N° 632

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE
ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession (n° 158),

 

par Mme Christine PIRÈS BEAUNE

Députée

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1ère lecture : 2056, 2204 et T.A. 246 (16e législature)

 2ème lecture : 158, 632 (17e législature)

Sénat : 1ère lecture : 374, 575, 576 et T.A. 125 (2023-2024)

 


SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

DONNÉES CLÉS

Commentaires des articles

Article 1er Encadrement des frais bancaires sur succession et cas de gratuité

1. La proposition de loi initiale

2. Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

3. Les modifications apportées par le Sénat

a. Une réécriture globale de l’article qui s’accompagne de changements de fond

i. Premièrement, la rédaction sénatoriale a conduit à inclure, dans le champ de la proposition de loi :

ii. Deuxièmement, la rédaction du Sénat modifie le seuil du montant total disponible sur les comptes au-dessous duquel les frais bancaires sont gratuits.

iii. Troisièmement, le Sénat est venu préciser le barème s’appliquant aux frais bancaires pour les opérations non soumises à la gratuité.

iv. Enfin, le Sénat a clarifié le contrôle de la bonne application des dispositions introduites par la proposition de loi.

b. Une précision de la notion d’opération manifestement complexe dans la loi plutôt que par voie réglementaire

c. Le décalage de l’entrée en vigueur du dispositif trois mois après la promulgation de la loi

4. La position de la commission

Article 2 Remise d’un rapport d’évaluation

1. Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

2. Les modifications apportées par le Sénat

3. La position de la commission

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR La RAPPORTEURe

 


 

   Avant-propos

Alors que la plupart des frais bancaires font l’objet d’un encadrement législatif, ceux liés aux opérations effectuées dans le cadre des successions échappent à toute régulation, étant fixés librement par les établissements bancaires.

Ils sont dès lors souvent perçus comme injustes et opaques. Ignorés lors du choix initial d’une banque, ces frais sont payés par les héritiers, contraints de les accepter sans les avoir choisis, renforçant ce sentiment d’injustice. Ils atteignent des montants élevés, souvent déconnectés des coûts réels supportés par les banques, représentant chaque année entre 125 et 200 millions d’euros, avec un montant moyen par succession de 303 euros, bien supérieur à celui observé ailleurs en Europe.

La présente proposition de loi vise à répondre à cette situation en instaurant un premier encadrement de ces frais. L’adoption à l’unanimité de ce texte en première lecture à l’Assemblée nationale, tant en commission qu’en séance, illustre le consensus qu’il suscite.

Le dispositif d’encadrement est consacré dès l’article 1er, qui prévoit l’introduction d’un barème et d’un plafond pour les frais applicables aux successions. Ce dispositif est complété par trois cas spécifiques pour lesquels aucun frais bancaire ne peut être prélevé : lorsque l’héritier justifie de sa qualité d’héritier pour les opérations dénuées de complexité manifeste, lorsque le montant total des soldes des comptes et des produits d’épargne est inférieur à un seuil et lorsque le détenteur des comptes était mineur à la date du décès.

Le Sénat a apporté plusieurs modifications significatives à cet article afin de clarifier le dispositif proposé. Il a élargi le champ d’application de la loi à de nouveaux instruments financiers, notamment les comptes de paiement et les produits d’épargne réglementée, à l’exception du plan d’épargne en actions. Le Sénat a également spécifié que le seuil du montant disponible sur les comptes pour entrer dans le deuxième cas de gratuité est fixé par référence à un arrêté ministériel, permettant sa progression en fonction de l’inflation. Le Sénat a également précisé les modalités d’encadrement des frais s’appliquant aux opérations non soumises à la gratuité au travers de la fixation d’un plafond de 1 % du montant total des comptes, complété par un plafond en valeur et un barème en pourcentage fixés par décret.

Par ailleurs, le Sénat a défini la notion d’opération manifestement complexe pour le premier cas de gratuité. Une telle opération est ainsi caractérisée par l’impossibilité pour la banque de réaliser l’opération bancaire dans un délai raisonnable combinée à l’existence d’un des quatre motifs de complexité suivants : l’absence d’héritier en ligne directe, un nombre de comptes à clôturer trop important, la présence de sûretés ou l’existence d’éléments d’extranéité. Enfin, le Sénat a repoussé la date d’entrée en vigueur de ces dispositifs à trois mois après la promulgation de la présente loi afin de permettre aux banques d’adapter leurs politiques tarifaires et au Gouvernement de finaliser la publication du décret d’application.

Le Sénat a adopté conforme l’article 1 bis relatif aux modifications nécessaires à apporter au code monétaire et financier pour que les habitants de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française et des îles de Wallis-et-Futuna bénéficient de cet encadrement.

Enfin, à l’exception de l’adoption d’un amendement rédactionnel, le Sénat a suivi l’avis de l’Assemblée nationale sur l’article 2. Celui-ci, inséré par voie d’amendement en première lecture, prévoit la remise d’un rapport d’évaluation du dispositif par le Gouvernement au Parlement. Il permettra ainsi de mesurer l’évolution des frais bancaires appliqués et l’efficacité de la loi adoptée.

Bien que cette proposition de loi comporte encore quelques axes d’amélioration, la rapporteure a souhaité, au stade de la commission, aboutir à une adoption conforme, dans l’attente d’un engagement du Gouvernement à l’inscrire avant février 2025 à l’ordre du jour du Sénat. Si un tel engagement se matérialise avant l’examen en séance publique, la rapporteure proposera quelques amendements permettant d’améliorer le dispositif, travaillés avec le Gouvernement, la Banque de France et l’UFC Que Choisir et recueillant, pour la très grande majorité d’entre eux, l’assentiment de M. Hervé Maurey, rapporteur du texte au Sénat. L’objectif est ainsi de viser une promulgation rapide de ce texte à la suite d’une adoption conforme au Sénat.

