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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),
PAR M. Charles de COURSON,
Rapporteur général
Député
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ANNEXE N° 28
IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION
Rapporteurs spéciaux : MM. Mathieu LEFÈVRE et Charles RODWELL
Députés
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SOMMAIRE
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Pages
PRINCIPALES OBSERVATIONS Des RAPPORTEURs SPÉCIAux
A. LES HYPOTHÈSES RETENUES À L’APPUI DE LA CONSTRUCTION BUDGÉTAIRE
1. Les hypothèses d’évolution des crédits retenues pour 2025
a. Une diminution significative des crédits
3. Pour l’OFPRA, une stabilité des crédits malgré une hausse des effectifs
1. La rétention administrative : des crédits d’entretien et d’investissement en diminution
b. Des crédits d’investissement en baisse malgré le déploiement du plan « CRA 3 000 »
c. Les crédits d’intervention sont stables
1. Le financement de l’OFII par l’action 11
2. Le niveau des effectifs et l’organisation des formations linguistiques
a. Le niveau des effectifs de l’OFII
b. La mise en œuvre des formations linguistiques
1. Le financement des mesures traditionnelles d’intégration des primo-arrivants
2. Le programme AGIR : des crédits en hausse, un déploiement progressif
2. L’action n° 14 Accès à la nationalité française
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 50 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances. |
PRINCIPALES OBSERVATIONS Des RAPPORTEURs SPÉCIAux Les crédits demandés dans le projet de loi de finances pour 2025 au titre de la mission Immigration, asile et intégration s’établissent à 1 730,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 2 047,8 millions d’euros en crédits de paiement. Ces montants, accordés au ministère de l’intérieur et à ses deux opérateurs, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), sont en recul de 34,8 millions d’euros en autorisations d’engagements (– 2 %) et de 108,5 millions d’euros en crédits de paiement (– 5 %) par rapport à ceux figurant dans la loi de finances pour 2024. Les crédits de cette mission reposent sur le programme 104 Intégration et accès à la nationalité française, doté de 369,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 366,4 millions d’euros en crédits de paiement, et le programme 303 Immigration et asile, doté de 1 360,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 681,3 millions d’euros en crédits de paiement. Les crédits du programme 104 connaissent un important recul (‑ 62 millions d’euros en autorisations d’engagement et – 65 millions d’euros en crédits de paiement, soit – 15 %) principalement imputable à un rebasage des crédits dédiés au financement du programme AGIR, portés par l’action 12 Intégration des étrangers primo-arrivants, à leur niveau d’exécution prévisionnel 2024. Les rapporteurs spéciaux considèrent que cette baisse est problématique dans la mesure où elle s’appuie sur une réalisation exceptionnelle de plus de 80 millions d’euros en matière de fonds de concours européens, réalisation qui ne se reproduira probablement pas à ce niveau en 2025. La baisse des crédits du programme 104 affecte également l’action 16 Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (– 8 millions d’euros par rapport à 2024). Cette diminution est liée à une mesure de transfert de crédits vers le programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires. La pertinence de maintenir une action finançant les foyers de travailleurs migrants au sein de ce programme 104 interroge. À l’inverse, les crédits de l’action 11 sont en progression de 22,3 millions d’euros et s’établissent à 268,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette évolution correspond à l’augmentation de la subvention pour charges de service public de l’OFII. La hausse n’a cependant pas d’impact réel sur le financement de l’opérateur, car elle vient compenser une diminution équivalente attendue des fonds européens perçus par l’OFII par rapport à 2024. Enfin, l’action 14 Accès à la nationalité française est stable en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, à 1,36 million d’euros. Elle porte uniquement les moyens de fonctionnement de la sous-direction de l’accès à la nationalité française (SDANF) au sein de la direction de l’intégration et de l’accès à la nationalité du ministère de l’intérieur. Cette action aurait davantage sa place au sein du programme 216 Conduite et pilotage des politiques publiques du ministère de l’Intérieur. Sans véritable enjeu politique ni budgétaire, les crédits de cette action ne seront pas commentés dans le cadre du présent rapport. Les crédits du programme 303 se caractérisent par une légère hausse en autorisations d’engagement (27 millions d’euros, 2 %) et une diminution des crédits de paiement dans une proportion similaire (– 43,8 millions d’euros, – 2,5 %). La hausse des autorisations d’engagement du programme se décompose en deux évolutions de crédits opposées, l’une portée par l’action 2 Garantie du droit d’asile avec 134 millions d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires, l’autre par l’action 3 Lutte contre l’immigration irrégulière, avec au contraire 127 millions d’euros de baisse par rapport à 2024. En ce qui concerne l’action 2, l’augmentation des autorisations d’engagement est due principalement à l’inscription d’autorisations budgétaires pour couvrir en 2025, des places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) en Île-de-France. En ce qui concerne l’action 3, la diminution de 115 millions d’euros porte sur les crédits d’investissement dédiés au plan CRA 3 000. Les rapporteurs spéciaux sont fermement opposés à la réduction importante de ces moyens pourtant nécessaires à la bonne mise en œuvre des décisions d’éloignement. Cette diminution ne permet pas de tenir la trajectoire prévue par la loi d’orientation du ministère de l’Intérieur (LOPMI). Les rapports ont donc proposé un rétablissement de ces crédits, en suggérant plusieurs pistes d’économies dans une logique de sérieux budgétaire (cf. infra). La diminution des CP du programme s’explique essentiellement par les éléments suivants : L’action 2 supporte une baisse de 50 millions d’euros portant sur les crédits du parc d’hébergement des demandeurs d’asile et des réfugiés. Cette diminution est en réalité de 70 millions d’euros dans la mesure où la ligne finance par ailleurs une mesure nouvelle : l’augmentation de 20 millions d’euros au titre de la revalorisation salariale des salariés du secteur privé non lucratif. La dotation prévue pour le financement de l’allocation pour demandeur d’asile est quant à elle affichée en hausse de 59 millions d’euros. Toutefois, cette année est prévue dès le projet de loi de finance initiale une dépense de 106,8 millions d’euros pour le financement de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) accordée aux bénéficiaires de la protection temporaire (BPT), ce dont se félicitent les rapporteurs. Aussi, la hausse des crédits ADA masque en réalité un effort en économie de près de 48 millions d’euros. L’action 3 propose une importante baisse des crédits de paiement en matière d’investissement. Le plan CRA 3 000 subit un freinage important pour 2025, de l’ordre de 46 millions d’euros en CP. Les dépenses de fonctionnement des CRA diminuent également de 15 millions d’euros, avec en outre la suppression d’une partie des crédits du dispositif d’hébergement des familles en attente d’un éloignement, dit DPAR, qui mobilisait pourtant 20 millions d’euros en 2024. Si les rapporteurs spéciaux saluent certaines améliorations prévues par le projet de budget pour 2025, comme la budgétisation initiale des crédits prenant en charge l’accueil des protégés temporaires en provenance d’Ukraine ou l’augmentation des moyens consacrés aux systèmes d’information, ils s’inquiètent de la diminution des crédits d’investissement en faveur de l’ouverture de nouvelles places de CRA. Par ailleurs, ils considèrent comme peu réalistes les efforts en dépenses demandés tant en ce qui concerne le financement de l’ADA qu’en matière de parc d’hébergement des demandeurs d’asile et craignent que cette budgétisation ne conduise à des impasses budgétaires en cours d’année Les rapporteurs spéciaux sont favorables à certains ajustements : – rehausser le niveau des crédits d’investissement dédiés au plan CRA 3 000 afin de les porter à 140 millions d’euros en autorisations d’engagement et 90 millions d’euros en crédits de paiement, et assurer ainsi les efforts prévus par la Loi d’Orientation et de Programmation du Ministère de l’Intérieur (LOPMI) ; – ouvrir la possibilité par décret de moduler à la baisse l’ADA lorsque le demandeur est issu d’un pays d’origine sûr ; – augmenter de 55 à 200 euros le droit de timbre perçu à l’occasion des demandes d’accès à la nationalité française et augmenter la taxe perçue à l'occasion de la délivrance d'un titre de séjour ([1]) ; – clarifier le CESEDA afin de permettre la mise en œuvre de l’article L. 333-5 qui permet de faire supporter une partie des dépenses d’accueil des étrangers maintenus en zone d’attente par les transporteurs ayant procédé à leur acheminement ; – créer un nouvel indicateur pour le programme 303 afin de renforcer l’information des parlementaires sur les moyens d’arrivée des migrants sur l’île de Mayotte ; – prévoir la remise par le Gouvernement d’un rapport portant sur les financements publics accordés aux associations qui œuvrent dans le champ de la mission Immigration, asile et intégration et le lancement d’un audit complet du parcours d'intégration, notamment du programme AGIR.
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Évolution en 2025 DES CRÉDITS DE LA MISSION par rapport À 2024 (en millions d’euros)
Source : projet annuel de performances. Opérateurs dans le périmètre du rapport spécial : ● Office français de protection des réfugiés et apatrides – OFPRA : 107,9 millions d’euros (programme 303) ; ● Office français de l’immigration et de l’intégration – OFII : 635,3 millions d’euros répartis entre le programme 104 (275,8 millions d’euros) et le programme 303 (359,6 millions d’euros). Nombre d’équivalents temps plein travaillé (ETPT) : 2 258 emplois sous plafond (2 263 en 2024, – 5 ETPT) : ● OFPRA : 1 065 (+ 29 par rapport à 2024) ; ● OFII : 1 193 (– 34 par rapport à 2024).
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Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration figurant au projet de loi de finances pour 2025 s’établissent à 1 730 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 2 047,7 millions d’euros en crédits de paiement (CP) en recul de 34,8 millions d’euros en AE (– 2 %) et de 108,7 millions d’euros en CP (– 5 %) par rapport à ceux inscrits dans la loi de finances pour 2024.
Ces crédits sont légèrement supérieurs à ceux mentionnés dans le rapport annexé à la loi n° 2023‑22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur ([2]) et sont cohérents avec ceux inscrits dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ([3]).
Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration reposent sur les programmes 104 Intégration et accès à la nationalité française (369 millions d’euros en AE et 364 millions d’euros en CP) et 303 Immigration et asile (1 360,6 millions d’euros en AE et 1 681,3 millions d’euros en CP).
Les crédits de la mission figurant dans le PLF permettent d’assurer la délivrance de conditions matérielles pour l’accueil des demandeurs d’asile, de contribuer au renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière à travers la construction et le fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA) et de déployer une série d’actions visant à faciliter l’intégration des étrangers en situation régulière nouvellement arrivés sur le territoire (dits « primo-arrivants »).
Ces crédits s’inscrivent dans un contexte migratoire, juridique et budgétaire en perpétuelle évolution.
Le contexte migratoire est marqué notamment par un nombre de demandes d’asile qui, malgré une légère inflexion, se maintiendrait à un niveau élevé en 2025. Le basculement de la demande ukrainienne de la protection temporaire vers la demande d’asile et l’aggravation de certaines situations internationales comme à Haïti ou au Proche-Orient auraient pour conséquence un afflux toujours important de personnes déplacées.
Le contexte juridique est caractérisé par l’application d’évolutions jurisprudentielles qui auront un impact sur les crédits de la mission en 2025. On peut citer par exemple la jurisprudence du Conseil d’État ([4]) qui, à la suite d’une jurisprudence européenne ([5]), a fortement limité la possibilité pour les forces à la frontière de réaliser des refus d’admission. Les rapporteurs spéciaux le regrettent fortement et ils ont pu mesurer l’impact de ces évolutions lors d’un déplacement dans les Alpes-Maritimes. En cas d’afflux important à la frontière, le dispositif humain actuellement déployé serait rapidement et absolument dépassé. Le rapporteur spécial Charles Rodwell rappelle également une décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) du 11 juillet 2024 indiquant que, désormais, l’ensemble des femmes afghanes peuvent obtenir le statut de réfugiées du seul fait de leur appartenance au groupe social des femmes afghanes.
Le contexte règlementaire a par ailleurs été marqué depuis le vote du projet de loi de finances pour 2024 par la promulgation de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration et par l’adoption définitive du pacte de l’Union européenne sur la migration et l’asile le 14 mai 2024. S’il est impossible de déterminer les conséquences budgétaires exactes de ces évolutions, nul doute qu’elles entraîneront l’allocation de moyens supplémentaires en terme de lutte contre l’immigration irrégulière.
Enfin, ce panorama ne serait pas complet s’il n’évoquait pas le contexte budgétaire français. Dès le début de l’année 2024, l’aggravation des prévisions de déficit pour 2023 a conduit le précédent gouvernement à opérer un freinage très important des dépenses des différents ministères. Pour ce qui est de la mission Immigration, asile et intégration, le décret d’annulation présenté en février 2024 ([6]) a annulé 175 millions d’euros en AE et CP. Un plan d’économie complémentaire de 10 milliards d’euros avait par ailleurs été annoncé en avril de cette même année. Pour 2025, la nouvelle aggravation de la prévision de déficit pour 2024, qui serait supérieur à 6 % du PIB, a conduit le gouvernement à proposer un effort de 60 milliards d’euros, dont 40 milliards porteraient sur une baisse de la dépense publique. Le projet de budget pour 2025 s’inscrit bien dans ce cadre, avec un effort en crédits de paiement sur la mission Immigration, asile et intégration évalué par les rapporteurs à 200 millions d’euros.
Les crédits de la mission Immigration, asile et intégration sont complétés par ceux figurant dans d’autres missions du budget de l’État. Ainsi le document de politique transversale Politique française de l’immigration et de l’intégration recense dix‑neuf programmes budgétaires (répartis entre douze missions) soutenant les actions de l’État en lien avec l’asile, l’immigration et l’intégration pour un montant cumulé s’établissant à 7,7 milliards d’euros en CP.
La mission Immigration, asile et intégration demeure cependant une dépense budgétaire centrale en matière d’interventions de l’État en lien avec les étrangers.
I. L’analyse des crÉdits du programme 303 rÉvÈle des Économies importantes sur le DNA et la lutte contre l’immigration irregulière
Le programme 303 regroupe les moyens des politiques relatives à l’entrée, à la circulation, au séjour et au travail des étrangers, à l’éloignement des personnes en situation irrégulière et au droit d’asile.
Les crédits du programme 303 s’établissent à 1 360,6 millions d’euros en AE et à 1 681,3 millions d’euros en CP, soit des montants en légère hausse en AE (+ 27 millions d’euros, +2 %) et en légère baisse en CP (– 43,8 millions d’euros, – 2,5 %) par rapport à 2024. Ces crédits représentent une part prépondérante (82 % en CP) des dépenses de la mission.
Ces montants sont ainsi répartis :
Ventilation des crÉdits du programme 303 par action
(en millions d’euros)
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution en valeur absolue |
Évolution 2023‑2024 (en %) |
||||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
303 Immigration et asile |
1 333,4 |
1 725,1 |
1 360,6 |
1 681,3 |
27 219,3 |
– 43,8 |
2 % |
– 3 % |
Action 1 Circulation des étrangers et politique des visas |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0,5 |
0 |
0 |
0 % |
0 % |
Action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile |
975,6 |
1 407,2 |
1 098,8 |
1 404,5 |
123,2 |
– 2,65 |
13 % |
0 % |
Action 3 Lutte contre l’immigration irrégulière |
299,9 |
260,7 |
173,4 |
199,3 |
– 126,6 |
– 61,4 |
– 42 % |
– 24 % |
Action 4 Soutien |
57,3 |
56,7 |
87,9 |
76,9 |
30,6 |
20,2 |
53 % |
36 % |
Source : projet annuel de performances 2025.
En 2024, la maquette budgétaire du programme 303 est stable. Toutefois, les rapporteurs spéciaux s’interrogent sur la pertinence du maintien de l’action 1 Circulation des étrangers et politiques des visas au sein de ce programme. Ces crédits qui financent uniquement des dépenses de fonctionnement de l’administration pour moins de 600 000 euros auraient davantage leur place au sein de l’action 8 Immigration, asile et intégration, du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ([7]).
Depuis 2017, les crédits de paiement du programme 303 ont ainsi évolué :
évolution des crédits de paiement du programme 303 par action
entre 2017 et 2024
(en millions d’euros)
|
Action 1 Circulation des étrangers et politique des visas |
Action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile |
Action 3 Lutte contre l’immigration irrégulière |
Action 4 Soutien |
Total des crédits examinés |
2017 (exécutés) |
0,6 |
1 136 |
76,1 |
25,4 |
1 238 |
2018 (exécutés) |
0 |
1 109,5 |
100,9 |
41,4 |
1 252 |
2019 (exécutés) |
0 |
1 287,9 |
109,3 |
29,9 |
1 427 |
2020 (exécutés) |
0,6 |
1 292,1 |
102,5 |
2,9 |
1 398,1 |
2021 (exécutés) |
0,42 |
1 233,41 |
118,41 |
11,95 |
1 364,19 |
2022 (exécutés) |
0,36 |
1 595,8 |
121,7 |
18,9 |
1 736,9 |
2023 (exécutés) |
0,52 |
1 267,4 |
169,5 |
28,5 |
1 465,8 |
LFI 2024 |
0,52 |
1 407,2 |
260,7 |
56,7 |
1 725,1 |
PLF 2025 |
0,52 |
1 404,5 |
199,3 |
76,9 |
1 681,3 |
Variation 2017‑2025 |
– 13 % |
+ 24 % |
+ 162 % |
+ 203 % |
+ 35,8 % |
Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.
L’évolution de la maquette budgétaire entre 2023 et 2024 nuance cependant la pertinence des comparaisons pour les actions 2 et 4 ([8]).
A. LES HYPOTHÈSES RETENUES À L’APPUI DE LA CONSTRUCTION BUDGÉTAIRE
1. Les hypothèses d’évolution des crédits retenues pour 2025
Selon le projet annuel de performances, l’hypothèse d’évolution de la demande d’asile retenue pour la programmation budgétaire est fondée sur une prévision d’augmentation de 5 % en 2025 après une année 2024 qui se caractériserait par une baisse des flux de demandes de 5 % par rapport à 2023. Le nombre de demandes d’asile introduites en guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA) s’établirait ainsi à environ 147 300 demandes en 2025. Toutefois, les réponses aux questionnaires budgétaires des rapporteurs spéciaux indiquent que, dans le cadre d’une évolution saisonnière habituellement constatée à la hausse en fin d’année, la demande d’asile est évaluée à 145 000 premières demandes d’asile sur l’année 2024.
