N° 468

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025
(n° 324),

 

TOME I

 

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Par M. Charles DE COURSON

Rapporteur général,

Député

——

 

 

 


SOMMAIRE

___

Pages

introduction

FICHE  1 : Le contexte macroéconomique

I. une prévision de croissance reposant sur des hypothèses favorables dans un contexte de reflux de l’inflation

A. la poursuite de la dÉsinflation

1. Le reflux de l’inflation en France et dans le monde

2. Un assouplissement des politiques monétaires

B. une croissance stable de l’activité mondiale mais une croissance de l’économie nationale fragile

1. Une croissance mondiale qui demeure stable

2. Des prévisions de croissance fragiles et incertaines : une sousévaluation des effets récessifs liés au choc budgétaire, à l’instabilité fiscale et à l’incertitude politique

3. Une croissance peu stimulée

a. Une consommation et des investissements des ménages atones

b. Le risque d’une augmentation du chômage en 2025

c. Les entreprises dans l’incertitude

d. La modeste et précieuse contribution du commerce extérieur à la croissance

e. Les dépenses publiques

II. L’avis du Haut Conseil des finances publiques

1. L’appréciation du scénario macroéconomique

2. L’appréciation de la trajectoire des finances publiques

FICHE N° 2 : La situation des finances publiques

I. des prÉlÈvements obligatoires dont le rendement doit être rétabli

A. Les prÉlÈvements obligatoires jusqu’en 2023

1. L’évolution de long cours

2. La structure des prélèvements obligatoires

B. LEs prélèvements obligatoires en 2024 et 2025

1. Une croissance spontanée modérée des prélèvements obligatoires

2. L’incidence des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

II. UN RALENTISSEMENT DE LA PROGRESSION DES DÉPENSES EN 2025 DANS UN CONTEXTE DE DÉGRADATION DES COMPTES PUBLICS

A. Une hausse modÉrÉe des dépenses publiques en volume en 2025 aprÈs une Évolution non maÎtrisÉe en 2024

1. 2024 : « une année noire pour les finances publiques »

2. 2025 : une moindre augmentation des dépenses alors que la loi de programmation constitue déjà une référence obsolète

B. des mesures de rÉduction des dÉpenses publiques en trompe-l’Œil

1. La présentation des réductions de dépenses par rapport à une évolution tendancielle et la classification de certaines mesures comme des économies sont des choix discutables

2. Des mesures d’économies complémentaires incertaines

C. Une évolution de la dépense différenciée selon les soussecteurs d’administration publique

1. Pour l’État, des mesures d’économies importantes par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses

2. Une mise à contribution injustifiée des collectivités territoriales au redressement des comptes publics

3. Une progression limitée des dépenses des administrations de sécurité sociale

D. Une trop lente décrue du ratio de dépense publique par rapport au PIB

E. La dépense publique en milliards d’euros courants

III. l’impérieuse nécessité du redressement d’un solde public très dégradé

A. L’Évolution du dÉficit public sur longue pÉriode

B. un solde public qui s’est fortement dégradé en 2023 et 2024 et dont le gouvernement vise une amélioration substantielle en 2025

1. Une nouvelle aggravation du solde public en 2024

2. Une amélioration attendue en 2025 sous l’effet d’un effort en recettes supérieur à la hausse des dépenses

3. Une nouvelle trajectoire pour les finances publiques, qui doit être définie par le plan budgétaire et structurel national à moyen terme

C. Les administrations publiques centrales, source de l’essentiel du déficit public

a. L’État porte l’essentiel du déficit public

i. Une exécution budgétaire de l’État en 2023 se soldant par un déficit de 173 milliards d’euros

ii. Une prévision actualisée du déficit de l’État en 2024 qui atteint 166,6 milliards d’euros

iii. Un déficit de l’État devant amorcer sa décrue en 2025

iv. La concentration du déficit public sur l’État s’était accentuée avant la crise et perdure

b. Le solde des administrations publiques locales serait marginalement affecté par la conjoncture

D. Les administrations de sécurité sociale

E. Le dÉficit de l’État en comptabilitÉ nationale

IV. une dette dont la progression n’est pas enrayée

A. Une dynamique haussière continue de l’endettement public depuis 2020

1. Un choc haussier historique sur le niveau dendettement public en 2020

2. Une diminution du niveau d’endettement public en trompe-l’œil entre 2021 et 2023 facilitée par l’inflation

3. Le retour d’une dynamique haussière du ratio de dette publique en 2024

B. Le ratio de dette publique poursuit sa croissance en 2025, et ne devrait se stabiliser qu’à partir de 2027

1. La poursuite de la hausse du ratio de dette publique en 2025

2. La nécessité d’infléchir de manière urgente la trajectoire du ratio de dette publique afin d’assurer sa soutenabilité à long terme

a. Les points de vigilance

i. L’impact temporaire et limité de l’inflation

ii. La remontée pérenne des taux d’intérêt, malgré l’inflexion amorcée en juin dernier

iii. La hausse de la charge de la dette

iv. La hausse du spread de taux

b. La nécessité de respecter une trajectoire de stabilisation et de diminution de la dette publique pour assurer sa soutenabilité à long terme

3. La remise en cause du calendrier de remboursement de la « dette Covid » cantonnée

FICHE N° 3 : LE BUDGET DE L’ÉTAT

I. Les recettes

A. Les recettes fiscales de l’État

1. Identification des recettes fiscales nettes

a. La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux dans l’article d’équilibre

b. Les recettes fiscales de l’État hors budget général

2. Présentation générale

a. Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

i. L’évolution spontanée

ii. Les mesures législatives

iii. Les mesures de périmètre et de transfert

3. L’évolution générale des recettes

a. Des exercices budgétaires 2023 et 2024 marqués par de forts écarts aux prévisions, avec des recettes bien moindres que celles attendues

b. Une forte hausse des recettes attendue en 2025

4. Présentation par impôt

a. La hausse, au profit de l’État, du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

b. Une augmentation du produit de l’impôt sur le revenu, après trois années de stagnation

i. En 2024

ii. En 2025

c. Des recettes d’impôt sur les sociétés en stagnation

i. En 2024

ii. En 2025

d. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

i. En 2024

ii. En 2025

e. Les autres recettes fiscales

B. Les recettes non fiscales du budget général

C. Les prélèvements sur recettes

D. les dépenses fiscales continuent À croÎtre en 2025

II. Les dÉpenses de l’État

A. l’Évolution du pÉrimÈtre des dÉpenses pilotables de l’État proposÉes en 2025

B. L’Évolution des dÉpenses du budget gÉnÉral en 2025 reflÈte les mesures d’Économie envisagÉes par le Gouvernement

1. La forte baisse des dépenses liées aux plans de relance et aux mesures de soutien face à la hausse des prix de l’énergie

2. La poursuite du renforcement du pôle régalien conformément aux lois de programmation, à l’exception notable de la mission Justice

3. La mission Écologie, développement et mobilité durables contribuerait fortement aux mesures d’économies présentées

4. Une forte diminution des moyens de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux

5. La diminution du budget consacré à la mission Aide publique au développement

6. La réduction des crédits de la mission Santé traduit la fin attendue du financement du « Ségur de l’investissement »

7. Des restes à payer qui continuent leur progression

III. L’Évolution des effectifs et de la masse salariale de l’État et de ses opÉrateurs

A. L’Évolution de la masse salariale de l’État en 2024 et 2025

B. L’Évolution des effectifs des ministÈres

1. Un objectif de réduction des emplois sur la période 2017-2022 progressivement abandonné

2. Un schéma d’emploi en baisse pour l’État et ses opérateurs en 2025

Audition du président du Haut Conseil des finances publiques

Audition du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et du ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics

 


 

   introduction

Déposé dix jours après l’expiration du délai fixé par la loi organique relative aux lois de finances, dans un contexte politique singulier, le projet de loi de finances pour l’année 2025 est présenté alors que nos finances publiques connaissent un dérapage massif : le déficit public pour l’année 2024 devrait être supérieur de près de 52 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances pour 2024 et atteindrait 179 milliards d’euros. Il devrait ainsi s’établir à 6,1 % du PIB, après 5,5 % en 2023, contre 5 % initialement prévu. Un tel creusement du déficit, hors période de crise, est inédit. La trajectoire de nos finances publiques définie par la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 adoptée voilà moins d’un an, puis celle présentée dans le cadre du Programme de stabilité, en avril dernier, sont devenues obsolètes au bout de quelques mois, et la perspective d’un retour sous la barre des 3 % de déficit ne cesse de s’éloigner. La crédibilité de la France à l’égard des institutions européennes et sur les marchés financiers s’effrite, la dette publique atteint des niveaux inégalés, soit 3 228 milliards d’euros fin juin, et devrait avoisiner 113 % du PIB en fin d’année.

Le projet de loi de finances pour 2025 doit donc engager sans délai le redressement de nos comptes publics, afin de mettre un terme à cette dérive continue. Lors de sa présentation, le Gouvernement a affiché l’objectif de ramener le déficit public à 5 % en 2025 et présente pour ce faire un programme qui se fonderait sur des économies de 60 milliards d’euros, dont 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires et 40 milliards d’euros de moindres dépenses. Le plan budgétaire et structurel national de moyen terme (PSMT) qui doit être transmis à la Commission européenne à la fin du mois d’octobre définit une nouvelle trajectoire financière, prévoyant de revenir à un déficit de 2,9 % du PIB en 2029, contre 2027 dans le Programme de stabilité transmis voilà sept mois.

Toutefois, le scénario macroéconomique du Gouvernement qui sous-tend le texte et cette trajectoire apparaît optimiste – c’est le terme employé par le Haut conseil des finances publiques (HCFP) dans son avis – et semble ne pas tenir compte, ou du moins sous-estimer fortement, les conséquences récessives des mesures proposées. La prévision de croissance retenue de 1,1 %, pour l’année 2025, identique à celle de l’année 2024, n’intègre pas l’effet dépressif des baisses de dépenses publiques et des hausses de prélèvements prévues, lequel est estimé à 0,5 point de PIB par le HCFP, voire à 0,8 point par l’OFCE – sauf à considérer que le taux de croissance se serait élevé, hors mesures proposées, à 1,6 % ou 1,8 % en 2025, ce qui n’apparaît guère réaliste. Les hypothèses macroéconomiques retenues, en termes d’épargne, d’investissement et d’évolution de la masse salariale, apparaissent de surcroît très volontaristes. À titre d’exemple, la perspective d’une baisse du taux d’épargne des ménages, aujourd’hui à un niveau historiquement haut, ne paraît pas étayée à ce stade, alors qu’elle constituerait un facteur important de relance de la consommation. Le Gouvernement retient l’hypothèse d’un léger rebond de l’investissement des entreprises, malgré la détérioration de leur taux de marge et l’instauration d’une surtaxe exceptionnelle d’impôt sur les sociétés.

En second lieu, la répartition des économies présentée par le Gouvernement, entre un tiers de hausse des recettes et deux tiers de baisse des dépenses, est sujette à débat. La classification de certaines des mesures proposées au titre des économies en dépenses s’avère discutable : la réforme des allègements des cotisations employeurs prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour 4 milliards d’euros, et la réduction de niches sociales, pour 0,7 milliard d’euros, présentées comme des mesures de réduction des dépenses, constituent en réalité une hausse des recettes pour les organismes de sécurité sociale. La hausse des cotisations employeur au titre de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), pour 2,3 milliards d’euros, ne peut être considérée comme une « moindre dépense sociale », puisqu’il s’agit d’une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers. In fine, la hausse des prélèvements avoisinerait donc 30 milliards d’euros. C’est d’ailleurs ce qu’indique le PSMT provisoire transmis au Parlement le 20 octobre dernier, qui évalue à 29,5 milliards d’euros les hausses de prélèvements obligatoires en 2025, soit 1 point de PIB – en contradiction avec le chiffre affiché par le Gouvernement d’une hausse de 20 milliards.

L’évaluation des moindres dépenses pour 2025 est présentée par rapport à une évolution tendancielle des dépenses, estimée à 2,8 % en volume par le Gouvernement, soit un niveau particulièrement élevé selon le HCFP. Ce postulat apparaît discutable et le HCFP estime quant à lui l’effort réalisé sur les dépenses à 12 milliards d’euros, soulignant par ailleurs le manque de mesures d’économies documentées. La répartition de l’effort semble donc plutôt d’un tiers en mesures d’économies et de deux tiers en recettes supplémentaires, soit la proportion inverse de celle affichée par le Gouvernement.

En tout état de cause, les mesures figurant dans le présent texte ainsi que dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale s’avèrent trop brutales, par leur ampleur et leur cumul : un objectif trop ambitieux de réduction du déficit pour 2025 risque de peser sur la croissance et l’investissement de façon excessive et d’être finalement contreproductif, en éloignant la possibilité qu’il soit atteint.

Le scénario présenté pour rétablir nos comptes repose par ailleurs sur des prévisions probablement trop optimistes de recettes, au regard des deux dernières années. L’année 2023, et, compte tenu des derniers chiffres disponibles, plus encore l’année 2024, se caractérisent par des écarts aux prévisions très importants sur les montants de recettes recouvrées, particulièrement en matière d’impôt sur les sociétés, mais aussi pour la TVA et l’impôt sur le revenu. Le niveau des recettes perçues en 2024 devrait s’avérer inférieur de 26 milliards d’euros – soit environ 0,9 point de PIB – aux prévisions initiales. Ces moindres recettes font peser un doute sur le réalisme des projections de recettes attendues en 2025 – en hausse de pas moins de 35 milliards d’euros par rapport à 2024 –, et appellent une réflexion sérieuse sur la robustesse des évaluations sur la base desquelles nous travaillons.

Enfin, s’il apparaît naturel que les collectivités territoriales prennent leur part dans le rétablissement des comptes publics, le projet de loi de finances leur impose un effort disproportionné au regard de leur responsabilité dans le dérapage budgétaire. Pour mémoire, le déficit public imputable aux collectivités territoriales se limitait à 0,4 point de PIB en 2023, contre 5,5 points pour l’État, tandis que leur dette représente 9,8 points de PIB au total contre 96,3 points pour l’État… Le dérapage allégué de leurs dépenses est apprécié au regard de la trajectoire irréaliste définie par le Programme de stabilité ; le surcroît de dépenses de fonctionnement et d’investissement en 2024, estimé par le Gouvernement à 16 milliards d’euros, serait en réalité plus proche de 11 milliards d’euros.

Or les mesures d’économies qui sont demandées aux collectivités territoriales dépasseraient 6 milliards d’euros, entre le gel de la dynamique de TVA, pour 1,2 milliard, la réduction du taux du fonds de compensation pour la TVA, à hauteur de 800 millions d’euros, la création d’un fonds de réserve minorant leurs ressources de 3 milliards, ou encore la hausse des cotisations employeur de la CNRACL, pour 1,3 milliard d’euros – sans compter la baisse des dotations du fonds vert. Le « fonds de réserve » proposé par l’article 64 est un dispositif particulièrement injuste, s’apparentant à une forme de sanction collective pénalisant toutes les collectivités, sans tenir compte de leurs efforts respectifs.

Le projet de loi de finances qui nous est soumis doit donc être amendé afin de procéder au redressement de nos comptes publics, nécessité que nul ne peut contester, de façon plus progressive et plus juste, en assurant la crédibilité de la trajectoire proposée. Des mesures trop massives risquent de nuire à la croissance et de s’avérer contre-productives. Si une hausse des prélèvements obligatoires est incontournable, au regard de la dégradation de notre situation budgétaire, elle doit cibler les ménages et les entreprises les plus à mêmes de contribuer à cet effort et elle ne saurait nous exonérer de la mise en œuvre de mesures d’économies sur les dépenses.

 

 

 


   FICHE N° 1 : Le contexte macroéconomique

L’économie mondiale devrait conserver en 2024 et 2025 le rythme de croissance d’environ 3 % qu’elle a retrouvé en 2023. La forte inflation résultant des tensions sur les matières premières et de la situation géopolitique, notamment à la suite de l’agression russe contre l’Ukraine, semble en outre maîtrisée, permettant aux banques centrales d’assouplir leurs politiques monétaires, mouvement de nature à permettre une amélioration des conditions de financement des ménages et des entreprises.

Si la France retrouve une inflation proche de 2 %, force est de constater que la croissance de l’économie nationale manque de moteurs puissants. Tant la consommation que l’investissement – des ménages comme des entreprises – peinent à apporter une contribution forte à la progression de l’activité. Celle-ci paraît plutôt tirée par un commerce extérieur dont l’excédent procède pour partie de l’atonie de la demande nationale.

En outre, les effets récessifs des efforts de redressement des finances publiques annoncés dans le projet de loi de finances pour 2025 semblent insuffisamment pris en compte par la prévision gouvernementale d’une croissance du produit intérieur brut (PIB) de 1,1 % par an en 2025 comme en 2024.

Les prévisions relatives aux finances publiques de l’année à venir sont directement liées au contexte macroéconomique. Les objectifs fixés en termes de solde, de recettes et de dépenses publics doivent découler d’hypothèses macroéconomiques crédibles en termes de croissance, d’inflation, de taux d’intérêt et d’emploi.

Ces hypothèses, qui sont considérées comme des données exogènes à la conception du budget à venir, reposent sur des prévisions gouvernementales qui peuvent être comparées aux estimations externes en provenance de divers organismes statistiques ou économiques. Le Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant, est chargé d’apprécier la cohérence et la sincérité de ces prévisions.

Les principaux indicateurs nécessaires à l’élaboration du budget

Le scénario macroéconomique sur lequel repose l’élaboration d’un projet de loi de finances fait intervenir de nombreuses hypothèses macroéconomiques. Quatre d’entre elles sont particulièrement importantes.

Le taux de croissance

La prévision de croissance correspond au taux de croissance en volume du produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire corrigée de la variation des prix. L’hypothèse de croissance permet de bâtir une prévision du montant des recettes fiscales de l’exercice à venir. Le taux de croissance de l’année précédant celle sur laquelle porte le budget doit également être pris en compte car l’exigibilité de certains impôts présente un décalage d’une année avec leur assiette.

Le taux de croissance en valeur du PIB, quant à lui, intègre la variation des prix et figure au dénominateur du ratio de calcul du déficit public.

L’inflation

La prévision d’inflation est prise en compte dans la prévision des recettes, car elle a un impact immédiat sur certaines bases taxables, comme celle de la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a également un effet sur la prévision des dépenses, dans la mesure où certaines d’entre elles sont indexées sur l’inflation. L’inflation peut avoir également pour effet de réduire le rendement relatif de certaines mesures d’économies tendancielles (telles que les mesures de « gel » des crédits budgétaires fixées en valeur en début d’exercice).

Les taux d’intérêt

La prévision de taux d’intérêt permet d’anticiper la charge de la dette de l’État, c’est‑à‑dire le montant des intérêts à servir sur le capital de dette accumulé.

La Banque de France, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique monétaire de la zone euro, communique plusieurs statistiques et études économiques relatives à l’évolution des taux appliqués dans le secteur bancaire et des taux appliqués à la dette publique.

La masse salariale privée

Une grande partie de l’évolution des prélèvements obligatoires (les cotisations sociales, la fraction principale de la contribution sociale généralisée – CSG – et l’impôt sur le revenu) est liée à l’évolution de la masse salariale dans le secteur privé. Cet indicateur est essentiel pour les prévisions de recettes et de déficit public toutes administrations publiques confondues.

L’enquête emploi de l’Insee concourt à fournir des données actualisées en continu sur la situation du marché de l’emploi en France.

I.   une prévision de croissance reposant sur des hypothèses favorables dans un contexte de reflux de l’inflation

Après une période de stagnation liée aux conséquences de la crise financière de 2008, l’économie française avait retrouvé un dynamisme à compter de 2014, avec un point haut enregistré en 2017 s’appuyant sur la progression de l’investissement des entreprises et des ménages. Le rythme de croissance avait ensuite ralenti parallèlement à la détérioration des perspectives internationales, avant de connaître un recul inédit en 2020.

La croissance en france depuis 1974

(en % du PIB en volume)

(en grisé, les années où la croissance a été inférieure à 1 %)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,4

-0,9

4,3

3,6

3,9

3,7

1,7

1,2

2,4

1,3

1,6

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,4

2,6

4,8

4,4

2,8

1,2

1,5

-0,4

2,4

2,3

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,5

3,5

3,4

4,1

1,9

1,1

1,0

2,9

1,9

2,7

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,5

0,4

-2,8

2,0

2,4

0,2

0,8

1,0

1,1

0,9

2,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021

2022

2023

 

 

 

 

 

Croissance

1,6

2,0

– 7,4

6,9

2,6

0,9

 

 

 

 

 

Source : INSEE, comptes nationaux (base 2020).

Le rebond franc de l’année 2021 a montré la résilience de l’économie française en sortie de crise, malgré l’amorce de tensions sur les prix et les approvisionnements. La croissance a cependant rapidement décéléré, pour s’établir à 0,9 % en 2023 (1,1 % en données corrigées des jours ouvrables), après 2,6 % en 2022.

A.   la poursuite de la dÉsinflation

1.   Le reflux de l’inflation en France et dans le monde

● L’inflation annuelle mesurée par les prix à la consommation devrait poursuivre son reflux dans les pays du Groupe des Vingt (G20), grâce à l’atténuation des tensions sur les coûts. Après la hausse des prix de 5,9 % observée en 2024, l’inflation devrait, selon l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), retomber à 3,3 % en 2025 et se rapprocher des cibles visées par la plupart des politiques monétaires.

L’inflation globale dans le monde selon l’ocde

 

2023

2024

2025

G20

6,1 %

5,9 %

3,3 %

Brésil

4,6 %

4,4 %

4,0 %

Chine

0,3 %

0,3 %

1,0 %

États-Unis

3,7 %

2,4 %

1,8 %

Inde

5,4 %

4,5 %

4,1 %

Japon

3,3 %

2,5 %

2,1 %

Royaume-Uni

7,3 %

2,7 %

2,4 %

Russie

6,0 %

7,8 %

5,5 %

Zone euro

5,4 %

2,3 %

2,1 %

Allemagne

6,0 %

2,4 %

2,0 %

Italie

5,9 %

1,3 %

2,2 %

France

5,7 %

2,4 %

1,9 %

Note de lecture : pourcentage de variation annuel en volume de l’indice des prix à la consommation (IPC) ou de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) pour l’Allemagne, l’Italie, la France et le Royaume-Uni. Année des prix de référence : prix de 2019 pour le Royaume-Uni ; de 2017 pour les États-Unis ; de 2015 pour la Chine, le Japon, l’Italie et la zone euro ; 2014 pour la France ; prix de 2000 pour le Brésil.

Source : Perspectives économiques de l’OCDE, septembre 2024.

Plusieurs risques continuent cependant de peser sur l’économie mondiale et pourraient ralentir la baisse de l’inflation. Tout d’abord, les tensions géopolitiques au Moyen-Orient et la guerre en Ukraine pourraient causer des perturbations sur les marchés de l’énergie et les marchés financiers, peser sur la croissance et renchérir les prix de l’énergie. Pour l’instant, si le conflit au Moyen-Orient semble ne pas avoir d’effet sur les cours du pétrole – orientés à la baisse depuis la mi‑juillet –, le prix du gaz en Europe tend à augmenter depuis plusieurs mois, compte tenu de l’évolution du conflit russo-ukrainien ; l’Insee prévoit une hausse de 0,9 % en 2024.

La persistance de fortes tensions sur les coûts et des marges des entreprises élevées, notamment dans les services, pourraient de même ralentir la désinflation, ce qui pourrait pousser les banques centrales à une baisse plus modérée de leurs taux d’intérêts, non sans effets négatifs, notamment sur le marché du travail.

Enfin, les conséquences de long terme des politiques monétaires restrictives menées ces dernières années ne sont pas encore bien connues. Des effets négatifs pourraient se faire durablement sentir, alors même que la désinflation est marquée. C’est par exemple le cas en ce qui concerne la dette publique, dont la charge risque d’augmenter, nonobstant la baisse des taux d’intérêt : à mesure que les obligations émises avant le regain des tensions inflationnistes et la fin des politiques monétaires dites ultra-accommodantes arrivent à échéance, elles sont peu à peu remplacées par des souches au coupon plus élevé. Certains secteurs d’activité économique, qui connaissent des faillites et défaillances d’entreprises aujourd’hui plus nombreuses qu’elles ne l’étaient avant la pandémie dans plusieurs pays, peuvent également en pâtir – notamment l’immobilier commercial, toujours en difficulté.

● En France, le recul attendu de l’inflation totale et sous-jacente se concrétise. Selon les projections publiées en septembre 2024 par la Banque de France, l’inflation, telle que mesurée par l’IPCH, reculerait nettement : après 5,7 % en 2023 ([1]), elle s’établirait à 2,5 % en 2024, puis à 1,5 % en 2025. Le rythme d’évolution des prix se stabiliserait par la suite et la hausse des prix resterait modérée, s’établissant à 1,7 % en 2026. Après une interruption transitoire au second semestre 2024, la décélération des prix des services se poursuivrait et permettrait à l’inflation sous-jacente de descendre à 1,9 % en 2026.

Mesure de l’inflation

L’indice des prix à la consommation (IPC) est un instrument de mesure de l’inflation. Il permet, selon l’Insee, « d’estimer, entre deux périodes données, la variation du niveau général des prix des biens et des services consommés par les ménages sur le territoire français ».

Pour faciliter les comparaisons internationales, les indices des prix sont harmonisés entre les services statistiques nationaux pour obtenir les indices des prix à la consommation harmonisés (IPCH). L’écart entre l’IPC et l’IPCH est le reflet de la proximité méthodologique entre les indices.

Selon l’Insee, les prix à la consommation augmentent de 1,1 % sur un an, en France, en septembre 2024. La désinflation « s’explique par le net repli des prix de l’énergie et le ralentissement de ceux des services ». L’inflation sous-jacente a un rythme comparable et s’établit à 1,4 % en septembre 2024, sur un an.

L’inflation sous-jacente

L’indice d’inflation sous-jacente est un indice désaisonnalisé qui permet de dégager une tendance de fond de l’évolution des prix.

Il traduit l’évolution profonde des coûts de production et la confrontation de l’offre et de la demande. Il exclut les prix soumis à l’intervention de l’État (électricité, gaz, tabac…) et les produits à prix volatils (produits pétroliers, produits frais…) qui subissent des mouvements très variables dus à des facteurs climatiques ou à des tensions sur les marchés mondiaux.

L’indice d’inflation sous-jacente est corrigé des mesures fiscales, de façon à neutraliser les effets sur l’indice des prix de la variation de la fiscalité indirecte ou des mesures gouvernementales affectant les prix à la consommation. Cette notion est ainsi plus adaptée à une analyse des tensions inflationnistes, car moins perturbée par des phénomènes exogènes.

Source : Insee.

prÉvisions d’inflation en moyenne annuelle en pourcentage

Organisation

2024

2025

Banque de France

2,2

1,3

Consensus Forecasts

2,3

1,8

Insee

2,1

OCDE

2,3

2,0

OFCE

2,0

1,5

Rexecode

2,3

1,6

PLF 2025

2,1

1,8

Note de lecture : évolution annuelle en pourcentage de l’IPC pour l’ensemble des organisations à l’exception de l’OCDE pour laquelle l’évolution est en pourcentage de l’IPCH.

Sources : Projections macroéconomiques intermédiaires – septembre 2024 (Banque de France) ; Perspectives économiques de l’OCDE, mai 2024 ; Policy brief no 137 du 16 octobre 2024 (OFCE) ; Haut Conseil des finances publiques ; PLF 2025.

Dans ce contexte, les salaires progressent désormais plus rapidement que les prix à la consommation, un mouvement qui pourrait encore s’accentuer en 2025. Cette progression des salaires réels soutiendrait les gains de pouvoir d’achat et la consommation, avec un effet bénéfique sur le chômage au long terme. Ces effets positifs sont toutefois à relativiser : quand bien même le pouvoir d’achat et l’épargne augmentent, la consommation des ménages stagne.

Contribution par poste À l’inflation d’ensemble en France

Note de lecture : glissement annuel en %, contributions en points.

Source : Insee, point de conjoncture du 9 septembre 2024.

L’inflation alimentaire est la principale contributrice à l’inflation d’ensemble sur l’année qui vient de s’écouler. Elle s’établit au mois d’août 2024 à 0,5 % sur un an, et garderait un rythme comparable d’ici à la fin du mois de décembre 2024. Autre poste important d’inflation, les prix des services sont en hausse de 3,1 % sur un an en août 2024 : les entreprises répercutent les hausses de salaires passées. Les prix des services devraient donc continuer de progresser : si, au mois d’août 2024, ils étaient soutenus temporairement par le relèvement des tarifs des transports en Île-de-France, ce rythme ralentirait à 2,4 % en décembre.

Le scénario macroéconomique sous-jacent au projet de loi de finances pour 2025 repose pour sa part sur une prévision d’inflation, en moyenne annuelle, de 2,1 % en 2024 et de 1,8 % en 2025. En effet, « en 2024, les prix des services resteraient dynamiques, sans accélérer pour autant, les hausses passées de salaires continuant de se transmettre progressivement aux prix », tandis qu’en 2025, l’inflation « serait essentiellement tirée par les prix des services, lesquels accéléreraient sous l’effet des revalorisations de certains tarifs médicaux », tandis que « les prix alimentaires seraient globalement stables et les prix de l’énergie orientés à la baisse, tout particulièrement les prix de l’électricité dans le contexte de la sortie progressive de la crise énergétique et du bouclier tarifaire ».

2.   Un assouplissement des politiques monétaires

Dans ce contexte de reflux de l’inflation, l’amélioration des conditions financières mondiales accroît la marge de manœuvre des banques centrales, particulièrement dans les pays émergents. Toutefois, la réduction des taux doit être menée à un rythme prudent, de façon à préserver les anticipations d’inflation des agents économiques et à juguler les tensions inflationnistes sous-jacentes de manière durable.

Après une première baisse au mois de juin 2024, la Banque centrale européenne (BCE) a procédé à de nouvelles baisses de ses taux en septembre, puis en octobre, son principal taux directeur, le taux de la facilité de dépôt, passant de 4 % en mai à 3,25 % fin octobre. Cette baisse s’est accompagnée d’une restructuration et d’une convergence de ses taux directeurs.

Les taux directeurs de la Banque centrale européenne

Le taux des opérations principales de refinancement est le taux auquel les banques peuvent emprunter à la BCE de la liquidité pour une durée d’une semaine.

Le taux de la facilité de prêt marginal correspond au taux que les banques paient lorsqu’elles empruntent de la liquidité auprès de la BCE pour une durée de vingt‑quatre heures.

Le taux de la facilité de dépôt est la rémunération (ou au prix payé lorsque ce taux est négatif) perçue par les banques lorsqu’elles déposent des fonds pour vingt-quatre heures auprès de la BCE.

Ces trois taux sont fixés toutes les six semaines dans un objectif de stabilité des prix dans la zone euro.

évolution des taux directeurs de la bce de 2019 au mois d’octobre 2024

Source : commission des finances à partir des données de la Banque de France.

Avec le resserrement de l’écart entre ses taux, la BCE espère réduire la volatilité sur les marchés interbancaires. Cette baisse signifie à la fois une moindre rémunération des produits d’épargne pour les épargnants, et des conditions de crédit un peu plus favorables pour les entreprises et les ménages, notamment pour les prêts immobiliers ou de consommation.

évolution des taux des prêts du secteur concurrentiel
depuis décembre 2021

 

Prêts du secteur concurrentiel (taux fixes)

Taux moyens (en %)

Sur 15 ans

Sur 20 ans

Sur 25 ans

Décembre 2021

1,06

0,86

0,99

1,13

Août 2022

1,82

1,71

1,85

1,96

Décembre 2022

2,35

2,14

2,30

2,42

Août 2023

3,78

3,72

3,92

4,08

Décembre 2023

4,20

4,11

4,26

4,35

Août 2024

3,62

3,51

3,54

3,63

Sources : L’Observatoire Crédit Logement/CSA.

Les finances publiques de la France devraient aussi tirer profit de cette détente des taux. Néanmoins, le creusement de l’écart de taux (spread) entre l’Allemagne et la France – consécutif à la situation politique française depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 et à l’ouverture par la Commission européenne d’une procédure de déficit excessif contre la France – risque d’empêcher la dette française de bénéficier pleinement de la baisse annoncée par la BCE.

B.   une croissance stable de l’activité mondiale mais une croissance de l’économie nationale fragile

1.   Une croissance mondiale qui demeure stable

D’après le FMI, malgré l’environnement international instable, la croissance mondiale est restée stable, avec un taux estimé à 3,2 % en 2024 et 3,3 % en 2025, après 3,3 % en 2023.

Perspectives de la croissance mondiale

(en %)

 

2023

2024

2025

Monde

3,3

3,2

3,3

États-Unis

2,5

2,6

1,9

Chine

5,2

5,0

4,5

Japon

1,9

0,7

1,0

Brésil

2,9

2,1

2,4

Inde

8,2

7,0

6,5

Russie

3,6

3,2

1,5

Zone euro

0,5

0,9

1,5

Allemagne

-0,2

0,2

1,3

France

1,1

0,9

1,3

Italie

0,9

0,7

0,9

Royaume-Uni

0,1

0,7

1,5

Source : FMI, Perspectives de l’économie mondiale, juillet 2024.

2.   Des prévisions de croissance fragiles et incertaines : une sous‑évaluation des effets récessifs liés au choc budgétaire, à l’instabilité fiscale et à l’incertitude politique

Les mesures proposées par le projet de loi de finances pour 2025, ainsi que par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, pourraient avoir un effet récessif sur l’économie française, par les baisses des dépenses et les hausses d’impôts qu’il prévoit. Le Gouvernement retient pourtant l’hypothèse d’une croissance de 1,1 % du produit intérieur brut en 2025, identique à celle qu’il prévoit pour 2024. Cette prévision repose sur l’idée d’un ajustement budgétaire réduisant uniquement des dépenses ayant une faible efficacité et ne faisant porter l’effort en recettes que sur les agents économiques à forte capacité contributive, tandis qu’une hausse des exportations se conjuguerait à une reprise de la consommation des ménages et un rebond des investissements des entreprises permis par la baisse des taux.

Prévisions de croissance du PIB de la France en 2024 et en 2025

(Évolution en % du PIB en volume)

Organisation

Date de publication

2024

2025

FMI

16 juillet 2024

0,9

1,3

Commission européenne

15 mai 2024

0,7

1,3

Consensus Forecasts

12 septembre 2024

1,1

1,1

Banque de France

17 septembre 2024

1,1

1,2

Insee

10 octobre 2024

1,1

 

OCDE

25 septembre 2024

1,1

1,2

OFCE

16 octobre 2024

1,1

0,8

Rexecode

13 septembre 2024

1,1

0,7

PLF 2025

10 octobre 2024

1,1

1,1

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2025 et les prévisions des organismes de conjoncture.

Les prévisions de croissance des organismes de conjoncture disponibles n’intègrent que très partiellement les effets induits par l’ajustement budgétaire proposé par le projet de loi de finances pour 2025. En effet, la plupart ont été établies avant le dépôt de ce texte, et aucune d’entre elles ne tient compte des évolutions attendues de ce dernier, qui, par rapport au texte initial, accroîtraient encore de 1,5 milliard d’euros les recettes et réduiraient de 5 milliards d’euros les dépenses. Ces mesures supplémentaires n’en risquent pas moins de grever l’activité économique et pourraient ainsi participer à réduire le taux de croissance du PIB.

De manière générale, l’ampleur du redressement budgétaire en 2025 aura des effets majeurs sur l’activité économique et, par voie de conséquence, sur la croissance du PIB ainsi que sur le solde public. Dans son avis sur le projet de loi de finances, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime l’effet dépressif de l’ajustement budgétaire proposé à 0,5 point de PIB sur la base du multiplicateur retenu par le Gouvernement, soulignant que le scénario proposé par le Gouvernement suppose ainsi que, sans ajustement budgétaire, la croissance aurait été en forte hausse en 2025, à un niveau de l’ordre de 1,7 % ; or le HCFP observe que l’acquis de croissance laissé à fin 2024 devrait être faible et les derniers indicateurs conjoncturels restent dans l’ensemble en deçà de leur moyenne de longue période.

Selon l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) ([2]), le projet de loi de finances devrait avoir un effet récessif sur la croissance plus important encore que celui estimé par le HCFP, estimé à 0,8 point de PIB. En effet, la croissance hors chocs aurait été de 1,4 % en 2025. L’OFCE estime que les effets positifs de la politique monétaire au travers de la baisse des taux (+ 0,4 point de croissance en 2025) ne seront pas de nature à équilibrer les effets négatifs induits par les ajustements budgétaires contenus dans le projet de loi de finances pour 2025 puisqu’ils équivalent à la moitié des effets négatifs liés à l’effort budgétaire sur la croissance. L’OFCE estime par ailleurs que l’incertitude politique nationale, notamment liée à la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, aura réduit la croissance de l’activité de 0,1 point en 2024 et de 0,2 point en 2025.

La croissance du PIB en 2025 devrait ainsi être ramenée à 0,8 %, soit un niveau inférieur de 0,3 point à la prévision du Gouvernement, ce qui se traduirait par des pertes de recettes d’environ 3,8 milliards d’euros par rapport à la prévision du Gouvernement.

 

évaluation de l’effet des différents chocs sur la croissance du PIB

 

En pts de PIB

2022

2023

2024

2025

Croissance hors chocs*

4,0

1,5

1,5

1,4

Choc approvisionnements

– 0,3

0,2

0,2

0,0

Variation des taux

– 0,1

– 0,6

– 0,6

0,4

Incertitude internationale et tensions géopolitiques

– 0,3

0,0

– 0,1

0,0

Incertitude politique nationale

 

 

–0,1

–0,2

Impact énergie (choc et mesures)

– 0,3

– 0,5

– 0,1

0,1

Choc énergie

– 1,1

– 0,7

0,3

0,5

Bouclier et mesures énergie

0,8

0,2

– 0,4

– 0,4

Mesures budgétaires (hors mesures temporaires)

0,8

0,2

– 0,4

– 0,4

Effet centrales nucléaires (arrêt et redémarrage)

– 0,5

0,5

0,0

0,0

Effet JO

0

0

0,1

0,1

Croissance observée et prévue

2,6

1,1

1,1

0,8

(*) La croissance hors chocs correspond à la croissance potentielle, plus la fermeture de l’output gap et l’acquis potentiel sur la croissance. Dans le détail, le choc énergie conduit à réduire la croissance de PIB de – 1,1 point en 2022, – 0,7 point en 2023 et l’augmenterait de 0,3 point en 2024 et 0,5 point en 2025, soit un effet cumulé de – 1 point de PIB sur la période 2022-2025. La mise en place de mesures budgétaires spécifiques pour amortir ce choc énergie a eu un effet sur la croissance du PIB de 0,8 point en 2023, – 0,4 point en 2024 et – 0,4 point en 2025, soit un effet cumulé de 0,2 point de PIB sur la période qui devrait s’annuler au-delà de 2025 en raison de l’extinction progressive des mesures budgétaires exceptionnelles.

Source : Insee, prévisions OFCE octobre 2024.

Enfin, toujours selon l’OFCE, le déficit public ne serait ni de 5 points, comme le prévoit le Gouvernement aux termes du scénario de finances publiques dont le HCFP a été saisi, ni de 5,2 points, conformément aux termes de l’article liminaire du texte déposé, mais de 5,3 points de PIB.

3.   Une croissance peu stimulée

a.   Une consommation et des investissements des ménages atones

Prévisions économiques relatives aux ménages
selon le scénario macroéconomique
sous-jacent au projet de loi de finances pour 2025

 

2024

2025

Revenu disponible brut

5,0

2,6

Pouvoir d’achat du revenu disponible brut

2,0

0,8

Taux d’épargne (épargne/RDB)

18,1

17,6

Source : Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2025.

Le taux d’épargne des ménages demeure à un niveau historiquement élevé par rapport au niveau d’avant crise et baisserait de 0,5 point en 2025, pour revenir à 17,6 %. Le taux se situe à un niveau très supérieur à sa moyenne de long terme (environ 15 %). Le Gouvernement émet, dans le rapport économique, social et financier (RESF), l’hypothèse que ce maintien d’un taux d’épargne à un niveau élevé serait au moins en partie lié à l’inflation ressentie par les ménages, plus importante que l’inflation mesurée. Les ménages freineraient ainsi leur consommation.

Le HCFP estime quant à lui dans son avis que le repli du taux d’épargne, déjà attendu en 2024, est « possible en 2025 », mais que « les indicateurs avancés, comme la part des ménages estimant qu’il est opportun d’épargner à son plus haut niveau historique en septembre, ne l’annoncent pas ».

L’investissement des ménages, essentiellement composé des achats dans l’immobilier neuf, est resté faible en 2024. Le recul est continuel depuis trois ans avec une baisse de 3,3 % en 2022, de 8,2 % en 2023 et de 5,9 % en 2024. Cela est notamment dû à la faible production de nouveaux logements en raison des niveaux élevés des taux d’intérêts.

b.   Le risque d’une augmentation du chômage en 2025

Le Gouvernement retient l’hypothèse d’une progression en moyenne annuelle de l’emploi salarié marchand non agricole de 0,3 % en 2024, puis de 0,1 % en 2025.

L’OFCE estime que le taux de chômage remonterait à 8 % de la population active à la fin de l’année 2025, contre 7,5 % fin 2024. Le retournement du marché du travail s’expliquerait par une faible croissance de l’activité, un rattrapage partiel des pertes de productivité passées ainsi que la réduction des allégements de cotisations employeurs. Cette dernière mesure permettrait aux administrations de sécurité sociale de récupérer 5,1 milliards d’euros mais, selon l’OFCE, pourrait détruire 50 000 emplois en trois ans dans le secteur marchand, dont 15 000 dès la première année.

c.   Les entreprises dans l’incertitude

Les entreprises sont particulièrement touchées par l’incertitude et l’instabilité fiscale dans leurs décisions d’investissement. Si les taux d’intérêt ont baissé, l’investissement en construction des entreprises de même que ceux en biens d’équipements ont reculé en 2024. Selon l’OFCE, la demande serait atone en 2025, ce qui entraînerait, dans un contexte de hausse de fiscalité, de réduction des aides aux entreprises et d’incertitude politique, une baisse de l’investissement des entreprises de 0,7 % en 2025, après une baisse de 1,4 % en 2024.

Dans l’ensemble, le taux de marge des sociétés non financières a baissé, bien qu’il convient de noter des disparités selon les secteurs. Selon l’OFCE, cette baisse s’explique par une diminution de la productivité du travail entre 2020 et 2023. Toutefois, il est attendu pour 2025 une progression plus rapide de la productivité du travail par rapport aux salaires réels permettant une légère hausse du taux de marge des entreprises. Ainsi, l’OFCE prévoit que le taux de marge des entreprises serait de 31,3 % de la valeur ajoutée en 2025, contre 30,8 % en 2024. Ces prévisions sont supérieures à celles retenues par le Gouvernement, qui prévoit que le taux de marge des sociétés non financières s’établirait à 30,7 % en 2025, après 31,3 % en 2024. Selon l’Insee, l’épargne des entreprises atteint son plus bas niveau depuis 2012.

Enfin, d’après l’OFCE, le niveau de faillite des entreprises a atteint un niveau record en 2024, dépassant son niveau de 2019.

d.   La modeste et précieuse contribution du commerce extérieur à la croissance

En raison de la faible consommation, le volume des importations a faibli, ce qui a, par extension, un effet positif pour la balance commerciale. Dans le même temps, les exportations se sont accrues dans les secteurs de l’aéronautique, des matériels de transport, de la métallurgie et de l’industrie pharmaceutique. Le commerce extérieur apparaît comme l’un des moteurs de la croissance. D’après l’OFCE, sa contribution à la croissance du PIB s’établit à 1,2 point, dont 80 % s’expliquent par une baisse marquée des importations.

e.   Les dépenses publiques

La croissance est également tirée par les dépenses publiques, au travers de la consommation et l’investissement des administrations publiques (APU). Selon l’OFCE, ces dernières participent à la croissance à hauteur de 0,5 point de PIB sur une année, impliquant toutefois un creusement du déficit public. Ainsi, les coupes budgétaires impliquent un effet récessif sur le dynamisme de l’activité économique.

II.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques

Dans son avis n° HCFP-2024-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025 publié le 10 octobre 2024, le HCFP a examiné les hypothèses retenues par le Gouvernement, associées au projet de loi de finances pour 2025.

1.   L’appréciation du scénario macroéconomique

Le Haut Conseil estime que le scénario macroéconomique sur lequel se fonde le projet de loi de finances pour 2025 est « dans l’ensemble fragile ».

La prévision de croissance du Gouvernement pour 2025 (1,1 %) apparaît « un peu élevée », en dépit du soutien que peut apporter la baisse des taux d’intérêt, compte tenu : 

– de l’orientation restrictive du scénario de finances publiques associé, qui se traduit notamment par un repli de la demande publique et des mesures de hausse des prélèvements obligatoires atteignant un point de PIB ;

– des hypothèses favorables retenues sur le commerce mondial, l’investissement des entreprises et la baisse du taux d’épargne des ménages, qui correspondraient à une nette accélération de l’activité sans ajustement budgétaire ;

Au regard des enquêtes de conjoncture disponibles, le Haut Conseil estime que l’accélération de l’activité envisagée par le Gouvernement « apparaît optimiste » au regard des enquêtes de conjoncture disponibles.

La prévision d’inflation (2,1 %) paraît « un peu élevée au regard du mouvement de désinflation observé depuis le début de cette année ».

La prévision d’évolution de la masse salariale (+ 2,8 % en 2025 pour les branches marchandes non agricoles) est jugée elle aussi « un peu optimiste » du fait de la prévision d’emploi, en lien avec l’appréciation de l’évolution du PIB, et de la prévision du salaire moyen par tête.

2.   L’appréciation de la trajectoire des finances publiques

Le HCFP constate une dégradation du solde public pour la deuxième année consécutive. L’écart entre le déficit initialement prévu pour 2024 (4,4 points de PIB selon le projet de loi de finances pour 2024) et la prévision actualisée associée au projet de loi de finances pour 2025 (6,1 points) atteint 1,7 point de PIB. Il précise que la prévision d’un déficit public de 5 points de PIB en 2025 est fragile et présente « un risque élevé d’être dépassée », « du fait de l’optimisme du scénario macroéconomique sur lequel il repose et de l’ampleur des mesures à mettre en œuvre sans que celles-ci soient documentées à ce stade ». Le Gouvernement estime que le solde structurel s’élèvera à – 4,5 points de PIB en 2025.

Les prévisions des prélèvements obligatoires sont marquées d’une « incertitude non négligeable ». Si, pour 2024, la prévision de croissance spontanée des prélèvements obligatoires, nettement révisée à la baisse par rapport au Programme de stabilité, est cohérente avec les dernières informations disponibles, la prévision de croissance spontanée pour l’année 2025, cohérente avec le scénario macroéconomique retenu, s’avère « un peu élevée » au regard du caractère optimiste des prévisions associées à ce scénario.

Par ailleurs, le Haut Conseil estime que l’effort structurel pour atteindre un déficit de 5 % du PIB en 2025 repose à 70 % sur des hausses de prélèvements obligatoires (30 milliards d’euros, soit un point de PIB) et à 30 % sur les dépenses (12 milliards d’euros, soit 0,4 point de PIB), alors que la présentation du Gouvernement, fondée sur une mesure de l’écart à l’évolution tendancielle, suggère qu’elle reposerait aux deux tiers sur un effort de maîtrise des dépenses.

Le HCFP relève par ailleurs que l’objectif d’une hausse de 20 milliards d’euros des prélèvements obligatoires ne tient pas compte de certaines mesures figurant dans le projet de budget. Cela concerne par exemple une partie de l’augmentation de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE). Par ailleurs, le HCFP note que la réduction des exonérations de cotisations employeur, ordinairement classifiée en hausse de prélèvements obligatoires, est ici affichée comme une réduction de dépenses. Il relève également que des hausses de prélèvements obligatoires ne sont pas documentées.

L’ajustement structurel de 1,2 point de PIB en 2025 suppose, selon le Haut Conseil, un effort structurel de 1,4 point, soit 42 milliards, compte tenu de l’impact négatif à hauteur de 0,2 point d’une croissance spontanée des prélèvements obligatoires, à législation constante, inférieure à celle du PIB. Le HCFP relève que l’ajustement structurel prévu pour 2025 serait conforme à l’exigence d’un ajustement d’au moins 0,5 point de PIB qui s’impose à la France, placée en procédure de déficit excessif depuis juillet dernier, soit l’exigence prévue par le volet correctif du Pacte de stabilité et de croissance.

S’agissant de la dépense publique, le HCFP estime ne pas être en mesure d’évaluer la pertinence de l’estimation produite par le Gouvernement du fait du choix méthodologique retenu par ce dernier. L’estimation du Gouvernement s’appuie en effet sur une évolution tendancielle des dépenses, « à un niveau très élevé » de + 2,8 % en volume, soit bien au-dessus de la croissance potentielle (+ 1,2 %) ; l’effort affiché par le Gouvernement de 1,3 point de PIB ne réduit ainsi le poids des dépenses dans le PIB que de 0,4 point. En outre, le Haut Conseil relève que le détail des économies attendues sur le budget de l’État et les dépenses d’assurance maladie, notamment, n’est pas documenté, et ajoute que « les modalités des "mécanismes de résilience" et des autres mesures d’économies attendues pour les collectivités locales n’ayant pas été précisées, la prévision d’un fort ralentissement du volume des dépenses de fonctionnement des APUL paraît particulièrement fragile ».

Le Haut Conseil considère que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027, promulguée il y a moins d’un an, constitue une référence déjà dépassée. Il estime par conséquent que la trajectoire du plan budgétaire et structurel national de moyen terme 2025-2028, qui sera transmise par la France à la Commission européenne d’ici au 31 octobre 2024, constitue « une référence plus pertinente et doit absolument être respectée ».

Enfin, pour le Haut Conseil, la soutenabilité à moyen terme des finances publiques appelle à une « vigilance accrue » et à des « efforts immédiats et soutenus dans la durée ». Ces efforts doivent permettre à la France de maîtriser son endettement « en veillant à ne pas trop affecter son potentiel de croissance ».

 


   FICHE N° 2 :
La situation des finances publiques

Résumé de la fiche

Les années 2023 et 2024 sont marquées par une nette dégradation des finances publiques, le déficit public devant atteindre 6,1 points de PIB à la fin de l’année 2024, après 5,5 points en 2023. La loi de finances initiale et le Programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 avaient pourtant successivement prévu pour l’année 2024 un déficit limité à 4,4 puis 5,1 points de PIB. Dès lors, les trajectoires définies par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, puis par le Programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 sont frappées d’obsolescence.

Si un effort particulier est annoncé, notamment en recettes, pour y remédier, l’écart de l’exécution à la prévision constaté tant en 2023 qu’en 2024 invite à accueillir avec la plus grande prudence les hypothèses selon lesquelles le solde pourrait se redresser de plus de 1,1 point de PIB en 2025.

Après une année 2024 marquée par une progression inattendue des dépenses publiques (+ 2,1 % en volume, contre une prévision initiale de + 0,6 %) et des recettes en retrait de 25,3 milliards d’euros par rapport à la prévision initiale, le PLF pour 2025 propose des mesures d’économies importantes pour l’ensemble des administrations publiques. En 2025, la dépense publique croîtrait légèrement, à hauteur de + 0,7 % en volume, et s’établirait à 1 694 milliards d’euros, soit 56,5 % du PIB. Ainsi, 41,3 milliards d’euros de réductions de dépenses sont annoncés, dont 21,5 milliards d’euros pour le seul champ des administrations publiques centrales : l’estimation du montant de ces mesures d’économies est toutefois contestable, tout comme la mise à contribution des collectivités territoriales et la forte contraction de la progression des dépenses sociales. Est également contestable la comptabilisation en économies de mesures de recettes, à hauteur de 10 milliards d’euros : la réduction du déficit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) au moyen d’une hausse du taux de cotisation, la réduction de dépenses socio-fiscales profitant aux entreprises et le mécanisme de résilience des finances locales. Des hausses de recettes sont également annoncées, à hauteur de 19,3 milliards d’euros ; le montant des recettes fiscales nettes des administrations publiques centrales (APUC) a vocation à augmenter de 35 milliards d’euros par rapport à 2024.

Après le choc de dette historique (+16,7 points de PIB) de 2020, le rebond de l’activité économique de 2021 et la période de forte inflation connue en 2022 et 2023 ont permis une baisse temporaire de 4,9 points de PIB du ratio de dette publique, passé de 114,4 à 109,9 points de PIB entre 2020 et 2023. Cependant, la dégradation du solde public en 2023 et 2024 et le reflux de l’inflation ont replacé le ratio de dette publique sur une tendance haussière. En 2025, cette tendance se poursuivrait et le ratio de dette/PIB continuerait à augmenter jusqu’à atteindre 116,5 points de PIB en 2027. La trajectoire du plan budgétaire et structurel de moyen terme devra être impérativement respectée afin de stabiliser le niveau de dette publique à partir de 2027 et d’assurer sa soutenabilité dans un contexte de normalisation de la politique monétaire et de hausse du spread des taux d’intérêt.

I.   des prÉlÈvements obligatoires dont le rendement doit être rétabli

Les prélèvements obligatoires (PO) comprennent les impôts et cotisations sociales recouvrées par les administrations publiques et les institutions européennes. En comptabilité nationale, le taux de prélèvements obligatoires est calculé net des crédits d’impôt, afin de rester proche de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques.

Les prélèvements obligatoires ont connu, en tendance longue, une progression presque continue, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’années.

A.   Les prÉlÈvements obligatoires jusqu’en 2023

La part des prélèvements obligatoires dans le PIB connaît une hausse régulière, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’années (A) afin de financer les différents sous-secteurs d’administration publique (B).

1.   L’évolution de long cours

Les prélèvements obligatoires (PO) ont fortement augmenté entre 1974 et 1982, passant de 33,7 à 40,3 % du PIB, essentiellement en raison du développement de la protection sociale : les cotisations sociales ont augmenté de 6,6 points de produit intérieur brut (PIB) sur cette période. Le taux de PO a ainsi dépassé 40 % du PIB en 1982.

Ce taux a ensuite progressé par paliers :

– tout d’abord, entre 1982 et 1995, les prélèvements obligatoires ont évolué dans une fourchette comprise entre 40 % et 42,1 % du PIB, avec une moyenne de 41,3 % du PIB ;

– ensuite, de 1996 à 2012, ils ont oscillé entre 41,2 et 44 % du PIB, avec une moyenne de 42,7 % du PIB ;

– enfin, depuis 2013, ils ont franchi la barre des 44 % du PIB, avec une moyenne de 44,7 % du PIB.

Les PrÉlÈvements obligatoires depuis 1974 en points de PIB

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Taux

34,2

35,6

37,7

37,6

37,6

39,2

39,9

40,1

40,7

41,5

42,2

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Taux

42,3

41,6

42,3

41,5

41,2

41,2

41,5

41,0

41,6

42,1

42,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Taux

43,5

43,6

43,5

44,3

43,4

43,2

42,5

42,3

42,4

42,7

43,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Taux

42,3

42,1

41,2

41,4

42,6

43,9

44,8

44,6

44,5

44,6

45,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021

2022

2023

 

 

 

 

 

Taux

44,9

44,0

44,3

44,2

45,0

43,2

 

 

 

 

 

Source : INSEE, base 2020.

La progression des prélèvements obligatoires par rapport à la richesse nationale a donc été une tendance lourde. Un point haut a été atteint en 2017, à 45,3 %. Plus récemment, en 2022, ils ont atteint 45 %, sous l’effet de l’élasticité supra unitaire des prélèvements obligatoires à l’activité (cf. encadré infra).

Au cours des quinze dernières années, les oscillations à la baisse et à la hausse n’ont pas été corrélées à la sensibilité politique de la majorité parlementaire et présidentielle. Ainsi la hausse a-t-elle été d’une ampleur comparable durant les années 2007 à 2012 (+ 1,6 point) et durant les années 2012 et 2017 (+ 1,4 point). Toutefois, une décrue a pu être observée entre 2017 et 2019 (– 1,3 point), avant une remontée jusqu’en 2022 (+ 1 point par rapport à 2019).