En premier lieu, la rapporteure envisage d’élargir le champ d’application de la proposition de loi à l’ensemble des opérations bancaires liées aux successions, sans se limiter aux seules clôtures de comptes. Cette modification viserait à inclure des frais tels que ceux liés au paiement de factures pour le compte des ayants droit, à l’évaluation des avoirs du conjoint survivant, ou encore aux successions internationales et à la gestion prolongée des dossiers non réglés. Une telle approche permettrait d’éviter le risque d’un transfert des frais de clôture vers d’autres catégories de frais successoraux.

Ensuite, il serait proposé d’exclure l’ensemble des plans épargne en actions (PEA) du périmètre de la proposition de loi, comme le plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME), de même que les comptes PME innovation et les plans d’épargne avenir climat (PEAC). En effet, la valorisation des avoirs disponibles sur ces livrets peut fluctuer de manière importante en fonction des périodes, rendant complexe l’appréciation de leur montant total.

Par ailleurs, la rapporteure souhaiterait redéfinir la notion d’opération manifestement complexe. En ce sens, il est envisagé de supprimer deux critères introduits par le Sénat, à savoir le nombre de comptes à clôturer et la notion de délai raisonnable, jugés insuffisamment précis et peu pertinents. Ces ajustements visent à clarifier les conditions d’application des exonérations au premier cas de gratuité et s’appuient sur les recommandations de la Banque de France et de l’UFC Que Choisir. En parallèle, deux nouveaux cas de complexité seraient introduits. D’une part, la présence d’un contrat de crédit, qui peut constituer un élément de complexité, notamment lorsqu’il est nécessaire de procéder à la vente d’un bien pour libérer le compte. Cette situation peut requérir l’intervention d’un notaire ainsi que des démarches supplémentaires de la part de l’établissement bancaire. D’autre part, la nature professionnelle du compte peut également être source de complexité. Les banques doivent entre autres vérifier que le défunt était en règle avec ses obligations fiscales et s’assurer que le compte ne soit pas le support de lignes de trésorerie en cours. Ces situations seraient donc exclues de la gratuité mais seraient soumises au dispositif d’encadrement des frais pouvant être prélevés. L’assentiment de M. Hervé Maurey quant à la suppression du délai raisonnable ainsi que l’introduction de ces deux nouveaux critères n’est, à date, pas assuré.

Une autre évolution concernerait le calendrier de mise en œuvre. Le délai initial de trois mois pour l’entrée en vigueur du dispositif serait porté à six mois après la promulgation de la loi. L’objectif est de laisser le temps au Gouvernement de finaliser et de publier le décret d’application nécessaire à la bonne mise en œuvre du dispositif. Ce laps de temps supplémentaire permettrait également aux banques d’adapter leurs grilles tarifaires et leurs procédures aux nouvelles obligations, notamment par le développement d’un système informatique capable de cibler les différents cas de gratuité et l’application du barème d’encadrement des frais.

Enfin, l’article 2 serait modifié afin d’inclure, dans le rapport remis par le Gouvernement au Parlement, une évaluation du nombre de personnes bénéficiant du dispositif de gratuité, permettant ainsi d’apprécier son efficacité et son effet réel.


 

   DONNÉES CLÉS


FONCTIONNEMENT DU MÉCANISME CRÉÉ PAR LE DISPOSITIF PRINCIPAL DE LA PROPOSITION DE LA LOI, TEL QUE MODIFIÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

*Absence d’héritier en ligne directe, nombre de comptes, suretés, extranéités.

Source : Assemblée nationale, commission des finances.

 


FONCTIONNEMENT DU MÉCANISME QUI SERAIT CRÉÉ PAR LE DISPOSITIF PRINCIPAL DE LA PROPOSITION DE LA LOI, TEL QUE PROPOSÉ PAr
MME LA RAPPORTEURE EN SÉANCE PULIQUE À L’ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE

Source : Assemblée nationale, commission des finances.

 


   Commentaires des articles

Origine de l’article : proposition de loi initiale.

Sort du Sénat : modifié.

Position de la commission : maintien de la rédaction du Sénat.

1.   La proposition de loi initiale

Dans sa rédaction initiale, cet article prévoyait deux dispositions essentielles :

– l’exonération des frais bancaires pour les successions dont les avoirs sur les comptes du défunt n’excèdent pas 5 000 euros ;

– au-delà de ce seuil, un alignement des frais sur les coûts réels supportés par les banques, selon une méthode de calcul à définir par décret.

Ces dispositions concernaient exclusivement les frais bancaires relatifs aux comptes de dépôt et aux comptes sur livret.

2.   Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

En première lecture, l’Assemblée nationale a profondément remanié le dispositif principal de la proposition de loi.

D’une part, elle a établi trois cas de gratuité pour les opérations bancaires liées aux successions :

– lorsque l’héritier, justifiant de sa qualité auprès de l’établissement bancaire, engage des opérations dépourvues de complexité manifeste, dont la définition est précisée par décret ;

– si le total des soldes des comptes et de la valorisation des produits d’épargne est inférieur à 5 000 euros. Cette rédaction reprend celle de la proposition de loi initiale tout en clarifiant les produits d’épargne pris en compte dans ce calcul, incluant l’épargne réglementée, à l’exception du plan d’épargne en actions ;

– dans les cas où le détenteur du compte était mineur à la date du décès.

