouveau et diminution des réserves), participant ainsi au désendettement financier de la sécurité sociale.
● La seconde partie du tableau présente l’endettement financier net de la sécurité sociale. Cet agrégat est obtenu par la différence entre les actifs financiers placés ou détenus en trésorerie d’une part, et le passif financier (les dettes financières) d’autre part. Son évolution est essentiellement déterminée par celle du passif net, bien qu’il soit davantage soumis aux variations liées aux opérations de trésorerie. Pour l’exercice 2023, l’endettement financier est affecté par des éléments contradictoires.
D’une part, la dette du régime général portée par l’Acoss pour les titres à échéance infra-annuelle a poursuivi sa diminution (‑ 12,3 milliards d’euros en 2023 après une réduction de 18 milliards d’euros en 2022). Cette dette s’établit ainsi à 14 milliards d’euros au 31 décembre 2023, bien en deçà du plafond de recours aux ressources non permanentes de l’Acoss fixé à 45 milliards d’euros par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, en net recul par rapport au plafond applicable au plus fort de la crise sanitaire (95 milliards d’euros autorisés en loi de financement de la sécurité sociale pour 2021).
D’autre part, l’endettement brut de la Cades s’est quant à lui accru d’un peu plus de 7 milliards d’euros. La Cades porte ainsi une dette financière totale de 151,7 milliards d’euros ([70]) contre un actif de 4,4 milliards d’euros.
Au total, l’endettement financier net de la sécurité sociale au 31 décembre 2023 diminue mais s’établit tout de même à 113,4 milliards d’euros, soit un niveau qui reste supérieur à celui constaté au 31 décembre 2020, année au cours de laquelle les besoins de financement et de recours à des ressources non permanentes ont atteint des niveaux exceptionnels en raison de la crise sanitaire.
Évolution de l’endettement financier depuis 2011
(en milliards d’euros)
|
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Endettement financier net au 31 décembre |
– 111,2 |
– 116,2 |
– 118,0 |
– 121,3 |
– 120,8 |
– 118,0 |
– 102,9 |
– 86,8 |
– 74,6 |
– 110,6 |
– 115,3 |
– 122,7 |
– 113,4 |
Source : annexe au Placss 2023.
L’actif circulant s’accroît de 2,4 milliards d’euros tandis que le passif circulant augmente de 4,4 milliards d’euros. Ces deux notions comptables recouvrent les créances ou produits mobilisables (actif) et les dettes remboursables (passif) à court‑terme. Près de 60 % de l’actif circulant correspond à des produits à recevoir de cotisations, contributions sociales et autres impositions (64,6 milliards d’euros) tandis que le passif circulant est essentiellement constitué de charges à payer enregistrées au 31 décembre 2023 au titre de prestations se rapportant à l’exercice clos, qui n’ont été décaissées qu’en janvier 2024 (pour un montant de 42,4 milliards d’euros). L’accroissement de ce dernier poste par rapport à l’exercice 2023 s’explique par l’augmentation du montant à payer en lien avec le niveau plus élevé des prestations de retraite et des dotations et forfaits hospitaliers de la branche maladie.
évolution du passif net de la sécurité sociale et de l’endettement net qui en assure le financement
(en milliards d’euros)
Source : commission des affaires sociales.
Conformément aux articles L.O. 132-3 du code des juridictions financières et L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, la Cour des comptes produit un avis sur la cohérence du tableau patrimonial.
Dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale de mai 2024, la Cour des comptes juge que le tableau patrimonial figurant en annexe du présent projet « fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2023 » ([71]).
Elle réitère toutefois son observation selon laquelle la fiabilité des données comptables utilisées pour l’établissement du tableau de situation patrimoniale a un caractère variable et présente parfois des insuffisances comme en témoignent notamment l’absence de certification de la branche famille et les certifications avec réserves des autres branches du régime général par la Cour des comptes.
Comme les années passées, l’interprétation retenue par le Gouvernement en matière d’information relative à la couverture des déficits ou à l’affectation des excédents constatés pour l’exercice 2023 conduit à une réduction importante de l’information disponible sur les différents régimes.
S’agissant des régimes intégrés au régime général, l’annexe rappelle la chronique de versements de la Cades pour couvrir les déficits passés et futurs constatés, dans le cadre de l’article 1er de la loi « dette sociale et autonomie » précitée ([72]). Pour l’exercice 2023, le report à nouveau des déficits constatés pour la branche maladie doit être partiellement couvert par des versements de la Cades à l’Acoss, à hauteur de 8,8 milliards d’euros, selon la chronique suivante :
Couverture des déficits de l’exercice 2023 par la Cades
(euros)
Date |
Versement de la Cades à l’Acoss |
Affectation par l’Acoss des montants versés par la Cades à la branche maladie |
12/03/2024 |
2 192 116 296,04 |
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26/06/2024 |
4 982 082 490,99 |
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20/09/2024 |
1 594 266 397,11 |
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Total |
8 768 465 184,14 |
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Source : décret n° 2024-176 du 6 mars 2024 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général en 2023 et au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général à effectuer en 2024.
Ces versements ne suffiront pas à compenser intégralement le report à nouveau de la branche maladie de 11,1 milliards d’euros après l’affectation de son résultat constaté en 2023. L’exercice 2024 commencera donc avec un report à nouveau négatif, auquel s’ajouteront les déficits attendus
S’agissant des régimes qui ne font pas l’objet d’une compensation, l’annexe se borne à préciser que, en l’absence de mesures spécifiques prises ou prévues par le Gouvernement, « leurs déficits ou excédents seront donc affectés, selon le cas, aux réserves ou au report à nouveau des régimes concernés, conformément à l’affectation proposée par les instances délibératives approuvant les comptes ».
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Lors de la réunion du mercredi 25 septembre 2024, la commission des affaires sociales examine le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale de l’année 2023 (n° 4) (M. Yannick Neuder, rapporteur général) ([73]).
Mme Annie Vidal, présidente. Nous allons examiner le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss). En effet, les dispositions organiques du code de la sécurité sociale prévoient que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l’année ne peut être mis en discussion devant une assemblée avant l’examen du Placss.
M. Yannick Neuder, rapporteur général. C’est avec grand plaisir que j’ai accédé à la fonction de rapporteur général de la commission des affaires sociales en juillet dernier. La tâche qui nous attend est immense et j’entends travailler dans un esprit constructif, à l’écoute de toutes les sensibilités.
L’examen aujourd’hui du Placss de l’année 2023 est un exercice inhabituel à deux égards.
Premièrement, nous réexaminons un texte dont la commission s’était déjà saisie en juin, moins d’une semaine avant la dissolution de l’Assemblée. Elle l’avait alors rejeté, à l’instar du Placss de l’année 2022. L’examen du projet de loi n’ayant pu s’achever en séance, nous voici obligés de le reprendre en septembre avant de commencer la discussion PLFSS 2025. Nous y sommes tenus, puisque les dispositions organiques du code de la sécurité sociale conditionnent la possibilité d’examiner le PLFSS de l’année à venir au vote sur le Placss de l’année écoulée.
Deuxièmement, alors que la réforme du cadre organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), en 2022, renforce le contrôle de l’exécution desdites lois avec l’examen au printemps d’un texte dédié, la dissolution a mis un coup d’arrêt brutal à la séquence que nous avions entamée en juin. Il s’agit ici non seulement du Placss, mais également des missions menées par les rapporteurs de la Mecss dans le cadre du Printemps social de l’évaluation.
Il est regrettable que ces travaux ne puissent aboutir cette année, malgré le travail réalisé par nos collègues sur des sujets aussi importants que l’instauration d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) centres de ressources, la lutte contre la fraude aux prestations, le déploiement des maisons de naissance et la fiscalité relative aux organismes complémentaires d’assurance maladie. Je me réjouis toutefois que le bureau de la commission ait décidé de relancer les travaux menés par Hadrien Clouet et Stéphanie Rist sur la gestion de la dette sociale.
Le Placss 2023 redéposé par le gouvernement démissionnaire le 19 juillet est en tout point identique à celui que nous avions examiné sous la précédente législature.
Il expose tout d’abord la situation des administrations de sécurité sociale (Asso). Dans ce champ, qui intègre l’assurance chômage et les régimes de retraite complémentaire, l’article liminaire fait état d’un excédent de 12,9 milliards d’euros, en amélioration de 4 milliards par rapport à 2022. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette présentation qui intègre les recettes de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) et qui embellit artificiellement la situation financière des administrations de sécurité sociale.
En effet, la Cades a bénéficié en 2023 de 21,1 milliards de recettes, lui permettant d’amortir 18,3 milliards de dette. Après déduction du résultat de la Cades, qui correspond au remboursement de déficits passés, le solde des Asso serait donc légèrement déficitaire, d’un peu plus de 5 milliards.
L’excédent des administrations de sécurité sociale s’élève ainsi à 0,5 point de PIB, soit 0,2 point de moins que la prévision actualisée de la LFSS 2024 – bien qu’une partie de cet écart soit liée à une modification du périmètre comptable, j’y reviendrai.
La situation financière positive des administrations de sécurité sociale ne doit pas masquer l’état des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), présenté à l’article 1er. Alors que la LFSS 2024 prévoyait un déficit de 8,7 milliards d’euros, celui-ci atteint finalement 10,8 milliards. L’écart tient, selon le Gouvernement, à des recettes inférieures aux prévisions. Mais le solde reste en amélioration par rapport à 2022 : le déficit avait alors atteint 19,7 milliards, lors d’un exercice marqué par l’importance des dépenses liées au covid-19 – représentant 11,7 milliards. En 2023, ces dépenses n’ont plus été que de 1,1 milliard.
La réduction des déficits de l’année dernière tient donc en premier lieu à la disparition progressive des surcoûts liés au covid-19. À l’avenir, nous ne pourrons pas compter sur cette source d’économies : le rétablissement des comptes sociaux exigera de nouveaux efforts, que nous devrons définir collectivement lors de l’examen du prochain PLFSS. Ces efforts devront être d’autant plus colossaux que le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai dernier anticipe un déficit de 16,6 milliards pour l’année 2024, soit une dégradation de 6 milliards.
La non-certification des comptes de la branche famille par la Cour des comptes est par ailleurs préoccupante. Certes, la Cour a fait état de progrès dans la fiabilisation du versement des prestations par le réseau des caisses d’allocations familiales, mais cela ne se traduit pas encore dans les comptes de l’année 2023. Le montant des indus et des rappels qui ne seront jamais recouvrés est estimé à 5,5 milliards, soit 7,4 % des prestations versées.
L’article 2 prévoit l’approbation du montant définitif des dépenses entrant dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) ainsi que des sommes mises en réserve par le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et le FSV, ou amorties par la Cades.
Les dépenses relevant du champ de l’Ondam ont atteint 247,8 milliards d’euros, soit 2,7 milliards de plus que le montant prévu pour 2023 et 0,2 milliard de plus que l’objectif fixé pour 2024. Si l’on exclut les mesures liées au covid-19, les dépenses comprises dans l’Ondam sont en hausse de 11,4 milliards par rapport à 2023, soit une augmentation de 4,8 % qui équivaut à l’inflation hors tabac. Le dépassement de l’objectif initial s’explique pour plus de la moitié par la revalorisation du point d’indice de la fonction publique et de la rémunération des heures de garde la nuit et le week-end.