L’hypothèse retenue en matière de délai de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA repose sur le respect d’un délai moyen de 125 jours. En 2024, le délai est en moyenne de 132 jours sur les huit premiers mois de l’année, mais il a atteint un point bas à 127 jours sur l’année 2023. Selon le ministère de l’intérieur, et grâce au recrutement de 29 officiers de protection supplémentaires, l’OFPRA devrait être en capacité de rendre plus de 160 000 décisions en 2025 et 165 000 à partir de 2026. Selon le Gouvernement, l’Office pourrait ainsi réduire le délai d’instruction pour atteindre l’objectif de 60 jours en 2027, si la demande d’asile annuelle évolue de manière modérée (progression de moins de 5 % par an). Ces cibles paraissent optimistes, d’autant qu’il a été constaté que l’activité opérationnelle de l’OFPRA est inférieure, en 2024, à la cible de 155 000 décisions qui lui avait été assignée (tout en étant a priori légèrement supérieur à 140 000 décisions) et qu’elle s’établit pour 2023 à 138 800 décisions.
Au-delà, en 2025, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) devrait stabiliser le nombre de décisions rendues en 2024, soit un peu plus de 66 000 décisions, et son délai de jugement moyen de 161 jours (5,3 mois). À noter que le taux de recours contre les décisions de rejet prises par l’OFPRA s’est établi en 2023 à 88 %, en nette augmentation par rapport à 2022 (81 %).
Le délai global moyen de traitement des demandes d’asile qui inclut le passage en guichet unique pour demandeurs d’asile (intervenant avant l’OFPRA) et l’éventuelle saisine de la Cour nationale du droit d’asile (intervenant après l’OFPRA) a atteint un niveau historiquement bas en août 2024, à 9,1 mois. Il demeure néanmoins supérieur à l’objectif de 6 mois fixé par les Gouvernements successifs. Les rapporteurs saluent, en tout état de cause, l’amélioration significative des délais d’instruction des demandes depuis 2017 et font valoir que les dispositions introduites par la loi CLAI devraient permettre de poursuivre ce mouvement.
Le tableau suivant permet de visualiser l’état de la demande d’asile. L’on constate que les 10 premières nationalités représentent 60 % de la demande d’asile, et que l’Afghanistan et l’Ukraine sont en tête des nationalités avec des taux de protection très élevés, devant trois pays d’Afrique subsaharienne que sont la Guinée, le Congo et la Côte d’Ivoire.
NATIONALITÉS DES PRINCIPAUX DEMANDEURS D’ASILE EN FRANCE
Dix premières nationalités des demandeurs d’asiles – sur les 9 premiers mois de l’année 2024 |
Taux de protection correspondant – données 2023 ([9]) |
Afghanistan – 9,9 % des demandes |
69,3 % |
Ukraine – 8,3 % des demandes |
85,9 % |
Guinée – 8,1 % des demandes |
32 % |
République démocratique du Congo – 7,2 % des demandes |
28,5 % |
Côte d’Ivoire – 7,1 % des demandes |
29,3 % |
Bangladesh – 4,5 % des demandes |
7,6 % |
Turquie – 4,4 % des demandes |
17,2 % |
Haïti – 4,3 % des demandes |
36,3 % |
Soudan – 3,8 % des demandes |
58,9 % |
Géorgie – 2,3 % des demandes |
7,1 % |
Source : OFPRA.
Enfin, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, la prévision d’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) des bénéficiaires de la protection temporaire a été évaluée à 106,8 millions d’euros. Cette prévision permet d’améliorer la sincérité du budget présenté au Parlement. Le ministère a communiqué aux rapporteurs les sous-jacents de ce chiffrage. Au mois de juin 2024, 54 318 individus bénéficiaient de l’ADA dans le cadre de la protection temporaire, contre 64 622 en décembre 2023 et 81 885 en décembre 2022. La baisse s’expliquerait par des sorties importantes du dispositif lors des campagnes de renouvellement des autorisations provisoires de séjour (APS) au printemps et par des entrées moins importantes. Il est attendu une nouvelle baisse du nombre de bénéficiaires à l’automne en lien avec la nouvelle période de renouvellement des APS d’une durée de six mois. Sur cette base, environ 50 000 individus seraient bénéficiaires de l’ADA au 31 décembre 2024.
Les rapporteurs spéciaux considèrent que ces hypothèses sont globalement satisfaisantes.
En particulier, s’agissant de la demande d’asile attendue en 2025, l’anticipation retenue est en phase avec l’évolution récente du nombre de demandes d’asile. Selon les indications communiquées par M. Julien Boucher, directeur général de l’OFPRA, le nombre de demandes d’asile déposées auprès de cet établissement en 2024 devrait osciller entre 140 000 et 145 000 demandes. Le ralentissement de la croissance du nombre de demandes d’asile observé entre le 1er janvier et le 31 juillet 2024 (76 390 premières demandes ont été enregistrées en GUDA, soit une baisse de 6 % par rapport à la même période en 2023) serait liée à la mise en place des accords migratoire entre l’Italie et certains pays de départs. Sur les huit premiers mois de cette année, les arrivées de demandeurs d’asile en Italie par la mer ont diminué de 63 % par rapport à la même période en 2023. Le préfet des Alpes-Maritimes, rencontré par les rapporteurs à l’occasion d’un déplacement à la frontière franco-italienne le 4 octobre dernier, a confirmé cette tendance.
2. La construction budgétaire intègre désormais les dépenses relatives à l’accueil des protégés temporaires en provenance d’Ukraine
Contrairement à 2023 et 2024, les dépenses en faveur des protégés temporaires en provenance d’Ukraine appelées à être prises en charge par la mission Immigration, asile et intégration ne seront pas financées en gestion et bénéficient d’une inscription dans le projet de loi de finances, ce qui est bienvenu au regard de leur montant.
Il s’agit d’une recommandation que la Cour des comptes avait d’ailleurs formulée dans sa dernière note sur l’exécution budgétaire de la mission en 2023 ([10]).
La décision du Conseil de l’Union européenne de prolonger, pour une nouvelle période d’un an, la protection temporaire accordée à plus de 4 millions de personnes déplacées d'Ukraine, est parue au Journal officiel de l’Union européenne (UE) du 3 juillet 2024. Le mécanisme de protection temporaire a été déclenché le 4 mars 2022 et devait durer jusqu’au 4 mars 2025. La décision de prolonger à nouveau la protection temporaire (jusqu'au 4 mars 2026) intervient dans un contexte de volatilité de la situation en Ukraine ([11]). Elle ne modifie pas la décision 2022/382 en ce qui concerne les catégories de personnes auxquelles la protection s’applique.
Aujourd’hui, plus de 4,19 millions de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, dont un tiers sont des enfants, bénéficient de la protection temporaire dans l’Union européenne ([12]).
De plus, selon une étude conjointe réalisée par l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 53 % des personnes interrogées ont exprimé leur intention de retourner en Ukraine après la guerre, mais une part importante (30 %) hésite encore. Quelque 17 % des personnes interrogées sont sûres qu’elles n’y retourneront pas, les problèmes de sécurité dans le pays étant la principale raison de cette décision.
Ainsi, une part non négligeable des protégés ukrainiens souhaite s’installer durablement en dehors de leur pays d’origine. Cette tendance, couplée au conflit qui perdure, a progressivement conduit à un basculement des personnes de la protection temporaire, statut devant faire l’objet d’un renouvellement de leur autorisation provisoire de séjour (APS) tous les six mois, vers la demande d’asile de droit commun. Comme l’ont confirmé aux rapporteurs tant le directeur général de l’OFPRA que le directeur général des étrangers en France, en 2024, les Ukrainiens ont représenté la première nationalité de demandeurs d’asile, avant les Afghans ([13]).
En 2022, les dépenses engagées ont permis l’accueil d’environ 105 000 personnes de mars à décembre 2022. Sur l’année 2023, ce nombre est en retrait et se situe plutôt aux environs de 75 000 personnes. Au mois de juin 2024, en France, 54 318 personnes bénéficiaient de l’ADA dans le cadre la protection temporaire, contre 64 622 en décembre 2023 et 81 885 en décembre 2022.
Une nouvelle baisse du nombre de bénéficiaires est attendue à l’automne, en lien avec la période de renouvellement des APS d’une durée de six mois. Sur cette base, comme indiqué, environ 50 000 individus seraient bénéficiaires de l’ADA en fin d’année.
En 2022, année de prévision particulièrement difficile pour cette dépense, les frais d’accueil des personnes fuyant le conflit en Ukraine avaient été financés par un décret d’avance de 300 millions d’euros en avril 2022, pour une dépense qui s’était élevée en exécution à plus de 480 millions d’euros.
En 2023, les dépenses d’accueil en faveur des bénéficiaires de la protection temporaire ukrainiens se sont élevées à 321 millions d’euros.
En 2024, il est attendu une dépense d’hébergement de 124 millions d’euros et une dépense d’ADA d’environ 133 millions d’euros, soit un total de 257 millions d’euros.
Pour 2025, seule la prévision de dépense d’allocation a été transmise aux rapporteurs (106,7 millions d’euros).
B. Les crÉdits de l’action n° 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile traduisent unE contraction importante du parc d’hÉbergement des demandeurs d’asile
L’action n° 2, d’un montant de 1 098,8 millions d’euros en AE et de 1 404,6 millions d’euros en CP, finance l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile (642,2 millions d’euros en AE et 944,9 millions d’euros en CP), l’allocation pour demandeurs d’asile (353,4 millions d’euros en AE et en CP) et l’OFPRA (97,2 millions d’euros en AE et en CP).
Ces crédits sont quasiment stables en CP (– 2,65 millions d’euros) et progressent de 123 millions d’euros en AE. L’évolution de ces montants diffère selon les composantes de l’action n° 2 :
– les crédits soutenant l’allocation pour demandeur d’asile sont en augmentation de 60 millions d’euros en AE et en CP par rapport à 2024 ;
– les crédits finançant l’OFPRA sont en diminution de 10 millions d’euros en AE et en CP par rapport à 2023.
1. L’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile : une réduction importante de la capacité du dispositif national d’accueil après plusieurs années de croissance continue
Le PLF pour 2025 affecte 642,2 millions d’euros en AE et 947,9 millions d’euros en CP aux dépenses d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile, soit des montants en hausse de 78 millions d’euros en AE et en diminution d’environ 50 millions d’euros en CP par rapport à 2024.
Il convient de relever un alourdissement significatif des dépenses qui devront être supportées par cette ligne en 2025. En effet, le programme prévoit de supporter une augmentation de 20,3 millions d’euros au titre de la revalorisation salariale des salariés du secteur privé non lucratif prévu par l’accord du 4 juin 2024 de la branche associative, sanitaire, sociale et médico-sociale (BASS) agréé par le Gouvernement le 23 juin 2024.
Cela revient à dire que la hausse des AE, à dépenses constantes, n’est plus que de 58 millions d’euros, tandis que la baisse des CP frôle les 70 millions d’euros, comme le confirment les documents budgétaires ([14]).
a. Une diminution significative des crédits
Selon le projet annuel de performance l’augmentation des AE « est due principalement à l’inscription d’autorisations budgétaires pour couvrir en 2025, des places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (HUDA) en Île‑de‑France » ([15]) .
Plus précisément, la hausse des AE s’explique par le rythme d’exécution des marchés pluriannuels. La non-ouverture ou la fermeture programmée en 2025 de plus de 9 000 places de DNA (cf. infra) a un impact de ‑ 72 millions d’euros en CP, mais d’autres places maintenues ouvertes devront voir leur support juridique renouvelé, ce qui accroît de 54,2 millions d’euros les AE nécessaires.
Les rapporteurs spéciaux soulignent de nouveau que les dépenses engagées par l’État en faveur de l’hébergement des demandeurs d’asile ne se limitent pas à celles de l’action 2 du programme 303 puisqu’en 2024, des demandeurs d’asile continueront d’être hébergés – pour un montant non déterminé – hors du dispositif national d’accueil au sein des structures d’hébergement d’urgence de droit commun dont le financement relève du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires.
Les données figurant dans l’encadré suivant sont issues des réponses transmises par la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) au questionnaire d’audition des rapporteurs spéciaux.
Données relatives au nombre de personnes logées au sein du parc généraliste d’hébergement d’urgence de l’État
Les chiffres extraits du système d’information du service intégré d’accueil et d’orientation (SI SIAO) permettent d’estimer que près 16 500 personnes demandeuses d’asile (en cours de procédure) ont bénéficié d’un hébergement (au moins une nuit) financé sur le programme 177 en 2023, auxquels s’ajoutent près de 17 400 bénéficiaires de la protection internationale ([16]) . En ce qui concerne les étrangers bénéficiaires d’un titre de séjour, il n’existe pas de données disponibles.
Par ailleurs, la Dihal estime qu’entre 50 % et 60 % du parc est occupé par des personnes dont le statut administratif ne permet pas d’accès au logement. Cette catégorie recoupe une diversité de situations administratives : les étrangers en situation irrégulière dont les personnes déboutées du droit d’asile, mais également les demandeurs d’asile privés de conditions matérielles d’accueil, les ménages composés de membres disposant d’un statut administratif différent (ménage mixte), les détenteurs d’une carte de séjour temporaire ne permettant pas de sécuriser les bailleurs, les personnes disposant d’une autorisation provisoire de séjour avec des droits sociaux et économiques limités.
On peut donc estimer que le nombre de places occupées par des personnes qui devraient relever stricto sensu du DNA s’élève à environ 17 000, et que le nombre de places occupées par des publics cible de la mission Immigration, asile et intégration est d’environ 50 à 60 % du parc, ce qui correspond à environ 110 000 places.
Les rapporteurs spéciaux souhaitent disposer d’une vision plus précise de l’hébergement des demandeurs d’asile et, plus globalement, des personnes étrangères dans le dispositif d’urgence de droit commun.
b. Des conséquences importantes sur le nombre de places ouvertes et le nombre de personnes hébergées au sein du DNA
Les documents budgétaires renseignent comme suit l’évolution à la baisse des 72 millions d’euros de CP :
– 25 millions d’euros correspondent à 2 895 places qui n’ont pas été ouvertes ou reconstituées en 2024 ;
– 45 millions d’euros correspondent à l’équivalent de 6 429 places dont le financement ne sera pas prolongé en 2025 ([17]).
Par rapport à 2023, ce sont donc environ 9 000 places qui ne seront plus financées en 2025.
À ces chiffres, il convient d’ajouter que le parc d’hébergement ad hoc constitué pour accueillir les bénéficiaires de la protection temporaire ayant fui l’Ukraine n’est plus mentionné spécifiquement. Son imputation serait désormais effectuée sur la ligne budgétaire de l’HUDA.
Une moyenne de 12 608 places a été ouverte et financée sur le programme 303 au premier semestre 2024 pour héberger ces personnes déplacées d’Ukraine. Au second semestre 2024, il est prévu de mobiliser une moyenne de 10 670 places à un coût moyen de 28 euros.
En incluant ce parc réservé, ce sont près de 20 000 places dont le financement risque de ne plus être assuré par ce projet de budget, réduisant ainsi le dimensionnement du parc autour de 100 000 places.
Selon l’analyse effectuée par l’association La Cimade, c’est la première fois depuis sa création en 1976 que le dispositif national d’accueil connaît une telle diminution de ces capacités.
M. Lefèvre est favorable à un rehaussement de 25 millions d’euros des crédits dédiés au financement du dispositif national d’accueil afin de préserver un minimum de 5 000 places dédiées aux bénéficiaires de la protection temporaire[18].
Pour autant, la lecture des indicateurs de performance montre que le ministère maintient son objectif d’hébergement de 65 % des demandeurs d’asile hébergés dans un dispositif d’hébergement du programme 303, par rapport à l’ensemble des demandeurs d’asile éligibles aux conditions matérielles d’accueil.
Il est précisé par les documents budgétaires qu’en 2025, « dans un contexte budgétaire contraint qui pourra conduire à ajuster la capacité d’hébergement », cette cible reste accessible grâce à la poursuite des efforts visant à réduire la présence indue ainsi que le nombre de places indisponibles et vacantes.
En effet, lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, le directeur général des étrangers en France a insisté sur le gain de places qui avait été réalisé dans le cadre du dispositif existant. Entre 2022 et aujourd’hui, ce seraient 5 000 places qui auraient été rendues disponibles pour leur public cible, grâce à des mesures de réduction de la présence indue et de rénovation des locaux. Le directeur a néanmoins admis que la régulation proposée entraînera un ajustement du volume du parc qui irait au-delà de ces 5 000 places.
Le Gouvernement mentionne également l’impact de l’accroissement du niveau d’activité décisionnelle de l’OFPRA grâce au recrutement de 29 ETP dédiés à l’instruction des demandes d’asile en 2025.
De même, les cibles en matière de taux d’occupation du DNA par les demandeurs d’asile sont prévues en légère hausse en 2025 par rapport à la réalisation 2024 (80 % contre 79 %). Le Gouvernement indique que deux leviers seront mobilisés pour cela : l’accélération de la mise en œuvre de la procédure de référé « mesures utiles » (RMU) qui permet d’enjoindre les personnes déboutées au titre de leur demande d’asile à quitter le lieu d’hébergement et l’augmentation continue de l’activité du pôle protection de l’OFPRA qui permettra d’accélérer la reconstitution des documents d’état civil, nécessaires pour l’accès au logement des réfugiés, en particulier dans le cadre des dispositifs d’intermédiation locative. En 2024, l’activité de ce pôle est d’ailleurs en hausse de 25 % par rapport à 2023.
De façon plus anecdotique, la mention dans les documents budgétaires de l’économie de 2,1 millions d’euros générée par la non-reconduction du surcroît de crédits ouverts en LFI 2024 pour tenir compte de l’année bissextile témoigne de la tension très forte qui pèse sur les crédits d’hébergement des demandeurs d’asile pour 2025.
