N° 637

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 novembre 2024.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI,
visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés (n° 380)

PAR M. Jean-Luc FUGIT

Député

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 Voir le numéro : 380.


   SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

I. L’interdiction de principe de la pulvÉrisation aÉrienne des traitements phytosanitaires

A. DES dÉrogations trÈs encadrÉes par le droit europÉen

1. Le cadre européen de l’usage des produits phytopharmaceutiques

2. Le régime de la pulvérisation aérienne

B. DES dÉrogations exceptionnelles en droit français

II. L’intÉrÊt d’un rÉgime dÉrogatoire pour les drones agricoles

A. Une technologie potentiellement bénéfique pour la santÉ humaine et l’environnement

1. Les expérimentations conduites au cours de la période 2019-2021

2. Des enseignements nettement positifs

a. Le recours aux drones est une solution adaptée à certains contextes

b. Le recours aux drones contribue à réduire sensiblement la pénibilité et les risques pour la santé humaine et l’environnement dans les cas les plus complexes

i. La réduction de la pénibilité et des risques d’accident du travail

ii. La diminution marquée de l’exposition des travailleurs

iii. La moindre dégradation de l’environnement

iv. L’allègement du bilan carbone de l’agriculture

B. UNE utilisation qui s’inscrira dans un cadre réglementaire rigoureux

1. La réglementation aérienne

2. Les autorisations de mise sur le marché

Commentaires des articles

Article 1er (art. L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) Levée de l’interdiction de la pulvérisation aérienne de certains produits phytopharmaceutiques pour des traitements par drone sur certains types de parcelles ou sur certaines cultures

Article 2 Gage financier

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnées

 


 

  avant-propos

I.   L’interdiction de principe de la pulvÉrisation aÉrienne des traitements phytosanitaires

A.   DES dÉrogations trÈs encadrÉes par le droit europÉen

1.   Le cadre européen de l’usage des produits phytopharmaceutiques

Les produits phytopharmaceutiques (ou phytosanitaires) sont définis par l’article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ([1]), repris à l’article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, comme des substances actives ou des préparations contenant une ou plusieurs substances actives qui peuvent être directement utilisées, notamment, pour protéger les végétaux contre les organismes nuisibles ou prévenir leur action, détruire les végétaux indésirables ou prévenir leur croissance.

Cela inclut les produits issus de synthèse chimique, mais également des produits d’origine naturelle (comme le cuivre utilisé en agriculture biologique) et les micro-organismes (comme les champignons et les bactéries). Cette définition exclut en revanche les macro-organismes (les insectes, par exemple) et certaines préparations à base d’extraits d’origine naturelle, dites « préparations naturelles peu préoccupantes » (PNPP).

Prévenant la destruction des végétaux par les maladies ou les parasites, les produits phytopharmaceutiques jouent un rôle important pour la productivité de l’agriculture et la souveraineté alimentaire européennes.

Dans la mesure où ils sont composés de substances actives susceptibles d’avoir des effets nocifs sur d’autres organismes que ceux qui sont visés, ces produits sont néanmoins soumis à une réglementation exigeante afin de protéger les santés humaine et animale, ainsi que de limiter au maximum les répercussions indésirables sur l’environnement.

Le règlement 1107/2009 précité, texte de référence dans ce domaine, encadre la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et leur utilisation : si les substances actives doivent être préalablement approuvées au niveau européen, les produits phytopharmaceutiques doivent obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans chaque pays membre. En France, elle est délivrée après évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). L’AMM définit les conditions d’utilisation et les usages pour lesquels le produit est autorisé. Il faut, en outre, posséder un certificat individuel phytosanitaire (appelé « Certiphyto » en France) pour les conseiller, les vendre ou les utiliser.

Le règlement est complété par la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, dite directive « SUD ». Cette directive a pour objectif de réduire les risques et les effets de l’usage des produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine et l’environnement ; pour ce faire, elle encourage la réduction de leur utilisation et renforce les exigences en matière de formation, de surveillance, de matériel et concernant certaines utilisations.

À ce titre, considérant que « la pulvérisation aérienne de pesticides est susceptible d’avoir des effets néfastes importants sur la santé humaine et l’environnement, à cause notamment de la dérive des produits pulvérisés » (paragraphe 14) au-delà des zones traitées, elle préconise de l’interdire d’une manière générale, avec la possibilité de dérogation sous conditions précises.

2.   Le régime de la pulvérisation aérienne

L’article 9 de la directive SUD prévoit ainsi que « les États membres veillent à ce que la pulvérisation aérienne soit interdite ».

Il autorise néanmoins des dérogations à cette interdiction, à condition qu’elles répondent à différents critères cumulatifs :

– « il ne doit pas y avoir d’autre solution viable, ou la pulvérisation aérienne doit présenter des avantages manifestes, du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement, par rapport à l’application terrestre des pesticides » ;

– les pesticides utilisés doivent être expressément approuvés pour la pulvérisation aérienne par l’État membre à la suite d’une évaluation spécifique des risques liés à la pulvérisation aérienne ;

– l’opérateur doit être titulaire d’un certificat phytosanitaire, de même que l’entreprise responsable de la pulvérisation aérienne ;

– l’aéronef est équipé d’accessoires qui constituent la meilleure technologie disponible pour réduire la dérive de la pulvérisation.

