N° 473

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 octobre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

tendant à l’instauration de peines planchers
pour certains crimes et délits

PAR Mme Pascale BORDES

Députée

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Voir le numéro : 262.

 


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  SOMMAIRE

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Pages

introduction................................................ 5

I. L’évolution rapide de la délinquance doit préoccuper le législateur

II. Des peines socles pour une réponse pénale ferme face aux atteintes à nos valeurs fondamentales

1. Un bilan des « peines planchers » loin d’être univoque

a. Le renforcement de la réponse pénale en matière délictuelle

b. Un effet décelable de réduction de la probabilité de récidive

2. Des peines socles efficaces face à la diffusion de la délinquance

a. Les peines socles, dispositif aux intérêts multiples

b. Évaluation ex ante des effets de la proposition de loi

Commentaires des articles de la proposition de loi

Article 1er (supprimé) (art. 132-18-1 [nouveau] du code pénal) Seuils minimaux de peine pour les crimes commis en état de récidive légale, pour les crimes prévus en matière de trafic de stupéfiants et pour les crimes commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

Article 2 (supprimé) (art. 132-19-1 [nouveau] du code pénal) Seuils minimaux de peine pour les délits commis en état de récidive légale, pour les délits prévus en matière de trafic de stupéfiants et pour les délits commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 


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« Ce n’est pas la rigueur du supplice qui prévient plus sûrement les crimes, c’est la certitude du châtiment ».

Cesare Beccaria, Des délits et des peines, 1764

 

Mesdames, Messieurs,

Les mots de Cesare Beccaria résonnent aujourd’hui avec force alors que les pouvoirs publics sont confrontés, partout sur le territoire, à une délinquance qui se diffuse et qui gagne en intensité. Ce travail fondateur de la philosophie des Lumières, régulièrement republié et préfacé par M. Robert Badinter, doit nous inspirer encore aujourd’hui.

La citation placée en exergue peut utilement être poursuivie. Cesare Beccaria écrit en effet que : « La perspective d’un châtiment modéré, mais inévitable, fera toujours une impression plus forte que la crainte vague d’un supplice terrible, auprès duquel se présente quelque espoir d’impunité. L’homme tremble à l’idée des maux les plus légers, lorsqu’il voit l’impossibilité de s’y soustraire ; au lieu que l’espérance […] éloigne sans cesse l’idée des tourments les plus cruels, pour peu qu’elle soit soutenue par l’exemple de l’impunité, que la faiblesse ou l’amour de l’or n’accorde que trop souvent » ([1]).

La situation décrite par le philosophe et avocat du XVIIIème siècle est celle qui doit inquiéter le législateur d’aujourd’hui. Si les peines prévues par le code pénal ont tendance à augmenter, il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un maximum et que, en parallèle, les alternatives aux poursuites et les possibilités d’aménager la peine, dès son prononcé ou au cours de son exécution, se sont multipliées au fil du temps. Aujourd’hui, la certitude de la punition s’éloigne pour beaucoup de délinquants.

Plusieurs raisons expliquent cette situation.

Les difficultés de notre institution judiciaire ont trop longtemps pris le pas sur l’efficacité de notre politique pénale. Les chiffres récents publiés par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej) ([2]) indiquent que la France dispose de trop peu de magistrats par rapport à ses voisins européens. La désaffection pour les métiers de la police judiciaire, pourtant essentiels pour lutter contre la criminalité et, en particulier, celle de haute intensité, aggrave ce phénomène.

Le manque de places de prison est un problème majeur et ancien pour notre pays. Les chiffres publiés par le ministère de la justice indiquent que le nombre de personnes détenues a toujours excédé celui des places disponibles depuis 2001. Au 1er janvier 2024, il y avait 61 767 places dans les établissements pénitentiaires pour 75 897 personnes écrouées. Or, le ratio de détenus par habitant de la France est en-deçà de la moyenne européenne : ce n’est donc pas un problème de recours trop fréquent à la prison ([3]).

Les faiblesses de l’institution judiciaire française se répercutent tout au long de la chaîne pénale. En France, le taux de classement sans suite des affaires atteint aujourd’hui 75 %, contre 57 % pour la médiane européenne selon les données de la Cepej. De même, le taux d’affaires portées devant les tribunaux atteint 14 %, contre 32 % en Europe. Les délais d’audiencement des affaires s’allongent, conduisant parfois à la remise en liberté d’accusés dont la dangerosité est avérée.

Face à ces difficultés, à tous les stades de la procédure, les alternatives aux poursuites ou à l’enfermement et les aménagements de peine se sont multipliés. Ce mouvement est allé jusqu’à faire de l’emprisonnement en matière délictuelle un « dernier recours », selon les termes mêmes du code pénal. Notre politique pénale est devenue un moyen de gérer un stock insuffisant de places de prison et un flux de détenus trop important. En un mot, l’autorité judiciaire est devenue logisticienne.

Cette situation n’est plus tenable à l’heure où la délinquance, notamment en matière de trafic de stupéfiants, se diffuse et devient de plus en plus violente. Nous sommes aujourd’hui au-devant d’un risque de déstabilisation de notre État de droit, voire de notre État tout court. Les travaux de nos collègues sénateurs sur le narcotrafic doivent, à cet égard, être salués ([4]) et nous inspirer.

Nous ne pouvons plus déterminer notre politique pénale en fonction d’un stock de places de prison. Les alternatives aux poursuites et les mesures d’aménagement de peine ne peuvent plus devenir des mécanismes de régulation d’un flux de détenus trop important. Il n’est plus acceptable que certains magistrats se censurent au moment de prononcer une peine parce qu’ils savent que la situation des établissements pénitentiaires est préoccupante.

Aussi, sans rien ignorer des difficultés de l’administration pénitentiaire, la présente proposition de loi constitue une première étape dans la rénovation profonde qu’il est nécessaire d’initier tout au long de notre chaîne pénale, afin de redonner du sens à la peine. Elle propose de remettre le problème à l’endroit : d’abord, une politique pénale qui répond aux défis auxquels notre société fait face en matière de délinquance et, ensuite, la construction d’un outil pénitentiaire adapté.


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I.   L’évolution rapide de la délinquance doit préoccuper le législateur

La présente proposition de loi se focalise sur trois phénomènes inquiétants en matière de délinquance : la récidive, le trafic de stupéfiants et les atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public.

● La récidive pose des défis spécifiques à l’action pénale. Tant en matière criminelle que délictuelle, on constate une augmentation continue de la part de récidivistes dans le total des personnes condamnées chaque année, comme l’illustre le graphique ci-dessous.

Évolution du taux de récidivistes légaux et de réitérants depuis 1989

(en % des condamnés de l’année)

 

Source : Références Statistiques Justice, Justice pénale – chapitre 11, Le traitement judiciaire des auteurs d’infractions pénales.

On constate, en particulier, une augmentation continue de la récidive pour les délits relatifs à la législation sur les stupéfiants, passée de 11,2 % en 2016 à 20,4 % en 2022 selon les chiffres des services du ministre de la justice.

● Les chiffres de l’Observatoire français des drogues et des conduites addictives soulignent également l’augmentation du nombre de personnes mises en cause pour trafic de stupéfiants, de 40 700 en 2016 à 49 000 en 2022 ([5]). Cela représente une hausse de 20 % en six ans.

Ainsi, comme l’indique l’Union syndicale des magistrats (USM) dans une contribution aux travaux de la rapporteure, le narcotrafic a pris une ampleur considérable ces dernières années, qui génère de multiples infractions connexes, comme illustré par le tableau ci-dessous. L’USM considère ainsi que les juridictions, notamment les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) n’ont plus la capacité de traiter normalement ce type de contentieux par manque de moyens humains et matériels, ce qui entraîne un allongement des délais de jugement.

Part des infractions connexes dans les procédures de trafic et d’usage de stupéfiants, en 2019

(en %)

 

Procédures d’usage

Procédures de trafic

Part des procédures à infractions connexes (hors infraction à la législation sur les stupéfiants)

15

18

Ensemble des infractions (hors infractions à la législation sur les stupéfiants)

100

100

dont agressions ou menaces

23

19

dont actes faisant intervenir des armes, des explosifs et d’autres moyens de destruction

22

19

dont actes portant atteinte au système de justice

8

17

dont actes faisant intervenir le produit d’une infraction (blanchiment d’argent, autres)

13

13

dont actes contraires aux règles d’ordre public

8

5

dont vols

10

4

dont actes liés à un groupe criminel organisé

0

3

dont atteintes aux biens

4

2

Autres

13

16

Source : Insee, Sécurité et société, Infractions à la législation sur les stupéfiants, édition 2021

● Les outrages et violences à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique enregistrées par les services de sécurité intérieure connaissent une augmentation marquée. Selon les séries statistiques du ministère de l’intérieur, elles sont passées de 95 213 atteintes en 2016 à 109 815 en 2023, soit une hausse de 15 % ([6]) en sept ans.

Cette situation contribue au sentiment d’insécurité des Français, qui sont seulement 72 % seulement à considérer que leur pays est un endroit sûr pour vivre. Seuls les Bulgares et les Italiens sont plus nombreux à se sentir en insécurité ([7]).

II.   Des peines socles pour une réponse pénale ferme face aux atteintes à nos valeurs fondamentales

Face à cette situation, la présente proposition de loi constitue une première étape nécessaire pour freiner la lame de fond de la hausse de la délinquance.

 

1.   Un bilan des « peines planchers » loin d’être univoque

Le bilan des peines planchers ayant existé entre 2007 et 2014, souvent présenté sous un jour négatif, a indéniablement permis de renforcer la fermeté de la réponse pénale à la récidive.

a.   Le renforcement de la réponse pénale en matière délictuelle

● Le taux de peines planchers a augmenté de façon marquée en matière délictuelle.

Application des peines planchers avant et après l’entrée en vigueur de la loi

 

Quantum de peine encouru

Peines minimales ou « planchers »

Taux de peines minimales 2003-2006

Taux de peines minimales 2008-2011

Délits

3 ans

1 an

13,8 %

44,1 %

5 ans

2 ans

6,4 %

35,8 %

7 ans

3 ans

7,0 %

37,5 %

10 ans

4 ans

9,0 %

37,0 %

Crimes

15 ans

5 ans

100,0 %

100,0 %

20 ans

7 ans

91,5 %

89,2 %

30 ans

10 ans

86,4 %

59,1 %

Perpétuité

15 ans

75,0 %

76,9 %

Ensemble

 

 

9,4 %

39,4 %

Source : DACG.

La fermeté de la réponse pénale en matière délictuelle s’est ainsi accrue via une augmentation du quantum des peines d’emprisonnement prononcées. Le quantum moyen – incluant l’emprisonnement ferme et le sursis – a ainsi progressé de 6 mois, soit + 63 %, avec la mise en œuvre de la loi. Les juridictions ont également augmenté leur recours au sursis simple ou avec mise à l’épreuve ([8]). En revanche, les peines planchers n’ont pas augmenté le recours à l’emprisonnement.

L’augmentation du quantum moyen de l’emprisonnement ferme prononcé s’est, certes, poursuivie après l’abrogation de la loi ([9]), de même que le nombre d’années d’emprisonnement ferme prononcées ([10]). Plusieurs facteurs ont alors pu entrer en ligne de compte. Néanmoins, il est indéniable que le taux de peines minimales prononcées pour les délits a augmenté avec l’application de la loi, comme rappelé dans le tableau supra.

● L’effet des peines planchers pour les crimes s’est révélé plus limité, le taux de prononcé des peines minimales étant déjà élevé.

b.   Un effet décelable de réduction de la probabilité de récidive

Malgré le peu d’études produites sur le sujet, il est possible de déceler un effet positif des peines planchers sur la réduction de la probabilité de récidive.

Ainsi, une étude publiée en 2022 ([11]) s’appuyant sur les données du casier judiciaire national a permis de documenter une diminution statistiquement significative de la propension à commettre, pour une personne condamnée à une peine plancher, une infraction similaire. En revanche, la propension à commettre une autre infraction reste inchangée. Il existerait donc un phénomène d’apprentissage de la loi par les délinquants qui se traduirait dans les chiffres de récidive.

Il est intéressant de noter que l’auteur parvient également à documenter le fait que cet effet ne joue que pour les personnes condamnées de façon contradictoire, les personnes absentes à l’audience n’ayant pas modifié leur comportement. Ainsi, il met en valeur l’importance de l’audience, au cours de laquelle le juge détaille l’effet de la récidive sur la peine prononcée ([12]). L’article indique également que cet effet peut s’observer sur les co-prévenus présents à l’audience, dont la probabilité de commettre la même infraction diminue également.

2.   Des peines socles efficaces face à la diffusion de la délinquance

La présente proposition de loi introduit un nouveau concept de peines « socles », inspiré du dispositif des peines planchers, pour faire face à l’augmentation de la délinquance. Le minimum de peine s’appliquerait pour les atteintes graves à notre socle de valeurs communes, notamment le devoir de l’État de protéger la vie de ses citoyens.

a.   Les peines socles, dispositif aux intérêts multiples

Le recours aux peines socles présente des avantages multiples.

D’abord, il permet d’améliorer la progressivité de la sanction pénale. Avec ces peines minimales, l’objectif de la proposition de loi est de réévaluer l’échelle des peines prononcées par les juridictions, considérant que la délinquance visée est particulièrement déstabilisatrice pour la société.

Ensuite, ces peines socles améliorent la lisibilité de la sanction pour le citoyen, trop souvent désorienté par des décisions judiciaires qu’il a du mal à comprendre.

Enfin, elles garantissent à la victime ou à ses proches qu’un minimum de sévérité sera appliqué à punir le coupable.

Ces peines ne constituent pas une marque de défiance vis-à-vis de l’institution judiciaire, qui conservera les moyens d’adapter la peine aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de l’auteur. Le présent texte jette néanmoins un regard lucide sur notre politique pénale et les moyens dont dispose la justice aujourd’hui et veut lui permettre de réprimer efficacement les crimes et délits graves dont elle a connaissance. Il s’agit par ailleurs d’un appui pour les magistrats qui souhaiteraient prononcer des peines plus sévères mais qui sont contraints d’y renoncer au regard de la situation carcérale.

Les peines socles ne sont pas non plus contraires au principe d’individualisation des peines. Comme le rappelle le Conseil constitutionnel, ce principe « ne saurait faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions ; qu’il n’implique pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction » ([13]). En d’autres mots, les circonstances de commission de l’infraction comptent tout autant. Le présent rapport détaille, plus loin, les arguments plaidant en faveur de la conformité à la jurisprudence constitutionnelle des dispositions proposées.

b.   Évaluation ex ante des effets de la proposition de loi

Les dispositions de la proposition de loi ont fait l’objet d’une évaluation ex ante par les services du ministre de la justice, démarche qu’il convient de saluer.

● Selon les données transmises à la rapporteure par la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), la présente proposition de loi couvrirait 28 % des peines d’emprisonnement ou de réclusion prononcées en 2023 ([14]). À titre de comparaison, les peines planchers instaurées en 2007 couvraient 5 % des condamnations à l’emprisonnement.

Par ailleurs, parmi les peines visées par les présentes dispositions, seulement 5 % étaient déjà assorties d’une peine supérieure ou égale à la peine minimale prévue, contre 10 % pour le mécanisme mis en place en 2007.

Ainsi, les présentes dispositions permettront d’augmenter le quantum des peines prononcées pour les infractions visées. L’ambition de ce texte est, en effet, de proposer un texte suffisamment large pour couvrir une part suffisante des phénomènes criminels et délictuels que les tribunaux ont à connaître.

● L’effet de la proposition de loi serait particulièrement fort en matière délictuelle. Alors que 85 % des condamnations pour crimes étaient déjà assorties des peines proposées par le présent texte en 2023, ce taux est beaucoup plus faible en matière délictuelle. Ainsi, seuls 9 % des condamnations pour délits commis en état de récidive sont assorties d’une peine supérieure ou égale à celle proposée à l’article 2. Le chiffre est encore plus bas pour les atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public (2 %) ou pour le trafic de stupéfiants (1 %).

L’application de ces peines entraînera, indéniablement, une hausse de la population écrouée. L’évaluation transmise par la DACG indique une augmentation théorique des années d’emprisonnement prononcées par les juridictions correspondant à une multiplication par 4,2, contre un facteur 3,7 pour la loi de 2007.

Néanmoins, la juridiction pourra prononcer un quantum inférieur au minimum proposé, à titre exceptionnel, au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur. Cet effet théorique maximum serait donc moindre dans les faits, étant rappelé que, pendant la période d’application des peines planchers, les juridictions avaient choisi de déroger au minimum dans six cas sur dix et avaient accru le prononcé du sursis total et partiel. Cet effet a été documenté par l’étude de 2022 précitée.

Dans l’attente de construction de nouvelles places de prison, la proposition de loi fait le choix délibéré de renforcer la protection de la société contre la commission de nouvelles infractions.


   Commentaires des articles de la proposition de loi

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article détermine des seuils minimaux de peines de réclusion, de détention ou d’emprisonnement pour les crimes commis en état de récidive légale, pour ceux prévus en matière de trafic de stupéfiants et pour ceux commis à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public (forces de l’ordre, pompiers, enseignants, professionnels de santé, etc.).

Le juge conserverait néanmoins la possibilité de déroger à ces seuils minimaux au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a supprimé les « peines planchers » introduites en 2007 en cas de récidive légale et en 2011 pour certaines infractions commises par des primo-délinquants.

       Position de la Commission

La Commission a supprimé cet article.