2. Le financement de l’allocation pour demandeurs d’asile : un effort en dépense malgré une hausse mathématique des crédits
L’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) est une allocation gérée par l’OFII et versée par l’Agence de services et de paiement, visant à répondre aux besoins de subsistance des demandeurs d’asile durant l’instruction de leur dossier. Cette allocation est ouverte sous conditions d’âge et de ressources aux demandeurs ayant accepté les conditions matérielles d’accueil leur ayant été proposées. Le montant de l’ADA s’établit à 6,80 euros par jour pour une personne seule et à 17 euros par jour pour un couple avec deux enfants. En complément, un montant additionnel de 7,40 euros par jour est versé à l’allocataire n’ayant pas accès gratuitement à un hébergement ou un logement ([19]). Cette allocation est versée à la fois aux demandeurs d’asile et aux bénéficiaires de la protection temporaire en provenance d’Ukraine.
En septembre 2024, la prévision de dépenses de l’ADA a été évaluée à 387,4 millions d’euros pour cette année, dont 247,7 millions d’euros pour les demandeurs d’asile, avec un nombre de bénéficiaires moyen mensuel de 96 800, et 133,1 millions d’euros pour les bénéficiaires de la protection temporaire, pour un nombre de bénéficiaires mensuel égal à 58 800.
Le PLF pour 2025 prévoit, pour la seule « ADA demandeurs d’asile », une dotation de 353,6 millions d’euros répartie entre :
– 246,7 millions d’euros au titre du financement de l’allocation à destination des demandeurs d’asile, soit un montant en retrait de 47 millions d’euros par rapport à 2024 ;
– 106,8 millions d’euros au titre du financement de l’allocation à destination des bénéficiaires de la protection temporaire, montant qui s’apparente à une mesure nouvelle dans le cadre du présent projet de loi de finances ;
– 6,2 millions d’euros au titre des frais de gestion du dispositif.
Plusieurs facteurs expliquent la réduction des crédits associés au financement de l’ADA :
– les délais d’instruction de l’OFPRA sont en phase de réduction (261 jours en 2021, 159 jours en 2022, 127 jours en 2023, mais pour 2024 entre 130 et 140 jours sont attendus) et cette tendance doit s’accentuer avec le recrutement en 2025 de 29 officiers de protection supplémentaires et grâce aux dispositions de la loi CIAI L’économie brute liée à ces recrutements est chiffrée pour 2025 à 4,4 millions d’euros, car plus l’OFPRA prend une décision rapidement, moins la période de versement de l’ADA est longue. Si l’on prend en compte le coût des recrutements, l’économie nette réalisée s’élève à 2 millions d’euros ;
– le taux de protection de l’OFPRA croît. Ainsi, si en 2022 le taux de protection des demandeurs d’asile après examen de leur dossier par l’OFPRA s’établissait à 29 %, ce taux a augmenté à 33 % en 2023, et s’établit sur les neuf premiers mois de 2024 à 37 %. Cela réduit le nombre de demandeurs d’asile sollicitant la CNDA, et donc la durée de versement de l’ADA.
En revanche, la réduction du nombre de places au sein du DNA va mécaniquement augmenter le nombre de bénéficiaires de l’ADA qui perçoivent le montant complémentaire de 7,4 euros. Cette dépense supplémentaire est chiffrée à 11,8 millions d’euros.
Les rapporteurs spéciaux soulignent que la dotation prévue en PLF pour 2025 pourrait malgré tout s’avérer insuffisante en cours d’année. Les vertus des recrutements à l’OFPRA et de la réduction des délais, de même que le tassement de la demande d’asile ou la diminution des montants moyens versés aux bénéficiaires de la protection temporaire ([20]) risquent de trouver leur limite avec un projet de budget en diminution de près de 100 millions d’euros par rapport à l’exécution 2023, et avec un montant total d’ADA qui s’est élevé l’an passé à 449 millions d’euros. Or, comme évoqué supra, les tensions budgétaires sur le DNA n’offriront aucune marge de manœuvre au responsable de programme.
C’est pourquoi, les rapporteurs spéciaux souhaitent permettre de moduler le montant ou les modalités d'attribution de l'ADA dans le cas où la personne bénéficiaire est originaire d'un pays considéré comme sûr par le conseil d'administration de l'OFPRA ([21]). Ils ont par ailleurs déposé un amendement de crédits qui tire les conséquences de cette modulation en minorant de 35 millions d’euros le montant prévu pour le financement de l’ADA ([22]). Ces amendements poursuivent ainsi un double objectif : d'une part, réduire le coût budgétaire de l'ADA et d'autre part, limiter autant que possible les déplacements souvent au péril de leur vie, de populations qui n'ont que très peu de chance d'obtenir le statut de réfugiés.
L’ADA est aujourd’hui versée à tout demandeur d’asile présent sur le territoire et répondant à des conditions d’âge (être majeur) et de ressources (disposer de ressources mensuelles inférieures au montant du RSA).
En 2023, l’ADA versée aux demandeurs d’asile a représenté 376 millions d’euros. Dans le cadre du PLF pour 2025, 353 millions d'euros sont prévus, incluant le versement au bénéfice des demandeurs de la protection temporaire.
Dans le détail, l'amendement proposé par les rapporteurs permet au décret qui précise d'ores et déjà le barème de l'ADA, de faire évoluer le montant et/ou les conditions de versement demandeurs d’asile provenant de pays dont les ressortissants disposent d’une faible possibilité de se voir reconnaître une protection internationale par la France. Le décret pourra ainsi :
– réduire le montant de l’allocation de base versée aux demandeurs d’asile provenant d’un pays d’origine sûr ;
– remplacer une partie du montant de l’allocation de base versée aux demandeurs d’asile provenant d’un pays d’origine sûr par des aides matérielles.
Les propositions formulées concernent uniquement l’allocation « de base », car la fraction additionnelle doit permettre aux demandeurs de participer à leurs frais d'hébergement en dehors du dispositif national d'accueil.
La liste des pays d'origine sûrs comporte actuellement 13 états. Aujourd'hui, moins de 9 % des demandes émanent de personnes originaires de ces 13 pays.
Il existe d'ores et déjà une différence de traitement en matière procédurale entre les demandeurs d’asile provenant d’un pays d’origine sûr et les autres demandeurs d’asile (délais d'instruction et de jugement variables).
Cette différence de traitement est également reprise en droit européen. En effet, le règlement du 4 mai 2024 instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l’Union prévoit une procédure spécifique d’examen des demandes d’asile à la frontière lorsque « le demandeur est d’une nationalité pour laquelle la proportion de décisions octroyant une protection internationale est de 20 % ou moins du nombre total des décisions concernant ce pays tiers ».
3. Pour l’OFPRA, une stabilité des crédits malgré une hausse des effectifs
Le PLF prévoit d’accorder à l’OFPRA une subvention pour charges de service public d’un montant de 97,2 millions d’euros, en diminution apparente de 10 millions d’euros par rapport à 2024. En réalité, ces crédits seront complétés par des fonds européens en provenance du fonds asile, migration et intégration (FAMI) à hauteur de 10,8 millions d’euros. Aussi, la dotation consolidée de l’établissement s’élèvera à 108 millions d’euros, un montant stable par rapport à l’année passée.
Cette dotation financière s’accompagne pourtant de la création de 29 ETPT, portant le plafond d’emplois de cet opérateur à 1 065 ETPT.
Selon la DGEF, le coût de la progression du schéma d’emplois de l’OFPRA est évalué à 2 millions d’euros. Ce surcoût serait financé par rapport à 2024 « par la moindre dépense prévue sur les espaces France asile (‑2,9 millions d’euros) » ([23]).
Les modalités de ce dispositif ont été précisées par un décret du 16 juillet 2024 ([24]).
Le PLF pour 2024 prévoyait un crédit de 2,8 millions d’euros au titre de la préparation par l’OFPRA du projet France asile. Ce crédit succédait aux 2,5 millions d’euros inscrits en 2023 mais non exécutés en raison du décalage observé dans l’examen de ce projet de loi.
Pour 2025, il n’est pas fait mention de ces crédits, ni de leur éventuelle exécution, ni de leur éventuelle reconduction.
La réponse au questionnaire budgétaire indique seulement que les dépenses prévues en 2024 pour le déploiement du dispositif France Asile sont justement inscrites au titre de la subvention pour charges de service public de l’OFPRA, à savoir des travaux immobiliers au sein des sites pilotes à hauteur de 260 000 euros ainsi que des travaux de développements numériques et informatiques à hauteur de 600 000 euros. Il n’est pas fait mention de dépenses à ce titre pour 2025.
Les 29 effectifs supplémentaires seront affectés à l’instruction des demandes d’asile, et non pas au pôle de reconstitution des actes d’état civil. Ce service a en effet bénéficié en 2024 de 8 ETPT supplémentaires sur les 25 votés en loi de finances initiale. Ces effectifs avaient d’ailleurs été proposés par un amendement des rapporteurs spéciaux.
L’augmentation continue de l’activité du pôle protection de l’OFPRA a permis d’accélérer la reconstitution des documents d’état civil, nécessaires pour l’accès au logement des réfugiés, en particulier dans le cadre des dispositifs d’intermédiation locative.
Le résultat de ce renforcement en moyens humains est manifeste et quasiment immédiat : au terme du premier semestre 2024, l’OFPRA avait délivré près de 38 200 actes d’état civil, soit une augmentation de 29 % par rapport au 1er semestre 2023.
Au total la hausse des effectifs de l’OFPRA depuis 2012 s’établit à 610 ETPT, soit + 134 %.
C. action n° 3 Lutte contre l’immigration irrÉguliÈre : unE inquiÉtante diminution des crÉdits d’investissement
L’action n° 3, d’un montant de 173,4 millions d’euros en AE et de 199,3 millions d’euros en CP, prend en charge différentes dépenses en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Ces dépenses financent les zones d’attente, les centres et locaux de rétention administrative (CRA) ainsi que les frais logistiques d’éloignement des étrangers en situation irrégulière.
Les crédits de l’action n° 3 sont en diminution sensible par rapport à 2024 (– 126,6 millions d’euros en AE, soit – 42 % et – 61,4 millions d’euros en CP, soit – 23 %) ce qui rompt la hausse tendancielle de ces dépenses depuis 2017.
L’action 3 recouvre essentiellement de dépenses de fonctionnement, qui sont liées au fonctionnement dit « hôtelier » des CRA et aux frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière.
Mais cette action recouvre également un poste important en matière d’investissement : le programme de construction et d’extension des CRA. La France en compte 23 dans l’Hexagone et 4 en outre-mer.
Les rapporteurs spéciaux rappellent que les crédits de la mission Immigration, asile et intégration ne couvrent pas la totalité des crédits engagés par l’État en matière de lutte contre l’immigration irrégulière. Les dépenses de rémunération des personnels de police et de gendarmerie participant aux éloignements relèvent ainsi de la mission Sécurités. Dans son rapport de janvier 2024 sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière, la Cour des comptes estime que le coût direct des moyens de lutte contre l’immigration irrégulière s’élève à environ 1,8 milliard d’euros par an, toutes administrations confondues.
1. La rétention administrative : des crédits d’entretien et d’investissement en diminution
Dans son rapport précité sur la politique de lutte contre l’immigration irrégulière, la Cour des comptes fournit des indications intéressantes sur les moyens que la France consacre à la rétention administrative.
Les éléments suivants peuvent être utilement repris ici :
● Près de la moitié des personnes placées en centre de rétention administrative ont été effectivement éloignées, ce qui rend la rétention indispensable à l’efficacité de l’éloignement forcé.
● Le coût d’une personne retenue s’élève à environ 602 euros par jour en 2022 ([25]) . À titre de comparaison, le coût d’une personne détenue est régulièrement chiffré entre 100 et 150 euros par jour. Le séjour complet d’une personne retenue coûte environ 16 200 euros au total dans l’Hexagone, pour 27 jours de rétention en moyenne.
● Le taux de disponibilité est passé de 72 % mi-août 2022 à 83 % quatre mois plus tard. Depuis 2018, le taux de remplissage des CRA s’améliore grâce à la mise en place progressive de centres de coordination zonale pour le placement en rétention, sous l’égide des préfets de zone. Cet enjeu est très important et rejoint celui des effectifs nécessaires pour permettre l’ouverture des places. En effet, lors de son audition par les rapporteurs spéciaux, le Préfet de Police de Paris a indiqué que sur les 540 places théoriquement disponibles dans sa zone de compétence, seules 450 à 470 sont effectivement « armées » et donc permettent de recevoir des personnes retenues. Il manquerait 100 à 120 policiers pour ouvrir 100 % du parc. Le schéma d’emploi du ministère de l’Intérieur étant nul pour 2025, en contradiction avec la LOPMI, la question risque de ne pas trouver de réponse rapide.
● La capacité française de rétention est plutôt élevée en comparaison d’autres pays européens comme l’Allemagne, qui compte 786 places de rétention (Abschiebungshaft), ou l’Espagne, avec 1 240 places réparties dans huit Centros de Internamiento de Extranjeros.
Réaliser l’éloignement forcé d’une personne suppose cependant un enchaînement d’étapes dont chacune est soumise à des obstacles matériels, politiques, juridiques, ou diplomatiques. Lors de leur déplacement dans les Alpes‑Maritimes, les rapporteurs ont pu constater combien chaque cas d’éloignement est « cousu-main » et nécessite une inventivité et une vigilance permanente de la part des services de la préfecture.
Dans un pays qui parvient à faire appliquer un nombre significatif de normes qui ont des conséquences parfois majeures sur la vie des citoyens – il suffit de penser aux règles commerciales, fiscales, sociales, urbanistiques, environnementales, etc – cette difficulté à faire appliquer le CESEDA est une anomalie politique et juridique qui génère un puissant sentiment d’inégalité devant la loi.
Les rapporteurs insistent donc sur la nécessité de se donner les moyens de faire respecter la loi votée par le Parlement. Les crédits de l’action 3 du programme 303 y contribuent, mais ils ne sont pas, pour 2025, à la hauteur des besoins.
Pour le premier semestre 2024, le parc des centres de rétention administrative est constitué de 27 CRA, dont 23 situés dans l’Hexagone (le nouveau CRA d’Olivet près d’Orléans a été mis en service en février 2024, avec une capacité de 90 places) et 4 dans les départements ultramarins, représentant désormais une capacité immobilière, à la fin du premier semestre 2024, de 1 959 places dans l’Hexagone (+ 102 places par rapport à 2023) et 229 en outre-mer (inchangé), soit 2 188 places au total.
En complément des CRA, en 2024, au premier semestre, deux locaux de rétention administratifs (LRA) permanents ont été créés : l’un à Caen, d’une capacité de 4 places, et un autre à la Seyne-sur-Mer, d’une capacité de 2 places.
Au sujet des LRA, il convient de préciser que la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration a porté à quatre jours la durée de rétention initiale au lieu de 48 heures.
Le ministère de l’Intérieur a transmis aux rapporteurs les données suivantes :
– les CRA ont accueilli 15 120 retenus au premier semestre 2024 (8 219 en métropole et 6 901 outre-mer), pour une durée moyenne de rétention de 32,54 jours sur le territoire métropolitain et 5,68 jours outre-mer ;
– le taux d’éloignement des étrangers retenus en CRA était en 2024 de 35,20 % dans l’Hexagone et de 73,50 % outre-mer ;
– le taux d’occupation moyen était, pour le premier semestre 2024, de 91,41 % en métropole et 48,26 % outre-mer.
Les centres de rétention administrative constituent un maillon essentiel de la politique d’éloignement forcé : près de 80 % des éloignements forcés effectués avaient été précédés d’un passage en rétention ([26]) . Les rapporteurs soutiennent donc pleinement la proposition du ministre de l’Intérieur de porter la durée maximale de rétention de droit commun de 90 à 210 jours.
Le PLF prévoit trois types de dépenses en faveur des locaux de rétention : des crédits de fonctionnement et d’entretien courant, des crédits d’intervention, et des crédits d’investissement.
a. Des crédits de fonctionnement et d’entretien courant en diminution malgré l’évolution du profil des personnes retenues
Les crédits de fonctionnement des lieux de rétention prennent en charge les dépenses de restauration, de blanchisserie, de maintenance immobilière, d’entretien et d’interprétariat.
Les dépenses prévues à cet effet s’établissent à 69,8 millions d’euros en AE et CP pour ce qui est du fonctionnement courant des CRA.
Si les autorisations d’engagement sont stables par rapport à l’année 2024, les crédits de paiement sont en augmentation apparente de 13 millions d’euros. Or, il est à noter qu’une dépense de 20 millions d’euros en CP qui était prévue dans le budget 2024 n’a pas été reconduite dans le projet de budget 2025.
Cette dotation concerne les dispositifs de préparation au retour, dits « DPAR ». Il s’agit de centres d’hébergement transitoire, pour les étrangers en situation irrégulière ayant fait le choix d’adhérer à un programme de retour volontaire vers leur pays d’origine. Ces dispositifs hébergent en priorité des familles, souvent déboutées de leur demande d’asile, et en présence indue dans le DNA. Du fait de l’existence d’un conventionnement pluriannuel, la ligne n’était quasiment plus dotée en AE mais avait perçu 20,3 millions d’euros de crédits de paiement en 2024.
Les documents budgétaires indiquent que depuis l’expérimentation en 2015 de ce dispositif, 2 151 places sont ouvertes.
Cette absence de reconduction d’une enveloppe dédiée aux dispositifs DPAR est problématique à deux titres :
– elle reporte la pression sur le DNA dont on a vu la mise sous tension du fait d’une réduction importante des crédits ;
– elle réduit de nouveau les capacités dédiées aux femmes et aux familles ;
– elle limite la réussite des éloignements pour les publics concernés.
Le maintien d’une enveloppe conséquente de crédits dédiés à l’entretien et à la maintenance des CRA est pourtant indispensable pour répondre à l’inadaptation ou au mauvais état de certains bâtiments, à l’évolution du profil des personnes retenues en application de la circulaire du ministre de l’intérieur et des outre-mer d’août 2022 ([27]) et aux évolutions de la réglementation.
La loi du 26 janvier 2024 a par exemple interdit la rétention administrative des mineurs. Cela rend nécessaire la conversion de plusieurs centaines de places « familles » en places dédiées aux majeurs, essentiellement des hommes.
