N° 468

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2024.

RAPPORT

FAIT

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2025 (n° 324),

 

PAR M. Charles de COURSON,

Rapporteur général

Député

—––

 

ANNEXE N° 8
 

COhÉsion des territoires

AmÉnagement des territoires

 

Rapporteurs spéciaux : M. Laurent Baumel et Mme Sophie Mette

 

Députés

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SOMMAIRE

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Pages

PRINCIPALES OBSERVATIONS des rapporteurs spÉciaux

DONNÉES CLÉS

INTRODUCTION

I. UNE ENVELOPPE GLOBALE REFLÉTANT L’IMPORTANCE DE CETTE POLITIQUE MAIS MARQUÉE PAR DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES ENTRE LES PROGRAMMES

A. une enveloppe globale importante

B. UNE ÉVOLUTION À LA HAUSSE, MAIS DES TRAJECTOIRES disparates ENTRE LES DIFFÉRENTS PROGRAMMES.

II. LES MAISONS FRANCE SERVICES : DES LEVIERS ESSENTIELS POUR L’AMÉNAGEMENT DES TERRITOIRES pour lesquels un haut niveau d’ambition doit Être maintenu

A. LE FINANCEMENT DES MAISONS FRANCE SERVICES EST EN PARTIE ASSURÉ PAR L’ÉTAT, MAIS REPOSE ÉGALEMENT SUR LA CONTRIBUTION DES OPÉRATEURS ET DES PORTEURS DE PROJETS

1. Un financement forfaitisé hérité du modèle des Maisons de services au public et d’un compromis entre l’État et les opérateurs.

2. Un financement partagé entre une pluralité d’acteurs

a. Le budget du programme France services a, au total, un poids modeste dans les finances de l’État.

b. Les opérateurs participent également au financement des Maisons France services

c. Des dépenses sont prises en charge par la Banque des territoires et l’ANCT

B. Un financement encore insuffisant par rapport au coût réel des maisons France services, laissant un reste à charge élevé pour les porteurs de projet

1. Les porteurs de projets constituent l’échelon déterminant la qualité de l’offre de la Maison France services

2. Un reste à charge important pèse sur les porteurs de projets

a. Le coût moyen d’une maison France Services dépasse largement le financement apporté par l’État et les opérateurs

b. Le reste à charge qui pèse sur les porteurs de projets est élevé et peut s’avérer dissuasif

3. Parmi les coûts supportés par les porteurs de projet, les charges de personnel représentent un enjeu majeur pour l’attractivité du métier de conseiller France Services.

C. La participation de l’État doit progresser pour Être À la hauteur de l’ambition du programme France Services

1. Améliorer l’accessibilité des Maisons France Services nécessite à la fois une expansion du dispositif et un renforcement de sa qualité

a. Un renforcement du maillage par une estimation de l’accessibilité des structures par des moyens autres que la voiture

b. De nouvelles mesures sont nécessaires pour garantir la notoriété du dispositif

c. Adapter l’accessibilité des maisons France Services au quotidien de la population

d. Faire des Maisons France Services des lieux de vie

2. Assurer un accueil de qualité, un prérequis pour assurer la qualité de l’offre France Services

a. Améliorer la formation initiale des agents

b. Poursuivre la formation continue des agents

c. Une indispensable reconnaissance professionnelle des agents France services

d. Mieux connaître les agents France services

D. Le renforcement de l’offre pour rÉpondre aux besoins des usagers

1. Une première nécessité : assurer l’homogénéisation de l’offre socle dans l’ensemble des maisons France services

2. Un élargissement de l’offre socle de services qui ne saurait être envisagé que progressivement

3. Pour assurer l’adhésion et l’engagement des opérateurs, une indispensable anticipation des engagements financiers

III. Une OFFRE d’ingÉnierie territoriale bien prÉsente, mais dont les financements sont trop dispersÉs et l’efficacitÉ pas suffisamment ÉVALUÉe

A. APRÈS LE DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT, L’OFFRE D’INGÉNIERIE TERRITORIALE REPOSE AUJOURD’HUI SUR UNE PLURALITÉ D’ACTEURS

1. Les collectivités territoriales ont, face au retrait de l’État, développé une offre d’ingénierie

a. L’offre d’ingénierie publique locale s’est structurée principalement au niveau départemental, avec d’autres acteurs territoriaux

b. L’ingénierie publique locale n’est toutefois pas en capacité de répondre à tous les besoins des territoires

c. La couverture technique est inégale suivant les territoires

2. L’ingénierie privée constitue une solution d’appoint limitée

3. L’État assure sa mission d’accompagnement des collectivités territoriales en matière d’ingénierie sous une nouvelle forme

B. L’ANCT incarne l’ingénierie territoriale de l’état mais ses programmes, en plus de manquer de clarté budgétaire, n’atteignent pas pleinement les résultats espérés

1. L’ANCT a vocation à apporter de l’ingénierie dans les territoires et elle met en œuvre, dans ce sens, plusieurs dispositifs

a. Le pilotage des programmes nationaux

b. L’offre d’ingénierie sur mesure

c. Depuis 2024, une démarche déconcentrée a vu le jour

2. Bien que le budget dédié à l’ingénierie territoriale soit en hausse, sa répartition reste difficilement lisible

a. Les crédits alloués à l’ingénierie territoriale dont bénéficie l’ANCT sont en hausse

b. Un manque de clarté sur l’exécution des crédits d’ingénierie doit être constaté

3. L’efficacité de l’offre d’ingénierie territoriale de l’ANCT suscite des avis contrastés.

a. Un indéniable soutien apporté aux collectivités

b. Les programmes nationaux suscitent des appréciations divergentes quant à leur efficacité

c. Le dispositif d’ingénierie sur mesure est bien accueilli mais n’est pas exempt d’un risque de standardisation des actions et d’un manque d’adaptabilité

C. D’autres opÉrateurs concourent Également À l’offre d’ingÉnierie

1. Le Cerema constitue un organisme de référence en matière d’ingénierie territoriale mais sa situation financière est préoccupante

a. Un organisme de référence offrant un service d’ingénierie directement assuré par l’opérateur

b. La situation financière du Cerema est préoccupante et plaide pour un rehaussement de sa subvention pour charge de service public

2. La Banque des territoires délivre un soutien à l’ingénierie locale parfois méconnue

a. Le service d’ingénierie territoriale

b. La participation aux programmes nationaux

3. L’ADEME soutient l’ingénierie de projet et participe également aux programmes de l’ANCT

D. Des crÉdits abondants mais peu lisibles et une culture de l’Évaluation à renforcer

1. Des crédits abondants mais au risque de leur dispersion

2. Une faible lisibilité des crédits

3. Une culture de l’évaluation à renforcer et des ajustements à apporter pour favoriser la lisibilité de l’offre pour les acteurs locaux

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS spÉciaux

 

 

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 0 % des réponses relatives à la mission étaient parvenues à la commission des finances. Les rapporteurs spéciaux déplorent cette absence de réponses.


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   PRINCIPALES OBSERVATIONS des rapporteurs spÉciaux

Les rapporteurs spéciaux se réjouissent d’inaugurer la première édition de ce rapport spécial consacré à l’ensemble de la politique de l’aménagement des territoires. Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit près de 10,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 8,3 milliards d’euros en crédits de paiement au travers de vingt-six programmes budgétaires concernés par cette politique.

Bien que les rapporteurs spéciaux soient attentifs à l’enveloppe globale allouée à cette politique et à son évolution, ils ont souhaité concentrer leurs travaux sur deux enjeux transversaux de l’aménagement des territoires qui suscitent de fortes attentes de la part de la population française : le développement des maisons France services et l’accès à l’ingénierie territoriale pour les collectivités.

Les rapporteurs spéciaux se félicitent que l’État ait apporté une première impulsion au dispositif des maisons France services. Ils sont également sensibles à la relative stabilité des crédits alloués à ce dispositif au sein du projet de loi de finances pour 2025, cette stabilité étant révélatrice de la volonté politique de pérenniser un programme pertinent.

Néanmoins, les rapporteurs spéciaux relèvent qu’un niveau élevé d’ambition pour le dispositif France services est indissociable d’efforts budgétaires supplémentaires. À cet égard, ils soulignent d’abord la persistance d’un reste à charge conséquent pour les porteurs de projets, qui pourrait nuire à l’attractivité du dispositif, à sa qualité et à l’égalité entre les territoires. Par ailleurs, l’amélioration de l’accessibilité des maisons France services et l’optimisation de l’accueil nécessitent également des investissements financiers durables.

Pour ce qui concerne l’ingénierie territoriale, les rapporteurs spéciaux s’interrogent sur une éventuelle dispersion des crédits dédiés à l’ingénierie dans la mesure où les montants importants, à hauteur de près de 25 milliards d’euros sur la période 2018-2026, mis en œuvre par les acteurs étatiques contrastent avec la perception d’une relative inadéquation de l’action publique avec les besoins des collectivités territoriales.

De fait, les crédits affectés à l’ingénierie territoriale sont caractérisés par leur illisibilité. En l’absence de document de politique transversale ou d’une annexe budgétaire dédiée, le commentaire de ces crédits est tributaire des réponses de l’administration.

 

Les rapporteurs spéciaux plaident ainsi pour un renfort de lisibilité et la construction d’une véritable culture de l’évaluation pour apprécier l’efficacité des programmes mis en place. La mutualisation des moyens et la fin de la dispersion des crédits apparaissent nécessaires.

 

 


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   DONNÉES CLÉS

Évolution des crÉdits de fonctionnements du programme France services

(en millions d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025 (prévisionnel)

Programme 112

FNADT

18,5

28,3

36,3

36,3

55,7

68

dont déploiement animateurs départementaux (subventions)

 

0,3

1,4

2,5

6,5

 

dont campagne de communication

 

3,1

2,3

 

 

 

dont animation nationale du réseau

0,51

1,95

 

1,3

2,5

2,5

dont bonification France ruralités

 

 

 

 

7,6

7,6

FNFS

17,2

25,3

33,8

36,7

50,5

50,5

La Poste

Fonds postal de péréquation territoriale

13,3

13,3

10,4

10,7

10,7

10,66

Banque des territoires

Total- Banque des territoires

4,11

5,86

4,8

3,29

12,5

42

dont animation du réseau

0,5

2,61

2,27

0,43

0

0

dont formation

0

0

0

dont outils numériques

2,42

1,45

0,89

0,82

0

0

dont subvention pour l’ANCT sur les outils numériques

0

0

0

2,04

2

2

dont appel à manifestation d’intérêts "Aller vers"

0

0

0

0

0,5

0

dont appel à manifestation d’intérêts "Lieux innovants Lieux accueillants"

0

0

0

0

10

40

dont financement des Bus France services

1,19

1,8

1,64

0

0

0

Ministère de la transformation et de la fonction publiques

 

 

 

3

3

0

0

dont campagne de communication

 

 

1,5

1,5

0

0

France relance

Signalétique extérieure

 

 

1,1

 

 

 

Total programme France services

53,1

72,7

85,3

87

129

171,16

Source : Commission des finances d’après les réponses aux questionnaires.

 

 

 

 

montant financier alloué aux prestations d’ingÉnierie des diffÉrents acteurs Étatiques sur la pÉriode 2018-2026

 

Activités d’ingénierie

Programmes

Financement total envisagé sur la période 2018-2026

Programmes nationaux pilotés par l’ANCT

Action Cœur de ville

9,2 milliards d’euros (5 milliards d’euros pour les cinq premières années)

Villages d’avenir

4,6 milliards d’euros prévus d’ici 2025

Petites villes de demain

3 milliards d’euros

Territoires d’industrie

2 milliards d’euros pour la première phrase du programme + 100 millions d’investissement annuel pour la deuxième phase

Prestations d’ingénierie du Cerema

Fonctionnement entièrement tourné vers l’aide à l’ingénierie

280 millions par an

Prestations d’ingénierie de l’ANCT

Ingénierie sur mesure

6 millions par an en moyenne

Prestations en propre de la Banque des territoires

Service d’ingénierie territoriale

10 millions par an

Source : commission des finances, d’après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux.

 

 


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   INTRODUCTION

Au sein du présent projet de loi de finances pour 2025, vingt-sept programmes budgétaires participent à un effort budgétaire important, à hauteur de près de 10,5 milliards d’euros en autorisations d’aménagement, à destination de l’aménagement des territoires.

Dans un contexte marqué par la volonté de réduire les déficits publics, le budget alloué à l’aménagement des territoires est relativement préservé, bien qu’il faille relever l’importante réduction de crédits que connaissent certains programmes budgétaires et, en leur sein, certains dispositifs.

Au cours de leurs travaux, les rapporteurs spéciaux se sont particulièrement attachés à l’examen de deux dispositifs transversaux qui concourent à l’aménagement des territoires.

En premier lieu, ils ont estimé essentiel de s’intéresser au dispositif des maisons France Services. Lancé en 2019, ce programme connaît une montée en charge encourageante. Cependant, la stabilité relative des crédits alloués à ce programme ne doit pas occulter les besoins croissants pour assurer sa pérennité et améliorer l’offre. En effet, bien que l’État finance une partie du dispositif, sa contribution reste inférieure à celle des porteurs de projets qui assument la majorité des charges dans un contexte marqué par l’inflation et la baisse des concours financiers. En outre, pour assurer la qualité du service proposé par les maisons France services, des investissements durables seront nécessaires.

