N° 468

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),

 

PAR M. Charles de COURSON,

Rapporteur général

Député

 

——

 

ANNEXE N° 34
 

 

POUVOIRS PUBLICS

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Marianne MAXIMI

 

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS De la RAPPORTEURe SPÉCIAle

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

premiÈre PARTIE : LES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES

I. L’assemblÉe nationale

A. Premiers ÉlÉments relatifs À l’exÉcution du budget en 2024 : une dissolution À prÈs de 30 millions d’euros nets

1. Chiffres généraux

2. Une première dépense imprévue : le Congrès du 4 mars 2024

3. La très coûteuse dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le Président de la République

B. les recettes attendues en 2025 : une insuffisance de financements incompatible avec le nÉcessaire renforcement des pouvoirs des reprÉsentants du peuple

1. Le compréhensible mais déplorable gel de la dotation de l’État

a. Le gel de la dotation pour 2025

b. L’avis de la rapporteure spéciale

2. Le sempiternel prélèvement sur les disponibilités financières

3. Les maigres recettes hors dotation de l’État

C. Des dÉpenses maÎtrisÉes POUR 2025

1. Les dépenses de fonctionnement

a. Les charges parlementaires

b. Les charges de personnel : le dévouement à la démocratie de fonctionnaires de moins en moins nombreux

c. Les achats de biens et de fournitures : une progression modeste grâce aux efforts en matière de sobriété

d. Les services extérieurs : un recours quasi inexistant aux prestations de cabinets de conseil

e. Les impôts, taxes et versements assimilés

2. Les dépenses d’investissement

D. l’assemblÉe nationale en quÊte d’exemplaritÉ sociale et environnementale

1. Les efforts de l’Assemblée nationale pour réduire son impact environnemental

2. En matière sociale, une politique de sous-traitance désormais questionnée

II. Le sÉnat

A. Les recettes

B. Les dÉpenses

III. La chaÎne parlementaire

A. des missions essentielles

B. un budget stable

deuxiÈme PARTIE : LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

I. Les recettes

A. Une dotation de l’État finalement stable aprÈs deux annÉes de hausses consÉquentes

B. Les recettes propres

1. La peu rentable maison Élysée

2. Les énigmatiques « intérêts financiers »

II. Les dÉpenses : rÉceptions en hausse et dÉplacements climaticides

A. Les dÉpenses de personnel : une Évolution infÉrieure À l’inflation

B. Les dÉpenses de fonctionnement : la nouvelle hausse des rÉceptions prÉsidentielles

C. Les dÉpenses de dÉplacement : une prÉoccupante indiffÉrence climatique

D. Les dÉpenses d’investissement : la fin bienvenue des travaux de la maison ÉlysÉe

III. la trÈs perfectible dÉmocratie sociale À la prÉsidence de la RÉpublique

A. de timides avancÉes en 2023

1. L’analyse de la rapporteure spéciale

2. L’analyse de la Cour des comptes

B. des perspectives inquiÉtantes

TROISIÈME PARTIE : LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

I. L’activitÉ

A. Les dÉcisions

1. Éléments statistiques généraux

2. La question prioritaire de constitutionnalité

a. Un dispositif reconnu

b. Un dispositif à démocratiser

B. Les actions non juridiques

II. Le budget

A. Les ressources

1. La dotation budgétaire

a. Un montant en légère baisse

b. L’enjeu des disponibilités financières

2. Les ressources propres

B. Les dÉpenses

1. Un poste majeur : les dépenses de personnel

2. Les dépenses relatives aux membres : une rémunération opaque

3. Des évolutions surprenantes

QUATRIÈME PARTIE : LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

I. L’activitÉ de la Cour de justice de la RÉpublique

II. Le budget demandÉ pour 2025 : la croissance des dÉpenses immobiliÈres

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR  LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

 

 

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date en 2025, 60 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure spéciale, contre 100 % l’année dernière.

 


   PRINCIPALES OBSERVATIONS De la RAPPORTEURe SPÉCIAle

Les crédits de l’ensemble de la mission Pouvoirs publics devraient s’élever à 1,14 milliard d’euros en 2025. S’il était initialement prévu par le projet de loi de finances que leurs dotations crûssent proportionnellement à l’inflation, la Présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat ont tous trois annoncé renoncer à une telle hausse.

● La dotation allouée à la Présidence de la République en 2025 devrait donc être stable à 123 millions d’euros. Le principal poste est celui des dépenses de personnel, qui atteindront 77 millions d’euros. La rapporteure spéciale regrette que, dans une période difficile pour de nombreux ménages, les frais de réceptions de la Présidence croissent encore de 35 % en 2025, après leur augmentation significative des années précédentes. Elle s’interroge sur l’image ainsi renvoyée par le Président de la République en multipliant les réceptions fastueuses, aux frais des contribuables d’un État pourtant fréquemment présenté comme en quasi-faillite. Elle déplore que pour la troisième année consécutive, la Présidence de la République exige des efforts budgétaires aux services publics et aux collectivités locales sans effectuer elle-même de tels efforts.

● Dans le même temps, la rapporteure spéciale est très réservée sur le gel attendu de la dotation de l’Assemblée nationale à 608 millions d’euros. À l’heure où le gouvernement procède à des choix budgétaires difficiles dans de nombreux services publics essentiels, il est bien naturel qu’une hausse de la dotation de la Présidence de la République comme du Parlement soit violemment vécue par les citoyens. Cependant, elle rappelle que ce choix de politique économique, consistant à contraindre le budget de l’État et demander des économies aux services publics, est le fait de l’exécutif, pas de l’Assemblée nationale. La rapporteure spéciale dénonce ce choix économique austéritaire, appliqué à l’ensemble de l’action publique, et même à la démocratie. Elle souligne par ailleurs que l’Assemblée nationale est actuellement majoritairement composée de députés de l’opposition. Il est donc problématique que son budget soit réduit, et avec lui la capacité de ces députés à mener leur travail parlementaire.

Par conséquent, elle refuse cette course à l’austérité qui affaiblit les services publics ainsi que le pouvoir législatif. Elle rappelle que le bon fonctionnement de la démocratie exige des financements. Baisser en euros constants les crédits du Parlement revient à affaiblir ses pouvoirs, alors que les représentants du peuple agissent dans un régime politique, la Cinquième République, qui leur est peu favorable. Elle appelle donc à doter l’Assemblée nationale, comme l’ensemble des services publics, de moyens à la hauteur des besoins.

Par ailleurs, les alertes émises chaque année par la rapporteure spéciale demeurent valables : la trajectoire du nombre de fonctionnaires par rapport au nombre de personnels contractuels reste baissière, le crédit pour la rémunération des collaborateurs est faible, ce qui a des conséquences tant sur les capacités d’expertise des députés et donc les pouvoirs du Parlement que sur le bien-être desdits collaborateurs. Elle salue cependant les avancées progressivement apportées dans le domaine de la sous-traitance, tant pour le bien-être des salariés des entreprises concernées que pour la réinternalisation de certaines prestations, et appelle les questeures à demeurer ambitieuses en la matière.

● Conformément à la tradition républicaine, elle ne s’attardera pas sur les crédits du Sénat, qui devraient demeurer en 2025 à leur niveau actuel de 353 millions d’euros.

● S’agissant du Conseil constitutionnel, si sa dotation doit diminuer à 16,9 millions d’euros, cette baisse de 1 million d’euros n’est pas à hauteur de la dotation spéciale de 3,8 millions d’euros qui avait été demandée pour 2024 afin de financer des investissements ponctuels. En neutralisant l’impact de cette dotation exceptionnelle, la dotation demandée par le Conseil augmente en réalité de 2,8 millions d’euros.

● Enfin, la rapporteure spéciale s’interroge sur les dépenses immobilières de la Cour de justice de la République, locataire dans le 7e arrondissement de Paris. Elle estime qu’il pourrait être envisagé de la délocaliser dans des quartiers populaires, tant pour faire des économies que pour rapprocher la Cour, juge des membres du gouvernement, des premières victimes de la politique de casse sociale qu’il conduit.

 


   DONNÉES CLÉS

Évolution prÉvue pour 2025 DES CRÉDITS des pouvoirs publics

(en millions d’euros)

 

CP ouverts en LFI
2024

CP demandés
pour 2025

Variation 2024-2025
(en %)

Présidence de la République

123

126

+ 3

Assemblée nationale

608

618

+ 2

Sénat

353

359

+ 2

La Chaîne parlementaire

35

36

+ 1

Conseil constitutionnel

18

17

 6

Cour de justice de la République

1

1

0

Total de la mission

1 138

1 157

+ 2

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2025.

N.B.: Ce tableau doit cependant être nuancé, car depuis le dépôt du présent projet de loi de finances, la Présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat ont tous trois annoncé renoncer à la hausse prévue de leur dotation.

Sous réserve de l’adoption des amendements traduisant ces engagements, leur dotation de l’an dernier devrait donc, pour chacun d’entre eux, être reconduite. Le total des crédits de paiement de la mission s’établirait alors à 1 138 millions d’euros, montant global sans changement significatif sur un an.

 


   INTRODUCTION

La mission Pouvoirs publics est prévue au I. de l’article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui dispose qu’« une mission spécifique regroupe les crédits des pouvoirs publics, chacun d’entre eux faisant l’objet d’une ou de plusieurs dotations ». Les crédits des pouvoirs publics sont communément définis comme de « titre 1 », en référence au 1° du I. de l’article 5 de la LOLF.

L’autonomie financière de chacun des cinq pouvoirs publics de la mission (Présidence de la République, Assemblée nationale, Sénat, Conseil constitutionnel, Cour de justice de la République) est un principe fondamental, dont le Conseil constitutionnel a estimé qu’il « relève du respect de la séparation des pouvoirs » ([1]). Est en conséquence constitutionnellement protégée la règle selon laquelle « les pouvoirs publics constitutionnels ([2]) déterminent euxmêmes les crédits nécessaires à leur fonctionnement » ([3]). Par conséquent, et sans que le Conseil constitutionnel ait jamais eu à se prononcer directement sur le sujet, la conformité à la Constitution de dispositions budgétaires qui, introduites par un pouvoir public, modifieraient les crédits d’un autre pouvoir public contre la volonté de celui-ci, ne relève pas de l’évidence.

La règle de l’autonomie financière s’exerce conformément aux modalités prévues par le législateur organique : « Chaque assemblée parlementaire jouit de l’autonomie financière. Les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées parlementaires font l’objet de propositions préparées par les questeurs de chaque assemblée et arrêtées par une commission commune composée des questeurs des deux assemblées. Cette commission délibère sous la présidence d’un président de chambre à la Cour des comptes désigné par le premier président de cette juridiction. Deux magistrats de la Cour des comptes désignés par la même autorité assistent à la commission ; ils ont voix consultative dans ses délibérations » ([4]).

La rapporteure spéciale rappelle l’importance du caractère public des budgets des institutions concernées, dont les données sont accessibles aux citoyens, et le fait que la mission Pouvoirs publics est soumise au vote des parlementaires. Elle déplore que, pour la troisième fois consécutive, ces crédits n’aient pu être discutés en séance publique.


   premiÈre PARTIE :
LES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES

Les dotations demandées par les assemblées parlementaires pour 2025 devraient ainsi rester identiques à celles de 2024 et s’établir à 961 millions d’euros, soit un coût annuel de 14,06 euros par habitant ([5]).

I.   L’assemblÉe nationale

La rapporteure spéciale tient à remercier vivement les questeures et l’ensemble des personnels placés sous leur autorité pour la qualité et la précision des réponses apportées à son questionnaire budgétaire. Les regrets et recommandations qu’elle formulera dans la présente partie ne doivent pas masquer la disponibilité remarquable dont a fait preuve la questure pour répondre à ses interrogations et lui permettre de remplir dans les meilleures conditions son rôle de rapporteure spéciale. Tel n’avait pas toujours été le cas sous les précédentes législatures. Cet exemple pourrait inspirer d’autres institutions, comme la Présidence de la République.

L’examen du présent projet offre l’occasion de revenir sur l’exécution des crédits au cours du premier semestre 2024.

A.   Premiers ÉlÉments relatifs À l’exÉcution du budget en 2024 : une dissolution À prÈs de 30 millions d’euros nets

1.   Chiffres généraux

Le budget de l’Assemblée nationale pour 2024, approuvé par le collège des questeurs le 14 juin 2023, adopté par le Bureau le 28 juin 2023 puis rectifié le 24 janvier 2024, prévoyait un montant total de crédits de 622,16 millions d’euros. Le solde budgétaire prévisionnel s’établissait à – 12,66 millions d’euros.

Au 30 juin 2024, le montant total des dépenses de l’Assemblée a atteint 297,70 millions d’euros, soit une hausse en valeur absolue de 19,79 millions d’euros par rapport à 2023. La consommation budgétaire au premier semestre 2024 s’établit néanmoins à un niveau assez similaire à celui du premier semestre 2023, en dépit des premiers effets de la dissolution : les dépenses réalisées représentent ainsi 47,9 % du budget total, contre 46,4 % à la même époque en 2023.

2.   Une première dépense imprévue : le Congrès du 4 mars 2024

Le 4 mars 2024, le Parlement s’est réuni en Congrès, conformément à l’article 89 de la Constitution, pour examiner un projet de loi constitutionnelle ([6]). Le Congrès ne se déroule pas dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, qui serait bien trop petit pour accueillir les 925 parlementaires, mais dans la salle des séances de l’aile du Midi du château de Versailles, à une quinzaine de kilomètres du Palais‑Bourbon.

L’Assemblée nationale a pris en charge, selon l’usage, les deux tiers du coût du Congrès (alors que les députés ne représentent que 62 % du total des parlementaires), soit 0,31 million d’euros sur un total de 0,47.

Évolution du coÛt des congrÈs entre 2008 et 2014

(en milliers d’euros)

 

Objet

Coût

21 juillet 2008

Révision constitutionnelle

232

22 juin 2009

Déclaration du Président de la République

386

16 novembre 2015

152

3 juillet 2017

293

9 juillet 2018

294

4 mars 2024

Révision constitutionnelle

470

Source : réponses de la questure au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

3.   La très coûteuse dissolution de l’Assemblée nationale décidée par le Président de la République

Le budget pour 2024 a une nouvelle fois été modifié par un budget rectificatif adopté par le Bureau le 17 septembre 2024 afin de tirer les conséquences budgétaires de la dissolution et du renouvellement de l’Assemblée nationale, qui ont conduit à anticiper un surcroît net de dépenses par rapport aux prévisions d’un montant de 28,54 millions d’euros, portant le montant total de dépenses à 650,7 millions d’euros. Le Bureau a, au cours de la même réunion, décidé de demander à l’État une dotation complémentaire d’un montant identique à celui de ce surcoût ([7]).

Le surcoût brut résultant du renouvellement a été estimé sur l’ensemble de l’exercice 2024 à 44 millions d’euros, dont 43 millions d’euros de dépenses de fonctionnement. Sur cette somme, 23,5 millions d’euros ont été affectés au crédit supplémentaire de fin de mandat, permettant de financer le licenciement des collaborateurs des députés et des groupes. Ce coût est substantiellement supérieur à celui observé à l’occasion de la fin de la XVe législature en 2022. En effet, la dissolution du 9 juin 2024 a conduit à mettre un terme à l’ensemble des contrats de travail des collaborateurs de députés, alors qu’en cas de renouvellement de l’Assemblée ne résultant pas d’une dissolution, il n’est pas mis fin aux contrats de travail liant les collaborateurs à des députés réélus.

En retranchant un certain nombre d’économies ou de moindres dépenses pour la période allant du 10 juin au 7 juillet 2024, estimées à 15,41 millions d’euros et résultant principalement du non-versement du salaire des collaborateurs parlementaires pendant un mois (– 13 millions d’euros) et du non-versement de l’avance sur frais de mandat entre le 16 juin et le 7 juillet (– 2,4 millions d’euros), le montant des dépenses de fonctionnement supplémentaires s’élèverait finalement à 27,62 millions d’euros.

Le surcoût net de la dissolution pour l’Assemblée nationale, initialement estimé à 28,54 millions d’euros par la questure, a finalement été réévalué à 19,5 millions d’euros au mois de novembre ([8]); ce montant a été compensé par l’État ([9]). Le coût total pour les finances publiques est évidemment plus élevé, dans la mesure où il inclut diverses dépenses financées sur de multiples programmes, comme celles des communes pour l’ouverture des bureaux de vote, ou celles de l’État pour financer la diffusion de la propagande électorale.

La rapporteure spéciale déplore les conditions dans lesquelles les collaborateurs parlementaires ont été licenciés. Elle note que plusieurs collaborateurs ont perdu leur emploi du jour au lendemain, sans préavis ni indemnité, en raison d’une ancienneté insuffisante.

B.   les recettes attendues en 2025 : une insuffisance de financements incompatible avec le nÉcessaire renforcement des pouvoirs des reprÉsentants du peuple

1.   Le compréhensible mais déplorable gel de la dotation de l’État

a.   Le gel de la dotation pour 2025

Le budget approuvé par le collège des questeurs puis adopté par le Bureau de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2024 prévoyait une dotation de l’État de 617,98 millions d’euros, en hausse de 1,7 %, soit le montant prévisionnel de l’inflation, par rapport à l’année dernière.

Toutefois, la présidente et les questeures ont annoncé renoncer à cette hausse dans un communiqué conjoint avec leurs homologues du Sénat.

Le communiqué conjoint de la présidence de l’Assemblée nationale
et de celle du Sénat

« Le président du Sénat, M. Gérard Larcher, la présidente de l’Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, et les questeurs des deux assemblées ont décidé, d’un commun accord, de renoncer à l’indexation sur le taux d’inflation de la dotation de l’État pour le fonctionnement des assemblées parlementaires (soit + 1,7 % en 2025).

« Cette indexation avait été approuvée à l’unanimité par le Bureau du Sénat en juillet dernier et par celui de l’Assemblée nationale en septembre, soit en amont des annonces récentes du gouvernement relatives à la préparation du projet de loi de finances pour 2025.

« Les chiffres étant désormais connus, et la situation économique analysée, il est normal et indispensable que les deux assemblées participent à l’effort demandé à tous pour redresser les finances publiques de notre pays.

« Lors du projet de loi de finances pour 2025, des amendements seront déposés à l’initiative des questeurs du Sénat et de l’Assemblée nationale pour supprimer l’augmentation de la dotation de l’État aux assemblées. »

Source : site du Sénat.

Conformément à leurs engagements, les trois questeures ont ainsi cosigné deux amendements, en commission ([10]) comme en séance ([11]), proposant de revenir sur la hausse de la dotation, soit 10,3 millions d’euros.

La première questeure a expliqué à la rapporteure spéciale que ce gel de la dotation ne conduira pas l’Assemblée à adopter un budget rectificatif, mais l’incitera à chercher de nouvelles économies en exécution pour diminuer au plus juste le déficit qui résultera dudit gel. À défaut, il sera financé « par prélèvement sur les disponibilités financières de l’Assemblée ».

b.   L’avis de la rapporteure spéciale

  1.   Un devoir d’exemplarité incontestable

La rapporteure spéciale appelle à avoir un avis nuancé sur cette question. Elle comprend naturellement que, à l’heure où le gouvernement procède à des choix budgétaires difficiles dans de nombreux services publics essentiels, il est logique que les institutions donnent l’exemple.

  1.   Une austérité préjudiciable pour tous

Cependant, elle rappelle que ce choix de politique économique, qui consiste à contraindre le budget de l’État et demander des économies aux services publics, est le fait du gouvernement et de la Présidence de la République, pas de l’Assemblée nationale. Cette dernière étant aujourd’hui majoritairement composée de députés issus de l’opposition, il est pour la rapporteure spéciale problématique que dans cette configuration politique son budget soit réduit, et avec lui la capacité desdits députés à mener leur travail parlementaire d’opposition.