Nous savons tous combien la situation du système de santé demeure préoccupante. Il appartiendra à chacun de présenter ses propositions lors de l’examen du PLFSS.
La Cades est quant à elle parvenue à amortir 18,3 milliards d’euros en 2023. Cette bonne performance ne doit pas dissimuler qu’en raison de l’aggravation prévisible des déficits sociaux et de la diminution de ses recettes, le montant amorti chaque année sera bientôt dépassé par l’endettement supplémentaire résultant de la dégradation du solde des régimes obligatoires de base.
L’article 3, enfin, dresse le tableau patrimonial de la sécurité sociale. Il reflète, en rupture avec les trois années précédentes, une légère amélioration de la situation financière des régimes. Ne nous y trompons pas, ce n’est pas appelé à perdurer : une dégradation est attendue dès cette année. En mai, le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale tablait sur un déficit prévisionnel de 16,6 milliards d’euros en 2024, soit 6 milliards de plus que les prévisions inscrites dans la dernière loi de financement.
Derrière une relative amélioration des comptes, le tableau dressé par le Placss 2023 cache donc une situation financière très préoccupante. Tel est le constat que la Cour des comptes formule avec force dans son rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale. En cohérence avec la position que les députés du groupe Les Républicains et moi-même avions adoptée en juin dernier, je voterai contre ce projet de loi.
Mme Annie Vidal, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Joëlle Mélin (RN). Le Placss 2023, aussi insincère que le précédent, appelle les mêmes remarques.
L’article liminaire, censé rassurer les acheteurs de la dette sociale française, ne les convainc guère. Certains s’inquiètent grandement de ces chiffres, qui reposent sur l’excédent de 18 milliards de la Cades et du FRR, ainsi que de la modification des règles comptables, qui rend impossibles les comparaisons avec les chiffres de 2022.
L’article 1er met au jour un mensonge que les députés du groupe Rassemblement National avient dénoncé en son temps : en raison d’une inflation totalement sous-estimée pour les années à venir et de recettes en baisse, le tableau d’équilibre des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale est erroné d’environ 100 millions d’euros, ce qui n’est pas rien. Il y a aussi un écart de plus de 2 milliards d’euros avec la prévision actualisée de la LFSS 2024.
Quant à l’Ondam, il a augmenté de 23,4 % entre 2019 et 2023 : tout ça pour ça ! De toute évidence, l’outil est inefficient. Les acteurs contraints sont rarement à l’origine de la dépense : ce sont les besoins croissants des patients et surtout la très mauvaise gestion des masses financières des cinq branches qui engendrent des déficits et des déséquilibres – la Cour des comptes le déplore d’ailleurs pour la vingt-neuvième année.
Enfin, les tableaux patrimoniaux des régimes obligatoires de base de sécurité sociale confirment la pérennité de la Cades, alors que celle-ci devait disparaître il y a plusieurs années. Non sans ironie, c’est elle qui sauve la face en masquant un endettement de 113,4 milliards d’euros, après un apurement de 416 milliards depuis 1996, soit 14 milliards par an.
Nous présenterons des amendements de suppression de tous les articles de ce projet de loi, auquel nous nous opposons bien évidemment.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Les administrations de sécurité sociale, intégrant notamment l’assurance chômage et les régimes de retraite complémentaire, affichent un excédent de 13,2 milliards d’euros. C’est le fruit de la reprise économique consécutive à la crise sanitaire, ainsi que de l’efficacité des politiques de l’emploi et des réformes structurelles que nous avons menées, qu’elles aient porté sur l’assurance chômage ou les retraites.
Cela ne doit toutefois pas masquer le solde des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale qui, bien qu’en amélioration par rapport à 2022, reste largement déficitaire. Comme les années précédentes, ce déficit se concentre essentiellement sur la branche vieillesse et, surtout, sur la branche maladie : son déficit atteint 11,1 milliards d’euros et devrait s’aggraver ces prochaines années. Ce déficit étant structurel, il appelle des réformes tout aussi structurelles, parallèlement à la maîtrise des dépenses sociales que le groupe Ensemble pour la République continuera de défendre.
Par ailleurs, Hadrien Clouet et moi-même vous présenterons prochainement le rapport sur l’évaluation de la gestion de la dette sociale dont les travaux avaient été engagés dans le cadre de la Mecss.
Le présent Placss traduit la réalité des comptes de la sécurité sociale, dont la Cour des comptes confirme la sincérité et la régularité. Ne pas l’adopter reviendrait à rejeter une photographie simple de nos comptes sociaux, une réalité financière qui nous commande d’agir afin de poursuivre le redressement des comptes et la résorption de la dette sociale. C’est pourquoi notre groupe approuvera le projet de loi.
Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Permettez-moi de reprendre l’expression que vous avez employée en juin dernier, monsieur le rapporteur général : « Décidément, la semaine dernière fut rude pour le Gouvernement et ses Mozart de la finance ! » Pour une fois, nous sommes d’accord. La semaine dernière nous a en effet offert le spectacle lamentable d’un Premier ministre issu de la force arrivée en dernière place aux législatives et nommé par le président du bloc perdant, faisant mine de découvrir la situation catastrophique des comptes publics gérés par ceux qui, à longueur de journée, nous donnent des leçons de responsabilité fiscale.
Vous parliez d’insincérité budgétaire : la situation vous donne raison, tant Matignon et Bercy ont déployé d’artifices pour empêcher la commission des finances d’accéder aux lettres plafonds relatives au projet de loi de finances pour 2025. Même l’ancien président de la commission n’était pas en mesure de nous communiquer des éléments sur le prochain PLFSS. Alors que notre système de santé et de protection sociale s’enfonce un peu plus dans la crise, un huitième titulaire du ministère de la santé a été nommé en sept ans. La santé et la sécurité sociale sont devenues des variables d’ajustement des politiques d’austérité, et nous avons peu de doutes sur la saignée que subira une nouvelle fois le PLFSS.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que rejeter le projet de loi. Chaque jour, les apôtres du néolibéralisme nous parlent du dérapage des dépenses de la sécurité sociale, quand cette dernière est excédentaire à 13 milliards d’euros. Plutôt que de tout faire pour la préserver, vous voulez en faire un outil de financement de la dette, laquelle résulte des innombrables niches fiscales consenties aux riches depuis sept ans, pour 8 milliards d’euros entre 2018 et 2022. Le Gouvernement poursuivra sans aucun doute sa casse des droits sociaux pour compenser le trou dans les recettes qu’il a lui-même creusé en ciblant tour à tour les personnes privées d’emploi et en arrêt maladie.
Nous sanctionnerons l’insincérité budgétaire révélée au grand jour par ce projet de loi, que nous ne voterons pas.
Mme Sandrine Runel (SOC). Les comptes de la sécurité sociale affichent un déficit de 10,8 milliards d’euros, qui illustre dramatiquement l’échec de votre politique de l’offre. Penser que l’allégement continu des exonérations sociales depuis 2017 ferait ruisseler la richesse et accroîtrait les recettes était une erreur. Vous avez cru que ces exonérations, notamment au-dessus d’un certain niveau de salaire, auraient un effet positif sur l’emploi et la compétitivité. Pourtant, les études s’accordent à dire qu’elles sont inefficaces : pourquoi insister ? Pourquoi vouloir priver la sécurité sociale de 73 milliards de recettes par an, alors qu’elle affiche un déficit de près de 11 milliards ? Vous avez vidé les caisses de la sécurité sociale et vous nous demandez maintenant très tranquillement d’approuver cette banqueroute !
Pire, ce déficit ne permet pas de répondre aux besoins des Françaises et des Français. L’hôpital public s’asphyxie faute de personnel et d’investissements dans la prévention, tandis que les restes à charge rompent l’égalité d’accès aux soins. Rien n’est prévu pour prendre en charge les personnes en perte d’autonomie ni pour accompagner le vieillissement de la population. Les conditions de travail se détériorent et les maladies professionnelles se multiplient. La branche retraite reste déficitaire sans que les enjeux de pénibilité, d’altération de l’espérance de vie, de carrières hachées ou d’égalité des pensions entre les femmes et les hommes ne soient pris en compte.
En 2023, le déficit de la sécurité sociale se sera creusé de manière vertigineuse pour la septième année de suite, sans que la prise en charge des Français ne se soit améliorée. Avec une telle trajectoire, le déficit atteindra 17 milliards d’euros en 2027.
En conséquence, les députés du groupe Socialistes et apparentés s’opposeront à ce projet de loi et présenteront des amendements de suppression de ses articles.
M. Thibault Bazin (DR). Loin d’être une simple formalité, l’examen du Placss 2023 est l’occasion de dresser un bilan de la gestion passée. Soyons clairs : les comptes sont mauvais. En 2023, le déficit a atteint 10,8 milliards d’euros, en aggravation de près de 4 milliards par rapport aux prévisions. Certes, des recettes inférieures aux prévisions expliquent en partie ce résultat dégradé, mais cela ne peut servir d’excuse car l’exécutif a l’habitude de retenir des prévisions trop optimistes : nous vous avions pourtant alertés, en vain.
Plus fondamentalement, ce résultat s’explique par l’absence de maîtrise des dépenses d’assurance maladie. Il est urgent de réagir, sans quoi 60 milliards de dette sociale s’accumuleront d’ici à 2027, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS). Voici ce qu’écrit la Cour des comptes : « Cette perspective illustre le caractère insoutenable de la trajectoire actuelle de la sécurité sociale et la nécessité impérative de mettre en œuvre des réformes de l’assurance maladie visant à réaliser des gains d’efficience et à revoir les déterminants de ses financements. » Ces mots, nous devons les faire nôtres.
Certaines pistes d’économies simples n’ont jamais été exploitées. Ainsi, la Cour des comptes a de nouveau refusé de certifier les comptes de la branche famille pour 2023, au motif que le contrôle interne ne permettait pas suffisamment de prévenir et détecter les erreurs d’attribution et de calcul des prestations sociales. Elle fait état de « 5,5 Md€ d’indus et de rappels qui ne seront jamais détectés par les diverses actions de contrôle mises en œuvre », ajoutant que « la capacité de détection des erreurs par le réseau demeure très inférieure au risque induit par l’insuffisante fiabilité des données déclarées par les allocataires ».
Les députés du groupe Droite Républicaine voteront contre le Placss 2023. Nous en appelons à une reprise en main budgétaire pour ne pas faire peser les mauvais choix des derniers gouvernements sur les générations futures, et pour nous redonner les moyens de répondre aux défis majeurs de notre système de protection sociale.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Le groupe Écologiste et Social ne peut cautionner la gestion des comptes publics que reflète le Placss 2023. Si la Cour des comptes considère que les tableaux d’équilibre – comme le tableau de la situation patrimoniale – offrent une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde, elle alerte à nouveau sur des données comptables insuffisamment fiables ou échappant aux mécanismes de contrôle.