évolution du montant des PrÉlÈvements obligatoires depuis 2002

Année

Montant en milliards d’euros

Hausse en milliards d’euros

Hausse
en %

En % du PIB

2002

670,5

 

 

42,5

 

2007

820,3

+ 149,8*

+ 18,3 %*

42,3

 

2012

916,0

+ 95,7**

+ 11,7%**

43,9

2013

949,3

+ 33,3

+ 3,5%

44,8

2014

961,1

+ 11,8

+ 1,2%

44,6

2015

979,6

+ 18,5

+ 1,9%

44,5

2016

994,7

+ 15,1

+ 1,5%

44,6

2017

1 038,1

+ 43,4

+ 4,2%

45,3

2018

1 057,2

+ 19,1

+ 1,8%

44,9

2019

1 069,2

+ 12

+ 1,1%

44,0

2020

1 026,8

– 42,4

– 4,1%

44,3

2021

1 108,5

+ 81,7

+ 7,7%

44,2

2022

1 194,0

+ 85,5

+ 7,2%

45,0

2023

1 218,4

+ 24,4

+ 2,0%

43,2

2024***

1 250,0

+ 31,6

+ 2,5%

42,8

2025***

1 311,0

+ 61

+ 4,7%

43,6

* : par rapport à 2002.

** : par rapport à 2007.

*** Prévisions associées au projet de loi de finances pour 2025.

Source : INSEE, base 2020, et projet de loi de finances pour 2025.

La crise économique et sanitaire de 2020 a donc mis fin à la réduction du taux de prélèvements obligatoires amorcée en 2017. Dans le même temps, le montant absolu des prélèvements obligatoires diminuait pourtant de 42,4 milliards d’euros. Ce phénomène s’explique par un « effet dénominateur » : la contraction du PIB sur l’année 2020 a entraîné, mécaniquement, une remontée du taux de prélèvements obligatoires en diminuant le dénominateur de ce ratio.

Le taux de prélèvements obligatoires est resté proche en 2021 de son niveau en 2020, avant de remonter, au cours de l’année 2022, sous l’effet de l’élasticité supra unitaire des prélèvements obligatoires par rapport à l’activité, pour atteindre 45 %.

Une élasticité très inférieure a conduit à l’inverse en 2023 à une nette baisse du ratio, qui a diminué de 1,8 point, pour atteindre 43,2 points – le montant des recettes de prélèvements obligatoires progressant tout de même sous l’effet de l’accélération de l’inflation.

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un prélèvement obligatoire est égale au rapport entre le taux de son évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un prélèvement obligatoire évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée du prélèvement est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de 0,5, l’évolution spontanée a la même proportion, bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %. Enfin, le rendement d’un prélèvement obligatoire dont l’élasticité est supérieure à l’unité croîtra plus que proportionnellement au PIB.

2.   La structure des prélèvements obligatoires

Le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2024 présentait la répartition des prélèvements obligatoires par sous-secteur d’administrations publiques sur plusieurs années, telle que cette répartition ressortait des prévisions sous-jacentes au projet de loi de finances pour 2024. Retracée pour mémoire dans le tableau ci-après, cette présentation révèle une part prépondérante des administrations de sécurité sociale. Au sein des APUC, l’État est destinataire de la grande majorité des recettes issues des prélèvements obligatoires.

Si le tableau ci-après n’est pas actualisé pour l’année 2024 et ne comporte pas de prévisions pour l’année 2025, en l’absence de ces données dans le RESF annexé au projet de loi de finances pour 2025, il n’en présente pas moins l’ordre de grandeur des parts respectives des différents sous-secteurs d’administrations publiques dans les prélèvements obligatoires.

DÉcomposition des prÉlÈvements obligatoires
par sous-secteur d’administrations publiques entre 2022 et 2024
Selon les hypothèses sous-jacentes au projet de loi de finances pour 2024

En % du PIB, champ courant

 

2022

2023

2024

État

12,9

12,2

12,3

ODAC

0,7

0,7

0,7

APUL

6,6

6,3

6,3

ASSO

24,9

24,7

24,6

Union européenne

0,3

0,3

0,2

Taux de prélèvements obligatoires

45,4

44,0

44,1

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

45,6

44,4

44,4

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

B.   LEs prélèvements obligatoires en 2024 et 2025

L’année 2024 serait marquée par une nouvelle baisse de 0,4 point du taux de prélèvements obligatoires, qui régresserait à 42,8 % du PIB après 43,2 % en 2023, en raison d’une élasticité toujours inférieure à l’unité.

Ce taux connaîtrait en 2025 un mouvement inverse qui ferait plus que compenser cette baisse, et remonterait de 0,8 point. En montant, les prélèvements obligatoires devraient atteindre 1 250 milliards d’euros en 2024, puis 1 311 milliards d’euros en 2025.

Évolution des finances publiques sur la pÉriode 2017-2023

En milliards d’euros (en % du PIB)

Agrégat

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

 

 

 

 

PIB

2 292

2 355

2 432

2 318

2 508

2 655

2 822

2 921

3 005

2,1 %

1,6 %

2,0%

– 7,4 %

6,9 %

2,6 %

0,9 %

1,1 %

1,1 %

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

 

 

 

 

Recettes publiques

1 244

1 273

1 288

1 223

1 326

1 425

1 455

1 499

1 564

54,3 %

54,0 %

53,0 %

52,8 %

52,9 %

53,7 %

51,6 %

51,3 %

52,0 %

 dont prélèvements obligatoires*

1 038

1 057

1 069

1 027

1 108

1 194

1 218

1 250

1 311

45,3 %

44,9 %

44,0 %

44,3 %

44,2 %

45,0 %

43,2 %

42,8 %

43,6 %

 dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

29

37

36

26

23

23

19

20

20

1,3 %

1,6 %

1,5 %

1,1 %

0,9 %

0,9 %

0,7 %

0,7 %

0,7 %

 dont autres recettes**

177

179

183

170

195

208

217

229

233

7,7 %

7,6 %

7,5 %

7,3 %

7,8 %

7,8 %

7,7 %

7,8 %

7,8 %

* : les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales.

** : les « autres recettes » correspondent à des cotisations sociales imputées que l’État se verse à lui-même, à la production de ses branches marchandes et aux ventes résiduelles, à la production pour emploi final propre (c’estàdire les biens et services développés en interne) ou encore aux revenus de la propriété publique.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général.

1.   Une croissance spontanée modérée des prélèvements obligatoires

Après une sensible hausse de 0,8 point en 2022, le taux de prélèvements obligatoires a régressé de 1,8 point en 2023, soit une évolution inverse d’une amplitude supérieure, avant une nouvelle baisse de 0,4 point en 2024. Les prélèvements obligatoires en valeur absolue progresseraient toutefois de 32 milliards d’euros entre 2023 et 2024.

En 2024, le montant des prélèvements obligatoires connaîtrait une croissance spontanée de 2,3 %, sensiblement inférieure à celle du PIB en valeur, qui connaît une progression de 3,5 %. Ce phénomène s’expliquerait notamment par :

– une croissance plus tournée vers les exportations, cette substitution apparente du commerce extérieur à la consommation pesant sur le dynamisme des recettes de taxe sur la valeur ajoutée ;

– une baisse passée des salaires réels venant amoindrir le dynamisme de l’impôt sur le revenu ;

– la poursuite d’une diminution très forte des droits de mutation à titre onéreux (– 22 %) en raison d’une anticipation de baisse des volumes de transactions et d’une baisse des prix ;

– un recul des droits de mutation à titre gratuit après une année 2023 exceptionnelle ;

– une consommation de carburants en retrait affectant les recettes de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE).

En 2025, la croissance spontanée du montant des prélèvements obligatoires serait pratiquement égale à celle de l’activité, puisqu’elle est évaluée à 2,5 % contre 2,9 % pour la croissance du PIB en valeur. Ce serait notamment l’effet de l’évolution des recettes de l’impôt sur les sociétés, grevées par la contraction du bénéfice fiscal 2024, qui pèse sur les acomptes contemporains et le solde 2024 payé en 2025, à quoi s’ajoute la poursuite de la baisse du produit de la TICPE en raison de la baisse de la consommation de produits pétroliers.

2.   L’incidence des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

Selon la présentation du Gouvernement, en 2025, les hausses de recettes représenteraient 19,3 milliards d’euros – y compris les mesures qui devraient être prises par voie d’amendement, pour 1,5 milliard d’euros –, soit environ un tiers de l’effort total de consolidation des comptes publics, estimé, en économies par rapport au tendanciel, à 60 milliards d’euros. Il s’agit principalement d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, dont le produit serait de 8 milliards d’euros, et d’une contribution différentielle temporaire sur les très hauts revenus, dont le produit serait de 2 milliards d’euros.

Compte tenu des écarts entre l’exécution et la prévision constatés en 2023 et de l’écart de la prévision révisée à la prévision initiale en 2024, le rapporteur général accueille avec prudence ces hypothèses.

Principales mesures législatives
sur les prÉlÈvements obligatoires en 2025 (toutes APU)

(en millions d’euros)

Mesures

Rendement

Suppression de niche à l’IR sur les loueurs meublés

180

Transformation de la déduction en faveur des stocks de vaches laitières et allaitantes

- 46

Taxe exceptionnelle due par les entreprises du fret maritime

500

Suspension de la baisse de CVAE - effet IS

- 111

Hausse des accises sur l’énergie (baisse de facture d’électricité d’environ 9 %) - effet retour IS

- 220

Suspension de la baisse de CVAE

1 104

Contribution différentielle temporaire sur les très hauts revenus

2 000

Contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises

8 000

Arrêt du taux réduit de TVA sur les abonnements à l’électricité et au gaz

1 200

Hausse des accises sur l’énergie (baisse de facture d’électricité d’environ 9 %) - effet retour TVA

220

Mise en conformité de la TVA sur les chaudières à gaz

200

Malus automobile

300

TOTAL

13 327

Source : Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025.

II.   UN RALENTISSEMENT DE LA PROGRESSION DES DÉPENSES EN 2025 DANS UN CONTEXTE DE DÉGRADATION DES COMPTES PUBLICS

La dépense de l’ensemble des administrations publiques, hors crédit d’impôt, est estimée à 1 694 milliards d’euros pour 2025, après 1 658 milliards en 2024 ([3]), soit une hausse de 36 milliards d’euros. Alors que l’année 2024 devrait être marquée par une forte progression des dépenses en volume de + 2,1 %, cette dynamique ne serait plus que de + 0,7 % en 2025. En effet, au regard de la dégradation du solde public en 2024, le Gouvernement prévoit un fort ajustement budgétaire de 60 milliards d’euros, qui doit reposer aux deux tiers sur les dépenses, « au service d’une plus grande efficacité et du redressement des comptes publics » ([4]) : le présent développement analyse les mesures d’économies proposées, ainsi que le cadre d’évolution de la dépense publique en 2025.

Il convient de relever d’emblée que le rapporteur général déplore le manque de transparence du Gouvernement vis-à-vis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui a été difficilement en mesure d’évaluer la prévision de dépenses du projet de loi de finances comme la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 lui en confie la mission ([5]). Ainsi, le HCFP, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2025, relève que son appréciation sur le réalisme de la prévision en dépense ne peut être que « partielle » en raison du caractère « très limité » des éléments transmis pour documenter les économies envisagées en dépense ([6]). À l’occasion de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, le président du HCFP a souligné à nouveau que, s’agissant des prévisions en dépenses, les informations qui avaient été communiquées par le Gouvernement étaient « insuffisantes » pour apprécier la capacité à atteindre les « ambitieux objectifs de (…) freinage de la dépense en 2025 ».

A.   Une hausse modÉrÉe des dépenses publiques en volume en 2025 aprÈs une Évolution non maÎtrisÉe en 2024

D’après les hypothèses présentées par le projet de loi de finances pour 2025, la dépense publique croîtrait légèrement, à hauteur de + 0,7 % en volume en 2025 et s’établirait à 1 694 milliards d’euros, soit 56,5 % du PIB. Cette modération de la croissance des dépenses en volume, à un niveau nettement inférieur à la croissance du PIB (+ 1,1 %), traduit les mesures présentées par le Gouvernement qui visent à diminuer les dépenses primaires de l’État dans un contexte d’extinction des dépenses de crise et de relance, à contenir les dépenses des administrations de sécurité sociale alors que l’inflation diminue, ainsi qu’à réduire les ressources des collectivités territoriales afin de les faire participer à l’effort de maîtrise des comptes publics.

Évolution des dépenses des administrations publiques

 

2022

2023

2024

2025 (*)

Dépense publique (Mds €)

1 523

1 591

1 658

1 694 (**)

Croissance en valeur

+ 4,0 %

+ 4,5 %

+ 4,2 %

+ 2,2 %

Croissance en volume (basée sur l’IPC hors tabac)

– 1,3 %

– 1,0 %

+ 2,1 %

+ 0,7 %

Ratio de dépense publique (% PIB)

58,1 %

56,4 %

56,8 %

56,5 %

(*) Pour 2025, le rapport économique, social et financier annexé au PLF pour 2025 indique un ratio de dépense publique de 56,4 % du PIB et une croissance en volume de + 0,4 %, qui prennent en compte les mesures d’économies supplémentaires que le Gouvernement envisage d’introduire par amendements lors de l’examen du PLF.

(**) Montant prenant en compte les 5 milliards d’économies attendues par voie d’amendements lors de l’examen du PLF.

Note : les valeurs sont exprimées hors crédits d’impôt.

Source : article liminaire du projet de loi de finances pour 2025 et programme de stabilité 2024-2027.

1.   2024 : « une année noire pour les finances publiques »

Dès le début de l’année 2024, des mesures de régulation budgétaire ont été mises en œuvre afin de contenir la hausse des dépenses pour le budget de l’État et de ses opérateurs.

À la suite de la révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2024 (1 % au lieu de 1,4 %) et afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la loi de finances pour 2024 (soit un déficit public de 4,4 % du PIB), le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 a procédé à l’annulation de 10 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 10,18 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) sur le budget de l’État. Une fois pris en compte le décret d’annulation, les ouvertures de crédits pour 2024 s’établissaient à 431,4 milliards d’euros ([7]), soit un montant inférieur à celui de 2022 (439,2 milliards d’euros ouverts en loi de finances pour 2022). Si ces annulations conduisent à réduire les crédits ouverts en loi de finances pour 2024, il convient de tenir compte des reports de crédits de 2023 sur 2024, qui viennent au contraire majorer les crédits pouvant être consommés en 2024 ; ces reports de crédits sur 2024 se sont élevés à 23,4 milliards d’euros, en diminution toutefois de 5,5 milliards d’euros par rapport à 2023.

En outre, en 2024, le montant des enveloppes « gelées » ([8]) devrait s’élever à 16,5 milliards d’euros. Lors de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, le ministre chargé du budget et des comptes publics a annoncé qu’une « part substantielle des crédits ayant fait l’objet d’un surgel pour 2024 pourra également être annulée pour réduire au maximum le déficit de l’année 2024 » ([9]) : cette annulation sera partielle en raison de la réalité des besoins de financement en fin d’exercice.

● Toutefois, ces mesures de frein de la dépense d’ordre réglementaire, limitées dans leur ampleur par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), ne sauraient suffire à contenir la hausse des dépenses pour 2024. Alors que le programme de stabilité 2024-2027 remis en avril 2024 prévoyait une évolution en volume de la dépense publique hors crédits d’impôts de + 0,6 % en 2024, le PLF pour 2025 prévoit désormais une croissance de + 2,1 % en volume, d’autant moins compréhensible qu’aucune crise extérieure n’est venue altérer l’activité socio-économique.

Il en résulterait une dégradation de 20,4 milliards d’euros par rapport aux prévisions du programme de stabilité, due pour moitié à la dynamique des dépenses des collectivités territoriales – le Gouvernement évoque même un surcroît de dépenses des collectivités de 16 milliards d’euros en 2024, hypothèse que le rapporteur général estime irréaliste et infondée –, en fonctionnement comme en investissement, et pour moitié aux dépenses de l’État, notamment en raison d’une hausse de la charge de la dette à hauteur de 7,4 milliards d’euros.

2.   2025 : une moindre augmentation des dépenses alors que la loi de programmation constitue déjà une référence obsolète

En 2025, les dépenses publiques hors crédits d’impôt atteindraient 1 694 milliards d’euros, soit une hausse de 36 milliards d’euros par rapport à 2024. La tendance d’augmentation fléchirait fortement par rapport à 2024, avec une hausse de 2,1 % en valeur et de 0,4 % en volume.

Hors dépenses exceptionnelles et charge de la dette, la hausse des dépenses en volume serait de 0,2 % et ramenée à un niveau inférieur à 2023. Le poids des dépenses publiques diminuerait alors pour atteindre 56,5 points de PIB, ce qui resterait néanmoins supérieur de 1,2 point au niveau de 2019.

L’écart cumulé depuis 2022 de l’évolution des dépenses en volume entre le PLF et la LPFP 2023-2027 est élevé : il atteint 1,9 % en 2024 et 1,5 % en 2025 ([10]). Le HCFP relève que la LPFP 2023-2027 « constitue déjà une référence dépassée, du fait de la forte dégradation de la situation des finances publiques en 2023 et 2024 » et considère que la trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT), que la France doit transmettre à la Commission européenne à la fin du mois d’octobre 2024, est désormais plus pertinente pour apprécier la situation des finances publiques.

B.   des mesures de rÉduction des dÉpenses publiques en trompe-l’Œil

Le Gouvernement avance des mesures de réduction des dépenses publiques à hauteur de 41,3 milliards d’euros, qui représenteraient les deux tiers des économies envisagées pour 2025. Ces propositions d’économies, récapitulées dans le tableau ci-dessous, appellent plusieurs commentaires de la part du rapporteur général.

prÉsentation par le gouvernement des moindres dÉpenses des administrations publiques par rapport au tendanciel en 2025

(en milliards d’euros)

ÉTAT

SÉCURITÉ SOCIALE

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

TOTAL

21,5

14,8

5

41,3

Moindres dépenses par rapport au tendanciel

Politiques de l’emploi, dans un contexte de baisse du chômage (aides à l’apprentissage, France Compétences, contrats aidés, emplois francs)

2,1

Moindres dépenses sociales

Report au 1er juillet de l’indexation des retraites

3,6

Fonds de réserve

3

 

Aide publique au développement

1,3

Assurance-chômage

0,4

Écrêtement de la dynamique de TVA

1,2

Aides aux entreprises (lissage des engagements et des paiements France 2030, rationalisations de dispositifs)

2,4

Freinage de la trajectoire de l’ONDAM

3,8

Réduction du FCTVA

0,8

Recalibrage des aides écologiques

1,9

dont maîtrise des produits de santé et des volumes

1,4

TOTAL

5

dont primes à l’achat de véhicules électriques

0,5

dont ticket modérateur

1,1

 

dont MaPrimeRénov’

1,0

dont optimisations des achats à l’hôpital

0,7

dont Fonds vert

0,4

dont baisse du plafond des indemnités journalières

0,6

Application du « dispositif ressources mensuelles » à la prime d’activité

0,8

Hausse de 4 points du taux de cotisation retraites pour les collectivités et les hôpitaux au bénéfice de la CNRACL

2,3

TOTAL

10,1

Effet du schéma d’emplois (– 2 200 ETP)

0,1

Réduction de dispositifs au bénéfice des entreprises

Réforme des allègements généraux

4,0

Réduction de dispositifs créés pour la relance et en réponse aux crises

0,3

Réduction de niches sociales

0,7

Autres efforts d’optimisation, de gains de productivité et de lissage des dépenses

6,1

TOTAL

4,7

TOTAL

15

 

Mesures d’économies complémentaires sur la dépense de l’État (par amendement)

5

Mesures complémentaires de modération des dépenses des opérateurs

1,5

Source : rapport économique, social et financier annexé au PLF pour 2025.

1.   La présentation des réductions de dépenses par rapport à une évolution tendancielle et la classification de certaines mesures comme des économies sont des choix discutables

En premier lieu, le Gouvernement se fonde sur un raisonnement tendanciel pour évaluer le montant de ses mesures d’économies. Dès lors, sur le seul champ des dépenses de l’État, 15 milliards d’euros seraient économisés par la stabilisation en valeur des crédits par rapport au budget voté pour 2024.

Le Gouvernement estime que l’effort de consolidation budgétaire de 60 milliards, se décomposant en 41,3 milliards de réductions de dépenses et 19,3 milliards de hausses des prélèvements obligatoires, représente des économies en dépenses par rapport à une évolution tendancielle de hausse de 2,8 % en volume : comme le relevait le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) lors de son audition devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, cette trajectoire de référence « paraît nettement supérieure à la croissance potentielle et à la croissance effective » ([11]). Le rapporteur général estime contestable de présenter un scénario d’économies par rapport à une trajectoire tendancielle qui suppose la poursuite de l’évolution des exercices 2023 et 2024, évolution jugée « catastrophique » par le président du HCFP.

Afin d’apprécier la trajectoire de dépenses publiques en 2025, le HCFP adopte une méthodologie différente de celle du Gouvernement dans son avis sur le PLF et le PLFSS pour 2025. Ainsi, il choisit de calculer le montant des mesures proposées selon une approche structurelle. Selon cette logique, les économies réalisées seraient de 42 milliards d’euros, dont 12 milliards d’euros de réduction des dépenses soit 0,4 point de PIB : l’effort reposerait donc à seulement 30 % sur les dépenses, et non aux deux tiers comme dans le raisonnement tendanciel du Gouvernement. Ces résultats sont similaires à ceux publiés par l’OFCE dans une note d’octobre 2024 ([12]), qui estime que l’effort en dépenses primaires inscrit dans le PLF 2025 permettrait de diminuer le déficit structurel de 0,4 point de PIB, soit 12 milliards d’euros.

Enfin, le classement de certaines mesures en réductions de dépenses est critiquable : à titre d’illustration, la réforme des allègements généraux de cotisations sociales par l’article 6 du PLFSS pour 2025, affichée comme une réduction de dépenses nettes de 4 milliards d’euros ([13]), ainsi que la réduction de niches sociales pour 0,7 milliard d’euros, doivent en réalité être considérée comme une hausse des recettes pour les organismes de sécurité sociale. La hausse des cotisations employeur au titre de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) est classée de manière discutable dans les « moindres dépenses sociales », alors que cette augmentation constitue une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers. Le Gouvernement prévoit par ailleurs deux hausses de même ampleur au bénéfice de la CNRACL en 2026 et 2027, pour un coût de 5 milliards d’euros supplémentaires par an à partir de 2027 pour les collectivités territoriales. En outre, le prélèvement instauré sur les recettes des collectivités territoriales les plus importantes au bénéfice du fonds de réserve créé par l’article 64 du présent projet de loi de finances verrait son produit réparti entre collectivités territoriales : il est donc critiquable de classer ce dispositif comme une économie (cf. supra). Ainsi, même en se référant à un scénario tendanciel, la répartition des économies proposées par le Gouvernement se rapproche davantage d’une répartition équitable entre les prélèvements obligatoires et les dépenses.

2.   Des mesures d’économies complémentaires incertaines

Parmi les réductions de dépenses présentées, le Gouvernement envisage 5 milliards d’économies supplémentaires par la voie d’amendements déposés lors de l’examen du PLF pour 2025. Le dossier de presse du PLF pour 2025 précise que « ces économies seront réparties entre l’ensemble des ministères, tout en veillant à préserver les secteurs concernés par des lois de programmation ([14]). » Le rapport économique, social et financier annexé au PLF pour 2025 indique que cette mesure « sera équivalente à l’annulation de l’ordre de la moitié des crédits qui constituent habituellement la mise en réserve de début de gestion » et qu’elle « sera associée à une réduction du taux de mise en réserve en début de gestion ».

Dans son avis n° 2024-3 relatif aux PLF et PLFSS pour l’année 2025, le HCFP relève un « écart inédit entre la prévision de finances publiques présentée au Haut Conseil, qui conduit à une prévision de déficit de 5,0 points de PIB en 2025, et celle présentée dans l’article liminaire du projet de loi, qui affiche un déficit de 5,2 points de PIB, qui ne tient pas compte de ces mesures ». Si les circonstances particulières d’élaboration du budget pour 2025 peuvent expliquer le choix de recourir à des amendements visant à réduire les crédits de certaines missions budgétaires, le rapporteur général s’étonne néanmoins du manque de précision sur les modalités de ces économies au regard de leur ampleur, ainsi que du choix optimiste du Gouvernement d’intégrer leur adoption dans la prévision de déficit soumise au HCFP.

En outre, il observe que le Gouvernement attend dans son plan d’économies 6,1 milliards d’euros grâce à des mesures « d’optimisation, de gains de productivité et de lissage des dépenses ». Ce chiffrage, dont le calcul n’est pas précisé, recouvre une catégorie floue et hétéroclite d’efforts « de réorganisation et de modernisation des administrations, notamment le regroupement de structures ayant des activités proches, une simplification du fonctionnement de l’État et des normes » selon le dossier de presse du PLF pour 2025. Au regard du caractère diffus de ces éléments, le rapporteur général s’interroge sur la consistance des économies alléguées.

C.   Une évolution de la dépense différenciée selon les sous‑secteurs d’administration publique

L’évolution de la dépense publique suit une dynamique différenciée selon les secteurs d’administration publique, qui dépend notamment des sollicitations particulières auxquelles ceux-ci ont fait face depuis plusieurs années, dans le cadre de la crise sanitaire, des politiques de relance, puis des mesures de soutien face à l’inflation. Les administrations de sécurité sociale constitueraient toujours, en 2025, le premier secteur en termes de dépense publique, avec 45,7 % de la dépense totale, contre 34,5 % pour les administrations publiques centrales et 19,7 % pour le secteur local.

Évolution de la dÉpense publique en valeur entre 2024 et 2025

(en milliards d’euros)

 

Dépense totale

Dépense primaire (*)

2024

2025

2024

2025

Administrations publiques centrales (État et opérateurs)

573,7

585,2

526,6

530,2

Administrations publiques locales

327,9

334,5

320,1

325,7

Administrations de sécurité sociale

756,2

774,1

751,0

768,7

TOTAL

1 657,8

1 693,8

1 597,7

1 624,6

(*) La dépense primaire correspond à la dépense hors charge d’intérêt.

Les évolutions sont représentées à champ constant, hors transferts entre administrations publiques.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

À périmètre constant, l’évolution de la dépense publique en valeur de l’ensemble des APU, hors crédits d’impôt, s’établirait à + 2,2 % en 2025 par rapport aux dépenses autorisées et prévues initialement pour 2024, après une hausse de 4,2 % entre 2023 et 2024.

La trajectoire d’évolution de la dépense publique primaire en volume par sous-secteur d’administration publique est exposée dans le tableau ci-dessous. Elle illustre, comme en 2024, la concentration de l’effort en dépense sur les administrations publiques centrales en 2025.

Évolution de la dÉpense publique primaire en volume (*)

 (en % d’évolution)

 

2023

2024

2025

Cumul 2024-2025

Administrations publiques centrales (État et opérateurs)

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 2,7

Administrations publiques locales

+ 1,0

+ 4,7

0,0

+ 4,7

Administrations de sécurité sociale

– 0,3

+ 3,1

+ 0,6

+ 3,7

TOTAL

– 1,0

+ 1,8

– 0,1

+ 1,7

(*) Hors transferts et hors crédits d’impôts.

Source : dossier de presse du PLF pour 2025.

1.   Pour l’État, des mesures d’économies importantes par rapport à l’évolution tendancielle des dépenses

En ce qui concerne les administrations publiques centrales, l’article 10 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 propose une nouvelle définition du champ des dépenses de l’État ([15]). La nouvelle norme, dite « périmètre des dépenses de l’État » (PDE), donne une vision d’ensemble des dépenses engagées par l’État. Ainsi, cette norme regroupe :

– les crédits du budget général, à l’exception de ceux relatifs à la charge de la dette, à l’amortissement de la dette liée à la covid-19 et aux remboursements et dégrèvements ([16]) ;

– les crédits des budgets annexes ;

– les taxes affectées plafonnées ;

– les dépenses des comptes d’affectation spéciale, à l’exception de celles liées au désendettement, aux participations financières de l’État et aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre ;

– les dépenses du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public ;

– ainsi que les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne.

Les dépenses incluses dans le PDE s’établiraient à 493 milliards d’euros en 2024 et à 490 milliards d’euros en 2025 – ou 485 milliards d’euros après prise en compte des cinq milliards d’euros d’économies attendues par voie d’amendements. Entre la loi de finances initiale pour 2024 et le PLF pour 2025, les dépenses de l’État au sens de ce nouveau périmètre diminueraient donc de 3 milliards d’euros (soit – 0,6 % en valeur) – ou bien de 8 milliards d’euros en prenant en compte les économies attendues par voie d’amendements.

Évolution du périmètre des dépenses de l’État

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général.

Pour l’État, les économies en dépenses seraient de 20,3 milliards d’euros, soit 0,7 point de PIB, par rapport à l’évolution tendancielle. Les crédits des missions régaliennes encadrés par une loi de programmation, comme les missions Défense, Sécurités et Justice, confirmeraient leur progression, tandis que 22 missions verraient leurs crédits diminuer, notamment les missions Aide publique au développement, Économie et Travail, emploi et administration des ministères sociaux. Parmi les réductions les plus significatives, on peut relever la mise à contribution à hauteur de 4,5 milliards des aides aux entreprises et à la politique de l’emploi, notamment via la diminution du soutien à l’apprentissage. Enfin, 1,9 milliard d’euros sont attendus de la baisse des crédits alloués à diverses aides écologiques et 800 millions d’euros d’économies seraient générés par une réforme des modalités de la prime d’activité, présentée comme « l’application du « dispositif ressources mensuelles » à la prime d’activité », qui vise à diminuer les indus grâce au pré-remplissage des ressources des allocataires.

 

Crédits de paiement ouverts au titre des missions du budget général
en LFI pour 2024, crédits disponibles au total en 2024 et ouvertures proposées pour 2025, hors contributions au CAS Pensions

(en milliards d’euros)

 

LFI 2024

Report de 2023 vers 2024 (fonds de concours compris)

Total disponible pour 2024

Ouvertures proposées pour 2025

Variation par rapport à la LFI 2024

Variation par rapport au total disponible pour 2024

Action extérieure de l’État

3,5

0,0

3,5

3,3

 4 %

 5 %

Administration générale et territoriale de l’État

3,8

0,1

4,0

4,1

+ 7 %

+ 4 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

4,5

0,3

4,8

4,2

 6 %

 12 %

Aide publique au développement

6,5

0,0

6,5

5,2

 21 %

 21 %

Audiovisuel public

4,0

 

4,0

4,0

0 %

0 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

1,9

0,0

1,9

1,9

 1 %

 1 %

Cohésion des territoires

23,5

0,2

23,7

23,8

+ 1 %

0 %

Conseil et contrôle de l’État

0,7

0,0

0,7

0,7

+ 1 %

0 %

Crédits non répartis

0,5

0,5

0,2

 62 %

 62 %

Culture

3,7

0,0

3,7

3,7

0 %

0 %

Défense

47,2

1,6

48,8

50,5

+ 7 %

+ 4 %

Direction de l’action du Gouvernement

1,0

0,0

1,1

1,0

 1 %

 3 %

Écologie, développement et mobilité durables

Dont hors programme 345 Service public de l’énergie

Dont programme 345 Service public de l’énergie

16,8

1,0

17,8

19,5

+ 16 %

+ 10 %

14,7

0,2

14,9

12,9

 12 %

 14 %

2,1

0,8

2,9

6,7

+ 220 %

+ 129 %

Économie

4,1

3,1

7,2

3,7

 10 %

 49 %

Engagements financiers de l’État

dont charge de la dette de l’État et de SNCF Réseau (intérêts)

dont amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 (capital)

60,8

0,0

60,8

61,3

+ 1 %

+ 1 %

52,2

52,2

54,9

+ 5 %

+ 5 %

6,5

6,5

5,2

 20 %

 20 %

Enseignement scolaire

64,4

0,1

64,5

64,5

0 %

0 %

Gestion des finances publiques

8,3

0,1

8,4

8,2

 1 %

 2 %

Immigration, asile et intégration

2,2

0,1

2,3

2,0

 5 %

 10 %

Investir pour la France de 2030

7,7

0,0

7,7

5,8

 25 %

 25 %

Justice

10,1

0,1

10,2

10,2

+ 1 %

0 %

Médias, livre et industries culturelles

0,7

0,0

0,7

0,7

 2 %

 3 %

Outre-mer

2,7

0,1

2,9

2,5

 9 %

 13 %

Plan de relance

1,4

5,7

7,1

0,2

 88 %

 98 %

Pouvoirs publics

1,1

1,1

1,2

+ 2 %

+ 2 %

Recherche et enseignement supérieur

dont hors loi de programmation pour la recherche (dont aides aux entreprises)

dont loi de programmation pour la recherche

31,4

0,1

31,5

31,1

 1 %

 1 %

17,0

17,0

16,4

 4 %

 4 %

14,5

14,5

14,7

+ 2 %

+ 2 %

Régimes sociaux et de retraite

6,2

6,2

6,0

 4 %

 4 %

Relations avec les collectivités territoriales

Dont hors dispositifs exceptionnels

Dont dispositifs exceptionnels

4,0

0,2

4,2

4,1

+ 2 %

 3 %

0,1

0,1

0,1

 7 %

 7 %

3,8

3,8

3,9

+ 3 %

+ 3 %

Santé

dont programme 379 Reversement des recettes de la facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR)

dont autres programmes

2,7

0,0

2,8

1,6

 40 %

 41 %

1,2

0,0

1,3

0,1

 92 %

 93 %

1,5

1,5

1,5

+ 4 %

+ 4 %

Sécurités

16,7

0,1

16,8

17,3

+ 4 %

+ 3 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

29,8

0,1

29,9

30,4

+ 2 %

+ 2 %

Sport, jeunesse et vie associative

Dont hors programme 350 Investissements pour les jeux olympiques et paralympiques

Dont programme 350 Investissements pour les jeux olympiques et paralympiques

1,8

0,1

1,9

1,5

 13 %

 19 %

0,1

0,1

0,3

 

1,6

0,0

1,6

Transformation et fonction publiques

1,1

0,1

1,1

0,8

 26 %

 29 %

Travail, emploi et administration des ministères sociaux

23,7

0,1

23,8

21,4

 10 %

 10 %

Total des crédits budgétaires, hors charge de la dette de l’État et amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19

340,1

13,5

353,6

336,7

 1,0 %

 5 %

Total des crédits budgétaires avec la charge de la dette

398,8

13,5

412,3

396,8

 0,5 %

  4 %

Notes : arrondis à la décimale supérieure, soit à la centaine de millions d’euros. Pour les missions dont les reports de 2023 vers 2024 s’élèvent à un montant inférieur à 50 millions d’euros, affiché comme nul dans le tableau, ces arrondis expliquent les différences de taux d’évolution selon que l’on rapporte les montants prévus par le PLF 2025 à ceux de la LFI 2024 ou au total disponible pour 2024.

Afin de comprendre la communication du Gouvernement sur l’évolution des crédits du budget général, les crédits inscrits pour la LFI 2024 sont présentés au format du PLF pour 2025, ce qui peut inclure des mesures de périmètre détaillées dans la fiche 3 du présent rapport : à titre d’exemple, le dispositif MaPrimeRénov’, transféré par le PLF pour 2025 de la mission Écologie, développement et mobilité durables vers la mission Cohésion des territoires, n’est pas retracé par ce tableau dans les crédits de la mission Écologie au titre de la LFI pour 2024.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

 En 2025, les dépenses exceptionnelles mises en œuvre face à la hausse des prix  en particulier ceux de l’énergie – reculeraient fortement par rapport aux années précédentes. Les dépenses directement liées à la crise sanitaire et à la relance auraient pour leur part un caractère encore plus résiduel qu’en 2024. Ainsi, la décrue des dépenses de soutien face à la hausse des coûts de l’énergie (– 4,6 milliards d’euros en comptabilité nationale), retracée dans le tableau cidessous, ainsi que des dépenses de relance (– 6,9 milliards d’euros), participerait à la diminution des dépenses totales des administrations publiques centrales.

Évolution du Coût des mesures de soutien
pour faire face à l’inflation, notamment énergétique
(en comptabilité nationale)

(en milliards d’euros)

 

2021

2022

2023

2024

2025

Bouclier gaz – compensation aux fournisseurs de gaz

0,4

4,5

2,0

0,5

Bouclier électricité – manque à gagner des fournisseurs d’électricité

10,4

15,1

2,8

0,5

Sous-total boucliers tarifaires (mesures en dépense)

0,4

14,9

17,1

3,3

0,5

Bouclier électricité – baisse de la TICFE (et de l’ex‑TCCFE avant 2023)

6,2

8,8

4,0

Total boucliers tarifaires

0,4

21,1

25,9

7,3

0,5

Amortisseur électricité et garantie TPE (suramortisseur)

1,9

0,4

Guichet d’aide au paiement des factures d’électricité pour les entreprises

0,6

1,7

0,1

Remise sur les prix du carburant

7,7

Barème kilométrique

0,4

0,6

0,5

0,4

Indemnité inflation

3,8

––

Aide exceptionnelle de rentrée

1,1

Revalorisation anticipée des retraites et des prestations

6,7

1,6

0,1

Aides sectorielles

0,9

0,1

Chèques de soutien aux ménages modestes

0,5

1,2

1,1

Total mesures hors boucliers

4,3

18,6

7

1,1

0,4

Moindres charges de service public de l’énergie (CSPE) (*)

– 1,9

– 9,0

– 7,9

– 2,2

0,7

Contribution sur la rente infra-marginale de la production d’électricité (CRI)

– 0,4

– 0,3

– 0,1

 

Contribution exceptionnelle de solidarité (CES)

– 0,1

 

Hausse des redevances hydroélectriques

– 0,1

– 0,2

– 0,4

– 0,7

– 0,8

Total net des moindres CSPE, des recettes de redevances hydroélectriques, des recettes de CES et de la CRI

2,7

30,0

24,3

5,4

0,8

(*) L’économie indiquée est en écart entre le niveau de CSPE constaté ou anticipé et celui prévu par la Commission de régulation de l’énergie en juillet 2023, avant la mise en place des boucliers tarifaires.

Source : commission des finances d’après le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2025.

2.   Une mise à contribution injustifiée des collectivités territoriales au redressement des comptes publics

● Après une augmentation en volume de 4,7 %, les dépenses publiques primaires des administrations publiques locales (APUL) devraient avoir une croissance nulle en 2025. En valeur, le Gouvernement prévoit une croissance importante de leurs dépenses d’investissement (+ 6,9 %) mais un ralentissement clair de leurs dépenses de fonctionnement (+ 0,9 % après + 4,6 % en 2024).

En effet, le Gouvernement prévoit d’associer les collectivités territoriales à l’effort de maîtrise des comptes publics par une série de mesures qui doivent permettre, selon le rapport économique, social et financier annexé au PLF pour 2025, « une plus grande résilience des finances publiques des collectivités territoriales, dans une logique d’auto-assurance pluriannuelle ». Les mesures d’économies ciblant les collectivités territoriales sont significatives :

– 1,2 milliard d’euros avec le gel de la dynamique de la TVA : toutefois, le tome I de l’Évaluation des voies et moyens annexée au PLF pour 2025 prévoit une hausse de 2,9 % du produit net de TVA totale : dès lors, le gel de la dynamique des fractions de TVA transférées aux collectivités territoriales devrait plutôt représenter une économie de 1,5 milliard d’euros ;

– 0,8 milliard avec la réduction du taux du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) ;

– 3 milliards avec la création d’un « fonds de réserve », proposée par l’article 64 du PLF pour 2025, qui serait abondé à hauteur de 2 % des recettes réelles de fonctionnement en 2024 des collectivités territoriales dont les dépenses réelles de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d’euros en 2023, et dont le produit serait réparti par le comité des finances locales entre les fonds de péréquation horizontale prévus aux articles L. 2336-1, L. 3335-2 et L. 4332-9 du code général des collectivités territoriales ([17]) ;

– 1,3 milliard d’euros de hausse des cotisations employeur au titre de la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

En intégrant cette dernière mesure, le total obtenu à la charge des collectivités territoriales serait de 6,3 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent la baisse des dotations du « fonds vert » de 1,5 milliard d’euros en AE, soit un montant supérieur aux 5 milliards d’euros présentés dans le RESF et le dossier de presse du PLF pour 2025. À la lumière de ces dispositifs, le HCFP juge dans son avis sur le PLF pour 2025 que l’hypothèse de baisse en volume des dépenses de fonctionnement des APUL (– 0,9 %) par rapport à 2024 est « particulièrement fragile ». Cette hypothèse est d’autant plus optimiste que le Gouvernement prévoyait à l’été 2024 une hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales de 11 milliards d’euros par rapport à la trajectoire présentée par le programme de stabilité 2024-2027 d’avril 2024.

Évolution des dÉpenses des collectivitÉs territoriales en 2024

 

Montants en comptabilité nationale

année 2023 (Mds €)

Trajectoire

PSTAB

2024

Évolution 2024/2023 (*)

Écart à la trajectoire

PSTAB

Écart à la trajectoire PSTAB

(en Md€)

Dépenses de fonctionnement

216

1,8 %

7,0 %

5,2 %

11

Dépenses d'investissement

71

7,8 %

14,9 %

7,1 %

5

Dépenses totales

287

3,3 %

8,7 %

5,4 %

16

(*) Hypothèse : taux de croissance annuel en ligne avec données à fin juillet 2024.

Source : Gouvernement.

Le rapporteur général estime que ces charges nouvelles imposées aux collectivités territoriales, dans un contexte de limitation de la croissance de leurs dépenses, risquent de fragiliser encore davantage leur situation financière. Surtout, il observe que les modalités du « fonds de réserve », aussi appelé « mécanisme de résilience » dans la communication du Gouvernement, s’apparentent davantage à une sanction collective qui ne tient pas compte des efforts individuels de certaines collectivités territoriales. Ainsi, les mesures proposées pour faire participer les collectivités territoriales à la maîtrise des comptes publics apparaissent injustifiées à la fois par leur ampleur et par leur caractère peu respectueux du principe de libre administration des collectivités territoriales.

3.   Une progression limitée des dépenses des administrations de sécurité sociale

Les dépenses des administrations de sécurité sociale connaîtraient une croissance de + 0,6 % en volume, contre + 3,1 % en 2024. L’augmentation de l’ONDAM ([18]) serait contenue à 2,8 % par rapport à 2024 alors que son évolution tendancielle est évaluée à 4,8 %. Cette hausse est portée par le dynamisme des soins de ville à hauteur de + 1,7 milliard d’euros, en raison notamment de la nouvelle convention médicale du 4 juin 2024 fixant à 30 euros à partir du 1er décembre 2024 le tarif de consultation médicale ([19]), ainsi que de la hausse de 4 % des taux de cotisation CNRACL des employeurs de la fonction publique hospitalière pour un coût d’environ 1 milliard d’euros ([20]).

Après 3,3 % d’augmentation en 2024 par rapport à 2023 – le montant de l’ONDAM étant ainsi estimé pour 2024 à 256,1 milliards d’euros ([21]) –, la contrainte sur l’évolution des dépenses de l’ONDAM en 2025 représenterait 4,9 milliards d’euros d’économie : cette prévision paraît « très optimiste » au HCFP. Afin de contenir la progression de l’ONDAM, le Gouvernement avance la baisse de prix des produits de santé, des hausses de tickets modérateurs, la baisse du plafond des indemnités journalières, ainsi qu’un effort en matière d’efficience des dépenses à l’hôpital. Hors du champ de l’ONDAM, le report au 1er juillet 2025 de l’indexation des pensions de retraite doit générer 3,6 milliards d’euros d’économies.

Le rapporteur général observe que la contrainte sur le plafond de l’ONDAM pour 2025 est particulièrement forte dans un contexte de déficit croissant et de sous-activité récurrente des établissements publics de santé par rapport aux prévisions, comme le souligne le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie ([22]). La situation financière des hôpitaux publics, notamment, s’avère dégradée, avec un déficit atteignant un montant compris entre 1,7 et 1,9 milliard d’euros en 2023, après un déficit d’un milliard d’euros en 2022 selon les travaux de la Cour des comptes ([23]).

D.   Une trop lente décrue du ratio de dépense publique par rapport au PIB

Depuis 1975 et avant la crise sanitaire de 2020, il n’y avait eu que trois périodes de plus de deux années successives de baisse de la part de la dépense publique dans la richesse nationale – ou ratio de dépense publique. Par ailleurs, jamais ce ratio n’avait atteint un niveau aussi élevé que celui de 2020 (61,7 %).

Le ratio de dépense publique a fortement progressé à la suite de la crise économique et financière en 2008-2009. Il avait atteint un maximum en 2013 à 58,6 %. Cette part a été réduite six années durant à compter de 2014, à hauteur de 3,3 points : ainsi, en 2019, la dépense publique représentait 55,3 % de la richesse nationale produite en une année.

La crise sanitaire liée à la covid-19 a interrompu cette dynamique baissière. En 2020, le ratio de dépense publique a atteint 61,7 %, en hausse de 6,4 points par rapport à 2019. Le rattrapage de l’activité à partir de 2021, dans un contexte de décrue des dépenses de soutien et de relance, puis l’inflation élevée en 2022 et en 2023, ont permis, malgré la mise en place de mesures de soutien face à la hausse des prix, de faire reculer ce ratio à un rythme soutenu (plus de 1,5 point par an en moyenne). Toutefois, la hausse imprévue des dépenses publiques en 2024 a entraîné une nouvelle stagnation de la réduction du ratio de la dette publique par rapport au PIB.

Évolution de la part de la dÉpense publique
hors crédits d’impôt dans le PIB depuis 1975

(en % du PIB)

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE, base 2020, et le PLF pour 2025.

Le ratio de dépense publique diminuerait très légèrement en 2025, le rythme de hausse en volume des dépenses des administrations publiques demeurant inférieur à celui de la croissance. Il s’établirait à 56,5 % en 2025, en baisse de 0,3 point par rapport à 2024, mais supérieur de 9 points à la moyenne de la zone euro.

E.   La dépense publique en milliards d’euros courants

D’après les données fournies au rapporteur général par le Gouvernement, la dépense publique hors crédits d’impôt augmenterait de 36 milliards d’euros en 2025, après une hausse de 67 milliards d’euros en 2024. Le rapporteur général souligne l’ampleur de la correction de la hausse des dépenses pour 2024, prévue à hauteur de 48 milliards d’euros par la loi de finances initiale.

Le tableau ci-dessous présente l’évolution de la dépense publique en milliards d’euros courants. S’il s’agit d’une présentation lisible de l’évolution de cet agrégat, elle n’est pas la plus pertinente. En effet, le montant en euros courants de la dépense publique est extrêmement sensible aux hypothèses macroéconomiques et, en particulier, aux hypothèses d’inflation et de croissance. Cette analyse est donc complémentaire de celle de l’évolution en volume de la dépense publique ainsi que de celle de sa part rapportée au PIB.

 

Évolution annuelle de la dÉpense publiqUE

(en milliards d’euros)

Année

Dépense publique,

y compris crédits d’impôt (*)

Augmentation

annuelle

Dépense publique,

hors crédits d’impôt (*)

Augmentation

Annuelle

2007

1 039

+ 47

1 025

+ 41

2008

1 080

+ 41

1 064

+ 39

2009

1 123

+ 43

1 105

+ 41

2010

1 152

+ 29

1 134

 + 29

2011

1 176

+ 24

1 159

+ 25

2012

1 209

+ 33

1 192

+ 33

2013

1 242

+ 33

1 214

+ 22

2014

1 258

+ 16

1 224

+ 10

2015

1 268

+ 10

 1 233

+ 9

2016

1 281

+ 13

1 247

+ 14

2017

1 321

+ 40

1 282

+ 35

2018

1 328

+ 7

1 290

+ 8

2019

1 346

+ 18

1 328

+ 38

2020

1 430

+ 84

1 414

+ 86

2021

1 491

+ 61

1 474

+ 60

2022

1 551

+ 60

1 533

+ 59

2023

1 610

+ 59

1 591

+ 58

2024 (p)

1 678

+ 68

1 658

+ 67

2025 (p)

1 715

+ 37

1 694

+ 36

(*) Arrondis à la décimale supérieure, ce qui explique un écart possible avec l’augmentation annuelle.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

Cette chronique de l’évolution de la dépense publique met en évidence l’incapacité à freiner la hausse des dépenses en sortie de choc conjoncturel, en particulier depuis la crise sanitaire de 2020 : la difficulté à mettre fin au « quoi qu’il en coûte » est perceptible en 2024, où les dépenses ont continué de progresser malgré la diminution de 18,9 milliards d’euros des mesures de soutien face à l’inflation par rapport à 2023. En cumul depuis 2022, malgré le recul des dépenses exceptionnelles (crise sanitaire, inflation, relance, France 2030), la progression des dépenses en valeur atteindrait 10,5 % en 2025 dans un contexte de forte inflation sur la période (4,9 % en 2023). Entre 2016 et 2025, la hausse de la dépense publique intégrant les crédits d’impôt atteindrait 434 milliards d’euros, soit + 34 %.

III.   l’impérieuse nécessité du redressement d’un solde public très dégradé

L’article liminaire du projet de loi de finances comprend un tableau de synthèse mentionnant les objectifs de déficit public et de déficit structurel pour 2025.

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2023 À 2025

(en points de PIB)

Soldes

Exécution

2023

Prévision

2024

Prévision

2025

Solde structurel (1)

– 5,1

– 5,7

– 4,8

Solde conjoncturel (2)

– 0,3

– 0,4

– 0,4

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 5,5

 6,1

 5,2

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5 = 4 – 3)

 5,4

 6

 5,1

NB : les chiffres étant arrondis au dixième, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : article liminaire du projet de loi de finances pour 2025.

Article 1er E de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2021
relative aux lois de finances

« La loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives, les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale et les lois de finances de fin de gestion comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent et en rappelant les prévisions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur pour l’année en question :

1° L’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre, et des prévisions de solde par sous-secteur ;

2° L’état de la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et de la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques ;

3° L’état des prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations publiques, exprimées en pourcentage du produit intérieur brut.

Le tableau de synthèse de la loi de finances de l’année indique également les agrégats mentionnés aux 1°, 2° et 3°, résultant de la dernière année écoulée et des prévisions d’exécution de l’année en cours.

L’article liminaire présente également, pour l’année en question, l’état des prévisions portant sur les principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A et du 2° de l’article 1er E.

Il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances de l’année, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. »

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et donc de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des administrations publiques locales (APUL), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des divers organismes d’administration centrale (ODAC).

Cette mesure est également la référence à partir de laquelle la France évalue le respect de ses engagements européens.

La comptabilité nationale

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et s’inscrit dans un champ d’analyse macroéconomique. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) qui joue un rôle essentiel dans le cadre de l’encadrement des finances publiques au niveau européen. Ce sont ainsi les résultats de la comptabilité nationale qui permettent de savoir si la France respecte au non la règle selon laquelle le déficit ne peut en principe excéder 3 % du PIB prévu par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

A.   L’Évolution du dÉficit public sur longue pÉriode

Le dernier excédent public constaté date de 1974. Alors que les effets du premier choc pétrolier commençaient à se faire sentir, les comptes publics affichaient un solde légèrement positif de 0,1 % du PIB. Depuis 1975, les comptes publics de la France sont en déficit, dans des proportions toutefois très variables.

Le dÉficit public depuis 1974

(en points de PIB)

(en grisé, les déficits supérieurs à 3 points de PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,9

– 2,6

– 2,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,5

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,5

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,7

– 2,4

– 1,5

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,1

– 3,6

– 3,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 3,0

– 3,5

– 7,4

– 7,2

– 5,3

– 5,2

– 4,9

– 4,6

– 3,9

– 3,8

– 3,4

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024*

2025*

Solde

– 2,3

– 2,4

– 8,9

– 6,6

– 4,7

– 5,5

– 6,1

– 5,2

* prévisions du projet de loi de finances pour 2025.

Source : INSEE, base 2020.

Avant 2020, le point le plus bas de solde effectif avait été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit de 7,4 points de PIB. En 2020, le déficit a été encore plus élevé, atteignant 8,9 points de PIB.

L’évolution des principales données relatives aux finances publiques est retracée dans le tableau ci-dessous.

Évolution des finances publiques depuis 2017

En milliards d’euros (en % du PIB)

Agrégat

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

 

 

 

 

PIB

2 292

2 355

2 432

2 318

2 508

2 655

2 822

2 921

3 005

2,1 %

1,6 %

2,0%

– 7,4 %

6,9 %

2,6 %

0,9 %

1,1 %

1,1 %

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

 

 

 

 

Recettes publiques

1 244

1 273

1 288

1 223

1 326

1 425

1 455

1 499

1 564

54,3 %

54,0 %

53,0 %

52,8 %

52,9 %

53,7 %

51,6 %

51,3 %

52,0 %

 dont prélèvements obligatoires*

1 038

1 057

1 069

1 027

1 108

1 194

1 218

1 250

1 311

45,3 %

44,9 %

44,0 %

44,3 %

44,2 %

45,0 %

43,2 %

42,8 %

43,6 %

 dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

29

37

36

26

23

23

19

20

20

1,3 %

1,6 %

1,5 %

1,1 %

0,9 %

0,9 %

0,7 %

0,7 %

0,7 %

 dont autres recettes

177

179

183

170

195

208

217

229

233

7,7 %

7,6 %

7,5 %

7,3 %

7,8 %

7,8 %

7,7 %

7,8 %

7,8 %

 

 

 

 

Dépenses publiques

1 321

1 328

1 346

1 430

1 491

1 551

1 610

1 678

1 715

57,7 %

56,4 %

55,3 %

61,7 %

59,5 %

58,4 %

57,0 %

57,4 %

57,1 %

 dont crédits d’impôt enregistrés en dépenses

40

37

18

16

17

18

19

20

21

1,7 %

1,6 %

0,8 %

0,7 %

0,7 %

0,7 %

0,7 %

0,7 %

0,7 %

 dont dépenses hors crédits d’impôt

1 282

1 290

1 328

1 414

1 474

1 533

1 591

1 658

1 694

55,9 %

54,8 %

54,6 %

61,0 %

58,8 %

57,7 %

56,4 %

56,8 %

56,4 %

 

 

 

 

Déficit public

-77

-55

-58

-207

-165

-126

-155

-179

-151

-3,4 %

-2,3 %

-2,4 %

-8,9 %

-6,6 %

-4,7 %

-5,5 %

-6,1 %

-5,0 %

 

 

 

 

Dette publique

2 262

2 320

2 386

2 662

2 827

2 954

3 101

3 297

3 448

98,7 %

98,5 %

98,1 %

114,8 %

112,7 %

111,2 %

109,9 %

112,9 %

114,7 %

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général.

Au total, de 2017 à 2024, les dépenses publiques annuelles se seraient alourdies de 394 milliards d’euros alors que le niveau annuel des recettes publiques n’aurait progressé que de 320 milliards d’euros. Le déficit de l’État atteindrait pour sa part à la fin de l’année 2024 un niveau supérieur de 74 milliards d’euros à celui qui était le sien en 2017. L’endettement public aurait pour sa part augmenté de 1 186 milliards d’euros.

La barre des 3 points de PIB de déficit public a été franchie à cinq périodes :

– une première fois, très brièvement, en 1986 ;

– une deuxième fois, pour une période de six années entre 1992 et 1997 ;

– une troisième fois, pour une période de quatre années entre 2002 et 2005 ;

– une quatrième fois entre 2008 et 2016 soit au total neuf années consécutives ;

– une cinquième fois depuis 2020.

L’année 2017 avait marqué le retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009. Ainsi, la réduction du déficit public, hors mesures exceptionnelles, avait été tendancielle jusqu’à la crise déclenchée en 2020. Le niveau de déficit enregistré en 2020 (– 8,9 % du PIB) fut, ainsi, le plus élevé enregistré depuis la création des comptes nationaux en 1948.

La crise sanitaire fut l’occasion de mettre en œuvre, le 20 mars 2020, la clause dérogatoire générale introduite lors de la réforme du Pacte de stabilité et de croissance par le « six-pack » ([24]) permettant aux États membres de s’écarter temporairement des exigences normales des règles budgétaires européennes en cas de crise généralisée provoquée par une grave récession économique dans la zone euro ou dans l’ensemble de l’Union. Face à la crise sanitaire et ses conséquences économiques et sur la recommandation de la Commission européenne, le Conseil de l’Union européenne a décidé la mise en œuvre de cette clause le 23 mars 2020. Son application a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2023. Dans sa communication sur les orientations pour la politique budgétaire en 2024 ([25]), la Commission européenne a estimé que les conditions de désactivation de la clause seraient considérées comme remplies à partir de 2024.

Dès lors, les exigences du droit européen et, partant, les sanctions afférentes aux dépassements des normes de déficit et de dette sont de nouveau applicables. Ainsi le Conseil de l’Union européenne, suivant la recommandation de la Commission européenne, a-t-il constaté le 26 juillet dernier l’existence d’un déficit excessif en France ([26]).