  1.   L’état du droit
    1.   La peine, outil de sanction de l’auteur de l’infraction

Le code pénal rappelle, à son article 130-1, que la peine a une double fonction : sanctionner l’auteur de l’infraction (1°) et favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion (2°). Ces fonctions s’exercent « afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime ».

Dans cette optique, le code pénal assortit ainsi les infractions prévues d’un ensemble de peines, plus ou moins variées selon le niveau de délinquance. En matière criminelle, les peines criminelles encourues par les personnes physiques sont les suivantes :

– la réclusion criminelle ou la détention criminelle ([15]) à perpétuité ;

– la réclusion criminelle à temps. Celle-ci peut être, au plus, de trente ans, de vingt ans ou de quinze ans et, au moins, de dix ans.

À ces peines principales peuvent s’ajouter des peines complémentaires, également prévues par le code pénal. L’amende est ainsi souvent retenue pour réprimer les infractions de nature criminelle, conjointement à la peine de réclusion ou d’emprisonnement.

  1.   L’adaptation de la peine aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de l’auteur

L’article 132-1 prévoit que « toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée ». Aussi, dans les limites fixées par la loi, la juridiction « détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ».

Ce principe d’individualisation des peines a une valeur constitutionnelle depuis la décision du Conseil constitutionnel du 22 juillet 2005 ([16]). Il se matérialise de différentes façons dans la législation pénale.

  1.   Les seuils minimaux de peine prévus par le code pénal

Depuis le code pénal de 1994, le législateur fixe une peine maximale encourue par infraction et non plus une fourchette de peine minimale et maximale, comme c’était le cas dans la précédente version du code ([17]).

Le code pénal actuel détermine néanmoins, dans son article 132-18, un seuil minimum général de peine criminelle qui peut être prononcé par la juridiction :

– lorsqu’une infraction est punie de la réclusion criminelle ou de la détention à perpétuité, il prévoit que la juridiction peut prononcer une peine de réclusion criminelle à temps ou une peine d’emprisonnement qui ne peut être inférieure à deux ans ;

– lorsqu’une infraction est punie de la réclusion criminelle à temps, il prévoit que la juridiction peut prononcer une peine de réclusion criminelle ou de détention criminelle pour une durée inférieure à celle qui est encourue, ou une peine d’emprisonnement qui ne peut être inférieure à un an.

La détermination du quantum de peine criminelle par le juge est ainsi encadrée par des bornes minimales et maximales éloignées.

  1.   La possibilité de suspendre l’exécution de la peine

Les modalités d’exécution de la peine laissent également des marges de manœuvre au juge. Il peut ainsi décider de suspendre l’exécution de tout ou partie de la peine.

  1.   Le sursis simple

La juridiction qui prononce une peine peut ordonner qu’elle sera assortie du sursis simple prévu par les articles 132-29 à 132-39 du code pénal. Dans ce cas, la peine n’est pas mise en exécution.

Le sursis simple ne peut s’appliquer, dans le cas d’un crime ou d’un délit de droit commun, qu’aux condamnations à l’emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus. Ce sursis est applicable uniquement aux prévenus qui n’ont été condamnés à une peine de réclusion ou d’emprisonnement dans les cinq années précédant les faits.

La juridiction peut également décider que le sursis ne s’appliquera à l’exécution de l’emprisonnement que pour une partie de la peine, dont elle détermine la durée dans la limite de cinq ans.

La peine assortie du sursis simple est réputée non avenue si le condamné qui en bénéficie ne fait pas l’objet d’une nouvelle condamnation ayant entraîné la révocation totale ou partielle du sursis par la juridiction. Dans ce cas, la première peine est alors mise en exécution sans possibilité de confusion avec la seconde.

  1.   Le sursis probatoire

Le juge pénal peut décider d’assortir la peine prononcée d’un sursis probatoire, prévu aux articles 132-40 à 132-53 du code pénal, également dans le cas de condamnations à l’emprisonnement prononcées pour une durée de cinq ans au plus, en raison d’un crime ou d’un délit de droit commun. En cas de récidive, ce quantum maximal pour l’application du sursis probatoire est porté à dix ans.

S’il décide d’assortir la peine qu’il prononce d’un sursis probatoire, le juge ordonne qu’il sera sursis à l’exécution de la peine et la personne condamnée est placée sous le régime de la probation. Ce régime impose un ensemble d’obligations à respecter dans un délai déterminé et, en cas de conduite satisfaisante, le condamné pourra voir sa condamnation déclarée non avenue.

Il ne peut bénéficier, cependant, à une personne qui a déjà fait l’objet de deux condamnations assorties du sursis probatoire pour des délits identiques ou assimilés et se trouvant en état de récidive légale. Des restrictions supplémentaires à l’application du sursis probatoires existent en cas de crime ou de délit de violences volontaires, d’agressions ou d’atteintes sexuelles ou d’un délit commis avec la circonstance aggravante de violences.

Dans une logique similaire à celle du sursis simple, la condamnation assortie du sursis probatoire est réputée non avenue lorsque le condamné n’a pas fait l’objet d’une décision ordonnant l’exécution de la totalité de l’emprisonnement.

  1.   La prise en compte du trouble psychique ou neuropsychique

Le juge pénal prend également en compte le trouble du discernement de l’auteur de l’infraction pour atténuer sa responsabilité pénale.

En effet, l’article 122-1, alinéa 2, dispose que la juridiction tient compte du trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré le discernement de la personne ou entravé le contrôle de ses actes au moment des faits. Cette circonstance entraîne une réduction du quantum de peine : de façon générale, les peines privatives de liberté encourues sont réduites d’un tiers et, en cas de crime puni de la réclusion criminelle ou de la détention criminelle à perpétuité, la peine est ramenée à trente ans.

  1.   L’état de récidive légale

La récidive légale, définie par les articles 132-8 à 132-16-5 du code pénal, marque l’échec d’une première condamnation avec la répétition, sous certaines conditions, du comportement prohibé. L’état de récidive, lorsqu’il est constaté par la juridiction, constitue une circonstance aggravante qui entraîne l’augmentation des peines encourues.

Cet état de récidive légale est constitué lorsque, à la suite d’une première condamnation définitive (« premier terme de la récidive »), une personne est de nouveau condamnée pour certains types d’infractions (« second terme de la récidive »). Ces deux termes doivent respecter un ensemble de critères précis.

● Le premier terme de la récidive est constitué d’une condamnation :

– de nature pénale, ce qui exclut les mesures éducatives prononcées à l’égard des mineurs, les mesures de composition pénale et les décisions de dispense de peines ;

– devenue définitive, une fois les voies de recours épuisées ;

– rendue par une juridiction française ou par une juridiction d’un État membre de l’Union européenne ;

Le second terme de la récidive est, quant à lui, constitué d’une nouvelle infraction postérieure à la première condamnation définitive. Pour apprécier ce second terme, une condition de délai s’applique dans certains cas, qui s’apprécie à partir du début d’exécution de la peine ou de sa prescription.

● En matières criminelle et délictuelle, selon les infractions concernées et le délai applicable entre le premier et le second terme, la récidive est considérée comme :

– générale et perpétuelle, lorsqu’une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement commet un crime (article 132-8). Aucune condition de délai ne s’applique alors pour apprécier la récidive ;

– générale et temporaire, lorsque, après un premier terme de la récidive identique à celui du paragraphe précédent, une personne commet, dans un délai de dix ans, un délit puni de la même peine (article 132-9). L’état de récidive légale est également constitué, pour un premier terme identique, lorsqu’une personne commet dans un délai de cinq ans un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an et inférieur à dix ans.

– spéciale et temporaire lorsqu’une personne déjà condamnée pour un délit commet, dans un délai de cinq ans, soit le même délit, soit un délit qui lui est assimilé au regard des règles de la récidive ([18]).

La situation de récidive légale entraîne une aggravation des peines applicables, selon les modalités détaillées dans le tableau ci-dessous.

Aggravation des peines prévue en cas de récidive légale

Art. du code pénal

Premier terme

Second terme

Effet sur les peines

132-8

Crime ou délit puni de 10 ans d’emprisonnement

Crime

Passage à la réclusion à perpétuité pour les crimes punis de 20 ou 30 ans de réclusion

Passage à 30 ans de réclusion si le crime est puni de 15 ans de réclusion

132-9 al. 1

Crime ou délit puni de 10 ans d’emprisonnement

Dans un délai de 10 ans, délit puni de la même peine

Doublement du maximum des peines d’emprisonnement et d’amende encourues

132-9 al. 2

Crime ou délit puni de 10 ans d’emprisonnement

Dans un délai de 5 ans, délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure à 1 an et inférieure à 10 ans

Doublement du maximum des peines d’emprisonnement et d’amendes encourues

132-10

Délit

Dans un délai de 5 ans, même délit ou délit assimilé

Doublement du maximum des peines d’emprisonnement et d’amendes encourues

● La notion de récidive légale, précisément définie par le code pénal, diffère ainsi d’autres notions qui s’en rapprochent, à savoir le concours et la réitération d’infraction, qui entraînent des conséquences différentes sur la peine encourue.

Le concours d’infractions et la réitération

Le concours d’infraction, prévu aux articles 132-2 à 132-7 du code pénal, désigne la situation dans laquelle une infraction est commise par une personne avant que celle-ci ait été définitivement condamnée pour une autre infraction. Deux cas de figure se présentent :

– lorsqu’à l’occasion d’une même procédure, la personne poursuivie est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, chacune des peines encourues peut être prononcée. Toutefois, lorsque plusieurs peines de même nature sont encourues, il ne peut être prononcé qu’une seule peine de cette nature dans la limite du maximum légal le plus élevé ;

– lorsqu’à l’occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé. Toutefois, la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être ordonnée.

La réitération d’infractions, définie à l’article 132-16-7 du code pénal, désigne le fait, pour une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou un délit, de commettre une nouvelle infraction qui ne répond pas aux conditions de la récidive légale. Comme la récidive, la circonstance d’infraction commise en état de réitération entraîne une aggravation de la peine encourue : dans ce cas, les peines prononcées se cumulent sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines définitivement prononcées lors de la condamnation précédente.

  1.   Les infractions relatives au trafic de stupéfiants

Les infractions relatives au trafic de stupéfiants sont prévues par la section 7 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal. Certaines d’entre elles sont de nature criminelle quand d’autres sont assorties de peines délictuelles mais aggravées au niveau criminel lorsque certaines circonstances sont réunies.

● Les infractions punies de peines criminelles sont les suivantes :

– le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet la production, la fabrication, l’importation, l’exportation, le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants (article 222-34 du code pénal), qui est puni de la réclusion criminelle à perpétuité et de 7,5 millions d’euros d’amende ;

– la production et la fabrication illicites de stupéfiants (article 222-35 du même code), qui est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’euros d’amende. Lorsqu’ils sont commis en bande organisée, ces faits sont punis de trente ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’amende.

● Les infractions punies au niveau délictuel mais qui peuvent être aggravées au niveau criminel sont les suivantes :

– l’importation ou l’exportation illicites de stupéfiants (article 222-36 du même code), qui sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 7,5 millions d’euros d’amende. Cette infraction est considérée comme un crime lorsqu’elle est commise en bande organisée : elle est alors punie de trente ans de réclusion criminelle et de 7,5 millions d’euros d’amende ;

– le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur de l’une des infractions mentionnées aux articles 222-34 à 222-37 ou d’apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conservation du produit de l’une de ces infractions (article 222-38 du même code) est puni de dix ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende. De nouveau, il s’agit d’une infraction délictuelle qui est aggravée au niveau criminel lorsque les fonds proviennent de l’un des crimes mentionnés par les articles 222-34, 222-35 et 222-36. Dans ce cas, l’auteur est puni des peines prévues pour les crimes dont il a eu connaissance, qui ont été rappelées supra.

  1.   Les crimes commis sur les personnes dépositaires de l’autorité publique et sur les personnes chargées d’une mission de service public

Les peines prévues pour certains crimes et délits peuvent être aggravées en fonction de la qualité de la victime.

● Ainsi, l’article 221-4 du code pénal puni le meurtre de la réclusion criminelle à perpétuité, plutôt que de trente ans de réclusion criminelle, lorsqu’il est commis sur des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées de certaines missions de secours ou de surveillance, dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur (4° de l’article 221-4 du même code), à savoir :

– un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un militaire de la gendarmerie nationale, un fonctionnaire de la police nationale, des douanes, de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique ;

– un sapeur-pompier ou un marin-pompier, un gardien assermenté d’immeubles ou de groupes d’immeubles ou un agent exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation en application de l’article L. 271-1 du code de la sécurité intérieure.

● Le meurtre est également puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis sur des personnes chargées d’une mission de service public, dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions et lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur (4° bis de l’article 221-4 du même code), à savoir :

– un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, un agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou toute personne chargée d’une mission de service public ou un professionnel de santé.

Les notions de personne dépositaire de l’autorité publique et de personne chargée d’une mission de service public

● La notion de personne dépositaire de l’autorité publique (PDAP) recouvre un ensemble varié de personnes dont les fonctions impliquent l’exercice d’une part de l’autorité publique. Si la loi ne dresse pas de liste exhaustive des personnes concernées, le code pénal en fait mention à plusieurs reprises, en particulier au 4° de l’article 221-4 précité. À noter que la notion inclut les élus locaux responsables d’un exécutif (maire, président d’intercommunalité, président de conseil départemental et président de conseil régional). Une circulaire du garde des Sceaux du 6 novembre 2019 ([19]) inclut leurs adjoints à cette catégorie.

● La notion de personne chargée d’une mission de service public est également mentionnée à plusieurs reprises dans le code pénal, en particulier au 4° bis de l’article 221- 4 précité. Tant la jurisprudence de la Cour de cassation ([20]) que la circulaire précitée considèrent que les autres élus, lorsqu’ils ne se voient confier par délégation aucune prérogative de puissance publique, ont la qualité de personnes chargées d’une mission de service public.

Toutefois, la qualité de titulaire d’un mandat électif public se retrouve aux côtés de celle de personne dépositaire de l’autorité publique ou de personne chargée d’une mission de service à plusieurs articles du code pénal. À titre d’exemple, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux ([21]) a complété l’incrimination du fait de porter volontairement atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui prévue à l’article 226-1 du code pénal avec la circonstance aggravante de commission sur « une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, titulaire d’un mandat électif public ou candidate à un tel mandat ou membre de sa famille ». Le législateur fait donc le choix de distinguer la notion de personne chargée d’une mission de service public et de personne titulaire d’un mandat électif public.

  1.   Le dispositif proposé

Le présent article, en rétablissant l’article 132-18-1 du code pénal, instaure des seuils minimaux de peine pour certaines infractions criminelles et pour les crimes commis en état de récidive légale.

  1.   Les infractions visées répriment des comportements particulièrement préjudiciables à la société

Les seuils minimaux de peine proposés par le présent article visent des comportements d’une gravité particulière. Sont inclus :

– les crimes commis en état de récidive légale, qui font encourir la réclusion ou la détention criminelle à perpétuité ou 30 ans de réclusion ou de détention criminelle ;

– les crimes prévus en matière de trafic de stupéfiants, définis aux articles 222-34 à 222-36 et à l’article 222-38 du code pénal, qui font encourir des peines de réclusion de vingt ans, de trente ans ou de réclusion criminelle à perpétuité selon l’infraction ;

– les crimes commis contre les personnes dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public, mentionnées aux 4 ° et 4° bis de l’article 221-4 du code pénal. Comme rappelé supra, il s’agit d’une circonstance aggravante pour des crimes déjà assortis d’une peine au quantum élevé.

  1.   La fixation d’Un seuil minimal de peine, auquel la juridiction pourra déroger en cas de circonstances exceptionnelles

Le présent article entend fixer des seuils minimaux de peine pour les crimes décrits ci-dessus, sans porter préjudice à la capacité de la juridiction d’adapter la peine aux circonstances de l’infraction et à la personnalité de l’auteur, conformément au principe constitutionnel d’individualisation des peines.

  1.   La fixation de seuils minimaux de peine à des infractions graves

Pour les crimes visés par le présent article, les juridictions ne pourront prononcer des peines inférieures aux seuils suivants :

– cinq ans, si le crime est puni de quinze ans de réclusion criminelle ou de détention criminelle ;

– sept ans, si le crime est puni de vingt ans de réclusion criminelle ou de détention criminelle ;

– dix ans, si le crime est puni de trente ans de réclusion criminelle ou de détention criminelle ;

– quinze ans, si le crime est puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité.

Les seuils prévus correspondent à ceux déterminés en cas de récidive criminelle par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs ([22]).

Les seuils minimaux de peine prévus en 2007 et 2011

La présente proposition de loi s’inspire du dispositif instauré par le législateur en 2007 et 2011, qui fixait des seuils minimaux de peine d’emprisonnement pour l’ensemble des crimes et délits commis en état de récidive légale et dès la première condamnation pour certains délits graves.

Sa mise en œuvre s’est faite en deux temps :

– d’abord, avec la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 relative à la lutte contre la récidive, dite « loi Dati », qui ne concernait que les crimes et délits commis en état de récidive légale ;

– ensuite, avec la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, qui étend ces seuils minimaux à plusieurs délits de violences contre les personnes et au délit d’embuscade, dès la première condamnation.

Dans les deux cas, la juridiction conservait la possibilité de déroger à ce seuil minimal de peine.

L’ensemble de ces dispositions ont été abrogées par la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales.