Au-delà de l’insincérité manifeste des comptes, le projet de loi confirme la poursuite de la course à l’austérité qui menace la soutenabilité de notre modèle de protection sociale. Cette photographie des comptes publics de l’an passé traduit également le résultat sinistre des politiques de généralisation des primes Macron menées depuis 2017, qui, en amenuisant les cotisations sociales plutôt que d’augmenter les salaires pour tous, ont contribué à assécher les comptes de la sécurité sociale. Nous en voyons les conséquences terribles : un manque à gagner de plus de 8 milliards d’euros pour la sécurité sociale, dont les premières victimes sont nos concitoyens les plus vulnérables.
Cette situation s’aggravera sous l’effet du vieillissement de la population et, surtout, de la contraction des dépenses de santé prévue par le nouveau gouvernement, en parfaite continuité avec le précédent. Il est profondément exaspérant d’entendre certains s’émouvoir le lundi des dégâts de la privatisation sur les crèches et les Ehpad et, le mercredi, défendre des budgets qui réduisent les dépenses publiques et favorisent les intérêts de groupes privés voraces comme Orpea et People & Baby.
Notre groupe n’approuvera pas des comptes publics aussi peu fiables, qui confirment l’intention du Gouvernement d’assécher les comptes de la sécurité sociale sur le dos des Françaises et Français.
M. Nicolas Turquois (Dem). La mauvaise trajectoire des finances publiques, notamment dans le champ social, s’explique effectivement par une croissance économique et une évolution de la masse salariale plus faibles que prévu, limitant la progression des cotisations sociales. Au-delà, certains éléments méritent d’être soulignés. Ainsi, la forte augmentation des allégements généraux de cotisations liée à la hausse légitime du Smic a eu un effet amplifié dans le contexte. Par ailleurs, le déficit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) se creuse de façon vertigineuse : nous devons nous pencher sur le sujet. Il convient également de travailler sur l’insincérité des comptes de la branche famille.
Les dépenses relevant du champ de l’Ondam ont atteint près de 248 milliards d’eurps, soit plus de 50 milliards supplémentaires depuis 2017. Il est tout de même paradoxal de dépenser 50 milliards de plus en sept ans et d’avoir l’impression que le système de santé remplit de moins en moins ses objectifs. Nous devons analyser les raisons de l’augmentation des besoins en santé, marquée par l’explosion des affections de longue durée. Pour y remédier, il est essentiel de travailler sur la prévention, notamment en matière de consommation de tabac et d’alcool ou d’alimentation, ainsi que sur le dépistage néonatal, qui permettrait d’intervenir en amont sur certaines pathologies infantiles.
Les députés du groupe Démocrate participeront aux travaux de la commission dans un esprit de responsabilité, afin de trouver de nouvelles pistes pour infléchir la croissance des dépenses de santé. Nous voterons donc le projet de loi.
Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (HOR). La loi organique du 14 mars 2022 a créé une nouvelle catégorie de lois de financement de la sécurité sociale : la loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, qui doit être déposée au Parlement chaque année avant le 1er juin. Celle-ci, présentée avec des annexes, renforce l’information du Parlement sur la situation des comptes sociaux et les résultats des politiques menées. Comme les lois de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’État, le Placss permet en théorie au Parlement d’examiner dès le printemps les comptes du dernier exercice clos, en amont du PLFSS de l’année suivante. Il est déposé ici pour la deuxième année.
Il en ressort que l’assurance maladie poursuit ses efforts de maîtrise médicalisée des dépenses, avec un objectif d’économies de 540 millions d’euros. La promotion des médicaments génériques et biosimilaires est encouragée pour maîtriser les dépenses pharmaceutiques, avec des taux de pénétration respectivement de 92,7 % et 32 % en 2023. Cependant, des efforts considérables demeurent nécessaires. Le groupe Horizons & Indépendants privilégiera toujours les réformes globales et structurelles qui traitent les problèmes en profondeur plutôt que les mesures isolées ou paramétriques qui n’apportent que des solutions temporaires.
Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas ici de discuter de réformes ni de prendre position à l’égard de la politique sociale du Gouvernement, mais d’acter des faits comptables et d’approuver les comptes qui nous sont soumis dans un souci de transparence. Notre groupe votera donc ce projet de loi.
M. Stéphane Viry (LIOT). Les critiques que nous avions formulées en juin sur ce Placss sont plus que jamais d’actualité. Comme en juin, les députés du groupe LIOT voteront contre. Les équilibres ne sont pas bons, la dette ne se résorbe pas, les recettes se tarissent ; la Cour des comptes a même refusé de certifier les comptes de la branche famille.
L’équilibre global du système est manifestement défaillant, à tel point que l’on s’inquiète de la pérennité du modèle de la couverture sociale qui est pourtant due aux Français. Cela appelle à réfléchir à la protection sociale de demain : il faut satisfaire les besoins, mais aussi et surtout trouver de nouvelles ressources. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Il est impératif d’absorber la dette des comptes sociaux qui gangrène notre capacité à apporter des réponses aux établissements de santé et médico-sociaux. Quant aux recettes, elles ne peuvent plus dépendre uniquement des cotisations sur le travail, que l’on s’efforce de réduire depuis des décennies par des mécanismes qui arrivent à bout de course.
Nous ne voterons donc pas ce projet de loi, mais nous appelons à réfléchir à un autre modèle de sécurité sociale. Si nous n’agissons pas, nous casserons la promesse républicaine qui garantit aux Français une protection face aux accidents de la vie. L’urgence est manifeste ; je pense en particulier aux Ehpad, qui sont en grande fragilité du fait de la hausse des dépenses énergétiques et de l’inflation alors qu’ils doivent répondre à des besoins croissants. Repartons d’une feuille blanche sur ces sujets importants.
M. Yannick Monnet (GDR). L’avis des députés communistes et d’outre-mer n’a guère varié depuis la précédente législature : nous nous opposons fermement à ce texte.
Comment pourrions-nous approuver les effets d’un budget avec lequel nous n’étions pas d’accord, et qui a été imposé par 49.3 ? Comment donner notre assentiment quand nous observons les effets calamiteux des dernières lois de financement de la sécurité sociale ? Le déficit des hôpitaux publics devrait dépasser 2 milliards d’euros en 2024 ; 85 % des Ehpad publics sont déficitaires et leur déficit cumulé est estimé à 1,3 milliard ; les renoncements aux soins vont croissant, et les restes à charge sont beaucoup trop élevés ; la réforme des retraites est inefficace du point de vue des comptes publics, mais ô combien douloureuse pour nos concitoyens.
Valider les comptes de la sécurité sociale de 2023, ce serait valider les décisions des précédents gouvernements qui ont amplifié une crise sanitaire et sociale déjà catastrophique. Ce serait valider l’idée selon laquelle la protection sociale est une variable d’ajustement pour équilibrer les déficits publics. Nous pensons bien au contraire que le budget de la sécurité sociale doit être sanctuarisé. Il doit être établi au vu des besoins des populations et des spécificités territoriales, après quoi les ressources nécessaires doivent être trouvées pour y répondre.
Valider ces comptes, ce serait acquiescer à la mauvaise manie des gouvernements d’Emmanuel Macron de produire chaque année un budget de la sécurité sociale volontairement insincère, un Ondam largement sous-évalué et des recettes macroéconomiques surévaluées. Ce serait valider l’acharnement à priver la sécurité sociale de ses moyens de fonctionnement. Même la Cour des comptes a dénoncé le manque à gagner colossal dû aux exonérations de cotisations sociales et à l’incitation à verser des primes plutôt que des augmentations de salaire.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de loi.
Mme Annie Vidal, présidente. Nous en venons aux questions des autres députés.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Notre système de protection sociale semble avoir atteint un point de rupture. Si des mesures drastiques ne sont pas prises rapidement, il s’effondrera. Les deux défis majeurs sont sa soutenabilité et son efficacité. D’un côté, les besoins sociaux et de santé explosent, alimentés par le vieillissement de la population et la montée en flèche des pathologies chroniques. De l’autre, les recettes fiscales ne sont pas à la hauteur des prévisions.
Le constat est sans appel : le déficit de la sécurité sociale atteint le niveau presque insoutenable de 10,8 milliards d’euros, dont 5 milliards pour la seule branche vieillesse. Les causes en sont diverses, et connues. Nous assistons, impuissants, à la dérive du système de santé. Une refonte s’impose. La santé ne saurait se résumer au curatif. Depuis trop longtemps, notre système produit toujours plus de soins sans prévenir la dégradation de l’état de santé ni l’apparition de pathologies chroniques. Nous sommes piégés dans une logique de volume, quand nous devrions repenser l’anticipation des besoins et la qualité des soins.
Les dépenses de santé ont bondi de 50 milliards d’euros depuis six ans sans que l’état de santé général de la population ne s’améliore. Comment espérer soutenir une telle trajectoire et être dispensés de repenser notre modèle ? Les responsabilités sont partagées : nous, parlementaires, votons chaque année des objectifs de dépenses irréalistes dans le cadre des PLFSS. Il est temps de changer de cap. Nous devons également responsabiliser tous les acteurs du système de santé : professionnels, hôpitaux, organismes financeurs et patients. Chaque décision, chaque acte médical a un coût qui ne peut plus être ignoré.
Que proposez-vous pour responsabiliser chacun des acteurs en matière de soins et de prévention – offreurs de soins, hôpitaux, entreprises du médicament, patients ? Plutôt que de discuter d’un objectif de dépenses de santé, ne faudrait-il pas instaurer une enveloppe nationale fermée, à laquelle les acteurs devraient se tenir ?
M. Hendrik Davi (EcoS). La France dépense-t-elle trop pour la santé de nos concitoyens et concitoyennes ? La réponse est non. Nos dépenses de santé avoisinent 5 000 euros par habitant, contre 6 000 euros en Allemagne et 10 600 euros aux États-Unis. C’est bien la preuve que lorsqu’une dépense de santé est socialisée et publique, elle pèse moins sur l’ensemble de la société que quand elle est privatisée.
Certes, nous pourrions limiter certaines dépenses, par exemple grâce à un pôle public du médicament qui produirait des molécules facturées trop cher par les laboratoires. Nous pourrions aussi améliorer la prévention concernant la consommation de tabac et d’alcool et les maladies professionnelles.
Mais les budgets sont-ils aussi catastrophiques que cela ? Certainement pas. Les administrations de sécurité sociale présentent un solde excédentaire de 0,5 % du PIB, à 12,9 milliards d’euros. Faut-il s’en féliciter ? Non, car nous répondons de moins en moins bien aux besoins. L’hôpital est au bord de l’effondrement, vous devez en prendre conscience. Les soignants n’en peuvent plus. Bientôt, des malades mourront faute de prise en charge. Bientôt aussi, les arrêts de travail ne seront plus rémunérés pendant le week-end.
Nous devons donc dépenser plus pour l’hôpital et la prévention. Cela implique de revenir sur la politique d’exonération des cotisations sociales qui a cours depuis des années. Les taux de prélèvement à la charge des employeurs pour une rémunération au Smic sont passés de 42 % en 1991 à 7 % aujourd’hui. Ce déficit de recettes a en partie été compensé par de l’impôt : ce n’est pas la bonne solution. Il faut supprimer ces exonérations, notamment pour les hauts salaires.