B.   un solde public qui s’est fortement dégradé en 2023 et 2024 et dont le gouvernement vise une amélioration substantielle en 2025

Au terme de l’année 2023, le déficit public, atteignant 5,5 points de PIB, se sera creusé de 0,7 point par rapport au solde de l’année 2022 et aura excédé de 0,5 point la prévision initiale et de 0,6 point la prévision révisée associée à la loi de finances pour 2024 et la loi de fin de gestion de l’année 2023.

L’année 2024 marquerait une nouvelle étape sur la voie d’une dégradation continue de nos finances publiques, le déficit public connaissant, par rapport à son niveau de la fin de l’année 2023, une nouvelle aggravation de 0,6 point de PIB, qui le porterait à 6,1 points de PIB – niveau excédant de 1,7 point la prévision initiale et de 0,6 point la prévision révisée du Programme de stabilité pour les années 2024 à 2027.

1.   Une nouvelle aggravation du solde public en 2024

Alors que le déficit atteignait déjà 5,5 points de PIB en 2023, il se dégraderait encore pour s’établir à 6,1 points de PIB à la fin de l’année 2024.

Évolution des prÉvisions de solde pour 2024

Soldes

LFI 2024

Pstab

PLF 2025

Solde structurel (1)

– 3,7

– 4,2

– 5,7

Solde conjoncturel (2)

– 0,6

– 0,8

– 0,4

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 4,4

 5,1

 6,1

En raison d’effets d’arrondis, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : LFI pour 2024, Programme de stabilité 2024-2027, PLF pour 2025.

La prévision n’a ainsi cessé de se détériorer au fil de l’exercice. Le déficit public pour l’année 2024, qui devait atteindre 128 milliards d’euros selon les prévisions de la loi de finances pour 2024, devrait finalement s’élever à 179 milliards d’euros, soit une dégradation de pas moins de 51 milliards d’euros – correspondant à l’écart à la prévision susmentionné de 1,7 point de PIB. Les recettes publiques seraient effectivement inférieures d’environ 17 milliards d’euros et les dépenses publiques supérieures d’environ 34 milliards d’euros aux prévisions associées à la loi de finances pour 2024.

Le rapporteur général ne peut que déplorer que ce manque de fiabilité des prévisions initiales, pour la deuxième année consécutive, ne soit pas sans nuire à la crédibilité des hypothèses de rendement associées aux mesures proposées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025.

2.   Une amélioration attendue en 2025 sous l’effet d’un effort en recettes supérieur à la hausse des dépenses

Entre 2024 et 2025, les recettes redeviendraient plus dynamiques que les dépenses, ramenant le déficit à 151 milliards d’euros, soit un niveau légèrement inférieur à celui de la fin de l’année 2023. Le déficit serait ainsi réduit de 28 milliards d’euros par rapport à 2024.

Évolution du déficit public en valeur entre 2023 et 2025

(en milliards d’euros)

 

2023

2024

2025

Évolution 2023-2024

Évolution 2024-2025

Évolution 2023-2025

Recettes

1 455

1 499

1 564

43

3,0 %

65

4,3 %

109

7,5 %

Dépenses

1 610

1 678

1 715

68

4,2 %

37

2,2 %

105

6,6 %

Déficit

155

179

151

24

15,5 %

 28

 15,6 %

 4

 2,6 %

En raison d’effets d’arrondi, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général.

3.   Une nouvelle trajectoire pour les finances publiques, qui doit être définie par le plan budgétaire et structurel national à moyen terme

Le solde public se sera sensiblement écarté des trajectoires successives de la loi de programmation des finances publiques, adoptée au mois de décembre 2023, et du Programme de stabilité pour les années 2024 à 2027, publié au mois d’avril 2024.

Évolution du solde public jusqu’en 2027

(en % du PIB)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

LPFP 2023-2027

– 4,9

– 4,4

– 3,7

– 3,2

– 2,7

PStab 2024

– 5,5

– 5,1

– 4,1

– 3,6

– 2,9

PLF 2025

– 5,5

– 6,1

– 5

Source : commission des finances.

Ainsi que le relève le Haut Conseil des finances publiques, « la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, pourtant promulguée il y a moins d’un an, constitue une référence dépassée, du fait de la forte dégradation de la situation des finances publiques en 2023 et en 2024 ».

En revanche, si le Haut Conseil relève également que « la trajectoire du plan budgétaire et structurel à moyen terme, que la France [devait] transmettre à la Commission européenne à la fin du mois [de septembre], constitue aujourd’hui une référence plus pertinente et doit absolument être respectée », le rapporteur général ne peut que déplorer que la teneur de ce plan ne soit toujours pas connue et qu’il n’ait été, à l’heure où ce rapport est rédigé, transmis ni à la représentation nationale ni à la Commission européenne.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constitution et « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils étaient transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne. En application de la réforme de la gouvernance économique européenne adoptée au mois d’avril 2024, succèdent aux programmes de stabilité des plans budgétaires et structurels nationaux à moyen terme (PSMT). Ils devraient être transmis à la même période de l’année. Toutefois, les premiers PSMT devaient être transmis à la Commission européenne au plus tard le 20 septembre. La Commission européenne et la France sont convenus d’une prolongation du délai de d’envoi du PSMT de cette dernière, de telle sorte que la France doit envoyer son plan avant le 31 octobre 2024. La Commission européenne doit publier son évaluation des plans budgétaires et structurels à moyen terme dans un délai de six semaines à compter de la réception des plans, ce délai pouvant être prolongé de deux semaines. Ce calendrier ouvre la voie à une mise en œuvre des premiers plans à partir de 2025.

L’avis du Haut conseil des finances publiques fait mention de la trajectoire de solde prévisionnel défini par le PSMT : celle-ci conduirait à un retour en deçà du seuil des 3 % de déficit public en 2029, au lieu de 2027 comme prévu par le Programme de stabilité. Pour la période 2024 à 2027, le déficit public annuel prévu dans le PSMT est généralement supérieur d’un point de PIB à celui prévu par le Programme de stabilité – les prévisions de ce dernier étant elles-mêmes supérieures à celles définies par la LPFP 2023-2027 d’environ 0,5 point entre 2023 et 2026.

Trajectoires successives du solde définies par les LPFP, PSTAB et PSMT

Année

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

2031

LPFP 2023-2027

 4,9

 4,4

 3,7

 3,2

 2,7

 

 

 

 

PStab 2024

 5,5

 5,1

 4,1

 3,6

 2,9

 

 

 

 

PSMT

– 5,5

– 6,1

– 5

– 4,6

– 4

– 3,3

– 2,8

– 2,2

– 1,7

Source : commission des finances.

 

  1.   Les administrations publiques centrales, source de l’essentiel du déficit public

Des trois sous-secteurs d’administration publique, l’État et les organismes divers d’administration centrale sont celui auquel est imputable la majeure partie du déficit public.

Solde public par sous-secteur

(en points de produit intérieur brut)

Sous-secteur

2023

2024

2025

État

– 5,5

– 5,2

– 4,3

Organismes divers d’administration centrale

– 0,1

– 0,2

– 0,2

Administrations publiques locales

– 0,4

– 0,7

– 0,7

Administrations de sécurité sociale

0,4

0,0

0,2

Solde public

– 5,5

– 6,1

– 5,0*

En raison d’effets d’arrondi au dixième, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis.

* : solde cible visé par le Gouvernement compte tenu des économies et recettes supplémentaires qu’il introduirait au cours de la discussion par voie d’amendement. L’article liminaire du projet de loi de finances pour 2025 présente, pour sa part, un solde public de – 5,2 points de PIB.

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2025.

a.   L’État porte l’essentiel du déficit public

Le solde budgétaire de l’État est constitué par la somme du solde du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

i.   Une exécution budgétaire de l’État en 2023 se soldant par un déficit de 173 milliards d’euros

En 2023, le solde budgétaire de l’État était de – 173 milliards d’euros, soit une amélioration de 21,5 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2022.

ExÉcution budgétaire en 2023

(en milliards d’euros)

Composantes du solde

Exécution

Recettes fiscales nettes

322,9

Recettes non fiscales

25,1

Fonds de concours et attribution de produits

6,5

PSR-UE (à déduire)

– 23,9

PSR-CT (à déduire)

– 44,3

Recettes nettes

286,4

Dépenses nettes

454,6

Solde du budget général

 168,2

Solde des budgets annexes

0,3

Solde des comptes spéciaux

– 5,1

Solde budgétaire de l’État

 173

Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023.

  1.   Une prévision actualisée du déficit de l’État en 2024 qui atteint 166,6 milliards d’euros

La loi de finances pour 2024 prévoyait un déficit du budget de l’État de 146,9 milliards d’euros. Le projet de loi de finances pour 2025 actualise les prévisions pour 2024, en portant la prévision de déficit de l’État à 166,6 milliards d’euros, soit une aggravation de 19,7 milliards d’euros, principalement sous l’effet de moindres recettes fiscales nettes (– 26 milliards d’euros) que ne suffisent pas à compenser la révision à la baisse (– 5,3 milliards d’euros) du montant des dépenses, des recettes non fiscales plus importantes que prévu (+ 0,7 milliard d’euros) et une amélioration du solde des comptes spéciaux (+ 0,3 milliard d’euros).

prÉvision actualisÉe pour 2024

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

507,2

Recettes (II)

345,9

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

440,1

Recettes fiscales nettes

322,5

PSR au profit de l’Union européenne

22,3

Recettes non fiscales

23,4

PSR au profit des collectivités territoriales

44,9

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

 5,2

Déficit à financer

(I  II  III)

 166,6

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

  1.   Un déficit de l’État devant amorcer sa décrue en 2025

Aux termes du texte déposé, le déficit de l’État diminuerait de 24,5 milliards d’euros entre 2024 et 2025, pour s’établir à 142,1 milliards d’euros.

prÉvision d’équilibre pour l’année 2025
aux termes du texte déposé

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

518,8

Recettes (II)

378,2

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

451,3

Recettes fiscales nettes

357,6

PSR au profit de l’Union européenne

23,3

Recettes non fiscales

20,5

PSR au profit des collectivités territoriales

44,2

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

 1,4

Déficit à financer

(I  II  III)

 142,1

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

La réduction du déficit résulterait d’une progression des recettes fiscales plus forte que la progression des dépenses.

passage du solde 2024 actualisÉ au solde du plf 2025

(en milliards d’euros)

 

2024

Prévision actualisée

Variation

2025

PLF

 

2024

Prévision actualisée

Variation

2025

PLF

Dépenses (I)

507,2

11,6

518,8

Recettes (II)

345,9

32,3

378,2

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

440,1

11,2

451,3

Recettes fiscales nettes

322,5

35,1

357,6

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

22,3

1

23,3

Recettes non fiscales

23,4

-2,9

20,5

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

44,9

-0,7

44,2

Soldes des comptes spéciaux et des budgets annexes (III)

 5,2

3,8

 1,4

Solde

(I  II  III)

 166,6

24,5

 142,1

Source : commission des finances.

Le Gouvernement vise toutefois une réduction plus forte encore du déficit, que permettraient les évolutions attendues au cours de l’examen du texte. Des mesures complémentaires proposées par voie d’amendement permettraient en effet de réduire de 5 milliards d’euros les dépenses et d’accroître de 1,5 milliard d’euros les recettes.

 

 

prÉvision d’équilibre pour l’année 2025
selon le scénario cible du Gouvernement

(après adoption par voie d’amendement de mesures d’économies de 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires et de recettes de 1,5 milliard d’euros supplémentaires)

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

513,8

Recettes (II)

379,7

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

446,3

Recettes fiscales nettes

359,1

PSR au profit de l’Union européenne

23,3

Recettes non fiscales

20,5

PSR au profit des collectivités territoriales

44,2

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

 1,4

Déficit à financer

(I  II  III)

 135,6

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

  1.   La concentration du déficit public sur l’État s’était accentuée avant la crise et perdure

On observe une tendance nette à la concentration du déficit public sur le déficit de l’État. En comptabilité nationale, la part de l’État dans le déficit public est ainsi passée de 89 % en 2012 à près de 92 % en 2016. Cette part est devenue supérieure au déficit public de 2017 à 2019, le déficit de l’État allant jusqu’à représenter 113 % du déficit public en 2019.

Cette tendance a été interrompue par la crise sanitaire, qui a pesé lourdement sur les finances sociales : en 2020 et 2021, le déficit de l’État ne représentant plus qu’une part comprise entre 85 % et 88 % du déficit public. Depuis 2022, le déficit de l’État est à nouveau supérieur au déficit public.

DÉcomposition du solde public par sous-secteur d’administration
depuis 2010 (comptabilitÉ nationale)

(en milliards d’euros)

Année

Solde public

État

ODAC

APUL

ASSO

2010

– 142,8

– 127,0

12,2

– 2,1

– 25,8

2011

– 109,4

– 92,6

– 0,7

– 1,5

– 14,7

2012

– 108,0

– 85,7

– 3,0

– 4,7

– 14,5

2013

– 104,7

– 84,4

– 1,2

– 8,3

– 10,8

2014

– 98,5

– 83,8

0,1

– 5,7

– 9,1

2015

– 85,7

– 74,8

– 4,8

– 0,4

– 5,7

2016

– 84,0

– 77,2

– 4,7

2,3

– 4,4

2017

– 77,1

– 78,2

– 3,6

1,4

3,4

2018

– 54,6

– 62,8

– 2,8

1,8

9,2

2019

– 58,2

– 65,9

– 1,9

– 2,5

12,1

2020

– 207,1

– 177,0

22,1

-3,9

– 48,3

2021

– 165,1

– 144,1

– 0,5

– 0,9

– 19,7

2022

– 125,8

– 148,4

15,5

– 1,1

8,2

2023

– 154,8

– 154,9

– 1,5

– 9,9

11,5

En raison d’arrondis au dixième, la somme des soldes État, ODAC, APUL et ASSO peut ne pas correspondre au solde public.

Source : Insee, comptes nationaux (base 2020).

  1.   Le solde des administrations publiques locales serait marginalement affecté par la conjoncture

En 2024 et en 2025, le solde des administrations publiques locales subirait l’effet d’une forte accélération des dépenses en 2024. Il passerait ainsi de – 0,4 point de PIB en 2023 à – 0,7 point en 2024 et en 2025, sous l’effet d’une croissance de 6,6 % des dépenses par rapport à 2023 (+ 14,1 % de croissance des dépenses d’investissement, + 4,6 % de croissance des dépenses de fonctionnement).

  1.   Les administrations de sécurité sociale

Les comptes de la sécurité sociale ont connu une amélioration continue de leur solde entre 2010 et 2018, année où le déficit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse se trouvait réduit à 1,5 milliard d’euros, suivie d’un léger ressaut de ce déficit en 2019, avant une nette aggravation en 2020, essentiellement portée par la branche maladie, sous l’effet de la crise sanitaire. Ainsi le déficit s’est-il creusé de 38 milliards d’euros entre 2019 et 2020. Si un redressement s’est engagé dès 2021, l’année 2024 serait marquée par un nouvel accroissement du déficit, à hauteur de 7 milliards d’euros par rapport à 2023.

Évolution des dÉficits sociaux depuis 2012

(en milliards d’euros)

Année

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Maladie

– 4,9

– 0,7

– 1,5

– 30,4

– 28,7

– 21

– 11,1

– 14,6

– 13,4

ATMP*

+ 1,1

0,7

1,0

– 0,2

1,3

1,7

1,4

0,7

0,2

Famille

– 0,2

0,5

1,5

– 1,8

2,2

1,9

1

0,4

0,0

Vieillesse

+ 1,8

0,2

– 1,4

– 3,7

– 2,7

– 3,8

– 2,6

– 6,3

– 3,1

Autonomie

0,3

0,2

– 0,6

0,9

– 0,4

FSV**

– 2,9

– 1,8

– 1,6

– 2,5

– 1,5

1,3

1,1

0,8

0,7

Sous-total Régime général + FSV**

 5,1

– 1,2

 1,9

 38,7

 24,4

 
***


***


***


***

Régimes obligatoires de base + FSV**

 4,8

– 1,5

 1,7

 39,7

 29,3

 19,6

 11,9

 18,9

 16,7

* accidents du travail et maladies professionnelles.

** FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

*** : sans objet depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ([27]).

Source : Cour des comptes et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

Il convient toutefois de noter que le déficit des comptes sociaux ne constitue pas le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO), qui prend également en compte le fonds de réserve pour les retraites (FRR), l’Unédic, la Caisse d’amortissement de la dette sociale et les régimes complémentaires.

Le solde du périmètre des administrations de sécurité sociale s’est fortement dégradé en 2020 pour s’établir à – 48,3 milliards d’euros en raison des mesures d’urgence décidées en réponse à la crise sanitaire. Les dépenses de santé et d’activité partielle ont fortement progressé tandis que le repli de l’activité a entraîné une baisse des recettes.

Le déficit des administrations de sécurité sociale a commencé à se résorber dès 2021, atteignant – 19,3 milliards d’euros. L’amélioration était encore plus significative en 2022 et 2023, les ASSO renouant avec les excédents, à hauteur de 8,2 milliards d’euros puis 11,5 milliards d’euros. Cependant, elles redeviendraient déficitaires en 2024, notamment du fait des prestations de vieillesse et des dépenses dans le champ de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

DÉcomposition du solde des administrations de sÉCURITÉ sociale

(en milliards d’euros)

Année

2022

2023

2024

2025

Total Administrations de sécurité sociale (ASSO)

8,2

11,5

-0,6

5,6

Recettes

715,7

749,0

775,7

800,6

Dépenses

707,4

737,5

776,4

795,0

 

 

 

 

 

Régime général + Fonds de solidarité vieillesse

 18,6

 10,0

 15,2

 13,4

Recettes

479,6

505,5

530,0

552,5

Dépenses

498,2

515,5

545,2

565,9

 

 

 

 

 

Unédic

3,6

1,7

0,9

3,9

Recettes

43,6

44,1

44,8

45,5

Dépenses

40,0

42,4

43,9

41,6

 

 

 

 

 

Régimes complémentaires

6,2

5,6

1,6

1,2

Recettes

100,7

106,3

108,5

111,6

Dépenses

94,5

100,8

106,9

110,4

 

 

 

 

 

Cades

18,0

18,0

16,0

16,0

Recettes

20,3

21,1

19,3

19,1

Dépenses

2,3

3,2

3,3

3,1

 

 

 

 

 

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

 1,6

 1,5

 1,5

 0,8

Recettes

0,7

0,8

0,8

0,8

Dépenses

2,3

2,3

2,3

1,7

 

 

 

 

 

Organismes divers de sécurité sociale

 0,1

 1,5

 1,0

 0,9

Recettes

119,6

126,8

131,0

135,3

Dépenses

119,7

128,3

132,0

136,3

N.B. : Les recettes et dépenses sont dans le tableau ci-dessus en comptabilité nationale après consolidation, c’est-à-dire retraitées des transferts entre caisses sans impact sur le solde. Toutefois, ce n’est pas le cas des régimes ou groupes de régimes, dont le solde est affecté par les transferts internes aux ASSO. En conséquence, la somme des recettes et des dépenses des sous-ensembles ne correspond pas au total des ASSO.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général et rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

En 2025, le Gouvernement entend maîtriser les dépenses des administrations de sécurité sociale, dans un contexte de baisse de l’inflation, notamment grâce à une évolution contenue de l’ONDAM (+ 2,8 %), une indexation des pensions de retraites reportée du 1er janvier au 1er juillet 2025 et une évolution des allégements généraux. Le sous-secteur des ASSO retrouverait un excédent de 0,2 point de PIB.

  1.   Le dÉficit de l’État en comptabilitÉ nationale

Si le Gouvernement vise, pour l’année 2025, un déficit de l’État d’un montant de 135,6 milliards d’euros en comptabilité budgétaire, son montant en comptabilité nationale serait toutefois inférieur de 6,9 milliards d’euros, et s’établirait à 128,7 milliards d’euros.

La distinction entre comptabilité nationale et comptabilité budgétaire

La comptabilité budgétaire est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État. La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. L’article 28 de la LOLF précise ainsi que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

La comptabilité nationale s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne. Les agrégats relatifs aux administrations publiques jouent un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen.

Traditionnellement, l’examen du projet de loi de finances avait pour but de débattre uniquement du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire d’une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Il s’agit encore aujourd’hui de la comptabilité la plus observée et la plus commentée car elle permet de mesurer le déficit budgétaire et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépenses.

Depuis 2013, l’examen du projet de loi de finances permet, grâce à l’examen de son article liminaire et grâce au RESF, de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).

Les résultats de la comptabilité nationale sont désormais au cœur du débat public : c’est à partir d’eux qu’il est possible de savoir si la France respecte ou non les règles européennes relatives à son déficit public ou à son solde structurel. Plusieurs retraitements sont nécessaires pour passer du solde budgétaire au solde en comptabilité nationale.

L’écart entre le solde 2025 en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale s’explique principalement par les effets retracés dans le tableau ci‑dessous.

Principales ClÉs de passage du solde en comptabilitÉ budgÉtaire
au solde en comptabilitÉ nationale en 2025

(en milliards d’euros)

Les retraitements qui dégradent le solde en comptabilité nationale

Les retraitements qui améliorent le solde en comptabilité nationale

Traitement des crédits d’impôts

– 0,7

Traitement en opérations financières des prises de participations et cessions de titres effectués sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État (CAS PFE), hors dépenses réalisées par la Caisses des dépôts et consignations dans le cadre des programmes d’investissement d’avenir et financées par le CAS PFE

+ 0,8

Décalage comptable lié à l’engagement des dépenses au titre de la participation des reconstitutions de ressources des guichets concessionnels de certaines banques multilatérales de développement

– 1,0

Étalement en comptabilité nationale de l’effet en trésorerie lié aux primes et décotes à l’émission et l’enregistrement des intérêts courus non échus (ICNE).

+ 0,6

Le solde de l’État en comptabilité nationale intègre un effet de – ,3 milliards d’euros pour tenir compte d’une prévision de dépenses de la mission Plan de relance financée pour partie par reports de crédits.

– 1,3

Primes de garanties versées à l’État dans le cadre des prêts garantis par l’État (PGE)

+ 0,7

 

 

Les recettes de l’Union européenne reçues au titre du Plan de relance génèrent un écart entre la comptabilité nationale (droits constatés) et la comptabilité de caisse. Le principe général retenu en comptabilité nationale consiste à enregistrer ces recettes au moment du décaissement effectif par les États membres des dépenses éligibles.

+ 1,3

 

 

Amortissement de la dette de l’État liée au covid-19

+ 5,2

 

 

Décalage de calendrier lié aux décaissements de TICFE

+ 1,1

 

– 3

 

+ 9,7

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général.

  1.   une dette dont la progression n’est pas enrayée

À la suite du choc haussier historique en 2020 de l’endettement public français dans le contexte de la crise sanitaire (+ 16,7 points entre 2019 et 2020), la poussée inflationniste a permis une diminution du ratio de dette publique rapportée au PIB entre 2021 et 2023. Cependant, la décrue de l’inflation, la normalisation de la politique de taux directeurs de la Banque centrale européenne et la dégradation du solde public en 2023 et 2024 ont replacé la dette publique sur une tendance haussière.

Le PLF 2025, malgré ses efforts de réduction du déficit public, n’infléchit pas la tendance haussière de l’endettement public. La trajectoire de la dette publique s’inscrit désormais dans le cadre du plan budgétaire et structurel à moyen terme issu de la réforme des règles de gouvernance économique de l’Union européenne. Celui-ci prévoit que le niveau d’endettement public continuerait à augmenter jusqu’en 2027, avant de se stabiliser et d’entamer une lente baisse. Cette dynamique négative, qui se traduit dans les taux d’intérêt et la charge de la dette, remet en question la soutenabilité de la dette publique française.

  1.   Une dynamique haussière continue de l’endettement public depuis 2020

1.   Un choc haussier historique sur le niveau dendettement public en 2020

Dans le contexte de la crise sanitaire, la dégradation du déficit public en 2020 (– 8,9 % du PIB), la croissance de la dépense (+ 6,8 % en volume par rapport à 2019) et la chute du PIB (– 7,4 %) ont eu pour effet d’accroître très fortement le ratio de dette publique, en agissant à la fois sur son numérateur et sur son dénominateur. Ce ratio est ainsi passé de 98,1 % du PIB en 2019 à 114,8 % en 2020, soit une hausse de 16,7 points. En euros courants, la hausse a représenté 276,0 milliards d’euros et la dette s’établissait à 2 662,1 milliards d’euros au 31 décembre 2020 (+ 11,6 %).

Cette augmentation exceptionnelle du ratio de dette publique ne fut pas propre à la France, bien que nettement supérieure à celle observée en moyenne dans la zone euro. Le ratio de dette publique dans l’ensemble des pays de la zone euro est en effet passé de 84,1 % fin 2019 à 97,0 % fin 2020 (soit une hausse de 12,9 points) ([28]). Aussi, la France a connu une hausse de son endettement supérieure de 3,8 points à celle de la moyenne de la zone euro.

COMPARAISON DE l’évolution des RATIOS DE DETTE publique
DE LA FRANCE, DE LA ZONE EURO ET DE L’Allemagne

(en points de PIB)

Source : commission des finances et Eurostat.

2.   Une diminution du niveau d’endettement public en trompe-l’œil entre 2021 et 2023 facilitée par l’inflation

Après le choc de dette historique de 2020, le ratio de dette publique a diminué de 2,1 points en 2021, s’établissant à 112,7 % du PIB. Cette baisse s’explique, d’une part, par la réduction du déficit en 2021 (– 6,6 % du PIB) et, d’autre part, par le net rebond de l’activité en sortie de crise (+ 6,4 %) qui a permis de ralentir la croissance de l’endettement public.

En 2022 et 2023, malgré les effets de l’inflation sur l’économie et la mise en place de mesures exceptionnelles de soutien au pouvoir d’achat des Français, le ratio de dette publique/PIB a de nouveau reflué grâce à l’effet mécanique de l’inflation sur la croissance nominale.

Malgré le choc d’inflation observé et la mise en place de mesures importantes visant à soutenir le pouvoir d’achat des Français, ce ratio a de nouveau diminué de 1,5 point en 2022 pour s’établir à 111,2 % du PIB. La croissance réelle forte (+ 2,6 %) couplée au niveau élevé d’inflation (+ 5,2 % en moyenne annuelle) s’est traduite par une croissance nominale de + 5,9 %, qui a permis d’observer un solde stabilisant le ratio de dette publique (– 6,3 %) inférieur de plus d’un point au solde public (– 4,7 %). Il convient de noter que les boucliers énergétiques, dont le coût au sens de la comptabilité nationale est pris en compte dans le calcul du déficit public, n’ont pas donné lieu à des décaissements pour un montant équivalent en comptabilité budgétaire en 2022, du fait de reports sur 2023.

En 2023, le ratio de dette publique a continué sa baisse de 1,3 point, s’établissant à 109,9 %. Malgré une croissance faible de + 0,9 % en volume et la dégradation du solde public à – 5,5 %, la persistance de l’inflation (+ 4,9 % en moyenne annuelle) a dopé la croissance nominale à + 6,3 %, fixant le solde stabilisant à – 6,6 %.

Le solde public stabilisant

Pour que le ratio rapportant la dette publique au PIB soit stabilisé, il faut que le déficit public soit suffisamment faible pour que la croissance du PIB permette, par un effet dénominateur, de neutraliser la progression du numérateur. Le niveau de déficit pour lequel le ratio est stable est appelé déficit public stabilisant.

Le déficit public exprimé en pourcentage du PIB stabilisant le ratio de dette publique, hors flux financiers, est égal au produit du taux de croissance du PIB en valeur entre l’année (n – 1) et l’année (n) et du rapport entre le stock de dette de l’année (n – 1) et le PIB de l’année (n).

3.   Le retour d’une dynamique haussière du ratio de dette publique en 2024

En 2024, le ralentissement marqué de l’inflation et la faiblesse de la croissance réelle (+ 1,1 %) se traduiraient par un solde stabilisant de – 3,7 %. La dégradation du solde public à – 6,1 % entraînerait un écart négatif au solde stabilisant, qui provoquerait une hausse du niveau d’endettement public de 3,0 points. Le ratio de dette publique/PIB s’élèverait à 112,9 % en fin d’année 2024.

Au 30 juin 2024, la dette était portée à près de 81 % par l’État, à un peu plus de 2 % par les organismes divers d’administration centrale (ODAC) ([29]), à environ 8 % par les administrations publiques locales (APUL) ([30]) et à près de 9 % par les administrations de sécurité sociale (ASSO).

Répartition de la dette publique par sous-secteur au 30 juin 2024

(en pourcentage du total)

 

Source : commission des finances d’après les données de l’Insee.

B.   Le ratio de dette publique poursuit sa croissance en 2025, et ne devrait se stabiliser qu’à partir de 2027

1.   La poursuite de la hausse du ratio de dette publique en 2025

D’après les données du présent PLF, le ratio de dette publique poursuivrait sa hausse en 2025, s’élevant à 114,7 % du PIB. La stabilité de la croissance en volume, s’établissant à + 1,1 %, et l’amélioration du solde public (– 5,0 % en 2025 après – 6,1 % en 2024) seraient largement insuffisantes pour compenser l’augmentation du solde stabilisant. Celui-ci s’établirait à – 3,2 % du fait de la faiblesse de la croissance nominale, prévue à + 2,9 %, traduisant la poursuite du ralentissement de l’inflation. Le flux de créances étant nul, l’écart entre le solde effectif et le solde stabilisant se traduirait intégralement par une hausse du ratio de dette publique de + 1,8 point en 2025.

évolution et trajectoire du ratio de dette publique française

(en % du PIB)

Source : commission des finances d’après les données de l’Insee et le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

La hausse du ratio de dette publique de 1,8 point prévue en 2025 résulterait principalement de celle des administrations publiques centrales (+1,7 point), dans une moindre mesure de celle des administrations publiques locales (+ 0,5 point), tandis que le ratio d’endettement des administrations de sécurité sociale refluerait de 0,4 point.

ÉVOLUTION DU RATIO D’ENDETTEMENT PAR SOUS-SECTEUR D’ADMINISTRATION

(en points de PIB, base 2020)

Année

2022

2023

2024

2025

Ratio d’endettement au sens de Maastricht

111,2

109,9

112,9

114,7

Dont contribution des administrations publiques centrales (APUC)

91,8

91,7

94,6

96,3

Dont contribution des administrations publiques locales (APUL)

9,2

8,9

9,3

9,8

Dont contribution des administrations de sécurité sociale (ASSO)

10,2

9,3

9,1

8,7

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général.

2.   La nécessité d’infléchir de manière urgente la trajectoire du ratio de dette publique afin d’assurer sa soutenabilité à long terme

a.   Les points de vigilance

La soutenabilité de la dette publique désigne la capacité d’un État à honorer ses engagements financiers dans le futur.

Dans le contexte actuel, marqué par la normalisation de la politique monétaire, par la perspective d’une décrue de l’inflation et par l’élargissement du spread des taux d’intérêt, plusieurs points de vigilance doivent être relevés.

i.   L’impact temporaire et limité de l’inflation

L’inflation a un impact positif à court terme sur le ratio de dette publique en augmentant le taux de croissance du PIB en valeur ([31]) et en facilitant ainsi le remboursement de la dette héritée du passé. Elle produit donc une baisse « mécanique » du ratio rapportant la dette au PIB, puisque le dénominateur de ce ratio augmente.

Cet effet favorable s’est toutefois trouvé limité, dans le cas du choc d’inflation qui a débuté en 2022, par le caractère largement importé de la hausse du niveau des prix observée, par les importantes dépenses de soutien aux ménages et par l’alourdissement de la charge de la dette ([32]).

Si l’inflation a donc un effet incertain sur le taux d’endettement public, elle accroît en revanche la charge de la dette, de manière directe et immédiate, par ses conséquences sur l’encours des obligations indexées sur l’inflation et, plus indirectement et à plus long terme, via la réponse de politique monétaire qu’elle tend à engendrer.

L’encours de dette de moyen et long terme de l’État était constitué en septembre 2024, de 11,8 % d’obligations assimilables du Trésor (OAT) indexées sur l’inflation. La référence d’indexation de ces titres est, à hauteur des trois quarts de leur encours, l’indice des prix à la consommation harmonisé hors tabac de la zone euro publié par Eurostat (ces titres sont désignés « OAT€i ») et, pour le quart restant, l’indice français des prix à la consommation hors tabac publié par l’Insee (OATi).

Contrairement au cas des obligations dites « nominales », le capital des OAT indexées évolue chaque année au même rythme que l’inflation constatée entre l’émission et la date d’échéance du titre. En contrepartie, leur taux fixe, qui détermine le montant des coupons annuels versés à l’investisseur, est plus faible. Chaque année, le coût représentatif de l’indexation de ces titres est inscrit en loi de finances comme charge budgétaire au sein du budget général de l’État, sous la forme d’une provision pour charge d’indexation.

Le niveau d’inflation a donc un impact direct sur la charge de la dette puisqu’il se répercute sur la totalité de l’encours des titres indexés, à la différence des variations de taux d’intérêt qui affectent uniquement les émissions de titres. Au 30 septembre 2024, l’encours des titres indexés était de 283 milliards d’euros : une variation positive durable de 0,1 point du taux d’inflation aurait donc un impact annuel de l’ordre de 283 millions d’euros supplémentaires sur la charge de la dette.

À la suite de l’inflation soutenue constatée en zone euro et en France à partir de 2022, la provision pour charge d’indexation des OAT€i et OATi est passée de 3 milliards d’euros environ en 2021 à 15,5 milliards d’euros en 2022 et 15,8 milliards d’euros en 2023. En 2024, elle s’établirait à 7,0 milliards d’euros, soit 1,7 milliard de moins que l’estimation présentée en loi de finances initiale pour 2024, en raison du reflux de l’inflation plus rapide que prévu. Cette provision devrait poursuivre sa baisse en 2025, s’élevant à 5,8 milliards d’euros.

La charge de la dette indexée se comporte donc de façon contra‑cyclique : elle augmente lorsque l’inflation progresse, alors que celle-ci tend à faire progresser avec elle le PIB en valeur et les rentrées fiscales, mais diminue lorsque la hausse des prix et le dynamisme des recettes fiscales s’atténuent.

ii.   La remontée pérenne des taux d’intérêt, malgré l’inflexion amorcée en juin dernier

Dans un contexte d’inflation basse et de crise économique, la Banque centrale européenne (BCE) a mené depuis l’après-crise de 2009, et singulièrement depuis 2014, une politique monétaire accommodante caractérisée par des taux directeurs faibles voire négatifs et par des programmes d’achats d’actifs publics et privés sur le marché secondaire. Cette politique, qui a eu un effet baissier sur les taux d’intérêt de la dette française, comme sur ceux de l’ensemble des États de la zone euro, a été accentuée en 2020 lors de la crise sanitaire, avec la mise en place d’un programme d’achat d’urgence face à la pandémie, ou « Pandemic Emergency Purchase Programme » (PEPP).

Cependant, face à la poussée inflationniste de 2022 et 2023, la BCE a procédé au relèvement de ses taux directeurs de 450 points de base entre juillet 2022 et septembre 2023, fixant le taux de dépôt à 4 % ; elle a mis un terme à son programme d’achats d’actifs à compter du 1er juillet 2022 et a entamé la fin des réinvestissements des actifs à compter du 1er mars 2023. De son côté, confrontée à une inflation plus rapide, la réserve fédérale des États-Unis (Fed) a mis fin à ses rachats d’actifs en mars 2022, a annoncé une réduction de son bilan en juillet 2022 et a fortement relevé ses taux directeurs en 2022 et 2023 (+ 525 points de base).

Ce resserrement des politiques monétaires et le maintien d’une inflation élevée ont conduit à une remontée des taux d’intérêt demandés par les marchés sur les obligations souveraines aux États-Unis et en zone euro. Ainsi, alors que le taux des obligations françaises à 10 ans s’est établi en moyenne à 0 % en 2021, il atteignait 1,5 % en 2022 et 3,02 % en 2023.

Le reflux rapide de l’inflation en 2024 a toutefois conduit les banques centrales à assouplir leur politique de taux. En effet, la BCE a abaissé ses taux directeurs de 25 points de base en juin, puis en septembre et en octobre 2024 : à compter du 23 octobre 2024, le taux de dépôt de la BCE s’élève à 3,25 %. La Fed a quant à elle abaissé ses taux directeurs de 50 points de base en septembre 2024.

Cependant, cette baisse de taux en 2024 s’inscrit dans une tendance plus longue de normalisation de la politique monétaire, qui ne devrait plus se caractériser par des taux faibles. Aussi, le gouvernement prévoit des taux d’intérêt sur les obligations souveraines françaises à 10 ans qui poursuivraient leur hausse, s’élevant à 3,6 % fin 2025, et se stabiliseraient à 3,7 % à la fin 2026.

Évolution DES TAUX DE L’OAT À 10 ANS FRANÇAISE (moyenne annuelle)

(en pourcentage)

Source : commission des finances, d’après les rapports annuels de l’AFT et les prévisions du présent PLF.

Note : les données pour 2024 à 2027 correspondent à des hypothèses en fin d’année et non à des moyennes annuelles.

  1.   La hausse de la charge de la dette

Malgré le choc de dette de 2020, la charge de la dette de l’État est restée très contenue en 2020 et en 2021, dans un contexte d’inflation faible et de taux d’intérêt négatifs. La hausse des anticipations d’inflation et de taux d’intérêt des marchés à partir de 2022 ont provoqué une hausse importante de cette charge, qui s’est établie à 51,5 milliards d’euros en 2022 et à 54,8 milliards d’euros en 2023 en comptabilité budgétaire. En 2024, le reflux de l’inflation et la baisse des taux directeurs de la BCE ont entraîné une baisse de la charge d’intérêts, prévue à 50,9 milliards.

Cependant, la charge de la dette de l’État, connaîtrait une hausse continue à compter de 2025, s’élevant à 54,9 milliards d’euros (soit une hausse de 4,0 milliards d’euros), puis atteignant 60,1 milliards d’euros en 2026 (soit + 5,2 milliards d’euros) et 69,6 milliards d’euros en 2027 (soit + 9,5 milliards d’euros). Cette hausse continue de la charge de la dette est due à un effet volume, le niveau de l’endettement français étant croissant, et à un effet taux provoqué par l’amortissement d’obligations émises à taux bas et l’émission d’obligations à des taux structurellement plus élevés.

Charge de la dette et de la trésorerie de l’État (*)

(en milliards d’euros)

(*) En charge budgétaire, retracée par les programmes 117 Charge de la dette et de la trésorerie de l’État et 355 Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État.

Source : AFT, projet annuel de performance Engagements financiers de l’État et réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général.

La charge de la dette toutes administrations publiques, en comptabilité maastrichtienne, augmenterait également de façon marquée. Alors qu’elle s’élevait à 53 milliards d’euros en 2023, elle devrait atteindre 60 milliards d’euros en 2024, puis près de 70 milliards d’euros en 2025 en euros courants, 90 milliards d’euros en 2027 et 125 milliards d’euros en 2031. Aussi, la charge de la dette des administrations publiques devrait s’accroître à partir de 2024 à un rythme annuel de presque 10 milliards d’euros.

Évolution de la charge de la dette des administrations publiques en comptabilité nationale en points de PIB

(en % du PIB)

 

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

2031

Charge d’intérêt des administrations publiques

1,9

2,1

2,3

2,6

2,8

3,0

3,1

3,3

3,5

Source : avis n° HCFP-2024-4 du Haut conseil des finances publiques relatif au plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2028, 9 octobre 2024.

iv.   La hausse du spread de taux

La perception par les investisseurs du risque lié à la dette publique française s’est nettement dégradée en 2024. En effet, l’écart du taux d’intérêt à 10 ans (ou spread) entre l’Allemagne et la France, qui demeurait stable à environ 50 points de base depuis la fin de l’année 2023, a connu deux hausses successives : à partir du mois de juin 2024, le spread a augmenté de 20 points en raison de l’instabilité politique. À la fin du mois de septembre, les prévisions actualisées de déficit public pour 2024 ont entraîné une hausse supplémentaire de 10 points du spread. Aussi, l’écart de taux d’intérêt souverains entre la France et l’Allemagne fluctue désormais entre 70 et 80 points de base, renchérissant le coût de la dette française.

Si le spread se situe loin des niveaux observés lors de la crise des dettes souveraines (il avait atteint près de 200 points de base au plus fort de la crise, au mois de novembre 2011), les obligations souveraines françaises connaissent désormais des taux d’intérêt supérieurs à ceux des obligations portugaises ou espagnoles.

taux d’intérêt de l’obligation souveraine
à 10 ans au 17 octobre 2024

(en pourcentage)

Pays

Taux d’intérêt de l’obligation souveraine à 10 ans

Allemagne

2,20

Pays-Bas

2,48

Portugal

2,66

Espagne

2,92

France

2,94

Grèce

3,06

Italie

3,41

États-Unis

4,03

Royaume-Uni

4,07

Source : Bloomberg.

Cette hausse des taux d’intérêt se traduit par une hausse de la charge de la dette, d’autant plus forte que le stock de dette à amortir et les nouvelles émissions sont importants. La durée de vie moyenne de la dette négociable étant de 8 ans et 173 jours à la fin du mois d’août 2024, la hausse des taux consécutive à la persistance d’une inflation élevée ne se transmet que progressivement à la charge de la dette, au rythme des nouvelles émissions. D’après le rapport sur la dette des administrations publiques annexé au présent projet de loi de finances pour 2025, une augmentation de 1 % des taux d’intérêt sur toutes les maturités aurait un impact de 3,2 milliards d’euros la première année, de 7,6 milliards d’euros la deuxième année, de 19,1 milliards d’euros la cinquième année et de 32,6 milliards d’euros la neuvième année.

IMPACT D’UN CHOC DE TAUX d’intérêt DE 1 %
SUR LA CHARGE DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

Source : rapport sur la dette des administrations publiques annexé au PLF 2025.

Note : le graphique présente l’impact sur la charge de la dette de l’État en comptabilité nationale.

b.   La nécessité de respecter une trajectoire de stabilisation et de diminution de la dette publique pour assurer sa soutenabilité à long terme

Dans un contexte de croissance limitée autour de son potentiel et de normalisation de la politique monétaire, le maintien de taux d’intérêt et d’un spread contenus est indispensable pour assurer la soutenabilité de la dette publique ([33]), ce qui implique de conforter la confiance des marchés. Il est primordial de fixer une trajectoire de dette claire et crédible pour les prochaines années, afin d’infléchir la tendance du niveau d’endettement public de façon durable.

Cette trajectoire doit s’inscrire dans le temps long. En ce sens, le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) pour les années 2025 à 2028 prévoit que le déficit public passerait sous le seuil des 3 % en 2029. Le ratio de dette publique, quant à lui, poursuivrait sa hausse en 2026 (+ 1,2 point) et en 2027 (+ 0,5 point), culminant à 116,5 % du PIB, soit un niveau d’endettement supérieur à celui connu en 2020.

Cette trajectoire s’avère très dégradée par rapport à celle de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et du programme de stabilité pour les années 2024 à 2027.

évolution de la TRAJECTOIRE DE ratio de dette publique 2023-2027 selon les LPFP, PSTAB et PSMT

(en % du PIB)

Source : loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, Programme de stabilité 2024 et rapport sur la dette des administrations publiques annexé au PLF 2025.

La trajectoire proposée par le Gouvernement s’inscrit néanmoins dans les contraintes définies par la réforme de la gouvernance économique de l’Union européenne, et fera l’objet d’un suivi régulier de la Commission européenne.

trajectoire d’endettement public

(en % du PIB)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Dette publique

111,2

109,9

112,9

114,7

115,9

116,5

116,1

115,8

Solde stabilisant le niveau d’endettement

– 6,3

– 6,6

– 3,7

– 3,2

– 3,3

– 3,4

– 3,6

– 3,0

Solde effectif

– 4,7

– 5,5

– 6,1

– 5,0

– 4,6

– 4,0

– 3,3

– 2,8

Variation du ratio d’endettement

– 1,5

– 1,3

3,0

1,8

1,2

0,5

– 0,3

– 0,3

Source : rapport sur la dette des administrations publiques annexé au PLF 2025.

NB : arrondis à la décimale supérieure.

La confiance des marchés dépend par ailleurs de la cohérence de la trajectoire d’endettement public française avec celle de nos principaux partenaires européens. À cet égard, la France connaît désormais le troisième ratio de dette publique le plus élevé, après la Grèce et l’Italie. Cette situation est le résultat du cumul de déficits publics élevés en 2023 et 2024 alors que les États membres de la zone euro avaient entamé le redressement de leurs comptes publics.

trajectoire du ratio de la dette publique de la France, de l’Espagne, de l’Italie et de la Grèce

(en % du PIB)

Source : commission des finances à partir des plans budgétaires et structurels de moyen terme de la France, de l’Italie, de l’Espagne et de la Grèce.

Enfin, il est important de rappeler que l’endettement constitue une perte de souveraineté. La charge de la dette constitue en effet une dépense qui réduit les marges de manœuvre financières de l’État pour mener sa politique budgétaire de manière autonome. En 2023, les dépenses de charge de la dette de l’État – y compris la charge de la dette de la SNCF – se sont ainsi élevées à 54,8 milliards d’euros, soit 12,2 % de l’ensemble des dépenses du budget général de l’État (449,4 milliards d’euros hors remboursements et dégrèvements) et 2,2 % de l’encours de la dette négociable (2 513 milliards d’euros). La charge de la dette de l’État anticipée en 2025 (54,9 milliards d’euros) aura un impact sur le solde public comparable à celui des crédits budgétaires alloués à la mission Défense (60,0 milliards d’euros).

Ces dépenses de charge de la dette contraindront de plus en plus fortement les marges de manœuvre financières des administrations publiques dans les années à venir, alors que sous l’effet de la hausse des taux d’intérêts et du volume de dette publique, le poids de la charge de la dette devrait atteindre 3,1 % du PIB en 2029, contre 1,4 % en 2021 (voir supra([34]).

3.   La remise en cause du calendrier de remboursement de la « dette Covid » cantonnée

La loi de finances pour 2022 a créé un programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 au sein de la mission Engagements financiers de l’État, afin d’isoler les 165 milliards d’euros de dette directement liée à la crise sanitaire de 2020 du reste de l’encours, issu des déficits successifs antérieurs. Ce montant de 165 milliards d’euros correspond aux écarts des déficits constatés en 2020 et en 2021 par rapport à ceux qui étaient anticipés à la fin de l’année 2019, retraités du plan de relance.

Le cantonnement de cette dette « covid » doit contribuer au renforcement de la lisibilité de l’information sur la trajectoire de la dette publique et constitue un engagement politique de la France à rembourser cette dette. Le Gouvernement prévoit ainsi son amortissement en vingt ans, d’ici 2042.

Ce programme a été doté dès 2022 d’autorisations d’engagement (AE) à hauteur du montant de 165 milliards d’euros retenu. Il ne fera donc plus l’objet d’aucune ouverture d’AE au cours des années ultérieures.

Les crédits de paiement sont quant à eux fixés chaque année en fonction de la dynamique de la croissance : 5,9 % du surcroît de recettes fiscales nettes dégagées chaque année au-delà de leur niveau de 2020 est consacré au désendettement, cette fraction permettant, dans la trajectoire prévisionnelle de croissance établie en 2021, de rembourser la dette « Covid » d’ici 2042. Ce taux doit être ajusté au fur et à mesure de l’amortissement, à la hausse ou à la baisse, selon que la croissance du PIB est plus ou moins élevée par rapport à sa trajectoire prévisionnelle, afin de respecter l’horizon de remboursement.

Le programme a été doté de 1,9 milliard d’euros de crédits de paiement en 2022, de 6,6 milliards d’euros en 2023 et de 6,5 milliards d’euros en 2024. Le présent projet de loi de finances prévoit de consacrer 5,2 milliards d’euros à ce remboursement en 2025. Ce montant s’éloigne sensiblement des prévisions d’ouverture des crédits en 2025 du projet de loi de finances pour 2024, qui s’élevaient à 8,7 milliards d’euros. Cet écart est la conséquence du moindre dynamisme des recettes fiscales en 2024 et 2025 et du ralentissement de la croissance en 2025.

Prévisions des ouvertures de crédits et d’amortissement de la dette « Covid » du programme 369

(en milliers d’euros)

 

2024

2025

2026

2027

PLF pour 2024

6 474

8 699

8 981

Non renseigné

PLF pour 2025

6 474

5 153

5 829

6 526

Écart 2024/2025

-

 3 546

– 3 152

Non renseigné

Source : projets annuels de performances de la mission Engagements financiers de l’État annexés aux projets de loi de finances pour 2024 et 2025.

Aussi, alors que le projet de loi de finances pour 2024 prévoyait un amortissement de près de 33 milliards d’euros fin 2026, le présent projet de loi de finances pour 2025 estime ce montant à 26 milliards d’euros. Cette trajectoire ne semble pas conforme à l’objectif de remboursement de 165 milliards d’euros en vingt ans, qui nécessite des ouvertures annuelles d’au moins 8 milliards d’euros. Compte tenu de l’abaissement des perspectives de croissance, le pourcentage du surcroît de recettes fiscales affecté au remboursement de la dette « Covid » devra être revu à la hausse. À défaut, le calendrier d’amortissement devra être repoussé au-delà de 2042.

 

 

 


   FICHE N° 3 :
LE BUDGET DE L’ÉTAT

Aux termes du texte déposé par le Gouvernement, les recettes fiscales nettes de l’État progresseraient en 2025 de 35,1 milliards d’euros par rapport à 2024, pour atteindre 357,6 milliards d’euros, sous l’effet d’une élasticité proche de l’unité, d’une forte progression de la part de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée à l’État et de mesures nouvelles dont les principales seraient l’instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises et la création d’une contribution différentielle applicable à certains contribuables titulaires de hauts revenus

Compte tenu des évolutions attendues, notamment d’un effort supplémentaire de 1,5 milliard d’euros qui serait introduit par voie d’amendement, la hausse atteindrait même 36,6 milliards d’euros, les recettes fiscales nettes s’établissant alors à 359,1 milliards d’euros. Les recettes non fiscales régresseraient en revanche de 2,9 milliards d’euros par rapport à 2024, essentiellement en raison d’un moindre versement de l’Union européenne dans le cadre du cofinancement par la Facilité pour la reprise et la résilience du Plan national de relance et de résilience, et seraient limitées à 20,5 milliards d’euros.

Les prélèvements sur recettes connaîtraient en 2025 une progression limitée de 0,3 milliard d’euros par rapport à 2024, la hausse du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne (+1 milliard d’euros) étant partiellement compensée par la baisse de celui en faveur des collectivités territoriales (– 0,7 milliard d’euros).

Les dépenses fiscales, nombreuses mais dont le coût est fortement concentré sur quelques-unes d’entre elles, s’alourdiraient encore de 1,8 milliard.

Les dépenses de l’État s’établiraient à 490,4 milliards d’euros en 2025 au sens du périmètre des dépenses de l’État (PDE) fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, soit une diminution de 1,5 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 (LFI pour 2024). En valeur, les crédits budgétaires des ministères au sens du PDE augmenteraient de 1,7 milliard d’euros (+ 0,5 %) par rapport à la LFI pour 2024 ; ils seraient réduits de 3,3 milliards si l’objectif affiché par le Gouvernement de réduire les dépenses de 5 milliards d’euros par voie d’amendements se concrétisait.

Le recul important des dépenses de soutien face à l’inflation et les mesures d’économies proposées afin de stabiliser la hausse des crédits du budget général de l’État en volume sont partiellement compensés par la croissance des missions budgétaires régaliennes, en cohérence avec leurs lois de programmation. Les restes à payer poursuivent leur augmentation constante depuis 2017.

En 2025, les dépenses de personnel prévues sur l’ensemble des missions du budget général de l’État s’élèveraient à 157,1 milliards d’euros (+ 2,4 % par rapport à 2024). Alors que le nombre d’emplois consommés par l’État et ses opérateurs était en forte hausse depuis 2022, le schéma d’emplois prévu est négatif à hauteur de – 2 201 ETP.

I.   Les recettes

Les recettes nettes du budget général de l’État atteindraient, aux termes du texte déposé par le Gouvernement, 378,2 milliards d’euros en 2025, contre 345,9 milliards d’euros en 2024, soit une progression de 32,3 milliards d’euros. Grâce à un effort supplémentaire de 1,5 milliard d’euros introduit par voie d’amendement, la hausse des recettes atteindrait même 33,8 milliards d’euros.

Recettes nettes du budget gÉNÉral de l’État en 2024 et 2025

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général de l’État & PSR

Prévision actualisée

2024

Prévision 2025

(PLF)

Évolution
2025/2024

Prévision
2025

(PLF cible)

Impôt sur le revenu (IR)

88,1

93,8

5,7

93,8

6,5 %

Impôt sur les sociétés (IS)

57,7

56,2

– 1,5

56,2

– 2,6 %

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

96,1

106,2

10,1

106,2

10,5 %

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

15,5

16,5

1

16,5

6,5 %

Autres recettes fiscales

65,1

84,8*

19,7

86,3

30,3 %

Sous-total recettes fiscales nettes

322,5

357,6

35,1

359,1

10,9 %

Recettes non fiscales

23,4

20,5

– 2,9

20,5

 12,4 %

Recettes nettes du budget général de l’État (1)

345,9

378,2

32,3

379,7

9,3 %

Prélèvements sur recettes UE (2a)

22,3

23,3

1

23,3

4,5 %

Prélèvements sur recettes CT (2b)

44,9

44,2

– 0,7

44,2

– 1,6 %

Recettes nettes de l’État hors fonds de concours (1  2)

278,7

310,6

31,9

312,1

11,4 %

*Ce montant comprend la contribution différentielle applicable à certains contribuables titulaires de très hauts revenus et la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

Après prise en compte des prélèvements sur recettes – qui sont en réalité des dépenses au sens de la comptabilité nationale – il est prévu que les recettes nettes hors fonds de concours du budget général s’établissent, aux termes du texte déposé par le Gouvernement, à 310,6 milliards d’euros en 2025 au lieu de 278,7 milliards d’euros en 2024.

A.   Les recettes fiscales de l’État

L’analyse des recettes fiscales de l’État suppose au préalable d’identifier le périmètre des recettes fiscales nettes (1). Les recettes fiscales nettes sont ensuite présentées de façon générale (2) puis par principaux impôts (3).

1.   Identification des recettes fiscales nettes

Dans le tableau précédent, les recettes « nettes » sont présentées sans prendre en compte les remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général.

Remboursements et dégrèvements

En 2025, le montant des recettes fiscales brutes du budget général serait de 500,3 milliards d’euros.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État devraient s’élever à près de 142,7 milliards d’euros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à près de 357,6 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop versés lorsqu’un contribuable a payé plus d’acomptes que l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible ; les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ; les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État progresseraient de 4,8 % par rapport à la loi de finances pour 2024 et se décomposeraient ainsi en 2025 :

– 110,2 milliards d’euros au titre de la mécanique de certains impôts, dont 80,3 milliards d’euros au titre des crédits de TVA (+1,2 %) et 15,5 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés (+ 36,3 %), soit une hausse totale de 6,6 % ;

– 18,8 milliards d’euros au titre de soutiens à des politiques publiques via des remboursements ou des crédits d’impôt qui excédent l’impôt dû, en hausse de 5,7 % ;

– 13,7 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales), en baisse de 8,6 % ;

Avec les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux qui atteindraient 4,4 milliards d’euros, les remboursements et dégrèvements s’élèveraient à 147,1 milliards d’euros.

Source : Projet annuel de performances de la mission Remboursements et dégrèvements annexé au projet de loi de finances pour 2025.

a.   La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux dans l’article d’équilibre

Le montant des recettes fiscales nettes présenté à l’article 41 (article d’équilibre) du projet de loi de finances s’établit à 357,6 milliards d’euros. Il correspond aux recettes fiscales d’État brutes minorées des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État ([35]).

b.   Les recettes fiscales de l’État hors budget général

La présentation budgétaire classique ne tient pas compte des recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État. Cette fraction de la fiscalité, souvent omise dans l’analyse politique et économique des comptes de l’État, n’est pourtant pas négligeable.

Ainsi le rendement de la fiscalité affectée aux budgets annexes et comptes spéciaux de la comptabilité budgétaire de l’État serait-il en 2025 d’un peu plus de 1 milliard d’euros. Il convient notamment de noter la progression des recettes issues du tarif de l’aviation civile (TAC) ; selon le projet annuel de performances pour 2025 relatif au budget annexe Contrôle et exploitation aériens, elles s’établiraient en 2025 à 545,8 millions d’euros, soit une hausse de 34,5 millions d’euros (+7 %) par rapport aux estimations de la loi de finances initiale pour 2024, du fait de la dynamique de la reprise du trafic aérien.