Par conséquent, la rapporteure spéciale refuse de concourir à cette course à l’austérité qui affaiblit les différents services publics ainsi que le pouvoir législatif et l’Assemblée nationale. Elle rappelle que la démocratie nécessite des financements pour bien fonctionner, et que baisser en euros constants les crédits du Parlement revient dans les faits à diminuer ses pouvoirs, alors que ses membres sont les représentants du peuple et font déjà face à un régime politique, la Cinquième République, qui leur est peu favorable. Elle ajoute que l’Assemblée nationale doit faire face à de nombreux défis très variés, abordés dans le présent rapport et qui engendrent des dépenses accrues : dissolution de juin 2024, inondations d’octobre 2024, nécessaire renforcement des effectifs de personnels et de collaborateurs pour mettre fin à la surcharge de travail dont tous sont victimes, adaptation des locaux de l’Assemblée à l’urgence climatique pour limiter leur impact environnemental, mise en accessibilité des locaux…

  1.   Une institution déjà exemplaire par le passé

L’Assemblée nationale sort de surcroît d’une période où elle s’était montrée exemplaire en matière de modération de sa dotation, bien plus que la Présidence de la République. Dans une logique de chaînage vertueux, la rapporteure spéciale tient à rappeler ses analyses du printemps de l’évaluation, où elle avait expliqué que « en 2023, la dotation de la Présidence de la République a été revalorisée de 4,90 %, dans des proportions supérieures à celles des assemblées parlementaires (respectivement + 3,35 % et + 2,28 %) » ([12]).

Surtout, de 2008 à 2024, soit 17 exercices budgétaires, la dotation de l’État à l’Assemblée a été augmentée seulement 3 fois, c’est-à-dire que pour 82 % des exercices, elle est restée stable (malgré l’inflation) ou a diminué.

Le gel prolongé de la dotation de l’État

La dotation de l’État s’élevait à 533,91 millions d’euros en 2008. Elle a été gelée à ce niveau jusqu’en 2012, année où elle a été diminuée à 517,89 millions d’euros. Elle a ensuite été maintenue à ce niveau de 2012 à 2021 sans jamais être réévaluée, ne serait-ce que pour tenir partiellement compte de l’inflation.

L’Assemblée a fait face à ce gel grâce à « un effort de maîtrise de ses dépenses » ; néanmoins, « pendant ces années, et compte tenu des taux d’inflation constatés, le manque à gagner de la non-revalorisation a été évalué à 450 millions d’euros au total et a conduit à des reports en matière de dépenses d’investissement auxquels il faut aujourd’hui faire face ».

Source : commission des finances d’après l’exposé sommaire de l’amendement n° CF64 de Mme Pirès Beaune, Mme Klinkert et Mme Tabarot (questeures), déposé en commission des finances pour l’examen en première lecture du PLF 2025.

Évolution comparÉe de la dotation de l’assemblÉe nationale et de l’indice des prix À la consommation entre 2008 et 2021

Source : commission des finances d’après les calculs de la rapporteure spéciale se basant sur les données des RAP pour l’évolution de la dotation de l’Assemblée et celles de l’INSEE pour le taux d’inflation annuel.

Face au constat d’une situation budgétaire insoutenable pour l’Assemblée, et afin de tenir compte de divers coûts inévitables (élections législatives de 2022 et renouvellement subséquent de l’Assemblée, investissements immobiliers incompressibles, augmentations du point d’indice décidées par le gouvernement, rénovation de la Bibliothèque…), la dotation a été adaptée à plusieurs reprises depuis 2022. Elle s’est établie à 607,65 millions d’euros en 2024.

  1.   Un budget qui demeure modeste

La rapporteure spéciale tient à relayer l’intervention d’un de ses collègues, pourtant d’un bord politique opposé au sien, qui avait rappelé : « Le budget de l’Assemblée nationale pour 2023 s’élève à 571 millions d’euros. Bien que cette somme soit conséquente, elle reste modeste lorsqu’on la compare au budget de Paris, qui est de 11 milliards d’euros. En fait, le budget de notre assemblée équivaut à peine à celui d’un arrondissement de la capitale, alors que nous avons la responsabilité de légiférer et de contrôler l’action du gouvernement pour 66 millions de citoyens » ([13]).

  1.   Des dépenses indispensables au bon fonctionnement de la démocratie

La rapporteure spéciale rappelle que l’immense majorité des crédits affectés à l’Assemblée nationale ne financent pas les indemnités des députés, qui sont au demeurant tout sauf superfétatoires dans la mesure où, conformément au principe d’égalité devant les charges publiques, elles permettent à chaque citoyen, indépendamment de ses revenus ou de son patrimoine, de pouvoir effectivement exercer un mandat de représentant du peuple.

L’argent de l’Assemblée nationale finance, par exemple, les dépenses d’éclairage de l’hémicycle, celles des transports entre le Palais-Bourbon et la circonscription d’élection de chaque député, celles des locations de permanences dans tous les territoires pour permettre aux députés de recevoir leurs concitoyens pour les écouter. Il finance aussi la rémunération des fonctionnaires, des personnels contractuels, des collaborateurs et des employés d’entreprises sous-traitantes, autant de femmes et d’hommes qui ont fait le choix de consacrer leur quotidien à faire vivre la démocratie, qu’ils gèrent l’agenda des députés, nettoient leur bureau, leur prodiguent une aide juridique, permettent la retranscription en vidéo ou par écrit de leurs débats ou encore veillent à leur sécurité.

  1.   La nécessaire revalorisation pour l’ensemble des services publics

Elle souhaite ainsi que tous les services publics bénéficient des moyens dont ils ont besoin pour fonctionner correctement, et que le budget de chacun d’entre eux soit déterminé en fonction des besoins.

En ce sens, la rapporteure spéciale se félicite que les arguments qu’elle lui a exposés aient convaincu la commission des finances de voter une hausse globale des crédits de l’Assemblée nationale de 18,2 millions d’euros, sans aucun coût pour le contribuable puisque les recettes supplémentaires ont été transférées de la Présidence de la République ([14]), qui dispose de réelles marges d’économies eu égard au caractère fastueux de plusieurs de ses dépenses et à l’augmentation de 11 % de sa dotation de l’an dernier.

2.   Le sempiternel prélèvement sur les disponibilités financières

Depuis de très nombreuses années, la dotation budgétaire insuffisante que l’État verse à l’Assemblée nationale est compensée par un prélèvement sur les disponibilités financières de l’institution. Déjà pour 2012, le rapporteur spécial de l’époque notait que ce prélèvement, « en forte augmentation », était « destiné à couvrir les dépenses de fonctionnement qui ne sont pas couvertes par la dotation de l’État ni par les ressources propres de l’Assemblée, ainsi que les dépenses d’investissement » ([15]). Le prélèvement sur les réserves devait s’élever à – 23 millions d’euros en 2025 avant l’annonce du gel de la dotation de l’État, qui devrait porter son montant à une trentaine de millions d’euros.

Si, quand ces disponibilités étaient importantes, il aurait été pertinent de s’en servir pour affecter plus de moyens aux autres services publics, elles ont désormais atteint un niveau extrêmement préoccupant. D’après les informations communiquées à la rapporteure spéciale, la valeur des réserves s’élevait au 30 juin 2024 à 180,5 millions d’euros, contre 211,3 au 30 juin 2023 ; la documentation budgétaire rappelle que ces réserves atteignaient 320 millions d’euros en 2015. Le montant des réserves est loin de représenter une année de dépenses de fonctionnement, alors que l’Assemblée est régulièrement confrontée à des imprévus qui nécessitent des dépenses accrues. Au cours des dernières années, on peut citer la pandémie de la covid-19 (dans sa phase post-confinement où l’Assemblée siégeait mais avec des normes sanitaires strictes), la dissolution du 9 juin 2024 ou les inondations d’octobre 2024. Ne pas doter l’Assemblée des moyens qui lui sont nécessaires pour fonctionner correctement équivaut à abaisser son rôle dans l’équilibre des pouvoirs, alors qu’elle a évidemment vocation à y jouer un rôle prépondérant : ses membres, représentants directement élus par le peuple, peuvent censurer le gouvernement en cas de désaccord politique ou déchoir le Président de la République en cas de manquement à ses devoirs.

Comme chaque année, la rapporteure spéciale rappelle la préoccupation de la commission d’apurement des comptes de l’Assemblée nationale « face à l’utilisation des réserves de l’institution pour financer un déficit devenu structurel ». Elle s’associe ainsi à son constat formulé sur le budget 2022 ([16]) que « l’utilisation des réserves de l’institution pour combler le déficit [n’est] pas tenable dans la durée » ([17]).

3.   Les maigres recettes hors dotation de l’État

Les recettes propres de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire les ressources hors dotation de l’État, comprennent, pour l’essentiel, des produits d’un poids marginal dans le budget et dont la nature fluctuante rend peu significatives les variations. Il s’agit des produits de gestion courante (remboursements d’organismes sociaux et contributions dues par les députés au titre de l’accompagnement à la transition professionnelle), des ventes de marchandises, des ventes de documents et de publications et des redevances dues par plusieurs entreprises en contrepartie de l’occupation de locaux de l’Assemblée. Le montant total de ces recettes est estimé à 2,1 millions d’euros en 2025.

C.   Des dÉpenses maÎtrisÉes POUR 2025

1.   Les dépenses de fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement s’élèveraient en 2025 à 605,85 millions d’euros ([18]), en hausse de 2,83 % par rapport au budget 2024.

a.   Les charges parlementaires

351,2 millions d’euros ([19]) seront consacrés aux charges parlementaires (+ 1,7 %).

  1.   L’enveloppe allouée aux collaborateurs parlementaires : un budget constant et toujours insuffisant

Les frais de secrétariat des députés s’élèveront à 128,4 millions d’euros en 2025. Il s’agit de la rémunération des collaborateurs parlementaires anticipés et des charges afférentes, dont les cotisations sociales.

Le crédit collaborateur

Le crédit collaborateur est un droit de tirage mis à la disposition des députés pour la rémunération de leurs collaborateurs (l’Assemblée nationale procédant au paiement des salaires) et non un versement monétaire sur un compte dont ils disposeraient ensuite. Ne sont imputées sur ce crédit que les rémunérations brutes des collaborateurs, les charges patronales, sociales et fiscales afférentes étant prises en charge directement par l’Assemblée nationale. Les députés peuvent également céder une partie de ce crédit à leur groupe politique. Les reliquats inutilisés de crédit collaborateur sont reportés d’un mois sur l’autre jusqu’à la fin de la législature. Ils ne peuvent en aucun cas être reversés sur l’avance de frais de mandat. En revanche, dans une logique de fongibilité asymétrique, le reliquat de l’avance de frais de mandat peut alimenter le crédit collaborateurs.

Le montant de base du crédit collaborateur a augmenté de 10 % à partir du 1er janvier 2018, pour être porté de 9 618 euros à 10 581 euros bruts mensuels par député. Il a de nouveau été revalorisé au 1er juillet 2022 (10 953 euros) et au 1er juillet 2023 (11 118 euros), en raison de l’augmentation de la valeur du point d’indice de la fonction publique, sur laquelle il est indexé. Le montant de base du crédit collaborateur n’a pas connu d’évolution depuis juillet 2023.

Les dépenses effectives pour la rémunération des collaborateurs en 2023 se sont élevées à 79,66 millions d’euros, auxquels se sont ajoutés 29,57 millions d’euros de charges patronales financées au titre de la gestion déléguée, 3,71 millions d’euros de charges diverses (principalement la prime d’ancienneté) et 7,80 millions d’euros de taxe sur les salaires. Le total a donc avoisiné 120 millions d’euros.

Au 1er janvier 2024, le nombre de collaborateurs s’établissait à 1 960, soit en moyenne 3,4 par député. Leur rémunération horaire brute moyenne atteignait 21,61 euros par mois (1,85 SMIC), et présentait une inégalité entre femmes et hommes, les premières étant rémunérées 21,11 euros bruts de l’heure en moyenne et les seconds 22,11 euros bruts de l’heure.

Source : commission des finances d’après les réponses de la questure au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

La rapporteure spéciale déplore la faiblesse du montant du crédit collaborateur, qui donne le choix aux députés entre embaucher de nombreux personnels faiblement rémunérés ou en embaucher insuffisamment pour leur proposer des salaires en rapport avec leurs qualifications et la précarité inhérente à leur métier. Cette situation crée pour les collaborateurs des surcharges de travail.

Elle a souhaité auditionner des représentants syndicaux des collaborateurs, qu’elle remercie pour leur disponibilité. Ils ont souligné les difficultés auxquelles ils sont confrontés, outre la faiblesse des rémunérations et leur précarité : méconnaissance par les députés de leur rôle d’employeur qu’ils acquièrent subitement grâce à leur élection, situations problématiques à gérer en circonscription en raison de la tension qui traverse l’ensemble de la société, campagnes de dénigrement d’une formation politique à travers le ciblage de collaborateurs exposés publiquement, non-respect des horaires de travail, y compris pour les contrats à mi-temps, absence de prise en compte des heures supplémentaires ([20]) , insuffisante considération de l’ancienneté, volonté des députés de ne pas utiliser l’intégralité de leur crédit collaborateurs pour afficher publiquement un prétendu sens des économies qui ne les affecte pas eux-mêmes…

Elle souligne que, le crédit collaborateur étant indexé sur la valeur du point d’indice de la fonction publique, la hausse immédiate de 10 % de cette valeur puis son indexation sur l’inflation, qu’elle appelle de ses vœux et qui figurait dans le programme de la coalition à laquelle elle appartient, aurait comme conséquence bienvenue, outre de sortir de la précarité ces citoyens qui ont fait le choix de travailler pour l’intérêt général, de donner aux députés des moyens idoines pour accomplir leur mandat dans de bonnes conditions. Dans la situation actuelle, l’inflation amoindrit les salaires que peuvent proposer les députés pour recruter leurs collaborateurs, ce qui revient indirectement à diminuer les pouvoirs de l’Assemblée, pourtant représentante du peuple, année après année. Il s’agit d’une tendance évidemment très inquiétante pour le bon fonctionnement de la démocratie.

La rapporteure spéciale s’opposerait le cas échéant à toute volonté de réduire encore à l’avenir les droits des collaborateurs parlementaires, afin de réaliser des économies en cas de nouvelle dissolution. Elle souligne que les indemnités qu’ils touchent sont extrêmement faibles en comparaison de ce qui se pratique dans le secteur privé quand un salarié perd son emploi du jour au lendemain. Elle invite la questure à s’assurer qu’en cas de prochaine dissolution, les droits des collaborateurs parlementaires soient non seulement protégés, mais étendus afin qu’aucun d’entre eux ne se trouve licencié sans protection.

Elle rappelle à la questure que la Présidence de l’Assemblée nationale s’était engagée en 2018 à augmenter le crédit collaborateur de 30 %. Or, 6 ans plus tard, seule une augmentation de 10 % a eu lieu. Elle appelle la questure à travailler à mettre en œuvre cette promesse de la Présidence au travers d’un plan pluriannuel d’augmentation du crédit collaborateur.

  1.   L’avance pour frais de mandat

Pour faire face aux diverses dépenses liées à l’exercice de leur mandat qui ne sont pas directement prises en charge ou remboursées par l’Assemblée, les députés bénéficient d’une avance de frais de mandat (AFM) dont le montant est revalorisé comme les traitements de la fonction publique. Le montant mensuel de cette avance est de 5 950 euros. Ce nouveau régime remplace depuis 2018 l’ancienne indemnité représentative de frais de mandat.

La prévision de dépenses pour l’AFM est de 41,2 millions d’euros.

  1.   Une subvention aux groupes renforcée

Les charges parlementaires financent aussi les subventions versées par l’Assemblée à chacun des groupes politiques constitués en son sein. Les groupes politiques, dont l’existence est reconnue par la Constitution ([21]), peuvent être constitués par les députés en fonction de leurs « affinités politiques », dès lors qu’ils comprennent au moins quinze membres ([22]). La XVIIe législature compte onze groupes en novembre 2024.

● Une réforme du mode de calcul de la subvention qui favorise les plus petits groupes

Le Bureau a redéfini, lors de sa réunion du 9 octobre 2024, le mode de calcul de la contribution mensuelle aux frais de secrétariat des groupes, afin, d’après la présentation qui en a été faite à la rapporteure spéciale par la questure, « de renforcer les moyens des groupes constitués de petits et moyens effectifs », le compte rendu de la réunion du Bureau évoquant quant à lui « un souci d’équité » ([23]).

Ces moyens seront désormais constitués, chaque mois :

– d’une part forfaitaire perçue par chaque groupe, s’élevant à 48 612,34 euros ;

– d’une part proportionnelle à hauteur de 1 200 euros par membre, attribuée dès le premier membre.

Ils agrègent trois dotations qui existaient auparavant (pour le secrétariat des groupes, leurs agents et leurs chauffeurs).

La nouvelle contribution aux frais de secrétariat des groupes à partir du 1er novembre 2024 sera ainsi la suivante :

Contributions mensuelles versÉes par l’AssemblÉe nationale aux groupes politiques À partir de novembre 2024

 

Effectif

Montant mensuel de la contribution aux frais de secrétariat du groupe (en euros)

Part du total (effectif) (en %)

Part du total (contribution) (en %)

Contribution par député (en euros)

Contribution par député en pourcentage par rapport au groupe avec la plus forte contribution par député (en %)

Rassemblement National

125

198 612

22

16

1 589

37

Ensemble pour la République

95

162 612

17

13

1 712

40

La France insoumise – Nouveau Front Populaire

71

133 812

13

11

1 885

44

Socialistes et apparentés

66

127 812

12

11

1 937

46

Droite Républicaine

47

105 012

8

9

2 234

53

Écologiste et Social

38

94 212

7

8

2 479

58

Les Démocrates

36

91 812

6

8

2 550

60

Horizons & Indépendants

33

88 212

6

7

2 673

63

Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires

22

75 012

4

6

3 410

80

Gauche Démocrate et Républicaine

17

69 012

3

6

4 060

96

UDR

16

67 812

3

6

4 238

100

Total

566

1 213 936

100

100

2 145

 

Lecture : le groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire, qui dispose de 71 députés, recevra chaque mois une contribution de l’Assemblée nationale pour ses frais de secrétariat à hauteur de 133 812 euros. Alors qu’il représente 13 % du total des députés appartenant à un groupe, sa contribution ne compte que pour 11 % du total des contributions versées à l’ensemble des groupes. Sa contribution par député, qui s’élèvera à 1 885 euros par mois, représente 44 % de la contribution par député versée au groupe UDR, qui bénéficie de la contribution par député la plus haute.

Source : commission des finances d’après les chiffres communiqués par la questure s’agissant des trois colonnes de gauche.

Les chiffres communiqués à la rapporteure spéciale et les calculs qu’elle a effectués montrent que la volonté du Bureau de renforcer les moyens alloués aux petits groupes est bien transcrite dans ces nouvelles règles.

On constate en effet que :

– les groupes avec un effectif de 66 membres et plus reçoivent une contribution inférieure à celle qui leur aurait été attribuée en cas de répartition strictement proportionnelle, au bénéfice des groupes avec un effectif inférieur ou égal à 47 membres ;

– plus le groupe est grand ou petit, plus l’écart entre la contribution qu’il recevra effectivement et celle à laquelle il aurait pu prétendre en cas de répartition strictement proportionnelle est élevé, de manière respectivement négative et positive.

Il est ensuite prévu que les montants soient revalorisés suivant l’évolution du point d’indice de la fonction publique. Ils seront réactualisés chaque année au 1er janvier à partir du 1er janvier 2026 afin de tenir compte des évolutions de la composition de chaque groupe.

Des dotations techniques (pour les frais de tenue et de certification des comptes d’une part, la gestion de la paye des salariés d’autre part) compléteront ces contributions, pour porter la dépense annuelle totale à 15,2 millions d’euros, dont 14,57 pour les contributions aux frais de secrétariat.

