N° 468

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),

 

PAR M. Charles de COURSON,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 27
 

 

gESTION Du patrimoine immobilier de l’État

 

 

 

 

Rapporteur spécial : M. Jean-Paul MATTEÏ

 

Député

_____

 

 


SOMMAIRE

___

Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECONDUIT L’ÉVALUATION DES RECETTES DU CAS INSCRITE EN LOI DE FINANCES POUR 2024, À HAUTEUR DE 340 millions D’EUROS

A. LES CESSIONS IMMOBILIÈRES RESTENT LA PREMIÈRE SOURCE DE FINANCEMENT DU CAS

1. La cession de 660 biens est attendue en 2025

2. Les cessions enregistreraient une hausse en 2025, pour un montant toutefois complexe à estimer

B. LES PRODUITS DES redevances domaniales et loyers constituent la seconde source de financement du cas

1. Les produits des redevances et loyers sont stables par rapport à 2024

2. L’État s’est engagé dans une démarche de dynamisation des recettes tirées des redevances et loyers

II. LES CRÉDITS DU CAS GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT SONT ALLOUÉS PRIORITAIREMENT AUX DÉPENSES D’ENTRETIEN DU PROPRIÉTAIRE MAIS FINANCENT ÉGALEMENT DES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES D’ENVERGURE

A. Les dépenses prévues pour 2025 s’inscrivent dans une démarche de priorisation de « l’entretien du propriétaire » engagée depuis plusieurs années

B. Le CAS finance deux opérations structurantes d’envergure en 2025

III. inadaptée à une gestion performante du parc, l’architecture de la politique immobilière de l’état doit faire l’objet d’une réforme d’ampleur via la mise en place d’une foncière publique

A. L’architecture actuelle de la politique immobilière de l’État n’est pas adaptée à une gestion performante du parc immobilier

1. Le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État ne représente qu’une part minime des investissements immobiliers de l’État

2. Les perspectives du CAS à moyen et long terme sont fragilisées par la diminution du stock de biens cessibles

3. Le mode actuel de gestion du patrimoine immobilier de l’État ne permet pas l’incarnation de l’État propriétaire

B. Le projet de foncière publique doit répondre à l’objectif de gestion vertueuse de l’immobilier de l’état

1. Le projet d’une foncière pour l’immobilier de l’État a été annoncé par le ministre en charge des comptes publics et devrait être mis en œuvre en 2025

2. Retenu par plusieurs pays européens, le système de la foncière publique assurera une gestion plus vertueuse du parc immobilier de l’État

a. Le choix de la foncière publique a été retenu par plusieurs pays européens

b. La foncière devra assurer une gestion plus vertueuse de l’immobilier de l’État

3. Alors que le projet de foncière publique est en phase d’élaboration, certains points d’attention méritent d’être soulignés

a. Sur le statut juridique de la foncière

b. Sur le périmètre de la foncière

c. Sur les loyers versés par les services occupants

d. Sur le calendrier de déploiement de la réforme

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

 

 

 

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances.

 


   PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

– Le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État permet de financer, grâce aux recettes issues de la cession d’actifs immobiliers et de produits de redevances domaniales et loyers perçus par l’État, des projets immobiliers structurants et des dépenses d’entretien lourd au profit des services de l’État et de ses opérateurs. Il comporte deux programmes placés sous la responsabilité du directeur de l’immobilier de l’État, dont un seul – le 723 – est abondé.

– Avec des estimations de 340 millions d’euros de recettes et 340 millions d’euros de dépenses, le solde du CAS serait nul en 2025. Cette situation ne doit pas occulter le fragile équilibre du CAS, tributaire de plusieurs incertitudes quant aux prévisions de ses recettes.

– Comme en 2024, les recettes du CAS se composent de 230 millions d’euros issues des 660 cessions prévues et de 110 millions d’euros de redevances et loyers. La politique engagée par l’État pour dynamiser les redevances et loyers contribue à la stabilité du financement du CAS, malgré de fortes incertitudes concernant les recettes de cessions.

– Les dépenses du CAS témoignent de la priorité donnée par l’État aux « dépenses des propriétaires », et notamment à celle de gros entretiens. Le CAS finance également, à hauteur de 140 millions d’euros, des opérations structurantes d’envergure, dont la principale sera le projet Quai d’Orsay XXI du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

– Alors que l’architecture actuelle de la politique immobilière de l’État n’est pas adaptée à une gestion vertueuse du parc, le rapporteur spécial salue le projet de mise en place d’une foncière publique. Retenu par plusieurs de nos voisins européens, ce système permettra d’incarner véritablement les intérêts de l’État propriétaire, de mutualiser les coûts immobiliers et de professionnaliser la gestion du parc de l’État. Le rapporteur spécial souhaite toutefois souligner plusieurs points d’attention, concernant le statut juridique de la foncière, son périmètre, le niveau des loyers demandés aux services occupants et le calendrier de déploiement de la réforme.

 

 

 

 


   DONNÉES CLÉS

ÉVOLUTION DES RECETTES DU CAS

(en millions d’euros)

 

LFI 2024

PLF 2025

Variation

Produits des cessions immobilières

230

230

0 %

Produits des redevances domaniales

110

110

0 %

Total des recettes

340

340

0 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2025.

 

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DU CAS

 

AE

CP

 

LFI 2024

PLF
2025

Variation

LFI
2024

PLF
2025

Variation

11 – Opérations structurantes et cessions

140

140

0 %

140

140

0 %

12 – Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics

15

15

0 %

17

15

 11,76, %

13 – Maintenance

48

48

0 %

45

45

0 %

14 – Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

137

137

0 %

138

140

+ 1,45 %

Total

340

340

0 %

340

340

0 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2025.

 

 

 


   INTRODUCTION

La mission Gestion du patrimoine immobilier de l’État est constituée par le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Créé par l’article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, ce CAS permet de financer, grâce aux recettes issues de la cession d’actifs immobiliers et des produits de redevances domaniales et loyers perçus par l’État, des projets immobiliers structurants et des dépenses d’entretien lourd au profit des services de l’État et de ses opérateurs.