Les rapporteurs spéciaux ont également été sensibles aux témoignages des élus locaux concernant les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales en matière d’ingénierie territoriale.

Historiquement, l’État fournissait des services d’assistance en ingénierie territoriale, mais depuis les années 2000, il s’est désengagé de cette mission sous l’effet conjugué de la transformation du régime juridique des prestations techniques, qui a introduit la concurrence et les règles des marchés publics, et des réformes administratives visant à rationaliser les services de l’État depuis 2007.

En conséquence, l’offre d’ingénierie territoriale a été modifiée. Dans ce contexte, les rapporteurs ont analysé l’effort budgétaire de l’État dans ce domaine, notamment à travers les programmes nationaux pilotés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, tels qu’Action cœur de ville, Petites villes de demain et Villages d’avenir.


I.   UNE ENVELOPPE GLOBALE REFLÉTANT L’IMPORTANCE DE CETTE POLITIQUE MAIS MARQUÉE PAR DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES ENTRE LES PROGRAMMES

A.   une enveloppe globale importante

Le document de politique transversale qui offre un aperçu complet de l’effort budgétaire de l’État en matière d’aménagement des territoires recense vingt-sept programmes du budget général qui participent à cette politique.

Au total, ce document permet d’identifier près de 10,5 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 8,3 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) de crédits budgétaires qui relèvent de la politique publique de l’aménagement du territoire au sein du projet de loi de finances pour 2025.

Plus de la moitié du total des crédits identifiés émanent de trois programmes : le programme 119 Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements, le programme 138 Emploi outre-mer et le programme 362 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture.

Participation des programmes budgÉtaires À la politique
d’amÉnagement des territoires

Source : Commission des finances d’après les documents budgétaires


 

B.   UNE ÉVOLUTION À LA HAUSSE, MAIS DES TRAJECTOIRES disparates ENTRE LES DIFFÉRENTS PROGRAMMES.

Selon le projet de loi de finances pour 2025, les crédits dédiés à l’aménagement du territoire enregistreraient une hausse de près de 12 % en autorisations d’engagement, tandis que les crédits de paiement diminueraient de 4 %.

Les trajectoires des programmes participant à cette politique sont contrastées : certains connaissent des baisses notables, comme le programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire dont les crédits chutent de 60 %, et le programme 123 Conditions de vie outre-mer qui affiche une réduction de 70 % en autorisations d’engagement.

À l’inverse, d’autres programmes bénéficient de hausses, notamment le programme 203 Infrastructures et services de transport et le programme 175 Patrimoines.

Les rapporteurs spéciaux constatent que de nombreux dispositifs subissent des réductions de crédits ou voient leur financement se tarir. Ils relèvent à ce titre les réductions de 19,7 millions d’euros pour le dispositif Cités éducatives, de 5 millions d’euros pour le dispositif Adultes-relais et de 3,7 millions d’euros pour le dispositif Cités de l’emploi. Par ailleurs, le financement des tiers-lieux devrait connaître en 2025 une baisse de 80 % par rapport aux crédits alloués en 2024.

Les rapporteurs spéciaux regrettent l’ampleur de ces réductions qui paraît injustifiée au regard de l’efficacité des dispositifs concernés. Ils se montreront particulièrement vigilants, notamment lors du prochain printemps de l’évaluation, quant à la pérennité de ces programmes, qui répondent à des attentes importantes de la part des citoyens.


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II.   LES MAISONS FRANCE SERVICES : DES LEVIERS ESSENTIELS POUR L’AMÉNAGEMENT DES TERRITOIRES pour lesquels un haut niveau d’ambition doit Être maintenu

En réponse au constat, issu du grand débat national de 2019, selon lequel l’État était perçu comme éloigné des citoyens, le Président de la République a annoncé le 25 avril 2019 la création d’un réseau de maisons France Services, destiné à rapprocher les services publics des citoyens en palliant les préjudices créés par le retrait progressif des services publics dans les territoires.

Comparées aux anciennes maisons des services au public (MSAP), ces structures offrent plus de partenaires, des horaires étendus, une meilleure formation des agents, une coopération accrue avec les collectivités locales, et un accompagnement renforcé des usagers.

L’objectif fixé était que chaque citoyen puisse accéder à une maison France Services en moins de 30 minutes, nécessitant environ 2 500 sites, contre 1 340 pour les MSAP.

Depuis leur lancement, le nombre de structures a rapidement augmenté : de 1 123 à leur création, il est passé à 2 197 en avril 2022, pour atteindre 2 753 au 15 septembre 2024.


Évolution du nombre de France services labellisÉs

 

Source : Commission des finances d’après les réponses aux questionnaires.

rÉpartition des maisons France services labellisÉs

 

https://cartotheque.anct.gouv.fr/media/raw/record/eyJpIjoiZGVmYXVsdCIsIm0iOm51bGwsImQiOjEsInIiOjM2MDV9/Source : Agence nationale de la cohésion des territoires, 15 septembre 2024.

A.   LE FINANCEMENT DES MAISONS FRANCE SERVICES EST EN PARTIE ASSURÉ PAR L’ÉTAT, MAIS REPOSE ÉGALEMENT SUR LA CONTRIBUTION DES OPÉRATEURS ET DES PORTEURS DE PROJETS

1.   Un financement forfaitisé hérité du modèle des Maisons de services au public et d’un compromis entre l’État et les opérateurs.

Les maisons France services sont les héritières des MSAP et ont été conçues à partir de la même architecture financière. Le système de financement paritaire entre État et opérateurs, qui était celui des MSAP, a été maintenu. Le fonds national d’aménagement et du développement du territoire (FNADT) est le véhicule choisi pour le financement étatique des maisons France services tandis que le fonds national France services (FNFS) permet le financement des opérateurs.

En 2019, lors de la transformation des MSAP en France services, le choix a été fait de forfaitiser les financements, afin de limiter les inégalités entre les maisons et entre territoires.

La subvention attribuée aux structures labellisées est passée en 2023 de 30 000 à 35 000 euros par maison. Ce forfait se décompose comme suit :

Pour les structures postales, le fonds postal national de péréquation territoriale finance 26 000 euros et le fonds national France Services (FNFS) finance à hauteur de 4 000 euros.

Pour les structures non postales, le FNFS finance à hauteur de 20 000 euros ; le FNADT apporte également un financement de 15 000 euros par an et par maison.

L’objectif de la trajectoire de financement du programme est d’atteindre 50 000 euros par structure en 2026. Cette somme demeurera, en tout état de cause, inférieure au coût de fonctionnement des maisons France services.

dÉcomposition du forfait accordé aux maisons France services

Source : Commission des finances d’après les réponses aux questionnaires.

2.   Un financement partagé entre une pluralité d’acteurs

Les maisons France Services sont très souvent portées par les collectivités locales, et notamment les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui considèrent que cette mission d’accueil s’inscrit dans la continuité du premier accueil traditionnellement opéré par les communes. Elles bénéficient, en tant que politique nationale, d’un financement partagé entre l’État, ses agences, dont l’ANCT et les opérateurs. La Banque des Territoires contribue également au financement de certaines mesures stratégiques.

Si la diversité des sources de financement est un atout, elle a également pour conséquence une relative dispersion des informations financières qu’il serait nécessaire de clarifier au sein des documents budgétaires.

a.   Le budget du programme France services a, au total, un poids modeste dans les finances de l’État.

L’État contribue aux dépenses d’investissement et de fonctionnement des maisons France service mais également à d’autres dépenses de communication.

Les dépenses d’investissements sont indirectes et passent par les dotations d’investissement que sont la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) et la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), pilotées par la Direction générale des collectivités locales.

Les dépenses de fonctionnement des MSAP puis des maisons France services sont depuis 2015 prises en charge par le FNADT, qui relève du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire de la mission Cohésion des territoires. Plus précisément, les France services figurent sur la section dite « générale » de ce fonds, la section dite « locale » finançant essentiellement les contrats de plan État-régions.

On constate depuis 2018 une augmentation continue des crédits alloués aux MSAP et au programme France Services, qui s’explique par le développement du réseau sur la période. Entre 2016 et 2025, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement connaîtraient une hausse importante de 109 % et 108 %, passant respectivement de 7,2 millions d’euros en AE et 7,6 millions d’euros en CP en 2016 à 68 millions d’euros en 2025.

L’augmentation des crédits s’accélère nettement à partir de 2020, année où les crédits se sont élevés à 18,5 millions d’euros. Cette hausse rapide coïncide avec les mesures gouvernementales pour renforcer l’accès des citoyens aux services publics, notamment par la création et le développement des Maisons France Services. De 2020 à 2025, les crédits augmentent de 73 %, soulignant l’effort accru mis en œuvre pour répondre aux besoins d’accessibilité des services publics dans les territoires.

Évolution des crÉdits DU FNADT allouÉs
aux maisons France services

(en euros)

Crédits dédiés à l’amélioration de l’accès à un socle essentiel de services à la population
(action 2 du programme 112)

AE

CP

2016

7 244 000

7 652 000

2017

7 925 000

8 303 000

2018

10 733 047

11 360 208

2019

15 733 047

15 733 047

2020

18 500 000

18 500 000

2021

28 345 000

28 345 000

2022

36 345 000

36 345 000

2023

36 345 000

36 345 000

2024

55 700 000

55 700 000

2025

68 000 000

68 000 000

Évolution 2016-2025

109 %

108 %

Évolution 2020-2025

73 %

73 %

Évolution 2024-2025

22 %

22 %

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances pour 2025 et des réponses des administrations aux questions des rapporteurs spéciaux.

Dans le cadre des crédits du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, 3 millions d’euros en 2021 et 2,4 millions d’euros en 2022 ont été alloués au financement de la campagne de communication France Services. Par ailleurs, l’animation nationale du réseau a engendré des dépenses de 1,3 million d’euros en 2023 et de 1,2 million d’euros en 2024. Enfin, une bonification dédiée au dispositif « France Ruralités » représente 7,6 millions d’euros de crédits en 2024 et en 2025.

D’autres crédits d’origine étatique participent au financement du réseau France service :

– sur le budget du ministère de la transformation et de la fonction publiques, 3 millions d’euros en 2023 et 2024 ont financé les actions de communication France services ;

– le plan France relance a également contribué à hauteur de 1,1 million d’euros en 2022 à la signalétique extérieure des Maisons France services.

Au total, le budget du programme France services a un poids modeste dans les finances de l’État. Les crédits du réseau France services issus du programme 112, soit 55,7 millions d’euros en 2024, représentent 22,5 % de l’ensemble du programme 112 et 0,28 % des crédits de paiement de la mission « Cohésion des territoires ».

Le modèle « Service Canada » : un financement exclusivement étatique

Créé en 2005, ce programme compte 500 points d’accueil physiques et 200 unités itinérantes, réunissant plusieurs agences sous l’égide du ministère de la Famille. Il englobe des services relatifs à l’emploi, aux pensions et à la vieillesse.

Le programme Service Canada incarne un modèle de service public entièrement financé par l’État fédéral, sans intervention des collectivités locales.

À la différence des maisons France services, Service Canada est multi-canal : le terme recoupe des centres physiques mais aussi des centres d’appel et des procédures en ligne. L’objectif de Service Canada est de fournir aux canadiens un seul point d’accès aux services gouvernementaux en présentiel ou par téléphone, internet ou courrier.

b.   Les opérateurs participent également au financement des Maisons France services

Le fonds national France services (FNFS) a remplacé le fonds inter-opérateurs (FIO), créé en 2015 pour le financement des maisons de services au public.

Neuf partenaires nationaux ont été associés au programme France services : La Poste, France Travail, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), la mutualité sociale agricole (MSA), la direction générale des finances publiques (DGFIP), le Ministère de la justice. Ces opérateurs contribuent au FNFS selon une clé de répartition établie à partir des visites annuelles constatées et de leurs usagers potentiels au niveau national.

Au fil des années, les niveaux de contribution ont augmenté en lien avec la densification du réseau et le renforcement de l’offre socle proposée par les maisons France Services. Le ministère de la transition écologique – via le dispositif chèque énergie – et l’agence nationale de l’habitat (ANAH) via les dispositifs MaPrimeRénov’ et MaPrime Adapt’ ont intégré l’offre socle au 1er janvier 2024.

Des discussions inter-opérateurs et interministérielles en 2023 ont permis de réviser la clef de répartition pour les années 2024-2026 afin de mieux tenir compte du niveau réel d’activité des opérateurs au sein de France services.

Les opérateurs que les rapporteurs spéciaux ont rencontrés lors d’une table ronde se sont majoritairement déclarés satisfaits de la nouvelle clef de répartition, présentée comme en meilleure adéquation avec l’activité des opérateurs.

