N° 628

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 27 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI


visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants
et de leurs parents (n° 448)

PAR M. Jean TERLIER

Député

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SOMMAIRE

 

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  Pages

INTRODUCTION............................................ 5

I. Une délinquance des mineurs préoccupante

II. La justice confrontée au défi de répondre à la délinquance des mineurs sans compromettre sa nécessaire spécificité

1. Les exigences particulières de la justice pénale des mineurs

2. Le code de la justice pénal des mineurs, une réforme ambitieuse pour accroître l’efficacité de la réponse pénale

III. Sans le prolongement de la réforme du code de la justice pénale des mineurs, La proposition de loi a pour objectif de responsabiliser les parents et de renforcer la réponse pénale pour les mineurs délinquants récidivistes d’au moins 16 ans

1. Responsabiliser les parents de mineurs délinquants

2. Adapter le droit pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans récidivistes, dans le respect des principes de la justice pénale des mineurs

IV. Les modifications apportées par la commission

COMMENTAIRES DES ARTICLES

Article 1er (art. 227-17 et 322-15 du code pénal) Préciser le champ d’application du délit de soustraction par un parent à ses obligations légales et créer une circonstance aggravante

Article 2 (art. 375-1 du code civil) Créer une obligation de déférer aux convocations du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative assortie d’une amende civile

Article 3 (supprimé) (art. 1242 du code civil) Instaurer une responsabilité civile solidaire de plein droit des parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs

Article 4 (supprimé) (art. L. 423-4, L. 521-8 du code de la justice pénale des mineurs) Création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de seize ans

Article 5 (supprimé) (art. L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs) Faciliter les dérogations aux règles d’atténuation des peines pour les mineurs de plus de seize ans

Article 6 (nouveau) (art. L. 322-2, L. 322-3 du code de la justice pénale des mineurs) Note de situation actualisée portant sur un mineur est déjà suivi

Article 7 (nouveau) (art. L 322-5 du code de la justice pénale des mineurs) Remise obligatoire d’un rapport éducatif devant le juge des libertés et de la détention en cas de procédure d’audience unique

Article 8 (nouveau) (art. L. 521-1 du code de la justice pénale des mineurs) Mieux encadrer la possibilité de transformer l’audience de culpabilité en audience unique

Article 9 (nouveau) (art. L. 521-9 et L. 531-3 du code de la justice pénale des mineurs) En cas de culpabilité du mineur, proposer systématiquement des mesures de réparation aux parties et permettre au juge de ne pas prononcer de mesures au titre de la période de mise à l’épreuve éducative

Article 10 (nouveau) (art. L. 521-24 et L. 531-3 du code de la justice pénale des mineurs) Prévoir la possibilité pour la juridiction statuant sur la sanction de surseoir à statuer en cas d’appel de la décision de culpabilité

COMPTE RENDU DES DÉBATS

Première réunion du mardi 26 novembre à 17 heures

Deuxième réunion du mardi 26 novembre 2024 à 21 heures 30

PERSONNES ENTENDUES

 


 

Mesdames, Messieurs,

La délinquance des mineurs constitue un défi majeur pour notre pays. Elle met en cause des mineurs de plus en plus jeunes, qui commettent des infractions de plus en plus graves. L’implication des mineurs lors des émeutes de l’été 2023, leur rôle croissant dans le narcotrafic ou dans la multiplication des rixes mortelles entre bandes, ainsi que leur poids significatif dans la délinquance sur la voie publique, sont les illustrations les plus alarmantes de cette violence désinhibée dont fait preuve une partie de notre jeunesse.

La justice des mineurs doit relever ce défi sans perdre son âme. Un mineur délinquant, tout délinquant qu’il soit, reste un mineur. Il n’a pas le même discernement qu’un majeur. Il existe en outre un lien avéré entre enfance délinquante et enfance en danger. Les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs relatifs à l’atténuation de la responsabilité des mineurs, à la primauté de l’éducatif et à la spécialisation des juridictions doivent donc être préservés.

Face l’évolution inquiétante de la délinquance des mineurs, la justice des mineurs a su s’adapter. La création du code de la justice pénale des mineurs en septembre 2021, auquel le Parlement a été étroitement associé, est une réforme ambitieuse, qui a profondément remanié le déroulement du procès pénal. Les délais de jugement ont été raccourcis et les procédures simplifiées, au bénéfice d’une meilleure prise en charge des mineurs délinquants et d’une plus grande implication des victimes.

Cependant, cette réforme doit être prolongée et amplifiée sur deux aspects majeurs : d’une part, la responsabilisation des parents des mineurs délinquants et, d’autre part, l’adaptation de nos procédures aux mineurs multirécidivistes de plus de seize ans, auteurs des infractions les plus graves. Tel est l’objet de la présente proposition de loi de notre collègue Gabriel Attal. Celle-ci est de nature à renforcer l’efficacité de la réponse pénale face aux enjeux actuels de la délinquance des mineurs, dans le respect des principes fondamentaux de la justice des mineurs.

En dépit de la gravité du sujet et de l’attente forte de nos concitoyens en ce domaine, le débat sur cette proposition de loi en commission a trop souvent cédé la place aux anathèmes et aux postures purement idéologiques. La comparution immédiate pour mineurs, qui offre un outil supplémentaire à nos juges face à des délinquants violents et récidivistes, a été purement et simplement rejetée. L’article 5 sur les conditions de l’atténuation de la responsabilité pénale pour certains mineurs multirécidivistes de plus de seize ans a été supprimé, avant même toute discussion au fond.

Puisse le débat en séance être à la hauteur des enjeux soulevés par cette proposition de loi. Nous le devons à nos concitoyens, qui sont légitimement exaspérés par l’aggravation de cette délinquance des mineurs.

I.   Une délinquance des mineurs préoccupante

La délinquance des mineurs a explosé au cours des dernières décennies. Les mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie pour des crimes et délits étaient moins de 99 000 en 1992. Leur nombre a atteint plus de 216 000 en 2010 (+118 %), avant de se stabiliser depuis lors entre 190 000 et 200 000 chaque année. La proportion des mineurs parmi l’ensemble des mis en cause a elle-même fortement augmenté, passant de 14 % en 1992 à 22 % en 1998, avant de se stabiliser autour de 20 % depuis cette date ([1]).

Au-delà de l’augmentation générale de la délinquance des mineurs, c’est l’aggravation des infractions commises par ces derniers qui interpelle. À titre d’exemple, les mineurs mis en cause pour coups et blessures volontaires sur personne de moins de quinze ans ont augmenté de 350 % entre 2002 et 2019 ([2]).

Les mineurs sont, plus généralement, surreprésentés dans les délits d’atteintes aux personnes. Alors que les mineurs de 13 à 17 ans constituent environ 6 % de la population totale dans notre pays, ils représentent en 2023 près de 39 % des mis en cause en matière de vols violents, 37 % des violences avec arme blanche, ou encore 34 % des violences contre d’autres mineurs. Dans la même perspective, plus de 43 % des cambriolages violents (« home-jacking ») en Île-de-France mettent en cause des mineurs ([3]). Au total, les mineurs représenteraient près de 35 % de la délinquance sur la voie publique ([4]).

Cette situation est d’autant plus inquiétante que la délinquance des mineurs se caractérise par un taux de réitération élevé : le taux observé dans les cinq années de la première condamnation est supérieur à 50 %, dont 70 % ayant récidivé dans les deux ans de la première condamnation ([5]). Bien trop souvent, les mineurs délinquants d’aujourd’hui sont ainsi les majeurs délinquants de demain.

● L’illustration la plus alarmante de la désinhibition de la violence chez les mineurs délinquants est l’accroissement continu du nombre de mineurs mis en cause pour meurtre ou tentative d’homicide : ils étaient 255 en 2023, contre 108 en 2016 (+136 %).

Cette augmentation met en exergue l’implication croissante des mineurs dans les rixes et règlements de comptes, dans un contexte de rivalités entre bandes ou de luttes de territoire sur fond de narcotrafic.

L’actualité a rappelé que des trafiquants de drogue n’hésitent plus à utiliser des mineurs, recrutés sur les réseaux sociaux pour quelques milliers d’euros, en vue de commettre des homicides ([6]).

Ainsi que l’a relevé un récent rapport d’information parlementaire, « les forces de l'ordre et les acteurs judiciaires constatent un rajeunissement des tueurs à gages peu ancrés dans la délinquance et avec une très faible expérience dans le domaine du maniement des armes et du recours à ce type de violence mortelle. (…) Les réseaux de délinquants, quel que soit leur domaine d'action, utilisent depuis longtemps les mineurs pour participer à la commission d'infractions compte tenu des règles pénales spécifiques qui s'appliquent à eux (…)» ([7]).

Ce phénomène, loin d’être cantonné à la région parisienne et à Marseille, est désormais susceptible de toucher l’ensemble du territoire, comme l’a rappelé la fusillade à Poitiers du 31 octobre dernier qui a coûté la vie à un mineur de 15 ans.

● Le déferlement de violence que notre pays a connu lors des émeutes de l’été 2023 a également mis en exergue le rôle croissant des mineurs dans les troubles à l’ordre public.

Du 27 juin au 7 juillet 2023, un millier de personnes ont ainsi été blessées, dont plus de 780 agents des forces de l’ordre, 2 508 bâtiments ont été incendiés ou dégradés, 12 000 véhicules ont été incendiés, 1 500 commerces ont été pillés ou vandalisés, pour des dommages évalués à plus d’un milliard d’euros ([8]). Or, près d’un tiers des 4 282 personnes placées en garde à vue à l’occasion de ces émeutes étaient des mineurs ([9]). Ces derniers représentent au total 28 % des auteurs définitivement condamnés au 31 juillet 2023 dans le cadre de ces émeutes ([10]).

Les mineurs ont donc joué un rôle crucial dans la situation quasi-insurrectionnelle qu’a connue notre pays durant cette période : « C’est la jeunesse des émeutiers qui pourrait expliquer, d’après les services du renseignement territorial, la rapidité et l’intensité de l’embrasement. En effet, ces émeutes se sont notamment caractérisées par leur déclenchement à un moment singulier de l’année, correspondant à une période charnière entre la fin de l’année scolaire et les départs en vacances ou la mise en place d’activités estivales. Ce contexte est allé de pair avec un certain ‘‘désœuvrement’’, rendant les jeunes concernés plus réceptifs aux incitations à commettre des violences » ([11]).

Un rapport du ministère de la justice a mis en exergue le profil très varié des mineurs impliqués dans ces émeutes, qui pour la plupart n’étaient pas ancrés dans la délinquance : 68 % des mineurs déférés n’avaient en effet aucun antécédent judiciaire. La majorité d’entre eux étaient également insérés socialement, puisque plus de 73 % étaient inscrits dans un établissement scolaire ou de formation. À titre de comparaison, seuls 33 % des mineurs déférés en 2019 étaient inscrits dans un établissement scolaire ([12]).

II.   La justice confrontée au défi de répondre à la délinquance des mineurs sans compromettre sa nécessaire spécificité

1.   Les exigences particulières de la justice pénale des mineurs

● L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante a organisé la justice pénale des mineurs dans le respect de trois principes fondamentaux :

l’atténuation de la responsabilité des mineurs en fonction de l’âge : la justice doit prendre en compte l’âge de l’enfant au moment des faits pour apprécier la sanction et les peines encourues doivent être inférieures à celles prévues pour des personnes majeures pour des infractions similaires ;

– la primauté de l’éducatif sur le répressif : ce principe implique pour le juge de rechercher le relèvement éducatif et moral du mineur par des mesures adaptées à son âge et sa personnalité ;

– la spécialisation des juridictions : un mineur doit être jugé par des magistrats spécialisés et/ ou selon des procédures adaptées.

● Dans sa décision du 29 août 2022, le Conseil constitutionnel a établi la valeur constitutionnelle de ces principes, en les érigeant au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) en matière de justice pénale des mineurs.

 

Le Conseil a ainsi estimé que « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle » ([13]).

Il a cependant rappelé que le législateur devait veiller à concilier ces exigences constitutionnelles « avec la nécessité de rechercher les auteurs d'infractions et de prévenir les atteintes à l'ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens, qui sont nécessaires à la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle » ([14]).

● On rappellera que trois conditions cumulatives sont nécessaires pour que soit reconnu un PFRLR :

– le principe doit énoncer une règle suffisamment importante, avoir un degré suffisant de généralité et intéresser des domaines essentiels pour la vie de la Nation, comme les libertés fondamentales, la souveraineté nationale ou l'organisation des pouvoirs publics ([15]) ;

– le principe doit trouver une base textuelle dans une ou plusieurs lois intervenues sous un régime républicain antérieur à 1946 ([16]) ;

– enfin, le principe doit avoir fait l'objet d'une application continue. Aucune dérogation au principe, par une loi républicaine antérieure à l'entrée en vigueur de la Constitution de 1946, ne peut être acceptée ([17]).

● Ces principes sont aujourd’hui repris et précisé dans le titre préliminaire du code de la justice pénale des mineurs (CJPM).

Extraits du titre Ier du code de la justice pénale des mineurs

Chapitre I : Des principes généraux du droit pénal applicable aux mineurs (Articles L11-1 à L11-5)

Article L. 11-1

« Lorsqu'ils sont capables de discernement, les mineurs, au sens de l'article 388 du code civil, sont pénalement responsables des crimes, délits ou contraventions dont ils sont reconnus coupables. Les mineurs de moins de treize ans sont présumés ne pas être capables de discernement. Les mineurs âgés d'au moins treize ans sont présumés être capables de discernement. Est capable de discernement le mineur qui a compris et voulu son acte et qui est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l'objet ».

Article L. 11-2

« Les décisions prises à l'égard des mineurs tendent à leur relèvement éducatif et moral ainsi qu'à la prévention de la récidive et à la protection de l'intérêt des victimes ».

Article L. 11-3

« Les mineurs déclarés coupables d'une infraction pénale peuvent faire l'objet de mesures éducatives et, si les circonstances et leur personnalité l'exigent, de peines ».

Article L. 11-4

« Aucune peine ne peut être prononcée à l'encontre d'un mineur de moins de treize ans ».

Article L. 11-5

« Les peines encourues par les mineurs sont diminuées conformément aux dispositions du présent code ».

Chapitre II : Des principes généraux de la procédure pénale applicable aux mineurs (Articles L. 12-1 à L. 12-6)

Article L. 12-1

« Les crimes, délits et contraventions de la cinquième classe reprochés à un mineur sont instruits et jugés par des juridictions et chambres spécialisées ou spécialement désignées ou composées, devant lesquelles les procédures sont adaptées ». (…)

● Votre rapporteur tient à souligner que le caractère spécifique de la justice pénale des mineurs est nécessaire non seulement pour tenir compte de l’âge du mis en cause, mais également pour prendre en compte le fait qu’un mineur délinquant est souvent aussi un mineur en danger.

Le lien entre difficultés socio-éducatives et parcours délinquant est en effet établi : environ deux tiers des mineurs placés en centre éducatif fermé ont par exemple été suivis par les services de la protection de l’enfance ([18]).

 

Votre rapporteur avait ainsi rappelé dans un rapport d’information sur la justice pénale des mineurs qu’« environ 50 % des mineurs pris en charge pénalement ont également fait l’objet d’un suivi au titre de l’enfance en danger. Selon l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), un tiers des mineurs suivis en protection de l’enfance font l’objet de poursuites pénales à un moment de leur parcours. Ces statistiques n’intègrent pas les enfants qui auraient dû faire l’objet de mesures civiles, auquel cas les chiffres seraient plus élevés » ([19]).

Ce lien consubstantiel entre enfance en danger et enfance délinquante est trop souvent occulté dans le débat public, alors qu’il est au fondement même des principes fondamentaux inhérents à la justice pénale des mineurs.

2.   Le code de la justice pénal des mineurs, une réforme ambitieuse pour accroître l’efficacité de la réponse pénale

● Le CJPM, entré en vigueur au 30 septembre 2021, est issu d’un important travail auquel le Parlement a été associé ([20]).

Au-delà de la lisibilité accrue conférée par la codification aux dispositions relatives à la justice pénale des mineurs, l’objectif du CJPM était de simplifier et d’accélérer la procédure pénale, de renforcer la prise en charge des mineurs délinquants et de mieux prendre en compte les victimes, tout en préservant les grands principes de l’ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante.

● Le CJPM a ainsi profondément modifié le déroulement du procès pénal des mineurs, avec la suppression de la procédure d’instruction obligatoire en matière correctionnelle et l’instauration d’une procédure de droit commun qui se décompose désormais en deux phases : un jugement sur la culpabilité qui doit intervenir entre dix jours et trois mois après la saisine de la juridiction par le parquet, puis un jugement sur la sanction six à neuf mois après la déclaration de culpabilité. Entre les deux, le mineur déclaré coupable est soumis à une période de mise à l’épreuve éducative.

Cette césure du procès pénal est bénéfique en ce qu’elle permet, d’une part, d’accélérer la décision sur la culpabilité, pour une indemnisation plus rapide des victimes, et, d’autre part, de mieux prendre en compte l’évolution du mineur délinquant au stade de la sanction, à l’issue de la période de mise à l’épreuve. La CJPM permet en outre de tenir une audience unique, dans certains cas où une telle césure ne serait pas opportune, compte tenu notamment de la gravité des faits.

 

Selon le rapport d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du CJPM, cette réforme a notamment permis une réduction significative des délais de jugement. Le délai moyen de convocation à l’audience d’examen de la culpabilité est de 2 mois, tandis que le délai moyen entre l’audience de culpabilité et l’audience de sanction est de 6,3 mois ([21]). La durée totale de la procédure a aujourd’hui été ramenée à 8 mois contre 18 mois avant la réforme ([22]).

● Le CJPM a également instauré des présomptions relatives au discernement, dans un souci de simplification des débats sur cette question devant les juridictions. Une présomption simple de non discernement a ainsi été posée pour les mineurs âgés de moins de treize ans, et inversement, une présomption simple de discernement pour les mineurs âgés d’au moins treize ans.

Ce nouveau code a par ailleurs durci les conditions de recours à la détention provisoire pour un mineur de moins 16 ans. Dans le cadre d’une peine correctionnelle, cette mesure ne peut ainsi intervenir que si le mineur se soustrait de façon grave ou répétée à son contrôle judiciaire. Les mineurs détenus provisoirement représentent 62 % des mineurs incarcérés en 2022 contre 77 % avant la réforme.

Enfin, il a procédé à une rationalisation des mesures éducatives, en ne prévoyant plus que l’avertissement judiciaire ([23]) et la mesure éducative judiciaire ([24]). Cette dernière peut se décliner en différents modules (insertion, réparation, santé, placement) permettant au juge de l’adapter en fonction des besoins du mineur.

● Les personnes auditionnées par votre rapporteur ont toutes salué les premiers effets positifs de cette réforme, au service d’une justice pénale des mineurs plus réactive et efficace. Cependant, face à l’intensification de la violence de certains mineurs délinquants multirécidivistes âgés de 16 et 17 ans, qui commettent les infractions les plus graves, la réponse pénale doit être encore adaptée, dans le prolongement des acquis de la réforme issue du CJPM et le respect des principes constitutionnels. Tel est l’objectif de la présente proposition de loi.

 

 

L’activité de la justice pénale des mineurs en 2022 ([25])

● Parquet des mineurs

En 2022, les parquets ont orienté 132 900 affaires pénales, qui concernent 168 900 mineurs (soit 2,5 % de la population âgée de 10 à 17 ans, cette proportion s’élevant toutefois à 8,4 % chez les garçons de 16 à 17 ans). 51 % de ces mineurs impliqués dans des affaires pénales sont âgés de 16 ou 17 ans, 39 % ont entre 13 et 15 ans, 8,6 % entre 10 et 12 ans et 1,3 % moins de 10 ans. Les garçons représentent 88 % des mineurs concernés.

28 % de ces affaires ont été jugées non poursuivables à la suite de leur examen (absence d’infraction, mineurs mis hors de cause, motif juridique s’opposant à la poursuite, charges insuffisantes).

S’agissant des 96 200 affaires poursuivables, 11 % ont été classées sans suite pour inopportunité des poursuites. Le taux de réponse pénale pour les mineurs s’élève ainsi à 89 % (chiffre comparable aux affaires impliquant des majeurs). 50 % des affaires poursuivables (soit 48 500) ont été classées après la réussite d’une mesure alternative aux poursuites, dont la moitié sont des rappels à la loi et 2 200 ont été classés à la suite d’une composition pénale. Au total, 35 300 affaires ont donc été poursuivies, dont 1 600 devant le juge d’instruction.

Les poursuites sont plus fréquentes pour la détention et le trafic de stupéfiants (71 %), les viols et agressions sexuelles (58 %), les vols et recels aggravés (55 %), tandis que les mesures alternatives aux poursuites dominent largement en matière de détention d’armes, le plus souvent une arme blanche (72 %), d’usage de stupéfiants (63 %) ou de destruction et de dégradation (63 %).

● Les juridictions pour mineurs

En 2022, les juridictions pour mineurs se sont prononcées sur la culpabilité de 56 000 mineurs.

31 300 mineurs ont été condamnés (54 % des condamnations ont été prononcées par le tribunal pour enfants, 44 % par le juge des enfants en audience de cabinet, 0,6 % par la cour d’assises des mineurs et 1,3 % par la cour d’appel).

Les mesures éducatives représentent 53 % des condamnations. L’emprisonnement est prononcé dans 32 % des condamnations, dont 9,6 % en tout ou partie ferme. Le travail d’intérêt général (hors sursis assorti d’un travail d’intérêt général) est la peine principale
de 6,5 % des condamnations. Source : références statistiques justice, 2023.

Au 31 décembre 2022, 643 mineurs étaient sous écrou, dont 57 % sont détenus à titre provisoire dans l’attente de leur jugement (alors qu’ils représentent 22 % des détenus pour les majeurs). Parmi les mineurs condamnés, 44 % exécutent une peine inférieure ou égale à six mois et 31 % une peine de plus de 6 mois à un an. 92 % des mineurs écroués ont au moins 16 ans.

III.   Sans le prolongement de la réforme du code de la justice pénale des mineurs, La proposition de loi a pour objectif de responsabiliser les parents et de renforcer la réponse pénale pour les mineurs délinquants récidivistes d’au moins 16 ans

1.   Responsabiliser les parents de mineurs délinquants

● Si les causes de la délinquance des mineurs sont naturellement plurielles et non univoques, l’environnement familial joue un rôle déterminant, qu’il s’agisse d’empêcher un enfant de tomber dans la délinquance ou le cas échéant de l’en faire sortir.

A contrario, la fragilité de la cellule familiale et les carences éducatives graves créent incontestablement un terreau favorable à la délinquance des mineurs, comme votre rapporteur a déjà pu le constater dans son rapport pour information sur la justice pénale des mineurs : « Les mauvaises conditions d’éducation, avec des négligences lourdes (absence de supervision, violence sexuelle, atteinte au développement, absence de suivi médical…) ou une absence de père, ont été présentées par de nombreux intervenants à vos rapporteurs comme des facteurs aggravants [de la délinquance de l’enfant mineur] » ([26]).

Un tel constat est illustré par le fait que plus de la moitié des mineurs délinquants sont suivis par la protection de l’enfance car eux-mêmes victimes de maltraitance ou de carence éducative. Dans la même perspective, il peut être relevé que près de 60 % des mineurs déférés au titre des émeutes de l’été 2023 sont issus d'une famille monoparentale, alors que cette structure ne représente que 25 % des familles au niveau national ([27]).

Naturellement, de nombreux parents sont bien souvent dépassés par le comportement de leur enfant mineur. Ces familles doivent bien sûr être soutenues et accompagnées par les pouvoirs publics, notamment dans le cadre de mesures d’assistance éducative.

Cependant, d’autres parents, et notamment des pères, se soustraient à leur devoir, celui d’assurer l’entretien, la sécurité et l’éducation de leur enfant, conformément à l’article 371-1 du code civil. Les différents acteurs de la justice des mineurs le reconnaissent : trop souvent, les pères sont absents des procédures qui concernent leur enfant mineur et semblent se désintéresser du sort de ce dernier.

● La proposition de loi a ainsi pour objectif premier de responsabiliser les parents de mineurs délinquants défaillants, à travers les dispositifs créés par ses trois premiers articles.

L’article 1er renforce l’incrimination du délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant mineur prévu à l’article 227-17 du code pénal.

Il ajoute notamment une circonstance aggravante, lorsque cette soustraction a conduit l’enfant mineur à commettre plusieurs crimes et délits et prévoit la possibilité de prononcer une peine complémentaire de travail d’intérêt général au titre de cette infraction.

Cet article inclut enfin le travail d’intérêt général dans la liste des peines complémentaires susceptibles d’être prononcées à l’encontre de personnes coupables des délits de destructions, dégradations et détériorations, telle que prévue à l’article 322-15 du code pénal.

L’article 2 instaure à l’article 375-1 du code civil une obligation pour les parents de déférer aux convocations aux audiences et auditions du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative. Il prévoit la possibilité pour le juge des enfants de condamner à une amende civile les parents qui ne respectent pas une telle obligation.

 

Enfin, l’article 3 renforce la responsabilité civile des parents au titre des dommages causés par leurs enfants mineurs prévue à l’article 1242 du code civil. Il prévoit ainsi une responsabilité solidaire de plein droit des parents dès lors que ceux-ci exercent l’autorité parentale.

2.   Adapter le droit pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans récidivistes, dans le respect des principes de la justice pénale des mineurs

● Si la première évaluation de l’application du nouveau code a globalement permis de souligner les effets positifs de cette réforme ([28]), il apparaît aujourd’hui nécessaire de poursuivre les efforts menés dans ce cadre en s’inscrivant dans le prolongement de ces travaux.

L’adoption du CJPM a en effet permis d’apporter davantage de cohérence et d’unité à la procédure pénale applicable aux mineurs, répondant ainsi à un objectif de simplification. Cette logique a conduit à réduire le nombre des procédures applicables en prévoyant une procédure de droit commun de mise à l’épreuve éducative, et une procédure dérogatoire d’audience unique.

Il apparaît toutefois que ces deux procédures ne permettent pas à elles seules de répondre à l’objectif d’efficacité assigné à notre justice pénale des mineurs, lequel exige une meilleure agilité procédurale et une plus grande célérité.

La rapidité de l’intervention judiciaire est en effet essentielle pour assurer un accompagnement efficace et une réponse pénale adaptée à la personnalité, par nature évolutive, des mineurs. Il est d’ailleurs de l’intérêt du mineur de bénéficier d’un jugement rapide, de sorte que l’intervention judiciaire n’intervienne pas trop tardivement par rapport à la commission des faits, au risque d’ôter tout son intérêt à la réponse judiciaire.

● Par ailleurs, face au constat d’une délinquance juvénile en augmentation, il est devenu impératif de redonner un sens à la sanction, notamment pour mieux adapter la réponse pénale aux profils de mineurs les plus ancrés dans la délinquance.

Si la primauté de l’éducatif doit demeurer un principe sur lequel il n’est pas question de déroger, son application ne doit pas conduire à écarter toute possibilité de sanction. La peine est en effet parfois nécessaire afin de mettre un terme à un parcours délinquant ou d’apporter une réponse adaptée à des faits d’une particulière gravité.

En particulier, la délinquance des mineurs âgés de 16 à 18 ans se caractérise par la gravité des infractions commises et par la répétition des atteintes à la loi.

Pour endiguer un tel phénomène, des adaptations législatives sont nécessaires afin d’assouplir les conditions dans lesquelles s’applique le principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs.

Les procédures applicables aux mineurs doivent également être adaptées pour mieux répondre aux enjeux posés par cette délinquance.

● La présente proposition de loi entend ainsi approfondir les efforts menés dans le cadre du CJPM pour mieux adapter la procédure pénale applicable aux mineurs aux particularités de la délinquance juvénile.

Dans le respect des exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs, les articles 4 et 5 ont vocation à tirer les conséquences de l’évolution de la délinquance des mineurs en adaptant nos procédures de manière à accroître leur efficacité et leur célérité.

L’article 4 crée, aux articles L. 423-4 et L. 521-28 du CJPM, une nouvelle procédure de comparution immédiate pour les mineurs âgés d’au moins seize ans applicable lorsque ceux-ci encourent une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à sept ans, ou, en cas de délit flagrant, supérieure ou égale à cinq ans et que les faits ont été commis en état de récidive légale.

Cette nouvelle procédure permet au procureur de la République de traduire le mineur sur-le-champ devant le tribunal. Le mineur ne peut être jugé devant le tribunal pour enfants le jour même qu’avec son accord recueilli en présence de son avocat.

Si la réunion du tribunal pour enfants est impossible le jour même et si les éléments de l’espèce paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le juge des libertés et de la détention peut décider du placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience de jugement.

La création d’une telle procédure est de nature à offrir un outil supplémentaire aux services judiciaires pour adapter l’orientation des poursuites et les délais de jugement en considération du parcours délinquant d’un mineur récidiviste ayant commis des infractions graves.

L’article 5 modifie l’article L. 121-7 du CJPM pour assouplir les conditions dans lesquelles il peut être décidé de ne pas faire application des règles d’atténuation des peines applicables aux mineurs âgés de plus de seize ans.

En premier lieu, cet article supprime le caractère exceptionnel de la dérogation et permet de dispenser les juridictions de l'obligation de motiver spécialement leur décision lorsque les faits ont été commis en situation de récidive légale.

En second lieu, l’article prévoit une dérogation à l’application des règles d’atténuation des peines pour les mineurs âgés de plus de seize ans lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

– le mineur en cause est poursuivi une nouvelle fois en état de récidive légale ;

– pour avoir commis certaines infractions graves, à savoir un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, un délit de violences volontaires, un délit d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences.

Le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent toutefois, par décision spécialement motivée, décider de faire application des règles d’atténuation des peines pour le mineur en cause.

IV.   Les modifications apportées par la commission

La commission a modifié l’article 1er, en supprimant l’exigence de pluralité de crimes commis par le mineur pour caractériser la circonstance aggravante du délit de soustraction. La commission a également adopté un amendement de coordination outre-mer de votre rapporteur.

Elle a adopté l’article 2, tel que modifié par des amendements rédactionnels proposés par votre rapporteur.

L’article 3 relatif à la responsabilité civile de plein droit des parents pour les dommages commis par leur enfant mineur a été rejeté.

La commission a également rejeté l’article 4, qui introduit une procédure de comparution immédiate pour certains mineurs récidivistes de plus de seize ans ayant commis des infractions graves.

L’article 5 sur les conditions d’application de l’atténuation des peines pour les mineurs récidivistes âgés de plus de seize ans a été supprimé              .

La commission a en outre introduit cinq nouveaux articles.

L’article 6 qui est relatif aux mesures d’investigation sur la personnalité et la situation du mineur. Ce nouvel article permet, d’une part, de remplacer le recueil de renseignements socio‑éducatifs par une note de situation actualisée lorsque le mineur est déjà connu et suivi par la protection judiciaire de la jeunesse. D’autre part, il précise que le recueil de renseignements socio‑éducatifs contient, le cas échéant, les coordonnées de l’assureur en responsabilité civile des représentants légaux du mineur.

L’article 7 prévoit l’obligation pour le procureur de la République de remettre un rapport éducatif lorsqu’il saisit le juge des libertés et de la détention en vue du placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience prévue devant le tribunal pour enfants.

L’article 8 encadre la possibilité pour la juridiction saisie de transformer l’audience en vue de l’examen de la culpabilité en audience unique statuant également sur le prononcé de la sanction.

L’article 9 prévoit que la juridiction ayant retenu la culpabilité du mineur doit systématiquement proposer aux parties des mesures de réparation. Il permet en outre au juge de ne pas statuer sur les mesures spécifiques au titre de la période de mise à l’épreuve éducative pour les mineurs coupables d’infractions non punies de peine d’emprisonnement.

L’article 10 autorise la juridiction devant se prononcer sur la sanction du mineur à surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la cour d’appel sur la décision de culpabilité.


   COMMENTAIRES DES ARTICLES

Article 1er
(art. 227-17 et 322-15 du code pénal)
Préciser le champ d’application du délit de soustraction par un parent à ses obligations légales et créer une circonstance aggravante

Adopté par la commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er de la proposition de loi vise, en premier lieu, à faciliter la caractérisation du délit de soustraction par un parent à ses obligations légales prévu à l’article 227-17 du code pénal.

Il prévoit d’incriminer les manquements répétés ou graves aux obligations légales, de nature à compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de l’enfant mineur.

En second lieu, le présent article aggrave les peines encourues pour ce délit lorsque la soustraction a directement conduit à la commission par l’enfant mineur de plusieurs crimes ou délits ayant donné lieu à une condamnation définitive.

L’article 1er établit enfin une nouvelle peine complémentaire de travail d’intérêt général pour les parents coupables du délit de soustraction à leurs obligations légales, ainsi que pour les personnes coupables d’une infraction de destructions, dégradations ou détériorations.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 8 de la loi n° 2024-420 du 10 mai 2024 visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes a modifié l’article 227-17 du code pénal pour aggraver les peines encourues lorsque le parent s’est rendu coupable sur le mineur du délit de non déclaration dans les délais légaux de la naissance d’un enfant prévu par l’article 433-18-1 du même code.

     Modifications apportées par la commission

La commission a modifié l’article 1er, en supprimant l’exigence de pluralité de crimes commis par le mineur pour caractériser la circonstance aggravante du délit de soustraction. La commission a également adopté un amendement de coordination outre-mer.

  1.   L’état du droit
    1.   Les éléments constitutifs du délit de soustraction par un parent à ses obligations légales

● Le délit de soustraction par un parent à ses obligations légales, prévu à l’article 227-17 du code pénal, fait partie des infractions relatives à « la mise en péril de la santé et de la moralité des mineurs », prévues aux articles 227-15 à 227-21 du même code. Ce délit fait l’objet d’un article spécifique depuis le nouveau code pénal de 1994, afin de le distinguer de l’infraction relative à la privation d’aliments ou de soins, fixée à l’article 227-15. Auparavant, la responsabilité pénale des parents était engagée uniquement sous le prisme de « l’abandon de famille », punissant l’abandon moral et matériel des enfants mineurs.

L’article 227-17 réprime le fait pour un parent de « se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant ».

Ce délit est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amendes. L’article 227-29 du code pénal prévoit les peines complémentaires qui sont encourues par les personnes physiques coupables de cette infraction, parmi lesquelles sont notamment prévues l’interdiction des droits civiques, civils et de famille et l’interdiction d’exercer une activité professionnelle impliquant un contact habituel avec les mineurs.

● Les « obligations légales » auxquelles l’article 227-17 du code pénal fait référence sont celles qui dérivent de l’autorité parentale. En vertu de l’article 371- 1 du code civil, le titulaire de l’autorité parentale doit en effet protéger l’enfant dans « sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement ».

En application de l’article 121-3 du code pénal, le délit de soustraction est intentionnel. Il est donc nécessaire pour caractériser cette infraction de rapporter la preuve que le parent en cause avait conscience de s’être soustrait à ses obligations au point de compromettre l’intégrité physique ou morale de son enfant mineur ([29]).

La caractérisation de l’infraction nécessite en outre de démontrer l’existence d’un lien de causalité entre la soustraction du parent à ses obligations légales, d’une part, et la compromission de « la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant », d’autre part. Ainsi, en l’état du droit, la seule soustraction aux obligations légales ne peut être réprimée sur le fondement de l’article 227-17 du code pénal en l’absence de mise en danger de l’enfant ([30]).

Par ailleurs, la soustraction aux obligations légales par le parent n’est punissable que lorsqu’elle est commise « sans motif légitime », de sorte que le parent en cause peut arguer d’un fait justificatif faisant obstacle à la répression. Le « motif légitime » est cependant interprété restrictivement par la jurisprudence, de sorte que les cas d’application de cette exonération sont en pratique rares ([31]).

Il convient enfin de relever que la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a assoupli les conditions d’application de cette infraction. Il était en effet jusqu’alors exigé que la soustraction par le parent à ses obligations légales ait compromis « gravement » la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de l’enfant mineur. Cette loi a supprimé la condition tenant à la gravité des conséquences sur l’enfant mineur de la défaillance parentale afin de faciliter l’application de cette infraction ([32]).

  1.   L’applicabilité incertaine de l’article 227-17 du code pénal pour sanctionner les parents de mineurs délinquants 

● Les condamnations prononcées au titre du délit de soustraction des parents à leurs obligations légales sont rares, bien qu’en augmentation. Selon les données fournies par la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice, 212 condamnations ont été prononcées sur le fondement de l’article 227-17 du code pénal en 2023, contre 134 en 2015.

Ces condamnations se caractérisent en revanche par une proportion importante de peines d’emprisonnement. Celles-ci représentent entre 70 et 80 % des condamnations selon les années, ce qui illustre la gravité des faits incriminés. Le ministère de la justice a indiqué « parmi les 180 personnes condamnées [en 2022] pour une infraction principale de soustraction par un parent à ses obligations légales compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant, 13 ont été condamnées à une peine d'emprisonnement ferme ou en partie ferme et 127 à une peine d'emprisonnement avec sursis total » ([33]).

L’article 227-17 du code pénal permet, en pratique, d’appréhender un large champ de comportements défaillants des parents, tels que des carences éducatives graves ([34]), une absence de soins ([35]), le comportement d’une mère radicalisée emmenant ses enfants dans une zone de combat en Syrie ([36]) ou une absence d’intérêt pour la scolarisation de leurs enfants ([37]).

● Il existe en revanche une incertitude sur l’application effective de l’article 227-17 du code pénal pour engager la responsabilité pénale des parents de mineurs délinquants.

Le ministère de la justice ne dispose pas de statistique sur le nombre de condamnations à cette infraction qui concerneraient des parents de mineurs délinquants ([38]), comme cela a été confirmé à votre rapporteur lors de ses auditions.

Dans sa circulaire du 5 juillet 2023, prise dans le contexte des émeutes urbaines, le garde des Sceaux met certes en exergue que le délit de soustraction prévu à l’article 227-17 du code pénal est susceptible de s’appliquer aux parents de mineurs émeutiers, en précisant que « sous réserve d’investigations approfondies concernant la situation familiale, le fait pour un parent de ne pas intervenir pour s’opposer à toute sortie du domicile qui exposerait son enfant à un environnement d’une extrême dangerosité, de nature à compromettre tant sa santé que sa sécurité, pourrait être susceptible de constituer cette infraction [à l’article 227-17 du code pénal] » ([39]).

Une partie de la doctrine confirme une telle applicabilité du délit de soustraction à des parents dont la défaillance au titre de leurs obligations parentales conduirait leurs enfants à commettre des actes de délinquance ([40]).

Cependant, votre rapporteur n’a identifié que de rares décisions judiciaires qui retiennent une telle incrimination pour sanctionner les parents de mineurs délinquants ([41]). La rareté de ces décisions tend à démontrer que la définition actuelle de l’incrimination, dont l’objectif premier est la protection du mineur mis en danger, n’est pas adaptée à la répression des parents de mineurs délinquants.

● Il convient enfin de rappeler que le principe de personnalité de la peine garanti par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen interdit d’instituer une infraction instaurant une responsabilité pénale du fait d’autrui ([42]). Ce principe, qui figure à l’article 121-1 du Code pénal, a en effet une valeur constitutionnelle ([43]) et conventionnelle ([44]).

Sur le fondement de ce principe, dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel a par exemple censuré la contravention de troisième classe qui était prévue par la LOPPSI punissant le fait pour les représentants légaux du mineur de ne pas s'être assurés du respect de la mesure de couvre-feu applicable aux mineurs. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé qu’une telle contravention était contraire au principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait. En permettant de punir le représentant légal à raison d’une infraction commise par le mineur, cette infraction avait pour effet d’instituer, à l’encontre du premier, une présomption irréfragable de culpabilité ([45]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi
    1.   La redéfinition de l’infraction de soustraction par un parent à ses obligations légales

● L’article 1er de la présente proposition de loi vise, en premier lieu, à faciliter la caractérisation du délit de soustraction par un parent à ses obligations légales. La substitution de « au point de » par de « nature à » allège en effet substantiellement la charge de la preuve pour caractériser cette infraction.