Impôts affectés à des budgets annexes et comptes spéciaux de l’état

(en millions d’euros)

Budget annexe (BA)

Compte d’affectation spéciale (CAS)

Impôt affecté

Rendement 2024 prévu par la LFI 2024

Rendement 2025

BA

Contrôle et exploitation aériens

Tarif de l’aviation civile

511,3

545,8

Tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passagers

0

0

CAS

Développement agricole et rural

Taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles

141

153,6

CAS

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Contribution des gestionnaires de réseaux publics de distribution (en 2024)
Fraction du produit de l’accise sur l’électricité affectée au financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (en 2025)

377

377

Total

1 029,3

1 076,4

Source : projet de loi de finances pour 2025, état A.

2.   Présentation générale

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État sont estimées :

– à 322,5 milliards d’euros en 2024, soit une prévision actualisée inférieure de 26 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2024 ;

– et, aux termes du projet de loi de finances déposé par le Gouvernement, à 357,6 milliards d’euros en 2025 (359,1 milliards d’euros compte tenu des évolutions attendues au cours de l’examen du texte).

Recettes fiscales nettes du budget général
de l’État depuis 2009

(en milliards d’euros)

Année

Montant

2009

214,3

2010

253,6

2011

255,0

2012

268,4

2013

284,0

2014

274,3

2015

280,1

2016

284,1

2017

295,6

2018

295,4

2019

281,3

2020

256,0

2021

295,7

2022

330,3

2023

322,9

2024 (prévision actualisée)

322,5

2025 (prévision initiale)

357,6

2025 (prévision cible)

359,1

Source : réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général.

a.   Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

Les recettes fiscales sont évaluées à législation constante en fonction de la croissance du PIB, ce qui permet de déterminer leur « évolution spontanée ». Par la suite, cette évaluation est corrigée des mesures fiscales (nouvelles et antérieures) et des mesures de périmètre devant produire des effets durant l’année faisant l’objet du projet de loi de finances.

i.   L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative l’affectant n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre l’évolution spontanée d’un impôt est de 5 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 105 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Pour calculer cette évaluation, une hypothèse d’élasticité de chaque impôt à la croissance est déterminée.

La croissance spontanée des recettes est comparée à l’évolution du PIB en valeur plutôt qu’en volume. Selon les hypothèses du projet de loi finances, en 2023, la croissance en valeur est de 6,8 % (1 % en volume) ; en 2024, elle est de 4 % (1,4 % en volume).

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB en valeur est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de 0,5, l’évolution spontanée est de + 0,5 % bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %.

Si le rendement de la TVA est nécessairement lié à l’activité tant celle-ci s’appuie en partie sur la consommation, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse, en principe, proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique.

Il convient de noter que si l’élasticité permet de mesurer la sensibilité de l’évolution d’une grandeur à la variation d’une autre sa portée explicative paraît faible. L’élasticité se constate ex post et signale des évolutions plus ou moins différenciées.

ii.   Les mesures législatives

Les mesures législatives sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais qui produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances.

Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures législatives ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures législatives permet de mesurer l’impact des réformes fiscales décidées par le Parlement.

iii.   Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de « périmètre » ou de « transfert » peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un produit de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de 5.

3.   L’évolution générale des recettes

a.   Des exercices budgétaires 2023 et 2024 marqués par de forts écarts aux prévisions, avec des recettes bien moindres que celles attendues

En 2023, les recettes fiscales nettes du budget général se sont avérées en régression (– 2,2 %), passant de 330,3 milliards d’euros en 2022 à 322,9 milliards d’euros en 2023. Elles ont atteint un niveau inférieur de 5,3 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances initiale pour 2023 (328 milliards d’euros) ; l’écart est plus significatif encore avec la loi de finances de fin de gestion de 2023 (331 milliards d’euros), atteignant 7,7 milliards d’euros, alors même que celle-ci était publiée à l’approche de la fin de l’exercice. C’est pour l’impôt pour les sociétés que cet écart s’est révélé le plus important, à hauteur de 4,4 milliards d’euros.

Les prévisions de recettes pour 2024 font l’objet d’une actualisation dans le projet de loi de finances pour 2025, par rapport aux prévisions de la loi de finances pour 2024. Cette actualisation laisse présager un écart à la prévision bien plus important encore que celui constaté en 2023, puisque les recettes fiscales nettes en 2024 seraient inférieures de 26 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances pour 2024, notamment sous l’effet de moindres recettes attendues à hauteur de 14,3 milliards d’euros pour l’IS, de 5,3 milliards pour l’IR et de 4,7 milliards pour la TVA – ces variations étant commentées plus en détail infra.

écart à la prévision de la LFI 2024 des Recettes fiscales nettes de l’État pour l’année 2024

Recettes nettes du budget général de l’État

Prévisions 2024 LFI2024

Prévisions 2024 PLF2025

Écart à la prévision sur les recettes de 2024

Impôt sur le revenu (IR)

93,4

88,1

– 5,3

Impôt sur les sociétés (IS)

72

57,7

– 14,3

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

15,4

15,5

+ 0,1

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – part État

100,8

96,1

– 4,8

Autres recettes fiscales nettes

66,8

65,1

– 1,7

Recettes fiscales nettes*

348,5

322,5

26

Source : commission des finances.

Les difficultés rencontrées dans l’évaluation des recettes fiscales, particulièrement pour celles d’impôt sur les sociétés, ont donné lieu à une mission de l’inspection générale des finances, demandée par les ministres de l’économie et des finances et des comptes publics, en avril 2024, afin d’identifier les causes des écarts aux prévisions et de formuler des recommandations pour améliorer la robustesse des évaluations.

Le rapport remis en juillet 2024 ([36]) formule plusieurs préconisations, estimant que les facteurs internes (modèles utilisés, hypothèses plus ou moins favorables, exploitation ou pas d’informations disponibles), correspondant à la part « évitable » de l’écart de prévision, représenteraient environ 20 % des écarts, les 80 % restants correspondant à des facteurs externes (macroéconomie, comportement des acteurs).

Le creusement considérable des écarts aux prévisions qui se profile pour l’année 2024 incite toutefois à approfondir le travail engagé pour améliorer les évaluations de recettes. Ces moindres recettes de 26 milliards d’euros en 2024 pèsent lourdement sur les prévisions de déficit public – en représentant, si elles étaient confirmées, une aggravation du déficit de près de 0,9 % de point de PIB – sur le 1,7 point de dérapage anticipé en 2024.

b.   Une forte hausse des recettes attendue en 2025

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État s’établiraient en 2025, aux termes du projet de loi de finances, à 357,6 milliards d’euros, en hausse sensible de 35,1 milliards d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2024.

L’évolution spontanée des recettes fiscales nettes atteindrait 2,8 % en 2025, soit une progression proche de celle du PIB en valeur (+ 2,9 %). L’élasticité serait proche mais inférieure à l’unité, en raison d’une baisse des recettes de l’impôt sur les sociétés, grevées par la contraction du bénéfice fiscal de l’année 2024 (– 1,9 %), qui pèse sur les acomptes contemporains et le solde 2024 payé en 2025. En outre, les recettes de TICPE continueraient de décroître en raison de la baisse de la consommation des produits pétroliers. La hausse des recettes d’impôt sur le revenu, soutenues par la croissance des revenus réels en 2024, compenserait partiellement cette double évolution.

Les mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2025 conduiraient à augmenter les recettes fiscales nettes de 14,7 milliards d’euros, les principales mesures étant l’instauration d’une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises dont le rendement serait de 8 milliards d’euros et la création d’une contribution différentielle applicable à certains contribuables titulaires de hauts revenus, dont le produit serait de 2 milliards d’euros.

Recettes fiscales nettes de l’État en 2025

(en milliards d’euros)

 

Prévision

2025

(PLF)

Impôt sur le revenu (IR)

93,8

Impôt sur les sociétés (IS)

56,2

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

106,2

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

16,5

Autres recettes fiscales

84,8

Total des recettes fiscales nettes du budget général de l’État

357,6

Fiscalité affectée aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

1,1

Total des recettes fiscales nettes du budget de l’État

358,7

En raison d’effets d’arrondis, le total ou sous-total peut ne pas correspondre à la somme des rendements intermédiaires.

Source : commission des finances, d’après le projet de loi de finances pour 2025 et les réponses au questionnaire du rapporteur général.

Le niveau de recettes supplémentaires attendu apparaît considérable ; au regard des difficultés observées ces deux dernières années en matière d’estimation des recettes fiscales, le rapporteur général s’interroge sur le caractère réaliste de ces estimations pour l’année 2025.

4.   Présentation par impôt

Les impôts les plus importants sur le plan budgétaire sont étudiés ci-après.

a.   La hausse, au profit de l’État, du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

La TVA est un impôt d’État partagé en premier lieu avec la sécurité sociale. Elle joue à ce titre un rôle de variable d’ajustement dans les transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale. Depuis 2018, les régions bénéficient également d’une fraction de la TVA ([37]).

Le partage des recettes de TVA entre les sous-secteurs d’administration publique s’est amplifié en 2021 avec l’affectation d’une fraction de TVA aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, et d’une nouvelle fraction de TVA aux régions dans le cadre de la baisse des impôts de production. Ce partage a été amplifié sous l’effet de la suppression d’une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), compensée par l’affectation d’une nouvelle fraction de TVA. Entre 2022 et 2024, les entités de l’audiovisuel public ont également été affectataires d’une part de TVA.

De 2017 à 2024, la part des recettes nettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) conservée par l’État, en diminution constante, est passée de 93 % à 46 % ; cette part se redresserait toutefois en 2025, atteignant 49,1 %, la dynamique des recettes de TVA bénéficiant en 2025 au seul État, et non aux autres affectataires.

répartition du produit de la TVA depuis 2013

(en milliards d’euros)

Année

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Part État

141,8

144,4

152,4

156,7

129,0

113,8

95,5

100,8

95,2

96,1

106,2

Compensation de la contribution à l’audiovisuel public

-

-

-

-

-

-

-

3,6

3,8

4,0

-

Part Sécurité sociale

11,8

11,7

11,5

10,2

41,5

45,4

53,8

57,4

57,3

57,5

57,5

Part APUL

4,2

4,3

4,0

37,4

40,9

52,1

52,5

52,5

Total

153,6

156,1

163,9

171,1

174,8

163,2

186,7

202,7

208,4

210,1

216,2

En raison d’effets d’arrondi au dixième, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis.

Source : lois de règlement pour les années 2018 à 2020, projet de loi de finances pour 2025, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I, et réponses au questionnaire du rapporteur général.

  1.   En 2024

En 2024, le rendement de la TVA affectée à l’État ne progresserait, par rapport à 2023, que de 0,9 milliard d’euros pour s’établir à 96,1 milliards d’euros, soit un montant inférieur de 4,8 milliards d’euros aux prévisions de la loi de finances initiale. Cette révision à la baisse de la prévision résulte de la reprise en base des moindres recettes de 2023 par rapport aux prévisions pour 2023 associées à la loi de finances pour 2024, de la moindre croissance des emplois taxables (+ 1,9 % au lieu de + 3,8 % selon les hypothèses du projet de loi de finances pour 2024) sous l’effet d’une composition de la croissance de l’activité moins favorable aux recettes de TVA, et de la prolongation de la tendance des remontées comptables disponibles sur 2024.

  1.   En 2025

En 2025, la part de TVA affectée à l’État progresserait de plus de 10,1 milliards d’euros par rapport à 2024, pour atteindre 106,2 milliards d’euros. Cette hausse des recettes serait la conséquence de la suppression du transfert à l’audiovisuel public, de l’évolution spontanée de la TVA ainsi que de la stabilisation des transferts aux autres administrations publiques.

En effet, la fraction de TVA transférée aux administrations de sécurité sociale, en application de l’article 38 du projet de loi de finances, se stabiliserait à 57,5 milliards d’euros, notamment du fait de la minoration du transfert de TVA correspondant à la reprise d’excédents budgétaires de l’Unedic, et de la prise en compte du « retour IS » de la réduction des allègements de cotisations employeur ([38]) ; les fractions de TVA affectées aux collectivités territoriales seraient par ailleurs gelées en valeur, en application de l’article 31 du projet de loi de finances, au titre de l’effort financier qui leur est demandé.

Il résulterait de ces dispositions que l’État serait le seul à bénéficier de la dynamique des recettes de TVA pour l’année 2025, tandis qu’il ne reverserait plus de TVA à l’audiovisuel public, ce qui se traduirait par une hausse de la part des recettes de TVA qui lui sont affectées, qui passerait de 45,7 % en 2024 à 49,1 % en 2025.

L’évolution spontanée n’en paraît pas moins faible. Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2025, le HCFP relève à cet égard qu’aux termes du scénario de finances publiques retenu par le Gouvernement, « la hausse spontanée de la prévision de TVA (+2,2 %) est prudente car de nouveau inférieure à la croissance des emplois taxables anticipée par le Gouvernement (+2,7 %) ». La question de la cohérence de la prévision de recette de TVA avec les hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au projet de loi de finances paraît se poser.

Des recettes nettes de tva en 2023 aux recettes attendues en 2025

(en milliards d’euros)

Exécution 2023

Évaluation initiale
pour 2024

Évaluation révisée
pour 2024

Évolution spontanée

Mesures

PLF 2025

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

95,2

100,8

96,1

1,9

4,4

1,6

2,2

106,2

Source : Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, tome I.

Les mesures de périmètre et de transfert correspondent à la stabilisation du transfert de la fraction de TVA aux collectivités territoriales (1,2 milliard d’euros) et au moindre transfert de TVA lié à l’« effet retour » sur l’impôt sur les sociétés de la réforme des allègements de cotisations employeur (1 milliard), tandis que les mesures nouvelles intègrent notamment l’arrêt du taux réduit de TVA sur les abonnements à l’électricité et au gaz (1,2 milliard), ainsi que la hausse du taux de TVA sur les chaudières à gaz.

b.   Une augmentation du produit de l’impôt sur le revenu, après trois années de stagnation

L’impôt sur le revenu (IR) est affecté intégralement au budget général de l’État. Son produit a progressé de 18,8 milliards d’euros entre 2015 et 2024.

Rendement net de l’Impôt sur le revenu depuis 2015

(en milliards d’euros)

Année

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

Rendement net

69,3

71,8

73,0

73,0

71,8

74,0

78,7

89

88,6

88,1

93,8

Source : lois de règlement, projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 et Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, tome I.

i.   En 2024

Les recettes d’IR diminueraient en 2024 de 0,5 milliard d’euros par rapport à 2023 pour atteindre 88,1 milliards d’euros, soit un montant inférieur de 5,3 milliards d’euros à la prévision de la loi de finances initiale pour 2024. Cette évolution s’expliquerait notamment par des revenus réels en diminution en 2023 et des plus-values mobilières moins dynamiques que prévu et un moindre dynamisme du prélèvement à la source, pénalisé par la reprise en base des moindres recettes 2023 par rapport à la prévision révisée pour 2023 de la loi de finances initiale pour 2024. Il convient en outre de noter la progression des remboursements et dégrèvements. Selon les hypothèses sous-jacentes au projet de loi de finances pour 2025, leur montant progresserait en 2024 de 2,1 milliards d’euros par rapport à 2023, soit près de 9 %, en passant de 23,5 milliards d’euros à 25,6 milliards d’euros.

ii.   En 2025

En 2025, les recettes progresseraient de 5,7 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2024 et s’élèveraient à 93,8 milliards d’euros. Cette évolution serait due, à hauteur de 5,1 milliards d’euros, à des recettes prélevées sur des assiettes contemporaines dynamiques notamment portées par les recettes de prélèvement à la source en raison d’une masse salariale croissante en 2025 et une hausse du solde et des autres composantes liée notamment à des revenus réels en augmentation en 2024.

Les mesures nouvelles – la suppression du dispositif dit Pinel et la réintégration des amortissements dans l’assiette des plus-values immobilières pour les locations meublées non professionnelles – contribueraient à la hausse des recettes pour 0,6 milliard d’euros.

Les remboursements et dégrèvements d’impôt sur le revenu poursuivraient leur progression, passant de 25,6 milliards à 26,4 milliards d’euros, soit une progression de 0,8 milliard d’euros.

de l’impôt brut sur le revenu à l’impôt net

(en milliards d’euros)

 

Exécution 2023

Prévision 2024

Prévision 2025

Impôt brut sur le revenu

112,1

113,7

120,2

Prélèvement à la source

84,1

85,7

87,1

Retenue à la source

65,1

66,9

68,1

Acomptes contemporains

19,4

19,0

19,2

Décalage comptable

-0,3

-0,2

-0,2

Hors prélèvement à la source

27,9

28,0

33,1

Exercice courant

17,6

16,8

21,7

Exercice précédent

1,3

1,6

1,5

Exercice antérieur

1,5

1,5

1,5

Plus-values immobilières

1,2

1,0

1,1

Prélèvement forfaitaire obligatoire / prélèvement forfaitaire unique

6,3

7,1

7,3

Remboursements et dégrèvements

-23,5

-25,6

-26,4

Impôt net sur le revenu

88,6

88,1

93,8

Source : Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, tome I.

 

Des recettes nettes d’impôt sur le revenu en 2023
aux recettes attendues en 2025

(en milliards d’euros)

Exécution 2023

Évaluation initiale
pour 2024

Évaluation révisée
pour 2024

Évolution spontanée

Mesures

PLF 2025

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

88,6

93,4

88,1

5,1

0,1

0,5

93,8

Source : Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, tome I.

c.   Des recettes d’impôt sur les sociétés en stagnation

L’impôt sur les sociétés est affecté intégralement au budget général de l’État.

Rendement net de l’impôt sur les sociétés depuis 2015

(en milliards d’euros)

Année

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024 (p)

2025 (p)

Rendement net

30,0

35,7

27,4

33,4

36,3

46,3

62,1

56,8

57,7

56,2

Source : lois de règlement, projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 et Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, tome I.

i.   En 2024

La prévision révisée de rendement de l’impôt sur les sociétés pour 2024 est inférieure de 14,3 milliards d’euros à l’estimation de la loi de finances initiale et de 0,6 milliard d’euros au rendement de l’impôt en 2023. Cela s’explique principalement par la révision à la baisse de la prévision de croissance du bénéfice fiscal 2023 (de + 14 % à + 1 %), qui reflète les déclarations de solde déposées par les entreprises en 2024, et celle du bénéfice fiscal 2024 (de + 4 % à – 1,9 %).

ii.   En 2025

En 2025, les recettes de l’IS connaîtraient une nouvelle baisse, de 1,5 milliard d’euros par rapport à leur niveau de l’année 2024, sous l’effet de la décroissance du bénéfice fiscal 2024 (– 1,9 %) ([39]) et de l’« effet retour » de la baisse des allègements de cotisations employeurs (– 1 milliard d’euros), en partie atténuée par la création d’une taxe sur le résultat d’exploitation des sociétés de fret maritime (+ 0,5 milliard d’euros). Elles atteindraient 56,2 milliards d’euros. Il convient de noter que le produit attendu (8 milliards d’euros) de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises est intégré non à la prévision de recettes d’IS mais aux prévisions relatives aux « autres recettes fiscales nettes », à la différence du produit de la taxe sur le résultat d’exploitation des sociétés de fret maritime précitée.

Des recettes nettes d’impôt sur les sociétés en 2023
aux recettes attendues en 2025

(en milliards d’euros)

Exécution 2023

Évaluation initiale
pour 2024

Évaluation révisée
pour 2024

Évolution spontanée

Mesures

PLF 2025

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

56,8

72

57,7

–0,1

– 0,2

– 1,5

-

56,2

Source : Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, tome I.

Sont comptabilisés au titre des mesures nouvelles prévues par le projet de loi de finances pour 2025 les effets sur l’IS de la suspension de la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de la hausse des accises sur l’énergie.

d.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

La TICPE est partagée entre l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent essentiellement de compenser des transferts de compétence.

Décomposition des recettes de TICPE

(en milliards d’euros)

Année

Exécution 2023

Prévision 2024

Prévision 2025

TICPE brute totale

31,7

31,5

31,2

Transfert aux collectivités territoriales

– 11,2

– 12,2

– 12,2

Transfert à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France

– 1,9

– 2,0

– 1,3

Transfert à Île-de-France Mobilités

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Autres

0,2

0,4

0,4

TICPE État brute

18,7

17,6

18,1

Remboursements et dégrèvements

– 1,9

– 2,1

– 1,6

TICPE État nette

16,8

15,5

16,5

Source : projet de loi de finances pour 2025, annexe Évaluation des voies et moyens, tome 1.

i.   En 2024

La TICPE nette pour l’État s’établirait à 15,5 milliards d’euros en 2024, en légère hausse de 0,1 milliard d’euros par rapport à la prévision initiale, la baisse des consommations de carburants étant moins forte que prévu, mais en baisse de 1,3 milliard d’euros par rapport à 2023.

ii.   En 2025

En 2025, les recettes de la TICPE nette de l’État progresseraient de 1 milliard d’euros par rapport à 2024, malgré une baisse de 0,4 milliard d’euros des recettes brutes sous l’effet de la baisse des consommations. Cela s’explique par la baisse des transferts à l’AFITF et des dépenses prévues de remboursements et dégrèvements.

 

Des recettes nettes de TICPE en 2023 aux recettes attendues en 2025

(en milliards d’euros)

Exécution 2023

Évaluation initiale
pour 2024

Évaluation révisée
pour 2024

Évolution spontanée

Mesures

TICPE 2025

Nouvelles

Antérieures

Périmètre

16,8

15,4

15,5

– 0,1

0,0

0,5

0,6

16,5

Source : Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, tome I

e.   Les autres recettes fiscales

Les autres recettes fiscales nettes sont calculées comme la somme de recettes brutes qui comprennent les droits de mutation à titre gratuit, l’impôt sur la fortune immobilière ou les taxes intérieures de consommation hors TICPE, nettes des remboursements et dégrèvements.

En 2024, les autres recettes fiscales nettes seraient en baisse, principalement en raison de la baisse attendue sur les droits de mutations à titre gratuit, après des recettes très dynamiques enregistrées en 2023. Le montant des autres recettes fiscales s’élèverait à 65,1 milliards d’euros, en baisse de plus de 1,7 milliard d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.

Évolution de plusieurs autres recettes fiscales nettes

(en milliards d’euros)

 

 

2023

2024 (prévisions)

2025 (prévisions)

Droits de mutation à titre gratuit

21

19,8

19,8

Prélèvements de solidarité assis sur les revenus du patrimoine et les produits de placement

14,16

14,78

15,14

Produits des jeux d’argent

5,046

5,219

5,423

Impôt sur la fortune immobilière

2,354

2,548

2,440

Source : Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, tome I

En 2025, les autres recettes fiscales nettes connaîtraient une forte progression de 19,7 milliards d’euros par rapport à l’année 2024 compte tenu de l’introduction de la contribution différentielle applicable à certains contribuables titulaires de très hauts revenus (2 milliards d’euros attendus) et de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (8 milliards d’euros attendus), ainsi que la hausse des accises sur l’énergie, sous l’effet de la sortie du bouclier tarifaire, et la budgétisation des recettes du Fonds national d’aide au logement (FNAL).

B.   Les recettes non fiscales du budget général

Les recettes non fiscales de l’État comprennent cinq grandes catégories : les dividendes et recettes assimilées, les produits du domaine de l’État, les produits de la vente de biens et de services, les remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières, les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite.

Les recettes non fiscales de l’État devraient atteindre 23,4 milliards d’euros en 2024, montant supérieur de 0,7 milliard d’euros aux estimations de la loi de finances initiale, à la faveur de la hausse des dividendes perçus par l’État et recettes assimilées (+ 1,6 milliard d’euros), partiellement compensée par la baisse des produits de la vente de biens et services (– 0,9 milliard d’euros).

En 2025, les recettes non fiscales diminueraient de 2,8 milliards d’euros par rapport à la prévision révisée pour 2024 pour s’établir à 20,5 milliards d’euros au total, essentiellement sous l’effet de la baisse des produits divers (– 4,1 milliards d’euros), notamment en raison d’un moindre versement de l’Union européenne dans le cadre du cofinancement par la Facilité pour la reprise et la résilience du Plan national de relance et de résilience, baisse qu’atténuerait la hausse des dividendes et recettes assimilés (+ 1,2 milliard d’euros), malgré l’hypothèse d’une absence d’excédent du fonds de réserve des retraites des agents de la Banque de France.

Des recettes non fiscales de l’année 2024
aux recettes non fiscales de l’année 2025

(en millions d’euros)

Recettes prévues pour 2024

23 397

Produits divers

– 4 148

dont Divers versements de l’Union européenne

 4 221

Dividendes et recettes assimilées

+ 1 203

dont Produits des participations de l’État dans des entreprises non financières

+ 2 089

dont Excédent du fonds de réserve des retraites des agents de la Banque de France

 844

Autres recettes non fiscales

+ 97

Recettes prévues pour 2025

20 549

Source : projet de loi de finances pour 2025, annexe Évaluation des voies et moyens, tome I.

Le projet de loi de finances prévoit ainsi 4,472 milliards d’euros en 2025 au titre des produits des participations de l’État dans les entreprises non financières, en lien avec une anticipation sur les résultats financiers, notamment concernant EDF.

C.   Les prélèvements sur recettes

Les prélèvements sur recettes, qui avaient progressé de 1,8 milliard d’euros entre 2022 et 2023, connaîtraient en 2024 une baisse de 2,4 milliards d’euros par rapport à 2023.

Évolution des prÉLÈvements sur recettes entre 2023 et 2025

(en milliards d’euros)

Bénéficiaire des prélèvements sur recettes

2023

2024

(actualisée)

2025

Union européenne

23,9

22,3

23,3

Collectivités territoriales

44,3

44,9

44,2

Total

68,2

67,2

67,5

Source : projet de loi de finances pour 2025, annexe Évaluation des voies et moyens, tome I.

Le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne connaîtrait en 2025 une hausse d’environ 0,3 milliard d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2024. Cela s’explique par une légère reprise des paiements de la politique de cohésion par rapport à 2024 et une hausse limitée des ressources propres traditionnelles (RPT), soit les droits de douane ([40]).

Les PSR en faveur des collectivités connaîtraient une baisse limitée de 0,7 milliard d’euros.

D.   les dépenses fiscales continuent À croÎtre en 2025

Le tome II de l’annexe au projet de loi de finances pour 2025 relative aux Évaluations des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

La notion de dépenses fiscales repose donc sur l’écart à la norme fiscale et englobe l’ensemble des réductions d’impôt (qui diminuent le montant de l’impôt dû) et des crédits d’impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l’impôt dû, une restitution en faveur du contribuable concerné).

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit des dépenses fiscales de 85,1 milliards d’euros.

les Dépenses fiscales de 2021 à 2025

(en milliards d’euros)

Année

2021

exécution

2022

exécution

2023

exécution

2024

prévision

2025

prévision

Montant des dépenses fiscales

89,6

85,6

82,9

83,3

85,1

Source : tomes II de l’Évaluation des voies et moyens annexée aux projets de loi de finances pour 2023, 2024 et 2025.

Le coût total des dépenses fiscales progresserait en 2025 de 1,8 milliard d’euros par rapport à 2024.

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 ([41]) disposait que « le rapport entre, d’une part, le montant annuel des dépenses fiscales et, d’autre part, la somme des recettes fiscales du budget général, nettes des remboursements et dégrèvements, et des dépenses fiscales ne peut excéder 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour l’année 2020, 26 % pour l’année 2021 et 25 % pour l’année 2022 ». La LPFP pour les années 2023 à 2027 ([42]) ne comporte pas de dispositif similaire de plafonnement du taux de dépenses dans les recettes. Elle prévoit en revanche un plafond pour l’incidence budgétaire des nouvelles dépenses fiscales (article 6) ainsi que leur bornage dans le temps (article 7).

Plafond annuel de l’incidence budgétaire des mesures nouvelles
en prélèvements obligatoires

(en milliards d’euros courants)

Année

2023

2024

2025

2026

2027

Incidence de l’ensemble des mesures

– 5,0

– 2,0

– 3,0

– 2,0

– 3,0

Dont incidence relative aux dépenses fiscales

 0,5

 0,5

 0,5

 0,5

 1,0

Dont incidence relative aux exonérations, abattements d’assiette et réductions de taux applicable aux cotisations sociales

– 1,0

0,0

0,0

0,0

0,0

Source : article 6 de la LPFP pour les années 2023 à 2027.

L’article 7 de la LPFP fixe à trois ans la durée maximale d’application des dépenses fiscales nouvellement créées, ainsi que celle de la prorogation des dépenses fiscales existantes – prorogation conditionnée à la réalisation d’une évaluation des principales caractéristiques des bénéficiaires des mesures, qui précise l’efficacité et le coût de celles-ci.

Bien qu’il en soit dénombré 474 ([43]), dont 65 sont en cours d’extinction, dans le tome II de l’annexe Évaluation des voies et moyens, le coût des dépenses fiscales est en réalité concentré sur un faible nombre d’entre elles. Ainsi les quinze dépenses fiscales les plus coûteuses représentent-elles à elles seules plus de 50 % du montant total des dépenses fiscales.

Il convient par ailleurs de rappeler qu’en l’absence d’obligations déclaratives l’administration fiscale ne dispose pas de données issues de déclarations fiscales. Dans ce cas, l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances indique que « soit les coûts peuvent être reconstitués à partir de données autres que fiscales, soit aucune donnée permettant de procéder à une estimation ou à une simulation du coût de la dépense n’est disponible. Le coût de la dépense fiscale est alors indiqué comme non chiffrable. »

Certaines estimations sont par ailleurs reconduites d’une année sur l’autre sans véritable évaluation. Tel est par exemple le cas de la dépense fiscale occasionnée par le dispositif dit pacte Dutreil prévu par l’article 787 B du code général des impôts, pour lequel la dépense fiscale a été évaluée à 500 millions d’euros à partir du projet de loi de finances pour 2012… jusqu’au projet de loi de finances pour 2024. Le tome II de l’annexe Évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2025 a fortement rehaussé ce montant, de manière « pifométrique » semble-t-il, pour le porter à 800 millions d’euros.

 

 

Les 15 dÉpenses fiscales les plus coÛteuses en 2024 et 2025

(en millions d’euros)

Dépenses fiscales

Prévision 2024

Prévision 2025

Évolution

Crédit d’impôt en faveur de la recherche

7 858

7 745

-1,4 %

Crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile

6 724

6 856

2,0 %

Abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites

4 806

4 956

3,1 %

Exonération des sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement, de l’abondement ou d’un partage de plus-value, aux plans d’épargne salariale et aux plans d’épargne retraite d’entreprise collectifs ou obligatoires

2 750

2 750

0,0 %

Taux de TVA 10 % pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien, autres que les travaux de rénovation énergétiques soumis au taux de 5,5 % en application de l’article 278-0 bis A, portant sur les logements achevés depuis plus de deux ans

2 170

2 280

5,1 %

Taux de TVA de 10 % pour la restauration commerciale (consommation sur place et vente à emporter en vue d’une consommation immédiate)

2 015

2 123

5,4 %

Niveau des taux de TVA en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion (8,5 % pour le taux normal et 2,1 % pour le taux réduit

1 950

2 060

5,6 %

Réduction d’impôt au titre des dons

1 987

1 987

0,0 %

Déduction des dépenses de réparations et d’amélioration

1 836

1 836

0,0 %

Exonération de l’impôt sur le revenu, sous certaines conditions et limites, des rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées à compter du 1er janvier 2019

1 840

1 787

-2,9 %

Exonération des prestations familiales, de l’allocation aux adultes handicapés ou des pensions d’orphelin, de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée, de l’allocation de garde d’enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d’accueil du jeune enfant

1 755

1 755

0,0 %

Réduction d’impôt au titre des dons faits par les entreprises à des œuvres ou organismes d’intérêt général

1 727

1 727

0,0 %

Crédit d’impôt pour frais de garde des enfants âgés de moins de 6 ans

1 721

1 721

0,0 %

Réductions d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire (dispositifs Duflot et Pinel)

1 529

1 498

-2,0 %

Détermination du résultat imposable des entreprises de transport maritime en fonction du tonnage de leurs navires

615

1 375

123,6 %

Source : Évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, tome II.

  1.   Les dÉpenses de l’État

Les dépenses de l’État proposées pour 2025 traduisent la volonté du Gouvernement de contenir leur progression par rapport à la loi de finances pour 2024, objectif favorisé par la mise en extinction des dépenses de réponse aux crises. Si les missions budgétaires régaliennes sont dans l’ensemble préservées, de nombreuses missions contribuent à l’effort de maîtrise des comptes publics.

A.   l’Évolution du pÉrimÈtre des dÉpenses pilotables de l’État proposÉes en 2025

Plusieurs périmètres permettent d’apprécier les dépenses de l’État :

 les dépenses brutes, c’est-à-dire les crédits de paiement ouverts aux ministres tels que résultant de l’état B annexé au projet de loi de finances, s’élèveraient dans le projet de loi de finances pour 2025 à 594 milliards d’euros sur le budget général (article 42), 2,5 milliards d’euros sur les budgets annexes (article 43), 80,7 milliards d’euros sur les comptes d’affectation spéciale et 145,7 milliards d’euros sur les comptes de concours financiers (article 44) ;

– les dépenses nettes du budget général, comptabilisées à l’article d’équilibre du budget (article 41), correspondent aux dépenses brutes desquelles sont soustraits les remboursements et dégrèvements d’État (147,1 milliards d’euros) : leur montant serait de 446,9 milliards d’euros en 2025, soit + 5,4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2024 ([44]). Cette augmentation des dépenses nettes du budget général de l’État s’explique principalement par des hausses de 2,7 milliards d’euros de la charge de la dette, de 2,2 milliards d’euros des contributions au CAS Pensions, et de 1,7 milliard des crédits budgétaires des ministères, partiellement compensées par une réduction de l’amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 (– 1,3 milliard d’euros).

● L’article 10 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027 propose un nouvel agrégat relatif aux dépenses de l’État, appelé périmètre des dépenses de l’État (PDE). Cette norme regroupe les crédits du budget général, à l’exception de ceux relatifs à la charge de la dette, à l’amortissement de la dette liée à la covid‑19 et aux remboursements et dégrèvements ([45]), les crédits des budgets annexes, les taxes affectées plafonnées, les dépenses des comptes d’affectation spéciale (à l’exception de celles liées au désendettement, aux participations financières de l’État et aux pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre), les dépenses du compte de concours financiers Avances à l’audiovisuel public ainsi que les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne.

Selon cette nouvelle norme, les dépenses de l’État s’élèveraient à 490,4 milliards d’euros en 2025, soit 1,5 milliard d’euros de moins que les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale pour 2024. L’article 10 de la LPFP pour les années 2023 à 2027 prévoit que ces dépenses sont plafonnées à 505 milliards d’euros en 2025, à 512 milliards d’euros en 2026 et à 519 milliards d’euros en 2027.

pÉrimÈtre des dÉpenses de l’État entre 2024 et 2025

(en milliards d’euros)

Composition du PDE

LFI 2024

Révisé 2024

PLF 2025

PLF 2025 cible (*)

Écart PLF 2025 cible / Révisé 2024

Crédits budgétaires (hors charge de la dette, amortissement de la dette liée à la covid-19, contributions directes au CAS Pensions et remboursements et dégrèvements)

335,0

330,9

336,7

331,7

0,8

Taxes et recettes affectées

21,9

21,4

21,1

21,1

– 0,3

Budgets annexes et comptes spéciaux

74,3

74,6

71,4

71,4

– 3,2

dont CAS Pensions

66,3

66,5

67,2

67,2

0,7

Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales

45,1

44,9

44,2

44,2

– 0,8

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

21,6

22,3

23,3

23,3

1,1

Retraitement des flux internes à l’État

– 6,0

– 6,0

– 6,3

– 6,3

 – 0,3

Évolution des dépenses incluses dans le PDE

491,9

488,1

490,4

485,4

 2,6

(*) Après adoption des amendements du Gouvernement portant 5 milliards d’euros de réduction de dépenses.

Note : les montants présentés sont en format courant.

Source : projet de loi de finances pour 2025.

● L’état F, annexé au projet de loi de finances depuis la révision de la LOLF par la loi organique du 28 décembre 2021 précitée, offre un panorama des moyens globaux alloués à chaque mission et permet de mieux appréhender la diversité du financement des politiques publiques. Ainsi, au sein d’une mission, cette annexe permet de distinguer les crédits budgétaires, les ressources affectées aux opérateurs, les prélèvements sur recettes (PSR), les dépenses des comptes spéciaux ([46]) ou encore les dépenses fiscales.

Le graphique ci-dessous met en évidence l’importance des PSR dans le financement des collectivités territoriales, le poids des dépenses fiscales dans les moyens de nombreuses missions, notamment Économie et Cohésion des territoires, le rôle majeur des opérateurs dans les politiques publiques de la recherche, ainsi que l’importance des taxes affectées pour le financement des opérateurs des missions Écologie, développement et mobilité durables et Travail, emploi et administration des ministères sociaux.

moyens globaux allouÉs par mission

(en milliards d’euros)

Note : hors contribution des comptes spéciaux aux politiques publiques visées par la mission et hors mission Remboursements et dégrèvements.

Source : commission des finances, d’après les données présentées à l’état F annexé au projet de loi de finances.

B.   L’Évolution des dÉpenses du budget gÉnÉral en 2025 reflÈte les mesures d’Économie envisagÉes par le Gouvernement

Le projet de loi de finances pour 2025 est marqué par la volonté de stabiliser le niveau des dépenses budgétaires par rapport aux plafonds votés en loi de finances pour 2024. Cette orientation se traduit par un soutien conforté aux missions régaliennes, dans un contexte favorable d’extinction des dépenses de crise, ainsi que par une mise à contribution des ministères sociaux et de la transition écologique.

Entre la loi de finances initiale pour 2024 et le projet de loi de finances pour 2025, l’augmentation totale des crédits de paiement du budget général serait de 10,7 milliards d’euros et de 3,1 milliards d’euros si l’on exclut les dépenses liées aux remboursements et dégrèvements ([47]). La hausse des dépenses du budget général entre 2019 et 2025 s’élèverait à 81,9 milliards d’euros hors contributions directes au CAS Pensions et hors plan de relance.

Les plus fortes variations des crédits budgétaires sont néanmoins concentrées sur certaines missions. Sur les 34 missions du budget général, 11 connaissent une hausse de leurs crédits supérieure ou égale à 100 millions d’euros et 16 une diminution supérieure ou égale à 100 millions d’euros. Pour cinq missions, la baisse est supérieure à 1 milliard d’euros.

principales Évolutions des crÉdits par missions entre 2024 et 2025

(CP, en milliards d’euros)

Note : Seules les variations supérieures ou inférieures à 300 millions d’euros sont représentées. Crédits hors mission Remboursement et dégrèvements et contribution au CAS Pensions. Les crédits de la LFI pour 2024 sont au format du PLF pour 2025.

Source : commission des finances, à partir du dossier de presse du PLF pour 2025.

● Les principales évolutions de la maquette budgétaire par rapport à 2024 sont les suivantes :

– le programme 235 Sûreté nucléaire et radioprotection, doté de 360,5 millions d’euros en AE et de 365,2 millions d’euros en CP, est créé et rattaché à la mission Écologie, développement et mobilité durables. Il retrace les crédits de l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR), résultant de la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) prévue par la loi du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire ([48]) ;

– le programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance est supprimé, en cohérence avec l’extinction progressive des dispositifs mis en place en réponse à la crise sanitaire en 2021.

Plusieurs évolutions tendent à simplifier la gestion des crédits et leur lisibilité :

– le programme 352 Innovation et transformation numériques, sous la responsabilité de la direction interministérielle du numérique (DINUM) et auparavant rattaché à la mission Transformation et fonction publiques, qui portait les crédits du fonds d’accélération des startups d’État (FAST) et du volet numérique du programme « France Nation verte », est fusionné au sein du programme 129 Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l’action du Gouvernement, qui finance le fonctionnement et les emplois de la DINUM ;

– un programme unique regroupant les emplois et les financements des activités de soutien des administrations en charge de la sécurité sociale est constitué au sein du programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, qui devient le programme Soutien des ministères sociaux, grâce à sa fusion avec le programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Le programme 155 reste rattaché à la mission Travail et emploi, renommée Travail, emploi et administration des ministères sociaux. Un des objectifs de cette fusion est de gagner en efficacité en matière de pilotage des crédits, du plafond d’emplois et de la masse salariale ;

– afin d’améliorer la compréhension du financement accordé à la rénovation énergétique des logements du parc privé, les crédits alloués au dispositif MaPrimeRénov’ par le programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilité durables, soit 1 milliard d’euros en AE et 1,4 milliard d’euros en CP, sont désormais portés par une ligne de l’action 04 du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat de la mission Cohésion des territoires, qui regroupe les subventions accordées à l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

1.   La forte baisse des dépenses liées aux plans de relance et aux mesures de soutien face à la hausse des prix de l’énergie

L’année 2025 marque une « normalisation » des dépenses exceptionnelles introduites depuis 2021 afin de répondre aux crises.

Les dépenses du programme 345 Service public de l’énergie ont fortement augmenté à partir de 2022 avec l’ajout des mesures de soutien aux consommateurs finals dans un contexte de très forte inflation des prix de l’énergie, avec notamment les boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité. Ses crédits ont ainsi doublé entre 2021 et 2023, jusqu’à atteindre une consommation de 20,2 milliards d’euros en 2023. La forte baisse des prix de marché du gaz a conduit à l’extinction du bouclier « gaz » fin juin 2023, tandis que le bouclier « électricité » a été prolongé en 2024. Pour 2025, 7,3 milliards d’euros en AE et 6,7 milliards d’euros en CP sont prévus sur le programme : il retrouve sa vocation principale de soutien à la production d’énergies renouvelables, dans un contexte de baisse des prix de l’électricité, alors que les reliquats des boucliers tarifaires au titre de 2024 ne représenteraient plus que 336 millions d’euros.

Suivi des charges de service public de l’Énergie
en comptabilitÉs budgÉtaire et nationale

(en milliards d’euros)

 

 

2021

2022

2023

2024

2025

Comptabilité nationale

Dépenses pour charges de service public de l’énergie (*)

6,1

1,5

– 0,9

6,7

9,5

Bouclier gaz

0,4

3,1

1,3

Bouclier électricité (hors baisses de TICFE et ex‑TCCFE)

0,8

20,2

0,3

Total en comptabilité nationale

6,5

5,5

20,6

7,0

9,5

Comptabilité budgétaire

Total du programme 345 Service public de l’énergie

9,1

12,1

20,2

5,5
(LFI 2024)

6,7

(PLF 2025)

(*) Un signe négatif signifie une recette pour l’État.

Source : commission des finances, d’après les données de la Commission de régulation de l’énergie (annexe 7 de la délibération n° 2024-139 du 11 juillet 2024) et la documentation budgétaire.

La mission Plan de relance, créée dans le contexte de la crise sanitaire, a été déployée sur deux ans : l’intégralité de ses autorisations d’engagement a été consommée en 2021 et, plus marginalement, en 2022. Ces engagements ont été couverts par des dépenses diminuant chaque année : 18,9 milliards d’euros consommés en 2021, 11,6 milliards d’euros en 2022 et 4,1 milliards d’euros en 2023. Elle entre désormais dans une phase de mise en extinction progressive. Elle présente pour 2025 des ouvertures à hauteur de 169 millions d’euros en CP, nécessaires à la couverture des décaissements d’engagements déjà réalisés ou qui doivent l’être d’ici la fin de l’année 2024. Ce niveau d’ouvertures très réduit, associé à la clôture du programme 364 Cohésion, reflète la sortie du dispositif exceptionnel de relance. Aucun engagement nouveau, y compris au titre de redéploiements, n’est désormais censé être pris.

2.   La poursuite du renforcement du pôle régalien conformément aux lois de programmation, à l’exception notable de la mission Justice

● En 2025, la mission Défense bénéficie d’un nouvel accroissement de ses crédits de 3,3 milliards d’euros (+ 7 %) hors contribution au CAS Pensions, en cohérence avec la trajectoire de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 ([49]).

Trajectoire des crÉdits de la mission dÉfense dÉfinie par la LPM 2024-2030

(CP, en milliards d’euros courants)

Année

2024

2025

2026

2027

2028

2029

2030

Crédits de la mission Défense, hors charges de pensions

47,2

50,5

53,7

56,9

60,4

63,9

67,4

Variation

+ 3,3

+ 3,3

+ 3,2

+ 3,2

+ 3,5

+ 3,5

+ 3,5

Source : article 4 de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030.

Les crédits supplémentaires contribuent en priorité à la préparation opérationnelle face à l’intensification des conflits, au renouvellement des équipements, aux capacités liées aux nouveaux milieux (spatial, cyberespace), à l’amélioration des conditions d’entraînement et à la poursuite de la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire.

Les effectifs du ministère des armées seront renforcés de 630 équivalents temps plein (ETP) par rapport à 2024, au bénéfice notamment du service industriel de l’aéronautique et du dispositif interministériel de protection du potentiel scientifique et technique de la Nation. Ce schéma d’emploi vise à répondre aux évolutions prioritaires des armées, notamment en matière de renseignement et de cyberdéfense.

En outre, l’année 2025 marque la poursuite de l’effort en faveur de la réserve opérationnelle, dans une perspective de doublement de nombre de volontaires d’ici à 2030 avec l’objectif à terme d’atteindre le ratio d’un réserviste pour deux militaires d’active.

● Les crédits demandés pour la mission Sécurités sont accrus de 0,6 milliard d’euros (+ 3,6 %) par rapport à la loi de finances pour 2024 : ils atteindraient 17,3 milliards d’euros, hors contributions au CAS Pensions. Ces moyens supplémentaires s’inscrivent en cohérence avec la trajectoire définie par la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), qui prévoit 16,8 milliards d’euros en CP pour la mission.

L’année 2025 sera notamment marquée par la consolidation des crédits relatifs à la rénovation des équipements et des bâtiments afin d’améliorer les conditions de travail des forces de sécurité, alors que l’état du parc immobilier de la gendarmerie nationale demeure un point d’attention avec des dépenses en hausse de 233 milliards d’euros en AE. L’augmentation du budget permettra aussi de poursuivre les efforts en matière de transformation numérique.

Le schéma d’emplois prévu pour 2025 est nul, après une dynamique fortement positive depuis 2019. Les dépenses de personnel continuent de progresser et s’élèveraient à 20,9 milliards d’euros (+ 3 %), reflétant les mesures prises en faveur de la rémunération des agents.

Évolution des crédits et des emplois de la mission SÉcuritÉs

(en milliards d’euros courants)

Année

2019

2020

2021

2022

2023

LFI 2024

PLF 2025

Écart 2025/2019

Crédits de paiement de la mission Sécurités

20,5

20,6

21,0

22,1

23,2

24,3

25,2

+ 4,7

Schéma d’emploi (en ETP)

+ 2 362

+ 1 914

+ 1 504

+ 910

+ 2 874

+ 2 267

0

+ 11 831

Note : y compris contributions au CAS Pensions ; ETP : équivalent temps plein travaillé.

Source : commission des finances, d’après la documentation budgétaire.

Au cours de la période 2023-2027 et par rapport à 2022, le ministère de l’intérieur bénéficierait, dans le cadre de la trajectoire définie par la LOPMI, d’un cumul de 15,3 milliards d’euros supplémentaires hors charges de pensions ainsi que de 8 500 créations nettes de postes.

● Alors que la hausse des crédits de la mission Justice entre les lois de finances initiales pour 2017 et 2024 atteignait + 47 %, les crédits de paiement de la mission Justice augmenteraient en 2025 de seulement 108 millions d’euros (+ 1,1 %) hors contribution au CAS Pensions. Cette trajectoire est inférieure de 440 millions d’euros à celle définie par la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027 : dans le dossier de presse du PLF pour 2025, le Gouvernement indique que « ces crédits seront réévalués » dans le cadre du débat parlementaire.

Trajectoire des crédits de la mission Justice proposée par la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027

(CP, en milliards d’euros)

Année

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Crédits de la mission Justice, hors contribution au CAS Pensions

8,86

9,58

10,08

10,68

10,69

10,75

Évolution

+ 8,0 %

+ 8,1 %

+ 5,2 %

+ 6,0 %

+ 0,1 %

+ 0,6 %

Source : article 1er de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027.

Parmi les évolutions notables, les crédits pour l’immobilier judiciaire seraient en retrait de 93 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2024, tandis que les crédits d’investissement augmenteraient de 104 millions d’euros afin de poursuivre la mise en œuvre du plan de construction de 15 000 places de prison supplémentaires.

Les dépenses de personnel proposées en 2024 progresseraient de 1 % par rapport à la loi de finances pour 2023 et s’établiraient à 5,1 milliards d’euros hors contribution au CAS Pensions, tirée par un schéma d’emplois positif à hauteur de + 619 ETP pour renforcer les juridictions et les nouveaux établissements pénitentiaires qui entreront en service en 2025.

3.   La mission Écologie, développement et mobilité durables contribuerait fortement aux mesures d’économies présentées

Alors que les crédits de paiement de la mission Écologie, développement et mobilité durables diminueraient de 1,1 milliard d’euros en valeur entre les lois de finances pour 2024 et 2025, le RESF annexé au PLF pour 2025 mentionne que les crédits de la mission « augmentent de 2,8 milliards d’euros ». Cette information est contestable :

– d’une part, elle ne vaut que si l’on considère les crédits du PLF pour 2025 au format de la loi de finances pour 2024, ce qui neutralise le transfert des crédits de MaPrimeRénov’ du programme 174 Énergie, climat et après-mines vers le programme 135 de la mission Cohésion des territoires, alors que l’enveloppe budgétaire totale de ce dispositif diminuerait par ailleurs de 1,4 milliard d’euros en AE et de 1,3 milliard d’euros en CP ;

– d’autre part, la hausse affichée n’est pas le choix de mesures discrétionnaires mais le reflet de la diminution des prix de l’électricité, qui augmente mécaniquement le soutien à la production d’énergies renouvelables porté par le programme 345 Service public de l’énergie, en hausse de 1,8 milliard d’euros ([50]).

En réalité, cette mission est concernée au premier plan par les mesures d’économie du Gouvernement. Ainsi, le programme 174 Énergie, climat et aprèsmines verrait ses crédits diminuer de 59 % (– 3,3 milliards d’euros en CP). Au-delà du transfert de la totalité du financement de MaPrimeRénov’ sur la mission Cohésion des territoires, les crédits alloués au « chèque énergie » seraient en baisse de 180 millions d’euros en conséquence de la réforme proposée par l’article 60 du PLF pour 2025, tandis que les aides à l’acquisition de véhicules propres ([51]), en particulier la prime à la conversion, seraient réduites de 530 millions d’euros en AE et en CP.

Les AE du programme 380 relatif au fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires (ou « fonds vert ») seraient fortement diminuées, à hauteur de 1,5 milliard d’euros, en raison de la réduction du financement d’aides relatives à la performance environnementale, comme par exemple le soutien à la rénovation de l’éclairage public.

4.   Une forte diminution des moyens de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux

La mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux ferait l’objet des réductions de crédits les plus importantes proposées par le PLF pour 2025, à hauteur de – 2,3 milliards d’euros par rapport à la LFI pour 2024.

Le programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi, qui porte notamment les politiques visant à soutenir une insertion rapide et durable dans l’emploi, verrait ses crédits diminuer de 2,8 milliards d’euros : les crédits alloués à l’action 01 Développement des compétences par l’alternance, dans un contexte de recentrage des dispositifs de soutien à l’apprentissage, diminueraient de 1,4 milliard d’euros, tandis que les dispositifs de financement de la formation professionnelle seraient affectés par des diminutions de crédits d’environ 390 millions d’euros.

En outre, l’opérateur France Travail connaîtrait un schéma d’emplois négatif à hauteur de – 500 ETP. Dans le même temps, la subvention pour charges de service public qui abonde France Compétences diminuerait de 19 % pour s’établir à 2 milliards d’euros, malgré une situation financière de l’établissement jugée « déséquilibrée », comme en 2024 ([52]).

5.   La diminution du budget consacré à la mission Aide publique au développement

La mission Aide publique au développement verrait ses crédits diminuer de 1,3 milliard d’euros par rapport au périmètre de la LFI pour 2024, représentant une forte baisse, de l’ordre de 20 % des montants alloués.

Ainsi, les deux principaux programmes de la mission connaîtraient une réduction de leur dotation par rapport à 2024, en particulier le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement dont les crédits seraient abaissés de près de 33 %. L’aide humanitaire dans le cadre des contributions multilatérales serait ramenée à 514,2 millions d’euros en CP, en baisse de 27,2 %, tandis que le budget consacré aux opérations de gestion et de sortie de crise diminuerait de 367 millions d’euros.

6.   La réduction des crédits de la mission Santé traduit la fin attendue du financement du « Ségur de l’investissement »

Le PLF pour 2025 propose une réduction de près de 41 % des crédits de la mission Santé : toutefois, hors programme 379, ceux-ci seraient en hausse de 4 % par rapport à 2024 pour s’élever à 1,55 milliard d’euros.

En effet, le programme 379 finance le reversement à la sécurité sociale de la part de l’enveloppe européenne de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) destinée à financer le volet « Investissement » du Ségur de la santé. Le plan national de relance et de résilience (PNRR) étant en voie d’achèvement, la budgétisation du programme 379 serait donc en forte diminution : alors que 1,3 milliard d’euros étaient inscrits au titre de l’année 2024, seulement 94 millions d’euros sont demandés en 2025.

7.   Des restes à payer qui continuent leur progression

Les restes à payer correspondent à la somme des engagements souscrits (en AE) n’ayant pas été soldés à la fin d’un exercice par des crédits de paiement. Cette notion permet donc d’avoir une visibilité sur les flux financiers futurs : lors des exercices budgétaires suivants, un montant minimal de CP devra être voté pour couvrir les restes à payer.

Le montant global des restes à payer s’élevait à 226,5 milliards d’euros à la fin de l’année 2023 et diminuerait légèrement à la fin 2024 pour atteindre 224,4 milliards d’euros, soit le double du niveau de 2017 (+ 114 milliards d’euros).

La mission Défense se distingue par des niveaux massifs de restes à payer, qui s’élèvent désormais à 99,8 milliards d’euros, résultant notamment de la mise en œuvre de la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 ([53]).

Évolution des restes À payer depuis 2017

(en milliards d’euros)

Note : hors programme 369 Amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19 de la mission Engagements financiers de l’État.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du rapporteur général et de la documentation budgétaire.

Les missions Plan de relance et Investir pour la France de 2030, dont les objectifs supposent une ouverture importante d’AE puis des décaissements de CP échelonnés sur plusieurs années, présentent des restes à payer significatifs, respectivement de 5,1 milliards d’euros (– 3,5 milliards d’euros par rapport à 2023) et de 34,6 milliards d’euros (– 1,8 milliard d’euros). La mission Justice voit ses restes à payer atteindre 12,6 milliards d’euros fin 2024, en croissance de 21,2 %.

Le rapporteur général relève que ces restes à payer massifs et en constante progression, parfois contraints par des lois de programmation comme pour les missions Défense et Justice, atténuent la portée du principe d’annualité budgétaire : les crédits soumis à l’autorisation parlementaire sont ainsi de plus en plus contraints par les engagements passés. L’annualité est également affectée par le montant important des reports de crédits depuis la crise sanitaire ; ces reports s’élevaient à 23,5 milliards d’euros de 2023 vers 2024, dont 18,6 milliards d’euros sur le périmètre des dépenses de l’État. D’après les informations recueillies par le rapporteur général, les reports de crédits de 2024 vers 2025 devraient s’élever à un peu plus de 9 milliards d’euros sur ce même périmètre des dépenses de l’État, ce qui impliquerait qu’une part importante des reports de 2023 serait consommée, venant majorer le montant des crédits ouverts en loi de finances pour 2024, ou bien annulée.

 En outre, l’examen des dépenses programmées pour les années à venir confirme l’augmentation tendancielle des dépenses, au-delà de l’inflation. Depuis l’entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 28 décembre 2021 précitée, chaque projet annuel de performances présente à titre prévisionnel les dépenses envisagées pour les deux exercices suivant le projet de loi de finances ([54]). Il en ressort que les dépenses des missions augmenteraient de 28,6 milliards d’euros de 2025 à 2027, passant de 594,0 milliards d’euros à 622,6 milliards d’euros ([55]), soit une augmentation de 4,8 % en valeur et d’environ 2,5 % en volume.