M. Jérôme Guedj (SOC). Avec ce Placss, nous entrons dans le dur de l’examen du financement de la sécurité sociale.
Permettez-moi d’abord d’exposer la situation baroque, c’est un doux euphémisme, que nous sommes amenés à vivre. Notre rapporteur général, membre d’un parti désormais composante à part entière du Gouvernement et dont le Premier ministre est issu, nous explique avec des arguments que nous partageons pour partie qu’il ne donne pas quitus à la LFSS 2023, cependant que le nouveau gouvernement de coalition nous indique qu’il s’inscrit peu ou prou dans la continuation de la même politique. Sans vouloir parler de « schizophrénie », pour ne pas dévoyer un terme médical, nous assistons là à un dédoublement qui sera au cœur de la séquence budgétaire à venir – d’autant que le groupe Rassemblement National, qui s’oppose également au présent projet de loi, accorde un soutien sans participation à ce même gouvernement. Ce n’est pas tenable.
Il faut pourtant bien des réponses. La crise de la sécurité sociale, la Cour des comptes le pointe elle-même, est essentiellement une crise du financement et des ressources, due notamment à l’ampleur inédite qu’ont prise les exonérations de cotisations sociales. Monsieur le rapporteur général, êtes-vous prêt à reprendre les pistes que nous défendons depuis des années et que la Cour des comptes a incluses dans son rapport sur les niches sociales, s’agissant notamment des compléments de salaire, afin de dégager les ressources nécessaires pour réduire le déficit de la sécurité sociale et financer à hauteur des besoins l’hôpital public, les Ehpad publics et les différentes branches de la sécurité sociale ?
M. Michel Lauzzana (EPR). Tous les amendements que nous allons examiner visent à supprimer les articles de ce texte. Il me semble donc que les oppositions confondent complètement loi de financement et loi d’approbation des comptes. Le Placss ne contient qu’un résultat comptable. Il ne s’agit que d’une photographie des comptes de l’année 2023, une liste de « plus » et de « moins » – ceux qui sont ou ont été élus locaux ont l’habitude de l’exercice pour les comptes des collectivités. Nous venons d’entendre les oppositions tout mélanger et dire n’importe quoi en s’attachant surtout à ne pas parler de ces comptes. Si l’on refuse de voter un résultat de « plus » et de « moins », autant remettre en cause le principe des mathématiques !
M. le rapporteur général. S’agissant d’abord des amendements dont nous allons commencer l’examen, je suis défavorable à ce que nous supprimions des articles qui, comme vient de l’expliquer M. Lauzzana, ne font que relater une situation à laquelle nous ne pouvons rien changer. Les résultats de l’exercice 2023 sont comme ils sont : les supprimer n’aurait guère de sens. Je vous renvoie d’ailleurs à mon tour aux comptes administratifs sur lesquels ont à se prononcer les élus locaux : chacun décide s’il les approuvera ou non, peut-être dans l’espoir d’infléchir la politique menée, mais je n’ai jamais vu aucun élu demander la suppression des comptes administratifs de sa collectivité !
Monsieur Guedj, vous craignez que je ne sois schizophrène, mais auriez-vous apprécié que je devienne maniaque au cours de l’été, à la faveur du changement de gouvernement, en jugeant soudainement les comptes acceptables alors que Les Républicains s’y opposaient en juin ? J’aurais alors plutôt fait preuve d’une insoutenable légèreté de l’être ! Nous sommes simplement cohérents et, comme je l’ai déjà dit, je souhaite que nous travaillions ensemble, au-delà de nos divergences, pour sortir de cette situation.
Certains points sont susceptibles de faire consensus entre nous, et peut-être de trouver un aboutissement lors de l’examen du PLFSS 2025.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué les déficits structurels, d’abord, qui ne trouveront certainement une solution que dans le cadre de réformes elles aussi structurelles et pas uniquement budgétaires.
Les politiques de prévention, ensuite, sur lesquelles vous avez été nombreux à insister, devront effectivement figurer en bonne place dans le PLFSS.
S’agissant des exonérations de cotisations sociales s’appliquant aux salariés touchant le Smic, je partage votre avis, monsieur Turquois, mais ne jetons tout de même pas le bébé avec l’eau du bain : renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs était tout à fait nécessaire, la période électorale qui s’achève l’a bien montré. Quant à la CNRACL, je partage votre inquiétude. Nous réfléchirons à la part qu’elle pourrait prendre au fil du temps dans le déficit de la branche vieillesse.
Enfin, s’agissant de la responsabilisation des patients et des professionnels de santé qu’a évoquée Cyrille Isaac-Sibille, il reviendra à notre commission de décider des mesures à prendre. Des leviers existent, mais il faut assurer leur acceptabilité.
Il nous revient de nous montrer capables chacun de faire un pas vers l’autre sur ces questions, afin de ne pas avoir à subir de nouveau ces 49.3 que nous avons tous regrettés par le passé.
Article liminaire : Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2023
Amendements de suppression AS2 de Mme Sandrine Runel, AS8 de M. Sébastien Peytavie, AS9 de Mme Joëlle Mélin et AS17 de Mme Élise Leboucher
Mme Sandrine Runel (SOC). Nous proposons la suppression de cet article, qui ne reprend que des éléments comptables. L’adopter reviendrait à ne présenter le budget de la sécurité sociale que sous forme de points de PIB, ce qui ne me paraît absolument pas pertinent. Nous avons plutôt besoin d’indicateurs qualitatifs, qui devraient être conçus et débattus par le Parlement – ce qui redonnerait d’ailleurs du poids à ce dernier.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Bien que l’article liminaire présente un solde positif de 0,5 %, les chiffres nous semblent avant tout démontrer l’échec du Gouvernement à maintenir durablement à flot les administrations de la sécurité sociale, et ce en raison d’une baisse des prélèvements obligatoires. Le HCFiPS rappelle lui-même que le nécessaire accroissement des dépenses pendant la crise du covid-19 a eu lieu au prix d’une limitation stricte des dépenses publiques.
La politique de réduction des prélèvements obligatoires menée depuis 2017 a ainsi eu comme première conséquence de diminuer les recettes fiscales, privant les comptes sociaux de ressources essentielles et creusant le déficit. Selon la Cour des comptes, les exonérations de cotisations sociales, qui abreuvent largement et sans contrepartie les grandes entreprises réalisant des superprofits, représentent 18 milliards d’euros de manque à gagner pour la sécurité sociale.
Il n’y aura aucun investissement supplémentaire pour répondre à l’accroissement des inégalités de santé, à la pénurie de médecins dans les zones rurales, à l’expansion des maladies chroniques. Il n’y aura aucun investissement supplémentaire non plus pour penser notre système de soins et de solidarité sur le long terme et faire face aux conséquences sanitaires et sociales de la crise climatique. Le groupe Écologiste et Social ne sera pas complice de cette chronique d’un marasme budgétaire annoncé.
Mme Joëlle Mélin (RN). Le groupe Rassemblement National s’est déjà exprimé sur le fond, je souhaite maintenant parler de la forme. Cet article liminaire est selon nous illégitime car il s’apparente à un exercice privé, dont le but est de rassurer le secteur bancaire ainsi que les investisseurs qui détiennent notre dette publique.
À ce titre, je tiens à lancer l’alerte. Imaginez que de nombreux investisseurs, comme l’évoque la presse depuis quelques jours, se désengagent brutalement des créances françaises en raison de leur volume et des modalités de remboursement : ce serait une véritable catastrophe sociale. Nous avons déjà été déclassés par les agences internationales et sommes sous la menace de l’être encore davantage. Nous ne pouvons donc accepter un article liminaire erroné, voire insincère sur le fond et illégitime sur la forme.
M. Louis Boyard (LFI-NFP). Pourquoi voulons-nous supprimer cet article liminaire ? Parce que nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était !
Vous, macronistes, venez de vous prendre une tôle aux élections : vous vous êtes effondrés. Quant à vous, collègues Républicains, vous n’avez obtenu que 6 % des voix. Il n’y a donc rien qui justifie de continuer comme avant, et surtout pas le positionnement d’Emmanuel Macron, qui est rejeté par les trois quarts des Français.
Vous nous demandez d’approuver des comptes de la sécurité sociale pour 2023 que nous n’avions même pas pu voter, car vous aviez utilisé le 49.3. Vous nous demandez de le faire pour permettre l’examen du PLFSS 2025, un texte préparé par un Gabriel Attal qui a perdu les élections, un texte qui sera déposé avec neuf jours de retard sur les délais que prévoit la Constitution. Et vous nous demanderez ensuite d’approuver ce PLFSS qui sera appliqué par Darrieussecq, Paul Christophe et Panosyan-Bouvet, des macronistes qui ont perdu les élections ! Il n’y a plus d’élections, plus de Constitution ! Il n’y a que vous, qui vous pensez supérieurs à tout le monde et qui nous demandez de faire comme avant.
Mais non. Nous sommes des élus et nous n’avons pas de mandat pour cela. Nous n’avons pas reçu de mandat pour que la sécurité sociale comble les déficits de l’État. Nous n’avons pas de mandat pour que la richesse de ceux qui n’ont que leur salaire pour vivre finance les cadeaux fiscaux que vous offrez aux 5 % les plus riches. Nous n’avons pas de mandat pour poursuivre les exonérations de cotisations sociales à gogo, alors qu’il manque 1 milliard d’euros aux hôpitaux et qu’une structure d’urgences sur deux a dû fermer pendant l’été. Et nous n’avons pas de mandat, alors que notre pays compte 6 millions de privés d’emploi, pour approuver votre photographie des comptes – tout comme, d’ailleurs, vous n’aviez pas de mandat du peuple français pour mener la réforme des retraites, passée, elle aussi, grâce au 49.3.
Pourquoi rejetons-nous ce projet de loi ? Parce que nous n’avons que ça à notre disposition ! Comme ni les élections, ni la Constitution ne comptent à vos yeux, nous utilisons le peu de pouvoir démocratique que nous avons pour vous imposer la volonté du peuple français, à savoir que vous dégagiez tous !
M. le rapporteur général. Je vais essayer de donner des réponses aussi factuelles que possible.
Monsieur Boyard, non, nous ne vous demandons pas d’approuver les comptes de la sécurité sociale. La loi organique nous impose simplement d’examiner le Placss afin d’enclencher la discussion du PLFSS 2025 : vous n’êtes en aucun cas contraint de voter pour. En revanche, supprimer ses articles tendrait à faire disparaître la mauvaise gestion que justement vous dénoncez. J’insiste, chaque député est libre d’approuver ou de rejeter les articles, mais ces derniers doivent être maintenus car nous devons en tenir compte dans l’élaboration du prochain PLFSS. Je donnerai donc des avis défavorables à tous les amendements de suppression.