Par ailleurs, depuis la circulaire d’août 2022, le ministère indique que les personnes présentant un profil « ordre public » représentent 90 % des placements en CRA aujourd’hui.
b. Des crédits d’investissement en baisse malgré le déploiement du plan « CRA 3 000 »
Avec 21,6 millions d’euros en AE et 43,2 millions d’euros en CP, les dépenses d’investissement en faveur de la rétention administrative sont en forte baisse, de 115 millions d’euros en AE et de 47 millions d’euros en CP.
Le signal donné est négatif, alors que 2025 est seulement la deuxième année de mise en œuvre du « plan CRA 3 000 » et que le Gouvernement a fait de la lutte contre les freins à l’expulsion des étrangers séjournant irrégulièrement sur le territoire une priorité absolue.
Le premier plan CRA avait permis de porter la capacité de rétention de 1 490 places en 2017 à 2 188 places début 2024. Le déploiement du plan « CRA 3 000 » doit permettre, conformément au rapport annexé à la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, de porter ce nombre de places à 3 000 d’ici 2027 ([28]). Cela représente un effort financier de 240 millions d’euros sur la période.
Selon les réponses aux questionnaires parlementaires, la prochaine extension de capacité sera localisée à Mérignac et sa mise en service est programmée début 2026.
La DGEF a également indiqué aux rapporteurs que le plan CRA avait été par convention scindé en quatre tranches de 60 millions d’euros chacune, ce qui ne correspond pas aux rythmes réels d’engagement et de décaissement des crédits sur des programmes immobiliers de cette ampleur. Actuellement, cette direction finalise, en coordination avec les services préfectoraux l’analyse du foncier disponible et s’assure de sa maîtrise avant d’engager les démarches d’urbanisme précédant les marchés de travaux et les prochains chantiers.
Les rapporteurs spéciaux entendent ces arguments. Néanmoins, il est indéniable qu’une partie de la diminution des crédits n’est pas liée aux aléas de mise en exécution de chantiers. La ligne budgétaire souffre également d’une importante régulation en dépense, ce qui a conduit les rapporteurs à interpeller publiquement le ministre de l’Intérieur par un courrier en date du 17 octobre 2024.
Dans le prolongement de ce courrier, les rapporteurs spéciaux ont déposé un amendement visant à rehausser le montant des crédits d’investissement de l’action 3 à hauteur de 140 millions d’euros en AE et 90 millions d’euros en CP ([29]).
Les rapporteurs spéciaux considèrent qu’il est indispensable de se donner les moyens nécessaires pour ouvrir les 1 000 places supplémentaires d'ici à 2027. Il convient a minima de préserver la dotation en autorisations d’engagements qui avait été votée pour 2024, pour éviter cette « année blanche » en termes d'ouverture de places. Aussi, l'amendement prévoit une hausse de 118,4 millions d’euros en AE et de 46,8 millions d’euros en CP au bénéfice de l'action n° 3 lutte contre l'immigration irrégulière du programme 303 Immigration et asile. Cette augmentation des moyens dédiés aux CRA apparaît d’autant plus indispensable dans un contexte où le ministre de l’Intérieur a formulé le souhait d’étendre la durée maximale de rétention pour les étrangers les plus dangereux.
Pour contribuer partiellement au financement de ces investissements, dans une logique de sérieux budgétaire, les rapporteurs spéciaux suggèrent trois pistes d'économies principales.
Premièrement, il est proposé au gouvernement de freiner les dépenses du programme AGIR (Accompagnement global et individualisé des réfugiés), dont la montée en charge et l'extension à l'ensemble des départements en 2025 semble trop rapide : de 1,6 million d’euros de crédits en 2022, le programme est passé à 16 millions d’euros en 2023 et 51 millions d’euros sont prévus en 2024. Il pourrait par exemple être envisagé de stabiliser la file active des bénéficiaires à 20 000 personnes, contre 25 000 actuellement, ce qui permettrait une économie de l'ordre de 10 millions d'euros. Par ailleurs, il ne semble pas de bonne politique de doubler de façon trop large les missions qui sont déjà celles de France Travail ou d’acteurs sociaux déjà présents dans le domaine de l’aide à l’ouverture des droits comme les caisses d’allocations familiales ou les centres communaux d’action sociale.
Deuxièmement, les rapporteurs spéciaux appellent le Gouvernement à mettre fin à la gratuité des formations linguistiques pour les signataires du contrat d’intégration républicaine (CIR) ayant un titre de séjour mention « salarié » en faisant financer ces formations par leurs employeurs. La loi CIAI du 26 janvier 2024 a permis un premier pas en ce sens. Ce sont 6 400 prescriptions linguistiques qui ont été enregistrées en 2023 pour cette catégorie de titre de séjour. Or, ces signataires déjà engagés dans un parcours professionnel ont une capacité financière pour assumer le coût de ces formations, qui pourrait être supporté partiellement ou totalement par leurs employeurs. Cette mesure permettrait ainsi de générer une économie pour l’OFII estimée à 8 millions d’euros.
Troisièmement, les auteurs de l'amendement souhaitent moduler le montant de l'ADA à la baisse lorsque le bénéficiaire est originaire d'un pays sûr au sens de l'OFPRA, comme indiqué supra.
c. Les crédits d’intervention sont stables
L’action 3 du programme 303 porte également des dépenses d’intervention qui recouvre les actions suivantes menées au bénéfice des personnes retenues :
– la prise en charge sanitaire ;
– l’accompagnement social ;
– l’accompagnement juridique.
Ces trois postes de dépenses qui s’élèvent à 30,6 millions d’euros pour 2025 sont stables par rapport à 2024. Il s’agit d’ailleurs des seules lignes de l’action 3 dédiée à la « lutte contre l’immigration irrégulière » qui ne diminuent pas.
En ce qui concerne la mission de conseil juridique, cette dernière est prévue par l’article L. 744-9 du CESEDA : « L'étranger maintenu en rétention bénéficie d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits et préparer son départ, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. »
Cette mission est aujourd’hui opérée par des associations, désignées à l’issue d’une procédure de marché public renouvelé en 2020.
Des propos récents du Ministre de l’Intérieur, publiés par voie de presse ([30]), suggèrent de faire évoluer ce modèle afin que le conseil juridique et social aux personnes retenues dans les CRA relève de l’OFII.
La Cimade est l’association historique en la matière, qui intervient dans les CRA depuis 1984, seulement trois ans après la création juridique des CRA ([31]). À partir de 2010, la mission a été confiée à cinq associations (Cimade, Forum Réfugiés-Cosi, SOS Solidarités, France Terre d'asile, Assfam).
La mission de conseil juridique s’est développée dans la pratique, et fut confirmée par la jurisprudence avant d’être imposée par le CESEDA.
En particulier, un important arrêt du Conseil d’État de 2009 ([32]) a annulé les contrats et l’appel d’offres relatifs à la mission d’assistance des étrangers en rétention en indiquant que les conventions devaient porter « non seulement sur l’information mais aussi sur l’accueil et le soutien des étrangers, pour permettre l’exercice effectif de leurs droits » et que, par ailleurs, l’État « ne peut conclure une telle convention qu’avec des personnes morales présentant des garanties d’indépendance et de compétences suffisantes, notamment sur le plan juridique et social ».
Il semble tout à fait possible de transférer à l’OFII la charge de délivrer les informations juridiques nécessaires à une bonne connaissance de leur droit par les personnes retenues. Cela supposerait de procéder à la création au sein de l’OFII d’une commission juridique présidée par un magistrat.
Le rapporteur spécial Charles Rodwell a déposé un amendement en ce sens qui propose de procéder à un transfert des crédits, du programme 303, qui prévoit les crédits dédiés aux marchés publics en question, vers le programme 104 qui supporte les dépenses de l’OFII[33]. En transférant à l’OFII la mission d’accompagnement juridique aujourd’hui exercée par des associations, l’objectif du rapporteur est de garantir l'impartialité et la neutralité politiques des informations et conseils délivrés aux étrangers retenus dans les CRA et de rationaliser les dépenses publiques, notamment en réalisant des économies d'échelle.
Les rapporteurs spéciaux ont par ailleurs défendu un amendement de demande de rapport au gouvernement visant à identifier le montant des financements publics versés aux associations mandatées par l’État ou les collectivités locales pour intervenir dans le champ de la mission immigration, asile et intégration ([34]).
Un rapport de la Cour des comptes sur le fonctionnement des centres de rétention administrative est attendu dans les prochaines semaines. Il permettra sans doute de préciser les mesures à prendre afin de rééquilibrer les interventions des personnes travaillant au sein des CRA.
2. Les crédits soutenant l’éloignement des étrangers en situation irrégulière sont également en baisse
L’action n° 3 comporte deux autres dépenses soutenant l’éloignement des étrangers en situation irrégulière : les frais d’éloignement et les dispositifs de préparation au retour « DEPAR » dont il a déjà été question supra.
Les crédits inscrits au titre des frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière s’établissent à 52 millions d’euros en AE et 56,3 millions d’euros en CP. Ils prennent en charge les frais logistiques d’éloignement par voie aérienne et maritime (frais de billetterie, de fonctionnement des aéronefs placés sous l’autorité du ministère de l’intérieur, d’affrètement et de déplacement des services).
Ce montant est en diminution significative de 11 millions d’euros en AE et de 7,4 millions d’euros en CP par rapport à 2024.
La baisse constatée est en grande partie liée à la non-reconduction des 12 millions d’euros de moyens matériels affectés à la lutte contre l’immigration irrégulière – LIC (drones, intercepteurs etc..) – qui étaient positionnés sur cette action en 2024.
Interrogée sur cette question, la DGEF a indiqué aux rapporteurs spéciaux que les frais ont en effet été ajustés compte tenu du niveau de consommation constaté en 2024 sur les moyens matériels affectés à la LIC. Les rapporteurs spéciaux tiennent néanmoins à alerter le gouvernement sur la nécessité absolue d’affecter des moyens matériels suffisants à la lutte contre l’immigration irrégulière dans les années à venir.
D. L’action n° 1 Circulation des Étrangers et politique des visas et l’action n° 4 Soutien : un effort en faveur des systÈmes d’information
L’action n° 1 Circulation des étrangers et politique des visas (0,52 million d’euros en AE et en CP) finance certaines dépenses de fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires (notamment l’utilisation des réseaux de communication de données) en matière de visas. Ce montant est inchangé par rapport à 2024.
L’action n° 4 Soutien (87,8 millions d’euros en AE et 76,9 millions d’euros en CP) « regroupe une partie des moyens nécessaires au fonctionnement de la direction générale des étrangers en France, dont une partie des dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention relevant du fonctionnement courant des services ainsi que les dépenses liées aux systèmes d’information » ([35]).
Son montant connaît une très importante progression par rapport à 2024 (+ 53% en AE et + 35 % en CP), ce que les rapporteurs approuvent pleinement.
Depuis le 1er janvier 2024, l’action n° 4 du programme 303 supporte l’ensemble des dépenses numériques de l’administration des étrangers en France.
Ces crédits financent le développement de trois grands systèmes d’information :
– le programme administration numérique des étrangers en France (ANEF), avec 31 millions d’euros en AE et 26,8 millions d’euros en CP prévus dans le cadre de ce projet de budget ;
– le programme « France Visas » doté pour 2025 de 10,5 millions d’euros en AE et CP ;
– le programme pour une frontière sécurisée et fluide (PFSF) doté pour 2025 de 13,87 millions d’euros en AE et CP.
Les applications historiques comme SI Visa et Eurodac ainsi que les bases biométriques qui y sont liées continuent d’être maintenues en conditions opérationnelles (MCO) et développées pour préserver notamment les interconnexions avec les SI européens. Un SI de gestion dédié pour le programme AGIR est également en cours de développement, destiné notamment aux opérateurs locaux chargés de mettre en œuvre du programme à l’échelle départementale.
L’année 2025 sera marquée par le décommissionnement de l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, ce qui génère un coût de 12 millions d’euros en AE et 5,5 millions d’euros en CP, dans la perspective du développement, jusqu’en 2027, de la seconde version du programme ANEF. Par ailleurs, la réglementation européenne en matière de SI impacte fortement les développements en cours, avec notamment l’entrée en vigueur du règlement européen EES (système d’entrée/sortie), la refonte de la base européenne des visas pour la mise en œuvre du e-Visas et de la plateforme européenne des visas ainsi que par la mise en œuvre du règlement Eurodac recast.
Ces évolutions justifient la hausse des crédits de l’action n° 4.
II. PROGRAMME 104 : une baisse des crÉdits ne remettant pas en cause l’effort en faveur de l’intÉgration des Étrangers en situation rÉguliÈre
Les crédits du programme 104 s’établissent à 369,4 millions d’euros en AE et 366,4 millions d’euros en CP, soit un niveau en recul d’environ 15 % par rapport à 2024.
Cette évolution résulte principalement d’une diminution des crédits de l’action 12 Intégration des étrangers primo-arrivants et de l’action 16 Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants.
Ventilation des crÉdits du programme 104 par action
(en millions d’euros)
|
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution en valeur absolue |
Évolution 2023-2024 (en %) |
|||||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
104 Intégration et accès à la nationalité française |
431,4 |
431,4 |
369,4 |
366,4 |
– 62 |
– 64,9 |
– 14 % |
– 15 % |
|
Action 11 Accueil des étrangers primo-arrivants |
246 |
246 |
268,4 |
268,4 |
22,4 |
22,4 |
9 % |
9 % |
|
Action 12 Actions d’intégration des primo-arrivants |
174,8 |
174,8 |
98,3 |
95,4 |
– 76,4 |
– 79,3 |
– 44% |
– 45% |
|
Action 14 Accès à la nationalité française |
1,4 |
1,3 |
1,4 |
1,3 |
0 |
0 |
0 % |
0 % |
|
Action 16 Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants |
9,3 |
9,3 |
1,3 |
1,3 |
– 8 |
– 8 |
– 86 % |
– 86 % |
|
Source : projet annuel de performances.
Le programme 104 est au centre des politiques publiques chargées de l’intégration des étrangers notamment primo-arrivants. Les actions engagées s’inscrivent à la fois dans la mise en œuvre de la stratégie nationale d’accueil et d’intégration des réfugiés définie en 2018 et, comme cela est le cas pour le programme AGIR, dans ses prolongements. Une actualisation de cette stratégie serait souhaitable pour tenir compte des évolutions observées depuis 2018 et des adaptations rendues nécessaires par la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration et par les orientations affichées par le Gouvernement actuel. La stratégie définie lors du comité interministériel à l’immigration de 2018, qui portait sur la période 2018–2021, était organisée autour de 7 priorités, elles-mêmes déclinées en 67 actions. Cette stratégie, évaluée au printemps 2022, n’a pas été formellement renouvelée.
Sur le champ de l’intégration des réfugiés, trois éléments de nature différente peuvent être mentionnés, qui seraient susceptibles de justifier une nouvelle stratégie :
- le lancement en 2022, par la DGEF, du programme d’accompagnement global et individualisé des réfugiés (AGIR) ;
Le portage administratif de cette politique d’intégration des personnes réfugiées a évolué. Une réorganisation interne de la DGEF a confié cette dimension en 2021 à la direction de l’intégration et de l’accès à la nationalité (DIAN), auparavant portée par la direction de l’asile, ce qui a très sensiblement transformé le portage de cette politique, en renforçant l’animation interministérielle, territoriale et des différents autres partenaires. Cela peut amener à reconsidérer l’intérêt de maintenir une structure distincte telle que la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR), créée en 2018 dans un environnement administratif différent. Cette structure paraît doubler les missions de la DGEF, de l’OFII, et des associations mandatées par l’État. À titre d’exemple, la délégation s’appuie sur une équipe numérique pour développer et déployer la plateforme collaborative Réfugiés.info, service qui semble redondant avec les missions d’assistances et de conseil développées, majoritairement sur crédits publics, par les associations d’aide aux réfugiés.
- une autre dimension mérite d’être renforcée au niveau stratégique : la mobilisation de la société civile et en particulier du monde économique, pour favoriser l’insertion professionnelle des personnes réfugiées, dans le prolongement de l’article 23 de la loi CIAI (qui crée dans le code du Travail un droit à la formation linguistique des salariés allophones).
Par ailleurs, la politique publique couverte par les crédits du programme 104 a fait l’objet d’une circulaire n° IOMV2403137J en date du 26 mars 2024 relative aux priorités pour 2024 de la politique d’intégration des étrangers primo arrivants, dont les personnes réfugiées.
Les cinq priorités données aux préfets dans le cadre de cette instruction sont les suivantes :
1. Finaliser le déploiement du programme AGIR et en assurer le pilotage ;
2. Intégrer les étrangers par la langue, par le travail et par le respect des principes de la République ;
3. Déployer les contrats territoriaux d’accueil et d’intégration (CTAI) ;
4. Communiquer sur les parcours d’intégration réussis et remobiliser les acteurs locaux de l’intégration ;
5. Piloter les dispositifs et les crédits de l’intégration dans un objectif d’efficacité.
Les crédits du programme 104 recouvrent précisément ces thématiques, sur lesquelles les rapporteurs spéciaux souhaitent travailler. Dans ce cadre, ils demandent le lancement d’un audit complet du parcours d'intégration, notamment du contrat d'intégration républicaine et du programme AGIR, deux programmes importants et onéreux.
A. L’action n° 11 Accueil des Étrangers primo-arrivants : des crÉdits en retrait en raison de la progression attendue des financements europÉens
1. Le financement de l’OFII par l’action 11
L’action n° 11 concourt au financement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Son montant s’établit à 268,4 millions d’euros en AE et en CP, en progression de 22 millions d’euros (+ 9 %) par rapport à 2024.
Ces crédits sont ainsi décomposés :
● 9,5 millions d’euros financent la subvention pour charges d’investissement, soit un montant en reconduction par rapport à 2024.
● 17 millions d’euros de crédits d’intervention financent les aides au retour volontaire. Ce montant est en diminution d’un million d’euros par rapport à 2024, du fait d’un ajustement sur la prévision d’exécution 2024 ;
● 241,8 millions d’euros portent la subvention pour charges de service public de cet opérateur, dont plus de la moitié est affectée au financement des formations civiques et linguistiques proposées dans le cadre du contrat d’intégration républicaine ([36]). Le montant de cette subvention pour charges de service public est en hausse de 24,8 millions d’euros par rapport à 2024, mais en retrait d’une dizaine de millions d’euros par rapport à l’exécuté 2023 (256 millions d’euros).