D’autre part, l’Assemblée nationale a modifié l’approche relative à l’encadrement des frais non couverts par la gratuité. Au lieu d’une corrélation avec les coûts réels supportés par les banques, elle a opté pour la fixation d’un plafonnement de ces frais par voie réglementaire.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative de son rapporteur, le Sénat a introduit plusieurs modifications significatives au dispositif principal de la proposition de loi.

FONCTIONNEMENT DU MÉCANISME CRÉÉ PAR LE DISPOSITIF PRINCIPAL DE LA PROPOSITION DE LA LOI, TEL QUE MODIFIÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

*Absence d’héritier en ligne directe, nombre de comptes, suretés, extranéités.

Source : Assemblée nationale, commission des finances.

a.   Une réécriture globale de l’article qui s’accompagne de changements de fond

En commission, le Sénat a procédé à une réécriture de cet article afin de clarifier les trois cas de gratuité : lorsque l’héritier justifie de sa qualité d’héritier pour une procédure de clôture des comptes simplifiée, lorsque le montant total des comptes est inférieur à un seuil et lorsque le détenteur des comptes était mineur à la date du décès. Cette clarification rédactionnelle s’est accompagnée de modifications de fond.

i.   Premièrement, la rédaction sénatoriale a conduit à inclure, dans le champ de la proposition de loi :

– les produits d’épargne réglementée, à l’exception du plan d’épargne en actions (PEA). Alors que le texte de l’Assemblée nationale excluait l’épargne réglementée des opérations de clôture sans complexité manifeste mais l’incluait, sauf le PEA, pour les deux autres motifs de gratuité, le Sénat a harmonisé le périmètre des produits d’épargne concernés. L’exclusion du PEA vise à écarter les opérations jugées trop complexes pour les banques, inadaptées aux dispositifs ouverts par cette proposition de loi ;

– les comptes de paiement. Les établissements de paiement permettent l’ouverture de comptes facilitant les mouvements financiers sans passer par une banque classique, ces comptes ne pouvant être débiteurs. Le Sénat a inclus ce type de compte dans le champ de la proposition de loi afin de prendre en considération les nouveaux moyens de paiement, tels que Revolut ou N26 par exemple, souvent utilisés par les jeunes.

Ainsi, le champ de la proposition de loi couvre désormais les comptes de dépôt, les comptes de paiement, les comptes sur livret et les produits d’épargne réglementée, à l’exception du PEA.

Auditionnée, la Banque de France a attiré l’attention de la rapporteure sur l’absence d’exclusion de la totalité des PEA, comme le plan d’épargne en actions destiné au financement des petites et moyennes entreprises et des entreprises de taille intermédiaire (PEA-PME) du champ de la proposition de loi, alors qu’ils recouvrent le même caractère complexe.

ii.   Deuxièmement, la rédaction du Sénat modifie le seuil du montant total disponible sur les comptes au-dessous duquel les frais bancaires sont gratuits.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoyait d’inscrire directement dans la loi un seuil de 5 000 euros au-dessous duquel l’établissement teneur des comptes ne pouvait facturer aucun frais. Le Sénat a préféré renvoyer cette fixation à l’arrêté ministériel mentionné au 2° de l’article 312-1-4 du code monétaire et financier, qui encadre la procédure de clôture simplifiée des comptes. En vigueur depuis le 7 mai 2015, cet arrêté établit un seuil de 5 000 euros ajusté annuellement en fonction de l’inflation, une précision absente dans la rédaction de l’Assemblée. Actuellement, ce seuil serait de 5 909,95 euros.

Article 1 de l’arrêté du 7 mai 2015 pris en application de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier

Version en vigueur depuis le 15 mai 2015

Le montant mentionné au premier alinéa de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier est fixé à 5 000 euros.

Le montant mentionné au 1° de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier est fixé à 5 000 euros.

Le montant mentionné au 2° de l’article L. 312-1-4 du code monétaire et financier est fixé à 5 000 euros.

Les montants mentionnés au présent article sont revalorisés annuellement en fonction de l’indice INSEE des prix à la consommation hors tabac.

Ce seuil permettrait de faire automatiquement bénéficier de la gratuité des frais bancaires les trois premiers déciles de patrimoine net. Selon les données de l’Insee ([1]), le montant moyen des avoirs bancaires par individu est inférieur à 5 000 euros pour le troisième décile, contre plus de 10 000 euros pour le quatrième décile. Il concernerait donc environ 30 % de la population.

iii.   Troisièmement, le Sénat est venu préciser le barème s’appliquant aux frais bancaires pour les opérations non soumises à la gratuité.

La loi prévoit un encadrement des frais bancaires pouvant s’appliquer aux opérations exclues des trois dispositifs de gratuité. Concrètement, ce dispositif couvre :

– les opérations présentant un caractère manifestement complexe, dans le cas où les héritiers sont connus et lorsque le montant total des avoirs disponibles sur les comptes d’un défunt majeur est supérieur à 5 909,95 euros ;

– toutes les catégories d’opérations entrant dans le champ de la proposition de loi dès lors que les héritiers sont inconnus et que le montant total des avoirs disponibles sur les comptes d’un défunt majeur est supérieur à 5 909,95 euros.

Si la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale laissait le soin au pouvoir réglementaire de déterminer le seuil et le plafonnement de ces frais, le Sénat a introduit dans la loi des critères relatifs au barème applicable à ces opérations complexes. Ce dispositif d’encadrement repose sur un double mécanisme.