Il est également exigé que si la zone à pulvériser est à proximité immédiate de zones ouvertes au public, l’autorisation comprenne des mesures particulières de gestion des risques afin de s’assurer de l’absence d’effets nocifs pour la santé des passants. Enfin, la zone à pulvériser ne doit pas être à proximité immédiate de zones résidentielles.

Les autorités compétentes désignées par les États pour examiner et approuver les programmes d’application arrêtent aussi les conditions spécifiques d’application, ainsi que les mesures d’informations des riverains et passants.

L’article 9 de la directive prévoit la possibilité d’autoriser des applications aériennes isolées « dans des circonstances particulières relevant de l’urgence ou de situations difficiles ».

B.   DES dÉrogations exceptionnelles en droit français

Ces dispositions de la directive SUD ont été transposées en droit français par l’ordonnance n° 2011‑840 du 15 juillet 2011 relative à la mise en conformité des dispositions nationales avec le droit de l’Union européenne sur la mise sur le marché et l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

À l’article 1er de l’ordonnance, le législateur français a introduit, à l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, le principe de l’interdiction de la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques, tout en prévoyant que des autorisations pouvaient être délivrées par dérogation à ce principe.

Le législateur français a d’abord repris les deux hypothèses de dérogation à l’interdiction permises par le droit européen au a) du paragraphe 2 de l’article 9 de la directive SUD, c’est-à-dire « lorsqu’un danger menaçant les végétaux, les animaux ou la santé publique ne peut être maîtrisé par d’autres moyens ou si ce type d’épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement par rapport à une application terrestre ».

L’article 68 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a supprimé la possibilité d’autoriser la pulvérisation aérienne lorsque ce type d’épandage présente des avantages manifestes pour la santé et l’environnement par rapport à une application terrestre, pour ne retenir que le cas d’un danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens.

Cette disposition est issue d’un amendement présenté par le Gouvernement ([2]), dont il ressort de la lecture de l’exposé sommaire que l’objectif est de mettre un terme aux épandages par voie aérienne de produits phytopharmaceutiques dès lors que cette pratique présente les risques les plus importants de dérive atmosphérique des produits. Mais à aucun moment l’épandage par drone n’est envisagé dans ces discussions.

II.   L’intÉrÊt d’un rÉgime dÉrogatoire pour les drones agricoles

Le drone est un « système d’aéronef sans équipage à bord » au sens du règlement d’exécution (UE) 2019/947 de la Commission du 24 mai 2019 concernant les règles et procédures applicables à l’exploitation d’aéronefs sans équipage à bord. L’article 9 de la directive SUD ne distinguant pas spécifiquement le cas des applications par drone, ces dernières doivent se conformer aux exigences applicables à « toute application de pesticides par aéronef (avion ou hélicoptère) ».

De fait, la technologie était encore balbutiante lorsque ce texte a été adopté. Mais il n’est pas contestable qu’un drone est un engin volant. Le droit français et le droit européen appliquent donc à l’épandage par drone les mêmes règles qu’à l’épandage par un avion ou un hélicoptère.

Pourtant, avec les progrès technologiques réalisés ces dernières années, les drones permettent une pulvérisation beaucoup plus proche des plantes, qui réduit fortement les phénomènes de dérive par rapport aux autres aéronefs, et présentent potentiellement d’importants bénéfices pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux outils d’application terrestre dans différents contextes culturaux.

De fait, quelques pays européens comme l’Allemagne (sur les vignes en forte pente), la Suisse, la Belgique et le Luxembourg, ont commencé à autoriser le recours aux drones dans certaines hypothèses.

Rappelons en outre que la révision de la directive SUD – qui serait devenue le règlement SUR si le processus n’avait été mis en suspens à la fin de l’année 2023 – envisageait d’assouplir les règles pour les drones.

A.   Une technologie potentiellement bénéfique pour la santÉ humaine et l’environnement

1.   Les expérimentations conduites au cours de la période 2019-2021

La technologie des drones s’est rapidement affinée ces dernières années. Ceux-ci sont d’ores et déjà utilisés pour le diagnostic : en étudiant de près les parcelles, ils permettent de repérer plus tôt et plus précisément les attaques d’adventices et contribuent ainsi à réduire les quantités de produits phytopharmaceutiques utilisés. Mais l’application terrestre des traitements étant très tributaire de l’état du sol, il peut s’écouler un certain temps entre le repérage et les pulvérisations.

Le renforcement et l’amélioration des drones ont également permis d’envisager une approche plus adaptée à certaines configurations des parcelles ou des cultures qui compliquent particulièrement les traitements depuis le sol.

À l’initiative de l’Assemblée nationale, l’article 82 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous a prévu une expérimentation de trois ans, du 30 octobre 2018 au 29 octobre 2021, afin de déterminer les bénéfices liés à l’utilisation de drones pour le traitement phytosanitaire des parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %.

Six essais ont été autorisés en 2020 et 2021 sur des vignes en pente. Deux essais supplémentaires, n’ayant pas nécessité d’autorisation car ils n’utilisaient que des produits traceurs inertes, ont été menés sur des pommiers et des bananiers. L’essai portant sur les bananiers a été conduit en collaboration avec l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ([3]).

Comme le prévoyait la loi, les rapports d’essais ont été transmis à l’Anses afin que soit réalisée une synthèse des résultats obtenus et que soit évaluée la capacité de cette technologie à réduire les risques pour la santé et l’environnement.

