N° 468

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.

RAPPORT

FAIT

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),

 

PAR M. Charles de Courson,

Rapporteur général

Député

 

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ANNEXE N° 5
 

 

ANCIENS COMBATTANTS, Mémoire et liens avec la nation

 

 

 

 

 

Rapporteure spéciale : Mme Yaël MÉNACHÉ

 

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. LE PROGRAMME 169 RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION : DES CRÉDITS STABLES POUR L’ADMINISTRATION DE LA RENTE VIAGÈRE, COMPLÉTÉS PAR DES ACTIONS EN FAVEUR DES RAPATRIÉS, DE LA JEUNESSE ET DE LA MÉMOIRE

A. LES ACTIONS EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT REFLÈTENT L’ÉVOLUTION DU PROFIL DE SES RESSORTISSANTS, DONT LES DROITS DOIVENT ÊTRE MAINTENUS

1. Les charges de la dette viagère diminuent sous l’effet de la contraction du nombre de bénéficiaires

2. De nouvelles actions sont menées en faveur du monde combattant

3. Le défaut de revalorisation du « point de PMI » ne permet pas de garantir le pouvoir d’achat des anciens combattants en dépit des efforts consentis

B. LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT À RÉPARATION EN FAVEUR DES HARKIS DOIT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉE

1. Depuis la loi de 2022, de nouvelles mesures sont venues compléter le droit à réparation en faveur des harkis

2. Des motifs d’insatisfaction demeurent, que la récente décision de la CEDH a mis en lumière

C. LA TRANSFORMATION DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ DOIT PERMETTRE DE RENOUER LE LIEN ARMÉES-JEUNESSE

1. La Journée Défense et Citoyenneté est engagée dans une refonte ambitieuse et sa militarisation est souhaitable

2. Le Service militaire volontaire constitue un dispositif efficace pour l’insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi et mérite des moyens renforcés

D. LE CYCLE MÉMORIEL DE LA LIBÉRATION ET DE LA VICTOIRE SE POURSUIVRA EN 2025

1. Les actions en faveur de la politique de mémoire et des liens avec la Nation mériteraient de faire à nouveau l’objet d’un programme dédié

2. Le cycle mémoriel se poursuit en 2025

II. LE PROGRAMME 158 INDEMNISATION DES VICTIMES DES PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES ET DES ACTES DE BARBERIE PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE : UNE DÉPENSE EN RETRAIT DU FAIT DU PROFIL DÉMOGRAPHIQUE, QUI DOIT PERMETTRE DE RÉALLOUER DES MOYENS POUR LES DOSSIERS NON ENCORE RÉSOLUS ET EN FAVEUR DE LA MÉMOIRE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

A. LA RESTITUTION DES BIENS SPOLIÉS SOUS L’OCCUPATION BÉNÉFICIE D’UN CADRE ADAPTÉ MÊME SI DES MOYENS PONCTUELS POURRAIENT ÊTRE DÉPLOYÉS POUR TRAITER LES DERNIERS DOSSIERS

B. LES AUTRES DISPOSITIFS D’INDEMNISATION DES ORPHELINS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE CONCERNENT DE MOINS EN MOINS DE CRÉDIRENTIERS

C. UNE RÉFLEXION POURRAIT ÊTRE ENGAGÉE SUR LA RÉALLOCATION DES MOYENS RENDUS DISPONIBLES PAR LA DIMINUTION NATURELLE DES AYANTS DROITS

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 11,8 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances. Au 30 octobre, 98 % des réponses étaient toutefois parvenues.

 


   PRINCIPALES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Le présent projet de loi de finances (PLF) propose pour 2025 des crédits relativement stables pour la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024, tant en ce qui concerne les autorisations d’engagement (AE) que les crédits de paiement (CP), respectivement en baisse de 0,9 % et 1,1 %. Si l’on prend en considération les annulations de crédit décidées en début d’année 2024 (décret n° 2024-124 du 21 février 2024) pour un peu plus de 24 millions d’euros, les crédits proposés pour 2025 peuvent même apparaître en légère progression (de 0,4 % en AE et de 1,34 % en CP).

● La dotation du programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation serait en léger repli sur la loi de finances pour 2024, avec – 13,6 millions d’euros en AE et – 18,7 millions d’euros en CP sur un budget de 1,8 milliard d’euros, principalement en raison de l’évolution démographique des bénéficiaires de la « dette viagère » (actions 02 et 03). Cette évolution est toutefois contrastée : tandis que les crédits finançant la pension militaire d’invalidité (PMI) continuent leur baisse de 4,1 %, ceux finançant l’allocation de reconnaissance du combattant (ARC) répercutent au contraire une hausse de 8,5 % en raison d’une forte accélération du taux de revalorisation des majorations légales. L’autre facteur de baisse est la réduction de l’enveloppe consacrée à la politique de mémoire (action 09), le cycle des commémorations de la Libération et de la Victoire concernant surtout l’année 2024.

Ces tendances orientées à la baisse sont néanmoins pondérées par une hausse des financements pour les actions suivantes :

– les opérateurs du programme verraient leurs subventions augmenter : l’Institut national des Invalides (INI) bénéficie d’un engagement exceptionnel de 7,2 millions d’euros au titre de la subvention pour charges d’investissement ; la subvention pour charges de service public de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) augmenterait de 3,2 millions d’euros, notamment en vue du financement des maisons ATHOS ;

– la poursuite de la mise en œuvre du droit à réparation en faveur des rapatriés et des harkis, introduit par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022, se traduit par une hausse des crédits de l’action 07 à hauteur de 10 %, prenant en compte le paiement des montants complémentaires en vertu de la décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) du 4 avril 2024 ;

 

– la poursuite de l’expérimentation du nouveau modèle de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), dont le contenu militaire est renforcé, rend enfin nécessaire une hausse de 57 % des crédits de l’action 08.

La rapporteure spéciale regrette que le gouvernement ne s’oriente toujours pas vers une revalorisation de la valeur du point de la PMI, et plaide dans un contexte d’inflation pour une indexation sur l’indice des prix à la consommation. Le maintien de la référence à l’indice d’ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l’État ne peut que conduire à la dégradation du pouvoir d’achat des anciens combattants et à placer les plus fragiles d’entre eux en situation de précarité.

La rapporteure spéciale souligne également son attention particulière à la mise en œuvre du droit à la réparation en faveur des harkis, reconnu par la loi du 23 février 2022. Elle déplore à cet égard que des familles de harkis aient eu à ester devant la Cour de Strasbourg pour faire valoir leurs droits, action qui a souligné l’indemnisation insuffisante versée par la France, eu égard aux conditions de vie qui leur furent infligées dans les camps et hameaux d’accueil.

● Le programme 158 Indemnisation des victimes de persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale est lui aussi marqué par une évolution de ses crédits à la baisse par rapport à la loi de finances pour 2024 (– 3,2 % en AE et en CP) pour les mêmes raisons démographiques. Il convient cependant de noter que l’indemnisation des victimes de spoliation bénéficie de crédits en hausse de 3,9 %, requise par l’issue de l’instruction de quelques dossiers à fort enjeu financier.

La rapporteure spéciale salue à cet égard la mise en œuvre de la loi du 22 juillet 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites de la seconde guerre mondiale. Elle appelle toutefois le gouvernement à porter les moyens consacrés à cette politique à un niveau plus satisfaisant pour permettre aux instances créées à cette fin d’accomplir leur mission.

 

 


   DONNÉES CLÉS

Évolution des crÉdits de la mission

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI

2024

PLF

2025

Évolution

2024-2025

LFI

2024

PLF

2025

Évolution

2024-2025

Programme 169 –

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation

1 830,16

1 816,53

– 0,74 %

1 839,32

1 820,62

– 1,02 %

Programme 158 –Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale

88,14

85,35

– 3,16 %

88,14

85,35

– 3,16 %

Total

1 918,30

1 901,88

–  0,86 %

1 927,46

1 905,97

–  1,11 %

Source : commission des finances d’après le projet de loi de finances pour 2025.

Opérateurs dans le périmètre du rapport spécial :

Le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation allouerait 260,91 millions d’euros en AE et 265 millions d’euros en CP à ces opérateurs en 2025 :

 237,53 millions d’euros de crédits à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) ;

 21,6 millions d’euros en AE et 25,73 millions d’euros en CP à l’Institut national des Invalides (INI) ;

 1,74 millions d’euros de crédits au Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».

Par rapport à la loi de finances pour 2024, le présent projet prévoit des moyens alloués à l’ONaCVG en hausse de 23,78 millions d’euros (+ 11,12 %) afin de mettre en œuvre les dispositions de la loi du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis, et d’assurer le pilotage du dispositif ATHOS dédié à la réhabilitation psycho-sociale des militaires blessés psychiques (deux nouvelles maisons étant ouvertes en 2024).

 

 

 

Nombre d’équivalents temps plein travaillé (ETPT) :

Le plafond des emplois rémunérés par les opérateurs rattachés à la mission serait fixé à 1 241 ETPT dont 805 relèvent de l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), 419 de l’Institution nationale des Invalides (INI) et 17 du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ». Cet effectif est quasi identique par rapport à 2024.

 

Dépenses fiscales :

Le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation porte cinq dépenses fiscales, pour un coût total évalué à 598 millions d’euros, appelé à se contracter légèrement en raison de l’évolution démographique des bénéficiaires. Elles représenteront néanmoins pour cette politique un appoint de l’ordre du tiers des crédits budgétaires.

Le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale porte une nouvelle dépense fiscale, résultant de l’article 25 de la loi de finances pour 2024, exonérant de droits de mutation par décès la transmission de biens ayant fait l’objet d’une spoliation dans le contexte des persécutions antisémites, pour les restitutions intervenant à compter du 22 juillet 2023.

 


   INTRODUCTION

La mission interministérielle Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation comprend deux programmes relevant respectivement du ministre des armées et du Premier ministre :

– le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation, placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration (SGA) du ministère des armées, qui regroupe principalement les crédits destinés au versement des pensions militaires d’invalidité (PMI), de l’allocation de reconnaissance du combattant (ARC) et des droits connexes à ces prestations mais aussi ceux alloués aux politiques de mémoire, à la journée Défense et Citoyenneté (JDC) et au service militaire volontaire (SMV) ;

– le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale, placé sous la responsabilité de la secrétaire générale du gouvernement (SGG), qui rassemble trois dispositifs de réparation en faveur des orphelins de déportés et de victimes d’actes de barbarie sous l’Occupation allemande ainsi que de personnes spoliées du fait des législations antisémites du régime de Vichy.