D’une part, les frais appliqués par les banques ne peuvent dépasser un double plafond :

– un plafond légal en pourcentage, fixé à 1 % du montant total des avoirs bancaires et produits d’épargne du défunt ;

– un plafond en valeur absolue, défini par décret. Ce plafond vise à contrecarrer un possible effet d’aubaine des banques par lequel elles seraient amenées à facturer des montants excessivement élevés en présence de sommes disponibles importantes sur les comptes. Par exemple, pour des avoirs supérieurs à 100 000 euros, l’application du seul plafond de 1 % aboutirait à des frais pouvant s’élever jusqu’à 1 000 euros.

D’autre part, ce mécanisme de plafonnement est complété par un barème en pourcentage dégressif selon le montant des avoirs, fixé par décret. L’objectif est d’empêcher une augmentation des frais appliqués par les banques, qui convergeraient vers le plafond de 1 % quels que soient les montants disponibles sur les comptes du défunt. Un tel barème rend ce phénomène impossible.

Selon les données de la Banque de France et de l’INSEE, ce mécanisme limiterait les frais bancaires à un maximum de 200 euros pour 80 % des consommateurs.

iv.   Enfin, le Sénat a clarifié le contrôle de la bonne application des dispositions introduites par la proposition de loi.

La nouvelle rédaction issue du Sénat habilite les agents de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et ceux de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCEF) à veiller au respect des dispositions de la proposition de loi par les établissements bancaires et de paiement.

b.   Une précision de la notion d’opération manifestement complexe dans la loi plutôt que par voie réglementaire

En séance, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur de la commission saisie au fond, avec avis défavorable du Gouvernement, venant préciser la notion d’opération présentant une complexité manifeste.

Contrairement au texte de l’Assemblée nationale, qui renvoyait au décret la définition des opérations complexes exclues du dispositif de gratuité, lorsque l’héritier justifie de sa qualité, le Sénat a opté pour une intégration directe dans la loi.

Ainsi, une opération est considérée comme manifestement complexe si elle présente l’une des caractéristiques suivantes, en plus de l’impossibilité de clôturer les comptes dans un délai raisonnable :

– l’absence d’héritiers mentionnés au 1° de l’article 734 du code civil, c’est‑à-dire les enfants et leurs descendants ;

– le nombre des comptes et produits d’épargne à clôturer ;

– la présence de sûretés constituées sur les comptes et produits d’épargne, comme un gage, un droit de rétention, un nantissement ou une hypothèque par exemple ;

– l’existence d’éléments d’extranéité.

Il revient au décret, pris après avis du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière, de déterminer les conditions d’application de ces critères.

Auditionnés par la rapporteure, la Banque de France et l’UFC Que Choisir ont fait part de leur incompréhension face au caractère englobant du délai raisonnable pour réaliser les opérations. Au-delà de la difficulté de le définir sans risquer une fixation arbitraire, le délai de réalisation des opérations bancaires de succession ne reflète pas toujours une complexité réelle. En effet, des facteurs externes à la banque, ainsi que la diligence des tiers, peuvent entraîner des durées variables sans pour autant rendre l’opération complexe. Ce critère pourrait même inciter certains établissements à prolonger délibérément la procédure pour éviter la gratuité des frais.

En outre, l’UFC Que Choisir a souligné que le critère du « nombre de comptes » ne tient pas compte du type de comptes à clôturer. Plus que la quantité de comptes à clôturer, c’est surtout la nature des comptes qui peut rendre les opérations complexes. Or, cette spécificité est prise en compte dès le champ d’application de la proposition de loi puisque les comptes impliquant des opérations complexes, comme les PEA ou les comptes titres ordinaires (CTO), en sont expressément exclus.

Objet de l’amendement n° 6 déposé par M. Maurey, au nom de la commission des finances, en première lecture au Sénat

Le présent amendement vise à préciser au niveau législatif les conditions d’application du cas de gratuité relatif aux successions les plus simples à traiter pour les établissements teneurs des comptes du défunt ou auprès desquels sont ouverts les produits d’épargne de celui-ci.

Pour ce faire, cet amendement prévoit une énumération limitative des critères permettant de qualifier l’existence d’une « complexité manifeste » s’agissant des opérations liées à la clôture des comptes et des produits d’épargne du défunt. Ces critères seront ensuite précisés par le décret mentionné au dernier alinéa de l’article L. 312-1-4-1 du code monétaire et financier, inséré par le présent article.

En effet, la référence à la notion de « complexité manifeste », inédite dans le code monétaire et financier, reste sujette à interprétation.

De fait, le présent article mentionne de manière générale la « complexité manifeste » des opérations liées à la clôture des comptes et des produits d’épargne du défunt, sans préciser de manière limitative les actions concernées et sans se référer à la condition d’un délai et d’un coût raisonnables.

Il convient dès lors de s’assurer que le Gouvernement ne disposera pas d’une marge trop importante pour la détermination d’une succession d’une complexité manifeste, conduisant à restreindre de fait l’application de la gratuité pour les successions dites simples. Il s’agit donc par le présent amendement de préciser l’intention du législateur pour éviter que le décret vide le dispositif législatif d’une partie de sa substance.

En conséquence, le présent amendement propose de limiter ces critères aux éléments suivants : l’absence d’héritiers mentionnés au 1° de l’article 734 du code civil, c’est-à-dire d’héritiers en ligne directe ; le nombre des comptes et produits d’épargne à clôturer ; la constitution de sûretés sur lesdits comptes et produits, notamment des nantissements ; l’existence d’éléments d’extranéité (par exemple un défunt dont la résidence fiscale serait située à l’étranger).