Il comprend deux programmes, placés sous la responsabilité du directeur de l’immobilier de l’État :

­ le programme 721 Contribution des cessions immobilières au désendettement de l’État, qui n’est plus abondé depuis 2018 ([1]) ;

– le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 évalue les recettes du CAS à 340 millions d’euros, dont 230 millions d’euros de produits de cessions immobilières et 110 millions d’euros de redevances domaniales et loyers. Ces montants restent stables par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

Les dépenses s’élèveraient en 2025, comme en 2024, à 340 millions d’euros. Les dépenses d’entretien du propriétaire sont priorisées, pour un total de 200 millions d’euros, dont 137 millions d’euros pour le gros entretien des immeubles existants. Le CAS finance également des opérations structurantes, dont la principale est le projet Quai d’Orsay XXI qui a pour objectif de moderniser les locaux du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Constatant l’inadaptation de l’architecture de la politique immobilière de l’État, le rapporteur spécial tient à saluer le projet de foncière publique annoncé par le ministre des comptes publics en février 2024. Chargée d’une partie du parc immobilier de l’État dont elle se sera vue transférer la pleine propriété, la foncière pour l’immobilier de l’État devra en assurer une gestion plus vertueuse. Alors que ce projet est encore en phase d’élaboration, le rapporteur spécial souhaite souligner certains points d’attention, concernant le statut juridique de la foncière, son périmètre, le niveau des loyers demandés aux services occupants et le calendrier de déploiement de la réforme.

 


I.   LE PROJET DE LOI DE FINANCES RECONDUIT L’ÉVALUATION DES RECETTES DU CAS INSCRITE EN LOI DE FINANCES POUR 2024, À HAUTEUR DE 340 millions D’EUROS

L’annexe au projet de loi de finances pour 2025 prévoit une stabilité des recettes du CAS, qui s’élèveraient à 340 millions d’euros, par rapport à la loi de finances pour 2024.

(en millions d’euros)

 

LFI
2024

PLF
2025

Variation

Produits des cessions immobilières

230

230

0 %

Produits des redevances domaniales

110

110

0 %

Total des recettes

340

340

0 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2025.

Les prévisions de recettes pour 2026 et 2027 sont identiques à celles pour 2025.

A.   LES CESSIONS IMMOBILIÈRES RESTENT LA PREMIÈRE SOURCE DE FINANCEMENT DU CAS

1.   La cession de 660 biens est attendue en 2025

Est prévue pour 2025 la cession de 660 biens situés en métropole, dans les départements et collectivités d’outre-mer et à l’étranger.

Ces biens sont principalement des terrains (268), des logements (149) et des bureaux (111). Ces derniers représentent la plus forte valorisation (174 millions d’euros, soit 67 % du montant total des recettes de cessions).

Répartition des cessions attendues en 2025, par catégorie de biens

Catégorie de bien

Nombre de biens à vendre

Valorisation (en euros)

Bureaux

111

173 989 036

Terrains

268

28 951 010

Logements

149

27 736 292

Locaux d’activité

59

23 638 537

Infrastructures – réseaux et voiries

72

5 673 617

Culte et monuments

1

650 000

Total

660

260 638 491

Source : questionnaire budgétaire.

Les cessions attendues en 2025 relèvent principalement des ministères en charge de la transition écologique et du logement (277 biens), devant le ministère des armées (49 biens), les ministères économiques et financiers (43 biens, pour la plus forte valorisation estimée à 33 % de celle de l’ensemble des cessions) et le ministère de l’intérieur (41 biens).

Répartition des cessions attendues en 2025, par ministère occupant

Ministère

Nombre total de biens
à vendre

Valorisation (en euros)

Agriculture

74

5 943 738

Armées

49

16 768 522

Biens non affectés

107

3 236 300

Culture

7

12 975 530

Économie, budget

43

82 337 070

Éducation nationale

14

9 548 424

Enseignement supérieur

12

4 319 393

Europe et affaires étrangères

9

52 862 747

Intérieur

41

19 954 380

Justice

12

2 372 670

Santé, jeunesse et sports

5

1 970 500

Services du Premier ministre

2

683 855

Transition écologique, logement

277

37 258 863

Travail

8

10 406 500

Total général

523

251 580 808

Source : questionnaire budgétaire.

Les cessions se répartissent, selon leur montant, entre les cessions « socles » dont la valorisation est inférieure ou égale à 2 millions d’euros, et les cessions « exceptionnelles », supérieures à 2 millions d’euros.

En 2025, les cessions socles représenteraient 637 biens (soit 97 % du total des biens à vendre) pour une valorisation de 84,6 millions d’euros (soit 32 % du total des valorisations). Les cessions exceptionnelles, quant à elles, ne représentent que 23 biens (soit 3 % du total des biens à vendre) mais pour un montant de 176 millions d’euros (soit 68 % du total des valorisations).

Répartition des cessions attendues en 2025, par type

Type de cession

Nombre de biens à vendre à vendre

Pourcentage du nombre de biens à vendre

Valorisation (en millions d’euros)

Pourcentage de la valorisation

Cessions « socle »

637

96,5 %

84,6

32,5 %

Cessions « exceptionnelles »

24

3,48 %

176

67,5 %

Source : questionnaire budgétaire.

Sont notamment programmées 3 cessions supérieures à 10 millions d’euros, concernant deux immeubles de bureaux parisiens ainsi que l’ancienne cité administrative de Toulouse.

2.   Les cessions enregistreraient une hausse en 2025, pour un montant toutefois complexe à estimer

En 2024, le nombre de cessions, initialement estimé à 523 pour une valorisation de 252 millions d’euros, devrait s’établir à 554 pour une valorisation de 148 millions d’euros.

nombre et montant des cessions immobilières depuis 2019

Année

2019

2020*

2021

2022

2023

2024 (prévision)

2025 (prévision)

Nombre de cessions

704

567

687

661

645

554

660

Montant des cessions (en millions d’euros)

625

97

194

203

273

148

260

*Les résultats de l’année 2020 doivent s’apprécier au regard des difficultés liées à l’épidémie de Covid-19.

Source : commission des finances d’après le questionnaire budgétaire.

En 2025, le nombre et le montant des cessions enregistreraient une hausse : la direction de l’immobilier de l’État (DIE) estime le montant total des 660 cessions prévues à 260 millions d’euros.

Cette prévision correspond au cumul des valorisations des biens à vendre, définie à partir de deux paramètres :

 une évaluation des biens, à laquelle est appliqué un coefficient de pondération au regard de la difficulté des cessions ;

 le montant attendu en droits constatés dans les actes de cession éventuellement conclus.