  1.   Un dispositif conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel

La jurisprudence constitutionnelle a précisé les conditions de conformité à la Constitution du mécanisme des seuils minimaux de peine. La présente proposition de loi entend pleinement s’y conformer.

  1.   Le principe des seuils minimaux de peine a été validé par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a validé la conformité des seuils minimaux de peine instaurés à partir de 2007 au regard des principes de nécessité et d’individualisation des peines ([23])

● Ainsi, il rappelle d’abord que, au regard du principe de nécessité des peines, il lui incombe de s’assurer de l’absence de « disproportion manifeste » entre l’infraction et la peine encourue. Il revient dès lors au législateur de prévoir la répression effective des infractions selon les modalités que celui-ci estime appropriées.

Le Conseil a ensuite validé les différents seuils de peines prévus au regard de la gravité particulière des infractions visées : crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement, délits d’atteintes aux biens commis avec violences et état de récidive constituant lui-même une circonstance objective d’une particulière gravité. Il relève également que la juridiction conserve la possibilité de prononcer une peine inférieure aux seuils prévus.

● Au regard du principe d’individualisation des peines, le Conseil relève d’abord que ce principe « ne saurait faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions » et « qu’il n’implique pas davantage que la peine soit exclusivement déterminée en fonction de la personnalité de l’auteur de l’infraction ».

Ensuite, il souligne de nouveau que le dispositif n’empêche pas la juridiction de prononcer une peine inférieure au seuil fixé, en cas de première récidive légale, « en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci ».

De même, le Conseil valide le fait que, en cas de nouvelle récidive légale, la capacité de la juridiction à déroger, par une décision spécialement motivée, au seuil minimum de peine soit restreinte aux seuls cas où l’auteur présente des « garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion ». Il considère, en effet, que cette restriction de la possibilité d’atténuer la peine « a été prévue par le législateur pour assurer la répression effective de faits particulièrement graves et lutter contre leur récidive ».

Enfin, le Conseil relève plusieurs éléments à l’appui de sa déclaration de conformité à la Constitution :

– la juridiction continue de prononcer les peines et fixe leur régime en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ;

– le législateur n’a pas modifié le pouvoir de la juridiction d’ordonner qu’il soit sursis, au moins partiellement, à l’exécution de la peine, la personne condamnée étant alors placée sous le régime de la mise à l’épreuve ;

– le législateur n’a pas dérogé aux dispositions spéciales relatives à la prise en compte par la juridiction du trouble psychique ou neuropsychique prévu à l’article 122-1 du code pénal lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime.

● La décision rendue sur la loi du 14 mars 2011 confirme, par ailleurs, la possibilité d’instituer des seuils minimaux de peines à des primo-délinquants en matière délictuelle ([24]). En l’espèce, le Conseil constitutionnel note que les dispositions concernées « ne s’appliquent qu’à des atteintes à l’intégrité physique des personnes, caractérisées par au moins une ou plusieurs circonstances aggravantes et punies d’une peine d’au moins sept ans d’emprisonnement ; qu’ainsi, elle n’institue le principe de peines minimales d’au moins dix-huit mois ou deux ans d’emprisonnement que pour des délits d’une particulière gravité ».

Reprenant les termes de la décision de 2007 précitée, elle note également que :

– la juridiction conserve la possibilité de prononcer une peine inférieure aux seuils prévus par une décision spécialement motivée, en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci ;

– le législateur n’a pas modifié le pouvoir de la juridiction de prononcer le sursis de l’exécution de la peine ;

– le législateur n’a pas dérogé aux dispositions de l’article 122-1 du code pénal concernant la prise en compte du trouble psychique ou neuropsychique.

  1.   Les dispositions proposées ne remettent pas en cause les outils d’individualisation de la peine

Les dispositions de la présente proposition de loi, destinées à assurer une répression effective d’infractions d’une gravité particulière, n’entendent en aucun cas remettre en cause les outils à la main de la juridiction pour personnaliser les peines.

● En premier lieu, les peines minimales proposées s’appliquent à des infractions d’une particulière gravité, à la fois au regard de leur caractère criminel et des conditions de leur commission (l’état de récidive légale), des formes qu’elles prennent (le trafic de stupéfiants) ou de la qualité de la victime (les personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service publique).

La récidive légale, en ce qu’elle témoigne d’une forme d’enracinement dans la criminalité, constitue elle-même une circonstance d’une particulière gravité.

En matière de trafic de stupéfiants, les infractions visées sont punies des peines criminelles les plus élevées :

– réclusion criminelle à perpétuité pour le crime mentionné à l’article 222-34 du code pénal ;

– vingt ou trente ans de réclusion criminelle pour les crimes mentionnés respectivement aux alinéas 1 et 2 de l’article 222-35 du même code ;

– trente ans de réclusion criminelle pour le crime mentionné à l’alinéa 2 de l’article 222-36 du même code.

De même, l’atteinte à une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service publique constitue une circonstance aggravante particulièrement sévère :

– en cas de meurtre, la peine encourue passe de trente ans de réclusion criminelle à la réclusion criminelle à perpétuité (article 221-4 du code pénal) ;

– en cas d’actes de torture ou de barbarie, la peine encourue passe de quinze ans de réclusion criminelle à vingt ans de réclusion criminelle (article 222-3 du même code) ;

– en cas de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, la peine encourue passe de quinze ans de réclusion criminelle à vingt ans de réclusion criminelle (article 222-8 du code même).

Les dispositions du présent article relatives à la dérogation au seuil minimal proposé, qui limitent cette possibilité à des « circonstances exceptionnelles » se justifient par une même volonté de mettre en œuvre une répression effective de ces infractions.

● Par ailleurs, en matière criminelle, les seuils minimaux retenus par la présente proposition de loi correspondent à ceux prévus par la loi de 2007 en matière de récidive et validés par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée.

Aussi, la juridiction conservant la possibilité de fixer une peine inférieure, il n’apparaît donc pas de disproportion manifeste entre l’infraction et le seuil minimal de peine proposé.

● Enfin, la détermination de seuils minimaux de peine n’entend pas remettre en cause les outils d’individualisation de la peine :

– la juridiction continuera ainsi de prononcer la peine au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur ;

– la juridiction pourra, en particulier, déroger au seuil minimal de peine prévu par une décision spécialement motivée tenant compte des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur. En particulier, conformément à l’article 132-18, la juridiction pourra prononcer, lorsque l’infraction est punie de la réclusion criminelle à perpétuité, une peine de réclusion à temps, ou une peine d’emprisonnement qui ne peut être inférieure à deux ans et, lorsque l’infraction est punie de la réclusion criminelle à temps, une peine d’emprisonnement qui ne peut être inférieure à un an.

Ainsi, la juridiction resterait compétente pour fixer des peines dont le quantum est inférieur au seuil minimal de peines proposé par le présent article.

● Conformément à la jurisprudence constitutionnelle, le juge conservera également la possibilité d’ordonner qu’il soit sursis, au moins partiellement, à l’exécution de la peine. Il tiendra également compte du trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré le discernement de l’auteur ou entravé le contrôle de ses actes, conformément à l’article 122-1 du code pénal.

● Enfin, le présent article prévoit que ses dispositions ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires.

  1.   La position de la Commission

La Commission a supprimé cet article en adoptant, contre l’avis de la rapporteure, cinq amendements identiques de suppression présentés par M. Iordanoff (EcoS) et plusieurs de ses collègues, M. Bernalicis (LFI) et plusieurs de ses collègues, Mme Capdevielle et les membres du groupe Socialistes et apparentés, Mme Froger (LIOT) et plusieurs de ses collègues et Mmes K/Bidi et Faucillon (GDR).

 

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*     *

 


Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit des seuils minimaux de peines d’emprisonnement pour les délits commis en état de récidive légale, pour ceux prévus en matière de trafic de stupéfiants et pour ceux commis à l’encontre d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public (forces de l’ordre, pompiers, enseignants, professionnels de santé, etc.).

Le juge conserverait néanmoins la possibilité de déroger à ces seuils minimaux au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a supprimé les « peines planchers » introduites en 2007 en cas de récidive légale et en 2011 pour certaines infractions commises par des primo-délinquants.

       Position de la Commission

La Commission a supprimé cet article.

  1.   L’état du droit

Le présent article instaure des seuils minimaux de peine d’emprisonnement pour les délits d’une certaine gravité.

  1.   Les marges de manœuvre des juridictions en matière délictuelle

Le champ délictuel est marqué par des possibilités d’aménagement plus variées qu’en matière criminelle.

  1.   Les peines délictuelles

● Les peines prévues en matière délictuelle sont détaillées par l’article 131- 3 du code pénal. Elles comprennent :

– l’emprisonnement, selon l’échelle suivante : dix ans, sept ans, cinq ans, trois ans, deux ans, un an, six mois et deux mois. En tout état de cause, l’article 132- 19 prévoit qu’une peine d’emprisonnement ne peut être inférieure ou égale à un mois ;

– la détention à domicile sous surveillance électronique ;

– le travail d’intérêt général ;

– l’amende ;

– le jour-amende ;

– les peines de stage ;

– les peines privatives ou restrictives de droits prévues à l’article 131-6 ;

– la sanction-réparation.

● Les juridictions disposent de larges pouvoirs dans la détermination de la peine délictuelle, où l’emprisonnement apparaît comme un « dernier recours ».

L’article 132-19 prévoit ainsi que, lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer une peine d’emprisonnement ferme ou assortie en partie ou en totalité du sursis pour une durée inférieure à celle qui est encourue. Elle ne peut toutefois prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois.

Toutefois, selon le même article, le prononcé d’une peine d’emprisonnement sans sursis ne doit constituer qu’un dernier recours, « si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ».

  1.   De peines alternatives variées

Le code pénal prévoit de nombreuses peines alternatives qui peuvent être prononcées par la juridiction à la place de l’emprisonnement délictuel, qui participent de la mise en œuvre de l’article 132-19 précité.

Ces peines alternatives sont prévues aux articles 131-4-1 à 131-6, 131-8 et 131-8-1 du code pénal et retracées dans le tableau ci-dessous.

Les peines alternatives à l’emprisonnement en matière délictuelle

Référence

Peine alternative à l’emprisonnement

131-4-1

À la place de l’emprisonnement, une peine de détention à domicile sous surveillance électronique pour une durée comprise entre quinze jours et six mois

131-5-1

À la place ou en même temps que l’emprisonnement, un stage d’une durée maximale d’un mois

131-6

À la place de l’emprisonnement, une ou plusieurs des peines privatives ou restrictives de liberté suivantes :

1° La suspension du permis de conduire ;

2° L’interdiction de conduire certains véhicules pendant une durée de cinq ans au plus ;

3° L’annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

4° La confiscation d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

5° L’immobilisation, pour une durée d’un an au plus, d’un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

bis L’interdiction, pendant une durée de cinq ans au plus, de conduire un véhicule qui n’est pas équipé d’un dispositif d’anti-démarrage par éthylotest électronique ;

6° L’interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

7° La confiscation d’une ou plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition ;

8° Le retrait du permis de chasser avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

9° L’interdiction pour une durée de cinq ans au plus d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et d’utiliser des cartes de paiement ;

10° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ;

11° L’interdiction pour une durée de cinq ans au plus d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction ;

12° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de paraître dans certains lieux ou catégories de lieux déterminés par la juridiction et dans lesquels l’infraction a été commise ;

12° bis L’interdiction, pour une durée maximale de six mois, d’utiliser les comptes d’accès à des services de plateforme en ligne ayant été utilisés pour commettre l’infraction ;

13° L’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, de fréquenter certains condamnés spécialement désignés par la juridiction, notamment les acteurs ou les complices de l’infraction ;

14° L’interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d’entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l’infraction ;

15° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.

131-8

À la place de l’emprisonnement, pour une durée de vingt à quatre cents heures, un travail d’intérêt général non rémunéré au profit soit d’une personne morale de droit public, soit d’une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public ou d’une association habilitées à mettre en œuvre des travaux d’intérêt général. Peut également en bénéficier une personne morale de droit privé du secteur de l’économie sociale et solidaire.

131-8-1

À la place ou en même temps que l’emprisonnement, une peine de sanction-réparation. Cette peine consiste dans l’obligation pour le condamné de procéder à l’indemnisation du préjudice de la victime. Avec l’accord de la victime et du prévenu, elle peut être exécutée en nature et consister, alors, dans la remise en état d’un bien endommagé à l’occasion de la commission de l’infraction.

Il convient de noter, en particulier, que l’emprisonnement ne peut être prononcé cumulativement avec les peines prévues aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5°, 5° bis, 8°, 9°, 11° et 15° de l’article 131-6 ni avec la peine de travail d’intérêt général de l’article 131-9.

  1.   La récidive en matière délictuelle

L’aggravation de la peine en cas de récidive est rappelée dans le tableau ci-dessous, lorsque le second terme de la récidive est un délit.

Aggravation de la peine lorsque le second terme de la récidive est un délit

Art. du code pénal

Premier terme

Second terme

Effet sur les peines

132-9 al. 1

Crime ou délit puni de 10 ans d’emprisonnement

Dans un délai de 10 ans, délit puni de la même peine

Doublement du maximum des peines d’emprisonnement et d’amende encourues

132-9 al. 2

Crime ou délit puni de 10 ans d’emprisonnement

Dans un délai de 5 ans, délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure à 1 an et inférieure à 10 ans

Doublement du maximum des peines d’emprisonnement et d’amendes encourues

132-10

Délit

Dans un délai de 5 ans, même délit ou délit assimilé

Doublement des peines d’emprisonnement et d’amendes encourues

  1.   Les délits relevant du trafic de stupéfiants

Les délits prévus en matière de trafic de stupéfiants, hormis ceux qui peuvent être aggravés au niveau criminel et qui ont été présentés dans le commentaire de l’article 1er, sont les suivants :

– le transport, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicites de stupéfiants sont punis de dix ans d’emprisonnement et de 7,5 millions d’euros d’amende (article 222-37 du code pénal). Le fait de faciliter, par quelque moyen que ce soit, l’usage illicite de stupéfiants, de se faire délivrer des stupéfiants au moyen d’ordonnances fictives ou de complaisance, ou de délivrer des stupéfiants sur la présentation de telles ordonnances en connaissant leur caractère fictif ou complaisant est puni des mêmes peines ;

– la cession ou l’offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle, punies de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (article 222-39 du même pénal). Ces peines sont aggravées à dix ans lorsque les stupéfiants ont été offerts ou cédés à des mineurs ou dans des établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux.

  1.   Les délits commis sur les personnes dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public

Le présent article instaure également des seuils minimaux de peine en cas de délit commis sur des personnes dépositaires de l’autorité publiques ou chargées d’une mission de service public.

Il vise, en particulier, les violences commises à l’encontre de ces personnes avec, par exemple :

– les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, punies dans ce cas de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (article 222-12 du code pénal) ;

– les violences commises avec usage ou menace d’une arme, lorsqu’elles sont commises en bande organisée ou avec un guet-apens sur une personne dépositaire de l’autorité publique, punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende lorsqu’elles n’ont pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (article 222-14-1 du même code) ;

– l’embuscade, punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (article 222-15-1 du même code) ;

– la rébellion commise en réunion, punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende (article 433-7 du même code).

  1.   Le dispositif proposé

● L’article 2 transpose le dispositif proposé par l’article 1er en matière délictuelle en rétablissant l’article 132-19-1 du code pénal. Il prévoit que, pour les délits commis en état de récidive légale, pour les délits prévus aux articles 222-36 à 222-39 et pour les délits commis sur l’une des personnes mentionnées aux 4° et 4° bis de l’article 221-4, les peines d’emprisonnement prononcées par les juridictions ne pourront être inférieures aux seuils suivants :

– dix-huit mois, si le délit est puni de trois ans d’emprisonnement ;

– trois ans, si le délit est puni de cinq ans d’emprisonnement ;

– quatre ans, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;

– cinq ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.

Les seuils minimaux retenus par le présent article représentent un durcissement par rapport au dispositif mis en place entre 2007 et abrogé en 2014, comme retracé dans le tableau ci-dessous.

Comparaison des seuils de peine minimale en matière délictuelle

Peine encourue

Seuil minimal de peine prévu entre 2007 et 2014 pour les délits en état de récidive légale

Seuil minimal de peine prévu entre 2011 et 2014 pour certains délits

Dispositif proposé

3 ans

1 an

1,5 an (18 mois)

5 ans

2 ans

3 ans

7 ans

3 ans

1,5 an (18 mois)

4 ans

10 ans

4 ans

2 ans

5 ans

● L’article 2 ne remet pas en cause les possibilités d’adapter la peine d’emprisonnement aux circonstances de l’infraction ou à la personnalité de l’auteur. De façon similaire à ce qui est prévu en matière criminelle par l’article 1er, la juridiction pourra :

– déroger au seuil minimal de peine, dans des conditions similaires mais sans pouvoir prononcer une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un mois ;

– assortir la peine d’un sursis simple ou d’un sursis probatoire ;

– prononcer, à la place de l’emprisonnement, une des peines alternatives prévues en matière délictuelle rappelées ci-dessus.

Le présent article ne modifie pas non plus, le régime prévu par l’article 122- 1 du code pénal relatif au trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré le discernement de l’auteur ou entravé le contrôle de ses actes.

La juridiction resterait donc compétente pour fixer des peines largement en-deçà des peines prévues actuellement par le code pénal et du seuil de peines proposé par le présent article. Il convient de noter, par ailleurs, que la juridiction conserverait la possibilité de prononcer la dispense ou l’ajournement de la peine prévus en matière correctionnelle par l’article 132-58 du code pénal.