RÉpartition de la participation des opÉrateurs au FNFS

 

2023

2024

Opérateur

Part en pourcentage

Part en valeur

Part en pourcentage

Part en valeur

Ministère de l’Intérieur

13,75 %

5 051 750 €

13,92 %

7 038 029 €

DGFIP

13,75 %

5 051 750 €

10,21 %

5 161 221 €

CNAV

6,5 %

2 388 100 €

9,28 %

4 692 020 €

MSA

6,5 %

2 388 100 €

4,33 %

2 189 609 €

CNAF

11,75 %

4 316 950 €

11,86 %

5 995 358 €

CNAM

13,75 %

5 051 750 €

12,69 %

6 412 427 €

France Travail

13,75 %

5 051 750 €

8,97 %

4 535 619 €

La Poste

13,75 %

5 051 750 €

7,32 %

3 701 482 €

Ministère de la Justice

6,5 %

2 388 100 €

3,92 %

1 981 075 €

DGEC

-

-

6,71 %

3 390 800 €

Anah

-

-

10,78 %

5 451 170 €

TOTAL

100 %

36 740 000 

100 %

50 548 810 

Source : Commission des finances d’après les réponses aux questionnaires.

c.   Des dépenses sont prises en charge par la Banque des territoires et l’ANCT

Au sein de l’ANCT, une équipe composée de dix personnes est chargée du programme France Services. L’ANCT prend en charge la formation initiale des conseillers France services, pour un montant total qui s’est élevé à 2,5 millions d’euros en 2024.

En vertu de la convention conclue entre l’ANCT et la Caisse des dépôts et consignations, une partie de l’animation du réseau France services est confiée à la Banque des territoires. Une équipe de la Banque des territoires est ainsi mise à disposition pour accompagner l’animation et la coordination du réseau, au sein de laquelle trois personnes sont en charge de l’animation nationale.

La Banque des Territoires participe également au financement de certaines structures, comme les bus France Services, avec un investissement de 3,6 millions d’euros entre 2020 et 2022. Des programmes sont développés pour renforcer le maillage territorial, notamment à travers des initiatives de « l’aller-vers », en misant sur les compétences, en améliorant la qualité de service et en élargissant l’offre de services.

La multiplicité des acteurs rend complexe la comptabilisation des dépenses totales d’animation, d’autant que certaines actions, par exemple la stratégie de communication, sont partagées entre l’ANCT et la Banque des territoires.

En outre, les actions de formation étant généralement intégrées aux dépenses d’animation, il est difficile de les isoler. C’est également le cas des dépenses de pilotage du réseau, la frontière entre animation et pilotage étant mal définie, notamment dans le cas des équipes de l’ANCT.

Le réseau des Bus France Services

Les bus France Services constituent une des innovations majeures de la politique France Services. Ces maisons itinérantes, qui circulent à travers les territoires, ont pour objectif de rapprocher les services publics des citoyens, en particulier ceux vivant dans des zones éloignées ou rurales. Ces véhicules offrent des prestations similaires à celles des maisons France Services fixes, telles que l’accès aux démarches administratives, aux services sociaux, à la santé, à la retraite, à l’emploi, et à d’autres services publics essentiels.

En septembre 2024, 168 bus France Services étaient déjà déployés, représentant ainsi 6 % de l’ensemble des structures France services. Une pirogue France services a aussi été mise en place en Guyane pour répondre aux besoins spécifiques de cette région. En termes de portage, les bus France Services sont majoritairement gérés par des collectivités territoriales (54 %), principalement les départements, et une part importante (37 %) est portée par des associations, dont 14 % par le réseau Points d’information médiation multiservices. La MSA prend en charge 6 % des bus, avec trois d’entre eux co-portés par des Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI).

Les bus France services bénéficient d’un financement spécifique pour garantir leur déploiement et leur fonctionnement. En termes de financement à l’investissement, les bus circulant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville reçoivent une aide importante de 60 000 euros, entièrement prise en charge par la Banque des territoires. Les autres bus, en dehors de ces zones, peuvent bénéficier d’une aide de 30 000 euros, mais cette somme doit être complétée par d’autres dotations d’investissement, telles que la DSIL ou la DETR.

En ce qui concerne le financement des dépenses de fonctionnement, les bus France services sont soutenus par un forfait annuel de 30 000 euros, identique à celui des maisons France services fixes, et calculé selon des modalités similaires.

Évolution des crÉdits de fonctionnements du programme France services

(en millions d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025 (prévisionnel)

Programme 112

FNADT

18,5

28,3

36,3

36,3

55,7

68

dont déploiement animateurs départementaux (subventions)

 

0,3

1,4

2,5

6,5

 

dont campagne de communication

 

3,1

2,3

 

 

 

dont animation nationale du réseau

0,51

1,95

 

1,3

2,5

2,5

dont bonification France ruralités

 

 

 

 

7,6

7,6

FNFS

17,2

25,3

33,8

36,7

50,5

50,5

La Poste

Fonds postal de péréquation territoriale

13,3

13,3

10,4

10,7

10,7

10,66

Banque des territoires

Total- Banque des territoires

4,11

5,86

4,8

3,29

12,5

42

dont animation du réseau

0,5

2,61

2,27

0,43

0

0

dont formation

0

0

0

dont outils numériques

2,42

1,45

0,89

0,82

0

0

dont subvention pour l’ANCT sur les outils numériques

0

0

0

2,04

2

2

dont appel à manifestation d’intérêts "Aller vers"

0

0

0

0

0,5

0

dont appel à manifestation d’intérêts "Lieux innovants Lieux accueillants"

0

0

0

0

10

40

dont financement des Bus France services

1,19

1,8

1,64

0

0

0

Ministère de la transformation et de la fonction publiques

 

 

 

3

3

0

0

dont campagne de communication

 

 

1,5

1,5

0

0

France relance

Signalétique extérieure

 

 

1,1

 

 

 

Total programme France services

53,1

72,7

85,3

87

129

171,16

Source : Commission des finances d’après les réponses aux questionnaires.

B.   Un financement encore insuffisant par rapport au coût réel des maisons France services, laissant un reste à charge élevé pour les porteurs de projet

1.   Les porteurs de projets constituent l’échelon déterminant la qualité de l’offre de la Maison France services

Les porteurs de projets jouent un rôle clé dans la réussite des Maisons France services, car ce sont eux qui déterminent en grande partie la qualité de l’offre proposée au public.

Bien que le programme France services relève de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) au niveau national, c’est au niveau local que se fait l’essentiel du travail de mise en œuvre. Les préfets de département, en tant que délégués territoriaux, assurent le relais et coordonnent le déploiement du réseau, en animant les relations avec les porteurs de projets. Cependant, la structure locale elle-même repose principalement sur les porteurs de projets, qui prennent en charge la mise à disposition des locaux, ainsi que les frais de fonctionnement, ce qui représente un investissement financier considérable à l’échelle locale.

Les maisons France services sont en majorité portées par des collectivités territoriales ou leurs groupements (EPCI ou communes essentiellement, mais également départements), qui représentent 67 % des structures porteuses. La Poste porte quant à elle 11 % des maisons et le réseau associatif 18 %. Le reste est partagé entre l’État (même si seules 2 % des France services sont localisées dans des sous‑préfectures) et la MSA.

RÉpartition dES MAISONS France SERVICES PAR TYPES DE PORTEURS DE PROJETS

Source : Commission des finances d’après les réponses aux questionnaires.

2.   Un reste à charge important pèse sur les porteurs de projets

a.   Le coût moyen d’une maison France Services dépasse largement le financement apporté par l’État et les opérateurs

Malgré son augmentation, le forfait alloué par l’État est loin de couvrir les coûts d’exploitation de la structure France services. Ceux-ci varient selon l’implantation (rural, quartier prioritaire de la ville, urbain, périurbain), le porteur de projet, le type de structure (fixe, itinérant, bus), les locaux, les services complémentaires délivrés ou le nombre de conseillers France services.

L’inspection générale de l’administration, dans un rapport daté de 2021 ([1]) avait estimé le coût annuel moyen d’une structure France services à 110 000 euros en 2020.

CoÛt moyen d’une maison France service en fonction de l’implantation gÉographique et de la nature du porteur de la structure

Dépenses de fonctionnement

2020

2021

2022

2023

Selon la localisation

Quartier prioritaire de la ville

221 927

220 438

238 286

280 406

Péri-urbain

64 016

66 782

67 670

87 469

Zone rurale

40 472

40 482

75 742

40 619

Moyenne pondérée selon la localisation 2023

113 000

Selon le porteur

Collectivité

85 861

96 360

114 571

110 906

La Poste

120 000

120 000

120 000

120 000

Association

64 644

47 928

50 413

37 178

Point d’information médiation multi-services

189 645

168 100

183 407

216 821

Moyenne pondérée selon le porteur 2023

108 000

Source : commission des finances, à partir des réponses des administrations aux questions des rapporteurs spéciaux.

b.   Le reste à charge qui pèse sur les porteurs de projets est élevé et peut s’avérer dissuasif

Ainsi, le reste à charge moyen par structure incombant aux porteurs est de 70 000 euros, sur la base du forfait de 35 000 euros. Il progresse car les coûts d’exploitation augmentent, depuis 2020, plus ou moins fortement selon les structures. Les charges de personnel sont les plus affectées par cette hausse, en raison de l’intensification de l’activité.

Par ailleurs, ces chiffres ne couvrent toutefois pas le coût total, car certaines dépenses, comme celles liées aux locaux et à la formation des agents, restent à la charge des acteurs locaux.

Dans certains territoires, du fait de la densité de la population ou de son étendue, une même collectivité peut financer plusieurs structures, son reste à charge étant alors encore plus élevé.

Cette situation peut devenir un frein à l’engagement de nouveaux porteurs de projets, car le coût financier peut s’avérer dissuasif. Certaines collectivités ne peuvent pas supporter de tels frais, ce qui limite la possibilité de développer des initiatives nécessaires à l’atteinte des objectifs du programme, comme les solutions d’aller-vers.

Bien que la participation de l’État ait favorisé la création de nouvelles structures, la part restante à la charge des porteurs n’est pas soutenable à moyen terme, en particulier pour les collectivités rurales qui financent plusieurs maisons. Cela pourrait constituer un obstacle au développement de ces structures.

3.   Parmi les coûts supportés par les porteurs de projet, les charges de personnel représentent un enjeu majeur pour l’attractivité du métier de conseiller France Services.

La diversité des employeurs des conseillers France services complique l’obtention de données précises sur les effectifs et les conditions d’emploi du personnel des Maisons France services. Le coût dépend, en effet, de divers facteurs, tels que la structure d’accueil et le statut des agents, et varie d’un porteur de projet à l’autre.

Toutefois, les charges de personnel semblent être un levier d’ajustement pour les porteurs de projet, qui cherchent à les réduire autant que possible, ce qui conduit à une certaine précarisation des agents. Selon la Cour des comptes, environ 42 % des 7 000 conseillers sont des fonctionnaires, 26 % sont en CDI et 32 % en CDD.

Dans les structures associatives, le financement partiel du dispositif conduit les responsables à recourir, notamment, à des contrats adultes-relais pour assurer la mission de conseiller France Service. Cette pratique peut compromettre la stabilité des équipes et la pérennité du service rendu.

Conséquence d’une faible attractivité salariale, souvent conjuguée à un manque de perspectives professionnelles, le métier de conseiller France services connaît un taux de rotation élevé, estimé à 15 % pour la période 2021-2023, soit près du double de celui observé dans les collectivités locales. Ce taux élevé fragilise la relation de confiance entre usagers et conseillers, rendant plus complexe l’accompagnement administratif.

C.   La participation de l’État doit progresser pour Être À la hauteur de l’ambition du programme France Services

Dans un contexte de dématérialisation croissante des démarches administratives et de revendications citoyennes sur la présence de l’État dans les territoires, le programme France Services constitue une réponse essentielle, mais qui doit être poursuivie et renforcée sur le plan qualitatif.

Les rapporteurs spéciaux sont sensibles au fait que, bien que l’action budgétaire dans le cadre du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire subisse une réduction de 60 % de ses crédits, l’enveloppe dédiée à France Services reste relativement stable. Toutefois, ils estiment que l’amélioration qualitative du dispositif justifie un soutien financier durable et renforcé.

Ce soutien budgétaire devrait être orienté autour de deux axes principaux : d’une part, le renforcement de l’accessibilité des Maisons France Services, et d’autre part, l’amélioration de l’accueil des usagers.

1.   Améliorer l’accessibilité des Maisons France Services nécessite à la fois une expansion du dispositif et un renforcement de sa qualité

a.   Un renforcement du maillage par une estimation de l’accessibilité des structures par des moyens autres que la voiture

Le maillage du réseau France services est destiné à se densifier, avec un objectif fixé par le Président de la République de parvenir à 3 000 structures d’ici 2025. Bien que le réseau actuel soit globalement cohérent et assure la présence d’une structure dans les plus petites collectivités, les rapporteurs spéciaux soulignent la nécessité d’adopter une approche plus ciblée et intelligente du maillage territorial pour mieux répondre aux besoins spécifiques de différents types de territoires.

Ainsi, l’échelle cantonale, initialement privilégiée, ne garantit pas toujours une proximité suffisante. Dans les zones rurales peu densément peuplées, où les cantons ont été étendus pour couvrir plusieurs bassins de vie, il pourrait être plus pertinent d’implanter une structure dans chaque bourg-centre, afin de concentrer les services pour le bassin de vie local.