2.   Des enseignements nettement positifs

a.   Le recours aux drones est une solution adaptée à certains contextes

L’avis scientifique et technique du 1er juillet 2022 de l’Anses ([4]) s’est appuyé sur les résultats des huit essais conduits entre 2020 et 2021, mais également sur les données de douze essais menés entre 2018 et 2020 dans le vignoble suisse, publiées dans la Revue suisse Viticulture, Arboriculture, Horticulture ([5]), en les comparant à des essais réalisés par l’Institut français de la vigne entre 2019 et 2021.

Cette analyse établit qu’en termes d’efficacité pour la lutte contre les ravageurs des cultures, « les performances d’applications par drone apparaissent plus faibles et plus variables que celles d’applications par matériel terrestre ».

Mais elle conclut également que « les drones pourraient offrir une qualité de pulvérisation assez similaire à celle de matériels terrestres en cas de volume foliaire peu important et/ou de port végétatif ouvert ». De même, si l’efficacité du traitement par drone est évaluée à un niveau inférieur pour certaines maladies, « notamment en cas de fortes pressions en mildiou ou en oïdium », « des performances comparables entre les traitements par drone et par pulvérisateurs terrestres (atomiseur, turbodiffuseur) ont été notées dans le cas de faibles pressions en maladies » et des « tendances contraires ont été observées sur pourriture grise (3 essais), avec une meilleure protection dans les modalités traitées par drone ».

Aussi, l’étude met en évidence que « sur bananier, la quantité et l’homogénéité des dépôts de bouille se sont avérées plus importantes en cas d’application par drone qu’en cas d’application par atomiseur à dos sous frondaison ».

Par ailleurs et au-delà de ces premiers constats, les témoignages recueillis par votre rapporteur soulignent un potentiel de lutte spécifique aux drones : celui d’atteindre des zones inaccessibles ou difficilement accessibles aux engins terrestres (dans les rizières notamment), ou des zones auxquelles l’accès ne peut se faire sans destruction d’une partie des cultures (de vignes mères, par exemple).

La pulvérisation par drone n’est en aucun cas présentée comme une solution miracle et généralisable. Mais elle offre des solutions adaptées à certains contextes en termes d’efficacité, qui la rendent particulièrement intéressante au regard des avantages manifestes qu’elle peut par ailleurs présenter pour l’environnement et la santé, notamment celle des personnes qui appliquent les produits.

b.   Le recours aux drones contribue à réduire sensiblement la pénibilité et les risques pour la santé humaine et l’environnement dans les cas les plus complexes

Les principaux bénéfices d’une pulvérisation par drone ne résident donc pas dans l’efficacité des traitements. Mais ils sont bien réels.

i.   La réduction de la pénibilité et des risques d’accident du travail

L’intérêt majeur de l’épandage par drone réside dans la bien meilleure protection de l’opérateur, en particulier sur une parcelle pentue.

Dans cette configuration, les risques de renversement des engins terrestres sont élevés, y compris pour les chenillards, occasionnant des accidents graves, voire mortels.

À pied, les risques ne sont pas inexistants et la pénibilité du travail est accentuée. Un pulvérisateur à dos peut peser jusqu’à 40 kg et la chaleur rend difficilement supportable le port des équipements de protection (combinaisons et masques notamment).

Le recours aux drones permet de réduire fortement cette pénibilité et de ces risques.

Il permet aussi des gains de temps. Les viticulteurs en pente indiquent qu’un homme à pied traite en moyenne un hectare en dix heures, alors qu’un drone peut le faire en 45 minutes.

ii.   La diminution marquée de l’exposition des travailleurs

L’avis scientifique et technique de l’Anses conclut que « les résultats [des essais sur vigne] montrent que l’exposition de l’opérateur utilisant un drone est environ 200 fois plus faible que pour un opérateur utilisant un chenillard ».

Les applicateurs ne se trouvant plus à proximité immédiate des traitements ou sous la retombée du brouillard de produits, leur exposition est très fortement réduite.

Il s’agit là de l’intérêt majeur de cette technologie.

iii.   La moindre dégradation de l’environnement

Le déport de produit au-delà des limites de la zone pulvérisée, que l’on reprochait au traitement aérien classique, est nettement atténué avec les drones, qui peuvent survoler les cultures à une hauteur d’un mètre – une altitude de vol que l’on peut même programmer et adapter à la topographie de la parcelle traitée.

Sans surprise, les essais ont montré qu’une application par drone audessus d’une bananeraie crée plus de dérive vers le voisinage qu’une application depuis le sol sous la frondaison du bananier. Mais quand l’objectif est précisément d’atteindre les feuilles les plus jeunes sur le sommet d’une plante qui pousse jusqu’à cinq mètres, la dérive par drone est bien moindre que celle d’un pulvérisateur à canon.

Les essais sur les vignes ont montré un nuage de produit plus important avec les drones qu’avec les pulvérisateurs terrestres classiques, mais il se concentrait à faible distance du dernier rang de la zone traitée, vraisemblablement en raison du fait que les rotors supérieurs plaquent les jets vers le bas.

Il va sans dire que la performance des drones sur ce point dépend de leur équipement en buses à réduction de dérive et sans doute également du vent, de la vitesse de vol et de la hauteur de pulvérisation, selon l’Anses.