Avec 1,9 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation représente 0,3 % du budget général de l’État (595 milliards d’euros). Par rapport à la dernière loi de finances, ses crédits accusent une légère baisse, de 16,42 millions d’euros en AE (– 0,9 %) et de 21,49 millions d’euros en CP (– 1,1 %). Il y a dix ans, la même mission portait 2,97 milliards d’euros de dépenses, soit 0,7 % du budget général de l’État pour 2014.

L’évolution démographique tant des bénéficiaires de la dette viagère que des crédirentiers au titre des différents dispositifs d’indemnisation des victimes de la Seconde guerre mondiale explique cette baisse de plus d’un tiers. Ce nonobstant, cette tendance baissière est partiellement compensée par un rattrapage sur plusieurs actions plus récentes portées par cette mission.

Il s’agit tout d’abord de la hausse des dépenses de réparation des souffrances endurées par les harkis, qui répond à un impératif de justice auquel les gouvernements successifs se sont trop longtemps soustraits. La rapporteure spéciale souligne l’insatisfaction de nombreux harkis et de leurs familles à l’égard des dispositifs existants, en particulier en ce qui concerne les critères retenus pour ouvrir droit à l’indemnisation selon les sites concernés. La décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) rendue le 4 avril 2024 doit inviter le gouvernement à revoir ces montants à la hausse, au-delà du seul cas d’espèce.

Ensuite, et de manière générale, la politique de mémoire représente une part plus importante des dépenses portées par la mission, en dépit d’une baisse prévue en 2025, conséquence de la forte hausse requise par la préparation du cycle mémoriel de la Libération et de la Victoire. La politique mémorielle ne se limite d’ailleurs pas à l’organisation de célébrations, elle se traduit aussi par un effort conséquent pour les sites patrimoniaux relevant du ministère des armées, ainsi que pour ce patrimoine diffus du quotidien que sont les sépultures de soldats, qu’elles se situent dans des cimetières militaires ou dans des concessions privées au sein de nos cimetières communaux.

Le lien entre la Nation et son armée ne se limite pas davantage aux prestations pécuniaires de reconnaissance versées aux anciens combattants. Il doit se renforcer à destination des plus jeunes, comme le manifestera, après une phase d’expérimentation, la généralisation de la nouvelle Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Celle-ci fait l’objet de financements accrus dans le cadre de sa « remilitarisation », destinée à en faire la porte d’entrée privilégiée de l’engagement des jeunes au service du pays. La rapporteure spéciale soutient cette orientation, et appelle le ministère des armées à renforcer similairement son implication dans le service national universel (SNU).

Alors que les précédents rapports spéciaux mettaient l’accent sur le programme 169, la rapporteure spéciale a souhaité mettre davantage en lumière les dispositifs portés par le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale, qui représentent moins de 5 % des crédits demandés pour 2025 au titre de la mission.

Si ces dispositifs fonctionnent de manière globalement satisfaisante depuis près d’un quart de siècle, deux axes pourraient orienter l’action publique dans les prochaines années. En premier lieu, il convient de donner les moyens nécessaires à l’administration pour achever dans de bonnes conditions le travail d’identification des biens spoliés du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation. En second lieu, la diminution progressive des bénéficiaires et ayants cause doit permettre de dégager des moyens pour prolonger le devoir de justice par le devoir de mémoire, dans un contexte préoccupant de recrudescence de l’antisémitisme.


I.   LE PROGRAMME 169 RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION : DES CRÉDITS STABLES POUR L’ADMINISTRATION DE LA RENTE VIAGÈRE, COMPLÉTÉS PAR DES ACTIONS EN FAVEUR DES RAPATRIÉS, DE LA JEUNESSE ET DE LA MÉMOIRE

Le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation s’adresse à la fois au monde combattant, à la jeunesse ainsi qu’à l’ensemble de la société française et permet une vision globale des politiques concourant aux liens entre les armées et la Nation.

Comptant près de 1,8 million de ressortissants, le monde combattant rassemble tous ceux qui, titulaires de la carte du combattant, anciens combattants, victimes civiles de guerre et conjoints survivants, peuvent se prévaloir du bénéfice du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), ainsi que les associations et fondations qui œuvrent pour la mémoire des conflits des XXe et XXIe siècles.

Les dispositifs déployés au bénéfice du monde combattant concernent pour l’essentiel :

– la reconnaissance de la qualité de combattant, d’ancien combattant ou de victime de guerre selon les conditions et les procédures définies par le CPMIVG ;

– la mise en œuvre des droits et avantages accordés aux combattants, anciens combattants et victimes de guerre ;

– les dispositifs de reconnaissance et de réparation envers les ex-supplétifs ayant servi la France en Algérie et leurs familles.

Placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration (SGA) du ministère des armées, le programme 169 regroupe 95,5 % des crédits de la mission : 1 816,53 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit – 0,74 % par rapport à la dernière loi de finances, et 1 820,62 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit – 1 %. Il s’agit essentiellement de dépenses d’intervention (92 %) du fait de versement de prestations aux anciens combattants, principalement les pensions militaires d’invalidité (PMI) et les allocations de reconnaissance du combattant (ARC) qui, à elles deux, représentent les deux tiers des crédits du programme.

Si le programme ne rémunère aucun emploi directement, ses opérateurs disposeraient en 2025 d’un plafond de 1 241 équivalents temps plein travaillés (ETPT) dont 805 ETPT pour l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG), 419 ETPT pour l’Institution nationale des Invalides (INI) et 17 pour le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération ».

Au niveau des actions engagées dans le cadre de ce programme, les principales évolutions concernent :

– la baisse de 19,6 millions d’euros en AE et de 24,6 millions d’euros en CP des dépenses liées à la PMI, aux droits et au soutien aux invalides ;

– la baisse de 11,1 millions d’euros en AE et en CP des dépenses au titre de la Reconnaissance envers le monde combattant ;

– la baisse de 9,3 millions d’euros en AE et en CP des crédits alloués à la Politique de mémoire ;

– la hausse de 14,9 millions d’euros en AE et en CP des dépenses au titre des Liens armées-jeunesse ;

– la progression de 10,9 millions d’euros en AE et en CP du financement des Actions en faveur des rapatriés (qui inclut les harkis).

A.   LES ACTIONS EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT REFLÈTENT L’ÉVOLUTION DU PROFIL DE SES RESSORTISSANTS, DONT LES DROITS DOIVENT ÊTRE MAINTENUS

Les dépenses relatives aux diverses prestations en faveur des anciens combattants poursuivent globalement en 2025 leur tendance à la baisse, en raison de la diminution du nombre de bénéficiaires. En effet, les flux d’entrées dans les différents dispositifs, qui concernent désormais des anciens combattants au titre des opérations extérieures (OPEX), ne compensent pas les flux de sorties résultant de la disparition progressive des générations combattantes, notamment des anciens combattants de la guerre d’Algérie qui représentent près de 80 % des bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance du combattant (ARC).

Si ces dispositifs anciens continuent de peser à titre principal dans les charges de la mission, celle-ci supporte aussi, à travers ses opérateurs, des actions nouvelles à destination du monde combattant.

Pour autant, malgré des demandes réitérées en ce sens, le mode de calcul du « point de PMI », demeure insatisfaisant et ne permet pas de garantir de manière pérenne le pouvoir d’achat des anciens combattants.

1.   Les charges de la dette viagère diminuent sous l’effet de la contraction du nombre de bénéficiaires

La dette viagère regroupe la PMI et l’ARC, ainsi que cinq autres dispositifs connexes, comme les soins médicaux gratuits pour les invalides, le remboursement des réductions de transport, ou la majoration des rentes mutualistes. L’ensemble représente un montant de 1,64 milliard d’euros en 2025. Pour 2026, le SGA du ministère des armées table sur une enveloppe réduite à 1,44 milliard d’euros du fait de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires.

Pour autant, il n’est pas prévu d’extinction de ces prestations et les dispositifs en faveur des anciens combattants et des victimes de guerre sont appelés à perdurer. La participation aux opérations extérieures maintient un flux d’entrée, même réduit, de nouveaux bénéficiaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation.

S’agissant de la PMI, 75 % des nouvelles entrées concernent des affections contractées par des militaires de carrière servant « hors guerre », et plus marginalement, des militaires servant en opérations extérieures (OPEX). Le nombre de titulaires de pensions militaires d’invalidité s’établit à 118 254.

Des droits dérivés sont liés à l’invalidité, en vertu de dispositions diverses du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG). L’État prend ainsi en charge l’ensemble des prestations nécessitées par l’invalidité. À ce titre, le présent projet intègre une mesure nouvelle, avec le financement de prothèses à but exclusivement sportif, qui constituent un élément essentiel de la réadaptation et de la réhabilitation des militaires pensionnés. Au total, les soins médicaux gratuits et l’appareillage des mutilés sont provisionnés à hauteur de 40,3 millions d’euros, tandis que le remboursement des prestations de Sécurité sociale s’établit à 80,8 millions d’euros. Ces diverses dépenses s’inscrivent en hausse de près de 4 % en 2025. Il faut aussi y ajouter la subvention pour charges de service public de l’INI, maintenue à 14,4 millions d’euros. De fait, la réduction du nombre de pensionnés n’est pas synonyme d’une diminution de leurs besoins.

L’Institution nationale des Invalides (INI)

L’INI est un établissement public administratif sous la tutelle de la secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire. Cette institution est l’héritière de l’Hôtel royal des invalides fondé en 1674.

Elle a pour principales missions d’accueillir les invalides de guerre et de dispenser des soins en vue de la réadaptation des patients. L’INI participe également aux études et à la recherche en matière d’appareillage des handicapés.

Le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation devrait allouer 21,6 millions d’euros en AE (+ 50 %) et 25,7 millions d’euros en CP (+ 9 %) en 2025 au titre des subventions pour charges de service public et d’investissement destinées à cet opérateur, ainsi qu’un plafond d’emplois de 410 ETPT.

Cette hausse de la dotation permettra de prendre en compte les dépenses nouvelles au titre du schéma directeur d’infrastructure (SDI) de l’établissement, qui concerne le bâtiment de direction (réalisé), le bâtiment sud (destiné à accueillir la crèche, l’unité de réhabilitation psychique), en cours de réalisation, et le bâtiment central (centre de réhabilitation post-traumatique et intégration du pôle appareillage et recherche), dont les travaux sont prévus au second semestre 2025.