Cette augmentation pour 2025 s’explique par le niveau élevé de fonds européens perçus par l’opérateur en 2024, qui avait alors conduit à une baisse du niveau de financement de l’opérateur en crédits nationaux. L’OFII a indiqué que ses ressources propres issues des fonds européens sont en développement depuis plusieurs années ; celles-ci sont passées de 6,2 millions d’euros en 2021 à 11,43 millions d’euros en 2022 et à 24 millions d’euros en 2023.
Cependant, l’année 2023 a été marquée par une baisse importante des versements attendus des fonds européens sur la mission : – 120 millions d’euros en AE et CP par rapport à la programmation de début d’année 2023 (– 23 millions d’euros en AE et en CP sur le programme 303 et – 97 millions d’euros en AE et en CP sur le programme 104). En fin de gestion, les crédits nationaux du programme 104 ont été mobilisés pour compenser le moindre versement des fonds européens, afin d’abonder la SCSP à destination de l’OFII pour 20,6 millions d’euros ([37]).
Une attention particulière devra donc être portée à l’évolution réelle des financements européens perçus par l’établissement.
Les rapporteurs spéciaux regrettent que ces variations en exécution entraînent des budgétisations l’année suivante qui sont sans rapport avec les besoins réels des opérateurs. Ainsi, un apport important de fonds de concours en année N entraîne une diminution en année N + 1 des crédits « socle », ce qui est fortement désincitatif pour les gestionnaires de programme.
2. Le niveau des effectifs et l’organisation des formations linguistiques
L’exercice des missions de l’OFII appelle deux observations relatives au niveau des effectifs et à l’organisation des formations linguistiques.
a. Le niveau des effectifs de l’OFII
Le plafond d’emplois de l’OFII déterminé par la loi de finances s’établissait depuis 2023 à 1 217 ETPT ([38]) en hausse de 18,8 % depuis 2017 (les effectifs passant de 1 024 à 1 217 ETPT).
À l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour 2024, 10 ETPT supplémentaires ont été finalement inscrits par amendement du Gouvernement au Sénat afin de permettre la mise en œuvre de l’aide au retour volontaire incitative (ARVi), portant ainsi le plafond d’emplois de l’opérateur à 1 227 ETPT.
Pour 2025, le plafond est en baisse de 34 ETPT. Ces 34 ETPT correspondent à – 5 ETPT liés à un transfert de compétence à la DGEF vers le programme 2016 Conduite et pilotage des politiques du ministère de l’intérieur, – 8 ETPT prévus dans la trajectoire des moyens de l’opérateur fixée dans la LOPMI et – 21 ETPT accordés à l’Office à compter de 2022 pour faire face au surcroît d’activité lié à l’accueil et à l’accompagnement des BPT d’Ukraine. Ces 21 ETPT ne sont plus reconduits en 2025.
b. La mise en œuvre des formations linguistiques
L’OFII est la cheville ouvrière de la mise en œuvre du contrat d’intégration républicaine (CIR) conclu entre l’État et tout étranger non‑communautaire admis au séjour en France et souhaitant (sauf exceptions) s’y installer durablement.
Ce contrat implique :
● Pour tous les signataires : le suivi d’une formation civique pour s’approprier les principes et les valeurs de la République et le fonctionnement de notre société ;
● Pour les étrangers primo-arrivants dont la maîtrise du français est inférieure au niveau A1 ([39]) du cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL) : le suivi d’une formation linguistique obligatoire.
En 2023, 127 876 CIR ont été signés, soit une progression de 16,2 % du nombre de signataires. 45,8 % se sont vus prescrire une formation de niveau A1. Près de 13,5 millions d’heures de formations linguistiques ont été dispensées dans ces cadres (près de 12,3 millions d’heures dans le cadre du parcours A1 obligatoire et près de 1,2 million d’heures dans le cadre des parcours complémentaires A2 / B1).
Le taux moyen d’atteinte de ce niveau en fin de formation est de 68 % pour 2023. Il progresse donc d’un point par rapport à 2022 mais reste encore insuffisant au regard des objectifs du projet annuel de performances (cible 2025 : 80 %).
Aujourd’hui, l’assiduité aux formations est la seule condition à remplir pour honorer le CIR. Des diplômes de maîtrise de la langue française orale et écrite, issus de structures agréées par l’État, sont en revanche nécessaires pour obtenir une carte de résident (niveau intermédiaire A2) et la nationalité française (niveau indépendant B1).
L’article 20 de la loi du 26 janvier 2024 renforce l’articulation entre la délivrance des titres de séjour pluriannuels et la maîtrise de la langue française et il rehausse les exigences pour pouvoir demeurer durablement sur le territoire. Fortement incitatif pour l’étranger primo-arrivant désormais soumis à une obligation de résultat, ce nouveau système s’accompagne d’une obligation pour l’État de proposer des cours gratuits dans le département de résidence.
La circulaire du 26 mars 2024 indique que « d’autres évolutions seront nécessaires, en particulier pour l’OFII, Pour mettre en œuvre ces prescriptions fixées à l’article 20 de la loi CIAI, au plus tard au 1er janvier 2026. Elles seront intégrées par les nouveaux marchés de l’OFII à compter du 1er juillet 2025 ».
Pour l’heure, aucun impact financier n’est anticipé à ce titre dans le cadre du projet de budget 2025.
Dans la perspective des évolutions liées à la loi du 26 janvier 2024, il a été décidé fin 2023 de conduire une expérimentation de formation linguistique à visée professionnelle en s’appuyant sur les prestataires de formation linguistique du CIR.
Cette expérimentation vise à proposer, dans le cadre du CIR, un parcours de formation obligatoire de niveau A1 de 400 heures, avec pour objectifs, outre la progression linguistique, l’acquisition de compétences linguistiques suffisantes et d’une connaissance élémentaire des codes du monde de l’entreprise et du marché du travail en France.
Selon la circulaire précitée, le coût de l’heure de ces nouvelles formations est celui fixé dans le marché, dans la mesure où elle mobilise des prestataires dans le cadre de la formation linguistique OFII. Par ailleurs, les personnes orientées vers la formation linguistique à visée professionnelle étant éligibles à une formation linguistique « classique », l’expérimentation n’induit pas de surcoût.
Selon le ministère de l’Intérieur, compte tenu des premiers résultats positifs de cette expérimentation, il est envisagé d’étendre ce type de formations. Mais vu du contexte budgétaire et de la complexité pour l’OFII de généraliser ces formations à visée professionnelle, il n’est pas prévu de le faire dans le cadre des marchés de l’OFII. Le choix a été fait de le développer dans le cadre de la réforme de France Travail, avec qui un pilotage resserré est engagé pour l’orientation des étrangers primo-arrivants demandeurs d’emploi vers des formations linguistiques à visée professionnelle, de droit commun, organisées par les conseils régionaux et par France Travail.
B. L’action n° 12 Actions d’intÉgration des primo-arrivants : DES MOYENS significatifs ACCORDÉS au programme AGIR
L’action 12 « vise à faciliter l’intégration des étrangers, y compris les bénéficiaires de la protection internationale, durant les années qui suivent leur admission à séjourner durablement sur le territoire français » ([40]). Le PLF pour 2025 dote cette action d’un crédit de 98,3 millions d’euros en AE et 95,5 millions d’euros en CP. Ces montants sont en baisse de plus de 40 % par rapport à 2024. Cette action finance des mesures traditionnelles ainsi que, pour la deuxième année consécutive, le déploiement du programme AGIR.
1. Le financement des mesures traditionnelles d’intégration des primo-arrivants
L’action n° 12 finance des mesures au niveau central et, plus encore, au niveau territorial s’inscrivant dans la poursuite du parcours d’intégration républicaine durant les cinq années suivant l’obtention d’un titre de séjour.
Au niveau central, les crédits soutiennent des actions de formation et de professionnalisation des acteurs de l’intégration, la participation du ministère de l’intérieur au programme Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des enfants et des formations linguistiques. Ces crédits centraux soutiennent également les contrats territoriaux d’accueil et d’intégration des réfugiés (signés conjointement par des collectivités territoriales et les préfectures afin de mettre en œuvre des actions concrètes en faveur des personnes bénéficiaires de la protection internationale) et supportent le fonctionnement de la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés.
L’essentiel des crédits de l’action 12 est cependant géré au niveau déconcentré. Selon le projet annuel de performances, « plus de 85 % des crédits sont ainsi mis à disposition des préfets de région, responsables des budgets opérationnels de programme » et soutiennent des actions territoriales reposant notamment sur :
– des mesures d’accompagnement destinées à lever les freins à l’emploi, notamment ceux spécifiquement rencontrés par les femmes primo-arrivantes (par exemple en matière de garde d’enfant) ;
– des cours de langue française à visée professionnelle ;
– l’approfondissement du premier apprentissage linguistique en vue d’atteindre le niveau A2 requis pour la délivrance de la carte de résident et le niveau B1 pour les étrangers qui souhaitent obtenir la nationalité française.
Selon les éléments transmis par l’administration, la baisse des crédits de l’action 12 s’explique par l’ajustement des crédits d’intégration de l’ensemble des étrangers primo-arrivants à leur niveau de consommation prévu en 2024, par une limitation du programme AGIR à une file active de 25 000 BPI (cf. infra), par une mobilisation des fonds européens attendue à hauteur de 38 millions d’euros, par la diminution des crédits de divers dispositifs (financement de la DIAIR, programme Hope et contrats territoriaux d’accueil et d’intégration), à hauteur de 4 millions d’euros, et par l’arrêt des mesures d’accompagnement spécifique des bénéficiaires de la protection temporaire.
2. Le programme AGIR : des crédits en hausse, un déploiement progressif
Le PLF prévoit un crédit de 55,2 millions d’euros en 2025 en faveur du programme AGIR (accompagnement global individualisé pour les réfugiés).
Pour l’année 2024, au 31 août 2024, 28,3 millions d’euros en AE ont été engagés ainsi que 33,6 millions d’euros en CP pour un prévisionnel de consommation à fin 2024 de 41,7 millions d’euros en AE et 51,1 millions d’euros en CP, toutes contributions confondues.
Les crédits inscrits au programme 104 permettront en 2025 d’achever le déploiement du programme en Seine-Saint-Denis et de financer une file active moyenne stabilisée à 25 000 bénéficiaires afin de ne pas accroître le coût déjà important du dispositif.
Au total, 52 départements ont déployé le programme AGIR en 2022 et 2023. En 2024, 40 départements ont poursuivi le déploiement du programme sur leur territoire. Les premières prestations d’accompagnement ont débuté en novembre 2022. Les principaux opérateurs AGIR mobilisés sont Forum Réfugiés, Coallia, SOS Solidarités, FTDA et Entraide Pierre Valdo, mais les préfets ont fait le choix dans certains départements d’opérateurs locaux n’appartenant pas à ces réseaux nationaux.
Selon le ministère, les accompagnements produisent leurs effets avec un taux de sorties positives en emploi et logement de 41 % après six mois ou plus d’accompagnement, de 61 % de sortie en logement et de 47 % de sortie en emploi. Il est permis de considérer toutefois que ces résultats sont insuffisants, et contribuent à justifier l’audit financier des dispositifs tels que souhaité par les rapporteurs spéciaux.
C. Les autres crÉdits du programme 104 soutiennent un ensemble composite d’actions en faveur de l’intÉgration des Étrangers en situation rÉguliÈre
1. L’action n° 16 Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants : des crédits en retrait
Le PLF pour 2025 prévoit 1,3 million d’euros en AE et en CP en faveur de l’action n° 16 Accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants ([41]), en retrait de 8 millions d’euros par rapport à 2024.
Cette diminution résulte d’une simplification de l’organisation administrative décidée en 2024 par la DGEF et la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL), afin de consolider le rattachement de la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées (CILPI) à celle-ci.
Les emplois et moyens supports concernés sont transférés du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur au programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l’économie, du développement et de la mobilité durables et les crédits d’intervention portés par le programme 104 sont pour partie transférés au programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables de la mission Cohésion des territoires, en fonction des finalités de ces deux programmes.
Ce transfert en base 2025 est de 5,6 millions d’euros en AE et CP.
Cette action finance la participation du ministère de l’intérieur à la poursuite de l’exécution d’un plan de transformation des foyers de travailleurs migrants en résidences sociales. Engagé en 1997, ce plan, piloté par la DIHAL et la Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées (CILPI), vise à améliorer les conditions d’hébergement des 100 000 occupants de ces lieux.
2. L’action n° 14 Accès à la nationalité française
L’action n° 14 Accès à la nationalité française est dotée de 1,3 million d’euros en AE et en CP et prend en charge les moyens de fonctionnement de la sous-direction de l’accès à la nationalité française au sein de la direction de l’intégration et de l’accès à la nationalité du ministère de l’intérieur. Ce montant est stable par rapport à 2024.
La sous-direction de l’accès à la nationalité française est chargée de déployer la politique d’accès à la nationalité française et s’appuie dans cette tâche sur 41 plateformes départementales et interdépartementales d’instruction des demandes d’accès à la nationalité. Depuis la publication du décret n° 2023‑64 du 3 février 2023 portant création d’un traitement de données à caractère personnel dénommé NATALI, les procédures de naturalisation par décret sont instruites de manière électronique.
Selon les chiffres du ministère de l’intérieur, publiés en juin 2024 et portant sur l’année 2023, le flux annuel des acquisitions de la nationalité française est en recul de 15 % par rapport à 2022 avec 97 288 nouveaux français.
Les procédures par décret (naturalisation ou réintégration), ainsi que les procédures par déclaration dans le cadre du mariage, ascendance ou fratrie relèvent de la compétence du ministère de l’Intérieur. Ces procédures représentent en 2023 presque les deux-tiers du total, en recul de 21 % par rapport à 2022.
À ce sujet, les rapporteurs spéciaux ont défendu à l’occasion des débats portant sur la première partie du projet de loi de finances pour 2025, deux amendements : l’un visant à augmenter la taxe perçue à l'occasion de la délivrance d'un titre de séjour (amendement n° I-2741) ; et l’autre visant à rehausser le montant du droit de timbre perçu à l'occasion des différentes demandes d'accès à la nationalité française (amendement n° I-2750).
En matière de titres de séjour, les frais à acquitter par les étrangers se composent de taxes, d’un éventuel droit de visa de régularisation et d’un droit de timbre.
Le dispositif est complexe, d'autant qu'il présente de nombreuses minorations et exemptions en fonction des catégories de titres, du type de démarches effectuées et des caractéristiques des demandeurs.
Les droits perçus en application des dispositions fiscales du CESEDA s'élèveraient à environ 200 millions d’euros.
La taxe de base est prévue par l'article L. 436-1 du CESEDA. Elle s'applique à la délivrance et au renouvellement d'un titre de séjour, et son montant est fixé à 200 euros. Ce dispositif a fait l'objet en 2020 d'une simplification partielle qui a également conduit à minorer de façon générale le montant des taxes et droits perçus lors de la délivrance des documents de séjours.
L'amendement n° I-2741des rapporteurs proposait de porter de 200 à 300 euros la taxe perçue à l'occasion de la délivrance ou du renouvellement d'un titre de séjour, et d'augmenter également de 50 à 100 euros le montant minoré de cette taxe. En outre, l'amendement prévoyait de soumettre l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial à la taxe de base et non plus au tarif minoré.
En ce qui concerne le droit de timbre perçu à l’occasion des différentes demandes d’accès à la nationalité française, et dans un objectif de rendement, les rapporteurs souhaitaient le porter à 200 euros contre 55 actuellement, soit le niveau actuel de la taxe de base perçue lors de la délivrance ou du renouvellement de la plupart des titres de séjour.
Ces amendements positionneraient la France dans la moyenne haute des tarifs pratiqués en la matière par les pays européens. Dans un rapport d’information relatif à la taxation des titres de séjours, la députée Mme Stella Dupont avait en effet mené une analyse comparative qu’il est intéressant de reproduire ici.
COMPARAISON EUROPÉENNE DES TARIFS DE DÉLIVRANCE D’UN TITRE DE SÉJOUR (2010‑2011)
(en euros)
|
Tarif le plus faible |
Tarif le plus élevé |
France |
55 |
349 |
Belgique |
15 |
27 |
Italie |
72,12 |
|
Espagne |
10,20 |
|
Allemagne |
40 |
200 |
Autriche |
100 |
150 |
Pays-Bas |
188 |
830 |
Royaume-Uni |
142 |
715 |
Grèce |
147 |
900 |
Suède |
50 |
200 |
Source des données : Cour des comptes, repris par le rapport d’information n° 2041 de Mme Stella Dupont – 19 juin 2019.
Au cours de sa deuxième réunion du 31 octobre 2024, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Immigration, asile et intégration.
Les enregistrements audiovisuels de ces réunions sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale.
Contre l’avis des rapporteurs spéciaux et après avoir adopté les amendements de crédits à l’état B, la commission a adopté les crédits de la mission Immigration, Asile et intégration ainsi modifiés.
Elle a également adopté les amendements n° II-CF1877 et II-CF210 à l’état G - Liste des objectifs et des indicateurs de performance.
Enfin, elle a adopté les amendements n° II-CF406 ; II-CF254 et II-CF413 après l’article 60 prévoyant des demandes de rapports au Gouvernement.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Le projet de budget de la mission Immigration, asile et intégration s’établit à 1,73 milliard d’euros en autorisations d’engagement et à 2,5 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2025. C’est une diminution assez sensible d’environ 35 millions d’euros en AE et de 108 millions d’euros en CP, même si la trajectoire respecte globalement la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi).
Le projet de budget présente plusieurs points positifs. Il intègre en budgétisation initiale les prévisions de dépenses de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) que reçoivent les bénéficiaires de la protection temporaire, notamment les Ukrainiens. Par ailleurs, les effectifs de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) connaissent une augmentation de 29 emplois équivalents temps plein (ETP) pour réduire les délais de paiement. Je salue à cette occasion l’ensemble des agents qui sont parvenus à réduire les délais de traitement à quatre mois, contre huit il y a quelques années.