Madame Runel, je suis d’accord avec vous, le Placss ne doit pas uniquement relever d’une approche comptable. Cela étant, les documents qui lui sont attachés sont complexes – je remercie d’ailleurs les administrateurs de m’avoir aidé à les décortiquer. On trouve dans l’annexe 1 bon nombre des éléments qualitatifs que vous appelez de vos vœux. Vous disposez ainsi de 800 pages consacrées à l’évaluation des politiques et des objectifs de branche, avec des indicateurs relatifs, entre autres, aux inégalités territoriales de répartition de la présence médicale, au taux de scolarisation des enfants en situation de handicap ou encore aux écarts de pension entre les femmes et les hommes. Je vous invite à découvrir ces informations.
Monsieur Peytavie, nous ne serons pas d’accord sur le fond. Contrairement à ce que vous avez dit, les comptes sociaux se sont bien améliorés en 2023 par rapport à l’année précédente – selon le HCFiPS lui‑même. En revanche, il est vrai que cette amélioration est essentiellement due à la forte diminution des dépenses liées au covid, passées de 11 milliards en 2022 à 1,1 milliard d’euros en 2023. Ainsi, mais c’est heureux, ce levier ne pourra plus être mobilisé les années suivantes.
S’agissant du manque à gagner dû aux exonérations de cotisations sociales, il ne faut pas perdre de vue, qu’on adhère ou non au dispositif, qu’un de ses effets a été d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés ou de leur fournir une protection sociale complémentaire.
Enfin, madame Mélin, vous avez raison, le solde des Asso intègre la Cades et son résultat structurellement excédentaire : je l’ai d’ailleurs déploré. En revanche, la CNRACL est elle aussi incluse dans le périmètre. L’excédent de 12,9 milliards d’euros intègre bien le déficit très préoccupant de cette caisse, qui s’élève à 2,5 milliards pour 2023. Cette situation très alarmante est appelée à encore se dégrader, pour des raisons structurelles : le nombre de retraités progresse et celui de cotisants diminue. Une mission a été confiée à l’Inspection générale des finances, à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale de l’administration au sujet de la situation financière de la CNRACL. J’espère qu’elle nous donnera des éléments pour améliorer les choses.
En conclusion, je demande le retrait de ces amendements, à défaut de quoi mon avis sera défavorable. Je le répète, supprimer cet article viderait le Placss de sa substance.
M. Thibault Bazin (DR). Je suis un peu étonné par les exposés sommaires de ces amendements, qui laissent entendre que les éléments budgétaires contenus dans ce texte, sa logique comptable, sa présentation des recettes et des dépenses de la sécurité sociale seraient contestables.
Il me semble que nous avons tous soutenu la loi organique qui régit l’examen du PLFSS, laquelle impose, comme préalable, la discussion du Placss de l’exercice précédent. Nous souhaitions tous disposer de cette photographie de la situation budgétaire.
Les comptes sont-ils bons ? Non, et nous y voyons une part de mauvaise gestion. Faut-il pour autant supprimer la photographie des comptes ? Je suis convaincu que non, sinon nous irions vers une irresponsabilité totale. Il s’agit des comptes de la nation et la sécurité sociale est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Nous devons être en mesure d’évaluer la dette sociale, car elle emporte d’immenses conséquences pour la suite. On ne peut pas faire fi d’éléments comptables ou budgétaires.
Je préfère largement le rejet des articles à leur suppression, car ne pas disposer de cette photographie, même imparfaite, serait préjudiciable à notre système de protection sociale.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article liminaire est supprimé.
Article 1er : Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2023
Amendements de suppression AS3 de Mme Sandrine Runel, AS5 de M. Sébastien Peytavie, AS10 de Mme Joëlle Mélin et AS19 de Mme Élise Leboucher
Mme Océane Godard (SOC). L’article 1er vise à approuver l’aggravation du déficit de la sécurité sociale de 2,1 milliards par rapport à la loi de financement de 2024. Par notre amendement de suppression AS3, suite logique du précédent, nous regrettons l’absence de vision, de méthode et d’incarnation dont fait preuve la majorité depuis 2017. Nous refusons de voir l’appauvrissement de la sécurité sociale comme une fatalité qui éloigne les Françaises et les Français de l’idéal concret de démocratie et de solidarité.
C’est ce à quoi vous tendez en généralisant, sans condition, les exonérations de cotisations sociales et les allègements généraux, dont le montant a crû de 37 milliards d’euros en sept ans. Pourquoi ne pas les conditionner ? C’est ce à quoi vous tendez également en contournant le salaire, principale assiette de financement de la sécurité sociale, au profit de revenus essentiellement défiscalisés et désocialisés, comme la participation, la prime de partage ou l’intéressement.
Plus largement, depuis 2017, vous poursuivez une politique de gestionnaire, parfois arbitraire, sans vous poser la question ni de l’accès aux soins, ni du sens, ni de la qualité de vie des Françaises et des Français. Il conviendrait plutôt de s’attaquer aux vraies questions : comment améliorer l’accès aux soins dans les déserts médicaux, comment favoriser les départs à la retraite en bonne santé, comment réduire le nombre d’accidents du travail, comment faire face au défi démographique du vieillissement ? Pour ne prendre qu’un seul exemple, la question de l’amélioration des conditions de travail est absente de vos politiques publiques !
Pourquoi ne pas traiter les causes profondes des déficits répétés de la sécurité sociale, plutôt que de constater chaque année des chiffres surprises que vous annoncez avec un air à peine désolé ? Nous vous proposons de faire des débats budgétaires un vrai moment démocratique lors duquel seraient discutés les besoins sanitaires et sociaux, pour ne pas dire vitaux, de nos concitoyens.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Dans cet article 1er, le Gouvernement présente le tableau d’équilibre, pour chaque branche, des régimes de base de la sécurité sociale – équilibre qu’il faut selon nous largement nuancer, compte tenu des nombreuses irrégularités pointées par la Cour des comptes. Si cette dernière estime que les tableaux d’équilibre et le tableau patrimonial de la sécurité sociale pour 2023 offrent une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde général, elle constate pour la deuxième année consécutive qu’elle est dans l’incapacité de certifier les comptes de la branche famille. Autrement dit, la Cour des comptes déclare que les comptes de cette branche, qui ont représenté 55,7 milliards d’euros de dépenses et 56,8 milliards de recettes en 2023, ne sont pas fiables. Cette situation a un impact très concret sur les citoyens et les citoyennes dans la mesure où, par exemple, un cinquième des prestations de revenu de solidarité active sont entachées d’erreurs ou ne sont pas versées.
Si la Cour certifie les comptes des autres branches, cela ne l’empêche pas de pointer de nombreuses autres anomalies ; elle estime notamment les moyens de contrôle, et donc les effectifs, insuffisants.
Le groupe Écologiste et Social ne peut souscrire à une présentation aussi insincère des comptes publics. Par cet amendement, il demande au Gouvernement de revoir sa copie.
Mme Joëlle Mélin (RN). Nous avons bien compris que ce texte propose une photographie des comptes de la sécurité sociale : ce que nous ne voudrions pas, c’est qu’elle soit retouchée. Or malgré de longs efforts, il est très difficile de mettre en concordance les chiffres consolidés des cinq branches, selon qu’ils proviennent du présent projet de loi ou de la Cour des comptes, c’est‑à‑dire du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale ou du rapport de certification des comptes. De toute évidence, nous sommes dans le flou le plus total et nous demandons la suppression de cet article.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Merci pour cette belle séance de découverte de l’eau chaude s’agissant des régimes obligatoires de la sécurité sociale. Les comptes font état de moins-values : en langage plus ordinaire, cela signifie que moins d’argent que prévu est entré dans les caisses. Deux raisons principales, identifiées depuis longtemps par la Cour des comptes, expliquent cette situation.
La première est le ralentissement des salaires. En effet, depuis sept ans, vous vous efforcez de les remplacer par des primes. Nous avons passé ces sept ans à vous dire que, ce faisant, l’argent de la sécurité sociale allait finir par manquer : patatras, nous y sommes ! À elle seule, la prime Macron coûte près de 2 milliards d’euros – c’est une estimation : j’aurais aimé obtenir confirmation du ministère du travail mais il n’a pas trouvé le temps de répondre à la question écrite que je lui ai adressée le 11 juin 2023, il y a un an et demi.
La seconde raison tient aux exonérations de cotisations sociales en pagaille auxquelles vous avez procédé. Leur montant, qui s’élevait à 37 milliards d’euros en 2013, c’est‑à‑dire avant la nomination de M. Macron à Bercy, est passé à 74 milliards. Vous avez jeté par la fenêtre 40 milliards d’euros par an, ce qui correspond à 1 million d’emplois publics. Par exemple, pour les salaires inférieurs au plafond de la sécurité sociale, qui s’élève à 3 800 euros par mois, les cotisations sont passées de 22 à 20 %. Certes, c’est mieux que le score des Républicains aux dernières élections, mais cela demeure trop faible pour assurer le financement général de la sécurité sociale !
En définitive, vous avez doublé la charge qui pèse sur la sécurité sociale, faute d’une politique d’emploi rationnelle et efficace. En rejetant l’approbation des comptes, nous rejetons celles et ceux qui en sont responsables. Tel est le sens de l’amendement AS19.
M. le rapporteur général. Au risque de me répéter, le tableau qui figure à l’article 1er ne fait que décrire ce qui s’est passé en 2023. L’examen de ce projet de loi n’est pas le moment d’envisager ce qui pourrait être fait à l’avenir : c’est l’objet du prochain PLFSS. Supprimer cet article reviendrait à modifier la photographie des comptes, qui est pourtant un élément important pour améliorer notre compréhension de la situation ainsi que notre contrôle.
Mme Godard a évoqué le coût des exonérations sociales et M. Clouet a plaidé en faveur des revalorisations salariales plutôt que des primes. Ces questions sont importantes, étant donné que les recettes de la sécurité sociale sont issues des revenus des assurés. Il conviendra d’être vigilants, lors de l’examen du PLFSS, sur l’efficacité des niches sociales. De premiers éléments d’analyse figurent à l’annexe 2 du projet de loi, grâce au rapport d’information de Marc Ferracci et Jérôme Guedj. Par un courrier adressé hier au Premier ministre, j’ai également demandé la communication des premiers résultats de la mission actuellement conduite par Antoine Bozio et Étienne Wasmer sur ce sujet.
L’exposé sommaire de l’amendement de Mme Godard déplorait également la logique comptable adoptée par le Gouvernement. Encore une fois, des analyses qualitatives figurent dans les annexes au projet de loi. Par ailleurs, la reconstitution de la Mecss nous permettra bientôt de reprendre notre travail d’évaluation des politiques relatives à la sécurité sociale.
Monsieur Peytavie, je déplore comme vous l’absence de certification des comptes de la branche famille. Je redonne les chiffres, qui doivent nous interpeller : les versements indus, c’est-à-dire effectués à tort et qui ne pourront jamais faire l’objet d’un remboursement, se sont élevés à 5,5 milliards, soit 7,4 % de l’ensemble des prestations. Je partage votre inquiétude sur ce sujet.