7,2 millions d’euros sont prévus par le PLF pour 2025 pour financer les surcoûts du SDI (liés à l’inflation des coûts de matériaux), qui est désormais établi à 66 millions d’euros sur la totalité de l’opération (2020-2027).

Le démarrage des travaux du bâtiment Robert de Cotte (centre des pensionnaires), prévu au second semestre 2025, fait l’objet d’une opération hors SDI d’un montant total de 21,7 millions d’euros ([1]).

Le présent projet intègre en outre l’effet amplificateur de la revalorisation des taux de majoration légale des rentes mutualistes auxquelles les anciens combattants et victimes de guerre peuvent souscrire. La dépense pour cette sous-action, proposée à 211,51 millions d’euros, est en hausse de 16,55 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2024 (194,96 millions d’euros).

L’allocation de reconnaissance du combattant (ARC) correspond à une somme versée aux titulaires de la carte du combattant de plus de 65 ans en témoignage de la reconnaissance de la Nation à leur égard. Elle s’établit depuis le 1er janvier 2024 à 826,80 euros par an. 667 229 personnes percevaient l’ARC au 31 décembre 2023, pour un âge médian de 87 ans. Un peu moins de 10 % sont bénéficiaires au titre des opérations extérieures (depuis 1964). En effet, la carte du combattant peut leur être décernée sous réserve d’avoir pris part à des actions de feu ou de combat ou bien d’avoir accompli une durée minimale de service. Enfin, on peut noter que 1 735 femmes perçoivent l’allocation de reconnaissance du combattant, cependant que 14 459 femmes sont titulaires de la carte de combattant OPEX ([2]). Ces éléments fournissent des indications sur l’évolution du profil des bénéficiaires de l’ARC dans les prochaines années.

Quoi qu’il en soit, la professionnalisation des armées et la disparition des générations du feu (les appelés de la guerre d’Algérie constituant la troisième génération, après celles des deux guerres mondiales) ne doit pas remettre en cause le versement de cette allocation.

L’action sociale en faveur du monde combattant regroupe un ensemble de mesures discrétionnaires, destinées aux ressortissants rencontrant des difficultés financières ou psycho-sociales. Environ 20 000 ressortissants sont accompagnés chaque année par l’Office national des combattants et victimes de guerre (ONaCVG). Les autres mesures du programme 169 étant par nature fortement contraintes, c’est notamment sur cette sous-action que les annulations de crédit de début d’année 2024 ont porté, à hauteur de 3,2 millions d’euros. L’ONaCVG a souligné au cours de son audition par la rapporteure spéciale que l’impact de cette annulation a été en grande partie absorbé par l’utilisation des reports de crédits disponibles. En outre, la loi de finances pour 2024 avait octroyé une subvention supplémentaire de 4 millions d’euros pour la solidarité en faveur des pupilles majeurs et orphelins de guerre, ce qui a porté en 2024 la dépense de solidarité à un niveau record de plus de 28 millions d’euros du fait de l’utilisation de la trésorerie. Pour 2025, l’enveloppe financière de solidarité est provisionnée à hauteur de 29 millions d’euros, identique au niveau fixé en loi de finances pour 2024, et apparaît ainsi en progression par rapport aux montants effectivement disponibles pour l’exercice actuel.

La rapporteure spéciale attire l’attention sur la nécessité d’étendre la prise en charge des pupilles de la Nation au-delà de leur vingt-et-unième anniversaire (article L. 241-1 du CPIMVG). Alors que la longueur des études augmente et que les étudiants sont les premiers touchés par l’inflation et la difficulté de se loger dans les grandes métropoles, le soutien matériel et moral de l’État pour leur éducation pourrait s’étendre jusqu’à 28 ans. La rapporteure spéciale a déposé un amendement en ce sens en commission (amendement n° II-CF2995).

2.   De nouvelles actions sont menées en faveur du monde combattant

L’Office national des combattants et victimes de guerre (ONaCVG) est le principal opérateur de la mission, avec un budget de fonctionnement qui s’établirait à plus de 66 millions d’euros en 2025, en hausse de 6 %, au titre de la subvention pour charges de service public (SCSP) et de la subvention pour charges d’investissement (SCI). Cette mesure est notamment destinée à couvrir les frais de la commission d’indemnisation des harkis (développée ci-après) ainsi que la stabilisation du dispositif de réhabilitation militaro-sociale ATHOS (+ 1,12 million d’euros, soit une dotation totale de 6,08 millions d’euros prévue pour 2025), dans le cadre du Plan Blessés. Les maisons ATHOS sont gérées par l’ONaCVG en partenariat avec l’Institut de gestion sociale des armées (IGESA).

L’année 2024 a vu la mise en service d’une nouvelle maison ATHOS, à Villefranche-de-Lauragais. Cette ouverture a permis de porter à 440 le nombre de blessés pris en charge au 1er septembre 2024, contre 391 au 1er mars de la même année. L’année 2025 verra l’ouverture d’une autre maison dans le Grand Est, s’ajoutant aux quatre ouvertes depuis 2021 — mais le projet semble avoir pris du retard, puisqu’elle était annoncée pour le second semestre 2024. À l’horizon 2030, il est prévu un réseau de dix maisons sur l’ensemble du territoire, avec une déclinaison du dispositif outre-mer (ouverture d’une maison à La Réunion). La rapporteure spéciale salue la poursuite de la mise en œuvre du plan Blessés, avec ce maillage de structures adaptées à la singularité militaire, alors que le nombre de blessés psychiques augmente continûment. Le taux de satisfaction des personnes fréquentant les maisons ATHOS en vue de leur réinsertion sociale pourrait utilement figurer parmi les indicateurs de performance du programme.

Toutefois, la demande initiale, non intégralement retenue, de « rebasage de la SCSP » afin de compenser les charges imposées à l’ONaCVG (revalorisation salariale, inflation) aurait permis de créer des emplois supplémentaires en renforçant le maillage territorial permettant ainsi de garder la proximité avec les ressortissants.

La rapporteure spéciale souligne en effet que la démarche « d’aller vers » est indispensable pour atteindre des ressortissants plus isolés du fait de la diminution de leurs effectifs, en particulier les veuves de la troisième génération du feu, moins habiles avec les outils numériques que les combattants de la quatrième génération du feu. Cette catégorie de population constituera la majorité des ressortissants de l’Office pendant les deux prochaines décennies. Les réseaux locaux doivent certes être repensés pour s’adapter aux besoins, mais il n’apparaît guère possible de les diminuer, dans la mesure où le lien de proximité entretenu jusqu’alors par les associations d’anciens combattants se fait moins prégnant. Or ce sont ces associations qui traditionnellement permettaient d’identifier les ressortissants en grande difficulté.

Par ailleurs, au titre des mesures nouvelles, il est possible d’évoquer le nouveau régime posé par l’article 21 de la loi de programmation militaire 2024-2030 ([3]), qui permet au militaire blessé de demander une réparation intégrale même en l’absence de faute de l’État pour obtenir une indemnisation complète. Cette disposition concerne les quatre situations suivantes : les opérations de guerre, les OPEX, les missions présentant des caractéristiques identiques aux OPEX, les exercices ou manœuvres de préparation au combat. En outre, la condition de quatre-vingt-dix jours de service effectif préalable est supprimée par l’article 15, la présomption d’imputabilité est ainsi ouverte dès l’arrivée du militaire sur le théâtre concerné. Les premières demandes à ce titre ont été étudiées en 2024, et une enveloppe de 2 millions d’euros est demandée pour 2025 en vue de la mise en œuvre de la réparation intégrale. La rapporteure spéciale salue ces évolutions qui visent à adapter le cadre juridique dans lequel se traduit la reconnaissance et la réparation de la Nation aux réalités vécues de la condition militaire, et à renforcer une relation de confiance avec les ressortissants.

3.   Le défaut de revalorisation du « point de PMI » ne permet pas de garantir le pouvoir d’achat des anciens combattants en dépit des efforts consentis

La rapporteure spéciale souligne, à la suite de ses prédécesseurs, la nécessité de donner au monde combattant des garanties pérennes pour la préservation de son pouvoir d’achat, dans un contexte où l’inflation ralentit mais se maintient à un niveau élevé, creusant l’écart entre la valeur du point de pension et le coût de la vie.

Pour rappel, la valeur du point de PMI permet de déterminer le niveau des trois principales prestations évoquées précédemment : les pensions militaires d’invalidité, l’allocation de reconnaissance et les rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre. La valeur du point de PMI évolue en fonction de l’indice d’ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l’État (ITB-GI). Au 1er janvier 2024, conformément au décret n° 2023-1274 du 26 décembre 2023 modifiant les dispositions transitoires de fixation de la valeur du point de PMI, celle-ci passe à 15,90 euros afin de prendre en compte, dès 2024 au lieu de 2025, la revalorisation de 1,5 % du point de la fonction publique ([4]). Le coût de cette augmentation est estimé par le ministère à 21,4 millions d’euros en gestion 2024. Le présent projet est construit avec une hypothèse de valeur du point de PMI de 16,05 euros au 1er janvier prochain, suivant l’augmentation de l’ITB-GI. Le coût total de cette augmentation est estimé à 13,6 millions d’euros ([5]).

Évolution comparÉe du point pmi et de l’inflation depuis 2020

 

Valeur du point

de pension

Taux

de revalorisation

Évolution annuelle de l’indice des prix

à la consommation

1er janvier 2020

14,68 €

0,75 %

1,5 %

1er janvier 2021

14,70 €

0,14 %

0,6 %

1er janvier 2022

15,05 €

2,38 %

2,9 %

1er janvier 2023

15,63 €

3,85 %

6 %

1er janvier 2024

15,90 €

1,73 %

3,1 %

1er janvier 2025

(estimation)

16,05 €

0,94 %

1,2 %

Source : commission des finances à partir des réponses au questionnaire et de l’Insee.