En l’état du droit, l’expression « au point de » implique, pour la caractérisation du délit, la démonstration des conséquences matérielles de la défaillance parentale sur « la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation » de l’enfant mineur. L’infraction ne saurait donc être retenue en l’absence d’un résultat effectif du comportement défaillant des parents sur l’enfant mineur. Le délit de soustraction est ainsi, en l’état du droit, une infraction dite « matérielle » ([46]), en ce qu’elle implique, pour être constituée, la caractérisation des conséquences sur l’enfant de la violation par le parent de ses obligations légales.

La proposition de loi, en substituant l’expression « de nature à » à celle de « au point de » assouplit les conditions d’application de l’infraction. Avec cette modification, il ne sera en effet plus nécessaire de démontrer les conséquences effectives de la défaillance des parents sur l’enfant. Il suffira de démontrer le fait que la soustraction intentionnelle du parent à ses obligations légales est « de nature à », c’est-à-dire susceptible de, porter atteinte à leur enfant.

● En contrepartie de cet assouplissement, l’article 1er précise les éléments constitutifs de la soustraction, en conditionnant celle-ci au « caractère répété » ou à la « gravité » de la défaillance du parent.

L’introduction de cette nouvelle condition alternative est utile, selon les personnes auditionnées par votre rapporteur, en ce qu’elle permet de mieux encadrer l’office du juge lorsqu’il doit caractériser le délit de soustraction. Au surplus, compte tenu de la nature du comportement du parent qui donne lieu aux condamnations actuelles sur le fondement de l’article 227-17 du code pénal, la preuve de cette condition alternative ne devrait pas être difficile à établir.

  1.   La création d’une circonstance aggravante lorsque la soustraction a directement conduit à la commission de crimes et délits par le mineur

● L’article premier introduit une nouvelle circonstance aggravante portant les peines encourues à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende lorsque la soustraction a directement conduit à la commission par le mineur de plusieurs crimes ou délits ayant donné lieu à une condamnation définitive.

Le champ d’application de cette circonstance aggravante est ainsi circonscrit aux hypothèses dans lesquelles :

– le délit de soustraction par un parent à ses obligations légales est caractérisé ;

– la soustraction fautive a directement conduit à la commission par le mineur de plusieurs infractions ;

– le mineur doit avoir été condamné définitivement pour avoir commis plusieurs crimes ou délits.

Ces conditions cumulatives pour caractériser cette circonstance aggravante sont donc particulièrement restrictives.

Cette circonstance aggravante modifie substantiellement la logique de l’incrimination de soustraction du parent à ses obligations légales. En l’état du droit, celle-ci suppose en effet pour le juge « de constater la défaillance parentale et de s’interroger sur les conséquences de cette défaillance sur la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation du mineur » ([47]). Avec la circonstance aggravante créée par la proposition de la loi, la caractérisation de l’infraction suppose au contraire de constater les délits ou crimes du mineur pour déterminer si ceux-ci sont la conséquence d’une éducation défaillante.

● Pour retenir l’application de cette nouvelle cause d’aggravation, il convient ainsi d’établir un lien de causalité direct et certain entre la soustraction fautive d’un parent à ses obligations légales et la commission par son enfant mineur de plusieurs crimes ou délits ayant donné lieu à une condamnation définitive.

De nombreuses personnes auditionnées ont relevé que la preuve de ce lien de causalité pourra être, en pratique, difficile à rapporter. Le comportement délinquant d’un enfant mineur peut en effet résulter de multiples facteurs, de sorte qu’il peut sembler délicat d’établir la preuve d’un lien causal direct résultant d’une défaillance parentale, à l’exclusion d’autres causes.

Au surplus, la juridiction de jugement devra apprécier le comportement d’un parent à la date de la commission des crimes ou délits par le mineur. Or, l'exigence que le mineur ait commis « plusieurs crimes ou délits ayant donné lieu à une condamnation définitive » aboutira à ce que la juridiction statue sur le délit de soustraction du parent plusieurs années après la commission des faits par le mineur, puisqu’il faudra attendre le terme de plusieurs procédures pénales à l’encontre de l'enfant mineur. Il lui sera donc particulièrement difficile de déterminer de façon circonstanciée les défaillances des parents à la date de la commission des faits.

Enfin, il convient de préciser, afin de lever toute ambiguïté, que cette circonstance aggravante ne saurait viser des cas où le parent inciterait son enfant mineur à commettre un crime ou un délit. Un tel comportement est en effet déjà incriminé à l’article 227-21 du code pénal ([48]). Cette circonstance aggravante concerne donc le seul parent défaillant, et non le parent complice ou receleur des actes de délinquance de son enfant dont le comportement peut déjà être incriminé en l’état du droit.

● En dépit des difficultés susmentionnées sur l’établissement du lien de causalité, votre rapporteur considère cependant que la création de cette circonstance aggravante est opportune. Elle clarifie l’application, incertaine en l’état du droit, du délit de soustraction aux parents de mineurs délinquants. Elle permet ainsi de disposer d’un outil légal supplémentaire pour sanctionner un parent de délinquant mineur gravement défaillant dans le respect de ses obligations.

  1.   L’application de la peine complémentaire de travail d’intérêt général

En dernier lieu, pour améliorer la répression de l’infraction de soustraction par un parent à ses obligations légales et étoffer l’éventail des peines encourues, il est prévu l’application de la peine complémentaire de travail d’intérêt général.

Par ailleurs, cette même peine complémentaire est rendue applicable pour les personnes physiques coupables d’une infraction de destructions, dégradations ou détériorations prévue au chapitre II du titre II du livre III du code pénal.

L’instauration de telles peines complémentaires est destinée à mieux responsabiliser les auteurs de ces infractions. La violation des obligations résultant de cette peine constitue un délit puni par l’article 434-42 du code pénal de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

  1.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement de Mme Naïma Moutchou ([49]) qui supprime l’exigence relative à la pluralité de crimes commis par l’enfant mineur pour caractériser la circonstance aggravante du délit de soustraction du parent. La condition tenant à la pluralité des infractions est en revanche maintenue pour les délits commis par le mineur.

En conséquence, dans sa rédaction issue de la commission, cette circonstance aggravante peut être retenue lorsque la soustraction du parent a directement conduit l’enfant mineur à commettre un crime ou plusieurs délits ayant donné lieu à une condamnation définitive.

Enfin, la commission a adopté un amendement de coordination outre-mer de votre rapporteur ([50]).

*

*     *

Article 2
(art. 375-1 du code civil)
Créer une obligation de déférer aux convocations du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative assortie d’une amende civile

Adopté par la commission avec modifications

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 de la proposition de loi complète l’article 375-1 du code civil relatif au juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative.

Il crée une obligation pour les parents de déférer aux convocations aux audiences et auditions du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative.

Cet article prévoit en outre que le juge des enfants peut condamner à une amende civile les parents qui ne respecteraient pas, sans motif légitime, une telle obligation.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 26 de la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a modifié l’article 375-1 du code civil pour instaurer le principe d’un entretien individuel entre le juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative et l’enfant capable de discernement. Il a également prévu la possibilité pour le juge des enfants de demander la désignation d’un avocat ou d’un administrateur ad hoc pour l’enfant.

     Modifications apportées par la commission

La commission a adopté des amendements rédactionnels de votre rapporteur.

 

  1.   L’état du droit
    1.   Les pouvoirs importants du juge des enfants en matière d’assistance éducative

Les mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées, d’une part, si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur sont en danger, ou, d’autre part, si les conditions de son éducation ou de son développement sont gravement compromises ([51]).

Le juge des enfants est compétent pour la mise en place de telles mesures, en application de l’article 375-1 du code civil. Il peut être saisi par requête des parents, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié, du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public ([52]).

Dans le cadre de la procédure d’assistance éducative, le juge des enfants peut ordonner des expertises et des mesures d’investigations, telles qu’une mesure d’investigation éducative destinée à lui fournir des informations circonstanciées sur la personnalité et les conditions d’éducation et de vie du mineur et de ses parents ([53]).

Avant sa décision au fond, le juge des enfants peut également prendre des mesures provisoires, telles que celles de confier le mineur à un centre d’accueil ou d’observation ([54]).

Les deux principales mesures d’assistance d’éducative prononcées par le juge des enfants sont :

               l’action éducative en milieu ouvert (AEMO). Il s’agit de la mesure de droit commun, qui doit être privilégiée par le juge des enfants, en vertu de l’article 375-2 du code civil : « chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel ».

Tout en maintenant le mineur dans son environnement familial, le juge des enfants désigne une personne qualifiée ou un service pour apporter aide et assistance à la famille, afin de surmonter les difficultés matérielles ou morales qu’elle rencontre.

Le juge des enfants peut également subordonner le maintien de l’enfant dans son enfant à certaines obligations, telles que celle de fréquenter un établissement sanitaire ou d’éducation. Le maintien dans la famille peut enfin s’accompagner de périodes d’hébergement temporaire dans un service spécialisé ([55]).

               le placement : lorsque la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut confier l’enfant à l’autre parent, à un autre membre de la famille, à un tiers digne de confiance, à un service départemental de l’aide social à l’enfance (ASE), à un service habilité pour l’accueil des mineurs.

En 2022, les juges des enfants ont été saisis de 112 900 nouvelles affaires relatives à des mineurs en danger (+ 1,1 % par rapport à 2021).

Le juge des enfants est saisi principalement par le parquet (86 %), soit après signalement de l’aide sociale à l’enfance (67 %), de la police ou de la gendarmerie (3,4 %) ou d’autres organismes (16 %). Il peut aussi être saisi directement (14 %), soit par l’aide sociale à l’enfance ou un autre organisme (3,2 %), soit par le mineur lui-même ou par un proche (11 %) ([56]).

saisine du juge des enfants en matière d’assistance éducative


Source : références statistiques justice, édition 2023.

Les juges des enfants ont ordonné 174 400 nouvelles mesures en 2022. En aval, les mesures d’investigation représentent 27 % des mesures ordonnées : dont mesures judiciaires d’investigation éducative (19 %), expertises ou autres investigations (7,9  %). En amont, 39 % des mesures ordonnées sont des mesures d’AEMO et 33 % des placements.

Le stock de mesures en cours s’élève à 291 400 au 31 décembre 2022. Il s’agit très majoritairement de placements (49 %) et d’AEMO (43 %). Plus de 254 000 mineurs faisaient l’objet d’un suivi à la fin de l’année 2022.

  1.   Les parents, acteurs clés de la procédure en matière d’assistance éducative

● Les parents disposent tout d’abord d’un certain nombre de droits au titre de la procédure ouverte par le juge des enfants statuant en matière éducative.

Lorsque le juge des enfants n’est pas saisi par les parents, il doit informer ces derniers de l’ouverture de la procédure et les convoquer aux fins d’auditions ou d’audience ([57]). Cette convocation, qui doit être effectuée au moins huit jours avant l’audience ([58]), doit mentionner la possibilité pour les parents de se faire assister par un avocat et de consulter le dossier ([59]).

Les mesures provisoires ne peuvent être prises par le juge des enfants, hors cas d’urgence, qu’après audition préalable de chacun des parents ([60]).

En outre, lorsqu’il se prononce sur une mesure d’assistance éducative, le juge des enfants doit « toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée », tout en se prononçant « en stricte considération de l’intérêt de l’enfant » ([61]). L’adhésion des parents doit donc être recherchée par le juge, même si elle n’est pas obligatoire pour prononcer une mesure d’assistance éducative.

Enfin, les parents peuvent interjeter appel de la décision du juge des enfants sur la mesure d’assistance éducative ([62]). Une fois la décision devenue définitive, les parents conservent au surplus la possibilité de saisir le juge des enfants aux fins de modification ou de retrait de sa décision ([63]).

● L’ensemble de ces droits s’explique par le fait que la décision du juge des enfants peut avoir des conséquences significatives sur la situation personnelle des parents.

Le juge des enfants peut en effet limiter de façon significative l’exercice de leurs attributions au titre de leur autorité parentale ([64]). Le juge des enfants peut ainsi imposer, par une décision spécialement motivée, que le droit de visite des parents ne puisse être exercé qu’en présence d’un tiers. Le tiers à qui l’enfant est confié dans le cadre d’un placement pourra en outre accomplir seul les actes usuels de l’autorité parentale relatifs à sa surveillance et à son éducation ([65]).

En outre, lorsqu’il ordonne une mesure d’assistance éducative, le juge des enfants peut proposer aux parents une mesure de médiation familiale. Cette mesure se traduit par la désignation d’un médiateur familial pour « aider les parents à mettre fin à leur conflit concourant à la situation de danger pour l’enfant » ([66]). À la différence des autres outils mis à la disposition du juge des enfants, la médiation familiale requiert l’accord des parents. Une telle mesure est cependant exclue en cas de violence ou d’emprise manifeste de l’un des parents sur l’autre parent ([67]).

  1.   Une obligation pour les parents de répondre aux convocations du juge des enfants, qui n’existe que dans le cadre des procédures pénales

Si le code de la justice pénale des mineurs a renforcé le droit d’information des parents sur les procédures pénales mettant en cause leurs enfants, il a également renforcé leurs devoirs à ce titre.

L’article L. 311-5 du code de la justice pénale des mineurs prévoit ainsi que lorsque les représentants légaux du mineur poursuivi ne défèrent pas à la convocation à comparaître devant un magistrat ou une juridiction pour mineurs, il peut être ordonné que ceux-ci soient amenés par la force publique.

En tout état de cause, les représentants légaux qui ne défèrent pas à la convocation peuvent, sur réquisitions du ministère public, être condamnés à une amende dont le montant ne peut excéder 3 750 euros, ainsi qu’à un stage de responsabilité parentale.

● Dans sa circulaire du 5 juillet 2023, publiée dans le contexte des émeutes urbaines, le garde des Sceaux a expressément invité les parquets à « requérir le prononcé de ces stages et amendes en cas d’absence sans motif légitime des représentants légaux à l’audience concernant leur enfant mineur » ([68]).

Il ressort à ce titre d’une étude de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse sur le profil des mineurs déférés à la suite des émeutes urbaines qu’« au moins un des deux parents est présent lors de la procédure de défèrement dans 81,2 % des cas » ([69]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi
    1.   Une obligation de déférer aux convocations du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative qui comble un vide juridique

● L’article 2 de la proposition de loi a pour objet d’inciter les parents à honorer les convocations du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative.

Il instaure une obligation pour les parents de l’enfant mineur concerné de déférer à ces convocations et sanctionne sa violation, en l’absence de motif légitime des parents, par une « amende civile prévue par le code de procédure civile ».

L’article renvoie enfin à un décret du Conseil d’État, qui fixera notamment la date d’entrée en vigueur du présent article, celle-ci devant toutefois intervenir au plus tard le premier jour du sixième mois suivant la publication de la loi.

Il convient tout d’abord de relever que le dispositif proposé n’est pas redondant avec l’article L. 311-5 du code de la justice pénale des mineurs, dès lors que ce dernier n’a vocation à s’appliquer qu’en matière pénale. En effet, cet article est inséré dans le livre III du code de la justice pénale des mineurs qui est relatif aux « dispositions communes aux différentes phases de la procédure pénale ». La référence dans l’article L. 311-5 au « mineur poursuivi » confirme la limitation du champ d’application dudit article à la procédure pénale visant le mineur délinquant.

A contrario, le dispositif proposé porte sur le juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative. Il s’agit d’une procédure civile, régie par les dispositions du code civil et du code de procédure civile, et non couverte par le code de la justice pénale des mineurs.

Or, il n’existe en l’état du droit aucune disposition rendant obligatoire la comparution des parents d’un mineur devant le juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative. Ce dernier ne peut donc pas prononcer de sanction à l’encontre de parents qui ne défèreraient pas à ses convocations. Le dispositif proposé remédie ainsi à un vide juridique.

● Parallèlement, la création d’une obligation de répondre aux convocations d’un juge statuant en matière civile ne serait pas inédite en droit positif.

En effet, l’article 411-1 du code civil prévoit en matière de tutelle que « les tuteurs et autres organes tutélaires sont tenus de déférer [aux] convocations » du juge des tutelles et du procureur de la République et « que le juge peut prononcer contre eux des injonctions et condamner à l'amende civile prévue par le code de procédure civile ceux qui n'y ont pas déféré ». L’article 1216 du code de procédure civile prévoit que l'amende civile prononcée par le juge des tutelles ne peut excéder 10 000 euros.

Le dispositif proposé par la proposition de loi, qui crée une obligation au sein du code civil tout en renvoyant au code de procédure civile pour fixer le montant de l’amende, s’inspire ainsi du mécanisme prévu à l’article 411-1 du code civil.

Il conviendra naturellement que le montant de l’amende fixé par le pouvoir réglementaire au sein du code de procédure civile soit cohérent avec l’article L. 311-5 du code de la justice pénale des mineurs, qui prévoit une amende dont le montant ne peut excéder 3 750 euros.

  1.   Une obligation de nature à responsabiliser les parents

La création d’une telle obligation de déférer aux convocations de juge des enfants est de nature à responsabiliser les parents défaillants.

S’il n’existe pas de statistiques précises à ce sujet, des acteurs de la justice des mineurs mettent en exergue que certains parents, notamment les pères, se désintéressent du sort des procédures qui visent leur enfant.

Cette absence des parents est particulièrement préjudiciable. En effet, si l’accord des parents n’est pas requis pour mettre en œuvre des mesures d’assistance éducative, le juge des enfants doit « toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée ».

Or, seule la présence des parents aux auditions et audiences du juge des enfants peut permettre une telle adhésion à la mesure d’assistance éducative. Ainsi que le met en exergue un avocat, « pour que les parents puissent être des acteurs de la prévention de la délinquance, ils doivent être informés du déroulement des audiences et de leur enjeu, ce qui leur permet de mieux comprendre et d’accepter les décisions » ([70]).

En outre, la présence des parents à l’audience est nécessaire pour mettre en œuvre une mesure de médiation familiale décidée par le juge des enfants. Une circulaire du ministère de la justice a en effet rappelé que l’accord des parents pour participer à une médiation familiale « est recueilli lors de l’audience à l’issue de laquelle une mesure d’assistance éducative est ordonnée » ([71]). En conséquence, l’absence des parents à l’audience du juge des enfants prive ce dernier du pouvoir d’ordonner une mesure de médiation familiale, qui serait pourtant nécessaire au bien-être de l’enfant.

Votre rapporteur est convaincu que la simple mention, au sein de la convocation, du risque d’amende civile encouru par les parents aurait un effet incitatif fort sur ces derniers.

Enfin, votre rapporteur tient à souligner que l’article 2 de la proposition de loi n’instaure qu’une simple possibilité pour le juge des enfants de condamner à une amende civile.

Celui-ci gardera par conséquent son pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité de prononcer une telle sanction au regard des circonstances de l’espèce. Le cas échéant, la fixation du montant de l’amende par le juge des enfants tiendra nécessairement compte non seulement du comportement des parents dans le cadre de la procédure visant leur enfant, mais également de leur solvabilité financière.

En tout état de cause, l’amende ne pourra pas être prononcée en cas de « motif légitime » justifiant l’absence des parents aux auditions et audiences du juge des enfants.

  1.   La position de la commission

La commission a adopté des amendements rédactionnels proposés par votre rapporteur ([72]).

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*     *

Article 3 (supprimé)
(art. 1242 du code civil)
Instaurer une responsabilité civile solidaire de plein droit des parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs

Rejeté par la commission

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 de la proposition de loi porte sur la responsabilité civile des parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs, dont les conditions sont définies à l’article 1242 du code civil.

Il prévoit d’instaurer une responsabilité solidaire des parents de plein droit, dès lors que ceux-ci exercent l’autorité parentale sur l’enfant mineur auteur du dommage.

Cette proposition de modification est conforme à l’état du droit positif, tel qu’il résulte d’un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation dans un arrêt du 28 juin 2024. Cet arrêt a en effet vidé de sa substance la condition de cohabitation entre le parent et l’enfant mineur prévue par la rédaction actuelle de l’article 1242 du code civil.

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article 8 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a substitué la notion « d’autorité parentale » à celle de « droit de garde » au sein de l’article 1242 du code civil au titre des conditions d’engagement de la responsabilité civile des parents du fait de leurs enfants mineurs.

     Position de la commission

La commission a rejeté l’article 3.

  1.   L’état du droit
    1.   Un régime de responsabilité sans faute

L’article 1242 du code civil est relatif à la responsabilité civile du fait d’autrui. Cette responsabilité résulte du principe selon lequel « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre » ([73]).

Le quatrième alinéa de cet article porte sur une des hypothèses de responsabilité générale du fait d’autrui, celle du père et de la mère pour les faits de leurs enfants mineurs. Cet alinéa est ainsi rédigé : « Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

La responsabilité instituée par cet article est de plein droit, en ce qu’elle n’est pas subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant mineur. Il suffit que le mineur ait commis un acte, même non fautif, qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime pour que la responsabilité des parents soit engagée ([74]). Les juges ne sont pas non plus tenus de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte ([75]).

En outre, les parents ne peuvent s’exonérer de cette responsabilité objective, au motif qu’ils n’auraient commis eux-mêmes aucune faute, qu’elle soit de surveillance ou d’éducation. Seules la force majeure et la faute de la victime sont ainsi susceptibles d’exonérer les parents de leur responsabilité de droit encourue du fait de leurs enfants mineurs ([76]).

Enfin, le caractère « solidaire » de cette responsabilité signifie que la victime peut demander l’indemnisation intégrale de son préjudice à l’un ou l’autre des parents, conformément à la définition de la solidarité établie à l’article 1313 du code civil ([77]).

  1.   La condition relative à la cohabitation avec le mineur a été assouplie par une jurisprudence récente

Conformément au texte de l’article 1242 du code civil, la responsabilité civile des parents pour les dommages causés par leur enfant mineur est subordonnée à deux conditions : d’une part, les parents doivent exercer l’autorité parentale sur l’enfant mineur en cause ; d’autre part, l’enfant mineur doit cohabiter avec ses parents.

Cependant, l’interprétation de la notion de « cohabitation » a fait l’objet d’un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation par un arrêt du 28 juin 2024, qui en a considérablement réduit la portée ([78]).

Jusqu’alors, seul le parent chez lequel l’enfant mineur avait sa résidence habituelle pouvait être tenu pour responsable des dommages causés par ce dernier ([79]).

En cas de divorce, la responsabilité de plein droit prévue à l’article 1242 du code civil incombait ainsi au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant a été fixée, quand bien même l’autre parent, bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement, exerçait conjointement l’autorité parentale ([80]).

A contrario, l’engagement de la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant mineur n’avait pas été fixée exigeait la preuve d’une faute dudit parent.

Cette condition de cohabitation avec l’enfant mineur imposée par l’article 1242 du code civil a été validée en avril 2023 par le Conseil constitutionnel, qui a considéré que la différence de traitement entre les parents résultant de cette condition était fondée sur une différence de situation en rapport avec l’objet de la loi ([81]).

Par son arrêt du 28 juin 2024, la Cour de cassation a modifié l’état du droit, en considérant que des parents séparés mais exerçant conjointement l’autorité parentale sont solidairement responsables des dommages causés par leur enfant mineur, nonobstant le fait que celui-ci ne réside que chez l’un de ses parents.

La Cour de cassation considère ainsi que la condition de cohabitation prévue à l’article 1242 du code civil est désormais satisfaite du seul fait de l’exercice conjoint de l’autorité parentale : « L'ensemble de ces considérations conduit la Cour à interpréter désormais la notion de cohabitation comme la conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, laquelle emporte pour chacun des parents un ensemble de droits et de devoirs, et à juger désormais que leur cohabitation avec un enfant mineur à l'égard duquel ils exercent conjointement l'autorité parentale ne cesse que lorsque des décisions administrative ou judiciaire confient ce mineur à un tiers » ([82]).

Au soutien de cette décision, la Cour de cassation met en exergue qu’elle est cohérente, d’une part, avec la tendance à l’objectivation de la responsabilité civile des parents et, d’autre part, avec les objectifs de la loi du 4 mars 2002 qui promeut la coparentalité, en conformité avec les principes de l’article 18§1 de la convention internationale des droits de l’enfant ([83]).

En définitive, cet arrêt de la Cour de la cassation a pour conséquence « l’abandon de la condition de cohabitation » prévue à l’article 1242 du code civil, comme l’a souligné la doctrine ([84]).

● Il convient enfin de relever que cette responsabilité des parents ne s’applique pas en cas de placement du mineur. Ainsi, lorsque le mineur est confié par le juge des enfants à un service ou établissement qui relève de l’autorité de l’État, dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative, la responsabilité sans faute de l’État est engagée pour les dommages causés aux tiers par ce mineur, sauf force majeure ou faute de la victime ([85]).

Dans la même perspective, l’association qui se voit confier par le juge des enfants la responsabilité d’« organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie du mineur », devient responsable civilement de plein droit des dommages causés par le mineur, en vertu de l’alinéa 1er de l’article 1242 du code civil ([86]).

Ce transfert de responsabilité intervient alors même que les parents auraient conservé l’autorité parentale sur l’enfant mineur concerné par la mesure de placement ([87]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 3 de la proposition de loi modifie le quatrième alinéa de l’article 1242 du code civil.

● Tout d’abord, cet article remplace la référence au « père » et à la « mère » par celle de « parents ».

Cette modification est cohérente avec le fait que les règles relatives à l’autorité parentale sont applicables aux couples de même sexe, en vertu de l’article 6-1 du code civil ([88]), depuis la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

En conséquence, l’autorité parentale peut être exercée en commun par des couples de même sexe ayant adopté un enfant ensemble ou dans le cadre de l’adoption de l’adoption du conjoint. Dans la même perspective, il résulte des dispositions combinées des articles 342-11 et 372 du code civil que les femmes qui reconnaissent conjointement l’enfant dont l’une d’entre elles a accouché exercent en commun l’autorité parentale sur cet enfant.

La substitution de « parents » à « père » et « mère » au sein de l’article 1242 du code civil est donc opportune pour tenir compte de l’évolution des titulaires possibles de l’autorité parentale.

● La proposition de loi précise en outre que la responsabilité solidaire des parents est de « plein droit ». Cet ajout rappelle le fait qu’il n’est pas nécessaire de démontrer une faute de l’enfant mineur ou des parents pour engager la responsabilité de ces derniers.

Cette mention relative au caractère de « plein droit » de la responsabilité des parents transcrit ainsi au sein du code civil l’état du droit positif, tel que rappelé ci-dessus.

● Enfin, l’article 3 de la proposition de loi supprime la condition relative à la cohabitation de l’enfant mineur avec ses parents. Cette suppression est conforme à l’état de la jurisprudence, telle qu’issue de l’arrêt de la Cour de cassation précité du 28 juin 2024.

Sur le fond, la suppression de la condition relative à la cohabitation est opportune en ce qu’elle responsabilise les deux parents, indépendamment du lieu de résidence de l’enfant mineur. Elle est également cohérente avec la promotion de la coparentalité portée par le législateur dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 ([89]).

Elle met aussi un terme à une discrimination de fait au détriment de la mère, qui supportait en pratique seule la responsabilité civile en application de cette exigence de cohabitation, puisque la résidence habituelle de l’enfant mineur est souvent fixée chez cette dernière en cas de séparation des parents.

Enfin, elle renforce les possibilités d’indemnisation de la victime, qui pourra agir contre l’un ou l’autre parent, quel que soit le lieu de résidence de l’enfant.

Votre rapporteur salue par conséquent la clarification opérée par la proposition de loi, en ce qu’elle intègre dans le code civil une évolution bienvenue de la jurisprudence.

  1.   La position de la commission

La commission a rejeté l’article 3.

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*     *

Rejeté par la commission

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4 de la présente proposition de loi crée une nouvelle procédure de comparution immédiate pour les mineurs âgés d’au moins seize ans lorsqu’ils encourent une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à sept ans d’emprisonnement, ou, en cas de délit flagrant, supérieure ou égale à cinq ans et que les faits ont été commis en état de récidive légale.

Cette nouvelle procédure, prévue aux articles L. 423-4 et L. 521-28 du code de la justice pénale des mineurs (CJPM), permet au procureur de la République de traduire le mineur sur-le-champ devant le tribunal pour enfants. Elle n’est applicable que lorsqu’il existe des éléments de personnalité sur le mineur en cause, par le biais d’un rapport ou d’un recueil de renseignements socio-éducatifs.

Dans le cadre de cette procédure, si la réunion du tribunal pour enfants est impossible le jour même et si les éléments de l’espèce paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le procureur de la République peut traduire le mineur devant le juge des libertés et de la détention. Ce dernier statuera sur le placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience de jugement, qui doit alors intervenir dans les quatre jours ouvrables.

Le mineur ne peut être jugé devant le tribunal pour enfants le jour même qu’avec son accord recueilli en présence de son avocat.

S’il n’y consent pas, ou si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal pour enfants peut décider de renvoyer l’affaire à une audience devant avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, ni supérieur à un mois.

Le tribunal peut alors décider de placer le mineur sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire dans l’attente de l’audience de jugement.

     Dernières modifications législatives intervenues

Le CJPM, instauré par l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, ratifiée par la loi n° 2021-218 du 26 février 2021, prévoit une procédure exceptionnelle d’audience unique destinée à juger rapidement les actes les plus graves commis par un mineur déjà suivi.

Cette procédure, prévue à l’article L. 423-4 du CJPM, a remplacé la « procédure de présentation immédiate » antérieurement prévue par l’ordonnance du 2 février 1945.

       Modifications apportées par la commission

La commission des Lois a rejeté l’article 4.

  1.   L’état du droit
    1.   L’exigence constitutionnelle de spécialisation des juridictions ou d’aménagement de procédures appropriées en matière de justice pénale des mineurs

La justice pénale des mineurs est encadrée par un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) qui a été dégagé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002 ([90]). Le cadre constitutionnel qui lui est applicable repose donc sur des exigences spécifiques, qui s’ajoutent à celles encadrant déjà la matière pénale.

Conformément à ces exigences constitutionnelles, la responsabilité pénale des mineurs doit être atténuée en fonction de leur âge ([91]).

En outre, il est nécessaire de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées.

Ce principe se décline notamment en deux règles applicables à la justice pénale des mineurs :

– D’une part, la primauté de l’éducatif sur le répressif : cette règle suppose que la répression des infractions commises par les mineurs poursuive prioritairement une finalité éducative et protectrice.

Son respect n’implique toutefois pas la prohibition des mesures de contrainte et des sanctions pour les mineurs. Elle ne signifie donc pas qu’il est interdit au législateur de prévoir des mesures contraignantes pour les mineurs et, au-dessus de treize ans, une répression pénale.

Ainsi, selon le Conseil constitutionnel, « ces exigences n’excluent pas que, en cas de nécessité, soient prononcées à [l’égard des mineurs] des mesures telles que le placement, la surveillance, la retenue ou, pour les mineurs de plus de treize ans, la détention » ([92]).

En revanche, la peine doit être subsidiaire et « les mesures répressives, telles que l’incarcération, ne doivent être envisagées qu’en dernier ressort. » ([93]).

– D’autre part, la spécialisation des juridictions ou des procédures appropriées : pour tenir compte de la spécificité de la justice des mineurs, des juridictions spécialisées sont instaurées et des procédures et garanties spécifiques sont prévues par le CJPM.

Ces juridictions et ces procédures sont donc différentes de celles instaurées pour les majeurs, qui sont prévues dans le code de procédure pénale (CPP). Cette spécificité garantit un traitement adapté des mineurs, dans le respect des exigences constitutionnelles rappelées ci-dessus, pour tenir compte des finalités particulières de la justice pénale des mineurs.

Le respect de cette règle implique, par exemple, de ne pas autoriser le procureur de la République à faire convoquer directement un mineur par un officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants sans instruction préparatoire par le juge des enfants, alors même qu’une telle procédure est prévue pour les majeurs dans le CPP ([94]). En effet, une telle procédure de convocation par un officier de police judiciaire, applicable pour tous les mineurs sans conditions d’âge, de gravité ou d’antécédents, ne permet pas de garantir que le tribunal disposera d'informations récentes sur la personnalité du mineur lui permettant de rechercher son relèvement éducatif et moral ([95]).

L’aménagement de règles spécifiques en matière de justice pénale des mineurs est ainsi destiné à assurer un traitement particulier des mineurs délinquants pouvant se matérialiser, notamment, par des conditions plus restrictives pour les mesures de contrainte susceptibles de leur être appliquées ou des garanties spéciales assurant la protection de leur vulnérabilité.

  1.   L’ancienne procédure de présentation immédiate prévue par l’ordonnance du 2 février 1945
    1.   Présentation de la procédure de présentation immédiate

Antérieurement à l’entrée en vigueur du CJPM, il existait une procédure de présentation immédiate (PIM) instaurée par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. La PIM avait elle-même remplacé la procédure de jugement à délai rapproché, créée par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.

Cette procédure, prévue à l’ancien article 14-2 de l’ordonnance du 2 février 1945, permettait au ministère public de saisir directement le tribunal pour enfants, sans phase d’information préalable.

Elle s’appliquait, d’une part, aux mineurs de treize à seize ans encourant une peine comprise entre cinq et sept ans d’emprisonnement et, d’autre part, aux mineurs de seize à dix-huit ans encourant une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à un an en cas de flagrance, ou supérieure ou égale à trois ans dans les autres cas.

Le recours à cette procédure rapide était strictement encadré. Elle n’avait en effet vocation à s’appliquer que dans les hypothèses dans lesquelles il existait suffisamment d’éléments de renseignements sur la personnalité du mineur en cause et sur les circonstances des faits à juger.

Ainsi, il n’était possible d’y recourir que si les conditions cumulatives suivantes étaient remplies :

– le mineur avait fait ou faisait l’objet d’une procédure pénale prévue par l’ordonnance de 1945 ;

– des investigations sur la personnalité avaient été conduites au cours des douze derniers mois sur le fondement de l’article 8 de l’ordonnance ;

– aucune investigation complémentaire sur les faits n’était nécessaire.

Dans le cadre de cette procédure, le procureur de la République pouvait traduire le mineur en cause devant le tribunal pour enfants pour y être jugé à une audience devant avoir lieu dans un délai ne pouvant être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois.

Il était toutefois possible de procéder au jugement du mineur à la première audience du tribunal pour enfants suivant sa présentation, sans devoir faire application du délai de dix jours, lorsque le mineur et son avocat y consentaient expressément, sauf si les représentants légaux du mineur, dûment convoqués, faisaient connaître leur opposition.

Dans le cadre de cette procédure, des mesures de sûreté pouvaient enfin être ordonnées à l’encontre du mineur en cause, dans l’attente de l’audience de jugement. Ces mesures, ordonnées par le juge des enfants sur réquisitions du procureur de la République prenaient la forme soit d’un placement sous contrôle judiciaire, soit d’un placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique, ou encore d’un placement en détention provisoire du mineur.

  1.   Constitutionnalité de la procédure de présentation immédiate

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé à plusieurs occasions sur la constitutionnalité de cette procédure de jugement rapide rendue applicable aux mineurs.

Il a d’abord validé l’ancienne procédure de jugement à délai rapproché, déjà inspirée de la procédure de comparution immédiate applicable pour les majeurs. Le Conseil a ainsi estimé que l’application d’une telle procédure accélérée aux mineurs ne méconnaissait pas par principe les exigences constitutionnelles propres à la justice des mineurs et que « l’intervention d’un jugement à bref délai [apparaît] adapté à la situation des mineurs en raison de l’évolution rapide de leur personnalité » ([96]).

Le Conseil a également admis la constitutionnalité de la procédure de présentation immédiate en se fondant notamment sur les garanties spécifiques entourant l’application de cette procédure ([97]) :

● le tribunal pour enfants conservait la faculté soit de renvoyer l’affaire à une prochaine audience, s’il estimait qu’elle n’était pas en état d’être jugée, soit de renvoyer le dossier au procureur de la République si des investigations supplémentaires étaient nécessaires ;

● le quantum des peines qui déterminait la faculté de recourir à cette procédure demeurait supérieur à celui conditionnant le recours à la comparution immédiate pour les majeurs ;

● cette procédure permettait d’éviter de devoir attendre au moins dix jours avant de pouvoir juger le mineur à la suite de son défèrement ;

● il n’était possible de procéder au jugement de l’affaire dans un délai inférieur à dix jours qu’à la condition que le mineur et son avocat y consentissent expressément et que les représentants légaux du mineur, dûment convoqués, ne s’y soient pas opposés.

Le Conseil constitutionnel a enfin eu l’occasion de préciser la portée du principe de spécialisation des juridictions ou de l’adaptation des procédures lorsqu’il a été saisi de la constitutionnalité des dispositions créant l’ancien tribunal correctionnel pour mineurs (TCM).

À cette occasion en effet, le Conseil n’a pas estimé que la création du TCM portait en elle-même une atteinte aux exigences constitutionnelles propres à la justice des mineurs. Il a rappelé que la formulation du PFRLR en la matière, s’agissant de « la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » devait se comprendre comme énonçant une règle alternative. L’exigence porte en effet sur la spécialisation des juridictions ou bien sur l’aménagement de procédures appropriées.

Dès lors, le Conseil constitutionnel ayant estimé que le TCM ne constituait pas une juridiction spécialisée, il a vérifié si la procédure était appropriée au sens du PFRLR, « c’est-à-dire si elle permettait de rechercher le relèvement éducatif et moral du mineur » ([98]).

C’est sur ce fondement que le Conseil constitutionnel a censuré la possibilité de saisir le TCM selon les procédures de convocation directe ([99]) et de présentation immédiate en estimant que le recours à de telles procédures aurait conduit à ce que des mineurs ne soient jugés ni par une juridiction spécialisée ni selon des procédures appropriées.

  1.   La nouvelle procédure exceptionnelle d’audience unique prévue par le code de la justice pénale des mineurs

Le CJPM a simplifié les procédures existantes dans l’ordonnance du 2 février 1945 et instauré une nouvelle procédure de droit commun dite de mise à l’épreuve éducative ([100]) consacrant la règle de la césure du procès en deux étapes : une première décision sur la culpabilité, dans un délai compris entre dix jours et trois mois après la convocation du mineur, et une seconde décision, six à neuf mois plus tard, sur la sanction. Entre les deux s’ouvre une période de mise à l’épreuve éducative.

Par exception au principe de la procédure en deux étapes, le CJPM prévoit une procédure exceptionnelle d’audience unique applicable pour les actes les plus graves commis par un mineur déjà suivi. Cette procédure, prévue à l’article L. 423-4 du CJPM, se rapproche ainsi de l’ancienne PIM prévue par l’ordonnance de 1945.

La procédure de saisine du tribunal pour enfants aux fins d’audience unique est réservée aux mineurs âgés d’au moins treize ans poursuivis pour un délit ou une contravention de la cinquième classe.

Elle est applicable si les conditions suivantes sont réunies :

– si la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d’emprisonnement pour le mineur de moins de seize ans ou si la peine encourue est supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement pour le mineur d’au moins seize ans ;

– si le mineur :

● a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an ;

● ou s’il est également poursuivi pour le délit prévu par le quatrième alinéa de l’article 55-1 du code de procédure pénale ([101]). Dans ce cas, le procureur de la République verse au dossier le recueil de renseignements socio-éducatifs établi à l’occasion du défèrement.

Lorsqu’il est saisi selon cette procédure, le tribunal pour enfants peut statuer lors d’une même audience d’examen de la culpabilité et de la sanction ([102]) ce qui permet d’accélérer le jugement du mineur en cause.

Dans le cadre de cette procédure, le procureur de la République peut déférer le mineur devant lui et, lorsqu’il est âgé d’au moins seize ans, le faire comparaître devant le juge des libertés et de la détention afin qu’il soit statué sur ses réquisitions tendant à son placement en détention provisoire jusqu’à l’audience. Dans ce cas, l’audience de jugement doit intervenir dans un délai compris entre dix jours et un mois, à défaut de quoi le mineur est remis en liberté d’office.