De la sorte, le dispositif proposé par le présent article se conforme aux principes de la jurisprudence constitutionnelle en matière de nécessité et d’individualisation des peines, qui ont été détaillés au commentaire de l’article précédent.

● Enfin, le présent article prévoit que ses dispositions ne sont pas exclusives d’une peine d’amende et d’une ou plusieurs peines complémentaires.

  1.   La position de la Commission

La Commission a supprimé cet article en adoptant, contre l’avis de la rapporteure, quatre amendements identiques de suppression présentés par M. Bernalicis (LFI) et plusieurs de ses collègues, Mme Capdevielle et les membres du groupe Socialistes et apparentés, Mme Froger (LIOT) et plusieurs de ses collègues et Mmes K/Bidi et Faucillon (GDR).


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   Compte rendu des débats

Lors de sa première réunion du mercredi 23 octobre 2024, la Commission examine la proposition de loi tendant à l’instauration des peines plancher pour certains crimes et délits (n° 262) (Mme Pascale Bordes, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/dwAK30

Présidence de M. Philippe Gosselin, vice-président de la commission

Mme Pascale Bordes, rapporteure. Le code pénal français de 1810 a créé des seuils minimaux et maximaux de peine. Ce mécanisme a été exporté par la France partout en Europe. Les peines minimales ont été supprimées en 1994.

Le législateur, par le biais de la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, dite loi Dati, a réintroduit des seuils minimaux de peines d’emprisonnement pour les crimes et délits commis en état de récidive légale. La loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) a étendu ces seuils minimaux à plusieurs délits graves dès la première condamnation.

Ces dispositions ont été abrogées par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, dite loi Taubira, qui visait à rendre plus effective une recommandation du Conseil de l’Europe publiée en 2006 selon laquelle l’incarcération est une mesure de dernier recours. Mission accomplie : la prison deviendra ipso facto l’exception en raison de la modification de l’article L. 132-19 du code pénal disposant qu’une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours.

Pour justifier ce changement brutal de paradigme, Christiane Taubira affirmait que les politiques pénales des années précédentes avaient aggravé la récidive et que son but était de lutter contre la surpopulation carcérale ainsi que contre la récidive. Après dix ans d’application de la loi Taubira destinée à lutter contre la récidive en faisant de la prison une exception – règle particulièrement respectée –, la France est plus que jamais en proie à une surpopulation carcérale et à la récidive, ce qui signe l’échec de la lutte contre la récidive. De fait, nous assistons, depuis l’adoption de la loi Taubira, à un abandon général du concept de sanction.

S’il est vrai que la pédagogie de la sanction suppose d’y inclure une forme de bienveillance, il faut bien constater que tel est massivement le cas depuis plusieurs années, à l’aune de l’impressionnant taux de classement sans suite des affaires pénales, qui est en France de 75 %, très largement supérieur à la moyenne européenne de 57 %. Le taux d’affaires pénales portées devant les tribunaux est de 14 % seulement, pour une moyenne européenne de 32 %. Aux Pays-Bas, le taux de classement sans suite d’affaires pénales est 31 %, et 43 % d’entre elles sont portées devant les tribunaux. Même la Turquie fait mieux que nous, avec 30 % d’affaires pénales portées devant les tribunaux ! Nous sommes, de loin, les mauvais élèves de l’Europe.

Tout cela doit nous inciter à changer de paradigme. Il faut que les délinquants et les criminels aient la certitude qu’ils seront condamnés à une peine si l’on veut enrayer la violence. Cesare Beccaria, philosophe italien des Lumières, écrivait en 1764 : « Ce n’est pas la rigueur du supplice qui prévient le plus sûrement les crimes, c’est la certitude du châtiment […]. La perspective d’un châtiment modéré, mais inévitable, fera toujours une impression plus forte que la crainte vague d’un supplice terrible, auprès duquel se présente quelque espoir d’impunité. » L’ouvrage dont ces phrases sont issues a été réédité à plusieurs reprises ; l’une de ses récentes rééditions a été préfacée par Robert Badinter.

Tel est le contexte dans lequel j’ai décidé, avec mon groupe, de présenter une proposition de loi instaurant, dans certains cas bien définis, des peines planchers. Cette décision est motivée par une évolution inquiétante de la criminalité : l’ultraviolence, qui pose problème au point de mettre en danger le contrat social.

Nous avons ciblé trois domaines. Le premier est le trafic de stupéfiants, qui se diffuse dans les territoires, jusques et y compris dans nos établissements pénitentiaires. Plusieurs drames récents démontrent que la violence liée à ce trafic s’accroît de façon exponentielle et ne connaît aucune limite. La procureure de Paris affirmait il y a plusieurs mois : « La lutte contre la haute criminalité organisée est un défi actuel, un défi majeur. » Le niveau de la menace est tel que l’on détecte des risques de déstabilisation de l’État de droit, de notre modèle économique et de nos entreprises à un niveau stratégique majeur.

Les organisations que nous affrontons n’ont aucune limite dans leurs moyens financiers, leurs frontières et leur champ d’action. La situation est grave. Si nous voulons éviter que notre pays devienne un narco-État, il faut réagir vite et fort. La réponse pénale doit être, en la matière, la plus ferme possible, au risque de vider la peine de son sens et de donner l’image d’un État très faible. À cet égard, je salue les récents travaux de nos collègues sénateurs, qui peuvent utilement guider le législateur dans l’adoption des mesures ô combien nécessaire pour faire face à ce défi majeur.

La proposition de loi cible également la récidive. Contrairement à M. Bernalicis, je considère qu’il s’agit d’un enracinement de la délinquance contre lequel il convient de lutter avec force.

La proposition de loi vise enfin les atteintes aux personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, dans toute leur diversité, des forces de l’ordre aux agents des services de transport public de voyageurs et de la communauté enseignante à la communauté des professionnels de santé. Nous partageons cette préoccupation avec notre collègue Moutchou, qui a proposé en mars 2023 une disposition proche mais au périmètre restreint à la récidive délictuelle. Avec cette mesure, nous voulons casser la dynamique de la délinquance ciblant les représentants de l’État ou de l’autorité publique.

Face à cette situation, pourquoi recourir aux peines planchers ? Elles présentent plusieurs intérêts ; la progressivité – si vous êtes récidiviste, il est normal que vous soyez davantage sanctionné ; la certitude d’une peine excluant l’aléa ; la lisibilité pour le délinquant ou le criminel, qui sait qu’il encourt une sanction réelle, ce qui peut s’avérer dissuasif ; l’assurance pour la victime et ses proches, qu’il convient de ramener dans le procès pénal, que la sanction pénale atteindra un minimum de sévérité.

Ainsi, les peines planchers constituent une première étape pour retisser la confiance entre les citoyens et l’institution judiciaire. Si la sanction doit être en partie adaptée au profil du condamné, elle ne doit pas l’être au point de rendre le système imprévisible, voire arbitraire. À ce sujet, je déplore qu’aucune étude sérieuse n’ait été réalisée par le ministère de la justice sur l’effet des peines planchers de 2007 à 2014, à l’exception d’une étude statistique publiée en octobre 2012 dont les conclusions ne sont pas défavorables, loin s’en faut, au système des peines planchers.

Elles indiquent que les peines planchers ont été prononcées, en moyenne, dans 38 % des cas où elles étaient applicables, ce taux atteignant 84 % pour les crimes. L’étude constate également que, en matière délictuelle, le taux de peines minimales prononcées a bien augmenté, passant de 8,4 % entre 2004 et 2006 à 40,7 % entre 2008 et 2010. Cette évaluation relève un effet particulièrement important s’agissant des infractions à la législation sur les stupéfiants : le quantum de peine correspondant aux peines planchers est prononcé six fois plus souvent qu’avant leur entrée en vigueur.

J’évoque dès à présent une autre étude, que d’aucuns ne manqueront pas de convoquer, publiée en mars 2024 par l’Institut des politiques publiques (IPP), très proche de Sciences Po Paris, qu’on ne peut accuser de se situer à droite de l’échiquier politique. Cette note indique que, à moyen terme, l’application des peines planchers a induit une forte hausse des peines de prison infligées aux récidivistes et une baisse de la récidive de onze points. Il semble bien que les personnes visées par des peines planchers apprennent la lettre de la loi.

Je réponds par avance à ceux qui, depuis des années, sont dans l’incantation que, avant de clamer que les peines planchers ne servent à rien et n’ont pas démontré leur utilité, encore faudrait-il qu’ils disent pourquoi. Aucune étude sérieuse du ministère de la justice n’existe sur ce point à part celle que je viens de citer. S’il s’agit de dire qu’elles ne servent à rien parce que personne n’a prouvé qu’elles servent à quelque chose, nous sommes dans un domaine ressortissant à l’idéologie pure, voire à l’évanescence.

Je me permets de répondre par avance aux arguments fondés sur la surpopulation carcérale. Il ne faut pas prendre le problème à l’envers, comme nous le faisons depuis des années. Ce n’est pas la situation de l’administration pénitentiaire qui doit déterminer notre politique pénale, mais bien le contraire. Il n’est pas acceptable, comme je l’ai entendu dire lors des auditions que j’ai menées, que des magistrats se censurent dans le prononcé d’une peine parce qu’ils savent qu’ils risquent d’aggraver une situation pénitentiaire déjà tendue. Avec ce type de raisonnement par l’absurde, les trafiquants ont encore de très beaux jours devant eux.

Par ailleurs, en dépit de son intitulé, le texte ne vise pas tant à rétablir les peines planchers qu’à instaurer un nouveau concept de sanction pénale : la peine socle. Il s’agit de cibler les faits les plus graves et les plus répandus, que la société doit condamner sous peine de disparaître. Il y a un socle de ces valeurs sur lequel repose la République : les valeurs humaines, dont le respect implique que l’on ne touche pas à l’intégrité ni à la vie de la personne, lesquelles sont protégées par l’article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui oblige les États à prendre toute mesure nécessaire pour protéger la vie humaine.

S’agissant des dispositions de la proposition, le plancher de peine que nous prévoyons ne sera pas intangible. La juridiction pourra toujours y déroger par une décision spécialement motivée et à titre exceptionnel au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur.

J’ai choisi d’adjoindre à cette clause dérogatoire le mot « exceptionnel », ce qui représente un durcissement par rapport aux dispositions en vigueur de 2007 à 2014, afin de renforcer le caractère contraignant de la peine minimale. Je rappelle en effet que, d’après l’évaluation publiée en 2012, les juridictions ont choisi de déroger au seuil minimal de peine dans six cas sur dix. Outre la dérogation au seuil minimal de peine, la juridiction pourra toujours assortir la peine prévue du sursis total ou partiel. Elle tiendra également compte du trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré le discernement de l’auteur ou entravé le contrôle de ses actes. Elle pourra prononcer l’une des nombreuses solutions alternatives à l’emprisonnement prévues par la loi en matière délictuelle.

Aussi ces dispositions sont-elles, me semble-t-il, pleinement en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment les décisions prononcées en 2007 et 2011, que je commente longuement dans le document qui vous a été transmis préalablement à la présente réunion. Le Conseil constitutionnel rappelle qu’il appartient au législateur de prévoir une répression effective des infractions et que le principe d’individualisation des peines n’implique pas que la sanction soit déterminée à l’aune de la seule personnalité de l’auteur. Les circonstances de l’infraction elles-mêmes comptent autant.

Je propose une solution équilibrée, qui cherche à améliorer la réponse pénale et sa lisibilité pour le citoyen tout en préservant l’exigence d’individualisation des peines, que je ne veux aucunement remettre en question. On ne peut donc pas raisonnablement soutenir que la présente proposition de loi porte atteinte au principe d’individualisation des peines.

Telles sont les raisons qui ont amené mon groupe et moi-même à vous proposer ce texte, auquel je souhaite apporter des modifications limitées, essentiellement de nature rédactionnelle.

M. Philippe Gosselin, président. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Michaël Taverne (RN). Nous examinons la présente proposition de loi, qui vise à rétablir les peines planchers pour les auteurs de certains crimes et délits en état de récidive, tandis que les Français nous regardent et nous attendent. Les victimes, totalement abandonnées, veulent des résultats.

Cette proposition de loi pleine de bon sens est validée par une très grande majorité de Français. D’après un sondage récent, 82 % de nos compatriotes veulent que les peines planchers soient rétablies. Parfaitement conscients de la situation d’impunité et de laxisme dans laquelle nous nous trouvons, ils veulent un sursaut judiciaire et sécuritaire.

Avec Marine Le Pen, nous donnons l’alerte, depuis des années, sur le ravage du laxisme judiciaire, en raison duquel la compassion est bien plus accordée aux voyous qu’aux victimes. D’après le sondage précité, 63 % des Français considèrent que l’on protège plus les coupables que les victimes. Il faut donc se poser les bonnes questions.

Ce laxisme a été conforté notamment par Mme Taubira et par sa culture de l’excuse, illustrée par ses demandes plus que contestables aux procureurs de n’opter pour la prison ferme qu’en dernier recours ou de faire de l’aménagement des peines une priorité de politique pénale. Il l’a également été par Emmanuel Macron, qui a déclaré : « Ce que notre nation vit, c’est un sentiment d’insécurité. » J’ai gardé le meilleur pour la fin : Éric Dupond-Moretti a indiqué, après avoir été acclamé par les taulards : « L’ensauvagement, c’est un terme qui développe le sentiment d’insécurité. »

Bref, les gouvernements qui se sont succédé ont fait de la France un eldorado pour les voyous et un enfer pour les victimes, par idéologie, par aveuglement et par incompétence. J’ai une pensée pour les policiers, les gendarmes, les sapeurs-pompiers, les surveillants pénitentiaires et les agents des sociétés de sécurité privée qui, chaque jour, au péril de leur vie, assurent la sécurité de nos compatriotes. Ils sont confrontés à des criminels et à des barbares qui ne reculent devant rien.

J’ai une pensée pour Éric Comyn et pour Mélanie Lemée, deux gendarmes tués par des multirécidivistes, et pour mes anciens collègues et amis Boris Voelckel et Cyril Genest, policiers de la BAC75N, tués en 2016 sur le périphérique parisien par un individu condamné à dix reprises. Des drames parmi tant d’autres !

Dorénavant, la règle est simple : vous vous en prenez physiquement à un représentant des forces de l’ordre, vous dormez en prison. Et que dire des agressions subies par nos professeurs, nos médecins, nos agents des transports publics ? Que dire des crimes et des délits liés au trafic de stupéfiants ? À cette situation alarmante, il faut mettre un terme.

Les auteurs de telles infractions pénales doivent être écartés de la société et condamnés à une peine de privation de liberté. Cela tombe très bien : tel est l’objet de la présente proposition de loi. Tandis que nous proposons le rétablissement des peines planchers, certains nous opposent qu’elles ne sont pas efficaces, qu’elles ne fonctionnent pas, que notre proposition de loi est démago et qu’elle ne fera pas reculer la délinquance. Comment peuvent-ils se satisfaire de la situation que nous connaissons ?

Les chiffres sont éloquents : 1 000 agressions physiques et 120 agressions au couteau par jour ; un refus d’obtempérer toutes les vingt minutes. Le ministère de l’intérieur a recensé 15 150 policiers blessés en 2023, soit plus de quarante quotidiennement, ce qui représente une augmentation de 4,1 % par rapport à 2022. La courbe ne fait que monter depuis trois ans. L’année 2024, malheureusement, n’échappera pas à la règle. Et que dire de ce chiffre effarant : plus d’une femme sur trois n’ose plus sortir seule le soir ? Bienvenue en France en 2024 !

Mes chers collègues, l’heure est venue de prendre vos responsabilités. Il faut enrayer l’engrenage de la violence et replacer la victime au centre de l’échiquier. Il faut écarter ceux qui représentent un danger pour notre société, surtout s’ils sont en état de récidive. Il faut écarter ceux qui agressent les représentants de l’État dans l’exercice de leurs fonctions.

Prononcer de belles paroles, c’est bien ; prendre des mesures de bon sens, c’est mieux. Nos forces de l’ordre ne cessent de réclamer des peines planchers, elles qui sont confrontées à la délinquance et à la violence matin, midi et soir. Elles nous regardent. Si vous ne votez pas la proposition de loi, vous leur aurez définitivement tourné le dos.

M. Ludovic Mendes (EPR). Nous débattons du retour des peines planchers par le biais d’une extension de la procédure instaurée en 2007 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Les peines planchers ont été supprimées en 2014 sous la présidence de François Hollande. Nous avons à ce jour le recul nécessaire pour témoigner de leur inefficacité.

À moyen terme, les personnes condamnées à une peine plancher ont moins récidivé que par le passé. La probabilité de récidive a été réduite d’environ 10 %, mais uniquement pour les infractions passibles de peines plancher. Sur les autres, aucun effet notable n’a été observé. Les chiffres sont clairs.

Si la réforme introduisant des peines planchers a eu une faible efficacité sur la récidive, elle a en revanche pesé sur le système carcéral, en entraînant, de 2007 à 2014, 4 000 incarcérations supplémentaires et une augmentation de 50 % de la durée des peines infligées en cas de récidive, qui sont passées, en moyenne, de 180 à 280 jours d’après une note de l’IPP.

Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive, présentée par notre collègue Naïma Moutchou, nous avons obtenu les chiffres de la Chancellerie sur la sévérité des juges en matière délictuelle. Le taux de prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme pour un majeur en récidive était 54,3 % pour la période 2001-2005, 55,7 % pour la période 2006-2010, 57,7 % pour la période 2011-2015 et 69 % pour la période 2016-2017, ce qui signifie que les juges ne sont pas plus sévères lorsqu’ils ont la possibilité d’appliquer des peines planchers. Tel est également le cas concernant la fréquence du recours à l’emprisonnement ferme : le taux de sursis total ou partiel est proche de 94 % que les peines planchers soient ou non en vigueur.

Contrairement à la loi Dati, la présente proposition de loi ne prévoit aucun aménagement spécifique pour les mineurs, traités de la même façon que les primo-délinquants s’agissant de certaines infractions. Par ailleurs, vous omettez de dire que la proposition de loi emporte un risque constitutionnel majeur s’agissant de peines planchers prévues pour certains délits sans condition de récidive légale. Je rappelle que la décision du Conseil constitutionnel n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 sur la Loppsi 2 a censuré le principe de peines minimales applicables à des mineurs qui n’ont jamais été condamnés pour crime ou délit.

Il est regrettable d’ériger les peines planchers en totem censé résoudre les problèmes d’insécurité auxquels nous sommes confrontés. Nous reconnaissons quasi unanimement que des failles juridiques peuvent exister. Elles sont d’autant plus regrettables lorsqu’elles induisent des faits divers tragiques tels que ceux que nous avons connus récemment. Il est aisé de penser que la procédure des peines planchers est séduisante, compte tenu de la façon dont vous la présentez, en pointant du doigt un supposé laxisme de nos juridictions et en instaurant une solution simpliste pour le combattre. Je reconnais sans hésiter que vous êtes bons, au Rassemblement national, pour manipuler l’opinion sur des sujets aussi importants en jouant sur le sentiment d’insécurité des Français et en leur annonçant que, avec le système des peines planchers, vous résoudrez leurs problèmes.

Les solutions magiques n’existent pas. L’effet dissuasif des peines planchers n’existe pas. Nous avons le recul nécessaire pour le dire. Par ailleurs, le mécanisme des peines planchers va à l’encontre de plusieurs valeurs fondamentales de la justice française. Outre la violation du principe d’individualisation des peines à laquelle vous vous livrez, vous exposez votre méfiance à l’encontre des magistrats du siège, dont le pouvoir d’appréciation et de modulation des peines est le corollaire de leur indépendance.

Pour les raisons juridiques, morales et statistiques que j’ai présentées, nous ne pensons pas que la réintroduction des peines planchers est opportune pour notre justice et pour notre pays. Le groupe Ensemble pour la République votera contre le texte.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Je commencerai par justifier notre opposition aux peines planchers en évoquant les principes constitutionnels, non pour dire que le texte n’est pas conforme à la Constitution – de nos jours, avec les Sages, on n’est jamais sûr de rien –, mais pour rappeler certains principes constitutionnels, notamment issus de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Les principes de proportionnalité et d’individualisation des peines forment un bloc avec le principe de nécessité des peines.

La peine doit être nécessaire pour garantir la paix et l’ordre publics. Si l’on pénalise et condamne trop, la peine n’a plus de sens, ce qui sape la possibilité même de la paix publique. Il ne faut jamais oublier que les principes constitutionnels encadrant les peines sont fondés sur la notion d’efficacité. Les rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’ont pas adopté ces principes parce qu’ils en ont eu l’idée géniale un matin, mais parce qu’ils emportent une efficacité avérée. Ceux qui y sont attachés le sont pour cette raison.

Nous disposons d’éléments d’appréciation de votre proposition de loi, les peines planchers ayant été en vigueur de 2007 à 2014, d’abord pour les récidivistes, ensuite pour les primo-délinquants et certains criminels ayant commis quelques infractions bien identifiées. Il est exact que nous disposons de peu d’études, hormis celle d’Infostat Justice publiée en octobre 2012. D’après cette étude quantitative, il n’y a pas de conséquences majeures notables des peines planchers sur la prévention de la récidive. Il y en a eu une, en revanche, sur l’augmentation de la durée moyenne des peines, notamment des peines de prison.

Nous pourrions même remonter avant 1994, lorsque des peines planchers étaient prévues pour tous les délits et les crimes, ce qui exigeait d’exciper de circonstances atténuantes pour y échapper. Je ne suis pas certain que la délinquance était moins forte qu’elle ne l’est de nos jours. Par ailleurs, de 1994 à 2024, une baisse tendancielle de la délinquance a été observée, sans qu’il soit possible d’établir une corrélation avec les variations des quanta de peine.

Sur le fond, les peines planchers ne préviennent ni la récidive ni le premier passage à l’acte. Les gens ne commettent pas une infraction un code pénal à la main, sauf peut-être les délinquants financiers. Ce que l’on sait, c’est que l’accentuation de la durée moyenne des peines est sans efficacité, et que la prison favorise la récidive, à hauteur de 65 % en moyenne. En somme, vous voulez jeter davantage de gens en prison, ce qui favorisera la récidive. C’est sans fin !

Je laisse de côté l’argument fondé sur la surpopulation carcérale, pour ne pas vous offrir l’occasion de plaider en faveur de la construction de places de prison. Pour ma part, je considère que celle-ci est elle-même un problème en raison de son inefficacité. Au demeurant, vous êtes en partie exaucée. Les dispositions relatives au bloc peine de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ont eu pour effet d’accroître la durée moyenne des peines. Nous n’avons jamais cessé d’augmenter la durée moyenne des peines, nous pénalisons de plus en plus, et pourtant ni la récidive ni le nombre de passages à l’acte ne diminuent. Cette approche ne fonctionne pas.

De 2009 à 2014, vingt-neuf des trente-quatre États américains ayant inséré des peines planchers dans leur législation relative aux stupéfiants les ont abrogées. Nul ne peut suspecter la justice américaine de faire preuve d’angélisme ; ils se sont simplement dit : « Cela ne marche pas, remplit nos prisons pour rien et pourrait même coûter cher ».

Alors on ne fait rien, me direz-vous ? Pas du tout. Il y a deux choses à faire : mettre le paquet sur la prévention spécialisée ; privilégier les peines de probation, notamment la contrainte pénale introduite par Christiane Taubira, qui fonctionne en dépit de l’insuffisance des moyens qui lui sont consacrés.

En conclusion, les peines planchers sont une lubie bas de plafond.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Encore un faux remède du Rassemblement national ! La question des peines planchers en cas de récidive est un serpent de mer qui revient régulièrement, par pure démagogie, faute de réfléchir sérieusement, par-delà les faits divers que vous exploitez éhontément, à une politique pénale ambitieuse et réellement efficace. Encore une très mauvaise réponse du Rassemblement national à la vraie question de la sécurité !

Avec le temps et le recul nécessaire dont nous disposons, nous savons que les peines planchers sont une réponse très populiste, inutile, inefficace et contre-productive. Il s’agit d’un affichage politique – encore un leurre que vous nous proposez ! En 2007, dans l’urgence et sans étude d’impact, Rachida Dati, garde des sceaux du président Sarkozy, a imposé les peines planchers pour se rendre compte immédiatement que non seulement elles ne règlent rien mais, pire, elles remplissent les prisons. Rapidement, elle a rétropédalé et prévu des aménagements de peine pour les condamnations inférieures à deux ans de prison ferme.

Dans l’étude publiée en mars 2024, l’IPP conclut que la loi Dati a eu un effet dissuasif nul à court terme et très limité à moyen terme. Si le législateur les a supprimées en 2014, c’est parce qu’elles se sont avérées inutiles et inefficaces. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de forger les bons outils de politique pénale permettant de prévenir la récidive. Or aucune étude scientifique sérieuse n’établit une quelconque corrélation statistique entre la durée d’une peine prononcée et le taux de réitération ou de récidive. Au demeurant, votre proposition de loi ne repose sur aucune étude scientifique.

Même si l’opinion publique, pour de multiples raisons, n’en a pas conscience, la réponse pénale a été considérablement durcie et aggravée depuis vingt ans. La violence sur les personnes
a-t-elle diminué en proportion ? Absolument pas. L’état pitoyable de nos prisons les rend totalement criminogènes. Elles sont une fabrique de délinquants et de criminels, en raison de leur incapacité à faire du temps de détention un temps utile et surtout à préparer la sortie de prison, qui finit toujours par arriver.

Par ailleurs, les peines planchers contreviennent aux principes cardinaux du droit français que sont les principes d’individualisation et de personnalisation des peines. Il ne s’agit ni d’une lubie ni de laxisme, mais d’une exigence juridique et morale de notre droit. Surtout, qui mieux que le juge pénal est en capacité d’adapter la peine non seulement aux faits poursuivis mais à l’ensemble des éléments de la personnalité de l’auteur ?

S’ils souhaitent vraiment prononcer une peine sévère, les juges n’ont pas besoin des peines planchers ; ils ont un instrument qui s’appelle le code pénal, énumérant la panoplie des peines. Votre texte est une dérangeante marque de défiance de votre parti politique à l’endroit de nos magistrats et du travail de dentelle qu’ils sont contraints de faire, dans des conditions difficiles.

Enfin, votre proposition de loi est réellement contre-productive. La loi Dati a eu pour effet d’augmenter le nombre d’incarcérations, avant que le législateur, en toute hypocrisie, ne prévoie l’aménagement des peines inférieures à deux ans de prison ferme, faisant sortir par la porte de derrière ce qu’il venait de faire entrer par la porte de devant. Quelle hypocrisie ! Au demeurant, la France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et les magistrats vous ont alertée sur le stock très important de personnes détenues en attente de jugement.

La vérité oblige à dire que vous mentez à nos concitoyens. Nous voterons contre la proposition de loi.

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). La proposition de loi vise à rétablir, pour certains crimes et délits, des peines minimales, dites planchers, qui avaient été instaurées par la loi du 10 août 2007 pour les cas de récidive, avant d’être abrogées en 2014. Leur application ne se limite au demeurant pas, ici, à la récidive. L’exposé des motifs prend appui sur le droit à la sûreté, consacré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, mais ses auteurs feignent de ne pas comprendre que ce droit, en 1789, visait à protéger les citoyens contre l’État en proscrivant les lettres de cachet et autres arrestations arbitraires. Il ne s’agissait pas alors de conférer à l’État plus de facultés d’emprisonner, mais tout l’inverse.

Le principe de notre droit pénal est que la sanction doit être modulée afin de correspondre à la gravité des faits et notamment à la personnalité de son auteur. Ainsi, la juridiction peut librement choisir la nature de la peine. Il est très bien que cela reste ainsi et que la justice pénale demeure indépendante.

La philosophie de la peine plancher, qui tourne le dos aux principes qui sont les nôtres depuis 1789, révèle en réalité une méfiance envers les juges, supposés trop laxistes, qu’il faudrait contraindre à devenir des machines à prononcer des peines. La peine plancher est le contraire du principe de valeur constitutionnelle d’individualisation des peines qui guide notre droit pénal.

La lutte contre la récidive est essentielle mais, bien loin de combattre ce phénomène, les peines planchers contribuent en réalité à le renforcer. Le bilan de la loi de 2007, qui figure dans l’étude d’impact de la loi du 15 août 2014, atteste en effet que le dispositif n’a pas fonctionné. Les évolutions montrent que le taux de prononcé des peines minimales pour les délits commis par des majeurs a diminué d’année en année. Par ailleurs, la loi du 10 août 2007 n’a pas entraîné un recours plus important aux peines d’emprisonnement, ce dernier étant resté proche de 94 %. Surtout, comme l’indiquent les données de l’Insee et du ministère de la justice, la part des récidivistes n’a pas diminué entre 2007 et 2014. L’une des causes bien documentée de la récidive est la surpopulation carcérale, contre laquelle il faut lutter sans relâche. Le groupe Écologiste et social veut continuer à faire entendre, dans le débat public, la nécessité d’instaurer un mécanisme de régulation carcérale, qu’Elsa Faucillon et Caroline Abadie avaient courageusement défendu lors de la précédente législature.

Nous souhaitons également développer davantage les peines alternatives. La surpopulation carcérale rend nos prisons criminogènes, là où les peines alternatives sont efficaces. Mais cela, le Rassemblement national n’en a que faire. Surveiller et punir, tel est son credo. Plusieurs textes de loi, votés ces dernières années, ont accru la répression de certains crimes et délits, sans résultat, faute d’une véritable politique de prévention. L’inflation pénale ne saurait constituer une politique efficace.

Cette proposition de loi constitue l’application du populisme pénal, caractérisé par des mesures démagogiques et inefficaces. Face à la violence, bien réelle et parfois spectaculaire, le Rassemblement national n’a pas d’autre solution à proposer que le retour à une mesure phare de Nicolas Sarkozy votée il y a dix-sept ans, et qui n’a pas fonctionné : quel manque d’imagination !

Le groupe Écologiste et social votera résolument contre ce texte, qui constituerait un ajout inutile et dangereux à notre droit.

M. Éric Martineau (Dem). La lutte contre la délinquance et la criminalité est un enjeu qui nous préoccupe tous. La récidive renvoie notre système pénal à son échec et constitue un sujet central pour notre société et un axe fondamental de nos politiques pénale et pénitentiaire. Ces dernières années, nous avons renforcé les sanctions prononcées en cas de violences commises contre les forces de sécurité intérieure et en cas de refus d’obtempérer. Nous avons également limité la durée des réductions de peine pour les auteurs de violences graves contre les personnes investies d’un mandat public. Ce durcissement du code pénal s’est accompagné d’une politique pénale de la Chancellerie visant à améliorer l’efficacité et la réactivité de la justice. Entre 2009 et 2023, le taux de poursuite a augmenté de 10 points et les circulaires ont incité les magistrats à recourir davantage aux déferrements et aux procédures rapides pour réduire les délais de jugement. Enfin, pour lutter contre la récidive, le taux de peines d’emprisonnement prononcées est déjà très élevé.

Nous avons aussi cherché, dans les dernières lois de programmation de la justice, à mieux préparer la sortie de prison, à encourager le recours à la justice restaurative et à favoriser la réinsertion.

Pourtant, vous dressez le constat de la persistance de la récidive et de l’augmentation continue de la violence et de la délinquance. Nous ne le contestons pas mais nous ne partageons pas, pour autant, votre solution. L’instauration de peines planchers pour les crimes et délits commis en état de récidive, relatifs au trafic de stupéfiants ou commis sur des personnes dépositaires de l’autorité publique ne nous semble pas adaptée, pour plusieurs raisons.

Le bilan de ce mécanisme, qui s’est appliqué entre 2007 et 2014, montre qu’il n’a eu qu’un faible effet dissuasif sur la récidive et aucun effet sur la réinsertion. L’augmentation générale du quantum des peines, qui a commencé avant 2007 et s’est poursuivie après 2014, illustre également le fait que le durcissement des peines de prison ne parvient pas à enrayer la récidive.

Les études mettent aussi en évidence que les peines planchers n’ont pas eu d’impact sur le nombre de peines d’emprisonnement prononcées par les juges. Ceux-ci ont même choisi de ne pas infliger de peines planchers dans 60 % des cas. C’est bien le signe que ce n’est pas le quantum des peines qui est trop faible, et que le fait de fixer des peines minimales n’est pas la solution.

L’instauration de peines planchers, ou de peines socle, comme vous le dites, engendrerait également un coût non négligeable pour l’institution judiciaire. Rappelons, à cet égard, que l’augmentation de la population carcérale entre 2007 et 2014 aurait coûté 146 millions d’euros par an.

La France est en outre régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour la surpopulation carcérale et les mauvaises conditions de détention que nous infligeons aux détenus. Il conviendrait de s’atteler à la réduction du nombre de détenus, en commençant par appliquer le plan « 15 000 places de prison ».

Notre groupe est très attaché à ce que l’on vote des lois conformes à notre Constitution. Votre proposition de loi ne semble pas non plus remplir ce critère, dans la mesure où elle porte atteinte au principe cardinal de notre droit pénal qui est l’individualisation des peines. Vous manifestez, ce faisant, une certaine défiance à l’égard des juges. Si vous laissez au juge la possibilité de déroger à la peine plancher, vous n’écartez pas les mineurs du champ d’application de votre dispositif et portez ainsi atteinte au principe de l’excuse de minorité.

Par souci d’efficacité et de proportionnalité de la réponse, par respect pour nos juges, pour le principe d’individualisation des peines et pour notre Constitution, le groupe Les Démocrates ne votera pas ce texte.

Mme Naïma Moutchou (HOR). Le groupe Horizons et indépendants est favorable aux peines planchers dans leur principe – ce n’est pas un secret – mais il est défavorable à l’application qui en est proposée par le Rassemblement national dans ce texte, que nous rejetterons.

La sécurité est une préoccupation des Français et, donc, une priorité pour nous. La récidive, qui est en réalité le principal problème sur lequel nous devons concentrer nos efforts, reste d’une grande actualité. Plus de 40 % des condamnés, en 2021, étaient des récidivistes ou des réitérants. C’est un enjeu de justice et de protection de nos concitoyens. L’un des moyens dont nous disposons pour réduire la récidive est de nous appuyer sur le caractère dissuasif de la peine, mais celui-ci ne doit pas être employé n’importe comment. La rigidité, qui caractérise cette proposition de loi, ne fonctionne pas en matière judiciaire. Les peines planchers que vous proposez s’appliqueraient à un large éventail de crimes et de délits, pas seulement en cas de récidive.