Des mesures correctrices sont ainsi régulièrement mises en œuvre par l’administration pour tenter de rattraper l’écart, mais seule une indexation de la valeur du point de PMI sur l’indice des prix à la consommation (IPC) permettrait d’enrayer la dégradation du pouvoir d’achat à laquelle sont particulièrement exposés les ressortissants disposant de faibles ressources complémentaires. La rapporteure spéciale regrette que le gouvernement ne se saisisse pas de cette revendication portée par l’ensemble des associations d’anciens combattants pour en évaluer, a minima, le coût budgétaire. L’article D. 125-5 du CPMIVG l’y incite pourtant depuis 2022 ([6]), puisqu’il est prévu que le gouvernement remette tous les deux ans au Parlement « un rapport comparant l’évolution constatée de la valeur du point de pension et de celle de l’indice des prix à la consommation hors tabac ». Un tel rapport n’a à ce jour jamais été communiqué au Parlement.

B.   LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT À RÉPARATION EN FAVEUR DES HARKIS DOIT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉE

Les crédits prévus pour 2025 par le présent projet à l’action 07 Actions en faveur des rapatriés sont en augmentation de 11,33 millions d’euros (+ 10,10 %) pour s’établir à 123,53 millions d’euros en AE et en CP. Le droit à réparation mis en œuvre depuis 2022 pour une partie des rapatriés (anciens supplétifs de statut civil) représente plus de la moitié de ces montants (70,4 millions d’euros). Les autres postes de dépenses de cette action sont essentiellement l’allocation mensuelle de reconnaissance (3 861 bénéficiaires pour un montant de 31,1 millions d’euros) et l’allocation viagère (2 098 veuves pour un montant de 21,7 millions d’euros).

La commission nationale indépendante pour les harkis (CNIH), instituée par la loi du 23 février 2022 ([7]), décide de l’octroi des réparations accordées aux harkis et aux membres de leurs familles ayant séjourné entre le 20 mars 1962 et le 31 décembre 1975 dans des structures d’accueil énumérées en annexe du décret n° 2022-394 du 18 mars 2022. Dans ces structures placées sous la responsabilité de l’État, ces personnes rapatriées d’Algérie étaient soumises à un régime de tutelle administrative. La réparation consiste en une somme forfaitaire, déterminée selon un barème fixé par le décret, en fonction de la durée de séjour : un socle de 2 000 euros pour un séjour de moins de trois mois, et, au-delà, de 3 000 euros, et une somme complémentaire de 1 000 euros pour chaque année commencée.

Les indemnités de réparation sont versées par l’ONaCVG, devenu depuis 2014 le « guichet unique » pour les rapatriés, dont les harkis. L’étude d’impact de la loi de 2022 évaluait à 40 à 50 000 le nombre de personnes potentiellement éligibles à ce droit à réparation. Au 12 septembre 2024, 32 737 dossiers ont été reçus, 20 743 traités, ayant donné lieu à l’indemnisation de 16 333 personnes pour un total de 139,94 millions d’euros (soit un montant moyen de 8 567,70 euros par personne). Sur l’ensemble des dossiers traités, la moyenne d’âge des personnes indemnisées est de 65,9 ans, et la durée moyenne de séjour dans les structures donnant voie à indemnisation est de 5,1 ans ([8]).

1.   Depuis la loi de 2022, de nouvelles mesures sont venues compléter le droit à réparation en faveur des harkis

La rapporteure spéciale se réjouit d’avancées concrètes dans la mise en œuvre du droit à réparation depuis l’adoption de la loi de 2022, dont plusieurs associations avaient pointé le caractère minimaliste.

Tout d’abord, en 2023, le périmètre des structures d’accueil et d’hébergement ouvrant droit à réparation a été étendu à 45 sites supplémentaires, suivant la recommandation de la CNIH dans son rapport d’activité pour 2022 ([9]). Cette évolution du périmètre a généré près de 9 000 demandes nouvelles en 2024 (89 % de décisions favorables).

Ensuite, la loi de finances pour 2024 a permis, à l’initiative du Parlement, d’harmoniser les montants perçus par les veuves de harkis ([10]). Des disparités importantes résultaient de l’empilement des dispositifs depuis 2005. D’une part, l’harmonisation des allocations de reconnaissance versées aux veuves d’anciens membres des formations supplétives ou assimilées a bénéficié à 1 058 veuves, qui ont vu le montant de leur allocation passer de 543,83 euros à 748 euros par mois dès le 1er janvier 2024. D’autre part, la création de la nouvelle rente viagère au profit des anciens supplétifs et leurs conjoints ayant opté, entre 2005 et 2014, pour le versement d’un capital unique et l’abandon de l’allocation de reconnaissance, a bénéficié à 824 allocataires. Sur l’exécution 2024, le coût de ces mesures est estimé par le ministère à 5,4 millions d’euros au 31 août 2024. Ce surcoût est donc intégré dans les prévisions pour 2025.

2.   Des motifs d’insatisfaction demeurent, que la récente décision de la CEDH a mis en lumière

En premier lieu, la rapporteure spéciale presse le gouvernement de procéder à une nouvelle extension de la liste des sites ouvrant droit à réparation, telle qu’elle est proposée par la CNIH dans son rapport d’activité pour 2024. Une quarantaine de sites seraient concernés, représentant 8 000 ayants droits supplémentaires. Ceux-ci viendraient s’ajouter aux demandes restant à instruire.

En second lieu, la rapporteure spéciale déplore que les familles de harkis aient été contraintes d’agir devant la Cour européenne des droits de l’homme pour faire droit à leurs demandes légitimes. La Cour de Strasbourg a en effet, dans un arrêt Tamazount du 4 avril 2024, demandé à la France d’augmenter le montant de l’indemnisation permettant de compenser les conditions de vie dans le camp d’accueil de Bias (Lot-et-Garonne). Le gouvernement a annoncé une revalorisation de l’indemnisation s’élevant à 4 000 euros par année passée dans les camps de Bias (Lot-et-Garonne) et de Saint-Maurice-l’Ardoise (Gard), sans que cette limitation paraisse pleinement justifiée.

La décision CEDH, 4 avril 2024, Tamazount et autres contre France

Le 4 avril 2024, la CEDH s’est prononcée dans l’affaire Tamazount et autres contre France. Les requérants étaient cinq ressortissants français descendants de harkis, dont quatre avaient séjourné au camp de Bias jusqu’en 1975 :

– la Cour conclue à plusieurs violations de la Convention européenne des droits de l’homme, et à la non-violation du droit d’accès à un tribunal. Par ailleurs, la Cour reconnaît le travail mémoriel important de la France au sujet des harkis ;

– la Cour confirme le jugement du Conseil d’État dans son arrêt Tamazount de 2018 de ne pas se prononcer quant à la responsabilité de l’État pour le non-rapatriement des harkis en 1962, au nom de la théorie des actes de gouvernement ;

– cependant, la Cour juge que la spécificité des conditions de vie dans le camp de Bias n’a pas été suffisamment prise en compte par les juridictions internes pour remédier aux violations de la Convention constatées ;

– la Cour condamne la France au versement d’une somme de 4 000 euros aux requérants par année passée au camp de Bias, toute année commencée étant prise en compte. La loi prévoyait, elle, une indemnisation de 4 000 euros pour la première année puis 1 000 euros par année supplémentaire.

La rapporteure spéciale appelle le gouvernement à ne pas se limiter à la prise en compte du seul cas d’espèce, au risque de devoir reconsidérer les crédits consacrés au droit à réparation en cas de nouvelles décisions de justice. L’ONaCVG a indiqué à la rapporteure spéciale qu’une application du barème de l’arrêt Tamazount à l’ensemble du dispositif de réparation instauré par la loi de 2022 aurait un impact financier de 40 millions d’euros. Or, le versement de montants complémentaires résultant de la décision de Strasbourg se traduit dans le présent projet par une hausse des crédits de 0,6 million d’euros seulement (70,4 millions d’euros contre 69,8 millions d’euros en loi de finances pour 2024). En la matière, l’impact financier, certes important, ne saurait primer sur le devoir de justice.

Pour répondre pleinement aux insatisfactions exprimées par les associations représentant les harkis et leurs ayants cause, la rapporteure spéciale souhaiterait que le gouvernement procède à une évaluation exhaustive des préjudices subis par ceux que les autorités qualifiaient en 1962 de « rapatriés d’origine nord-africaine », pour les différencier des autres. En particulier, la méthode de sites déterminés, retenue pour l’application de la loi de 2022, occulte les préjudices subis dans d’autres lieux de vie où les harkis ont été contraints de s’installer, y compris dans les quartiers périphériques des grandes agglomérations. Une refonte de la loi de 2022 serait en réalité nécessaire.

Conséquence de ces évolutions récentes ou à venir, l’ONaCVG a indiqué à la rapporteure spéciale que le dispositif de réparation était d’ores et déjà en tension. Des moyens humains supplémentaires seraient nécessaires. Lors de la préparation de la loi de finances pour 2024, l’Office avait demandé dix ETP supplémentaires mais n’en a obtenu que quatre. Aucune création n’est prévue pour 2025. Ce manque de moyens humains ne permet pas de traiter l’ensemble des dossiers dans des délais raisonnables, renforçant l’insatisfaction des familles de harkis à l’égard de ce dispositif déjà bien tardif. Cette situation conduit à des recours à l’encontre de décisions implicites de rejet, occasionnant, lorsque le recours a été déposé par un avocat, de potentielles condamnations au versement de frais irrépétibles. La budgétisation du dispositif de réparation semble également insuffisante dans ce contexte de hausse des nouvelles demandes, alors que les crédits ouverts en 2024 pour ce dispositif devraient être intégralement consommés à la fin de l’année.

C.   LA TRANSFORMATION DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ DOIT PERMETTRE DE RENOUER LE LIEN ARMÉES-JEUNESSE

Deux dispositifs sont pilotés par le ministère des armées au titre du lien armées-jeunesse : la Journée Défense et Citoyenneté (JDC), engagée dans une refonte ambitieuse, et le Service militaire volontaire (SMV), moins connu du grand public mais qui joue un rôle crucial dans l’insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi.

L’action 08, qui porte le financement de ces deux dispositifs, connaîtrait la plus forte augmentation du programme, ses crédits passant de 26,09 millions d’euros à 41,05 millions d’euros (+ 57,4 %).

1.   La Journée Défense et Citoyenneté est engagée dans une refonte ambitieuse et sa militarisation est souhaitable

Seul lien institutionnel formel subsistant entre les jeunes et les armées après la suspension de la conscription en 1997, la JDC poursuit des objectifs qui rejoignent l’ensemble des actions de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation :

– contribuer à la mission de défense par la sensibilisation des jeunes aux enjeux de défense et de citoyenneté ;

– renforcer la cohésion nationale par le rappel des droits et des devoirs de chaque citoyen ;

– favoriser l’insertion sociale par la détection des jeunes en difficulté ou en situation de décrochage scolaire (un accompagnement personnalisé au cours de la journée est prévu pour ces derniers).