Madame Mélin, l’exposé sommaire de votre amendement remet en question le tableau d’équilibre des régimes, à l’article 1er. Il est pourtant sincère ; c’est le même que celui du rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2023. C’est en fait un jeu d’arrondis qui explique le décalage que vous avez repéré. Pour la branche famille, les recettes se sont élevées à 56,750 milliards et les dépenses à 55,734 : le solde est donc de 0,986 milliard. Mais les chiffres arrondis sont de 56,8 et 55,7 milliards, et de 1 milliard pour le solde. L’incohérence n’est donc qu’apparente.
Vos autres questions, que j’entends, trouveront leur place lors de l’examen du PLFSS et non du Placss. Ce n’est pas en supprimant ces tableaux, qui dressent simplement un état des lieux de la situation en 2023, que vous améliorerez la prise en charge des patients.
Avis défavorable.
M. Thibault Bazin (DR). D’abord, ce texte n’est pas la « copie » du gouvernement actuel mais celle du précédent, démissionnaire, qui a déposé le Placss le 19 juillet.
Monsieur Clouet, vous imputez les moindres recettes à deux raisons, dont les exonérations sociales. Vous inventez des casse-tête ! Rappelez-vous la crise des « gilets jaunes » : l’objet des exonérations était justement de valoriser le travail et d’améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs.
Si les recettes sont moindres que prévu, c’est à cause du ralentissement de l’activité. Pour qu’il y ait des exonérations, il faut des cotisations et pour qu’il y ait des cotisations, il faut du travail. Or il n’y a pas eu suffisamment de travail. Tout l’enjeu est là.
M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis consterné : vous confondez la réalité des comptes de la sécurité sociale et le document qui la décrit.
Les comptes de la sécurité sociale sont mauvais. Le Placss le montre, et il explique même les raisons des difficultés. Nous pouvons ensuite juger sévèrement les politiques menées, nous pouvons faire le choix de mettre fin ou non aux exonérations sur les bas salaires, mais ne nous privons pas du document qui nous permet de nous forger un avis ! C’est comme si une entreprise, pour résoudre ses difficultés, déchirait le document fourni par l’expert-comptable ! Ces amendements ahurissants relèvent soit de l’incompétence, soit d’une remise en cause du fonctionnement institutionnel. On peut voter contre le Placss, mais pas vouloir supprimer ses articles.
M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous souhaitons tous rétablir l’équilibre des comptes de la sécurité sociale, en trouvant les moyens de maîtriser les dépenses et d’abonder les budgets. Ce sera l’objet de cette législature.
Le présent texte est un thermomètre. Ce n’est pas en le cassant que vous guérirez le patient ! Tout est dit dans ce projet de loi, et de manière directe – je prends d’ailleurs mes responsabilités, car j’ai voté les budgets précédents. Cela ne sert à rien de se cacher les choses, regardons-les en face.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Mais si le thermomètre est défectueux, ne faut-il pas le casser et le remplacer par un autre ? C’est la nature des informations présentées dans ce texte qui pose problème. Par exemple, nous ne savons toujours pas combien coûtent les cadeaux faits aux très hauts revenus et aux très grandes entreprises. Il faut les ventiler, pour analyser la situation.
Monsieur Bazin, vous prétendez que les exonérations sociales ont permis de répondre à la crise des « gilets jaunes ». Mais enfin, aujourd’hui, même des salaires de 4 240 euros bruts sont concernés par les allégements de cotisations patronales ! C’est manifestement excessif. Et pourquoi faudrait-il faire des cadeaux aux employeurs pour qu’ils proposent des bas salaires ? Il faudrait plutôt les inciter à verser des salaires plus élevés.
M. Bazin explique qu’il faut des exonérations pour augmenter les salaires : non, il faut des salaires pour limiter les exonérations ! Actuellement, nous payons trois fois ces exonérations : à travers l’insuffisance des cotisations à la Sécu, à travers la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale, qui visent à combler la dette créée par cette insuffisance, et enfin à travers la part des impôts affectée à la Sécu pour combler les deux premiers déficits. La vraie question est donc de savoir comment abonder les comptes de la Sécu avec l’argent des salaires.
M. François Gernigon (HOR). Ces amendements de suppression sont une aberration. Les tableaux qui figurent dans le texte offrent une vision synthétique, une photographie sur laquelle nous pourrons nous appuyer pour débattre du PLFSS 2025, exprimer nos désaccords et élaborer une stratégie. Tenter de les supprimer, c’est refuser d’y voir clair. Comme si une entreprise refusait son bilan !
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ces amendements de suppression résultent d’une part de votre choix d’adopter le budget de la sécurité sociale par 49.3, d’autre part de celui de traiter un service public indispensable à la vie de nos concitoyens sous l’angle purement financier, en occultant les questions essentielles de la continuité territoriale, de la souffrance au travail, des burn‑out, des arrêts de travail, qui montrent toutes le rétrécissement du service public de santé. Pour régler la question de la sécurité sociale, c’est une réflexion sur la nature du service public et de la protection sociale dans notre pays qu’il faut mener.
M. Fabien Di Filippo (DR). Vos propos sont contradictoires. Si vous regrettez que le budget ait été adopté par 49.3, pourquoi refuser maintenant la possibilité de s’exprimer par un vote ? Votre position est contre-productive.
Par ailleurs, l’immense majorité des exonérations aujourd’hui portent sur les très bas salaires. Ne vous plaignez pas que quelques allégements existent aussi pour les salaires un peu plus élevés : en les supprimant, vous enfermeriez les travailleurs dans les salaires les plus bas. Actuellement, un employeur doit encore parfois débourser 500 euros pour augmenter un salarié de 100 euros. Si l’on veut rétablir les comptes sociaux, il faut que les gens aient de bons salaires.
Mme Joëlle Mélin (RN). Je comprends que l’on préfère discuter au fond plutôt que de « casser le thermomètre ». Sauf que cela fait vingt-neuf ans que la Cour des comptes répète qu’il manque un indicateur de risque permettant d’évaluer convenablement les comptes ! Tant pis pour la méthode, à un moment, il faut dire stop. Il faut tout remettre à plat et que chacun prenne ses responsabilités.
La commission adopte les amendements.
En conséquence l’article 1er est supprimé.
Article 2 : Approbation, pour l’exercice 2023, des dépenses constatées de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et celles qu’il met en réserve et du montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale
Amendements de suppression AS4 de Mme Sandrine Runel, AS6 de M. Sébastien Peytavie, AS11 de Mme Joëlle Mélin et AS20 de Mme Élise Leboucher
Mme Sandrine Runel (SOC). Monsieur le rapporteur général, même si je suis nouvellement élue, je suis capable de lire une annexe de 800 pages et le groupe Socialiste est parfaitement équipé pour trouver les informations nécessaires.
Derrière son apparence technique, ce document sert uniquement à entériner la gestion comptable des dépenses de santé par le gouvernement – nouveau ou démissionnaire : nous ne voyons pas la différence, à part que le nouveau est encore plus à droite. Vous suivez aveuglément des indicateurs comptables et financiers, plutôt que de proposer des objectifs nationaux de santé publique et une loi de programmation pluriannuelle. Nous n’avons pas besoin d’indicateurs comptables, mais de personnel à l’hôpital, de soignants, d’accompagnants pour les plus vulnérables. Et nous avons besoin de recettes pour combler le déficit de la sécurité sociale tout en permettant à chacun de se soigner. Nous proposons donc de supprimer cet article.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’article 2 a pour objet l’approbation des 247,8 milliards d’euros de dépenses au titre de l’Ondam. Or, encore une fois, ces dépenses sont insuffisantes pour répondre aux besoins de santé de la population. Nous appelons donc à la suppression de cet article.
Le Gouvernement s’entête à cantonner l’évolution des dépenses de santé à un niveau inférieur à celle du PIB, et prépare de nouvelles économies sur le système de santé jusqu’en 2027. Vous ne prévoyez aucun investissement supplémentaire pour faire face aux inégalités d’accès à la santé, aux déserts médicaux, à l’accroissement des maladies chroniques et à la transition écologique ; ni aucune stratégie de long terme pour relever le défi de la santé de la population et de la soutenabilité de la sécurité sociale.
Les primes Macron, qui sont des exonérations de cotisations, n’ont fait qu’assécher davantage la sécurité sociale. Nous serons tous perdants avec cette politique qui ne jure que par la réduction des dépenses publiques, mais les premières victimes seront les plus vulnérables : les personnes âgées, les enfants et les 12 millions de personnes en situation de handicap, sans parler de tous ceux qui prennent soin au quotidien. Nous ne pouvons souscrire à cette cure d’austérité.
Mme Joëlle Mélin (RN). L’Ondam est le symbole d’un outil mal calibré, qu’il faut réformer. C’est à ce titre que nous demandons la suppression de cet article.
Mme Zahia Hamdane (LFI-NFP). Le niveau de croissance de l’Ondam pour 2023 a été historiquement bas. De toute façon, nous contestons cet outil budgétaire qui ne cesse d’affaiblir notre système de protection sociale.
Les dépenses constatées au titre de l’Ondam pour 2023 s’élèvent à 247,8 milliards d’euros. Elles excèdent de 0,2 milliard les prévisions, ce que le Gouvernement explique par « l’octroi d’un soutien exceptionnel de 0,5 milliard d’euros aux établissements de santé publics et privés au titre de l’année 2023 ». Or la Fédération hospitalière de France demandait plus de 1 milliard pour compenser les surcoûts de l’inflation pour les seuls hôpitaux publics cette année‑là. Le soutien exceptionnel a donc non seulement été deux fois inférieur aux besoins des établissements publics, mais de surcroît dû être partagé avec le secteur privé. Pire encore, alors que les établissements publics attendaient de récupérer les 720 millions de sous-exécution de l’Ondam qui leur étaient destinés, seuls 470 millions leur ont été rendus. Cette ponction de 250 millions intervient alors que la Conférence des directeurs généraux des centres hospitaliers universitaires alerte : les difficultés actuelles sont peut-être les plus graves depuis la création de ces établissements en 1958 ; leur déficit a triplé en 2023.
Les deux sous-objectifs relatifs aux établissements et services pour personnes âgées et pour personnes handicapées enregistrent chacun une sous-consommation de 0,1 milliard. Les établissements médico-sociaux ont donc été privés de 200 millions d’euros, alors que 85 % des Ehpad ont été déficitaires en 2023.
Le Gouvernement s’est félicité d’ouvrir un fonds d’urgence de 100 millions en soutien aux établissements en difficulté dans la LFSS 2024. C’est deux fois moins que le montant de la sous-exécution budgétaire en 2023. Partout sur le territoire, les Ehpad publics et non lucratifs alertent inlassablement depuis dix-huit mois sur les risques de fermeture et la dégradation des conditions d’accueil. Tel est le sens de l’amendement AS20.
M. le rapporteur général. Madame Runel, je ne présumais en rien de votre inexpérience ou de votre manque d’équipement, je vous indiquais simplement où trouver des informations dans un rapport de 800 pages. Votre collègue Mme Battistel, qui est du même département que le mien, vous confirmera sans doute que nous avons habituellement des relations de travail plutôt bienveillantes.