Elle diffère de la prévision de 230 millions d’euros de recettes inscrite en PLF, celle-ci correspondant à une estimation des encaissements effectifs fondée notamment sur le montant moyen d’un socle de cessions immobilières conclues les années précédentes.

Le rapporteur spécial relève à cet égard la complexité de la prévision en matière immobilière et la forte incertitude en résultant s’agissant des recettes du CAS et de son équilibre financier. Il convient ainsi de souligner que les recettes prévues en PLF 2025 sont identiques à celles inscrites en LFI 2024, alors même que plus d’une centaine de cessions supplémentaires sont attendues.

De fait, les prévisions de recettes du CAS liées aux cessions immobilières sont souvent incertaines. D’une part, en raison de la complexité des opérations, les dates enregistrées dans la base de données de la DIE sont estimatives et peuvent évoluer selon les projets immobiliers, l’évolution du marché ou les circonstances locales ([2]). D’autre part, le montant des cessions peut s’avérer inférieur aux estimations, du fait des opérations liées à la mobilisation du foncier public, générant des « décotes » qui ne sont pas connues au moment de l’établissement des prévisions de recettes ([3]).

B.   LES PRODUITS DES redevances domaniales et loyers constituent la seconde source de financement du cas

Les redevances domaniales consistent en l’indemnisation versée en contrepartie d’une autorisation d’occupation privative du domaine public ou privé de l’État. Leur montant doit tenir compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation.

Les loyers, quant à eux, correspondent principalement aux sommes versées en contrepartie de l’occupation d’un logement appartenant à l’État par ses agents, ou à titre exceptionnel par des tiers.

1.   Les produits des redevances et loyers sont stables par rapport à 2024

Pour 2025, la prévision des produits des redevances domaniales et loyers inscrits en annexe au projet de loi de finances s’élève à 110 millions d’euros, soit 32 % des recettes du CAS. Ce montant est stable par rapport à la prévision de la LFI 2024.

Produits des redevances domaniales et des loyers depuis 2018

Année

Montant des redevances domaniales
et loyers

(en millions d’euros)

Pourcentage des recettes

2018

89,2

24,1 %

2019

107,1

14,7 %

2020

94,3

36,1 %

2021

103,3

31,0 %

2022

98,4

33,0 %

2023

118

29,7 %

2024 (prévision)

110

32,4 %

2025 (prévision)

110

32,4 %

Source : commission des finances d’après le questionnaire budgétaire.

2.   L’État s’est engagé dans une démarche de dynamisation des recettes tirées des redevances et loyers

La hausse du produit des redevances domaniales et loyers résulte d’une politique de dynamisation de ces recettes, engagée par la DIE afin d’assurer la préservation du patrimoine immobilier de l’État ainsi que la pérennité du financement du CAS dans un contexte d’épuisement du stock de biens facilement cessibles.

Ainsi, plusieurs mesures ont été prises au cours des dernières années, conformément à la feuille de route du comité interministériel de la transformation publique du 29 octobre 2018 :

– les services locaux du Domaine font l’objet d’une professionnalisation accrue, par la formation professionnelle, l’enrichissement de la documentation et le renforcement de la collaboration entre les différents services gestionnaires ;

– en 2018, la DIE a mis en place une nomenclature-barème dénommée « AMBRE » (Aide à la modernisation des barèmes portant sur les redevances de l’État), permettant la fixation de montants de redevances domaniales qui prennent en compte les avantages de toutes natures que procure le bien ;

– en lien avec l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, en vertu de laquelle l’occupation du domaine de l’État en vue d’y exercer une activité économique est soumise à la réalisation de mesures de publicité et de sélection préalables, la DIE a, avec le ministère des armées et le ministère de la transition écologique, conçu et ouvert au public un site internet des locations immobilières de l’État (https://locations.immobilier-etat.gouv.fr). En facilitant la consultation des annonces par le public, ce site permet aux services de l’État et des établissements publics nationaux de mettre en œuvre les mesures de publicité et de sélection préalables à la délivrance des titres d’occupation du domaine public, de manière alternative ou complémentaire aux autres mesures de publicité. La troisième version du site, déployée en mars 2023, a été reliée à la plateforme « démarches simplifiées » et permet la dématérialisation des dépôts de candidature et de la gestion des dossiers ;

– enfin, la DIE a déployé en juin 2022 l’application informatique FIGARO, qui sécurise le processus de recouvrement des redevances grâce à son intégration au système d’information financière de l’État. Cet outil permet également un meilleur suivi des titres d’occupation, par exemple en signalant les occupations sans titre ainsi que les titres d’occupation arrivant à échéance. Depuis 2023, la mise en place de contrôles internes via l’application FIGARO permet de s’assurer de l’effectivité de l’automatisation de l’indexation prévue dans le titre d’occupation et de la régularité juridique de la gratuité accordée.

En matière de redevances et loyers, le rapporteur spécial rappelle la nécessité de préserver la liberté contractuelle des propriétaires publics, qui participe de la bonne administration de leurs biens immobiliers. Il importe notamment que la frontière entre domaine public et domaine privé soit clairement préservée, afin de garantir tant la sécurité juridique que la liberté contractuelle des personnes publiques ([4]).

La stratégie de diversification des moyens de valorisation des biens immobiliers de l’État autres que la cession

Dans le cadre d’une stratégie de diversification des moyens de valorisation du patrimoine immobilier de l’État, la cession n’est plus systématiquement envisagée pour les biens devenus inutiles aux services de l’État et de ses opérateurs.

À ce titre, les baux emphytéotiques constituent un outil de valorisation des actifs à long terme en raison notamment de la possibilité pour le preneur de bénéficier de droits réels.

Ainsi, un bail emphytéotique d’une durée de 99 ans a été conclu en 2023 entre l’État et la société Alterea pour l’immeuble « Les Pyramides », situé dans le premier arrondissement de Paris, pour un montant de 65 millions d’euros versé intégralement lors de la signature de l’acte.