En revanche, dans les zones urbaines à forte densité de population, il serait nécessaire d’installer plusieurs structures au sein d’un même canton. Malgré une présence plus importante de services publics dans ces zones, les besoins d’accompagnement sont souvent particulièrement élevés, notamment dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV), où le sentiment d’éloignement des services publics est exacerbé. Dans ces quartiers, la maîtrise parfois fragile de la langue française et la complexité des démarches administratives augmentent le risque de non-recours aux droits. De plus, certains départements, caractérisés par des taux de pauvreté et de chômage élevés, ont rencontré des difficultés lors du lancement du programme, ce qui nécessite un soutien renforcé pour ces territoires.

Certains opérateurs ont également pointé des diagnostics territoriaux mal adaptés, entraînant des incohérences, notamment des doublons avec leurs réseaux.

Pour mieux ajuster le maillage aux besoins réels de la population, les rapporteurs spéciaux insistent sur la nécessité de prendre en compte l’accessibilité des structures par des moyens autres que la voiture. Le temps d’accès aux services essentiels pourrait ainsi être évalué en tenant compte des déplacements à pied ou à vélo.

b.   De nouvelles mesures sont nécessaires pour garantir la notoriété du dispositif

Le programme France Services est encore relativement jeune et en cours d’implantation dans le paysage institutionnel local. Sa notoriété reste limitée : en 2022, seulement 3 % des assurés de la CNAV interrogés connaissaient le dispositif.

Plusieurs facteurs influencent cette visibilité selon les territoires. Le programme est mieux identifié dans les zones rurales, où les anciennes MSAP public ont été transformées en maisons France Services, bien qu’elles soient souvent encore appelées « maisons des services ». La perception de France Services varie également selon les types de gestionnaires : par exemple, dans les QPV, les associations de médiation sociale sont particulièrement bien identifiées.

Pour améliorer la visibilité de France Services, il est crucial d’assurer une signalétique claire et de renforcer son ancrage territorial, ce qui peut être facilité par l’ancienneté de la structure ou son implantation dans des lieux familiers pour les usagers. Le rôle des acteurs locaux (assistants sociaux, médiateurs, secrétaires de mairie) dans l’orientation des usagers vers France Services est essentiel, mais leur connaissance du programme demeure inégale. Pour pallier cela, il est nécessaire que les préfets assurent une bonne circulation de l’information entre tous les acteurs impliqués.

La mobilisation des réseaux de proximité, tels que La Poste et les bureaux de tabac, pourrait également jouer un rôle clé dans l’orientation des usagers et contribuer à renforcer l’intégration du programme dans le paysage institutionnel local.

Il a été constaté que l'intégration d'une maison France Service au sein d'un espace partagé avec divers acteurs, tels que des associations d'insertion par l'emploi, des services sociaux (MDS) ou des structures de petite enfance, permet de renforcer les synergies entre les différents acteurs tout en augmentant la fréquentation. Cette configuration mérite d’être encouragée et généralisée pour maximiser l’efficacité et l’accessibilité des services proposés.

Enfin, les rapporteurs préconisent une collaboration avec les opérateurs pour informer les usagers de la présence d’une maison France Services à proximité, même lors de leurs démarches en ligne. Un dispositif, tel qu’une fenêtre pop-up, pourrait ainsi s’ouvrir pour guider l’usager vers la structure la plus proche.

c.   Adapter l’accessibilité des maisons France Services au quotidien de la population

Les rapporteurs spéciaux ont salué l’initiative des bus France Services, qui permettent d’étendre la couverture des services au-delà des maisons fixes, notamment en intervenant lors d’événements locaux tels que les marchés. Ce dispositif étant particulièrement pertinent dans les espaces ruraux, où les déplacements à pied ou à vélo sont difficiles voire impossibles, les rapporteurs spéciaux recommandent ainsi d’augmenter le nombre de bus pour répondre à la demande croissante. Toutefois, pour garantir leur efficacité, les trajets des bus doivent être complémentaires au réseau fixe, réguliers et prévisibles, afin que les usagers puissent les identifier et en bénéficier de manière régulière.

Par ailleurs, pour mieux répondre aux besoins des actifs, il serait également pertinent d’étendre les horaires d’ouverture des Maisons France Services, afin de faciliter l’accès aux services en dehors des heures de travail. Cela pourrait passer par une augmentation des recrutements pour soutenir cette évolution.

d.   Faire des Maisons France Services des lieux de vie

Les rapporteurs spéciaux ont pu identifier l’importance que revêtent les maisons France Services dans le maintien du lien social, des citoyens s’y aventurant y compris pour obtenir une aide ou une interaction humaine dans un contexte de dématérialisation accrue.

Cet aspect souvent déconsidéré mais pourtant indissociable du service public, invite à considérer une option maximaliste où les maisons France services évolueraient pour devenir de véritables pôles d’attraction pour les citoyens, contribuant ainsi à renforcer la cohésion sociale.

Dans les territoires ruraux marqués par une diminution des services et un vieillissement de la population, il est crucial de créer des espaces de rencontre pour renforcer les liens sociaux, notamment entre les générations. Les rapporteurs spéciaux invitent donc à prendre en compte lors la révision du cahier des charges des maisons France Services, des exigences en matière de scénographie des espaces France services pour qu’ils soient accueillants. À terme, des services complémentaires, tels que la mise à disposition de la presse, ainsi que des partenariats avec des tiers-lieux ou des espaces de coworking, pourraient être généralisés.

2.   Assurer un accueil de qualité, un prérequis pour assurer la qualité de l’offre France Services

a.   Améliorer la formation initiale des agents

Un cadre de formation national pour les agents France Services a été mis en place, marquant un progrès significatif par rapport aux MSAP.

Cette formation, pilotée par la Banque des Territoires en collaboration avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), vise à répondre aux besoins des agents. La Banque des Territoires finance l’intégralité de la formation pour les agents non territoriaux et la partie « métier » pour les agents territoriaux, tandis que le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) prend en charge les compétences propres aux agents territoriaux.

Cependant, cette formation initiale présente plusieurs limites. Elle est jugée trop dense et condensée, offrant peu de flexibilité pour s’adapter aux spécificités des différents territoires et aux profils variés des agents. La partie générale de la formation, d’une durée de deux jours et demi, est perçue comme trop théorique et peu utile pour les agents déjà formés à l’accueil du public, comme les agents MSA ou territoriaux. De plus, la formation « métier », assurée par les opérateurs, souffre de sa brièveté : chaque opérateur dispose d’un temps très limité pour former les agents sur ses missions spécifiques, ce qui ne permet pas d’aborder en profondeur les compétences nécessaires.

Pour améliorer cette formation, il serait souhaitable d’ajuster la partie générale pour mieux prendre en compte l’expérience des agents en accueil. Il est également crucial de revoir le format de la formation « métier », en allongeant sa durée et en répartissant le temps plus équitablement entre les opérateurs. Dans certains départements, comme le Nord, la préfecture a allongé la durée de la formation initiale à huit ou neuf jours, une initiative qui pourrait être généralisée sous la supervision de l’ANCT. Cet allongement devrait être scindé en plusieurs sessions afin d’éviter une surcharge d’informations et permettre aux agents d’assimiler progressivement les connaissances.

En parallèle, il serait pertinent de développer les immersions des agents dans les antennes locales des opérateurs, qui se sont révélées très enrichissantes. Ces immersions pourraient devenir un volet obligatoire de la formation initiale, offrant aux agents une expérience concrète de leurs futures missions.

b.   Poursuivre la formation continue des agents

La formation initiale ne peut être considérée comme suffisante pour garantir la compétence durable des agents France services. Avec l’évolution continue des procédures et des services des opérateurs, la formation continue est devenue un élément essentiel pour maintenir et actualiser les compétences des agents. Depuis 2020, cette formation continue est co-organisée par la Banque des Territoires et l’ANCT, qui planifient les sessions et diffusent les informations via des newsletters et invitations.

Néanmoins, ce cadre de formation continue s’avère déjà inadéquat pour répondre aux besoins des agents. Les formations se déroulent principalement sous forme de webinaires nationaux mensuels rassemblant plusieurs centaines d’agents, ce qui limite les échanges interactifs et ne tient pas compte des spécificités locales. De plus, certains opérateurs, comme la DGFiP, proposent des formations en dehors de ce cadre national, compliquant la coordination globale et augmentant la charge pour les agents, qui doivent jongler entre plusieurs offres de formation. Sans plages horaires réservées, les agents sont souvent contraints de suivre ces formations durant des périodes de faible affluence ou sur leur temps personnel, ce qui nuit à leur efficacité.

Pour remédier à ces insuffisances, il est recommandé de réorienter la formation continue vers des sessions en présentiel ou en visioconférence au niveau départemental. Ces sessions seraient mieux adaptées aux besoins locaux et permettraient aux préfectures et aux animateurs départementaux de l’ANCT de jouer un rôle plus actif dans la coordination du réseau. La priorité doit être donnée aux formations étroitement alignées sur les besoins quotidiens des agents, afin de garantir une plus grande pertinence et un meilleur suivi de la formation continue.

Enfin, pour garantir l’efficacité de ce dispositif, il est essentiel que les employeurs des agents France services accordent un temps spécifique à la formation continue dans leur emploi du temps. Cette adaptation du cadre de formation permettrait d’assurer un développement des compétences de manière continue et ciblée, mieux alignée avec la réalité du terrain.

c.   Une indispensable reconnaissance professionnelle des agents France services

Le métier d’agent France services requiert une combinaison de compétences en accueil, en médiation, et en accompagnement social, ainsi qu’une bonne maîtrise des procédures administratives des différents opérateurs. Le niveau d’expertise attendu des agents augmente, en raison de la diversité et de la complexité croissantes des demandes. Ce poste très polyvalent nécessite des profils bien formés et capables de répondre aux attentes variées des usagers.

Les rapporteurs spéciaux ont identifié un besoin de reconnaissance professionnelle de ces agents. Des pistes telles que la certification professionnelle et la validation des acquis de l’expérience méritent d’être explorées pour valoriser les compétences des agents et renforcer leur statut professionnel. Les associations d’élus, principales employeuses des agents, appellent en outre à la création d’un cadre national définissant le profil et les compétences des agents France services.

 La stabilité de l’emploi est également un enjeu majeur pour favoriser cette montée en compétences. En effet, un métier aussi technique et polyvalent ne peut reposer uniquement sur des contrats de courte durée, qui ne garantissent ni l’engagement des agents ni la qualité du service aux usagers.

Actuellement, la Charte nationale d’engagement des structures France services permet le recours ponctuel à des services civiques pour compléter les équipes. Cependant, ces jeunes volontaires ne peuvent remplacer les agents formés et expérimentés, qui assurent un accompagnement complet et de qualité.

Le Défenseur des droits soulignait déjà en 2018 que l’accompagnement des usagers devait être assuré en priorité par des agents qualifiés et appelés à occuper leur poste sur le long terme. Les rapporteurs spéciaux partagent cette analyse et insiste sur l’importance de limiter le recours aux contrats de courte durée ou aux services civiques.

d.   Mieux connaître les agents France services

Enfin, la diversité des statuts et des employeurs des agents, qui représentent environ 5 000 professionnels, complique le suivi et la gestion des ressources humaines au sein du réseau.

Ni l’ANCT ni les préfectures ne disposent d’une autorité hiérarchique directe sur ces agents, ce qui limite leur connaissance des statuts contractuels, de l’ancienneté et des besoins des agents.

Un effort accru pour centraliser ces données permettrait de mieux évaluer le réseau France services et d’accompagner les porteurs de projets dans la gestion prévisionnelle des emplois, renforçant ainsi l’efficacité du dispositif.

D.   Le renforcement de l’offre pour rÉpondre aux besoins des usagers

1.   Une première nécessité : assurer l’homogénéisation de l’offre socle dans l’ensemble des maisons France services

La montée en puissance du dispositif, impliquant une multiplication des interlocuteurs pour les opérateurs et une croissance des demandes a pu se traduire dans certains cas par un engagement moindre de certains partenaires.

Les associations d’élus ont fait part d’un certain nombre de difficultés locales, affirmant que l’une des principales inquiétudes remontant du terrain reste que l’engagement des opérateurs est faible.

La principale conséquence est celle d’une prise en charge plus longue et moins complète des usagers France services. Dans certains départements, les agents France services ont indiqué que la ligne directe avec certains opérateurs pour joindre les agents en back-office avait progressivement disparu. De même, les contacts par mail sont parfois épisodiques, faute d’agents dédiés au lien avec les maisons France services chez les opérateurs concernés.

L’investissement local des opérateurs est très variable selon les partenaires et les départements. Il est donc crucial de s’assurer du respect du cahier des charges.

2.   Un élargissement de l’offre socle de services qui ne saurait être envisagé que progressivement

Les opérateurs actuels sont partagés sur l’opportunité d’une poursuite de l’enrichissement de l’offre. Les rapporteurs spéciaux ont pu entendre qu’il serait préférable de stabiliser dans un premier temps le réseau France services.

Les opérateurs sont par ailleurs plus enclins à des élargissements connexes à leurs propres prestations ou à l’intégration dans le programme d’opérateurs pour lesquels les espaces France services prennent déjà en charge des prestations. La caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) souligne, par exemple, que tous les régimes de retraite ne sont pas adhérents à France services, à l’instar de l’Association générale institutions de retraite des cadres – Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC-ARCCO), la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

À moyen terme, les rapporteurs spéciaux estiment que de nombreux opérateurs nationaux devraient progressivement rejoindre le réseau France services. Des expérimentations menées, notamment avec la Banque de France pour les questions de surendettement et le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, ont donné des résultats encourageants et mériteraient d’être étendues.