 Une hausse globale de la subvention à budget constant pour l’Assemblée nationale

La réforme du financement des groupes politiques représente pour l’Assemblée nationale un surcoût estimé à 2,4 millions d’euros pour 2025. Afin de financer cette mesure sans accroître pour l’année 2025, ni le montant de dotation demandé à l’État, ni le déficit, il a été décidé de réaliser les économies suivantes :

– 1,05 million d’euros sur l’accueil provisoire du public pendant le chantier de rénovation de l’accueil du public, entre juillet 2025 et 2028 ;

– 0,6 million d’euros d’économies sur les dépenses d’électricité, grâce, d’une part à « la mise en place d’un marché global de performance énergétique permettant un pilotage fin des installations », d’autre part au « tassement des tarifs observés depuis le second semestre 2024 » ;

– 0,55 million d’euros d’économies grâce à des reports d’investissements logistiques et informatiques.

Le financement de cette mesure pour les années postérieures à 2025 devra être défini.

  1.   Les indemnités des députés

Les indemnités parlementaires des députés représentent 53,8 millions d’euros, soit 8,4 % du total des dépenses de l’Assemblée prévues pour 2025 et 8,9 % de la dotation demandée à l’État.

L’indemnité parlementaire, fixée par une loi organique ([24]), s’élève à 7 637 euros bruts mensuels, soit 5 953 euros nets avant impôt sur le revenu pour les députés et 5 676 euros pour les sénateurs. Cette indemnité étant calculée en référence au traitement de certains hauts fonctionnaires de l’État, elle évolue de la même manière que le point d’indice de la fonction publique. Elle est commune aux députés et sénateurs.

Les parlementaires exerçant certaines fonctions bénéficient, en plus de leur indemnité parlementaire de base, d’indemnités spéciales, dont le montant brut mensuel est le suivant pour l’Assemblée nationale :

– Président : 7 699 euros (Sénat : 7 592 euros) ;

– Questeurs : 5 300 euros (Sénat : 4 445 euros) ;

– Vice-présidents : 1 100 euros (Sénat : 2 184 euros) ;

– Présidents de commission, de la commission spéciale chargée d’apurer les comptes, de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), rapporteurs généraux de la commission des finances et de la commission des affaires sociales : 932 euros (Sénat : 2 184 euros sauf pour l’OPECST) ;

– Secrétaires du Bureau : 733 euros (Sénat : 749 euros).

Les présidents de groupes politiques ne perçoivent à l’Assemblée nationale aucune indemnité à ce titre. Ceux du Sénat reçoivent une indemnité de 2 184 euros bruts mensuels.

Sur le plan fiscal, l’indemnité parlementaire, de même, le cas échéant, que les indemnités spéciales, sont imposées suivant les règles applicables aux traitements et salaires ([25]).

Par ailleurs, les députés qui détiennent aussi un mandat local ne peuvent percevoir au titre de celui-ci une indemnité supérieure à 2 966 euros par mois.

S’agissant des 17 membres du gouvernement ayant été élus députés aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024, ils n’ont pas perçu l’indemnité parlementaire entre la date de leur élection et la démission du gouvernement intervenue le 16 juillet. À compter du 17 juillet, ils ont bénéficié des indemnités parlementaires ([26]).

  1.   Les autres charges parlementaires

Le reliquat des dépenses de charges parlementaires est constitué par :

– les charges sociales liées aux pensions et aux prestations maladie dont bénéficient les députés (79,4 millions d’euros) ;

– les charges parlementaires diverses (32,2 millions d’euros), qui financent les déplacements professionnels des députés et de leurs collaborateurs, leurs frais de courrier, de téléphone, de taxi et d’hébergement (pris en charge par le biais de la dotation matérielle des députés – DMD –).

b.   Les charges de personnel : le dévouement à la démocratie de fonctionnaires de moins en moins nombreux

La rubrique intitulée Charges de personnel regroupe les rémunérations allouées au personnel statutaire et contractuel de l’Assemblée, les charges de Sécurité sociale et de retraite correspondantes ainsi que diverses dépenses en lien avec la gestion des ressources humaines (recrutement, formation professionnelle…). Elles s’élèveraient en 2025 à 199,4 millions d’euros, en hausse de 5 %. Elles financent la rémunération des personnels (fonctionnaires et contractuels), ainsi que les charges sociales acquittées par l’Assemblée auprès du fonds de Sécurité sociale des personnels et de la caisse de retraite des personnels.

  1.   Des fonctionnaires d’État indépendants du pouvoir exécutif

Au 30 juin 2024, l’Assemblée nationale employait 837 fonctionnaires et 538 contractuels, soit 1 375 personnes, auxquelles s’ajoutent 73 personnes mises à la disposition de l’Assemblée par d’autres administrations (essentiellement des gardes républicains et des sapeurs-pompiers) et 17 personnes détachées en qualité de contractuels de droit public auprès de l’Assemblée (et qui sont entièrement rémunérés par celle-ci). Par ailleurs, l’Assemblée dispose de 21 personnes mises à disposition ou placées en position de détachement auprès d’autres institutions. Les fonctionnaires en position de détachement sont intégralement rémunérés par l’organisme d’accueil, alors que ceux mis à disposition restent rémunérés par l’Assemblée, mais celle-ci peut percevoir une contribution de l’organisme concerné.

Les fonctionnaires de l’Assemblée nationale

« Aux termes de l’article 8 de l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, « les agents titulaires des services des assemblées parlementaires sont des fonctionnaires de l’État dont le statut et le régime de retraite sont déterminés par le Bureau de l’assemblée intéressée, après avis des organisations syndicales représentatives du personnel. Ils sont recrutés par concours selon des modalités déterminées par les organes compétents des assemblées. La juridiction administrative est appelée à connaître de tous litiges d’ordre individuel concernant ces agents, et se prononce au regard des principes généraux du droit et des garanties fondamentales reconnues à l’ensemble des fonctionnaires civils et militaires de l’État visées à l’article 34 de la Constitution. » Ces dispositions législatives trouvent leur fondement dans le principe à valeur constitutionnelle de la séparation des pouvoirs, qui a pour nécessaire corollaire l’autonomie administrative et financière de chaque assemblée parlementaire.

« Les fonctionnaires de l’Assemblée nationale sont ainsi des fonctionnaires de l’État, mais ils ne sont pas soumis aux dispositions statutaires du reste de la fonction publique : ils relèvent d’un statut propre arrêté par le Bureau. Ce dernier ne peut cependant aller à l’encontre des principes généraux du droit et des garanties fondamentales reconnues au reste des fonctionnaires.

« Le personnel de l’Assemblée nationale est soumis à un devoir très strict de discrétion professionnelle et de neutralité politique. Il est également astreint à une obligation de disponibilité absolue, le rythme de travail devant en toutes circonstances s’adapter à celui de l’activité parlementaire, qu’il s’agisse du calendrier législatif (sessions extraordinaires) ou des horaires des séances (séances de nuit et réunions des commissions). »

Source : site de l’Assemblée nationale, fiche n° 23 « Statut et carrière des fonctionnaires de l’Assemblée nationale ».

  1.   Une qualité de service unanimement reconnue

La qualité du travail fourni par le personnel de l’Assemblée nationale semble faire l’objet d’un consensus transpartisan, tout comme, au demeurant, celle des collaborateurs. Ainsi, dans une logique de chaînage vertueux, la rapporteure spéciale rappelle qu’au cours du dernier printemps de l’évaluation Mme Marie‑Christine Dalloz avait « [tenu] à remercier et à féliciter les administrateurs mis à disposition par l’Assemblée nationale », estimant que « la qualité de nos travaux, notamment ceux réalisés dans le cadre du printemps de l’évaluation, dépend grandement de leurs compétences et de leur disponibilité ». M. Christophe Plassard avait quant à lui, après avoir qualifié de « crucial » le travail des collaborateurs, déclaré que « le dévouement au service de la démocratie [des fonctionnaires de l’Assemblée nationale] mérite également d’être salué ». Mme Marie Lebec parlait quant à elle de « la très grande qualité du travail des services de l’Assemblée nationale », ajoutant que « ce point de vue est partagé sur l’importance de ceux qui œuvrent aux côtés des parlementaires » ([27]).

La rapporteure spéciale souligne que la qualité de ce travail n’est pas le fruit du hasard mais découle aussi du statut de la fonction publique parlementaire, menacé par la démarche de contractualisation des effectifs.

La qualité du travail des fonctionnaires parlementaires :
un consensus transpartisan, une raison bien identifiée

« Je voudrais aujourd’hui évoquer ceux dont on ne parle jamais : les personnels parlementaires. (Applaudissements sur tous les bancs. M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation applaudit également.) Cette fonction publique parlementaire est au service de tous les députés, quelles que soient leurs opinions politiques. Faut-il rappeler qu’ils sont 1 278 permanents, travaillant à l’Assemblée, dont 1 094 fonctionnaires, ce qui donne un ratio de 2,2 fonctionnaires par député, contre 3 à la Chambre des communes et 4 au Bundestag ?

« Au-delà des chiffres, ces personnels, ces fonctionnaires, sont notre quotidien. L’Assemblée vient de siéger tout le week-end, et elle devrait le faire à nouveau, à plusieurs reprises, durant le mois de juin. Ces fonctionnaires, quelle que soit leur catégorie, sont présents pour nous permettre de débattre, de voter la loi, le jour comme la nuit, sans récupération, sans soumission aux règles du droit du travail.
Chers collègues, je pense que nous pourrions une fois de plus, ici, sur tous les bancs, les applaudir. (Mesdames et messieurs les députés se lèvent et applaudissent.) […]

« Après avoir applaudi les fonctionnaires parlementaires, je voudrais que l’on salue leur statut, grâce auquel ils ne sont les obligés d’aucun lobby, les prisonniers d’aucun intérêt. Ils sont simplement au service de tous les députés. Leur neutralité politique est totale. Certes, ils travaillent pour la majorité parlementaire, mais ils sont également au service des groupes d’opposition, des groupes minoritaires et des députés qui n’appartiennent à aucun groupe. »

Source : intervention de M. André Chassaigne, compte rendu de la première séance du mardi 29 mai 2018.

  1.   Un dialogue social sain

La rapporteure spéciale se réjouit que les organisations syndicales représentatives des personnels, qu’elle a souhaité auditionner, lui aient décrit le dialogue social avec les autorités politiques comme « fonctionnant plutôt bien », grâce à « des échanges réguliers » avec le collège des questeures.

En revanche, la rapporteure spéciale déplore l’absence de dialogue social véritable entre l’Assemblée nationale et les organisations syndicales des collaborateurs parlementaires, que celles-ci ont déplorée. Elle souligne que l’Assemblée nationale ne saurait se réfugier derrière le statut du député-employeur pour ne pas organiser ce dialogue social ni assumer ses responsabilités quant aux conditions de travail des collaborateurs parlementaires.

  1.   La regrettable contractualisation des effectifs

Toutefois, comme chaque année, la rapporteure spéciale renouvelle ses regrets quant à la trajectoire baissière de la proportion de fonctionnaires dans l’ensemble du personnel de l’Assemblée. Dans une logique de chaînage vertueux, elle réitère la recommandation qu’elle avait formulée au dernier printemps de l’évaluation d’« inverser cette trajectoire en organisant des concours pour tous les corps de fonctionnaires » ([28]).

Évolution du nombre de fonctionnaires et d’agents contractuels employÉs par l’AssemblÉe nationale au 31 dÉcembre

 

Contractuels

Fonctionnaires

Total

Proportion de fonctionnaires (en %)

2019

239

1 012

1 251

81

2020

268

958

1 226

78

2021

354

922

1 276

72

2022

402

867

1 269

68

2023

511

841

1 352

62

2024

558

831

1 389

60

2025

575

825

1 400

59

Source : réponses de la questure au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

Cette remarque ne remet évidemment pas en cause l’investissement et la qualité du travail des personnels contractuels. Elle se fonde sur les considérations suivantes :

– La contractualisation crée de la précarité pour les personnels, qui sont embauchés par voie de contrat à durée déterminée pouvant se transformer à terme en contrat à durée indéterminée. Cette précarité nuit par nature à leur bien-être au quotidien, donc à celui de leurs collègues et de leurs proches ; elle les empêche de réaliser leurs missions dans les meilleures conditions ;

– Elle ne permet pas de fidéliser les personnels, ce qui est dommageable pour la qualité du service rendu aux parlementaires et au public étant donné que, aussi motivé soit-il, un personnel contractuel récemment embauché ne pourra pas produire un travail de qualité comparable à celui d’un fonctionnaire éclairé par l’expérience qu’il a accumulée ;

– La contractualisation de certains postes crée des risques en matière de sécurité, dans la mesure où des personnels ayant accès, dans certaines fonctions, à des informations stratégiques relatives à la sécurité de l’Assemblée nationale pourraient facilement quitter l’institution, alors que, fonctionnaires, ils y seraient moins incités ;

– Les personnels contractuels ne bénéficient pas d’offres de formation équivalentes à celles des fonctionnaires ou des salariés du privé, n’appartenant en quelque sorte à aucune de ces catégories ;

– Les personnels contractuels ne sont pas soumis aux sujétions de service comme les fonctionnaires, ce qui est normal puisque ces sujétions sont la contrepartie du statut. Or la nature même de l’activité parlementaire rend ces sujétions nécessaires pour que l’administration de l’Assemblée puisse servir au mieux le fonctionnement quotidien de la démocratie. Cela engendre donc une dégradation de la qualité de service offerte aux parlementaires, donc un affaiblissement de ceux-ci, crée pour les fonctionnaires une surcharge de travail et oblige l’institution à recruter parfois plusieurs contractuels pour accomplir le travail qui pourrait sinon être confié à un unique fonctionnaire, d’où des dépenses supplémentaires.

Pour toutes ces raisons, la rapporteure spéciale se réjouit que l’amendement qu’elle a déposé en commission des finances pour financer un plan de préservation et de développement de la fonction publique de l’Assemblée nationale ait été adopté ([29]). Elle soutient la démarche de la Première Questeure de réaliser une étude financière sérieuse sur les conséquences du recrutement de contractuels, y compris budgétairement. Elle appelle la questure à réaliser cette étude dès que possible et la rendre publique.

c.   Les achats de biens et de fournitures : une progression modeste grâce aux efforts en matière de sobriété

Ce poste de dépenses représentera 10,8 millions d’euros en 2025. Il finance les achats de fluides (eau, gaz, carburant…) et ceux des fournitures diverses comme la papeterie. La progression contenue de ce poste de dépenses (+ 1,4 million d’euros en 2025) résulte du plan de sobriété énergétique mis en place fin 2022, qui ne suffit cependant pas à compenser la croissance du coût de l’électricité.

Le plan de sobriété énergétique à l’Assemblée nationale

« Le premier plan de sobriété à l’Assemblée nationale a été mis en place à compter d’octobre 2022 pour la période hivernale ; il a permis de générer des économies d’énergie de l’ordre de 14 % et une diminution du coût pour l’Assemblée de 297 000 euros par rapport à l’année précédente à la même période.

« À la suite du succès du plan sobriété de la période hivernale, un plan similaire pour la période estivale a été mis en œuvre en 2023. Ce dernier a permis de maintenir les consommations à l’équilibre par rapport à l’année précédente qui, pour rappel, était une année d’interlégislature (activité et taux d’occupation réduits de mai à septembre 2022).

« Les mesures successives adoptées grâce à ces plans sont devenues des règles pérennes. Durant la période hivernale 2023-2024, ces mesures ont permis par ailleurs de générer un gain énergétique supplémentaire, une nouvelle diminution des dépenses (– 42 000 euros) ainsi que la réduction de l’empreinte carbone de l’Assemblée. Les plans de sobriété successifs ont ainsi permis d’économiser 339 000 euros, ce qui signifie que les gains engendrés par la forte baisse de consommation ont été supérieurs aux surcoûts créés par la hausse très importante et soudaine des tarifs. »

Source : commission des finances d’après les réponses de la questure au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

d.   Les services extérieurs : un recours quasi inexistant aux prestations de cabinets de conseil

L’ensemble des prestations réalisées par des intervenants extérieurs à l’Assemblée nationale représenteraient 39,1 millions d’euros en 2025, soit une baisse de 0,8 % par rapport à 2024.

L’Assemblée nationale et les prestations de cabinet de conseil privés

« L’Assemblée nationale ne fait que très marginalement appel à des prestations de cabinets de conseil privés. Il s’agit de consultations exceptionnelles, qui s’inscrivent dans le cadre de réformes organisationnelles d’ampleur. »

Les deux dernières prestations de cabinets de conseil auxquels il a été fait appel remontent à 2018 et 2019, respectivement pour « les procédures, les méthodes et l’organisation administrative des achats de l’Assemblée nationale » et « l’accompagnement de la consultation des personnels de l’Assemblée nationale sur leurs métiers et leurs missions », pour un coût total de 101 000 euros.

« Les directions de l’Assemblée peuvent par ailleurs recourir à des consultations juridiques ponctuelles, de portée plus restreinte, auprès de cabinets d’avocats, par exemple lorsqu’elles sont confrontées à des situations juridiques inédites en vue, notamment, de prévenir d’éventuels contentieux. »

Source : commission des finances d’après les réponses de la questure au questionnaire budgétaire.

La rapporteure spéciale voit un lien direct entre le recours quasi inexistant de l’Assemblée aux cabinets de conseil et la qualité du service rendu par les fonctionnaires parlementaires, elle-même découlant de leur statut. Elle rappelle ainsi, pour répondre à des arguments selon elle fallacieux parfois avancés dans le débat public, que ce qui est économisé par des fonctionnaires en moins grand nombre ou de plus faibles qualifications est dépensé, souvent au double ou au triple, dans des prestations pour de très onéreux cabinets de conseil recherchant, eux, la rentabilité économique et non l’intérêt général.

e.   Les impôts, taxes et versements assimilés

Comme les entreprises parisiennes, l’Assemblée nationale est assujettie à un certain nombre d’impôts : le versement destiné au financement des services de mobilité, la taxe sur les locaux à usage de bureaux en Île-de-France, la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement et la contribution (versement volontaire) au Fonds d’insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique. Ces dépenses s’élèveraient à 5,1 millions d’euros en 2025.

2.   Les dépenses d’investissement

Les dépenses d’investissement en 2025 atteindraient 37,3 millions d’euros ([30]). À titre d’exemple, les travaux de rénovation de la zone dite « Colbert », au Palais‑Bourbon, dans des locaux où aucune rénovation n’avait été effectuée depuis plus de vingt ans, sont nécessaires pour remettre aux normes des installations techniques incluant la sécurité incendie et améliorer la qualité environnementale de cette zone. Ils permettront l’intégration de doubles-vitrages isolants, amélioreront l’isolation thermique de la toiture, permettront la dépollution de cuves à fioul enterrées et procéderont à un traitement du plomb et de l’amiante. Une politique de « limitation des nuisances sonores pour les occupants » a été mise en place, les travaux s’effectuant en site occupé.