Pour ma part, je m’intéresse aux résultats. Le bilan des sept ans d’application de la loi de 2007, votée sous la présidence de Nicolas Sarzoky, qui avait institué les peines planchers, est plutôt mauvais. Les chiffres dont nous disposons montrent que, contrairement à ce que vous avez affirmé, l’effet dissuasif de ces peines n’était pas au rendez-vous, notamment en matière criminelle, où les peines minimales étaient en deçà de celles prononcées par les cours d’assises. Cela traduit une forme d’échec qui a été vécu comme une marque de défiance à l’égard de l’autorité judiciaire. Il faut le rappeler, car ce n’est pas anodin.

Je reste persuadée qu’un autre équilibre est possible, à savoir un dispositif ciblé et proportionné qui sera compris et praticable précisément parce qu’il n’est pas général.

Nous considérons que l’un des visages les plus intolérables de la récidive est la violence commise contre ceux qui exercent des missions de service public et qui contribuent au bien commun. Policiers, gendarmes, pompiers, enseignants, élus, soignants, gardiens d’immeuble, chauffeurs de bus, pour ne citer qu’eux, sont trop souvent pris pour cible. Jeudi dernier, encore, deux policiers ont été roués de coups à Marseille. Il y a quelques jours, un autre policier était agressé au couteau au commissariat de Saintes. Hier, une enseignante était rouée de coups par un jeune élève. À Tourcoing, une autre enseignante était agressée et menacée. Et je ne cite là que les événements les plus récents.

La proposition de loi que j’ai défendue avec mon groupe en mars 2023 visait à lutter contre la récidive en instaurant une peine minimale d’un an d’emprisonnement pour les violences commises en récidive contre les personnes exerçant une mission de service public. Je proposerai, dans le même esprit, un amendement de réécriture qui vise à instaurer, non des mesures simplistes – la politique pénale étant un équilibre fragile – mais un dispositif ciblé, efficace, dans l’intérêt général.

Mme Martine Froger (LIOT). Face aux attentes toujours plus grandes des citoyens vis-à-vis de notre système judiciaire, notre groupe appelle au pragmatisme et rejette toute vision idéologique sur la question de la récidive. À la lecture de la proposition de loi, je constate que le groupe Rassemblement national ne dissimule pas son hostilité à l’égard des juges, qu’il estime trop cléments. Cette accusation en laxisme est sans fondement et éloignée de la réalité, comme en témoigne d’ailleurs la surpopulation carcérale, qui bat chaque année des records.

L’application des peines planchers, entre 2007 et 2014, s’est soldée par un bilan médiocre. Je regrette votre vision idéologique et simpliste, qui remet en cause le fonctionnement de notre système pénal. Votre discours, loin d’apporter des solutions concrètes, ne fait que nourrir la défiance des citoyens à l’égard de notre justice pénale.

Au fond, que proposez-vous ? Les deux articles de votre proposition de loi généralisent les peines planchers à tous les délits et les crimes commis en récidive, ce qui nous renvoie dix ans en arrière. Vous auriez gagné à vous pencher sur le bilan de l’expérience menée entre 2007 et 2014, qui dresse deux constats. D’une part, les peines planchers n’ont pas accru la sévérité des décisions. En matière délictuelle, le taux de condamnations à de la prison ferme pour un majeur récidiviste était de 57 % au cours de la période 2011-2015 et de 69 % au cours des années 2016-2020 : les décisions ont donc été plus sévères après l’abrogation des peines planchers. D’autre part, ces peines n’ont pas permis non plus de faire baisser la récidive : pour le délit de vol, le taux de récidive est passé de 13,9 % en 2007 à 18,5 % en 2014.

En réalité, un juge n’a nullement besoin d’une peine minimale pour se montrer plus sévère face à un délinquant. Lorsqu’on modifie aussi brutalement notre droit, il faut consulter les principaux intéressés. Quand on parle de la peine plancher à un juge ou à un avocat, il commence par rappeler qu’elle constitue une atteinte directe au principe d’individualisation des peines. Cela explique que votre proposition de loi fasse l’unanimité contre elle parmi les professionnels du droit.

Loin de vos positions démagogiques, notre groupe souhaite une politique pénale qui réponde aux problèmes de notre société – et non pas une politique pénale qui se nourrisse de ceux-ci. La justice doit certes punir, mais elle doit aussi insérer ; il faut lui en donner les moyens. Elle doit pouvoir offrir des conditions de détention dignes et être en mesure de prononcer des peines alternatives. Les services de probation doivent pouvoir jouer leur rôle – qui est essentiel –, tant pour accompagner les détenus que pour appuyer les juges.

Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe votera résolument contre ce texte.

M. Ian Boucard (DR). Il ne vous surprendra pas que la Droite républicaine soit favorable, par principe, aux peines planchers, qui avaient été créées par le président Nicolas Sarkoky et lancées par la garde des sceaux Rachida Dati, qui plus est dans un contexte où nos concitoyens demandent une justice plus ferme pour faire face à la montée de la violence. Les statistiques récentes montrent en effet une hausse des crimes graves, qu’il s’agisse de meurtres, de tentatives d’homicide ou de violences volontaires, lesquels justifient une réponse judiciaire plus ferme.

Cette proposition de loi répond, du moins en apparence, à l’exigence de la restauration de l’ordre public et de la protection de nos concitoyens contre une délinquance qui ne cesse de croître.

Le texte cible spécifiquement les récidivistes, ce qui permet de lutter contre ce type de comportements. D’après la lettre « Infos rapides » du ministère de la justice du 30 avril 2024, 40 % des personnes condamnées en 2019 étaient en état de récidive ou de réitération : cela concernait 8 % des personnes condamnées pour un crime et 40 % de celles condamnées pour un délit – 14% au titre de la récidive légale et 26 % au titre de la réitération. Les récidivistes doivent savoir que la justice ne fermera plus les yeux. Trop souvent, des peines symboliques ou des aménagements de peine encouragent un sentiment d’impunité ; cela diffuse aussi une image trompeuse de la justice, qui pourrait paraître laxiste même quand elle ne l’est pas. Un même délinquant est parfois condamné cinq, six ou sept fois sans faire de prison ferme. La proposition de loi a le mérite de clarifier les marges de manœuvre de la justice.

Les personnes dépositaires de l’autorité de l’État et chargées d’une mission de service public, à l’image de nos forces de l’ordre, de nos soignants, de nos enseignants – pour ne citer qu’eux – devraient, selon nous, être beaucoup mieux protégées. Je regrette que, lors de l’examen de la proposition de loi du groupe Horizons, en 2023, nous n’ayons pas été entendus, alors qu’un consensus régnait entre nos deux groupes. Le texte a malheureusement été bloqué par le garde des sceaux et le président de la commission des lois de l’époque. Nous avions là l’occasion d’avancer nettement sur cette question ; si nous avions adopté cette bonne proposition de loi, nous n’aurions pas à revenir sur le sujet aujourd’hui.

Renforcer la protection des agents de l’État victimes d’une agression ou d’un crime devrait être une priorité pour chacune et chacun d’entre nous. Cela nous éviterait les débats que nous tenons régulièrement sur les refus d’obtempérer, les agressions sur nos soignants ou sur nos enseignants.

Le texte prévoit la possibilité de déroger aux peines planchers en cas de circonstances exceptionnelles, ce qui offrirait au juge une certaine flexibilité. Cela ne signifie pas, pour autant, que la loi passerait sans encombre l’écueil du Conseil constitutionnel, qui formulerait nécessairement des réserves, comme l’a montré le précédent de la loi de Rachida Dati.

Le groupe de la Droite républicaine est plutôt favorable à la proposition de loi mais se réserve le droit de participer activement au débat, car il nous paraît nécessaire d’améliorer substantiellement la rédaction de certains passages.

Le groupe Rassemblement national a affirmé que cette question constituait sa priorité, mais la place à laquelle il a inscrit le texte dans le cadre de sa journée réservée du 31 octobre laisse penser qu’il a peu de chances d’être discuté dans l’hémicycle. Cela conduit à s’interroger sur les priorités des uns et des autres.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Collègues de l’extrême droite, nous vous savions nostalgiques d’un ancien temps. Par ce texte, vous nous ramenez près de vingt ans en arrière, plus précisément à la loi du 10 août 2007 qui avait introduit les peines planchers dans notre droit pénal, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et dont les dispositions ont été abrogées par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Pendant sept années, nous avons expérimenté les peines planchers : sept années qui n’ont vu disparaître ni la délinquance, ni les crimes, ni la récidive. Si les chiffres avaient sensiblement baissé, il y aurait matière à discussion, mais il n’en est rien. En 2006, les statistiques du ministère de la justice indiquaient un taux de récidive de 2,9 % pour les condamnations à des crimes et 6,5 % pour les condamnations à des délits. En 2013, juste avant que les peines planchers ne soient abrogées, ces taux avaient doublé.

En voulant garantir que tout délinquant ou tout criminel récidiviste effectuera une peine minimale déterminée par la loi, vous promettez une sécurité automatisée aux Français. Or cela ne fonctionne pas. Les peines planchers ne sont ni efficaces pour lutter contre la délinquance, ni utiles pour limiter la récidive, comme l’ont établi de nombreux rapports que, manifestement, vous n’avez pas lus. Il n’existe donc pas de résultats probants attestant un effet positif de la détention sur la prévention de la récidive. Au contraire, de nombreuses études démontrent que la détention entraîne un risque accru de récidive, ce qui conduit le Conseil de l’Europe à rappeler continuellement que le recours à l’emprisonnement doit rester une réponse exceptionnelle.

Non seulement cette mesure ne remplirait aucun de ses objectifs, mais elle nuirait au bon fonctionnement de notre système judiciaire. Les peines planchers ont en effet pour conséquence d’entraîner une forte hausse des peines de prison ferme, ce qui conduit à une surpopulation carcérale délétère. Cette dernière entraîne des conditions de détention indignes qui valent régulièrement à notre pays d’être condamné par la Cour européenne des droits de l’homme. À La Réunion, où je suis élue, la surpopulation atteint 160 % au quartier des femmes, où mineures et majeures sont incarcérées ensemble, en toute violation de notre droit. Le rétablissement des peines planchers aggraverait considérablement cette situation.

Si le respect des droits humains n’a jamais été l’une de vos préoccupations majeures, pensez au moins aux conditions de travail des agents pénitentiaires. À Majicavo, dans le département de Mayotte, le directeur du centre pénitentiaire vient de démissionner, après la prise d’otages de nombreux agents pénitentiaires consécutive à une émeute, pour donner l’alerte sur la surpopulation carcérale, qui dépasse 180 %.

L’idée d’instaurer des peines planchers découle de la volonté d’assurer une justice automatisée, déshumanisée. La proposition de réinstauration de ces peines nourrit clairement la défiance envers les juges, accusés d’être laxistes, voire militants, par les dirigeants du Rassemblement national, ceux-là mêmes qui sont poursuivis pour détournement de fonds publics. On comprend votre volonté de décrédibiliser la justice.

La proposition de loi s’inscrit plus largement dans une remise en cause des principes fondamentaux de la justice, de la procédure pénale et de l’État de droit. Pour notre part, nous restons fermement attachés aux principes constitutionnels d’individualisation des peines et au principe du procès équitable.

Pour son inefficacité, ses effets regrettables sur le système carcéral déjà en souffrance et la publicité mensongère de votre idéologie rance, nous voterons contre ce texte.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Tout d’abord je voudrais faire un petit rappel historique : des rédacteurs de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 avaient déjà instauré les peines planchers.

Je fais partie, dans cette assemblée, des ex-UMP qui avaient voté, le 10 août 2007, la loi instituant ces peines, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, Rachida Dati étant alors garde des sceaux. Jean-Paul Garraud avait aussi fait voter, à la suite d’un rapport d’Éric Ciotti, la création de 24 000 places de prison, portant le total des places à 80 000 : mesure qui, avec les peines planchers, fut l’une des premières à être abrogées, par pur dogmatisme, par le nouveau garde des sceaux, Christiane Taubira. On ne dira jamais assez les désordres et les résultats catastrophiques qu’a engendrés l’abrogation de quasiment toutes les lois que nous avions votées sous la présidence de Nicolas Sarkozy dans les domaines de la sécurité et, plus généralement, de la justice.

Les adversaires de ce texte nous disent de concert que la prison serait inutile et inefficace, qu’elle ne préviendrait pas la récidive, que ces dispositions seraient démagogiques. Pour ma part j’ai choisi, depuis longtemps, un autre camp : j’ai fait le choix de protéger les victimes. Pendant que ces délinquants particulièrement dangereux, récidivistes, condamnés à des peines lourdes sont en prison, ils ne commettent pas de crimes ou de délits supplémentaires. Aujourd’hui, n’en déplaise aux détracteurs de cette proposition de loi, la délinquance a explosé. C’est une violence que l’on n’a jamais connue. On fait face à des actes de barbarie, à de l’antisémitisme, à un cortège de crimes et de délits de plus en plus graves et de plus en plus dangereux pour notre population.

Je voterai cette proposition de loi des deux mains, naturellement, mais il nous faut aussi voter, parallèlement, l’augmentation du nombre de places de prison. La surpopulation carcérale est de fait, indécente. Si l’on veut permettre la réinsertion des détenus, leurs conditions de détention doivent être bonnes ; il faut pouvoir préparer un retour à la vie normale, éventuellement l’apprentissage d’un métier.

M. Sacha Houlié (NI). On note trois types d’arguments justifiant l’opposition à la réinstauration des peines planchers. D’abord, des arguments philosophiques, qui tiennent au respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et, en particulier, au principe d’individualisation de la peine. Selon ce principe, la peine doit être juste et adaptée, et le juge qui la prononce doit être libre d’en déterminer le quantum comme la raison. Ce principe reposait aussi sur la confiscation du droit à la vengeance, qui a mis fin à l’arbitraire sous la Révolution. En outre, comme cela a été rappelé lors de l’examen de la précédente proposition de loi, on cherche à protéger l’État de droit par l’application du principe élémentaire de la séparation des pouvoirs, en vertu duquel le législateur n’impose pas sa réflexion au juge.

Ensuite, il y a un argument pragmatique, qui est l’inefficacité totale des dispositions relatives aux peines planchers. Cela concerne tant le nombre de peines prononcées – qui était plus élevé lorsque les peines planchers ne s’appliquaient plus – que le quantum des peines – qui est plus sévère depuis l’abrogation de la loi de 2007.

Enfin, on relève des arguments contextuels : un certain nombre de lois ont été adoptées depuis 2021 – pour s’en tenir à cette date. On peut citer la loi pour la confiance dans l’autorité judiciaire, qui a supprimé les remises de peine automatiques pour les agresseurs des personnes chargées d’une mission de service public ; la loi de 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, qui définit des incriminations spécifiques réprimant les actes de violence à l’encontre de ceux qui assurent la sécurité dans l’espace public ; et la loi confortant les principes de la République, qui introduit les délits de séparatisme et de mise en danger de la vie d’autrui par la diffusion d’informations personnelles. Cette proposition de loi est donc inutile.

Pour toutes ces raisons, il convient de s’opposer à ce texte.

Mme Pascale Bordes, rapporteure. Nombre d’entre vous ont évoqué le principe d’individualisation de la peine et ont affirmé qu’il s’agissait d’un droit sacré du délinquant. Je n’en disconviens pas, mais aucun de ceux qui m’ont opposé cet argument n’a rappelé que nos concitoyens ont un droit imprescriptible à la sécurité. On a l’impression que la sécurité de nos concitoyens ne vous importe pas, que vous vivez tous dans une bulle où il ne se passe jamais rien. Vous pouvez crier, mais ça ne changera rien aux faits, aux chiffres de la délinquance, qui sont en pleine explosion. La société est devenue extrêmement criminogène. Pour votre part, vous vous moquez éperdument des victimes. Vous parlez de démagogie, mais il me semble que c’est plutôt vous qui êtes devenus maîtres en la matière.

Monsieur Mendes, vous dites disposer de suffisamment de recul pour avoir la preuve de l’inefficacité de peines planchers. Pourtant, peu d’études ont porté sur leurs effets. L’une, menée par l’Institut des politiques publiques, proche de la gauche voire de l’extrême gauche, reconnaît certaines vertus à ce dispositif, dont l’augmentation de la durée de détention des délinquants. À titre personnel, cela me ravit que des personnes qui ont commis des crimes et des délits aient été mis plus longtemps hors d’état de nuire, chose qui ne semble pas vous satisfaire, vous qui vous désintéressez du sort des victimes. Un bulletin d’information statistique du ministère de la justice publié en 2012 souligne, par ailleurs, que ces peines ont eu un certain succès, de courte durée, hélas, puisque la loi Taubira est venue détricoter ce dispositif et ouvrir les portes des maisons d’arrêt et des centres de détention.

Vous affirmez que les peines planchers auraient conduit à augmenter la population carcérale, mais notre politique pénale n’a pas à s’adapter à la situation des prisons. C’est schizophrénique : ce serait parce qu’il y a trop de monde en prison, parce que vous n’avez pas su, pendant plus de dix ans, gérer la situation, que nous ne pouvons plus rien faire ! Il y a désormais tellement de monde en prison, nonobstant l’abrogation des peines planchers, que vous avez la solution miracle avec la régulation carcérale. Cette fois, non seulement nous arrêtons d’envoyer des gens en prison mais, en plus, nous en faisons sortir ceux qui y sont déjà. Nul doute qu’avec votre solution magique, les trafiquants de stupéfiants et autres criminels ont de beaux jours devant eux.

Monsieur Bernalicis, vous avez insisté sur le respect de la Constitution et du principe de proportionnalité des peines. Si vous étiez allé au-delà de la première page de la décision du Conseil constitutionnel, dont la longueur appelle certes quelques efforts, vous auriez pu constater qu’elle rappelle qu’il appartient au législateur le soin de fixer des règles assurant une « répression effective des infractions » et que le principe de l’individualisation des peines n’implique pas qu’il faille déterminer la sanction au regard de la seule personnalité de l’auteur. D’autres paramètres doivent en effet être pris en compte, notamment les intérêts de la société comme de la victime.