III.   L’Évolution des effectifs et de la masse salariale de l’État et de ses opÉrateurs

En 2025, la croissance de la masse salariale de l’État serait contenue à + 2,4 % par rapport à 2024, dans le contexte d’un schéma d’emplois négatif à hauteur de – 2 201 ETP (équivalents temps plein) qui marque une inflexion à la baisse par rapport à la tendance des années précédentes.

A.   L’Évolution de la masse salariale de l’État en 2024 et 2025

● En 2024, les dépenses de personnel du budget général de l’État, dites de titre 2, incluant les opérateurs, s’élèveraient en fin d’année à 153,5 milliards d’euros, soit une augmentation de 8,7 milliards d’euros (+ 6 %) par rapport à l’exécution 2023 ([56]).

● En 2025, les dépenses de personnel, prévues sur ce même périmètre s’élèveraient à 157,1 milliards d’euros (+ 2,4 % par rapport à 2024), dont 90,7 milliards d’euros de rémunérations d’activité (+ 0,7 %, contre + 6 % de 2023 à 2024) et 65 milliards d’euros de cotisations et contributions sociales (+ 4,3 %), y compris la contribution au CAS Pensions de chacune des missions.

Entre 2018 et 2022, la valeur du point d’indice de la fonction publique n’a pas été revalorisée. Selon la Cour des comptes, une augmentation de 1 % de la valeur du point correspondait alors à un surcoût annuel de 2,1 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques, dont 880 millions pour l’État et ses opérateurs ([57]).

Face à l’accélération de l’inflation, le point d’indice a été revalorisé de 3,5 % à partir du 1er juillet 2022. En 2023, cette revalorisation représentait un coût en année pleine de 7,6 milliards d’euros. À la suite du maintien de l’inflation à un niveau élevé, le Gouvernement a décidé une nouvelle revalorisation du point d’indice de la fonction publique, à hauteur de 1,5 %, à compter du 1er juillet 2023.

En 2024, en année pleine, ce coût atteindrait 3,2 milliards d’euros au total, dont 1,5 milliard d’euros pour l’État.

Par ailleurs, à compter du 1er janvier 2024, l’ensemble des agents publics a bénéficié d’une augmentation de 5 points d’indice majoré ([58]), se traduisant par une revalorisation uniforme des rémunérations de l’ordre de 295 euros bruts par an. Cette mesure aurait un impact budgétaire de 2,15 milliards d’euros en 2024, dont 0,93 milliard d’euros pour l’État.

B.   L’Évolution des effectifs des ministÈres

Alors que les effectifs de la fonction publique d’État ont continué à croître depuis 2017, l’année 2025 marque une nette inflexion dans cette trajectoire avec une réduction de près de 2 points de la croissance du plafond d’emplois et des schémas d’emplois négatifs à hauteur de – 2 201 ETP pour l’État et ses opérateurs.

1.   Un objectif de réduction des emplois sur la période 2017-2022 progressivement abandonné

Le Gouvernement avait fixé, au début du quinquennat précédent, un objectif de réduction nette de 50 000 emplois sur le champ de l’État et de ses opérateurs entre 2017 et 2022. Cette prévision avait été inscrite à l’article 10 de la LPFP pour les années 2018 à 2022, qui disposait que l’incidence en 2022 des schémas d’emplois exécutés sur cette période devait être au moins égale à une baisse de 50 000 emplois exprimés en équivalents temps plein travaillé (ETPT) ([59]).

Le Gouvernement avait par la suite révisé cet objectif en prévoyant, à partir de 2020, une diminution nette de 10 500 ETP entre 2018 et 2022. Depuis la présentation du projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement n’a plus présenté d’objectif pluriannuel chiffré d’évolution des plafonds d’emplois de l’État ([60]).

En 2022, le nombre d’emplois consommés par l’État et ses opérateurs avait progressé de près de 11 700 ETPT par rapport à celui de 2017 ([61]). Cette hausse était principalement due au champ des opérateurs, dont les emplois ont progressé de près de 8 200 ETPT sur la période. Cette évolution masque par ailleurs des disparités importantes entre ministères, qui traduisent le choix de renforcer l’action de l’État dans le champ régalien (armée, intérieur, justice) ainsi que dans l’enseignement primaire.

Pour 2023, la loi de finances initiale prévoyait des schémas d’emplois positifs à hauteur de + 10 809 ETP. Les créations de postes concernaient principalement l’État (+ 8 975 ETP) et, dans une moindre mesure, les opérateurs (+ 1 834 ETP).

La distinction entre les ETP et les ETPT

Les équivalents temps plein (ETP) correspondent aux effectifs physiques, c’est-à-dire aux agents rémunérés, corrigés de la quotité de temps travaillé. Ils ne tiennent pas compte de la durée d’emploi sur l’année.

Exemple : un agent à temps partiel à 70 % (quotité de travail : 70 %) correspond à 0,7 ETP, qu’il ait travaillé 8 ou 12 mois dans l’année.

Les équivalents temps plein travaillés (ETPT) correspondent aux effectifs physiques pondérés par la quotité de travail des agents (temps plein, temps partiel, etc.) et la période d’activité sur l’année.

Exemple : un agent à temps partiel à 70 % qui a travaillé du 1er juillet au 31 décembre correspond à 0,35 ETPT (1 × 0,7 × 6 mois/12 mois = 0,35 ETPT).

Les consommations d’emplois et les plafonds des autorisations d’emplois sont exprimés en ETPT. À l’inverse, les schémas d’emplois sont exprimés en ETP.

Ainsi, les schémas d’emplois traduisent les flux d’entrées et de sorties, tandis que les plafonds d’emplois illustrent le stock d’emplois.

N.B. : depuis l’exercice 2015, les modalités de décompte des emplois sont homogènes entre l’État et ses opérateurs et consistent en la fixation d’un plafond d’emplois en ETPT et d’une trajectoire de schémas d’emplois en ETP.

2.   Un schéma d’emploi en baisse pour l’État et ses opérateurs en 2025

Le plafond des autorisations d’emplois de l’État pour 2025 proposé par l’article 47 du PLF pour 2025 s’élève à 1 995 994 équivalents temps plein travaillé (ETPT) au titre des missions du budget général et à 11 011 ETPT au titre des budgets annexes. Le plafond des autorisations d’emplois de l’État augmente au total de + 21 698 ETPT par rapport au plafond autorisé par la loi de finances pour 2024, en raison notamment :

– de l’effet en 2025 du schéma d’emplois, c’est-à-dire le solde global des créations et des suppressions d’emplois sur l’État, à hauteur de – 3 381 ETPT ;

– de l’effet en année pleine sur 2025 des variations d’effectifs prévues en loi de finances pour 2024, à hauteur de + 5 803 ETPT ;

– des mesures de transfert et de périmètre à hauteur de + 20 184 ETPT, notamment liée à l’achèvement du passage sur le titre 2 des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), antérieurement rémunérés sur le hors titre 2 ([62]), et des assistants d’éducation (AED) ayant signé un contrat à durée indéterminée avec le rectorat.

Consommation et plafonds des autorisations d’emplois de l’État
pour les annÉes 2022 à 2025

(en ETPT)

Ministère

Consommation 2022

Consommation 2023

Plafond LFI 2024

Plafond PLF 2025

Agriculture, souveraineté alimentaire et forêt

29 528

29 417

30 263

30 531

Armées et anciens combattants

266 777

264 475

270 554

271 117

Culture

9 241

8 959

9 161

9 159

Budget et comptes publics (*)

124 741

123 376

125 212

114 133

Économie, finances et industrie (*)

10 903

Éducation nationale

1 009 288

1 019 708

1 060 503

1 077 652

Enseignement supérieur et recherche

5 212

5 137

5 119

5 104

Fonction publique, simplification et transformation de l’action publique

395

433

514

540

Europe et affaires étrangères

13 598

13 574

13 761

13 892

Intérieur (*)

295 873

298 402

304 040

298 689

Outre-mer (*)

5 708

Justice

90 223

91 176

94 698

95 599

Logement et rénovation urbaine (*)

            35 333

35 162

35 851

291

Partenariat avec les collectivités territoriales et décentralisation (*)

35 114

Transition écologique (*)

2 027

Services du Premier ministre

9 518

9 742

10 405

10 477

Solidarités et familles (*)

5 029

5 070

5 074

12 758

Travail et emploi (*)

7 731

7 717

7 787

Sport, jeunesse et vie associative

1 432

1 428

1 442

2 301

Total budget général

1 903 919

1 913 776

1 974 384

1 995 994

Contrôle et exploitation aériens

10 289

10 215

10 439

10 525

Publications officielles et informations administratives

481

479

484

486

Total budgets annexes

10 770

10 694

10 923

11 011

Total général

1 914 689

1 924 470

1 985 307

2 007 005

(*) Création, suppression ou changement de périmètre en PLF pour 2025. Les ministères autrefois associés sont marqués par la même couleur.

Source : projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023 et projet de loi de finances pour 2024.

 En 2025, le schéma d’emplois dans les ministères s’élève à – 1 196 ETP, en forte diminution par rapport au schéma d’emploi inscrit dans la loi de finances pour 2024 qui prévoyait une croissance des effectifs de + 6 695 ETP. Les principales diminutions seraient portées par le ministère de l’éducation nationale à hauteur de – 2 000 ETP et par le ministère du budget et des comptes publics pour – 505 ETP. Ces effets seraient partiellement compensés par des créations au sein des ministères régaliens, avec + 630 ETP pour le ministère des armées et + 619 pour le ministère de la justice. Ces augmentations d’effectifs entrent dans le cadre des lois de programmation relatives aux ministères concernés.

 Le plafond d’emplois proposé à l’article 48 pour les opérateurs de l’État est de 402 218 ETPT, en baisse de – 2 712 ETPT par rapport au plafond fixé en loi de finances pour 2024.

Cette évolution intègre la réduction du schéma d’emplois de – 1 005 ETP, après une hausse de + 1 664 ETP prévue par la loi de finances pour 2024. Cette forte diminution concerne à hauteur de – 883 ETP le ministère du travail, dont – 500 ETP pour l’opérateur France Travail. La diminution du plafond d’emplois intègre également des mesures de transfert et des corrections et abattements techniques, pour – 1 812 ETPT, qui tiennent compte de la fusion de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

Toutefois, le rapporteur général observe que cette évolution à la baisse des emplois sous plafond ne fait pas obstacle à une hausse de + 8 102 ETPT des emplois rémunérés par les opérateurs de l’État. Si l’on inclut le total des emplois en fonction dans les opérateurs de l’État mais qui ne sont pas rémunérés par eux, cette augmentation atteint même + 8 326 ETPT (+ 1,7 %) : cette croissance interroge sur les efforts réels réalisés par les opérateurs en matière de maîtrise de leur masse salariale.

structure des emplois des opÉrateurs de l’État

(en ETPT)

 

LFI 2024

PLF 2025

Évolution 2024/2025

Emplois rémunérés par l’opérateur sous plafond

404 930

402 218

 2 712

Emplois rémunérés par l’opérateur hors plafond

66 244

77 058

+ 10 814

TOTAL des emplois rémunérés par l’opérateur

471 174

479 276

+ 8 102

Emplois rémunérés par l’État par le programme de rattachement de l’opérateur

8 324

8 574

+ 250

Emplois rémunérés par l’État par d’autres programmes

3 548

3 535

– 13

Emplois rémunérés par l’État par d’autres collectivités

241

228

– 13

TOTAL des emplois en fonction dans les opérateurs de l’État

483 287

491 613

+ 8 326

Source : annexe générale « Opérateurs de l’État » au projet de loi de finances pour 2025.

 

Évolution des effectifs dans les ministÈres et leurs opÉrateurs en 2025

(en ETP)

 

Source : commission des finances, à partir des données transmises en réponse au questionnaire du rapporteur général.


   Audition du président du Haut Conseil
des finances publiques

Lors de sa réunion du jeudi 10 octobre 2024, la commission a entendu M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques sur l’avis du Haut Conseil relatif au projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) et au projet de loi de financement de la sécurité sociale (n° 325) ([63]).

M. le président Éric Coquerel. Nous recevons M. Pierre Moscovici, en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), afin qu’il nous présente les avis rendus par ce dernier d’une part sur le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, d’autre part sur le projet de plan budgétaire et structurel national à moyen terme (PSMT).

Dans son avis sur le PLF et le PLFSS, le Haut Conseil souligne que la programmation des finances publiques résultant de la loi promulguée l’an dernier est déjà dépassée du fait de la forte dégradation de la situation, et que c’est la trajectoire du PSMT qui devient la référence la plus pertinente, à respecter absolument.

L’avis rendu sur le PSMT constitue, lui, une nouveauté : c’est la première fois que la France doit, conformément à la réforme de la gouvernance économique européenne d’avril 2024, transmettre un plan de ce type aux institutions européennes. On peut se réjouir que le Gouvernement ait décidé d’en saisir le Haut Conseil alors même que les textes ne l’imposaient pas formellement. On peut en revanche s’inquiéter de ce que le Haut Conseil juge que les informations qui lui ont été transmises sont « insuffisantes pour lui permettre d’apprécier le réalisme de la trajectoire pluriannuelle inscrite dans ce PSMT ». Ce caractère lacunaire est probablement lié aux délais dont le Gouvernement a disposé pour l’établir.

Mes chers collègues, j’ai essayé de faire en sorte que les documents relatifs au PLF pour 2025 nous soient adressés directement. Charles de Courson et moi‑même avons décliné l’invitation qui nous a été faite d’assister à la conférence de presse organisée aujourd'hui à quinze heures, estimant que ce n’était pas dans ce contexte que les représentants de la commission des finances devaient prendre connaissance du projet de budget. Mais nous vous transmettons tout ce que nous recevons.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je me réjouis de venir devant vous pour vous présenter les principales conclusions des deux avis que nous avons remis au Gouvernement.

Conformément à la loi organique du 28 décembre 2021, le Haut Conseil a été saisi des prévisions macroéconomiques de l’exécutif et a porté une appréciation sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses du PLF et du PLFSS. Le Gouvernement a par ailleurs décidé de le saisir du PSMT, le plan budgétaire pluriannuel qu’il devra présenter à la Commission à l’automne en vertu de la nouvelle gouvernance économique européenne. Le HCFP se félicite de cette décision, à laquelle le Gouvernement n’était pas tenu pendant les premières années d’existence de cette nouvelle gouvernance. Comme je l’avais signifié par écrit au Premier ministre, il aurait semblé regrettable de priver le Parlement d’un avis dont il disposait auparavant s’agissant du programme de stabilité, que le PSMT remplace. Toutefois, sans doute en raison des délais impartis, les informations transmises par le Gouvernement restent effectivement très insuffisantes pour permettre au HCFP de juger du réalisme de la trajectoire proposée. S’il faut se réjouir de cette première, nous devrons donc faire mieux à l’avenir.

J’ai eu l'occasion de le dire à de multiples reprises : 2024 est une année noire pour les finances publiques. Alors que l’objectif de déficit public inscrit dans la loi de finances pour 2024 était fixé à 128 milliards d’euros, soit 4,4 % du PIB, il a déjà été relevé à 5,1 % en avril et est désormais prévu à 6,1 %, soit près de 180 milliards d’euros. L’écart entre ce que vous avez voté il y a moins d’un an et ce qui devrait être réalisé atteint donc 1,7 point de PIB, soit 52 milliards, ce qui est à la fois absolument considérable et totalement inédit, d’autant que nous ne sommes pas en période de crise. C’est plus qu’inhabituel et, en vérité, assez inquiétant : en fin d’année, et en l’absence de mesure de frein nouvelle, notre déficit sera plus de deux fois supérieur à la limite de 3 points de PIB prévue par le pacte de stabilité et de croissance. Ce dérapage majeur, qui entraîne également une dégradation de nos conditions de financement, doit s’arrêter là.

Dans ce contexte, le Haut Conseil souligne la nécessité de retenir des hypothèses prudentes en matière de recettes et de ralentissement des dépenses lorsqu’aucun dispositif robuste n’est prévu pour les appuyer. Alors que nos choix nationaux à court et moyen terme sont scrutés par les marchés et la Commission européenne, son rôle de vigie des finances publiques est plus que jamais crucial. L’année 2024 a en outre été marquée par l’ouverture, en juillet, d’une procédure pour déficit excessif à l’encontre de la France, dont nous devons tenir le plus grand compte.

Concrètement, cette procédure nous impose de transmettre une trajectoire crédible de désendettement, fondée sur un budget cohérent, dans le cadre du PSMT. Ce dernier nous paraît plus réaliste que les trajectoires précédemment présentées. Je suis venu deux fois devant vous, depuis l’automne dernier, pour évoquer respectivement la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et le programme de stabilité. J’ai successivement expliqué que les trajectoires proposées n’étaient pas crédibles, puis qu’elles étaient caduques, et enfin qu’elles n’étaient pas cohérentes. Ce n’est pas du tout le cas cette année : un effort de réalisme a été fait, le PSMT prévoyant désormais de ramener le déficit public sous la barre des 3 points de PIB en 2029 et non plus en 2027, échéance qui apparaissait déjà intenable au printemps. Il était crucial de tenir un discours de vérité aux Français et à nos partenaires européens.

Le scénario proposé suppose, pour être conforme aux règles de gouvernance européenne, que la période d’ajustement budgétaire de la France soit prolongée, raison pour laquelle le PSMT court sur sept ans, jusqu’en 2031.

Il est tout aussi crucial que les nouvelles prévisions soient tenues : il ne suffit pas de gagner du temps, il faut aussi être crédible. Nous ne pouvons plus nous permettre de définir des trajectoires pluriannuelles qui deviennent caduques avant même de commencer. Il y va non seulement de notre crédibilité, mais aussi et surtout de notre capacité à reprendre le contrôle de nos finances publiques. Les objectifs du PLF et du PLFSS pour 2025, examinés comme d’habitude dans des délais très brefs par le Haut Conseil, constituent la première brique de cette nouvelle trajectoire. La réduction du déficit structurel de 1,2 point de PIB en 2025, si elle reflète une inflexion réelle et bienvenue, supposera de franchir une marche très haute et requerra un ajustement budgétaire massif. La réussite est donc sujette à de nombreuses incertitudes. Or toute déviation en 2025 aurait des conséquences sur la crédibilité de l’ensemble de la trajectoire. Si nous jugeons positivement cet objectif ambitieux, nous insistons donc sur la nécessité de le respecter. Les changements répétés de chiffres et les cibles sans cesse mouvantes font très mal à notre pays. Un objectif a été fixé. Tenons-le.

J’en viens aux trois principaux messages que le Haut Conseil entend faire passer.

S'agissant d'abord des prévisions macroéconomiques du Gouvernement, si le scénario présenté pour 2024 semble désormais réaliste, celui pour 2025 paraît encore un peu fragile. Le scénario de moyen terme retenu dans le PSMT, quoiqu’encore un peu optimiste, est plus raisonnable que les précédentes programmations pluriannuelles, qui sont maintenant clairement dépassées. Dans le contexte actuel, il n’est évidemment pas question d'adopter rapidement une nouvelle LPFP, mais pour ce qui est de l’actuelle, je vous le dis : oubliez-la. C’est la trajectoire définie dans le PSMT qui constitue la nouvelle référence.

Pour ce qui est ensuite des prévisions de recettes et de dépenses, les informations communiquées au Haut Conseil sont, malgré ses demandes, insuffisantes pour apprécier totalement la capacité du Gouvernement à atteindre ses ambitieux objectifs de hausse des prélèvements obligatoires et de freinage de la dépense en 2025. Pour les années suivantes, ces informations sont même totalement inexistantes. Le HCFP est pourtant une institution indispensable à l’information du Parlement et des citoyens, dont le rôle est consacré par la loi organique de 2021. Pour travailler sérieusement, il doit pouvoir accéder à l’ensemble des informations et documents qu’il juge nécessaires. Je déplore que ce ne soit pas systématiquement le cas, surtout dans la situation actuelle des finances publiques, qui appelle la plus entière transparence du Gouvernement envers nous, c'est-à-dire envers vous.

Enfin, le Haut Conseil salue l’inflexion que constitue l’objectif d’un déficit ramené à 5 points de PIB en 2025, même si le risque est assez élevé de ne pas l’atteindre. La trajectoire du PSMT présente aussi un caractère plus réaliste, notamment grâce au report de deux ans de l’objectif de retour du déficit sous les 3 points de PIB. Repasser sous la barre des 3 % dès 2027 en partant de si haut eût été économiquement dommageable et socialement préjudiciable – sans parler de l’acceptabilité politique des mesures qui auraient été nécessaires, dont vous êtes juges. Ce réalisme retrouvé contraste avec la trajectoire initiale du programme de stabilité.

Avant d’entrer davantage dans le détail, il convient de présenter rapidement le contexte économique international.

L’économie mondiale, après avoir dû surmonter successivement une pandémie, un choc énergétique et des tensions géopolitiques majeures, continue à faire preuve de résilience. La croissance mondiale devrait ainsi conserver, en 2025, le rythme d’environ 3 % enregistré ces deux dernières années. Un rééquilibrage devrait toutefois s’opérer entre la croissance des économies américaine et chinoise, qui se modérerait après avoir été plutôt dynamique, et celle de la zone euro, qui commencerait à se redresser après avoir quelque peu langui.

Aux États-Unis, les indicateurs font état d’un atterrissage en douceur de l’économie : la consommation des ménages devrait ralentir et la décision d'assouplissement de la politique monétaire prise par la Réserve fédérale en septembre devrait contribuer à soutenir l’activité. En parallèle, la croissance de l’économie chinoise se révèle décevante et devrait continuer à fléchir en 2025. La banque centrale chinoise a certes annoncé de nouvelles mesures de soutien à l’activité en septembre, mais leur efficacité demeure assez incertaine.

Dans la zone euro, en revanche, la croissance a redémarré en début d’année 2024, tirée principalement par le commerce extérieur, tandis que la demande intérieure continuait à pâtir de la chute de l’investissement. Ce changement dans la composition de la croissance, qui a affecté les rentrées de TVA, donc les recettes fiscales, explique sans doute en partie le dérapage observé en France. La conjoncture est cependant très contrastée d’un pays à l’autre : en une sorte de revanche de l’histoire, l’activité semble très bien orientée dans les pays du Sud, en particulier en Espagne ou au Portugal, alors que l’économie allemande, qui fut longtemps le moteur de l’Europe, fonctionne toujours au ralenti et connaît une nouvelle récession en 2024. Son évolution dans les années à venir est d’ailleurs une source de préoccupation, y compris pour nous, l’Allemagne étant un partenaire commercial majeur et notre premier fournisseur.

En 2025, la zone euro devrait néanmoins bénéficier de la baisse de l’inflation et de marchés du travail toujours tendus, qui devraient entraîner des hausses de salaires réels et des gains de pouvoir d’achat, alimentant un rebond bienvenu de la consommation des ménages. Enfin, l’activité devrait bénéficier d’une politique monétaire plus accommodante, la Banque centrale européenne ayant amorcé au printemps un cycle de baisse des taux qui s’est déjà traduit par une diminution de 50 points de base du taux d’intérêt de la facilité de dépôt. Cet assouplissement devrait se poursuivre.

Les incertitudes sur la conjoncture internationale demeurent malgré tout fortes : aux tensions géopolitiques s’ajoute le flou sur la politique économique qu’appliqueront les États-Unis après l’élection de novembre, avec notamment le risque d’un retour à un protectionnisme plus ou moins fort selon le candidat qui sera élu et d’une poursuite du démantèlement du système commercial multilatéral. Parallèlement, les incertitudes sur l’Allemagne demeurent et une désinflation plus rapide que prévu aux États-Unis et en zone euro n’est pas à exclure.

J’en viens aux observations du Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques du Gouvernement pour les années à venir. Dans le contexte international que je viens d’évoquer, nous estimons, je l’ai dit, que le scénario prévu pour 2024 est dans l’ensemble réaliste, tandis que celui pour 2025 présente des fragilités.

Le Gouvernement prévoit désormais une croissance du PIB de 1,1 % en 2024, comparable à la prévision du consensus des économistes. L’activité a progressé modérément au premier semestre 2024, tirée essentiellement par le commerce extérieur et la demande publique, la consommation des ménages étant demeurée atone. À la mi-année, l’acquis de croissance atteignait 0,9 point, si bien que la prévision de 1,1 % de croissance annuelle semble tout à fait atteignable.

Pour 2025 en revanche, nous qualifions l’objectif d’« un peu élevé ». Autrement dit, il n’est pas inatteignable, mais il y a des risques qu’il ne soit pas atteint. Le Gouvernement anticipe une stabilisation du rythme de croissance à 1,1 % du PIB en moyenne annuelle. Cette prévision est conforme au consensus des économistes, mais elle s’en éloigne si l’on tient compte de l'orientation restrictive du scénario de finances publiques qui y est associé. En effet, ce scénario intègre un ajustement budgétaire structurel de 1,2 point de PIB, un niveau très inhabituel et supérieur à celui retenu par les institutions auditionnées. En appliquant le multiplicateur budgétaire de 0,5 retenu par le Gouvernement, cela suppose que la croissance spontanée – c'est-à-dire hors effet récessif des mesures qui vous seront soumises – s’établisse à 1,7 % pour que l’objectif gouvernemental soit atteint. Or aucun des indicateurs dont nous disposons ne laisse présager une telle accélération.

Nous craignons donc que le Gouvernement ne tienne pas suffisamment compte des effets récessifs de l’ajustement prévu : s’il prévoit bien un recul de la consommation et de l’investissement des administrations publiques en 2025, il retient en revanche des hypothèses optimistes sur l’évolution de la demande privée et du commerce extérieur. Si certaines semblent justifiées – la dynamique récente des permis de construire et des mises en chantier, première conséquence positive de la baisse du coût du crédit immobilier, peut laisser envisager une stabilisation de l’investissement des ménages en 2025 –, d’autres sont plus volontaristes. Le Gouvernement table par exemple, au motif d’une baisse de l’inflation perçue par les ménages, sur un repli très fort de leur taux d’épargne, qui serait favorable aux dépenses de consommation. Les enquêtes suggèrent toutefois que la part des ménages estimant opportun d’épargner a atteint son plus haut niveau historique en septembre. Le recul de l'épargne, attendu de longue date, s’il n'est pas impossible, ne semble donc pas écrit dans les astres.

La prévision d’inflation pour 2025 s’établit quant à elle à 1,8 %, ce qui paraît un peu élevé au vu de l’ampleur du mouvement de désinflation observé depuis le début de l’année. Le chiffre de 2,1 % retenu pour 2024 semble en revanche tout à fait plausible. Enfin, le HCFP juge que la prévision de croissance de la masse salariale dans les branches marchandes non agricoles, établie à 2,8 %, est un peu optimiste, les prévisions de croissance de l’emploi et du salaire moyen par tête semblant toutes deux un peu élevées.

Le Haut Conseil a également examiné le scénario macroéconomique sous-jacent au PSMT, dans la limite des informations assez maigres qu’il a reçues – le Gouvernement n’a notamment pas pu détailler la composition de la croissance au‑delà de 2025. Cette remarque n’est pas une critique, mais un constat. Je ne blâme pas le Gouvernement, qui a joué le jeu. Seulement, lorsqu’il communiquera le document le 31 octobre à la Commission européenne, il devra être beaucoup plus précis.

La principale donnée macroéconomique sur laquelle le HCFP est en mesure de se prononcer, qui fonde la trajectoire prévue par le Gouvernement et aura l'impact le plus important sur les demandes formulées par la Commission européenne, est l’estimation du PIB potentiel, c'est-à-dire la croissance que connaîtrait l’économie en l’absence de choc conjoncturel. Elle a été revue à la baisse, étant désormais estimée à 1,2 % entre 2024 et 2028 – au lieu de 1,35 % – puis à 1 % les années suivantes. Nous disions depuis longtemps que le gouvernement précédent surestimait la croissance potentielle : la prévision actuelle, quoiqu’encore un peu élevée, semble revenir à un réalisme bienvenu. Quant au scénario de croissance effective, il paraît plutôt optimiste lui aussi.

J’en viens aux prévisions de finances publiques pour 2025. Le Gouvernement prévoit un déficit public effectif de 6,1 % du PIB en 2024 et de 5 % en 2025.

En 2024, le déficit public dépasserait donc l’objectif initial de 1,7 point. Bien qu’il subsiste un niveau d’incertitude non négligeable d’ici à la fin de cette année, ces prévisions apparaissent malheureusement assez réalistes. La Cour des comptes reviendra devant vous en mai pour vous présenter son rapport sur l’exécution du budget 2024. Il faudra faire l’autopsie de ce dérapage : l’écart est tellement considérable que nous avons besoin de comprendre, non pour critiquer, mais pour éviter que cela ne se reproduise.

En 2025 donc, le déficit serait ramené à 5 points de PIB grâce à un ajustement budgétaire massif de 1,1 point de PIB, qui marquerait une inflexion de tendance importante et souhaitable après deux années très sombres, et même assez graves, pour les finances publiques. Le déficit public resterait néanmoins nettement supérieur au niveau envisagé dans le programme de stabilité, à savoir 4,1 points de PIB.

Le HCFP souligne un facteur de risque supplémentaire et inédit : le chiffre présenté dans l’article liminaire du PLF n’est pas de 5 points de PIB, mais de 5,2. Pour fonder sa prévision à 5 %, le Gouvernement prend en compte des mesures qui ne sont pas encore intégrées au texte et qui devront l’être par amendement au cours du débat parlementaire. J’insiste : le point de départ de la discussion budgétaire sera un déficit de 5,2 %, et le ramener à 5 % dépendra de l'adoption de tels amendements par le Parlement.

Cette prévision de déficit pour 2025 semble fragile, en raison de l’optimisme du scénario macroéconomique déjà évoqué, mais aussi de l’ampleur des mesures à prendre. Le fait qu’elles ne soient pas toutes documentées à ce stade – sans doute le seront-elles davantage à l’issue du Conseil des ministres de ce jour – empêche d’apprécier pleinement la plausibilité de la trajectoire présentée.

Les recettes, tout d’abord, ont été révisées à la baisse en 2024 de plus de 14 milliards d’euros par rapport aux prévisions initiales, en raison de la faiblesse des rentrées fiscales – notamment de l’impôt sur le revenu et de la TVA. En 2025, les prélèvements obligatoires devraient s’établir à 1 311 milliards, en hausse de 4,9 %. Leur croissance spontanée atteindrait 2,5 % et resterait donc moins rapide que celle du PIB en valeur, pour la troisième année consécutive. Toutefois, cette prévision paraît un peu haute au vu des prévisions de croissance et d’inflation retenues dans le scénario macroéconomique du Gouvernement. Celui-ci prévoit également 30 milliards d’euros de recettes supplémentaires grâce à des mesures nouvelles de prélèvements obligatoires. Du fait d’une information lacunaire, le Haut Conseil n’est malheureusement pas en mesure d’apprécier le réalisme de ce montant. Par exemple, les détails de la baisse des allégements généraux de cotisations ou du mécanisme d'imposition minimale pour les particuliers prévus dans le PLF n’étaient pas documentés lorsque nous avons été consultés.

Pour ce qui est des dépenses publiques, comme je l’ai déjà regretté devant vous, l’objectif affiché pour 2024 ne sera pas atteint, faute de mesures de frein efficaces au second semestre. Cette année sera donc bien une année noire pour les finances publiques. Hors dépenses exceptionnelles et charge de la dette, les dépenses déflatées augmenteraient de 2,6 % en volume, contre 0,5 % observés en 2023 – ce qui montre que le « quoi qu’il en coûte » n’a, en réalité, jamais pris fin. Il en résulterait une dégradation de 20,4 milliards d’euros par rapport aux prévisions du programme de stabilité, due pour moitié à la dynamique des dépenses des collectivités territoriales, en fonctionnement comme en investissement, et pour moitié aux dépenses de l’État. Les dépenses des administrations sociales sont quant à elles restées plutôt proches des prévisions initiales. Au total, les dépenses publiques hors crédits d’impôt atteindraient 56,8 points de PIB, soit 3 points de plus qu’observé en 2019, avant la crise sanitaire. On retrouve ici l’effet de cliquet qu’on observe classiquement en France après une crise. Ce ratio est par ailleurs supérieur de 9 points à la moyenne de la zone euro.

Nous n’avons donc pas d’autre choix que d’engager une baisse de notre endettement et de notre déficit, principalement en réalisant des économies. Pour ce faire, il est indispensable que les mesures prévues par le Gouvernement soient documentées et effectivement appliquées.

Les modalités de cette modération des dépenses restent à ce jour peu définies, quel que soit le champ des administrations concernées. Tel est le cas pour les 20 milliards d’économies en dépenses de l’État et des 4,9 milliards d’effort portant sur l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Tel est aussi le cas des mécanismes de résilience qui permettraient, selon le PLF, de contenir la hausse des dépenses de fonctionnement des collectivités locales à 0,2 point en volume par rapport à 2024.

Si ces économies étaient toutes réalisées, la hausse des dépenses en volume hors dépenses exceptionnelles et hors charge de la dette serait contenue à 0,2 point, après la forte progression de 2024, et ramenée à un niveau inférieur à 2023. Le poids des dépenses publiques diminuerait alors pour atteindre 56,3 points de PIB, ce qui resterait supérieur de 2,5 points au niveau d’avant la crise sanitaire. J’observe en passant que l’on entend parler d’austérité, mais que lorsqu’on a des dépenses publiques représentant 56,3 points de PIB, on peut s’autoriser à estimer que l’on est encore assez bien charpenté de ce point de vue.

La cible de dépenses pour 2025 est très ambitieuse. L’atteindre suppose la mise en œuvre rapide de mesures d’économies, ce qui, soyons lucides, sera difficile. Si les modalités de ces mesures ne sont pas clarifiées dans les meilleurs délais, il existe un risque de trancher dans les dépenses publiques brutalement, de façon non ciblée et peu intelligente.

À ce propos, je tiens à rappeler un point de vigilance majeur pour nous : pour être socialement acceptables, pour être durables du point de vue des finances publiques et pour ne pas porter atteinte à la croissance ni à notre modèle social, les diminutions de dépenses publiques doivent être fondées sur un unique prisme, qui est l’évaluation préalable de leur qualité – ce avec quoi l’urgence ne fait pas bon ménage.

J’en viens à l’analyse du Haut Conseil sur le solde structurel présenté par le Gouvernement. Il s’élève à 4,5 points de PIB en 2025, après 5,7 en 2024, soit un ajustement structurel de 1,2 point. Cet ajustement serait conforme aux exigences de la procédure pour déficit excessif, qui prévoit une amélioration du solde structurel d’au moins 0,5 point de PIB par an. Mais y parvenir supposerait en réalité de réaliser un effort structurel plus élevé, de 1,4 point de PIB au total, soit 42 milliards, pour compenser l’impact négatif de la croissance spontanée des prélèvements obligatoires, inférieure à celle du PIB.

Pour nous, cet effort reposerait à 70 % sur des hausses de prélèvements obligatoires, de 30 milliards, et à 30 % sur la réduction des dépenses, de 12 milliards – autrement dit, 1 point de PIB d’un côté et 0,4 point de l’autre. Pour répondre d’emblée au commentaire selon lequel ces proportions sont inverses de celles retenues par le Gouvernement, je tiens à dire, sans jouer sur les mots, qu’il s’agit d’une différence et non d’un différend.

Le Gouvernement se fonde sur un raisonnement tendanciel. Il estime que l’effort de consolidation budgétaire de 60 milliards, se décomposant en 40 milliards de réductions de dépenses et 20 milliards de hausses des prélèvements obligatoires, représente des économies en dépenses par rapport à une évolution tendancielle de 2,8 %, qui est énorme et qui, en tout état de cause, paraît nettement supérieure à la croissance potentielle et à la croissance effective.

En d’autres termes, il postule que nous aurions dû assister à la poursuite de l’évolution catastrophique de 2023 et de 2024. Nous ne sommes pas en mesure de l’apprécier ; cette dérive a quelque chose de conventionnel. En raison de ce choix méthodologique, l’effort en dépenses affiché par le Gouvernement est de 1,3 point de PIB, mais il ne réduirait le poids des dépenses dans le PIB que de 0,4 point de PIB en structurel.

Par ailleurs, la classification des mesures fiscales en dépenses diffère entre le Gouvernement et le HCFP. Les 20 milliards de prélèvements obligatoires ne tiennent pas compte selon nous – en vérité, cela n’est pas contesté : vous pourrez poser la question au ministre, je me suis entretenu avec les membres de son cabinet – de certaines mesures fiscales prévues pour 2025, telles qu’une partie de l’augmentation de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité et la réduction des exonérations de cotisations à la charge de l’employeur. Affichées comme des réductions de dépenses, ces mesures sont clairement des prélèvements.

En réalité, si vous raisonnez en structurel, cela donne 30 milliards de hausses des prélèvements et 12 milliards d’économies en dépenses ; si vous raisonnez en tendanciel, vous êtes plus proches d’une répartition 50-50 – près de 30 milliards de hausses des prélèvements et 30 milliards d’économies, mais dont 20 reposent sur la prolongation d’une tendance qui n’est pas la bonne.

J’en arrive à l’évolution de la dette publique prévue par le projet de loi de finances pour 2025. Le ratio de dette publique recommencerait à croître en 2024 et en 2025, si fortement qu’il retrouverait en 2025 le point haut atteint en 2020 lors de la crise sanitaire, soit près de 115 points de PIB. La charge de la dette progresserait fortement ; elle atteindrait 2,3 points de PIB en 2025, soit près de 70 milliards d’euros courants, contre 53 milliards en 2023 et à peu près 25 avant la crise sanitaire.

Vous savez comme moi que chaque euro dépensé dans le remboursement de la dette est un euro perdu pour les services publics ou pour les politiques publiques que vous défendez les uns et les autres, fût-ce de façon contradictoire. Le remboursement de la dette deviendrait le premier budget de l’État devant l’éducation nationale. Convenons tous que c’est un gâchis ! Soyons conscients que nos concitoyens, désormais, ne considèrent plus la question comme anecdotique, mais essentielle. Ils sont très conscients qu’un État endetté est un État impuissant.

Je finis avec les observations du Haut Conseil sur les prévisions de finances publiques du PSMT. Nous nous félicitons que le Gouvernement nous ait saisis alors qu’il n’était pas tenu de le faire, mais nous n’avons pas pu porter une appréciation fondée sur le réalisme de la trajectoire des finances publiques au-delà de 2025. Nous nous contentons donc d’indiquer que le décalage de la date de retour du déficit sous le seuil de 3 points de PIB nous paraît pertinent.

Dans cette nouvelle trajectoire, le ratio de dette publique connaîtrait une hausse continue jusqu’en 2027 et ne commencerait à baisser qu’en 2028, ce qui signifie que la charge de la dette des administrations continuera à progresser pour atteindre 2,8 points de PIB en 2027, soit une charge annuelle de l’ordre de 90 à 100 milliards. Dans l’ensemble, nous considérons que la nouvelle trajectoire du PSMT est fondée sur des projections plus raisonnables que les précédentes. Elle doit d’autant plus être respectée.

Mesdames et messieurs les députés, je m’exprime devant vous avec une forme de gravité. Il est indispensable, je dirais même vital que la France reprenne le contrôle de ses finances publiques. Nous sommes désormais le troisième pays le plus endetté de la zone euro, derrière la Grèce et l’Italie. En volume, nous sommes le premier. Cette situation n’est pas à la hauteur de notre pays.

La charge de la dette ne cesse de s’alourdir. Nous avons l’ardente obligation de réduire notre déficit public et de replacer la dette sur une trajectoire descendante. Le Haut Conseil, plus que jamais, appelle à la plus grande vigilance sur la soutenabilité à moyen terme des finances publiques. Pour moi, ce prisme devrait irriguer tous les débats relatifs au projet de loi de finances pour 2025.

Pour être pérenne, cette recherche de soutenabilité doit être acceptable socialement et soutenable économiquement. Ce n’est pas une politique d’austérité qui doit être menée, mais une politique de maîtrise des dépenses et d’amélioration de leur efficience ainsi que de leur qualité. À cet effet, il faut suivre une démarche réfléchie et raisonnée, afin que les efforts à venir soient durables et vertueux. Sinon, l’impuissance nous guette.

M. le président Éric Coquerel. Une réflexion préalable : vous avez dit qu’en raison de la parcimonie avec laquelle le Gouvernement vous a communiqué des informations, vous avez eu du mal à apprécier le niveau des recettes et des dépenses, mais que nous sommes dans un moment exceptionnel et que sa responsabilité n’est que partielle. Il n’en reste pas moins qu’un problème démocratique se pose. Ce n’est pas la première fois, mais le contexte le rend plus grave. Comment le résoudre impérativement pour les prochains projets de loi de finances ?

J’en viens à des questions plus précises. La prévision de déficit pour 2024 était de 4,4 points de PIB dans le projet de loi de finances pour 2024 et de 5,1 dans le programme de stabilité 2024-2027. Elle est désormais de 6,1 points, soit un écart de 1,7 point de PIB par rapport à la prévision initiale et une dégradation de 0,6 point par rapport à 2023. Cette variabilité des estimations, apparue en 2023, est préoccupante. Certains parlent d’insincérité, d’autres de cécité, d’autres encore de problèmes techniques. Comment l’expliquez-vous ? Vous pose-t-elle problème ?

Il me semble que nous devons tous au moins être d’accord sur la gravité de la chose. Je suis certain que les taux d’intérêt appliqués à notre dette n’augmentent pas seulement à cause de la hausse des déficits, mais aussi en raison de la perte de crédibilité de la France. Celle-ci repose sur la capacité de l’appareil d’État à donner des informations justes et crédibles, sur lesquelles les marchés peuvent se fonder au moment où ils prêtent. S’il y a une brèche dans notre crédibilité, c’est très inquiétant.

À ce sujet, j’annonce que je proposerai dans les semaines à venir, comme j’en ai la possibilité, que la commission des finances soit dotée des prérogatives d’une commission d’enquête afin d’étudier les causes de la variabilité des prévisions fiscales et budgétaires et l’évolution des déficits publics ces dernières années. Nous ne pouvons plus accepter cette situation.

Vous avez expliqué que les 60 milliards d’économies du Gouvernement s’entendent par comparaison à une évolution tendancielle dont vous contestez d’ailleurs le montant, et vous estimez que l’effort de baisse des dépenses, affiché à 42 milliards, serait plutôt de 12 milliards et que la hausse des prélèvements serait bien plus importante qu’annoncé.

L’évolution tendancielle du budget est un critère peu utilisé jusqu’à présent. N’est-il pourtant pas le meilleur, dans la mesure où il permet de comparer le budget au précédent à l’aune non seulement de l’inflation mais aussi de la capacité à répondre aux besoins des Français, en tenant notamment compte de l’augmentation et du vieillissement de la population ?

En tout état de cause, vous considérez que l’effort structurel de 1,2 point de PIB est d’une ampleur inédite, de sorte que, même sans tenir compte de l’évolution tendancielle, il s’agit de facto, compte tenu de l’inflation, d’une baisse. Êtes-vous inquiet des répercussions que cela peut avoir, notamment sur les ministères les plus fortement touchés ?

Par ailleurs, vous précisez dans votre avis que ces mesures auront sur l’activité un effet récessif éventuel. Avez-vous tenu compte des conséquences plus larges et des effets négatifs durables sur le cadre économique et l’activité des prochaines années qu’aura une telle politique ? Menez-vous une réflexion à ce sujet ?

Votre document évoque une éventuelle surestimation des dépenses mais ne dit rien d’une éventuelle surestimation des recettes. Si je m’interroge sur ce point, c’est parce qu’on nous a parlé l’an dernier d’une taxation des énergéticiens censée rapporter 12 milliards et qu’elle n’a rapporté que quelques centaines de millions. Avez-vous perçu pareil risque dans les documents qui vous ont été transmis ?

Je constate d’ores et déjà que le report d’une année de la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est présenté comme une hausse de recette, ce qui est pour le moins discutable. J’ai aussi des doutes sur le versement par EDF d’un dividende de 2 milliards.

Quant à la charge de la dette dans son ensemble, je vous accorde qu’elle n’est pas anecdotique mais, sans vouloir rouvrir un débat que nous avons souvent, je rappelle qu’il ne s’agit pas d’argent jeté par la fenêtre. Je persiste à penser que la question à se poser est de savoir ce que l’on fait de la dette. Si les 62 milliards de recettes en moins que vous avez vous-même évoqués lors de vos dernières auditions desservent l’État, l’affaiblissent et augmentent les déficits, alors il s’agit de mauvaise dette.

M. Pierre Moscovici. S’agissant des informations qui nous ont été transmises, je fais largement la part des circonstances : une dissolution ; un gouvernement longtemps cantonné à la gestion des affaires courantes ; un Premier ministre nommé plus tardivement que prévu, d’un mois ; un gouvernement nommé encore un peu plus tard, quinze jours après. Le budget a bel et bien été élaboré dans des conditions particulières, et très rapidement.

Toutefois, je ne peux pas m’en satisfaire entièrement. Je l’ai dit au ministre de l’économie et des finances, certaines informations que nous avions demandées ne nous ont pas été transmises. À l’avenir, il faudra que les droits que la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques accorde au HCFP en matière d’accès aux informations budgétaires soient respectés par le Gouvernement. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Sur la variabilité des prévisions, je partage totalement votre sentiment. L’une des raisons pour lesquelles on doute de la France est que les chiffres varient sans cesse. Si l’on se fixe une cible, il faut la respecter et se donner les moyens de l’atteindre. Il faudra y veiller lorsque le PSMT aura été complété : la Commission européenne – je le sais d’expérience – jugera la trajectoire proposée, mais aussi les mesures mises en face pour la suivre.

S’agissant des 60 milliards d’économies, je n’ai pas contesté l’estimation de 2,8 % d’évolution tendancielle, j’ai dit que nous ne sommes pas en mesure de l’apprécier : elle est en partie conventionnelle. Le Gouvernement considère, par exemple dans une note du Trésor qui a été diffusée, que si nous n’avions rien fait, le déficit se serait élevé à 6,8 % ou à 7 % et que la pente catastrophique des précédentes années se serait prolongée. Mais pas forcément. L’évolution tendancielle est bien plus élevée que les prévisions de croissance potentielle et effective, ce qui suppose en effet que les choses ont continué à se dégrader. Mais certains éléments vont dans un sens, d’autres dans l’autre sens. C’est pourquoi j’ai dit qu’il s’agit non d’un différend mais d’une différence.

Le Haut Conseil n’en doit pas moins réfléchir en structurel. Et quelle que soit l’approche retenue, la proportion des recettes et des dépenses est respectivement de 70 % et 30 %, et non l’inverse. Par ailleurs, nonobstant les différences de classification que j’ai évoquées, que vous avez confirmées pour ce qui vous concerne et que votre commission aura à examiner en détail, il apparaît que même en tendanciel, la répartition n’est pas de deux tiers-un tiers mais plutôt de 50-50, avec 30 milliards de chaque côté.

S’agissant des effets négatifs sur la croissance, nous ne les estimons pas. Il faut tenir compte de l’effet multiplicateur. Si l’on retient un effet de freinage à 1,2 et un multiplicateur à 0,5, comme cela est parfois évoqué, nous obtenons quelque 0,6 point de croissance.

S’agissant de la surestimation, nous n’utilisons pas ce mot. Nous disons que les prévisions de recettes et de dépenses sont élevées.

S’agissant de la dette, nous avons une divergence d’appréciation que je suis obligé de confirmer. Vous n’avez peut-être pas tort de tenir compte de ce à quoi sert cet argent, mais je n’ai pas tort non plus de constater que, lorsque nous remboursons 70 milliards par an au lieu de 53 ou même 25 auparavant, et que nous nous dirigeons vers les 90, notre marge de manœuvre pour définir des programmes d’action intelligents et des investissements pour l’avenir se trouve considérablement réduite. Ce sera encore plus le cas si nous ne faisons pas l’effort de réduire la dette et si nous observons par ailleurs un renchérissement de son coût – je rappelle que nous émettons quelque 315 milliards d’euros sur les marchés financiers.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Monsieur le président du Haut Conseil, merci pour vos deux avis. J’ai sept questions à vous poser.

D’abord, la prévision de croissance du Gouvernement pour 2025 vous paraît un peu élevée, notamment en raison de l’effet récessif des mesures de hausse des prélèvements obligatoires et de baisse des dépenses publiques, dont vous déplorez par ailleurs le caractère peu documenté. Vous serait-il possible de quantifier, au moins sous la forme d’un ordre de grandeur, ce possible effet récessif ?

L’une des conditions de la prévision de croissance de 1,1 % du Gouvernement est une reprise de la consommation des ménages. Cela suppose un certain reflux de leur taux d’épargne, qui atteint 18,1 % du revenu disponible, bien au-dessus de sa moyenne de long terme de 15 %. D’après les prévisions gouvernementales, il ne diminuerait que de 0,5 point en 2025. Compte tenu de ce phénomène d’épargne durablement élevée, la prévision de croissance n’est-elle pas non seulement un peu élevée, mais d’une grande fragilité ?

Le taux de marge des entreprises perdrait 2 points entre 2023 et 2025, tombant de 32,7 à 30,7 %. Leur taux d’épargne serait également réduit, toujours d’après les prévisions gouvernementales, de 4 points – passant de 21,7 % en 2023 à 17,1 % en 2025. Dès lors, n’est-il pas hasardeux d’envisager même une timide reprise de l’investissement ?

Concernant les dépenses des administrations publiques, la tendance d’augmentation fléchirait fortement par rapport à 2024, avec une hausse de 2,1 % en valeur et de seulement 0,4 % en volume. Vous indiquez dans votre avis que cette cible d’évolution des dépenses est « particulièrement ambitieuse ». Quel crédit accordez-vous aux prévisions d’économies sur le budget de l’État, d’un montant de 20,3 milliards pour 2025, sachant que leur détail ne vous a pas été précisé par le Gouvernement ?

S’agissant du champ des administrations de sécurité sociale, l’augmentation de l’Ondam serait contenue à 2,8 % par rapport à 2024. Cela suppose des économies importantes, de l’ordre de 3,8 milliards. Quelles seraient les conséquences de cet effort sur les hôpitaux publics et sur les cliniques, alors même que le déficit de fonctionnement devrait atteindre plus de 2 milliards pour les seuls hôpitaux publics ?

D’après les prévisions, le niveau d’endettement public devrait croître fortement en 2024 et en 2025, respectivement de 3 et de 1,2 point de PIB. La tendance haussière se poursuivrait jusqu’en 2027 pour atteindre 116,5 % du PIB. La prévision de hausse de la charge de la dette, que le Gouvernement a fixée à 2,8 points de PIB en 2027 et 3,5 en 2031, après 1,9 point en 2023, s’appuie sur une hypothèse de hausse des taux longs d’intérêt de 3 % en 2023 à 3,8 % à l’horizon 2027. Cette estimation vous paraît-elle réaliste ? Avez-vous pu accéder aux hypothèses économiques sous-tendant ces prévisions ?

Enfin, vous relevez que la prévision d’une baisse de 0,9 % en volume des dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales, soit 0,9 % d’augmentation en valeur, est particulièrement fragile. Pouvez-vous préciser pourquoi ?

M. Pierre Moscovici. Plusieurs réponses sont déjà contenues dans vos questions.

S’agissant de l’effet récessif, il serait, sur la base du multiplicateur retenu par le Gouvernement, de quelque 0,5 ou 0,6 point, ce qui suppose une croissance spontanée de 1,7 %. Ce n’est pas ce que disent les chiffres. Cela ne signifie pas qu’il est impossible d’atteindre 1,1 % de croissance, mais qu’il faudrait pour cela que la croissance spontanée soit plus forte et que l’effet récessif soit moindre ; disons que ce n’est pas l’hypothèse de base. Dès lors, les estimations sur la reprise de l’investissement et de la consommation et sur la décrue de l’épargne nous paraissent un peu élevées.

En ce qui concerne les économies des administrations d’État, nous n’avons pas eu d’informations sur leur répartition. Il est donc difficile d’en apprécier complètement le réalisme.

Concernant le champ des administrations de sécurité sociale, le chiffre annoncé suppose selon nous des économies en dépenses de 4,9 milliards par rapport à l’évolution tendancielle, estimée à 4,7 %, notamment grâce à des mesures qui ne sont pas spécifiées sur le champ des établissements et des professionnels en ville, et grâce à un transfert de la charge vers les assurés et les mutuelles.

Il n’y aura pas forcément d’impact sur les hôpitaux. Économiser 4,9 milliards sur l’Ondam n’est pas hors de portée. Il faudra simplement que vous posiez au Gouvernement les questions qui conviennent pour savoir ce qu’il envisage exactement.

Pour ce qui est de l’évaluation nouvelle en prélèvements obligatoires, il est possible qu’elle soit un peu élevée. Nous n’avons pas eu d’informations suffisantes sur toutes les mesures.

Il est possible d’évaluer le montant de la surtaxe sur les grandes entreprises, sur la base du précédent de 2017, lorsqu’une surtaxe équivalente avait rapporté 5 milliards. Compte tenu de la hausse du bénéfice des entreprises constatée depuis lors, le montant de 8 milliards ne nous paraît pas non crédible. De même, la hausse de 4 points des cotisations vieillesse de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) est aisée à évaluer et devrait bel et bien rapporter 1,3 milliards.

En revanche, nous ne pouvons pas évaluer d’autres mesures importantes telles que la refonte des allégements généraux et la taxe sur les très hauts revenus faute d’informations suffisantes sur les mécanismes envisagés.

S’agissant des hypothèses de taux d’intérêt, le Gouvernement n’a fourni aucune explication précise, ni beaucoup d’informations. Elles sont peut-être élevées mais il est difficile pour nous d’être plus précis. En tout état de cause, elles reposent sur un chemin qui demandera à être confirmé et dont la première étape, en 2025, reste à dessiner.

S’agissant des collectivités locales, les mécanismes de résilience ne sont pas spécifiés. Ils devront par définition être prévus. Je fais simplement observer, comme nous l’avons fait l’an dernier aussi bien lors de l’examen du PLF que de la loi de programmation des finances publiques et du programme de stabilité, que le volume de dépenses des collectivités locales était censé diminuer et qu’on constate au contraire une forte hausse. Si nous ne sommes pas capables de définir de façon précise des mesures de résilience, alors ces chiffres sont eux aussi conventionnels et ne se réaliseront pas.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Michel Castellani (LIOT). L’objectif du PSMT est d’obtenir un fléchissement de la dette et un déficit maîtrisé, ce qui n’est pas facile, surtout avec une croissance de 1,1 %, qui limite fortement les marges de manœuvre. Compte tenu du relèvement prévu des prélèvements obligatoires, la croissance sera au rendez-vous si et seulement si l’efficacité dynamique de la dépense publique augmente. Or je suis obligé de constater que, depuis sept ans que je siège dans cette commission, le PIB de la France a augmenté globalement de 480 milliards et son endettement public de 1 000 milliards. Il y a un problème !

Pour obtenir une trajectoire vertueuse, il faudra jouer sur de nombreux paramètres, au premier rang desquels l’amélioration du solde des échanges, qui pour l’heure joue dans un sens récessif, le maintien des taux d’intérêt à bas niveau, qui peut poser problème, le soutien à la demande des ménages, en espérant qu’ils puiseront dans leur épargne, et le maintien à un haut niveau de l’investissement des entreprises, ce qui suppose une conjoncture porteuse et un climat de confiance, les deux étant liés. Voilà pour le court terme. S’agissant du moyen terme, je m’en tiens à l’avis du HCFP et préfère ne pas m’aventurer dans l’analyse, tant les variables et les effets multiplicateurs sont nombreux.

Que vous inspire le fait que la croissance de la dette soit deux fois supérieure à celle du PIB ?

M. Pierre Moscovici. Ce que cela m’inspire, je ne cesse de le dire depuis que je suis à la Cour des comptes, et même bien avant : lorsque la dette augmente, on glisse petit à petit dans l’impuissance. À force de limiter ses marges de manœuvre, on se retrouve complètement paralysé.

Par ailleurs, il en résulte une perte de crédibilité aux yeux de nos partenaires européens comme des marchés, ce qui finit par créer un effet tout à fait désagréable. Nous nous trouvons désormais, à certaines échéances, au-dessus de l’Espagne, de la Grèce ou du Portugal. Nous n’en étions pas là il y a quelques années. Ce regard plutôt négatif jeté sur notre pays ne me réjouit pas.

Être troisième sur le podium de la dette et premier en volume, avec une tendance qui s’écarte complètement de celle des autres, me paraît de très mauvais augure. Nous ne pouvons pas l’accepter. C’est pourquoi le PLF doit marquer une inflexion nette, afin de réduire significativement les déficits pour progressivement maîtriser la dette.