En vertu de l’article L. 423-6 du CJPM, le procureur de la République fait établir, dans le temps du défèrement, un recueil de renseignements socio-éducatifs, lequel comprend une évaluation synthétique des éléments relatifs à la personnalité et à la situation du mineur, et donne lieu à un rapport contenant tous renseignements utiles sur sa situation ainsi qu'une proposition éducative ou une proposition de mesures propres à favoriser son insertion sociale. Le mineur et son avocat, qui peut consulter le dossier de la procédure sur-le-champ, ont la possibilité de présenter des observations sur le choix procédural effectué.

Il peut être souligné que si le versement au dossier de la procédure d’un rapport éducatif de moins d’un an est nécessaire pour la tenue de l’audience unique à l’initiative du parquet, la communication de ce rapport n’est pas obligatoire au stade de la présentation du mis en cause devant le juge des libertés et de la détention ([103]).

En vertu de l'article L. 521-27 du CJPM, le tribunal pour enfants, saisi selon la procédure de l'audience unique, peut toujours, après avoir recueilli les observations des parties, renvoyer l'affaire et statuer selon la procédure de mise à l'épreuve éducative.

La Cour de cassation a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité portant sur cette procédure exceptionnelle de l’audience unique en estimant que « la saisine de la juridiction des mineurs selon la procédure de l'audience unique est entourée de garanties suffisantes qui font qu'elle ne méconnaît aucun droit ou liberté garantis par la Constitution. » ([104]).

Il peut être relevé que le taux de recours aux audiences uniques semble varier d’une manière importante d’une juridiction à l’autre, s’échelonnant de 15 % à 50 %. Par ailleurs, 8 % des saisines du tribunal pour enfants par le parquet sont réalisées aux fins d’une audience unique.

En 2023, sur l’ensemble des jugements prononcés, 60 % des condamnations de mineurs ont été prononcées en audience unique et 40 % en audience avec mise à l’épreuve éducative ([105]).

Il semble également que le recours à cette procédure donne lieu, dans la pratique, à des détentions provisoires brèves, de quelques semaines seulement ([106]). Il peut toutefois être observé que « la part de mineurs en détention provisoire parmi l’ensemble des mineurs détenus a nettement diminué depuis l’entrée en vigueur du CJPM ». Elle est en effet passée de 15 % entre 2019 et 2022 à 5 % entre 2021 et 2022 ([107]).

Il est apparu également que « l’autorité judiciaire peut se trouver démunie face à certains mineurs commettant des faits graves mais ne répondant pas aux conditions exigées pour requérir le placement en détention provisoire au titre de la saisine du tribunal pour enfants aux fins d’audience unique. » ([108])

Le délai moyen entre l’exercice des poursuites et la date de jugement en audience unique était en 2023 de 3,3 mois, soit supérieur au délai légal, et de 27 jours lorsque le mineur prévenu est placé en détention provisoire. À titre de comparaison, pour les prévenus majeurs pour lesquels il est fait application de la procédure de comparution immédiate, le délai moyen de jugement était, la même année, de 1,1 mois ([109]).

  1.   La procédure de comparution immédiate prévue par le code de procédure pénale réservée aux majeurs

La procédure de comparution immédiate réservée aux majeurs est prévue aux articles 395 à 397-1 du CPP.

Elle permet un jugement accéléré du prévenu poursuivi pour des délits pour lesquels le maximum de l’emprisonnement prévu par la loi est au moins égal à deux ans ou, en cas de délit flagrant, à six mois, à l’exclusion des délits de presse, des délits politiques ou des infractions dont la procédure est prévue par une loi spéciale ([110]).

Dans ces cas, le procureur de la République peut recourir à cette procédure pour traduire le prévenu sur-le-champ devant le tribunal, dès lors qu’il estime que l’affaire est en état d’être jugée.

Le prévenu est alors retenu jusqu’à sa comparution, laquelle a lieu par principe le jour même. Si la réunion du tribunal est impossible, le procureur de la République peut traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention. Ce juge peut décider de placer le prévenu en détention provisoire jusqu’à sa comparution devant le tribunal ou le placer sous contrôle judiciaire ou bien sous assignation à résidence avec surveillance électronique.

Pour être jugé le jour même, le prévenu doit donner son accord, recueilli en présence de son avocat. À défaut, ou si l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le tribunal peut décider de renvoyer l’affaire à une prochaine audience qui doit avoir lieu dans un délai ne pouvant être inférieur à quatre semaines, sauf renonciation expresse du prévenu, ni supérieur à dix semaines.

L'article L. 423-5 du CJPM exclut l’application de la procédure de comparution immédiate pour le jugement des mineurs. Cette procédure est donc réservée aux majeurs.

Pour régler les hypothèses dans lesquelles une erreur sur la majorité du prévenu a été commise, l’article 397-2-1 du CPP prévoit que le tribunal saisi selon la procédure de comparution immédiate doit renvoyer le dossier au procureur de la République s’il lui apparaît que la personne présentée devant lui est en réalité mineure.

S’il s’agit d’un mineur âgé d’au moins treize ans, le tribunal doit néanmoins statuer au préalable sur son placement ou son maintien en détention provisoire pour une durée maximale de vingt-quatre heures jusqu’à sa présentation devant la juridiction compétente.

Il peut être souligné que le Conseil constitutionnel a admis, dans ce cadre, la possibilité d’ordonner la détention provisoire du mineur en relevant que « ces dispositions ont pour objet, dans le cas où il apparaît à la juridiction saisie que le prévenu est mineur, de le maintenir à la disposition de la justice afin de garantir sa comparution à bref délai devant une juridiction spécialisée, seule compétente pour décider des mesures, en particulier éducatives, adaptées à son âge ». Les dispositions poursuivent ainsi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public.

Afin d’assurer le respect des exigences constitutionnelles découlant du PFRLR en matière de justice des mineurs, le Conseil constitutionnel a cependant formulé une réserve d’interprétation relative à l’office du juge en précisant qu’« il appartient [à celui-ci] de vérifier que, au regard des circonstances, de la situation personnelle du mineur et de la gravité des infractions qui lui sont reprochées, son placement ou maintien en détention provisoire n’excède pas la rigueur nécessaire » ([111]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 4 de la proposition de loi instaure une nouvelle procédure de comparution immédiate des mineurs, inspirée de celle applicable aux majeurs et de l’ancienne procédure de présentation immédiate qui figurait dans l’ordonnance du 2 février 1945.

Cette procédure est destinée à permettre une réponse judiciaire rapide et adaptée face au trouble à l’ordre public occasionné par une infraction grave pour laquelle un mineur est mis en cause.

Pour répondre aux exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs, le champ de cette nouvelle procédure de comparution immédiate est strictement défini et sa mise en œuvre est entourée de garanties renforcées.

  1.   Un champ d’application limité répondant aux finalités assignées à cette procédure accélérée

L’application de la nouvelle procédure de comparution immédiate est encadrée par plusieurs conditions cumulatives, prévues à l’article L. 423-4 du CJPM, relatives, pour les unes, à la peine encourue et à l’âge du mineur et, pour les autres, à la situation du mineur.

La comparution immédiate est ainsi réservée aux mineurs âgés d’au moins seize ans poursuivis pour des délits graves commis en état de récidive légale, pour lesquels est encourue :

– une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à sept ans ;

– ou, en cas de délit flagrant, une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans.

Pour s’assurer que le tribunal disposera d’éléments de personnalité suffisants et actuels sur le mineur en cause, et soit donc à même d’apprécier sa situation pour répondre à la finalité éducative de la justice pénale des mineurs, cette procédure n’est permise que lorsque le mineur en cause est déjà connu ou qu’il a été établi un recueil de renseignements socio-éducatifs à son égard.

Elle n’est ainsi applicable que pour les mineurs pour lesquels le procureur de la République dispose :

● soit d’un rapport datant de moins d’un an faisant suite à une mesure éducative, une mesure judiciaire d'investigation éducative, une mesure de sûreté, une déclaration de culpabilité ou une peine prononcée dans le cadre d'une autre procédure ;

● soit d’un recueil de renseignements socio-éducatifs établi à l’occasion du défèrement ([112]).

Cette exigence répond aux finalités assignées à cette nouvelle procédure accélérée qui doit être réservée aux affaires en état d’être jugées et pour lesquelles les investigations sur les faits et la personnalité du mineur ont déjà été réalisées.

  1.   Des garanties procédurales adaptées et renforcées

Dans le cadre de cette nouvelle procédure, le principe est celui de la retenue du mineur jusqu’à sa comparution devant le tribunal pour enfants, laquelle doit avoir lieu en principe le jour même.

Réservée aux faits les plus graves, cette procédure est en effet destinée à offrir un cadre adapté pour permettre d’apporter une réponse judiciaire efficace à bref délai.

Toutefois, si la réunion de la juridiction est impossible le jour même et si les éléments de l’espèce l’exigent, le procureur de la République peut requérir, devant le juge des libertés et de la détention, le placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience qui doit alors se tenir dans le délai contraint de quatre jours ouvrables, à défaut de quoi le mineur est mis en liberté d’office.

Le nouvel article L. 521-28 du CJPM prévoit les garanties applicables à l’audience de jugement lorsque le tribunal pour enfants est saisi selon la procédure de comparution immédiate pour mineurs.

Pour tenir compte des spécificités de cette procédure accélérée, il est prévu que le président du tribunal doit avertir le mineur qu’il ne peut être jugé le jour même qu’avec son accord, lequel est obligatoirement recueilli en présence de son avocat.

Le mineur peut ainsi refuser d’être jugé le jour même. Dans ce cas, ou, si le tribunal estime que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, par exemple en raison d’éléments insuffisants de personnalité ou d’investigations incomplètes, il peut décider de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.

La décision de renvoi n’est prise qu’après recueil des observations des parties et de leur avocat. Le renvoi est par ailleurs encadré par des délais spécifiques, la nouvelle audience devant avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, ni supérieur à un mois.

Lorsque le tribunal ordonne le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure, il peut décider de placer le mineur prévenu sous contrôle judiciaire ou bien en détention provisoire, sa décision étant exécutoire par provision. Ainsi, l’exercice de voies de recours ne fait pas obstacle au caractère exécutoire de cette décision.

Le tableau ci-dessous établit un comparatif des conditions d’application des procédures de présentation immédiate, de procédure exceptionnelle d’audience unique, de comparution immédiate des majeurs et de la nouvelle procédure de comparution immédiate des mineurs. Il met ainsi en évidence les champs d’application respectifs de ces différentes procédures et permet de souligner les garanties procédurales qui encadrent la mise en œuvre de la nouvelle procédure de comparution immédiate des mineurs par rapport à celle qui est réservée aux majeurs.

 


Tableau comparatif des procédures de jugement rapide prévues par l’ancienne ordonnance de 1945, par le CJPM et par le CPP

Procédure

Présentation immédiate de mineur

(art. 14-2 ordonnance de 1945)

Procédure à audience unique

(art. L. 423-4, L. 423-9, L. 521-27 du CJPM)

Procédure de comparution immédiate des mineurs

(article 4 de la présente proposition de loi)

Procédure de comparution immédiate des majeurs

(art. 395 à 397-3 du CPP)

Champ d’application

Conditions relatives à la peine encourue et à l’âge

● mineur de 13 à 16 ans encourant une peine comprise entre 5 et 7 ans d’emprisonnement

 

● mineur de 16 à 18 ans encourant une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 1 an en cas de flagrance,

ou supérieure ou égale à 3 ans dans les autres cas

● mineur de moins de 16 ans encourant une peine supérieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement

 

● mineur d’au moins 16 ans si la peine encourue est supérieure ou égale à 3 ans d’emprisonnement

● mineur d’au moins 16 ans

 

● en état de récidive légale

 

● encourant une peine supérieure ou égale à 7 ans d’emprisonnement

ou encourant pour un délit flagrant encourant une peine supérieure ou égale à 5 ans d’emprisonnement.

● majeur

 

● maximum de l’emprisonnement prévu par la loi au moins égal à 2 ans

ou, en cas de délit flagrant, à 6 mois

 

Conditions complémentaires

● le mineur a fait ou fait l’objet d’une procédure pénale prévue par l’ordonnance de 1945

 

● des investigations sur la personnalité ont été accomplies au cours des douze derniers mois sur le fondement de l’article 8 de l’ordonnance

 

● aucune investigation complémentaire sur les faits n’est nécessaire

● le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an

 

● le mineur est poursuivi pour le délit prévu par le dernier alinéa de l’article 55-1 du CPP et le recueil de renseignements socio-éducatifs établi à l’occasion du défèrement est versé au dossier

● le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an

 

● un recueil de renseignements socio-éducatifs est établi à l’occasion du défèrement

● les charges réunies sont suffisantes, l'affaire est en l'état d'être jugée, et les éléments de l'espèce justifient une comparution immédiate

Délais de jugement et régime des mesures de contrainte

● jugement à une audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois ;

 

● possibilité de procéder au jugement du mineur à la première audience du tribunal pour enfants qui suit sa présentation, sans que le délai de dix jours soit applicable, lorsque le mineur et son avocat y consentent expressément, sauf si les représentants légaux du mineur, dûment convoqués, font connaître leur opposition

 

● pour les mineurs d’au moins 16 ans, le juge des libertés et de la détention (JLD) peut décider soit du placement sous contrôle judiciaire, soit du placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique, soit du placement en détention provisoire du mineur jusqu'à l'audience de jugement

 

● pour les mineurs de 13 à 16 ans, le JLD peut décider du placement sous contrôle judiciaire du mineur jusqu'à sa comparution devant le tribunal pour enfants, qui doit se tenir dans un délai de dix jours à deux mois.

● pour le mineur âgé d'au moins 16 ans, le JLD peut décider du placement en détention provisoire du mineur jusqu'à l'audience.

Dans ce cas, l'audience unique doit avoir lieu dans un délai compris entre dix jours et un mois, à défaut de quoi le mineur est remis en liberté d'office

retenue jusqu’à sa comparution devant le tribunal pour enfants, laquelle doit avoir lieu le jour même

 

● si la réunion de la juridiction est impossible le jour même et si les éléments de l’espèce l’exigent, le JLD peut décider du placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience

Dans ce cas, l’audience doit se tenir dans les quatre jours ouvrables, le mineur étant mis en liberté d’office à défaut.

 

● retenue jusqu’à sa comparution qui doit avoir lieu le jour même

 

● si la réunion du tribunal est impossible le jour même et si les éléments de l'espèce lui paraissent exiger une mesure de détention provisoire, le JLD peut décider du placement en détention provisoire jusqu’à l’audience

Dans ce cas, le prévenu doit comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant, à défaut, il est mis d'office en liberté.

 

● si le JLD estime que la détention provisoire n'est pas nécessaire, il peut décider soit du placement sous contrôle judiciaire, soit du placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique, jusqu'à sa comparution devant le tribunal.

Dans ce cas, le prévenu doit alors comparaître devant le tribunal au plus tard le troisième jour ouvrable suivant.

Garanties procédurales applicables pour la phase de jugement

● lorsque le mineur est en détention provisoire, le jugement au fond doit être rendu dans un délai d'un mois suivant le jour de sa première comparution devant le tribunal.

Faute de décision au fond à l'expiration de ce délai, il est mis fin à la détention provisoire

 

● le tribunal peut, s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée, renvoyer à une prochaine audience dans un délai qui ne peut être supérieur à un mois.

Dans ce cas, si le mineur est en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire, le tribunal statue par décision spécialement motivée sur le maintien de la mesure de sûreté ;

 

● le tribunal pour enfants peut, s'il estime que des investigations supplémentaires sont nécessaires compte tenu de la gravité ou de la complexité de l'affaire, renvoyer le dossier au procureur de la République.

Dans ce cas, lorsque le mineur est en détention provisoire, le tribunal pour enfants statue au préalable sur le maintien du mineur en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant le juge des enfants ou le juge d'instruction.

Cette comparution doit avoir lieu le jour même, à défaut de quoi le prévenu est remis en liberté d'office.

● le tribunal pour enfants peut, après avoir recueilli les observations des parties, renvoyer l'affaire et statuer selon la procédure de mise à l'épreuve éducative

 

● le président du tribunal doit avertir le mineur qu’il ne peut être jugé le jour même qu’avec son accord, recueilli en présence de son avocat

 

● en cas de refus ou s’il estime que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, renvoi à une prochaine audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours, ni supérieur à un mois

 

● en cas de renvoi, le tribunal peut décider de placer le mineur prévenu sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire. La décision est exécutoire par provision

● jugement le jour même seulement en cas d’accord du prévenu recueilli en présence de son avocat

 

● en cas de refus ou s’il estime que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, renvoi à une prochaine audience qui doit avoir lieu dans un délai qui ne peut être inférieur à quatre semaines, sauf renonciation expresse du prévenu, ni supérieur à dix semaines

 

● en cas de renvoi, le tribunal peut placer ou maintenir le prévenu en détention provisoire par décision spécialement motivée. La décision prescrivant la détention est exécutoire par provision

 

● lorsque le prévenu est en détention provisoire, le jugement au fond doit être rendu dans les trois mois qui suivent le jour de sa première comparution devant le tribunal.

Faute de décision au fond à l'expiration de ce délai, il est mis fin à la détention provisoire.

Source : commission des Lois.

  1.   La position de la commission

Après avoir rejeté les amendements de suppression de l’article 4 ([113])  et adopté deux des amendements déposés par votre rapporteur ([114]) visant, notamment, à encadrer la procédure de comparution immédiate par de nouvelles garanties protectrices de l’intérêt du mineur mis en cause, la commission des Lois a finalement rejeté l’article 4.

*

*     *

Supprimé par la commission

      Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 5 modifie l’article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs (CJPM) afin d’assouplir les conditions dans lesquelles les juridictions peuvent décider de ne pas faire application des règles d’atténuation des peines applicables aux mineurs âgés de plus de seize ans.

En premier lieu, l’article prévoit de supprimer le caractère exceptionnel de la dérogation à ces règles. Il vise également à dispenser les juridictions de l'obligation de motiver spécialement leur décision visant à exclure l’application de ces règles, lorsque les faits commis par le mineur l’ont été en situation de récidive légale.

En second lieu, cet article prévoit un renversement du principe d’atténuation des peines pour les mineurs âgés de plus de seize ans lorsque les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

-         le mineur en cause est poursuivi une nouvelle fois en état de récidive légale ;

-         pour avoir commis certaines infractions graves, à savoir un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, un délit de violences volontaires, un délit d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences.

Dans ces cas, le principe est celui de la non application des règles d’atténuation des peines pour le mineur en cause.

Le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent néanmoins en décider autrement et prévoir, par une décision spécialement motivée, l’application de « l’excuse de minorité ».

     Dernières modifications législatives intervenues

L’article L. 121-7 du CJPM a été créé par l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, ratifiée par la loi n° 2021-218 du 26 février 2021.

Il a remplacé l’ancien article 20-2 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, qui organisait déjà la possibilité d’exclure l’atténuation de responsabilité pour les mineurs âgés de seize à dix-huit ans sous certaines conditions.

Cette disposition avait notamment été modifiée par la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs qui avait assoupli les conditions dans lesquelles il était possible de déroger au principe d’atténuation de la peine pour les mineurs âgés de plus de seize ans.

La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales était revenue sur cette atténuation en rétablissant le régime de la dérogation à l’excuse de minorité antérieurement applicable.

       Modifications apportées par la commission

L’article 5 a été supprimé par la commission des Lois.

  1.   L’état du droit
    1.   La valeur constitutionnelle du principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge

La règle d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de leur âge a été érigée au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 août 2002 ([115]).

La portée de ce principe constitutionnel a été précisée au fil des décisions du Conseil. Il admet ainsi que cette règle ne signifie pas que des mesures contraignantes ou des sanctions devraient toujours être écartées au profit des mesures purement éducatives.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel rappelle fréquemment que le législateur doit concilier ce principe avec la nécessité de rechercher les auteurs d’infractions et de prévenir les atteintes à l’ordre public, et notamment à la sécurité des personnes et des biens qui est nécessaire à la sauvegarde des droits de valeur constitutionnelle ([116]).

Cette règle est aujourd’hui consacrée à l’article L. 11-5 du CJPM. Parfois qualifié d’« excuse atténuante de minorité », le principe d’atténuation de la responsabilité des mineurs se décline notamment au travers de règles aménageant une diminution de la peine encourue lorsque l’auteur de l’infraction est un mineur.

L’article L. 121-5 du CJPM prévoit ainsi que le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs ne peuvent prononcer une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue et que, si la peine encourue est la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité, elle ne peut être supérieure à vingt ans de réclusion criminelle ou de détention criminelle.

L’article L. 121-6 du même code rappelle qu’il ne peut être prononcé à l’encontre d’un mineur une peine d’amende supérieure à la moitié de la peine encourue ni excédant 7 500 euros.

Le principe d’atténuation de responsabilité se matérialise également par une adaptation de certaines règles de procédure pénale applicables au mineur. Le recours à la garde à vue fait notamment l’objet d’un régime spécifique selon lequel seuls les mineurs d’au moins treize ans peuvent être placés en garde à vue ([117]), la durée de celle-ci ne pouvant par principe excéder vingt-quatre heures ([118]). De même, l’article L. 413– 1 du CJPM prévoit que les mineurs âgés de dix à treize ans peuvent faire l’objet d’une retenue dont la durée ne peut excéder douze heures.

  1.   Les dérogations admises au principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs

Ce principe n’est toutefois pas absolu. En effet, l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, issue du PFRLR relatif à la justice pénale des mineurs, ne constitue pas « une règle absolue et uniforme applicable dans tous les cas et quels que soient le contexte ou les circonstances » ([119]).

Le législateur a ainsi aménagé les conditions de la dérogation au principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs. Au gré des réformes successives, ces conditions ont tantôt été assouplies, tantôt rigidifiées.

  1.   Les évolutions législatives ayant aménagé les conditions de la dérogation aux règles d’atténuation des peines pour les mineurs

Le deuxième alinéa de l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945, hérité des articles 66 et 67 du code pénal en vigueur en 1945 ([120]), admettait déjà la possibilité d’écarter la règle d’atténuation des peines pour les mineurs de plus de seize ans en raison des circonstances de l’espèce.

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance avait assoupli les conditions de dérogation à l’application de « l’excuse de minorité » pour permettre au tribunal pour enfants ou à la cour d’assises des mineurs d’écarter, pour les mineurs de plus de seize ans, l’atténuation de responsabilité pénale non seulement, comme auparavant, « compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur », mais aussi « parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne et qu’ils ont été commis en état de récidive légale ».

Cette même loi avait facilité le prononcé par les juridictions des décisions permettant d’écarter l’application de la règle d’atténuation des peines. En effet, elle avait supprimé le caractère exceptionnel de cette dérogation et permis qu’en cas de récidive légale la décision ne soit plus spécialement motivée ([121]).

Le Conseil constitutionnel avait alors jugé conforme à la Constitution l’exclusion de l’application de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs qui était prévue au deuxième alinéa de l’article 20-2 de l’ordonnance de 1945, en se fondant sur les arguments suivants ([122]) :

 Une telle exclusion ne remettait pas en cause le principe selon lequel les mineurs de plus de seize ans bénéficient, sauf exception liée à l’espèce, d’une atténuation de leur responsabilité pénale. La règle demeure en effet celle de l’excuse de minorité, seule une décision spéciale facultative pouvant l’écarter, y compris dans le cas où les mineurs se trouvent en état de récidive légale.

 La dispense pour la juridiction de motiver sa décision d’exclure l’atténuation de responsabilité pénale était limitée. Elle n’était possible que lorsque le mineur âgé de plus de seize ans se trouvait en état de récidive légale pour un crime ou un délit constitutif d’une atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. Il n’était pas non plus dérogé à l’obligation faite à la juridiction de motiver spécialement le choix de prononcer une peine d’emprisonnement avec ou sans sursis ([123]).

Par la suite, la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs a de nouveau modifié ces dispositions pour faciliter la dérogation à l’excuse de minorité.

Cette loi a ainsi établi un principe d’exclusion de l’atténuation de la peine pour les mineurs de plus de seize ans se trouvant une nouvelle fois en état de récidive légale pour certaines infractions graves, telles qu’un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, un délit de violences volontaires, un délit d’agressions sexuelles, ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences. La juridiction pouvait toutefois en décider autrement, cette décision devant être spécialement motivée lorsqu’elle était prise par le tribunal pour enfants ([124]).

Le Conseil constitutionnel avait jugé qu’une telle modification ne méconnaissait pas le PFRLR applicable en matière de justice pénale des mineurs. Il avait en effet estimé que ces dispositions modifiées maintenaient « le principe selon lequel, sauf exception justifiée par l'espèce, les mineurs de plus de seize ans bénéficient d'une atténuation de la peine [et que], si cette dernière ne s'applique pas aux mineurs de plus de seize ans lorsque certaines infractions ont été commises une nouvelle fois en état de récidive légale, la juridiction peut en décider autrement »  ([125]).

Toutefois, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales est revenue sur cette modification.

Elle a en effet rétabli les conditions antérieurement applicables pour permettre d’écarter l’excuse de minorité à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, pour les mineurs âgés de plus de seize ans. Cette décision ne pouvait être prise par le tribunal pour enfants que par une disposition spécialement motivée.

  1.   L’encadrement législatif en vigueur de la dérogation aux règles d’atténuation des peines pour les mineurs

L’actuel article L. 121-7 du CJPM, qui a remplacé les anciennes dispositions prévues par le deuxième alinéa de l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945, prévoit lui aussi la possibilité d’exclure l’atténuation de responsabilité pour les mineurs âgés de seize à dix-huit ans.

Cette dérogation est néanmoins encadrée par les conditions suivantes :

 Le caractère exceptionnel de l’exclusion du principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs : le tribunal de police, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs ne peuvent exclure l’application de ce principe qu’« à titre exceptionnel » ;

 La prise en compte des circonstances personnelles et de la situation du mineur en cause : l’exclusion de l’application de ce principe ne peut être envisagée que « compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation » ;

 La nécessité d’une motivation spéciale : les juridictions ne peuvent décider qu’il n’y a pas lieu de faire application de cette règle que « par une décision spécialement motivée ».

Le recours par les juridictions pour mineurs à cette possibilité de déroger aux règles d’atténuation des peines demeure toutefois très peu fréquent, dans la mesure où cela ne concerne que 0,24 % des condamnations ([126]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 5 de la présente proposition de loi prévoit, d’une part, de faciliter la possibilité pour les juridictions de déroger au principe d’atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs de plus de seize ans. D’autre part, cet article prévoit de nouvelles modalités d’application de ce principe pour les mineurs de plus de seize ans se trouvant une nouvelle fois en état de récidive légale pour des infractions graves.

  1.   L’assouplissement des conditions d’exclusion du principe d’atténuation de la responsabilité pénale pour les mineurs de plus de seize ans

Le dispositif envisagé supprime d'une part, la référence au caractère « exceptionnel » de cette exception, et, d’autre part, tend à dispenser les juridictions de l'obligation de motiver spécialement leur décision visant à exclure l’application du principe d'atténuation de la responsabilité au mineur en situation de récidive légale.

Ces adaptations reprennent pour partie les modifications apportées par la loi du 5 mars 2007 à l’ancien article 20-2 de l’ordonnance de 1945 et qui n’ont pas été intégrées au sein de l’actuel article L. 121-7 du CJPM.

Les modifications apportées à l’article L. 121-7 du CJPM par la présente proposition de loi permettent ainsi de faciliter l’exclusion des règles d’atténuation des peines pour les mineurs de plus de seize ans.

Les juridictions, qui devront tout de même tenir compte des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, ne seront plus tenues par le caractère exceptionnel de cette dérogation au principe. De plus, dans le cas où le mineur en cause se trouve en état de récidive légale, leur décision n’aura pas à être spécialement motivée.

  1.   L’aménagement de nouvelles modalités d’atténuation de la peine pour les mineurs de plus de seize ans doublement récidivistes d’infractions graves

L’article 5 de la présente proposition de loi définit en outre de nouvelles modalités d’atténuation de la peine pour certains mineurs âgés de plus de seize ans dont les antécédents démontreraient l’ancrage dans la délinquance et qui auraient commis des faits graves.

L’application de ces nouvelles dispositions est ainsi réservée à certains profils de mineurs délinquants, dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont remplies :

-         le mineur en cause est poursuivi une nouvelle fois en état de récidive légale ;

-         pour avoir commis certaines infractions graves, à savoir un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, un délit de violences volontaires, un délit d’agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences.

Dans ces cas, la règle d’atténuation de la peine prévue à l’article L. 121-5 du CJPM ne s’applique pas. Il est toutefois prévu que le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent en décider autrement par une décision spécialement motivée.

L’aménagement de ces nouvelles modalités correspond aux modifications qui avaient déjà été adoptées dans le cadre de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007. Il avait ainsi été prévu au septième alinéa de l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 l’exclusion de l’atténuation de la peine pour les mineurs de plus de seize ans se trouvant une nouvelle fois en état de récidive légale pour certaines infractions graves, telles qu’un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne, un délit de violences volontaires, un délit d’agressions sexuelles, ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences. La juridiction pouvait toutefois en décider autrement, le tribunal pour enfants devant alors spécialement motiver sa décision.

Un tel aménagement avait été jugé conforme au PFRLR applicable en matière de justice pénale par le Conseil constitutionnel ([127]).

Les nouvelles modalités d’exclusion de la règle d’atténuation de la peine pour les mineurs de plus de seize ans qui se trouvent une nouvelle fois en état de récidive légale pour des infractions graves permettront ainsi, dans ces cas, d’écarter par principe l’application de l’excuse de minorité.

Toutefois, il est laissé la faculté à la juridiction compétente d’en décider autrement par une décision spécialement motivée. Cette garantie est destinée à répondre aux exigences constitutionnelles particulières en matière de justice pénale des mineurs.

Ces dispositions sont réservées à certains mineurs dont le parcours délinquant est marqué par la gravité des faits et des antécédents judiciaires. Elles n’ont donc pas vocation à remettre en cause le principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs mais à en adapter les modalités en considération de la situation particulière dans laquelle se trouvent certains mineurs délinquants.

Le tableau ci-dessous présente les nouvelles modalités d’application des règles d’atténuation des peines pour les mineurs de plus de seize ans.

TABLEAU COMPARATIF des rÈgles d’attÉnuation des peines pour les mineurs EN VIGUEUR et DE CELLES issuES de la proposition de loi

 

Art. L. 121-7 du CJPM actuellement en vigueur

Art. L. 121-7 du CJPM tel que modifié par la proposition de loi

Régime général des règles d’atténuation des peines pour les mineurs

      Application des règles d’atténuation des peines

 

      Possibilité d’exclure l’application des règles d’atténuation des peines :

 

● mineurs âgés de plus de seize ans

 

● dérogation à titre exceptionnel pouvant être décidée par le tribunal de police, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs

 

● décision tenant compte des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation

 

● dérogation ne pouvant être ordonnée que par une décision spécialement motivée

 

 

      Application des règles d’atténuation des peines

 

      Possibilité d’exclure l’application des règles d’atténuation des peines :

 

● mineurs âgés de plus de seize ans

 

● dérogation de droit commun pouvant être décidée par le tribunal de police, le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs

 

● décision tenant compte des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation

 

● dérogation ne pouvant être ordonnée que par une disposition spécialement motivée

ou, pour les faits commis en état de récidive légal, décision simple (sans exigence de motivation spéciale)

 

Régime spécial pour les mineurs une nouvelle fois en état de récidive légale pour des infractions grave

Sans objet

 

      Exclusion de l’application des règles d’atténuation de la peine :

 

● mineurs âgés de plus de seize ans

 

● infractions commises une nouvelle fois en état de récidive légale

 

● crime d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne

 

● délit de violences volontaires, délit d'agression sexuelle, délit commis avec la circonstance aggravante de violences

 

      Possibilité d’appliquer les règles d’atténuation de la peine :

 

● possibilité pour le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs de décider de l’application de l’atténuation des peines par une décision spécialement motivée

Source : commission des Lois.

  1.   La position de la commission

La commission des Lois a adopté cinq amendements ([128]) de suppression de l’article 5.

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*     *

Introduit par la commission

  1.   L’état du droit

Pour garantir le principe de primauté de l’éducatif sur le répressif qui découle du PFRLR en matière de justice pénale des mineurs, la juridiction doit disposer d’éléments de personnalité suffisants, actualisés et circonstanciés concernant le mineur.

Les investigations de personnalité réalisées sur le mineur doivent en effet permettre d’acquérir « une connaissance suffisante de la personnalité du mineur, de sa situation sociale et familiale […] pour assurer la cohérence des décisions dont il fait l’objet » ([129]).

C’est ainsi qu’à tous les stades de la procédure et avant toute saisine de la juridiction, le procureur de la République doit ordonner la réalisation d’un recueil de renseignements socio-éducatifs (ou RRSE).

Défini à l’article L. 322-3 du CJPM, ce recueil consiste en « une évaluation synthétique des éléments relatifs à la personnalité et à la situation du mineur. Il donne lieu à un rapport contenant tous renseignements utiles sur sa situation ainsi qu'une proposition éducative ou une proposition de mesures propres à favoriser son insertion sociale ». Le RRSE contient « des éléments circonstanciés relatifs au suivi éducatif, à la mise en œuvre de la mesure et à l’évolution du mineur »  ([130]).

Le RRSE est notamment obligatoire avant toute réquisition ou décision de placement en détention provisoire du mineur ([131]). Dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure aux fins d’audience unique, il est exigé qu’un RRSE établi à l’occasion du défèrement du mineur soit versé au dossier si le mineur n’a pas déjà fait l’objet d’une précédente mesure ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an ([132]).

L’exigence d’un RRSE en cas de poursuites ou de placement en détention du mineur a néanmoins entraîné un accroissement de la charge de travail des services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), qui sont en charge de sa rédaction.

Votre rapporteur avait déjà souligné, dans le cadre du rapport d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, que cette charge de travail pouvait nuire à l’efficacité des procédures mises en œuvre à l’encontre des mineurs. Il avait ainsi été relevé qu’« il serait possible de réduire les contraintes administratives qui pèsent sur les éducateurs de la PJJ, sans nuire aux droits des mineurs poursuivis, en utilisant au mieux les informations précédemment collectées dans d’autres procédures, voire en permettant, lorsque le mineur est déjà connu, de substituer au RRSE une simple note de situation actualisée » ([133]).

  1.   Le dispositif introduit par la commission

La commission des Lois a adopté un amendement de M. Sacha Houlié ([134]) permettant de remplacer le RRSE par une note actualisée lorsque le mineur est déjà suivi par les services de la PJJ.

L’article L. 322-2 du CJPM est modifié pour prévoir que le RRSE peut être remplacé par une note de situation actualisée lorsque le mineur fait déjà l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative ou d’une mesure d’assistance éducative.

Le contenu du RRSE a également été enrichi par une modification de l’article L. 322-3 du CJPM, pour prévoir qu’il comprend également les coordonnés de l’assureur en responsabilité civile des représentants légaux du mineur. Cette précision est de nature à permettre de les attraire plus facilement dans la cause et d’obtenir une décision plus rapide sur les intérêts civils et l’indemnisation des victimes.

Cette disposition est conforme aux conclusions des travaux menés par votre rapporteur dans le cadre de la mission d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs. Elle en reprend les préconisations en s’inspirant de la proposition de loi n° 1144 visant à conforter les principes du code de la justice pénale des mineurs enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale sous la seizième législature.

Si votre rapporteur déplore le fait que l’ensemble des articles de cette proposition de loi n’aient pu être examinés dans le cadre du présent débat, alors que ses dispositions formaient un ensemble cohérent, et n’ait pas pu faire l’objet d’un débat spécifique, il ne s’est pas opposé à l’introduction de cette disposition en commission des Lois.

Il estime en effet que cet article permettra de faciliter le travail de la PJJ ainsi que la prise en charge des mineurs délinquants.

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Introduit par la commission

  1.   L’état du droit

Comme cela a été précédemment exposé, la procédure de saisine du tribunal pour enfants aux fins d’audience unique est encadrée par plusieurs conditions de mise en œuvre, dont une condition tenant au caractère suffisant des éléments de personnalité recueillis sur le mineur.

Pour mettre en œuvre cette procédure, il convient ainsi de vérifier que le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an.

L’article L. 423-4 du CJPM précise que si ce rapport de moins d’un an n’a pas été déposé, il peut être requis par le procureur de la République à l’occasion du défèrement. Il est exigé que le rapport soit versé au dossier de la procédure.

Cette procédure est également applicable au mineur poursuivi pour le délit prévu par le quatrième alinéa de l’article 55-1 du code de procédure pénale ([135]), sous réserve que le procureur de la République verse au dossier le recueil de renseignements socio-éducatifs établi à l’occasion du défèrement.

L’article L. 423-6 du CJPM prévoit en effet que le procureur de la République fait établir, dans le temps du défèrement, un recueil de renseignements socio-éducatifs (RRSE).

Il existait un doute sur l’interprétation de ces dispositions et la portée de l’exigence de versement au dossier du rapport éducatif. Dans un arrêt du 6 avril 2022 ([136]), la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que le versement au dossier de la procédure d’un rapport éducatif de moins d’un an est nécessaire pour la tenue de l’audience unique à l’initiative du parquet, mais que la communication de ce rapport n’est pas obligatoire au stade de la présentation du mis en cause devant le juge des libertés et de la détention.

Cette interprétation jurisprudentielle apparaît défavorable au mineur et contraire à l’objectif de protection de ses intérêts, ce que votre rapporteur déplorait déjà dans le cadre du rapport d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs. L’absence de rapport éducatif au moment du défèrement devant le juge des libertés et de la détention empêche ce magistrat d’avoir une connaissance actualisée et suffisante des éléments de personnalité du mineur, ce qui est préjudiciable dans le cadre de son appréciation de la nécessité de la mesure de détention ([137]).

  1.   Le dispositif introduit par la commission

En adoptant un amendement de M. Sacha Houlié ([138]), la commission des Lois a modifié l’article L. 322-5 du CJPM pour inscrire l’obligation de fournir un rapport éducatif en cas de saisine du juge des libertés et de la détention dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure d’audience unique.

En renvoyant au rapport éducatif mentionné au a du 2° de l’article L. 423-4 du CJPM, qui traite de la mise en œuvre de la procédure d’audience unique par le procureur de la République, cette modification revient sur l’interprétation jurisprudentielle susmentionnée.

Le rapport éducatif doit non seulement être versé au dossier de la procédure pour la tenue de l’audience unique, conformément aux dispositions de l’article L. 423-4 du CJPM, mais il est aussi désormais obligatoire avant les réquisitions de placement en détention provisoire prises devant le JLD ou la décision de détention prononcée par ce juge.

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Introduit par la commission

  1.   L’état du droit

Le CJPM a procédé à la refonte des procédures de jugement applicables aux mineurs et établissant une procédure de principe scindée en deux étapes : une première décision sur la culpabilité, dans un délai compris entre dix jours et trois mois après la convocation du mineur, et une seconde décision, six à neuf mois plus tard, sur la sanction.

La procédure de mise à l’épreuve éducative, prévue à l’article L. 521-1 du CJPM est la procédure ordinaire. Elle comporte en principe :

● une audience d’examen de la culpabilité ;

● une période de mise à l’épreuve éducative ;

● une audience de prononcé de la sanction.

L’article L. 521-2 du CJPM prévoit néanmoins, par exception, la possibilité pour la juridiction saisie selon la procédure ordinaire de décider de statuer lors d’une audience unique.

Cette possibilité d’audience unique est réservée aux affaires les moins graves, ne nécessitant pas de bilan de personnalité approfondi. Elle est encadrée par les conditions cumulatives suivantes :

– La juridiction doit se considérer suffisamment informée sur la personnalité du mineur et estimer qu’il n’est pas nécessaire d’ouvrir une période de mise à l’épreuve éducative au regard des faits commis par le mineur et de sa personnalité

– Elle doit préalablement recueillir les observations des parties présentes à l’audience ;

– Elle ne peut décider d’y recourir que par décision motivée.