La minimisation de la dérive de pulvérisation est la première qualité des drones pour l’environnement (les organismes non cibles) par rapport à un autre type d’aéronef, mais aussi par rapport aux pulvérisateurs à canon.

Mais la souplesse de manœuvre et la précision du drone permettent également de mieux cibler les traitements et, par suite, de moins utiliser de produit à superficie égale.

Sur ce critère, le drone n’offre pas d’avantage comparatif, en l’état actuel de la technologie, par rapport aux pulvérisateurs à rampe s’il s’agit de traiter l’ensemble d’une parcelle présentant des conditions normales d’accès.

En revanche, ses bénéfices sont manifestes dans deux cas :

– quand le sol, détrempé, n’offre plus de portance suffisante. Le drone permet de ne pas attendre que ce sol soit suffisamment praticable pour appliquer les traitements. Le temps gagné peut s’avérer crucial pour arrêter la progression d’une maladie ou d’une adventice. Plus globalement, cette capacité à éviter le tassement des sols par des engins terrestres peut s’avérer particulièrement intéressante pour les sols fragiles et l’agriculture de conservation ;

– pour traiter des « taches » ou des « ronds » d’adventices dont l’éradication s’impose à l’agriculteur (datura, ambroisie, chardon, etc.). Un traitement par pulvérisateur à rampe est disproportionné au début de l’infestation ; l’arrachage à la main reste parfois la seule solution, mais impose un contact des travailleurs avec des plantes quelquefois très toxiques.

À l’inverse, un drone pulvérisateur, couplé par exemple à un autre drone de repérage, permet de traiter uniquement les zones concernées, rapidement et assez tôt pour éviter l’extension de l’attaque (et le besoin de davantage de produits).

iv.   L’allègement du bilan carbone de l’agriculture

Le recours aux drones permettrait ainsi de réduire les volumes de produits utilisés. Il permettrait également de consommer moins de carburant.

Ces économies contribueraient à réduire le poids carbone des traitements phytosanitaires, et de l’agriculture française en général.

B.   UNE utilisation qui s’inscrira dans un cadre réglementaire rigoureux

1.   La réglementation aérienne

Selon les informations transmises par la direction générale de l’aviation civile, les opérations de drones sont aujourd’hui nombreuses dans les exploitations agricoles françaises et se caractérisent par des vols nécessairement assez bas, au-dessus de parcelles où la présence de personnes est peu probable ou limitée. Ces aéronefs sont utilisés en particulier pour la surveillance, la cartographie et le diagnostic. En étudiant de près les parcelles, ils permettent d’identifier plus aisément les attaques, de les situer précisément, et de réduire ainsi la quantité des produits phytopharmaceutiques utilisés. Ils peuvent aussi être utilisés pour des semis, voire des pulvérisations de macro-organismes comme les trichogrammes.

L’usage des drones est encadré par le règlement (UE) 2019/947 du 24 mai 2019 ([6]), précisé en droit français par un arrêté du 3 décembre 2020 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs sans équipage à bord, dit arrêté « Espace ». Il n’y a pas de règles spécifiques à un usage agricole, mais des exigences variant selon la complexité de l’opération envisagée et le risque associé : dans certains cas, une simple déclaration réglementaire suffit ; d’autres situations exigent une autorisation d’exploitation délivrée par la direction de la sécurité de l’aviation civile. Certains scénarios imposent la mise en place d’un périmètre de sécurité au sol. Dans tous les cas, le télépilote doit suivre une formation donnant lieu à certification et les drones de plus de 25 kg doivent être immatriculés.

Les exigences de l’arrêté « Espace »

L’arrêté du 3 décembre 2020 (NOR : TREA2017575A) soumet le vol des drones à un ensemble de règles générales, qui sont essentiellement des restrictions de périmètre :

– les drones n’évoluent pas à l’intérieur des zones interdites, règlementées ou dangereuses, sauf avec l’accord du gestionnaire de ladite zone ;

– les aéronefs de plus de 900 grammes n’évoluent pas dans les secteurs d’entraînement militaire sans notification préalable ;

– les évolutions des drones à proximité des aérodromes sont soumises à des restrictions de hauteur qui dépendent des caractéristiques de l’aérodrome en question et de la distance du drone vis-à-vis des pistes ;

– les vols à l’intérieur des portions d’espace aérien contrôlé – pour la circulation aérienne – peuvent être soumis à un accord préalable de l’organisme de contrôle. Par exemple, un vol en vue du télépilote est permis sans autorisation jusqu’à une hauteur de 50 mètres ;

– il existe enfin des restrictions aux évolutions de drones la nuit, notamment en ce qui concerne la masse de l’aéronef et sa hauteur maximale de vol.

Ces règles générales sont complétées par des dispositions particulières selon la catégorie d’exploitation du drone et le milieu. Toutefois, la direction générale de l’aviation civile précise que les opérations agricoles ne soulèvent pas de problématique particulière. Enfin, à ce jour, il n’existe pas de contraintes spécifiques liées aux dimensions du drone ou à sa hauteur d’évolution, dès lors qu’elle est inférieure à la limite maximale de 120 mètres.

2.   Les autorisations de mise sur le marché

La levée de l’interdiction de principe ne suffit pas à autoriser les pulvérisations de produits phytopharmaceutiques par drone. Il restera nécessaire d’étendre à un usage aérien les autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits concernés.