Il est important de relever que certains opérateurs, comme la SNCF et EDF, présents dans les anciennes MSAP, ont choisi de ne pas intégrer France services en raison des contributions financières requises. Pourtant, leur présence au sein de ce réseau serait pertinente, notamment dans le cas de la SNCF, qui poursuit la dématérialisation de ses services de vente de billets.

De nombreux ministères n’ont pas encore pleinement saisi l’intérêt de s’impliquer dans le réseau France services. À terme, tous les ministères devraient être associés aux maisons France services, afin que celles-ci deviennent le guichet de premier niveau des services publics nationaux.

3.   Pour assurer l’adhésion et l’engagement des opérateurs, une indispensable anticipation des engagements financiers 

La révision en 2024 de la clé de répartition des contributions des opérateurs au Fonds national France services a permis d’aligner davantage leurs participations financières sur la fréquentation réelle des structures. Cependant, le modèle de financement de France services manque de perspectives à moyen terme, ce qui empêche les opérateurs d’anticiper leurs engagements financiers sur plusieurs années. Ce manque de visibilité dissuade potentiellement de nouveaux partenaires de rejoindre le programme. Il est donc essentiel de mettre en place un plan de financement pluriannuel pour les cinq prochaines années afin de renforcer la lisibilité de l’engagement financier requis.


—  1  —

 

III.   Une OFFRE d’ingÉnierie territoriale bien prÉsente, mais dont les financements sont trop dispersÉs et l’efficacitÉ pas suffisamment ÉVALUÉe

Conscients de l’importance de cette question pour les collectivités territoriales, les rapporteurs spéciaux ont examiné le soutien de l’État à l’offre d’ingénierie mise à leur disposition. Les collectivités, en particulier les petites communes qui manquent des ressources nécessaires pour organiser leurs propres services d’ingénierie, soulignent régulièrement les difficultés d’accès à un accompagnement en ingénierie. Sur la période récente, divers programmes ont été mis en place par différents acteurs sans que l’on dispose d’une vue d’ensemble sur l’offre à disposition des collectivités territoriales et les montants budgétaires impliqués.

Comme cela a été relevé lors des auditions menées par les rapporteurs, l’expression « ingénierie territoriale » n’a pas de définition juridique précise et ne figure pas explicitement dans les textes régissant les collectivités territoriales. Une exception limitée se trouve dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT), où l’article L. 4211-1, modifié par la loi NOTRe de 2015, mentionne la « mise en œuvre d’opérations d’ingénierie financière à vocation régionale ». Cette absence de cadre juridique laisse donc l’ingénierie territoriale sans définition officielle, malgré son importance croissante pour les collectivités.

Cependant, l’idée d’une ingénierie territoriale a été formalisée en 2003 sous la houlette du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT). Divers organismes ont ainsi contribué à définir cette notion de façon technique : le Comité des directeurs pour le développement urbain (CODIRDU) la décrit comme « l’ensemble des savoir-faire professionnels dont ont besoin les collectivités publiques et les acteurs locaux pour conduire le développement territorial ou l’aménagement durable des territoires… »

L’ingénierie publique couvre un large éventail d’expertises et de soutiens spécifiques, dont voici quelques exemples non exhaustifs : l’ingénierie de projet, qui assure une gouvernance politique et technique appropriée, apporte une méthodologie structurée et identifie les compétences nécessaires à la réalisation du projet ; l’ingénierie administrative, qui coordonne l’action des services de l’État et des opérateurs pour accompagner les projets ; l’ingénierie réglementaire et juridique, qui détermine les autorisations requises au regard de diverses réglementations (urbanisme, environnement, protection des espèces, etc.) ; et enfin, l’ingénierie financière, qui identifie les sources de financement potentielles.

A.   APRÈS LE DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT, L’OFFRE D’INGÉNIERIE TERRITORIALE REPOSE AUJOURD’HUI SUR UNE PLURALITÉ D’ACTEURS

Historiquement, les communes bénéficiaient de longue date de services assurés par l’État, pour la gestion courante de la voirie et l’assistance à leurs opérations de voirie et d’aménagement, sous le nom d’Aide technique à la gestion communale (ATGC). Ce dispositif a fonctionné jusqu’en 2001, lorsque l’Assistance technique fournie par l’État aux collectivités pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire (ATESAT) a remplacé l’ATGC.

Depuis le début des années 2000, l’État s’est désengagé de cette mission du fait de deux causes principales :

– le changement de régime juridique des prestations d’assistance technique a fait entrer l’ingénierie traditionnellement fournie par l’État dans le champ concurrentiel et les règles des marchés publics ;

– les réformes successives tendant à la rationalisation et à la réorganisation des services de l’État à partir de 2007 (la Révision générale des politiques publiques – RGPP) ont conduit l’État à abandonner, entre 2012 et 2016, les prestations de maîtrise d’œuvre, l’ATESAT et, par exemple, les missions de régulation des services publics d’eau potable et d’assainissement.

L’offre d’ingénierie territoriale s’est, en conséquence, recomposée et elle repose, désormais sur les collectivités territoriales et certains organismes privés. L’État propose également une offre d’ingénierie au travers de plusieurs organismes.

1.   Les collectivités territoriales ont, face au retrait de l’État, développé une offre d’ingénierie

Dans un contexte de désengagement de l’État, l’offre d’ingénierie publique s’est structurée principalement au niveau départemental (a), sans toutefois couvrir l’ensemble des besoins locaux (b) au risque d’entretenir des inégalités selon les territoires (c).

a.   L’offre d’ingénierie publique locale s’est structurée principalement au niveau départemental, avec d’autres acteurs territoriaux

Plusieurs acteurs territoriaux concourent à l’offre d’ingénierie publique locale.

Les conseils départementaux jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement des collectivités territoriales en offrant, via leurs agences techniques départementales, des services variés, gratuits ou payants, dans des domaines clés tels que l’aménagement, la voirie, l’eau, l’assainissement, l’entretien des milieux aquatiques, la prévention des inondations et l’habitat.

L’ingénierie est également soutenue par une diversité d’acteurs locaux, notamment les intercommunalités, les régions, les conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), les agences d’urbanisme et les centres de gestion.

b.   L’ingénierie publique locale n’est toutefois pas en capacité de répondre à tous les besoins des territoires

L’ingénierie publique locale se heurte à de nombreuses limites :

 les moyens humains et financiers sont contraints : ils sont insuffisants pour exercer les compétences des collectivités locales (urbanisme, environnement, aménagement, gestion de l’eau, aménagement numérique, voirie, entretien du patrimoine, etc.) ;

 l’ingénierie mise en œuvre répond essentiellement à des besoins ordinaires des collectivités locales et s’avère insuffisante pour des projets très spécialisés ou exceptionnels, ou dès lors que les besoins sont quantitativement très importants ;

 l’excès de normes et l’instabilité réglementaire complexifient les projets et alourdissent les coûts.

c.   La couverture technique est inégale suivant les territoires

De fortes inégalités en termes d’accompagnement des projets entre les territoires demeurent. Elles s’illustrent d’abord par les différences de budget entre les agences techniques départementales. En moyenne, les budgets s’établissent à 1,2 million d’euros. Mais dans le département de la Creuse, le budget de l’agence s’établissait, en 2020, à 193 000 euros, soit six fois moins que la moyenne nationale.

Ces inégalités s’illustrent également par la différence du nombre d’employés dans les agences. Ce nombre varie entre 2 salariés dans les Alpes-de-Haute-Provence et 82 dans le Bas-Rhin, avec une moyenne nationale de 20 salariés par agence.

2.   L’ingénierie privée constitue une solution d’appoint limitée

Selon la fédération professionnelle Syntec-Ingénierie, l’ingénierie privée concentre 80 580 établissements, qui comptent près de 315 000 collaborateurs, répartis entre le secteur de la construction (qui couvre les infrastructures, le bâtiment, l’environnement, la gestion de l’eau, la géotechnique) et celui de l’ingénierie industrielle (qui intervient dans les domaines de l’automobile, de l’énergie, de l’aéronautique, du ferroviaire…).

3.   L’État assure sa mission d’accompagnement des collectivités territoriales en matière d’ingénierie sous une nouvelle forme

La fin des missions d’ingénierie publique, la suppression de l’ATESAT et la restructuration des services de l’État n’ont pas pour autant entraîné la disparition totale des services déconcentrés de l’État dans les territoires.

L’État mobilise son ingénierie locale, à travers ses services déconcentrés et notamment des Directions départementales des territoires (et de la mer) (DDT ou DDTM), des Directions de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement (DEAL), ainsi que des architectes des bâtiments de France au sein des unités départementales de l’architecture et du patrimoine. L’État mobilise également les moyens techniques et financiers du Plan Urbanisme Construction Architecture (Puca) sur certaines actions (« Réinventons nos cœurs de ville », « Territoires Pilotes de sobriété foncière », le Forum des solutions…).

Les élus locaux ont régulièrement évoqué un véritable sentiment d’abandon face au désengagement progressif de l’État. Pour réaffirmer son rôle en matière d’ingénierie territoriale, l’État a choisi de remplir cette mission sous la forme d’agences dédiées.

L’Offre Étatique d’ingÉnierie territoriale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : commission des finances

B.   L’ANCT incarne l’ingénierie territoriale de l’état mais ses programmes, en plus de manquer de clarté budgétaire, n’atteignent pas pleinement les résultats espérés

1.   L’ANCT a vocation à apporter de l’ingénierie dans les territoires et elle met en œuvre, dans ce sens, plusieurs dispositifs

Créée le 1er janvier 2020 à la suite de la fusion du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), de l’Agence du numérique et de l’établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), l’ANCT est un établissement public qui a pour objectif de faciliter les projets portés par les collectivités, en déployant des dispositifs de l’État en faveur de la cohésion territoriale et en facilitant l’accès des petites collectivités à l’ingénierie.

La loi créant l’ANCT lui confie explicitement la mission de faciliter « l’accès des porteurs de projets aux différentes formes, publiques ou privées, d’ingénierie juridique, financière et technique, qu’elle recense » ([2]).

L’ANCT se concentre principalement sur ce qu’elle appelle « l’ingénierie en amont », intervenant dès les premières étapes de définition et de cadrage des projets. Elle soutient les collectivités dans les phases de diagnostic, d’élaboration des projets de territoire, d’accompagnement de projets thématiques (comme les études de faisabilité), ainsi que dans la concertation citoyenne et la recherche de financements.

Son action s’appuie sur plusieurs dispositifs : le pilotage de programmes nationaux, une offre d’ingénierie sur mesure, et, depuis 2024, une approche renforcée où les préfets de département, en tant que délégués territoriaux de l’ANCT, peuvent mobiliser un des trois lots régionaux du marché d’ingénierie pour répondre aux besoins des collectivités.

a.   Le pilotage des programmes nationaux

Les programmes nationaux, véritables vitrines de l’ANCT, incarnent sa nouvelle approche de la politique d’aménagement du territoire, visant à renforcer et simplifier le dialogue avec les collectivités. Ils fournissent un cadre, une méthode et une ingénierie pour les projets territoriaux portés par les collectivités.

L’ANCT intervient de diverses manières – comme concepteur, pilote, animateur, instructeur et coordinateur – dans des dispositifs multiples aux financements variés. Ces fonds proviennent de plusieurs missions budgétaires de l’État et de partenaires publics (tels que l’Agence nationale de l’habitat ou la Banque des territoires) ainsi que privés (Action Logement).

Plusieurs programmes nationaux soutiennent ainsi l’offre d’ingénierie de l’ANCT, mobilisant des budgets significatifs.

Les principaux programmes nationaux comportant un soutien en matière d’ingénierie pilotés par l’ANCT

 

Objectifs

Période

Territoires concernés

Financement total envisagé

Action Cœur de ville

Revitaliser les centres-villes

Une première phrase (2017-2023) prolongée jusqu’en 2026

245 communes

9,2 milliards d’euros (dont 5 milliards d’euros pour les cinq premières années)

Villages d’avenir

Renforcer les moyens en ingénierie, améliorer la qualité de vie des petites communes

2020-2026

2 458 communes

4,6 milliards d’euros prévus d’ici 2025

Petites villes de demain

Accompagner les plus petites communes dans la réalisation de leurs projets de développement.

2020-2026

1 600 communes

3 milliards d’euros

Territoires d’industrie

Soutenir les territoires en matière de reconquête industrielle

une première phrase (2018-2023) prolongée jusqu’en 2027

183 sites labellisés

2 milliards d’euros pour la première phrase du programme + 100 millions d’investissement annuel pour la deuxième phase

Source : commission des finances, à partir des réponses des administrations aux questions des rapporteurs spéciaux

b.   L’offre d’ingénierie sur mesure

Pour soutenir les collectivités dans la réalisation de leurs projets, l’agence a développé une offre d’ingénierie sur mesure, fondée sur un marché à bon de commande.

Cette offre est conçue pour être complémentaire aux services locaux existants et est adaptée à la complexité du projet ainsi qu’à la fragilité du territoire.

Elle couvre plusieurs domaines, incluant des interventions en amont telles que la définition du projet, les études de faisabilité et d’opportunité, ainsi que des actions dans des domaines variés comme le diagnostic territorial, l’accompagnement au pilotage de projets, le développement économique, la valorisation du patrimoine touristique, et la transition écologique et énergétique.