De surcroît, une telle complexité manifeste ne pourrait être qualifiée que dans le cas où celle-ci empêche la clôture des comptes et des produits d’épargne du défunt dans un délai raisonnable.

c.   Le décalage de l’entrée en vigueur du dispositif trois mois après la promulgation de la loi

En séance, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur, avec avis favorable du Gouvernement, visant à décaler l’entrée en vigueur du dispositif principal de trois mois après la promulgation de la loi.

Cette mesure, justifiée par des impératifs de sécurité juridique, a pour objectif de permettre :

– aux banques d’ajuster leurs grilles tarifaires et leurs procédures, notamment informatiques, aux nouvelles obligations ;

– au Gouvernement de finaliser et publier le décret d’application nécessaire à la mise en œuvre du dispositif.

4.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

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*     *

 


Origine de l’article : amendement adopté en commission à l’Assemblée nationale.

Sort du Sénat : modifié.

Position de la commission : maintien de la rédaction du Sénat.

1. Les modifications apportées par l’Assemblée nationale en première lecture

Cet article résulte d’un amendement proposé par Mme Marie-Christine Dalloz et adopté en commission suivant l’avis favorable de la rapporteure. En séance publique, il a été précisé par un amendement de la même auteure repris par la rapporteure et adopté avec avis favorable du Gouvernement.

L’article prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du décret d’application prévu à l’article 1er de la présente proposition de loi. Dans une démarche de transparence des données du secteur bancaire, ce rapport devra faire état des frais liés aux successions, de leur montant, de leur moyenne ainsi que de leur évolution. Il aura également pour objectif d’évaluer la loi un an après sa pleine entrée en vigueur, tout en vérifiant l’application effective de ses dispositions par les établissements bancaires et de paiement.

2. Les modifications apportées par le Sénat

La commission des finances du Sénat, sur l’initiative de son rapporteur M. Hervé Maurey, a adopté un amendement de coordination afin d’adapter la rédaction du présent article avec celle de l’article 1er tel que modifié par le Sénat. Il s’agit tout particulièrement de la suppression de la mention « d’établissements bancaires » afin d’inclure les établissements de paiement.

Lors de son audition, l’UFC Que Choisir a attiré l’attention de la rapporteure sur l’absence d’évaluation, dans ce rapport, du nombre de personnes bénéficiant de la gratuité des frais liés aux successions.

3. La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 27 novembre 2024, la commission des finances a examiné la proposition de loi visant à réduire et encadrer les frais bancaires de succession.

L’enregistrement audiovisuel de cette réunion est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Après avoir examiné les amendements et adopté aucun d’entre eux, la commission a adopté la proposition de loi visant à réduire et à encadrer les frais bancaires de succession non modifiée.

M. le président Éric Coquerel. Nous poursuivons avec le rapport de Mme Christine Pires Beaune sur la proposition de loi n° 158 visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession, que nous avions adoptée en première lecture en février dernier et qui revient modifiée du Sénat pour une deuxième lecture.

Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure. Les frais bancaires liés aux successions sont souvent perçus, à juste titre, par nos concitoyens comme incompréhensibles, voire profondément injustes.

Tout d’abord, ces frais échappent généralement à l’attention des titulaires de comptes au moment de choisir leur établissement bancaire. Ils sont en effet relégués aux dernières pages des brochures tarifaires et, de par leur nature ponctuelle, ne constituent pas un critère décisif dans le choix d’une banque. Ensuite, ils s’appliquent à des personnes qui n’ont pas eu la possibilité de les choisir : les héritiers, contraints de régler ces frais pour accéder aux comptes de leurs proches décédés. Enfin, dans un tel contexte, les banques se permettent d’imposer des tarifs élevés, bien souvent déconnectés des coûts réels des opérations effectuées. Ils représentent chaque année 125 à 200 millions d’euros, avec un montant moyen de 303 euros par succession, plus de deux fois supérieur à la moyenne européenne.

Ces frais ne font l’objet d’aucune régulation par les pouvoirs publics, malgré leur nature très spécifique. Cette situation est d’autant plus incompréhensible que la clôture d’un compte est une opération gratuite au titre de l’article L. 312-1-7 du code monétaire et financier.

Depuis l’adoption de la proposition de loi en première lecture, les pratiques commerciales ont peu évolué. Selon un relevé effectué le 1er novembre 2024 par le site internet MoneyVox, 122 établissements bancaires continuent d’appliquer des frais de traitement sur les successions. De surcroît, certains établissements ont procédé à des augmentations significatives de leurs tarifs – jusqu’à une multiplication par 1,5 –, alors que d’autres les ont baissés. À ce jour, seules deux banques sur 122 se conformeraient aux exigences de cette proposition de loi si elle était promulguée. Cette situation souligne l’urgence de mettre en place un encadrement rigoureux des frais bancaires liés aux successions.

Dans ce contexte, le présent texte prévoit un encadrement des frais bancaires applicables aux successions en établissant un barème proportionnel complété par un plafond en volume. Ce dispositif est complété par trois cas spécifiques dans lesquels aucun frais bancaire ne peut être prélevé : lorsque la procédure de clôture de compte ne présente aucune complexité manifeste ; lorsque le montant total disponible sur les comptes est inférieur à un seuil défini ; lorsque le détenteur des comptes était mineur à la date du décès. Deux schémas vous ont été transmis ; le premier illustre la version du texte issue du Sénat et le second présente les conséquences de l’adoption des amendements que j’envisage de déposer en séance publique.