De plus, le prononcé d’une peine dans ce cadre n’est possible que si le mineur a déjà fait l'objet d'une mesure éducative, d'une mesure judiciaire d'investigation éducative, d'une mesure de sûreté, d'une déclaration de culpabilité ou d'une peine prononcée dans le cadre d'une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d'un an versé au dossier de la procédure.

Cette possibilité de recours à une audience unique a ainsi vocation à demeurer exceptionnelle. Selon la circulaire du garde des Sceaux présentant ces dispositions, elle a été conçue pour être employée dans les hypothèses suivantes :

«  soit pour un mineur qui a commis des faits d’une faible gravité et pour lequel sa personnalité et sa situation ne nécessitent pas qu’un accompagnement soutenu soit mis en place,

 soit à l’inverse, pour un mineur connu, le cas échéant déjà condamné, ou pour lequel un suivi éducatif est déjà en cours. » ([139])

Dans le cadre du rapport d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, il avait été relevé que « 32 % des audiences sont ainsi transformées en audience unique et, à l’inverse, 68 % des audiences donnent lieu à l’ouverture d’une période de mise à l’épreuve éducative dans l’attente de la seconde audience sur le prononcé de la sanction. » ([140])

Votre rapporteur avait alors suggéré de mieux encadrer ces hypothèses de transformation de l’audience de culpabilité en audience unique. Pour anticiper le recours à l’audience unique, il était proposé que la juridiction informe l’avocat du mineur mis en cause suffisamment en amont. De plus, il était envisagé de subordonner cette possibilité de transformation en audience unique à l’accord du mineur, assisté de son avocat, lorsque le prévenu n’était pas connu de la justice.

  1.   Le dispositif introduit par la commission

La commission des Lois a adopté un amendement de M. Sacha Houlié ([141]) pour modifier les conditions dans lesquelles la juridiction peut transformer l’audience de culpabilité en audience unique.

La réécriture de l’article L. 521-1 du CJPM permet de préciser les modalités d’application de cette forme d’audience unique en la réservant aux deux hypothèses alternatives suivantes :

– lorsque le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an versé au dossier de la procédure ;

– ou lorsque la juridiction se considère suffisamment informée sur la personnalité du mineur et n’estime pas nécessaire d’ouvrir une période de mise à l’épreuve éducative au vu des faits commis par le mineur et de sa personnalité. Dans ce second cas, le mineur, assisté de son avocat, doit donner son accord.

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Article 9 (nouveau)
(art. L. 521-9 et L. 531-3 du code de la justice pénale des mineurs)
En cas de culpabilité du mineur, proposer systématiquement des mesures de réparation aux parties et permettre au juge de ne pas prononcer de mesures au titre de la période de mise à l’épreuve éducative

Introduit par la commission

  1.   L’état du droit

Dans le cadre de la césure du procès pénal du mineur, le jugement sur la culpabilité du mineur précède l’examen de la sanction. L’audience sur la sanction doit intervenir entre six et neuf mois après la déclaration de culpabilité.

En application de l’article L. 521-9 du CJPM, la juridiction qui retient la culpabilité du mineur ouvre une « période de mise à l’épreuve éducative », qui court jusqu’à l’audience statuant sur la sanction.

Cette juridiction statue en outre sur les mesures prévues à l’article L. 521- 14 dudit code auxquelles le mineur peut être soumis durant cette période : expertise médicale ou psychologique ; mesure judiciaire d’investigation éducative ; mesure éducative judiciaire provisoire ; contrôle judiciaire ou assignation à résidence avec bracelet électronique.

Enfin, en cas de culpabilité du mineur, le juge doit proposer aux parties une mesure de réparation « chaque fois que cela est possible » en vertu de l’article L. 521-9 du CJPM. Cette mesure de réparation peut consister en « une activité d’aide ou de réparation à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité », ou en « une médiation entre le mineur et la victime », selon l’article L. 112- 8 du même code.

L’article D. 112-8 du CJPM précise les objectifs de telles mesures d’aide ou de réparation : « 1° accompagner l'auteur dans la compréhension des causes et des conséquences de son acte ; 2° favoriser son processus de responsabilisation ; 3° envisager et mettre en œuvre les modalités de réparation des dommages commis ; 4° prendre en considération la victime ».

Quant à la médiation, l’article D. 112-30 indique qu’elle « vise à l'apaisement des relations entre l'auteur et la victime, ainsi qu'à l'ouverture ou à la restauration d'un dialogue. Elle consiste à rechercher, avec l'aide d'un tiers, une résolution amiable par les parties d'un différend né de la commission d'une infraction ».

  1.   Le dispositif introduit par la commission

Le présent article a été introduit à la suite de l’adoption par la commission d’un amendement de M. Sacha Houlié ([142]).

En supprimant la mention « chaque fois que cela est possible » au sein de l’article L. 521-9 du CJPM, cet amendement a pour effet de contraindre la juridiction ayant reconnu la culpabilité du mineur à proposer systématiquement aux parties une des mesures de réparation prévues à l’article L. 112-8 dudit code.

Cette réforme répond au souhait de votre rapporteur, mis en exergue dans son rapport d’information sur la mise en œuvre du code de justice pénale des mineurs, « d’encourager le recours aux mesures de médiation et de réparation, notamment au stade de l’audience de culpabilité » ([143]).

Le présent article prévoit en outre que le juge ayant retenu la culpabilité du mineur peut décider de ne pas statuer sur les mesures mentionnées à l’article L. 521- 14 du CJPM au titre de la période de mise à l’épreuve éducative.

Cette faculté n’est toutefois ouverte que dans les cas où le mineur est reconnu coupable d’une contravention ou d’un délit qui n’est pas puni par une peine d’emprisonnement. Elle ne s’applique donc pas aux infractions les plus graves.

Votre rapporteur relève que cet article est également issu de la proposition de loi qu’il a déposée avec Mme Cécile Untermaier à la suite du rapport d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs ([144]).

Dans le rapport précité, il était en effet mis en exergue que la période de mise à l’épreuve éducative n’est pas toujours nécessaire et qu’« en pratique, il arrive d’ailleurs que celle-ci n’ait pas le temps de se mettre réellement en place » ([145]). Le dispositif proposé par votre rapporteur, tel que repris dans le présent article, avait ainsi pour objectif de « ne pas surcharger la protection judiciaire de la jeunesse en la contraignant à mettre en place des mesures éducatives peu utiles » ([146]).

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*     *

Article 10 (nouveau)
(art. L. 521-24 et L. 531-3 du code de la justice pénale des mineurs)
Prévoir la possibilité pour la juridiction statuant sur la sanction de surseoir à statuer en cas d’appel de la décision de culpabilité

 

Introduit par la commission

  1.   L’état du droit

La procédure de droit commun du procès pénal du mineur comporte trois phases : une audience d’examen de la culpabilité, suivie, en cas de décision de culpabilité, d’une période de mise à l’épreuve éducative puis d’une audience sur la sanction.

La décision de la juridiction sur la culpabilité est susceptible d’appel, conformément à l’article L. 531-3 du CJPM.

L’appel de la décision sur la culpabilité ne suspend toutefois pas, en l’état du droit, la tenue de l’audience sur la sanction, qui doit intervenir dans un délai de six à neuf mois après la décision sur la culpabilité.

Or, compte tenu des délais inhérents à la procédure d’appel, il est fréquent que la décision de la cour d’appel sur la culpabilité intervienne postérieurement à la décision sur la sanction. Il en résulte que la juridiction doit statuer sur la sanction du mineur, avant même de savoir si la décision de culpabilité sera confirmée ou non par la cour d’appel.

Votre rapporteur a souligné dans son rapport d’information sur la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs que cette situation n’est pas satisfaisante : « le débat sur le prononcé de la sanction, même s’il peut en théorie se tenir, ne se déroule pas dans un climat serein dès lors que la culpabilité est encore discutée judiciairement » ([147]). Cette incertitude aboutit en pratique à ce que « certaines juridictions prononcent des sursis à statuer contra legem » dans l’attente de la décision de la cour d’appel sur la culpabilité ([148]).

Il convient enfin de relever que le mineur qui a déjà fait appel de la décision de culpabilité n’est pas contraint d’interjeter un appel distinct sur la décision de sanction. Dans l’hypothèse où la cour d’appel n’a pas encore statué sur la culpabilité du mineur ayant fait l’objet d’une sanction, le deuxième alinéa de l’article L. 531-3 du CJPM prévoit en effet que l’appel « est alors considéré comme portant à la fois sur la décision de culpabilité et sur la décision de sanction, sauf désistement de l’appelant ».

  1.   Le dispositif introduit par la commission

Le présent article a été introduit à la suite de l’adoption par la commission d’un amendement de M. Sacha Houlié ([149]). Il est, comme les précédents amendements du même auteur adoptés, issu de la proposition de la loi de votre rapporteur et de Mme Cécile Untermaier sur la justice pénale des mineurs ([150]).

Le dispositif créé a vocation à s’appliquer uniquement en cas d’appel de la décision sur la culpabilité. Il prévoit en effet, au sein de l’article L. 521-24 du CJPM, la possibilité pour la juridiction devant se prononcer sur la sanction de surseoir à statuer, dans l’attente de la décision de la cour d’appel sur la culpabilité du mineur. Ce sursis à statuer est une simple possibilité, laissée à la libre appréciation de la juridiction statuant sur la sanction.

Afin que ce sursis n’ait pas pour effet de reporter à une échéance trop lointaine la décision sur la sanction, l’article soumet en outre la cour d’appel à des délais contraints lorsqu’elle est saisie d’une décision sur la culpabilité du mineur. Il est ainsi prévu qu’elle se prononce dans un délai de quatre mois à compter de l’appel.

L’introduction de ce sursis à statuer est opportune, en ce qu’il permettra à la juridiction saisie de la sanction de se prononcer en toute connaissance de cause. Si la cour d’appel infirme la décision sur la culpabilité, la juridiction en tirera nécessairement toutes les conséquences au stade de la sanction. A contrario, la validation par la cour d’appel de la décision sur la culpabilité est de nature à sécuriser juridiquement la décision de sanction.

Enfin, la fixation d’un délai maximum de quatre mois pour statuer sur la décision de culpabilité permettra de ne pas remettre en cause la célérité de la procédure pénale du mineur, qui est un des grands acquis de la réforme du code de la justice pénale des mineurs.


   COMPTE RENDU DES DÉBATS

Première réunion du mardi 26 novembre à 17 heures

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Lors de sa première réunion du mardi 26 novembre 2024, la Commission examine la proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents (n° 448) (M. Jean Terlier, rapporteur).

M. le président Florent Boudié. Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents, déposée par M. Gabriel Attal le 15 octobre. Le groupe EPR a choisi de l’inscrire en deuxième position à l’ordre du jour des séances qui lui sont réservées le 2 décembre.

M. Jean Terlier, rapporteur. Comme vous le savez, la justice pénale des mineurs me tient particulièrement à cœur. En 2019, j’ai été rapporteur d’une mission d’information sur le sujet aux côtés de notre ancienne collègue Cécile Untermaier. J’ai également été rapporteur du projet de loi qui a donné naissance en 2021 au code de la justice pénale des mineurs (CJPM), sur la mise en œuvre duquel Cécile Untermaier et moi-même avons remis un rapport d’information en mars 2023. La justice pénale des mineurs fait face à un défi considérable : faire face à la délinquance de plus en plus préoccupante des mineurs tout en préservant la nécessaire spécificité de cette justice.

Il nous manque – je suis le premier à le déplorer – une grande étude statistique commune à la police et à la justice relative à la délinquance des mineurs. Cependant, les chiffres qui m’ont été transmis par la direction nationale de la police judiciaire (DNPJ), notamment, sont alarmants. La proportion de mineurs dans la délinquance totale est restée stable depuis 2010, quoiqu’à un niveau particulièrement élevé – environ 20 % –, mais le fait principal tient à l’aggravation des faits commis par des mineurs de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Entre 2002 et 2019, le nombre de mineurs mis en cause pour coups et blessures sur personne de moins de quinze ans a augmenté de 350 %.

De façon plus générale, les mineurs sont surreprésentés dans les infractions violentes. Alors que les jeunes de 13 à 17 ans constituent environ 6 % de la population, ils ont représenté l’an dernier 40 % des mis en cause pour des vols violents, 37 % pour des violences avec arme blanche, 40 % pour des incendies visant des biens publics ou encore 43 % pour des cambriolages violents en Île-de-France. Lors du déferlement de violences qu’a connu notre pays durant les émeutes de 2023, un tiers des personnes interpellées étaient des mineurs, dont 62 % avaient 16 ou 17 ans. Les mineurs représentent au total près de 30 % des personnes condamnées pour leur implication dans ces émeutes.

L’illustration la plus alarmante de cette désinhibition de la violence est l’accroissement continu – de 108 en 2016 à 255 en 2023 – du nombre de mineurs mis en cause pour meurtre, sur fond de narcotrafic ou de rixes entre bandes. L’actualité récente, à Marseille mais aussi à Poitiers, rappelle que les narcotrafiquants n’hésitent plus à recruter des mineurs sur les réseaux sociaux pour commettre des homicides en contrepartie de quelques milliers d’euros.

La justice des mineurs doit apporter une réponse pénale à la hauteur des enjeux sécuritaires, sans renier toutefois sa spécificité. Car tout délinquants qu’ils soient, les mineurs délinquants restent des mineurs ; ils n’ont pas le même discernement que les majeurs. Bien souvent, ils sont aussi des mineurs en danger : deux tiers de ceux qui sont placés en centre éducatif fermé (CEF) ont été suivis par les services de la protection de l’enfance. Inversement, un tiers des mineurs suivis par la protection de l’enfance font l’objet de poursuites pénales à un moment ou à un autre de leur parcours. Ce lien entre enfance en danger et enfance délinquante, qui est au fondement de la spécificité de la justice des mineurs, ne doit pas être occulté.

Les exigences particulières de la justice pénale des mineurs s’articulent autour de trois grands principes : l’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge, la primauté de l’éducatif sur le répressif et la spécialisation des juridictions. Elles ont une valeur constitutionnelle, le Conseil constitutionnel les ayant déclarées constitutives d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs.

Pour adapter la réponse pénale à l’aggravation de la délinquance des mineurs tout en respectant ces principes fondamentaux, le CJPM a déjà fait beaucoup. Bien plus qu’une simple codification des dispositions de l’ordonnance de 1945, il renouvelle en profondeur le déroulement du procès pénal du mineur en introduisant le principe – sauf exception – d’une césure du procès pénal entre l’audience sur la culpabilité et l’audience sur la sanction, tout en enserrant celles-ci dans un cadre temporel étroit.

Avec l’audience sur la culpabilité, le mineur délinquant est mis en face de ses responsabilités plus rapidement, tandis que la période de mise à l’épreuve éducative permet que soit prise en compte son évolution lors du jugement sur la sanction. Quant à la victime, elle peut être indemnisée dès le jugement sur la culpabilité. Grâce à une réduction significative des délais, ces dispositions ont rendu la réponse pénale plus réactive et donc plus efficace. La durée moyenne d’une procédure est désormais de huit mois contre dix-huit avant la réforme de 2021.

La rationalisation des mesures éducatives, la simplification des présomptions relatives au discernement ou encore la limitation de la détention provisoire constituent les autres mesures clés de cette réforme, dont les personnes que j’ai auditionnées m’ont confirmé les effets globalement positifs : procédure simplifiée et plus rapide, prise en charge renforcée du mineur délinquant, meilleure prise en compte des victimes.

Tout en saluant la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, je considère qu’il est nécessaire de le compléter sur deux points essentiels qui n’ont certainement pas fait l’objet, à l’époque, de l’attention qu’ils méritaient : d’une part, la responsabilisation des parents de mineurs délinquants ; d’autre part, l’adaptation de la procédure pour les mineurs récidivistes âgés de plus de 16 ans, qui commettent les infractions les plus graves et les plus violentes. Tels sont les objectifs de cette proposition de loi.

Il ne s’agit naturellement pas de s’en prendre aux parents de bonne foi, qui font des efforts en matière d’éducation et se trouvent tout simplement dépassés par le comportement de leur enfant délinquant. Ceux-là relèvent naturellement d’un accompagnement social et éducatif. D’autres parents, en revanche, se soustraient sciemment à leurs obligations. Les acteurs de la justice des enfants le reconnaissent bien volontiers : beaucoup de pères, notamment, se désintéressent totalement du sort de leur enfant et ne se présentent pas aux audiences. Bien plus, les défaillances de certains parents peuvent conduire leur enfant sur le chemin de la délinquance. Ce sont eux qu’il convient de responsabiliser davantage, au besoin par la sanction. La proposition de loi s’y attache aux travers de ses trois premiers articles. Le premier facilite l’incrimination du délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales et crée une circonstance aggravante quand cette soustraction a conduit l’enfant mineur à commettre plusieurs crimes ou délits. Le second crée une obligation pour les parents de déférer aux convocations du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative. Enfin, le troisième instaure une responsabilité civile de plein droit des parents pour les dommages causés par leur enfant mineur.

J’en viens à l’adaptation des procédures. En la matière, la philosophie de ce texte ne consiste pas, comme certains pourraient le suggérer à tort, à bousculer les principes applicables à la justice des mineurs. La procédure a fait l’objet d’une refonte récente avec l’adoption du CJPM, dont je puis dire combien elle était nécessaire : en contribuant à la simplification de la procédure, elle a permis de la rendre plus lisible et plus cohérente.

Mais il faut l’accélérer. Une réponse judiciaire dans des délais utiles est d’autant plus nécessaire que l’audience et le jugement ont une réelle vertu pédagogique. L’article 4 instaure une procédure de comparution immédiate adaptée pour les mineurs. Pour des faits d’une particulière gravité, il doit être permis de juger rapidement le mineur en cause. Avec la possibilité d’une action au plus près de la commission des faits, on redonnera du sens à la réponse judiciaire. Un jugement à bref délai me semble tout indiqué pour répondre à la délinquance des mineurs dont la personnalité évolue rapidement. Cette nouvelle procédure leur est spécifique : il ne s’agit pas de dupliquer les dispositions du code de procédure pénale applicables aux majeurs dans le code de la justice pénale des mineurs. Cela ne serait ni souhaitable, ni conforme aux exigences constitutionnelles en la matière.

En tant que rapporteur, j’ai souhaité apporter un soin particulier à la sécurisation de cette nouvelle procédure et garantir son adaptation aux finalités particulières de la justice des mineurs. À l’issue des auditions et du travail préparatoire, il m’a semblé nécessaire d’encadrer ce dispositif : je vous proposerai donc, par amendement, un renforcement des garanties.

L’article 5 poursuit l’effort d’adaptation de nos outils juridiques à la nouvelle physionomie de la délinquance des mineurs. Il facilite les dérogations aux règles d’atténuation des peines applicables aux mineurs. Je veux d’ores et déjà souligner que cet article n’a nullement vocation à remettre en cause le principe, à valeur constitutionnelle, d’atténuation de la responsabilité pénale. Il vise à faciliter les dérogations à son application, lesquelles sont déjà prévues par la loi. Les modifications qu’il intègre sont mesurées et circonscrites à des cas spécifiquement définis, ceux des mineurs multirécidivistes ayant commis un crime ou un délit grave d’atteinte à la vie ou à l’intégrité des personnes. Je le répète : en tant que rapporteur, j’ai veillé à la solidité juridique de l’ensemble de ces dispositions. À l’issue de mes travaux, j’ai acquis la conviction qu’elles vont dans le bon sens et répondent aux évolutions de la délinquance des mineurs.

Je formule le vœu que notre commission parvienne à faire évoluer ce texte avec raison et volontarisme, dans le respect des exigences constitutionnelles applicables à la justice pénale des mineurs.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux orateurs des groupes.

Mme Sylvie Josserand (RN). Cette proposition de loi se limite à son titre aguicheur. Le but annoncé par l’intitulé n’est nullement décliné dans le corps du texte, lequel se révèle dépourvu de portée pratique. Pire encore, si elle devait être adoptée en l’état, cette proposition illustrerait à nouveau l’impuissance de l’institution judiciaire. L’article 4 crée une procédure de comparution immédiate pour les mineurs âgés d’au moins 16 ans. Pourtant, quiconque a mis un jour les pieds dans un greffe de tribunal pour enfants ne peut ignorer que l’audiencement d’un dossier dans les quatre jours ouvrables est, à moyens constants, pure gageure. Effet pervers : l’impuissance judiciaire ainsi constatée sera sanctionnée par une remise en liberté d’office.

Cette proposition de loi révèle encore une grande méconnaissance des réalités. L’article 2 prévoit ainsi la possibilité, pour le juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative, de prononcer une amende civile à l’encontre des parents qui ne défèrent pas aux convocations. Cela traduit une méconnaissance factuelle – les parents, dans leur grande majorité, font acte de présence aux audiences – mais aussi juridique – leur impécuniosité dissuadera le magistrat de prononcer l’amende ou empêchera le recouvrement de celle-ci par l’huissier.

Le texte opère de surcroît une distinction sans pertinence entre les crimes et délits d’une part et les contraventions d’autre part. En son article premier, il porte ainsi de deux à trois ans d’emprisonnement la peine encourue par l’auteur du délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales en cas de commission par le mineur de plusieurs crimes ou délits. Cette rédaction revient à ignorer que, parmi les infractions commises par les mineurs, les contraventions sont majoritaires. Ce sont notamment les atteintes aux personnes ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure ou égale à huit jours, ou les dégradations et détériorations dont il n’est résulté qu’un dommage léger. Pourquoi l’aggravation de la peine encourue par le parent défaillant, auteur du délit de soustraction à ses obligations légales, serait-elle limitée aux crimes et délits commis par le mineur, alors que les contraventions précitées sont légion et empoisonnent le quotidien de nos concitoyens ?

Cette proposition de loi emporte encore des effets pervers. L’article 3 légalise la jurisprudence de l’assemblée plénière de la Cour de cassation telle qu’elle résulte de l’arrêt du 28 juin 2024, posant une responsabilité civile de plein droit des titulaires de l’autorité parentale. Mais, du fait d’une lecture sans doute trop rapide de l’arrêt, elle ignore la configuration dans laquelle le mineur est confié à un tiers par une décision judiciaire ou administrative. Il en ressort que les parents restent responsables, malgré le placement de leur enfant mineur sous la surveillance d’un tiers.

Disons-le clairement : cette proposition de loi n’est pas à la hauteur des enjeux de tranquillité et de sécurité publiques qu’emportent la délinquance et la criminalité des mineurs dans notre société. Elle présente toutefois trois intérêts. D’abord, elle exprime la volonté de redonner à l’autorité judiciaire le rôle qu’elle n’aurait jamais dû perdre vis-à-vis des mineurs délinquants, dont le sentiment d’impunité depuis plusieurs décennies est un facteur majeur de passage à l’acte. L’affirmation du rôle de la sanction pénale dans l’éducation est un message fort à leur attention.

Le deuxième intérêt de la proposition réside dans l’approche non dissociée des mineurs et de leurs parents. S’il est des parents dépassés, il en est aussi dont la passivité interroge face au comportement infractionnel chronique de leur progéniture. L’affirmation de la responsabilité des parents, c’est-à-dire de leur aptitude à répondre de leurs propres actes face à la délinquance du mineur, est un second message fort.

Le troisième intérêt réside dans le refus d’une bienveillance naïve, trop longtemps accordée à des mineurs délinquants de plus en plus jeunes, de plus en plus violents et de plus en plus nombreux. Le durcissement de la réponse pénale par l’exclusion de plein droit – certes encore soumise à de nombreuses conditions – de l’excuse de minorité constitue un troisième message de fermeté qu’il convient de saluer. Rappelons toutefois qu’il s’agit d’une mesure prônée de longue date par le Rassemblement national, ayant donné lieu à plusieurs propositions de loi.

Compte tenu du triple intérêt qu’elle présente, notre groupe votera en faveur de cette proposition de loi.

Mme Laure Miller (EPR). « Nos principes sont dépassés. Il ne s’agit pas de mettre les mineurs en prison. Il s’agit de remettre dans le droit chemin ceux qui s’en écartent, en leur faisant le plus tôt possible prendre conscience de ce qui est permis et de ce qui ne l’est pas. »

« Chaque délit se doit d’être sanctionné, a fortiori ceux perpétrés par les multirécidivistes, trop souvent mineurs et animés par un sentiment d’impunité nourri à la source des simples rappels à la loi censés répondre à la multiplication de faits avérés. »

« […] les petits caïds, je les avertis : ceux qui ont pu croire que la loi ne les concernait pas, le prochain président les prévient, la République, oui, la République vous rattrapera ! »

« Ce sont des sauvageons. »

« L’excuse de minorité doit pouvoir être remise en cause dans un certain nombre de situations. »

Une seule de ces citations est celle d’une personnalité de droite, Nicolas Sarkozy. Toutes les autres émanent de la gauche, de François Hollande à Bernard Cazeneuve en passant par un texte collectif du Parti socialiste et par Didier Migaud. Cela démontre que, sur le sujet de la délinquance des mineurs, il faut sortir des postures et chercher la plus grande efficacité, sans sortir de notre cadre constitutionnel ni du droit européen. Il n’est pas interdit d’observer qu’une majorité de nos compatriotes constatent que la justice des mineurs pourrait mieux fonctionner. Il n’est pas interdit non plus de transformer en actes le discours sur le retour de l’autorité que nous sommes nombreux à tenir dans cette enceinte. C’est le premier objectif de cette proposition de loi.

Avec les articles 4 et 5, nous envoyons un premier message : la procédure sera désormais mieux adaptée à la violence des mineurs délinquants. Avec la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs, l’article 4 offre au magistrat une réponse judiciaire rapide au trouble à l’ordre public occasionné par l’infraction grave pour laquelle un mineur est mis en cause, lorsque la gravité des faits et la personnalité de ce dernier le justifient. L’article 5 assouplit les conditions dans lesquelles les juridictions peuvent déroger aux règles d’atténuation des peines applicables aux mineurs âgés de plus de 16 ans, avec un dispositif équilibré : il supprime le caractère exceptionnel de la dérogation à ces règles, dispense les juridictions de l’obligation de motiver spécialement leur décision lorsqu’il y a récidive et renverse le principe d’atténuation des peines pour les mineurs âgés de plus de 16 ans – avec, bien sûr, des conditions restrictives.

Le texte vise aussi à responsabiliser les parents. Il suffit de rencontrer des travailleurs sociaux, des professeurs et des magistrats pour être lucide face au désengagement total de certains d’entre eux. Si des enfants se livrent à des actes de délinquance, c’est parfois parce que leurs parents ont démissionné de leur rôle ou les laissent passer la soirée dehors sans y voir aucun problème. Nous estimons que ces parents engagent leur responsabilité. L’article 1er facilite la caractérisation du délit de soustraction par un parent à ses obligations légales prévues à l’article 227-17 du code pénal. L’article 2 crée une obligation, pour les parents, de déférer aux convocations aux audiences et aux auditions du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative. Cet article prévoit en outre que le juge des enfants peut condamner à une amende civile les parents qui ne respecteraient pas une telle obligation sans motif légitime.

L’article 3 concerne la responsabilité civile des parents s’agissant des dommages causés par leur enfant mineur, dont les conditions sont définies à l’article 1242 du code civil. Il prévoit d’instaurer une responsabilité solidaire des parents de plein droit, dès lors que ceux-ci exercent l’autorité parentale sur l’enfant mineur auteur du dommage.

Les émeutes de l’été 2023 ont touché de nombreuses villes et marqué notre pays. Après le temps du constat et du diagnostic, nous n’avons plus le droit de temporiser : nous devons agir. Cette proposition de loi n’est pas une simple réponse. Elle est un rempart contre ceux qui croient que la République peut fermer les yeux ; elle est un message ferme à une partie de notre jeunesse qui glisse vers la délinquance et vers une violence parfois complètement décomplexée. Le présent texte est une chance de nous rassembler autour de valeurs fondamentales qui sont au cœur de notre pacte républicain : le respect de l’autorité et le civisme. Il conserve le principe d’une justice des mineurs qui bâtit sans briser, qui sanctionne sans détruire et qui donne à chaque jeune une chance de se reconstruire.

Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble pour la République soutient cette proposition de loi qui apporte une réponse claire et assumée aux attentes de nos concitoyens.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Nous examinons un énième texte répressif, en direction cette fois des enfants. Trois ans seulement après le code de la justice pénale des mineurs, qui a déjà fortement durci le droit pénal applicable aux mineurs tel qu’il ressortait de l’ordonnance de 1945, vous remettez une pièce dans la machine répressive sans même avoir dressé un bilan de la dernière réforme. Voici un texte qui répond visiblement à un calendrier politique et non pas à un besoin ; un texte contre- productif à l’égard de ceux dont nous devons plus que tout défendre l’intérêt supérieur, comme l’ont rappelé la grande majorité des professionnels que vous avez auditionnés la semaine dernière.

Les nouvelles dispositions prévues par le CJPM commençaient déjà à grignoter les principes fondamentaux qui font de la justice des mineurs une justice spécialisée. Cette proposition de loi, qui tend à rapprocher le traitement pénal des mineurs de celui des majeurs, va encore plus loin. Sans grande surprise, elle reprend en partie les éléments annoncés par Gabriel Attal lorsqu’il était premier ministre : accélération de la pénalisation des mineurs avec la comparution immédiate, responsabilité pénale des parents du fait de leurs enfants et fin de l’atténuation de responsabilité en cas de récidive.

Cette vision autoritaire et paternaliste est déconnectée des réalités sociales qui entourent la délinquance des mineurs. Plus de la moitié des mineurs pris en charge pénalement ont fait l’objet d’un suivi au titre de l’enfance en danger. Au lieu de s’attaquer aux véritables problèmes structurels participant à la délinquance des enfants – la précarité, la maltraitance, la déscolarisation, la souffrance familiale – la proposition de loi préfère incriminer des parents soi-disant défaillants et aggraver les sanctions contre des enfants qui sont souvent les premières victimes de leurs conditions de vie, du désengagement de l’État et de la défaillance de l’action sociale.

Selon les données du ministère de la justice, la délinquance est en baisse chez les mineurs, tandis que les actes de violence qu’ils subissent augmentent. Ce signal alarmant témoigne d’une défaillance systémique dans la protection de l’enfance. Dénué de toute vision globale et tel un pompier pyromane, M. Attal prétend résoudre un problème que sa propre politique n’a de cesse d’alimenter : l’austérité et ses conséquences dramatiques sur toute la chaîne éducative et judiciaire accompagnant les mineurs. Comme le souligne avec clarté le Syndicat de la magistrature, combien de fois faudra-t-il que les praticiens et les professionnels de terrain répètent que l’autorité la plus structurante est celle qui protège, pas celle qui menace ?

Votre logique répressive qui déresponsabilise l’État et déshumanise les mineurs est non seulement inefficace mais aussi dangereuse. Ce texte ne répond à aucune des causes profondes du mal-être des jeunes. Il ne prend pas en compte le manque de moyens dans les services éducatifs et sociaux, ni le retard considérable pris par l’État dans l’accompagnement des familles en difficulté. Il est urgent de sortir des préjugés méprisants et déconnectés de la réalité selon lesquels les parents de ces jeunes seraient moins concernés par le sort de leurs enfants, et la délinquance de ces derniers innée. Ce sont des enfants dont, par définition, la construction n’est pas terminée et qui se trouvent à un moment charnière, celui de l’adolescence, au sein de familles souvent très démunies face à la situation. C’est le constat que dressent les juges des enfants, défenseurs des droits, avocats et éducateurs – c’est-à-dire toutes celles et ceux qui travaillent au plus près d’une réalité dont vous semblez au contraire terriblement éloignés.

La justice des mineurs doit être restaurée dans sa fonction éducative, afin d’accompagner les jeunes sur le chemin de la réhabilitation. Votre réforme, dont l’échec est annoncé, ne répond pas à la question de fond : comment empêcher les jeunes de tomber dans la délinquance ? La prison n’est pas une solution pour eux, encore moins pour leurs parents. Il est urgent de les traiter pour ce qu’ils sont : des enfants, parfois en danger, souvent perdus, qui ont besoin d’une prise en charge éducative renforcée et d’un accompagnement personnalisé. Telle est la clé de voûte de la justice des mineurs.

M. Marc Pena (SOC). Avec un zèle répressif dont une partie du bloc central est coutumière, cette proposition de loi confond fermeté et brutalité, autorité et autoritarisme. Loin d'être anecdotique, cette confusion est lourde de conséquences. Elle trahit une vision de la société dans laquelle le pouvoir ne s’exerce plus pour construire et émanciper mais pour contraindre et stigmatiser. Après avoir agité le spectre de l’ordre sans contenu en devenant ministre pour occuper l’opinion, Gabriel Attal, redevenu député, s’attaque désormais à la justice des mineurs, sacrifiant nos principes fondamentaux sur l’autel d’une démagogie prête à satisfaire une nouvelle fois –  nous venons de l’entendre – le discours de l’extrême droite. Ce texte, que vous présentez avec gravité comme la réponse ultime à la délinquance des mineurs, s’inscrit dans une tradition bien connue à droite, celle qui préfère le bruit des coups de communication à la discrétion des solutions de fond.

Vous proposez trois mesures qui s’inscrivent dans une logique punitive rétrograde, trois attaques directes contre les fondements de l’État de droit et de la justice, en particulier celles des mineurs – celle, je vous le rappelle, des enfants de la République. Mais ce texte est bien plus qu’un simple dispositif répressif. C’est un manifeste politique qui incarne votre populisme, une machine à dévoyer les principes républicains pour offrir des satisfecit à une opinion que vous préférez séduire plutôt qu’élever. En prétendant responsabiliser les familles, vous masquez bien mal le mépris social dont votre texte est imprégné. Il faut sans doute être né et avoir grandi toute sa vie dans le 7e arrondissement de Paris pour imaginer que la délinquance juvénile disparaîtra à coups de sanctions financières ou de travaux d’intérêt général (TIG) imposés aux parents. Savez-vous qui vous ciblez ? Des familles souvent monoparentales, plongées dans une précarité écrasante. Croyez-vous sérieusement qu’en condamnant un parent pour n’avoir pas su empêcher les errements de l’un de ses enfants, vous apporterez une réponse digne ?

Contrairement à ce que vous venez de dire, seule une minorité des 180 000 mineurs impliqués dans des affaires judiciaires en 2023 l’étaient pour des crimes graves. La majorité des faits reprochés relèvent d’infractions mineures, souvent révélatrices des fractures sociales – car, je vous l’apprends peut-être, ces mineurs sont des jeunes déscolarisés, exclus par un système éducatif à bout de souffle qui n’offre ni accompagnement ni horizon, des jeunes au ban de la République, délaissés par les services publics les plus fondamentaux, des jeunes exclus de notre contrat social. Ces enfants et leurs familles n’ont pas besoin de la matraque législative : ils ont besoin d’aide, de soutien, d’accompagnement. Punir les parents, c’est emprunter un chemin bien commode, celui de la culpabilisation individuelle, en jetant le discrédit sur le parent pour masquer les défaillances de l’État. Ce texte semble vouloir inscrire dans la loi l’idée que chaque parent pris isolément porterait l’entière responsabilité des actes de son enfant, comme si le contexte social, économique et même institutionnel pouvait être balayé d’un revers de la main. Une telle vision est non seulement erronée mais profondément injuste. Vous confondez l’autorité, qui émane d’une confiance collective dans les institutions et dans la capacité de l’État à protéger et à éduquer, avec l’autoritarisme, qui s’impose par la peur et la sanction. L’autorité véritable ne se décrète pas : elle se construit, dans une société garantissant l’égalité des chances. Vous proposez précisément l’inverse.

M. Olivier Marleix (DR). Nous ne sommes plus en 1945. La délinquance des mineurs a changé de nature et d’ampleur. Les mineurs sont trop souvent instrumentalisés dans le trafic de drogue, parce que leur âge leur offre une forme d’immunité relative. Ils sont aussi de plus en plus souvent présents dans les enquêtes concernant des faits de terrorisme. Nous faisons face à un changement grave de la situation. Nous devons évidemment faire évoluer le droit pénal des mineurs dans le respect des principes constitutionnels que sont la primauté de l’éducatif sur le répressif, l’atténuation de la responsabilité pénale en fonction de l’âge et la spécialisation de la justice.

Cette proposition de loi ne mérite cependant pas l’outrance de certains de nos collègues, tant elle est minimaliste. L’article 4 a le mérite de réintroduire – de façon minimale, toutefois – la comparution immédiate des mineurs, supprimée en 2021. L’article 5 supprime l’atténuation de la peine en cas de récidive, mais uniquement pour les auteurs de crimes ou délits graves. D’autres mesures ont une portée essentiellement symbolique. Enfin, je crains que l’article 1er ne vide de sa substance l’article 227-17 du code pénal, dont on avait découvert l’utilité pour responsabiliser et sanctionner les parents au moment des émeutes de 2023.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Le défi que soulève la lutte contre la délinquance juvénile doit être pris avec sérieux et discernement, certainement pas à coups de communication viriliste et encore moins à coups de menton. Malgré les intentions énoncées par son auteur, nous n’avons relevé dans ce texte aucune disposition qui s’inscrirait « dans le respect des principes à valeur constitutionnelle de la justice des mineurs ». En prenant pour prétexte les révoltes urbaines de juillet 2023, auxquelles elle ne répond en rien, la proposition de loi apporte une réponse exclusivement répressive, sécuritaire et carcérale sans même tenter d’appréhender les causes structurelles de la violence – des causes que, fût-ce involontairement, vous nourrissez par vos politiques de la ville et de l’éducation et parce que vous abandonnez la protection de l’enfance.

C’est donc avec une profonde inquiétude que nous accueillons cette proposition de loi qui symbolise à nos yeux une faillite doctrinaire. En dépit des alertes quasi unanimes des professionnels, elle abandonne les principes fondamentaux du tout récent code de la justice pénale des mineurs dont vous étiez déjà le rapporteur il y a trois ans, monsieur le rapporteur. Comment justifier un tel reniement en l’absence d’un début d’évaluation, et sans fournir de données crédibles et objectives ?

L’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs selon leur âge, d’abord, est un principe consacré par la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2002 et inscrit à l’article 40 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), qui a été ratifiée par la France. Pourtant, l’article 5 de la proposition va jusqu’à instaurer une exclusion automatique, ce qui revient à juger des mineurs comme des majeurs. La primauté de l’éducatif sur le répressif, ensuite, est un principe qui fait ses preuves quand on se donne les moyens de l’appliquer. Pourtant, le texte propose seulement de juger plus sévèrement, sans aucune mesure éducative en contrepartie. L’article 4 instaure pour les mineurs dès 16 ans une procédure de comparution immédiate dont les dérives sont déjà bien documentées. Les délais de détention provisoire s’en trouveraient allongés – allons bon, on n’a qu’à tous les enfermer ! Que dire enfin de la criminalisation des parents ? L’article 1er engage leur responsabilité pénale pour des actes qu’ils n’ont pas commis, en violation évidente du principe fondamental de la personnalité des peines : nul n’est responsable pénalement que de son propre fait.

Selon l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), un tiers des mineurs suivis en protection de l’enfance font l’objet de poursuites pénales à un moment donné. Ils viennent de familles déjà en grande difficulté, avec des parents qui auraient davantage besoin de soutien à la parentalité que de sanctions. Nombre d’entre eux se trouvent en effet dans une situation de précarité, d’isolement social ou de monoparentalité, ou souffrent d’un état de santé dégradé. L’article 2 pousse même le sadisme jusqu’à contraindre les parents à adhérer à des décisions d’assistance éducative en les menaçant de sanctions financières, alors même que l’exposé des motifs reconnaît que ces mesures sont d’autant plus efficaces qu’elles s’appuient sur une adhésion volontaire ! Les professionnels de terrain, quasi unanimes, nous ont alertés : l’ensemble du texte est aussi incohérent que contre-productif. Pousser à la comparution immédiate, c’est-à-dire à la prison, c’est pousser à la récidive.