Elle permet également de répondre aux besoins spécifiques des collectivités, avec une prise en charge financière modulée, allant de 33 % à 100 %, selon la fragilité de la collectivité. L’instruction de ces projets est assurée par la délégation locale de l’ANCT.

c.   Depuis 2024, une démarche déconcentrée a vu le jour

Le 8 février 2023, après la remise du rapport d’évaluation de l’ANCT, les ministres Christophe Béchu et Dominique Faure ont annoncé la déconcentration du recours au marché d’ingénierie de l’Agence, qui prendra effet en 2024.

Depuis le 1er mars 2024, les préfets de départements, délégués territoriaux de l’ANCT, peuvent directement utiliser l’un des trois lots régionaux du marché d’ingénierie pour répondre aux besoins des collectivités que l’ingénierie locale ne peut satisfaire.

Ce dispositif complète deux autres mécanismes : le financement de l’ingénierie de transition écologique par le fonds vert déconcentré, et l’ingénierie sur mesure gérée par le niveau central de l’ANCT, notamment via les chargés de mission territoriaux.

Chaque délégué territorial dispose d’une enveloppe de 150 000 euros par département dans le cadre de l’ingénierie déconcentrée, représentant un total de 15 000 euros sur les 40 000 euros alloués par l’ANCT en 2024.

Parallèlement, des guichets uniques départementaux ont été créés pour centraliser les demandes locales d’ingénierie, orientant les collectivités vers les acteurs compétents, en priorité l’ingénierie locale, puis l’ANCT si nécessaire, qui peut faire appel à ses partenaires, tels que le CEREMA ou la Banque des Territoires.

2.   Bien que le budget dédié à l’ingénierie territoriale soit en hausse, sa répartition reste difficilement lisible

a.   Les crédits alloués à l’ingénierie territoriale dont bénéficie l’ANCT sont en hausse

L’ANCT bénéficie d’une subvention pour charge de service public provenant du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire du budget de l’État. Cette subvention connaît une croissance soutenue, à hauteur de 24,3 % sur la période 2020-2025, passant de 51, 6 millions d’euros en 2020 à un montant prévisionnel de 64,2 millions d’euros prévus pour 2025, après un pic de 81,4 millions d’euros en 2024.

Au sein de cette enveloppe, des crédits sont spécifiquement alloués à l’ingénierie territoriale et représentent une part significative de la subvention. Notamment, les crédits ont connu une première évolution à partir de 2021 où le montant a été doublé. En 2024, un doublement des crédits dédiés à l’ingénierie territoriale a de nouveau été demandé et obtenu.

Le pourcentage des crédits consacrés à l’ingénierie progresse régulièrement, passant de 19 % en 2020 à un niveau prévisionnel de 62 % en 2025, traduisant ainsi une volonté accrue de renforcer le soutien de l’État à l’offre d’ingénierie dans les territoires par le biais de l’ANCT.

Évolution des crÉdits alloués À l’ingÉnierie territoriale

(en millions d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

2025 (prévisionnel)

Subvention pour charge de service public

517

61

60,6

63,2

81,5

64,3

Enveloppe consacrée à l’ingénierie

10

20

20

20

40

40

Pourcentage dédiée à l’ingénierie dans le total des crédits abondés par la subvention pour charge de service public

19

33

33

32

49

62

Source : commission des finances d’après les documents budgétaires

b.   Un manque de clarté sur l’exécution des crédits d’ingénierie doit être constaté

La définition de l’enveloppe allouée à l’ingénierie territoriale par l’ANCT souffre d’un manque de clarté.

En premier lieu, la présentation de cette enveloppe est trompeuse. Elle est parfois décrite par l’ANCT comme spécifiquement dédiée à l’ingénierie sur mesure, et d’autres fois comme un « budget d’ingénierie destiné aux collectivités locales ». En réalité, elle couvre l’ensemble des dépenses d’ingénierie de l’agence, sans distinction claire de ses différentes composantes.

Les réponses de l’ANCT aux questionnaires des rapporteurs spéciaux diffèrent par ailleurs des informations fournies aux juridictions financières. Par exemple, l’ANCT a déclaré aux juridictions financières des montants de 5,9 millions d’euros pour l’ingénierie sur mesure en 2021 et de 6,7 millions d’euros en 2022. Cependant, dans ses réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux, dont les données figurent dans le tableau ci-dessous, elle indique des crédits de 14 millions d’euros pour 2021, dépassant de 5 millions l’enveloppe budgétaire de 20 millions d’euros fixée pour cette année, et de 8 millions d’euros pour 2022, dédiés à l’ingénierie territoriale.

La Cour des comptes, dans son rapport de février 2024 sur l’ANCT, souligne que l’ambiguïté autour des contours de l’ingénierie sur mesure est accentuée par l’absence de précision dans les tableaux de suivi produits par l’agence. Seul le système d’information comptable distingue clairement les crédits dédiés à l’ingénierie sur mesure de ceux consacrés à l’accompagnement ou à la mise en œuvre des dispositifs de l’État, ce qui entraîne des écarts entre les totaux des tableaux de suivi et ceux du système comptable.

rÉpartition des crÉdits alloués À l’ingÉnierie territoriale selon les diffÉrents dispositifs


(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les réponses de l’ANCT au questionnaire des rapporteurs spéciaux.

3.   L’efficacité de l’offre d’ingénierie territoriale de l’ANCT suscite des avis contrastés.

a.   Un indéniable soutien apporté aux collectivités

Depuis le 1er janvier 2020 jusqu’au 1er septembre 2024, l’ANCT et ses partenaires ont accompagné un total de 2 052 projets. Parmi ces projets, la majorité est liée à l’élaboration des contrats de relance et de transition écologique (29,04 %), à la contribution à un projet de territoire (19,86 %) et à des projets de revitalisation commerciale ou artisanale (9,1 %).

Les communes constituent la première catégorie de collectivités accompagnées, représentant 59,5 % des projets soutenus par l’Agence depuis sa création. En 2024, cette proportion atteint 81,6 %. Les collectivités de moins de 3 500 habitants représentent 76 % des projets accompagnés en 2024.

b.   Les programmes nationaux suscitent des appréciations divergentes quant à leur efficacité

Les programmes nationaux de soutien aux territoires rencontrent des niveaux de satisfaction variables.

Le programme Action Cœur de Ville présente un bilan globalement favorable, avec une réduction de la vacance commerciale dans les communes participantes depuis 2020, bien qu’une légère hausse ait été observée en 2023.

Au contraire, le programme Villages d’Avenir fait l’objet de diverses critiques. Bien qu’il adopte une approche ascendante, il est parfois perçu comme peu adapté aux besoins particuliers des collectivités locales. De plus, les acteurs locaux pointent un manque de qualification et d’expérience des chefs de projet, ce qui nuirait à l’efficacité du programme. Par ailleurs, la fonction du chef de projet, qui doit à la fois représenter l’État et instaurer la confiance des élus locaux, s’avère difficile à équilibrer.

L’absence d’une enveloppe financière spécifiquement dédiée au programme Villages d’Avenir pour le financement des projets pourrait entraîner une déception si la mobilisation des financeurs lors de la phase de mise en œuvre des projets ne répond pas aux attentes. Les élus déplorent également que l’enveloppe actuelle ne permette pas de mobiliser des ressources financières durables, ce qui constitue un frein à la réalisation de projets ambitieux en matière d’habitat et de revitalisation des centres-villes.

Les dispositifs d’ingénierie manquent également de concertation avec les collectivités, et la durée d’accompagnement de 12 à 18 mois est perçue comme insuffisante pour des projets de grande envergure.

Enfin, le programme Petites Villes de Demain fait face à des critiques similaires. Les élus déplorent l’absence de financements dédiés, l’insuffisance des dotations spécifiques (DETR, DSIL) et la complexité des démarches administratives, notamment pour obtenir des financements européens. La multiplicité des acteurs impliqués (comme le Cerema) génère aussi de la confusion, rendant l’accès à une ingénierie cohérente difficile pour les collectivités.

critiques des acteurs locaux sur les programmes nationaux pilotés par l’ANCT

Programme

Critiques principales

Villages d’Avenir

- Approche perçue comme inadaptée aux besoins spécifiques des collectivités locales.

- Envoi de chefs de projet manquant d’expertise, créant une déception dans les territoires.

- Absence d’enveloppe financière dédiée, générant un risque de désillusion si les financements ne sont pas mobilisés en phase de concrétisation.

- Manque de concertation avec les collectivités locales sur les dispositifs d’ingénierie.

- Durée d’accompagnement jugée trop courte (12 à 18 mois) pour des projets complexes.

- Difficulté pour le chef de projet de trouver un équilibre entre représentation de l’État et écoute des élus locaux.

Petites Villes de Demain

- Absence de financements dédiés pour les projets, limitant les investissements en habitat et revitalisation des centres-villes.

- Insuffisance des dotations spécifiques (DETR, DSIL) et manque de visibilité pluriannuelle, rendant difficile la planification à long terme.

- Ingénierie souvent perçue comme standardisée, mal adaptée aux spécificités locales, nécessitant un suivi intensif par des services d’État déjà sollicités.

- Multiplicité des acteurs (Cerema, EPFL) créant de la confusion et rendant l’accès à une ingénierie cohérente difficile.

- Complexité administrative, notamment pour l’obtention de financements européens, surchargeant les petites communes et leurs équipes.

- Tension entre les ambitions du programme et les contraintes réglementaires (ex. ZAN).

Source : commission des finances, d’après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux.

Au total, les programmes nationaux, bien qu’accompagnés d’une communication significative, sont souvent perçus comme une vitrine, sans réel impact structurel pour les territoires par les acteurs locaux.

c.   Le dispositif d’ingénierie sur mesure est bien accueilli mais n’est pas exempt d’un risque de standardisation des actions et d’un manque d’adaptabilité

Pour bénéficier du dispositif d’ingénierie sur mesure de l’ANCT, les collectivités doivent adresser leur demande au préfet de département. L’instruction est assurée par les services de l’État, qui saisissent dans un second temps le chargé de mission régional de l’ANCT. Celui-ci en vérifie l’opportunité et l’absence de solution locale selon un principe de subsidiarité du dispositif puis propose une réponse.

L’aide peut ainsi être apportée sous plusieurs formes : par une subvention directe, par la mobilisation des partenaires de l’ANCT, par la mobilisation d’un prestataire externe, ou plus rarement par le recours à l’expertise interne de l’ANCT. Pour l’année 2024, 356 projets ont fait l’objet d’un accompagnement.

Au total, l’ANCT a accompagné, au 15 juin 2024, avec ses partenaires, 1 847 projets depuis sa création, incluant 329 appuis à l’élaboration ou contribution à un projet de territoire, 208 appuis au montage, pilotage d’un projet ou opération, 198 accompagnements numériques sur mesure, 153 projets de mobilités, et l’appui à l’élaboration de 383 contrats de relance et de transition écologique.

Typologie des prestations rÉALISÉes dans le cadre de l’ingÉnierie sur mesure

Source : commission des finances, d’après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux.

L’accompagnement de l’ANCT par le biais de prestations externes présente néanmoins certains inconvénients, notamment le risque de standardisation des interventions. Les collectivités bénéficiaires soulignent parfois que les consultants externes, bien que mobilisables rapidement grâce à un accord-cadre, ne maîtrisent pas toujours les spécificités locales. Cela peut conduire à des solutions génériques, qui répondent partiellement aux enjeux particuliers des territoires. Par ailleurs, ce recours fréquent à des prestataires externes exige une coordination étroite, imposant aux services déconcentrés de l’État, tels que les préfets et leurs équipes, une charge supplémentaire de pilotage et de suivi régulier, parfois difficile à assumer dans les territoires les plus vastes ou les plus sollicités.

En outre, la forte dépendance à l’égard des partenaires institutionnels, comme le Cerema, limite parfois la souplesse et l’efficacité des interventions de l’ANCT. Bien que les prestations de cet organisme soient partiellement subventionnées, elles restent conditionnées à une durée d’intervention restreinte. Les cinq jours initiaux, pris en charge par l’ANCT, peuvent s’avérer insuffisants pour traiter les dossiers les plus complexes, forçant les collectivités à cofinancer des interventions prolongées. Cette contrainte financière peut dissuader certaines collectivités, en particulier les plus petites, de solliciter ces services, créant ainsi une inégalité d’accès à l’ingénierie territoriale selon les moyens disponibles.

Enfin, le dispositif d’accompagnement en ingénierie sur mesure dépend largement de l’activité des services déconcentrés de l’État dont l’implication varie fortement d’un territoire à l’autre, selon la disponibilité des responsables ou leur adhésion à la démarche.

C.   D’autres opÉrateurs concourent Également À l’offre d’ingÉnierie

1.   Le Cerema constitue un organisme de référence en matière d’ingénierie territoriale mais sa situation financière est préoccupante

a.   Un organisme de référence offrant un service d’ingénierie directement assuré par l’opérateur

Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) est l’organisme de référence en matière d’expertise et d’ingénierie publique. Il intervient aux côtés de l’État, des collectivités territoriales et des entreprises pour les aider à élaborer des stratégies d’aménagement durable et à mettre en place des solutions de mobilité en phase avec les enjeux écologiques actuels.