La JDC est aussi un vecteur essentiel pour le recrutement des armées, ce que retrace l’un des indicateurs associés du programme, fondé sur le taux d’intérêt pour les métiers de la défense : en 2023, 22 % des jeunes ont sollicité un deuxième contact avec l’institution militaire à l’issue de leur JDC, et même 35,8 % des jeunes d’outre-mer. Le présent projet maintient pour 2025 la cible de 2024 à 23 % pour les prochaines années, alors qu’un relèvement serait envisageable à la faveur du lancement de la JDC « nouvelle génération ».

Une dotation de 37,6 millions d’euros est demandée pour la JDC en 2025, ce qui correspond à 15 millions d’euros de mesures nouvelles en vue de financer la transformation de la journée, recentrée sur l’attractivité des métiers militaires à des fins de recrutement. Une telle hausse des moyens justifie un retour circonstancié du ministère des armées lors de la préparation des prochains budgets sur les effets concrets de cette transformation, les indications fournies dans le projet annuel de performance demeurant imprécises. Les compléments d’information demandés par la rapporteure spéciale auprès du secrétariat général pour l’administration du ministère n’apportent guère d’éléments permettant de juger du bien-fondé d’une telle augmentation, même si la rapporteure spéciale soutient l’objectif poursuivi. La nouvelle mouture de la JDC devrait se traduire par une plus grande implication des jeunes et une animation plus dynamique, reposant sur des échanges directs avec des militaires, y compris des réservistes, et des ateliers participatifs (tir laser, jeu de plateau, …), ainsi qu’un forum des métiers. Rassemblant 80 à 100 jeunes appelés par session, répartis en trois groupes, la journée se déroulera prioritairement sur des sites militaires.

La rapporteure spéciale souhaiterait que le ministère des armées soit davantage impliqué dans le service national universel (SNU), sa place étant actuellement cantonnée à l’organisation de la Journée Défense et Mémoire (JDM). De surcroît, la généralisation annoncée du SNU en 2026, dont les modalités ne sont d’ailleurs pas définies à ce stade, interroge sur l’expérimentation en 2025 de la JDC « nouvelle génération », sans que l’articulation entre les deux dispositifs soit clarifiée.

2.   Le Service militaire volontaire constitue un dispositif efficace pour l’insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi et mérite des moyens renforcés

Le service militaire volontaire (SMV) est dédié à l’insertion professionnelle des jeunes Français âgés de 18 à 25 ans les plus en difficulté et sans emploi. Fondé sur le volontariat et conçu sur le modèle du service militaire adapté (SMA) en outre-mer, il a été expérimenté dès 2015, puis pérennisé dans la loi de programmation militaire 2019-2025. Le SMV accueille deux types de volontaires :

– les volontaires stagiaires (85 % des recrues en 2023) signent un contrat de huit à douze mois, renouvelable dans la limite de 12 mois, selon la filière de formation choisie, et perçoivent une solde spéciale ;

– les volontaires experts (15 % des recrues en 2023) bénéficient d’un contrat d’un an renouvelable et perçoivent la solde des volontaires des armées.

Les volontaires sont accueillis dans cinq centres : Montigny-lès-Metz, Brétigny-sur-Orge, La Rochelle, Brest, et Ambérieu en Bugey, auxquels s’ajoutent les antennes de Châlons-en-Champagne et de Marseille. Le maillage territorial constitue un outil essentiel de la réussite du dispositif, mais aucune nouvelle ouverture de centre n’est prévue à ce stade.

De façon générale, les crédits alloués au SMV sont reconduits sans évolution significative depuis plusieurs années. Pour 2025, est demandée une dotation de 3,4 millions d’euros, qui ne représente qu’une fraction du coût total du dispositif, aux côtés des programmes 212 Soutien de la politique de défense, qui porte les dépenses de masse salariale (estimées à 35,32 millions d’euros en 2023), et 178 Emploi des forces (à hauteur de 7,54 millions d’euros la même année). Des crédits non étatiques viennent abonder le financement du SMV : il s’agit de contributions régionales au titre de la formation professionnelle représentant 3,9 millions d’euros en 2023, et d’une participation du fonds social européen (FSE) pour 1,95 millions d’euros.

Le SMV apparaît comme un dispositif mature, qui engrange des résultats probants, même si le taux d’insertion professionnelle est en léger repli, s’établissant à 83 % en 2023 contre 86 % en 2022.

D.   LE CYCLE MÉMORIEL DE LA LIBÉRATION ET DE LA VICTOIRE SE POURSUIVRA EN 2025

La politique de mémoire est portée par l’action 09, dont les crédits afficheraient une baisse notable, à 33,13 millions d’euros (– 21,9 %). Il s’agirait en fait d’un retour à la normale après hausse de 19,77 millions d’euros en 2024 pour le financement du cycle mémoriel de la Libération et de la Victoire. Le budget total pour les commémorations en 2025 s’établit à 10,5 millions d’euros.

Des actions de mémoire sont également subventionnées à hauteur de 4,3 millions d’euros sur cette action. La rapporteure spéciale se félicite d’une mesure nouvelle de 1,2 million d’euros consacrée au renforcement des actions conduites par les institutions mémorielles de la Shoah, dans un contexte où son enseignement se fait plus difficile dans certains établissements scolaires et auprès de certains publics.

L’action 09 porte en outre la subvention de l’État à l’un des opérateurs du programme, le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » (CNCCL) ([11]), maintenue à 1,74 million d’euros pour 2025, avec 16 emplois sous plafond.

Le devoir de mémoire est aussi mis en œuvre, de façon subsidiaire, dans d’autres actions du programme, en particulier à travers les subventions aux associations et œuvres diverses de l’action 03, à hauteur de 360 000 euros, comme en 2024. Plus significativement, des crédits sont attribués à l’ONaCVG en vue de l’entretien des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), à hauteur de 13,4 millions d’euros (contre 13,6 millions d’euros en 2024) ([12]). 0,6 million d’euros sont notamment destinés à l’entretien des monuments aux morts, avec un effort particulier pour les communes rurales.

La rapporteure spéciale souligne l’importance de ce soutien, à un moment charnière pour les associations d’anciens combattants ou d’autres associations mémorielles, comme le Souvenir français. Alors que la relève parmi les porte-drapeaux n’est pas assurée avec le changement de génération, ces associations doivent bénéficier du soutien public dans leurs actions de commémorations au niveau local et de sensibilisation du public au devoir de mémoire. À cet égard, les actions menées par l’ONaCVG doivent poursuivre leur développement, en particulier au travers des 47 écoles de jeunes porte-drapeaux en activité sur le territoire, destinées aux jeunes de 13 à 25 ans. Un Manuel à l’usage des jeunes porte-drapeaux, édité par l’ONaCVG et complété par des rappels historiques sous forme de frises chronologiques, permet d’enrichir leur compréhension des enjeux liés aux conflits du XXe siècle, de renforcer leur formation et de valoriser leur engagement.

De même, le patrimoine de pierre ne se limite pas aux nécropoles nationales et autres cimetières militaires ; il appartient à l’ensemble des communes de mettre en œuvre, autant qu’il est possible, des initiatives pour assurer la sauvegarde des sépultures de soldats morts pour la France, qui reposent dans des concessions privées, échues ou abandonnées.

1.   Les actions en faveur de la politique de mémoire et des liens avec la Nation mériteraient de faire à nouveau l’objet d’un programme dédié

La nomenclature budgétaire actuelle de la mission est issue de la fusion des anciens programmes 167 Liens entre la Nation et son armée et 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant depuis la loi de finances pour 2022.

Comme son prédécesseur, la rapporteure spéciale considère que cette fusion nuit à l’initiative parlementaire dans la mesure où une proposition d’augmentation des moyens dévolus aux anciens combattants nécessite de transférer des crédits en provenance du programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale, dont les charges budgétaires sont quasi exclusivement constituées de dépenses d’intervention en faveur d’orphelins de déportés et de personnes spoliées sous l’Occupation.

Par ailleurs, ce programme ne regroupe que 4,5 % des crédits de la mission, soit 85,35 millions d’euros en AE et en CP. L’écart important entre ces deux supports budgétaires limite considérablement la faculté d’abonder les crédits du programme 169.

Elle observe également que les crédits destinés aux mesures de reconnaissance et de réparation en faveur du monde combattant et ceux alloués aux politiques de mémoire et de maintien du lien entre l’armée et la jeunesse ne constituent pas un ensemble cohérent d’actions, comme le prévoit l’article 7 de la LOLF. La présentation séparée de ces deux ensembles avait donc du sens.

2.   Le cycle mémoriel se poursuit en 2025

Le groupement d’intérêt public (GIP) « Mission du 80e anniversaire des débarquements, de la Libération de la France et de la Victoire » a été constitué par l’arrêté du 8 septembre 2023, autour de quatre membres fondateurs : l’État, à travers huit ministères, l’ONaCVG, la Caisse des dépôts et consignations et l’Ordre de la Libération. Une vingtaine de membres s’y sont adjoints, notamment les collectivités territoriales principalement intéressées et des associations.

L’année 2024 a concentré l’attention avec la commémoration du 80e anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence ainsi que de la Libération de la majeure partie du territoire national métropolitain, notamment de la capitale le 25 août 1944.

Le calendrier des commémorations au niveau local demeure chargé en 2025, plusieurs communes célébrant leur libération à une date différente entre le 6 juin 1944 et le 8 mai 1945 (poches de l’Atlantique, poche de Colmar, combats de l’Authion dans les Alpes du sud). Le retour des absents (déportés, prisonniers de guerre, STO) doit aussi faire l’objet de commémorations l’année prochaine, ainsi que la libération des camps de concentration et d’extermination nazis. À cette fin, le GIP reçoit une dotation de 4,5 millions d’euros sur le programme 169.