Le Sénat a procédé à des modifications significatives du texte, dont trois doivent retenir notre attention. D’abord, pour le premier cas de gratuité, les critères caractérisant une opération complexe ont été définis. Ainsi, une opération est considérée comme manifestement complexe lorsque la banque se trouve dans l’impossibilité de l’exécuter dans un délai raisonnable et en présence de l’un des quatre motifs de complexité suivants : absence d’héritier en ligne directe, nombre excessif de comptes à clôturer, présence de sûretés ou existence d’éléments d’extranéité.

Ensuite, le seuil du montant des soldes permettant de bénéficier du deuxième cas de gratuité est défini par arrêté ministériel, assurant son ajustement en fonction de l’inflation. À ce jour, ce seuil s’élèverait à 5 909 euros.

Enfin, les frais s’appliquant aux opérations non soumises à la gratuité sont désormais encadrés par un double mécanisme : un barème en pourcentage ne pouvant dépasser 1 % des avoirs totaux présents sur les comptes du défunt, complété par un plafond en valeur.

La rédaction de la proposition de loi, telle que proposée par le Sénat, comporte encore quelques axes d’amélioration. Je pense notamment à la définition des cas de complexité, où les notions de « nombre de comptes » et de « délai raisonnable » restent insuffisamment précises, laissant aux banques une marge d’interprétation trop large. Toutefois, compte tenu du contexte politique et de l’importance pour nos concitoyens d’une adoption rapide de ce texte, je vous propose, en commission, de l’adopter sans modification. Je remercie à cet égard M. Labaronne d’avoir retiré ses quatre amendements.

Je suis actuellement en discussion avec le gouvernement et le Sénat pour obtenir un engagement à inscrire ce texte à l’ordre du jour au plus vite. Si cet engagement se concrétise avant la séance du 2 décembre, je déposerai quelques amendements destinés à affiner la rédaction adoptée par le Sénat et je vous proposerai de déposer des amendements identiques. Ces amendements sont en cours d’élaboration avec le sénateur Hervé Maurey, rapporteur de la proposition de loi, afin de permettre une adoption conforme du Sénat en seconde lecture. L’objectif est ainsi de viser une promulgation rapide de ce texte, avant la fin du mois de février 2025.

Il y a un peu moins d’un an, cette proposition de loi était adoptée à l’unanimité, tant en commission qu’en séance. Elle a été améliorée en collaboration avec le gouvernement et le Sénat, et en intégrant les réflexions de la Banque de France, de l’UFC-Que choisir et de la Fédération bancaire française (FBF). La semaine prochaine, elle sera examinée en séance publique, dans le cadre de la niche transpartisane. Je forme le vœu que l’esprit de consensus qui a prévalu en première lecture perdure tout au long de nos travaux sur cette proposition de loi.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Nous débattons d’un sujet important, afin de réparer une injustice sociale : les frais bancaires appliqués lors des successions, qui concernent des milliers de familles françaises souvent confrontées à des frais exorbitants et parfois injustifiés qui alourdissent une épreuve difficile. Le montant forfaitaire pénalise les plus petits héritages et soustrait une partie du fruit du travail d’une vie au profit des établissements bancaires. Faute d’encadrement, ces frais augmentent chaque année et varient de manière incohérente d’un établissement à l’autre. Il n’est pas rare qu’une succession de 20 000 euros occasionne des frais supérieurs à 500 euros, ce qui n’est pas acceptable.

Comme l’an dernier, nous soutenons cette proposition de loi qui vise à plafonner ces frais à 1 % des sommes détenues, avec un barème dégressif, et prévoit la gratuité pour les successions les plus modestes. Ces mesures sont essentielles pour garantir une égalité de traitement entre les citoyens, quelle que soit leur situation financière.

Nous devons agir dès maintenant pour mettre fin à la spoliation des familles après le décès d’un proche. L’encadrement des frais bancaires est une nécessité impérieuse, non seulement pour alléger le fardeau des héritiers, mais aussi pour leur permettre de jouir pleinement du bien qui leur est légué. Le groupe Rassemblement national soutient fermement cette proposition de loi, qu’il votera. Il y va de la dignité des Français.

M. Daniel Labaronne (EPR). Cette proposition de loi a été adoptée à l’unanimité en première lecture et ce consensus témoigne de la nécessité de réparer une injustice flagrante. Elle vise à encadrer les frais bancaires liés aux comptes de paiement et aux livrets d’épargne des défunts, en veillant à ce qu’ils soient strictement proportionnés aux coûts réellement supportés par les banques. Ces frais peuvent atteindre des sommes très importantes, qui varient significativement entre établissements bancaires.

Depuis 2017, le gouvernement s’est engagé à réduire les frais bancaires ; nous y avons travaillé collectivement, notamment pour les personnes en situation de fragilité financière. Cependant, certaines pratiques demeurent choquantes, comme le prélèvement de frais sur les comptes d’enfants décédés. Nous ne pouvons plus tolérer que des familles déjà bouleversées par le deuil soient en outre pénalisées par des frais injustifiés.

Par conséquent, le groupe Ensemble pour la République soutiendra cette proposition de loi, selon la chorégraphie indiquée par la rapporteure. Je la remercie de nous donner la possibilité de déposer des amendements identiques aux siens pour l’examen en séance publique. D’ici là, je réfléchirai au sort que je réserve à ceux que j’ai retirés aujourd’hui.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous sommes favorables à cette proposition de loi.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Les frais bancaires liés aux successions échappent à toute régulation. Souvent excessifs, variables selon les banques, ils sont deux à trois fois plus élevés en France qu’en Europe.