II.   LES CRÉDITS DU CAS GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L’ÉTAT SONT ALLOUÉS PRIORITAIREMENT AUX DÉPENSES D’ENTRETIEN DU PROPRIÉTAIRE MAIS FINANCENT ÉGALEMENT DES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES D’ENVERGURE

Les dépenses du CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État sont réparties entre deux grands types d’opérations, portées par le programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État :

– les opérations structurantes et de cessions (action 11 du programme 723), qui concernent notamment les projets immobiliers (acquisitions, travaux structurants) et les frais accessoires directement liés à la cession d’un bien (organisation matérielle, expertises techniques, honoraires, etc.) ;

– les dépenses d’entretien du propriétaire, c’est-à-dire les opérations qui seraient à la charge du bailleur dans le cadre d’une location de droit commun. Cette catégorie se divise en trois sous-ensembles : les contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics (action 12), la maintenance préventive et corrective à la charge du propriétaire (action 13) et les dépenses de gros entretien, de réhabilitation, de mise en conformité et de remise en état (action 14).

En 2025, les AE et CP seraient stables par rapport à la loi de finances pour 2024 et s’élèveraient à 340 millions d’euros.

 

 

 

 

Crédits du programme 723 Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’état

(en millions d’euros)

 

AE

CP

 

LFI 2024

PLF
2025

Variation

LFI
2024

PLF
2025

Variation

11 – Opérations structurantes et cessions

140

140

0 %

170

140

0 %

12 – Contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics

15

15

0 %

17

15

 11, 76 %

13 – Maintenance

48

48

0 %

45

45

0 %

14 – Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

137

137

0 %

138

140

+ 1,45 %

Total

340

340

0 %

340

340

0 %

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2025.

A.   Les dépenses prévues pour 2025 s’inscrivent dans une démarche de priorisation de « l’entretien du propriétaire » engagée depuis plusieurs années

Au sein du programme 723, les dépenses d’entretien du propriétaire sont prioritaires par rapport au financement des projets immobiliers. La DIE a en effet pour objectif de porter le niveau de financement de l’entretien du propriétaire de 160 millions d’euros en moyenne annuelle avant 2024 à 200 millions d’euros.

Ainsi, les dépenses prévues en 2025 au titre des opérations structurantes et de cessions s’élèvent à 140 millions d’euros en AE et CP et représentent 41,2 % des crédits du programme 723, tandis que les dépenses d’entretien du propriétaire sont portées à 200 millions d’euros, soit 58,8 % de l’enveloppe.

Cette répartition, identique à celle prévue en loi de finances pour 2024, s’inscrit dans une démarche de priorisation des dépenses d’entretien du propriétaire engagée depuis plusieurs années.

 

 

 

 

 

 

 

Évolution des crédits inscrits en loi de finances destinés
aux dépenses d’entretien du propriétaire

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après le questionnaire budgétaire.

La part représentée par les redevances domaniales et les loyers, soit environ 110 millions d’euros depuis 2023, apporte un élément de stabilité sur une partie des recettes, totalement utilisée pour le financement des dépenses d’entretien du propriétaire.

L’entretien du propriétaire correspond essentiellement aux dépenses de gros entretien, de réhabilitation, de mise en conformité et de remise en l’état (action 14). Celles-ci financent des travaux significatifs réalisés sur le bâti et les équipements et visant à remédier à des situations de vétusté et d’obsolescence technique ; contrairement aux opérations structurantes, ces travaux n’ont pas vocation à augmenter le potentiel initial du parc immobilier.

Répartition des dépenses d’entretien du propriétaire en 2025,
en autorisation d’engagements

Source : commission des finances d’après l’annexe au projet de loi de finances pour 2025.

Estimées à 137 millions d’euros en AE en 2025, elles représentent 69 % des dépenses d’entretien du propriétaire, et plus de 40 % des dépenses totales du CAS. Stables en AE par rapport à 2024, et en très légère hausse en CP, elles s’inscrivent dans une trajectoire haussière qui devrait se poursuivre en 2026.

Les dépenses d’entretien du propriétaire financent également :

– des contrôles réglementaires, audits, expertises et diagnostics (action 12), à hauteur de 15 millions d’euros en AE et CP ;

– la maintenance préventive et corrective à la charge du propriétaire (action 13), à hauteur de 48 millions d’euros en AE et 45 millions d’euros en CP.

Les crédits alloués aux actions 12 et 13 s’inscrivent dans une trajectoire baissière, au profit des dépenses de gros entretien.

 

 

 

 

 

 

 

trajectoire des « dépenses du propriÉtaire » en crédits de paiement

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après le questionnaire budgétaire.

B.   Le CAS finance deux opérations structurantes d’envergure en 2025

Les crédits proposés pour l’action 11 Opérations structurantes et cessions s’élèvent à 140 millions d’euros en AE et CP.

Cette action finance principalement des dépenses d’investissement, à hauteur de 120 et 114 millions d’euros respectivement en AE et en CP en PLF 2025.

La principale opération financée par le CAS en 2025 sera le projet Quai d’Orsay XXI du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, pour un montant évalué autour de 70 millions d’euros. Ce projet a pour objectif principal de moderniser les locaux du ministère en améliorant les conditions de travail des agents et en renvoyant une image contemporaine de la diplomatie française et des services de l’État, tout en intégrant les enjeux de transition environnementale.

Le projet d’extension-réhabilitation de l’aile des archives (ERA) du Quai d’Orsay

Le projet d’extension-réhabilitation de l’aile des archives (ERA) du Quai d’Orsay, est la principale opération du projet Quai d’Orsay XXI. Son coût total, entièrement financé par le programme 723, est estimé à 91 millions d’euros.

Le projet ERA consiste en la rénovation des surfaces libérées par la direction des archives du ministère en 2009 à la suite de la construction d’un site à La Courneuve, ainsi qu’en l’édification d’un nouvel immeuble tertiaire qui accueillera 655 postes de travail. En raison de la décision de la Ville de Paris de ne pas prolonger le bail de l’ancien restaurant administratif du ministère, le projet a été complété par l’aménagement d’un nouveau restaurant administratif d’une capacité de 275 places assises.

La conduite du chantier ERA et les nuisances associées aux travaux ont conduit le ministère à conclure un bail portant sur un espace de 300 postes de travail au sein l’immeuble Spalis, situé en Seine-Saint-Denis et acquis par l’agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE) en avril 2024.

Par ailleurs, le site de Saint-Mandé du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires fait l’objet depuis plusieurs années d’une démarche de rationalisation, de densification et de valorisation menées par étapes successives afin d’y regrouper des opérateurs du ministère, et notamment l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), Météo France et le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM). L’opération, dont l’engagement des travaux est prévu à la fin de l’année 2024, poursuivra son exécution en 2025.