L’action du Cerema repose sur un large réseau de 1 500 ingénieurs et 700 techniciens, répartis sur 27 implantations en métropole et en Outre-Mer. L’établissement met à profit cette expertise pour mener à bien des projets d’ingénierie dans de nombreux domaines, notamment les transitions énergétiques, les aménagements urbains et ruraux, et la gestion des risques environnementaux.

Cette mission de soutien général à l’ingénierie, cœur de son activité, représente la majorité de son budget. Contrairement à d’autres établissements, le Cerema assure directement les missions d’ingénierie.

En 2023, le Cerema a connu une évolution significative de son statut grâce à la loi 3DS, qui permet aux collectivités territoriales d’adhérer à l’établissement. Cette possibilité a conduit plus de 930 collectivités à rejoindre le Cerema, et ce nombre continue de croître, leur permettant ainsi de bénéficier de prestations sur mesure adaptées à leurs besoins spécifiques.

b.   La situation financière du Cerema est préoccupante et plaide pour un rehaussement de sa subvention pour charge de service public

Le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une subvention pour charge de service public de 193,6 millions d’euros pour le Cerema, en baisse par rapport à 197,9 millions d’euros en 2024 et 189 millions d’euros en 2023. Cette diminution s’inscrit dans une tendance plus large de réduction de la subvention depuis 2014, année où celle-ci atteignait 228,8 millions d’euros, soit une diminution de 15,4 %.

Le Cerema est le seul dans son champ ministériel à subir une telle réduction, malgré une restructuration importante au cours du précédent quinquennat, ayant conduit à une réduction de 22 % de ses effectifs et de 6 % de sa dotation.

Évolution de la subvention pour charge de service public
du cerema


Source : commission des finances, d’après les documents budgétaires.

Toutefois, la réduction continue de sa dotation, pour atteindre moins de 190 millions d’euros en 2025 après mise en réserve, représente un défi majeur pour l’établissement, d’autant que les crédits alloués au personnel, estimés à 233 millions d’euros, dépassent désormais la subvention pour charge de service public. Cette situation génère un déséquilibre financier, qui pourrait compromettre la capacité du Cerema à remplir ses missions essentielles de soutien et à moderniser ses équipements, notamment face à la hausse des coûts liés au personnel.

L’augmentation des recettes propres du Cerema ne suffira pas à compenser les besoins pour 2025. L’établissement devra probablement puiser dans sa trésorerie, alimentée par les subventions destinées au programme de rénovation des ponts pour les collectivités, afin de poursuivre ses activités.

Les rapporteurs spéciaux, conscients de l’importance du Cerema pour les collectivités territoriales et de la vitalité de ses missions, se montreront particulièrement attentifs à l’évolution de sa situation financière.

2.   La Banque des territoires délivre un soutien à l’ingénierie locale parfois méconnue

D’existence récente, tout comme l’ANCT, la Banque des territoires, créée en 2018, se présente comme l’un des cinq métiers de la Caisse des dépôts.

Au-delà de son offre traditionnelle en prêts et en investissement, la Banque des territoires développe des interventions en ingénierie, pour aider les élus à passer des idées aux projets. Elles sont de deux types : un service d’ingénierie territoriale (a) et une aide à l’ingénierie dans le cadre des programmes nationaux (b).

a.   Le service d’ingénierie territoriale

Ce service cible les territoires en difficulté ou à enjeux, tels que les bassins miniers, les littoraux, la montagne, les territoires ruraux ou les Outre-mer. La Banque des territoires finance les études amont à hauteur de 100 % avec des cabinets présélectionnés ou cofinance à 50 % si le cabinet est choisi par la collectivité (jusqu’à 80 % en Outre-mer).

Les projets financés concernent des domaines variés : stratégie territoriale, développement rural, tourisme, aménagement, recherche de fonds européens, santé, économie, énergie, transition écologique, etc.

En fin d’année 2021, 330 appuis en ingénierie ont bénéficié à 309 collectivités différentes (dont 109 communes de moins de 20 000 habitants et 59 EPCI de moins de 50 000 habitants).

Les collectivités de moins de 10 000 habitants reçoivent un accompagnement gratuit, « Territoires Conseils », qui inclut des services juridiques, des guides pédagogiques, des conférences et un soutien méthodologique.

Ce service est doté d’un budget annuel de 10 millions d’euros, complété par 30 millions d’euros annuels pendant 5 ans pour l’ingénierie du plan de relance.

b.   La participation aux programmes nationaux

La Banque des Territoires participe également aux programmes nationaux impulsés par le gouvernement.

Participation de la banque des territoires
aux programmes nationaux pilotés par l’ANCT

Programme

Engagements de la Banque des Territoires

Montants Investis / Prêts

Détails des Investissements / Aides

Petites Villes de Demain

Mobilisation de 205 millions d’euros pour l’ingénierie territoriale et le financement de projets.

950 millions d’euros de prêts accordés pour plus de 650 opérations.

115 millions d’euros investis en fonds propres dans 63 projets.

Action Cœur de Ville - Phase 1 (2018)

Mobilisation de 2,5 milliards d’euros depuis 2018 pour le programme ACV.

86 millions d’euros en subventions pour l’ingénierie des collectivités locales.

543 millions d’euros investis en fonds propres dans des projets privés et mixtes.

2,1 milliards d’euros investis en fonds propres dans des opérations de logements via CDC Habitat.

1,546 milliard d’euros de prêts sur fonds d’épargne aux collectivités et acteurs privés.

Action Cœur de Ville - Phase 2 (2023-2026)

Mobilisation de 2,5 milliards d’euros pour le programme ACV2, dont 1,2 milliard d’euros via CDC Habitat.

11 millions d’euros en subventions pour l’ingénierie des collectivités locales.

162 millions d’euros investis en fonds propres dans des projets privés et mixtes.

505 millions d’euros investis en fonds propres dans des opérations de logements (construction et réhabilitation) via CDC Habitat.

642 millions d’euros de prêts sur fonds d’épargne aux collectivités et acteurs privés.

Source : commission des finances, d’après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux.

3.   L’ADEME soutient l’ingénierie de projet et participe également aux programmes de l’ANCT

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) est un établissement public français placé sous la tutelle du ministère de la Transition énergétique. Elle est chargée de promouvoir la transition énergétique, la gestion des ressources, la réduction des déchets, et la préservation de l’environnement. Contrairement au Cerema, qui se concentre principalement sur des missions d’ingénierie au service de l’État et des collectivités, l’ADEME se distingue par son soutien financier aux investissements liés à la transition écologique. L’agence intervient en apportant un soutien technique et financier, notamment pour les projets d’investissement des collectivités locales en matière de transition écologique.

L’ADEME soutient également l’ingénierie de projet en finançant des études préalables, des schémas directeurs, ainsi que des analyses de faisabilité, avec une prise en charge pouvant atteindre 70 % des coûts.

L’ADEME joue un rôle clé dans les programmes territoriaux d’appui de l’ANCT, tels qu’Action cœur de Ville, Petites Villes de Demain et Territoires d’industrie. Une convention signée entre l’ADEME et l’ANCT définit les modalités de participation de l’ADEME au financement et à la mise en œuvre d’actions dans les territoires accompagnés par l’ANCT. L’agence apporte son expertise en matière de transition énergétique, permettant aux projets territoriaux de se déployer efficacement à l’échelle locale. Elle participe ainsi à la conception, et parfois à la signature, de ces programmes nationaux territorialisés.

Depuis le lancement de ces programmes territoriaux, l’ADEME a mobilisé environ 408 millions d’euros pour soutenir les territoires impliqués dans Action cœur de Ville et 319 millions d’euros pour Petites Villes de Demain. Ces financements ont principalement porté sur le Fonds Chaleur et le Fonds Économie Circulaire, les deux principaux programmes budgétaires de l’ADEME. La répartition régionale de ces crédits permet de soutenir les projets selon les spécificités territoriales et les priorités locales.

D.   Des crÉdits abondants mais peu lisibles et une culture de l’Évaluation à renforcer

1.   Des crédits abondants mais au risque de leur dispersion

L’effort consacré à l’offre d’ingénierie territoriale est indéniablement important. Sur la période 2018-2026, une estimation prudente, qui ne prend pas en compte l’action d’acteurs tels que l’ANRU ou l’ADEME, évalue à 25 milliards d’euros le soutien total de l’État.

Ce montant significatif contraste fortement avec le ressenti des acteurs locaux. Ces derniers expriment régulièrement l’impression d’être laissés pour compte par l’État, pointant une dispersion des crédits et une difficulté à percevoir l’impact concret des dispositifs nationaux sur le terrain.

montant financier alloué aux prestations d’ingÉnierie des diffÉrents acteurs Étatiques sur la pÉriode 2018-2026

Activités d’ingénierie

Programmes

Financement total envisagé sur la période 2018-2026

Programmes nationaux pilotés par l’ANCT

Action Cœur de ville

9,2 milliards d’euros (5 milliards d’euros pour les cinq premières années)

Villages d’avenir

4,6 milliards d’euros prévus d’ici 2025

Petites villes de demain

3 milliards d’euros

Territoires d’industrie

2 milliards d’euros pour la première phrase du programme + 100 millions d’investissement annuel pour la deuxième phase

Prestations d’ingénierie du Cerema

Fonctionnement entièrement tourné vers l’aide à l’ingénierie

280 millions par an

Prestations d’ingénierie de l’ANCT

Ingénierie sur mesure

6 millions par an en moyenne

Prestations en propre de la Banque des territoires

Service d’ingénierie territoriale

10 millions par an

Source : commission des finances, d’après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux.

2.   Une faible lisibilité des crédits

La dispersion des crédits à travers de multiples programmes entraîne une perte de lisibilité de l’information financière. Le fait que l’ANCT soit responsable de certains programmes sans que les fonds ne passent directement par son budget complique la traçabilité des dépenses et le suivi de l’exécution des crédits.

De manière générale, le budget de l’État ne présente pas de vision consolidée des dépenses associées à chaque dispositif dans les annexes budgétaires. Le document de politique transversale « aménagement du territoire », par exemple, se limite à une présentation par programme budgétaire, uniquement sur une base annuelle.

Pour garantir la transparence de l’action publique et optimiser la gestion des programmes, il apparaît pertinent de créer une synthèse financière détaillée, régulièrement communiquée aux autorités de tutelle et aux assemblées, et accessible au public. La mise à jour du document de politique transversale « aménagement du territoire », intégrant la contribution de chaque programme et opérateur, la répartition des fonds et un rappel des réalisations passées, pourrait constituer un premier pas vers une meilleure lisibilité et gestion des crédits. Par ailleurs, un document de politique transversale spécifiquement dédié aux crédits d’ingénierie territoriale représenterait une autre solution pour renforcer la clarté et la cohérence de l’information financière.

3.   Une culture de l’évaluation à renforcer et des ajustements à apporter pour favoriser la lisibilité de l’offre pour les acteurs locaux

La dispersion des crédits nuit à la lisibilité financière et complique l’évaluation de l’efficacité des programmes. L’efficacité relative des dispositifs actuels souligne l’importance de privilégier la pérennité des programmes performants et intégrés, tels que celui proposé par le Cerema.

Il est également essentiel de renforcer la visibilité de l’offre pour les acteurs locaux.

Le rôle central du préfet de département, en tant que délégué territorial de l’ANCT et coordonnateur de ses délégués territoriaux adjoints, a été consolidé comme point d’entrée commun pour les élus locaux confrontés à un déficit d’ingénierie. Dans cette optique, la circulaire du 28 décembre 2023 a réaffirmé l’instauration d’un guichet unique dans chaque préfecture de département afin de faciliter l’accès aux dispositifs d’accompagnement. Toutefois, les retours des acteurs locaux rencontrés par les rapporteurs spéciaux font, pour l’heure, état d’un manque de visibilité et soulignent des difficultés d’accès, liées à une gestion laissée à la discrétion des autorités administratives, elles-mêmes confrontées à un manque de personnel qualifié.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

 

Au cours de sa réunion du 4 novembre 2024, la commission des finances a examiné les crédits de la mission Cohésion des territoires.

La vidéo de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Après avoir examiné les amendements de crédits et adopté 74 d’entre eux, la commission n’a pas adopté les crédits de la mission Cohésion des territoires ainsi modifiés.

La commission a ensuite adopté 6 amendements portant articles additionnels rattachés.

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Mme Sophie Mette, rapporteure spéciale (Aménagement des territoires). Nous avons le plaisir, M. Baumel et moi-même, d’inaugurer la première édition du rapport spécial consacré à l’ensemble de la politique de l’aménagement des territoires, à laquelle sont consacrés près de 10,5 milliards en autorisations d’engagement et de 8,3 milliards en crédits de paiement. Bien que nous soyons attentifs à l’enveloppe globale et à son évolution, nous avons jugé plus pertinent de concentrer nos travaux sur deux enjeux transversaux qui suscitent de fortes attentes de la part de nos concitoyens : l’accès à l’ingénierie territoriale pour les collectivités et le développement des maisons France Services.

Je laisserai à mon collègue le soin de développer cette question des maisons France Services. Je partage son constat : le socle est prometteur, ce dispositif est d’une importance cruciale dans la vie quotidienne des populations et mérite d’être pérennisé et approfondi.