D.   l’assemblÉe nationale en quÊte d’exemplaritÉ sociale et environnementale

1.   Les efforts de l’Assemblée nationale pour réduire son impact environnemental

Consciente de l’urgence climatique et soucieuse du devoir d’exemplarité des élus de la République, la rapporteure spéciale a interrogé l’Assemblée sur les efforts qu’elle fait pour diminuer son impact environnemental, au-delà du plan de sobriété présenté précédemment. Ces actions sont prévues par un « plan de transition prévoyant une réduction des émissions par une amélioration du bilan énergétique de l’institution ». La Conférence des présidents a par ailleurs lancé un groupe de travail sur le développement durable afin de « formuler des propositions de moyen et long terme pour améliorer l’empreinte écologique de l’institution ». Les mesures prises par l’Assemblée concernent plusieurs domaines. Celles citées ci-après, sans prétendre à l’exhaustivité, sont par exemple :

– En matière immobilière, il s’agit de limiter le chauffage l’hiver (à 21 degrés maximum) et la climatisation l’été (à 25 degrés minimum) et de planifier des horaires de fonctionnement réduit des installations de chauffage, de climatisation et de ventilation durant les périodes d’inoccupation des bureaux ;

– Les repas servis dans les restaurants administratifs de l’Assemblée ont un impact environnemental très hétérogène selon le type de repas servi. Des propositions sont étudiées pour « faire évoluer l’offre de restauration au sein des restaurants administratifs dans l’objectif de réduire l’offre de plats carnés, d’une part, et de promouvoir la consommation de plats végétariens, d’autre part ».

Impact environnemental des repas servis dans les restaurants administratifs de l’AssemblÉe nationale

(en kilogrammes de CO2 par repas)

 

Impact environnemental pour un repas

Nombre de repas végétariens qu’il est possible de faire pour le même impact environnemental

Repas à dominante animale avec bœuf

7,26

14

Repas à dominante animale avec poulet

1,58

3

Repas végétariens

0,51

1

Source : réponses de la questure au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale

– En matière de transports, il s’agit d’acheter des produits d’entretien répondant aux normes environnementales les plus exigeantes, d’acquérir des véhicules hybrides ou électriques à l’occasion des renouvellements partiels du parc automobile ;

– En matière d’approvisionnement en papier, il s’agit d’intégrer un critère de performance environnementale aux marchés de papier, d’exiger des normes environnementales pour les véhicules de livraison, d’inciter à la réduction des dépenses en papeterie, passées de 1,3 million d’euros en 2017 à moins de 0,3 million d’euros en 2023, de dématérialiser plusieurs documents utilisés dans les procédures législatives, de fixer des quotas d’impression pour tous les documents parlementaires, dont les rapports, le nombre de pages d’impressions parlementaires commandées par l’Assemblée étant passé de 62,3 millions en 2011 à 18,5 millions en 2021, d’utiliser des copieurs plus efficaces et moins consommateurs d’énergie ;

– « Une grande partie » des marchés publics passés par l’Assemblée comportent une clause environnementale, soit sous forme de prérequis exigé, soit en tant que critère pris en compte pour l’attribution des offres. Par exemple, « l’Assemblée fait appel à l’entreprise Jelo pour la fourniture de distributeurs automatiques de plats cuisinés pour permettre aux personnes qui le souhaitent de prendre des plats à emporter, notamment en dehors des heures d’ouverture des sites de restauration. Des critères environnementaux (plats végétariens, modalités de livraison…) ont fait partie des critères pris en compte pour l’attribution du marché » ;

– Des fontaines à eau ont été installées à proximité des salles de commissions et la distribution de bouteilles d’eau en plastique a été supprimée.

2.   En matière sociale, une politique de sous-traitance désormais questionnée

La rapporteure spéciale est engagée depuis plusieurs années sur le sujet de la réinternalisation des prestations confiées à des salariés d’entreprises sous-traitantes et, en attendant, de l’amélioration des conditions de travail desdits salariés.

Les alertes émises par la rapporteure spéciale l’an dernier
au sujet du recours à la sous-traitance

« La rapporteure spéciale réitère son vœu d’un audit sur l’opportunité de réinternaliser de nouvelles prestations actuellement externalisées, en rappelant que l’externalisation ne doit relever que de la stricte nécessité d’avoir recours ponctuellement à des compétences indisponibles en interne.

« Elle invite la questure à suivre avec une grande attention les conditions de travail à l’Assemblée nationale des personnels employés par les entreprises extérieures, en rappelant le devoir d’exemplarité en matière de politique salariale, de rémunération des personnels et de condition de travail qui incombe aux pouvoirs publics.

« Elle souligne que l’Assemblée nationale doit s’assurer du respect des règles obligatoires d’hygiène et de sécurité par les entreprises extérieures avec lesquelles elle travaille. »

Source : rapport spécial n° 1745 annexe 35 de Mme Marianne Maximi sur le projet de loi de finances pour 2025, 14 octobre 2023, p. 34.

La rapporteure spéciale se félicite que ses alertes aient été entendues par les questeures. Il lui a en effet été indiqué qu’un certain nombre de prestations avaient été réinternalisées, par exemple celles de restauration rapide, de coiffure et de plomberie ; par ailleurs, la réinternalisation de certains secteurs supplémentaires serait à l’étude. Le précédent collège des questeurs avait par ailleurs renouvelé des marchés avec les entreprises sous-traitantes en matière de nettoyage en rehaussant les exigences sociales. Ainsi, le personnel de ménage travaillera désormais sur des horaires de bureau, ce qui lui permettra d’avoir un rythme de vie plus sain et, le cas échéant, plus compatible avec une vie de famille. Il effectuera par la même occasion un temps plein à l’Assemblée, ce qui là encore lui évitera des déplacements nombreux et des horaires élargis. Un treizième mois, financé par l’Assemblée, lui sera octroyé.

La rapporteure spéciale se félicite que, sur son avis favorable, deux amendements proposant respectivement un plan d’internalisation des services d’entretien de l’Assemblée nationale et une augmentation de salaire des femmes de ménage de l’ensemble des institutions de la mission Pouvoirs publics aient été adoptés par la commission des finances ([31]).

En parallèle, des mesures ont été prises pour prévenir la survenue de nouveaux accidents tragiques comme celui de 2022.

Les suites données par l’Assemblée nationale au décès accidentel d’un employé
d’une société prestataire survenu le 9 juillet 2022

« Le 9 juillet 2022, M. Moussa Sylla, employé du prestataire titulaire du marché de nettoyage a été victime d’un accident mortel dans les parkings du Palais-Bourbon alors qu’il conduisait une auto-laveuse. Le détachement de la brigade des sapeurs-pompiers est intervenu immédiatement et a fait appel à des unités extérieures ainsi qu’au Samu.

« Dès la survenance de ce dramatique accident, et en accord avec l’entreprise prestataire, l’usage des auto-laveuses a été suspendu. Dans le même temps, le port du casque a été rendu obligatoire pour tous les engins empruntant les rampes. Parallèlement, tous les équipements autoportés dont l’Assemblée nationale est propriétaire ont fait l’objet d’une vérification spécifique, complémentaire des opérations ordinaires et régulières de vérification et de maintenance.

« Les mesures suivantes sont venues compléter ces dispositions :

– remplacement par les titulaires des marchés des auto-laveuses par des machines plus adaptées aux rampes de parking ;

– établissement de procédures spécifiques de sécurité à mettre en œuvre lors des déplacements et de l’utilisation des auto-laveuses ;

– intégration, dans le cadre des plans de prévention établis entre l’Assemblée nationale et les titulaires des marchés, de mesures spécifiques de sécurité sur le choix et l’usage des auto-laveuses sur les sites de l’Assemblée.

« L’Assemblée ne dispose pas d’information précise sur l’état d’avancement de la procédure judiciaire. »

Source : réponses de la questure au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

La rapporteure spéciale se réjouit que l’amendement qu’elle a déposé en commission des finances pour financer une plaque commémorative et un hommage annuel à M. Moussa Sylla ait été adopté ([32]).


II.   Le sÉnat

La rapporteure spéciale s’inscrit dans la tradition selon laquelle, s’agissant de la mission Pouvoirs publics, le rapporteur spécial de chaque assemblée ne procède pas à l’examen détaillé des crédits de l’assemblée dont il n’est pas membre. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas auditionné de représentant du Sénat. Ses analyses se fondent sur les seuls éléments présentés par la documentation budgétaire. Elle invite le lecteur désireux d’approfondir le sujet à consulter le rapport spécial du Sénat.

A.   Les recettes

Alors que le Sénat avait initialement demandé une hausse de sa dotation de 1,7 % (soit 6,01 millions d’euros), correspondant au taux d’inflation prévisionnel, le président et les questeurs de l’institution ont annoncé renoncer à cette hausse dans le communiqué conjoint précité avec leurs homologues de l’Assemblée nationale.

La dotation demandée devrait donc être identique à celle de l’an dernier, soit 353 millions d’euros, pour un total de dépenses de 379 millions d’euros. Comme chaque année, les dépenses devraient ainsi être légèrement supérieures à la dotation, le solde étant couvert par les « produits budgétaires » de l’institution ainsi qu’un « prélèvement sur ses disponibilités ».

Les produits budgétaires atteindraient 6,75 millions d’euros en 2025. Ils proviennent :

– des « redevances annuelles de gestion versées au Sénat par les caisses autonomes de Sécurité sociale et de retraite du Sénat, assises sur les salaires du personnel concerné » ;

– de la « redevance d’affectation versée par Public Sénat ».

B.   Les dÉpenses

Les dépenses du Sénat ne concernent pas que l’institution en elle-même, mais incluent aussi celles engagées par le Sénat en tant que gestionnaire du domaine immobilier contenant le jardin du Luxembourg, ouvert au public.

RÉpartition des dÉpenses du SÉnat

 

Dépenses prévisionnelles 2025
(en millions d’euros)

Part dans total
(en %)

Sénat (institution)

365,2

96

Jardin du Luxembourg

13,6

4

Musée du Luxembourg

0,2

< 1

Total

378,9

100

Source : commission des finances d’après la documentation budgétaire.

Avant la remise en question de la trajectoire budgétaire, les dépenses d’investissement (11 millions d’euros) étaient prévues en hausse de 2,6 % (pour des « opérations d’investissement de grande ampleur, principalement destinées à la rénovation et à la modernisation de ses bâtiments et installations ») et celles de fonctionnement (354 millions d’euros) de 1,7 %.

Les rémunérations et charges sociales constituent le plus grand ensemble de dépenses, à hauteur de 187 millions d’euros. Les indemnités des sénateurs ne représenteraient toutefois que 33,61 millions d’euros, soit 8,9 % du total des dépenses et 9,5 % de la dotation. Elles n’évoluent pas par rapport à l’année dernière en raison de la stabilité attendue en 2025 de la valeur du point d’indice de la fonction publique, sur lequel elles sont indexées.

Le deuxième poste de dépenses principal est celui des aides à l’exercice du mandat parlementaire, à hauteur de 114 millions d’euros. Ce terme regroupe la rémunération des collaborateurs des sénateurs, les avances pour frais de mandat octroyées aux sénateurs pour couvrir leurs frais en relation directe avec l’exercice de leur mandat, ainsi que les crédits alloués aux groupes politiques. L’enveloppe allouée à chaque sénateur pour recruter des collaborateurs, indexée sur l’évolution du point d’indice de la fonction publique, s’élève à 8 827 euros par mois hors charges patronales.


III.   La chaÎne parlementaire

A.   des missions essentielles

L’existence de La Chaîne parlementaire est prévue aux articles 45-1 à 45-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Les missions de La Chaîne parlementaire

« L’Assemblée nationale et le Sénat produisent et font diffuser, sous le contrôle de leur bureau, un programme de présentation et de compte rendu de leurs travaux. Ce programme peut également porter sur le fonctionnement des institutions parlementaires et faire place au débat public, dans le respect du pluralisme des groupes constitués dans chacune des assemblées.

« [La Chaîne parlementaire] remplit une mission de service public, d’information et de formation des citoyens à la vie publique, par des programmes parlementaires, éducatifs et civiques. Elle met en œuvre des actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations et propose une programmation reflétant la diversité de la société française. Dans le cadre de son indépendance éditoriale, la chaîne veille à l’impartialité de ses programmes.

« Elle comporte, à parité de temps d’antenne, les émissions des deux sociétés de programme, l’une pour l’Assemblée nationale, l’autre pour le Sénat. Ces deux sociétés de programme sont dirigées par des présidents-directeurs généraux nommés pour trois ans par les bureaux des assemblées, sur proposition de leur président. Les sociétés de programme, ainsi que les émissions qu’elles programment, ne relèvent pas de l’autorité de l’Autorité de régulation de la communication audio-visuelle et numérique (ARCOM). »

Source : articles 45-1 et 45-2 de la loi n° 86-1 067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Bien que ne relevant pas de l’autorité de l’ARCOM, LCP-AN respecte à l’occasion des campagnes électorales les strictes règles de pluralisme des expressions politiques, en effectuant un chronométrage quotidien des interventions politiques pendant la campagne et en appliquant un « principe d’équité » du temps de parole, fondé sur deux critères :

– la représentativité des listes en présence, notamment à partir des résultats des précédentes élections ou des sondages ;

– la capacité des listes à se manifester concrètement par des actes tels que l’organisation de réunions publiques, la participation à des débats et plus généralement toute initiative permettant de porter à la connaissance du public les éléments d’un programme.

B.   un budget stable

Les budgets des deux chaînes (LCP-AN et Public Sénat) demeurent distincts.

LCP-AN demande une dotation égale à celle de 2024, soit 17,6 millions d’euros.

Depuis 2021 ([33]), les sociétés de programme sont autorisées à percevoir des revenus publicitaires, qui se sont élevés à 82 000 euros en 2023.

L’évolution de ses audiences est encourageante, et devrait perdurer tant que la disparition du fait majoritaire persistera.

Évolution des audiences de LCP-AN

(en %)

 

Part d’audience

2019

0,2

2020

0,3

2021

0,3

2022

0,3

2023

0,3

2024

0,4

Source : réponses de LCP-AN au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

S’agissant de l’année 2024, LCP-AN a expliqué à la rapporteure spéciale que « à l’occasion des élections législatives, et plus particulièrement lors de la couverture de l’élection à la présidence de l’Assemblée nationale, la chaîne a atteint 2,4 % de part d’audience en moyenne, avec un pic d’audience à 3,2 %, devant les chaînes d’information ».

La chaîne est par ailleurs engagée dans une démarche d’accroissement de sa visibilité, qui passe par exemple par un meilleur référencement sur le moteur de recherche majoritaire, ou la diffusion d’une lettre d’information afin de nouer une relation privilégiée avec son audience.

La dotation de Public Sénat progresserait quant à elle de 1,7 % pour s’établir à 18 millions d’euros. L’examen du présent projet de loi de finances au Sénat permettra de savoir si la décision de gel de la dotation du Sénat s’étend à Public Sénat.


   deuxiÈme PARTIE :
LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

Le budget prévisionnel de la Présidence de la République pour l’année 2025 s’établit à 125,6 millions d’euros en AE et CP, un montant stable.

I.   Les recettes

A.   Une dotation de l’État finalement stable aprÈs deux annÉes de hausses consÉquentes

La dotation demandée par la Présidence de la République pour 2025 était initialement en hausse de 3 % par rapport à la loi de finances pour 2024, soit 125,7 millions d’euros. Toutefois, dans un communiqué, la Présidence de la République a annoncé renoncer à la hausse envisagée de sa dotation, au motif suivant : « Dans le cadre de la présentation du projet de loi de finances pour 2025, le gouvernement a annoncé de nombreuses économies. Dans ce contexte, le chef de l’État souhaite que la Présidence de la République donne l’exemple » ([34]).

La dotation de l’État devrait ainsi être identique à celle de 2024, soit 122,56 millions d’euros.

La rapporteure spéciale rappelle toutefois que, l’an dernier, la Présidence de la République avait bénéficié d’une hausse de 11 % de sa dotation, un niveau évidemment bien supérieur à l’inflation. Pour l’année 2023, comme cela a déjà été exposé, la revalorisation avait été de 4,9 %, soit des proportions supérieures à celles des assemblées parlementaires (respectivement + 3,35 % et + 2,28 %).

B.   Les recettes propres

Les recettes propres prévisionnelles devraient passer de 2,5 à 3 millions d’euros.

1.   La peu rentable maison Élysée

Les ventes de produits de la maison Élysée sont attendues à 1,2 million d’euros, ce qui compensera la baisse de certaines autres recettes propres.

La maison Élysée

Fin juillet 2024 la Présidence de la République a ouvert un nouveau local dénommé « La maison Élysée ». Cet espace culturel, en accès libre et gratuit, permet à tous les Français ainsi qu’aux visiteurs étrangers de découvrir le patrimoine architectural, historique et culturel de l’Élysée. À cette activité culturelle d’intérêt général sont adjointes deux activités accessoires, à savoir une boutique de souvenirs et un salon de thé. Dans la boutique de souvenirs figure par exemple le « stylo Présidentiel S.T. Dupont x Élysée », présenté comme une « œuvre unique, incarnant le savoir-faire exceptionnel et l’art de vivre à la française », et vendu au prix de 770 euros, une bougie « aux couleurs du drapeau français » au prix de 80 euros ou un t-shirt pour enfants « Allons enfants de la patrie » au prix de 55 euros.

Les travaux pour la mise en œuvre de la maison Élysée, effectués au premier semestre 2024, s’élèvent à 3,6 millions d’euros. 7 ETP ont été créés pour la faire fonctionner. Les charges de fonctionnement sont estimées à hauteur de 1 million d’euros annuels, ce qui signifie que, en considérant que les ventes de produits se maintiendront après 2025 au montant prévu pour cette année-là (1,2 million d’euros), et en tenant compte des travaux de 3,6 millions d’euros, elle ne sera rentabilisée qu’en 2042.

Source : commission des finances d’après les éléments divers communiqués par la Présidence de la République à la rapporteure spéciale.

2.   Les énigmatiques « intérêts financiers »

La rapporteure spéciale s’était intéressée à l’occasion du printemps de l’évaluation aux « intérêts financiers » alimentant le budget de la Présidence de la République. Elle reproduit ci-après ses analyses.

Les intérêts financiers de la Présidence de la République

« La rapporteure spéciale constate que la très forte progression des recettes propres par rapport à 2022 (+ 48 %), atteignant 2,91 millions d’euros, est liée à l’enregistrement de « 2,3 millions d’euros d’intérêts financiers » issus du compte bancaire de la Présidence de la République au Trésor, qui est rémunéré, un montant multiplié par 2,7 par rapport à 2022. Cette recette, dont la rapporteure spéciale qualifie la progression de spectaculaire et même d’étonnante pour l’institution qu’est la Présidence de la République, représente en 2023 54,16 % des recettes propres. La rapporteure spéciale souhaite que toute la transparence soit faite sur les raisons d’une telle hausse. »

Source : rapport n° 2698 tome II sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023, 29 mai 2024, p. 350.

Dans une logique de chaînage vertueux, la rapporteure spéciale a souhaité à l’occasion du présent projet poursuivre les investigations sur cet élément soulevé lors du printemps de l’évaluation.

Les magistrats de la Cour des comptes qu’elle a auditionnés lui ont cependant expliqué qu’il s’agirait d’une « opération purement comptable », et que les véritables ressources de placement parmi les 2,3 millions d’euros susmentionnés pour l’année 2023 représenteraient une partie infime de cette somme, qui serait avant tout une écriture comptable.

La Présidence de la République lui a répondu : « Les recettes liées aux intérêts financiers sont issues du compte bancaire de la Présidence auprès du Trésor, qui est rémunéré. En effet, le dispositif de rémunération des fonds déposés relève du droit commun depuis l’intervention de l’arrêté du 15 septembre 2014 ([35]). Les comptes de dépôts de fonds au Trésor des déposants peuvent être rémunérés selon les modalités définies par le présent arrêté à compter du 1er juillet 2014. La Présidence de la République est donc alignée sur le niveau de rémunération de référence, défini dans l’arrêté du 15 septembre 2014. La Présidence bénéficie de ce mécanisme au même titre que l’Assemblée nationale et autres pouvoirs publics. »

La rapporteure spéciale est toutefois étonnée que, dans une lettre qu’elle s’est fait communiquer, il ait été indiqué par le gouvernement au Conseil constitutionnel, alors que celui-ci s’interrogeait sur la possibilité qu’il avait, du fait qu’il « dispose d’un compte de dépôts de fonds au Trésor depuis 1993, de placer sa trésorerie sur un compte rémunéré », que « le placement de ces excédents [résultant du cumul de l’écart entre les dotations budgétaires allouées annuellement par l’État et ses dépenses effectives] sur des comptes rémunérés du Trésor représenterait un coût budgétaire supplémentaire pour l’État qui n’apparaît pas justifié ».