Je relève toutefois deux points de vigilance. Premièrement, la réduction du nombre de places au sein du dispositif national d’accueil peut se comprendre par le tassement de la demande d’asile, par une meilleure lutte contre les indus et par la réduction des délais de traitement de la demande d’asile grâce à l’Ofpra, mais aussi grâce à la loi sur l’immigration, qui comprenait un volet relatif à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Cependant, les prévisions ne me semblent pas suffisantes pour assurer l’accueil des bénéficiaires ukrainiens de la production temporaire.
Le second point de vigilance, que Charles Rodwell détaillera plus avant, porte sur la réduction drastique des crédits d’investissement dédiés au nombre de places en centre de rétention administrative (CRA). Si nous votons les crédits en l’état, il n’y aura aucun investissement en 2025, à rebours des prévisions du prédécesseur de M. Retailleau, qui souhaitait la création de 3 000 places de rétention administrative en 2027, et en contradiction avec la volonté du ministre actuel de prolonger à 210 jours la durée de rétention administrative pour les personnes les plus dangereuses pour l’ordre public – volonté que nous saluons. Sans effort budgétaire pour créer des places, il ne sert à rien d’augmenter le délai de rétention.
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. Je souscris aux propos qui viennent d’être tenus par Mathieu Lefèvre. Le budget doit répondre aux objectifs fixés par les lois que les majorités successives ont votées ces dernières années sous la présidence d’Emmanuel Macron et le ministère de Gérald Darmanin, à commencer par la loi de programmation du ministère de l’intérieur et la loi sur l’immigration.
Les amendements que nous avons proposés visent à répondre à un principe : accueillir moins pour accueillir mieux. C’est ce que les Français attendent légitimement et c’est aussi le seul moyen d’accueillir dignement celles et ceux que nous choisissons d’accueillir. Nous alertons toutefois le Gouvernement sur le décalage entre certaines annonces et les politiques réellement appliquées. Le principal sujet de préoccupation est l’objectif de construction de 3 000 places en centre de rétention administrative en 2027, que le budget ne permet pas d’atteindre. Nous avons donc déposé un amendement visant à rétablir la trajectoire initiale en assumant des économies sur d’autres budgets de la mission et nous appelons le Gouvernement à lever le gage à la suite des annonces publiques faites par le Premier ministre et le ministre de l’intérieur.
Article 42 et état B : Crédits du budget général
Amendements II-CF710 de M. Jocelyn Dessigny et II-CF681 de M. Matthias Renault (discussion commune)
M. Yoann Gillet (RN). Dans un objectif gouvernemental de maîtrise des dépenses publiques et eu égard à la pression migratoire qui s’exerce sur le pays, l’amendement propose de supprimer les subventions versées annuellement par l’État aux 1 350 associations qui agissent dans les trois domaines de la mission. La prise en charge du droit d’asile en France, de même que la politique d’intégration, a été partiellement déléguée par l’État aux opérateurs associatifs. Si l’État veut reprendre le contrôle de ses frontières et de ses dépenses, il est nécessaire de faire des économies en la matière.
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. Avis défavorable. Premièrement, une bonne partie de ces subventions s’inscrivent dans le cadre de marchés publics signés par l’État pour des services importants. Deuxièmement, certaines de ces subventions sont nécessaires : des maires du Rassemblement national ou d’autres groupes se sont plaints de la fin de l’hébergement des personnes immigrées ou en situation irrégulière dans leur commune quand le contrat a été rompu entre l’État et certaines associations qui organisaient leur hébergement. Nous considérons que supprimer toutes les subventions aux associations que vous évoquez serait contre-productif. Troisièmement, nous savons que certaines subventions sont abusives. C’est la raison pour laquelle nous vous inviterons à voter l’amendement II-CF2066, qui demande un rapport détaillé sur les subventions allouées aux associations, notamment les subventions de l’État et des collectivités.
Je vous invite par ailleurs, à titre personnel, à voter l’amendement II-CF2063 qui proposera de transférer à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) les crédits des associations qui délivrent un conseil juridique ou une aide juridique et sociale aux personnes retenues dans les CRA.
M. Yoann Gillet (RN). Ces associations reçoivent près de 1 milliard d’euros chaque année : même en retirant 750 millions, il resterait assez d’argent pour honorer les marchés publics pendant la transition, aussi inacceptables soient-ils. Nous marchons sur la tête en confiant à ces associations une compétence de l’État, avec les abus que l’on connaît. Les associations que nous finançons pour faire du secours en mer font bien plus que cela : elles encouragent l’immigration et, avec les députés d’extrême gauche qui les soutiennent, se rendent coresponsables des morts en mer. C’est une situation dramatique, mais si certains n’encourageaient pas ceux qui vivent dans la misère dans leur pays à traverser, il n’y aurait pas de morts en mer.
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). En commission des lois, nous avons l’habitude que M. Gillet et le Rassemblement national fassent des propositions qui, ici, reviennent à tuer des gens – sans le dire, car ce serait contraire à la loi. Oui, supprimer les aides aux associations qui viennent en aide aux personnes en détresse, comme les naufragés, cela revient à tuer des gens.
Les trois principales causes des départs sont les difficultés économiques, la guerre et le changement climatique. C’est contre elles qu’il faut lutter, mais vous n’en parlez jamais car ce sont vos amis qui provoquent cette souffrance et cet exil, à commencer par M. Bolloré qui exploite les matières premières en Afrique.
M. Peio Dufau (SOC). Je ne supporte pas les propos du Rassemblement national. Chez nous, au Pays basque, nous sommes une terre de passage pour les migrants. C’est la police qui les fait tuer : quand elle les attrape, elle les ramène à la frontière à Irun et les oblige à traverser le fleuve à la nage. Certains sont morts noyés, d’autres sont passés par la voie ferrée. Trois sont morts sous mes yeux dans ma ville, à Ciboure ; j’étais d’astreinte à la SNCF ce jour-là et je l’ai vu ! Alors, vos petits propos de merde, gardez-les pour vous ! On ne parle pas comme ça de la mort des gens.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Monsieur Dufau, modérez vos propos. Je ne peux pas vous laisser dire que la police tue ou vous exprimer de façon vulgaire.
M. Peio Dufau (SOC). Mes excuses, mais je l’ai vécu.
Mme Véronique Louwagie, présidente. La commission vous accueille avec plaisir mais je vous demande d’exposer votre vision dans le respect.
Mme Perrine Goulet (Dem). Il est inadmissible d’entendre dire que la police tue volontairement des migrants. Je ne suis pas d’accord avec l’amendement du Front national, mais ces propos vont trop loin. La police ne tue pas.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Efforçons-nous de parler d’immigration avec raison, modération et pragmatisme, sans accuser ni les associations ni la police de tuer des migrants. Nous ne subventionnons à ma connaissance aucune association de passeurs. Croire cela, c’est méconnaître la réalité des politiques publiques : à Calais, s’il n’y avait pas d’associations pour aider les migrants et assurer l’hébergement et la restauration des personnes en transit, l’État ne pourrait pas assurer ces missions. Oui, trois fois oui, l’argent doit être contrôlé ; nous avons proposé un amendement en ce sens. Mais, de grâce, ne laissons pas croire que l’État donne de l’argent aux passeurs.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je vous demande de comprendre la colère légitime de M. Dufau. Il faut regarder la réalité en face. L’enquête d’un consortium de journalistes publiée dans Le Monde a révélé ce qui se passe dans la Manche : oui, des policiers ont bien, à plusieurs reprises, pris part à la crevaison d’embarcations gonflables. Je salue toutes les associations qui contribuent à l’accès au droit, à la solidarité et à la défense de l’humanisme qui font la fierté de notre République. Il faut voter contre ces amendements.
Mme Véronique Louwagie, présidente. La colère, même légitime, ne permet pas toutes les expressions. Chacun doit s’exprimer dans le respect des autres.
Mme Stella Dupont (NI). En aucune manière l’État ne finance des passeurs. À Calais, où nous comptons des morts chaque semaine, le problème est avant tout lié à l’absence de voie de passage régulière qui pousse nombre d’étrangers à prendre tous les risques, y compris le pire. Nous devons travailler à une voie légale de migration vers le Royaume-Uni plutôt qu’imaginer des murs qui seront toujours franchissables. Je voterai contre les amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements II-CF1610 de Mme Félicie Gérard, II-CF647 de M. Yoann Gillet, II-CF2064 de M. Charles Rodwell, II-CF409 de Mme Andrée Taurinya, II-CF1808 de Mme Léa Balage El Mariky et II-CF199 de Mme Céline Thiébault-Martinez (discussion commune)
Mme Félicie Gérard (HOR). Cet amendement d’appel vise à alerter sur le coût que représente la procédure de demande d’asile. Lors de son arrivée sur le territoire et en attente de l’acceptation ou du rejet de son droit à l’asile, une allocation forfaitaire est versée au demandeur d’asile dès lors qu’il accepte l’offre de prise en charge qui lui a été présentée par l’Ofii lors de l’enregistrement de sa demande. Cette allocation est familialisée et elle intervient en complément de l’éventuel accueil dans un centre d’hébergement. Le mécanisme représente un coût de plus de 350 millions d’euros pour les finances publiques ; il n’existerait pas si les demandes d’asile étaient instruites en dehors des frontières nationales.
La politique de l’asile ne doit évidemment pas être remise en question pour les demandeurs qui relèvent bien du droit d’asile, mais cette allocation d’attente crée un appel d’air manifeste à l’immigration illégale en poussant des personnes qui n’en relèvent pas manifestement à entrer sur le territoire national sous le couvert de l’asile et à s’y maintenir ensuite de manière irrégulière. L’amendement propose de la supprimer. J’appelle le Gouvernement à réformer d’urgence la procédure d’asile et à transférer l’instruction des dossiers aux ambassades et consulats français, ce qui serait beaucoup plus respectueux des êtres humains.
M. Yoann Gillet (RN). Le budget présenté par le Gouvernement est une escroquerie : les dépenses publiques continuent de croître plus vite que l’inflation et aucune économie n’est réalisée sur des secteurs clés comme l’immigration. En cela, il semble influencé par la gauche.
En 2023, l’Ofpra a enregistré 142 649 demandes d’asile, soit 8,7 % de hausse par rapport à 2022. Il s’agit du plus haut niveau jamais enregistré. Le pic de 2019 a même été dépassé. Le système, totalement dévoyé, est devenu une machine incontrôlable et crée un appel d’air pour une immigration de masse. Pendant ce temps-là, que fait le Gouvernement ? Rien. Pire encore, il continue de réduire les crédits pour lutter contre l’immigration irrégulière, tout en laissant exploser les dépenses injustifiées au profit des demandeurs d’asile. Ses priorités ne vont pas à la sécurité des Français ou à la lutte contre l’immigration illégale, mais à des allocations versées aux demandeurs d’asile pour 353 millions d’euros, une somme qui dépasse les moyens dédiés à l’expulsion de délinquants étrangers. C’est proprement scandaleux. Cette disproportion inacceptable appelle un rééquilibrage d’urgence.
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. L’amendement II-CF2064 est en lien avec l’amendement II-CF2065 de Mathieu Lefèvre proposant la modulation de l’ADA selon un barème fixé en fonction du pays d’origine, puisqu’il existe une liste objective de pays d’origine sûrs. L’évolution des crédits que nous proposons correspond à cette modulation.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous pensons au contraire qu’il faut accueillir correctement tous ceux qui échouent sur notre territoire après avoir quitté leur pays pour fuir des situations dramatiques. L’allocation de demandeurs d’asile devrait être revalorisée, et non baissée de 16 %. Notre amendement propose donc de prélever 47,2 millions d’euros sur le programme Immigration et asile pour créer une ligne nouvelle Moyens supplémentaires à destination de l’allocation pour demandeurs d’asile.
J’ajoute que l’amendement de M. Rodwell, qui propose de trier les étrangers, ne me paraît pas conforme aux valeurs de notre République. En fonction de quoi les trierait-on ? De leur couleur de peau, de leur religion, de leur pays d’origine ? C’est absolument impensable.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Collègues d’extrême droite, les demandeurs d’asile qui fuient la guerre, la dictature, la torture, les menaces d’excision ou l’emprisonnement pour leur orientation sexuelle n’ont pas le temps de faire des études comparatives pour voir dans quel pays il vaut mieux aller. Ces mensonges sont les hallucinations d’esprits pollués par une idéologie raciste. Il faut au contraire garantir l’accès aux droits et la République s’honorerait à respecter réellement les demandeurs d’asile.
Cet amendement de ma collègue Léa Balage El Mariky, soutenu par la Fédération des acteurs de la solidarité, propose d’augmenter de 40 millions d’euros le budget consacré à l’allocation pour demandeur d’asile, qui n’a pas été revalorisée depuis sa création en 2015. Tous les acteurs de terrain disent qu’elle est insuffisante pour permettre aux personnes de subvenir à leurs besoins de première nécessité. Nous demandons l’annulation de la baisse décidée par le Gouvernement et la prise en compte les effets de l’inflation.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Notre amendement vise également à revaloriser l’allocation pour demandeur d’asile. Nous sommes choqués par la proposition de moduler l’ADA, selon des critères qui ne sont pas précisés dans l’amendement. Le montant sera-t-il fixé en fonction du pays de provenance ou de l’aspect physique des personnes qui arrivent à la frontière ?
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Je comprends, madame Gérard, qu’il s’agit d’un amendement d’appel ; évidemment, vous n’imaginez pas réduire à zéro l’allocation pour demandeurs d’asile. Le droit européen, fort heureusement, ne le permettrait pas. Je vous répondrai que la précédente majorité est parvenue à en stabiliser le montant : en 2018, il était de 300 millions d’euros, avec une demande d’asile inférieure ; en 2025, il sera de 250 millions d’euros, si l’on exclut les protégés temporaires ukrainiens. Cette dépense est maîtrisée non pas parce que le Gouvernement est inique et veut faire des économies sur les demandeurs d’asile, mais parce que l’ADA est versée moins longtemps : les délais de jugement sont plus rapides et, depuis la loi sur l’immigration, les délais d’appel ont également été réduits.
En revanche, monsieur Gillet, vous assumez de ne donner aucun soutien matériel à l’accueil des demandeurs d’asile. C’est un point de vue contraire au droit européen et à la vocation humanitaire de notre pays.
Entre ces deux options, Charles Rodwell et moi proposons de faire évoluer l’allocation, dont le montant est plus élevé que dans d’autres pays, pour lutter contre le dévoiement du droit d’asile et améliorer l’efficacité de la dépense. Elle sera modulée non pas en fonction de la couleur de la peau ou de la religion, ce qui serait absurde, mais du pays d’origine. Il existe des nationalités pour lesquelles la présomption d’asile est plus forte. D’ailleurs, techniquement, cette modulation existe déjà.
Avis défavorable à tous les amendements, sauf à celui présenté par M. Rodwell.
Mme Véronique Louwagie, présidente. M’étant penchée sur ces questions en qualité de rapporteure spéciale pour la mission Santé, je rappelle que lorsqu’une demande d’asile est déposée, les demandeurs bénéficient, pendant trois mois, de l’AME (aide médicale de l’État) dédiée aux soins urgents. Pendant l’examen de leur demande, ils relèvent de la Puma (protection universelle maladie), c’est-à-dire du dispositif de droit commun. Enfin, le maintien des droits est prévu pendant six mois – auxquels peuvent s’ajouter quarante-cinq jours – après l’expiration du titre de séjour. Durant cette période, certaines personnes déposent une demande de titre de séjour pour soins. Dans ce cadre, opérer une distinction entre les demandeurs originaires d’un pays sûr et les autres pourrait présenter un intérêt.
M. David Guiraud (LFI-NFP). Certains prétendent que l’allocation perçue par les demandeurs d’asile pendant l’examen de leur dossier créerait un appel d’air. Vous rendez-vous compte de ce que vous suggérez ? Personne ne songe à quitter sa famille et ses proches ni à parcourir 5 500 kilomètres pour toucher 14 euros par jour – 6,80 euros en cas d’hébergement en Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile) ! Il n’y a aucun pactole à toucher, ici.
Cette allocation devrait au contraire être revalorisée. Les êtres humains ne se noient pas sans se débattre. Croyez-vous que les demandeurs d’asile se laisseront mourir de faim si vous ne leur donnez pas suffisamment d’argent pour s’acheter un peu de nourriture ? En raisonnant ainsi, on crée les conditions de la délinquance et de l’insécurité. Tendre la main aux autres, ce n’est pas seulement être plus humain, c’est aussi créer des conditions d’harmonie paisible, qui permettent à tout le monde de coexister.
M. Yoann Gillet (RN). De deux choses l’une, monsieur le rapporteur spécial : ou bien vous n’avez pas pris la peine de lire notre amendement, ou bien vous êtes de mauvaise foi. Nous ne proposons pas de supprimer tous les financements, mais de réduire de 5 % le budget alloué à l’ADA et de 10 % les crédits d’hébergement.
Par ailleurs, collègues d’extrême gauche, c’est précisément parce que le droit d’asile fait honneur à notre pays qu’il faut faire preuve de fermeté : toutes les personnes qui en profitent injustement et finissent par être déboutées mettent en danger ceux qui en ont vraiment besoin. Il faut faire la part des choses entre ceux qui sont réellement en danger dans leur pays et ceux – nombreux, osons le dire – qui viennent simplement profiter du système.
Alors que les Français ont déjà du mal à boucler leurs fins de mois et à manger correctement, n’augmentons pas une allocation qu’ils payent de leur poche.
Mme Stella Dupont (NI). Je suis défavorable aux amendements de Mme Gérard et de MM. Gillet et Rodwell. Celui des rapporteurs spéciaux me semble contrevenir à la convention de Genève du 28 juillet 1951, puisqu’il prévoit de trier les demandeurs d’asile en fonction de leur pays d’origine. Cette proposition est d’autant plus abjecte que des demandeurs issus de pays considérés comme sûrs peuvent très bien obtenir l’asile s’ils répondent aux critères de la convention de Genève.
Je récuse par ailleurs avec la plus grande fermeté la notion de dévoiement du droit d’asile : s’il y a une procédure qui dysfonctionne, ce n’est pas l’asile, mais l’immigration économique régulière, devenue si difficile que de nombreuses personnes sont contraintes d’emprunter d’autres voies.
Mme Sandrine Runel (SOC). J’invite M. Gillet à venir à l’Ofpra pour y découvrir comment les choses fonctionnent : ce serait probablement très instructif pour lui et son mouvement.