Madame Rousseau, je condamne le recours au 49.3 pour l’adoption du PLFSS 2023 car il a privé l’Assemblée nationale de son rôle, mais ce choix ne change absolument rien à la sincérité des comptes administratifs pour 2023. Nous avons besoin d’une photographie de ces comptes et je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
Nous devons aller plus loin dans l’amélioration des financements et du fonctionnement de notre système de santé, grâce à différents leviers dont nous débattrons lors de l’examen du PLFSS. En particulier, les capacités de formation des futurs professionnels de santé devraient être davantage définies en fonction des besoins du territoire ; le renforcement des politiques de prévention serait également bénéfique, tant pour la santé de la population que pour réaliser des économies.
Madame Hamdane, en tant que parlementaire et praticien hospitalier, je connais et je déplore comme vous les difficultés des hôpitaux. Rappelons néanmoins que l’Ondam hospitalier a progressé de 5,6 % en 2023, hors dépenses de crise, que les établissements de santé ont bénéficié de la restitution de crédits mis en réserve et qu’une aide exceptionnelle de 0,5 milliard d’euros leur a été versée au titre des besoins constatés à la fin de 2023. Même si c’est probablement insuffisant, il est difficile de parler de ponction sur le dos de l’hôpital public.
Je conteste l’opposition que vous établissez entre établissements de santé publics et privés. Dans ma circonscription, la désertification médicale impose aux deux de coordonner leurs efforts – d’ailleurs, la seule offre d’hospitalisation y est privée. Nous pourrons sans doute débattre de l’organisation du système de soins lors de l’examen du PLFSS. Si demain nous supprimions toute hospitalisation privée, le système public serait bien incapable d’absorber la file active des patients concernés. En outre, pour les patients, il importe peu que les structures soient publiques ou privées, du moment qu’ils sont soignés correctement et qu’il n’y a pas de dépassement d’honoraires. Quoi qu’il en soit, toute réforme du système devra tenir compte de l’ensemble des acteurs et respecter tant les structures d’hospitalisation publiques et privées que la médecine de ville.
Monsieur Peytavie, je n’ai trouvé nulle part dans la LFSS 2024 ni dans la loi de programmation des finances publiques le projet de maintenir la croissance de l’Ondam en deçà de celle du PIB et de l’inflation. Vous déplorez les appels à contraindre les dépenses de santé. Mais en tant que professionnel de santé, vous savez qu’il nous faut aussi rechercher l’efficience, à travers la prévention et la suppression des dépenses inutiles.
Madame Mélin, selon l’exposé sommaire de votre amendement, l’Ondam ne serait pas un élément pertinent de pilotage des dépenses d’assurance maladie car il ne porte que sur l’offre de soins. Je suis pour ma part ouvert à une réforme de l’Ondam, reposant notamment sur une programmation pluriannuelle des dépenses de santé, afin de permettre un meilleur pilotage.
En tout cas, si l’on veut éviter que la maîtrise des dépenses de santé ne se fasse sur le dos des patients, il nous faut un outil pour évaluer l’efficience de l’offre de soins financée par l’Ondam.
Cet article est la photographie d’une gestion, non sa validation. Si vous vous opposez à cette gestion, mieux vaut voter contre le texte que demander sa suppression.
M. Hendrik Davi (EcoS). Monsieur le rapporteur général, à la fin de 2023, une sous-consommation de l’hôpital public de 500 millions d’euros et une surconsommation de l’hôpital privé, due au covid, ont été constatées. La dotation de 500 millions a simplement permis de rendre au public l’argent pris par le secteur privé.
« Ce ne sont que des tableaux », dites-vous. Mais les tableaux et les comptes ne sont jamais neutres, ils sont toujours liés à une interprétation ! Nous avons le droit de penser que la vôtre ne convient pas, car elle repose sur de mauvaises questions.
Oui, les dépenses de soins hospitaliers ont augmenté de 4 % en 2022, mais le coût de la consommation de médicaments en ambulatoire a augmenté de 5 %, et celui des transports sanitaires de plus de 7 %. Pourquoi ? À cause de la dérégulation des transports sanitaires. Vous le voyez, les chiffres ne sont jamais neutres : on les choisit selon son point de vue.
M. Thibault Bazin (DR). Il y a une confusion : à ma connaissance, le covid n’a pas donné lieu à des crédits en 2023, ou quasiment pas – à ce titre, cette année marque un retour à l’équilibre.
Monsieur le rapporteur général, vous avez raison quant à l’approche pluriannuelle. Les établissements, notamment ceux qui s’occupent du handicap, en ont besoin, surtout pour discuter des investissements. Il est dramatique que certaines agences régionales de santé (ARS) n’aient pu discuter de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens depuis plusieurs années. Il faut en finir avec la logique des crédits non reconductibles. Les conseils d’administration et les conseils de surveillance naviguent à vue, parce que des lignes de trésorerie d’un montant considérable – parfois plusieurs millions d’euros – sont négociées en attendant la fin d’année. Cela empêche de construire des stratégies et déresponsabilise les acteurs. Redressons la barre avec des contrats pluriannuels qui lieront autorités de tutelles et établissements.
Mme Joëlle Mélin (RN). On s’étonne qu’une programmation pluriannuelle n’ait pas été instaurée beaucoup plus tôt : sa nécessité tombe sous le sens pour tous les établissements et professionnels de santé, ainsi que dans le domaine de l’innovation, qui était jusqu’à présent l’honneur de la France. Comment les industries pharmaceutiques ou de dispositifs médicaux, la medtech et l’intelligence artificielle pourraient-elles avancer sans une telle programmation ? Monsieur le rapporteur général, nous soutiendrons votre projet, non sans vigilance, vous vous en doutez.
Mme Justine Gruet (DR). Même si les ARS ont continué à fonctionner, il faut saluer le travail formidable des directeurs d’établissements, qui ont su maintenir le cap malgré l’absence d’un gouvernement et malgré d’importantes lourdeurs administratives.
Il faut ainsi des mois pour composer chaque année des bilans d’activité de 200 pages que personne ne lit, car ils ne présentent que peu d’intérêt pour le quotidien et le futur de l’établissement. Une loi de programmation pluriannuelle permettrait de fixer un cap et de redonner du sens au travail des équipes de direction. Peut-être pourraient-elles rendre des comptes tous les cinq ans, et non tous les ans, afin de gagner du temps administratif !
M. le rapporteur général. Monsieur Davi, supprimer les articles vous empêcherait d’exprimer votre opposition à ce texte, alors que je comprends vos arguments.
Quant aux 500 millions d’euros évoqués, qu’ils concernent les hôpitaux publics ou les cliniques privées, c’est l’arbre qui cache la forêt. C’est très peu par rapport aux 2 milliards d’euros de déficit cumulé des hôpitaux publics. Ce qui compte, ce n’est pas tant le montant du budget, que sa capacité à permettre le fonctionnement des établissements sans déficit. Il faut éviter le sous-financement de la sécurité sociale qui, s’il améliore en apparence les comptes, creuse le déficit bien souvent structurel des établissements publics d’hospitalisation.
Monsieur Bazin, je crois moi aussi à l’intérêt de la programmation pluriannuelle, que vous connaissez bien en tant que conseiller départemental, particulièrement dans le secteur médico-social – et je comprends, madame Mélin, qu’elle s’effectuerait sous votre survillance. Madame Gruet, oui, une simplification, une débureaucratisation permettraient de gagner du temps et de l’argent. Ces différentes pistes de travail sont intéressantes pour le PLFSS.
La commission adopte les amendements.
En conséquence l’article 2 est supprimé.
Article 3 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2023
Amendements de suppression AS1 de Mme Sandrine Runel, AS7 de M. Sébastien Peytavie, AS12 de Mme Joëlle Mélin et AS21 de Mme Élise Leboucher
Mme Sandrine Runel (SOC). Depuis 2017, les gouvernements successifs ont aggravé l’endettement de la sécurité sociale. Cette dégradation s’explique pour partie par les dépenses liées à l’épidémie de covid-19, mais également par l’amoindrissement structurel des ressources.
Nous préconisons de lutter contre les déserts médicaux, de réduire le reste à charge, d’avancer l’âge de départ à la retraite et surtout de résorber la pauvreté croissante, en particulier des familles monoparentales et des enfants.
M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’article 3 retrace la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement.
Le groupe Écologiste et Social déplore une présentation une fois encore entachée d’innombrables d’irrégularités, à l’instar de la gestion désastreuse des comptes publics que nous lèguent les gouvernements qui se sont succédé depuis 2017. Il ne se portera pas caution d’une telle compression des dépenses sociales, au mépris des besoins de la population.
Pour répondre au rapporteur général, le texte prescrivant l’austérité jusqu’en 2027 auquel j’ai fait référence est l’article 4 de la loi du 18 décembre 2023.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’article 3 illustre le processus suivant : vous gelez les taux de cotisation des entreprises, donc la sécurité sociale manque d’argent pour soigner les gens, le déficit se creuse, il devient une dette que vous placez dans une caisse séparée, la Cades, laquelle emprunte sur les marchés financiers pour rembourser – ce qui n’annonce souvent rien de bon. L’addition des frais parasitaires – intérêts et commissions bancaires – dont la Cades doit s’acquitter s’élève, sur trente ans, à 91 milliards d’euros, selon les calculs de l’économiste Ana Carolina Cordilha – vous retrouverez ce chiffre dans le rapport d’information sur la gestion de la dette sociale que Stéphanie Rist et moi-même vous présenterons la semaine prochaine.
91 milliards ! Vous avez le culot de nous demander de valider vos opérations financières alors que vous avez détourné de la sécurité sociale l’équivalent de quatre-vingt-dix centres hospitaliers ? Cet argent aurait permis de payer trente mille médecins du travail ou cinquante mille infirmières pendant la même période. Non, nous refusons de valider des comptes qui ont tout du tour de passe-passe aux frais des citoyens. La sécurité sociale et la finance, c’est comme l’eau et l’huile, cela ne se mélange pas. Tel est le sens de l’amendement AS21.
M. le rapporteur général. Monsieur Clouet, votre rapport d’information éclairera utilement nos débats.
Je le répète, par vos amendements, vous ne manifestez pas votre refus, que je comprends, de valider les comptes : vous supprimez le tableau objectif décrivant la situation que précisément vous dénoncez. C’est la raison pour laquelle je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Madame Runel, je m’en tiendrai pour vous répondre au contenu de votre amendement, qui ne correspond absolument pas à votre présentation.
L’appauvrissement de la sécurité sociale au cours des trois dernières années tient aux déficits provoqués par la crise sanitaire, qui ont grandement endetté la sécurité sociale. En revanche, je partage votre avis quant à l’importance de la prévention. Nous devons la développer massivement. Néanmoins, les mesures en ce sens ne produiront leurs effets salvateurs, tant pour la santé de nos concitoyens que pour nos comptes sociaux, qu’à long terme. Dans l’intervalle, nous devons trouver les moyens de financer le renforcement de la prévention.