Vous insistez, vous aussi, sur l’augmentation de la durée moyenne des peines de prison, déplorant ce qui, moi, me ravit. Vous prétendez par ailleurs que les peines planchers n’influeraient pas sur la récidive. Sur quelle étude du ministère de la justice vous appuyez-vous ? Il n’y en a pas ; peut-être en recevrons-nous un jour. Vous lisez peut-être dans le marc de café ou les boules de cristal ; pour ma part, je m’en tiens aux méthodes scientifiques. Vous pouvez toujours rire, je m’appuie sur des chiffres et des comparaisons. Le niveau de la délinquance entre 2007 et 2014 n’a rien à voir avec celui qu’on observe depuis la loi Taubira. Nous avons assisté à une explosion des phénomènes criminels, en particulier du trafic de stupéfiants.

Madame Capdevielle, ce texte serait, d’après vous, démagogique, domaine dans lequel la gauche est experte. Vous affirmez encore que mon groupe exploite les faits divers. Nombre de familles de victimes apprécieront à leur juste mesure ces propos écœurants. Ce ne sont pas des faits divers, ce sont des faits de société. Ce sont des vraies personnes qui ont été violées et qui sont mortes. Rappelons ce qui s’est passé en l’espace de seulement deux jours : à Grenoble, hier, un gamin de 15 ans a été tué, sur fond de trafic de stupéfiants et un véhicule de police a été attaqué au mortier ; à Mulhouse, ce matin, une ambulance transportant un blessé a été attaquée par des tirs de mortier. Que faites-vous face à cela ? Vous affirmez que ce texte est démagogique. J’attends que la Chancellerie nous transmette des études scientifiques, nous en discuterons ensuite.

Comme d’autres, vous voyez dans notre proposition de loi une forme de défiance à l’égard de la magistrature. À titre personnel, j’ai un respect immense pour la justice en tant qu’institution mais, je n’ai pas honte de le dire, j’en ai beaucoup moins pour certains syndicats de magistrats d’extrême gauche, qui n’ont eu de cesse de torpiller l’institution judiciaire ces dernières années.

Monsieur Iordanoff, ce texte vise à protéger la société contre les auteurs des faits les plus graves. Sur le principe de l’individualisation des peines, auquel mon groupe est viscéralement attaché, le Conseil constitutionnel s’est prononcé à deux reprises, en 2007 et 2011, et nous nous sommes conformés à ses préconisations. Je note toutefois que vous êtes plusieurs à en avoir une conception à géométrie variable. Vous vous en réjouissez quand il s’agit pour le magistrat de ne pas condamner un pauvre délinquant à la peine maximale encourue. En revanche, je ne vous ai pas entendu sur l’autocensure que s’appliquent les juges pénaux pour ne pas prononcer de condamnations à des peines de prison ou bien les juges de l’application des peines, devenus de véritables gestionnaires de stocks de places de prison. Que penser de la situation du magistrat se voyant obligé de revenir sur la décision de trois ans d’emprisonnement qu’il a prise en son for intérieur après avoir entendu le prévenu, son avocat et les parties civiles, car son chef de juridiction reçoit tous les jours des notes sur l’état des prisons et lui fait passer le message subliminal de prendre en compte l’état de la population carcérale ? Vous ne trouvez peut-être rien à redire à ces pratiques que nous ont rapportées des magistrats auditionnés ; moi, elles me choquent.

Monsieur Martineau, j’aimerais revenir sur les chiffres relatifs à la récidive. En 2023, d’après la commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej), seules 14 % des affaires ont fait l’objet de poursuites pénales, un des taux les plus bas d’Europe – même la Turquie fait mieux que nous avec un taux de 30 %. Et si, comme vous l’affirmez, le taux de poursuites pénales a augmenté de 10 points entre 2009 et 2023, est-ce à dire qu’il n’était que de 4 % auparavant ? Ajoutons à cela que 75 % des affaires ont fait l’objet d’un classement sans suite. Est-ce digne d’une démocratie de l’Europe de l’Ouest ?

Dix ans après son application, il est temps de faire le bilan de la loi Taubira. La prison est devenue l’exception et vous voulez, grâce à la régulation carcérale, ouvrir les portes des établissements pénitentiaires, trop remplis car les effets de cette loi en matière de récidive et de délinquance ont été très négatifs. Il ne faut pas oublier que la criminalité et la délinquance ont changé depuis une dizaine d’années. Je vous renvoie aux travaux du Sénat sur le trafic de stupéfiants. Notre pays est à deux doigts de devenir un narco-État et de voir ses institutions torpillées : les trafiquants ne craignent plus rien ni personne. Dotés de moyens exceptionnels, ils peuvent même commanditer des assassinats depuis leurs cellules et acheter un contrat de tueur à gage auprès d’un mineur de 14 ans. Cela, nous ne l’avions pas du temps de la loi de Mme Dati sur les peines planchers. Sortez donc dans la rue, allez dans les cités. Vous verrez ce qu’est la réalité de la criminalité aujourd’hui.

Madame Moutchou, j’ai bien noté que vous approuviez le principe des peines planchers mais que vous ne voteriez pas notre proposition de loi. Je tiens à rappeler qu’elle cible un nombre réduit d’infractions : récidive, trafic de stupéfiants et atteintes aux personnes détentrices de l’autorité publique et assimilées. Visiblement, une partie des membres de cette commission ne partagent pas les valeurs républicaines qui sont les nôtres. Nous voulons assurer une double protection : d’une part, à l’égard de tous nos concitoyens contre les trafiquants de drogue, d’autre part, à l’égard des personnes exerçant une mission de service public, qu’il s’agisse de la communauté des soignants, des enseignants ou des forces de l’ordre. Pour des salaires peu élevés, elles mettent leur vie en danger tous les jours pour notre sécurité et notre bien-être et méritent tout notre soutien. Refuser de voter ce texte, c’est leur cracher à la figure.

Madame Froger, la démagogie n’est pas forcément là où on le croit mais l’idéologie, nous savons bien là où elle est – à gauche, vous avez même atteint en la matière un stade de perfection. Les attaques de Mulhouse et Grenoble montrent à quoi cela nous mène.

M. Philippe Gosselin, président. J’appelle les membres de la commission au calme et Mme la rapporteure à la concision.

Mme Pascale Bordes, rapporteure. Selon vous, les professionnels du droit seraient unanimement opposés au texte. Pour ma part, j’ai l’impression inverse. Si vous pensez aux membres du syndicat de la magistrature, je n’en dirai pas plus. Quant à mes collègues du Syndicat des avocats de France, je les mets dans le même sac.

Monsieur Boucard, je n’aurais pas dit mieux que vous et je compte sur vos contributions pour améliorer cette proposition de loi. Je sais que vous pouvez faire œuvre créatrice.

Madame K/Bidi, si ce sont vos seuls arguments, je ne perdrai pas mon temps à vous répondre. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Quant à votre raisonnement en matière de traitement de la délinquance, il est schizophrénique mais je n’en dirai pas plus.

Je suis ravie de compter Mme Barèges parmi les députés qui se soucient du sort des victimes et veulent les protéger.

Enfin, monsieur Houlié, j’ai déjà répondu au sujet de l’individualisation de la peine et de l’efficacité de nos mesures.

 

Article 1er (art. 132-18-1 [nouveau] du code pénal) : Seuils minimaux de peine pour les crimes commis en état de récidive légale, pour les crimes prévus en matière de trafic de stupéfiants et pour les crimes commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

Amendements de suppression CL3 de M. Jérémie Iordanoff, CL4 de M. Ugo Bernalicis, CL7 de Mme Colette Capdevielle, CL9 de Mme Martine Froger et CL11 de Mme Émeline K/Bidi

M. Jérémie Iordanoff (EcoS). Je m’étonne du ton très condescendant et désagréable qu’a employé Mme la rapporteure, qui n’a pas avancé un seul argument susceptible de justifier l’efficacité des peines planchers. Comme le texte précédent, cette proposition de loi n’est que de pur affichage. La politique pénale et la protection de nos concitoyens demandent du sérieux. Arrêtons ici la discussion.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Le mécanisme des peines planchers est d’une apparente simplicité qui peut laisser croire qu’il ferait économiser du temps aux magistrats. L’individualisation de la peine est un principe mais aussi une façon de rendre la justice de la manière la plus efficace possible. Calibrer la sanction en fonction des infractions ou des délits, c’est apporter la réponse la plus réparatrice possible et limiter la récidive. De surcroît, rien ne permet d’affirmer que les peines planchers ont fonctionné.

Ce texte a le même caractère démagogique que votre autre proposition de loi. Les justifications qu’avancent ses défenseurs ne détonneraient pas dans un bistrot. Tout simplifier, c’est ne plus pouvoir agir.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Ce que demandent les magistrats, à quelque syndicat qu’ils appartiennent, c’est qu’on les laisse travailler tranquillement et que l’on mette un terme à l’inflation législative. Cessons de voter des lois qui se contredisent les uns après les autres.

Selon vous, les peines planchers assureraient une progressivité. Or, celle-ci peut être garantie par d’autres moyens. Lorsque les faits sont graves, le juge a toute latitude pour prononcer une lourde peine, après avoir pris en compte divers éléments d’appréciation – gravité des faits, contexte de leur commission, mode opératoire, personnalité et antécédents judiciaires du prévenu, conséquences subies par la victime.

Les peines planchers permettraient d’avoir la certitude qu’une peine soit prononcée, dites-vous encore. Les magistrats sont des professionnels : si les faits sont constitués, il y a une condamnation pénale ; si ce n’est pas le cas, il y a acquittement ou relaxe.

Quant aux victimes, ce qu’elles veulent, c’est être indemnisées à l’issue de procédures rapides et être respectées. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons qu’elles soient assistées dès le début par des avocats et accompagnées dans le processus d’indemnisation. Surtout, elles n’aiment pas se voir instrumentalisées. La manière dont vous exploitez leur sort est très indélicate.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). J’ai déjà indiqué les raisons de mon opposition aux peines planchers : elles sont inefficaces, comme les études l’ont démontré après sept ans d’application ; elles contribuent à la surpopulation carcérale, alors que nous n’avons pas d’autre solution pour faire face à cette crise que la régulation qui se situe à l’opposé de ce dispositif ; elles portent atteinte au principe constitutionnel de l’individualisation des peines ; elles affectent l’image des juges et de la justice en les faisant apparaître comme laxistes. À ma démonstration, Mme la rapporteure n’a répondu que par deux insultes : « insignifiant » et « schizophrénique ». Quand on n’a pas d’arguments, c’est que l’idée n’est pas bonne.

Mme Pascale Bordes, rapporteure. J’ai déjà répondu à la plupart des arguments. Pour lutter contre la surpopulation carcérale, vous dites, madame K/Bidi n’avoir pas de solution, ce qui est dommage car cela fait dix ans que votre idéologie triomphe dans le domaine judiciaire. Je m’inquiète donc pour les années à venir, compte tenu des défis que nous avons à relever.

Madame Capdevielle, je suis entièrement d’accord avec vous : les magistrats demandent à travailler tranquilles. Ils ne veulent plus recevoir de notes les invitant à ne pas prononcer de peine d’emprisonnement ni voir les juges de l’application des peines détricoter les décisions qu’ils ont prises, au motif qu’il faudrait vider les prisons.

Avis défavorable.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Au lieu de nous donner des leçons, madame la rapporteure, vous feriez mieux de prendre en compte la réalité du droit. Tous les leviers juridiques existent. L’individualisation de la peine tient compte non seulement de la personnalité du prévenu mais aussi des circonstances dans lesquelles l’infraction a été commise, en particulier de la récidive. Dans la phase du jugement, le juge peut aggraver une sanction ou l’atténuer, par exemple, lorsqu’il s’agit d’un mineur. Au cours même de l’exécution de la peine, le juge a également la capacité d’aggraver la peine ou bien de l’atténuer, par exemple, en cas de bon comportement.

Deuxièmement, contraindre les décisions du juge constitue une atteinte grave à la séparation des pouvoirs. C’est au juge d’évaluer la peine, avec discernement, après une audience équitable et contradictoire. Ce principe, qui fait partie de notre droit depuis 1789, est intangible.

Troisièmement, l’application des peines planchers aurait pour conséquence immédiate de gonfler la population dans les prisons, écoles de la récidive, contre laquelle vous prétendez lutter. Vous ne ferez qu’enfler le flot de la colère avec votre culture idéologique de la vengeance, qui est bien loin de servir la République.

M. Stéphane Mazars (EPR). Madame la rapporteure, à tous ceux qui ont mis en avant le grand principe constitutionnel de l’individualisation des peines, vous vous êtes contentée d’opposer le « droit imprescriptible des victimes à la sécurité ». Vous n’avez pas véritablement développé d’argumentation. C’est un écueil rédhibitoire à nos yeux.

Une peine n’a pas à être sévère ou ferme, elle doit être juste. Le juge la prononce au cas par cas, en usant de son discernement, comme l’a très bien dit Mme Capdevielle. Il prend en compte de multiples éléments comme la situation de la victime, la personnalité de l’auteur, l’ordre public au niveau local, certaines infractions n’étant pas punies de la même manière dans l’Aveyron et en Seine-Saint-Denis, mais aussi au niveau national, s’il s’agit d’un fait divers ayant un retentissement dans les médias.

Je dirai enfin mon souhait que nous parvenions à un consensus sur l’enjeu que constitue la motivation des jugements. Pour faire œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens, il importe de pouvoir expliquer pourquoi telle ou telle décision a été prise et en quoi elle a été plus ou moins sévère.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). J’aimerais revenir sur le comportement des membres du groupe Rassemblement national. Comme hier, leurs propos agressifs, brutaux, insultants provoquent un grand désordre au sein de notre commission et constituent un aperçu de ce qui nous attend si d’aventure le RN arrivait au pouvoir. Nous avons eu de beaux exemples du pire qu’il était possible de dire, peut-être parce que ses députés se sentent ici moins observés. Nous ne manquerons pas de diffuser l’intégralité de leurs interventions.

Au cours des auditions que j’ai menées dans le cadre de la mission d’information visant à évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, créée voici un an, je n’ai vu aucun membre du RN. Contrairement à ce vous prétendez, lutter efficacement contre ce trafic ne semble donc pas vous intéresser.

Madame la rapporteure, vous nous invitez à aller dans les cités et dans les campagnes mais savez-vous que ce sont des territoires où nous faisons campagne et si les gens dans les quartiers populaires votent pour nous et non pour vous, c’est qu’ils préfèrent les solutions de La France insoumise. Et cela tient à une raison simple : le RN a tendance à les stigmatiser dans leur ensemble en les tenant pour responsables de l’insécurité dont ils sont pourtant les premières victimes. Vous devriez venir dans ces quartiers pour vous rendre compte que leurs habitants en ont assez que vous les dénonciez en bloc au lieu de viser les délinquants.

Enfin, il y a une certaine ironie à constater que la seule étude que vous ayez citée souligne que les peines planchers ont été inefficaces, avec 4 000 personnes incarcérées de plus, pour un coût annuel de 146 millions !

Mme Naïma Moutchou (HOR). Par principe, pour laisser le débat aller jusqu’à son terme, nous ne voterons pas les amendements de suppression.

Je trouve presque drôle que certains collègues fassent de l’individualisation des peines l’alpha et l’oméga de la justice pénale alors qu’ils sont capables sans sourciller de voter voire de proposer des peines complémentaires automatiques qui reviennent à imposer une décision aux juges.

C’est ainsi que Mme Santiago, membre du groupe Socialistes et apparentés, prévoyait lors de la précédente législature, dans sa proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes de violences intrafamiliales, un retrait automatique de l’autorité parentale, dans certaines circonstances, et sa suspension automatique pour des personnes n’ayant même pas encore été jugées, donc présumées innocentes. Ajoutons que, lors de l’examen de la proposition de loi de la majorité présidentielle visant à étendre le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité pour des auteurs de crimes et délits, des membres du groupe GDR avaient même proposé des peines planchers en cas de récidive.

Le principe de la personnalisation de la peine est donc à géométrie variable pour certains groupes, qui estiment qu’il existe des récidives moins graves que d’autres.

M. Michaël Taverne (RN). Dans cette commission, nous voyons bien combien certains sont déconnectés de la réalité. L’extrême gauche insulte les policiers du matin au soir et nous avons encore la preuve que certains ont plus de compassion pour les auteurs des faits que pour les victimes. Une alliance se dessine entre l’extrême gauche et les macronistes, qui se satisfont du fait qu’aucune réponse pénale ne soit apportée face à des individus condamnés une trentaine, voire une quarantaine de fois.

J’ai une pensée particulière pour les policiers et les gendarmes qui, agressés chaque jour, nous disent faire face à des individus n’ayant plus peur de la justice, tant ils ont un sentiment d’impunité. Et s’il y a des démissions au sein de la police judiciaire, c’est que ses fonctionnaires sont las de revoir des individus à l’arrestation desquels ils ont consacré des moyens colossaux, pendant de longs mois, en sacrifiant parfois leur vie familiale, revenir en liberté, prêts à d’autres forfaits, alors qu’ils ont commis des infractions pénales punies de peines d’emprisonnement.

Écoutons ce que nous disent les Français : 80 % d’entre eux se disent favorables au rétablissement des peines planchers. Arrêtez de gouverner contre la volonté du peuple. La peur doit changer de camp.