L’Anses conservera donc la responsabilité d’évaluer les avantages et les risques de cette méthode selon les contextes culturaux et les produits utilisés. À cette occasion, l’agence de sécurité sanitaire aura toute compétence pour accompagner l’extension d’homologation par la définition de précautions d’emploi, voire de limitations d’usages.

 


   Commentaires des articles

Article adopté par la commission avec modifications

 

Le présent article prévoit les conditions d’autorisation de programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de certains produits phytopharmaceutiques. Il s’agit d’une part, de prévoir les conditions d’autorisation de ces programmes pour les parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 20 %, les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes conduites au sol et, d’autre part, de prévoir les conditions de réalisation d’essais pouvant conduire à élargir le champ de ces autorisations.

La commission des affaires économiques a apporté une modification de la rédaction permettant d’assurer la conformité du texte à la directive 2009/128/CE, dite directive « SUD ».

Elle a relevé à 30 % le niveau de pente des parcelles agricoles à partir duquel l’épandage par drone pouvait être utilisé et a exclu cette utilisation à moins de 250 mètres des zones d’habitation.

S’agissant du dispositif d’essais pouvant conduire à élargir le champ de ces autorisations, elle a limité la durée des essais à trois ans au maximum et a exclu la réalisation de ces essais des espaces naturels définis aux titres II à IV du livre III du code de l’environnement. Elle a également clarifié l’articulation entre la phase d’essai et la possibilité d’élargir le champ des autorisations.

  1.   l’État du droit

Conformément à la directive 2009/128/CE, dite directive « SUD », l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime interdit la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques, dans le double souci d’éviter les risques pouvant résulter, pour la santé humaine et l’environnement, de la dérive des produits pulvérisés et de s’inscrire dans une démarche plus globale de réduction des traitements phytosanitaires.

Toutefois, alors que le droit européen admet certaines dérogations – en particulier si la pulvérisation aérienne présente des avantages manifestes, du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement, par rapport à l’application terrestre des pesticides (cf. avant-propos) –, le législateur français a choisi en 2015 de ne permettre de déroger, temporairement, à ce principe d’interdiction que dans l’hypothèse d’un danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens.

À cette date, le législateur français a donc décidé d’écarter l’une des dérogations possibles à l’interdiction d’épandage aérien ouvertes par le droit européen, ce qui s’apparente à une sur-transposition. Ce choix, qui apparaissait justifié dès lors que seule la pulvérisation par avion ou par hélicoptère était envisagée, ne l’est plus avec l’apparition de la technologie du drone d’épandage.

Les progrès des drones ont en effet ouvert de nouvelles possibilités technologiques pour un épandage de produits plus ciblé, qui ont convaincu le législateur d’autoriser en 2018 une expérimentation de leur utilisation pour l’épandage phytosanitaire.

L’article 82 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « Égalim », a ainsi prévu de tester la pulvérisation par aéronefs télépilotés (drones) sur les surfaces agricoles en pente supérieure ou égale à 30 %.

Les traitements permis étaient les produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d’une exploitation faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale (HVE) mentionnée à l’article L. 611‑6 du même code ([7]).

Six essais sur des vignes en pente ont été autorisés en 2020 et 2021. Deux autres essais ont été menés, sans autorisation car ils n’utilisaient que des produits inertes, en matière d’arboriculture fruitière et de bananiers.

Les résultats de ces différentes expérimentations ont ensuite fait l’objet d’une évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), comme le prévoyait la loi, pour déterminer les bénéfices liés à l’utilisation de drones en matière de réduction des risques pour la santé, s’agissant des accidents du travail en particulier, et pour l’environnement.

Ses analyses et conclusions ont été présentées le 1er juillet 2022 (cf. avantpropos).

Votre rapporteur souligne que les avantages mis en évidence par cette étude pourraient à eux seuls justifier la levée de l’interdiction de la pulvérisation par drone pour certaines cultures ou certains types de parcelles.

Mais les auditions menées dans le cadre des travaux sur la présente proposition de loi et sur celle présentée par notre ancien collègue Pascal Lavergne, qui devait être examinée au printemps dernier ([8]), ainsi que les contributions reçues, ont fait remonter bien d’autres avantages ou contextes dans lesquels la pulvérisation par drone offrirait une solution plus efficace que les traitements terrestres, tant du point de vue de la lutte contre les infestations que de l’objectif de la réduction des volumes de produits phytopharmaceutiques consommés (cf. avant-propos).

Il apparaît donc que si l’utilisation des drones pour les traitements phytosanitaires n’est pas sans limites, ni une solution universelle, elle présente toutefois des avantages manifestes dans plusieurs cas de figure.

  1.   la proposition de votre rapporteur

L’article 1er de la proposition de loi prévoit les conditions d’autorisation de programmes d’application, par aéronef circulant sans personne à bord, de certains produits phytopharmaceutiques sur certaines cultures et sur certains types de parcelles.

  1.   La pÉrennisation des dÉrogations en faveur des cultures en pente et des bananeraies et leur Élargissement aux vignes mÈres porte-greffes
    1.   La levée du principe d’interdiction sur un périmètre précis

L’alinéa 2 de l’article 1er de la proposition de loi énonce le principe de l’interdiction de la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques, qui figure déjà au I de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime.