M. Matthias Renault (RN). Votre avis est assez édifiant. Il prend complètement à revers la communication du Gouvernement.

Selon ce dernier, le budget présente un effort de 60 milliards, dont 20 d’impôts et 40 d’économies. Pour vous, les proportions sont inverses : l’effort porte à 70 % sur des augmentations d’impôts et à 30 % sur des économies.

Côté impôts supplémentaires, dans le PLF que nous venons de recevoir, beaucoup relèvent de la fiscalité verte et de la fiscalité énergétique – hausse de la taxe sur l’électricité, hausse du malus écologique, hausse de la TVA sur l’installation de chaudières à gaz et autres verdissements de la fiscalité.

Côté dépenses, c’est le grand flou : 15 milliards sont présentés comme des économies sur le budget de l’État alors qu’il s’agit d’une reconduction du budget 2024. Au total, nous constatons bel et bien une augmentation des dépenses publiques de 2,1 % en valeur.

J’ai trois questions précises.

S’agissant de l’enveloppe prévue par les lettres plafonds, on nous a dit tout l’été que la reconduction du budget 2024 présentait une économie relative de 10 milliards en tenant compte de l’inflation. Désormais, il s’agirait de 15 milliards. Quel est l’avis du Haut Conseil : 10 milliards, 15 milliards ou pas d’économies du tout ?

S’agissant de la charge de la dette, vous l’estimez à 69 milliards en 2025, ce qui est énorme et traduit une très forte augmentation, de 9 milliards. Elle a plus que doublé en cinq ans. Ces 69 milliards ont-ils été calculés sur l’hypothèse d’une stabilité des taux d’intérêt en 2025 ?

Avez-vous calculé ce que coûterait, toutes choses égales par ailleurs, une hausse de 100 points de base des taux d’intérêt de la dette française en 2025 ?

M. Pierre Moscovici. Le HCFP ne se positionne pas par rapport à la communication du Gouvernement, ne serait-ce que parce que celui-ci raisonne en tendanciel quand notre approche est structurelle. Se pose la question de la classification entre les recettes et les dépenses : nous maintenons notre estimation selon laquelle les prélèvements augmenteront de 30 milliards, car certaines économies en dépenses sont plutôt selon nous des hausses de prélèvements obligatoires. Nous reclassons certaines opérations du Gouvernement, celui-ci n’ayant d’ailleurs pas beaucoup contesté nos modifications – il s’expliquera peut‑être devant vous sur ses choix de répartition.

Le montant de 15 milliards correspond au 0,2 point de PIB qui sépare le déficit indiqué dans l’article liminaire du PLF – soit 5,2 % – du solde sur lequel le HCFP a dû se prononcer – 5 %. Vous en débattrez lors de l’examen des amendements.

Le calcul sur les 100 points de base est possible mais théorique. Nous ne sommes pas dans cette situation et nous ne devons pas y arriver : pour ce faire, il faut adopter une loi de finances pour 2025 rigoureuse.

M. Éric Woerth (EPR). On trouve des éléments positifs et des interrogations dans les deux avis du Haut Conseil. Avoir anticipé la demande européenne avec un avis sur le PSMT est une initiative heureuse, même si les réformes sur lequel il repose ne sont pas clairement documentées.

Vous avez eu raison de qualifier 2024 d’année noire : l’ampleur de l’écart entre la prévision budgétaire et la réalisation effective a causé un choc, et exige d’évaluer nos modèles de prévisions de recettes.

L’année 2025 doit être celle du sursaut. Comme vous le dites, l’effort nécessaire pour un pilotage raisonnable de nos finances publiques est important – 1,25 point d’inflexion structurelle représente une très haute marche – mais vous estimez réalistes les prévisions macroéconomiques – PIB potentiel, inflation et masse salariale. Quant à l’écart de 0,2 point de PIB en matière de déficit, entre 5 % et 5,2 %, il est effectivement original, mais il donne toute son utilité à la discussion parlementaire.

Du point de vue structurel, vous considérez que l’effort porte à 70 % sur les prélèvements obligatoires et à 30 % sur les dépenses quand le Gouvernement présente les choses différemment, dans une perspective tendancielle. Ces deux approches différentes vous semblent-elles conciliables ?

Enfin, le niveau de croissance de l’Ondam, fixé à 2,8 %, vous paraît-il crédible ?

M. Pierre Moscovici. C’est vrai, il y a des éléments positifs comme des interrogations. Je suis en effet content que l’on nous ait demandé de nous prononcer sur le PSMT ; il conviendra de reproduire cet exercice. Le décalage de deux ans est tout à fait justifié, et l’estimation de la croissance potentielle est beaucoup plus raisonnable. Il y a donc une réelle amélioration de la qualité de la trajectoire, même si nous ne pouvons pas entrer dans le détail car les informations restent lacunaires.

Le raisonnement en tendanciel du Gouvernement n’est pas faux, il est défendable. Celui du Haut Conseil porte, de manière logique, sur l’évolution structurelle. Les deux approches sont complémentaires – mais, dans les deux, il vous faudra clarifier la classification des mesures d’économies entre les prélèvements obligatoires et les dépenses. Aux yeux du HCFP, la hausse des prélèvements atteint 30 milliards. On peut être en désaccord avec cette estimation, mais si on la suit, la répartition ne serait de toute façon pas de deux tiers-un tiers, même avec une approche tendancielle.

Il est sans doute nécessaire de revenir à des croissances plus limitées de l’Ondam, mais il faudra que le Gouvernement vous explique, ce qu’il n’a pas fait jusqu’à présent, comment il compte parvenir à cet objectif. Reprendre la maîtrise des dépenses d’assurance maladie sans pour autant hypothéquer les services hospitaliers est possible et nécessaire, nous l’avons d’ailleurs fait pendant très longtemps. Je remettrai au Premier ministre, lorsque je le rencontrerai, la revue des dépenses que la Cour des comptes a réalisée dans ce domaine.

M. Aurélien Le Coq (LFI). Près de dix jours après la limite fixée par la Constitution, le Gouvernement s’apprête enfin à transmettre le PLF au Parlement. Nous avons des raisons d’être très inquiets.

Le chaos budgétaire dans lequel nous a plongés la Macronie est en immense partie dû à un manque de recettes découlant des cadeaux fiscaux offerts par dizaines de milliards aux plus riches du pays. Pour rétablir la situation, la solution semble évidente : les ultra-riches doivent partager et contribuer davantage aux recettes publiques. Pourtant, le gouvernement Barnier a décidé de répartir les 60 milliards d’effort en deux tiers de coupes budgétaires et un tiers d’augmentation des recettes : la hausse des prélèvements obligatoires sera donc particulièrement faible par rapport aux cadeaux offerts aux plus riches depuis sept ans.

La saignée que s’apprête à faire le Gouvernement nous alerte : l’austérité réduit les investissements publics, donc la croissance, donc les recettes. Anne-Laure Delatte estime que la cure d’austérité pourrait nous coûter entre 0,6 et 1 point de PIB en 2025, quand l’Observatoire français des conjonctures économiques évalue l’impact d’une réduction des dépenses de 20 milliards à une diminution de 0,6 point de la croissance. Il ne suffit pas de prévoir des recettes, encore faut-il les percevoir.

Nous avons eu des gouvernements de menteurs qui présentaient des budgets insincères, reposant sur des prévisions de croissance et de recettes systématiquement surévaluées, et qui cachaient le plus longtemps possible à la représentation nationale les conséquences budgétaires de leur politique. Si les recettes se révélaient cette année de nouveau bien moindres que prévu, nous aurions droit à une nouvelle saignée austéritaire de Macron en 2025 ; ce scénario s’est produit en 2024, avec 18 milliards de coupes budgétaires en cours d’année.

Les prévisions de recettes du Gouvernement vous semblent-elles réellement sincères et réalistes ? Et en est-il de même pour la prévision de la croissance, au vu du montant très important des coupes budgétaires prévues ?

M. Pierre Moscovici. Comme je l’ai expliqué, nous n’avons relevé aucun problème d’insincérité et nous soulignons une inflexion bienvenue ; cette question aurait pu se poser d’autres années, mais pas celle-ci. Quant aux prévisions macroéconomiques et de finances publiques, elles sont réalistes pour 2024 et un peu fragiles pour 2025. Il y a en effet des questions à trancher : vous avez du travail devant vous ! Parmi elles figure le partage entre la hausse de la fiscalité et les économies de dépenses.

M. Jacques Oberti (SOC). Permettez-nous d’être particulièrement surpris de vous entendre dire que, comme nous, le Haut Conseil n’a pas reçu suffisamment d’informations pour porter une appréciation exhaustive sur le PLF pour 2025. C’est par l’avis du HCFP que nous, parlementaires, apprenons que la situation des finances publiques est encore pire que ce qui était annoncé. L’autopsie de l’année budgétaire 2024 sera nécessaire.

Juste avant l’été, la France a essuyé une baisse de sa notation par une agence financière, mais le ministre de l’économie et des finances d’alors nous a dit que ce n’était pas grave. Pas grave que le déficit atteigne 6,1 % du PIB en 2024 quand il était prévu à 4,3 % ? Pas grave qu’à 1,1 %, la croissance du PIB ne représente que les deux tiers de ce que le Gouvernement prévoyait encore un an auparavant ? Quel échec économique ! Pour 2025, les prévisions s’établissent à 5 % au lieu de 3,5 % pour le déficit, et 1 % au lieu de 1,7 % pour la croissance. Oui, quel échec !

C’est un enfer qui est annoncé à nos concitoyens. Au moins 100 milliards d’économies à réaliser en trois ans – sans doute bien plus, car la facture augmente chaque semaine – et cela sans empêcher le taux d’endettement d’atteindre 115 % – et encore les experts du HCFP jugent-ils cette trajectoire « fragile » ! Voilà ce que produisent sept années de politique macroniste de suppressions d’impôt à tout va : des caisses vides et une absence de croissance. Si seulement les gouvernements avaient écouté les mises en garde que nous leur avons adressées pendant sept ans !

Le PLF vise à dégager 60 milliards par des mesures d’austérité ; or les baisses d’impôt consenties chaque année aux grandes entreprises et aux contribuables les plus fortunés représentent 62 milliards. Ce n’est pas un hasard : les Français vont payer pour les plus riches.

Pour atteindre ces 60 milliards, un effort magistral est demandé aux collectivités territoriales et à leurs regroupements. Que pense le président du Haut Conseil des finances publiques de la recommandation de la Cour des comptes de supprimer 100 000 postes dans la fonction publique territoriale ?

M. Pierre Moscovici. Je ne commenterai pas votre discours de politique générale. Par définition, le président du Haut Conseil ne pense rien des positions du Premier président de la Cour des comptes. Mais en changeant un instant de casquette, je peux vous dire que la Cour des comptes n’a pas recommandé de supprimer un seul poste dans les collectivités locales ; elle a simplement indiqué que si les collectivités ne remplaçaient pas tous les départs en retraite sur les six prochaines années, on pourrait aboutir à 100 000 emplois de moins. Les travaux de la Cour des comptes sont parfois déformés, et c’est ennuyeux. J’ai été élu local, je me suis entretenu avec des représentants d’associations d’élus locaux et des directeurs généraux de collectivités et je leur ai dit que, contrairement à ce que l’on entendait parfois, nous ne recommandions pas de supprimer certaines allocations ni de laisser des gens sur le bord du chemin !

Mme Véronique Louwagie (DR). Je me félicite que vous qualifiiez le scénario présenté, révisé à la baisse par rapport aux évaluations précédentes, de raisonnable, même si vous le jugez également optimiste. Vous estimez réalistes les hypothèses pour 2024, tout en qualifiant celles de 2025 de fragiles. Il n’y a, en tout cas, pas de surestimation, pour reprendre votre terme. Je regrette que votre analyse ait été entravée par un manque d’informations. Nous avons bien conscience que le chemin est étroit et que tout écart en 2025 pourrait compromettre le passage en dessous de 3 % du déficit prévu en 2029.

Vous faites état d’une augmentation des dépenses de 35,5 milliards sur un total de 1 693 milliards. C’est 12 milliards de moins que l’augmentation initialement prévue, qui était de 47,5 milliards. La Droite républicaine est très attentive aux dépenses et milite pour leur réduction afin de parvenir à un niveau de déficit acceptable. Pensez-vous qu’il serait possible de consentir un effort encore supérieur à ces 12 milliards ?

Comment avez-vous mesuré l’impact des gels de dépenses prévus en 2024 ? Le montant des crédits gelés devait s’établir à 16,5 milliards, à ajouter aux 10 milliards provenant des décrets d’annulation. L’ancien ministre Thomas Cazenave nous avait indiqué que la moitié pourrait être dégelée : quelle a été votre analyse des chiffres de 2024 ?

Vous avez évoqué une hausse de 1,3 milliard de la taxe abondant la CNRACL, qui serait à la charge des collectivités : ce montant s’ajoute-t-il à l’effort de 5 milliards déjà demandé, ce qui aboutirait à une somme totale de 6,3 milliards ?

M. Pierre Moscovici. Le Haut Conseil donne des avis d’experts, dans un domaine à mon sens quelque peu trop restreint. Nous nous prononçons sur le caractère réaliste des prévisions des données macroéconomiques, des recettes et des dépenses, nous n’avons pas à dire si des mesures pourraient ou devraient être plus ou moins différentes.

Compte tenu du niveau élevé des prélèvements obligatoires, l’effet structurel est relativement faible, d’où notre choix de décomposer l’effort entre 0,4 % pour les dépenses et 1 % pour les prélèvements. Cela signifie que les années suivantes, il ne sera pas possible de reproduire des efforts fiscaux de cette nature. Quand j’étais ministre des finances, j’avais malheureusement augmenté très fortement les impôts une année, avant de parler de ras-le-bol fiscal l’année suivante car une telle politique ne peut être conduite qu’un an, pas deux. Je ne me prononce donc pas sur les choix pour 2025, mais je crois profondément que l’essentiel de l’effort devra porter sur les dépenses les années suivantes. Ce sera à vous d’apprécier la bonne répartition entre les recettes et les dépenses.

Les gels de dépenses sont en partie compensés par les reports de 2023, lesquels représentent environ 10 milliards. Cela dit, nous ne connaissons que la prévision de déficit du Gouvernement pour la fin de l’année, à 6,1 %. C’est à lui qu’il faut demander le niveau de départ – 6,2 % ou 6,3 % – ainsi que les mesures qui sont annulées ou non.

Quant à l’effort des collectivités territoriales, vous avez donné les bons chiffres.

Mme Eva Sas (EcoS). On ne pourra pas vous reprocher de ne pas avoir tiré la sonnette d’alarme ! Vous dites depuis plusieurs années qu’il est déraisonnable – on aurait pu dire irresponsable – de procéder à des baisses d’impôt non financées. Loin de vous écouter, les gouvernements successifs ont organisé, depuis 2018, un véritable désarmement fiscal de la France : ainsi, les recettes fiscales de l’État ont plongé de 62 milliards. Les grandes entreprises et les plus riches en ont largement profité, sans aucune contrepartie. Le résultat est un déficit galopant, inédit depuis la seconde guerre mondiale, et des services publics à l’agonie.

Voilà donc que le déficit pour 2024 devrait excéder 6 % du PIB et que le Gouvernement annonce un effort budgétaire colossal en 2025. Que l’on retienne le chiffre de 1,4 ou celui de 2 points de PIB, soit 42 milliards ou 60, l’effort budgétaire voulu par le Gouvernement est d’une grande brutalité ou, si je reprends vos mots, d’une « ampleur inhabituelle ». Certes, la France se trouve en situation de déficit excessif, mais la Commission européenne ne nous impose en rien d’aller aussi loin : elle exige simplement un ajustement budgétaire minimal de 0,5 % de PIB par an, soit environ 14 milliards. Pourquoi l’ajustement budgétaire doit-il être aussi brutal ? Quelles en seront les conséquences sur l’activité, les services publics et la protection sociale des Français ?

Nous proposons d’augmenter les impôts des contribuables les plus aisés et des grandes entreprises : partagez-vous notre approche ? Un tel ciblage minimiserait l’impact récessif de l’ajustement budgétaire.

Les conséquences économiques du dérèglement climatique, estimées à au moins 0,1 point de croissance chaque année, ont-elles été prises en compte dans les hypothèses sous-jacentes du projet de loi de finances ?

M. Pierre Moscovici. Je ne répondrai qu’à votre première question, les deux dernières relevant du débat parlementaire et de vos échanges avec le Gouvernement.

Les règles européennes imposent en effet un effort minimum de 0,5 point de PIB, mais la France est en procédure de déficit excessif et pâtit d’une dette trop lourde : il faut absolument diminuer notre taux d’endettement. Dès lors que le Gouvernement prolonge la trajectoire de deux ans pour atteindre un déficit de 3 %, en 2029, il est impératif d’être à 5 % en 2025 et donc de consentir un effort massif cette année. Sinon, les 3 % ne seront pas atteints avant 2031. Or plus l’échéance est repoussée, plus la crédibilité de la France est entamée. Il importe donc que la première marche soit élevée. L’effort est très dur, mais totalement justifié.

Mme Sophie Mette (Dem). À la lecture de votre avis relatif au PLF pour 2025, un élément fondamental apparaît, la résilience de notre économie. La croissance est robuste en 2024 et le restera en 2025, tandis que le niveau d’inflation est désormais maîtrisé. Nous devrons nous appuyer sur ces fondamentaux pour réussir à redresser nos finances publiques. Vous jugez toutefois la prévision de croissance du Gouvernement un peu optimiste compte tenu des mesures d’effort en dépenses et en recettes.

Vous indiquez également que les informations fournies par le Gouvernement ne sont pas suffisantes pour évaluer le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses sur lesquelles reposent les textes financiers pour l’année 2025. Des éléments nouveaux, de nature à éclairer davantage votre évaluation, vous sont-ils parvenus ces derniers jours, voire ces dernières heures ?

Vous vous prononcez également sur l’économie allemande : notre plus proche partenaire européen traverse une période difficile, ce qui, compte tenu de son poids dans la zone euro, ne peut qu’affecter l’activité économique de notre pays. Vous indiquez que les perspectives pour 2025 sont très incertaines. Quels éléments fondent votre analyse, alors que le gouvernement allemand table sur une croissance de 1,1 % l’année prochaine ?

Enfin, je tiens à saluer le fait que le Gouvernement ait saisi le Haut Conseil sur les prévisions et hypothèses macroéconomiques du PSMT, alors qu’il n’était pas tenu de la faire. Cela nous a permis de constater que le Gouvernement a revu à la baisse sa prévision de croissance potentielle, notamment à cause du ralentissement de la population active. Partagez-vous cette analyse ? D’autres facteurs propres à l’économie française sont-ils responsables de cet essoufflement de la croissance potentielle ?

M. Pierre Moscovici. La résilience de l’économie française est incontestable, mais les décisions prises n’ont pas transformé notre pays en champion toutes catégories puisque la croissance potentielle a été ramenée à 1,2 %, puis 1 %. Compte tenu des évolutions démographiques que vous avez évoquées, cette prévision est réaliste et nous saluons le fait que le Gouvernement retienne désormais une estimation plus raisonnable de la croissance potentielle. Il faut tout faire pour alimenter la croissance et ne rien faire qui puisse l’endommager, mais n’attendons pas de la croissance qu’elle puisse seule résorber les déficits : cela relève de la pensée magique et plus personne ne doit commettre cette erreur.

Nous ne possédons aucun élément nouveau ; nous avons déposé notre avis avant-hier soir, tard, au Conseil d'État, puis nous l’avons diffusé hier soir. Les membres du Gouvernement vous apporteront des éléments plus précis. Le processus n’est pas illogique, même si nous aurions préféré bénéficier de davantage d’informations. J’ajoute que j’ai demandé au Gouvernement des éléments qu’il ne m’a pas transmis, ce qui est une erreur. Nous ne disposions pas des données que vous avez finalement obtenues, difficilement, monsieur le président. Le Gouvernement gagnerait à être transparent à l’endroit du Parlement et du Haut Conseil, cela ne lui serait pas préjudiciable. Nous avons le droit d’obtenir les éléments nécessaires à notre travail et je reviendrai systématiquement à la charge si ceux-ci venaient à nous manquer.

L’économie allemande devrait se contracter de 0,2 % en 2024, si bien que l’acquis de croissance sera extrêmement faible en 2025. L’ensemble des hypothèses du gouvernement allemand semblent bien optimistes. Notre prudence est aussi alimentée par le fait que c’est la troisième année de suite que nos voisins annoncent la reprise.

M. le président Éric Coquerel. Être informé par la presse constitue un problème.

M. Pierre Moscovici. Absolument. La réponse du ministre à mon courrier n’était pas satisfaisante : je le lui ai dit et il en a convenu. J’ai bon espoir que cela ne se reproduise pas. Nous en apprenons davantage à la lecture de certains journaux qu’avec ce que nous transmet le Gouvernement ! Qu’il en soit ainsi pour des institutions dont l’existence est prévue par la Constitution pour le Parlement et par une loi organique pour le Haut Conseil, c’est absolument anormal.

M. François Jolivet (HOR). Le groupe Horizons & indépendants est particulièrement attaché au rétablissement des comptes publics car vivre à crédit sur le dos de nos enfants et de nos petits-enfants n’est pas une bonne solution. Vos deux avis donnent un peu le vertige. Nous observons, en 2023 et en 2024, une décorrélation entre la croissance du PIB et la progression des recettes alors que depuis toujours, dans notre pays, la prévision du montant des recettes est assise sur celle de la croissance. Tout le monde s’inquiète de ce changement, à Bercy comme parmi les économistes ; ils y travaillent et l’on entend parler de nouveaux calculs de l’élasticité de la croissance, comme si la France était devenue, du jour au lendemain, un pays qui exporte beaucoup hors de l’Union européenne parce qu’elle n’aurait pas de TVA. Si les recettes avaient évolué comme le PIB en 2023, l’objectif de déficit aurait été atteint ; en 2024, il aurait de toute façon été trop élevé, mais tout de même moins important. Vous reconnaissez que le Gouvernement entreprend des efforts. Notre modèle de prévision des recettes ne souffre-t-il pas d’une maladie systémique ?

M. Pierre Moscovici. Nos avis ne contiennent aucun jugement de valeur : ils soulignent les décisions positives et mettent en lumière les éléments d’incertitude, voire de risque. Dans une situation telle que la nôtre, il est opportun d’élaborer des hypothèses prudentes pour éviter d’avoir à constater ex post, comme ce fut le cas ces dernières années, des évolutions très négatives. Le pire est de donner l’impression d’être incapable de donner de bons chiffres.

J’ignore si votre commission se transformera en commission d’enquête, mais il y a lieu de conduire une autopsie de l’année budgétaire 2024. Plusieurs facteurs ont joué : certaines prévisions ont sans doute péché par optimisme, les dépenses n’ont cessé de croître, et l’évaluation des recettes s’est révélée totalement irréaliste. Nous avons des raisons de penser que la situation sera meilleure l’année prochaine, mais sera-t-elle bonne ? Nous sommes capables d’identifier les mécanismes à l’œuvre, mais pas d’en estimer la pondération et l’impact. Il est essentiel de comprendre ce qui s’est précisément passé pour pouvoir faire la distinction entre ce qui peut se reproduire et ce qui n’est que l’affaire d’une année – ou de deux, en l’occurrence.

Le HCFP ne s’est pas penché sur la question et ne dispose pas des éléments pour le faire, mais la Cour des comptes publiera en mai son rapport annuel sur l’exécution du budget de l’État, dans lequel figurera forcément une analyse du dérapage de 2024. Mais peut-être serait-il utile de ne pas attendre le mois de mai pour étudier le sujet.

M. le président Éric Coquerel. Je compte bien que la commission et l’Assemblée suivront ma recommandation en la matière.

M. Nicolas Sansu (GDR). Même s’il vous a manqué des éléments pour préparer ces deux avis, ceux-ci sont éclairants. Ils montrent la conséquence du désarmement fiscal organisé à partir de 2017.

L’écart entre la prévision actuelle de déficit, solide, et celle, initiale, du PLF pour 2024 – avant les ajustements apportés par le programme de stabilité – est de 1,7 point de PIB. N’oublions pas qu’il aurait même pu s’approcher de 2 points si des crédits n'avaient pas été gelés ou annulés entretemps, et atteindre ainsi près de 60 milliards d’euros. C’est un problème qu’il faudra étudier.

Vous nous avez demandé d’oublier la LPFP : cela tombe bien, nous ne l’avons jamais votée !

Quels seraient les effets récessifs, inévitables, d’une baisse trop importante des dépenses publiques ?

Pensez-vous qu’il soit possible de contenir l’évolution de l’Ondam à 2,8 %, eu égard au vieillissement de la population et aux attentes des Français en matière de santé et d’accès aux soins ?

Le Gouvernement prévoit de collecter 8 milliards grâce à la surtaxe d’impôt sur les sociétés. Cet objectif vous semble-t-il atteignable, dans le cadre fixé par l’article 11 du projet de loi de finances ?

La baisse prévue du montant du fonds de compensation pour la TVA et du fonds Vert n’affectera-t-elle pas trop l’investissement public, local ou non ?

Notre société est, de plus en plus, une société de rentiers et d’héritiers. N’est-ce pas un problème à prendre en compte pour élaborer un budget juste et fiscalement tenable ?

M. Pierre Moscovici. J’ai déjà indiqué quel multiplicateur nous utilisons pour estimer l’effet récessif des mesures prévues.

L’objectif de contenir l’évolution de l’Ondam à 2,8 % me semble atteignable, mais c’est au Gouvernement qu’il faudra demander comment il compte s’y prendre, et il faudra étudier les impacts des mesures envisagées.

Oui, l'objectif d’économies sur le budget des collectivités locales me semble crédible, de même que les 8 milliards de l’impôt sur les sociétés et la hausse du taux de cotisation à la CNRACL. Vous devrez demander au Gouvernement comment il évalue l’impact de ces mesures sur l’investissement.

Quant à mon opinion sur la société d’héritiers, j’aurais pu la donner quand j’étais des vôtres mais, hélas, pas en tant que président du HCFP.

M. Gérault Verny (UDR). Soyons francs, ce PSMT prévoit des trajectoires qui frôlent l’irresponsabilité, en repoussant encore et encore l’heure de vérité. En 2027, le déficit public avoisinerait 4 % et la dette publique exploserait. Elle atteindrait 116,5 % du PIB, soit un niveau supérieur à celui enregistré pendant la crise sanitaire, lors du fameux « quoi qu’il en coûte ». Le Gouvernement présente la croissance future comme un remède miracle. Pour notre part, nous constatons seulement une croissance de la dette, des déficits et de l’irresponsabilité.

Seule certitude à la lecture de votre avis, les taux d’intérêt alourdiront la charge de la dette : ils représenteront jusqu’à 3,5 % du PIB en 2031. Et la situation pourrait encore se détériorer ! Si nous continuons à dépenser sans compter, la seule priorité sera de rembourser les intérêts d’une dette abyssale, obérant ainsi l’avenir de nos enfants, de nos familles, de nos entreprises. Le seul recul constaté est celui du courage, alors qu’il serait indispensable de fournir des efforts dès maintenant.

Pensez-vous réellement que le niveau de la dette puisse baisser à partir de 2028, comme le prévoit le PSMT ? Ne serions-nous pas une nouvelle fois en train de sous-estimer le risque que la dette devienne ingérable, faute de marges de manœuvre en cas de choc conjoncturel ?

Croyez-vous que l’inflation atteindra bien 1,8 % l’an prochain ? Je rappelle qu’avec un taux inférieur, mécaniquement, le PIB et les rentrées fiscales seraient moindres qu’escompté.

M. Pierre Moscovici. Selon nous, la prévision d’inflation est un peu trop élevée, de l’ordre de quelques dixièmes. Quant à la trajectoire prévue dans le PSMT, elle me paraît plus raisonnable que celles de la LPFP et du programme de stabilité, qui sont dépassées. C’est jouable, si tout va bien, mais il faut que les engagements pris soient documentés, puis tenus. La première marche, celle d’un déficit à 5 points, devra absolument être gravie.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Nicolas Ray (DR). Revenons sur votre différence d’appréciation avec le Gouvernement concernant la part respective des dépenses et des recettes dans la réduction des déficits. J’ai compris que le Gouvernement, contrairement à vous, calculait à partir de la hausse tendancielle des dépenses, mais le taux qu’il retient, de 2,8 %, vous paraît-il pertinent ?

Pour notre part, nous souhaiterions que l’effort porte davantage sur les dépenses que sur le levier fiscal. Pensez-vous que des économies d’effet rapide ou immédiat – c’est ce que M. Barnier attend de nous – soient possibles sur les dépenses de fonctionnement de l’État ou ses opérateurs ? Si oui, connaissant le caractère incompressible, rigide, de certaines dépenses de l’État, pouvez-vous nous donner des pistes précises ?

M. Pierre Moscovici. La différence de calcul avec le Gouvernement n’est pas un différend. Vous demanderez au ministre comment il est parvenu au taux de 2,8 %. Son choix de calculer en tendanciel se défend, même si cela revient ici à considérer, comme le font les notes du Trésor, que les années 2023 et 2024 constituent la nouvelle norme. Or pourquoi se fonder sur une catastrophe pour justifier les économies ? Pour notre part, nous sommes obligés d’adopter une approche structurelle ; mais, en l’occurrence, elle nous paraît plus adaptée.

La Cour des comptes, dans ses rapports, étudie les politiques publiques et souligne les économies possibles. Je pense aux revues des dépenses que nous remettrons prochainement sur les collectivités locales, la sécurité sociale, ou les dispositifs de sortie de crise. D’autres revues des dépenses ont été produites par les inspections générales, celle des finances, notamment. Oui, il doit être possible de trouver des économies de fonctionnement. Il vous revient d’en débattre avec le Gouvernement.

M. Emeric Salmon (RN). Quelque 40 % des médicaments commercialisés dans l’Union européenne sont importés, et 60 % à 80 % des principes actifs sont produits en Chine et en Inde, ce qui explique la pénurie de médicaments. La trajectoire budgétaire annoncée empêchera-t-elle les actions fortes nécessaires pour y remédier, ou d’autres politiques de santé importantes pour nos concitoyens ?

M. Pierre Moscovici. Je n’ai pas la réponse à cette question.

Mme Véronique Louwagie (DR). Je n’ai pas bien compris votre réponse de tout à l’heure. La hausse de 4 % du taux de cotisation à la CNRACL représente 1,3 milliard d’euros. Cette somme s’ajoute-t-elle aux 5 milliards d’euros d’économies demandées aux collectivités locales, ou y est-elle incluse ?

M. Pierre Moscovici. Je crois qu’il faut l’ajouter – votre raisonnement me semble juste ; mais je ne suis pas certain des chiffres. Il faut demander au Gouvernement.

M. Christian Baptiste (SOC). Le Haut Conseil des finances publiques révèle une situation alarmante. Le Gouvernement, par son manque délibéré de transparence, n’a pas permis une évaluation complète du PSMT. C’est un affront aux principes fondamentaux de rigueur et de sincérité budgétaire que votre institution incarne.

En pleine crise de finances publiques, l’exécutif a ainsi choisi l’opacité, cherchant manifestement à se soustraire au contrôle et à la vérité sur ses engagements budgétaires. Cette stratégie, qui s’apparente à un sabotage des mécanismes de contrôle démocratique, révèle un mépris scandaleux envers votre institution et la représentation nationale. Le refus de fournir des données précises et fiables traduit-il la volonté de masquer les incohérences de la politique budgétaire actuelle ? Si c’est le cas, cela porterait gravement atteinte à la crédibilité des engagements financiers de la France, au niveau national et international.

Cela crée également une situation intenable pour le Haut Conseil : comment évaluer la trajectoire financière de la France lorsque le gouvernement se dérobe à ses devoirs les plus élémentaires de transparence ?

M. Pierre Moscovici. Je suis beaucoup moins sévère que vous. Même si nous constatons que, faute des informations nécessaires, nous ne pouvons évaluer pleinement la trajectoire prévue, nous discernons des éléments positifs et des circonstances atténuantes.

Le Gouvernement nous a saisis alors que ce n’était pas obligatoire. Je prends cela comme une main tendue, en insistant pour que nous obtenions les informations la prochaine fois. Par ailleurs, parmi les rares éléments qui nous ont été transmis, il faut tout de même mentionner l’étalement du retour du déficit à 3 % et une estimation plus raisonnable de la croissance potentielle. Cette estimation demeure un peu élevée, mais est tout de même plus conforme que les précédentes aux recommandations que le Haut Conseil formulait depuis plusieurs années.

Au chapitre des circonstances atténuantes, j’observe que, alors qu’un nouveau gouvernement était annoncé pour le 15 août, le Premier ministre n’a été nommé que le 15 septembre, et le gouvernement le 25 septembre. C’est selon moi le manque de temps plutôt que la volonté de se dérober qui explique la situation. Sinon, le Gouvernement ne nous aurait pas saisis. Je comprends que la situation politique est extrêmement particulière et je suis plus indulgent que vous, peut-être moins suspicieux également.

En revanche, le Gouvernement, qui a décalé l’envoi à la Commission européenne du PSMT au 31 octobre, devra veiller à ce qu’il soit complet et extrêmement documenté, car la Commission ne pourra se contenter de l’ébauche que nous avons reçue.

Enfin, un rendez-vous a été pris : nous reviendrons annuellement vous parler du PSMT. L’an prochain, les circonstances seront différentes et nous ne serons pas aussi indulgents.

M. le président Éric Coquerel. Depuis tout à l’heure, nous additionnons des recettes fiscales et des mesures d’économie pour calculer leur part respective dans l’effort à fournir. Mais n’oublions pas une autre distinction : pour moi, une moindre dépense fiscale ou sociale n’est pas une recette. Nous reviendrons à ce débat, qui n’est pas nouveau.


Audition du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et du ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics

Lors de sa réunion du vendredi 11 octobre 2024, la commission a entendu M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics sur le projet de loi de finances pour 2025 (n° 324) (M. Charles de Courson, rapporteur général) ([64]).

M. le président Éric Coquerel. Mes chers collègues, nous auditionnons ce matin M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics, qui nous présentent le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 adopté hier, en fin d’après-midi, en Conseil des ministres.

Nous commencerons l’examen, en commission, de la première partie du PLF mercredi prochain, 16 octobre, à dix-sept heures, et nous poursuivrons nos travaux les jeudi 17, vendredi 18 et samedi 19 octobre. Le délai de dépôt des amendements est fixé au dimanche 13 octobre à minuit, c’est-à-dire dans la nuit du dimanche 13 au lundi 14 octobre.

En séance publique, la discussion de la première partie devrait avoir lieu du lundi 21 au vendredi 25 octobre, en vue d’un vote solennel le mardi 29 octobre, après les questions au Gouvernement. Je rappelle à ce propos qu’il faut que la première partie du PLF soit adoptée, ou considérée comme adoptée, avant que l’examen de la seconde partie puisse débuter.

En commission des finances, la discussion de la seconde partie commencera le lundi 28 octobre. Jusqu’au lundi 4 novembre, la commission se saisira successivement de toutes les missions, dont l’examen sera à l’ordre du jour de la séance publique du mardi 5 au lundi 18 novembre. Il faudra également examiner, en commission, les articles non rattachés le mercredi 6 novembre, en vue d’un passage en séance publique le lundi 18 novembre.

Le vote solennel sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2025 se tiendrait le mardi 19 novembre, à moins que l’examen de l’ensemble des articles et des amendements ne soit pas achevé à cette date et qu’il convienne donc d’ouvrir des jours supplémentaires de séance. Dans ce cas, du fait du délai de quarante jours imposé pour l’examen du PLF en première lecture à l’Assemblée nationale, et dans la mesure où la lettre récapitulative faisant partir le décompte de ce délai devrait être adressée demain à la présidente de notre assemblée, nous pourrions être amenés à siéger jusqu’au jeudi 21 novembre.

Avant même le début de l’examen du PLF, nous aurons pu avoir, lundi prochain, 14 octobre, à quinze heures, un débat en séance publique sur la dette, puis, le lundi 21 octobre à seize heures, un débat d’orientation et de programmation des finances publiques, qui portera sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme que la France doit transmettre aux institutions européennes d’ici au 31 octobre et qui devrait être porté à notre connaissance d’ici au 16 octobre. Outre ces deux débats, un débat en séance publique sur les finances publiques locales se tiendra le jeudi 24 octobre à neuf heures, et le traditionnel débat sur le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne aura lieu le vendredi 25 octobre à quinze heures. Je me réjouis que le Gouvernement ait accédé à ces différentes demandes de débats en séance publique.

Messieurs les ministres, nous avons déjà évoqué lors de votre dernière audition les retards que nous pouvons déplorer par rapport aux délais prévus par la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Le fait que la presse se soit fait l’écho de certaines mesures contenues dans le budget avant que nous n’en ayons été informés a été fort peu apprécié. Je vous remercie cependant d’avoir envoyé le PLF à tous les commissaires hier.

M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Je suis heureux de me trouver devant vous, comme le veut la tradition, au lendemain de la présentation du projet de loi de finances pour 2025 en Conseil des ministres, pour répondre à vos questions et entamer ainsi le parcours législatif de ce texte.

J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, notre pays se trouve dans une situation inédite et à un moment pivot. Nous sortons d’une crise sanitaire sans précédent, nous avons traversé une crise énergétique majeure, la guerre est en Europe, et l’escalade au Proche et au Moyen-Orient comporte des risques essentiels pour notre économie. Tous ces chocs ont affecté et affectent encore la situation économique. La croissance demeure, mais il a fallu la relancer, y compris au niveau européen, par des investissements publics massifs ; elle reste cependant atone sur tout le continent. C’est bien l’ensemble de nos économies qui tournent au ralenti et se trouvent confrontées à un risque d’affaissement productif, voire d’effacement face à l’interventionnisme agressif de nos concurrents internationaux, en particulier de la Chine et des États-Unis. Ce ralentissement nécessitera d’ailleurs la définition d’un nouvel agenda de compétitivité au niveau européen, car sans une meilleure coordination de nos politiques économiques et industrielles, sans une défense ferme et résolue de notre tissu productif, et sans investissements massifs, publics comme privés, dans l’industrie et dans les transitions écologique et numérique, les économies européennes seront condamnées à un tel affaissement.

Dans ce contexte, la France résiste. Sa croissance est meilleure que la moyenne des autres pays de la zone euro. L’Insee vient d’ailleurs de relever de 0,1 point sa prévision de croissance pour le quatrième trimestre 2024 ; pour l’ensemble de l’année, elle devrait atteindre 1,1 %. Le chômage de masse n’est plus le fléau que nous avons connu : le taux de chômage est même proche de son plus bas niveau depuis quarante ans, à 7,3 %. Des usines rouvrent, nos exportations augmentent, notre pays est le plus attractif de la zone euro et l’inflation continue de baisser – de plus de 4 % l’année dernière, elle est passée à moins de 2 % dans nos prévisions pour l’année à venir.

Nos fondamentaux économiques sont donc relativement solides, ce que nous devons avant tout à l’agenda ambitieux de réformes menées depuis 2017 et à l’action constante et déterminée des gouvernements qui se sont succédé. Je ne rappellerai pas les baisses d’impôts, à hauteur de 60 milliards d’euros, qui ont montré l’efficacité d’une doctrine fiscale stable. Je ne rappellerai pas les réformes du droit du travail et de l’assurance chômage, qui ont permis de viser le plein emploi, car le travail est le meilleur moyen de créer de la richesse. Je ne rappellerai pas la réforme des retraites et la progression du taux d’emploi des seniors. Je ne rappellerai pas l’investissement dans la recherche, ni les efforts sans commune mesure accomplis pour favoriser l’apprentissage, ce qui a permis d’atteindre la barre du million d’apprentis. Je ne rappellerai pas les différents paquets de simplification. Je ne rappellerai pas non plus les travaux menés, y compris par des parlementaires présents dans cette salle, pour transformer et moderniser notre économie.

Est-ce suffisant ? Évidemment non : il nous reste du travail à accomplir. L’économie française résiste, mais notre dette publique est colossale. En 2024, elle devrait dépasser 3 300 milliards d’euros, soit près de 113 % du produit intérieur brut. Tel est le résultat combiné de cinquante budgets nationaux en déséquilibre et d’une dépense publique qui n’a cessé d’augmenter – quasiment chaque année – lors des dernières décennies. La France est désormais le pays de l’Union européenne ayant le taux de dépenses publiques le plus élevé. Cette situation résulte aussi, il faut le reconnaître, de la réponse efficace et massive que nous avons apportée aux crises financières, sanitaire et énergétique qui se sont succédé.

Le problème de la dette ne peut être réduit à une question financière.

C’est d’abord un enjeu de souveraineté : si nous ne pouvons plus nous financer sur les marchés à des coûts raisonnables, nous ne pourrons pas continuer à préparer l’avenir, à relever notre industrie et à soutenir les infrastructures énergétiques.

C’est aussi, bien sûr, un enjeu de crédibilité, puisque la France est le troisième pays le plus endetté de la zone euro. Aussi présentons-nous un budget et une trajectoire macroéconomique et budgétaire dont l’objectif est de ramener le déficit sous la barre des 3 % du PIB, comme l’a annoncé le Premier ministre, à partir de 2029. Cela nous permettra simplement de stabiliser notre endettement, et donc de nous fixer un horizon de désendettement. À compter de 2027, si les prévisions de nos partenaires européens sont justes, la France sera le seul pays dont le déficit dépassera 3 % du PIB, puisque l’Italie et la Finlande devraient passer sous ce seuil en 2026.

La dette est enfin une question d’économie et de société. Nous paierons probablement cette année plus de 50 milliards d’intérêts et, si nous ne faisons rien, le service de la dette deviendra en 2027 le premier poste budgétaire de l’État – en d’autres termes, nous rembourserons nos emprunts pour un montant plus important que celui investi dans notre sécurité ou dans notre tissu socioéconomique. Personne d’entre nous ne peut se résoudre à cette fatalité. Pour éviter pareille situation, il faudra évidemment bousculer nos pratiques, notre façon de dépenser de l’argent public et d’agir collectivement. C’est pourquoi l’objectif premier de ce budget et de la trajectoire qui l’accompagne est de réduire notre déficit et de contenir notre endettement. Je le dis sincèrement, ce sera difficile et cela nécessitera sans doute des efforts nouveaux, y compris dans notre manière d’aborder la dépense publique et d’en suivre l’exécution, mais cela sera indispensable pour protéger la signature de la France et, plus largement, pour assurer notre stabilité macroéconomique. Nous devons donc examiner l’ensemble de nos dépenses publiques – je pense que le débat parlementaire le permettra très largement – alors que ces dernières augmentent et que les citoyens ne sont pas plus satisfaits des services ainsi financés.

Vous connaissez les nombreux leviers que nous pourrons actionner. J’en cite quelques-uns : la simplification et la réforme de l’État ; la maîtrise de la dépense de l’État, de la dépense sociale et de la dépense locale ; la maîtrise de l’ensemble des emplois publics. Ces mesures sont évidemment nécessaires, sur le long terme, pour rétablir les comptes publics de manière durable et pérenne. C’est tout le sens de ce budget, qui entend aussi protéger nos leviers de croissance et de transformation, dont certains sont importants – j’ai parlé de l’apprentissage, mais j’aurais également pu mentionner la décarbonation et le soutien à l’activité, deux leviers actionnés ces dernières années qui ont prouvé leur efficacité pour ce qui est de la croissance, de l’emploi et du soutien à la recherche et à l’innovation.

Pour suivre cette trajectoire et arriver à 3 % de déficit en 2029, nous avons besoin d’ancres solides, crédibles, qui marquent notre volonté très forte de redresser les comptes publics. C’est ce qui explique aussi le choix d’atteindre un déficit de 5 % en 2025. L’effort portera bien plus sur la baisse des dépenses que sur la hausse des prélèvements obligatoires, alors que la France a l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus élevés du monde.

Les efforts demandés, qui seront temporaires pour les contributions exceptionnelles et permanents pour la réduction des dépenses publiques, devront s’accompagner de réformes profondes, structurelles, visant à améliorer durablement l’efficacité de la dépense. Avec Guillaume Kasbarian, ministre de la fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique, et Laurent Saint-Martin, ministre du budget et des comptes publics, nous engagerons un plan de simplification et de modernisation du service public, dont l’objectif affiché sera de produire des gains d’efficacité durables tout en améliorant la qualité du service public pour l’ensemble de ses usagers.

Je souhaite également que nous puissions améliorer la qualité de nos prévisions et du suivi de nos comptes. Je sais que ce sujet a été beaucoup discuté au sein de votre commission et que de nombreuses questions ont été posées s’agissant des écarts de prévisions, tant en dépenses qu’en recettes, sur le budget de l’État en 2023 et 2024. Personne n’a rien à cacher : toute la transparence sera faite et toutes les informations nécessaires seront communiquées à la représentation nationale. Une mission de l’Inspection générale des finances (IGF) a été diligentée pour rechercher les causes de ces écarts ; elle a rendu ses conclusions à l’été 2024 et, même si d’autres écarts ont été constatés depuis, il nous reste à en tirer les conséquences opérationnelles dans l’organisation des services et de leurs travaux. Sur la base de ce rapport, nous lancerons conjointement, en associant la représentation nationale – si elle le souhaite –, un plan d’action visant à améliorer la qualité et la transparence des prévisions de finances publiques. L’objectif est que nous disposions en permanence du diagnostic le plus actualisé possible, s’agissant tant du suivi des dépenses que des prévisions de recettes. Si vous êtes d’accord, monsieur le président, nous vous présenterons un point d’étape sur le renforcement de ces outils et des procédures de prévision avant la fin de l’année 2024.

Ce n’est qu’après avoir posé ce diagnostic et mis l’accent sur la réduction des dépenses publiques que nous pouvons évoquer les prélèvements exceptionnels, temporaires et ciblés qui seront nécessaires pour l’exercice 2025 afin de réduire notre déficit. J’insiste, vous vous en doutez, sur le caractère temporaire de ces hausses d’impôts, qui ne doivent pas pénaliser notre développement ni s’inscrire dans la durée.

Je n’ai pas besoin de vous rappeler le soutien que les précédents gouvernements ont apporté aux entreprises, de manière constante et durable tout au long des sept dernières années, pour affronter les crises et assurer leur croissance. Aussi proposons-nous que les plus grandes entreprises – celles dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros – bénéficiaires paient un complément d’impôt exceptionnel sur leurs profits. Ce prélèvement supplémentaire devrait rapporter 8 milliards d’euros en 2025, 4 milliards en 2026, et concerner 440 groupes. Nous avons conscience de l’importance de l’effort demandé, mais celui-ci est nécessaire et, je le rappelle, temporaire. Je tiens à saluer l’esprit de responsabilité qui a animé de très nombreux représentants de grandes entreprises, qui se sont dits explicitement prêts à contribuer de manière exceptionnelle et temporaire au redressement des comptes publics, car ils savent comme nous que le coût de financement de l’État sera étroitement lié au coût de financement des entreprises et à la bonne santé macroéconomique de notre pays.

Dans un esprit de responsabilité, nous devons aussi reporter la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous n’avons pas pour autant changé d’avis sur cet impôt, qui pénalise en particulier notre industrie. La baisse reprendra, dans trois ans – nous inscrivons ce principe dans la loi –, même si nous ne pouvons pas nous le permettre aujourd’hui. Il y va de notre sérieux budgétaire.

C’est aussi la raison pour laquelle nous poursuivrons la trajectoire d’évolution du malus automobile, qui vise à inciter les constructeurs français et étrangers à déployer en priorité une offre de véhicules électriques sur notre territoire. Il faut y voir un marqueur de notre ambition de décarbonation et de verdissement de notre système fiscal. C’est en visant ce même objectif de verdissement que nous proposerons, par amendement, une hausse de la taxe sur les billets d’avion et l’inclusion des jets privés dans le périmètre de celle-ci. L’augmentation sera mesurée, mais il nous paraît normal et légitime que ceux qui voyagent beaucoup en avion contribuent davantage aux investissements nécessaires à la transition écologique.

Si le recours à l’outil fiscal est nécessaire, à court terme, pour engager dès 2025 le rétablissement de nos comptes publics en ramenant le déficit à 5 % du PIB – ce qui nécessite un ajustement de plus de 1 point assez inédit dans notre histoire récente –, nous conservons notre doctrine en maintenant une politique de l’offre et un soutien ferme et pérenne à l’activité. J’ai entendu les interrogations que vous avez légitimement exprimées, et je m’engage personnellement à ce que toute proposition documentée visant à remplacer un euro de hausse de fiscalité par un euro d’économies soit instruite et retenue si elle s’avère réalisable.

Le texte que nous vous soumettons est un projet : il est donc perfectible, d’autant que les délais relatifs à son élaboration ont été très brefs. Il est entre vos mains. Nous sommes à votre disposition pour une discussion dont nous ne doutons pas qu’elle sera sincère et constructive. Nous voulons être, collectivement, à la hauteur du moment que nous traversons.

M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics. Je me réjouis également de vous retrouver pour vous présenter ce projet de loi de finances pour 2025.

Comme je l’avais dit lors de notre première audition et comme vient de le rappeler le ministre de l’économie, nous avons préparé ce budget dans des circonstances exceptionnelles. Je souhaite d’ailleurs saluer et remercier publiquement l’ensemble des administrations de mon ministère et de celui d’Antoine Armand, qui ont œuvré jour et nuit pour finaliser ces textes financiers et leurs annexes. Par la même occasion, je vous remercie également, vous tous ici présents, pour votre compréhension face aux désagréments causés par ce calendrier totalement atypique, que nous subissons également.

Ce calendrier contraint n’est pas sans conséquence sur le contenu du texte que nous vous présentons. Faute de temps, le texte initial n’inclut pas certains ajustements souhaités par le Premier ministre et annoncés lors de sa déclaration de politique générale. Ces ajustements seront donc introduits par voie d’amendement. Je me suis engagé devant vous à respecter les prérogatives budgétaires du Parlement, et je tiendrai cet engagement en étant très transparent – autant que les arbitrages actuels le permettent – au sujet des propositions complémentaires que nous défendrons au cours du débat parlementaire. J’y reviendrai au fil de mon propos.

Le ministre de l’économie et des finances a présenté très clairement le cadre macroéconomique dans lequel s’inscrit ce projet de loi de finances pour 2025, les enjeux liés au niveau d’endettement de la France, nos propositions en matière de fiscalité des entreprises ainsi que la nécessité impérieuse de préserver la croissance et l’activité économiques. Je n’y reviendrai donc pas. Pour ma part, je structurerai mon propos en trois points : après avoir décrit le cadre de responsabilité fixé par ce budget et la méthode que nous proposons d’employer pour redresser nos finances publiques, je préciserai concrètement le contenu du budget que nous vous soumettons pour 2025, en prenant des exemples précis, puis je reviendrai sur les propositions complémentaires que nous défendrons lors du débat à l’Assemblée nationale et au Sénat eu égard aux contraintes de temps que je viens d’évoquer.

Je m’étais engagé devant vous à tenir toujours un discours de vérité, et je ne changerai pas. Le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 proposent, à eux deux, un effort de redressement de nos comptes publics à hauteur de 60 milliards d’euros dès l’an prochain. Il s’agit d’un effort urgent, qui vise à parer à la dégradation de nos finances publiques, d’un effort inédit par son ampleur, et surtout d’un effort nécessaire afin de ramener le déficit public à 5 % du PIB. J’insiste sur ce point car il est capital : l’effort que nous devons consentir pour atteindre les 5 % de déficit l’an prochain est bien de 60 milliards d’euros, soit 2 points de PIB. Vous le savez, le déficit devrait atteindre et même légèrement dépasser les 6 % en 2024. Nous serions d’ailleurs bien au-delà si nos prédécesseurs, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, n’avaient pas réagi très vite en cours d’année en proposant au Premier ministre, Gabriel Attal, un décret d’annulation de 10 milliards de crédits en février dernier, et en freinant la dépense de l’État par des gels complémentaires pour la fin de gestion 2024. À ces mesures s’ajoute le travail préparatoire de la rédaction des lettres-plafonds, qui a contribué à organiser le nécessaire freinage des dépenses de l’État lors des dernières semaines et des derniers mois.

Nous ne devons pas compromettre la trajectoire de réduction du déficit, qu’il convient de ramener sous la barre des 3 % à l’horizon 2029 comme l’a décidé le Premier ministre. Dès lors que nous approuvons ce cadre, que j’appelle le « cadre de la responsabilité », il y a un terrain sur lequel nous pouvons tracer ensemble un chemin. Au fond, nous revenons à l’esprit de nos institutions : s’il appartient au Gouvernement de proposer un cadre pour assurer la soutenabilité de nos finances, c’est évidemment au Parlement et à ses deux assemblées qu’il reviendra de décider des voies et moyens de ce redressement. Ce chemin, je suis prêt à le tracer avec vous, main dans la main, et avec toutes les parties prenantes de cette affaire – je veux parler des partenaires sociaux et, évidemment, des collectivités locales. J’insiste cependant sur le caractère intangible de ce cadre, dont il serait irresponsable de sortir. J’ai entendu lors des débats préparatoires beaucoup de lignes rouges, ce qui est évidemment tout à fait sain en démocratie, mais pour ma part, je n’en aurai qu’une seule : celle de redresser nos comptes publics, tout simplement parce qu’il le faut. Nous devons faire des choix courageux aujourd’hui pour ne pas avoir à faire des choix douloureux demain.

Je veux maintenant vous présenter la proposition que vous soumet le Gouvernement à travers ce texte, qui a le mérite de tenir compte de beaucoup d’autres recommandations. Parmi les propositions ou contre-propositions que nous entendons formuler depuis plusieurs jours, voire plusieurs semaines, certaines consistent à actionner davantage le levier de la recette fiscale, d’autres à passer davantage par la baisse des dépenses publiques. Pour autant, le texte que nous vous présentons n’est pas le fruit d’un consensus mou : c’est une proposition certes perfectible, mais équilibrée, réaliste et responsable.

Nous proposons un effort de redressement partagé entre toutes les administrations publiques, puisque la diminution des dépenses concerne tous les ministères. L’effort est surtout partagé parce qu’il consiste pour les deux tiers en une baisse des dépenses, et pour le tiers restant en des contributions ciblées, exceptionnelles et temporaires pour une partie d’entre elles. Pour bâtir ce budget, nous nous sommes en effet imposé une règle : pour 1 euro de recettes supplémentaires, nous exigeons 2 euros d’économies. En somme, le Gouvernement a fait ce que la Constitution et la loi organique imposent au Parlement : il a « gagé ». Cette règle d’or, je vous propose de la respecter tout au long de nos débats, autant que faire se peut. Si les solutions proposées divergent fortement selon les groupes ou les forces politiques, je crois que chacun ici a pleinement conscience de la nécessité de redresser nos comptes publics et de réduire le déficit pour garantir la souveraineté de notre pays.

Puisque c’est d’abord par l’augmentation des dépenses que le déficit s’est creusé, c’est prioritairement par la baisse de ces dépenses que devra passer l’effort. Baisser des crédits après des années de hausse n’est pas un gros mot, ni un tabou, mais une nécessité. Je le disais tout à l’heure, le tiers restant des mesures annoncées – environ 20 milliards d’euros – consistera principalement en des contributions fiscales, dont une majorité seront exceptionnelles, temporaires et ciblées sur les grandes entreprises et les ménages capables de participer à cet effort de solidarité.

J’ai parlé d’un partage entre toutes les administrations parce que la baisse de la dépense publique est l’affaire de tous. L’État et ses opérateurs devront toutefois montrer l’exemple : ils seront concernés par un peu plus de la moitié des modérations et des baisses de dépenses – nous estimons leur effort à 21,5 milliards d’euros selon le tendanciel – alors qu’ils ne représentent qu’environ un tiers des dépenses publiques. La quasi-stabilisation en valeur des crédits par rapport au budget voté pour 2024 rapportera 15 milliards – c’était d’ailleurs l’objet des lettres-plafonds signées par Gabriel Attal –, les opérateurs de l’État contribueront à l’effort à hauteur de 1,5 milliard, tandis que 5 milliards d’économies supplémentaires seront proposées par voie d’amendement. J’insiste sur ce point car la méthode n’est pas banale : vous ne trouverez pas les 21,5 milliards d’économies dans le texte initial puisque 6,5 milliards supplémentaires, dont 5 milliards de baisses de crédits au sein des missions des ministères, apparaîtront dans des amendements que nous défendrons en séance publique.

Nous travaillerons avec les collectivités locales à un effort de l’ordre de 5 milliards d’euros afin de contenir la progression de leurs dépenses. J’ai bien dit que nous travaillerions « avec » les collectivités, et non « contre » elles. Il ne s’agit en aucun cas de distribuer des bons ou des mauvais points, et encore moins d’enrayer l’investissement local, qui demeure un puissant moteur de croissance et d’activité.