La présente proposition de loi, défendue par Christine Pirès Beaune et le groupe Socialistes et apparenté, vise à les encadrer, en garantissant leur transparence et leur adéquation aux coûts réels, et en exonérant les petites successions. Nous appelons tous nos collègues à soutenir ces mesures de justice sociale.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Cette proposition de loi traite d’un réel problème : l’opacité des frais bancaires pratiqués par les établissements lors des successions. Leur montant total, estimé entre 125 et 200 millions, est anormalement élevé au regard des pratiques dans les pays voisins : il est environ trois fois supérieur aux montants constatés en Belgique ou en Italie.

De nombreuses études ont dénoncé cette situation. Celle de l’UFC-Que choisir, publiée en février 2024, estimait que pour une succession de 20 000 euros, les frais s’échelonnaient de 80 à 527,50 euros. Il importe de mettre fin à ces pratiques et cette proposition de loi va dans le bon sens en matière d’allégement des frais bancaires de succession. Lors de la première lecture, j’avais déposé à l’article 2 un amendement visant à produire un rapport d’évaluation, afin de mesurer l’impact du dispositif. En tout état de cause, le groupe Droite républicaine votera favorablement la proposition de loi.

Par ailleurs, je suis un peu surprise, madame la rapporteure, que vous nous invitiez à déposer des amendements identiques aux vôtres pour l’examen du texte en séance publique. Nous en convenons tous, il faut que cette loi soit rapidement adoptée, mais cela laisse très peu d’initiative aux parlementaires.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Sans aller jusqu’à l’interdiction totale des frais bancaires sur les comptes des défunts, comme c’est le cas en Allemagne, nous soutenons le travail de la rapporteure et souhaitons aboutir à un vote conforme. Cela permettrait de réduire les écarts avec la Belgique, l’Italie ou l’Espagne, et de soulager nos concitoyens dans le moment difficile qu’est le deuil.

L’association de défense des consommateurs avait mis en lumière certains cas de figure, dans lesquels les frais bancaires de succession atteignaient 200 euros pour un montant de 500 euros figurant sur le compte. De tels cas s’apparentent à de graves confiscations requérant notre intervention.

Des améliorations sont toujours possibles, en particulier dans la chorégraphie à venir, comme l’a dit M. Labaronne avec poésie. Nous espérons cependant qu’il ne s’agira pas d’un pas de deux avec le gouvernement. Cette version du texte, enrichie par quelques garanties apportées par le Sénat, constitue déjà une évolution importante. Son adoption par notre commission permet de faire progresser le sujet, qui est en discussion depuis trop longtemps déjà. Nos concitoyens attendent que nous mettions fin à cette trop grande latitude accordée aux banques, qui engendre des disparités significatives.

Mme Sophie Mette (Dem). Le texte que nous examinons n’est pas nouveau, il poursuit un travail législatif entamé en février dernier, sous la précédente législature. À l’unanimité, nous avions collectivement approuvé la nécessité d’apporter des réponses législatives rapides à un angle mort de la régulation des frais bancaires.

Si beaucoup a été fait en la matière depuis 2017, notamment pour les publics fragiles, les frais bancaires sur les successions restent encore trop peu régulés, permettant aux banques d’en fixer librement les montants. Dans certains cas, ces frais représentent plus de la moitié de la somme concernée. Ces dérives sont totalement inacceptables ; les instances de concertation de place n’étant pas parvenues à aboutir à un accord après trois ans de négociations, il est logique de légiférer pour y mettre fin.

En première lecture, un travail très constructif avait permis d’aboutir à un dispositif de régulation efficace et équilibré, notamment grâce au travail de la rapporteure, que je tiens à saluer. Au Sénat, sous l’impulsion du sénateur centriste Hervé Maurey, dont je salue également le travail, le dispositif a été amélioré par deux principales évolutions. Tout d’abord, le seuil de gratuité, qui était fixé à 5 000 euros, est désormais remplacé par une référence au seuil, fixé par arrêté, relatif à la procédure des comptes simplifiés, afin d’assurer son adaptation automatique dans le temps. Ensuite, le barème relatif au plafonnement des frais a été précisé dans le domaine de la loi par l’institution d’une limite de 1 % du montant total des sommes détenues par l’établissement, et par un plafond en valeur dont le montant sera fixé par décret. Cet encadrement du champ d’intervention du pouvoir réglementaire est bienvenu pour renforcer la sécurité juridique du dispositif et éviter que le décret vide le dispositif législatif d’une partie de sa substance.

Considérant qu’il est nécessaire d’apporter rapidement davantage de justice et de transparence dans l’application des frais bancaires sur succession, et que le dispositif proposé est satisfaisant, le groupe Les Démocrates votera cette proposition de loi.

M. Christophe Plassard (HOR). La perte d’un proche est une épreuve personnelle, à laquelle s’ajoutent parfois des épreuves administratives que nous devons réduire au strict nécessaire. Depuis 2017, plusieurs mesures ont été prises pour mieux encadrer les frais bancaires, notamment pour les plus fragiles, mais nous devons encore faire avancer la question spécifique des frais de succession, qui varient du simple au quadruple selon les banques.