Au sortir de la discussion budgétaire, M. Attal écrivait dans l’exposé des motifs : « Les Français ne comprennent pas que l’on ne donne pas à la justice les moyens d’agir (…). » C’est pourtant lui qui, premier ministre, organisait un plan social à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), supprimant 500 postes d’éducateurs, de psychologues ou d’assistants sociaux. Effectivement, on ne comprend pas !

Le groupe écologiste et social votera contre cette proposition élaborée sans évaluation et sans bilan. Je conclurai en rappelant ces mots tirés de l’ordonnance du 2 février 1945 : « Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance et, parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l’enfance traduite en justice. La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » Tâchons de ne pas trahir cette promesse.

Mme Blandine Brocard (Dem). Malgré l’outrance des critiques exprimées d’un côté comme de l’autre, cette proposition de loi vise à apporter des réponses concrètes à un besoin réel : adapter notre droit pour faire face à la montée des violences juvéniles et à un sentiment d’impunité grandissant, tant chez les délinquants qu’au sein de notre société, trop souvent confrontée à des faits de violence extrême impliquant des mineurs. Ces agissements – destruction ou détérioration de biens publics, atteintes aux personnes, agressions physiques ou verbales –, commis par des jeunes qui défient de plus en plus violemment tout type d’autorité, n’ont évidemment pas leur place dans notre société et appellent une réponse ferme et rapide.

Cependant, nous sommes profondément attachés à la philosophie qui a toujours sous-tendu la justice des mineurs, à savoir la nécessité de trouver un équilibre entre sanction, éducation et réinsertion, de reconnaître que derrière chaque acte répréhensible se trouve un jeune cabossé et privé de repères, et d’agir en vue de prévenir la récidive tout en offrant une chance de reconstruction.

Nous saluons donc cette proposition de loi, qui vise à responsabiliser davantage les parents. Il est crucial que les familles jouent pleinement leur rôle dans l’encadrement et l’éducation des mineurs. La création d’un dispositif renforçant les obligations des parents vis-à-vis de leurs enfants est nécessaire pour répondre à certaines situations de défaillance parentale et les sanctionner. Lorsqu’un délit est commis par un mineur, il faut établir une chaîne de responsabilités et évaluer les différentes influences à l’œuvre, y compris venant de ceux qui profitent de leur ascendant sur les plus jeunes pour les inciter à commettre des délits qui vaudraient à des majeurs un séjour en prison.

Nous reconnaissons également la pertinence de l’introduction d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs de 16 à 18 ans dans les cas les plus graves, tout en insistant sur la nécessité de maintenir un cadre strict, garantissant le respect des droits de l’enfant. Les principes d’atténuation des peines et de spécialisation des juridictions doivent rester des piliers intangibles de notre système, conformément à nos engagements internationaux et à nos valeurs républicaines.

Par ailleurs, cette proposition de loi introduit un débat essentiel sur la question de la proportionnalité des peines. L’atténuation de responsabilité des mineurs, ancrée dans notre droit, reste un impératif. La réponse judiciaire doit tenir compte de la personnalité et du parcours du jeune, tout en permettant une sanction ferme et adaptée aux actes commis.

Rappelons en outre que la répression ne saurait suffire : une justice efficace passe par le renforcement des moyens alloués à l’accompagnement éducatif et à la réinsertion. Nous appelons donc le gouvernement à aller plus loin en la matière. L’accélération des procédures judiciaires ne doit pas se faire au détriment des mesures éducatives, qui sont le socle d’une lutte pérenne contre la délinquance.

Nous saluons l’équilibre de ce texte, qui entend conjuguer fermeté et humanité. Le groupe Démocrates soutiendra cette proposition de loi, avec la volonté qu’elle s’inscrive dans une politique globale et ambitieuse en faveur des mineurs.

Mme Naïma Moutchou (HOR). Ce texte part d’un constat que nous ne pouvons plus ignorer : la violence des mineurs explose et surgit de plus en plus précocement. Ce phénomène ne se résume pas à une succession de faits divers ; il est le symptôme d’un mal plus profond, qui interroge à la fois l’autorité de l’État, la responsabilité parentale et notre capacité à transmettre dès le plus jeune âge les règles fondamentales de la vie en société.

Cette tendance n’épargne aucun territoire. Elle est à l’œuvre chez moi, dans le Val-d’Oise, département le plus jeune de France, où la délinquance a changé au point que les magistrats du tribunal pour enfants de Pontoise prononcent désormais davantage de mesures répressives que de mesures éducatives.

Nous partageons l’ambition du texte : affirmer que la délinquance juvénile ne peut être tolérée et rappeler que l’impunité détruit la confiance de nos concitoyens envers les institutions. La justice des mineurs, dans notre tradition républicaine, n’obéit pas non plus à une logique d’abandon ou de stigmatisation : les mineurs restent des individus en construction. Le chemin entre ces deux exigences est certes étroit, mais il existe.

Nous soutiendrons donc les mesures visant à améliorer la réponse pénale pour réprimer comme il se doit les actes de violence et d’hyperviolence, ainsi que celles visant à responsabiliser les parents – car si les mineurs sont sous l’autorité de la justice, ils sont aussi sous celle de leurs parents.

S’agissant de la comparution immédiate, si nous sommes favorables à une réponse pénale rapide, nous nous interrogeons sur la capacité des juridictions spécialisées à suivre le rythme, alors que le budget du ministère de la justice baisse. Plus généralement, nous serons attentifs aux équilibres, à la proportionnalité des sanctions et à la constitutionnalité de certains dispositifs.

Enfin, nous alertons sur le fait que la justice des mineurs appelle certes de la fermeté, mais aussi des mesures de prévention. La question essentielle est toujours de savoir comment éviter que les mineurs n’entrent dans un cycle de violence. Pour ce faire, il faut avoir conscience de la désintégration du cadre familial, de l’influence néfaste des réseaux sociaux, de l'érosion des figures d’autorité que sont les policiers ou les enseignants, de l’absence de limite chez certains enfants, et de la faiblesse des structures éducatives, notamment dans les quartiers sensibles. La justice n’intervient qu’en dernier ressort, quand le mal est fait.

Dans cette attente, notre groupe proposera plusieurs amendements pour mieux adapter le texte à la réalité de la justice des mineurs.

À l’article 1er, nous proposerons d’étendre le champ de la circonstance aggravante en l’appliquant dès le premier crime commis par l’enfant. Nous souhaitons aussi remplacer la peine complémentaire de travail d’intérêt général, que les parents peuvent refuser, par un stage obligatoire de responsabilité parentale. À l’article 5, nous proposerons d’abaisser le seuil retenu pour restreindre l’excuse de minorité à 15 ans au lieu de 16, afin de tenir compte du rajeunissement de la délinquance des mineurs.

Nous saluons donc globalement les intentions exprimées à travers ce texte, même si nous resterons vigilants quant à ses applications.

Mme Martine Froger (LIOT). Les fractures qui traversent notre société touchent directement les mineurs. Les émeutes de juin 2023 et les épisodes de violence plus récents, tant dans l’Hexagone qu’en outre-mer, ne sont que l’expression de ces tensions et appellent une réponse. Je tiens toutefois à nuancer l’ampleur du phénomène : en 2022, 168 000 mineurs ont été mis en cause dans des affaires de délinquance, soit 2,5 % des 10-17 ans. Seuls un peu plus de 30 000 d’entre eux ont été condamnés. Cette délinquance reste donc contenue. Ne versons pas dans un discours alarmiste qui justifierait de bafouer les principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs.

Ma première réserve porte donc sur la nature de la réponse à apporter à la délinquance des mineurs : s’il faut être ferme, je suis convaincue que la répression seule ne saurait être une solution efficace. C’est pourtant cette logique que vous promouvez avec ce texte. Où sont l’accompagnement, l’aide à l’insertion, la protection ? Rien n’est prévu pour aider les mineurs et leurs parents, alors même que l’accompagnement est indispensable pour éviter la récidive. Cette omission est la principale faille de votre proposition de loi.

Je vous rejoins sur un point : l’implication des parents est indispensable pour offrir une solution pérenne aux mineurs délinquants. Pour ma part, je suis plutôt favorable à l’instauration d’un stage de responsabilité, afin d’impliquer les parents qui, pour de multiples raisons, méconnaissent leurs obligations légales à l’égard de leur enfant au point de compromettre sa sécurité ou son éducation.

Je suis également réservée sur la création d’une amende civile. Si tout manquement à une obligation doit être puni, la sanction financière n’est pas adaptée : les parents concernés risquent tout simplement de ne jamais pouvoir la régler, ce qui ne ferait qu’ajouter de la précarité à la précarité.

Il ne me semble pas non plus souhaitable de créer une procédure de comparution immédiate pour les plus jeunes. La justice doit être rapide, et non expéditive. Il serait préférable de prévoir un délai plus court avant la tenue de l’audience.

Enfin, l’article 5 établit des dérogations au principe d’atténuation des peines pénales encourues par les mineurs. Il s’agit pourtant d’un principe à valeur constitutionnelle, garanti en outre par la Convention de New York relative aux droits de l’enfant. Même si vous ne ciblez que les jeunes de plus de 16 ans dans des circonstances précises, toute remise en cause de cette règle ou de la primauté de l’éducatif sur le répressif est inacceptable. L’échelle des peines prévue, qui reviendrait à appliquer d’office aux mineurs les peines applicables aux majeurs, paraît aussi complètement disproportionnée. Les principes fondamentaux de la justice doivent être préservés.

Mme Elsa Faucillon (GDR). En écoutant le rapporteur, je me dis que la façon dont une société traite sa jeunesse est un excellent indicateur de la capacité de l’État à protéger ses citoyens, particulièrement les plus vulnérables. À cette aune, je mesure combien vous vous éloignez de cette responsabilité. Trois ans après l’adoption du code de la justice pénale des mineurs, vous présentez un texte qui risque d’alourdir les procédures et de n’avoir d’autre utilité que d’introduire de nouvelles mesures répressives dans le débat public, tout en mettant en danger les principes fondamentaux de la justice des mineurs.

Je constate aussi que votre action s’appuie sur des sentiments plus que sur des chiffres. L’exposé des motifs est parsemé de poncifs réactionnaires. Il faudrait « provoquer un sursaut d’autorité », comme si l'autorité était une fin en soi. Vous réagissez aux révoltes nées de la mort de Nahel, provoquée par un tir policier, sans retenir aucune conséquence de la réalité des faits – 83 % des personnes condamnées étaient d’ailleurs des primo-délinquants. Si la délinquance des mineurs doit être prise au sérieux, elle doit être appréciée avec précision plutôt qu’au pifomètre. Selon les statistiques de la Chancellerie, l’activité des tribunaux pour enfant a concerné, depuis trois ans, un nombre relativement stable de mineurs auteurs d’infraction pénale, soit 47 385 en 2023, contre 62 568 en 2019. Le constat de départ n’est donc pas rigoureux.

Cette proposition de loi comporte en outre des éléments dangereux.

Les articles 1er à 3, qui prévoient plusieurs mesures visant à responsabiliser les parents dits défaillants, reposent sur une approche exclusivement répressive et ne permettront pas de soutenir concrètement la parentalité en vue de protéger les enfants. L’adhésion des parents aux mesures éducatives et pénales ne saurait s’imposer par la contrainte. Les défaillances des parents et leurs difficultés à assurer l'éducation et le développement physique, affectif, intellectuel et social de leur enfant sont la raison d’être des mesures d’assistance éducative, qui peuvent d’ailleurs être renouvelées, voire renfoncées par le magistrat si les difficultés et la démobilisation persistent. Le problème vient plutôt du fait que ces mesures sont difficiles à appliquer dans la pratique. L’article 1er tend ainsi à affaiblir le délit de soustraction par un parent à ses obligations légales, les notions de « caractère répété » ou de « gravité » constituant un recul majeur.

Les articles 4 et 5, en créant une procédure de comparution immédiate pour les mineurs et en prévoyant des exceptions au principe d’atténuation de la peine, portent gravement atteinte à la Convention internationale des droits de l’enfant et à l’esprit de l’ordonnance de 1945. Pourquoi faire si peu confiance à la jeunesse et aux services publics concernés, qui sont capables de traiter ces cas pour peu qu’on leur en donne les moyens ?

Limiter la réponse apportée à la jeunesse au seul volet répressif est un aveu de déclin. Pour les familles monoparentales, enfin, cela reviendra à leur mettre encore un peu plus la tête sous l’eau.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Nous avons tous à cœur de protéger les enfants. Cependant, nos solutions divergent : il y a ceux qui promeuvent la culture de l’excuse, la permissivité, le laxisme ; et ceux qui pensent au contraire que l’adolescent, pour se construire, a besoin d’autorité et de règles.

Ces règles, c’est d’abord sa famille qui doit les lui inculquer, même si, malheureusement, on constate souvent des défaillances – c’est l’objet du texte. La deuxième source d’éducation à l’autorité, c’est l’école, elle aussi bien chancelante. Nous avons aujourd'hui à examiner le troisième pilier : la justice. Cette proposition de loi, que certains qualifient de texte de circonstanciel ou démagogique, a le mérite de tenter de restaurer, en partie seulement, l’autorité de la justice face à la délinquance des mineurs et à renforcer la responsabilité de leurs parents.

Pour ceux qui vivent sur le terrain et qui connaissent la réalité de notre société, il est indéniable que nous assistons depuis plusieurs années à un phénomène préoccupant : une partie de la jeunesse glisse vers le rejet des règles de la République, en se livrant à une violence gratuite et aveugle jusqu’alors inédite. Il est indéniable que le mineur de 2024 n’est pas celui d’il y a presque quatre-vingts ans. Les émeutes de juin 2023 ne furent pas les premières. Elles ont été marquées par le saccage, le pillage, la destruction de biens publics et privés par certains jeunes de cités.

Gérard Collomb prévenait déjà en 2018 : « Aujourd’hui, on vit côte à côte ; je crains que demain on vive face à face. » Nous y sommes. Les dernières émeutes ont mis en exergue les défis auxquels nous devons faire face, sans démagogie. Je me réjouis de constater que plusieurs groupes semblent disposés à le faire. Nous devons prendre des mesures concrètes pour permettre à la justice d’agir efficacement contre la violence des mineurs, trop souvent enhardis par le sentiment d’impunité qu’ils ressentent chaque fois qu’ils sont confrontés à la police ou à la justice. Les Français ne supportent plus de payer la facture de ceux qui cassent tout à la moindre occasion et au moindre prétexte.

Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur le fait que certains parents – je le déplore comme vous – abandonnent leur responsabilité, créant un terreau fertile pour la délinquance, voire en profitent quelquefois. Il est temps d’enrayer cette délinquance de plus en plus précoce et violente en responsabilisant les familles.

Même si je fais miennes les remarques parfaitement fondées et étayées de l’oratrice du Rassemblement national, qui a su mettre en exergue les failles et faiblesses de ce texte, et surtout l’incertitude quant à son application pratique alors que la justice est en difficulté, le groupe UDR, qui se veut objectif et salue les bonnes idées, même lorsqu’elles viennent de ses adversaires politiques, votera donc en faveur de cette proposition de loi, tout en regrettant son caractère inabouti. Peut-être serait-il temps, par exemple, d’abaisser la majorité pénale à 16 ans, tant il est clair qu’un mineur de 18 ans est un véritable adulte, qui profite de l’état actuel du droit, y compris pour s’enrichir.

M. Sacha Houlié (NI). J’ai été très surpris du dépôt de cette proposition de loi. Consulté à son sujet par le premier ministre, j’avais fait part, au nom de la commission des lois, de toute mon hostilité à ce texte, dans une lettre que je tiens à votre disposition. La commission est intervenue sur ces questions à travers deux missions d’information, l’une conduite en 2019 en amont de la création du code de la justice pénale des mineurs, l’autre formée en 2023 pour évaluer son application. Les corapporteurs de ces deux missions étaient Cécile Untermaier et Jean Terlier, qui semblaient alors s’opposer au principe des dispositions que nous nous apprêtons à examiner.

L’ancien garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, m’a autorisé à dire qu’il jugeait les dispositions proposées par Gabriel Attal aussi inefficaces que dangereuses, qu’il s’agisse de la responsabilisation des parents, de l’audience en comparution immédiate – qui dévoie l’audience unique déjà prévue pour les faits les plus graves –, ou surtout de la remise en cause de l’atténuation de responsabilité, déjà expérimentée sous une forme édulcorée par Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 et dont il n’est pas certain que la version proposée ici respecte les critères de la jurisprudence constitutionnelle.

Ce texte remet en cause tous les principes que nous avons soigneusement inscrits dans le code de la justice pénale des mineurs : la spécialisation des juridictions et des procédures, la primauté de l’éducatif sur le répressif, ou encore l’atténuation de la responsabilité selon l’âge. Il repose sur le postulat complètement erroné d’une inflation du nombre d’infractions. Il risque, à travers ses articles 4 et 5, de déstabiliser profondément les juridictions, dont le rapport d’information rédigé en 2023 signalait qu’elles avaient déjà des difficultés à absorber tout le stock d’affaires en cours.

Pour que la parole du rapporteur Terlier soit respectée, j’ai repris sous forme d’amendements les recommandations qu’il avait émises à l’époque : systématiser les mesures d’investigation pour mieux prendre en compte la personnalité du mineur avant de prononcer la peine, imposer la production d’un rapport éducatif au stade du défèrement devant le juge des libertés et de la détention (JLD), limiter le recours à l’audience unique, encourager les périodes de mise à l’épreuve incluant des mesures de réparation, ou encore surseoir à statuer sur la sanction en cas d’appel sur la culpabilité. Tous ces outils seraient autrement plus utiles que ceux proposés par l'ancien premier ministre, dont il n’y a pas grand-chose à sauver.

M. Jean Terlier, rapporteur. J’ai la tâche difficile de répondre à la fois à ceux qui considèrent que cette proposition de loi de Gabriel Attal serait minimaliste et à ceux qui considèrent qu’elle remet en cause l’État de droit et les grands principes de la justice pénale des mineurs.

Le texte ne remet en cause ni l’ordonnance de 1945 ni le code de la justice pénale des mineurs créé en 2021. Elle ne remplace en rien les dispositifs votés alors et depuis partiellement évalués, pas plus qu’elle ne revient sur les grands principes constitutionnels de la justice pénale des mineurs.

Vous estimez que la mesure inspirée du modèle de la comparution immédiate conduirait à privilégier le répressif au détriment de l’éducatif. J’appelle votre attention sur les conditions d’ouverture de cette procédure : elle ne concernera que les mineurs ayant commis des infractions les exposant à une peine de sept ans d’emprisonnement – ou cinq ans en flagrance –, se trouvant en état de récidive légale, et ayant fait l’objet d’un recueil de données socio-économiques. Les mineurs concernés pourront en outre s’y opposer. La procédure prévue à l’article 4 sera donc utilisée de manière tout à fait exceptionnelle et restera à la main des parquets, la procédure principale restant celle de la césure, qui privilégie, après le jugement sur la culpabilité, une mise à l’épreuve éducative. La primauté de l’éducatif sur le répressif est donc bien respectée.

De la même manière, le principe fondamental reconnu dans les lois de la République selon lequel un mineur ne peut pas être jugé comme un majeur n’est pas remis en cause par l’article 5. Un juge peut d’ailleurs déjà, par une décision motivée, considérer qu’un mineur de 16 ans peut être jugé comme un majeur. Cette possibilité n’est toutefois utilisée que dans 0,24 % des condamnations de mineurs. Le dispositif existe donc bien, mais il n’est pas opérationnel. Si l’article 5 est adopté, le principe demeurera bien celui de l’atténuation de la responsabilité pénale. Nous proposons simplement de permettre au juge d’apprécier, dans des cas déjà prévus par la loi et en fonction de la personnalité du mineur comme des circonstances de l’espèce, s’il doit conserver l’atténuation de la responsabilité du mineur – auquel cas il devra motiver sa décision – ou lui appliquer les règles valables pour les majeurs. Seuls seront concernés des faits très graves, perpétrés par des mineurs en état de double récidive légale, c'est-à-dire ayant commis trois crimes ou délits graves. Ces dispositions s’inscriront dans un cadre constitutionnel éprouvé.

Le volet civil, ensuite, me semble faire l’objet d’une grande confusion. Il concerne les procédures d’assistance éducative dans le cadre desquelles les parents sont convoqués à une audience ou à une audition en vue d’une décision très importante pour leur enfant. Dans l’immense majorité des cas, les parents sont présents, c’est vrai. Simplement, pour les rares exceptions où ils ne le sont pas – c’est souvent le père qui est absent –, il ne me semble pas totalement inutile de créer un outil complémentaire, laissé à la main du juge, en permettant à ce dernier, en fonction de la solvabilité des parents et des circonstances, de leur infliger une amende civile.

Nous aurons l’occasion de revenir sur l’article 3 relatif à la responsabilité des parents, car j’ai cru entendre certains orateurs confondre les premier et quatrième alinéas de l’article 1242 du code civil.

Contrairement à La France insoumise, je ne crois pas que la délinquance soit en baisse : elle se maintient à un niveau plutôt stable, mais élevé. On constate par ailleurs la commission d’actes de plus en plus violents, notamment chez les mineurs de plus de 16 ans. Cette proposition de loi a précisément vocation à cibler cette population.

Enfin, j’appelle notre collègue socialiste à sortir des caricatures : le texte ne remet en cause ni les fondements de l’État de droit ni les principes de la justice pénale des mineurs. Il ne s’agit pas d’accabler les parents qui n’ont pas réussi à empêcher la commission d’une infraction, mais de viser ceux qui ont sciemment, par des manquements graves ou répétés à leurs obligations, contribué à ce que leur enfant commette des infractions.

Article 1er (art. 227-17 et 322-15 du code pénal) : Préciser le champ d’application du délit de soustraction par un parent à ses obligations légales et créer une circonstance aggravante

Amendements de suppression CL4 de M. Marc Pena, CL10 de Mme Elsa Faucillon, CL30 de M. Jean-François Coulomme, CL37 de M. Pouria Amirshahi et CL58 de M. Sacha Houlié

M. Marc Pena (SOC). Nous sommes très réservés sur l’article 1er, qui tend à imputer aux parents une responsabilité directe, et selon nous excessive, dans les actions commises par leurs enfants.

Les parents, dans leur grande majorité, ne se soustraient pas sciemment à leurs obligations. Les en accuser est injuste et simpliste. Faire porter le poids des comportements déviants des mineurs sur les seuls parents est une faute : toutes les composantes de la société, au premier rang desquelles l’État, ont un rôle essentiel à jouer. Introduire une peine complémentaire de travail d’intérêt général serait totalement contre-productif. Je me demande même comment on peut y songer.

Sur le plan juridique, je m’inquiète du manque total de clarté des critères censés définir la défaillance ou la négligence parentale. L’article 111-4 du code pénal dispose que « la loi pénale est d’interprétation stricte ». Or une telle ambiguïté pourrait donner lieu à des interprétations arbitraires. C’est en ce sens qu’elle fragilise l’État de droit.

Je suis fermement convaincu que cette proposition de loi n’apporte aucune solution adéquate pour traiter efficacement la délinquance des mineurs.

Mme Elsa Faucillon (GDR). L’amende civile existe déjà et est relativement peu utilisée. J’ai bien compris que le rapporteur estime qu’un dispositif qui n’est pas appliqué doit être généralisé, mais cette logique me paraît un peu étrange.

Heureusement, les professionnels de la protection de l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse cherchent à comprendre les causes de ce que vous appelez des défaillances, dans toute leur complexité. Si des parents n’assistent pas à une audience, par exemple, ce peut être parce que leur employeur n’a pas pu les libérer, ou encore parce que, étant convoqués pour la douzième ou la treizième fois, ils ont perdu confiance en la capacité de la justice à faire son travail. Les explications sont parfois plus complexes qu’on peut le croire au premier abord. Merci aux professionnels qui œuvrent à les analyser finement pour trouver des solutions efficaces, plutôt que prendre des mesures au pifomètre.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Cette proposition de loi est la démonstration parfaite que la droite a failli, dans sa fonction de protection de la société autant que dans sa fonction préventive et éducative. Elle a failli dans sa fonction protectrice en supprimant la police de proximité et en restreignant les moyens de la police judiciaire, dont les enquêtes permettent pourtant de démanteler les réseaux de trafiquants ; dans la lutte financière contre les trafics d’êtres humains, d’armes et de drogues ; et dans sa mission préventive et éducative en paupérisant les services sociaux et éducatifs, à commencer par la PJJ, que vous avez mise en très grande difficulté cet été.

L’article 1er modifie l’article 227-17 du code pénal, qui soumet les familles à une obligation de moyens s’agissant de l’éducation de leurs enfants et de la vigilance quant à leur santé, leur sécurité et leur moralité, pour leur imposer une obligation de résultat. De ce fait – c’est surprenant –, ce sont les parents d’enfants parfaitement intégrés et n’ayant commis ni délit ni crime qui seront les plus durement sanctionnés, dans la mesure où ils n’auront pas atteint le résultat attendu.

Nous demandons la suppression de l’article. La France est signataire de la Convention internationale des droits de l’enfant, dont je me contenterai de citer l’article 33 : « Les États parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris des mesures législatives, administratives, sociales et éducatives, pour protéger les enfants contre l'usage illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes, et pour empêcher que des enfants ne soient utilisés pour la production et le trafic illicites de ces substances. » En quelque sorte, vous reportez la responsabilité de l’État sur les parents.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Monsieur Terlier, je m’associe aux utiles rappels de Sacha Houlié et vous fais observer que, sitôt la présente proposition de loi déposée par M. Attal, les premiers députés à annoncer leur soutien ont été ceux du Rassemblement national. Ils sont aussi, à ce jour, les seuls : même Mme Moutchou, avec d’autres, a émis quelques utiles réserves sur ses intentions affichées.

Nous demandons la suppression de l’article 1er. S’en prendre aux parents parce que les enfants ont commis des délits, c’est contrevenir au principe essentiel de la personnalité de la peine, lui-même garant du principe selon lequel nul n’est responsable pénalement d’autre chose que de son propre fait. C’est simple. Or vous contrevenez à ce principe en aggravant les sanctions à l’égard des parents.

Je ne sais pas si vous avez déjà accompagné des parents ; je l’ai fait, j’ai été travailleur social. Je ne sais pas si vous avez fait des assistances éducatives en milieu ouvert ; j’en ai contractualisé. Je ne sais pas si vous avez cette expérience, mais je vous assure qu’enfoncer un peu plus des parents dont la situation est compliquée et qui ont la douleur de voir leur enfant échapper non seulement à leur autorité, mais aussi à tout repère, ne résout rien.

Au fond, quelle est la logique ? Où est l’humanisme de telles dispositions ? Je me le demande. À quoi tout cela sert-il ? La question se pose d’autant plus que – vous l’admettez vous-même – des sanctions sont d’ores et déjà prévues, dont certaines s’appliquent. Au demeurant, plutôt que s’en tenir à la sanction, essayons – essayez – d’écouter ce que disent les professionnels, que nous ne remercions pas assez : tout projet de réinsertion et de réparation exige de chercher d’abord à obtenir l’adhésion des parents. C’est ce qu’il y a de mieux à espérer pour nos jeunes.

M. Sacha Houlié (NI). Pour justifier l’article 1er de la présente proposition de loi, on met en avant la préexistence d’un délit commis par les parents susceptibles d’avoir gravement failli à leurs obligations familiales. Ce délit est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Voilà pour la loi en vigueur.

Pour le reste, je me fonde sur les travaux menés par la commission des lois depuis cinq ans sur les facteurs de la délinquance juvénile, qui résident dans le lien entre une enfance en danger et une enfance délinquante sur fond de déscolarisation, d’addictions et de radicalisation, qui suscitent le passage à l’acte des mineurs. Si la gravité des actes qu’ils commettent s’est accrue, ces conditions demeurent inchangées.

D’après les rapports d’information que Mme Untermaier et le rapporteur ont commis, les mauvaises conditions d’éducation faites d’absence de supervision, de violences sexuelles, d’atteintes au développement, d’absence de suivi médical et d’absence du père – facteur aggravant des autres – ne suffisent pas à expliquer la délinquance des mineurs. Par conséquent, la peine complémentaire de travail d’intérêt général prévue à l’article 1er de votre proposition de loi ne traite pas les facteurs de passage à l’acte que vous-même avez identifiés.

De surcroît, quiconque fréquente un peu les associations intervenant dans les quartiers populaires où existe ce type de difficultés sait que toutes disent que nombreuses sont les familles concernées à ne pas connaître les obligations s’imposant à elles. Il peut en résulter des violences intrafamiliales, par exemple à l’encontre d’un enfant rapportant un mauvais bulletin scolaire, ce qui le rend lui-même violent. L’introduction de dispositions légales n’entrave en rien cette spirale de violence, qui est l’une des causes du passage à l’acte. À la lumière des travaux que nous avons menés, l’article 1er de la présente proposition de loi s’avère inutile. Il devrait être supprimé.

M. Jean Terlier, rapporteur. Le délit de soustraction des parents à leurs obligations légales est très peu sanctionné. Les cas d’application de l’article 227-17 du code pénal sont rarissimes. Il s’agit par exemple d’une mère radicalisée emmenant ses enfants dans une zone de combat en Syrie ou de parents se désengageant totalement de la scolarisation de leurs enfants.

Contrairement à ce que suggèrent les auteurs des amendements visant à supprimer l’article, le délit de soustraction des parents à leurs obligations légales ne vise pas les parents de bonne foi dépassés par leurs enfants mineurs en raison de difficultés matérielles ou sociales, dont il va de soi qu’ils relèvent d’un accompagnement social et éducatif. Les parents concernés par cette infraction et par l’élargissement de son périmètre prévu à l’article 1er sont ceux qui mettent sciemment en danger la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de leurs enfants. La proposition de loi offre au juge un outil supplémentaire pour les sanctionner si leur défaillance est grave ou répétée et si elle a directement conduit l’enfant mineur à commettre des actes de délinquance.

Par ailleurs, contrairement à ce que j’ai entendu dire du côté du Nouveau Front populaire, l’article 1er n’introduit pas une responsabilité pénale pour le fait d’autrui. L’incrimination prévue vise bien les parents commettant une faute, en l’espèce celle de se soustraire de façon grave ou répétée à leurs obligations légales. Les dispositions proposées permettent d’élargir la caractérisation de l’infraction commise par le mineur en considérant qu’elle trouve son origine dans les défaillances graves ou répétées des parents. Laisser un mineur sans surveillance n’entre pas dans ce champ. Il incombe au juge d’apprécier la solidité du lien de causalité.

Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je suis choqué par cette proposition de loi dans son ensemble, à plusieurs titres. Elle donne l’impression, monsieur le rapporteur, que vous visez des gens avec lesquels vous n’avez jamais parlé – les enfants qui commettent des actes délictueux ou violents, les parents qui seraient responsables de la façon dont leurs enfants se comportent. Apparemment, il n’y a ici que des gens qui n’ont pas été adolescents, qui ne sont pas parents d’adolescents et qui ignorent qu’il peut arriver dans toutes les familles que des adolescents disent à papa et à maman qu’ils ont respecté les règles alors qu’il n’en est rien.

Je suis allé, moi, discuter avec des gamins dont certains avaient participé aux révoltes urbaines de juin 2023. Je suis peut-être l’un des seuls ici à l’avoir fait. Je leur ai demandé pourquoi ils avaient agi ainsi. Leur réponse était toujours la même : à cause de la mort de Nahel, qui s’est ajoutée, dans ma circonscription, à la façon dont les policiers se comportent avec eux, ce dont nul ne tient jamais compte.

Vous avez tous dit que les jeunes doivent respecter les règles de la République, mais quand la République respecte-t-elle ces jeunes ? Quand la République leur donne-t-elle une éducation à la hauteur ? Dans les quartiers populaires, la question est d’avoir une école à la hauteur et une police à la hauteur.

Dès lors que des policiers ont un comportement raciste avec ces jeunes, il est très difficile de respecter l’autorité si elle ne s’est pas d’abord rendue respectable. Quand un gamin de 12 ans me dit qu’il s’est fait traiter de kebab par un policier, je considère que le problème c’est le policier, pas le gamin ! Cela vous choque que l’on dénonce la responsabilité de l’État en matière d’éducation et de police ?

Mme Pascale Bordes (RN). S’agissant de parler aux enfants délinquants et à leurs parents, je revendique la palme. Je vis dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Depuis des années, je côtoie ces enfants chaque jour.

Nombreux sont ceux, à gauche essentiellement, qui ont taxé la présente proposition de loi de stigmatisation. Or c’est vous qui stigmatisez, tant les familles monoparentales que les familles pauvres. La délinquance n’est pas le monopole des familles monoparentales ni de celles qui ont moins d’argent que les autres. La délinquance, notamment celle des enfants, est multiple.

Vous dites avoir beaucoup d’empathie pour les parents dont les enfants sont déscolarisés. Moi, j’ai beaucoup d’empathie pour les enfants, mais aucune pour les parents défaillants qui les laissent passer la journée au pied de leur immeuble à guetter pour le compte de trafiquants de stupéfiants, moyennant 150 euros sept jours par semaine, soit plus de 4 000 euros par mois, qu’ils leur ramènent. S’ils avaient d’autres parents, ils ne seraient peut-être pas des délinquants. Ces parents-là, mal aimants et toxiques, que cela vous plaise ou non, il faut les sanctionner, et durement.

Les dispositions en vigueur, adoptées il y a des années, sont très peu appliquées. Nous voterons la présente proposition de loi, non sans craindre que les mesures prévues ne demeurent cosmétiques, faute de moyens budgétaires. Il est faux de dire que la délinquance des mineurs n’a pas augmenté. Ce qui n’a pas augmenté, ce sont les budgets et les effectifs de juges en capacité de juger, de sorte que les procédures concernant les mineurs sont plus souvent classées sans suite.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). À Mayotte, la moitié de sa population a moins de 20 ans. Les adultes y sont donc en minorité. Certains ici se demandent ce que fait l’État pour protéger les mineurs ; je me demande, moi, ce que fait la société pour se protéger de ses éléments les plus dangereux.

À Mayotte, 30 % des personnes mises en cause pour faits de violence sont des mineurs. Nous parlons de faits de violence « sympathiques » tels que des attaques à la machette ou au jet de pierres. Nous parlons de jeunes qui attaquent d’autres jeunes allant à l’école en bus scolaire. Telle est la réalité de la violence à Mayotte. Je me suis donc permis de demander ce que nous pouvons faire à nos forces de l’ordre, qui, courageusement, essaient de nous protéger. Ces jeunes ne sont pas traduits en justice, ayant pour la plupart moins de 13 ans. Nous parlons, j’y insiste, d’enfants de moins de 13 ans qui attaquent d’autres enfants, ou des adultes, à la machette ou à la pierre.

Notre responsabilité de législateur est de trouver des réponses. L’article dont nous débattons vise les parents qui non seulement sont défaillants mais utilisent leurs enfants pour commettre des actes graves en profitant de l’impunité que leur assure leur âge. À Mayotte – la presse et les autorités locales s’en sont largement fait l’écho –, certains parents mettent dans les mains de leurs enfants les machettes et les cailloux avec lesquels ils attaquent des bus scolaires et des personnes innocentes. Contre ces parents nocifs, il est nécessaire de renforcer la loi.

Mme Blandine Brocard (Dem). Je suis stupéfaite d’entendre certains discours de victimisation, inspirés par une prétendue bien-pensance, qui sont en réalité très méprisants pour les familles.

Affirmer que certaines familles ignorent leurs obligations légales, ou qu’elles ne s’y conforment pas en raison de difficultés financières ou parce qu’elles sont monoparentales, fait injure à tous les foyers très modestes dont les parents, en dépit de toutes leurs difficultés, se démènent pour leurs enfants, les éduquent parfaitement, leur donnent un cadre respectueux, ferme et bienveillant et leur enseignent – ne vous en déplaise, monsieur Léaument – l’amour de notre République. Parlons aussi d’elles !

M. Olivier Marleix (DR). Entendre M. Léaument dire que l’école n’est pas à la hauteur dans les quartiers est scandaleux. Si quelque chose marche encore dans les quartiers, c’est souvent l’école de la République, grâce à ses enseignants auxquels je rapporterai ces propos, qu’ils sauront apprécier. (Brouhaha.)

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). C’est insupportable !

M. le président Florent Boudié. Mes chers collègues, je vous le dis tout net : nos débats ne se poursuivront pas dans le brouhaha. Je les suspendrai aussi longtemps que nécessaire. Nous les reprendrons demain ou même après-demain s’il le faut. Je n’accepterai pas que nous débattions dans des conditions inappropriées.

M. Olivier Marleix (DR). Monsieur le rapporteur, votre défense de l’article 1er ne m’a pas convaincu. L’article 227-17 du code pénal est le pendant pénal de l’article 375 du code civil. Le juge des enfants statuant en assistance éducative sait parfaitement caractériser la défaillance des parents en matière d’assistance éducative et n’hésite pas à le faire – 140 000 enfants ont été retirés à leurs familles jugées défaillantes. La capacité à juger les parents défaillants, le juge sait parfaitement l’utiliser.

Si les sanctions pénales sont rares, c’est parce que l’infraction pénale est mal définie, ce qui incite les juges, et les procureurs avant eux, à la prudence. Lors des dernières émeutes urbaines, j’ai demandé à la Première ministre de faire en sorte que le parquet poursuive les individus sur cette base. Plus de 300 parents jugés défaillants pendant cette période ont été condamnés. Il s’agit de parents ayant laissé des mineurs sortir dans la rue à 3 heures du matin pour participer à des émeutes urbaines alors même qu’un couvre-feu avait été décrété.

Ce qui m’inquiète, c’est que la rédaction que vous proposez, qui prévoit que les faits doivent être graves et répétés pour être poursuivis, fait perdre à l’article 227-17 du code pénal le peu de puissance que nous lui avons donné au lendemain des dernières émeutes urbaines. Contrairement à ce que vous avancez, votre rédaction en restreint le périmètre, ce qui me semble contraire à l’objet même du texte.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Du point de vue du droit, l’article 1er, tel qu’il est rédigé, est inutile. La défaillance parentale est d’ores et déjà constitutive d’une infraction pénale, sanctionnée par des dispositions figurant au chapitre VII du titre II du code pénal : les articles 227-1 à 227-4 sanctionnent le délaissement d’un mineur ; les articles 227-13 à 227-28 sanctionnent la mise en péril des mineurs. Par ailleurs, le code de la justice pénale des mineurs permet de sanctionner les parents qui ne se présentent pas à une audience concernant leur enfant. Les textes en vigueur suffisent donc amplement et couvrent les situations que vous avez évoquées, monsieur le rapporteur.

Introduire un lien de causalité entre les parents et les agissements de leur enfant soulève une véritable difficulté. Tel qu’il est rédigé, l’article 1er porte atteinte au principe constitutionnel selon lequel nul n’est pénalement responsable du fait d’autrui et ne l’est que de son propre fait. Ce principe fondamental est énoncé à l’article 121 du code pénal.

Tel qu’il est rédigé, le texte ne respecte pas la Constitution. Il fera l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. J’invite chacun à bien réfléchir avant de se prononcer sur l’article 1er, en ayant à l’esprit les dispositions en vigueur. Les cabinets des juges des enfants, ne vous faites aucun souci, ont tous les outils législatifs pour résoudre les problèmes qui leur sont soumis, sans qu’il soit nécessaire d’introduire un lien de causalité entre la faute des parents et la délinquance des enfants.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Madame Youssouffa, je conçois tout à fait que vous sachiez parler de Mayotte mieux que personne, même si je ne tirerais pas les mêmes conclusions que les vôtres des constats que vous dressez. Toutefois, nous ne parlons pas de la même chose.