Nous demanderons également des économies aux administrations de sécurité sociale en proposant de limiter à 2,8 % la progression de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). Tel n’est pas l’objet du présent texte, mais il est nécessaire d’englober l’ensemble des comptes publics dans notre réflexion. Il n’y aura pas de casse sociale mais nous devons absolument freiner le creusement du déficit de la sécurité sociale, dans un esprit de responsabilité et dans le cadre global du redressement des finances publiques.

Permettez-moi de revenir quelques instants sur les moyens de réduire les dépenses dans le budget de l’État. Il faudra faire mieux avec moins de moyens, et l’assumer.

En premier lieu, nous proposons de supprimer des aides créées à titre exceptionnel dans un contexte et une conjoncture qui l’exigeaient, puisqu’il était alors nécessaire de préserver l’activité, de maintenir les emplois et d’assurer la relance – je pense notamment aux différents boucliers visant à protéger le pouvoir d’achat des ménages ou la compétitivité des entreprises. Je le répète, il est de notre responsabilité de retirer un certain nombre d’outils de protection car les crises sont désormais derrière nous – c’est particulièrement le cas de l’inflation, que le ministre de l’économie a estimée à 1,8 % en 2025. Ainsi, nous actons dans ce budget la disparition définitive du bouclier tarifaire sur l’électricité tout en assurant des baisses de prix pour les consommateurs soumis au tarif réglementé. Ce budget marque la fin du « quoi qu’il en coûte » et referme la page de la protection par l’État de nos concitoyens et de nos entreprises.

Nous ajustons les soutiens publics à l’évolution du contexte économique. C’est en particulier le cas des dispositifs de soutien à l’emploi, dès lors que le chômage atteint des niveaux parmi les plus bas depuis quarante ans. Il n’est pas question de supprimer toutes les aides à l’emploi, mais de procéder à des rebasages et d’adapter leur périmètre afin de les rendre toujours plus efficientes et efficaces.

Nous ajustons également les crédits aux besoins réels. Ainsi, la baisse de certains budgets ministériels n’est pas seulement due à la technique du rabot, mais aussi à la diminution des besoins. J’ai entendu beaucoup de critiques à propos de la baisse des effectifs dans la mission Enseignement scolaire, mais il s’avère que l’évolution démographique entraînera une baisse substantielle du nombre d’élèves à la rentrée 2025.

Nous cherchons à rendre les dispositifs plus efficients, c’est-à-dire à faire en sorte qu’ils favorisent certains comportements ou investissements sans pour autant coûter plus cher. Nous avons la responsabilité de repenser certains outils afin qu’ils coûtent moins cher aux contribuables tout en conservant leur efficacité. Par exemple, nous consacrons chaque année 16 milliards d’euros à l’apprentissage, après avoir triplé en sept ans les moyens accordés à cette politique, qui rencontre un très grand succès dont nous devons nous féliciter ; nous pouvons maintenant ajuster le montant des primes sans pour autant grever la dynamique ainsi créée. De même, le Premier ministre s’est demandé, dans sa déclaration de politique générale, s’il était vraiment nécessaire d’avoir trois dispositifs différents pour accompagner la transition vers les véhicules électriques. Sur ce sujet aussi, il y a probablement matière à faire mieux avec moins !

Nous mobilisons aussi les opérateurs en dynamisant leur gestion, en les rapprochant les uns des autres et en évitant de laisser de la trésorerie dormante. Là encore, l’urgence de la situation exige de telles mesures.

Nous réformons structurellement certains dispositifs afin d’améliorer leurs effets économiques. Je pense ici aux aides aux entreprises, en particulier aux allégements généraux de cotisations. Il s’agit non seulement de désmicardiser l’économie, pour reprendre l’expression utilisée dans le rapport Bozio-Wasmer, mais aussi de remettre les choses en perspective : certes, l’État a dépensé près de 80 milliards d’euros, dont 20 milliards ces quatre dernières années, pour améliorer la compétitivité des entreprises et leur permettre d’embaucher, mais nous pouvons nous poser la question d’une modération ou d’un freinage de cette politique d’allégements généraux.

Nous modérons aussi certaines dépenses qui ont fortement augmenté depuis 2017. Il est normal que ces choix, assumés comme nécessaires au redressement des comptes publics, soient questionnés et débattus. L’aide publique au développement (APD) est ainsi en baisse dans le budget pour 2025, mais elle a augmenté de 1,8 milliard d’euros, c’est-à-dire de plus de 70 % depuis 2017. Remettons ces données en perspective et ne confondons pas freinage de la hausse de la dépense avec austérité et baisse drastique des moyens.

Ces économies ciblées, qui seront complétées au cours des débats, ont pour partie été identifiées par des revues de dépenses, selon une méthode qui nous paraît essentielle pour instruire des réformes structurelles et ne pas grever la croissance. En effet, nos échanges sur le budget pour 2025 ne doivent pas obérer notre volonté de faire les réformes de structure nécessaires à notre pays. Il y a deux temporalités : celle du budget pour 2025 qui implique des choix marqués, notamment en termes de contributions exceptionnelles ; celle de l’agenda de réformes de structures qui seront présentées par le Gouvernement pour améliorer l’efficience des dépenses et prendre le relais des mesures budgétaires. C’est pourquoi nous systématiserons l’exercice de la revue d’efficacité de la dépense, sous l’égide du Premier ministre, afin d’examiner tous les champs de l’action publique.

Faire mieux avec moins de moyens, c’est aussi faire mieux avec moins d’effectifs et l’assumer. Nous proposons environ 2 200 suppressions de postes, réparties entre les ministères et les opérateurs de l’État. La pire méthode serait de pratiquer des baisses aveugles, au rabot, qui nuiraient à l’efficacité des services publics. Nous nous adaptons donc aux besoins des services publics et à la réalité des ministères : les effectifs seront préservés ou en hausse substantielle dans les domaines régaliens – justice, armées, intérieur – ; ils seront réduits dans des ministères qui se transforment tels que Bercy, souvent exemplaire en la matière, et quand ils sont affectés à des politiques dont le nombre de bénéficiaires se réduit, ce qui est le cas – et c’est une bonne nouvelle – pour l’opérateur France Travail.

Comme indiqué par le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, nous proposons un effort de justice et de solidarité, sous forme de contributions exceptionnelles, temporaires et ciblées sur les ménages et les entreprises capables de les supporter. Le caractère temporaire de ces contributions sera inscrit dans la loi par le biais d’une clause d’extinction.

Par souci de transparence et respect des prérogatives du Parlement, je souhaite vous informer des propositions complémentaires qui seront présentées dans l’hémicycle. Considérant que le garde des sceaux a raison de dire que la trajectoire fixée pour son ministère n’est pas satisfaisante, je proposerai de renforcer le budget de la justice, en cohérence avec l’accent mis sur le régalien. Nous proposerons aussi d’augmenter les crédits du ministère de l’intérieur, marquant la priorité que nous donnons à la sécurité des Français. Autre exemple de modifications du texte à attendre : la hausse des dotations versées à La Poste et à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), afin de préserver notre maillage territorial et d’accompagner les territoires les plus fragiles. Nous proposerons aussi d’augmenter les crédits en faveur du financement de notre patrimoine. Enfin, le rendement de la réduction du loyer de solidarité (RLS) sera maintenu en 2025 à son niveau de 2024, afin de soutenir la construction de nouveaux logements par les bailleurs sociaux. En miroir, comme annoncé par le Premier ministre, nous proposerons une extension du prêt à taux zéro (PTZ) dans des conditions qui devront être précisées et débattues.

Tout comme le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, je m’engage à faire plus régulièrement devant vous le point sur la situation de nos finances publiques. Je rendrai compte régulièrement devant votre commission des informations et prévisions dont je dispose concernant les finances publiques. Il me semble indispensable que vous puissiez disposer, plusieurs fois par an et non pas uniquement lors du dépôt des textes financiers, d’état de situation précis et récents sur l’ensemble des administrations publiques (APU) : État, collectivités territoriales, administrations de sécurité sociale. Il est nécessaire qu’un mécanisme d’alerte puisse permettre d’anticiper d’éventuels dérapages et surtout les débats que nous devons avoir ensemble. Il y va du bon pilotage de nos finances publiques et de la qualité de l’autorisation parlementaire et de l’évaluation que vous ferez au printemps. Nous nous engageons, Antoine Armand et moi-même, à favoriser la transparence, l’écoute et le dialogue. Nous souhaitons donc que ce texte, enrichi par nos débats, soit construit avec vous.

M. le président Éric Coquerel. Ce projet impose 36 milliards d’euros de baisse tendancielle des dépenses de l’État, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. C’est un budget d’austérité qui, en outre, est profondément inégalitaire : une baisse des dépenses publiques, des services publics et de la protection sociale affecte davantage la vie des classes moyennes et populaires que celle des gens capables de se payer ces mêmes services dans le privé. Une étude de l’Insee, parue en 2021, montrait que la moitié de la réduction des inégalités passait par des transferts en nature tels que l’éducation, la santé et le logement.

À lui seul, le budget de l’État va baisser de 17 milliards d’euros en tenant compte de l’inflation – 22 milliards en tendanciel. Une coupe aussi massive va peser sur l’activité économique : s’exprimant sur France Info ce matin, Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), tablait sur une baisse de 0,4 à 0,5 point de la croissance l’an prochain. Sans même parler des coupes concernant la sécurité sociale, la baisse du budget de l’État va aussi accélérer l’aggravation d’une pauvreté qui a explosé dans le pays. Une fois n’est pas coutume, nous sommes d’accord sur l’évaluation des économies à réaliser. Vous avez d’ailleurs raison de calculer en tendanciel, ce qui permet la meilleure prise en compte de la réalité. Êtes-vous d’accord avec les conséquences d’une telle politique sur les services publics ?

Contrairement à ce que vous affirmez, les mesures fiscales ne sont pas égalitaires : la surtaxe de 2 milliards d’euros sur les plus riches va toucher 0,3 % des foyers fiscaux, alors que la hausse de 3 milliards d’euros de la fiscalité sur l’électricité va affecter 40 % des Français. Certaines mesures fiscales ont plus de retentissement que d’autres sur la vie de nos concitoyens, notamment de ceux qui appartiennent à la classe moyenne. En additionnant ces mesures fiscales et les coupes dans les dépenses sociales, j’en arrive à la conclusion que 41 milliards d’euros concernent la vie de tout le monde et seulement 2 milliards celle des ultrariches.

S’agissant de l’électricité, il me semble qu’une hausse supplémentaire va s’ajouter aux 3 milliards d’euros, puisque vous comptez majorer la taxe sur l’électricité, afin de reporter sur les consommateurs les charges de service public dans les ZNI, les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental. Avez-vous évalué ce coût supplémentaire ?

L’alourdissent de 8 milliards d’euros de la fiscalité sur les très grandes entreprises, qui va dans le sens de ce que certains d’entre nous préconisaient depuis longtemps, sera ponctuel et temporaire. En somme, tout ce qui est permanent frappe les classes moyennes et populaires, et tout ce qui est ponctuel et temporaire touche les plus favorisés ou les grandes entreprises. En outre, les recettes attendues d’une taxe exceptionnelle ne sont pas toujours au rendez-vous : la taxe sur les énergéticiens n’a rapporté que 600 millions d’euros contre 12 milliards attendus. Pourriez-vous nous apporter des garanties concernant le montant des recettes de la taxe exceptionnelle sur les entreprises, attendues à 8 milliards d’euros ?

Ce budget est aussi celui du renoncement écologique. L’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a publié en juillet dernier une étude très intéressante dans laquelle il évalue le besoin financement supplémentaire pour atteindre nos objectifs climatiques à 50 milliards d’euros pour l’État et 23 milliards pour les collectivités territoriales d’ici à 2030 à réglementation et législation inchangées. Or les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables baissent de 7 %, soit 1,5 milliard d’euros. Le recul atteint même 16 %, soit plus de 3,5 milliards d’euros, si l’on retire l’augmentation de la contribution au service public de l’énergie (CSPE), une dépense non pilotable qui répond à des engagements passés et ne permet pas de soutenir de nouveaux projets d’énergies renouvelables. Et je vous épargne la baisse de 8,4 % du budget de l’agriculture. La France doit-elle renoncer à ses engagements climatiques pour réduire une dette financière qui résulte d’une baisse de recettes due à des cadeaux fiscaux accordés aux grandes entreprises et aux plus riches pendant sept ans ? Ce budget ne propose-t-il pas de renforcer ainsi la dette écologique ?

La presse a révélé que 4 000 postes d’enseignant allaient être supprimés. Vous faites état de 2 000 suppressions, en déduisant la création de 2 000 postes d’accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH), alors que les deux catégories n’ont pas les mêmes statuts et fonctions. Il y a de quoi s’inquiéter en matière de taux d’encadrement alors que le nombre d’élèves par enseignant est déjà l’un des plus élevés de l’Union européenne, voire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Ma dernière question concerne le budget de l’APD, gravement menacée par vos coupes : la baisse de 22 %, qui intervient après une annulation de 14 % des crédits ouverts en 2024, compromet inévitablement l’objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l’APD. Pourquoi l’affectation du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et de la taxe sur les transactions financières (TTF) au fonds de solidarité pour le développement (FSD) est-elle supprimée ?

M. Antoine Armand, ministre. À Bercy, nous raisonnons en effet en tendanciel depuis des années : nous regardons ce qui se serait passé sans l’adoption des mesures que nous avons prises, la différence avec la situation actuelle nous permettant d’en déduire des décisions en termes de freinage de la dépense et d’augmentation des prélèvements. Merci de nous en savoir gré.

Que l’on raisonne dans l’absolu ou en termes relatifs, on ne peut pas prétendre, comme vous le faites, qu’il s’agit d’un budget d’austérité. La dépense publique augmente en volume de 0,4 %. Autrement dit, nous la stabilisons. Grâce à la croissance espérée l’année prochaine, nous voulons la réduire progressivement pour que le déficit public soit contenu à 5 % du PIB. Dans l’absolu, je ne vois pas comment parler d’austérité alors que la dépense publique progresse légèrement et que l’Ondam augmente de 2,8 %. Voyons ce qu’il en est en termes relatifs. Il se trouve que je reviens de réunions de l’Eurogroupe et du Conseil pour les affaires économiques et financières (Ecofin), où j’ai pu échanger longuement avec mes partenaires européens. Certains pays ont adopté des plans d’austérité : la Roumanie a supprimé le treizième mois de ses agents publics ; l’Espagne, l’Italie et la Pologne ont réduit le salaire des fonctionnaires, respectivement de 5 %, de 5 % à 15 %, et de 10 %. Il faut prendre un peu de recul et regarder les faits.

Quant à nos estimations de croissance, nous les jugeons prudentes et réalistes. Nous avons évidemment tenu compte des effets potentiellement récessifs des réductions de dépenses et des prélèvements fiscaux ciblés, temporaires et exceptionnels. À cet égard, je trouve que la tonalité du HCFP est excessivement critique. Le HCFP estime que notre hypothèse de baisse du taux d’épargne à l’horizon de 2025 est optimiste, sans évoquer le redressement de l’opportunité de consommer, ni la baisse de l’inflation ressentie qui a été clairement documentée dans les dernières enquêtes de l’Insee. S’agissant de l’investissement, le HCFP évoque la baisse du taux de marge des sociétés non financières, sans préciser que le taux de marge de l’ensemble du secteur est bien meilleur. Il critique notre prévision du commerce mondial, sans évoquer notre hypothèse – plutôt conservatrice – d’un arrêt du rattrapage des pertes de performances pour 2025. D’ailleurs, d’autres instituts indépendants considèrent que notre prévision de croissance est réaliste. De manière générale, ils estiment que les prévisions de croissance, hors effet récessif des mesures budgétaires, sont plus élevées. Selon nous, il existe donc une marge correspondant à cet effet potentiellement récessif.

Le budget serait inégalitaire, selon vous. Pourtant, les prestations sociales, y compris les retraites, ont été fortement revalorisées l’année dernière et ce sera encore le cas cette année. Et même s’il ne s’agit pas d’une mesure budgétaire, la revalorisation anticipée de 2 % du Smic à compter du 1er novembre, annoncée par le Premier ministre, mérite d’être signalée. L’ensemble des prestations seront revalorisées à une date dont nous aurons à débattre.

Avec toute l’humilité qui convient, je vous dirais que les estimations de recettes sont les meilleures que nous ayons à ce jour. S’agissant de l’évolution spontanée des recettes, le HCFP estime que notre scénario est cohérent avec le scénario macroéconomique. Sans vouloir être trop technique, je dirai que le HCFP est donc d’accord avec notre façon de faire le lien entre l’augmentation du PIB et son effet sur les recettes à ce jour. Cela n’empêche pas qu’il y ait des surprises comme il y en a eu par le passé, que n’attendait aucun institut.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Quelles seront les conséquences du PLF et du PLFSS sur les services publics et la dépense sociale ? L’examen de ces textes nous donne l’occasion de nous interroger sur l’efficience de nos services publics et de nous poser collectivement la question suivante : pour un ministère, un bon budget est-il nécessairement un budget en hausse ? Ne devons-nous pas avoir la discipline de regarder ligne à ligne, d’analyser les besoins réels et leurs évolutions ? Ne devons-nous pas avoir l’exigence de chercher à faire différemment en transformant les outils qui sont à la disposition de ces ministères et de leurs opérateurs ? Nous avons souvent une lecture conduisant à estimer qu’un bon budget est nécessairement en hausse. Cela étant, vous avez raison, monsieur le président, nous devons veiller à la qualité des services publics.

Prenons l’éducation nationale, un sujet que je ne compte pas esquiver d’autant qu’il illustre très bien la problématique que je viens d’esquisser. Le solde des effectifs sera en effet négatif : 4 000 postes d’enseignant supprimés ; 2 000 postes d’AESH créés. La création de ces postes d’AESH était nécessaire et elle répondait à une volonté collective, mais il ne s’agit pas de confondre les métiers. La suppression de postes d’enseignant est à mettre en regard de l’évolution de la démographie des élèves : leur nombre a baissé de 350 000 au cours des six dernières années, et il devrait encore diminuer de 97 000 lors de la prochaine rentrée. Si nous adaptions le nombre de recrutements à cette évolution de manière proportionnelle, nous supprimerions 4 800 postes. Le budget proposé permet donc d’améliorer le taux d’encadrement des élèves.

J’en viens à la dépense sociale. On ne peut pas parler d’austérité quand l’Ondam progresse de 2,8 % à un moment où l’inflation est de 1,8 %. Toutes branches confondues, les dépenses sociales vont augmenter en 2025. Sans pratiquer l’austérité, nous devons proposer des mesures de freinage des dépenses de la sécurité sociale, les déficits de certaines branches étant devenus excessifs. Depuis 2019, dernière année sans crise, les dépenses de sécurité sociale ont progressé de 30 %, soit de 150 milliards d’euros, alors que l’inflation a été de 16 %. Je ne conteste pas qu’il y avait besoin de réinvestir et je suis fier des progrès accomplis grâce au Ségur de la santé, mais nous devons regarder en face le dérapage de 18 milliards d’euros des comptes sociaux. Le freinage de la dépense sociale sera l’une des conditions du rétablissement de nos comptes publics.

Alors que vous parlez de renoncement aux engagements climatiques, monsieur le président, vous constaterez que le budget pour 2025 consacre un montant record d’investissements à la transition écologique : les données du budget vert sont implacables. En revanche, nous devons assumer des modifications des priorités. Il faut améliorer l’efficacité de certains outils, tels que MaPrimeRénov ou l’aide à l’achat de voitures électriques, ce qui passe aussi par une lutte accrue contre la fraude. Tout en réduisant le poids financier de ces outils, il faut accroître l’accompagnement de l’État concernant le financement des énergies renouvelables, ce qui sera largement le cas en 2025 du fait de la baisse des prix. L’an prochain, la puissance publique jouera un rôle financier majeur dans les énergies renouvelables. La dette écologique ne sera pas sacrifiée sur l’autel de la dette financière, ainsi que le Premier ministre l’a rappelé dans sa déclaration de politique générale.

Quant à la TSBA, dite taxe Chirac, ce que vous décrivez est une conséquence de la Lolf : au 1er janvier 2025, est supprimée l’affectation des taxes qui n’ont pas de lien direct entre l’affectataire et le contribuable, dans un souci d’universalité budgétaire. Quoi qu’il en soit, le FSD ne souffrira d’aucune coupe budgétaire et recevra des crédits d’un même montant que celui auparavant issu de la TSBA.

M. Antoine Armand, ministre. Pour répondre à votre dernière question, monsieur le président, j’indique qu’il n’y aura pas de report sur les consommateurs des charges de service public dans les ZNI, ils seront bien concernés par la baisse de 9 %.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Messieurs les ministres, je ne vous poserai que neuf questions.

Le Gouvernement propose des efforts considérables qui rompent avec la facilité qui a prévalu au cours de ces dernières années et visent au rétablissement de nos finances publiques. On ne peut que s’en réjouir, mais il est grand temps ! Cependant, l’équilibre de mesures de hausse des prélèvements obligatoires et de baisse des dépenses, que vous nous proposez, présente évidemment un effet récessif que le HCFP estime entre 0,4 et 0,5 point de PIB. Si votre prévision de croissance de 1,1 % du PIB en tient compte, cela signifie que nous allions atteindre en 2025, hors mesures de redressement, une croissance en volume de 1,5 % ou 1,6 %. D’après le HCFP, cette prévision n’est pas réaliste. Si, au contraire, votre prévision de croissance à 1,1 % du PIB ne tient pas compte de ces mesures, alors la croissance pourrait tomber à 0,6 % ou 0,7 % – si toutes ces mesures sont effectivement prises et sont de l’ampleur annoncée. Vos prévisions d’une hausse de 61 milliards d’euros des prélèvements obligatoires en seraient fortement réduites. Pourriez-vous nous éclairer sur la sincérité de vos prévisions de recettes, afin d’éviter de renouveler en 2025 les considérables erreurs de prévision de 2024 ?

L’une des conditions de votre prévision de croissance de 1,1 % du PIB est une reprise de la consommation des ménages. Cela suppose notamment un certain reflux de leur taux d’épargne, qui atteint 18,1 % du revenu disponible en 2024, un taux bien supérieur à sa moyenne de long terme de 15 %. D’après vos prévisions, ce taux ne diminuerait que de 0,5 point en 2025. Ce phénomène d’épargne durablement élevée ne fragilise-t-il pas toute hypothèse de croissance reposant sur l’idée d’une possible reprise de la consommation des ménages ?

Quant aux entreprises, leur taux de marge devrait baisser de deux points entre 2023 et 2025, passant de 32,7 % à 30,7 % de leur valeur ajoutée. Leur taux d’épargne se contracterait de plus de quatre points dans l’intervalle, passant de 21,7 % à 17,1 % de leur valeur ajoutée. Dès lors, n’est-il pas hasardeux d’envisager une reprise, même timide, de l’investissement des entreprises ?

Le bouclier fiscal sur l’électricité prend fin le 1er février 2025. Dans cette perspective, l’article 7 du PLF relève le droit d’accise sur l’électricité pour les ménages de 21 à 25 euros par mégawattheure. Cependant, d’autres dispositions du même article prévoient la possibilité d’une hausse du droit d’accise sur l’électricité par voie réglementaire : une modulation comprise entre 5 et 25 euros par mégawattheure pourrait intervenir par arrêté. De plus, pour assurer la conformité au droit européen, l’article 7 relève la TVA sur les abonnements électriques de 5,5 % à 20 %, hausse censée être neutre pour le consommateur car elle devrait être absorbée par une baisse équivalente du droit d’accise. La combinaison de ces dispositions constitue un mécanisme complexe, pour ne pas dire un peu confus. Pourriez-vous nous indiquer quelle est la hausse du droit d’accise sur l’électricité qui doit intervenir le 1er février 2025 ? Dépassera-t-elle le niveau d’avant la crise ? Quelles sont les recettes supplémentaires attendues ? Surtout, ne craignez-vous pas que les renvois au pouvoir réglementaire, autorisés par cet article, n’entraînent une censure du Conseil constitutionnel pour incompétence négative du législateur ? Ces quatre questions constituent ma quatrième question, dirons-nous.

En 2024, le produit de l’impôt sur les sociétés devrait atteindre 58 milliards d’euros, alors que dans le projet de loi de finances initiale, il était estimé à 72 milliards. Cette perte de 14 milliards me conduit à vous poser la question sur la crédibilité du rendement de la contribution exceptionnelle sur les grandes entreprises en 2025, à hauteur de 8 milliards en 2024. Ce chiffre n’est-il pas entaché d’importantes incertitudes ? Telle est ma cinquième question.

Le dossier de presse présente des mesures à hauteur de 60,6 milliards d’euros, qui reposeraient pour un tiers sur des hausses de recettes et pour deux tiers sur une baisse des dépenses. Or le HCFP nous a annoncé hier que, selon sa méthodologie, les efforts de réduction des déficits publics reposeraient en fait à 70 % sur une hausse des prélèvements obligatoires, pour un montant de 30 milliards d’euros, et à 30 % sur une réduction des dépenses, pour un montant de 12 milliards d’euros. Cette différence d’appréciation repose sur la référence par le Gouvernement à un scénario tendanciel alors que le HCFP se réfère à la situation de 2024. Pouvez-vous nous donner des explications sur cette divergence d’appréciation ? En outre, il est prévu que 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires ainsi que 1,5 milliard de recettes supplémentaires, semble-t-il sur les billets d’avion et les énergies fossiles, seront proposés par amendements. Quelles sont les mesures envisagées, en particulier concernant les 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires ? Ces amendements seront-ils déposés avant la séance publique, permettant un examen sérieux par les commissions ? Telle est ma sixième question.

L’évolution de l’endettement public – qui culminerait à 116,5 % du PIB en 2027 – est très préoccupante. Cette aggravation se traduit par une hausse de la charge de la dette, qui devrait passer de 53 milliards d’euros en 2023 à 70 milliards en 2025, et atteindrait même 125 milliards en 2031. La charge de la dette s’alourdirait ainsi de 8 milliards d’euros chaque année, grevant de façon croissante les ressources publiques. Dès lors, n’y a-t-il pas un risque d’effet boule de neige concernant la dette publique ? La trajectoire présentée dans le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT), qui prévoit un début de désendettement en 2028, est-elle crédible ? Telle est ma septième question.

Le mécanisme de fonds de réserve, auquel vous voulez soumettre les collectivités territoriales les plus importantes, est-il compatible avec le principe constitutionnel de libre administration de ces dernières ? Quels sont les critères de restitution de ce fonds aux collectivités à terme ? Cette mesure ne présente-t-elle pas un caractère rétroactif puisqu’elle s’appliquerait en 2025, mais sur les résultats de 2024 ? Cette mesure n’est-elle pas une forme de sanction collective qui ne tient pas compte des efforts individuels de certaines collectivités ? Telle est ma huitième question.

Les mesures d’économie ciblant les collectivités locales sont importantes : 1,2 milliard d’euros sur le gel de la dynamique de la TVA ; 0,8 milliard sur la réduction du taux du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) ; 3 milliards sur le fonds de réserve ; 1,5 milliard d’euros sur le fonds Vert ; 1,3 milliard d’euros sur les cotisations employeur au titre de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), soit 7,8 milliards d’euros au total, ce qui est supérieur aux 5 milliards d’euros annoncés. Imposer ces charges nouvelles aux collectivités territoriales, alors qu’on leur demande de limiter fortement en valeur la croissance de leurs dépenses, revient à leur demander de réduire de 2 % de leurs dépenses en valeur. Est-ce crédible ? Telle est ma dernière question.

M. Antoine Armand, ministre. Vos trois premières questions se rapportent aux hypothèses de croissance, au reflux du taux d’épargne et aux taux de marge des entreprises. Elles se tiennent car, comme indiqué précédemment, nos prévisions de revenus de l’épargne et d’augmentation de la consommation diffèrent de celles du HCFP. Notre prévision de 1,1 % de croissance intègre les effets récessifs potentiels des hausses temporaires d’impôts et des baisses de dépenses prévues pour 2025. Contrairement à vous, nous ne réduisons pas le taux de croissance de 0,5 %. Nous faisons l’hypothèse d’une baisse de l’inflation ressentie, moteur important d’une reprise de la consommation. À cela j’ajouterai deux facteurs : la montée en puissance progressive de l’effet des réformes de l’assurance chômage et des retraites en termes de taux d’activité et de soutien à l’emploi ; la baisse des taux d’intérêt qui devrait soutenir l’investissement et contribuer à la bonne santé des entreprises.

En ce qui concerne l’impôt sur les sociétés, vous nous interrogez légitimement sur l’écart constaté l’an dernier entre les recettes attendues et celles qui ont été effectivement encaissées. Je le répète, je m’engage à faire preuve de la plus grande transparence et à rechercher avec vous les raisons de cet écart. Pour le présent budget, nos prévisions sont prudentes et partagées par le HCFP, qui juge l’évolution spontanée des recettes pleinement cohérente avec les scénarios macroéconomiques, même si une prudence particulière reste de mise sur ces sujets.

Enfin, sur le potentiel effet boule de neige de la dette, je rappelle que celle-ci est très liquide et que la demande de dette est stable grâce à un portefeuille d’investisseurs très diversifié, comme l’atteste le bon avancement du programme de financement de l’État, couvert à hauteur de 90 %. C’est parce que nous réduirons le déficit à 5 % en 2025 que nous contiendrons les nouvelles émissions de titres et que nous maintiendrons la confiance des marchés, qui restent très attentifs.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le 1er février 2025, la hausse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) consacrera la sortie du bouclier tarifaire sur l’électricité. Le montant exact, précisé par voie réglementaire et sans doute supérieur à 32 euros par mégawattheure, sera fixé en fonction du prix réel de l’électricité et prendra en compte la baisse de 9 à 10 % de la facture des particuliers qui bénéficient du tarif réglementé – nous nous y sommes engagés. Dernièrement, la facture des particuliers qui bénéficient de tarifs libres – soit 20 % des ménages – a baissé de manière plus importante. Du reste, ils pourront toujours demander à bénéficier du tarif réglementé car le marché est souple.

S’agissant des collectivités locales, nous proposons qu’elles contribuent à hauteur de 5 milliards d’euros. Nous avons engagé avec elles un dialogue exigeant, en prenant en considération la réalité des finances locales. L’hétérogénéité des collectivités et des finances locales est telle qu’il est très difficile de proposer une contribution satisfaisante pour toutes. Nous avons présenté au Comité des finances locales un projet sur lequel nous devons travailler. Nous avons proposé la création d’un fonds de réserve à hauteur de 2,8 milliards. Cette proposition innovante a un double mérite : le fonds serait abondé par les collectivités territoriales qui ont la plus grande capacité à contribuer et leur contribution serait limitée à 2 % des recettes réelles de fonctionnement (RRF) pour 2024 – nous ne nous fondons pas sur des prévisions en la matière. La gouvernance de ce fonds sera assurée par les collectivités locales et s’inscrira dans un partenariat avec l’État. Nous avons également proposé un écrêtement de la dynamique de TVA à hauteur de 1,2 milliard d’euros ainsi qu’une baisse de deux points du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) à hauteur de 800 millions d’euros.

Enfin, s’agissant des amendements visant à diminuer les crédits que nous déposerons, nous sommes en train d’organiser les rencontres bilatérales avec l’ensemble des ministres qui se tiennent habituellement au printemps ou à l’été, afin d’arbitrer la situation ministère par ministère. Pour rappel, j’ai pris mes fonctions le 22 septembre dernier. J’ai indiqué ceux des ministères régaliens, notamment ceux qui font l’objet d’une loi de programmation, que nous ne souhaitons pas voir privés de moyens complémentaires. Les amendements vous seront transmis avant l’examen en séance afin que vous puissiez les étudier. Un effort complémentaire de réduction de la dépense publique devra être fourni ; à défaut, nous ne parviendrons pas à atteindre les 60 milliards d’économies.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous sommes très loin du budget de rupture attendu : c’est le musée des horreurs des technocrates de Bercy. Nous déplorons des injustices fiscales partout, et ne constatons nulle part le redressement durable des comptes de la nation. Rien n’aura donc changé malgré le vote des Français.

Les ministres macronistes se suivent et leurs mauvaises gestions se ressemblent. Vous êtes déjà très loin de la cure d’austérité en ce qui concerne l’autosatisfaction. À vous écouter, vous avez tout bien fait et toujours mieux que nos voisins européens. Excusez-nous donc, monsieur Saint-Martin, de ne pas avoir votre intelligence collective. Nous nous contenterons de notre lucidité individuelle.

Si vous disiez la vérité, alors les comptes publics se tromperaient. Parfois, osez penser à rebours. Si l’économie était prospère, les comptes seraient positifs ; si vous aviez protégé le pouvoir d’achat, le taux d’épargne des Français ne traduirait pas l’angoisse des classes moyennes pour le lendemain.

Ce budget marque la cinquante-et-unième année de gestion désastreuse du parti unique. Les dépenses ne baissent pas, mais continuent d’augmenter et aucune réforme structurelle n’est annoncée. Les classes moyennes et populaires sont bien davantage mises à contribution que les privilégiés et les grandes entreprises, dont les modalités techniques de participation à l’effort ne sont pas précisées ; de mauvaises surprises sont à redouter en la matière.

Vous ne faites que des coups de rabot, vous faites toujours les fonds de tiroir ; nous ne discernons pas de stratégie. À cet égard, vous sacrifiez comme toujours les dépenses d’investissement, les dépenses d’avenir. Par exemple, l’investissement de 500 millions d’euros pour la création de trois parcs éoliens en mer représente cinq fois les économies liées à la suppression des postes d’enseignants que vous proposez.

Enfin, vos choix économiques structurants sont très surprenants. Tout d’abord, vous proposez une hausse soudaine du coût du travail, préparée sur un coin de table, sans aucune étude d’impact. Comme si l’on pouvait remettre en cause des dispositifs relatifs au Smic, en toute urgence, sans réfléchir aux conséquences ! Par ailleurs, vous proposez des dispositifs nouveaux et étonnants relatifs au nucléaire et à la sortie de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Comment ont-ils été élaborés ? Comment pouvez-vous proposer des dispositions aussi urgentes, qui n’ont jamais été annoncées et qui ont été préparées sur un coin de table, alors que nous manquons de temps pour examiner le budget ? On est bien loin des promesses de M. Barnier. Nous déplorons que tous les efforts soient supportés par les classes moyennes et populaires et que le redressement des comptes publics ne soit pas assuré.

M. Antoine Armand, ministre. Nous serons très vigilants à l’impact macroéconomique, en particulier sur l’emploi, de la hausse du coût du travail. Cette mesure n’a pas été préparée sur un coin de table, elle fait partie des scénarios proposés par Antoine Bozio et Étienne Wasmer qui ont pris le temps de la réflexion et ont apporté leur expertise pour rédiger leur rapport. Le projet de loi de finances est perfectible, le débat parlementaire permettra de l’améliorer. Ainsi, si vous proposez de remplacer les nouveaux prélèvements prévus par des économies afin de réduire les premiers, nous serons très ouverts à cette suggestion.

Je connais votre attachement au nucléaire, vous connaissez le mien. L’article 4, qui pourra être débattu avec la ministre de la transition écologique, de l’énergie, du climat et de la prévention des risques, traduit dans la loi l’accord entre EDF et l’État.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Cette mesure permettra de sécuriser dès 2027 les revenus engendrés par la production nucléaire d’EDF, donc de protéger davantage les consommateurs contre les fluctuations du marché. Cette disposition de mise en conformité avec le droit européen n’est absolument pas une surprise. Le remplacement de l’Arenh est un sujet connu, qui fait l’objet de débats. Les revenus reversés aux consommateurs seront désormais calculés en fonction des revenus réels qui résultent des prix du marché, lesquels peuvent énormément fluctuer à la hausse – aussi avions-nous instauré un bouclier tarifaire lors de la crise de l’énergie – ou à la baisse, comme ce sera le cas à partir du 1er février 2025. L’article 4 est une bonne nouvelle pour les consommateurs.

M. David Amiel (EPR).  Messieurs les ministres, vous pourrez compter sur le soutien de notre groupe car c’est le bon moment pour consentir un effort de réduction des déficits publics. Entre 2017 et 2019, notre majorité avait réduit les déficits, qui sont passés, pour la première fois depuis longtemps, sous la barre des 3 % du PIB. Notre groupe a soutenu les plans de relance massifs pour faire face à la crise sanitaire. Nous devons désormais retrouver des marges de manœuvre pour affronter les prochains chocs. Du reste, c’était ce qui guidait l’action du précédent gouvernement, lequel avait décidé des annulations de crédits et des mises en réserve historiques en 2024, et préparé des lettres-plafonds en vue du PLF pour 2025.

Par ailleurs, vous pourrez compter sur le soutien de notre groupe car la réduction des dépenses est un exercice difficile face auquel chacun doit être humble. Je m’étonne de voir certains donner des leçons de réduction des dépenses publiques alors qu’ils s’opposaient avec véhémence à la réforme des retraites, il y a un an à peine.

Vous pourrez compter également sur notre groupe pour être toujours du côté de la solution. Nous ne serons pas le parti du sectarisme fiscal. Modifier l’impôt peut être nécessaire afin de le rendre plus juste ou plus efficace ; en revanche, nous serons très vigilants quant aux hausses d’impôts qui fragiliseraient les objectifs structurants en matière d’emploi, de transition écologique, de réindustrialisation. Chaque fois, nous proposerons des solutions alternatives à l’euro près pour atteindre l’objectif prioritaire et incontournable de réduction des déficits publics. Ce sera le cas s’agissant de la hausse des charges, qui menacent l’emploi et le processus de désmicardisation – autre objectif prioritaire –, ou encore s’agissant de la hausse des tarifs d’accise de l’électricité, supérieurs à ceux en vigueur avant la crise. J’ai bien entendu votre ouverture sur ce sujet.

Compte tenu de l’ampleur du déficit, quel montant d’annulations de crédits envisagez-vous pour l’année 2024, afin que l’effort à consentir soit moins important dans le PLF pour 2025 ? Quels sont les grands domaines qui seraient concernés par les 5 milliards d’économies supplémentaires proposées par voie d’amendements ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Il est nécessaire de remettre en perspective la question des hausses de charge. Durant les quatre dernières années, les entreprises ont bénéficié de près de 80 milliards d’euros d’exonération de charges patronales, dont 20 milliards s’appliquaient aux bas salaires, avec le succès que l’on sait. Une réduction de 4 milliards nous semble raisonnable et ne devrait pas grever la dynamique d’emploi. Si nous n’avons pas la même opinion sur cette question – je respecte la vôtre –, nous sommes d’accord sur la philosophie du rapport Bozio-Wasmer.

Il était courageux et nécessaire de prendre les décrets d’annulation de crédits pour l’année 2024, dont le montant global ne pouvait excéder 10 milliards d’euros : ils ont freiné le déficit. Une part substantielle des crédits ayant fait l’objet d’un surgel pour 2024 pourra également être annulée pour réduire au maximum le déficit de l’année 2024.

Nous ne présenterons pas de projet de loi de finances rectificative car nous estimons que le débat fiscal doit se tenir dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. L’estimation d’un déficit public de 6,1 % repose tant sur l’annulation des crédits du mois de février 2024 que sur celle d’une partie des surgels de la fin de gestion 2024. Ce montant incertain sera précisé dans le projet de loi de finances de fin de gestion, qui sera présenté à la fin de l’année.

Nous sommes en train de discuter avec les ministères au sujet des 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires. L’arbitrage du Premier ministre sera rapide puisque nous aurons besoin de présenter les amendements correspondants lors de l’examen de la seconde partie du PLF. Je tiens à ce que vous ayez l’information le plus tôt possible ; cela mériterait la publication d’une sorte de tiré à part.

M. David Guiraud (LFI-NFP). A-t-on déjà récolté autant d’argent issu des impôts que durant ces dernières années ? Si oui, pourriez-vous nous préciser quand ?

L’an dernier, l’État a récolté à lui seul 106 milliards d’euros de TVA, qui est l’impôt le plus important, auxquels il faut ajouter la part de la TVA affectée à la sécurité sociale – pour 60 milliards – et celle transférée aux collectivités locales – pour 30 milliards – afin de compenser les cadeaux faits aux grands groupes et aux grandes fortunes. C’est un curieux paradoxe : bien que nous soyons assis sur un tas d’or, celui des Français, nous serions menacés par un grave déficit.

Contrairement à votre prédécesseur, vous commencez à comprendre que lorsqu’on jette par la fenêtre des centaines de milliards d’euros par an pour les donner au CAC40, cela pose de gros problèmes aux finances publiques. Certes, vous comprenez plus vite, mais il faut quand même vous expliquer très longtemps, car votre budget est dans la droite ligne des précédents : vous menez une politique d’austérité budgétaire et une politique de l’offre, et vous n’atteignez jamais, pas même du bout des pieds, vos objectifs budgétaires – détail qui revient constamment sous la présidence de Macron. Non seulement vous vous noyez budgétairement, mais vous vous accrochez aussi à la manche des collectivités locales – qui, contrairement à vous, présentent des budgets à l’équilibre – pour les faire couler. Alors que vous leur avez annoncé un effort de 5 milliards d’euros, je constate une coupe de 6,5 milliards dans le budget qui entraînera des conséquences désastreuses pour elles et nos concitoyens.

S’agissant des services publics, je ne veux pas être méchant, mais il doit manquer deux minutes de cuisson dans la tête des membres de ce gouvernement. Pensez-vous réussir à nous faire croire que « l’école, voilà qui reste la priorité » – citation et blague de Michel Barnier –, alors que vous supprimez 4 000 postes d’enseignants dans le projet de loi de finances ? Je veux néanmoins saluer, monsieur Saint-Martin, votre effort pour être comique lorsque vous avez posé, avec une sincérité assez désarmante, cette question : « Pourquoi faut-il systématiquement considérer qu’un bon budget ministériel est un budget en hausse ? » Je ne sais quoi vous répondre, cela devient difficile d’avoir de l’estime pour vous.

Fort heureusement, vous n’avez aucune majorité dans cette assemblée et vous serez battus. Un autre projet de loi de finances, qui partage les richesses, protège les services publics et prépare la transition écologique est possible. Nous nous battrons pour cela. PLF : trois lettres pour désigner votre éphémère projet de loi de finances. Étant donné tous les coups de couteau que vous vous plantez déjà dans le dos au sein de votre – désormais – tout petit groupe parlementaire, je ne donne pas six mois à votre affaire. Votre temps est compté.

M. Antoine Armand, ministre. Je vais essayer de vous répondre en faisant montre d’un esprit moins polémique que le vôtre ; avec 3 000 milliards de dettes et 6 % de déficit, le débat mérite mieux que des petites phrases.

La première chose que vous avez dite est en contradiction avec la suite de votre propos. Oui, les recettes fiscales ont augmenté car nous avons soutenu l’activité. Les recettes de l’impôt sur les sociétés ont également augmenté alors que nous en avons baissé le taux. En effet, lorsqu’on fait confiance aux entreprises sur le long terme, elles-mêmes retrouvent la confiance. Par conséquent, les recettes fiscales qui servent à financer les services publics augmentent.

J’en viens à votre deuxième point : en effet, le montant des recettes atteint un record mais la dépense publique, qui est la plus importante de l’Union européenne, a augmenté plus vite que les recettes. Vous avez ainsi rappelé les raisons pour lesquelles nous avons besoin de baisser la dépense publique et de faire confiance aux entreprises pour investir et créer de l’emploi.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Tout le monde est d’accord, vous inclus : il faut adapter les moyens des services publics à la réalité des besoins. Si l’on peut diverger sur les propositions, les termes du débat sont essentiels. Je vous renvoie la question : le nombre d’enseignants doit-il être adapté au nombre d’élèves ? Vous considérez qu’il faut renforcer les services publics, c’est tout à fait légitime. Mais cela implique soit de trouver de nouvelles voies de financement, soit de baisser d’autres dépenses publiques. Je suis convaincu qu’au fond vous êtes d’accord : des finances publiques fortement déficitaires de façon durable sont dangereuses pour la souveraineté de notre pays.

S’agissant des collectivités, vous avez raison : leur budget de fonctionnement est à l’équilibre, conformément à la loi. Pendant la crise du covid, les collectivités ont apporté un soutien massif et l’État a fortement soutenu les finances locales. Je vous invite à porter un regard d’ensemble sur la réalité des finances locales. Si nous évoquons la responsabilité des collectivités territoriales, nous n’entendons pas ce terme au sens de culpabilité. Cela étant, nous sommes face à la nécessité collective de redresser les finances publiques. Du reste, la grande majorité des collectivités est d’accord avec ce principe. La question est de déterminer le bon moyen pour y parvenir ensemble.

M. Philippe Brun (SOC). Tout à l’heure, M. Armand a évoqué l’exemple de la Roumanie. Certes la France n’est pas la Roumanie ; même en Roumanie, il n’y a pas un décalage de 2 points de PIB entre les prévisions de déficit budgétaire et le déficit réel.

Si vous n’êtes pas directement responsables du trou dans les finances publiques, vous l’êtes politiquement car vous appartenez à la majorité qui a présenté le dernier budget et l’a voté.

La question de la répartition de l’effort pour résorber ce déficit très important se pose. Nous partageons un certain nombre de mesures que vous proposez. Nous avions proposé la surtaxe à l’impôt sur les sociétés pour les très grandes entreprises. Nous sommes également favorables à la mise à contribution des plus hauts revenus. Néanmoins, le compte n’y est pas en matière de répartition de l’effort. Alors que 2 milliards seront prélevés sur les hauts revenus, 3,5 milliards seront ponctionnés sur les retraités – la pension moyenne en France est inférieure à 1 500 euros – et 3,5 milliards seront prélevés sur l’ensemble des factures énergétiques des Français du fait de l’augmentation de la TICFE.

Selon M. Armand, le Gouvernement serait prêt à écouter toute proposition qui viserait à remplacer un impôt supplémentaire par une économie supplémentaire. Je pose la question inverse : est-il prêt à accepter toute proposition d’impôt supplémentaire qui se substituerait à une économie supplémentaire ? En effet, nous ne pouvons accepter les économies faites sur le budget de l’éducation nationale, alors que des professeurs ne sont pas remplacés dans des dizaines d’établissements et que des classes ferment en milieu rural. On ne peut accepter de sacrifier l’éducation nationale sur l’autel de la rigueur budgétaire. Voilà les questions que les socialistes posent dans un esprit constructif et de responsabilité.

M. Antoine Armand, ministre. Nous devons être transparents sur les prévisions de recettes, comme sur le suivi des recettes et des dépenses. Nous devons travailler avec la représentation nationale, si elle le souhaite, pour améliorer ce modèle et assurer ce suivi.

Je ne considère pas qu’on puisse remplacer des économies par un impôt. En effet, ces dernières années, la dépense publique n’a cessé d’augmenter plus vite que les recettes. Par ailleurs, notre taux de prélèvements obligatoires est l’un des plus importants au monde. Nous devrons appliquer une doctrine de stabilité fiscale et de baisse des impôts dès que les comptes publics seront rétablis afin de préserver l’emploi, la compétitivité et, partant, les salaires et les employés.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je le répète, je n’éviterai pas le débat sur les crédits de l’éducation nationale – vous avez raison de l’évoquer avec gravité. Il est faux de dire que nous baissons les moyens de l’éducation nationale : 130 millions d’euros supplémentaires sont alloués à la mission Enseignement scolaire en 2025 ; nous ne l’abîmons donc pas, et les effectifs sont adaptés à la réalité démographique.

Nous débattrons notamment de votre souhait d’en renforcer les moyens. Cela étant, ne partons pas du constat que cette mission serait appauvrie : depuis 2019, ses crédits ont augmenté de près de 20 %. Cette tendance se poursuit dans le budget pour 2025. Néanmoins, des réformes et des améliorations sont sans doute nécessaires au sein de l’éducation nationale.

M. Nicolas Ray (DR). Nous partageons malheureusement votre constat : la situation des finances publiques est grave. Cela fait plusieurs années que nous alertons les différents gouvernements sur la dérive des finances publiques. Nous avions d’ailleurs proposé l’an dernier un contre-budget qui prévoyait 25 milliards d’économies. Soyez rassurés, messieurs les ministres, notre groupe fera le choix du courage, de la vérité et de la responsabilité. Nous serons aux côtés de Michel Barnier et à vos côtés pour redresser nos comptes publics.

Entre baisses des dépenses et hausses des impôts, nous avons clairement choisi notre camp. Vu le taux record de prélèvements obligatoires, nous ne devons pas céder à la solution de facilité qui consisterait à augmenter les impôts, notamment des Français qui travaillent ou des PME. Je salue le fait que, contrairement aux rumeurs, vous n’ayez pas gelé le barème de l’impôt sur le revenu, mesure qui aurait conduit à augmenter les impôts de tous les Français.

Le plan de redressement de nos comptes doit être ambitieux mais il doit être également juste pour préserver le pouvoir d’achat des Français – des actifs comme des retraités –, garantir la prise en charge des soins de nos concitoyens et assurer le respect des collectivités locales. Nous avons contribué au débat en présentant un plan de réduction des dépenses publiques de 50 milliards. Il s’articule autour de trois axes, dont la réduction de la lourdeur administrative, qui passe par une diminution des coûts que représentent les opérateurs. Vous allez dans ce sens en supprimant 1 000 équivalents temps plein (ETP) au sein des opérateurs. Nous pouvons aller plus loin car, en cinq ans, leurs effectifs ont été renforcés à hauteur de 28 000 ETP.

Depuis plusieurs semaines, vous indiquez vouloir faire reposer l’effort à hauteur de deux tiers sur les dépenses et d’un tiers sur la fiscalité, ce que Pierre Moscovici a contesté hier. Cette différence s’explique par l’application d’une méthode discutable, fondée sur une hausse irrésistible de 2,8 % des dépenses – du reste, cette méthode va à l’encontre de votre philosophie. Nous serons force de proposition au cours de ce débat pour lutter contre les doublons, chasser le gaspillage, redresser les comptes publics et garantir la souveraineté financière de la France.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Je vous remercie pour vos propos. S’agissant de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu (IR) sur l’inflation, le gel du barème – proposition que nous avons toujours rejetée – entraînerait l’assujettissement de 600 000 contribuables à cet impôt. Cette mesure a été appliquée tant par des gouvernements de droite que par des gouvernements de gauche durant de nombreuses années. Alors qu’il est souvent reproché à ce budget de ne pas protéger les classes moyennes et populaires, le choix de ne pas recourir à cette mesure démontre le contraire.

Mme Eva Sas (EcoS). Messieurs les ministres, vous nous présentez avec retard un budget marqué par un ajustement sans précédent – 60 milliards
d’euros –, un redressement brutal et excessif qui pèse essentiellement sur les dépenses.

Certes, vous proposez quelques mesures de recettes cosmétiques, comme la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, alors que les plus riches auraient dû être imposés sur le patrimoine. Or vous vous y refusez. Résultat : vous proposez des coupes budgétaires drastiques. Je soulignerai quatre points d’inquiétude majeure pour les écologistes.

D’abord, malgré les propos du Premier ministre sur la dette écologique, le budget de l’écologie est en baisse. Ainsi, les crédits du programme 174, Énergie, climat et après-mines, qui finance le dispositif MaPrimeRénov’, diminuent de 3 milliards d’euros, alors qu’il aurait fallu, au contraire, renforcer l’accompagnement des ménages dans la rénovation thermique.

Par ailleurs, vous exigez des collectivités territoriales un effort colossal et inatteignable, en prévoyant des coupes budgétaires à hauteur de 8,5 milliards d’euros, alors qu’elles appliquent les mesures relatives à la transition écologique et les politiques de solidarité en faveur des plus vulnérables. À l’inverse de la politique que vous proposez, les écologistes souhaitent non seulement préserver les moyens des collectivités mais aussi restaurer leur autonomie fiscale.

Vous proposez également de freiner la trajectoire de l’Ondam pour réaliser 3,8 milliards d’euros d’économies, notamment sur les achats de l’hôpital et le ticket modérateur. Comment ne pas craindre le pire alors que l’accès aux soins et à l’hôpital public est déjà si fragilisé ?

Enfin, vous prévoyez des suppressions d’emplois publics alarmantes, en particulier dans l’éducation nationale et à France Travail.

Pourquoi ne pas avoir mis à contribution, de façon plus volontariste, ceux qui en ont les moyens – les plus riches et les grandes entreprises – plutôt que de dégrader une fois encore les services publics, l’éducation nationale et l’hôpital public ? Prévoyez-vous de réduire les grandes dépenses inutiles – le service national universel (SNU), l’uniforme à l’école, le recours aux cabinets de conseil –, plutôt que de vous en prendre à l’écologie et aux collectivités locales ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Nous devons « rebaser » certains dispositifs d’aide de l’État ; c’est une question de bonne gestion. MaPrimeRénov’ est un bon outil, qui doit néanmoins être repensé, d’une part, pour en améliorer l’impact et l’efficacité en matière de performance énergétique ; d’autre part, pour lutter contre une fraude trop importante et à laquelle nous devons nous attaquer de front. La baisse des moyens ne signifie pas une moindre ambition en matière de rénovation thermique des bâtiments.

Vous avez dit que ce budget était excessif ; je ne partage pas votre opinion. Vouloir ramener le déficit public à 5 % du PIB n’est pas excessif. Compte tenu de la conjoncture et de la croissance, il est urgent d’accélérer la réduction des déficits publics, afin de prévenir de futures crises qui pourraient entraîner des récessions plus violentes.

Pourquoi n’allons-nous pas plus loin en matière de fiscalité ? C’est un vrai débat. Votre approche diffère de celle de M. Amiel. Nous suivons une boussole : nous ne voulons pas casser la politique de l’offre qui a accru l’investissement et a amélioré l’attractivité de notre pays. Depuis cinq ans, la France est le pays le plus attractif d’Europe, notamment grâce à une baisse de la fiscalité. Ne cassons pas ce qui a bien marché ces dernières années, à savoir les mesures qui ont rendu le pays attractif, que ce soit pour les grandes entreprises ou pour les particuliers. Nous proposons des mesures fiscales exceptionnelles, temporaires et ciblées, afin de trouver le bon équilibre entre la nécessaire contribution de certains et la poursuite d’une politique qui a porté ses fruits.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le projet de budget qui nous est soumis a le mérite de concilier la responsabilité et l’ambition dans un contexte où la situation de nos comptes est très préoccupante. Cette responsabilité se traduit par des efforts sans précédent de réduction de la dépense publique pour endiguer la spirale de l’endettement qui, si elle poursuit sa dynamique, risque de paralyser durablement l’action publique. Nous devons apprendre à dépenser moins en dépensant mieux.

Nous saluons également le fait que le Gouvernement propose des prélèvements ciblés qui répondent à un impératif de justice fiscale. Pour le groupe Les Démocrates, certaines particularités de notre système fiscal doivent être corrigées, afin de le rendre plus équitable et plus incitatif à l’investissement et à l’innovation des entreprises. À cet égard, nous accueillons de manière très favorable la taxe sur les rachats d’actions.

Nous regrettons que la plupart des efforts soient conjoncturels, alors qu’ils devraient s’accompagner de davantage de réformes structurelles qui porteraient leurs fruits à long terme. Pourquoi n’avez-vous pas envisagé de pérenniser la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ? Un consensus s’est-il dégagé avec les grandes entreprises s’agissant de leur contribution exceptionnelle ? Joueront-elles le jeu sur le temps long ? Si vous limitez dans le temps la contribution différentielle, il risque d’y avoir un effet d’aubaine qui rendra inefficace le dispositif.

S’agissant de la politique du logement, le PLF ne prévoit pas la généralisation du prêt à taux zéro (PTZ). Quelles mesures complémentaires relatives au logement comptez-vous présenter par voie d’amendement ? Le PLF ne réglera certes pas tout le problème du logement en France, mais un choc fiscal est nécessaire.

M. Antoine Armand, ministre. La taxe sur les rachats d’actions touchera les actions rachetées pour être annulées. Son assiette sera la valeur nominale, additionnée à la prime d’émission, et son taux de 8 %.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Nous devrons avoir un vrai débat sur le logement lors de l’examen de la mission correspondante. Je ne doute pas que nous l’aurons également en examinant la partie recettes. Il est normal que le PTZ ne figure pas dans le texte initial, en raison du calendrier. Il sera traité, comme je l’ai dit, par voie d’amendements.

Nous devons nous garder de réflexes systématiques de traitement du logement par la dépense fiscale. Il faut, en la matière, toujours viser l’efficacité, sans revenir à des outils qui présentaient des défauts que vous connaissez comme moi.