La rapporteure spéciale ne comprend pas pourquoi la Présidence de la République peut tirer des recettes provenant « du compte bancaire rémunéré de la Présidence au Trésor » ([36]), alors que dans le même temps le Conseil constitutionnel n’est pas autorisé à placer ses excédents « sur des comptes rémunérés du Trésor » ([37]).

En application de l’article 47-2 de la Constitution, la rapporteure spéciale appelle la Cour des comptes à utiliser les moyens d’expertise dont elle dispose pour faire la lumière sur ces pratiques absconses, sur lesquelles elle poursuivra ses investigations à l’avenir.

II.   Les dÉpenses : rÉceptions en hausse et dÉplacements climaticides

La rapporteure spéciale rappelle que l’intégralité des dépenses de la Présidence de la République ne sont pas retracées sur la mission Pouvoirs publics. En effet, comme l’avait souligné la Cour des comptes, « bien que la Présidence de la République dispose d’une dotation budgétaire, certaines dépenses sont assumées par d’autres ministères ou opérateurs, sans que la Présidence ne procède à un remboursement de ces dépenses ». La Cour cite les exemples des dépenses assumées par le ministère de l’Intérieur pour la sécurisation des déplacements du Président, et celles pour la protection du périmètre extérieur du palais de l’Élysée, assurée par la préfecture de police. Elle en tire la conclusion que « un exercice de reconstitution du coût complet de fonctionnement courant de la Présidence gagnerait à être mené » ([38]).

A.   Les dÉpenses de personnel : une Évolution infÉrieure À l’inflation

Le principal poste de dépenses est celui du personnel, doté de 76,8 millions d’euros pour 2025 (+ 1 %). Les agents de la présidence sont essentiellement des fonctionnaires mis à disposition par leurs administrations contre remboursement. En outre, la présidence recrute directement des contractuels.

La rapporteure spéciale se réjouit que, comme souligné par la Cour des comptes, « au 31 décembre 2023 le taux de personnes handicapées employées à temps plein ou partiel s’élève à 7,3 % ». « Respecté depuis 2020, le seuil de 6 % fixé par l’article L. 5 212-2 du code du travail est ainsi dépassé. » La Cour a noté, pour l’année 2023, que « les trente rémunérations les plus élevées des collaborateurs et des agents de la Présidence de la République n’excèdent pas la rémunération du Président, à l’exception de deux d’entre elles. Ce dépassement est de proportion modérée et les explications données à ce sujet par la présidence, identiques à l’année précédente, n’appellent pas d’observations » ([39]).

Le traitement du Président de la République, fixé par décret ([40]), calculé en fonction de la rémunération de certains hauts fonctionnaires, et par conséquent indexé sur l’évolution du point d’indice de la fonction publique, atteint 16 039 euros bruts soit 14 577 euros nets.

Les dépenses en faveur de l’épouse du Président de la République

« L’épouse du Président de la République exerce quatre missions, précisées depuis août 2017 dans une charte de transparence publiée sur le site internet de la Présidence :

– représenter la France aux côtés du chef de l’État lors des sommets et réunions internationales ;

– répondre aux sollicitations des Français qui souhaitent la rencontrer ;

– superviser les réceptions officielles au palais de l’Élysée ;

– soutenir des œuvres caritatives, culturelles ou sociales qui participent au rayonnement international de la France.

« En 2023, Mme Macron a participé avec le Président de la République à 11 déplacements officiels en France (hors Île-de-France) et à 5 à l’étranger (14 en 2022). Elle a également effectué, sans le Président de la République, 16 déplacements en France (hors Île-de-France), en train ou en voiture, soit le même nombre que l’an passé. Ces déplacements étaient publics et détaillés dans son agenda, sur le site internet de la Présidence.

« La Présidence de la République estime les dépenses liées strictement à l’activité de Mme Macron à 309 484 euros en 2023, soit 0,25 % du budget de la Présidence, qui correspondent à la masse salariale de ses collaborateurs. Ce montant ne comprend ni les agents chargés de son courrier, ni les dépenses mutualisées avec les activités du Président de la République (déplacements, frais de réception, collaborateurs partagés…) ni celles relevant de sa protection. »

Source : Cour des comptes, « Les comptes et la gestion des services de la Présidence de la République », exercice 2023, p. 44 du PDF.

B.   Les dÉpenses de fonctionnement : la nouvelle hausse des rÉceptions prÉsidentielles

Les dépenses de fonctionnement se répartiront entre celles « rattachées à l’action présidentielle », dont les réceptions organisées au palais (4,5 millions d’euros, + 35 %), et celles « liées à l’administration de la présidence » : fluides, informatique, ameublement… (16,8 millions d’euros, + 7 %, concentrés sur les « moyens généraux »).

La rapporteure spéciale s’étonne de la hausse des dépenses consacrées aux réceptions, alors que la Cour des comptes avait déjà souligné, pour l’année 2023, que la hausse globale des dépenses de la Présidence de la République s’expliquait par « des déplacements et réceptions du Président de la République en forte hausse », notant, s’agissant des réceptions, un « accroissement de l’activité » et une « augmentation du nombre d’invités » ([41]). Le nombre de réceptions a dépassé le niveau pré-crise sanitaire avec 171 réceptions en 2023 contre 146 en 2019 ; le nombre total d’invités sur les 20 événements ayant occasionné les plus fortes dépenses de traiteur (hors remises de décoration) a augmenté de 13 % entre 2022 et 2023. Les dépenses par invité sont passées, pour ces mêmes événements, de 29 euros en 2022 à 35 euros en 2023. Les dépenses de service à table ont atteint 1,75 million d’euros en 2023, contre 1,24 million d’euros en 2022, sans compter les dépenses spécifiques aux dîners d’État donnés en l’honneur du roi Charles III et du Premier ministre indien.

Le dîner d’État du roi Charles III a coûté au total 0,48 million d’euros (sans compter les dépenses supportées par d’autres ministères comme la sécurisation des événements) et celui du Premier ministre indien 0,41 million d’euros.

La multiplication par la Présidence de la République de ces réceptions fastueuses et dispendieuses ne semble pas être aux yeux de la rapporteure spéciale la solution idoine pour combler les fractures existantes entre les citoyens et les institutions de la République.

La rapporteure spéciale se réjouit que l’amendement qu’elle a déposé en commission des finances pour plafonner les frais de réception de la Présidence de la République à leur niveau de 2024 ait été adopté ([42]).

Elle se félicite aussi de l’adoption, avec son avis favorable, d’un amendement réduisant la dotation de l’État à la Présidence de la République proportionnellement aux économies budgétaires proposées par le gouvernement, dont le chef a été nommé par le Président de la République, dans le présent projet ([43]).

C.   Les dÉpenses de dÉplacement : une prÉoccupante indiffÉrence climatique

Les dépenses de déplacements présidentiels s’élèveront à 20 millions d’euros (– 5 %). La présidence mentionne son objectif de « continuer à accentuer les efforts de maîtrise des coûts », et détaille : « le travail réalisé dans le cadre de la construction budgétaire 2024 pour redéfinir et calibrer correctement les dépenses de déplacements s’est avéré justifié au regard des prévisions d’atterrissage 2024 ».

La rapporteure spéciale souligne toutefois que cette baisse modérée intervient après une progression de moitié constatée en 2023 par la Cour des comptes : + 46 % exactement. En particulier, les déplacements internationaux ont coûté en 2023 17,2 millions d’euros, soit plus du double de 2019 ; quant aux déplacements nationaux, leur coût moyen a « presque doublé depuis 2018 ». La Cour souligne que « douze déplacements ont été annulés en 2023, contre sept en 2022, cinq en 2021 et seize en 2020. Ces annulations ont généré 0,83 million d’euros de pertes (dépenses d’hébergement et de transport), contre 0,13 million d’euros en 2015 (dont 0,09 million d’euros pour un déplacement prévu 2 jours après les attentats de novembre 2015) ». La Cour en tire la recommandation, « au vu de l’enjeu d’équilibre du budget de la Présidence » et « pour réduire l’empreinte carbone », de « plafonner la taille des délégations officielles et non officielles par type de destination ou de déplacement » ([44]).

Dans un souci d’exemplarité environnementale et financière, la rapporteure spéciale regrette l’usage de l’avion par le Président de la République pour rejoindre des destinations facilement joignables en train. Il lui a ainsi été indiqué que le Falcon présidentiel avait été utilisé pour des déplacements à Bordeaux, Marseille, Bruxelles ou encore Lille. Cette liste, loin d’être exhaustive, atteste des efforts que pourrait entreprendre la Présidence de la République pour diminuer l’impact environnemental et le coût pour le contribuable de ses déplacements. Si des actions bienvenues pour diminuer l’impact environnemental de la Présidence de la République lui ont été présentées, tant que le Président de la République continuera à faire un usage aussi intensif de l’avion, il s’agira davantage d’écoblanchiment que d’une véritable bifurcation écologique de la part de l’institution. Elle rappelle que, comme l’avaient montré deux de ses collègues, un vol court-courrier a le même impact environnemental que 98 trajets sur la même distance effectués en TGV ([45]).

D.   Les dÉpenses d’investissement : la fin bienvenue des travaux de la maison ÉlysÉe

Les dépenses d’investissement se chiffreraient en 2025 à 7,5 millions d’euros (– 18 %). « Cette enveloppe en baisse par rapport à 2024 traduit la fin des travaux de géothermie et ceux relatifs à la maison Élysée tout en préservant un schéma directeur immobilier qui s’articule autour de trois axes majeurs, tels que le développement durable (subvention en faveur de la géothermie, végétalisation, bornes de recharges électrique), la qualité de vie au travail (aménagement et rénovation des locaux) et la mise aux normes des emprises. »

III.   la trÈs perfectible dÉmocratie sociale À la prÉsidence de la RÉpublique

A.   de timides avancÉes en 2023

1.   L’analyse de la rapporteure spéciale

La rapporteure spéciale s’était par le passé intéressée aux thèmes de la représentation syndicale et de la concertation à la Présidence de la République.

Les inquiétudes de la rapporteure spéciale l’an dernier sur l’état du dialogue social
à la Présidence de la République

« La rapporteure spéciale a interrogé la Présidence de la République sur la place donnée à la représentation syndicale et à la concertation.

« Il lui a été répondu que « la Présidence de la République ne pouvant être qualifiée d’administration centrale, le personnel mis à disposition relève des instances consultatives de son administration d’origine, ce qui explique l’absence d’organisation représentative (chaque fonctionnaire mis à disposition est ainsi suivi par les organisations syndicales de son administration d’origine pour ce qui concerne les aspects statutaires).

« Une instance de concertation a néanmoins été mise en place en 2023. Elle se réunit tous les trimestres, les agents y sont représentés par service (et non par catégorie) et aborde principalement les questions autour des notions de qualité de vie au travail, de prévention, d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (HSCT). Les agents peuvent s’y exprimer librement. »

« La rapporteure spéciale déplore ce manque de volontarisme en matière de démocratie sociale. Si le personnel statutaire est mis à disposition de la Présidence de la République par d’autres administrations, les personnes concernées sont toutefois intégrées dans une chaîne hiérarchique et opérationnelle relevant de la Présidence de la République, dont dépendent également leurs conditions de travail. Ce raisonnement s’applique également aux personnels recrutés sous contrat.

« Elle rappelle que la liberté syndicale est un droit et que l’information syndicale est indispensable pour avertir les travailleurs de leurs droits et leur permettre de les défendre.

« Elle insiste sur le fait qu’une instance de concertation ne peut en aucun cas jouer le même rôle que l’activité syndicale pour informer et représenter les travailleurs face à leur employeur, d’autant que des situations problématiques ont été signalées par voie de presse.

« Elle s’inquiète du climat social à la Présidence de la République, constant que la presse s’est fait le relais de faits graves de harcèlement et de méthodes brutales pour mettre fin à des détachements.

« Elle invite fortement la Présidence de la République à s’assurer que l’activité syndicale peut s’organiser librement et à garantir des conditions de travail dignes. »

Source : rapport spécial n° 1745 annexe 35 de Mme Marianne Maximi sur le projet de loi de finances pour 2025, 14 octobre 2023, pp. 23-24.

2.   L’analyse de la Cour des comptes

La Cour des comptes a salué les « efforts de la Présidence sur l’amélioration de la qualité de vie au travail et la responsabilité sociale » : « mise en place d’une instance de concertation avec le personnel en 2023, qui s’est réunie à quatre reprises, afin d’échanger sur les conditions de travail, l’égalité professionnelle et la protection de la santé physique et mentale au travail » ; des améliorations matérielles ont été apportées à la qualité de vie au travail « avec la rénovation d’espaces et la création de salles de convivialité et de sport sur les différents sites » (salles de convivialité, salle de sport et dojo, douches) ; « chaque direction dispose aussi d’une enveloppe destinée à l’organisation de moments de convivialité déterminée en début d’exercice » ; la restauration collective à destination du personnel « assure des prestations de qualité ».

Toutefois, la Cour note que « l’activité soutenue, inhérente à la Présidence de la République, ainsi que les contraintes que cela entraîne sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et dont témoignent de nombreux agents avec qui la Cour a pu échanger, appellent à maintenir un niveau de vigilance élevée sur les risques psycho-sociaux » ([46]).

B.   des perspectives inquiÉtantes

La rapporteure spéciale a souhaité actualiser les éléments qui lui avaient été fournis l’an dernier au sujet des principaux points abordés par l’instance de concertation réunie chaque trimestre. Il appert que la réponse qui lui a été fournie est rigoureusement identique sur 7 lignes, presque à la virgule près, à celle de l’an dernier, à l’exception de la partie relative aux dates de réunion, qui a cette fois été omise. Il lui a même été expliqué qu’ont été abordées à l’occasion de cette instance « les annonces indemnitaires du gouvernement » comme la « revalorisation du point d’indice », alors qu’aucune annonce de la sorte n’a été faite depuis mai 2023.

La rapporteure spéciale s’interroge par conséquent sur la sincérité des réponses de la Présidence de la République à l’ensemble de son questionnaire budgétaire. S’agissant du dialogue social, elle subodore que le caractère itératif des réponses ne transcrive la faible préoccupation de la Présidence vis-à-vis de l’entretien d’un dialogue social sain avec ses salariés.


   TROISIÈME PARTIE : LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

I.   L’activitÉ

A.   Les dÉcisions

1.   Éléments statistiques généraux

Le Conseil constitutionnel a indiqué à la rapporteure spéciale que « hors période électorale, le contrôle de constitutionnalité des lois représente l’essentiel de l’activité contentieuse du Conseil et que, depuis la naissance de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), il y a bientôt 15 ans, le traitement des QPC représente de l’ordre de 80 % de ce contrôle ».

Le tableau qui suit illustre le poids du contentieux électoral après les années d’élections.

Nombre de dÉcisions rendues par le COnseil constitutionnel
au cours de l’annÉe 2023

Contrôle a priori et sur saisine facultative des lois ordinaires (article 61 alinéa 2 de la Constitution)

14

Contrôle a priori et sur saisine obligatoire des lois organiques (article 61 alinéa 1 de la Constitution)

1

Contrôle a posteriori et sur renvoi des lois (article 61-1 de la Constitution)

45

Contrôle du respect de la procédure prévue pour les référendums d’initiative partagée (article 11 alinéa 4 de la Constitution)

2

Contentieux électoral pour les élections du Président de la République et des membres du Parlement (articles 58 et 59 de la Constitution)

457

Dont contentieux des élections législatives des 12 et 19 juin 2022

455

Dont contentieux de l’élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022 (comptes de campagne)

1

Dont observations relatives aux élections législatives des 12 et 19 juin 2022

1

Contrôle du respect des incompatibilités d’autres activités avec le mandat parlementaire (articles LO. 151-2 et LO. 297 du code électoral)

1

Déclassement sur saisine facultative de dispositions législatives en vue de leur conférer un caractère réglementaire (article 37 alinéa de la Constitution)

3

Contrôle sur saisine facultative du respect des conditions des projets de loi déposés devant le Parlement (article 39 alinéa 4 de la Constitution)

1

Décision organisationnelle ([47])

1

Nombre total de décisions

525

Source : réponse du Conseil constitutionnel au questionnaire de la rapporteure spéciale.

Les chiffres communiqués par le Conseil constitutionnel à la rapporteure spéciale attestent du respect des délais qui lui sont impartis pour statuer sur la constitutionnalité d’une loi.

Nombre de jours moyens annuels par dÉcision

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Décisions a priori (article 61 de la Constitution) (délai d’un mois)

23

17

21

17

26

28

Décisions à postériori (article 61-1 de la Constitution) (délai de trois mois)

75

77

79

74

69

88

Source : réponse du Conseil constitutionnel au questionnaire de la rapporteure spéciale.

2.   La question prioritaire de constitutionnalité

a.   Un dispositif reconnu

La QPC représente désormais une part significative de l’activité du Conseil constitutionnel.

Sort des saisines en application de l’article 61-1 de la Constitution

 

Conseil d’État

Cour de cassation

Total

Dossiers traités

2 068

3 148

5 216

Dossiers renvoyés au Conseil constitutionnel

475

598

1 073

Refus de renvoi au Conseil constitutionnel

1 593

2 550

4 143

Taux de renvoi

23

19

21

Source : réponses du Conseil constitutionnel au questionnaire de la rapporteure spéciale.

Depuis la mise en œuvre de la QPC, le Conseil a rendu 65 % de décisions de conformité à la Constitution.

b.   Un dispositif à démocratiser

Le Conseil estime que « la création de la procédure a constitué une innovation majeure pour garantir au citoyen la protection de ses droits fondamentaux » mais que, en 2020, « nos concitoyens étaient encore loin de la connaître » tandis que les professionnels du droit regrettaient « de ne pas disposer d’une base de données regroupant l’ensemble des décisions rendues par les juridictions françaises dans le cadre de cette procédure ». C’est pour remédier à ces remarques que le Conseil a développé le site QPC 360°, qui s’adresse tant aux professionnels du droit qu’au grand public. Ouvert en 2022, le site a coûté 960 000 euros en 2023.

B.   Les actions non juridiques

La rapporteure spéciale a interrogé le Conseil constitutionnel sur ses actions de communication, qui coûteront 750 000 euros en 2025, un montant égal à celui de 2024, mais en forte hausse par rapport à 2023 (562 000 euros).

Les actions de communication du Conseil constitutionnel

« À l’instar des autres pouvoirs publics constitutionnels, le Conseil constitutionnel conduit des actions de communication visant à mieux faire connaître ses missions, son organisation et son activité. Il entend ainsi apporter sa contribution à la diffusion de la culture de l’État de droit et, en particulier, de la culture constitutionnelle.

« Ces actions prennent à dessein des formes diversifiées pour atteindre différentes catégories de destinataires. Elles répondent également à l’enjeu de rayonnement du Conseil constitutionnel à l’échelle internationale. Elles vont de la publication de ses décisions à la retransmission de ses audiences, [en passant par] la parution de la revue semestrielle numérique Titre VII ou de son rapport annuel d’activité jusqu’à une action destinée aux plus jeunes par le canal du site internet Découvrons notre Constitution ou d’une bande dessinée sur le Conseil constitutionnel. »

Source : réponse du Conseil constitutionnel au questionnaire de la rapporteure spéciale.