M. Ian Boucard (DR). Je m’efforcerai de parler avec apaisement, tant chacun semble survitaminé sous l’effet de la proposition de loi, dont le moins que l’on puisse dire est que sa rapporteure n’est pas diplomate. Nous voterons contre les amendements de suppression de l’article 1er, car nous sommes favorables aux peines planchers et pour que le débat ait lieu.

En affirmant qu’une écrasante majorité des habitants des quartiers populaires ne sont pas des délinquants, M. Léaument dresse un juste constat. C’est pourquoi il faut les protéger, bien mieux que nous ne le faisons. Vous prétendez être le défenseur des classes populaires, des classes ouvrières, des habitants des quartiers populaires : défendez-les vraiment !

Dans les quartiers Nord de Marseille où le narcotrafic règne en maître, qui est embêté ? Les braves gens, les citoyens, ceux qui travaillent, ceux dont la voiture est incendiée, ceux dont les enfants risquent de mourir parce qu’il y a des tirs de mitraillettes entre voyous. Voilà ceux qui sont embêtés ! Chaque fois que nous discutons des moyens de les protéger, vous votez contre ! Quand il y a des émeutes, vous défendez les émeutiers contre les honnêtes gens, qui voudraient que leurs voitures ne soient pas brûlées. Quand il s’agit d’introduire des peines planchers, vous êtes contre.

Vous êtes contre nos forces de l’ordre, ce qui est un vrai problème. Qui, dans ces quartiers, n’est pas embêté ? Ceux que vous appelez les bourgeois vivant dans leurs châteaux, qui ont des agents de sécurité, et non les honnêtes gens qui travaillent, vivent dans des HLM et doivent rentrer avant 20 heures faute de quoi les dealers leur barrent l’entrée de leur immeuble. Quel problème avez-vous à les défendre ?

Pourquoi ne les défendez-vous pas ? Je pense, pour ma part, qu’il faut plus de sévérité et moins de laxisme. Je pense qu’il faut donner plus de moyens aux forces de l’ordre pour lutter contre les trafics, qui empoisonnent la vie des braves gens que vous prétendez défendre mais qu’en réalité, dans cette assemblée et dans cette commission singulièrement, vous ne défendez jamais.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements CL15, CL18 et CL16 tombent.

Article 2 (art. 132-19-1 [nouveau] du code pénal) : Seuils minimaux de peine pour les délits commis en état de récidive légale, pour les délits prévus en matière de trafic de stupéfiants et pour les délits commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public

Amendements de suppression CL5 de M. Ugo Bernalicis, CL8 de Mme Colette Capdevielle, CL10 de Mme Martine Froger et CL12 de Mme Émeline K/Bidi

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). S’il est vrai qu’il existe peu d’études sur les peines planchers en France, il en existe, fort heureusement, à l’étranger. Dans les pays ayant mis en pratique les peines planchers, il y a une littérature scientifique nourrie. Ses conclusions sont les mêmes que celles des maigres études françaises : les peines planchers n’emportent pas les conséquences que ceux qui les défendent voudraient obtenir. Elles ne réduisent pas la récidive et n’ont aucun effet dissuasif sur la commission d’infractions par les primo-délinquants. Je veux bien, madame la rapporteure, que l’on excipe de la science, mais encore faut-il lire les études qui sont publiées, parfois aussi longues que les décisions du Conseil constitutionnel, je vous l’accorde.

En plus d’être inefficaces, les peines planchers, qui coûtent cher, ont contre elles une circonstance aggravante : les prisons, surpeuplées, ne remplissent pas leur office en matière de prévention de la récidive. Sur la question de savoir si la prison produit de la récidive, il existe une littérature française et internationale nourrie, démontrant que la prison est criminogène, notamment parce qu’elle désocialise les individus au profit d’une forme de socialisation carcérale avec des gens bien insérés dans la délinquance ou le crime.

Je veux bien faire semblant que tout cela n’existe pas, mais ce n’est pas possible. Il existe même des études selon lesquelles les solutions alternatives à l’incarcération et les peines de probation sont plus efficaces et produisent moins de récidives, rendez-vous compte ! Ce n’est pas ce que vous proposez.

Je commence à en avoir un peu ras-le-bol d’entendre, à l’Assemblée nationale, en 2024, à l’heure où nous disposons d’une telle littérature scientifique, des défenseurs de l’obscurantisme.

Mme Colette Capdevielle (SOC). De 2007 à 2014, les juges ont écarté les peines planchers dans 60 % des cas où elles étaient applicables, ce qui signifie qu’elles n’étaient pas adaptées. La proposition de loi va au-delà de la loi voulue par Sarkozy en prévoyant deux conditions pour ne pas les appliquer : une décision spécialement motivée ; des circonstances exceptionnelles. Ce que vous voulez, c’est que les peines planchers soient appliquées quasi systématiquement. Avec une telle rédaction, vous portez délibérément atteinte au principe d’individualisation des peines, en imposant deux conditions – tel n’était pas le cas de la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, dite loi Dati.

Mme Martine Froger (LIOT). La justice doit certes sanctionner, mais aussi insérer. S’agissant des cas délictuels, laissons agir les services de probation et les aménagements de peine avant de prononcer des peines qui s’avéreront inopérantes et risqueront plutôt d’aggraver la situation de la personne.

Mme Pascale Bordes, rapporteure. J’ai longuement exposé ma position et n’en dirai pas plus. Je note toutefois que celle de M. Bernalicis évolue, avant peut-être d’évoluer encore d’ici à l’examen du texte dans l’hémicycle. De « il y a tout un tas d’études » au début de cette discussion, nous sommes passés à « il y a peu d’études ». Si vous continuez comme cela, peut-être n’aurons-nous plus d’études du tout. Avis éminemment défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NFP). Lors de la discussion générale j’ai fait part de mon faible degré de confiance dans le Conseil constitutionnel pour faire respecter les principes tout en expliquant que je défendais les principes de la nécessité, de l’individualisation et de la proportionnalité de la peine. J’ai fait référence à quelques études, qui montrent toutes l’absence d’efficacité des peines planchers. Cela étant, vous touchez du doigt un sujet intéressant. L’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice a été démantelé le 1er janvier 2021. La recherche sur les questions de sécurité et de justice est plus faible, dans notre pays, que dans de nombreux autres États, en particulier ceux de l’OCDE. Il faudrait lui affecter des moyens supplémentaires car nous avons besoin de ces enquêtes et de ces études pour nourrir notre réflexion et guider notre action, au lieu de faire des textes de loi en fonction de lubies, de faits divers ou de sondages d’opinion, lesquels, rappelons-le, ne nous disent pas ce que pensent vraiment les gens. Dans les enquêtes d’opinion, les gens se disent favorables, en général, à une plus grande sévérité des peines mais, lorsqu’on leur soumet des cas concrets et qu’on les invite à prendre la décision eux-mêmes, ils sont beaucoup moins répressifs qu’on ne le croit – je sais que cela vous embête, mais c’est ainsi.

Mme Naïma Moutchou (HOR). L’argument tiré de la personnalisation de la peine ne tient pas la route. On ne peut pas crier haro sur les peines planchers au motif qu’il appartient au juge de décider de la gradation de la peine et, dans le même temps, proposer des peines automatiques. C’est de la schizophrénie, à moins qu’il ne s’agisse d’un prétexte, qui témoigne d’un carcan idéologique. Cela étant, dans une démarche constructive, je vous propose, par l’amendement CL13, d’instaurer une peine minimale d’un an d’emprisonnement – qui est proche de la moyenne actuelle de neuf mois – pour les violences commises en état de récidive légale sur tous ceux qui permettent la vie en collectivité : policiers, enseignants, pompiers, agents pénitentiaires, médecins, etc. On ne peut pas s’indigner, comme on le fait régulièrement dans notre assemblée, lorsqu’un policier, un enseignant, un médecin est agressé ou menacé, tout en ne faisant rien par ailleurs. Nous ne voterons pas les amendements de suppression pour que le débat ait lieu ; si notre amendement n’était pas adopté, toutefois, nous rejetterions l’article 2

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Encore une fois, ce qui favorise la récidive, c’est la prison. Le durcissement des peines, indépendamment de son efficacité très discutable – expérience Sarkozy-Dati à l’appui – ne réglerait pas le problème de la récidive ; au contraire, il l’aggraverait. Il existe une littérature abondante à ce sujet. La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a estimé, à l’issue de ses missions de terrain, que des peines de probation éviteraient les dérives liées à l’enfermement, les risques de mise en danger de la société comme des intéressés. Nous pourrions nous inspirer, une fois n’est pas coutume, des dispositifs appliqués en Allemagne, qui consistent à mettre au travail 75 % des détenus – contre 20 % chez nous. Cela changerait notre approche des choses. La justice est là pour juger et, le cas échéant, sanctionner les délinquants mais il faudrait essayer de sortir de la culture de la vengeance, de changer notre angle de vision et de nous pencher sur ce qui fait du bien à la société. Il s’agit de faire en sorte que, lorsqu’on sort de prison, on en sorte mieux, moins violent et plus soucieux de vivre en société que lorsqu’on y est entré. Tel est l’objectif que nous devrions nous assigner.

Mme Aurore Bergé (EPR). Je m’étonne des arguments qui ont été échangés. D’abord, M. Bernalicis a jeté le doute sur le Conseil constitutionnel. On ne peut pas vouloir, matin, midi et soir, s’ériger en défenseur absolu de l’État de droit et, en commission des lois, considérer que le Conseil constitutionnel, par principe, faillirait à sa mission. Le juge constitutionnel est le gardien de notre Constitution et du respect que nous devons lui porter, en notre qualité de parlementaires.

Ensuite, on ne peut pas identifier un problème, à savoir que l’incarcération ne remplirait pas sa mission, et proposer une solution qui consisterait à éviter cette même incarcération, sous peine de tomber dans une pensée circulaire qui échouerait à résoudre les difficultés auxquelles sont confrontés nos concitoyens. Il y a des enjeux liés à la surpopulation carcérale, aux modalités d’application des peines et, surtout, de sortie des peines, mais l’existence de ces difficultés ne justifie pas que l’on affirme, par principe, que l’incarcération ne peut et ne doit jamais être la réponse. Elle en est évidemment une parmi d’autres. Je m’étonne que des parlementaires considèrent qu’elle ne doit pas être retenue.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements CL6, CL13, CL20, CL19 et CL17 tombent.

L’amendement CL14 de Mme Pascale Bordes, rapporteure, sur le titre, n’a plus d’objet.

La commission ayant supprimé tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi tendant à l’instauration des peines plancher pour certains crimes et délits (n° 262).

 


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   Personnes entendues

 

Ministère de la justice

   Mme Sophie Macquart-Moulin, adjointe à la directrice

   M. Julien Morino-Ros, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales

   M. Benjamin Mouraud, rédacteur au bureau de la législation pénale générale

   M. Sébastien Cauwel, directeur de l’administration pénitentiaire

   M. Romain Emelina, chef du bureau des parcours de peine

   Mme Florence De-Bruyn, adjointe au chef du bureau de la donnée

 

Représentants des magistrats

   M. Arnaud Faugère, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Fontainebleau

   M. Jean-Bastien Risson, président du tribunal judiciaire de Béziers, vice‑président de la CNPTJ

   Mme Marie-Christine Leprince, première présidente de la cour d’appel de Rouen

   M. Éric Maillaud, procureur général près la cour d’appel de Bourges, vice‑président de la CNPG

Syndicat de magistrats

   Mme Béatrice Brugère, secrétaire générale

   Mme Valérie Dervieux, membre du conseil national

 

Syndicats de la police nationale

   M. Fabien Vanhemelryck, secrétaire général

   M. Loïc Travers, délégué général

   M. Olivier Boisteaux, président

   Mme Eva Tardy, secrétaire nationale adjointe

   Mme Isabelle Trouslard, secrétaire générale adjointe

   M. Yann-Henry Tinière conseiller technique

   M. Chamsseddine Baaziz, juriste

   M. Mathias Guillard, secrétaire région Île-de-France

   Mme Hanane Bakioui, secrétaire générale adjointe

   M. Jérôme Moisant, secrétaire général adjoint

   Mme Linda Kebbab, secrétaire nationale

   M. Benjamin Camboulive, délégué national, porte-parole

   M. Christophe Miette, secrétaire national

 

 

Syndicats du personnel pénitentiaire

   M. Luciano Ducceschi, secrétaire général adjoint

   M. Wilfrid Fonck, secrétaire national

   Mme Farida Ed Dafiri, secrétaire générale adjointe

   Mme Odette Jezequel, déléguée nationale

   M. Sébastien Monnet, délégué national

   M. Damien Tripenne, chargé de la communication nationale

   Mme Céline Giorla, secrétaire générale adjointe

   M. Cyril Huet-Lambing, secrétaire général adjoint

 

Centre de recherche et personnalité qualifiée

   M. Pierre-Marie Sève, délégué général de l’Institut pour la justice

   M. Philippe Bilger, magistrat honoraire

 

Contributions écrites

 

 

 


([1])  Cesare Beccaria, Des délits et des peines, 1764, édition de 1822. L’orthographe a été modernisée.

([2])  Commission européenne pour l’efficacité de la justice, Systèmes judiciaires européens, rapport d’évaluation de la Cepej, cycle 2024 (données 2022), octobre 2024. En France, le nombre de juges professionnels était de 11,3 pour 100 000 habitants en 2022, contre une moyenne européenne de 17,6. Le ratio de procureurs (3,2) est encore plus bas en comparaison (11,2).

([3])  Conseil de l’Europe, données pour 2023 du programme « SPACE I » sur les populations carcérales. Pour la France, le taux est de 106 détenus pour 100 000 habitants, contre 124 en moyenne en Europe.

([4])  M. Étienne Blanc, rapport de la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, enregistré à la présidence du Sénat le 7 mai 2024.

([5])  Observatoire français des dogues et des tendances addictives, Interpellations et condamnations pour infraction à la législation sur les stupéfiants – évolution depuis 1996.

([6])  SSMSI, base statistique des victimes enregistrées par la police et la gendarmerie, Outrages et violences contre dépositaires de l’autorité publique (tous lieux) enregistrés par les services de sécurité.

([7])  Source : Insee, Sécurité et société, Sentiment de vivre en sécurité en Europe, édition 2021.

([8])  Le recours au sursis total est passé de 11,6 % à 14,6 % après l’entrée en vigueur de la loi et le sursis avec mise à l’épreuve a concerné 47 % des condamnations à l’emprisonnement contre 25 % avant la loi.

([9]) Compris entre 7,3 et 7,9 mois avant la loi, ce quantum moyen d’emprisonnement ferme était compris entre 7,3 et 7,9 mois avec l’application de la loi de 2007. Il a ensuite poursuivi son augmentation, se situant entre 8 et 9,5 mois pendant la période 2014-2019, après l’abrogation des peines planchers.

([10])  Le nombre d’années d’emprisonnement ferme prononcées par les juridictions s’est accru de façon continue entre 2001 et 2020, passant de 89 000 à 102 000. En particulier, il n’y aurait pas eu d’effet significatif avec l’abrogation des peines planchers en 2014.

([11])  Arnaud Philippe, « Learning by offending, How do criminals learn about criminal law ? », AEJ : Policy, volume 16, n° 3, août 2024. Ces conclusions ont été reprises dans l’étude de l’Institut des politiques publiques, « Les peines planchers sont-elles un outil efficace pour lutter contre la récidive ? », mars 2024.

([12])  Conformément à l’article 132-20-1 du code pénal, qui prévoit que : « Lorsque les circonstances de l’infraction ou la personnalité de l’auteur le justifient, le président de la juridiction avertit, lors du prononcé de la peine, le condamné des conséquences qu’entraînerait une condamnation pour une nouvelle infraction ». Avant la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, seule la condamnation pour une nouvelle infraction « commise en état de récidive légale » était visée.

([13])  Conseil constitutionnel, décision n° 2007-554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

([14])  En détail, la proposition de loi concernerait 71 897 peines sur un total de 252 460 prononcées en 2023.

([15]) On parle de réclusion criminelle en cas d’infraction de droit commun et de détention criminelle lorsqu’il s’agit d’une infraction de nature politique.

([16]) Conseil constitutionnel, décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005, Loi précisant le déroulement de l’audience d’homologation de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

([17]) Ce mécanisme d’encadrement des peines encourues se retrouvait encore récemment en matière douanière, par exemple pour le délit de blanchiment de produits financiers provenant d’un délit douanier (article 415 du code des douanes). Ce délit était puni d’une peine d’emprisonnement « de deux à dix ans », avant la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude qui a supprimé cette borne inférieure.

([18]) Les délits qui sont assimilés au regard des règles de la récidive sont déterminés par les articles 132-16 à 132-16-5 du code pénal. À titre d’exemple, le vol, l’extorsion, le chantage, l’escroquerie et l’abus de confiance sont considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction par l’article 132-16.

([19])  Circulaire CRIM n° 2019/1590/A22 du 6 novembre 2019 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement des échanges d’information entre les élus locaux et les procureurs de la République.

([20])  Voir, par exemple, Cour de cassation, chambre criminelle, décision du 27 juin 2018 n° 18-80.069 à propos d’un titulaire de mandat de sénateur.

([21])  Loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux.

([22])  Loi n° 2007-1198 du 19 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

([23])  Conseil constitutionnel, décision n° 2007-554 DC du 9 août 2007.

([24])  Conseil constitutionnel, décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.