Un constat différent s’impose pour ce qui concerne l’ingénierie territoriale. Les crédits qui lui sont affectés se caractérisent en premier lieu par leur illisibilité. Ils transitent par divers canaux budgétaires, dont la majorité est gérée par l’Agence nationale de la cohésion des territoires, et il est très difficile d’en obtenir une vision complète. L’information disponible est lacunaire, parfois contradictoire et aucun document budgétaire ne retrace de façon détaillée ces crédits et leur exécution.

Sur le terrain, les acteurs locaux rencontrent la même difficulté. En dépit de la promesse d’un guichet unique, ils ne savent pas toujours vers quelles instances se tourner pour obtenir de l’aide. Bien souvent, ce sont les communes, les départements ou les régions qui prennent le relais, et ce avec des moyens inégaux qui accentuent les inégalités territoriales.

Les programmes tels que Petites Villes de demain, Action cœur de ville et Territoires d’industrie bénéficient d’une large publicité – une part significative des crédits est d’ailleurs consacrée à la communication. Cependant, il est souvent difficile d’évaluer l’efficacité réelle des crédits alloués à l’ingénierie territoriale. Ainsi, l’embauche d’un chef de projet peut être financée sans que l’on sache si ledit projet est réellement mené à terme.

Nous porterons donc une attention particulière à l’examen de l’exécution de ces crédits, y compris dans le cadre du Printemps de l’évaluation, afin de garantir que l’offre proposée par les différents acteurs soit cohérente, efficace sur le plan budgétaire et adaptée aux besoins des territoires.

M. Laurent Baumel, rapporteur spécial (Aménagement des territoires). Je partage le constat d’une offre d’ingénierie territoriale encore trop opaque et dont l’efficacité mérite d’être rigoureusement évaluée.

J’en viens au dispositif des maisons France Services, qui répond à un enjeu majeur : l’accès aux services publics et le maintien du lien social. Dans ma circonscription, dont la diversité des paysages – ruraux, périurbains et urbains – reflète celle de la France, j’ai pu constater la nécessité des MFS pour aider les usagers dans leurs démarches administratives. Le contexte de la dématérialisation croissante accentue la vulnérabilité de certains de nos concitoyens, pour des raisons multiples – générationnelles, éducatives, financières. En outre, ces espaces assurent très souvent, pour les populations les plus isolées, une fonction de maintien du lien social. Cet aspect, parfois négligé, est indissociable du service public.

L’État a su donner une première impulsion pour renforcer le maillage des maisons France Services. Entre 2020 et 2025, les crédits ont augmenté de 73 %, ce qui a permis de porter leur nombre à 2 700. Nous nous félicitons de la pérennisation du dispositif au sein du programme 112. Bien que l’ensemble des crédits du programme soit orienté à la baisse, ceux spécifiquement alloués aux MFS sont stables. J’insiste néanmoins sur l’importance de maintenir une ambition forte : si le socle de cette politique semble prometteur, il est crucial de le consolider et de ne pas sous-estimer les défis qui persistent.

Ainsi, il faut souligner l’existence d’un reste à charge significatif pour les porteurs de projet, qui sont souvent les collectivités locales. La Cour des comptes évalue le coût moyen d’une MFS à 120 000 euros. Pourtant, le soutien cumulé de l’État et des opérateurs ne dépasse pas 35 000 euros, ce qui laisse une lourde charge aux collectivités.

Il serait aussi pertinent d’accroître la notoriété de ces espaces, en renforçant les démarches d’aller-vers et en orientant systématiquement vers la maison France Services la plus proche lors de la consultation numérique d’un service public.

Enfin, il est essentiel de renforcer les moyens humains pour garantir l’ouverture des espaces à tous, notamment aux actifs, tout en veillant à la qualité de l’accueil. À ce titre, la formation des conseillers qui assurent l’interface avec le public est primordiale. Des ressources dédiées pour développer des compétences en matière d’accueil des usagers sont nécessaires. Nous proposerons ainsi d’augmenter les crédits alloués à ce dispositif et de renforcer les indicateurs qui permettent d’en évaluer l’efficacité.

Le sort réservé à nos amendements déterminera notre vote sur le budget de la mission.

Amendement II-CF2793 de Mme Danielle Simonnet, amendements identiques II-CF3036 de Mme Sophie Mette, II-CF2051 de M. Mickaël Bouloux et II-CF2824 de M. David Amiel, amendements II-CF3037 et II-CF3038 de Mme Sophie Mette (discussion commune)

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il est essentiel de défendre les tiers-lieux, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et les territoires ruraux. Ils sont accompagnés, je le rappelle, par les programmes Fabriques de territoire et Manufactures de proximité. Il importe de soutenir financièrement l’association nationale, mais aussi les structures régionales et les actions transversales qui appuient le développement des tiers-lieux et contribuent à leur professionnalisation.

Les tiers-lieux répondent à des besoins locaux et conçoivent leurs projets avec les habitants. Dans les tours comme dans les bourgs, ils sont un vecteur de lien social, de culture, d’éducation populaire, de citoyenneté et de développement économique. J’ai conscience que le budget de 20 millions que je propose ne pourra probablement pas leur être alloué, bien qu’il soit nécessaire pour assurer un maillage de tiers-lieux sur l’ensemble du territoire. Je retire donc mon amendement au profit du II-CF2051, plus raisonnable, qui permettra au moins de maintenir en vie les tiers-lieux et de mener à bien les projets en cours.

Mme Sophie Mette, rapporteure spéciale (Aménagement des territoires). Nous souhaitons restaurer les crédits alloués aux tiers-lieux, qui jouent un rôle essentiel dans la dynamique des territoires, le développement des compétences locales, la transition écologique et la relocalisation des activités industrielles. Ils ont permis de former 400 000 personnes et ont mobilisé 500 000 adhérents et bénévoles – c’est dire leur impact positif sur le développement local. Ils sont particulièrement précieux dans les zones moins bien desservies et défavorisées, où ils contribuent à réduire les inégalités territoriales et favorisent l’inclusion sociale. Il est impératif de maintenir un financement adéquat pour assurer leur développement et préserver leur rôle essentiel dans la cohésion territoriale et la transition écologique.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Mon amendement a été signé par les représentants de sept groupes parlementaires, et l’amendement identique de M. Amiel est également signé par plusieurs groupes. J’espère qu’ils recueilleront un large consensus.

M. David Amiel (EPR). Nous avions voté, dans le précédent PLF, un amendement visant à soutenir les manufactures de proximité qui œuvrent à la réindustrialisation, au réemploi et à l’économie circulaire. La disposition avait été reprise dans le texte du Gouvernement. Les présents amendements ont été travaillés de façon concertée entre les groupes, signe de notre attachement à ces acteurs de la réindustrialisation verte partout sur le territoire.

L’amendement II-CF2793 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements II-CF3037 et II-CF3038 tombent.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote des rapporteurs spéciaux.

M. François Jolivet, rapporteur spécial. Je comprends que le NFP ait fait adopter beaucoup d’amendements pour marquer sa volonté politique –  je note son appétence pour le logement et l’hébergement d’urgence. L’addition s’élevant à plusieurs dizaines de milliards d’euros, je suis contraint d’émettre un avis défavorable aux crédits et de voter, à mon grand regret, contre ma mission.

M. David Guiraud, rapporteur spécial. Nous avions commencé la discussion en expliquant qu’il y avait une rupture d’égalité et de confiance entre les élus, les collectivités territoriales et l’État, ainsi qu’entre les habitants et l’État. Les amendements adoptés ce soir ont permis d’augmenter la dotation de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Les maisons France Services, qui ne sont pas sans défaut, ont été revalorisées. Plusieurs mesures vont dans le bon sens, notamment s’agissant des tiers-lieux, qui ont prouvé leur efficacité et leur utilité sociales, ou de la politique de la ville, qui retrouve un engagement financier à la hauteur de ses besoins. En revenant sur la baisse des dotations de l’Anru, nous redonnons du crédit à la parole de l’État. Le dispositif Cités éducatives est conservé. Les outre-mer ne sont pas oubliés avec l’augmentation des moyens de lutte contre les sargasses et le chlordécone. J’appelle à voter pour ces crédits.

M. Laurent Baumel, rapporteur spécial. Si le point de départ pouvait laisser à désirer et que des imperfections demeurent, nos corrections permettent de donner du sens et un niveau acceptable à notre politique de cohésion territoriale.

Mme Sophie Mette, rapporteure spéciale. Même si nous sommes tous concernés par cette mission et qu’elle recouvre des sujets auxquels nous sommes très attachés, force est de constater une dérive de plus de 10 milliards d’euros des crédits, que nous ne pourrons malheureusement pas adopter.

Article 45 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-CF3013 de M. Laurent Baumel

Mme Sophie Mette, rapporteure spéciale. Il s’agit de créer un nouvel indicateur de performance qui permettrait d’évaluer la part du financement des maisons France Services supporté par les porteurs de projets, notamment les collectivités locales. Un tel indicateur est essentiel pour mieux comprendre l’équilibre financier de ces structures et, le cas échéant, pour ajuster le soutien de l’État en fonction des besoins réels des territoires. De fait, la charge moyenne de 120 000 euros par structure pèse lourdement sur les collectivités, particulièrement dans les territoires ruraux ou financièrement fragiles. Près de 70 % des élus consultés par M. Baumel estiment que le forfait actuellement prévu par l’État est insuffisant, voire très insuffisant et l’Inspection générale de l’administration (IGA) a mis en évidence l’inégalité de la charge selon les territoires.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF3039 de M. Laurent Baumel

Mme Sophie Mette, rapporteure spéciale. Nous proposons de créer un document de politique transversale présentant une vue d’ensemble des crédits consacrés à l’ingénierie territoriale. Cela permettrait d’améliorer la lisibilité de ces derniers, d’accroître la transparence, de faciliter l’accès aux ressources et d’optimiser leur utilisation par les collectivités locales.

Les crédits consacrés à l’ingénierie territoriale sont difficiles à suivre, car ils transitent par plusieurs canaux budgétaires. L’absence de vision globale complique tant l’évaluation de cette politique par les parlementaires que la gestion des fonds par les acteurs locaux.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CF3014 de M. Laurent Baumel

Mme Sophie Mette, rapporteure spéciale. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport évaluant l’offre d’ingénierie territoriale mise à disposition des collectivités. Ce rapport nous paraît essentiel afin de renforcer la transparence et d’optimiser l’allocation des ressources dans un domaine crucial pour le développement des territoires. Les crédits alloués à l’ingénierie territoriale sont actuellement dispersés dans plusieurs programmes, ce qui empêche une évaluation globale et précise des ressources. En l’absence d’un document budgétaire transversal, la représentation nationale ne peut pas non plus évaluer l’efficacité de l’exécution de ces fonds.

La commission adopte l’amendement.


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LES RAPPORTEURS spÉciaux

 

Ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation :

-         Mme Catherine Vautrin, Ministre ;

-         M. Martin Bonne, conseiller spécial en charge des relations avec les élus ;

-         Mme Delphine Besson, conseillère parlementaire ;

-         M. Alexandre SANZ, sous-directeur de la cohésion et de l’aménagement du territoire.

Banque des territoires :

-         M. Michel-François Delannoy, responsable du pilotage des programmes nationaux ;

-         M. François Blouvac, responsable Éducation, inclusion numérique et services au public ;

-         M. Alexis Nau, chargé des relations institutionnelles.

Association nationale des pôles territoriaux et des pays :

-         M. Michaël Restier, directeur de l’ANPP.

Agence nationale de cohésion des territoires :

        M. Stanislas BOURRON, directeur général de l’ANCT ;

        M. Guillaume Clédière, directeur du programme France Services.

ADEME :

        Mme Patricia Blanc, directrice générale déléguée.

CEREMA :

        M. Pascal Berteaud, directeur général du Cerema.

Audition commune

Département de France :

-         M. Bruno Faure, président du département du Cantal ;

-         M. Philippe Herscu, directeur délégué ;

-         M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement.

Intercommunalités de France :

-         M. Jacques Chabot, président de la communauté des 4B Sud-Charente ;

-         M. Simon Mauroux, responsable du pôle Institutions ;

-         M. Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement.

Audition commune

CCMSA :

        M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires ;

        Mme Cyrielle Heronneau, responsable de la direction Relation et expérience de service.

ANTS, Ministère de l’Intérieur :

        Mme Anne-Gaëlle Baudoin, directrice de l’ANTS ;

        Mme Pascale Sauvage, directrice adjointe de l’ANTS.

France Travail :

               M. Aymeric Morin, directeur général adjoint en charge de l’offre de service-ad intérim ;

               M. Olivier Trouille, chargé de mission à la direction des partenariats ;

               M. Eudes De Morel, responsable de la stratégie et des affaires institutionnelles.

CNAM :

             Mme Carole Blanc, directrice des ressources, de l’appui au pilotage et de la contractualisation ;

             M. Julien Ripert, directeur de la relation client et du marketing.

CNAV :

        Mme Murielle Bialès, directrice déléguée au Réseau.


([1])  Inspection générale de l’administration, mission d’expertise sur le modèle de financement du réseau France services, juin 2021.

([2])  Article L123-2 du Code général des collectivités territoriales modifié par la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023