Vous décrivez ce que vous avez manifestement constaté : des délits. Or, s’agissant de la petite enfance, de la délinquance des mineurs et de la responsabilité des parents, c’est hors sujet. On ne parle pas avec le ton qu’il faudrait de la gravité de ces situations, tant pour les enfants que pour les parents. Il n’est pas nécessaire d’ajouter à la dramaturgie, réelle ou supposée, de ces situations.

Ce dont nous parlons, c’est du risque d’infraction causé par l’absence des parents constitutive d’une défaillance parentale. Ce faisant, vous modifiez la nature de l’infraction visée. Nous passons d’une infraction dûment constatée, objective et susceptible d’une qualification judiciaire, à un risque d’infraction. Mais comment évaluer ce risque ? Ce serait de la justice prédictive, et ce n’est pas possible ! Nous renverser totalement l’ordre général du droit, jusqu’aux principes qui le fondent et donnent chaque jour matière à la justice pour juger. Une telle formulation est très dangereuse.

M. Jean Terlier, rapporteur. Monsieur Marleix, l’article 1er comprend des dispositions de deux ordres. Il s’agit d’abord, au premier alinéa de l’article 227-17 du code pénal, d’élargir le périmètre des conditions constitutives du délit de soustraction aux obligations parentales, qui est très peu sanctionné. Il s’agit aussi d’enserrer cet élargissement du délit dans une caractérisation permettant de l’objectiver.

Par ailleurs, je renvoie nos collègues qui redoutent l’introduction d’une responsabilité pénale du fait d’autrui à l’alinéa 7, qui dispose : « Lorsque cette soustraction a directement conduit à la commission, par le mineur, de plusieurs crimes ou délits ayant donné lieu à une condamnation définitive, elle est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». Il ne viendrait pas à l’idée de quiconque s’étant un tant soit peu frotté au droit de rédiger un texte de loi contraire au principe constitutionnel selon lequel nul n’est pénalement responsable du fait d’autrui.

La commission rejette les amendements.

Amendements CL78 de M. Olivier Marleix, CL76 de Mme Blandine Brocard et CL5 de M. Marc Pena (discussion commune)

M. Olivier Marleix (DR). Je n’ai pas été convaincu par la réponse du rapporteur. Qu’il soit nécessaire de mieux définir l’infraction, j’en conviens, mais il est clair qu’introduire les critères de gravité et de répétition n’y concourt pas. Avec une telle rédaction, les tribunaux ayant statué au lendemain des violences urbaines de juin 2023 n’auraient pas pu prononcer les quelque 300 peines qu’ils ont prononcées.

Laisser un gamin de 13 ans, dans une ville où il y a des émeutes urbaines, par exemple à Nanterre où elles ont été particulièrement violentes, violer un couvre-feu seul à 3 heures du matin, ne suffit-il pas à caractériser l’infraction aux yeux des législateurs que nous sommes ? Des juges ont considéré que cela suffit.

Avec la rédaction proposée, certaines infractions échapperont à toute qualification pénale. Je propose donc de supprimer les critères de répétition et de gravité de l’infraction et défendrai ultérieurement un amendement visant à mieux caractériser l’infraction de soustraction aux obligations parentales pour lui donner davantage de contenu.

Mme Blandine Brocard (Dem). L’amendement CL76 vise à sécuriser le dispositif. La rédaction proposée affaiblit l’article 227-17 du code pénal. Il sera probablement assez difficile, en raison de la difficulté d’interprétation induite, de prouver le caractère répétitif et grave de la soustraction des parents à leurs obligations légales.

M. Marc Pena (SOC). Il s’agit, à l’alinéa 5 de l’article 1er, de substituer au mot « ou » le mot « et ». L’amendement CL5 est un amendement de repli du groupe Socialistes et apparentés visant à limiter le délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales aux seuls cas de manquements sont graves et répétés – c’est l’envers de tout ce qui vient d’être dit.

La rédaction proposée ouvre la voie à une interprétation extensive de cette incrimination. Un fait sans gravité aucune pourrait conduire à une condamnation s’il était répété. Il n’y a guère besoin d’être parent pour savoir que l’autorité exercée à ce titre peut faire l’objet d’une défiance des jeunes sur lesquels elle entend s’exercer. Qu’en sera-t-il si un jeune décide de sortir de chez lui en dépit du refus des parents ou du parent ? Si ce fait est répété, le parent pourrait être poursuivi sur la base de la nouvelle incrimination.

Le législateur doit faire preuve de mesure, tout particulièrement s’il modifie la loi pénale. S’agissant du délit de soustraction aux obligations parentales, on ne peut concevoir des poursuites que si les manquements sont graves et répétés.

M. Jean Terlier, rapporteur. Formuler autrement la caractérisation du délit n’induit aucun alourdissement de l’interprétation judiciaire, bien au contraire. Grâce à la suppression des mots « au point de », le juge n’aura plus à caractériser les conséquences effectives du comportement du parent sur l’enfant. Il lui suffira de démontrer que la défaillance du parent est « de nature à » – donc susceptible de – mettre en danger l’enfant.

Par ailleurs, dès lors que nous élargissons la possibilité de qualifier cette infraction, nous y ajoutons deux conditions alternatives – sa gravité ou son caractère répété. Les faits que vous avez évoqués, monsieur Marleix, sont d’une gravité permettant de les inscrire sans ambiguïté dans le champ de l’infraction, donc de les sanctionner au titre de la soustraction aux obligations parentales. La rédaction de l’article 1er me semble conforme à l’objectif du texte.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Quelle est la valeur ajoutée du texte, sachant que vous avez vous-même travaillé, en 2021, sur la refonte du code de la justice pénale des mineurs ? Pourquoi l’exposé des motifs ne comporte-t-il aucune donnée statistique ? La raison en est peut-être que ces motifs ne reposent sur aucun fait avéré, et que nul ne peut objectivement dire, à moins de faire preuve de démagogie, que la délinquance des mineurs progresse. Que faites-vous des dispositions en vigueur permettant de mettre en cause les familles dont il est prouvé que la posture éducative qu’elles adoptent ou non permet de leur imputer une responsabilité ?

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Comme je l’ai indiqué – Olivier Marleix l’a dit aussi –, il faut réfléchir au glissement du fondement du droit consistant non à constater des délits mais à en supposer l’intention et à se fonder non sur le résultat d’une action mais sur l’intention de la commettre. Ce glissement de droit n’est pas nouveau. En France, nous le vivons depuis quelques années, dans les domaines de la lutte antiterroriste et de la lutte contre la délinquance, et même dans l’appréhension des individus aux abords des manifestations.

Le glissement juridique a eu lieu ; il s’est établi dans la loi, à telle enseigne que les interpellations se font parfois sur la base non d’activités suspectes mais de comportements suspects. Progressivement, ce glissement s’installe dans les débats de doctrine juridique, ce qui ne laisse pas d’inquiéter. Remettons de la raison dans le droit. En l’espèce, nous sommes amenés à juger de la responsabilité des parents ; jugeons-la au moins si les conséquences de leur soustraction à leurs responsabilités sont avérées et non supposées. La commission des lois ne peut pas ignorer aisément cette question de définition.

M. Jean Terlier, rapporteur. Pour retenir et caractériser l’infraction, on est obligé de constater la défaillance grave ou répétée des parents.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL6 de M. Marc Pena, CL65 de Mme Sylvie Josserand, CL74 de Mme Blandine Brocard et CL66 de Mme Sylvie Josserand (discussion commune)

M. Marc Pena (SOC). L’amendement CL6 vise à supprimer la circonstance aggravante que ce texte entend attacher au délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales. Il faudrait que la défaillance parentale ait « directement conduit à la commission, par le mineur, de plusieurs crimes ou délits ». L’adverbe « directement » risque de rendre la mesure inapplicable, à moins d’imaginer une interprétation large qui créerait une insécurité juridique. Notons également que le pluriel soulève une interrogation : cette circonstance aggravante ne vaudrait-elle qu’en cas d’homicides multiples ou de vols répétés ? Au vu de ces imprécisions, qui sont autant d’incertitudes, le dispositif méconnaît de manière manifeste le principe de légalité.

Mme Sylvie Josserand (RN). Le jeu des causes est pluriel. Dans l’enchaînement des causes et des effets, il y a des causes proches et d’autres lointaines, certaines prépondérantes et d’autres mineures. Il est difficile d’établir un lien direct. C’est pourquoi je propose de remplacer « cette soustraction a directement conduit à la commission » par « cette soustraction s’est accompagnée de la commission », à l’amendement CL65, ou « a favorisé la commission », à l’amendement CL66.

Mme Blandine Brocard (Dem). La formulation de l’alinéa 7 est en effet sujette à interprétation. C’est pourquoi je propose de remplacer « a directement conduit à la commission » par « est suivie de la commission ».

M. Jean Terlier, rapporteur. Avis défavorable. Il ne peut pas y avoir de responsabilité pénale du fait d’autrui. C’est pourquoi nous sommes obligés d’établir le caractère direct du lien en présentant cette circonstance aggravante. Je conçois que ce dispositif très resserré sera compliqué à mettre en œuvre mais le respect du principe constitutionnel selon lequel on n’est pas responsable pour le fait d’autrui l’impose.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Votre défense est un peu étonnante ! On vous interpelle sur la difficulté d’identifier des causes précises – si l’on était capable d’expliquer tous les comportements avec une telle acuité, bien des problèmes seraient réglés – et vous maintenez la rédaction pour ne pas courir le risque d’une inconstitutionnalité, tout en reconnaissant la difficulté qu’elle pose. Encore une fois, quel est le sens de ce texte ? Quels sont ses objectifs ? Que voulez-vous résoudre ? Rien, à mon sens. Il réduira seulement les droits des enfants en danger et de leurs parents.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL75 de Mme Blandine Brocard, CL60 de Mme Naïma Moutchou, CL71 de Mme Sylvie Josserand et CL92 de M. Jean Terlier (discussion commune)

Mme Blandine Brocard (Dem). Nous souhaitons supprimer l’exigence de pluralité des crimes et des délits.

Mme Naïma Moutchou (HOR). Notre système judiciaire souffrant de lenteurs, nous proposons, de la même façon, que le dispositif s’applique dès le premier crime ou délit ayant conduit à une condamnation définitive.

Mme Sylvie Josserand (RN). Il nous semble nécessaire que le dispositif s’applique après le premier crime, le premier délit ou la première contravention de cinquième classe, dont relève la majorité des infractions commises.

M. Jean Terlier, rapporteur. Mon amendement a le même objet que celui de Mme Brocard.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Ce durcissement presque compulsif des peines est très inquiétant ! Des vents mauvais soufflent sur notre état de droit. À la première infraction, on serait ainsi susceptible de pénaliser des parents, dont on ignore s’ils ont une responsabilité directe dans le crime commis. À aucun moment, on ne peut être certain d’établir le lien de causalité direct entre la carence parentale et les passages à l’acte. Pour le déterminer, il y a les services sociaux, des juges pour enfants, des adultes référents, des écoles, des encadrants. Ne pourrait-on pas commencer par faire confiance à tous ces professionnels qui accompagnent les jeunes et leurs parents ? Sans nier toute responsabilité, ce tout-répressif augure mal d’une volonté de réparer et de réinsérer. Cela ne fait qu’ajouter de la justice vengeresse à de la justice vengeresse. Je ne vois pas ce que vous réglez, d’autant que nous n’avons pas eu de bilan de la loi votée il y a à peine trois ans. Voyez au moins si elle a eu un effet ! Ne vous précipitez pas dans le tout-sécuritaire à l’aveugle !

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Vous ne laissez pas aux parents la possibilité de s’amender : au premier problème, la sanction tombe. Par ailleurs, demandons-nous pourquoi les juges pour enfants ne réclament pas ce dispositif. Peut-être le trouvent-ils excessif ou pensent-ils qu’il creuserait le gouffre entre les familles et les services de justice ? Enfin, votre mesure repose sur une illusion : croire que la menace d’une sanction va régler les problèmes. Tous les parents sont peu ou prou concernés par ces difficultés éducatives, seulement ils ont plus ou moins de cordes à leur arc pour les traiter ou pour les cacher.

M. Ian Boucard (DR). Je veux bien entendre toutes les réactions offusquées sur les bancs de la gauche, sauf que l’on ne parle pas d’une fraude dans le bus ou d’un vol de bonbons au supermarché mais de crimes et de délits. Un crime, ce peut être un meurtre ou un viol. Vous faites comme si aucun mineur ne commettait de crime ou de délit et comme si notre pays était encore dans les années 1950, où les mineurs de temps en temps volaient des billes. Nous avons de graves problèmes de délinquance dans certains territoires, et pas seulement à Mayotte. Des mineurs posent des problèmes de sécurité très graves. Des mineurs ont tué des gens, ils ont commis des viols, et vous faites comme si tout cela n’existait pas et que notre société ne devait pas réagir. Arrêtez vos leçons de morale et ne faites pas dire à nos collègues ce qu’elles n’ont pas dit !

Mme Naïma Moutchou (HOR). Ian Boucard a entièrement raison. La déconnexion de certains de nos collègues m’inquiète. De plus en plus de jeunes – et de plus en plus tôt – sont de plus en plus violents. Je ne parle pas en théorie. Au tribunal judiciaire de Pontoise, dans le département le plus jeune de France, le Val-d’Oise, il y a plus de mesures répressives que de mesures éducatives. Je ne peux pas vous laisser dire que la défaillance des parents ne serait qu’accessoire et liée à un contexte. Il y a des parents défaillants. On parle de délinquants durs. Ce sont ces cas-là qui sont visés. Cela paraît évident de vouloir sanctionner les parents défaillants de mineurs récidivistes. Votre discours de victimisation, qui commence à être très difficile à entendre, ne rend service à personne.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Nous ne faisons pas de leçons de morale, nous tentons de nous appuyer sur des éléments concrets pour évaluer la pertinence de faire évoluer la loi. Vous parlez indifféremment de crimes et de délits. Un jeune qui fraude dans les transports, c’est une infraction délictuelle. Les délits et les crimes ne sont pas la même chose.

Dans les années 1950, dites-vous, les jeunes volaient des billes. Regardez les chiffres de la criminalité de la jeunesse à cette époque ! Pourquoi l’ordonnance de 1945 a-t-elle été publiée ? Parce qu’il y avait une très forte criminalité de la jeunesse. Face à la délinquance juvénile, parce que des mômes n’avaient plus de parents, l’État s’est voulu plus protecteur. Votre nostalgie est révélatrice de vos poncifs réactionnaires.

Il y a des jeunes délinquants, il y a de la violence chez les jeunes. Je vis dans un territoire où des jeunes meurent dans des rixes. Je réfléchis à cette question avec les élus locaux. Le lien de causalité ne serait-il pas ailleurs ? L’État supprime 500 personnels de la PJJ, il arrête de verser des subventions aux associations de prévention et la violence monter chez les plus jeunes : n’est pas un lien de causalité ?

M. Jean Terlier, rapporteur. Le lien de causalité est précisé pour caractériser cette circonstance aggravante. Il faudra que ces défaillances graves ou répétées aient directement conduit à la commission par le mineur de plusieurs crimes ou délits ayant donné lieu à une condamnation définitive. Les rédactions de Naïma Moutchou et de Blandine Brocard sont satisfaisantes, afin de déclencher au plus tôt la caractérisation de cette circonstance aggravante.

Avis favorable sur l’amendement CL75, qui correspond au mien. Demande de retrait pour l’amendement CL60 et avis défavorable au CL71.

La commission rejette l’amendement CL75.

Elle adopte l’amendement CL60.

En conséquence, les amendements CL71 et CL92 tombent.

Amendement CL84 de M. Olivier Marleix

M. Olivier Marleix (DR). Nous proposons de mieux définir l’infraction, en précisant qu’elle est « constituée notamment lorsqu’un parent ou responsable légal laisse un mineur de moins de quinze ans circuler ou demeurer dans l’espace public, en dépit d’un arrêté de couvre-feu pris par le représentant de l’État dans le département ou par le maire ». Je fais directement référence aux émeutes de juin 2023 – dont le terme est plutôt venu de l’action des trafiquants de drogue que de celle des pouvoirs publics. La violation d’un arrêté municipal de couvre-feu est punie d’une amende de 38 euros ; dans le cas de mesures nationales, de 135 euros. L’amende serait beaucoup plus élevée et viserait les parents, étant donné que ce sont eux qui commettraient la faute.

M. Jean Terlier, rapporteur. Avis défavorable. Votre amendement revient à poser une présomption irréfragable de culpabilité pour le fait d’autrui, ce qui n’est pas constitutionnel. Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 10 mars 2011, a ainsi censuré la contravention de troisième classe prévue par la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) pour punir les représentants légaux qui ne s’étaient pas assurés du respect du couvre-feu par leur enfant mineur, jugeant qu’une telle contravention était contraire au principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Si l’amendement de M. Marleix est adopté, une mère seule, qui travaille le soir ou la nuit, se ferait punir parce que son gamin de 15 ans aurait menti et n’aurait pas respecté un couvre-feu. Pour John Rawls, le législateur doit prendre ses décisions sous le voile de l’ignorance : il doit faire comme s’il pouvait occuper une autre position sociale. Peut-être que dans votre monde, cela n’existe pas de travailler très tard le soir – pourtant nous travaillons jusqu’à minuit – ou d’avoir des adolescents qui vous mentent. C’est un truc que font pourtant tous les adolescents. On dirait que vous n’avez jamais été ados et que vous n’avez pas fait de conneries, gamins. On a en tous fait ! Encore aujourd’hui, un certain nombre de personnes très haut placées ne respectent pas la loi – voyez M. Sarkozy.

Ce n’est pas juste de prendre des décisions en ignorant totalement la réalité sociale et humaine et en vous disant que des gens seraient fondamentalement des délinquants, tout comme leurs parents. Ce sont les gamins de ma circonscription qui meurent. J’ai participé à de nombreuses marches blanches. Ne nous faites pas l’insulte de nous dire que nous n’en avons rien à faire quand des gamins se tuent entre eux : ce sont nos gamins qui meurent. Nous avons des solutions différentes des vôtres. Ne les méprisez pas, parce que nous ne méprisons pas les vôtres mais nous essayons de les combattre sur le fond.

M. Fabien Di Filippo (DR). Cette tentative de caricature est insupportable. M. Léaument vient de se ridiculiser en disant d’abord que tous les jeunes font des « conneries », puis qu’il y a des marches blanches parce qu’ils se tuent entre eux. Vous mettez sur le même plan des choses qui n’ont absolument rien à voir. Le problème n’est pas que des enfants essaient de se soustraire à l’autorité de leurs parents mais que des parents ne fassent pas le nécessaire pour s’assurer que leurs enfants ne sont pas livrés à eux-mêmes la nuit sur la voie publique. Non, tous les jeunes ne font pas des « conneries ». L’usage d’armes ou le trafic de stupéfiants, ce ne sont pas des « conneries ». Il n’y a pas d’excuse sociale à opposer à de tels faits, qui sont intolérables. Vous voulez effacer la notion de responsabilité familiale. Pour vous, si les enfants ne sont pas éduqués, c’est la faute de l’État. Où va-t-on ? Bien sûr qu’il y a une responsabilité parentale et nous demandons aux parents d’essayer de faire les efforts nécessaires.

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). Monsieur Léaument, j’ai beaucoup de mal à vous entendre lorsque vous parlez de vos participations à des marches blanches. Il y a des victimes partout. La loi est censée protéger tout le monde. Dire qu’il faut déresponsabiliser les auteurs et les parents, c’est insulter la mémoire des victimes, qui ont souvent le même âge que les auteurs.

J’essaie de faire part à notre commission de la réalité à Mayotte et me voilà accusée de dramatiser ! C’est franchement hallucinant ! Les enfants à Mayotte vont à l’école dans des bus qui sont caillassés par d’autres enfants d’une douzaine d’années. À Mayotte, 30 % des affaires judiciaires concernent des mineurs. Nombre d’auteurs de crimes et de délits ont moins de 13 ans et il n’y a aucune réponse pénale pour eux. Quelle est cette impuissance organisée ? Nous avons le pouvoir de répondre aux familles de victimes que les auteurs de crimes et de délits ne vont pas cohabiter avec elles en toute impunité et que les barbares seront sanctionnés. Et vous, que dites-vous ? Vous les plaignez, ces pauvres petits, et vous faites des marches blanches. Cette impunité est inadmissible ! C’est inadmissible de dire ici qu’il faut seulement compatir et faire appel aux services sociaux. Nos services sociaux ont besoin d’être outillés comme nos forces de l’ordre et nos juges. Et c’est à nous de faire ce travail.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Pour les crimes et les délits des mineurs, il existe déjà des dispositifs qui, avec intelligence, raison et des décennies de pratique, font œuvre de justice. Si des parents ont eux-mêmes commis des crimes et des délits, ils sont redevables devant la justice des majeurs. S’ils sont complices de crimes commis par leurs enfants, il existe aussi des dispositions légales pour les sanctionner. Il y a toute une gradation, qui va de l’avertissement à la peine de prison. Je rappelle des choses élémentaires afin de remettre un peu de raison dans notre discussion.

S’agissant de la responsabilité des parents, à quel moment êtes-vous capables, a fortiori dès la première infraction pénale ou délictuelle, d’établir le lien de causalité que les juges ne sont pas capables d’établir a priori ? L’exemple d’Antoine Léaument était juste. Comment pouvez-vous faire porter sur un parent la faute d’un mineur qui lui a été cachée ? C’est tout à fait déraisonnable d’un point de vue doctrinal ! Nos interrogations n’enlèvent rien à notre empathie, à notre compassion, à notre peine de voir des familles brisées par le malheur, de voir des enfants qui se perdent, y compris dans les méandres d’une justice qui n’accompagne ni ne répare, de voir des parents abîmés. Ce n’est pas en les enfonçant encore plus ou en invoquant une peine de coresponsabilité que vous règlerez le problème.

M. Olivier Marleix (DR). L’article 1er n’établit pas de coresponsabilité. On considère que les parents ont des devoirs à l’égard de leurs enfants – s’assurer de leur sécurité, de leur santé. De même que la loi permet de punir l’abandon d’un bébé dans une voiture, de même elle permet déjà de punir des parents pour avoir délaissé des enfants mineurs. Nous souhaitons sanctionner l’attitude irresponsable des parents. Trouvez-vous normal qu’un gamin de 12 ans circule tout seul dans la rue pendant une nuit d’émeute ? C’est une faute des parents. Peut-être qu’il faudrait de nouveau interroger le Conseil constitutionnel sur ce point. Il a su s’adapter aux circonstances. Après les émeutes urbaines, accepterait-il toujours que nous soyons passifs et incapables d’appeler les parents à leurs responsabilités ?

Monsieur Léaument, je suis père de deux adolescentes de 12 et 15 ans et je m’arrange pour qu’elles ne soient pas toutes seules la nuit.

M. Marc Pena (SOC). Monsieur Marleix, soit vous commettez une erreur fondamentale, soit vous opérez un glissement très dangereux. Quel est le rapport entre un devoir parental et la responsabilité pénale des parents que vous voulez engager à cause de délits ou de crimes de leurs enfants ? C’est une hérésie juridique.

Ensuite, l’accompagnement des enfants en difficulté n'est pas l’apanage des quartiers défavorisés. Une procédure de divorce très houleuse dans un milieu bourgeois peut requérir un accompagnement. Vous ciblez les quartiers, suggérant par-là que les problèmes s’y concentreraient par essence.

Le débat qui nous oppose est éternel : vous considérez que seule la responsabilité individuelle compte tandis que nous pensons que le contexte familial, économique, social, culturel explique en partie les actes de chacun.

M. Sébastien Huyghe (EPR). C’est le rôle du juge que de prendre en considération le contexte. Il ne sera en aucun cas obligé d’appliquer le texte à la lettre. Il disposera d’un outil supplémentaire pour sanctionner ou non.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL59 de Mme Naïma Moutchou

Mme Naïma Moutchou (HOR). Il est proposé de substituer à la peine complémentaire de travaux d’intérêt général un stage obligatoire de responsabilité parentale. Le TIG risque en effet de n’avoir aucun rapport avec le manquement reproché au parent. En outre, celui-ci peut refuser de l’exécuter.

M. Jean Terlier, rapporteur. Votre amendement est satisfait. Le juge peut condamner le parent reconnu coupable du délit de soustraction à un stage de responsabilité parentale, en application de l'article 131-5-1 du code pénal.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de coordination CL93 de M. Jean Terlier, rapporteur.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CL3 de M. Bryan Masson

M. Bryan Masson (RN). L’amendement reprend la proposition de loi que le Rassemblement national avait présentée l’année dernière dans le cadre de sa niche parlementaire sur la suppression ou la suspension des allocations familiales versées aux parents d’enfants délinquants ou criminels. À l’heure où justice rime avec laxisme, 72 % des Français approuvent cette mesure.

Nombre d’enfants choisissent malheureusement la voie de la délinquance. Il est temps de demander aux parents d’endosser leur responsabilité. La République ne peut pas seulement octroyer des droits, elle impose aussi des devoirs.

Par cette mesure, nous envoyons un message fort aux parents : la responsabilité des actes des enfants leur incombe en partie. Nous les incitons à être plus vigilants et plus engagés dans l’éducation et le suivi de leurs enfants. Il s’agit de provoquer un changement de comportement de la part tant des adolescents que des parents.

Pour autant, il n’est pas question d’abandonner les parents en difficulté. L’amendement prévoit ainsi une supervision de la procédure par le préfet.

Nous cherchons également à assurer l’égalité des chances pour tous les enfants. Les ressources financières que procurent les allocations familiales ne doivent pas devenir, pour certains parents, une excuse pour ignorer le comportement de leurs enfants.

Nous sommes à un tournant. Par cette mesure, nous pouvons enfin faire entendre la voix de la responsabilité et restaurer l’autorité de l’État.

M. Jean Terlier, rapporteur. Avis défavorable.

La suspension ou la suppression des allocations familiales a été inefficace pour endiguer l'absentéisme scolaire ; elle le sera tout autant pour lutter contre la délinquance des mineurs.

Je ne reviendrai pas sur les objections d'ordre opérationnel et constitutionnel que nous avions formulées à l'égard de votre texte lorsqu’il avait été débattu ans l’hémicycle en octobre 2023.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Monsieur Masson, vous me faites penser à Louis Chevalier, l'auteur de l’ouvrage Classes laborieuses et classes dangereuses, qui avait participé aux émeutes fascistes du 6 février 1934.

Si je vous écoute, non seulement ceux qui connaissent des difficultés sociales seraient presque par essence des délinquants, mais la solution serait d’aggraver encore leurs difficultés en supprimant les allocations familiales. Il est démontré qu’il est bien plus efficace d'accompagner les parents et de leur donner les moyens de s'occuper correctement de leurs enfants. En quoi le fait d’enlever aux parents – qui souvent se privent pour pouvoir nourrir leur progéniture – l’argent pour payer à manger à leurs gamins mettra fin à la délinquance ? Votre mesure ne changera absolument rien. Lorsqu’elle a été appliquée, elle a accru les difficultés et eu des effets contre-productifs. Elle est totalement inefficace.

Une fois encore, vous stigmatisez les pauvres et les travailleurs qui font ce qu'ils peuvent pour élever leurs gamins. Alors, c'est vrai, parfois ils n’y arrivent pas. Vous êtes certainement des parents parfaits et admirables dont les gamins ne font jamais de bêtises. Mais j’ai le regret de vous le dire, il arrive que des gamins ne respectent pas les consignes de leurs parents. Cela s’appelle la vie.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Outre leur visée nataliste, les allocations familiales ont pour objet d'aider les parents à éduquer du mieux qu'ils peuvent. Elles permettent de subvenir aux besoins matériels et moraux de leurs enfants afin de favoriser leur émancipation.

Le retrait des allocations familiales a pour effet non seulement de rendre le parent responsable du crime ou délit commis par l’un des enfants – on a essayé de vous démontrer l’ineptie d’une telle approche juridique, contestée par les magistrats et les professionnels – mais aussi de pénaliser toute la famille.

En effet, pourquoi punir tous les enfants qui font de leur mieux et réussissent bon an mal an pour la faute commise par l’un des membres de la fratrie ? Réfléchissez deux minutes. Songez aux conséquences radicales, à la brutalité de cette mesure pour les familles ! Vous reprochez aux parents de ne pas assumer leur responsabilité sans leur offrir ni solution d'accompagnement ni chance de sursaut. C’est d’une violence sociale inouïe !

Penchez-vous sur les raisons et les objectifs qui ont présidé à la création des allocations familiales, dans le droit fil de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante et des politiques familiales ambitieuses d’alors.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Lorsqu’un enfant est incarcéré, les droits qui lui sont attachés en matière de prestations familiales sont suspendus dès le premier mois. Une dérogation est possible si le parent apporte la preuve qu’il est présent, lors des entretiens au parloir, notamment, et s’implique dans la réinsertion de son enfant. Si vous êtes ce que vous appelez un parent défaillant, vous ne percevez pas les prestations familiales. Donc arrêtez de raconter n’importe quoi pour vous faire plaisir.

M. Ludovic Mendes (EPR). Nous parlons ici d’enfants, de personnes que nous sommes censés protéger, alors, d’un côté comme de l’autre, arrêtez la démagogie.

Ceux qui parlent d’une justice laxiste sont les représentants d’un parti qui tremble dans l’attente du jugement qui pourrait sanctionner sa présidente et certains de ses cadres.

Toutes les trois minutes en France, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle ; notre pays n’a jamais compté autant d’enfants placés ; les violences intrafamiliales n’ont jamais été aussi répandues. Et vous venez nous expliquer que la délinquance est le fait d’un gamin tout seul dans son coin ou d'un parent qui ne fait pas son travail. La société est en souffrance. Nos agents de police et nos juges, qui en sont les témoins quotidiens, ne s’interrogent pas de manière aussi bête que nous le faisons ici.

On ne peut pas toujours imputer la faute aux parents. Certains d’entre eux font tout ce qu’ils peuvent mais leurs enfants peuvent être en difficulté pour d’autres raisons –harcèlement ou violence, notamment.

Depuis sept ans, nous avons été une majorité responsable face à l’impératif de protection de l'enfance. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour lutter contre les violences intrafamiliales, les violences sexistes et sexuelles, les violences envers les mineurs ou encore le harcèlement. Si les chiffres augmentent, ce n’est pas parce que la violence elle-même augmente mais parce qu’enfin la parole se libère et qu'enfin la police et la gendarmerie accueillent mieux les victimes.

Arrêtez de travestir en permanence les chiffres. Arrêtez de mentir constamment. En vingt ans, les violences commises par les mineurs n'ont jamais été aussi faibles. Il y a quinze ans, les émissions de télévision « Pascal, le grand frère » ou « Super Nanny » s’adressaient à des parents dépassés et vous les applaudissiez.

La proposition de loi dote les juges d’outils complémentaires. Votre démagogie n’apporte, elle, strictement rien.

M. Marc Pena (SOC). Je vais essayer de suivre le conseil de mon collègue et d’éviter la caricature, à la différence du ministre de l’intérieur.

Je l’ai interrogé sur les conséquences de la suppression des allocations familiales pour ces familles modestes – j’en connais beaucoup – dans lesquelles plusieurs enfants réussissent très bien mais l’un tombe dans la délinquance et la violence. M. Retailleau m’a indiqué que ne serait supprimée que la part correspondant à l’enfant délinquant. Vous percevez l'inhumanité et la bêtise de cette réponse.

Votre proposition est nulle et non avenue. Elle n’a aucune efficience si ce n’est d’aggraver la situation de ces familles. Une nouvelle fois, vous êtes incapables de résoudre les problèmes de la société car vous ne les comprenez pas. Vous tordez la réalité et les chiffres. Que jamais vous n’arriviez au pouvoir, jamais !

M. Bryan Masson (RN). Quel exemple donnez-vous à ceux qui nous regardent ? Vous n'avez absolument pas répondu, vous nous avez injuriés et calomniés, monsieur Léaument.

Je ne comprends pas pourquoi la gauche radicale passe son temps à défendre les délinquants et les criminels si ce n’est par ambition électoraliste. Peut-être avez-vous envie, à l’instar de M. Dupond-Moretti qui voulait être applaudi dans les prisons, d’être salués par les délinquants, ceux qui font honte à la République en ne respectant pas nos lois.

J’assume, comme le groupe Rassemblement national, de défendre l'ordre et l'autorité. 72 % des Français réclament la suppression des allocations familiales pour les parents d'enfants délinquants. Les traiter de fascistes, c’est soit de la bêtise, soit du déshonneur. Si vous étiez mineur et si la loi était en vigueur, vous pourriez être sanctionné pour diffamation.

Les Français nous regardent et attendent de nous des actes. Tout le monde s'accorde sur la nécessité de restaurer l'autorité partout. Je pense au désarroi des maires qui sont seuls pour essayer de rétablir l’ordre et d’engager la reconquête républicaine des quartiers. Ces maires représentent des millions de Français, et vous leur crachez au visage.

Vous avez dit tout et n'importe quoi, vous avez tapé à côté, mais de la part de la gauche et de ceux qui, comme M. le rapporteur, la soutiennent, cela ne m'étonne pas.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 (art. 375-1 du code civil) : Créer une obligation de déférer aux convocations du juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative assortie d’une amende civile.

Amendements de suppression CL11 de Mme Elsa Faucillon, CL31 de Mme Marianne Maximi et CL38 de M. Pouria Amirshahi

Mme Elsa Faucillon (GDR). L’article a pour objet d’instaurer une amende civile à l’égard des parents qui ne viendraient pas aux convocations aux audiences et auditions d'assistance éducative.

Dans le cas des émeutes urbaines dont la proposition de loi prétend tirer les leçons, vous aurez noté, à rebours du motif de l’article 2, la forte participation des parents aux audiences consécutives aux interpellations. Il s'agissait souvent d'un premier délit ; les jeunes qui comparaissaient n'étaient majoritairement pas connus des services de police.

De manière générale, lorsque les parents sont absents aux audiences, c’est qu’ils ne veulent plus y assister. Pourquoi ? Parce qu’ils ne se sentent pas à leur place. Il s’agit bien souvent de récidive ou de réitération et la justice n'a pas pu faire son œuvre. À leur tour, les parents se dessaisissent du problème.

L’amende n’a pas de sens à une étape du parcours où il faudrait regagner l’adhésion des parents qui se sentent inutiles. On sait que la désistance peut prendre plus de temps pour certains jeunes hommes – on parle avant tout ici de jeunes hommes.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). J’ajouterai à ce que vient de dire fort justement Elsa Faucillon que l’amende civile est dévoyée par cet article. On peut même parler d’abus de droit puisqu’il contrevient au principe selon lequel l’amende civile sanctionne celui ayant commis l'acte répréhensible.

Les juges pour enfants ne réclament pas une mesure qui risque d’accroître encore la distance avec la famille. La chaîne éducative dans son ensemble a toujours une ambition de protection et d’éducation, y compris lorsque la justice prononce une sanction. L’amende va creuser le fossé qui sépare parfois les services de justice et les familles.

Par ailleurs, il y a des cas dans lesquels les parents ne peuvent pas venir aux audiences ou aux auditions : parce qu’ils ont d’autres enfants, parce qu’ils travaillent, parce que leur emploi du temps est compliqué. Le fait de leur coller une amende n’y changera rien.

Il faut réfléchir à la totalité de la chaîne éducative, s'interroger sur les moyens que l’on ne donne plus à l’aide sociale à l’enfance (ASE), à la protection judiciaire de la jeunesse, ou aux enseignants – aucun d’entre eux ne dira que tout va bien, qu’ils sont remplacés lorsqu’ils sont absents. Ces défaillances participent aussi des difficultés puisque certains enfants sont parfois livrés à eux-mêmes.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Aucune étude n’étaye le constat de l’absence fréquente des parents aux audiences. Nous examinons un article qui ne repose sur aucune réalité. La seule évaluation empirique dont nous disposons est celle des professionnels et ils estiment que le phénomène est très marginal.

Ayant eu l’occasion de superviser la contractualisation pour des mesures d’action éducative en milieu ouvert (AEMO), je peux vous assurer que je n’ai jamais été confronté à l’absence délibérée de parents. Il est préférable de faire confiance aux juges en la matière.

Je le répète, on aura plus de chances de convaincre les parents en essayant de susciter leur adhésion qu’en leur imposant une sanction financière, dont ils pourront difficilement s'acquitter. Il est démontré que le succès des mesures d’assistance éducative dépend de l’adhésion des personnes concernées. Il convient donc de réfléchir aux moyens financiers et humains d’accompagner les parents défaillants qui ne seraient pas en mesure de suivre les audiences. C’est ce que la justice réclame.

M. Jean Terlier, rapporteur. Madame Faucillon, vous évoquez le cas de condamnations pénales. Or l’article concerne les mesures d’assistance éducative. Je vous rejoins sur la nécessité d'établir une relation de confiance entre professionnels et parents ainsi que de recueillir l’adhésion de ces derniers, ce qui n’est évidemment pas possible s’ils sont absents.

Il est vrai que dans la très grande majorité des cas – cela a été souligné lors des auditions –, les parents sont présents. Il n’en demeure pas moins que certains refusent d’assister aux audiences, lesquelles, je le rappelle, peuvent avoir des conséquences très graves pour l'exercice de l'autorité parentale. Il peut en effet y être décidé d’un droit de visite du parent en présence de tiers ou d’un placement, par exemple.

Le juge conservera la latitude de prononcer ou non l’amende à l’encontre du parent absent en tenant compte de son état de fortune et de la gravité des absences. Si le parent a un motif légitime de ne pas être présent, il n’encourra évidemment pas l’amende civile.

Les cas visés par l’article sont peut-être rares mais ils existent. La mention sur la convocation de l’amende encourue en cas d’absence peut inciter les parents à participer à l’audience et faciliter leur adhésion aux mesures envisagées. Avis défavorable.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Notre discussion illustre la faiblesse de votre proposition de loi. L’article 1er concerne le pénal, tandis que l’article 2 porte sur les mesures d’assistance éducative – on parle d'enfants en bas âge qui sont en danger. À force de mélanger les choux et les carottes, on ne s'y retrouve plus.

Rappelons que 99 % des enfants suivis au titre de l’assistance éducative ne comparaîtront jamais devant un tribunal. Ce sont des mineurs en danger et la plupart du temps, ce sont les parents qui saisissent eux-mêmes le juge des enfants. Les parents sont présents aux audiences dans 99,9 % des cas car il y est question du placement de l'enfant soit chez l'un des deux parents, soit à l’aide sociale à l’enfance, ce qui les réjouit rarement. On ne parle pas d’enfants délinquants.

Je suis choquée du recours à l’amende civile. Non seulement elle est très rarement prononcée par les juridictions mais surtout elle vise à sanctionner les manœuvres dilatoires d’un justiciable qui se moque de la justice.

Encore une fois, vous vous en prenez aux parents, c’est à la fois inefficace et inadapté. Je souhaite rendre hommage à tous les professionnels de l'enfance qui interviennent en matière d'assistance éducative.

M. Jean Terlier, rapporteur. Notre volonté est bien de responsabiliser les parents défaillants et, je le regrette, il en existe. Nous faisons confiance au juge pour apprécier, eu égard à la situation, l’opportunité de prononcer l’amende civile ou non.

Vous semblez nier le lien éminent entre enfance en danger et enfance délinquante. Je l’ai dit en introduction, un tiers des mineurs suivis par la protection de l'enfance font, à un moment de leur parcours, l'objet de poursuites pénales.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL1 de M. Jiovanny William

Mme Colette Capdevielle (SOC). L’amendement vise à autoriser les parents qui ne peuvent pas être présents à se faire représenter par un avocat.

M. Jean Terlier, rapporteur. L’amendement est satisfait car les parents ont déjà la possibilité de se faire représenter. Je vous demande donc de le retirer.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Les parents peuvent se faire assister mais pas représenter, ce qui n’est pas du tout pareil.

M. Jean Terlier, rapporteur. Je vous propose de le retirer afin de vérifier ce point.

L’amendement est retiré.