Le droit d’asile, rien que le droit d’asile, voilà ce que nous défendons. L’article 1er de la convention de Genève liste les raisons en vertu desquelles ceux qui quittent leur pays peuvent demander l’asile – pas pour toucher 6,80 euros par jour, mais parce qu’ils sont menacés de mort en raison de leurs convictions politiques, de leur religion ou de leur orientation sexuelle, par exemple. Il est impossible de savoir, avant que son dossier soit examiné, si une personne relève ou non de l’asile.
Alors que nous devrions accueillir les demandeurs dignement, un sur deux n’est pas hébergé. Cessons donc de prétendre qu’ils viennent en France pour y faire du tourisme.
Mme Elsa Faucillon (GDR). En effet, avant l’examen de sa situation précise, rien ne dit si un demandeur d’asile obtiendra le statut de réfugié. Le pays d’origine peut certes constituer une indication, mais il ne permet pas de prédire l’issue de la demande : par exemple, certaines femmes venues d’Afghanistan ne reçoivent pas la protection de la France, tandis que des personnes fuyant des pays considérés comme sûrs peuvent se voir accorder l’asile en raison des persécutions spécifiques qu’elles y subissent.
La France fait par ailleurs partie des pays d’Europe où le taux d’acceptation des demandes d’asile est le plus faible – beaucoup plus qu’en Allemagne ou en Suède, par exemple.
Enfin, les personnes qui perçoivent l’ADA sont très loin de vivre dans le luxe. La supprimer créerait du désordre. Ce seraient d’ailleurs les seules conséquences de la politique migratoire que vous promouvez : créer du désordre et nuire à la cohésion sociale.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Les taux d’acceptation des demandes d’asile déposées par les personnes originaires de certains pays sûrs sont très faibles : 0,68 % pour la Moldavie, 3,48 % pour l’Arménie, ou encore 2,6 % pour le Monténégro. Ce constat devrait nous inciter à faire preuve de discernement.
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. La convention de Genève et le pacte européen sur la migration et l’asile prévoient déjà que les États puissent appliquer des procédures spécifiques. Les modalités de la modulation que nous proposons seraient fixées par décret et s’appliqueraient sur la base d’un critère parfaitement objectif, à savoir la liste des pays sûrs définie par le conseil d’administration de l’Ofpra, qui est un organisme indépendant. Il ne serait pas question d’un quelconque tri.
La commission rejette successivement les amendements II-CF1610, II-CF647 et II-CF2064.
Elle adopte l’amendement II-CF409.
Les amendements II-CF1808 et II-CF199 tombent.
Amendements II-CF1599 et II-CF1601 de Mme Stella Dupont
Mme Stella Dupont (NI). Les exilés subissent souvent des souffrances et des traumatismes importants, dans leur pays d’origine mais aussi pendant leur parcours de migration. Or l’accompagnement et l’accès aux soins en santé mentale restent trop limités, tout comme l’accès à l’interprétariat. Nous devons renforcer les moyens qui y sont consacrés. Tel est le sens de ces amendements, ainsi que du II-CF1600, que nous examinerons ultérieurement.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Je salue votre travail sur cette mission, que vous connaissez parfaitement. Vous avez raison de rappeler que les personnes qui demandent l’asile en France ont parfois vécu des situations traumatiques, qui doivent être prises en charge. Néanmoins, une personne ayant obtenu le statut de réfugié relève du droit commun et bénéficie à ce titre de la Puma, qui couvre les soins psychiatriques, mais aussi du RSA et des prestations familiales et de logement. L’enjeu n’est donc pas tant d’augmenter les budgets que d’accorder à ces situations toute l’attention qu’elles méritent.
Avis défavorable aux amendements.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). Le manque d’accès aux soins de psychiatrie est un grave problème pour toute la population, qu’elle soit immigrée ou non. Efforçons-nous de résoudre les difficultés du secteur avant de prétendre offrir un suivi à tout le monde.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-CF412 de Mme Gabrielle Cathala
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Comme Mme Dupont, nous souhaitons que les personnes migrantes, qui font face à des parcours traumatiques, puissent bénéficier du soutien psychologique et psychiatrique dont elles ont besoin. Une étude publiée dans The Lancet en 2023 montre par exemple que les femmes demandeuses d’asile arrivant dans le Sud de la France ont dix-huit fois plus de risques de subir des violences sexuelles que les autres.
Mon amendement, moins ambitieux que les précédents, vise à prélever des crédits sur les actions répressives du budget consacré à l’immigration pour améliorer l’accompagnement.
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. Nous comprenons bien le problème que vous décrivez, mais une personne ayant obtenu le statut de réfugié relève du droit commun et bénéficie donc de tous les droits sociaux déjà évoqués. Avis défavorable.
M. Gérard Leseul (SOC). Je regrette vivement que vous soyez passée si vite sur le vote de l’amendement II-CF1601, madame la présidente : vous avez choisi de considérer qu’il était identique au précédent, mais nous aurions aimé pouvoir nous prononcer clairement.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Je n’ai pas entendu d’opposition lorsque j’ai demandé si le vote était identique au précédent.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF1809 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous proposons de créer, à titre expérimental, des permanences d’accompagnement médical et psychologique pour les femmes dans les structures de premier accueil des demandeurs d’asile (Spada). L’étude du Lancet montre en effet que les demandeuses d’asile sont surexposées aux violences sexuelles dans le pays d’accueil ; et seule une femme sur dix rencontrée dans ce cadre avait fait appel aux forces de l’ordre ou consulté un médecin.
Les Spada sont la porte d’entrée des demandeurs d’asile dans le dispositif national d’accueil. Une expérimentation lancée par l’association France terre d’asile a permis de créer, à l’aide de fonds privés, une permanence médico-psycho-sociale au sein d’une structure parisienne pour orienter le plus tôt possible les demandeuses d’asile concernées vers les professionnels de santé. Nous souhaitons poursuivre cette expérimentation dans trois autres départements, en y consacrant un financement spécifique de 780 000 euros.
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. Au-delà de la protection déjà évoquée, les femmes peuvent, comme toute personne nouvellement arrivée sur le territoire, demander à l’Ofii un rendez-vous santé. Cette visite médicale gratuite permet de réaliser un bilan clinique et de repérer tous les troubles de santé, y compris mentaux. Le secret médical y est absolu. Le lien entre l’Ofii et les Spada s’opère également à travers les pôles France asile créés par la loi « immigration » du 26 janvier 2024.
Le service que vous évoquez est déjà assuré. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Contre l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement II-CF1600 de Mme Stella Dupont.
L’amendement II-CF1811 de Mme Léa Balage El Mariky est retiré.
Amendements II-CF194 de Mme Céline Thiébault-Martinez, II-CF411 de Mme Andrée Taurinya et II-CF195 de Mme Céline Thiébault-Martinez (discussion commune)
Mme Sandrine Runel (SOC). L’amendement II-CF194 vise à financer la création de places d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda). Le PLF pour 2025 prévoit une baisse de 71 millions des crédits consacrés à ce parc d’hébergement, donc la suppression de plus de 6 000 places, alors que leur nombre est déjà insuffisant. Une telle réduction serait contraire aux principes de la convention de Genève.
Seuls 65 % des familles demandeuses d’asile et 50 % des personnes isolées ont été hébergées cette année. Les autres sont laissées dans la précarité et se trouvent contraintes de se loger sous des tentes. Pour respecter la dignité de ces personnes, il faut revenir sur les suppressions de places prévues et annuler cette baisse de crédits.
L’amendement II-CF195 est un amendement de repli.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. La précédente majorité a porté le nombre de places du DNA de 82 000 en 2017 à 119 000 aujourd’hui. Il est vrai que leur nombre diminuera d’environ 8 000 l’an prochain, du fait d’une baisse de crédits de l’ordre de 71 millions d’euros. Cette baisse s’explique par la réduction des délais de traitement des demandes d’asile, par un léger tassement du nombre de demandes depuis 2023, et par l’action forte conduite par les services de l’État pour lutter contre l’occupation indue des logements.
J’ai déposé un amendement visant à abonder ces crédits de 25 millions d’euros, notamment pour que les réfugiés ukrainiens bénéficiant de la protection temporaire puissent continuer à être accueillis, ce que le montant actuellement prévu dans le PLF ne permet pas.
Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement II-CF194.
Les amendements II-CF411 et II-CF195 tombent.
Amendement II-CF1567 de M. Pouria Amirshahi
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous proposons de renforcer le programme Immigration et asile de 12 millions d’euros afin d’éviter la suppression de places en centres d’accueil et d’examen des situations (CAES), qui sont la porte d’entrée des personnes migrantes dans la procédure administrative.
Contre l’avis de M. Charles Rodwell, rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Amendements II-CF1807 de Mme Léa Balage El Mariky et II-CF2068 de M. Mathieu Lefèvre (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Notre amendement vise à renforcer le budget consacré à l’accueil des réfugiés ukrainiens. Les hébergements collectifs « sas Ukraine » comptent 11 000 places, mais les dépenses correspondantes ne sont pas mentionnées dans le PLF. Les gestionnaires de ces centres ont besoin de visibilité sur les projets financés, d’où la nécessité de faire apparaître le montant de 328 millions d’euros dans l’action Accueil des étrangers primo arrivants.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Le PLF pour 2025 met fin à la sous-budgétisation qui caractérisait l’ADA versée aux bénéficiaires de la protection temporaire et qui tendait à créer des difficultés en fin de gestion : un budget spécifique de 107 millions d’euros y figure désormais.
Je vous propose de retirer votre amendement au profit du mien, qui tend à abonder les crédits du DNA pour maintenir l’hébergement de ces bénéficiaires.
La commission adopte l’amendement II-CF1807.
L’amendement II-CF2068 tombe.
Amendements II-CF2062 de M. Charles Rodwell, II-CF640 de M. Yoann Gillet et II-CF192 de M. Marc Pena (discussion commune)
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. La Lopmi et la loi « immigration » fixent une trajectoire d’investissement dans la construction, la rénovation et la sécurisation des centres de rétention administrative, dont le nombre de places devra être porté à 3 000 d’ici à 2027. Le budget proposé ne permettra pas de tenir cette trajectoire. Nous appelons donc le Gouvernement à rétablir les crédits d’investissement et de construction de CRA en levant le gage sur cet amendement. À défaut, nous proposons des pistes d’économies sur le reste de la mission.
M. Yoann Gillet (RN). La France verse chaque année près de 1 milliard d’euros aux associations immigrationnistes – contre 300 millions d’euros en 2016. Dans le même temps, elle se contente de 70 millions d’euros pour assurer le fonctionnement des CRA. Le gouvernement Barnier s’inscrit pleinement dans cette politique, qui accorde si peu de moyens aux centres de rétention, pourtant essentiels pour lutter concrètement contre l’immigration massive.
Le budget présenté ne permettra pas de tenir les engagements du Gouvernement en matière de construction de centres de rétention. Il faut rétablir des financements crédibles, à la hauteur des objectifs annoncés publiquement.
M. Marc Pena (SOC). Mon amendement vise à renforcer les moyens alloués aux personnels de santé au sein des CRA, afin de garantir un accès aux soins effectif à toutes les personnes qui y sont retenues. L’objectif d’augmentation du nombre de places en CRA doit aller de pair avec une amélioration des conditions sanitaires. L’accès aux soins est un droit fondamental qui doit être garanti à tous, y compris aux personnes placées en rétention administrative. Or la situation actuelle dans les CRA, que je visite régulièrement, révèle des carences importantes en matière de santé, mettant en péril la dignité et l’intégrité physique et mentale des personnes retenues.
Notre objectif n’étant évidemment pas de réduire les crédits du programme Intégration et accès à la nationalité française, nous appelons le Gouvernement à lever le gage.
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. Les deux amendements de nos collègues seraient satisfaits par l’adoption de celui que j’ai présenté. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Je profite de l’amendement de M. Pena pour préciser que, contrairement à une idée reçue, les personnes en situation irrégulière placée en CRA ne sont pas prises en charge au titre de l’AME mais de la sécurité sociale, pour un coût que nul ne sait chiffrer.
M. Yoann Gillet (RN). En effet, la somme énorme prise aux Français – qui ne parviennent déjà pas à se soigner – pour financer l’AME n’englobe pas tous les soins offerts aux étrangers en situation irrégulière. Elle ne couvre pas non plus les coûts liés aux détenus en prison, par exemple. Puisque nos collègues de gauche semblent réagir, je leur rappelle que 37 % des Français ont déjà renoncé à se soigner faute de moyens. Tous ne sont pas des petits-bourgeois comme vous !
M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Parmi les personnes pouvant prétendre à l’AME, 51 % n’y recourent pas. Par ailleurs, dans tous les pays qui s’y sont essayés, la suppression des aides médicales aux étrangers, y compris en situation irrégulière, a conduit à une hausse des dépenses de santé, les personnes étant prises en charge lorsque leurs pathologies sont plus graves, donc plus coûteuses à soigner.
Il est vrai que M. Gillet veut tuer des gens : sa proposition permettrait donc effectivement de faire des économies en laissant mourir des malades. Pour ma part, j’estime que nous avons une responsabilité collective envers les personnes qui, une fois parvenues sur notre sol, ont besoin d’être soignées. C’est toute l’histoire de notre patrie républicaine qui nous l’impose.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Il est difficile d’entendre un député prétendre qu’un de ses collègues aurait la volonté de tuer des gens. D’autre part, nous aurons l’occasion de débattre de l’AME au cours de l’examen de la mission Santé.
M. Gérard Leseul (SOC). Je tiens à soutenir la proposition sérieuse et très finement chiffrée de notre collègue Pena, qui mérite d’être adoptée à l’unanimité.
Mme Claire Marais-Beuil (RN). J’aimerais entendre la gauche défendre tout autant les Français qui ne se soignent plus. Des personnes frappent régulièrement à ma porte pour me demander à quels traitements elles doivent renoncer, faute de pouvoir les payer tous. Je n’ai aucune leçon à recevoir de vous.
La commission rejette successivement les amendements II-CF2062 et II-CF640 et adopte l’amendement II-CF192.
Contre l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement II-CF211 de Mme Céline Thiébault-Martinez.
Suivant l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, elle rejette l’amendement II-CF642 de M. Aurélien Lopez-Liguori.
Amendement II-CF209 de Mme Céline Thiébault-Martinez
Mme Sandrine Runel (SOC). Il vise à attribuer des crédits supplémentaires au pôle Protection de l’Ofpra. Tous les demandeurs d’asile ne finissent pas en situation irrégulière : certains sont protégés et doivent se voir attribuer des papiers pour pouvoir continuer leur parcours d’intégration.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. À l’initiative de Stella Dupont, les effectifs de ce service ont été renforcés de 8 ETP. L’effet est déjà notable, puisque près de 30 000 actes ont été établis au premier semestre 2023, contre 18 000 au premier semestre 2022. Je propose que nous en restions là. Avis défavorable.
La commission adopte l’amendement. Amendements II-CF267 de M. Matthias Renault et II-CF2063 de M. Charles Rodwell (discussion commune)
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. Nous proposons que l’aide juridique et sociale aux étrangers dans les CRA soit assurée par l’Ofii.
J’émets un avis défavorable à l’amendement de M. Renault. Nous sommes d’ailleurs très étonnés que le Rassemblement national propose de diminuer les crédits de l’Ofii, qui œuvre à réguler l’immigration irrégulière.
La commission rejette successivement les amendements.
Suivant l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, la commission rejette successivement les amendements II-CF653 et II-CF867 de Mme Alexandra Masson.
Contre l’avis du rapporteur spécial, elle adopte l’amendement II-CF407 de Mme Andrée Taurinya.
L’amendement II-CF1113 de M. Benjamin Lucas-Lundy tombe. Contre l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement II-CF410 de Mme Andrée Taurinya.
L’amendement II-CF1120 de M. Benjamin Lucas-Lundy tombe.
Amendements II-CF213 de M. Laurent Lhardit et II-CF206 de M. Karim Benbrahim (discussion commune)
M. Laurent Lhardit (SOC). Nous souhaitons renforcer les subventions destinées aux centres sociaux et aux associations qui dispensent des cours de français aux étrangers arrivant en France.
Contre l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement II-CF213.
L’amendement II-CF206 tombe.
Contre l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement II-CF402 de Mme Andrée Taurinya.
Amendement II-CF250 de la commission des lois
Mme Elsa Faucillon (GDR). Cet amendement, adopté par la commission des lois, vise à régulariser les travailleurs sans papiers, qui contribuent activement à la vie de la nation, dans les métiers du bâtiment, du soin ou du lien, et plus généralement dans une multitude de secteurs où ils sont fréquemment exploités. Si certains employeurs militent pour la régularisation de leurs salariés, le caractère irrégulier de leur situation les expose bien souvent à des phénomènes d’exploitation et à des conditions de travail dangereuses.
Il serait juste – sur les plans tant humains qu’économique – de régulariser ces centaines de milliers de personnes afin de les sortir d’une situation d’exploitation porteuse de risques importants.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Ce n’est pas véritablement un débat budgétaire : vous le savez, chère collègue, puisque vous avez fait le choix d’un amendement d’appel à 1 euro. Nous avons besoin d’une immigration économique maîtrisée : tel est le sens des dispositions de la loi « immigration ». Je regrette d’ailleurs que les décrets correspondants ne soient pas encore parus. Défavorable.
La commission adopte l’amendement.
Amendement II-CF251 de la commission des lois, amendements identiques II-CF212 de Mme Céline Thiébault-Martinez et II-CF252 de la commission des lois, amendements identiques II-CF253 de la commission des lois et II-CF405 de Mme Andrée Taurinya (discussion commune)
Mme Elsa Faucillon (GDR). L’amendement II-CF251 vise à allouer 20 millions d’euros à un nouveau programme Sauvetage en mer. Dans la Manche, l’année 2024 a été particulièrement meurtrière. De nombreuses personnes décèdent, depuis des années, en tentant cette traversée. Les chiffres sont encore plus dramatiques en mer Méditerranée, où seules des ONG – d’ailleurs souvent criminalisées et empêchées, notamment par le décret Piantedosi, en Italie – gèrent le sauvetage. En Manche, il existe des navires, mais ils sont trop peu nombreux et peu adaptés au sauvetage en mer. La création de ce programme permettrait d’affronter la question même si, à titre personnel, je milite plutôt pour des routes légales sûres puisqu’il faut éviter que ces personnes, qui trouveront, de toute façon, un moyen de venir, empruntent les voies les plus dangereuses.