L’alinéa 3 reprend la possibilité d’une autorisation dérogatoire par arrêté, déjà prévue par ce même I, en cas de danger sanitaire grave.

Les alinéas 4 et 5 introduisent la possibilité d’autoriser des programmes d’application par « aéronef circulant sans personne à bord », c’est-à-dire un drone, de trois catégories de produits :

– les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l’article L. 253-6 du même code. Celui-ci les définit comme des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, et comprenant en particulier : 1° les macro-organismes ; 2° les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale. Cette définition est précisée par l’article D. 253-33-1 du code rural et de la pêche maritime, qui fixe les conditions d’inscription sur les listes des produits de biocontrôle (mentionnées aux articles L. 253-5 et L. 253-7) ;

– les produits autorisés en agriculture biologique. L’agriculture biologique est encadrée par le règlement européen (UE) 2018/848 ([9]). Mais c’est le règlement d’exécution (UE) 2021/1165 qui dresse la liste des substances (pesticides, fertilisants, additifs, etc.) autorisées en agriculture biologique ([10]) ;

– les produits à faible risque au sens de l’article 47 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil.

Sont considérés comme produits phytopharmaceutiques « à faible risque » les produits dont toutes les substances actives sont des substances à faible risque telles que mentionnées à l’article 22 du même règlement et sont autorisées par l’Union européenne, à condition, notamment, que des mesures spécifiques d’atténuation des risques ne se révèlent pas nécessaires à la suite d’une évaluation des risques et que ces produits ne contiennent pas de substance préoccupante.

Ainsi, les produits dont la présente proposition de loi dresse la liste diffèrent de ceux qui étaient mentionnés, en 2018, à l’article 82 de la loi Egalim, dans la mesure où les exploitations HVE ne sont pas astreintes à n’employer que les produits utilisés en agriculture biologique (UAB), de biocontrôle ou « à faible risque ».

La proposition de loi, en ne retenant explicitement que ces seuls produits pour l’autorisation de l’épandage par drone, écarte donc les produits dits « de synthèse », généralement plus nocifs.

Les trois catégories retenues ne se recouvrent qu’en partie et la liste des produits qui entrent dans leurs champs respectifs peut évoluer différemment. Ainsi, certains produits autorisés en agriculture biologique ne sont pas des produits de biocontrôle, par exemple le cuivre, alors qu’il n’y a aucun herbicide autorisé en agriculture biologique, mais que l’on en trouve dans les produits de biocontrôle. À ce jour, tous les produits qui entrent dans la catégorie des produits à faible risque sont des produits de biocontrôle, mais il pourrait y avoir un jour une divergence.

La combinaison de ces trois catégories permettra donc de cibler les produits les moins risqués tout en ayant le panel de solutions le plus large possible pour les différentes cultures qui seront concernées par l’épandage par drone. Ces trois catégories sont d’ailleurs déjà utilisées en droit positif, puisque le IV de l’article L. 253‑7 du code rural et de la pêche maritime leur rend inapplicable d’une part, l’interdiction faite aux personnes publiques d’utiliser des produits phytopharmaceutiques pour l’entretien des espaces verts, des forêts, des voiries ou des promenades accessibles ou ouverts au public et, d’autre part, l’interdiction de la mise sur le marché et de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel.

Cette liste des produits pour lesquels la pulvérisation par drone pourra être utilisée réduit donc considérablement les potentiels effets indésirables de la dérive des produits et facilitera l’acceptabilité de la méthode par le voisinage.

En outre, votre rapporteur considère que l’ouverture de la possibilité d’utiliser des drones pour la pulvérisation de ces produits de substitution constituera un facteur d’incitation pour les agriculteurs à se tourner plus nettement vers eux. Cela apparaît cohérent avec la volonté politique largement partagée d’offrir aux agriculteurs des solutions pour développer et diversifier l’usage de solutions alternatives à l’utilisation des molécules les plus problématiques.

Dans un premier temps, la levée de l’interdiction de principe pour ces produits ne serait possible que dans trois cas :

– les parcelles agricoles en pente. Il s’agit d’une extrapolation des expériences menées sur des pentes supérieures ou égales à 30 %, dont les bénéfices les plus évidents sont la réduction des risques d’accident (lorsque sont utilisés des tracteurs ou même des chenillards) et de la pénibilité des traitements pour les applicateurs (en particulier, quand ils doivent opérer à pied). La notion de « pente » sans autre caractérisation est toutefois trop imprécise. L’article 1er retient un seuil de 20 %, qui représente déjà une déclivité risquée pour une machine. Dès lors qu’une parcelle comporte une pente égale ou supérieure à 20 %, l’épandage par drone des produits précités doit pouvoir être autorisé, ce qu’un amendement de votre rapporteur proposera de préciser ;

– les bananeraies. Les retours de terrain des essais réalisés en Guadeloupe et Martinique et les témoignages des personnes auditionnées montrent, à la fois, l’urgence d’une solution efficace pour sauver les plantations françaises, notamment face aux attaques, tout au long de l’année, de la cercosporiose noire, et la supériorité des performances des drones pulvérisateurs par rapport aux pulvérisateurs à canon, ou par rapport aux atomiseurs à dos quand il s’agit d’atteindre le dessus des plants.