La rapporteure spéciale a demandé au Conseil constitutionnel des exemples de telles actions. Elles sont en effet nombreuses :

– Des visites « très régulières » des locaux du Conseil sont proposées, principalement aux groupes de scolaires et d’étudiants ;

– Des colloques sont organisés, par exemple sur les « élections face aux défis du XXIe siècle » ou sur « le contrôle de constitutionnalité des lois financières » ;

– En matière de communication, certaines audiences sont retransmises, le Conseil édite sa propre revue semestrielle numérique Titre VII, a créé pour les plus jeunes un site internet dénommé Découvrons notre Constitution ou a participé à l’élaboration d’une bande dessinée sur l’institution ;

– Divers événements sont préparés, tels que le salon du livre juridique, une célébration (en 2023) du 65e anniversaire de la Constitution, ou la Nuit du droit ;

– Des audiences publiques sont parfois délocalisées en régions (en 2023 : à Bordeaux, Douai et Toulouse) ;

– Deux membres du Conseil ont effectué un déplacement à La Réunion et à Mayotte afin de rencontrer les chefs de cours et, en amont de chaque audience délocalisée, les membres du Conseil se rendent dans des établissements scolaires pour échanger avec les élèves ;

– Le Conseil entretient des échanges nombreux avec ses homologues étrangers, afin d’alimenter un « utile dialogue des juges ».

La dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024 et les élections législatives des 30 juin et 7 juillet qui l’ont suivie ont créé un nouveau cycle de contentieux électoral pour le Conseil constitutionnel, qui a été saisi de 84 recours contre les résultats des élections. Les dépenses supplémentaires ainsi engendrées ont été financées par la dotation ordinaire de l’institution pour celles prévues en 2024. La prévision de celles en 2025 (le traitement des derniers recours, puis le contentieux des comptes de campagne des candidats) a été prise en compte dans le calcul de la dotation demandée dans le PLF.

II.   Le budget

A.   Les ressources

1.   La dotation budgétaire

a.   Un montant en légère baisse

La dotation demandée par le Conseil constitutionnel pour l’année 2025 s’élève à 16,85 millions d’euros. La rapporteure spéciale note que la baisse de 1 million d’euros de la dotation demandée est largement inférieure au montant de la dotation spéciale de 3,8 millions d’euros qui avait été demandée pour 2024 pour financer, d’une part les travaux de refonte de l’accueil, d’autre part l’organisation en juin 2024 à Paris de la conférence des chefs des cours constitutionnelles francophones dont le secrétariat général était assuré par l’institution. En neutralisant la part de cette dotation, la dotation demandée par le Conseil augmente en réalité de 2,8 millions d’euros.

Pour expliquer cette hausse, l’institution a expliqué à la rapporteure spéciale que « cette dotation doit [lui] permettre, tout en maîtrisant ses dépenses de fonctionnement et d’investissement à un niveau équivalent à celui de l’exercice en cours, de reconstituer une réserve minimale de précaution alors que, sous l’effet notamment de l’inflation, celle-ci s’est presque entièrement résorbée ces dernières années, au risque de le priver de moyens de fonctionnement suffisants lorsque surviennent dans la vie publique des échéances imprévues requérant son intervention ». Cette dotation financera également les contentieux, d’abord électoraux, puis ceux des comptes de campagne, soulevés par les élections législatives de 2024.

Évolution de la dotation du Conseil constitutionnel

(en millions d’euros)

2019

11,7

2020

12,5

2021

12

2022

16

2023

13

2024

17,9

2025

16,9

Source : réponses du Conseil constitutionnel au questionnaire de la rapporteure spéciale.

b.   L’enjeu des disponibilités financières

Évolution des disponibilitÉs financiÈres du Conseil constitutionnel

(en millions d’euros)

2019

3,1

2020

1,8

2021

1,1

2022

1,4

2023

0,2

Source : réponses du Conseil constitutionnel au questionnaire de la rapporteure spéciale.

Les disponibilités financières du Conseil constitutionnel

« La dotation du Conseil constitutionnel constitue l’unique origine des disponibilités financières du Conseil.

« Ces disponibilités sont placées sur un compte de dépôts de fonds au Trésor. Le solde du compte au Trésor au 31 décembre de chaque année alimente le budget des années suivantes, en sus de la dotation annuelle demandée.

« Aucune rémunération des ressources de trésorerie n’apparaît envisageable. Telle est l’analyse exprimée, par lettre du 2 août 2024, par les services du ministère de l’économie et des finances au motif qu’un mécanisme de rémunération, qui ne pourrait que peser ultimement sur les finances de l’État, pourrait s’apparenter à un contournement de l’autorisation de crédits votée annuellement par le Parlement. »

Source : réponse du Conseil constitutionnel au questionnaire de la rapporteure spéciale.

2.   Les ressources propres

La quasi-totalité des recettes du Conseil constitutionnel provient naturellement de sa dotation budgétaire. Cependant, en lien avec ses actions de communication susmentionnées, l’institution a souhaité ouvrir une boutique en fin d’année 2020, dans un local de 26 mètres carrés loué pour 4 ans pour un montant de 26 400 euros par an. La gestion de cette boutique a été confiée à un concessionnaire, qui « perçoit une compensation financière en contrepartie des contraintes de service public » auxquelles il serait soumis, et qui verse au Conseil « une redevance annuelle indexée sur le chiffre d’affaires de la boutique ».

B.   Les dÉpenses

1.   Un poste majeur : les dépenses de personnel

Le premier poste de dépenses sera celui des dépenses de personnel, qui fera l’objet de 9,87 millions d’euros de crédits de paiement en 2025.

2.   Les dépenses relatives aux membres : une rémunération opaque

Les crédits relatifs aux membres s’élèveront à 2,16 millions d’euros, dont 1,51 million d’euros pour leur traitement brut.

Depuis le décès de M. Giscard d’Estaing le 2 décembre 2020, aucun membre de droit ne siège plus au Conseil constitutionnel.

Membre de droit du Conseil constitutionnel (article 56 alinÉa 2
de la Constitution) : M. ValÉry Giscard d’estaing

 

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Nombre de présences en réunion

5

1

 

 

 

 

Montant annuel brut des rémunérations versées aux membres de droit (en euros)

179 991

165 992

 

 

 

 

Montant annuel net des rémunérations versées aux membres de droit (en euros)

164 411

151 585

 

 

 

 

Source : réponses du Conseil constitutionnel au questionnaire de la rapporteure spéciale.

En théorie déterminée en fonction du traitement de certains hauts fonctionnaires ([48]), et donc indexée sur l’évolution du point d’indice de la fonction publique, la rémunération des membres du Conseil s’élève dans la pratique à environ 15 000 euros bruts mensuels ([49]), ce qui ne respecte pas les règles de rémunération fixées par le législateur organique. Une différence de près de 8 500 euros entre ce que prévoit l’ordonnance organique et la réalité de la rémunération « s’explique par une lettre, qui n’a jamais été publiée, signée par la secrétaire d’État en charge du budget en date du 16 mars 2001 ». Cette lettre, que la rapporteure spéciale s’est fait communiquer, a octroyé aux membres une indemnité pour compenser, si l’on peut dire, la fin de l’exonération d’impôt sur le revenu dont bénéficiaient jusqu’alors les membres du Conseil. La rapporteure d’une proposition de loi sur le sujet relevait que « sur le plan juridique, cette situation présente une irrégularité manifeste », car « aucune disposition n’autorise le gouvernement à verser une indemnité secrète dont le montant se révèle finalement supérieur au montant de la rémunération dûment prévue par les textes en vigueur » ([50]).

Ces dépenses seront complétées par celles de fonctionnement (3 millions d’euros) et celles d’investissement (1,8 million d’euros).

3.   Des évolutions surprenantes

La rapporteure spéciale regrette que le Conseil n’ait pas répondu à ses demandes d’explication relatives à certaines variations étonnantes de crédits, à savoir celles :

– des frais de déplacement des membres entre 2023 (58 000 euros) et 2024 et 2025 (249 000 euros) ;

– des traitements des personnels permanents entre 2023 (4,59 millions d’euros) et 2024 et 2025 (respectivement 6,01 et 5,69 millions d’euros) ;

– des dépenses pour la garde républicaine entre 2023 (1,11 million d’euros) et 2025 (1,7 million d’euros) ;

– des « actions de communication, publicité, publications et relations publiques » entre 2023 (562 000 euros) et 2024 et 2025 (750 000 euros).

Pour toutes ces évolutions, le Conseil s’est borné à lui rappeler que les chiffres susmentionnés manqueraient de fiabilité car ils seraient issus d’une clef de répartition ([51]). La rapporteure spéciale ne fait pas de procès d’intention au Conseil et ne doute pas de sa rigueur dans l’utilisation de sa dotation, mais aurait apprécié une plus grande transparence.

La rapporteure spéciale a enfin voulu disposer d’éléments relatifs à l’usage fait par le Conseil constitutionnel des prestations de cabinets de conseil. Sans lui communiquer de chiffre, le Conseil s’est borné à expliquer « avoir eu recours ces dernières années à des cabinets de conseil pour affiner son expression de besoins et explorer les solutions viables pour la construction de sa démarche contractuelle nécessaire à la construction du site internet QPC 360° puis au déploiement d’un plan de continuité informatique ».


   QUATRIÈME PARTIE : LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

La Cour de justice de la République a été créée par la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993 ([52]). Elle est compétente pour juger les membres du gouvernement pour les « actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis » ([53]). Elle peut être saisie par « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions » ([54]). Elle est composée de quinze membres appelés juges, soit six députés, six sénateurs (élus par chaque assemblée en son sein après chaque renouvellement général ou partiel) et trois magistrats de la Cour de cassation. Les articles 68-1 à 68-3 de la Constitution, qui relèvent de son titre X De la responsabilité pénale des membres du gouvernement, sont complétés par une loi organique du 23 novembre 1993 ([55]).

La procédure de saisine comprend trois étapes :

– le filtre opéré par la commission des requêtes (sept magistrats issus de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la Cour des comptes), qui, soit prononce le classement de la procédure, soit juge la plainte recevable ;

– les auditions menées par la commission d’instruction (trois magistrats de la Cour de cassation), qui décide du renvoi ou non devant la formation de jugement ;

– la réunion de la formation de jugement (composée des quinze juges susmentionnés), qui se prononce à la majorité absolue et à bulletin secret.

  1.   L’activitÉ de la Cour de justice de la RÉpublique

La commission des requêtes étudie les plaintes de particuliers ou d’associations, les demandes d’avis du procureur général à la suite de décisions d’incompétence des juridictions de droit commun, et peut être saisie d’office par le procureur général.

Nombre de requÊtes enregistrÉes par la commission des requÊtes

Année

Nombre de requêtes

2019

41

2020

246

2021

20 119 ([56])

2022

372

2023

72

2024 (au 31 août)

61

Source : réponses de la CJR au questionnaire budgétaire de la rapporteure spéciale.

Une infime partie de ces requêtes passe le filtre de la commission des requêtes, comme l’illustre le tableau ci-dessous.

dÉtail des saisines de la cour de justice de la rÉpublique
intervenues depuis 2019

Date de demande de saisine auprès de la commission des requêtes

Date de décision favorable de la commission des requêtes

Origine de la saisine (article 68-2 alinéa 2 ou 4)

Objet

Date de décision de la Cour de justice de la République

Décision de la CJR (avec le cas échéant détail de la condamnation)

08/01/2019

18/04/2019

Sur demande du procureur général contre Éric Woerth

Concussion ([57])

3/10/2022

Non-lieu

24/01/2019

17/05/2019

Sur demande du Procureur général contre Kader Arif

Prise illégale d’intérêts, atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics

26/10/2022

1 an d’emprisonnement avec sursis

20 000 euros d’amende

23/03/2020

25/03/2020

01/04/2020

03/04/2020

12/04/2020

14/04/2020

27/04/2020

25/05/2020

29/05/2020

03/07/2020

Saisine directe contre

Édouard Philippe

Agnès Buzyn

Olivier Véran

Covid-19 (Abstention de combattre un sinistre)

En cours

d’instruction

 

25/05/2020

17/07/2020

05/08/2020

13/08/2020

19/10/2020

06/10/2020

06/11/2020

15/06/2021

07/05/2021

01/07/2021

28/06/2021

02/07/2021

11/10/2021

08/03/2022

29/04/2022

08/10/2020

16/10/2020

08/01/2021

Saisine directe (3 plaignants)

Prise illégale d’intérêts

29/11/2023

Relaxe

28/10/2020

Sur demande du Procureur général contre Éric Dupond-Moretti

17/11/2021

01/07/2022

Saisine directe contre Christophe Castaner

Discrimination

En cours d’instruction

 

24/04/2023

19/06/2023

Saisine directe contre Amélie Oudéa-Castéra

Diffamation publique envers particulier

En cours d’audiencement

 


  1.   Le budget demandÉ pour 2025 : la croissance des dÉpenses immobiliÈres

La somme demandée pour 2025 est la même que celle adoptée en 2024, soit 984 000 euros.

Évolution des dÉpenses de la cour de justice de la rÉpublique

(en milliers d’euros)

 

2024

2025

Évolution
(en %)

Loyer

497

530

7

Indemnités des magistrats et cotisations

143

160

12

Autres dépenses de fonctionnement

228,2

194

– 15

Frais de justice ([58])

80,8

70

– 13

Frais de tenue des procès

35

30

– 14

Total

984

984

0

Source : annexes aux projets de loi de règlement et aux projets de loi de finances et réponse au questionnaire budgétaire.

La CJR est locataire d’un bâtiment de 850 m2 dans le 7e arrondissement de Paris. Elle l’occupe à temps complet toute l’année. La rapporteure spéciale a interrogé la CJR sur ses leviers de réduction de ses dépenses immobilières. Il lui a été répondu que « des économies substantielles pourraient être réalisées si la CJR déménageait dans l’ancien palais de justice de la Cité », mais que « cet éventuel déménagement, qui n’est pas programmé à l’heure actuelle, ne pourrait pas intervenir au mieux avant 2028, des travaux de réaménagement devant être réalisés pour accueillir la Cour ».

La rapporteure spéciale s’associe à la recommandation du Premier ministre M. Michel Barnier, qui s’est interrogé de manière rhétorique : « Est-il acceptable que les services de l’État louent à prix d’or des locaux au cœur de Paris quand un déménagement dans des départements limitrophes permettrait de faire des économies et de participer à la rénovation urbaine comme l’organisation des Jeux olympiques l’a prouvé en Seine-Saint-Denis ? » ([59]). Elle estime que, pour restaurer un tant soit peu le lien de confiance entre citoyens et responsables publics, il pourrait être souhaitable que l’institution chargée de juger les élus quand leurs électeurs portent plainte se rapproche des citoyens les plus affectés par les politiques de casse sociale et de démembrement des services publics.

Les personnels de la CJR sont rémunérés sur la ligne « autres dépenses de fonctionnement ». Celle intitulée « indemnités des magistrats et cotisations » regroupe les crédits finançant les indemnités des magistrats siégeant dans les différentes formations. Depuis 2019, les parlementaires siégeant à la CJR ne bénéficient plus d’une indemnité.


   EXAMEN EN COMMISSION

Lors de ses réunions de 15 heures et de 21 heures, le mercredi 6 novembre 2024 à, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Pouvoirs publics et entendu Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale.

Les enregistrements audiovisuels de ces réunions (la première et la seconde) sont disponibles sur le site de l’Assemblée nationale.

Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté les amendements CF3082, CF3075, CF3083 et identique, CF2214, CF3072, CF2223, CF3074 et CF1426, la commission a, suivant l’avis favorable de la rapporteure spéciale, adopté les crédits de la mission Pouvoirs publics ainsi modifiés.

Elle a ensuite adopté les amendements CF2307, CF2306, CF2308, CF2309 et CF2310 à l’état G (article 45).

Suivant l’avis favorable de la rapporteure spéciale, la commission a adopté les crédits de la mission Pouvoirs publics.

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Les crédits de la mission Pouvoirs publics devraient s’élever à 1,14 milliard d’euros en 2025. Depuis le dépôt du projet de loi de finances, la Présidence de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat ont tous trois annoncé qu’ils renonçaient à la hausse prévue de leur dotation. Les crédits que je m’apprête à vous présenter se fondent donc sur le principe que les amendements qui seront déposés pour concrétiser ces annonces seront adoptés. Je détaillerai mon point de vue sur ces décisions de gel lors de la discussion des amendements.

La dotation accordée à la Présidence de la République en 2025 devrait donc être stable à 123 millions d’euros, le principal poste de dépenses étant celui des dépenses de personnel, qui atteindront 77 millions d’euros. Je regrette que, dans une période difficile pour de nombreux ménages, les frais de réception de la Présidence de la République aient augmenté, et croissent encore de 35 % en 2025. Est-il vraiment nécessaire, à l’heure où de plus en plus de nos concitoyens ne mangent pas à leur faim et où d’autres dorment dans la rue ou renoncent à des soins faute de moyens, de débourser 500 000 euros pour recevoir au château de Versailles un monarque au rôle cérémoniel ? Je m’interroge sur l’image que renvoie le Président de la République en multipliant ces réceptions fastueuses aux frais des contribuables d’un État qu’on nous présente comme en quasi-faillite.

Dans le même temps, l’Assemblée nationale est soumise à une cure d’austérité. Je tiens à remercier nos collègues questeures et les personnels placés sous leur autorité pour la qualité du dialogue et les réponses qui ont été apportées à mes questions.

Je déplore néanmoins le gel attendu de la dotation à 608 millions d’euros, à cause duquel le budget de l’Assemblée nationale devra, encore une fois, être équilibré grâce à un prélèvement sur recettes d’une trentaine de millions d’euros. Depuis de très nombreuses années, en effet, la dotation budgétaire est insuffisante et compensée par un prélèvement sur les disponibilités financières de l’institution. Il aurait été pertinent de se servir de ces disponibilités pour affecter plus de moyens aux autres services publics lorsqu’elles étaient importantes, mais elles ont désormais atteint un niveau très préoccupant : elles étaient, en juin 2024, de 181 millions d’euros, contre 201 millions d’euros en juin 2023 et 320 millions d’euros en 2015. Les montants des réserves ne représentent donc même pas une année de dépenses de fonctionnement, alors que l’Assemblée est régulièrement confrontée à des imprévus qui nécessitent des dépenses accrues telles que, pour les dernières années, la crise de la covid-19, la dissolution intervenue en juin 2024, qui a représenté un surcoût net estimé à 28 millions d’euros, ou les inondations d’octobre 2024. De surcroît, les besoins d’investissements immobiliers demeurent importants et certains seront décalés pour financer, pour l’année 2025, l’opportune augmentation des moyens affectés aux groupes, sans que l’on sache comment cette augmentation pérenne sera financée pour les années ultérieures.

Ne pas doter l’Assemblée des moyens qui lui sont nécessaires pour fonctionner correctement équivaut à abaisser son rôle dans l’équilibre des pouvoirs, alors que nous sommes les représentants du peuple et faisons déjà face à un régime politique, la Ve République, qui nous est peu favorable. Je rappelle aussi qu’en 2023, la commission spéciale chargée de vérifier et d'apurer les comptes, alors présidée par l’une de nos collègues commissaires qui n’est pas connue pour sa proximité avec le groupe auquel j’appartiens, avait donné l’alerte en relevant que l’utilisation des réserves de l’institution pour combler le déficit n’était pas une solution tenable sur la durée.

Par ailleurs, les alertes que j’émets chaque année sur divers sujets demeurent valables. La trajectoire du nombre de fonctionnaires par rapport au nombre de personnels contractuels reste baissière et le crédit collaborateur est faible, ce qui a des conséquences tant sur les capacités d’expertise des députés, et donc sur les pouvoirs du Parlement, que sur le bien-être desdits collaborateurs.

Je salue les avancées progressivement apportées dans le domaine de la sous-traitance, tant pour le bien-être des salariés des entreprises concernées que pour la réinternalisation de certaines prestations, et j’appelle nos questeures à demeurer ambitieuses en la matière.