D’après l’UFC-Que choisir, dont je salue le travail, ces frais représentent une manne de 150 millions pour les banques. Pour les Français, plongés dans le deuil, ils représentent 300 euros en moyenne. Ce ne sont pas tant les sommes qui sont condamnables, que la méthode. D’abord, parce que lors de la signature de leur contrat, les clients lisent très rarement, pour ne pas dire jamais, les dispositions applicables en cas de décès, ce qui accentue l’opacité de ces frais. Ensuite, parce que quand les proches reçoivent la facture, ils ont très rarement, pour ne pas dire jamais, le cœur à examiner les détails. Ils règlent ces frais, qui sont deux fois plus élevés que chez nos voisins.

Permettez-moi de saluer le travail effectué par la rapporteure pour réécrire cette proposition de loi. Je me réjouis de l’inscription à l’ordre du jour de ce texte, adopté à l’unanimité en première lecture, tant à l’Assemblée sous la précédente législature qu’au Sénat. Il prouve que malgré l’éclatement politique, nous pouvons voter des textes utiles. Le groupe Horizons & indépendants salue cette démarche et votera ce texte.

M. Michel Castellani (LIOT). Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutient également ce texte et se réjouit de son examen en seconde lecture. Défendu avec beaucoup de conviction par Christine Pirès Beaune, il répond à une attente de nos concitoyens. Il s’agit de mettre fin à des pratiques bancaires discutables, dans des moments particulièrement douloureux pour les familles. Notre groupe avait d’ailleurs déposé une proposition de loi allant dans le même sens, défendue par Charles de Courson et Bertrand Pancher.

M. Gérault Verny (UDR). Le groupe UDR se réjouit de l’examen de ce texte de bon sens ; l’encadrement des pratiques bancaires dans le cadre des successions était nécessaire. Notre groupe est attaché à la protection des héritiers contre les pratiques bancaires abusives, et à la simplification des démarches successorales souvent jugées complexes et coûteuses. La réduction des frais bancaires, qui peuvent représenter un coût important pour eux, est également nécessaire. Cette proposition de loi vise à limiter ces frais grâce à des plafonds, mais il est également important de soutenir les héritiers modestes, en les diminuant ou en les annulant. Le groupe UDR votera ce texte.

M. le président Éric Coquerel. Je suis d’accord avec Christine Arrighi, nous devrions procéder comme en Allemagne et supprimer tout frais bancaires sur les successions, ces derniers pouvant s’apparenter à un impôt privé, intervenant qui plus est au pire moment. Ce texte va néanmoins dans le bon sens, même s’il faudra bien qu’un jour les banques cessent de considérer leurs clients comme des vaches à lait.

La parole est à Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). J’aimerais avoir une explication sur le schéma, concernant le cas des héritiers connus.

Mme Christine Pirès Beaune, rapporteure. Le second schéma qui vous a été transmis présente les conséquences de l’adoption en séance publique des amendements dont je vais vous dire un mot. Le Sénat a prévu un « délai raisonnable » qui pose problème ; il est cumulatif avec les autres cas de complexité ; par conséquent, s’il est conservé dans le texte définitif, une banque pourra considérer qu’un cas est suffisamment complexe et procéder à une facturation dès lors que le délai dépassera celui qui aura été fixé par décret. Notre objectif consiste donc à supprimer la notion de « délai raisonnable », comme dans le second schéma.

Permettez-moi de remercier la conférence des présidents qui a retenu ce texte et l’a inscrit à l’ordre du jour de la séance publique la semaine prochaine. Je vous remercie également tous, non seulement pour le vote unanime en première lecture, mais aussi pour vos prises de position ce matin.

Madame Dalloz, je propose aux députés de déposer des amendements identiques aux miens, mais je ne vous empêche nullement d’en déposer d’autres !

Si nous obtenons l’accord du gouvernement, comme je l’espère, six points feront l’objet d’amendements en séance publique : l’élargissement de la proposition de loi à l’ensemble des opérations et des frais bancaires, au-delà des seuls frais de clôture, grâce à une rédaction plus précise ; l’exclusion de l’ensemble des plans d’épargne en actions (PEA) du champ de la proposition de loi ; avec l’accord du sénateur Hervé Maurey, la suppression du critère du nombre de comptes, ajouté par le Sénat aux trois autres critères de complexité, parce que c’est la nature du compte qui fait la complexité de l’opération et non le nombre ; la suppression du critère englobant du délai raisonnable, comme je viens de l’expliquer ; en accord également avec le sénateur Hervé Maurey et avec le gouvernement, le report de la date d’entrée en vigueur du dispositif, un délai de trois mois étant évidemment trop court ; la prise en compte du nombre de bénéficiaires de la gratuité dans l’évaluation du dispositif.

 

 

Article 1er : Encadrement des frais bancaires sur succession et cas de gratuité

 

La commission adopte l’article 1er non modifié.

 

 

Article 2 : Remise d’un rapport d’évaluation

 

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.


   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR La RAPPORTEURe

Banque de France :

– Mme Véronique Bensaid-Cohen, conseillère parlementaire auprès du Gouverneur ;

– Mme Hélène Arveiller, adjointe à la directrice des services aux particuliers ;

– M. Grégoire Vuarlot, directeur du Contrôle des pratiques commerciales à l’Autorité du contrôle prudentiel et de résolution ;

– M. Gabriel Preguica, chargé de mission auprès de Véronique Bensaid‑Cohen.

UFC Que Choisir * :

– M. Antoine Autier, responsable des études et du lobbying ;

– Mme Juliette Woods, chargée de mission banque et assurance.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Citées par « Sénat, rapport fait au nom de la commission des finances sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réduire et à encadrer les frais bancaires sur succession (n° 575), par M. Hervé MAUREY ».