Le débat sur le logement n’en est pas moins indispensable et, en la matière, les gestes posés par le Premier ministre et qui seront consacrés dans ce texte vont dans le bon sens.

Mme Félicie Gérard (HOR). Les chiffres présentés confirment que la situation de nos finances publiques est très dégradée et nécessite plus que jamais un effort massif de redressement. Pour revenir dès 2025 à un déficit inférieur à 5 % et retrouver une trajectoire soutenable, vous nous proposez un effort budgétaire de 60 milliards d’euros.

Pour le groupe Horizons et indépendants, le sérieux budgétaire est essentiel. Il nous permet en effet de maintenir la confiance de nos concitoyens dans nos institutions et, surtout, de garantir la stabilité économique de notre pays. Nous abordons l’examen de ce budget avec responsabilité et avec la conscience de l’extrême difficulté dans laquelle nous nous trouvons. Nous serons, bien évidemment, constructifs. Les postures de principes et de blocage n’ont pas de place dans ce budget, tant la situation budgétaire de notre pays est préoccupante.

Quatre priorités guideront nos amendements à ce texte. La première est le soutien à la France qui travaille. Les efforts nécessaires au redressement des comptes ne doivent en effet peser ni sur les travailleurs ni sur la classe moyenne, et travailler doit payer plus que ne pas travailler. Notre deuxième priorité est l’accès au logement. La troisième est la préservation des finances des administrations publiques locales, et tout particulièrement des collectivités locales bonnes gestionnaires qui travaillent au quotidien à assainir leurs finances. La quatrième priorité est la réduction des dépenses publiques. Nous devons renforcer la lutte contre la fraude sociale et la fraude fiscale, et nous assurer que chaque euro investi l’est de manière efficiente et pour le bien public.

Au-delà de ces priorités, nous restons très attachés aux sujets régaliens. Si la trajectoire de la loi de programmation militaire semble respectée, l’étalement des trajectoires des lois de programmation du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice inquiète nos concitoyens. Comme vous venez de l’annoncer, les montants inscrits dans le PLF seront probablement rehaussés par amendements du Gouvernement. Afin de rassurer les Français sur la pleine mobilisation de ce dernier pour leur sécurité, pourriez-vous nous donner des précisions sur ces hausses ? Permettront-elles de respecter les trajectoires des lois de programmation ou, à tout le moins, de s’en approcher fortement ?

M. Antoine Armand, ministre. La baisse de la dépense publique et l’amélioration de son efficacité sont en effet nécessaires. C’est toute la philosophie du Gouvernement que de favoriser, « la France qui travaille » en anticipant la revalorisation du Smic de 2 %, en ne gelant pas le barème de l’impôt sur le revenu pour ne pas accroître la pression fiscale sur les contribuables qui ont des salaires moyens ou modérés et en poursuivant le travail sur la réforme de l’assurance chômage, aujourd’hui entre les mains des partenaires sociaux.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Nous veillons à ce que les budgets correspondant aux lois de programmation soient systématiquement en hausse dans les ministères concernés et que, à défaut d’un plein respect de la marche du fait de la contrainte budgétaire à laquelle nous sommes soumis, on s’en approche le plus rapidement possible. Dans les amendements que nous proposerons pour réduire de 5 milliards la dépense publique, nous ne toucherons pas aux lois de programmation – la baisse d’effectifs complémentaires, notamment, ne touchera pas les ministères qui y sont soumis.

Les hausses d’effectifs qui figurent déjà dans le texte initial représentent à ce jour 630 ETP – équivalents temps plein – pour les armées et 619 pour la justice. Comme je l’ai dit à propos de la justice, ces chiffres pourront encore augmenter. Nous attachons une réelle attention à cette question, car les lois de programmation sont nécessaires et la sécurité, la justice et la recherche sont aussi des priorités de notre gouvernement.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Nonobstant l’approche bienveillante avec laquelle j’aborde ce projet de loi de finances pour 2025, je voudrais vous interpeller sur un point qui me contrarie particulièrement : le sort que vous semblez réserver aux collectivités territoriales. Malgré les annonces faites ici même le 25 septembre, la réalité est bien là : 5 milliards d’économies sont prévues sur le dos des collectivités – et même 6,5 milliards si on y ajoute la hausse des cotisations à la CNRACL. Cette annonce suscite une vive inquiétude chez l’ensemble des élus locaux et, bien que vous présentiez cette mesure comme une économie, elle est en réalité un prélèvement supplémentaire sur les recettes.

À cela s’ajoute, comme vous l’avez dit, le gel de la revalorisation des recettes annuelles de TVA, le coup de frein de 2,8 milliards sur la dépense des 450 plus grosses collectivités attribués à un fonds d’épargne dont le devenir reste à préciser, ainsi qu’une restriction sur le FCTVA – autant de mesures qui, si rien n’est fait, pèseront sur les capacités financières des collectivités, alors que ces dernières assurent, je le rappelle, 58 % de l’investissement public national pour seulement 1 % de la dette.

Pour en donner un exemple concret, ces mesures pénaliseraient la région Hauts-de-France de 128 millions d’euros, soit 50 % de son épargne brute. Elles sont perçues comme une atteinte à la capacité d’agir des élus locaux, dont la confiance envers l’État est, une fois de plus, mise à rude épreuve.

La répartition des efforts doit être équitable. Les collectivités ont certes un rôle à jouer dans le redressement des comptes publics, mais à hauteur de ce qu’elles pèsent dans la dette publique, c’est-à-dire au maximum 8 %, au lieu des 16 % correspondant au ratio de 6,5 sur 41,3 milliards d’euros.

Le Gouvernement entend-il les parlementaires et les élus locaux qui demandent un équilibre plus juste et plus respectueux de l’effort de redressement des comptes publics ? N’est-il pas temps de redonner une réelle autonomie fiscale aux collectivités territoriales, plutôt que de voir l’État freiner leur mission de premier investisseur public ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Comme moi, la ministre du partenariat avec les territoires et de la décentralisation souscrit au constat qu’il est temps, en effet, de repenser l’autonomie financière et, surtout, l’autonomie fiscale des collectivités, qui n’est pas constitutionnelle. En termes de décentralisation, nous sommes en quelque sorte au milieu du gué, ce qui ne permet pas d’associer responsabilité et levier fiscal et n’est, finalement, guère satisfaisant face à la situation actuelle.

Je crois cependant que nous assumons nos responsabilités quand nous regardons comment les collectivités territoriales peuvent contribuer au redressement des finances publiques. J’ai dit tout à l’heure qu’un grand nombre d’élus locaux considéraient que les collectivités territoriales ont un rôle à jouer dans la séquence qui s’annonce, et je pense que vous en conviendrez. La question est de savoir par quels moyens, mais ils ne sont pas si nombreux, notamment depuis que les leviers fiscaux ont été contraints. Ce que vous appelez des prélèvements ne sont que les moyens de réduire la dépense locale puisque, comme cela a été dit, les budgets de fonctionnement sont équilibrés. Nous ne voulons pas grever excessivement l’investissement local, qui est nécessaire dans les territoires. C’est une préoccupation réelle et nous examinerons cela avec finesse.

Je le répète toutefois : si, à propos du fonds de réserve, de l’écrêtement de la dynamique de TVA et du FCTVA, qui donneront lieu à un débat parlementaire à l’Assemblée comme au Sénat, des contre-propositions se font jour pour parvenir à une contribution équivalente des collectivités territoriales, nous y serons tout à fait ouverts, car les choses doivent se faire avec les collectivités, et certainement pas contre elles.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Ma première question, qui n’est pas polémique, est la suivante : comment peut-on vous faire confiance ? Je ne parle pas du contenu politique du budget, mais de sa présentation car, au fil des révélations fracassantes sur le dérapage navrant des finances publiques depuis 2023, à grands coups d’erreurs de prévision et d’informations tronquées ou dissimulées, il est en effet impossible de vous faire crédit en matière de transparence et de sincérité budgétaires. Je le regrette pour le débat démocratique. Bruno Le Maire a dit que la vérité apparaîtrait plus tard : en attendant la vérité, nous devons être circonspects.

Deuxième question : croyez-vous vraiment que ce projet soit crédible pour réduire le déficit ? M. Moscovici, que nous entendions hier, a qualifié vos hypothèses de fragiles ou non documentées. M. de Courson a évoqué la consommation et même la reprise d’investissement que vous prévoyez, alors que vous coupez dans l’investissement des collectivités locales, qui sont le premier investisseur du pays. Par ailleurs, je ne comprends pas comment vous comptez atteindre une croissance de 1,1 %, chiffre qui était celui du consensus des économistes de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), de la Banque de France et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), mais en septembre, avant les mesures de freinage que vous préconisez.

Troisième question : ce budget correspond-il vraiment aux besoins des Français ? Je crois que nous avons la réponse. Vous invoquez ainsi une augmentation budgétaire pour l’éducation nationale mais, si c’est vrai en valeur, ce ne l’est pas en euros constants. De même, dans le domaine du travail, avec 2,3 milliards d’économies, vous sacrifiez des politiques que vous aviez vous-même engagées. Vous annoncez ainsi 500 emplois en moins à France Travail, alors qu’on prévoit une charge supplémentaire liée notamment à la gestion du RSA. C’est impossible.

Enfin, il n’est pas vrai de dire que ce sont surtout les riches et les entreprises qui seront mis à contribution. Comme l’a excellemment dit le président Coquerel, quand on voit ce que vous faites avec les tarifs de l’électricité, le déremboursement des consultations, les dispositifs médicaux, les arrêts de travail et l’Ondam, on est très loin du compte.

M. Antoine Armand, ministre. Je ne m’étendrai pas à propos de la croissance, car j’ai déjà évoqué nos différences d’appréciation quant aux positions du Haut Conseil des finances publiques, notamment pour ce qui concerne les moteurs qui nous permettent de penser que la croissance sera de 1,1 % en 2025, les contributions exceptionnelles pesant sur les contribuables ou les entreprises qui le peuvent nous semblant avoir un effet récessif limité.

La question de la confiance et très légitime. Je crois comprendre que votre commission aura l’occasion de faire toute la lumière sur les mois et les années précédents. Vous prétendez que les précédents gouvernements ont dissimulé des choses. Ce n’est pas ma conviction et ces allégations me semblent même s’apparenter à de la diffamation. Votre commission et la représentation nationale pourront faire ce travail bien mieux que quiconque.

M. le président Éric Coquerel. Merci, monsieur le ministre, de rappeler la proposition que j’ai faite hier de transformer notre commission en commission d’enquête sur cette question.

M. Gérault Verny (UDR). Avec des dépenses publiques à 56 % du PIB, la France est devenue un État collectiviste, avec pour conséquence que notre pays est le plus fiscalisé de l’OCDE. Le collectivisme ayant toujours brillé par son inefficacité, la France est aussi le pays d’Europe où la dette publique est la plus élevée, supérieure à celle de l’Allemagne, dont le PIB est de 30 % supérieur.

Dans ce PLF, tout a changé sans que rien ne change, avec des ajustements faits de hausses et de prélèvements sur tous les Français, de manière directe ou indirecte. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous ferons ici, dans un an, les mêmes constats, mais avec une dette encore plus importante, et donc moins de marges de manœuvre.

Quels sont les garde-fous prévus pour interdire tout dérapage de ce budget ? Deuxièmement, quid des recettes si l’inflation est inférieure au chiffre de 1,8 % prévu, scénario probable selon le HCFP, comme nous l’a dit hier, ici même, M. Moscovici ? Troisièmement, quelle hausse du chômage des jeunes anticipez‑vous à la suite de l’augmentation des charges sur les bas salaires ? Quatrièmement, quelle augmentation du nombre de faillites des TPE et PME anticipez-vous à la suite de cette même augmentation des charges ?

M. Antoine Armand, ministre. Bien que je ne souscrive pas aux termes que vous employez, il me semble que nous disons à peu près la même chose quant à notre difficulté à maintenir la dépense publique et au fait que nos recettes ne parviennent pas à rattraper l’évolution de cette dernière et tout ce qu’elle recouvre, non seulement en quantité, mais également en termes de spectre couvert.

Le Haut Conseil des finances publiques partage notre avis sur l’évolution spontanée des recettes et considère donc qu’à ce stade, aucune autre estimation ne devrait prévaloir quant à l’élasticité des recettes au produit intérieur brut. Cela n’exclut pas une évolution et, comme je le disais en introduction, je vous propose que nous puissions en reparler d’ici à la fin de l’année en termes rétrospectifs et au fil de l’année pour examiner l’évolution des recettes et nous ajuster autant que nécessaire. C’est la moindre des transparences que nous devons à la représentation nationale.

Quant aux allégements de cotisations sociales au niveau du Smic, je rappelle que l’ambition de cette réforme, prévue pour s’opérer sur deux exercices, est d’inciter davantage les entreprises à augmenter les salaires : compte tenu de la nouvelle structure des allégements de cotisations, la hausse du coût du travail est bien moins importante que vous ne le laissez entendre si les salaires sont régulièrement augmentés au fil du temps. Cela ne nous dispense pas pour autant de vigilance quant aux impacts de cette mesure.

M. le président Éric Coquerel. J’ai noté qu’avant de débuter l’examen de la seconde partie du PLF, nous devrions recevoir de la part du Gouvernement une sorte de tiré à part sur les 5 milliards d’euros d’économies supplémentaires demandées.

Nous en venons aux questions des autres orateurs.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je salue les mesures que prévoit ce PLF en faveur des agriculteurs, portant sur l’épargne de précaution, sur les successions et transmissions et sur la taxe foncière. Il s’agit là d’un engagement qui a été tenu.

Le travail engagé par notre commission sur la taxation des rentes a été interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale. Nous sommes satisfaits que la taxation des rachats d’actions figure dans le PLF. Pourquoi, cependant, cette taxation ne porte-t-elle pas sur la valeur effective de l’action, mais sur sa valeur nominale, et pourquoi la Crim, la contribution sur la rente inframarginale de la production d’électricité, a-t-elle disparu du texte ? Elle est certes remplacée par un effort d’EDF, mais on voit bien que, dans les dernières années, d’autres opérateurs ont réalisé des profits significatifs.

Enfin, c’est un raisonnement bizarre que d’affirmer, comme l’ont fait plusieurs orateurs, qu’on demandait un effort supplémentaire de 1,5 milliard sur le fonds Vert, car ce dernier n’existait pas voilà quatre ans. Il a été voté par l’ancienne majorité – même si bon nombre de députés ici présents ne l’ont pas fait –, et nous nous en félicitons, mais nous ne pouvons malheureusement pas en maintenir le niveau de financement à 2,5 milliards. J’espère que nous pourrons demain le relever, mais ce n’est toutefois pas un dû et la réduction de son montant n’est pas un effort demandé aux collectivités territoriales : il ne s’agit que de bonne gestion et d’effort partagé.

M. Antoine Armand, ministre. La taxe sur les rachats d’actions prend en compte la valeur nominale et les primes d’émission, notamment pour respecter le droit de l’Union européenne, et en particulier les directives mère-fille. C’est du reste parce que l’assiette est plus réduite que dans la configuration que vous évoquez que le taux a été fixé à 8 %.

Pour ce qui est de la Crim, nous avons préféré demander une contribution exceptionnelle à notre énergéticien plutôt que d’instaurer un nouvel impôt de production qui ressemblait, en fait, à une taxe sur les capacités déjà installées, à savoir les centrales nucléaires car, ces dernières étant essentiellement décarbonées, une telle mesure était évidemment désincitative.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le débat est complexe. Vous avez émis des contre-propositions tout à fait légitimes à la suite de la hausse de la fiscalité. Or la fiscalité sur la puissance installée est ce qui tue le plus l’attractivité. Nous aurons ce débat en séance, mais ce sont là des exemples très concrets et nous convenons tous qu’il faut définir avec beaucoup de finesse la fiscalité que nous allons instaurer, afin de ne pas casser l’attractivité et la politique de l’offre.

M. Eddy Casterman (RN). Alors que le Gouvernement avait promis un projet de loi de finances de préservation du pouvoir d’achat et d’économies, les Français auront tout le contraire, notamment du fait de l’écologie punitive. Hausse de la fiscalité, taxes environnementales en tous genres, taxe sur l’électricité, malus automobile, taxe sur les billets d’avion ou TVA sur les chaudières à gaz sont autant de charges financières qui reposeront encore et toujours sur les classes moyennes et les plus modestes, qui n’ont d’autre choix que de payer pour se chauffer, se déplacer ou aller travailler, particulièrement dans la ruralité, comme c’est le cas dans ma circonscription.

Dans le même temps, le budget prévoit d’augmenter les crédits en faveur du développement des énergies renouvelables, cédant à une écologie déconnectée du réel, en continuant par exemple à financer toujours plus l’éolien, énergie intermittente qui défigure nos paysages, mais semble faire l’impasse sur l’investissement dans les énergies du réel et du bon sens, comme le nucléaire ou les biocarburants, qui offrent aux Français des énergies propres, continues, fiables, souveraines et peu chères.

Face à ces choix qui pèsent sur le pouvoir d’achat des Français, pourquoi ne pas saisir l’occasion de faire de ce budget le choix du bon sens et du pragmatisme dans les investissements de production d’énergie, afin de garantir l’innovation et la souveraineté, et d’épargner le pouvoir d’achat des Français ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce budget est une proposition d’équilibre. Il ne s’agit ni d’écologie punitive, comme vous le dites, ni d’abandon écologique, comme je l’ai entendu tout à l’heure, mais de la poursuite de l’investissement dans une transition écologique qui est absolument nécessaire.

Nous maintenons notre ambition dans le domaine du nucléaire, mais nous croyons aussi qu’il faut, dans le mix énergétique, continuer à investir massivement dans les énergies renouvelables. C’est là, de fait, une divergence entre nous et vous avez raison de souligner que nous l’assumons et la revendiquons dans ce budget, qui prévoit une hausse substantielle des moyens consacrés à la transition énergétique, notamment parce que les prix baissent.

Je ne laisserai donc pas dire qu’il s’agit d’un budget d’écologie punitive. C’est un budget d’investissement dans la transition écologique, et certainement pas de renoncement face à notre dette écologique, qui est, selon moi, au moins aussi importante que la dette financière. Nous devons aborder de front ces deux dettes.

M. Christian Baptiste (SOC). Vous proposez une coupe budgétaire de 250 millions d’euros au détriment de nos pays des océans, déjà étouffés par la vie chère et la précarité, notamment à la Martinique, qui est à feu et à sang. Est-ce là votre conception de l’égalité républicaine ?

Alourdir, comme vous prévoyez de le faire, la taxe sur les billets avions est une mesure non seulement injuste, mais aussi déconnectée de la réalité quotidienne de nos territoires. La continuité territoriale n’est pas un luxe, mais un droit fondamental. Aggraver la situation de nos compatriotes ultramarins, c’est nier ce droit fondamental à la mobilité.

Ces choix entérinés dans le budget pour 2025 sacrifient des millions de nos concitoyens ultramarins au profit d’une logique comptable et déshumanisée. Cette coupe budgétaire et le durcissement de la taxe de solidarité sur les billets d’avion sont inacceptables, et je m’y opposerai. Comment pouvez-vous justifier cette décision qui accentue la souffrance de nos territoires tout en prétendant défendre l’égalité républicaine ?

M. Antoine Armand, ministre. Vous avez raison de poser, à propos de la taxation des billets d’avion, la question ultramarine. Le barème n’est pas figé et la question que vous soulevez fait précisément l’objet de discussions. Je ne peux vous dire qu’il n’y aura pas, dans cette nouvelle taxation et ce nouveau barème, une contribution de chacun, même minime, mais cela ne signifie pas que nous ne prenons pas en compte vos propos et que nous n’allégerons pas l’effort pour les personnes directement concernées.

Je saisis cette occasion pour témoigner de la solidarité du Gouvernement face à la situation économique de l’ensemble des départements et régions d’outre‑mer et pour vous dire que j’aurai dans les prochains jours une attention toute particulière à cette situation en dressant avec les acteurs locaux un état des lieux avant de pouvoir proposer des mesures.

Mme Véronique Louwagie (DR). Les baisses d’impôts ne peuvent être durables que si elles s’accompagnent d’une baisse des dépenses publiques. Je me réjouis que vous soyez revenus sur certaines dispositions relatives aux agriculteurs, aux ZRR – les zones de revitalisation rurale –, au PTZ et à La Poste, et que des mesures aient été prises en ce sens.

Quand aurons-nous les PAP, les projets annuels de performances ? En termes de méthode, vous nous demandez de construire avec vous le budget et j’ai bien entendu que nous serait communiqué une sorte de tiré à part pour les 5 milliards d’économies, mais cela pourrait-il être aussi le cas pour le montant de 1,5 milliard concernant les opérateurs, qui ne figure pas dans le PLF ? Pourrions-nous également disposer d’une ventilation par mission des gels et des annulations de crédits qui porteront vraisemblablement sur 2024 ? En effet, avec des chiffres de 16,5 et de 8,5 milliards, il est difficile de construire le budget pour 2025 sans disposer d’une déclinaison par mission.

Quant aux amendements, que vous avez annoncés pour le débat en séance, mieux vaudrait que vous puissiez les déposer dès le stade de la commission, car il nous est difficile de travailler ici sans connaître ces éléments.

Je suis tout à fait favorable à une diminution de la dépense publique, qui n’est, selon nous, pas encore suffisante, avec une augmentation de 35,5 milliards des dépenses. Enfin, quel est, par mission, le nombre de départs à la retraite prévus pour les cinq années qui suivent ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Sur cette dernière question, qui demande quelques recherches, je vous ferai une réponse documentée.

Les amendements relatifs aux opérateurs et aux ministères qui seraient déposés en commission devraient l’être par un député ; il me semble donc plus cohérent qu’ils soient déposés en séance par le gouvernement, sachant qu’il s’agit d’une initiative gouvernementale. En revanche, il est juste que la commission ait de la visibilité quant à ce qui sera présenté en séance.

Pour ce qui est des annulations de crédits, nous sommes en train de procéder aux arbitrages. Un projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) sera déposé autour du 6 novembre et nous souhaitons pouvoir vous éclairer davantage dans la deuxième quinzaine d’octobre sur notre volonté d’annulations de crédits – annulations qui, je le dis d’emblée, ne refléteront pas seulement la volonté politique de ce gouvernement car certains crédits surgelés ne pourront matériellement pas être annulés. Le processus ne sera donc que partiel, mais nous ferons le maximum.

Quant aux PAP, ils vous seront transmis aujourd’hui, comme l’exige le calendrier.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Ce budget est une déclaration de guerre sociale. Vous avez vidé les caisses de l’État pour remplir les poches des ultrariches et vous avez désormais décidé de saigner en priorité celles et ceux qui n’ont rien. Les retraités devront faire à Noël un chèque-cadeau aux grandes fortunes de ce pays, puisque vous décidez du gel de leur pension pendant six mois, alors même que deux millions d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté. Vous augmentez les taxes sur l’électricité, alors que douze millions de Français vont encore souffrir du froid cet hiver. En revanche pendant ce temps, les ultra-riches dormiront bien au chaud, puisque rien n’est fait pour mettre à contribution les patrimoines, alors que 500 familles possèdent 1 228 milliards d’euros, soit trois fois le budget de l’État.

Pourquoi ne pas toucher à l’héritage des ultra-riches ? Pourquoi ne pas rétablir l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune ? Pourquoi ne pas instaurer un impôt Zucman sur les patrimoines ? Pourquoi faire crever de faim et de froid des millions de Français et protéger une infime minorité ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Veillons, monsieur le député, à nous en tenir aux termes d’un débat factuel ! J’ai dit que tous ceux qui relèvent du tarif réglementé de l’électricité verraient leur facture d’électricité baisser. Il ne faut pas dire l’inverse : c’est un engagement du Gouvernement, que nous tiendrons au 1er février.

Vous avez raison d’être attentif à la situation des petites retraites. J’ai dit que le minimum vieillesse serait un minimum social revalorisé dès le 1er janvier. Nous devrons avoir ce débat en séance et je serai tout à fait ouvert à l’idée de voir à quel niveau le décalage de six mois de l’indexation des pensions peut avoir un impact sur des pensionnés touchant des petites retraites.

Le Premier ministre a dit très clairement qu’il s’agissait d’un budget de redressement et d’efforts, ce que nous assumons, mais que ce budget devait également protéger les plus fragiles de nos concitoyens. Qu’il s’agisse de la baisse des factures d’électricité ou de la situation des petites retraites, nous y serons très vigilants.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Vous dites que ce budget vise à protéger les plus fragiles, et le rôle d’un budget est de répondre au moins aux besoins vitaux. Avoir un toit, par exemple, est un besoin vital, car on meurt de vivre dans la rue, or les associations nous alertent quant au fait que 2 000 enfants vivent dans la rue. Votre réponse est une baisse de 55 millions – si on tient compte de l’inflation – du budget alloué à l’hébergement d’urgence, alors qu’il faudrait au moins créer 10 000 places de plus et disposer d’au moins 160 millions d’euros supplémentaires. Qu’avez-vous à dire cela ?

Pour ce qui est du logement social, comment pensez-vous que les bailleurs sociaux pourront à nouveau investir alors que vous maintenez la réduction du loyer de solidarité ?

Quant à la rénovation énergétique et aux mesures antivétusté, notamment dans le logement social, pourquoi êtes-vous passés d’une promesse de hausse de 1,2 milliard sur trois ans en 2023 à 350 millions seulement sur deux ans ?

Dans le domaine de l’aide à la pierre, pourquoi n’y a-t-il toujours pas de virage alors qu’il faudrait construire au moins 200 000 logements sociaux, en donnant priorité aux logements très sociaux ? Quels sont les moyens alloués au fonds national d’aide à la pierre ? Le logement et l’hébergement sont des questions très urgentes.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Vous avez raison de souligner l’importance d’un débat sur la question du logement, que j’ai d’ailleurs soulignée moi-même en répondant à M. Mattei.

J’ai précisé dans mon propos liminaire que le rendement de la réduction du loyer de solidarité serait maintenu en 2025 à son niveau de 2024, ce qui, par rapport aux lettres-plafonds initiales, représente une évolution dans votre sens. Il faut prendre en compte la réalité des bailleurs sociaux, que vous rappelez à juste titre. Le débat sur le logement devra aller plus loin et prendre en considération toutes les variables dans ce secteur et dans les secteurs d’activité concernés.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Messieurs les ministres, votre stratégie budgétaire pose question. Vous prévoyez en 2024 un déficit de 6,1 %, alors que vous aviez la possibilité de recourir à un projet de loi de finances rectificative pour 2024 afin de corriger dès maintenant la tendance sur les quatre mois de gestion de l’année actuelle qui relèvent de votre responsabilité. C’était, je le rappelle, ce que recommandait fortement l’ancien ministre des finances, Bruno Le Maire, que nous avons entendu dans cette commission. Ne pas faire de loi de finances rectificative pour 2024 revient à renoncer à des recettes supplémentaires pour 2024 – au moins 3 milliards selon les estimations qu’en donnait Bercy à l’époque, voire
davantage –, qui seraient autant d’efforts évités en 2025. Pouvez-vous expliciter ce raisonnement budgétaire ?

M. Éric Coquerel (LFI-NFP). Je vous invite à répondre aussi à la question qui vous a été posée tout à l’heure sur les gels budgétaires prévus.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Pour ce qui concerne les gels, j’ai dit que je ne pouvais pas répondre aujourd’hui parce que la question était encore soumise à arbitrage. J’ai seulement dit que l’ensemble des crédits qui avaient été surgelés ne pourraient pas être annulés et que l’annulation serait nécessairement partielle en raison de la réalité des besoins de financement en fin de gestion. Nous freinerons au maximum l’année 2024 et je ne veux pas laisser s’installer un débat, qui ne me semble pas très sain, sur la question de savoir si nous n’empêcherions pas le freinage maximum sur les crédits de 2024 pour permettre des reports sur 2025. Ce n’est pas du tout notre état d’esprit, qui consiste au contraire à annuler un maximum de crédits en 2024 pour commencer déjà à ralentir le déficit cette année.

Par ailleurs, au terme des débats qui se sont tenus à ce propos au printemps dernier, l’arbitrage de l’ancienne majorité et de l’ancien gouvernement avait consisté à ne pas faire de loi de finances rectificative. S’il avait fallu un collectif budgétaire, c’est précisément au printemps ou à l’été qu’il aurait fallu le faire. Ouvrir en toute fin d’année un deuxième débat fiscal, quasi rétroactif, pour la seule année 2024 ne serait pas de bonne gestion, et c’est précisément pour éviter de telles situations que nous avons créé, dans la Lolf, la catégorie nouvelle des PLFG. Le débat fiscal doit porter sur le projet de loi de finances pour 2025 et il me semble beaucoup plus raisonnable et plus cohérent de finir l’année avec un PLFG pour 2024.

M. Anthony Boulogne (RN). Au vu de l’état calamiteux des finances publiques – dont la responsabilité incombe essentiellement aux gouvernements macronistes successifs –, l’heure est aux économies budgétaires. Encore faut-il qu’elles soient justement réparties. Il serait inacceptable que les 5 milliards d’euros d’économies prévues sur les collectivités locales concernent les communes et les départements : ce coup de rabot porterait un préjudice à leurs capacités d’investissement, déjà lourdement affaiblies ces dernières années. Plutôt que de réaliser des économies injustes, le Gouvernement devrait s’intéresser au rapport de Boris Ravignon, qui établit à 7,5 milliards le coût des normes et de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités – autrement dit, du millefeuille administratif.

Le Rassemblement national a déjà proposé des solutions qui permettraient de réaliser des économies substantielles, comme la suppression des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des régions, ou la lutte contre la bureaucratie. Allez-vous enfin reprendre nos propositions de bon sens ou préférez‑vous continuer à faire les poches des élus locaux ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce ne sont que les 450 plus grosses collectivités territoriales qui, je le répète, contribueront au fonds de réserve : les plus fragiles ne seront pas concernées, notamment la vingtaine de départements qui sont les plus affectés par l’effet ciseaux entre la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et l’augmentation des dépenses sociales. Les critères du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) nous permettront d’établir un périmètre objectif. De fait, aucune commune ne contribuera au fonds de réserve.

M. Jacques Oberti (SOC). Le dossier accompagnant le PLF évoque une « juste participation des collectivités à l’effort collectif ». Il précise que leur effort sera proportionné à leur poids dans la dépense publique et tiendra compte de leur situation financière, ce qui exclut les plus petites ou les plus fragiles. Les critères retenus dans le PLF reposent, pour la plupart, sur les indicateurs de richesse des administrations publiques locales (Apul), lesquels sont devenus obsolètes depuis la suppression de la taxe d’habitation. Il n’est pas tenu compte des marges de manœuvre financières réelles des collectivités, comme l’épargne nette ou la capacité de désendettement, pour juger de leur fragilité et déterminer lesquelles seront soumises à la ponction de 2 % – sans parler du coup de frein que cette mesure provoquera sur l’investissement et sur le maintien de services publics de proximité.

Quels critères comptez-vous utiliser pour travailler de façon plus juste ? Aurez-vous le courage de prendre à bras-le-corps la question de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et d’habitation ? Dans un contexte hyperinflationniste et après la crise du covid, de nombreuses communes ont dû augmenter leur taux d’imposition pour garder à niveau leurs services, assainir leur budget ou investir. Alors qu’elles ont assumé devant les citoyens cette hausse de la fiscalité, leur responsabilité est mise à mal par la subsistance du coefficient correcteur (le « coco ») appliqué à la taxe foncière, lequel aboutit globalement à une solidarité inversée entre les territoires ! Que comptez-vous faire pour le supprimer ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Ce n’est pas prévu dans le PLF mais nul doute que nous aurons un débat à ce sujet, comme chaque année, et que le rapporteur général nous reparlera du dégel nécessaire du « coco » !

M. Éric Woerth (EPR). L’État a fait un effort considérable pour protéger les Français, l’économie et les entreprises lors des crises successives que nous avons vécues. Il est naturel que cet effort s’inverse aujourd’hui, et je salue les propositions fortes qui nous sont faites. Je partage aussi l’idée selon laquelle des réformes profondes doivent accompagner cet effort, sans quoi celui-ci ne serait qu’un coup d’épée dans l’eau. Les membres du Gouvernement devront s’attacher à l’expliquer, chacun dans son domaine. Nous avons besoin d’en savoir plus à cet égard s’agissant des collectivités locales, du modèle social et de nombreux autres sujets.

Mais je voudrais insister sur l’importance de ne pas se contredire, s’agissant des cotisations sociales des entreprises. Plutôt que d’allégements de charges, je pense qu’il faut parler de barèmes. On ne fait pas de cadeaux aux entreprises, on réduit le coût du travail. Or il faut faire preuve de prudence en la matière – d’ailleurs, le rapport d’Antoine Bozio et Étienne Wasmer ne recommande pas de toucher à ce coût. Maintiendrez-vous les mesures que vous avez prévues dans ce domaine ?

Par ailleurs, pourriez-vous chiffrer les dépenses supplémentaires liées aux annonces faites par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, au sujet du prêt à taux zéro (PTZ) et des retraites notamment ?

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Le coût de ces mesures peut grandement varier selon leur paramétrage, qui sera abordé lors du débat parlementaire. Il peut par exemple varier entre 180 millions et 1 milliard pour le PTZ.

Sur le coût du travail, je souscris à vos propos. D’abord, la lettre de mission transmise aux économistes Bozio et Wasmer précisait que leur proposition de réforme devait se faire à coût constant. Or il n’est pas impossible de penser en dehors de ce cadre : c’est ce que nous proposons. Vous avez parfaitement raison, ensuite, d’utiliser le terme de prudence. C’est un sujet dont nous débattrons mais je crois possible, quant à moi, de freiner partiellement, à hauteur de 4 milliards d’euros, la baisse du coût du travail à laquelle 80 milliards au total auront été consacrés au cours des quatre dernières années – le tout sans grever la politique d’emploi et tout en contribuant à la désmicardisation. Il ne faut pas refuser par principe un pilotage un peu différent des allégements, sans à-coups brutaux, pour participer à l’effort de redressement des finances publiques. Je suis convaincu que les chefs d’entreprise comprennent cette nécessité, à condition qu’elle soit bien expliquée.

Enfin, j’abonde totalement en votre sens s’agissant des réformes de structure : il nous faut un agenda de réformes en parallèle du présent budget. À défaut, les mesures fiscales annoncées ne pourront pas être temporaires ; il faut être très clair à ce sujet.

M. le président Éric Coquerel. N’est-ce pas le coût du capital qui est trop élevé ? Cette question sera au cœur de nos débats.

M. Matthias Renault (RN). Le barème de l’impôt sur le revenu est indexé sur une inflation à 2,1 %. Allez-vous l’indexer sur l’indice des prix à la consommation (IPC) révisé par l’Insee à 1,8 % ?

Par ailleurs, pourquoi la taxe que vous envisagez sur les rachats d’actions s’appliquera-t-elle sur leur valeur nominale et non sur leur valeur de rachat, comme aux États-Unis ?

L’article 4 du PLF s’intitule « Mise en place d’un partage avec les consommateurs des revenus du nucléaire historique ». Si son titre est alléchant, cet article prévoit en réalité une taxe sur EDF, dont les seuils fiscaux seront fixés par voie réglementaire et qui entrera en vigueur au 1er janvier 2026. Pourquoi l’avoir intégré au budget pour 2025 ?

M. Antoine Armand, ministre. J’ai déjà répondu, à propos des rachats d’actions, qu’il s’agit simplement de respecter le droit de l’Union européenne, en l’occurrence la directive « mère-fille ».

S’agissant de l’Arenh, il est important d’agir vite pour pouvoir préparer en amont le nouveau cadre contractuel qui devra entrer en vigueur au 1er janvier 2026. Les entreprises sont demandeuses de visibilité sur les futurs prix de l’énergie. Formellement, le prélèvement ne fait que matérialiser le plafonnement des prix de l’électricité à partir de certains montants, en vue d’une redistribution à l’ensemble des contractants. Cette mesure ne réglera pas tous les problèmes, mais elle permettra de répondre en partie à la crise énergétique et à l’explosion des prix de l’énergie.

M. Laurent Saint-Martin, ministre. Quant au barème de l’impôt sur le revenu, il restera indexé sur une inflation à 2,1 %.

M. Charles Rodwell (EPR). Je partage évidemment votre souci de rétablir les comptes publics avec des mesures courageuses, mais j’aimerais savoir comment vous avez évalué leur éventuel impact récessif sur la croissance et l’attractivité de notre pays – je vous renvoie à ce sujet aux déclarations de Patrick Martin sur l’effet d’une hausse des cotisations sur l’emploi. Selon vous, quel impact ces mesures auraient-elles sur l’économie de notre pays en 2025, si le PLF était voté en l’état ?

M. Antoine Armand, ministre. Nous partageons votre interrogation et nous nous efforçons de réduire autant que possible l’effet de ces mesures sur l’attractivité, la croissance et l’emploi ; c’est notre combat commun. Nous considérons que ces effets seront réduits dès lors que seuls les ménages aux revenus les plus élevés et les très grandes entreprises bénéficiaires, réalisant plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, seront concernés. Nous avons par ailleurs une divergence d’appréciation macroéconomique avec le HCFP : selon nous, le reflux de l’épargne, la baisse des taux des banques centrales et la baisse prévue de l’inflation stimuleront davantage l’investissement, l’emploi, le pouvoir d’achat et la consommation que ce qu’il envisage dans certaines de ses hypothèses. Cela nous permet d’estimer que notre prévision de croissance de 1,1 % intègre bien les effets potentiels des mesures contenues dans le PLF. Je le dis cependant avec beaucoup d’humilité : nous devons encore travailler à l’amélioration du texte avec les représentants des entreprises et avec vous. Il faudra que nous sachions accepter les propositions d’économies que vous ferez, afin de réduire la hausse des prélèvements, notamment sur les entreprises. Ce sont l’emploi et l’attractivité du pays qui sont en jeu.

M. le président Éric Coquerel. Messieurs les ministres, nous vous remercions.

La commission débat des conditions de discussion du projet de loi de finances pour 2025.

M. le président Éric Coquerel. Je souhaite vous faire part d’un certain nombre de points qui ont été arrêtés en réunion du bureau de la commission mercredi matin.

Le bureau de la commission, soucieux que le projet de loi de finances puisse être discuté dans de bonnes conditions tant en commission qu’en séance publique, a souhaité porter à la connaissance de l’ensemble des groupes des cibles en termes de nombre d’amendements. Le respect de ces cibles permettrait d’envisager que, dans le temps imparti, l’ensemble des amendements puissent être examinés. Un message en ce sens a été envoyé aux responsables des groupes. Il s’agit bien évidemment de cibles purement indicatives, et nul n’entend remettre en cause le droit individuel de chaque député à proposer autant d’amendements qu’il le souhaite. Mais c’est un appel à la responsabilité individuelle et collective.

Le bureau de la commission a par ailleurs arrêté les modalités de discussion de la seconde partie du projet de loi de finances en commission. Pour chaque mission budgétaire, après un propos liminaire du ou des rapporteurs spéciaux, pour un temps limité à 5 minutes pour chaque rapport spécial, puis le cas échéant, des interventions des rapporteurs pour avis, pour 2 minutes, il sera immédiatement procédé à un examen des amendements de crédits. C’est à la suite de cet examen que pourront être accueillies des explications de vote des groupes pour 2 minutes par groupe et un vote sur les crédits. Les ministres sont, en principe, auditionnés par les commissions saisies pour avis, et la commission des finances n’a pas vocation à auditionner systématiquement les ministres lors de cette séquence, qui va être particulièrement condensée cette année. Toutefois, le bureau a décidé que seraient recueillis les souhaits des groupes quant à des auditions de ministres qui sembleraient particulièrement nécessaires. Le cas échéant, les ministres concernés seraient auditionnés en un temps limité, de l’ordre d’une heure, juste avant de procéder à l’examen des crédits budgétaires correspondants.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je souhaite protester contre l’injonction à contingenter le nombre d’amendements déposés par les membres du groupe EPR lors du prochain examen du projet de loi de finances, qui nous a été signifiée par courrier électronique il y a deux jours. Le droit d’amendement est un droit fondamental auquel il ne saurait être porté atteinte. Cela ne serait pas de bonne politique. J’ajoute que notre groupe a toujours fait preuve de responsabilité en la matière, ce qui n’a pas toujours été le cas d’autres groupes. Je rappelle que les groupes de la Nupes avaient déposé l’an dernier en commission plus de 1 000 amendements.

M. le président Éric Coquerel. Je note tout d’abord, M. Cazeneuve, que votre intervention prend une forme plus correcte que le tweet de M. Mathieu Lefèvre qui m’accusait hier soir de vouloir limiter le droit d’amendement des parlementaires, ce qui est totalement faux. Le message que j’ai fait parvenir mercredi via le secrétariat de la commission des finances indiquait des cibles purement indicatives ; l’interprétation de M. Lefèvre est à tout le moins abusive. Je n’ai nullement entendu remettre en cause un droit constitutionnel.

Je vous lis le texte du message qui a été envoyé mercredi : « Le bureau de la commission qui s’est tenu ce mercredi 9 octobre 2024 a souhaité que soient portées à la connaissance de chacun des groupes des cibles d’amendements par groupe, purement indicatives, qui permettraient, si elles étaient respectées, que le nombre total d’amendements déposés sur chacune des parties du projet de loi de finances pour 2025 demeure dans des proportions permettant d’envisager qu’ils puissent tous être discutés dans le temps qui est imparti pour examiner ce projet en commission puis en séance publique. »

Surtout, il s’agit non d’une décision personnelle mais d’une initiative approuvée par le bureau de la commission, à la portée indicative et qui ne fait que prolonger la démarche initiée par la présidente de l’Assemblée nationale lors de la précédente législature. Partant du constat selon lequel l’examen de plus de 5 000 amendements en séance publique, que ce soit lors de l’examen de la première ou de la seconde partie du PLF, n’est matériellement pas possible, une réflexion avait été engagée et j’avais d’ailleurs proposé à cette occasion d’établir un temps programmé pour l’examen de chaque mission budgétaire. Dans la mesure où nous ne disposons pas du temps nécessaire pour modifier le règlement de l’Assemblée, la seule solution pour tenir dans les délais consiste à ce que le nombre d’amendements déposés demeure dans des proportions raisonnables.

Bien entendu cette démarche n’a de sens que si nous souhaitons tous pouvoir achever l’examen des amendements dans les délais et ainsi voter sur le texte. J’ajoute que cette démarche d’autolimitation va principalement impacter les groupes d’opposition, qui sont naturellement portés à amender davantage le projet du gouvernement. Je trouve donc votre réaction particulièrement étonnante. En tout état de cause et quel que soit le nombre d’amendements déposés, nous irons au terme de la discussion en commission car je souhaite absolument que la commission puisse se prononcer par un vote sur le texte.

Mais je ne conteste pas la liberté du groupe EPR de ne pas se sentir lié par ces cibles.

Mme Véronique Louwagie (DR). Le droit d’amendement est libre pour chacun des députés, ce principe n’est pas contesté. Pour ma part, j’ai relayé la position du bureau au sein de mon groupe sans recevoir un accueil favorable. J’ai la conviction que nous saurons nous adapter en fonction de la situation comme nous l’avons fait l’an dernier en procédant au retrait de nombreux amendements en cours de discussion. Il convient de faire le nécessaire pour éviter que le gouvernement puisse avoir recours à une ordonnance.

M. le président Éric Coquerel. Je vous rappelle que, l’an dernier, si nous sommes parvenus à nous adapter en commission, par le retrait d’amendements, en revanche, en séance, nous ne savons pas si nous y serions parvenus, car c’est le recours à l’article 49.3 qui a écourté les discussions.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Je me permets de faire remarquer à notre collègue Véronique Louwagie que l’on peut espérer que les membres de son groupe seront moins enclins à amender dès lors qu’ils sont dans la majorité.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). On pourrait résumer la situation en disant que trop d’amendements tue l’amendement ! Il s’agit aussi d’une forme de respect vis‑à‑vis des collègues pour ne pas monopoliser le temps de parole, comme le fait régulièrement le groupe de la France insoumise. Il convient de revenir à une forme de raison en ce qui concerne le dépôt d’amendements, et cela pour tous les textes et pas uniquement les textes financiers.

Mme Eva Sas (EcoS). Je me réjouis de cet effort de rationalisation qui est nécessaire ; pour autant je dois avouer que le message n’est pas parfaitement reçu au sein de mon groupe. Nous essaierons néanmoins de faire un effort car, à défaut, nous serons tous pénalisés. J’ajoute que le retrait massif des amendements ne m’apparaît pas être une solution satisfaisante au regard du travail préparatoire conduit pour élaborer chaque amendement.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutenons totalement cette mesure d’autolimitation car nous avons conscience des effets du recours à l’article 49.3 sur les pouvoirs du Parlement. Cette mesure est également souhaitable pour être davantage audible aussi bien par les citoyens que par les entreprises.

M. Éric Woerth (EPR). Je relève que nous sommes dans une situation très inhabituelle, sinon paradoxale, où c’est l’opposition qui fait appel à la modération !

M. François Jolivet (HOR). Pour notre part nous avons toujours été raisonnables en matière d’amendements ; il est nécessaire d’avoir un peu de rigueur sur ce sujet.

M. le président Éric Coquerel. Je rappelle qu’il ne s’agit en aucun cas de limiter les droits de chaque parlementaire. Il faut se souvenir que le fait d’arriver jusqu’au vote l’an dernier n’a été possible qu’en sacrifiant l’examen d’un grand nombre d’amendements et que le risque existe à la fois d’une transmission du texte au Sénat si nos débats de première lecture ne sont pas achevés le 21 novembre et de permettre au Gouvernement de mettre en vigueur le projet de loi de finances par ordonnance si l’ensemble des débats ne sont pas terminés le 21 décembre. Il convient absolument d’éviter de telles situations ; or, avec 5 000 amendements, nous n’y parviendrons pas.

 


([1]) Pour l’année 2023, selon l’Insee, l’inflation moyenne (IPC) s’est établie à 4,9 %.

([2]) Département analyse et prévision de l’OFCE, Éric Heyer (dir.) et Xavier Timbeau (dir.), La croissance à l’épreuve du redressement budgétaire. Perspectives 2024-2025 pour l’économie française, 16 octobre 2024 :https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/pbrief/2024/OFCEpbrief137.pdf

([3]) Le périmètre retenu est celui de l’ensemble des administrations publiques au sens des comptes nationaux, qui sert à calculer la dette publique au sens du traité du Maastricht. Le montant estimé pour 2025 de 1 694 milliards d’euros de dépenses publiques, hors crédit d’impôt, intègre les 5 milliards d’économies attendues par voie d’amendements lors de l’examen du PLF.

([4]) Dossier de presse du PLF pour 2025.

([5]) 1° du IV de l’article 61 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

([6]) Haut Conseil des finances publiques, avis n° 2024-3 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2025, octobre 2024.

([7]) Hors mission Remboursements et dégrèvements.

([8]) La réserve de précaution est un dispositif prévu par le 4° bis de l’article 51 et le III de l’article 14 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Elle consiste à rendre indisponibles des crédits pour le responsable de programme. On parle de « gels » de crédits, voire de « surgels » lors de mises en réserve intervenues en cours de gestion après la mise en réserve initiale.

([9]) Audition du 11 octobre 2024 de M. Antoine Armand, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et de M. Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics sur le projet de loi de finances pour 2025.

([10]) Les changements méthodologiques associés au passage en base 2020 des comptes nationaux après la promulgation de la LPFP ont affecté le niveau des dépenses publiques et ne permettent pas de comparer les niveaux de dépenses en valeur inscrits dans la LPFP et dans le PLF pour les années 2024 et 2025. Ce changement, qui succède à la base 2014, est opéré par l’INSEE et signifie que les données en euros courants (valeur) seront identiques aux données en euros constants pour l’année 2020.

([11]) Audition du 10 octobre 2024 à 18h de M. Pierre Moscovici, président du HCFP, sur l’avis du Haut Conseil relatif au PLF pour 2025 et au PLFSS pour 2025 et sur l’avis du Haut Conseil relatif au plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2028.

([12]) OFCE, La croissance à l’épreuve du redressement budgétaire, octobre 2024.

([13]) Soit une hausse des cotisations sociales de l’ordre de 5,1 milliards d’euros, dont il convient de retrancher un milliard d’euros au titre de moindres recettes d’impôt sur les sociétés.

([14]) C’est-à-dire les secteurs de la défense, de la sécurité intérieure, de la justice et de la recherche et de l’enseignement supérieur.

([15]) La nouvelle norme de dépenses de l’État se substitue aux deux normes définies dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 qui a distingué la norme de dépenses et l’objectif de dépenses totales de l’État.

([16]) Ne sont pas pris en compte, dans les crédits du budget général, les contributions de chaque mission au CAS Pensions.

([17]) Respectivement : le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), le fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (FNP DMTO) et le fonds de solidarité régional (FSR).

([18]) Objectif national de dépenses d’assurance-maladie.

([19]) Article 2 de l’annexe 1 de la convention nationale organisant les relations entre les médecins libéraux et l’assurance maladie du 4 juin 2024.

([20]) Annexe V au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

([21]) Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale – résultats 2023, prévisions 2024 et 2025, octobre 2024.

([22]) Avis du comité d’alerte n° 2024-1 et n° 2024-2 sur le respect de l’ONDAM, 15 avril et 26 juillet 2024.

([23]) Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, mai 2024.

([24]) La clause dérogatoire générale a été introduite aux articles 5 (paragraphe 1), 6 (paragraphe 3), 9 (paragraphe 1) et 10 (paragraphe 3) du règlement (CE) nº 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques et aux articles 3 (paragraphe 5) et 5 (paragraphe 2) du règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

([25]) Communication de la Commission  au Conseil – Orientations en matière de politique budgétaire pour 2024.

([26]) Décision (UE) 2024/2122 du Conseil du 26 juillet 2024 sur l’existence d’un déficit excessif en France. Six autres États se trouvent dans le même cas : la Belgique, l’Italie, la Hongrie, Malte, la Pologne et la Slovaquie.

([27]) La révision organique du 14 mars 2022 a mis un terme à la convention suivant laquelle le solde de la sécurité sociale s’entendait comme l’addition de celui des branches du seul régime général et du fonds de solidarité pour la vieillesse. Les chiffres les plus usuels ne représentaient donc qu’environ 80 % des ressources et des charges de la LFSS. Afin d’avoir une vision consolidée des recettes et dépenses sociales, le choix a été fait que l’ensemble constitué des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et du FSV soit la nouvelle référence.

([28]) Données Eurostat.

([29]) Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) définis par la comptabilité nationale recoupent largement les opérateurs de l’État, notion de comptabilité budgétaire.

([30]) Les administrations publiques locales regroupent les collectivités territoriales et des organismes divers d’administration locale, notamment les établissements publics locaux.

([31]) De la même façon, la hausse des prix entraîne une hausse des prélèvements obligatoires.

([32]) Haut Conseil des finances publiques, Axelle Lacan, note d’étude n° 2022-4, « En 2022, la hausse de l’inflation augmente le poids de la dette publique », septembre 2022.

([33]) Dans un contexte où la croissance du PIB est limitée, le fait que la charge d’intérêts de la dette demeure contenue contribue à ce que le niveau de solde public stabilisant le ratio d’endettement (voir encadré ci‑dessus) soit atteignable.

([34]) Rapport sur la dette des administrations publiques annexé au PLF 2025, p. 6.

([35]) En modifiant l’article 34 de la LOLF, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a fait évoluer, à compter des lois de finances relative à l’exercice 2023, la présentation budgétaire habituelle, qui déduisait du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux. Cette présentation était critiquée par la Cour des comptes, qui recommandait de manière constante que les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ne soient plus déduits des recettes fiscales brutes de l’État. En effet, ceux-ci n’ont rien à voir avec la mécanique des impôts d’État et il n’est donc pas pertinent de les en soustraire.

Cf. Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021 de la mission Remboursements et dégrèvements, juillet 2022. La recommandation n° 3 (reconduite) préconise de « comptabiliser les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux en dépenses budgétaires de l’État ».

([36]) Les prévisions de recettes des prélèvements obligatoires, juillet 2024, Inspection générale des finances.

([37]) Article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([38]) La réforme des allègements des cotisations employeur proposée par l’article 6 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 conduirait à une augmentation des recettes des organismes de sécurité sociale de 5,1 milliards d’euros, mais se traduirait également par une diminution des recettes d’impôt sur les sociétés (« effet retour ») pour l’Etat. L’article 38 du projet de loi de finances pour 2025 minore donc la fraction de TVA attribuée aux administrations de sécurité sociale à hauteur d’un milliard d’euros pour en tirer les conséquences.

([39]) Il ressort des travaux précités de l’Inspection générale des finances que les prévisions d’impôt sur les sociétés établies par la direction générale du Trésor paraissent étroitement liées à l’analyse de l’excédent brut d’exploitation. Selon les tableaux prévisionnels annexés au plan budgétaire et structurel national à moyen terme, celui-ci après avoir régressé de 3,9 milliards d’euros en 2024, progresserait de 0,2 milliard d’euros en 2025.

([40]) L’évolution du prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne est l’objet de développements spécifiques dans le commentaire, figurant au tome II du présent rapport, de l’article 40 du projet de loi de finances pour 2025.

([41]) Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

([42]) Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

([43]) La loi de finances initiale pour 2024 a créé quatorze dépenses fiscales et en a supprimé une ; en outre, au mois de juillet 2023, une dépense fiscale avait été créée par la loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie. Vingt-cinq dépenses fiscales verraient leur fait générateur arriver à son terme en 2024 ; elles peuvent cependant continuer à représenter un coût budgétaire pendant plusieurs années. En outre, au titre de l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2025, il est procédé à un classement et à un déclassement de dépenses fiscales.

([44]) Depuis l’entrée en vigueur de l’article 8 de la loi organique n° 2021-1836 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux sont comptabilisés comme des dépenses et ne sont plus retranchés des dépenses nettes.

([45]) Ne sont pas pris en compte, dans les crédits du budget général, la contribution de chaque mission au compte d’affectation spéciale Pensions.

([46]) La prise en compte des dépenses des comptes spéciaux peut néanmoins donner une image peu fidèle de certaines dépenses : à titre d’exemple, les avances aux collectivités territoriales, qui représenteraient 134,9 milliards d’euros en 2025, sont remboursées au cours de l’exercice par le produit des impositions locales.

([47]) Avec la contribution de chaque mission au CAS Pensions.

([48]) Loi n° 2024-450 du 21 mai 2024 relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire.

([49]) Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([50]) Les charges prévisionnelles au titre du soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole sont estimées à 4,3 milliards d’euros par la délibération n° 2024-139 du 11 juillet 2024 de la Commission de régulation de l’énergie, en hausse de 1,8 milliard d’euros par rapport à 2024.

([51]) Prime à la conversion, bonus écologique et aide au leasing de véhicules électriques, encadrés par les articles D. 251-1 à D. 251-13 du code de l’énergie.

([52]) Projet annuel de performances de la mission Travail, emploi et administration des ministères sociaux, annexé au PLF pour 2025.

([53]) Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([54]) 5° de l’article 51 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

([55]) Dont 15,5 milliards d’euros pour la mission Engagements financiers de l’État, soit 54 % de l’augmentation prévue à l’horizon 2027.

([56]) Hors fonds de concours.

([57]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 152.

([58]) À chaque indice brut, attribué selon l’échelon et le grade du fonctionnaire, correspond un indice majoré selon le barème prévu par le décret n° 82-1105 du 23 décembre 1982 relatif aux indices de la fonction publique. L’indice majoré multiplié par la valeur du point d’indice (4,92 € depuis le 1er juillet 2023) permet de calculer le traitement indiciaire brut.

([59]) Par dérogation au principe selon lequel les variations d’emplois sont exprimées en ETP, cet article avait fixé un objectif exprimé en ETPT.

([60]) L’article 11 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 fixe un objectif de stabilité globale des schémas d’emplois de 2023 à 2027 pour l’État et ses opérateurs, sans se référer à l’incidence de ces schémas sur les plafonds d’emplois.

([61]) Données non retraitées des mesures de périmètre.

([62]) En application de la loi n° 2024-475 du 24 mai 2024, la rémunération des AESH qui interviennent sur le temps méridien est également prise en charge par l’État depuis la rentrée 2024.

([63]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15521281_6707f7a63de9f.commission-des-finances--m-pierre-moscovici-president-du-haut-conseil-des-finances-publiques-sur--10-octobre-2024

([64]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.15522322_6708c381a9018.commission-des-finances--m-antoine-armand-ministre-de-l-economie-et-m-laurent-saint-martin-mini-11-octobre-2024