Conformément à la tradition républicaine, à laquelle je suis attachée comme bon nombre de nos collègues, je serai brève sur les crédits du Sénat, qui devraient demeurer en 2025 à leur niveau actuel de 353 millions d’euros.

La dotation du Conseil constitutionnel diminuera à 16,9 millions d’euros. Cette baisse de 1 million d’euros est largement inférieure au montant de la dotation spéciale de 3,8 millions qui avait été demandée pour financer en 2024 des investissements ponctuels. En neutralisant l’impact de cette dotation exceptionnelle, la dotation demandée par le Conseil augmente en réalité de 2,8 millions d’euros.

Enfin, je m’interroge sur les dépenses immobilières de la Cour de justice de la République, locataire d’un bâtiment de 850 mètres carrés dans le VIIe arrondissement, pour un coût qui devrait augmenter de 7 % en 2025 et atteindre 530 000 euros.

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF3082 de la commission des lois

M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cet amendement, adopté en commission des lois à une large majorité, reprend la proposition présidentielle de faire participer la Présidence de la République à l’effort financier demandé à l’ensemble des Français, des administrations et des collectivités territoriales. Il s’agit de réduire les dépenses de la Présidence de la République au prorata de l’effort demandé, en appliquant une règle de trois aux 60 milliards demandés par le gouvernement aux Français à travers les budgets de l’État, des collectivités et de la Sécurité sociale.

Contrairement à ceux de l’Assemblée nationale et des autres pouvoirs publics, le budget de l’Élysée n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Tant le rapport que j’ai produit que ceux de la Cour des comptes font apparaître que les marges de manœuvre de la Présidence de la République pour tenir un budget même contraint sont encore raisonnables, notamment en limitant la taille des délégations et en prévoyant mieux l’organisation des voyages et des réceptions présidentiels, au moment où moult efforts budgétaires sont demandés à de nombreuses administrations dont le matelas de sécurité est bien moindre.

Cette mesure permettra de donner corps à la volonté du Président de la République de montrer l’exemple – j’ajoute que ce qui est demandé aux Français n’est pas un simple gel des dépenses, mais souvent une baisse.

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. J’ai donné l’alerte voilà deux ans à propos de l’augmentation de la dotation de l’Élysée, en une période où l’on demande des efforts aux Français et aux collectivités. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF3075 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Mon amendement vise à plafonner les frais de réception de l’Élysée, qui sont très importants. J’observe que certaines réceptions ont été annulées, ce qui a occasionné des frais.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF3076 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Il n’existe pas à l’Élysée d’instance officielle de dialogue social, alors que les médias ont alerté sur la souffrance au travail des agents.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF3077 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à créer une mission de prévention des risques psycho-sociaux des personnels de la Présidence de la République, dont la charge de travail est importante. Un fonctionnaire de l’Élysée a fait une tentative de suicide.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CF792 de Mme Véronique Louwagie et II-CF1673 de M. Charles de Courson (discussion commune)

Mme Véronique Louwagie (DR). Mon amendement propose de geler les crédits de cette mission. Compte tenu de la situation de nos finances publiques, il nous semble opportun de faire l’année 2025 une année blanche et nous avons donc déposé des amendements similaires pour d’autres missions.

M. Charles de Courson, rapporteur général. Les crédits de cette mission sont en hausse de 1,6 %, soit un total de 19,5 millions d’euros. Ce n’est pas acceptable à l’heure où la dégradation des comptes publics exige des efforts de l’ensemble des administrations publiques, à plus forte raison de la part des institutions qui se doivent d’être exemplaires en matière de maîtrise de leurs dépenses.

À ce titre, la Cour des comptes appelait en juillet 2024 à la vigilance quant à la situation financière des comptes de la Présidence de la République, en raison d’une forte augmentation des dépenses liées à la multiplication des déplacements et des réceptions et à l’organisation de cérémonies. La dotation budgétaire de l’Élysée a augmenté de 15,8 millions d’euros entre 2019 et 2024. Il convient de mettre fin à cette dynamique de hausse en reconduisant pour 2025 le montant alloué à la Présidence en 2024.

Cette exigence de gel des dépenses vaut aussi pour les budgets de l’Assemblée nationale et du Sénat, dont les présidents se sont d’ailleurs mis d’accord pour renoncer à l’indexation de leur budget sur l’inflation. J’ajoute que la Présidence de la République a donné son accord pour le gel de ses crédits.

Mon amendement propose donc d’annuler la hausse des crédits de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Je reviens rapidement sur l’ensemble des amendements relatifs aux crédits de l’Assemblée, du Sénat et de la Présidence de la République.

L’augmentation de ses crédits par la Présidence de la République me semble difficilement justifiable : les éléments invoqués – inflation et dégel du point d’indice – concernent l’ensemble des administrations.

Concernant les crédits du Sénat, la tradition républicaine veut que l’Assemblée laisse le Sénat en décider.

Au moment où le gouvernement procède à des choix budgétaires difficiles, il est logique que la hausse de la dotation des crédits de l’Assemblée soit mal comprise par nos concitoyens. Mais ces choix sont politiques et nous avons travaillé avec d’autres groupes pour trouver de nouvelles recettes afin de proposer des alternatives à la logique d’austérité du gouvernement. Notre assemblée a besoin de moyens pour que la démocratie puisse s’exprimer, d’autant qu’elle est composée majoritairement de forces d’opposition.

Je note par ailleurs que l’amendement de Mme Louwagie propose d’augmenter les crédits du Conseil constitutionnel.

Je suis donc favorable à la baisse des crédits de la Présidence de la République et défavorable à celle du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Par conséquent, avis défavorable à ces deux amendements.

M. le président Éric Coquerel. Je rappelle qu’à la différence des crédits de la Présidence de la République, ceux de l’Assemblée n’ont pas augmenté ces dernières années. Refuser l’indexation de sa dotation sur l’inflation pose donc problème, d’autant que l’Assemblée a dû faire face aux importants coûts de la dissolution. J’ajoute que le « coût » d’un député français, en y incluant ses collaborateurs et divers services, est parmi les plus bas d’Europe. Il faut prendre garde à ne pas alimenter la petite musique de l’antiparlementarisme.

Mme Véronique Louwagie (DR). Notre amendement propose d’appliquer la logique de l’année blanche à l’ensemble des programmes de cette mission et donc de rétablir leur niveau de 2024 – d’où l’augmentation des crédits demandés pour le Conseil constitutionnel.

Madame la rapporteure spéciale, je ne comprends pas votre logique lorsque vous vous dites favorable à une baisse des crédits de la Présidence de la République et à une hausse des crédits de l’Assemblée. Chacun doit prendre sa part dans l’effort.

La question n’est pas celle du coût d’un député ou du montant des crédits de l’Assemblée, mais bien celle de leur variation par rapport à l’année précédente.

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. La variation à la hausse des crédits de la Présidence de la République ces dernières années exige justement des efforts particuliers de sa part, d’autant que la justification de cette augmentation me paraît difficile à comprendre – les collectivités territoriales pourraient user des mêmes raisonnements, et on leur retire de l’argent ! Les assemblées, quant à elles, ont vu leur dotation stagner et doivent puiser dans leurs réserves pour fonctionner. Il me semble donc logique de diminuer les crédits de la Présidence et d’augmenter ceux des assemblées.

M. Didier Padey (Dem). Je viens du privé et je pense que nous devons travailler sur notre efficience. Commençons par l’améliorer et à réduire ainsi nos coûts. Nous devons envoyer ce signal à la population.

M. le président Éric Coquerel. Je viens moi aussi du privé, mais je suis en désaccord radical avec votre analyse. Il n’y a pas de gabegie à l’Assemblée. Je vous invite à en discuter sur la base de données objectives.

M. Charles de Courson, rapporteur général. La baisse de dotations proposée par ces amendements ne redressera pas les finances publiques, mais elle est symbolique.

Le rapport de la Cour des comptes montre qu’on peut serrer un peu les boulons à la Présidence de la République. Je comprends que la Présidence, comme Mme la rapporteure spéciale, y sont favorables.

En ce qui concerne l’Assemblée nationale, notre budget est de 500 millions d’euros et nous pouvons faire un effort ponctuel de l’ordre de 1,5 %, qui me semble raisonnable.

Quant au Sénat, la tradition républicaine voulait que les questeurs de nos deux institutions indiquent le montant du budget souhaité à Bercy, qui l’accordait sans discussion. Je pense que, par souci de clarté, nous devons associer le Sénat à cet effort, d’autant que son président en est d’accord et que le Sénat dispose d’importantes réserves.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CF2088 de M. Philippe Juvin et amendements identiques II-CF3083 de la commission des lois et II-CF64 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)

Mme Véronique Louwagie (DR). Cet amendement porte uniquement sur les crédits de l’Assemblée nationale, et propose une baisse de 11 millions d’euros.

J’appuie les propos de M. Padey. En ma qualité d’expert-comptable, j’ai réalisé des prévisionnels pour des entreprises en difficulté : il faut alors partir des chiffres de l’année précédente et faire diminuer toutes les dépenses. Les entreprises ne se disent pas qu’elles peuvent augmenter leurs dépenses à cause de l’inflation ! Si elles suivaient votre logique, elles ne seraient pas nombreuses à survivre. Nous devons être exemplaires.

M. Emmanuel Duplessy, rapporteur pour avis. L’amendement de la commission propose le gel des crédits de l’Assemblée nationale. Au nom de la commission des lois, je tiens à dire que cet effort reste injuste – à l’image de celui demandé à l’ensemble de la nation : à la différence de ceux de la Présidence de la République, les crédits de l’Assemblée ont été gelés entre 2012 et 2020. Or nous sommes tous attachés à l’idée que l’Assemblée nationale doit pouvoir exercer ses prérogatives. La commission des lois estime aussi que les besoins en financement de l’Assemblée nationale méritent un travail plus large qu’un simple dépôt d’amendement.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Je présente cet amendement au nom des trois questeures.

Il vise à mettre en œuvre l’engagement du président du Sénat, de la présidente de l’Assemblée nationale, des trois questeurs du Sénat et des trois questeures de l’Assemblée nationale d’annuler l’augmentation prévue de la dotation de nos assemblées, calculée pour tenir compte de l’inflation.

La démocratie a un prix, mais il me semble que les dépenses du Parlement ne sont pas extraordinaires. J’espère que nous pourrons, avant la fin de la législature, établir des comparaisons solides avec d’autres parlements – c’est un gros travail.

Le coût net de la dissolution – 28 millions d’euros – a été intégré par le gouvernement dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Nous avons donc été entendus sur ce point.

Nous ne sommes pas d’accord avec les efforts très importants demandés à nos concitoyennes et à nos concitoyens comme aux collectivités territoriales, et nous avons déposé des amendements pour faire autrement. Néanmoins, l’Assemblée nationale et le Sénat ne peuvent pas se dispenser de consentir cet effort.

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Avis défavorable, je l’ai dit.

La dotation de l’Assemblée avait été gelée depuis 2008 et ce gel représente 450 millions d’euros d’économies pour la période comprise entre 2012 et 2021. L’Assemblée nationale a déjà pris sa part de l’effort et il est dommage que l’on ne s’en souvienne pas.

Les économies supplémentaires ne doivent être supportées ni par notre assemblée, ni par les services publics, les collectivités locales ou les ministères. La véritable question de fond est bien de savoir qui doit financer le fonctionnement de l’État, des services publics mais aussi des institutions.

Comme l’a dit notre collègue questeure, la démocratie a un coût et nous avons besoin de moyens pour agir, de fonctionnaires et de collaborateurs pour travailler à nos côtés. Les personnels de l’Assemblée nationale contribuent tous chaque jour à faire vivre la démocratie.

Il est difficile de dire que l’on combat l’austérité tout en étant ses élèves zélés lorsqu’il s’agit des moyens des pouvoirs publics.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Tous ces amendements vont dans le même sens, mais la somme qui figure dans les amendements identiques de la commission des lois et des questeures est différente et je vous invite à voter en faveur de ces derniers.

Il y a certes eu un gel des crédits de l’Assemblée depuis 2008, mais aussi une baisse de 16 millions d’euros de sa dotation en 2012 – laquelle a ensuite été pérennisée. Cela représente en tout 450 millions d’euros qui n’ont pas été versés à l’Assemblée nationale, soit des économies importantes. Il est bon de le rappeler.

M. le président Éric Coquerel. Je ne suis pas non plus d’accord, de manière générale, avec la réduction des dépenses publique.

S’agissant de l’Assemblée, je demande à certains collègues d’être prudents lorsqu’ils procèdent à des comparaisons dans l’air du temps.

Tout d’abord, on ne peut pas se référer au secteur privé comme si c’était une entité unique : les situations et la productivité varient beaucoup selon les entreprises et les branches. J’ajoute que lorsque l’on compare les frais de gestion des soins de santé entre les assurances privées aux États-Unis et la Sécurité sociale, cette dernière coûte moins cher.

Je sais que ce n’est pas ce que vous avez voulu dire, madame Louwagie, mais les comparaisons sommaires avec le privé laissent supposer à ceux qui nous écoutent que, à responsabilités égales, les administrateurs de l’Assemblée nationale et nos collaborateurs travailleraient moins que leurs homologues du secteur privé. Ce n’est pas vrai.

Ensuite, une entreprise est soumise à des contraintes de gestion différentes : elle doit équilibrer son bilan et éventuellement réaliser des profits. La question ne se pose pas dans ces termes pour une institution comme la nôtre : nous devons nous demander, nous, si les moyens qui nous sont attribués sont suffisants pour accomplir notre mission démocratique. De ce point de vue, je vous invite à vous renseigner sur la réduction des budgets des groupes d’amitié et des services ces dernières années.

Je ne suis pas d’accord avec les comparaisons qui voudraient faire croire que les efforts sont toujours plus importants dans le privé – à plus forte raison si l’on parle de grandes entreprises.

La commission rejette successivement l’amendement II-CF2088 et adopte les amendements identiques II-CF3083 et II-CF64.

Article 42 et état B (suite) : Crédits du budget général

Amendements II-CF2214 de Mme Gabrielle Cathala, II-CF2482 de Mme Marietta Karamanli, II-CF3072 de Mme Marianne Maximi, II-CF2220 de Mme Gabrielle Cathala, amendements identiques II-CF3084 de la commission des lois et II-CF2215 de M. Ugo Bernalicis, amendement II-CF2221 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Mon amendement II-CF3072 vise à préserver et développer la fonction publique de l’Assemblée nationale. Il est important que des agents ayant le statut de fonctionnaires nous permettent d’exercer correctement notre mandat et veillent au bon fonctionnement de la démocratie.

Je donne un avis favorable à tous les amendements de cette discussion commune.

M. Daniel Labaronne (EPR). Nous devons donner l’exemple en limitant le budget de l’Assemblée nationale, dont nous avons déjà parlé en fin d’après-midi.

Dans le contexte actuel, une augmentation de notre propre budget pourrait être considérée comme un manque de solidarité à l’égard d’autres administrations. Ainsi, dans un esprit de responsabilité, le Conseil d’État a décidé de ne pas demander de crédits supplémentaires au-delà du niveau de l’inflation. Une augmentation pourrait aussi être mal perçue par nos compatriotes, creuser davantage le fossé qui sépare les citoyens des élus et affaiblir la confiance des Français dans notre institution.

Je crois fondamentalement qu’en toutes circonstances, il est possible de rationaliser les dépenses. Paradoxalement, les périodes de contrainte budgétaire sont celles où l’on se pose les bonnes questions, où l’on arrive à mieux s’organiser et où l’on trouve des synergies.

En somme, nous devons envoyer aux Français un signal de responsabilité en renonçant à toute augmentation du budget de l’Assemblée nationale.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je suis d’accord avec M. Labaronne. Cependant, j’ai récemment participé à une réunion organisée par les questeures au sujet de l’augmentation des moyens dont disposent les différents groupes de notre assemblée. Sauf erreur de ma part, l’ensemble des groupes se sont engagés, de manière consensuelle, à ne pas accroître cette année le budget de l’Assemblée nationale, toutes dépenses confondues, afin de ne pas laisser croire à la population que l’on aurait augmenté les moyens dévolus aux groupes sans faire des économies ailleurs. Je m’interroge donc sur ces amendements, qui me paraissent contredire l’engagement pris par les groupes envers les questeures.

M. le président Éric Coquerel. Il ne me semble pas que le groupe LFI-NFP ait pris un tel engagement.

Nous ne sommes pas de ceux qui pensent que l’administration doit faire des efforts au motif qu’il serait possible de faire mieux avec moins. Estimons-nous que les administrateurs de l’Assemblée nationale, qui nous accompagnent dans nos travaux, ont une tâche facile ? Qu’ils ne travaillent pas ? Qu’ils usurpent leur salaire ? Je ne le crois pas. Ce n’est pas non plus le cas de nos collaborateurs. Quant aux députés français, ils ont beaucoup moins de moyens que les membres du Parlement européen et que les parlementaires d’autres pays. On peut faire des économies sur certaines réceptions, sur certains événements dispendieux, mais les crédits ainsi dégagés doivent être utilisés pour nous permettre, par exemple, d’employer plus de collaborateurs et d’assurer davantage de missions de contrôle.

Globalement, je ne trouve pas que l’Assemblée nationale gaspille les deniers publics. Je pense même le contraire. Au risque de paraître démagogique, je ferai à nouveau remarquer que les groupes d’amitié de notre assemblée disposent de moyens moins importants que ceux d’autres parlements : concrètement, nous accueillons les députés étrangers moins bien qu’ils ne nous reçoivent. Nous pourrions même souhaiter accroître les crédits alloués aux déplacements à l’étranger afin d’y mener de vraies missions.

Ces amendements me semblent utiles et intéressants, dans la mesure où ils visent à prélever des crédits dans des budgets problématiques pour les transférer là où sont les besoins réels et où est produit le vrai travail, c’est-à-dire à l’Assemblée nationale.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Il est vrai que nous devons envoyer un message à la population, comme l’explique la Première questeure, Mme Christine Pirès Beaune. Je retire donc l’amendement II-CF2482.

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. J’irai dans le même sens que le président de notre commission. Nous sommes cohérents : nous combattons l’idée selon laquelle la réduction des dépenses serait inévitable et que l’effort devrait peser sur les services publics, sur la fonction publique parlementaire et sur tous ceux qui font vivre notre pays. Nous pensons, au contraire, qu’il est possible de faire autrement. Nous ne voulons pas préserver le budget de l’Assemblée nationale pour satisfaire nos intérêts personnels, mais parce que nous estimons que l’austérité imposée aux Français n’est pas légitime et qu’il existe d’autres solutions, y compris dans notre institution.

Du reste, nous ne défendons pas spécifiquement le budget de l’Assemblée nationale. Depuis le début de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF), pendant toutes les discussions budgétaires, nous avons cherché à mettre un coup d’arrêt à votre politique austéritaire et proposé d’autres solutions. Ainsi, nous sommes revenus sur la suppression de 4 000 postes dans l’éducation nationale. C’est exactement ce que j’essaie de faire en tant que rapporteure spéciale pour la mission Pouvoirs publics. Je suis convaincue qu’il existe des dépenses utiles, et que celles de l’Assemblée nationale en font partie. Je ne cherche pas à défendre les députés eux-mêmes, mais à garantir le bon fonctionnement de cette maison, qui appartient à tout le monde. Nous ne sommes pas à la hauteur des parlements d’autres grandes démocraties européennes, ou même du Parlement européen, en matière de crédits collaborateurs. Ceux qui nous assistent méritent de voir leurs conditions de travail et leurs rémunérations améliorées.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). À rebours des caricatures que l’on peut lire ici ou là, j’insiste sur le fait que nous ne demandons pas d’argent pour les députés, mais pour le fonctionnement de l’Assemblée nationale.

M. Tristan Lahais (EcoS). Nous sommes quelque peu embarrassés. Nous allons voter ces amendements ; cependant, dans le contexte actuel d’économies budgétaires, nous ne voudrions pas que le budget de l’Assemblée nationale soit le seul préservé.