En sus, le financement des cérémonies organisées par la direction de la mémoire, de la culture et des archives du ministère des armées (DMCA) s’établit à 5,5 millions d’euros pour 2025. Outre les onze journées nationales commémoratives, prévues par des textes législatifs et réglementaires, et l’organisation logistique du défilé du 14 juillet (estimée à 3,6 millions d’euros), la programmation mémorielle a également tenu à mettre en valeur l’action des combattants français engagés en OPEX, avec le 35e anniversaire de l’opération Daguet au Koweït ainsi que le 30e anniversaire de la reprise du pont de Vrbanja en Bosnie. La DMCA apporte aussi un appui financier aux projets mémoriels portés par les acteurs locaux, avec 110 000 euros versés au 31 août 2024 pour des œuvres ou des monuments dédiés à la Libération ([13]).

COÛT DES ONZE CÉRÉMONIES NATIONALES EN 2024

Intitulé des cérémonies nationales

Coût en 2024

(en euros)

19 mars, journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc

49 486

28 avril, journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation

85 650

8 mai, commémoration de la victoire de 1945

129 417

12 mai, fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme

27 mai, journée nationale de la Résistance

17 juin (date variable), cérémonie d’hommage à Jean Moulin

17 218

18 juin, journée nationale commémorative de l’appel du général de Gaulle

le 18 juin 1940 à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l’ennemi

184 046

21 juillet, journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et

antisémites de l’État français et d’hommage aux « Justes » de France

110 309

25 septembre, journée nationale d’hommage aux harkis et autres membres

Des formations supplétives

154 512

11 novembre, commémoration de l’armistice de 1918 et hommage

à tous les morts pour la France

322 600

5 décembre, journée nationale d’hommage aux « morts pour la France »,

aux rapatriés d’Afrique du Nord, aux personnes disparues, aux populations civiles

victimes de massacres ou d’exactions et aux victimes civiles de la guerre d’Algérie

et des combats du Maroc et de la Tunisie

63 457

Source : chiffres communiqués par le secrétariat général pour l’administration (SGA) du ministère en réponse au questionnaire d’audition.


II.   LE PROGRAMME 158 INDEMNISATION DES VICTIMES DES PERSÉCUTIONS ANTISÉMITES ET DES ACTES DE BARBERIE PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE : UNE DÉPENSE EN RETRAIT DU FAIT DU PROFIL DÉMOGRAPHIQUE, QUI DOIT PERMETTRE DE RÉALLOUER DES MOYENS POUR LES DOSSIERS NON ENCORE RÉSOLUS ET EN FAVEUR DE LA MÉMOIRE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Placé sous la responsabilité de la secrétaire générale du gouvernement (SGG), le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale ne regroupe que 4,5 % des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. Il assure le financement de trois dispositifs de réparation en faveur des victimes suivantes de l’Occupation :

– personnes spoliées de leurs biens du fait des législations antisémites prises tant par l’occupant allemand que par les autorités françaises de Vichy ;

– orphelins dont au moins l’un des parents est mort en déportation ;

– orphelins dont au moins l’un des parents a été victime d’actes de barbarie.

C’est pourquoi les charges budgétaires du programme relèvent à 97,8 % de dépenses d’intervention.

Les 17 équivalents temps plein travaillés (ETPT) rémunérés correspondent aux emplois de la Commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), placée auprès du Premier ministre.

Le présent projet de loi de finances présente pour 2025 une baisse de 3,2 % des crédits du programme par rapport à la dernière loi de finances : 85,35 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) contre 88,14 millions d’euros en 2024.

Cette diminution s’explique par la réduction naturelle du nombre de personnes indemnisées au titre des trois dispositifs de réparation.

A.   LA RESTITUTION DES BIENS SPOLIÉS SOUS L’OCCUPATION BÉNÉFICIE D’UN CADRE ADAPTÉ MÊME SI DES MOYENS PONCTUELS POURRAIENT ÊTRE DÉPLOYÉS POUR TRAITER LES DERNIERS DOSSIERS

Au contraire des deux autres dispositifs portés par le programme 158, l’indemnisation des victimes de spoliations est le seul dispositif pour lequel sont proposées des ouvertures de crédits en hausse, de près de 4 %, pour un montant de 11,22 millions d’euros en AE et en CP (soit 13 % des crédits du programme 158).

L’instruction des dossiers d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites est réalisée par une commission ad hoc, la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliation (CIVS). Lorsqu’il s’agit de biens culturels (livres, œuvres d’art), ces demandes sont également instruites par le ministère de la Culture, au sein de la Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS).

La CIVS, mise en place par le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999, est devenue en vertu du décret n° 2024-11 du 5 janvier 2024 commission pour la restitution des biens et l’indemnisation des victimes de persécutions antisémites. Ce changement de nom entend mettre en lumière la possibilité de restitution matérielle, en particulier en matière de biens culturels, lorsque celle-ci est envisageable, conformément aux possibilités ouvertes par la loi du 22 juillet 2023 relative à la restitution de biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.

Cette loi a constitué un tournant dans la politique publique de réparation des spoliations, en instaurant un nouveau régime de sorties des biens culturels des collections publiques, au-delà donc des quelques 2 000 œuvres classées depuis la fin de la Seconde guerre mondiale « Musées nationaux récupération » ou MNR, qui n’appartiennent pas aux collections nationales. En effet, pour les œuvres issues de spoliations entrées dans les collections publiques, une loi spéciale était nécessaire, conformément à la procédure de sortie du domaine public. Pour éviter la multiplication de lois spéciales, la solution d’une « loi-cadre », créant une dérogation au principe d’inaliénabilité pour les spoliations liées aux persécutions antisémites, a donc été approuvée par les parlementaires en 2023. Une transaction financière peut toujours être conclue, sous réserve de l’accord des ayants droit, pour permettre le maintien de certaines œuvres dans les collections publiques.

Il convient aussi de noter que ce dispositif est complété depuis 2024 par une nouvelle dépense fiscale ([14]), résultant de l’article 25 de la loi de finances pour 2024, exonérant de droits de mutation par décès la transmission résultant des restitutions aux ayants-droit du défunt des biens qui lui ont été spoliés entre 1933 et 1945, pour un coût budgétaire non précisé.

La rapporteure spéciale tient à souligner la grande diversité des patrimoines indemnisés par la CIVS depuis sa création, biens meubles et immeubles, fonds de commerce, etc. Depuis 1999, 25 040 dossiers ont été transmis aux services du Premier ministre. Sur ces dossiers, 22 923 recommandations ont été traitées, ouvrant droit à indemnisation ou restitution, au profit, compte tenu des partages successoraux, de 50 427 bénéficiaires, pour un coût total de 510,3 millions d’euros depuis la création du dispositif.

La problématique des œuvres d’art, davantage médiatisée aujourd’hui, demeure spécifique et marginale, même si elle constitue une part importante des dossiers restant à liquider. Ce sont des dossiers moins nombreux, mais à plus fort enjeu financier, ce qui justifie les crédits en hausse que prévoit d’allouer le projet de loi de finances.

Le président de la fondation pour la mémoire de la Shoah, auditionné à ce sujet par la rapporteure spéciale, a insisté sur les moyens nécessaires pour mener à son terme le processus de restitution des biens culturels. La France l’a entamé avec retard, et cela justifie qu’elle reste le seul pays à continuer d’indemniser les biens spoliés durant la Seconde guerre mondiale. La forclusion du dispositif devra bien être envisagée, mais plusieurs années paraissent nécessaires après la loi de 2023 pour que tous les ayants droit puissent se manifester. D’autre part, il serait inopportun que la priorité nouvelle donnée à la restitution matérielle ne retarde le devoir de justice, lorsque celui-ci pourrait se traduire plus rapidement par une indemnisation pécuniaire. En effet, aussi longtemps que la preuve formelle de la disparition définitive du bien culturel n’est pas apportée, l’indemnisation ne peut être débloquée. Or, les procédures d’identification des œuvres peuvent être longues.

Pour cette raison, la rapporteure spéciale recommande de renforcer les moyens humains de la M2RS, en augmentant le plafond d’emplois transféré par la CIVS lors de la création de la mission en 2019, afin de permettre le recrutement d’historiens, de juristes et d’archivistes, afin de garantir un traitement rigoureux et efficace de chaque dossier. Elle souscrit aux observations formulées par la Cour des comptes dans son récent rapport sur le sujet ([15]), et a déposé un amendement en ce sens lors de l’examen des crédits de la mission en commission (amendement n° II-CF2999).

B.   LES AUTRES DISPOSITIFS D’INDEMNISATION DES ORPHELINS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE CONCERNENT DE MOINS EN MOINS DE CRÉDIRENTIERS

Deux autres dispositifs ont été institués au début des années 2000 pour indemniser les orphelins dont l’un des parents au moins a été déporté du fait des persécutions antisémites ou tué pour des raisons politiques ou des actes de résistance. Ces dispositifs sont la conséquence de la reconnaissance de la responsabilité de la France dans la déportation et l’extermination des juifs, depuis le discours prononcé par le président Chirac au Vélodrome d’Hiver en 1995.

Le premier dispositif concerne l’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites, et résulte du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000. Le second concerne l’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie, en vertu du décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004.

Ces deux dispositifs prennent la forme, au choix du bénéficiaire, d’une indemnisation sous la forme du versement d’un capital de 27 440,82 euros ou bien d’une rente viagère de 662,38 euros par mois ([16]).

Le présent projet estime à 27,51 millions d’euros en AE et en CP le besoin de financement du dispositif indemnisant les victimes d’actes antisémites (– 6,5 % par rapport au montant alloué pour 2024). Depuis sa création, 13 664 personnes ont été indemnisées, pour un coût total de 1 064,56 millions d’euros ([17]).

Pour le dispositif indemnisant les victimes d’actes de barbarie, le besoin de financement serait de 46,49 millions d’euros en AE et en CP (– 3,2 %). Depuis sa création, 22 810 personnes ont été indemnisées, pour un coût total de 1 325,30 millions d’euros.

L’instruction des dossiers d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ou d’actes de barbarie est effectuée par le département reconnaissance et réparation de l’ONaCVG à Caen. L’agence comptable de l’Office assure le paiement de décisions accordant les mesures de réparation financière prises par le Premier ministre.

Les services continuent de recevoir des demandes présentées par des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie. Six nouvelles demandes d’indemnisations en capital ont été enregistrées au 30 juin 2024. En revanche, aucune demande relevant du décret du 13 juillet 2000 (orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites) n’a été reçu en 2024.