 

III.   inadaptée à une gestion performante du parc, l’architecture de la politique immobilière de l’état doit faire l’objet d’une réforme d’ampleur via la mise en place d’une foncière publique

A.   L’architecture actuelle de la politique immobilière de l’État n’est pas adaptée à une gestion performante du parc immobilier

Le dispositif dérogatoire que constitue le CAS, permettant l’affectation de recettes aux dépenses de même nature, conserve une certaine pertinence comme outil de valorisation du patrimoine immobilier de l’État.

Toutefois, l’architecture actuelle de la politique immobilière de l’État n’est pas adaptée à la poursuite efficace des trois objectifs suivants :

– la transition écologique du parc immobilier de l’État ;

– la modernisation de l’action publique, et notamment l’adaptation aux nouvelles modalités de travail ;

– la gestion responsable et efficiente des deniers publics.

1.   Le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État ne représente qu’une part minime des investissements immobiliers de l’État

Alors que les dépenses immobilières sont principalement portées par les programmes support de chaque ministère, le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l’État ne contribue que de manière minime à la politique immobilière de ce dernier. La marginalisation du CAS a également été renforcée, à partir de 2021, par la création et la montée en puissance des programmes 348 Performance et résilience des bâtiments de l’État et 362 Écologie du plan de relance. Au total, en 2025, 62 programmes budgétaires financent la politique immobilière de l’État.

Ainsi, en 2023, le CAS ne représentait que 7 % de l’effort immobilier global de l’État.

Évolution de la part du cas gestion du patrimoine immobilier de l’état dans l’effort immobilier global de l’État

(en millions d’euros)

Source : commission des finances d’après le questionnaire budgétaire.

2.   Les perspectives du CAS à moyen et long terme sont fragilisées par la diminution du stock de biens cessibles

Malgré la démarche de dynamisation des produits de redevances et de loyers menée par la DIE, les recettes du CAS connaissent une diminution progressive : alors que 585 millions d’euros de recettes étaient inscrits en LFI 2017, l’estimation du PLF 2025 s’élève à 340 millions d’euros.

 

 

Évolution des recettes du cas gestion du patrimoine immobilier de l’état inscrites en LFI (2017-2024) ou en PLF (2025)

(en millions d’euros)

Source : commission des finances.

Cette situation tient essentiellement à l’épuisement du stock de biens cessibles. Ainsi, la DIE considérait fin 2023 que 70 % des biens immobiliers déclarés inutiles et remis au Domaine étaient « difficiles », « très difficiles » ou « improbables » à céder ([5]).

La relance de la commercialisation des biens jugés illiquides

Face à l’évolution à la baisse des recettes du CAS, la DIE s’est engagée dans une démarche de relance de la commercialisation des biens jugés illiquides.

Une expérimentation lancée en 2023 en région Auvergne-Rhône-Alpes a permis d’identifier quatorze biens jugés illiquides. Au 31 décembre 2023, trois de ces biens avaient fait l’objet d’un échange, d’un transfert ou d’une cession, pour un gain net de 29 012 euros. Six autres actes devraient être signés avant la fin de l’année 2024.

Le bilan de l’expérimentation étant positif, le dispositif a été étendu à l’ensemble des régions au premier trimestre 2024.

Le rapporteur spécial souligne toutefois que la rationalisation de l’utilisation du parc immobilier de l’État peut constituer une source de financement de la politique immobilière. La réduction de 25 % des surfaces du parc tertiaire ([6]) serait en effet de nature à procurer des ressources nouvelles à hauteur de 25 milliards d’euros sur la période 2024-2051, principalement par des moindres dépenses mais également par la valorisation des surfaces libérées ([7]).

3.   Le mode actuel de gestion du patrimoine immobilier de l’État ne permet pas l’incarnation de l’État propriétaire

Le mode actuel de gestion du patrimoine immobilier de l’État ne permet pas de mettre en œuvre le principe de distinction entre État propriétaire et services occupants, selon lequel :

– l’État propriétaire doit être le garant de la qualité structurelle du parc et de sa valorisation ;

– les services occupants doivent quant à eux garantir le bon usage des locaux et la juste adéquation des moyens mobilisés aux besoins de leurs missions.

En pratique toutefois, les services occupants exercent une part importante des prérogatives du propriétaire : les crédits immobiliers leur sont majoritairement attribués, y compris ceux prévus pour les dépenses d’entretien du propriétaire. Pourtant, ces services ne sont pas responsables de la qualité et de la valorisation du parc immobilier qu’ils occupent et n’y ont pas d’intérêt propre.

Il en résulte un défaut chronique d’entretien du parc, s’agissant notamment des travaux de mise aux normes et de rénovation énergétique des bâtiments.

Les loyers budgétaires

Les loyers budgétaires étaient des loyers dont les services administratifs de l’État s’acquittaient lorsqu’ils occupaient des bâtiments dont ce dernier était propriétaire, majoritairement des bureaux. L’objectif de ce dispositif était de rationaliser le parc immobilier de l’État en incitant les services occupants à réduire leur surface utilisée en fonction de leurs besoins réels.

Le montant des loyers était calculé à partir de la valeur locative de marché de l’immeuble et évoluait en fonction de l’indice des loyers des activités tertiaires déterminé par l’INSEE. Ces loyers étaient fixés dans les conventions d’utilisation conclues entre les ministères et la DIE, matérialisant ainsi la mise à disposition des immeubles de l’État à ses services et établissements publics. Le montant total des loyers budgétaires a évolué de manière stable autour d’un milliard d’euros.

Pour atteindre l’objectif de rationalisation des surfaces occupées, le dispositif prévoyait deux mécanismes d’incitation :

– L’intéressement des services occupants, avec une baisse du montant des loyers en cas de réduction de la surface occupée ;

– La baisse des dotations budgétaires, qui intervenait si aucune réduction n’était entreprise alors que la DIE proposait une solution de rationalisation.

Les mesures incitatives et contraignantes du dispositif n’ayant pas été mises en œuvre, les loyers budgétaires se sont trouvés réduits à un simple jeu d’écriture budgétaire sans enjeux réels pour l’occupant et le propriétaire.