Amendement CL14 de Mme Estelle Youssouffa

Mme Estelle Youssouffa (LIOT). L’amendement, qui a vocation à s’appliquer uniquement à Mayotte, vise à obliger au moins l’un des parents à déférer aux comparutions immédiates de son enfant mineur. La rédaction actuelle impliquant les deux parents ne correspond pas à la réalité sociologique et familiale à Mayotte, compte tenu du grand nombre de familles monoparentales.

M. Jean Terlier, rapporteur. Demande de retrait car votre amendement concerne les comparutions immédiates visées à l’article 4.

L’amendement est retiré.

Amendements CL64 de Mme Martine Froger et CL79 de M. Philippe Latombe (discussion commune)

Mme Martine Froger (LIOT). L’amendement CL64 tend à substituer à l’amende civile, qui est complètement inadaptée, un stage de responsabilité parentale. Il s’agit d’accompagner les parents au lieu de les sanctionner.

Mme Blandine Brocard (Dem). L’amendement CL79 vise à corriger la disproportion entre l'amende pénale et l'amende civile.

En matière pénale, les parents qui ne répondent pas aux convocations du juge ou d'une juridiction pour mineurs peuvent être condamnés à une amende de 3 750 euros et à un stage de responsabilité parentale. En matière civile, le juge des tutelles peut condamner les parents à une amende civile qui ne peut excéder 10 000 euros.

Il est donc proposé d’aligner le montant de l’amende civile prévue à l'article 2 sur celui de la sanction pénale, soit 3 000 euros au plus.

M. Jean Terlier, rapporteur. Je demande le retrait des deux amendements.

S’agissant du premier, le stage de responsabilité parentale est une peine applicable dans le domaine pénal uniquement.

Quant au second, la loi fixe le principe de l’amende mais il est de tradition de renvoyer au code de procédure civile le soin fixer le montant de ladite amende. Il ne me semble pas opportun d’y déroger.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL94 de M. Jean Terlier, rapporteur.

Amendement CL80 de M. Philippe Latombe

Mme Blandine Brocard (Dem). Il s’agit de préciser que le juge des enfants doit porter une attention particulière à la situation socio-économique des parents avant de les condamner à une amende civile.

M. Jean Terlier, rapporteur. Je partage la préoccupation de l’amendement. Le juge devra évidemment prendre en considération la situation des parents et des enfants. Cependant, il n’est pas souhaitable d’inscrire ce seul critère d’appréciation dans la loi, il y en a bien d’autres. Laissons de la souplesse au juge pour juger de la pertinence de l’amende.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL95 et CL96 de M. Jean Terlier, rapporteur.

Elle adopte l’article 2 modifié.

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*     *

Deuxième réunion du mardi 26 novembre 2024 à 21 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/VpVUCd

Lors de sa deuxième réunion du mardi 26 novembre 2024, la Commission poursuit l’examen de la proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents (n° 448) (M. Jean Terlier, rapporteur).

M. Philippe Gosselin, président. Nous reprenons l’examen des amendements.

Après larticle 2

Amendement CL91 de M. Olivier Marleix

Mme Eliane Kremer (DR). La non-comparution répétée des mineurs fragilise le respect de l’institution judiciaire et compromet la bonne administration de la justice. Nous proposons qu’elle fasse l’objet d’une amende de 1 500 euros, à titre dissuasif.

M. Jean Terlier, rapporteur. Le code de la justice pénale des mineurs (CJPM), dans son article L. 423-11, prévoit déjà la faculté pour le juge des enfants de délivrer un mandat de comparution à l’encontre d’un mineur. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Article 3 (article 1242 du code civil) : Instaurer une responsabilité civile solidaire de plein droit des parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs

Amendement de suppression CL7 de M. Marc Pena

M. Marc Pena (SOC). L’article 3 vise à transposer dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation. C’est non seulement inutile, mais révélateur de l’inflation législative qui caractérise notre production normative. En voulant systématiquement graver dans la loi des solutions déjà établies par le juge, on alourdit inutilement le corpus normatif au détriment de sa souplesse. Cette rigidité affaiblit la dynamique du droit, qui doit évoluer grâce aux interactions entre la loi et la jurisprudence et non par une surenchère normative.

M. Jean Terlier, rapporteur. L’article 3 intègre effectivement la jurisprudence récente de la Cour de cassation. Dans sa décision du 28 juin 2024, celle-ci a vidé de sa substance la condition de cohabitation exigée par l’article 1242 du code civil. Désormais, les deux parents titulaires de l’autorité parentale sont responsables des dommages commis par le mineur, même si celui-ci ne vit que chez l’un de ses parents. Cette évolution est bienvenue. Pour des raisons de clarté, la mise en conformité du code avec cette jurisprudence me paraît utile. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Amendement CL70 de Mme Sylvie Josserand

Mme Sylvie Josserand (RN). Il s’agit de préciser que les parents ne sont pas considérés comme responsables pénalement lorsqu’ils ont tenté d’empêcher la commission de l’infraction. Le parent d’un enfant délinquant n’est pas nécessairement défaillant ; il peut arriver que toute une fratrie fasse des efforts, à l’exception d’un de ses membres – nous avons eu ce débat cet après-midi.

M. Jean Terlier, rapporteur. La responsabilité civile des parents est de plein droit. Il n’y a pas besoin de démontrer une faute de l’enfant ni des parents pour l’engager. Seule la force majeure ou la faute de la victime est susceptible d’exonérer les parents. Ce principe de responsabilité sans faute date d’une jurisprudence de 1997 ; il serait dangereux de le modifier car il préserve les intérêts de la victime. Avec votre proposition, celle-ci risquerait de ne pas être indemnisée dans de nombreuses situations. Avis défavorable.

Mme Sylvie Josserand (RN). Si les parents ont tenté d’empêcher la commission de l’infraction, on ne peut pas leur reprocher d’avoir commis une faute. Les intérêts de la victime ne peuvent pas prévaloir sur ce principe.

M. Philippe Gosselin, président. Ce sont les règles de la responsabilité civile. Il n’est pas opportun d’y faire exception.

La commission rejette lamendement.

Amendement CL72 de Mme Sylvie Josserand

Mme Sylvie Josserand (RN). Il s’agit d’inscrire dans la loi la décision de la Cour de cassation dans son entièreté, en indiquant ce qu’il advient lorsque les parents n’ont pas la surveillance du jeune. La décision du 28 juin 2024 précise ainsi que les parents ne sont pas responsables des dommages causés par leur enfant lorsque celui-ci a été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire.

M. Jean Terlier, rapporteur. Votre amendement est satisfait. La jurisprudence de la Cour de cassation retient déjà que l’établissement qui accueille un enfant placé par décision de justice est responsable civilement des dommages qu’il cause. Cette responsabilité est retenue sur le fondement de l’alinéa 1er de l’article 1242 du code civil, qui institue un principe de responsabilité générale du fait d’autrui pour les « personnes dont on doit répondre ». La proposition de loi, qui modifie le quatrième alinéa de l’article 1242 pour l’adapter à l’état du droit, n’est pas de nature à modifier cette solution jurisprudentielle.

Lamendement est retiré.

La commission rejette larticle 3.

Après larticle 3

Amendement CL20 de Mme Alexandra Martin

Mme Alexandra Martin (DR). Il s’agit de renforcer la responsabilité des parents et de prévenir les comportements délinquants chez les jeunes, en interdisant la prise en charge par l’assurance responsabilité civile des dommages résultant de la commission d’une infraction par un mineur ayant donné lieu à une condamnation définitive. Le docteur Maurice Berger confirme que la menace de s’en prendre au portefeuille de leurs parents est particulièrement dissuasive pour les jeunes délinquants.

M. Jean Terlier, rapporteur. Compte tenu de l’insolvabilité de nombreux parents de mineurs délinquants, votre amendement priverait des milliers de victimes d’indemnisation. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). L’article L. 121-2 du code des assurances prévoit : « L’assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l’assuré est civilement responsable […], quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes. » Il est ici proposé qu’en cas de condamnation pénale d’un mineur, les parents qui en ont la charge payent pour les dommages commis. Cela mettra en difficulté les victimes, que les parents n’auront pas nécessairement les moyens d’indemniser, et créera un effet d’aubaine pour les assureurs, dont on sait combien ils rechignent à payer.

Prenons un cas concret : des dégradations ont été commises dans ma circonscription lors des révoltes urbaines de juin dernier. Un buraliste s’est fait détruire son commerce et voler des marchandises. Heureusement que les assurances l’ont couvert ! Avec votre proposition, il aurait été en grande difficulté. Les assurances accumulent suffisamment d’argent pour mettre la main à la poche quand cela s’impose.

Mme Alexandra Martin (DR). En cas d’insolvabilité du responsable des dommages, un fonds de garantie des victimes peut intervenir. L’amendement n’a pas pour objet de favoriser les assurances, mais de créer une mesure dissuasive et de répondre à un enjeu sécuritaire. Comme l’a rappelé le rapporteur, les mineurs représentent 40 % des mis en cause en matière de vols violents et d’incendies contre les biens publics. Nous voulons protéger les citoyens et rétablir l’ordre dans les rues.

M. Yoann Gillet (RN). Cette mesure imposerait une double peine aux victimes, qui ne seraient pas indemnisées. Ce n’est pas acceptable, et ce n’est d’ailleurs probablement pas votre intention. L’amendement devrait donc être retiré.

Mme Caroline Yadan (EPR). J’abonde en ce sens. Cette disposition remettrait en cause la responsabilité extracontractuelle prévue par le code civil, dont l’article 1242 prévoit : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde. » La mesure prévue par l’amendement contreviendrait à ce principe, et pourrait empêcher le versement de dommages et intérêts aux victimes. J’ajoute que les fonds de garantie destinés à ces dernières ne peuvent être mobilisés que pour certaines infractions très précises, et que les dédommagements peuvent être versés plusieurs mois, voire plusieurs années après les faits.

La commission rejette lamendement.

Article 4 (article L. 423-4, L. 521-8 du code de la justice pénale des mineurs) : Création dune procédure de comparution immédiate pour les mineurs de seize ans

Amendements de suppression CL8 de M. Marc Pena, CL12 de Mme Elsa Faucillon, CL32 de M. Jean-François Coulomme, CL39 de M. Pouria Amirshahi et CL49 de M. Sacha Houlié

Mme Colette Capdevielle (SOC). Nous souhaitons supprimer l’article 4 qui entend créer une procédure de comparution immédiate pour les mineurs. Je m’étonne que M. Attal, qui a déposé cette proposition de loi, ne soit pas présent pour la défendre. J’en profite pour préciser que Mme Untermaier n’est aucunement à l’origine du texte, contrairement à ce qui a été dit.

La procédure de comparution immédiate est déjà décriée pour les majeurs. C’est une justice rapide et expéditive, qui alimente les maisons d’arrêt. Comment peut-on envisager de l’étendre aux mineurs ? Au reste, il existe déjà une procédure qui permet de juger les mineurs dans un délai court, l’audience unique. Votre proposition n’a donc aucun intérêt juridique ; j’y vois surtout un effet de communication.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Il existe effectivement une procédure permettant de juger rapidement les mineurs. Il n’y a pas de quoi s’en réjouir, car elle produit autant de méfaits que la comparution immédiate pour les majeurs, voire davantage, puisqu’elle donne à peine le temps à la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) de mettre en place des mesures éducatives. Vous avez rappelé les principes de la justice des mineurs, monsieur le rapporteur, et vous avez semblé y souscrire. Or la comparution immédiate contrevient à ces principes et à la primauté des mesures éducatives par rapport aux mesures répressives. Elle risque même de rendre la justice plus sévère pour les mineurs que pour les majeurs.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Cette proposition de loi révèle la vision de l’ancien ministre de l’éducation nationale qui, il y a peu, avait encore la charge de construire l’avenir de la jeunesse ; c’est assez effrayant. La comparution immédiate est une mesure très dangereuse. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), elle donne lieu dans 70 % des cas à des peines d’emprisonnement et multiplie par 8,4 la possibilité d’un emprisonnement ferme par rapport à une audience classique

Le texte vise à imposer plus de sévérité et à prononcer davantage de peines privatives de liberté pour les mineurs, au détriment des mesures éducatives. Enfermer plus vite, voilà la seule réponse proposée par l’ex-ministre de l’éducation nationale. Quel manque d’imagination ! Cela s’inscrit dans la logique du gouvernement qui prévoit, dans son projet de loi de finances pour 2025, de supprimer 4 000 postes d’enseignants, de construire des centres éducatifs fermés et des places de prison supplémentaires, et encore de fermer des écoles. Ce projet gouvernemental pour la jeunesse va à l’encontre de l’appel de Victor Hugo : « Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons. » Ce que propose M. Attal, ex-ministre de l’éducation nationale, c’est la chasse à l’enfant que dénonçait Jacques Prévert dans son poème du même nom, en référence à une mutinerie qui, dans les années 1930, avait révélé les conditions indignes dans lesquelles des mineurs étaient détenus dans une colonie pénitentiaire.

Somme toute, ce texte permet, une fois encore, à l’extrême droite et à la droite de déverser leur haine de façon décomplexée. Nous assistons à une séquence assez abjecte. Bravo !

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Nous abordons la disposition la plus infâme de la proposition de loi. Je me demande pourquoi son auteur n’est pas là pour assumer la gravité des mesures qu’il propose, après avoir occupé les fonctions que l’on sait et s’être drapé des vertus d’un démocrate au nom d’un barrage dit républicain. Il propose ici de fouler aux pieds les principes fondamentaux de la justice des mineurs, en leur appliquant la justice des majeurs dans ce qu’elle a de plus dur.

J’ai eu l’occasion de le rappeler lors de l’audition de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté : les 58 000 comparutions immédiates annuelles conduisent pour l’essentiel à la prison, laquelle entraîne pour l’essentiel de la récidive. Plutôt que d’envisager de la réparation, de la réinsertion, de l’amour et du pardon à l’égard des jeunes, pour essayer de les sauver du malheur à leur première infraction, cette procédure aggravera leur situation. En effet, le texte prévoit que « si la réunion du tribunal pour enfants est impossible le jour même », ce qui est quasiment toujours le cas, « le procureur de la République peut traduire le mineur devant le juge des libertés et de la détention, afin qu’il soit statué sur ses réquisitions tendant au placement en détention provisoire du mineur jusqu’à l’audience ». Le délai sous lequel cette audience doit se tenir est encore plus contraignant que pour les majeurs, puisqu’il est de quatre jours au lieu de trois – ce qui va d’ailleurs à l’encontre de votre souhait de juger les mineurs rapidement. En outre, cette procédure ne permet pas au mineur de préparer sa défense sereinement – puisque c’est désormais lui qui doit le faire.

M. Sacha Houlié (NI). Si le CJPM pose le principe de la césure du procès, vous le savez, monsieur le rapporteur, puisque vous en êtes l’auteur, c’est parce que les principes énoncés par l’ordonnance de 1945 en matière de justice des mineurs – spécialisation des procédures, atténuation des peines, primauté de l’éducatif sur le répressif –, rendent l’instruction obligatoire.

La procédure de comparution immédiate telle qu’elle est proposée dans le texte serait plus sévère que celle qui s’applique aux majeurs. Alors que le code de procédure pénale prévoit une détention provisoire maximale de trois jours, celle-ci pourrait être de quatre jours pour les mineurs – étant rappelé que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le placement en détention provisoire peut intervenir avant même que le procureur ait rendu son rapport. Rien que pour ce retournement de la justice des mineurs, qui serait rendue plus sévère que la justice des majeurs, cet article doit être supprimé.

Pour le reste, le CJPM fonctionne très bien en l’état, sauf dans les juridictions, comme celles de Bobigny, de Paris ou de Lyon, qui rencontrent des difficultés et qui manquent de magistrats. Une procédure de comparution immédiate pour les mineurs viendrait encore aggraver la situation, en accroissant le stock d’affaires judiciaires en attente.

M. Jean Terlier, rapporteur. Je remercie M. Houlié, qui a été le seul à rappeler que la comparution immédiate des mineurs ne bouleversera pas l’équilibre du CJPM. Contrairement à ce que j’ai pu entendre de la part de certains collègues, la primauté de l’éducatif sur le répressif sera bien préservée. Dans 80 % des cas, c’est la procédure de césure du procès qui s’appliquera, avec un jugement rapide relatif à la culpabilité, suivi d’une mise à l’épreuve éducative, puis, dans un délai de six à neuf mois, de la prononciation d’une sanction. Cette procédure demeurera.

Mme Untermaier et moi – n’en déplaise à Mme Capdevielle – avions estimé qu’il fallait introduire une procédure accélérée pour les mineurs encourant une peine supérieure à trois années de prison, qui se trouvent en état de récidive légale et pour lesquels nous disposons d’un recueil de renseignements socio-éducatifs. Il s’agit de la procédure d’audience unique, qui est exceptionnelle et qui permet de juger un mineur dans un délai compris entre dix jours et un mois si celui-ci est placé en détention provisoire.

Construite sur le modèle de la comparution immédiate des majeurs sans en reprendre le fonctionnement, la comparution immédiate des mineurs permettra, dans certaines circonstances très encadrées, de juger un mineur très rapidement, si possible le jour même. Une telle procédure ne concernera que les mineurs âgés de plus de 16 ans et qui encourent une peine d’emprisonnement supérieure à sept ans – cinq ans en cas de flagrant délit. Nous parlons donc ici des infractions de proxénétisme, de traite d’êtres humains, de trafic de stupéfiants, de violences aggravées, d’intrusion armée dans un établissement scolaire, etc. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, nous ne visons en aucune façon des primo-délinquants, mais des faits d’une extrême gravité, commis par un mineur en état de récidive légale et à propos duquel nous disposons déjà d’un recueil de renseignements socio-éducatifs.

Les droits de la défense ont également été invoqués, mais le mineur à qui sera proposée la comparution immédiate sera accompagné d’un avocat et pourra refuser cette procédure. Le cas échéant, c’est celle de l’audience unique qui s’appliquera. Cet argument ne me semble donc pas pertinent.

À M. Houlié qui, lui, ne raconte pas d’âneries…

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous ne faisons que reprendre ce qui est écrit !

M. Jean Terlier, rapporteur. Mais non, madame Martin, relisez le texte ! Le mot « et » indique que les conditions sont cumulatives. Il faut que le mineur soit âgé d’au moins 16 ans, qu’il encoure une peine de sept ans de prison – ou de cinq ans en cas de flagrance –, qu’il soit en état de récidive légale et que nous disposions d’un recueil de renseignements socio-éducatifs. M. Houlié, lui, a lu le dispositif, et je l’en remercie.

À cet égard, je fais remarquer que j’ai déposé plusieurs amendements pour modifier la proposition. Vous avez raison, il ne serait pas normal de pouvoir maintenir un mineur en détention provisoire pendant quatre jours, quand la durée maximale s’appliquant aux majeurs est de trois jours. De plus, je souhaite que le juge ait aussi la possibilité de prononcer un contrôle judiciaire ou une assignation à résidence avec surveillance électronique s’il l’estime opportun. Ces amendements solidifieront encore davantage cette procédure exceptionnelle.

J’ajoute que certains magistrats et représentants de syndicats que nous avons auditionnés ont affirmé qu’il serait parfaitement possible, dans certaines juridictions, de procéder à de telles comparutions immédiates dans la journée, sans que cela bouleverse l’audiencement des tribunaux pour enfants.

J’espère que vous aurez compris que la comparution immédiate des mineurs ne fait que reprendre le modèle de la procédure s’appliquant aux adultes, sans en reprendre le fonctionnement. Je répète que cette procédure exceptionnelle ne concernera que des mineurs dans une situation de très grave délinquance et de récidive, et qu’elle n’a pas vocation à se substituer à la procédure principale de la césure et de l’audience unique.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Pour dire le moins, l’alinéa 3 de l’article 4 laisse penser qu’un primo-délinquant pourrait être soumis à la procédure de comparution immédiate. Vous dites vous-même qu’il y a des choses à éclaircir : cet élément en fait en partie.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la place laissée à l’appréciation des juges. Un tel dispositif tend à leur retirer des éléments d’appréciation, ce qui nous paraît d’autant plus dommageable qu’il est ici question de jeunes personnes. En effet, je ne vois pas comment ils disposeront des éléments nécessaires, notamment socio-éducatifs, pour se prononcer ; ils n’auront pu être recueillis et synthétisés en si peu de temps.

C’est un juge des libertés et de la détention (JLD) qui prendra la décision d’incarcérer immédiatement un mineur. Or s’il existe des juges pour enfants, c’est certainement pour une raison. Et quel que soit le nombre de jours passés en détention provisoire, les mineurs, comme les majeurs, connaîtront le choc carcéral, surtout dans l’état où se trouvent nos prisons et nos quartiers réservés aux mineurs.

Enfin, dans l’éventualité où un enfant, accompagné d’un avocat, refuserait la comparution immédiate, comment voulez-vous qu’une audience puisse avoir lieu entre dix jours et un mois plus tard ?

M. Jean Terlier, rapporteur. C’est déjà le cas.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Pas dans de tels délais ! La justice, et a fortiori celle des mineurs, n’a pas les moyens de rassembler aussi vite l’ensemble des pièces nécessaires à la décision.

M. Marc Pena (SOC). En 2023, la durée moyenne d’emprisonnement des mineurs a atteint 9 mois, contre 5,5 en 2010. Nous assistons à un durcissement continu, mais qui n’a jamais endigué la récidive, laquelle concerne, à en croire les chiffres du ministère de la justice, 50 % des mineurs dans les cinq ans suivant leur première condamnation. La proposition de loi ne fera donc qu’accentuer le cycle punitif.

Le temps doit être pris de cerner la personnalité des mineurs, afin de les juger de manière juste et surtout de prononcer des peines adaptées, c’est-à-dire à même d’éviter la récidive.

Ce texte est à l’image de la communication habituelle de M. Attal ; je ne suis d’ailleurs pas certain que vous y adhériez tout à fait, monsieur le rapporteur. Il sera totalement inopérant et inefficace.

Mme Caroline Yadan (EPR). Il y a vingt-cinq ou trente ans, lorsque j’ai commencé, en tant qu’avocate, à m’occuper de mineurs délinquants, la difficulté principale était le temps. Le mineur était jugé très longtemps après la commission des faits, ce qui empêchait sa prise de conscience, qui doit être rapide pour aboutir à un changement de comportement. Le code de la justice pénale des mineurs a permis des jugements beaucoup plus rapides.

Comme vous, eu égard à ma profession d’avocate, j’aurais été heurtée par l’introduction d’une comparution immédiate si cette procédure n’avait pas été assortie d’une disposition essentielle, dont on a insuffisamment parlé : celle de l’accompagnement du mineur par un avocat. La décision d’accepter ou non la procédure de comparution immédiate sera prise par le mineur d’un commun accord avec lui et rien n’indique que les jugements immédiats incluront systématiquement une peine de prison. Le juge se prononcera en fonction du dossier, de manière juste et la défense du mineur sera assurée par un professionnel. Je ne vois pas ce qui vous dérange.

M. Sacha Houlié (NI). Je remercie le rapporteur de convenir de l’incohérence du délai dans lequel peut être renvoyée une audience de comparution immédiate et des conséquences que cela peut emporter sur l’incarcération du mineur concerné.

Cela étant, deux points bloquants demeurent.

Le premier est le délai dans lequel se tient l’audience unique. Celle-ci doit avoir lieu entre dix jours et trois mois après la commission de l’infraction, afin de laisser le temps à l’instruction obligatoire du dossier, qui est spécifique aux mineurs. C’est parce que ce n’est pas obligatoire les concernant que les majeurs peuvent faire l’objet d’une comparution immédiate.

Par ailleurs, lorsque la droite a largement réformé la justice des mineurs, entre 2007 et 2012, en créant des peines planchers et un tribunal correctionnel spécial, elle n’a pour autant jamais considéré comme utile l’introduction d’une comparution immédiate. Cet élément me semble confirmer l’inutilité du dispositif et sa dangerosité quant au respect de la spécialisation des juridictions pour mineurs, aussi bien en matière d’organisation que de procédure.

Mme Colette Capdevielle (SOC). J’indique à notre collègue Yadan, qui a fait référence à sa pratique professionnelle, que le Conseil national des barreaux (CNB) est formellement opposé aux articles 4 et 5, dont les dispositions ne sont pas du tout adaptées aux mineurs.

Je rappelle également qu’après deux ou trois jours de garde à vue, la personne mise en cause, particulièrement si elle est mineure, n’a pas toujours le discernement suffisant pour se prononcer sur l’opportunité d’un jugement immédiat

De plus, contrairement à vous, monsieur le rapporteur, j’estime que les infractions les plus graves ne doivent justement pas faire l’objet d’une justice expéditive et rapide. Ces dossiers nécessitent une instruction, des actes et des investigations. Il faut trouver une juste mesure entre une célérité raisonnable et le respect des droits de la défense.

Je vous mets au défi de trouver une organisation professionnelle de magistrats ou d’avocats qui se satisferait d’une comparution immédiate pour les mineurs et qui l’estimerait respectueuse de leurs droits ainsi que de ceux des victimes, dont on ne parle pas, alors qu’elles pâtiraient, elles aussi, d’une telle procédure expéditive. On oublie d’ailleurs souvent de les convoquer.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Je confirme qu’aucune organisation d’avocats ou de magistrats, qu’il s’agisse du Syndicat de la magistrature ou de l’Union syndicale des magistrats (USM), n’approuve le défèrement des mineurs en comparution immédiate. Au-delà du manque de moyens de la justice, qui est une raison tout à fait légitime, ils savent que la qualité du jugement serait mauvaise. Vous rendez-vous compte qu’il y a 58 000 audiences par an ? Ajouter des comparutions immédiates de mineurs, d’enfants, reviendrait à les engloutir dans le système ; ce serait une monstruosité ! Quant aux professionnels eux-mêmes, ils sont déjà dans une situation impossible, étant contraints de procéder à des jugements à la chaîne, jusqu’au petit matin – ce qui conduit d’ailleurs à des drames, comme celui qui s’est produit à Nanterre. Leur capacité à suivre avec lucidité et discernement les situations qui leur sont présentées serait donc d’autant plus affectée ; ils ne pourront attester de la gravité des faits reprochés aux prévenus par ceux qui les ont arrêtés. Et pour cause, comme les avocats, les magistrats sont censés accompagner une instruction. Or le principe d’une comparution immédiate, monsieur le rapporteur, est qu’il n’y en a pas !

Ainsi, alors que tous les professionnels sont contre la proposition de loi et que vous étiez vous-même, il y a trois ans, opposé à ses dispositions – j’ai lu attentivement tous les procès-verbaux et vous y apparaissez comme un grand humaniste ! –, j’en conclus qu’il s’agit ici d’une pure opération de communication politique. Elle émane d’un ancien premier ministre qui, déjà, prenait un plaisir narcissique à répondre dans un seul en scène aux questions au gouvernement, et qui, désormais, est le seul signataire des propositions de loi du groupe qu’il préside. C’est pauvre ! Voilà l’ambition politique de quelqu’un qui est censé en avoir une grande pour la démocratie !

M. Jean Terlier, rapporteur. Je ne pense pas que les attaques ad hominem soient pertinentes. Je vous mets au défi de produire une quelconque preuve d’une opposition de ma part à la comparution immédiate, sachant que j’étais l’un des premiers à défendre l’audience unique.

À cet égard, lorsque nous avons modifié l’ordonnance de 1945, toutes les organisations professionnelles ou presque étaient contre la césure du procès et la procédure de l’audience unique, au motif que nous appliquions, disaient-elles, la justice des majeurs aux mineurs. Pourtant, l’article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs énonçait que les principes fondamentaux que sont la spécialisation et la primauté des mesures éducatives seraient évidemment respectés. Ce sont les mêmes personnes qui, désormais, disent que le CJPM fonctionne très bien et que juger un mineur en huit mois au lieu de dix-huit constitue un progrès.

Entre parenthèses, je vois réagir les collègues socialistes, mais il me semble qu’ils n’étaient pas si nombreux, en 2021, à soutenir le CPJM – on pourra facilement retrouver le vote des uns et des autres.

Sur le fond, je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 29 août 2002, a admis l’intérêt d’une procédure de jugement rapide pour les mineurs, en raison de l’évolution rapide de leur personnalité. La procédure que nous proposons est donc constitutionnelle.

S’agissant, ensuite, du discernement du mineur, que vous avez questionné, je rappelle que ce dernier sera accompagné de son avocat et que sa responsabilité pénale ne peut être engagée que s’il est bien doué de discernement. La situation n’est donc en rien celle que vous avez présentée.

J’ajoute, monsieur Houlié, que nous disposons déjà d’outils permettant de juger des mineurs dans des délais très raccourcis et qu’au moment où la droite gouvernait, existait la procédure de présentation immédiate (PIM).

Enfin, pour qu’il n’y ait aucune confusion, je répète que nous parlons ici de mineurs ayant commis des délits passibles d’une peine d’emprisonnement de sept ans – ou de cinq ans en cas de flagrance. Vous êtes plusieurs à avoir parlé de crimes, mais ceux-ci devront bien faire l’objet d’une instruction ; ils seront donc exclus de la procédure de comparution immédiate.

M. Marc Pena (SOC). Vous n’avez pas lu jusqu’au bout la décision du Conseil constitutionnel, qui impose le principe d’atténuation de la peine pour les mineurs. Votre proposition de loi n’est donc pas conforme à la jurisprudence.

M. Jean Terlier, rapporteur. Ne mélangez pas tout ; nous aurons ce débat à l’article 5 ! Commencez par adopter la procédure de comparution immédiate, puis nous discuterons de l’atténuation de la responsabilité pénale.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CL21 de Mme Alexandra Martin et CL27 de M. Yoann Gillet, amendement CL86 de M. Olivier Marleix (discussion commune)

Mme Alexandra Martin (DR). L’amendement CL21 vise à abaisser à 13 ans l’âge à partir duquel un mineur pourrait être soumis à une comparution immédiate. Il s’agit d’être plus en phase avec la réalité du profil des délinquants, qui sont de plus en plus jeunes, et d’envoyer un signal fort aux adultes qui instrumentalisent ces jeunes, notamment dans le cadre du narcotrafic.

M. Yoann Gillet (RN). Année après année, tous les records d’insécurité sont battus dans l’indifférence de gouvernements impuissants. Logiquement, les Français réclament une justice plus ferme envers les mineurs délinquants, qui bafouent les lois de la République. L’heure n’est plus à la faiblesse, mais à la fermeté et à l’autorité. Il est encore possible d’agir et de rétablir partout, pour peu qu’on en ait la volonté, la tolérance zéro. Il est possible de suspendre les allocations familiales pour les familles de mineurs récidivistes et de cesser de payer pour le confort de ceux qui détruisent des vies. Rappelons-le, un tiers des 3 500 personnes interpellées lors des émeutes de 2023 étaient mineures. À cette occasion, nous avons payé trente ans de laxisme, d’effondrement de l’autorité et de culture de l’excuse.

Si nous sommes favorables à l’introduction d’une comparution immédiate pour les mineurs, nous souhaitons, par ces amendements identiques, qu’elle puisse avoir lieu dès l’âge de 13 ans. Cette proposition de bon sens offrirait aux magistrats une procédure rapide et adaptée, tout en renforçant l’arsenal pénal face aux enjeux sécuritaires actuels. Pour une fois, écoutez les Français.

M. Olivier Marleix (DR). Je remercie le rapporteur d’avoir rappelé que les dispositions figurant à l’article 4 ne sont ni une révolution juridique, ni une ignominie, ni une atteinte sans précédent aux droits des mineurs. Nous ne faisons que réintroduire quelque chose qui existait : la procédure de présentation immédiate. Cette dernière était d’ailleurs nettement plus ouverte, puisque, sauf erreur de ma part, elle pouvait s’appliquer dès l’âge de 13 ans et pour des délits passibles de trois ans de prison – un an en cas de flagrance.

Ici réside d’ailleurs le défaut du présent article, car la comparution immédiate me semble particulièrement pertinente pour répondre aux petits délits. S’agissant des infractions passibles de plus de sept années de prison, l’avocat aura évidemment tendance à conseiller le rejet de cette procédure.

C’est pourquoi nous proposerons plusieurs amendements afin de revenir aux dispositions de la procédure de présentation immédiate.

M. Jean Terlier, rapporteur. Avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Je m’efforce de l’expliquer, la procédure que nous proposons doit rester exceptionnelle. Or si nous abaissons l’âge minimal à 13 ans, je crains que nous ne remettions en cause la constitutionnalité du dispositif qui, en l’état, est assurée. Je l’ai dit, la comparution immédiate ne doit concerner que des délits graves, passibles de sept ans d’emprisonnement – cinq ans en cas de flagrance – et constituant des cas de récidive légale ; elle ne peut se tenir qu’en ayant des renseignements socio-économiques à disposition.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Je me demande, monsieur Marleix, pourquoi vous appartenez à un groupe nommé « Les Républicains », vous qui proposez d’envoyer des gamins de 14 ans en comparution immédiate, c’est-à-dire de les déférer devant le tribunal dès leur sortie de la garde à vue, dont on sait qu’elle est un événement traumatique – je le sais pour avoir exercé mon droit de parlementaire et visité, notamment, des gamins gardés à vue pour avoir participé à des manifestations au moment de la réforme des retraites. Si, à 14 ans, un enfant est récidiviste, peut-être faut-il se demander ce qui a été fait avant et si les méthodes que vous proposez, qui sont pour partie déjà employées, fonctionnent.

Mme Alexandra Martin (DR). Être de droite, cela veut dire aussi voir la réalité en face. Pour ma part, je vois des mineurs de 13, 14 ou 15 ans qui sont des criminels.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL67 de Mme Sylvie Josserand et CL87 de M. Olivier Marleix (discussion commune)

Mme Sylvie Josserand (RN). L’amendement CL67 vise à élargir les conditions d’application de la procédure de comparution immédiate. Les conditions fixées par l’article 4, en particulier l’état de récidive légale et une peine encourue de sept ans ou de cinq ans en cas de flagrance, sont en effet très restrictives et conduisent en général à l’ouverture d’une information judiciaire : telle est la procédure suivie actuellement lorsqu’un mineur se livre au trafic de stupéfiants ou au proxénétisme. Il y a donc tout lieu de penser que la comparution immédiate ne sera pas appliquée. Un majeur peut faire l’objet de cette procédure s’il encourt une peine d’au moins deux ans d’emprisonnement, ou de six mois en cas de flagrance. Je propose d’aligner le régime des mineurs sur celui des majeurs quant à la durée de la peine et de supprimer la condition de la récidive.

M. Olivier Marleix (DR). Je rappelle que la disposition dont nous discutons concerne les mineurs auteurs de délits graves, punissables d’une peine d’au moins sept ans d’emprisonnement, de surcroît récidivistes, pas des manifestants. On se paie un peu de mots, car, telle que le texte la propose, la comparution immédiate des mineurs sera totalement inopérante : compte tenu de la gravité des délits, je ne vois pas quel avocat conseillera à son client mineur d’accepter cette procédure. Il serait infiniment plus efficace de revenir à la présentation immédiate telle qu’elle existait auparavant, en visant plutôt les petits délits, punissables de trois ans d’emprisonnement ou d’un an en cas de flagrance.

M. Jean Terlier, rapporteur. Monsieur Marleix, l’audience unique permet de déclencher une procédure comparable à la présentation immédiate. Votre amendement est, en ce sens, satisfait.

Madame Josserand, je suis très défavorable à calquer la procédure de comparution immédiate des mineurs sur celle des majeurs. Nous nous attachons à respecter les principes constitutionnels, à commencer par le principe fondamental reconnu par les lois de la République en vertu duquel on ne juge pas un mineur comme un majeur.

M. Pouria Amirshahi (EcoS). Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, M. Attal prend prétexte des délits, pour l’essentiel mineurs, auxquels ont donné lieu les révoltes urbaines de 2023 pour justifier des mesures qui s’appliquent à des faits commis en état de récidive, punissables de sept ans d’emprisonnement. Mais il n’y a aucun rapport entre les premiers et les secondes ! Si l’on s’intéressait vraiment à ce qui s’est passé lors des révoltes urbaines et sociales de juillet 2023, on chercherait à comprendre pourquoi la mort de Nahel a provoqué autant de colère et, dans certains cas, de violences. Ce texte ne constitue qu’une opération de communication, qui ouvre la voie aux dispositifs les plus répressifs – le Rassemblement national l’a bien compris, qui s’y engouffre.

M. Jean Terlier, rapporteur. La réponse pénale que nous proposons est, au contraire, des plus adaptée aux faits commis lors des révoltes urbaines. Comme on nous l’a dit lors des auditions, 70 % des mineurs condamnés à la suite de ces événements avaient entre 16 et 18 ans ; la plupart d’entre eux avaient commis des violences aggravées en flagrance punissables de cinq ans d’emprisonnement, en état de récidive légale. Avec ce texte, nous cochons donc toutes les cases.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous avons au moins un point d’accord : nous ne souhaitons pas aligner le régime des mineurs sur celui des majeurs. Cela étant, la proposition de loi ouvre grandement la porte à ce nivellement, ce qui explique que le Rassemblement national fasse des propositions en ce sens. Je repose donc la question : quelle est la valeur ajoutée du texte ? Au-delà de l’opération de communication, il tend à banaliser l’idée selon laquelle les enfants peuvent être jugés et mis en prison comme les adultes.

Mme Béatrice Roullaud (RN). À la suite des émeutes de l’année dernière, j’ai rencontré des commerçants d’un quartier défavorisé de Meaux. Ils étaient atterrés et m’ont fait part de leur souhait que les politiques, qu’ils trouvaient beaucoup trop complaisants, réagissent. Cette proposition de loi est loin d’être parfaite mais elle a le mérite de montrer la direction dans laquelle on veut aller. Je regrette que nous n’ayons pas voté l’amendement qui visait à suspendre les allocations familiales, car c’est un moyen de responsabiliser non seulement les parents mais également les enfants. Les mineurs n’ont pas du tout envie que leurs parents soient privés des allocations ; cette mesure les ferait raisonner. Les Français s’y déclarent tout à fait favorables, à 72 % ; une partie d’entre eux sont exaspérés par les violences.

La commission rejette successivement les amendements.

Présidence de M. Florent Boudié, président.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL97 de M. Jean Terlier, rapporteur.

Elle rejette l’amendement de précision CL98 de M. Jean Terlier, rapporteur.

Amendements CL99 de M. Jean Terlier et CL81 de M. Philippe Latombe (discussion commune)

M. Jean Terlier, rapporteur. L’amendement CL99 vise à ce que le mineur prévenu comparaisse devant le tribunal pour enfants dans un délai maximal de trois jours ouvrables. Il aligne ainsi le délai applicable aux mineurs sur celui en vigueur pour les majeurs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL100 et CL101 de M. Jean Terlier

M. Jean Terlier, rapporteur. Monsieur Léaument, du fait du vote précédent, les mineurs resteront en détention provisoire plus longtemps que les majeurs ; il vous faudra l’assumer.

L’amendement CL100 vise à préciser que les règles procédurales en vigueur pour les mineurs sont applicables à l’audience devant le juge des libertés et de la détention. Ces règles font obligation au JLD de statuer par ordonnance motivée, en audience de cabinet, après un débat contradictoire au cours duquel il entend les réquisitions du procureur de la République, puis les observations du mineur et celles de son avocat, ainsi que, le cas échéant, celles des représentants légaux du mineur. Cela renforcerait les garanties offertes aux mineurs.

L’amendement CL101 vise à offrir la possibilité au JLD de prendre, compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur, une mesure moins contraignante que la détention provisoire, à savoir le contrôle judiciaire ou l’assignation à résidence avec surveillance électronique jusqu’à sa comparution devant le tribunal pour enfants.

M. Antoine Léaument (LFI-NFP). Vous proposez des amendements pour essayer de rendre plus humain un texte qui ne l’est absolument pas. Vous ne pouvez pas nous imputer la responsabilité de mesures qui émanent de votre proposition de loi. En envoyant les mineurs en comparution immédiate, puis en prison, vous alignez petit à petit la justice des mineurs sur celle des majeurs, en violation des textes internationaux que nous avons signés, qui protègent les droits de l’enfant – car, oui, à 13 ans, on est, faut-il le rappeler, un enfant.