Les enjeux de la production de bananes antillaises

La production de bananes en Guadeloupe et Martinique emploie entre cinq mille et six mille personnes. Mais cette production irrigue plus largement l’économie et la vie locale. Par exemple, les bateaux qui exportent les fruits toute l’année, chaque semaine, servent aussi à importer les produits dont les îles ont besoin pour un coût optimisé.

Or les plantations subissent, depuis l’arrêt des traitements aériens en 2014, une pression croissante et permanente de la cercosporiose noire qui menace la production : celle-ci était de 273 millions de tonnes en 2014 pour les deux îles ; elle est descendue à 184 millions de tonnes en 2023. Et le coût de revient a augmenté parallèlement de 42 % sur la même période, en raison notamment de la multiplication des traitements.

En Martinique, les traitements sont réalisés par pulvérisateurs à canon, voire par atomiseurs à dos dans les contextes les plus difficiles.

Le cas des cultures de bananes illustre parfaitement les avantages et les limites de la pulvérisation par drone : cette méthode n’est pas adaptée à des traitements sous les couverts végétaux ou dans la profondeur d’une végétation dense. Mais les drones sont beaucoup plus précis que des canons ou des rampes de pulvérisateurs, qui aspergent largement sans nécessairement réussir à atteindre toutes les zones infectées. Ils réduisent par ailleurs fortement l’exposition des applicateurs et la pénibilité associée à la couverture de plusieurs hectares en combinaison et masque en zone tropicale ;

– les vignes mères de porte-greffes conduites au sol. Cette culture, rare mais essentielle au renouvellement des vignes et pour laquelle des actions de lutte contre la cicadelle de la flavescence dorée sont obligatoires, n’a pas fait l’objet d’essai, mais son mode de développement (des lianes qu’on laisse couvrir le sol) interdit tout passage de machine et complique le passage des hommes. Le recours à des drones simplifierait fortement le travail, tout en protégeant les cultures de piétinements destructeurs.

  1.   Des dérogations encadrées

Si la possibilité d’une autorisation de programmes d’épandage par drone était reconnue dans ces trois hypothèses, ces dérogations ne seraient pas pour autant automatiquement accordées.

L’article 9 renvoie à un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé le soin de définir les conditions d’autorisation des programmes, dans le respect du cadre posé par la directive SUD.

En premier lieu, l’article 9 de cette directive prévoit que « les pesticides utilisés doivent être expressément approuvés pour la pulvérisation aérienne par l’État membre à la suite d’une évaluation spécifique des risques liés à la pulvérisation aérienne ».

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) sera donc nécessairement sollicitée à l’occasion de l’approbation des produits pour la pulvérisation aérienne, soit pour prendre des décisions d’extension des autorisations de mise sur le marché des produits à un usage par voie aérienne, cette extension étant limitée par la loi aux seuls drones, soit pour rendre un avis scientifique sur une décision d’approbation spécifique pour l’épandage par drone des produits, qui serait prise par arrêté.

Cela supposera que les producteurs de produits phytopharmaceutiques ou les personnes les mettant sur le marché engagent une procédure d’homologation pour chaque produit qui pourrait être concerné.

Auditionnée par votre rapporteur, l’Anses a expliqué que ces procédures sont plus rapides pour les catégories de produits visés par le présent article que pour les produits de synthèse, et plus rapide pour une extension d’usage que pour l’homologation du produit luimême. Ses délais d’instruction sont de six mois pour une procédure nationale, ou de huit mois pour une procédure zonale. Les demandeurs devront toujours fournir les données et études nécessaires, mais ils pourront utiliser les résultats des essais déjà réalisés en France ou en Europe.

En second lieu, une fois les produits approuvés pour un usage par drone, les exploitants agricoles devront, pour obtenir une autorisation de leur programme d’application ([11]), le déclarer à l’autorité administrative, avec notamment les parcelles concernées et les produits qui seront utilisés. Dans ce cadre seront au minimum exigés, comme indiqué dans l’avant-propos, la détention d’un certificat phytosanitaire par l’applicateur et l’entreprise responsable de la pulvérisation, l’équipement du drone par la meilleure technologie existante pour limiter les dérives et l’information des riverains et des passants.

L’arrêté d’autorisation pourra définir toute autre spécification d’application nécessaire.

Le décret du 26 août 2019 donnait au ministre chargé de l’agriculture la compétence pour se prononcer sur les demandes d’expérimentation. Mais la pulvérisation par drone de produits dont l’usage aura été homologué devrait désormais, selon toute vraisemblance, relever des préfets de département.

Rappelons enfin que la réglementation relative au vol d’aéronef s’appliquerait à la pulvérisation de produits par drones (cf. avant-propos).

  1.   L’autorisation de nouveaux essais sur d’autres cultures

Les alinéas 6 à 13 de l’article 1er de la présente proposition de loi disposent que des programmes d’application par drone des mêmes catégories de produits phytopharmaceutiques sur des cultures ou des types de parcelles autres que celles dont le premier dispositif dresse la liste pourraient aussi être autorisés, à titre d’essai dans un premier temps.

À ce stade, il s’agirait d’identifier « les avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre » de cette méthode de pulvérisation, pour un type déterminé de parcelles ou de cultures.

Il est prévu que les résultats de ces essais soient consolidés et fassent l’objet d’une évaluation par l’Anses.