Le dispositif a été finalement supprimé par la loi de finances pour 2019, sans être remplacé par un mécanisme d’intéressement susceptible d’inciter les administrations occupantes à préserver les actifs dont elles ont l’usage.

 

B.   Le projet de foncière publique doit répondre à l’objectif de gestion vertueuse de l’immobilier de l’état

1.   Le projet d’une foncière pour l’immobilier de l’État a été annoncé par le ministre en charge des comptes publics et devrait être mis en œuvre en 2025

Le projet de foncière pour l’immobilier de l’État a été officiellement présenté par le ministre chargé des comptes publics lors du Conseil de l’immobilier de l’État du 29 février 2024.

Aux termes de ce projet, la foncière se verrait transférer la propriété d’une partie du patrimoine de l’État, qu’elle sera en charge de gérer, d’entretenir, de rénover, de valoriser et de mettre à disposition des services de l’État ou de ses opérateurs en contrepartie du versement de loyers.

Cette réforme devrait se traduire par la transformation de l’agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE) en établissement public industriel et commercial (EPIC).

L’agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE)

Les lacunes observées en matière d’exploitation et de maintenance de l’immobilier de l’État, notamment s’agissant des immeubles de bureau, ont conduit à la création d’une structure opérationnelle chargée de couvrir rapidement ces risques financiers et de faire de l’immobilier de l’État un véritable levier de transformation de l’action publique.

Société anonyme de droit privé au capital entièrement détenu par l’État, l’AGILE compte à ce jour 96 agents, pour un objectif de 100 à la fin de l’année 2024.

Elle intervient sur les missions suivantes :

– l’exploitation-maintenance : l’AGILE propose aux occupants publics ses services en administration des biens, entretien-maintenance bâtimentaire et services généraux ;

– la « task force sobriété » : dans le cadre du plan de sobriété de l’État, l’AGILE apporte son expertise et ses recommandations aux gestionnaires de bâtiments, avec pour objectif l’accompagnement de plus de 3 0000 sites ;

– la maîtrise d’ouvrage et l’asset management : l’agence accompagne les services de l’État sur le montage et la gestion des projets immobiliers, la réalisation d’audits bâtimentaires, énergétiques ou environnementaux, la conception des espaces de travail ou encore la valorisation du patrimoine ;

– le plan solaire photovoltaïque, déployé par l’AGILE via des installations d’autoconsommation individuelle ou collective sur les bâtiments de l’État et le développement de centrales photovoltaïques au sol sur le foncier inutilisé.

La réforme s’appuiera dans un premier temps sur un pilote opérationnel qui devrait être lancé avant l’été 2025. Son périmètre porterait sur les immeubles de bureaux du ministère des finances et du ministère de l’intérieur – hors forces de police et de gendarmerie – , et les sites multi-occupants situés dans les régions Grand-Est et Normandie. De façon ponctuelle, certains biens situés en Auvergne-Rhône-Alpes et en Île-de-France pourraient également être concernés pour concrétiser des opérations prioritaires.

À terme, la foncière a vocation à se déployer sur l’ensemble des immeubles de bureaux et locaux d’activités de l’État, exception faite :

– des logements isolés ;

– des biens occupés par le ministère des armées ;

– des biens situés à l’étranger ;

– des biens trop spécifiques : musées, cathédrales, barrage, etc.

Elle serait donc en charge d’un parc d’environ vingt millions de mètres carré, sur les 96 millions occupés par les services de l’État et ses opérateurs.

2.   Retenu par plusieurs pays européens, le système de la foncière publique assurera une gestion plus vertueuse du parc immobilier de l’État

a.   Le choix de la foncière publique a été retenu par plusieurs pays européens

À l’initiative de la DIE, une étude comparative sur l’immobilier public européen, financée par l’Union européenne, a été confiée en septembre 2021 aux cabinets de conseils Ernst & Young (EY) et Jones Lang LaSalle (JLL).

Il en ressort que le principe de gratuité de l’occupation par les services, pratiqué en France, est une exception : la plupart des pays ont instauré un système de loyers payés par les administrations occupantes afin de baisser les coûts du parc et d’augmenter l’efficience de ce dernier, dans un contexte général de dégradation des finances publiques.

En outre, dans plusieurs pays européens, la propriété de la majorité des biens de l’État a été transférée à une agence chargée de la gestion du parc, la mise en place de loyers permettant de mettre en œuvre le principe de distinction entre État propriétaire et services occupants.

Les trois modèles de gestion des parcs immobiliers des États européens

Source : Étude comparative sur la gestion de l’immobilier d’État en Europe, EY et JLL, juin 2022.

b.   La foncière devra assurer une gestion plus vertueuse de l’immobilier de l’État

Il est attendu de la mise en place d’une foncière une meilleure prise en compte des intérêts de l’État propriétaire. Ce dernier sera incarné par la foncière, portant la responsabilité de la qualité du parc qu’elle garantira grâce à la perception des loyers payés par les occupants et par sa capacité à emprunter. La foncière publique aurait, en outre, plus de facilités à s’inscrire dans une logique de moyen-long terme en se détachant du temps politique et de l’annualité budgétaire.

Source : Secrétariat général du Conseil de l’immobilier de l’État.

Les ministères occupants assumeront les charges de gestion courante, en s’assurant de la juste adéquation des solutions immobilières aux besoins des services. À ce titre, le paiement d’un loyer constituera un signal-prix qui devra inciter les services occupants à optimiser leur occupation du parc, notamment par la réduction des surfaces utilisées.

En outre, le transfert de la propriété d’une partie du parc immobilier de l’État à une structure unique permettra de rationaliser les coûts immobiliers par la mutualisation des fonctions support et des marchés d’entretien et de maintenance.

Enfin, la Constitution d’une foncière sera de nature à renforcer la professionnalisation de la gestion du parc immobilier de l’État, notamment grâce à la souplesse du recrutement et de la gestion des carrières tenant à l’application d’un statut droit privé ([8]). Ainsi, le personnel de l’AGILE, société anonyme, est déjà presque exclusivement constitué de salariés de droit privé, professionnels de l’immobilier. La réforme permettra également d’harmoniser les pratiques professionnelles, alors que la fonction immobilière souffre actuellement d’une grande diversité des modes d’organisation et de gestion selon les ministères.