Cela dit, monsieur le président, nous sommes d’accord avec vous : nous ne partageons pas l’opinion selon laquelle il faudrait impérativement baisser les dépenses publiques. Au contraire, nous pensons que la démocratie parlementaire a besoin de davantage de moyens. Le groupe Écologiste et social s’était d’ailleurs prononcé contre la hausse de l’avance de frais de mandat (AFM) des députés et pour l’augmentation du crédit collaborateurs.

M. le président Éric Coquerel. J’ai réagi tout à l’heure à l’intervention de M. Padey, qui comparait notre institution avec le secteur privé, parce qu’il ne faudrait pas que nous alimentions nous-mêmes certains sentiments. Mais nos concitoyens se posent beaucoup de questions. Peut-être serait-il intéressant d’organiser un audit citoyen de l’Assemblée nationale, qui permettrait aux Français d’évaluer eux-mêmes les besoins et de juger si les moyens accordés sont nécessaires ou superflus. Une telle démarche de contrôle populaire des institutions pourrait être utile à la démocratie.

L’amendement II-CF2482 est retiré.

La commission adopte successivement les amendements II-CF2214 et II-CF3072.

Elle rejette successivement les amendements II-CF2220, II-CF3084 et II-CF2215 et II-CF2221.

Amendement II-CF2223 de Mme Gabrielle Cathala

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à réinternaliser l’entretien, qui a été confié à des entreprises sous-traitantes. J’y suis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF2224 de Mme Gabrielle Cathala

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Cet amendement du groupe LFI-NFP vise à indemniser la famille de M. Moussa Sylla, qui était agent d’une entreprise sous-traitante et qui est mort à l’Assemblée dans l’exercice de ses fonctions, il y a un peu plus de deux ans. Pour l’instant, un procès est en cours, et la famille n’a donc toujours pas été indemnisée.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’étais bien entendu au courant de l’accident mortel dont cet agent a été victime, mais je découvre que sa famille n’a toujours pas été indemnisée. Pourrions-nous avoir davantage d’informations sur les raisons de ce retard d’indemnisation ? Si c’est l’entreprise sous-traitante qui ralentit la procédure d’indemnisation, il faudrait s’assurer que l’Assemblée nationale n’a plus recours à ses services, car c’est inacceptable.

M. le président Éric Coquerel. Je crois que l’entreprise sous-traitante et l’Assemblée se renvoient la responsabilité de cet accident, ce qui expliquerait les difficultés.

M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne suis pas opposé au principe d’une telle indemnisation, mais cela reviendrait à prendre parti alors qu’un procès est en cours. Je suis pour ma part attaché au principe de séparation des pouvoirs.

Le débat judiciaire établira les responsabilités et conduira à une indemnisation. Nous pourrons ensuite évidemment abonder un fonds spécifique de soutien au nom de l’Assemblée. Mais je crois qu’il faut attendre les conclusions du procès avant d’engager toute action de ce type.

M. le président Éric Coquerel. Sauf qu’en attendant, la famille de cet homme est dans le besoin… Si cela était arrivé à un fonctionnaire de l’Assemblée, les choses auraient été vite réglées, car il n’y aurait pas eu de renvoi de responsabilité : cette différence de traitement est un souci. Mais ce ne sont que des supputations.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Je viens de téléphoner à Christine Pirès Beaune, qui m’a confirmé que l’Assemblée nationale soutenait la famille de M. Sylla et qu’une procédure était en cours contre l’entreprise pour manquement à son devoir de protection des salariés. Dans ces conditions, il me semble risqué de voter une indemnisation de 100 000 euros, d’autant qu’on ne sait pas quel sera le montant de l’indemnité accordée à l’issue du procès. Je vous invite à voter contre l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement II-CF3074 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Il s’agit à nouveau d’un amendement relatif à la mort dramatique de M. Sylla. Pour accéder à la demande de sa famille, quisouhaite qu’un hommage lui soit rendu à l’Assemblée nationale, cet amendement tend à financer une plaque commémorative en sa mémoire. Cet acte a un coût, mais il est important.

Comme le soulignait le président, si cet accident avait touché un agent de l’Assemblée et non le salarié d’une entreprise sous-traitante, les choses auraient été différentes. Cela pose la question du contrôle des conditions de travail imposées par les entreprises sous-traitantes. Malgré les améliorations apportées depuis cet accident, ce contrôle reste compliqué. C’est d’ailleurs une des raisons qui nous a poussés à déposer des amendements visant à arrêter d’externaliser certaines prestations – on pense souvent au nettoyage, mais il y en a d’autres.

Cet accident s’est déroulé dans les sous-sols de l’Assemblée, et accéder à la demande d’hommage de la famille me semble un minimum. La presse a rapporté qu’il n’y avait aucun représentant de l’Assemblée nationale au procès : c’est dommage.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF3073 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Les entreprises ayant recours à la sous-traitance sont généralement moins regardantes sur les conditions de travail et de sécurité des salariés, notamment en matière d’équipements de protection individuelle. Cet amendement vise à donner les moyens à l’Assemblée d’être plus vigilante et de mieux contrôler les conditions de travail des salariés des entreprises de sous-traitance auxquelles elle a recours. C’est aussi une revendication des salariés concernés.

M. le président Éric Coquerel. N’existe-t-il aucun dispositif de contrôle ?

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Depuis le décès de M. Sylla, l’Assemblée est plus rigoureuse à l’égard des sous-traitants, d’autant que le procès a mis en évidence des manquements de l’entreprise.

Il n’en reste pas moins qu’elle doit se pencher beaucoup plus sérieusement sur les conditions de travail de tous les salariés qui exercent sur ses sites. Il y a eu des avancées au niveau de la questure, mais il faut aller plus loin. Et je reste convaincue que la meilleure manière de protéger les personnes qui travaillent ici, c’est qu’elles soient employées directement par l’Assemblée nationale.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Pendant dix ans, j’ai dirigé plusieurs instances au conseil régional de Bretagne, et je confirme que la collectivité ou l’institution qui a recours à de la sous-traitance a l’obligation de s’assurer de la sécurité du personnel qui intervient.

J’espère que la nouvelle questure permettra d’avancer sur ce sujet : au regard du nombre de chantiers en cours, qui doivent être largement sous-traités, cela me semble indispensable. S’assurer que les salariés interviennent dans un environnement sécurisé et qu’ils sont aptes à le faire – je pense à l’autorisation de soudure, par exemple – relève de la responsabilité du donneur d’ordre.

M. Daniel Labaronne (EPR). Concrètement, à quoi ces 80 000 euros serviront-ils ? À payer une société de contrôle des sous-traitants ?

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Il n’est évidemment pas question d’externaliser ce contrôle ! Au contraire, ces moyens doivent permettre à l’Assemblée d’embaucher des agents affectés spécifiquement à cette mission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CF1426 de M. François Ruffin

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Cet amendement vise à augmenter la rémunération des agents de ménage. François Ruffin le dépose chaque année, et chaque année j’émets un avis favorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous sommes évidemment favorables à l’idée de mieux payer les femmes de ménage.

L’idée de mener un audit citoyen est très intéressante. Au-delà des économies à faire ou pas, vous avez soulevé un sujet très important qui anime tous les groupes politiques, monsieur le président. On ne peut plus faire abstraction de la grande défiance de la population envers les institutions. On l’a encore vu l’année dernière avec l’indexation de nos frais de mandat sur l’inflation, qui a provoqué un véritable émoi dans la population – je l’ai bien senti dans ma circonscription au moment des vœux, et je ne suis probablement pas le seul.

Le débat sur le coût – légitime – de la démocratie est important, mais nous ne pouvons pas nous contenter d’en discuter entre nous ; ce n’est pas du tout l’ambiance dans le pays. Les gens ne savent pas forcément que des fonctionnaires nous aident : il y a beaucoup de fantasmes sur l’argent en politique, et il est essentiel d’ouvrir largement ce débat que nous repoussons depuis trop longtemps. Cela permettra en outre de traiter la question sans démagogie et d’éviter que la poussière soit mise sous le tapis.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Nous sommes tous solidaires de ces femmes de ménage – ce sont pour l’essentiel des femmes – qui arrivent dès six heures du matin et viennent parfois de loin. L’association des députés employeurs, dont je suis membre, a mené une réflexion pour encourager l’entretien en journée, et nous allons également nous pencher de près sur leur situation financière. Il y a une vraie prise de conscience de leur situation.

L’idée de François Ruffin est bonne, mais, à titre personnel, je m’abstiendrai.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Nous venons d’adopter un amendement visant à réinternaliser le ménage. Cela ne fait-il pas tomber l’amendement de M. Ruffin ?

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Juridiquement, non.

La commission adopte l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons à l’avis de la rapporteure spéciale et aux explications de vote sur la mission Pouvoirs publics.

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Nous avons adopté plusieurs amendements visant à augmenter la dotation, et je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Favorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Certaines dépenses ne nous semblent pas relever de cette mission budgétaire. Aussi, nous nous abstiendrons.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Favorable.

Mme Claudia Rouaux (SOC). Abstention.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Nous avons voté des avancées, notamment en ce qui concerne l’attention portée au personnel et le renforcement des moyens de la représentation nationale pour mieux faire fonctionner la démocratie. Nous sommes donc favorables à l’adoption.

Mme Sophie Mette (Dem). Faute d’avoir tous les éléments, nous nous abstiendrons.

Mme Félicie Gérard (HOR). Abstention.

M. Nicolas Sansu (GDR). Favorable.

La commission adopte les crédits de la mission Pouvoirs publics modifiés.

Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendements II-CF2307, II-CF2306, II-CF2308, II-CF2309 et II-CF2310 de Mme Léa Balage El Mariky

Mme Christine Arrighi (EcoS). L’amendement II-CF2307 tend à créer un indicateur du taux de réalisation des projets d’investissement priorisés dans le budget.

L’amendement II-CF2306 vise à créer un indicateur de performance lié à la publication des dépenses de la Présidence de la République. Des parlementaires se sont consacrés à ces sujets, et ils en ont conclu qu’il était nécessaire, pour assurer davantage de visibilité et de transparence, de publier annuellement les dépenses détaillées de l’Élysée, d’autant que son budget a explosé.

L’amendement II-CF2308 tend à créer des indicateurs de suivi du coût des déplacements présidentiels, et le ratio par déplacement par rapport aux budgets prévisionnel et réel des déplacements.

L’amendement II-CF2309 vise à assurer le suivi de la sécurité du personnel et des infrastructures de la présidence de la République, car nous avons découvert que les déplacements du Président avaient pu être suivis grâce à une application sportive utilisée par ses gardes du corps.

Il tend également à créer un indicateur du taux de conformité des installations de sécurité par rapport aux normes en vigueur, afin de garantir un haut niveau de sécurité dans les infrastructures et pour les personnels. Le débat que nous venons d’avoir me semble conforter toute la pertinence de cet amendement.

Mme Marianne Maximi, rapporteure spéciale. Avis favorable à tous ces amendements.

La commission adopte successivement les amendements.

 


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR
LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Conseil constitutionnel

M. Laurent Fabius, président

M. Jean Maïa, secrétaire général

Questure de l’Assemblée nationale

Mme Christine Pirès Beaune, première questeure

Mme Catherine Leroy, secrétaire générale de la questure

Mme Marianne Brun, directrice générale de la questure

Mme Véronique Grivel, directrice des achats et des finances

Cour des comptes

Mme Angélique Sloan, conseillère référendaire

M. Paul Fleurance, auditeur

Mme Marie-Christine Harmand, vérificatrice des juridictions financières

Représentants du personnel de l’Assemblée nationale

Représentants du SPAN-CGT

Représentants de Solidaires

Représentants des collaborateurs des députés

Représentants de la CFE-CGC

Représentants de Solidaires

Représentants de la CFDT

Représentants de la CGT-CP

Représentants de la CFTC

Observatoire de l’éthique publique *

M. René Dosière, président

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Considérant 25 de la décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001 Loi organique relative aux lois de finances.

([2]) Le Conseil a en outre rappelé par la suite que la simple mention d’une autorité ou d’un pouvoir quelconque dans la Constitution ne suffit pas à le faire figurer au nombre des pouvoirs publics constitutionnels. N’appartient ainsi pas à cette catégorie le Défenseur des droits (considérant 5 de la décision n° 2011-626 DC du 29 mars 2011 Loi organique relative au Défenseur des droits).

([3]) Considérant 47 de la décision n° 2001-456 DC du 27 décembre 2001 Loi de finances pour 2002.

([4]) Article 7 de l’ordonnance n° 58-1 100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

([5]) Calcul effectué sur la base des chiffres provisoires de la population française en 2024 de l’INSEE, arrêtés fin 2023.

([6]) Loi constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 relative à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse.

([7]) Cette demande doit se traduire dans le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.

([8]) Rapport n° 645 de M. le député David Amiel et M. le sénateur Jean-François Husson au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, 3 décembre 2024, p. 5.

([9]) État B (I. de l’article 4) de la loi n° 2024-1 167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.

([10]) Amendement n° II-CF64.

([11]) Amendement n° II-22.

([12]) Rapport n° 2698 tome II sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023, 29 mai 2024, p. 351.

([13]) Intervention de M. Christophe Plassard, commission des finances, compte-rendu de la réunion du mercredi 15 mai 2024 à 21 heures 30, p. 13.

([14]) N° II-CF3083 et identique et II-CF2214.

([15]) Rapport spécial n° 3805 annexe 32 de M. Jean Launay sur le projet de loi de finances pour 2012, 12 octobre 2011, p. 52.

([16]) En raison de la dissolution, la commission n’a pas encore publié son rapport sur les comptes 2023.

([17]) Rapport de la commission spéciale chargée de vérifier et d’apurer les comptes sur les comptes de l’Assemblée nationale de l’exercice 2022, pp. 15-16.

([18]) Ce montant découle d’un calcul de la rapporteure spéciale, qui a ajouté aux 604,25 millions d’euros annoncés par le PAP le 1,6 million d’euros de dépenses supplémentaires en faveur des groupes financées par des annulations de dépenses d’investissement. Ces dépenses supplémentaires seront commentées dans la présente partie.

([19]) Ce montant, issu d’un calcul de la rapporteure spéciale, agrège celui présenté dans le PAP (348,8 millions d’euros) et celui résultant de l’augmentation de la contribution de l’Assemblée aux frais de secrétariat des groupes (2,4 millions d’euros), qui sera évoquée ultérieurement.

([20]) M. le député Christophe Plassard témoignait ainsi en mai 2024 : « Les chiffres les plus récents montrent que 4 576 heures supplémentaires ont été déclarées pour 2022, soit à peine 8 heures supplémentaires par équipe parlementaire et par an. Cette donnée est loin de refléter la réalité, en grande partie à cause de budgets réduits » (commission des finances, compte-rendu de la réunion du mercredi 15 mai 2024 à 21 heures 30, p. 13).

([21]) Article 48.

([22]) Article 19 du Règlement.

([23]) Compte rendu de la réunion du mercredi 9 octobre 2024.

([24]) Ordonnance n° 58-1 210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement.

([25]) Article 80 undecies du code général des impôts.

([26]) Le Premier ministre Gabriel Attal avait par ailleurs indiqué que cette indemnité de parlementaire s’était substituée à celle de membre du gouvernement, sans qu’il eût jamais cumulé les deux (huffingtonpost.fr, « Démission du gouvernement : Attal et ses ministres ne cumuleront pas les rémunérations de ministre et député », 17 juillet 2024).

([27]) Commission des finances, compte rendu de la réunion du mercredi 15 mai 2024 à 21 heures 30, pp. 13 et 16.

([28]) Commission des finances, compte-rendu de la réunion du mercredi 15 mai 2024 à 21 heures 30, p. 5.

([29]) N° II-CF3072.

([30]) Ce montant découle d’un calcul de la rapporteure spéciale, qui a ôté aux 38,9 millions d’euros annoncés par le PAP le 1,6 million d’euros d’investissements annulés pour financer l’augmentation des moyens alloués aux groupes, présentés précédemment.

([31]) N° II-CF2223 et II-CF1426.

([32]) Amendement n° II-CF3074.

([33]) Article 32 de la loi n° 2021-1 382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique (ex article 17 quater du projet de loi déposé à l’Assemblée nationale en première lecture).

([34]) lefigaro.fr, « Pourquoi le gouvernement ne peut pas refuser à l’Élysée une augmentation de budget », Julie Ruiz, 15 octobre 2024.

([35]) Arrêté du 15 septembre 2014 portant application de l’article 141 du décret n° 2012-1 246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

([36]) Mme Marie Lebec, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement (commission des finances, compte-rendu de la réunion du mercredi 15 mai 2024 à 21 heures 30, p. 5).

([37]) Lettre du gouvernement au Conseil constitutionnel susmentionnée, 2 août 2024.

([38]) Cour des comptes, « Les comptes et la gestion des services de la Présidence de la République », exercice 2023, p. 33 du PDF.

([39]) Cour des comptes, « Les comptes et la gestion des services de la Présidence de la République », exercice 2023, pp. 25 et 27 du PDF.

([40]) Décret n° 2012-983 du 23 août 2012 relatif au traitement du président de la République et des membres du gouvernement.

([41]) Cour des comptes, « Les comptes et la gestion des services de la Présidence de la République », exercice 2023, pp. 6-7 du document au format PDF.

([42]) N° II-CF3075.

([43]) N° II-CF3082.

([44]) Cour des comptes, « Les comptes et la gestion des services de la Présidence de la République », exercice 2023, pp. 12-13 et 48 à 58 du PDF.

([45]) Rapport spécial n° 1745 annexe 15 de Mmes Christine Arrighi et Eva Sas sur le projet de loi de finances pour 2024, 14 octobre 2023, p. 13.

([46]) Cour des comptes, « Les comptes et la gestion des services de la Présidence de la République », exercice 2023, pp. 27 à 29 du PDF.

([47]) Décision n° 2023-157 ORGA du 5 octobre 2023.

([48]) Article 6 de l’ordonnance n° 58-1 067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

([49]) Rapport n° 3870 de Mme Cécile Untermaier sur la proposition de loi organique visant à modifier le régime indemnitaire des membres du Conseil constitutionnel, 10 février 2021, p. 5. Une division par 12 puis par 9 du montant total des traitements anticipés pour 2025 aboutit à un chiffre, par nature approximatif, de 14 019 euros bruts par mois et par membre.

([50]) Idem, p. 6.

([51]) « Les données présentées dans le présent tableau pour 2025 résultent de l’application d’une clé de répartition de référence entre les différentes actions. La sous-répartition entre dépenses relatives aux rémunérations, au fonctionnement et à l’investissement a été opérée à ce stade sans qu’il ait pu être tenu compte de l’avancement effectif de tous les projets pluriannuels. Dans un cadre de fongibilité entre ces différentes actions, l’exécution pourra en différer puisqu’elle traduira la consommation réelle des crédits et prendra en compte, le cas échéant, des disponibilités restantes de l’année n– 1. »

([52]) Loi constitutionnelle n° 93-952 du 27 juillet 1993 portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VIII, IX, X et XVIII.

([53]) Article 68-1 de la Constitution.

([54]) Article 68-2 de la Constitution.

([55]) Loi organique n° 93-1 252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

([56]) L’explosion du nombre de requêtes est attribuable à la gestion de la crise de la covid-19 par le gouvernement.

([57]) La concussion est définie par le Larousse comme une « infraction commise par un représentant de l’autorité publique ou une personne chargée d’une mission de service public qui, sciemment, reçoit, exige ou ordonne de percevoir une somme qui n’est pas due ».

([58]) Frais de traduction, d’expertise, de déplacement, d’indemnisation des témoins…

([59]) Assemblée nationale, compte-rendu des débats de la séance du mardi 1er octobre 2024.