C.   UNE RÉFLEXION POURRAIT ÊTRE ENGAGÉE SUR LA RÉALLOCATION DES MOYENS RENDUS DISPONIBLES PAR LA DIMINUTION NATURELLE DES AYANTS DROITS

Le devoir de justice qui a présidé à ces dispositifs d’indemnisation doit se prolonger dans le devoir de mémoire et la sensibilisation des jeunes générations à la mémoire spécifique de la Seconde guerre mondiale. À cet égard, la rapporteure spéciale souhaiterait qu’une réflexion soit engagée sur la réallocation des moyens rendus disponibles par la diminution naturelle des ayants droit, au profit d’actions autour de la mémoire de la Seconde guerre mondiale et de la sensibilisation à la lutte contre l’antisémitisme.


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 31 octobre 2024 à 23 heures, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.

Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté huit d’entre eux (IICF2273, IICF2274, IICF2275, IICF2276, IICF2277, IICF2278, IICF2730, IICF2897, IICF2898, IICF2900), et contrairement à l’avis défavorable de la rapporteure spéciale, la commission a adopté les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation modifiés.

La commission a ensuite adopté les amendements II-CF2278 et II-CF2279 portant articles additionnels rattachés.

 

 

Mme Véronique Louwagie, présidente. Mme Yaël Ménaché étant absente ce soir, c’est M. Emeric Salmon qui la remplacera.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. J’ai l’honneur de vous présenter au nom de la rapporteure spéciale Yaël Ménaché les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

Le PLF tend à doter cette mission de 1,9 milliard d’euros, soit un montant presque équivalent à celui inscrit dans la dernière loi de finances, qui représente 0,3 % des crédits du budget général. Si les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) sont en repli, les crédits proposés pour 2025 peuvent apparaître en légère progression, de 0,4 % en AE et de 1,34 % en CP, si on prend en considération les annulations de crédits décidées au début de l’année 2024, pour un peu plus de 24 millions.

Les tendances baissières résultent d’abord de l’évolution démographique des bénéficiaires de la dette viagère. La rapporteure spéciale souhaiterait que les dépenses ainsi économisées permettent une indexation de la valeur du point de la PMI (pension militaire d’invalidité) sur l’indice des prix à la consommation. Elle a déposé un amendement en ce sens. Le maintien de la référence à l’indice d’ensemble des traitements bruts de la fonction publique de l’État ne peut que conduire à dégrader le pouvoir d’achat des anciens combattants et à placer les plus fragiles d’entre eux dans une situation de précarité.

Le souci de renforcer la solidarité pour exprimer la reconnaissance de la nation est, je n’en doute pas, partagé par l’ensemble des députés. C’est pourquoi je vous demanderai de soutenir, au-delà des clivages politiques, les amendements déposés dans cet esprit. Je pense notamment à l’élargissement de la prise en charge des frais d’éducation des pupilles de la nation jusqu’à leur vingt-huitième anniversaire et à la suppression de la condition d’âge pour le bénéfice de la demi-part supplémentaire accordée aux veuves d’anciens combattants. Je pense aussi à la situation des harkis qui, en dépit des réelles avancées permises par la loi du 23 février 2022, bénéficient trop peu souvent d’une reconnaissance juste des préjudices qu’ils ont subis à leur arrivée en France. Je déplore qu’une famille de harkis ait ainsi eu à ester devant une juridiction internationale pour faire reconnaître l’insuffisance de l’indemnisation octroyée. Le gouvernement s’honorerait à élargir au-delà du cas d’espèce, lié au camp de Bias, le versement de montants complémentaires.

Les crédits prévus dans le cadre de la politique de mémoire sont logiquement en baisse par rapport au financement qu’avait requis le cycle mémoriel de 2024. D’autres actions mériteraient pourtant un financement pérenne, en particulier celles concernant les associations d’anciens combattants et du Souvenir français. La rapporteure spéciale nous alerte sur les besoins liés au renouvellement des porte-drapeaux lors des cérémonies, à l’entretien des monuments aux morts ou aux solutions visant à éviter la reprise de concessions funéraires échues ou abandonnées dans nos cimetières communaux qui servent de sépultures à des soldats morts pour la France.

La rapporteure spéciale salue, en revanche, l’augmentation des crédits pour le lien armée-jeunesse, dans le cadre de la nouvelle mouture de la JDC, la journée défense et citoyenneté, qui donne une place plus importante à la découverte des métiers militaires. Plus généralement, un renforcement de l’implication du ministère des armées dans la mise en œuvre du service national universel est souhaitable.

Au-delà de ces observations se rapportant au programme 169, la rapporteure spéciale a souhaité centrer cette année ses travaux sur les dispositifs d’indemnisation des victimes de la seconde guerre mondiale financés par le programme 158. Elle a repris à son compte le constat global qui a été établi par la Cour des comptes dans un rapport publié en septembre. La Cour a souligné que si la France dispose d’un des dispositifs de réparation les plus complets au sein des pays européens, l’action des administrations publiques demeure inachevée en la matière, principalement en raison de moyens insuffisants. Il y va pourtant de la bonne application de la loi de 2023 relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites.

La rapporteure spéciale, qui a pu échanger avec la Fondation pour la mémoire de la Shoah, suggère de renforcer les moyens de la mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 (M2RS), créée en 2019 afin d’achever le travail de recensement systématique des œuvres dans les collections publiques, en particulier les biens dits Musées nationaux récupération (MNR). La rapporteure spéciale souligne qu’au-delà des dossiers parfois médiatisés en raison de l’importance des œuvres concernées, la restitution des biens spoliés pendant l’Occupation recouvre une grande diversité de situations patrimoniales. Le travail de justice entamé depuis le début des années 2000 doit être salué et poursuivi pour l’ensemble des ayants droit. Enfin, la rapporteure spéciale salue l’inscription d’une mesure nouvelle exceptionnelle de 1 million d’euros visant à soutenir les actions des institutions mémorielles de la Shoah dans un contexte préoccupant de recrudescence de l’antisémitisme.

M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis de la commission de la défense. Ce budget a fait l’objet de longs échanges au sein de la commission de la défense, notamment au sujet de la revalorisation du point PMI, lequel n’évoluera pratiquement pas cette année. Cela représente pour les anciens combattants et tous ceux qui ont souffert un signe très négatif, après la promesse de Mme Mirallès, ex-ministre des anciens combattants, d’une double augmentation de 2 %, une fois cette année et l’autre en 2025. C’est une vraie ligne rouge pour toutes les associations d’anciens combattants et patriotiques ainsi que pour tous les groupes représentés à la commission de la défense. S’agissant des harkis, des efforts restent à faire pour accélérer le traitement des dossiers et pour quelques cas que nous aurons l’occasion d’aborder tout à l’heure. Avant que la commission de la défense n’adopte de nombreux amendements, notamment déposés par le Rassemblement national, mon avis était défavorable.

 

Article 42 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CF2276 de Mme Zahia Hamdane

M. David Guiraud (LFI-NFP). C’est un député d’une des villes ayant accueilli le plus de harkis en France – plus de 7 000, dit-on –, qui s’exprime : nous avons d’énormes problèmes en matière de traitement des dossiers et de reconnaissance. Le maillage historiquement établi exclut, de fait, beaucoup d’habitants des quartiers nord, est et ouest de ma ville. Des associations, comme l’Afran (Association des Français rapatriés d’Afrique du Nord), se battent en déposant des dossiers auprès de l’Office national des combattants et des victimes de guerre, mais leur traitement est beaucoup trop lent pour des familles qui peinent à obtenir une forme de reconnaissance et de réparation, malgré les promesses faites lors des derniers discours officiels, notamment par le Président de la République. Le ministère nous répond que les dossiers sont trop nombreux pour les effectifs, qui seraient débordés. Nous voulons bien le croire et c’est pourquoi nous avons déposé cet amendement tout simple qui demande une augmentation des moyens alloués à la réparation des harkis.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. Nous sommes nombreux à avoir été saisis par des associations d’anciens harkis et de leurs familles. La décision de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) du 4 avril 2024 montre que pour beaucoup l’octroi d’une juste compensation des préjudices subis reste un parcours du combattant, les conditions d’éligibilité fixées par l’administration variant d’un lieu d’accueil à un autre pour des raisons souvent mal comprises ou perçues comme arbitraires. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements II-CF2275 de M. Bastien Lachaud et II-CF2899 de la commission de la défense (discussion commune)

M. Bastien Lachaud (LFI-NFP). Notre amendement, de justice fiscale, vise à permettre aux veuves d’anciens combattants de pouvoir bénéficier d’une demi-part fiscale supplémentaire sans attendre l’âge de 74 ans.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. Je suis favorable à cette évolution.

La commission adopte l’amendement II-CF2275.

En conséquence, l’amendement II-CF2899 tombe.

Contre l’avis du rapporteur spécial suppléant, la commission adopte l’amendement IICF2273 de M. Bastien Lachaud.

 

Amendements identiques II-CF2897 de la commission de la défense et II-CF2730 de Mme Catherine Hervieu et amendement II-CF2896 de la commission de la défense (discussion commune)

M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Ces amendements concernent un point très important, même si les sommes en jeu ne sont pas énormes. Il s’agit de régulariser la situation de membres rapatriés des forces supplétives de statut civil de droit commun, au nombre de vingt-deux. Nous demandons au total 92 290 euros, soit un peu plus de 4 000 euros par personne, afin de permettre une forme de reconnaissance absolument nécessaire.

Le premier amendement, II-CF2897, adopté par la commission de la défense, ainsi que l’identique, II-CF2730, prennent le financement nécessaire sur l’indemnisation des victimes de persécutions antisémites pendant la seconde guerre mondiale. Vous comprendrez que je n’y sois pas favorable, contrairement à l’amendement II-CF2896 qui tend à créer un programme spécifique sans toucher au budget des victimes de la déportation.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. Même avis.

La commission adopte les amendements II-CF2897 et II-CF2730.

En conséquence, l’amendement II-CF2896 tombe.

 

Amendements identiques II-CF2898 de la commission de la défense et II-CF2277 de M. Christophe Bex

M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Plusieurs groupes s’alarment du fait que le point de la PMI ne soit pratiquement pas revalorisé. L’écart entre son augmentation et l’évolution du coût de la vie, hors tabacs, au fil des années est d’à peu près 17 points. Le pouvoir d’achat a reculé d’autant, ce qui est intenable. L’amendement de la commission de la défense vise à attirer l’attention de M. le ministre des anciens combattants, à qui je me suis directement adressé en vue de trouver une solution. Nous ne pouvions pas adopter autre chose qu’un amendement de 1 euro, compte tenu du cadre contraint de ce budget et parce que nous n’acceptons pas de prendre l’argent sur l’indemnisation des victimes de la Shoah, mais ces amendements d’appel sont très importants.