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. Je veux rendre hommage à nos forces de l’ordre, à nos forces de secours et aux associations, qui sont mobilisées pour empêcher ces personnes d’aller se noyer en mer et, si besoin est, les sauver. Nous avons rencontré, à Calais, les personnes mobilisées pour cette mission, qui réalisent un travail remarquable, et avons discuté avec elles des aspects budgétaires. Nous sommes défavorables à votre amendement. Premièrement, les crédits relatifs à l’organisation des forces nationales de sauvetage sont déjà prévus dans la mission Sécurités : si vous souhaitez les majorer, il faut abonder cette dernière plutôt que de créer un programme. Deuxièmement, le financement de ces opérations s’inscrit dans une dynamique européenne, qui fonctionne. Il serait plus opportun d’abonder les fonds européens que de créer une ligne de crédits nationale.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Nous avons précisément déposé une proposition de résolution européenne visant à créer une flotte européenne de sauvetage en mer. Pour l’heure, en Méditerranée, on laisse aux seules ONG le soin de s’acquitter de cette tâche – et encore c’est beaucoup dire, puisqu’elles sont largement empêchées. Le sauvetage en mer n’entre pas dans les missions de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex). En revanche, ses navires, comme tous ceux qui se trouvent à proximité d’une embarcation en détresse, sont censés sauver les personnes se trouvant à son bord. Dans le cas du naufrage de l’Adriana, qui a entraîné la mort de 600 personnes, il a toutefois été révélé que Frontex avait mis beaucoup de temps avant de lancer l’alerte, ce qui a empêché de sauver tous ces gens.
La commission adopte l’amendement II-CF251.
Les autres amendements tombent.
Contre l’avis des rapporteurs spéciaux, la commission adopte l’amendement II-CF403 de Mme Andrée Taurinya.
Amendements II-CF1548 de M. Pouria Amirshahi et II-CF404 de Mme Andrée Taurinya (discussion commune)
Mme Danielle Simonnet (EcoS). L’amendement II-CF1548 a pour objet d’affecter 15 millions d’euros à la protection et à l’accès aux droits des mineurs non accompagnés. La Convention internationale des droits de l’enfant nous fait obligation d’assurer une prise en charge globale et inconditionnelle des mineurs. Pourtant, dans les faits, la situation est dramatique.
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. Notre avis sera défavorable car vous proposez d’abonder un nouveau programme de l’État alors qu’il s’agit d’une compétence des départements. Il conviendrait plutôt de soutenir ces derniers.
Nous nous félicitons de l’accord trouvé entre la France et le Maroc concernant les mineurs non accompagnés de nationalité marocaine.
La commission adopte l’amendement II-CF1548.
L’amendement II-CF404 tombe.
Contre l’avis des rapporteurs spéciaux, la commission adopte successivement les amendements II-CF408 de Mme Andrée Taurinya et II-CF1121 de M. Benjamin Lucas-Lundy.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons à l’avis des rapporteurs spéciaux et aux explications de vote sur les crédits de la mission.
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Compte tenu des votes intervenus, la mission a été vidée de ses crédits et de son sens. On a augmenté massivement l’allocation pour demandeur d’asile ; en contrepartie, il n’y a plus de fonds pour lutter contre l’immigration irrégulière. Il convient évidemment de s’opposer à ces crédits, ce qui est regrettable eu égard à la noblesse de la mission exercée par les agents de l’Ofii et de l’Ofpra, à qui nous rendons hommage.
M. Emmanuel Fouquart (RN). Pour les mêmes raisons, nous voterons contre les crédits de la mission.
Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’ensemble des amendements que nous avons fait adopter ont permis de parvenir à un budget d’accueil et non plus de répression. Nous voterons en faveur des crédits.
M. David Amiel (EPR). Cette mission repose sur un équilibre entre la lutte contre l’immigration irrégulière et l’intégration. Or les amendements adoptés, qui représentent 500 millions d’euros de dépenses, bouleversent cet équilibre. C’est d’autant plus regrettable que des améliorations devaient être apportées à la copie initiale. Les rapporteurs spéciaux ont notamment formulé des propositions concernant les CRA. On pouvait également améliorer les dispositifs d’intégration, qui étaient insuffisants. Le choix qui a été fait de déséquilibrer complètement nos instruments de politique migratoire nous oblige évidemment à voter contre ces crédits.
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Compte tenu de l’adoption des amendements visant à revaloriser l’ADA, à accompagner les personnes LGBTQIA + et à allouer des moyens au sauvetage en mer, nous voterons en faveur de ce budget.
Mme Véronique Louwagie, présidente. Eu égard aux amendements adoptés, les membres du groupe Droite républicaine voteront contre les crédits de la mission.
Mme Danielle Simonnet (EcoS). Les groupes du Nouveau Front populaire peuvent être fiers du travail accompli, qui nous a permis de bâtir un budget républicain, qui respecte véritablement le droit d’asile, garantit l’égalité des droits sur notre territoire et favorise la régularisation des travailleuses et travailleurs sans papiers, ainsi que l’accueil des mineurs non accompagnés. En conséquence, nous voterons pour les crédits.
Mme Félicie Gérard (HOR). Le budget pour 2025 de la mission Immigration, asile et intégration, tel que présenté par le Gouvernement, reflète une volonté de renforcer la maîtrise des flux migratoires tout en améliorant l’intégration des primo-arrivants. L’augmentation des crédits alloués à l’accélération du traitement des demandes d’asile permet de réduire les délais de traitement. Parallèlement, le développement du contrat d’intégration républicaine, reposant notamment sur l’apprentissage de la langue française, permet une meilleure insertion professionnelle et sociale.
En revanche, les crédits votés en commission ce soir n’étant pas raisonnables, le groupe Horizons & indépendants votera contre les crédits de la mission.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Je constate que la majorité déserte la commission, alors qu’il s’agit de soutenir le budget de la mission Immigration, asile et intégration, défendu en commission des lois par le ministre de l’intérieur. Parallèlement, je me réjouis des avancées obtenues par les députés du Nouveau Front populaire rétablissant l’équilibre en faveur de l’intégration, qui avait subi une baisse drastique de ses moyens, en particulier pour l’apprentissage de la langue et l’hébergement des demandeurs d’asile.
Nous voterons le budget ainsi modifié, qui résonne mieux avec notre devise républicaine.
La commission adopte les crédits de la mission Immigration, asile et intégration modifiés.
Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance
Amendement II-CF2067 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Cet amendement reprend une proposition de notre ancien collègue Mansour Kamardine, visant à définir le nombre de bateaux interceptés dans les eaux territoriales françaises à Mayotte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-CF1877 de M. Paul Christophle
Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Cet amendement vise à créer un nouvel objectif, portant sur la durée moyenne de placement en CRA des ressortissants dont la rétention s’achève par un éloignement.
Contre l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, la commission adopte l’amendement.
Contre l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, elle adopte l’amendement II-CF210 de Mme Céline Thiébault-Martinez.
Après l’article 60
Amendement II-CF2013 de M. Mathieu Lefèvre
M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial. Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda) prévoit la contribution des compagnies aériennes au financement des zones d’attente dans les aéroports. Cet amendement vise à le modifier pour rendre obligatoire cette contribution puisque les compagnies aériennes ont une responsabilité dans le placement des passagers en zone d’attente.
La commission rejette l’amendement.
L’amendement II-CF2065 de M. Mathieu Lefèvre est retiré.
Contre l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, elle adopte l’amendement II-CF406 de Mme Andrée Taurinya.
Amendement II-CF2066 de M. Charles Rodwell
M. Charles Rodwell, rapporteur spécial. Cet amendement a pour objet la production d’un rapport permettant de déterminer le montant des financements publics versés aux associations mandatées par l’État ou les collectivités locales pour intervenir dans le champ de la mission Immigration, asile et intégration.
La commission rejette l’amendement.
Contre l’avis de M. Mathieu Lefèvre, rapporteur spécial, elle adopte l’amendement II-CF254 de la commission des lois.
Contre l’avis du rapporteur Charles Rodwell, elle adopte les amendements identiques II-CF413 de Mme Andrée Taurinya et II-CF1529 de M. Pouria Amirshahi.
PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
Office français de protection des réfugiés et apatrides
– M. Julien Boucher, directeur général
– Mme Sophie Pegliasco, directrice de cabinet
Office français de l'immigration et de l'intégration
– M. Didier Leschi, directeur général
Observatoire de l’immigration et de la démographie
– M. Nicolas Pouvreau-Monti, directeur général
– M. Grégoire Daubigny, directeur des relations institutionnelles
Croix-Rouge française *
– Mme Camille Joubert, directrice de la filière lutte contre les exclusions
– Mme Valentine Guerif, cheffe de projet Asile et intégration
– M. Anahid Toufanian, chargée de mission premier accueil – asile
Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées
– M. Jérôme d'Harcourt, délégué interministériel
– M. Hennin, adjoint au Dihal par intérim, et délégué général
– Mme Valérie Saintoyant, conseillère affaires intérieures
Cour nationale du droit d'asile
– M. Mathieu Herondart, président
– M. Olivier Massin, secrétaire général
Centre de Réflexion sur la Sécurité Intérieure
– M. Thibault de Montbrial, président
– M. Olivier Debeney, chef de cabinet
Direction générale des Étrangers en France
– M. Eric Jalon, directeur général des étrangers en France
– M. Ludovic Pacaud, chef du service de la performance et des ressources
Préfecture de police de Paris
– M. Laurent Nunez, préfet de police
– Mme Juliette de Clermont Tonnerre, conseillère stratégie et relations publiques au cabinet du Préfet de police
– M. Philippe Le Moing Surzur, Préfet, secrétaire général pour l'administration
– Mme Pascale Pin, adjointe à la Préfète déléguée à l'Immigration
Personnalités qualifiées
– M. Xavier Driencourt, diplomate
– M. Fernand Gontier, directeur honoraire des services actifs de la police nationale
– M. Michel Aubouin, Préfet
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
([1]) Cette modification relève de la première partie de la loi de finances.
([2]) Le rapport annexé à ce texte prévoit en 2025 des AE de 1 660 millions d’euros et des CP de 2 074 millions d’euros pour la mission Immigration, asile et intégration.
([3]) L’article 12 de ce texte détermine, pour les années 2024, 2025 et 2026, des plafonds de crédit hors contribution du budget général au compte d’affectation spéciale Pensions, hors charges de la dette et hors remboursements et dégrèvements. Le plafond maximum de CP fixé pour la mission Immigration, asile et intégration s’élève à 2 200 millions d’euros en 2025, comme en 2024.
([4]) Décision n° 450285 du 2 février 2024 – Annulation de la seconde phrase de l’art. L. 332-3 du CESEDA - Refus d’entrée aux frontières intérieures en cas de rétablissement temporaire du contrôle à ces frontières.
([5]) Dans une décision rendue le 21 septembre, la Cour de justice de l’Union européenne a déclaré que, malgré le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, un pays ne peut procéder à des refoulements systématiques à ses frontières. Il doit respecter la directive européenne dite retour qui prévoit qu’un ressortissant non européen doit pouvoir bénéficier d'un certain délai pour quitter volontairement le territoire.
([6]) Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
([7]) Pour 2025, sont prévus au bénéfice de la direction générale des étrangers en France (DGEF) sur cette action 45 millions d’euros en AE et CP et 563 ETPT.
([8]) Cette évolution a concerné le transfert, depuis le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur de la mission Administration générale et territoriale de l’État des dépenses de développement, de maintenance et d’hébergement des systèmes d’information de la direction générale des étrangers en France (DGEF) en faveur de l’action 4 Soutien (+ 37,9 millions d’euros en AE et en CP). La seconde mesure a procédé au transfert sur l’action 2 Garantie de l’exercice du droit d’asile de 118,7 millions d’euros (en AE et en CP) servant au financement des centres provisoires d’hébergement en provenance de l’ancienne action 15 Accompagnement des réfugiés du programme 104.
([9]) Ces taux de protection en concernent que les décisions de l’OFPRA et n’intègrent pas les résultats des recours devant la CNDA.
([10]) Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2023, Mission Immigration, asile et intégration, avril 2024.
([11]) La Commission a fondé sa proposition sur l’article 4, paragraphe 2 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001, qui permet au Conseil de proroger la protection « pour une période maximale d'un an » après une première mise en œuvre d’un an et deux prolongations automatiques de six mois. Cette disposition avait jusqu’alors été interprétée (notamment en France, comme en témoigne la rédaction de l’article L. 581‑3 du Ceseda) comme permettant au Conseil une dernière et unique prorogation d’un an, portant la durée totale maximale de protection à trois ans. Pour autant, la Commission adopte ici une interprétation extensive de l’article 4, paragraphe 2 en appelant à son application dès lors que « les raisons à l’origine de l’introduction de la protection temporaire subsistent ». Ainsi, la protection temporaire pourrait être renouvelée autant de fois que nécessaire tant que ces conditions subsistent.
([12]) Donnée à jour du mois de mai 2024.
([13]) La demande ukrainienne a augmenté de 397 % par rapport aux sept premiers mois de l’année 2023. L’Ukraine est désormais la nationalité la plus enregistrée en guichet unique devant l’Afghanistan, dont le nombre de demandeurs diminue (– 37 %). La demande haïtienne, qui se porte majoritairement vers la Guyane, est également en nette hausse par rapport à 2023 (+ 172 %), de même que la demande soudanaise (+ 59 %). Les autres principales nationalités (Guinée, RDC, Côte d’Ivoire, Turquie) diminuent par rapport à 2023.
([14]) Les documents annexés au PLF prévoient en effet une diminution de 71,2 millions d’euros de crédits sur le parc d’hébergement des demandeurs d’asile.
([15]) Projet annuel de performances pour 2025, p. 38.
([16]) Chaque année, un objectif de mobilisation de logements pour les réfugiés est fixé aux préfets par les ministres de l’Intérieur et du Logement, accompagné d’une enveloppe de crédits destinée à financer des actions dans ce cadre. En 2023, l’objectif était de 17 000, avec une enveloppe d’environ 11 millions d’euros, et il a été atteint à 90 %. Pour 2024, il est fixé à 17 200.
([17]) La déclinaison entre les différents dispositifs d’hébergement devra être précisée. Dans les annexes budgétaires, elle est inscrite en totalité sur la ligne HUDA, sans préjudice de la ventilation qui sera finalement effectuée en exécution.
([18]) Amendement n° CF2068 en commission et n° II-1400 en séance.
([19]) L’article D. 553-9 du CESEDA prévoit que « le montant additionnel n’est pas versé au demandeur qui n’a pas manifesté de besoin d’hébergement ou qui a accès à un hébergement ou un logement à quelque titre que ce soit ».
([20]) La Cour des comptes a constaté que beaucoup de ces ménages ukrainiens qui s'établissent dans la durée sur le territoire accèdent au marché du travail. Les ressources tirées de leur activité professionnelle sont alors déduites de leur allocation, ce qui participe à faire baisser le coût moyen (à 366 € en novembre 2023 contre 592 € en novembre 2022).
([21]) Amendement n° cf.-2065 en commission et n°II-1398 en séance.
([22]) Amendement n° cf.-2064 en commission et n° II-1403 en séance publique.
([23]) Réponse aux questions complémentaires des rapporteurs spéciaux.
([24]) Décret n° 2024-828 du 16 juillet 2024 relatif aux pôles territoriaux « France asile » et modifiant la procédure de demande d'asile.
([25]) Ce coût est constitué des dépenses de fonctionnement et d’investissement dans les CRA et zones d’attente (70 millions d’euros en 2022, portés par l’action n° 3 du programme 303) et par la masse salariale des policiers affectés dans les centres de rétention administrative de l’Hexagone et d’outre-mer (estimée à 155 millions d’euros en 2022, compris dans les dépenses de personnel de la police aux frontières).
([26]) Chiffre indiqué aux rapporteurs par le directeur général des étrangers en France.
([27]) Ce document, non publié, indique qu’« en termes de doctrine, la ligne est claire : la rétention doit être prioritairement destinée aux ESI [étrangers en situation irrégulière] auteurs de troubles à l’ordre public, y compris lorsque l’éloignabilité ne paraît pas acquise au jour de la levée d’écrou ou de l’interpellation. En cas de manque de places disponibles, il convient de libérer systématiquement les places occupées par les ESI sans antécédents judiciaires non éloignables et de les assigner à résidence ». Circulaire du 3 août 2022, page 3. Les mots en gras et soulignés reproduisent ceux de la circulaire.
([28]) L’article 1er de cette loi approuve le rapport sur la modernisation du ministère de l’intérieur annexé à la loi et l’article 3.7 de ce rapport indique que « le nombre de places en centres de rétention administrative sera progressivement porté à 3 000 ».
([29]) Amendement n° CF-II2062 en commission et amendement n° II-1401 en séance.
([30]) Entretien au Figaro Magazine, paru le 2 octobre 2023.
([31]) Les centres de rétention administrative ont été officialisés par la loi n° 81-973 du 20 octobre 1981.
([32]) Conseil d’État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 16/11/2009, 328826.
([33]) Amendement n° II-CF2063 en commission et n° II-1402 en séance.
([34]) Amendement n° II-CF2066 en commission et n° II-1404 en séance.
([35]) Projet annuel de performances, page 51.
([36]) Y compris 7 millions d’euros en provenance de l’action 12 Actions d’intégration des primo-arrivants, au titre des formations linguistiques postérieures au contrat d’intégration républicaine (niveaux A2 et B1).
([37]) Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2023, Mission Immigration, asile et intégration, page 55.
([38]) Le tableau récapitulatif des emplois de l’opérateur indique de façon erronée le chiffre de 1 227 ETPT en 2024 et de 1 193 ETPT pour 2025.
([39]) Le niveau A1 est celui d’un utilisateur élémentaire sachant « comprendre et utiliser des expressions familières et quotidiennes ainsi que des énoncés très simples qui visent à satisfaire des besoins concrets ».
([40]) Projet annuel de performances, page 78.
([41]) L’action s’intitulait jusqu’au PLF pour 2025 Accompagnement des foyers de travailleurs migrants.