Monsieur Peytavie, les anomalies et insuffisances dans l’établissement des comptes des régimes de la sécurité sociale sont l’une des raisons pour lesquelles la Cour des comptes a refusé de certifier, pour la deuxième année consécutive, les comptes de la branche famille. Le nombre d’anomalies significatives qu’elle a relevées diminue – six contre onze pour l’exercice précédent – mais le compte n’y est toujours pas.
Enfin, il me semble que la loi du 18 décembre 2023 à laquelle vous vous référez n’est pas la loi de financement de la sécurité sociale mais la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui, elle, n’est pas contraignante. Nulle part dans la loi de financement de la sécurité sociale il n’est dit que l’Ondam ne doit pas suivre l’évolution de l’inflation et du PIB – mais cela n’enlève rien à la vigilance nécessaire dans ce domaine.
M. Thibault Bazin (DR). Je m’étonne que M. Clouet, dont la mémoire est habituellement infaillible, semble oublier que la dette sociale n’est pas apparue il y a trente ans. Elle est un héritage de 1981 et des années qui ont suivi – et elle n’est pas uniquement le fait des choix gouvernementaux, mais aussi des chocs pétroliers notamment. Je rappelle qu’en 1990 et 1991, le gouvernement, qui n’était pas de droite, n’avait pas réuni la Commission des comptes de la sécurité sociale, masquant ainsi les déficits d’alors.
M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Au tour de M. Bazin de voir sa mémoire lui faire défaut. La Cades a été créée en 1996 après qu’une grève générale avait abouti au retrait des mesures du plan Juppé. Pourquoi ? À partir de 1993, les déficits s’accumulent. À la suite de la réunification allemande, l’Allemagne mène un politique de déflation que nous subissons du fait de la parité franc-mark. Faute de solution monétaire, la France connaît une crise économique qui se traduit par une division par deux des recettes des cotisations sociales – la situation se rétablit quelques années plus tard grâce aux 35 heures.
La Cades est un outil conjoncturel : c’est une caisse de cantonnement ayant vocation à disparaître, comme nous en avons déjà connu. Elle disparaîtra un jour, mais en nous laissant une facture de 91 milliards d’euros dont auront profité des créanciers privés et de grandes banques.
Monsieur le rapporteur général, je suis en désaccord avec votre interprétation des amendements de suppression. Contrairement à ce que vous affirmez, le fait de voter contre le texte est bien une manière de critiquer les politiques qui ont été menées. En effet, je suis bien en peine de trouver dans les comptes que nous devons approuver les 91 milliards d’euros d’intérêts et commissions qu’a coûtés la Cades. Si les comptes étaient sincères, nous pourrions envisager de les valider.
M. Jérôme Guedj (SOC). Voilà qui me rend très impatient de débattre du rapport sur la gestion de la dette sociale ! Je doute que la responsabilité puisse en être imputée à mai 1981 : à l’époque, la croissance économique permettait encore d’absorber les dépenses sociales.
Alors que s’ouvre la séquence du PLFSS, il me semble utile de savoir de quelles informations dispose le rapporteur général. Dans un monde normal, le 25 septembre, nous devrions connaître les trajectoires retenues. Je crois connaître la réponse, mais je préfère lui poser la question en toute transparence : avez-vous connaissance, au moins, d’une maquette ? Il n’y a pas en notre matière des lettres plafonds comme celles que la commission des finances a eu tant de mal à obtenir, mais savez-vous si l’Ondam passera de 3,2 % à 3 % comme le prévoient le programme de stabilité et la loi de programmation des finances publiques ? L’Ondam hospitalier passera-t-il de 3,2 % en 2024 à 2,6 % en 2025 ?
M. Sébastien Peytavie (EcoS). Les dispositions auxquelles je faisais référence figurent dans l’article 18, et non dans l’article 4, de la loi du 18 décembre 2023. Il y est bien indiqué que l’objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale est fixé à 21,7 % du PIB en 2023 et à 21,8 % en 2027.
M. le rapporteur général. Monsieur Peytavie, il me semble intéressant de confronter nos analyses car nous ne parlons pas de la même loi. Je reviendrai vers vous avec de plus amples éléments de réponse.
Monsieur Guedj, après ma désignation en tant que rapporteur général, j’ai pris contact avec les ministres démissionnaires. Lors de notre rencontre en juillet, ils ne disposaient pas des scénarios que la direction de la sécurité sociale et la Caisse nationale de l’assurance maladie avaient élaborés. En tout état de cause, selon eux, leur qualité de ministre démissionnaire ne les aurait pas nécessairement autorisés à me les transmettre.
La semaine dernière, j’ai réuni les rapporteurs pour chacune des branches et nous sommes convenus d’adresser chacun des courriers au Gouvernement pour réclamer les éléments nécessaires à nos travaux – un par rapporteur et le mien, d’une tonalité plus générale. Nous sommes en attente de réponses. J’espère pouvoir discuter prochainement avec la nouvelle ministre de la santé et de l’accès aux soins, Mme Darrieussecq, du futur PLFSS.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 3 est supprimé.
La commission ayant supprimé tous les articles du projet de loi, l’ensemble de celui-ci est rejeté.
([1]) L’indicateur de risque résiduel à vingt-quatre mois est calculé à partir des résultats de l’enquête annuelle « paiement à bon droit et fraude ». Il rapporte aux montants de prestations versées les montants agrégées d’indus et de rappels non détectés au bout de vingt‑quatre mois.
([2]) Haut Conseil du financement de la protection sociale, Lutter contre la fraude sociale, état de lieux et enjeux, juillet 2024.
([3]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
([4]) Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
([5]) Loi n° 2014-892 du 8 août 2014 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.
([6]) Article L.O. 111-3-2 du code de la sécurité sociale.
([7]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 précitée.
([8]) Article L.O. 111-4-1 du code de la sécurité sociale.
([9]) Le Sénat avait notamment intégré dans le champ facultatif des lois de financement de la sécurité sociale le régime d’assurance chômage au cours de la première lecture. Texte disponible ici : https://www.senat.fr/leg/tas20-159.html.
([10]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.
([11]) Loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([12]) Article 18 de la loi n° 2023‑1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
([13]) 9,2 milliards d’euros, soit 0,3 % du PIB.
([14]) Insee, « Le compte des administrations publiques en 2023 », Insee Première, n° 1998, mai 2024.
([15]) Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, résultats 2023, prévisions 2024, p. 10.
([16]) Loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
([17]) Indice des prix à la consommation hors tabac en moyenne annuelle.
([18]) Voir l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale.
([19]) En application de l’article 16 de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 et de l’arrêté du 27 décembre 2023 fixant la répartition de la fraction de la taxe sur la valeur ajoutée affectée à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale ainsi que le plafonnement de la compensation prévu au 7° bis de l’article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale.
([20]) La Cades s’est vue affecter des recettes d’un montant de 21,1 milliards d’euros et a payé des charges qui se sont élevées à 2,8 milliards d’euros en 2023.
([21]) La situation financière des Robss et du FSV fait l’objet d’une présentation plus détaillée dans le commentaire de l’article 1er.
([22]) Article liminaire de la loi n° 2023‑1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([23]) En application de la nouvelle base 2020 utilisée par l’Insee pour l’établissement des comptes nationaux, l’établissement de retraite additionnelle de la fonction publique est reclassé dans la catégorie des fonds de pension. Plus de détails sur les effets liés au changement de base de l’Insee sont accessibles dans la publication suivante : Insee, « Les comptes nationaux passent en base 2020 », mai 2024.
([24]) 5° de l’article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale.
([25]) Article 9 de la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.
([26]) b du 9° de l’article L. 131‑8 du code de la sécurité sociale.
([27]) Loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
([28]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 10.
([29]) Ibid., p. 19.
([30]) Ibid., p. 23.
([31]) En application de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.
([32]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 12. On rappellera que la CNRACL gère le régime spécial couvrant les risques vieillesse et invalidité des agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière, conformément à l’ordonnance n° 45-993 du 17 mai 1945 relative aux services publics des départements et communes et de leurs établissements publics modifiée.
([33]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024, p. 55.
([34]) Cour des comptes, Certification des comptes du régime général de sécurité sociale. Exercice 2023, mai 2024, p. 70.
([35]) Ibid., p. 70.
([36]) Ibid.
([37]) Ibid.
([38]) Ibid., p. 71.
([39]) Ibid., p. 73.
([40]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 12.
([41]) Cour des comptes, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024, p. 39.
([42]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 36.
([43]) Ibid., p. 9.
([44]) Article 3 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022.
([45]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 42.
([46]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 13.
([47]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 11.
([48]) Article 34 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.
([49]) Loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale.
([50]) Article 40 de la loi n° 2020-576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
([51]) Loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
([52]) Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
([53]) 4° de l’article L.O. 111-4-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
([54]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023, article 31.
([55]) Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023, article 2.
([56]) Ibid.
([57]) Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, article 18.
([58]) Annexe 3 au Placss 2023, p. 10.
([59]) Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011. L’article 4 de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a par ailleurs prévu que ce montant sera abaissé à 1,45 milliard d’euros à compter de 2025 pour permettre un versement constant à ce niveau jusqu’en 2033.
([60]) Loi n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000.
([61]) L’article 109 de la LFSS 2011 précitée avait prévu une mise en réserves de recettes pour le financement de dispositifs dérogatoires de retraite. Abondée seulement entre 2011 et 2013, cette troisième section a finalement été récupérée par la CNAMTS en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, par une opération comptable ponctuelle, critiquée par la Cour des comptes, en faveur du fonds de financement pour l’innovation pharmaceutique – depuis supprimé.
([62]) Loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.
([63]) Elle a historiquement été affectataire d’une fraction du prélèvement social sur les revenus du capital entre 2011 et 2016.
([64]) La Cades bénéficie depuis sa création du soutien de l’Agence France Trésor, renforcé par le décret n° 2017‑869 du 9 mai 2017. Depuis le 1er octobre 2017, les services de l’agence ont la responsabilité des opérations de la caisse, sans que cela remette en cause son caractère cantonné au remboursement de la dette des régimes de sécurité sociale.
([65]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 2024, p. 253 (données de la Cades).
([66]) Certains régimes ne sont en effet pas retracés en raison de leur faible importance financière (régimes représentant moins de 30 millions d’euros et ne recourant pas à l’emprunt).
([67]) Ce montant correspond à l’écart entre les valeurs mobilières et titres de placement détenus par le FRR (20,4 milliards d’euros inscrits à l’actif) qui sont comptabilisés en valeur de marché et leur valeur d’acquisition (18,9 milliards d’euros qui sont inscrits au passif). Cette réévaluation correspond pour partie à des plus‑values non encore réalisées.
([68]) En application du décret n° 2023-12 du 11 janvier 2023 relatif au transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général et des établissements publics de santé à effectuer en 2023.
([69]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, résultats 2023, prévisions 2024.
([70]) À ce montant s’ajoutent 500 millions d’euros de dépôts de garantie reçus dans le cadre des contrats de marché à terme et de pensions livrées mis en place afin de couvrir le risque de contrepartie, enregistrés comme « dette nette au titre des instruments financiers ».
([71]) Cour des comptes, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2024, mai 2024, p. 78.
([72]) Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.