Suivant l’avis du rapporteur spécial suppléant, la commission adopte les amendements.

Contre l’avis du rapporteur spécial suppléant, la commission rejette l’amendement IICF2909 de la commission de la défense.

 

Amendement II-CF2905 de la commission de la défense

M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il s’agit, là encore, d’un amendement d’appel. Nous souhaitons appeler l’attention de notre assemblée sur la nécessité d’aider les associations d’anciens combattants à entretenir les monuments aux morts, qui sont en quelque sorte ceux de notre famille à tous puisqu’ils honorent les personnes tombées pour la France.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. Favorable.

Mme Véronique Louwagie, présidente. En règle générale, l’entretien de ces monuments est assuré par les collectivités, lesquelles font appel à certaines structures qui les y aident. C’est en tout cas ainsi que les choses se passent chez moi, dans l’Orne.

M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Ces structures sont précisément financées par la mission Anciens combattants ; je pense notamment à l’Office national des combattants et des victimes de guerre (ONACVG) et au Souvenir français.

La commission rejette l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur spécial suppléant, la commission rejette l’amendement IIAC2907 de la commission de la défense.

 

Amendements II-CF2906 et II-CF2904 de la commission de la défense (discussion commune)

M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il s’agit, ici, de préserver les tombes des combattants morts pour la France.

Contre l’avis du rapporteur spécial suppléant, la commission rejette successivement les amendements.

Contre l’avis du rapporteur spécial suppléant, la commission rejette successivement les amendements II-CF2902, II-CF2903, II-CF2908 et II-CF2895, tous de la commission de la défense.

 

Amendements identiques II-CF2900 de la commission de la défense et II-CF2274 de M. Emmanuel Fernandes

M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Il s’agit de créer un nouveau programme consacré à la reconnaissance et à l’indemnisation des orphelins des incorporés de force d'Alsace et de Moselle pendant la seconde guerre mondiale. La question est très importante dans les départements concernés.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). L’incorporation de force de 145 000 Alsaciens et Mosellans dans les armées ennemies pendant la seconde guerre mondiale reste une plaie ouverte pour les habitants des trois départements concernés. Comment se peut-il que, 80 ans après, leurs orphelins souffrent encore d’une double peine : celle d’avoir perdu un parent forcé de se battre dans les armées nazies et celle de demeurer ostracisés, privés de reconnaissance et du travail mémoriel qui libérerait de cette chape de plomb l’Alsace et la Moselle et réconcilierait le pays ?

Oui, les malgré nous ont subi leur sort car, s’ils refusaient l’incorporation de force, les membres de leur famille, enfants compris, étaient expropriés, jetés à la rue et internés dans le camp de concentration du Struthof, voire déportés dans des camps de travail en Allemagne.

Nous proposons donc d’étendre aux orphelins des malgré nous le décret de 2004 qui indemnise les descendants de victimes de la barbarie nazie, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. Avis favorable.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’insiste sur l’importance de ces amendements, dont j’espère qu’ils recueilleront l’unanimité, et je salue l’engagement de notre collègue Fernandes en faveur de la reconnaissance des malgré nous, reconnaissance que leurs orphelins exigent depuis trop longtemps. Nous devons nous souvenir qu’à compter d’août 1942, 130 000 Alsaciens et Mosellans nés entre 1908 et 1926 ont été arrachés à leur famille et obligés de servir dans une armée étrangère parce qu’ils vivaient dans deux départements annexés de fait par l’Allemagne nazie.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements II-CF2901 et II-CF2910 de la commission de la défense (discussion commune)

M. Laurent Jacobelli, rapporteur pour avis. Nous proposons, à la demande de nombreuses associations, que les pupilles de la nation et les orphelins de guerre puissent être recensés en vue de leur indemnisation.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. Favorable.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Je suis moi-même très sensible à cette question.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons aux explications de vote sur les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. Je suis défavorable à l’adoption des crédits de cette mission.

M. Laurent Jacobelli (RN). Compte tenu du rejet d’un certain nombre d’amendements, notre groupe s’oppose à l’adoption des crédits de la mission.

M. David Amiel (EPR). Nous voterons pour l’adoption de ces crédits.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Du fait de l’adoption de deux amendements que nous jugeons particulièrement importants – celui qui vise à indemniser les harkis et celui qui tend à reconnaître les orphelins des malgré nous –, nous voterons pour les crédits de la mission.

Mme Dieynaba Diop (SOC). Eu égard aux amendements importants que nous sommes parvenus à faire adopter, nous voterons pour l’adoption des crédits de la mission.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Pour information, les amendements adoptés représentent un peu plus de 42 millions.

M. Nicolas Ray (DR). Compte tenu de ce que représente le monde combattant et malgré le contexte budgétaire contraint, nous voterons en faveur de l’adoption des crédits de cette mission.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Eu égard aux amendements qui ont été adoptés, notamment celui qui a trait à la reconnaissance des malgré nous, nous voterons pour l’adoption des crédits de la mission.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Favorable.

M. Christophe Plassard (HOR). Favorable également.

M. Nicolas Sansu (GDR). Le budget augmente de 1 % par rapport à la loi de finances initiales de 2024, soit une progression moindre que l’inflation. Mais puisque de très beaux amendements ont été adoptés, nous voterons pour l’adoption des crédits de cette mission.

M. Gérault Verny (UDR). Nous voterons contre.

Contre l’avis du rapporteur spécial suppléant, la commission adopte les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation modifiés.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Nous en venons à l’examen des amendements portant article additionnel rattaché à la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation.

 

Après l’article 59

Amendement II-CF2278 de M. Emmanuel Fernandes

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Nous demandons que soit remis au Parlement un rapport évaluant le nombre des malgré nous survivants en vue de leur indemnisation.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur spécial suppléant, la commission rejette successivement les amendements II-CF2912 et II-CF2913 de la commission de la défense.

Amendement II-CF2279 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Saintoul (LFI-NFP). Nous demandons au gouvernement qu’il remette au Parlement un rapport qui fasse la lumière sur un épisode très sombre de l’histoire coloniale : le massacre de Thiaroye. La mission Libération, chargée d’organiser la commémoration du 80e anniversaire de la Libération, disposait des moyens nécessaires pour accomplir ce travail historique ; elle ne l’a pas fait. Le service historique de la défense est parfaitement capable de s’acquitter de cette tâche.

M. Emeric Salmon, rapporteur spécial suppléant. Les demandes de reconnaissance par la France de la répression violente qui est intervenue au camp de Thiaroye en 1944 ont été satisfaites à deux reprises par le président Hollande, lors de déplacements au Sénégal en 2012 et 2014. Surtout, l’ONACVG a décidé, en juillet dernier, de faire droit à la demande d’attribuer aux tirailleurs décédés à la suite de la répression la mention « Mort pour la France ».

Les historiens s’accordent sur l’impossibilité matérielle d’établir le nombre des victimes. Dès lors, je ne vois pas comment la production scientifique du gouvernement pourrait être meilleure que celle déjà publiée par les historiens. En tout état de cause, un amendement au projet de loi de finances ne me paraît pas être le véhicule idoine pour atteindre votre but, à savoir l’établissement de la responsabilité de la France dans ce que vous désignez comme un massacre. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur spécial suppléant, la commission rejette l’amendement IICF2911 de la commission de la défense.

 

 

 

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

 

Fondation pour la mémoire de la Shoah

– M. Pierre-François Veil, président

– M. Philippe Allouche, directeur général

 

Direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA)

– M. Evence Richard, directeur

– M. Gilbert Borjon, directeur adjoint et chef de service

 

Secrétariat général pour l’administration (SGA) – Ministère des Armées et des Anciens combattants

– Mme Chloé Mirau, directrice des affaires financières

– Mme Sandrine Vergnes, adjointe à la cheffe du bureau Synthèse, lois de finances, communication budgétaire

 

Contributions écrites

– Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) 

 

 

 

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([1]) D’après les indications communiquées lors de son audition par la directrice des affaires financières au SGA du ministère.

([2]) Source : statistiques DGFiP/SRE, communiquées par le SGA du ministère des armées en réponse au questionnaire budgétaire.

([3]) Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la  programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([4]) De même, la prise en compte de l’impact de la hausse de la valeur du point d’indice de 3,5 % au 1er juillet 2022 avait été anticipée au 1er janvier 2023.

([5]) Cette estimation est construite en prenant en compte les effectifs à date du 1er janvier 2024. En pratique, le coût estimé sera minoré par le taux d’attrition naturelle des populations bénéficiaires.

([6]) Décret n° 2022-128 du 4 février 2022.

([7]) Loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l’indignité de leurs conditions d’accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français.

([8]) Données communiquées par l’ONaCVG en réponse au questionnaire d’audition.

([9]) Décret n° 2023-890 du 21 septembre 2023.

([10]) Article 218 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

([11]) Son conseil d’administration réunit les maires des cinq communes titulaires de cette décoration : Nantes, Grenoble, Paris, Vassieux-en-Vercors, Île-de-Sein.

([12]) Les principales opérations, engagées sur plusieurs années, concernent l’ancienne prison de Montluc, près de Lyon, l’ancien camp de concentration du Struthof (Bas-Rhin) et le mémorial des guerres d’Indochine de Fréjus (Var).

([13]) On peut citer une aide de 11 000 euros à la ville de Vichy pour la construction d’un monument dédié à la Résistance et au général de Gaulle.

([14]) Article 796-0 quinquies du code général des impôts.

([15]) Cour des comptes, La réparation par la France des spoliations de biens culturels commises entre 1933 et 1945, Rapport public thématique, septembre 2024.

([16]) Arrêté de la secrétaire d’État auprès du ministre des armées, chargée des anciens combattants et de la mémoire, du 16 décembre 2022 modifiant le montant de la rente viagère mensuelle versée au titre des dispositions du décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000.

([17]) En tenant compte des 60 millions d’euros transférés en vertu de l’accord franco-américain signé à Washington le 8 décembre 2014 pour assurer l’indemnisation de certaines victimes de la Shoah, déportées depuis la France, mais non couvertes par les programmes français d’indemnisation.