3.   Alors que le projet de foncière publique est en phase d’élaboration, certains points d’attention méritent d’être soulignés

a.   Sur le statut juridique de la foncière

À l’issue des auditions menées par le rapporteur spécial, celui-ci relève des arguments en faveur tant du statut d’EPIC que de celui de société anonyme.

Le statut d’EPIC présente certaines facilités, au regard notamment des règles de domanialité publique : personne morale de droit public, un EPIC pourrait se voir transférer la propriété d’immeubles du domaine public sans procédure de désaffectation ([9]). En outre, le choix d’un EPIC semble plus susceptible de faire l’objet d’un consensus politique que le transfert de la propriété d’une partie du parc immobilier de l’État à une société de droit privé, même entièrement détenue par l’État.

Le rapporteur note toutefois qu’une société anonyme bénéficierait d’une plus grande souplesse de gestion, notamment en termes de capacité d’endettement, de trésorerie et d’ingénierie financière. Il souligne que c’est le statut de société anonyme qui a été choisi pour l’AGILE.

Dès lors, si le statut d’EPIC sera très vraisemblablement celui retenu dans le cadre du projet lancé en 2025, le rapporteur spécial considère qu’il serait préférable que la foncière pour l’immobilier de l’État soit constituée sous le statut de société anonyme.

b.   Sur le périmètre de la foncière

Le périmètre retenu à ce stade par la DIE représenterait environ 21 % de la surface occupée par les services de l’État et ses opérateurs.

Si le rapporteur spécial soutient cette ambition, il considère que l’extension du modèle de la foncière à d’autres pans de l’immobilier de l’État pourrait être envisagée dans un second temps.

Il relève que certains biens présentent des spécificités qui pourraient justifier leur exclusion du périmètre de la foncière : biens situés à l’étranger, parc du ministère des armées, biens culturels, siège des pouvoirs publics, etc.

Pour autant, l’une des conditions au succès de la foncière publique tient à ce que cette dernière ne constitue pas qu’une strate supplémentaire de la politique immobilière de l’État. Le rapporteur spécial identifie à ce titre une double difficulté :

–  d’une part, le risque que l’efficacité de la foncière, notamment pour inciter les ministères à entretenir leur parc immobilier, soit entravée par un périmètre restreint ;

– d’autre part, le risque que la Constitution d’une foncière ne gérant qu’une partie du parc complexifie la politique immobilière de l’État, qui souffre déjà d’un éclatement des supports.

Les biens immobiliers à l’étranger

Le MEAE gère près de 1 878 biens à l’étranger, pour une surface de près de 1 574 millions de mètres carré et une valorisation estimée en 2021 à 4,17 milliards d’euros.

En 2021, le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le PLF 2022, Monsieur Christophe Di Pompeo, appelait le MEAE à consolider sa politique immobilière à l’étranger, et notamment :

– à élaborer des schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI) pour le plus grand nombre de pays en commençant par les plus importants. Le MEAE a aujourd’hui un programme de réalisation de 23 SPSI « pays », représentant 70 % de la surface totale du parc immobilier de l’État à l’étranger et 50 % de sa valeur, dont 13 ont déjà été approuvés ;

– à envisager la suppression de la commission interministérielle chargée d’émettre un avis sur les opérations immobilières de l’État à l’étranger (CIME) et l’intégration de l’évaluation des opérations immobilières à l’étranger au sein de la conférence nationale de l’immobilier public.

c.   Sur les loyers versés par les services occupants

Le rapporteur spécial souligne que la foncière devra, dans le cadre de ses relations contractuelles avec les services occupants, appliquer des loyers de marché. Ces derniers constitueront en effet une incitation pour les services occupants à mesurer le coût réel des moyens mobilisés pour répondre à leurs besoins : les ministères seront donc conduits à rationaliser leur occupation de l’espace et à optimiser leur gestion immobilière.

d.   Sur le calendrier de déploiement de la réforme

Le rapporteur spécial insiste sur la nécessaire progressivité de la réforme du mode de gestion du parc immobilier de l’État. Incontournable, la mise en place d’une foncière publique ne doit pas pour autant être précipitée.

La Cour des comptes estimait que ce projet, qui constituait l’un des trois scénarios envisagés dans son rapport sur la politique immobilière de l’État, « nécessite[ait] un travail d’expertise approfondi afin d’en anticiper toutes les conséquences » ([10]).

La réforme de la foncière doit également faire l’objet d’une préfiguration : c’est le rôle du pilote qui sera mis en service au cours de l’année 2025. Le rapporteur spécial recommande toutefois d’envisager l’extension du périmètre du pilote à des zones géographiques de marché en tension, la pertinence du modèle ne pouvant pas être démontrée sur un portefeuille d’actifs d’une trop faible valeur de marché.


   EXAMEN EN COMMISSION

 

Au cours de sa réunion du 31 octobre 2024, la commission des finances a examiné les crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

Suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, la commission a adopté les crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État.

 

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur spécial. Recouvrant 95 millions de mètres carrés de surface bâtie et 40 000 kilomètres carrés de terrains non bâtis, le parc immobilier de l’État constitue non seulement un support matériel aux missions de ce dernier, mais également un outil de modernisation de l’action publique. Il représente en outre une piste de redressement des comptes publics, que sert l’objectif de réduction des surfaces occupées par les services de l’État et de ses opérateurs.

Ce sont précisément ces objectifs que cherche à satisfaire le compte d’affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l’État. Il permet en effet de mutualiser les recettes issues de la cession de biens immobiliers et des produits de redevances domaniales et de loyers, pour financer des dépenses d’entretien à la charge du propriétaire et des opérations immobilières structurantes au profit de l’État et de ses opérateurs. Il comprend deux programmes, dont un seul, le 723, est abondé.

Les recettes du CAS s’élèveraient en 2025 à 340 millions d’euros, dont 230 millions de produits de cessions immobilières et 110 millions issus des redevances et loyers perçus par l’État.

Les 660 cessions attendues en 2025 restent donc la première source de financement du CAS. La complexité des prévisions en matière immobilière crée toutefois une forte incertitude sur ses recettes et son équilibre financier. Le montant des cessions serait ainsi le même en 2025 qu’en 2024, alors que plus d’une centaine de ventes supplémentaires devraient être conclues.

Le montant des redevances domaniales et loyers resterait lui aussi stable par rapport à 2024. Ces recettes constituent la seconde source de financement du CAS, la direction de l’immobilier de l’État s’étant engagée dans une démarche de dynamisation des redevances et loyers.