M. Jean Terlier, rapporteur. L’amendement contre lequel vous avez voté visait à réduire la durée de la détention provisoire des mineurs. Peut-être devriez-vous lire l’article, qui ne concerne que les mineurs de 16 et 17 ans.

La commission adopte l’amendement CL100.

Elle rejette l’amendement CL101.

L’amendement CL88 de M. Olivier Marleix est retiré.

Amendement CL102 de M. Jean Terlier

M. Jean Terlier, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que, dans le cadre de la procédure de comparution immédiate pour les mineurs, le tribunal statue lors d’une audience unique sur la culpabilité et la sanction.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL103 de M. Jean Terlier

M. Jean Terlier, rapporteur. Il vise à apporter une nouvelle garantie au mineur faisant l’objet de la procédure de comparution immédiate en subordonnant la possibilité pour le tribunal pour enfants de le juger le jour même, en l’absence d’opposition de ses représentants légaux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL82 de M. Philippe Latombe

M. Éric Martineau (Dem). Cet amendement vise à préciser que le jugement en comparution immédiate d’un mineur nécessite la convocation et l’accord de ses représentants légaux, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans la décision qu’il a rendue sur la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL73 de Mme Sylvie Josserand

Mme Sylvie Josserand (RN). Cet amendement vise à aligner le délai de renvoi de l’audience au fond pour les mineurs sur celui prévu pour les majeurs dans le cas où le prévenu refuserait d’être jugé séance tenante. La proposition de loi prévoit que, dans une telle hypothèse, l’audience se tiendra dans un délai qui ne peut être inférieur à dix jours ni supérieur à un mois. S’agissant des majeurs, le délai ne peut être inférieur à quatre semaines, ni supérieur à dix semaines. Le sort réservé aux mineurs est ainsi moins favorable.

M. Jean Terlier, rapporteur. À mon sens, c’est l’inverse. De surcroît, ces délais sont ceux applicables à la procédure d’audience unique. Avis défavorable.

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). On promeut la comparution immédiate des mineurs, ce qui ouvre la porte à l’alignement des procédures applicables aux mineurs et aux majeurs. En outre, cet article prévoit l’intervention du JLD. Cela peut apparaître comme une garantie mais c’est problématique, car la justice des mineurs exige des magistrats spécialisés.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’amendement rédactionnel CL104 de M. Jean Terlier, rapporteur.

Amendement CL105 de M. Jean Terlier

M. Jean Terlier, rapporteur. Il s’agit, par cet amendement, d’apporter une garantie supplémentaire au mineur en permettant au tribunal pour enfants, lorsqu’il est saisi en application de la nouvelle procédure de comparution immédiate pour mineurs, de décider du placement du prévenu sous assignation à résidence électronique dans l’attente de l’audience.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’amendement rédactionnel CL106 de M. Jean Terlier, rapporteur.

Amendement CL107 de M. Jean Terlier

M. Jean Terlier, rapporteur. Cet amendement tend à encadrer davantage la nouvelle procédure de comparution immédiate des mineurs, en fixant un délai maximal de jugement au fond lorsque le mineur est placé en détention provisoire.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’amendement de coordination CL108 de M. Jean Terlier, rapporteur.

La commission rejette l’article 4.

Article 5 (art. L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs) : Faciliter les dérogations aux règles d’atténuation des peines pour les mineurs de plus de seize ans

Amendements de suppression CL9 de M. Marc Pena, CL13 de Mme Elsa Faucillon, CL33 de Mme Marianne Maximi, CL40 de M. Pouria Amirshahi et CL48 de M. Sacha Houlié

M. Jean Terlier, rapporteur. Il est dommage que les auteurs de ces amendements ne les défendent pas davantage et souhaitent, en supprimant l’article 5, escamoter le débat, pourtant important, sur l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs.

Je rappelle que, dans sa décision du 9 août 2007, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions de cet article, qui s’inspirent de celles des lois du 5 mars et du 10 août 2007. De fait, elles ont pour objet, non pas de revenir sur le principe constitutionnel d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs, mais d’étendre les exceptions à ce principe. En effet, pour les mineurs âgés d’au moins 16 ans, le juge peut déjà y déroger par une décision motivée, en fonction des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur.

L’article 5 a ainsi pour objet de dispenser le juge de l’obligation de motiver cette décision pour les crimes et les délits les plus graves, notamment les atteintes aux personnes, et en cas de récidive légale. Les conditions dans lesquelles la dérogation au principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs est actuellement possible sont en effet très limitées, au point que cette dérogation n’est retenue que dans moins de 1 % des condamnations.

Aussi le texte prévoit-il également que, dans les cas très limités où les mineurs mis en cause sont doublement récidivistes et auteurs de crimes graves et de délits violents ou d’agressions sexuelles, les règles d’atténuation des peines ne s’appliquent que sur décision spéciale des magistrats.

L’article 5 me paraît donc pertinent et conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. C’est pourquoi je suis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Aurore Bergé (EPR). Pourquoi proposer de supprimer un article équilibré, sinon par volonté de pratiquer une opposition systématique ? L’article 5 est équilibré car, contrairement à ce que l’on entend depuis le début de la soirée, il maintient l’impossibilité de déroger au principe d’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs lorsque ceux-ci ont moins de 16 ans. En revanche, il étend la possibilité de déroger à ce principe pour les mineurs âgés de plus de seize ans, dans des cas graves qui ont particulièrement ému l’opinion, à juste titre. On ne peut pas condamner à longueur de journée les faits très graves qui se produisent, hélas ! dans la plupart de nos territoires et rejeter cette mesure ! Notre société en appelle à la responsabilisation des parents et de ceux qui, quoiqu’âgés de 16 ans, commettent des actes parfois irréparables. Certains d’entre nous ne pensent pas suffisamment, me semble-t-il, aux victimes de ces actes ; or ce sont elles qu’il nous faut d’abord protéger. J’espère donc que cet article équilibré sera maintenu.

M. Philippe Gosselin (DR). L’article 5 est en effet équilibré ; il respecte la spécificité des mineurs au regard de la loi pénale. Par conséquent, les auteurs des amendements de suppression ont manifestement pour seul objectif de saper l’ensemble du texte. Mais nous verrons ce qu’il en est : c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses ! En tout état de cause, rejetons les amendements de suppression et laissons le débat se dérouler.

M. Éric Martineau (Dem). Le débat doit avoir lieu. Nous estimons, par principe, que tous les avis doivent pouvoir s’exprimer. Il ne faut donc surtout pas supprimer l’article 5.

La séance, suspendue à vingt-trois heures dix, est reprise à vingt-trois heures quinze.

M. Jean Terlier, rapporteur. Il est malvenu de protester contre les dérogations au principe d’atténuation des peines pour les mineurs et de refuser à présent d’en débattre. Il n’est ni raisonnable ni responsable de parler de bébés, comme j’ai entendu M. Coulomme le faire. Faut-il rappeler que l’article 5 vise des mineurs âgés de plus de 16 ans en état de double récidive légale ayant commis des crimes et des délits très graves, notamment des atteintes aux personnes ?

On peut considérer qu’un mineur ne doit en aucun cas être jugé comme un majeur. Mais le fait est que, depuis l’ordonnance de 1945, des exceptions à ce principe ont été prévues. Or le dispositif fonctionne mal puisque ces exceptions ne s’appliquent que dans 0,24 % des condamnations. Nous proposons donc de les étendre tout en les entourant de diverses garanties, que j’ai énumérées tout à l’heure.

Jusqu’à présent, nos débats ont été constructifs. La question de la responsabilité pénale des mineurs nous a longuement occupés lors de l’élaboration du code de la justice pénale des mineurs. La proposition de loi de Gabriel Attal s’inscrit dans le cadre de cette réforme ; elle respecte les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

M. Marc Pena (SOC). Vous jouez la montre !

M. Jean Terlier, rapporteur. Non, je vous invite à débattre. Le dispositif est trop important pour que vous vous contentiez d’annoncer que vos amendements sont défendus : il ne s’agit pas d’amendements rédactionnels ! J’aurais souhaité que chaque groupe s’exprime, puisse avancer des arguments pertinents et participer à la discussion. Je comprends que vous souhaitiez profiter du fait que vous êtes majoritaires, mais ce texte est d’une haute importance. Il ne me paraît ni raisonnable ni responsable de refuser le débat. Examinons la pertinence des conditions de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs et des exceptions prévues à l’article 5, puis votons. On ne peut pas défendre ces amendements de suppression en se dispensant de toute explication.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 5 est supprimé, et les autres amendements à cet article tombent.

Après l’article 5

Amendement CL23 de Mme Alexandra Martin

M. Jean Terlier, rapporteur. Mon avis est, certes, privé de fondement par la suppression de l’article 5, mais il pourra vous être utile en vue de l’examen du texte en séance publique.

Vous proposez que la peine d’emprisonnement prononcée contre un mineur ne puisse être supérieure, non pas à la moitié de la peine encourue, comme le prévoit l’article L. 121-5 du CJPM, mais aux quatre cinquièmes de celle-ci. Une telle proposition me semble risquée d’un point de vue constitutionnel. En outre, je n’en perçois pas l’intérêt : les dispositions du texte, qui permettaient d’assouplir les conditions de dérogation à l’application de cette règle, étaient suffisantes pour atteindre l’objectif d’efficacité poursuivi.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CL24 de Mme Alexandra Martin est retiré.

Amendements CL52 et CL53 de M. Sacha Houlié

M. Sacha Houlié (NI). Ces amendements s’inspirent du rapport d’évaluation du code de la justice pénale des mineurs de Mme Untermaier et de M. Terlier.

Le premier vise à remplacer le rapport éducatif par une note de situation actualisée lorsque le mineur est déjà suivi par les services de la protection judiciaire de la jeunesse et d’inclure, le cas échéant, dans son dossier les coordonnées de l’assureur en responsabilité civile des représentants légaux du mineur pour permettre l’indemnisation des victimes.

Quant au second amendement, il tire les conséquences de la spécificité de la justice pénale des mineurs en prévoyant que le rapport éducatif que doit produire le procureur lorsqu’il saisit le juge des libertés et de la détention en vue du placement en détention provisoire du mineur soit produit avant l’audience.

M. Jean Terlier, rapporteur. Par cohérence, je serai favorable à ces amendements puisque j’avais déposé un amendement visant à promouvoir les alternatives à la détention provisoire, qui avait été rejeté. Je profite de cette occasion pour saluer Mme Untermaier pour le travail transpartisan très important qu’elle a accompli dès 2019 et qui a abouti à la création du code de la justice pénale des mineurs, même si certaines de ses dispositions n’emportaient pas son adhésion.

Mme Aurore Bergé (EPR). Nous soutenons ces amendements. Il paraît en effet nécessaire de simplifier les procédures à la suite du rapport d’évaluation du code de la justice pénale des mineurs menée par M. Terlier et Mme Untermaier.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendements CL36 de Mme Marianne Maximi et CL54 de M. Sacha Houlié (discussion commune)

Mme Élisa Martin (LFI-NFP). Nous proposons de revenir sur la procédure de jugement en audience unique. Le principe, commun en Macronie, selon lequel on peut faire mieux avec moins a en effet conduit à adopter cette procédure qui permet au juge de se prononcer simultanément sur la culpabilité et la sanction. Or nous considérons, par principe, que la césure, qui aménage un délai entre le prononcé de la culpabilité et la sanction, doit être d’autant plus préservée que le jugement en audience unique est privilégié : près de 60 % des condamnations sont prononcées dans le cadre de cette procédure.

M. Sacha Houlié (NI). Nous proposons, quant à nous, non pas de supprimer l’audience unique, mais de limiter les cas où elle est possible. Cette mesure est inspirée, là encore, de l’excellent rapport de M. Terlier et de Mme Untermaier.

M. Jean Terlier, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement CL54 et défavorable à l’amendement CL36.

Madame Martin, vous proposez de supprimer, au détour d’un amendement, une procédure qui est un des piliers du code de la justice pénale des mineurs. Ainsi, comme vous l’avez vous-même rappelé, elle est utilisée dans 60 % des cas – même si la situation varie selon les juridictions. De fait, lorsque les délinquants sont en état de récidive et parfaitement connus de la justice, il importe que le juge puisse se prononcer simultanément sur la culpabilité et la sanction. Les professionnels qui suivent nos débats seront quelque peu étonnés de votre proposition.

Cette procédure, qui demeure une exception au principe de la césure – consistant à dissocier le jugement sur la culpabilité, suivi d’une mise à l’épreuve éducative, du prononcé de la sanction – est opérationnelle et elle est utile pour traiter certaines formes de délinquance. Je suis donc très défavorable à votre amendement.

Mme Caroline Yadan (EPR). L’amendement CL36 me semble également incongru et dénué de tout souci pédagogique. Ses auteurs ne pensent pas aux effets qu’il produirait sur la justice des mineurs. La sanction doit être adaptée et comprise par le mineur. Or, en lui permettant de prendre conscience de la gravité des faits qu’il a commis, le délai qui sépare le jugement sur la culpabilité de la sanction est essentiel à cet égard. La dimension éducative est indispensable. Il serait donc très dommageable de revenir sur la réponse judiciaire rapide et cohérente que permet le code de la justice pénale des mineurs.

La commission rejette l’amendement CL36.

Elle adopte l’amendement CL54.

Amendement CL55 de M. Sacha Houlié

M. Sacha Houlié (NI). Il s’agit à nouveau de tirer les conclusions du rapport Terlier-Untermaier, et donc de préférer la sanction éducative à la sanction purement répressive.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL114 de M. Jean Terlier et CL43 de Mme Laure Miller

M. Jean Terlier, rapporteur. Cet amendement vise à étendre la période de mise à l’épreuve éducative déjà ouverte pour un mineur à l’ensemble des procédures dont est saisie ultérieurement la juridiction, et non plus aux seules procédures qui concernent des faits antérieurs. Il n’y a pas de raison de limiter l’application de ces dispositions aux faits qui seraient commis plus récemment.

Mme Laure Miller (EPR). Cet amendement vise, de la même façon, à étendre la période de mise à l’épreuve éducative déjà ouverte pour un mineur à l’ensemble des procédures dont est saisie ultérieurement la juridiction. Cette modification est préconisée par le rapport d’évaluation sur la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs du ministère de la justice. L’ordre des poursuites ne respecte pas nécessairement l’ordre chronologique de commission des infractions.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL56 de M. Sacha Houlié

M. Sacha Houlié (NI). Il s’agit d’organiser les appels sur la question de l’audience en culpabilité et de prévoir un sursis à statuer pour l’audience de sanction tant qu’on ne dispose pas de la décision d’appel sur la culpabilité. Cet amendement tire, là encore, les conséquences du rapport Terlier-Untermaier.

M. Jean Terlier, rapporteur. Avis favorable. Ces précisions sont utiles. Le délai d’appel doit suspendre la décision de sanction.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL19 de Mme Marie-France Lorho

Mme Marie-France Lorho (RN). La loi considère qu’il est essentiel de faire porter aux parents la responsabilité des actes de leurs enfants : aux termes du code civil, les parents sont pleinement responsables des dommages causés par leurs enfants mineurs habitant avec eux ; leur négligence quant à leurs obligations parentales est réprimée par l’article 22717 du code pénal.

Nous ignorons pourtant la réalité de l’application de cet article, certains artisans de notre système judiciaire renonçant à l’appliquer parce qu’elle pourrait, à leurs yeux, aggraver la précarité de ces familles. Nous dénonçons cette vision selon laquelle le handicap social est à l’origine de la délinquance. Au contraire, nous estimons que matérialiser la sanction de manière financière provoquerait un effondrement de la récidive.

Cet amendement demande donc un rapport qui mesurerait l’application réelle, au cours des cinq dernières années, de l’article 22717 du code pénal.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement CL46 de M. Aurélien Lopez-Liguori

M. Jean Terlier, rapporteur. C’est une demande de rapport : avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Florent Boudié. Nous allons maintenant voter sur l’ensemble de la proposition de loi.

M. Jean Terlier, rapporteur. Je regrette vivement que deux dispositions majeures aient été écartées du texte, ainsi largement dénaturé. J’émets donc un avis très défavorable à l’adoption de l’ensemble du texte.

La réunion est suspendue de vingt-trois heures quarante-cinq à vingt-trois heures cinquante.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à restaurer l'autorité de la justice à l'égard des mineurs délinquants et de leurs parents (n° 448) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


   PERSONNES ENTENDUES

   M. Vincent Salafa, adjoint au chef du bureau du droit processuel et du droit social

   Mme Stéphanie Clarini, rédactrice au bureau du droit processuel et du droit social

   Mme Séverine Lair, adjointe à la cheffe du bureau du droit des obligations

   Mme Agathe Horiot, rédactrice au bureau du droit des obligations

   Mme Caroline Nisand, directrice

   Mme Anaïs Charbonnier, cheffe du bureau de la législation et des affaires juridiques

   Mme Claire Vignon, cheffe de la section législation des mineurs au sein du bureau de la législation et des affaires juridiques

   M. Christian Sainte, directeur national

   Mme Séraphia Scherrer, sous-directrice adjointe de la stratégie et du pilotage territorial

   Mme Alexandra Vaillant, secrétaire générale

   M. Aurélien Martini, secrétaire général adjoint

   Mme Rachel Beck, secrétaire nationale

   M. Julien Morino-Ros, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales

   Mme Pauline Biais, cheffe du bureau de la législation pénale générale

   M. Antoine Raccat, adjoint à la cheffe du bureau de la législation pénale générale

 

 

   Mme Alice Grunenwald, première vice-présidente chargée des fonctions de juge des enfants au tribunal pour enfants de Saint-Etienne, présidente de l’AFMJF

   Mme Delphine Blot, membre du conseil national

   Mme Valérie Dervieux, déléguée régionale à la cour d’appel de Paris

   Mme Claire Hédon, Défenseure des droits

   Mme Mireille Le Corre, secrétaire générale

   Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle défense des enfants

   M. Victor Manciet, chef de cabinet

   Mme Kim Reuflet, présidente

Conseil national des barreaux (CNB)

   M. Arnaud de Saint-Remy, responsable du groupe de travail « droits des enfants »

   Mme Mona Laaroussi, chargée de mission affaires publiques

Conférence des bâtonniers

   Mme Agnès Ravat-Sandre, membre du bureau

Barreau de Paris

   Mme Laure Tric, membre du Conseil de l’Ordre


([1]) Mme Asmae Marhraoui et M. Tedjani Tarayoun, « 2000 – 2020 : un aperçu statistique du traitement pénal des mineurs», service statistique ministériel de la justice, Infostat Justice n° 186, juin 2022.

([2]) Rapport d’information n° 885 (2021-2022) de Mme Céline Boulay-Espéronnier, M. Bernard Fialaire, Mmes Laurence Harribey et Muriel Jourda, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la délinquance des mineurs, Sénat, 21 septembre 2022.

([3]) Données transmises à votre rapporteur par la direction nationale de la police judiciaire.

([4]) Rapport d’information n° 885 (2021-2022), Sénat, 21 septembre 2022. 

([5]) Mme Asmae Marhraoui et M. Tedjani Tarayoun, « 2000 – 2020 : un aperçu statistique du traitement pénal des mineurs», service statistique ministériel de la justice, Infostat Justice n° 186, juin 2022.

([6]) L’Obs, « Mineurs et tueurs à gages : enquête sur les nouvelles recrues du trafic de drogue », 29 novembre 2023.

([7]) MM. Jérôme Durain et Etienne Blanc, commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier, Sénat, 7 mai 2024.

([8]) M. François-Noël Buffet, Rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, investie des pouvoirs d’une commission d’enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023, Sénat, 9 avril 2024              .

([9]) Direction de la protection judiciaire de la jeunesse,  « Étude flash sur le profil des mineurs déférés à la suite des émeutes urbaines », ministère de la justice, 14 juillet 2023.

([10]) M. François-Noël Buffet, Rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, investie des pouvoirs d’une commission d’enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023, Sénat, 9 avril 2024.

([11]) M. François-Noël Buffet, Rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, investie des pouvoirs d’une commission d’enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023, Sénat, 9 avril 2024.

([12]) Direction de la protection judiciaire de la jeunesse,  « Étude flash sur le profil des mineurs déférés à la suite des émeutes urbaines », ministère de la justice, 14 juillet 2023.

([13]) Cons. const., décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002.

([14]) Cons. const., décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002.

([15]) Cons. const. 14 janv. 1999, n° 98-407 DC, cons. 9.

([16]) Cons. const. 23 janv. 1987, n° 86-224 DC, cons. 15.

([17]) Cons. const. 20 juill. 1988, n° 88-244 DC, cons. 12.

([18]) Ministère de la justice, « Réforme de la justice pénale des mineurs, un après son entrée en vigueur : quel bilan ? », septembre 2022.

([19]) Rapport d’information déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur la justice pénale des mineurs, et présenté par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, Assemblée nationale, XV ème législature, n° 1702, 20 février 2019.

([20]) Ibid.

([21]) Ministère de la justice, « Réforme de la justice pénale des mineurs, un après son entrée en vigueur : quel bilan ? », septembre 2022.

([22]) Rapport d’information déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, et présenté par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, Assemblée nationale, XVI ème législature, n° 1000, 22 mars 2023.

([23]) Cette mesure fusionne l’admonestation, la remise à parents et l’avertissement solennel.

([24]) Cette mesure fusionne l’ensemble des mesures de suivi éducatif avant et après la sentence qui étaient prévues par l’ordonnance de 1945.

([25]) Références statistiques justice, 2023.

([26]) Op. cit.

([27]) Direction de la protection judiciaire de la jeunesse,  « Étude flash sur le profil des mineurs déférés à la suite des émeutes urbaines », ministère de la justice, 14 juillet 2023.

([28])  Assemblée nationale, Rapport d’information sur la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, rapporteurs, XVI ème législature, 22 mars 2023.

([29])  Cass. Crim, 21 oct. 1998, n°98-83.843. À titre d’illustration, il a été jugé que la preuve de cette intention n’était pas rapportée dans le cas où un enfant avait trouvé des photographies pornographiques dans la chambre de son père, dès lors que ces photographies n’avaient pas été mises volontairement à la disposition du mineur.

([30])  Il est en effet exigé par la jurisprudence « que le manque de direction reproché à des parents ait gravement compromis la santé, la moralité, la sécurité ou l'éducation de leur enfant mineur » pour que l’infraction soit caractérisée, sans toutefois qu’il ne soit imposé « qu'il en soit résulté, pour celui-ci, un dommage ou une atteinte irréversible ». Voir en ce sens Cass. crim., 11 juil. 1994, n° 93-81.881. Voir également Cass. crim., 17 oct. 2001, n° 01-82.591 : le délit de soustraction à ses obligations légales n’est pas constitué à l’égard de parents ayant scolarisé leur fils, âgé de six ans, dans une école des adeptes du Sahaja Yoga en Inde, dès lors « que le rapport de l'enquête éducative ordonnée par le juge d'instruction et l'attestation délivrée par l'instituteur actuel de l'enfant révèlent que celui-ci ne présente aucun trouble physique ou psychique et qu'il est socialement bien intégré […] d'où il résulte que la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de l'enfant n'ont pas été gravement compromises ».

([31]) Poitiers, 5 mars 2009,n°08/01146, qui a jugé que « constituait un motif légitime le fait pour une mère ayant laissé son enfant d’un an, seul, endormi dans son lit au domicile familial, afin d’aller en boîte de nuit pour une durée initialement prévue de quatre heures, de revenir trois jours plus tard en raison d’un accident de la circulation l’ayant plongé dans le coma ». Décision citée dans Dalloz action « Droit de la famille », Chapitre 622 « Intégrité de l’enfant », Anne-Sophie Chavent).

([32]) Cette modification a été adoptée à l’initiative du Sénat et se fonde sur les motifs suivants : « comme l'a souligné la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs, cet article est trop peu appliqué (172 cas, donnant lieu à 132 condamnations en 2000), en raison de conditions restrictives : un lien de causalité entre la conduite des parents et les actes des mineurs et une intention de nuire. En pratique, l'article 227-17 du code pénal ne réprime que les faits les plus graves » (voir le rapport n° 370 de MM. Jean-Pierre Schosteck et Pierre Fauchon, déposé le 24 juillet 2002).

([33]) Réponse du ministère de la justice à la question écrite n° 4563 de Mme Marine Le Pen, JO 5 décembre 2023, p. 10954.

([34]) Rouen, 26 mai 2010, n°09/00898 ; Douai 18 sept. 2007, n°06-03187.

([35]) Douai, 15 fevr. 2006 : JCP 2006. IV. 2874.

([36]) Cass. crim. 20 juin 2018, n°17-84.128.

([37]) Cass. crim., 16 janv. 1974, Bull.crim. n°23.

([38]) Réponse du ministère de la justice à la question écrite n° 4563 de Mme Marine Le Pen, JO 5 décembre 2023, p. 10954.

([39]) Ministère de la justice, direction des affaires criminelles et des grâces / direction de la protection judiciaire de la jeunesse, circulaire du 5 juillet 2023 relative au traitement des infractions commises par les mineurs dans le cadre des violences urbaines et aux conditions d’engagement de la responsabilité de leurs parents.

([40]) Dalloz action « Droit de la famille », Chapitre 622 « Intégrité de l’enfant », Anne-Sophie Chavent (§ 622.209)  : « L’article 227-17 du code pénal permet sans nul doute de sanctionner les parents lorsque leur défaillance aura entraîné, avec certitude, des actes de délinquance de la part de leur enfant mineur ».

([41]) TGI Bourg-en-Bresse, 8 janv. 2003, Journal du droit des jeunes, vol. 225, n° 5, 2003, p. 58, cité dans Pierre Rousseau, « La responsabilité pénale des parents de mineurs délinquants ou criminels », 29 juin 2021, Le droit en débats, Dalloz. En l’espèce, une mère a été condamnée pour soustraction à ses obligations légales au motif qu’elle laissait ses enfants mineurs sortir la nuit sans contrôle ni suivi, lesquels avaient participé, en compagnie d’autres mineurs, à l’incendie de poubelles et à la dégradation d’un mur.

([42]) Voir notamment la décision du Conseil constitutionnel  2015-489 QPC du 14 octobre 2015, cons. 18.

([43]) Cons. const. N°99-411 DC du 16 juin 1999.

([44]) CEDH, 29 août 1997, E.L. et a.c/ Suisse.  .

([45])  Voir le commentaire de la décision  2011-625 DC du 10 mars 2011 sur la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, pages 25 à 27. Le Conseil constitutionnel reconnaît à titre exceptionnel que des présomptions de culpabilité peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors que les présomptions ne revêtent pas de caractère irréfragable, que le respect des droits de la défense est garanti et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité. Voir notamment la décision du Conseil constitutionnel  99-411 DC du 16 juin 1999 sur la loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs, cons. 5.

 

([46]) Par opposition à l’infraction dite « formelle » qui est caractérisée en l’absence de résultat.

([47]) Pierre Rousseau, « La responsabilité pénale des parents de mineurs délinquants ou criminels », 29 juin 2021, Le droit en débats, Dalloz.

([48]) Article 227-21 du code pénal : « Le fait de provoquer directement un mineur à commettre un crime ou un délit est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende (…) ».

([49]) Amendement n° CL60.

([50]) Amendement n° CL93.

([51]) Article 375 du code civil.

([52]) Article 375 du code civil.

([53]) Article 1183 du code de procédure civile.

([54]) Article 375-5 du code civil.

([55]) Article 375-2 du code civil.

([56]) Références statistiques justice, édition 2023.

([57]) Article 1182 du code de procédure civile.

([58]) Article 188 du code de procédure civile.

([59]) Articles 1182 et 1187 du code de procédure civile.

([60]) Article 1184 du code de procédure civile.

([61]) Article 375-1 du code civil.

([62]) Article 1191 du code de procédure civile.

([63]) Article 375-6 du code civil.

([64]) Article 375-7 du code civil.

([65]) Article 373-4 du code civil.

([66]) Articles 375-4  du code civil et 1189-1 du code de procédure civile.

([67]) Articles 375-4  du code civil.

([68]) Ministère de la justice, direction des affaires criminelles et des grâces / direction de la protection judiciaire de la jeunesse, circulaire du 5 juillet 2023 relative au traitement des infractions commises par les mineurs dans le cadre des violences urbaines et aux conditions d’engagement de la responsabilité de leurs parents.

([69]) Direction de la protection judiciaire de la jeunesse, « Étude flash sur le profil des mineurs déférés à la suite des émeutes urbaines, ministère de la justice, 14 juillet 2023.

([70]) Mme Sylvie Panetier, « Le rôle de l’avocat du responsable légal du mineur mis en cause devant le tribunal pour enfants », AJ Famille 2022, p. 465.

([71]) Ministère de la justice, direction des affaires criminelles et des grâces / direction de la protection judiciaire de la jeunesse, circulaire du 5 juillet 2023 relative au traitement des infractions commises par les mineurs dans le cadre des violences urbaines et aux conditions d’engagement de la responsabilité de leurs parents.

([72]) Amendements n°s CL94, CL95 et CL96.

([73]) Article 1242 du code civil, premier alinéa.

([74]) Cass. ass. plén., 9 mai 1984, n°79-16.612 ; Cass. ass plén, 13 dec. 2002, n°01-14.007, Bull. 2002, ass. plen., n°4.

([75]) Cass. ass. plén., 9 mai 1984, n°80-93.031.

([76]) Cass. civ. 2è, 2 dec. 1997, n°94-21.111.

([77]) Article 1313 du code civil : « La solidarité entre les débiteurs oblige chacun d'eux à toute la dette. Le paiement fait par l'un d'eux les libère tous envers le créancier. Le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. Les poursuites exercées contre l'un des débiteurs solidaires n'empêchent pas le créancier d'en exercer de pareilles contre les autres ».

([78]) Cass. ass. plén., 28 juin 2024, n°22-84.760.

([79]) Cass. civ. 2è, 20 janv. 2000, n°98-14.479, Bull. 2000 II, n°14.

([80]) Cass. crim. 6 nov. 2012, n°11-86.857, Bull. crim. 2012, n°241.

([81]) Cons. const., 21 avril 2023, n°2023-1045 QPC.

([82])  Cass. ass. plén., 28 juin 2024, n°22-84.760.

([83]) Article 18§1 de la convention internationale des droits de l’enfant : « Les Etats parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement ».

([84]) Mme Anne-Marie Leroyer, « Quel est le vrai fondement de la responsabilité des père et mère ? », RTD Civ., 2024, p. 628.

([85]) CE, 11 févr. 2005, n°252169.

([86]) Cass., crim., 10 oct. 1996, n°95-84.187 ; Cass. crim., 15 juin 2000, 99-85.240 ; Cass. civ. 2è, 6 juin 2002, n° 00-15.606.

([87]) Cass. crim., 8 janv. 2008, n°07-81.725.

([88]) Article 6-1 du code civil : « Le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, à l'exclusion de ceux prévus aux chapitres Ier à IV du titre VII du livre Ier du présent code, que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe ».

([89]) Loi n°2002-305 du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale.

([90])  Décision  2002-461 DC du 29 août 2002 sur la loi d’orientation et de programmation pour la justice, cons. 26 à 28.

([91]) La portée de cette règle est précisée dans le commentaire de l’article 5 au présent rapport.

([92]) Voir notamment la décision n° 2022-1034 QPC du 10 février 2023, parag. 8.

([93])  Voir le commentaire aux cahiers de la décision  2002-461 DC du 29 août 2002 sur la loi d’orientation et de programmation pour la justice, p. 4

([94])  La convocation par officier de police judiciaire est prévue à l’article 390-1 du CPP.

([95])  Décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 sur la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, cons. 34.

([96])  Décision  2002-461 DC du 29 août 2002 sur la loi d’orientation et de programmation pour la justice, cons. 47.

([97])  Décision  2007-553 DC du 3 mars 2007 sur la loi relative à la prévention de la délinquance, cons. 13 à 17.

([98])  Voir le commentaire aux cahiers de la décision  2007-553 DC du 3 mars 2007 sur la loi relative à la prévention de la délinquance.

([99])  Ce mode de saisine était prévu à l’article 8-3 de l’ordonnance du 2 février 1945.

([100])  Cette procédure est prévue à l’article L. 521-1 du CJPM.

([101])  Il s’agit du délit de refus de se soumettre aux opérations de prélèvements aux fins de relevés signalétiques.

([102]) En vertu des dispositions de l’article L. 521-26 du CJPM.

([103])  Cass. crim., 6 avril 2022, n° 22-80276.

([104]) Cass. crim., 4 octobre 2023, n° 23-81.794.

([105]) Selon les données rapportées par la Direction des affaires criminelles et des grâces du Ministère de la justice au cours de l’audition menée durant les travaux préparatoires.

([106]) Voir le rapport d’information déposé par la commission des Lois en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs présenté par M. Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier, pages 46 et 47.

([107]) Rapport d’évaluation sur la mise en oeuvre du code de la justice pénale des mineurs du Ministère de la justice d’octobre 2023, page 32.

([108]) Ibid., page34

([109])  Selon les données rapportées par la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse du Ministère de la justice au cours de l’audition menée durant les travaux préparatoires.

([110])  Ces exclusions sont prévues par l’article 397-6 du CPP, dont le second alinéa prévoit l’application de la procédure de comparution immédiate pour certains délits de presse.

([111]) Décision n° 2022-1034 QPC du 10 février 2023, parag. 11 et 12.

([112]) En vertu de l’article L. 322-3 du CJPM, le recueil de renseignements socio-éducatifs « est une évaluation synthétique des éléments relatifs à la personnalité et à la situation du mineur. Il donne lieu à un rapport contenant tous renseignements utiles sur sa situation ainsi qu'une proposition éducative ou une proposition de mesures propres à favoriser son insertion sociale ».

([113]) Amendements n° CL8 de M. Marc Pena, n° CL12 de Mme. Elsa Faucillon, n° CL32 de M. Jean-François Coulomme, n° CL39 de M. Pouria Amirshahi et n° CL49 de M. Sacha Houlié.

([114]) Amendement n° CL97 et n° CL100 de M. Jean Terlier, rapporteur.

([115]) Décision  2002-461 DC du 29 août 2002 sur la loi d’orientation et de programmation pour la justice, cons. 26 à 28.

([116]) Voir notamment la décision  2002-461 DC du 29 août 2002, précédemment citée, cons. 28.

([117]) En vertu de l’article L. 413-6 du CJPM.

([118]) En vertu de l’article L. 413-7 du CJPM et sous réserve des dispositions de l’article L. 413-11 du même code.

([119])  Voir le commentaire aux cahiers de la décision  2007-553 DC du 3 mars 2007 sur la loi relative à la prévention de la délinquance.

([120]) Ibid.

([121])  Voir la rédaction du deuxième alinéa de l’article 20-2 de l’ordonnance de 194 5dans sa version issue de l’article 60 de la loi du 5 mars 2007 disposant : « Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants ou la cour d'assises des mineurs peuvent décider qu'il n'y a pas lieu de faire application du premier alinéa, soit compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur, soit parce que les faits constituent une atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne et qu'ils ont été commis en état de récidive légale. Cette décision, prise par le tribunal pour enfants, doit être spécialement motivée, sauf si elle est justifiée par l'état de récidive légale. »

([122])  Décision  2007-553 DC du 3 mars 2007 sur la loi relative à la prévention de la délinquance, cons. 24 à 30.

([123])  Cette obligation figurait au troisième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945. Elle figure aujourd’hui à l’article L. 123-1 du CJPM.

([124]) Voir la rédaction du septième alinéa de l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 dans sa version issue de l’article 5 de la loi du 10 août 2007 disposant : « L'atténuation de la peine prévue au premier alinéa ne s'applique pas aux mineurs de plus de seize ans lorsque les infractions mentionnées aux 2° et 3° ont été commises une nouvelle fois en état de récidive légale. Toutefois, la cour d'assises des mineurs peut en décider autrement, de même que le tribunal pour enfants qui statue par une décision spécialement motivée. »

([125])  Décision  2007-554 DC du 9 août 2007 sur la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, cons. 25.

([126]) Selon les données de la Direction des affaires criminelles et des grâces du Ministère de la justice recueillies au cours de son audition par le rapporteur.

([127]) Décision  2007-554 DC sur la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, cons. 25.

([128]) Amendements n° CL9 de M. Marc Pena, n° CL13 de Mme Elsa Faucillon, n° CL33 de Mme Marianne Maximi, n° CL40 de M. Pouria Amirshahi, n° CL48 de M. Sacha Houlié.

([129]) Article L. 322-1 du CJPM.

([130]) Article D. 423-3 du CJPM. En vertu de l’article D. 322-6 du même code, « les éléments recueillis par le service éducatif dans le cadre de la mesure judiciaire d'investigation éducative portent notamment sur :

1° La situation matérielle et sociale de la famille, les relations en son sein ;

2° Les conditions d'éducation du mineur et d'exercice de l'autorité parentale ;

3° La prise en compte des besoins fondamentaux du mineur ;

4° La personnalité du mineur, son parcours de vie, son histoire familiale, ses réseaux de socialisation ;

5° Ses antécédents judiciaires et éducatifs, son positionnement par rapport aux faits reprochés et à la victime ;

6° Ses compétences psychosociales, son insertion scolaire et professionnelle ;

7° Son bien-être, sa santé physique et psychologique. »

([131]) Article L. 322-5 du CJPM.

([132])  Voir le commentaire de l’article 4 et notamment les développements relatifs à la procédure d’audience unique au c du 1.

([133]) Voir le rapport d’information déposé par la commission des Lois en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs présenté par M. Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier le 22 mars 2023, page 50 et recommandation n° 21. Voir également l’article 3 de la proposition de loi n° 1144 visant à conforter les principes du code de la justice pénale des mineurs, présentée par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, XVIème législature.

([134]) Amendement n° CL52.

([135])  Il s’agit du délit de refus de se soumettre aux opérations de prélèvements aux fins de relevés signalétiques.

([136])  Cass. crim., 6 avril 2022, n° 22-80276.

([137]) Voir le rapport d’information déposé par la commission des Lois en conclusion des travaux de la mission d’information n° 1000 (XVIe législature) sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs présenté par M. Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier le 22 mars 2023, page 47 et recommandation n° 16. Voir également l’article 4 de la proposition de loi n° 1144 visant à conforter les principes du code de la justice pénale des mineurs, présentée par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, XVIème législature.

([138]) Amendement n° CL53.

([139]) Circulaire présentant les dispositions du code de la justice pénale des mineurs du garde des Sceaux du 25 juin 2021, pages 19 et 20.

([140]) Voir le rapport d’information n  1000 (XVIe législature) déposé par la commission des Lois en conclusion des travaux de la mission d’information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs présenté par M. Jean Terlier et Mme Cécile Untermaier le 22 mars 2023, pages 46 et 47. Voir également l’article 5 de la proposition de loi n° 1144 visant à conforter les principes du code de la justice pénale des mineurs, présentée par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, XVIème législature.

([141]) Amendement n° CL54.

([142]) Amendement n° CL55.

([143]) Rapport d’information déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, et présenté par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, Assemblée nationale, XVI ème législature, n° 1000, 22 mars 2023.

([144]) Proposition de loi n°1144 visant à conforter les principes du code de la justice pénale des mineurs, présentée par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, Assemblée nationale, XVI ème législature, 25 avril 2023.

([145]) Rapport d’information déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, et présenté par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, Assemblée nationale, XVI ème législature, n° 1000, 22 mars 2023.

([146]) Ibid.

([147]) Rapport d’information déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur l’évaluation de la mise en œuvre du code de la justice pénale des mineurs, et présenté par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, Assemblée nationale, XVI ème législature, n° 1000, 22 mars 2023.

([148]) Ibid.

([149]) Amendement n° CL56.

([150]) Proposition de loi n°1144 visant à conforter les principes du code de la justice pénale des mineurs, présentée par Mme Cécile Untermaier et M. Jean Terlier, Assemblée nationale, XVI ème législature, 25 avril 2023.