Je note avec intérêt que l’État cherche à diversifier ses modes de valorisation des biens immobiliers, pour sortir de la binarité habituelle entre vente et location classique. Il a ainsi conclu en 2023 un bail emphytéotique sur l’immeuble Pyramides du 1er arrondissement de Paris, pour un montant de 65 millions d’euros et pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans, à l’issue de laquelle il redeviendra propriétaire du bien.

Les dépenses du CAS s’élèveraient également, comme en 2024, à 340 millions. Ces crédits sont alloués prioritairement aux dépenses dites du propriétaire, à concurrence de 60 %, 137 millions étant affectés aux dépenses de gros entretien, de réhabilitation, de mise en conformité et de remise en état des biens existants.

En parallèle, le CAS soutient, à hauteur de 140 millions d’euros, des opérations immobilières d’envergure visant à augmenter la valeur vénale du parc. La principale d’entre elles sera le projet Quai d’Orsay XXI du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, évalué à 70 millions d’euros. Ce projet aura vocation à moderniser les locaux du ministère afin d’améliorer les conditions de travail des agents, de renvoyer une image contemporaine de la diplomatie française et de répondre aux enjeux de la transition environnementale.

Enfin, j’ai souhaité inscrire ce rapport spécial dans une logique prospective, pour rendre compte du moment charnière que traverse la politique immobilière de l’État. Inadapté à la prise en compte des intérêts de l’État propriétaire, le mode actuel de gestion du patrimoine ne garantit pas une gestion vertueuse du parc. Si la pertinence du CAS tient à son dispositif dérogatoire permettant l’affectation des recettes tirées du parc aux dépenses y afférent, elle ne suffit pas à en faire un outil efficace, en raison de son ampleur limitée et de ses perspectives financières fragiles.

Aussi, je salue le projet de création d’une foncière publique, que le Conseil de l’immobilier de l’État demande depuis longtemps et qui a été annoncée en février 2024 par notre collègue Thomas Cazenave, alors ministre délégué aux comptes publics. Chargée de la gestion d’une partie du parc qui lui aura été transférée en pleine propriété, cette foncière incarnera un mode de gestion responsable, durable et sobre. Un premier dispositif pilote devrait être mis en service en 2025. Si je soutiens pleinement cette ambition, je tiens à soulever deux points d’attention. D’abord, le choix du statut juridique de la foncière et son périmètre méritent d’être questionnés. Ensuite, j’insiste sur la nécessité d’appliquer des loyers de marché, pour que les ministères soient incités à optimiser leur gestion immobilière en rationalisant leur occupation de l’espace.

Je conclurai par un appel à la prudence : bien qu’incontournable à mes yeux, la réforme de la foncière publique ne doit pas être précipitée. Elle mérite une expertise approfondie et un travail préliminaire permettant de tester véritablement la pertinence du modèle.

Mme Véronique Louwagie, présidente. J’entends donc que des améliorations restent possibles pour rendre plus vertueuse la gestion du patrimoine de l’État. Vous vous réjouissez ainsi de la création d’une foncière immobilière. Au vu de la superficie en jeu, l’enjeu est effectivement de taille.

M. Jean-Paul Mattei, rapporteur spécial. J’insiste sur le fait que chaque utilisateur, chaque ministère doit réellement prendre conscience de la fonction de l’État propriétaire et garder à l’esprit que certaines surfaces ne sont pas forcément utiles. Nous verrons comment la future foncière prendra forme au fil des discussions budgétaires, mais il est urgent de faire évoluer les modes de gestion et d’inciter chacun à se responsabiliser.

 

La commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Gestion du patrimoine immobilier de l’État non modifiés.

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

 

Direction de l’immobilier de l’État (DIE)

– M. Alain Resplandy-Bernard, directeur

 M. Jérôme Bonherbe, sous-directeur Gouvernance, financement et supports

 

Agence de gestion de l’immobilier de l’État (AGILE)

– M. Lionel Tenette, directeur des relations institutionnelles et de la communication

 

Conseil de l’immobilier de l’État

– M. Bruno Bossard, secrétaire général

 

Cour des Comptes

– M. Emmanuel Giannesini, conseiller maître

– M. Emmanuel Bichot, conseiller maître

– M. Thomas Basset, conseiller référendaire en service extraordinaire

– M. Louis-Paul Pelé, conseiller référendaire en service extraordinaire

 

Le rapporteur spécial a également reçu une contribution de la Direction des immeubles et de la logistique (DIL) du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

 

*

*     *

 


([1]) Le maintien de ce programme est justifié par le respect des articles 20 et 7 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), en vertu desquels un CAS constitue une mission et comprend à ce titre au moins deux programmes.

([2]) Ainsi, 41 % des 660 biens dont la cession est attendue en 2025 devaient initialement être cédés en 2023 ou en 2024.

([3]) En 2023, le montant total des décotes accordées s’élève à 12,5 millions d’euros.

([4]) La cour de cassation a récemment requalifié en bail emphytéotique administrative (BEA) un bail emphytéotique du code rural conclu par une commune sur son domaine privé au motif que la nature de l'activité exercée sur ce terrain (production photovoltaïque) était d'intérêt général (Cass. 3e civ., 15 juin 2023, n° 21-22.816). Le tribunal des conflits a au contraire considéré que le contrat relevait du droit privé (TC, 9 oct. 2023, n° C4284).

([5]) Cour des comptes, Analyse de l’exécution budgétaire 2023. Compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », avril 2024.

([6]) Cette réduction résulterait du passage du ratio actuel d’occupation des bureaux de 24,5 m2 par agent à celui du plafond fixé par la circulaire de la Première ministre du 8 février 2023 à 18 m2 de SUB par résident.

([7]) Cour des comptes, La politique immobilière de l’État. Une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023.

([8]) Le personnel des EPIC est essentiellement soumis au droit du travail. Les fonctionnaires pourraient toutefois rester en position normale d’activité.

([9]) En vertu de l’article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens relevant du domaine public sont inaliénables et imprescriptibles. L’article L. 3112-1 du même code prévoit toutefois qu’ils peuvent être cédés à l’amiable, sans déclassement, à une autre personne publique.

([10]) Cour des comptes, La politique immobilière de l’État. Une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023, p. 92.