Un décret définirait les conditions et les modalités de réalisation des essais, qui viseront donc en particulier à évaluer l’efficacité du traitement par drone sur les cultures concernées et les risques et avantages associés à ce mode d’application pour la santé humaine, notamment celle des applicateurs, et pour l’environnement. Cela nécessiterait un protocole précis, avec un plan d’expérimentation et des objectifs prédéfinis.

Il faut ici rappeler que, lors des expérimentations conduites en 2020 et 2021, les autorisations préfectorales de traitement avaient été accordées par année d’expérimentation, après une évaluation des programmes d’expérimentation par les services ministériels concernés.

Les alinéas 12 et 13 de cet article 1er (3° du nouveau I ter) prévoient que, dans un second temps, s’il apparaît qu’à l’issue de ces essais et au vu de leurs résultats ces programmes sont susceptibles de présenter des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre, il sera possible d’autoriser des programmes d’application par drone pour ces types de parcelles ou de cultures selon les mêmes modalités que celles décrites précédemment pour la dérogation pérenne à l’interdiction de traitement par voie aérienne (cf. A infra).

Lors des auditions menées par votre rapporteur, différentes situations potentiellement concernées par ces essais ont été évoquées. Il peut s’agir, par exemple, de traitements à réaliser dans des conditions impraticables (sols trempés) ou complexes (absence d’allées de passage), en vue d’intervenir au bon stade de développement de l’infestation sans abîmer les plants. Les taches de datura dans les champs de pommes de terre ou de liseron dans le maïs (en début de pousse) ont souvent été citées. Le problème des rizières a également été souligné : certains endroits sont inaccessibles aux tracteurs à roues cage et, si ces endroits ne sont pas traités, ils finissent par ne plus être cultivés et laissent entrer l’eau de mer ; les rizières de Camargue sont ainsi passées de quatorze mille à moins de dix mille hectares en dix ans, avec des parcelles envahies par la mer qui ne sont plus cultivables ni aptes à héberger la faune caractéristique de cette région.

  1.   La position de la commission

La commission a adopté plusieurs amendements rédactionnels de son rapporteur (CE56, CE57, CE59 et CE60).

Les amendements CE4, CE15 et CE16 de Mme Delphine Batho et CE46 et CE47 de Mme Mélanie Thomin, adoptés avec un avis favorable du rapporteur, ont visé à assurer la conformité du texte à la directive SUD, en rendant cumulatifs (et non alternatifs) les avantages pour la santé humaine et pour l’environnement attendus des programmes d’épandage par drone pour pouvoir être autorisés.

Les amendements CE27 de M. David Taupiac et CE32 de M. Benoît Biteau, adoptés avec un avis défavorable du rapporteur, relèvent à 30 % le niveau de pente des parcelles agricoles à partir duquel l’épandage par drone pourra être autorisé.

L’amendement CE17 de Mme Delphine Batho, adopté avec un avis défavorable du rapporteur, exclut l’utilisation des drones pour l’épandage à moins de 250 mètres des zones d’habitation.

Les amendements CE7 de Mme Delphine Batho et CE58 du rapporteur ont modifié l’alinéa 5 de l’article premier pour prévoir, respectivement, que l’arrêté interministériel qui définira les conditions d’autorisation des programmes d’épandage sera pris après avis de l’Anses et que ce même arrêté fera l’objet d’une consultation des organisations professionnelles et syndicales représentant les exploitants et les salariés agricoles.

L’amendement CE19 de Mme Delphine Batho, adopté avec un avis défavorable du rapporteur, exclut la possibilité d’autoriser des essais d’épandage par drone sur le périmètre des espaces naturels définis aux titres II à IV du livre III du code de l’environnement.

L’amendement CE64 du rapporteur a permis de clarifier le fait qu’en dehors des hypothèses mentionnées au quatrième alinéa de l’article premier, les programmes d’épandage sont autorisés à titre d’essai. L’amendement CE29 de M. David Taupiac, précisé par le sous-amendement CE67 du rapporteur, a limité la durée de ces essais à trois ans.

L’amendement CE65 du rapporteur a supprimé la périodicité de la présentation de l’évaluation des essais devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Enfin, l’amendement CE66 du rapporteur a été adopté, permettant de clarifier l’articulation entre la phase d’essai et la possibilité d’élargir le champ des autorisations d’épandage de façon pérenne.

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Article adopté par la commission sans modification

L’article 2 complète la proposition de loi par un gage classique, consistant à créer une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. Il s’agit ainsi d’assurer, au stade du dépôt de la proposition de loi, sa recevabilité financière au regard de l’article 40 de la Constitution.


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 27 novembre 2024, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés (n° 380) (M. Jean-Luc Fugit, rapporteur).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous entamons l’examen de la proposition de loi visant à améliorer le traitement des maladies affectant les cultures végétales à l’aide d’aéronefs télépilotés, dont le rapporteur est M. Jean-Luc Fugit.

Ce texte, qui comporte deux articles, dont l’un concerne le gage financier, porte sur les conditions d’autorisation des programmes d’application par drones de certains produits phytopharmaceutiques, soit pour les parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 20 %, soit pour certaines cultures spécifiques comme les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes conduites au sol. Il a également pour objet de déterminer la façon dont pourraient être menés des essais visant à élargir le champ de ces autorisations à d’autres cultures et types de parcelles.

Notre commission est saisie de soixante-quatre amendements sur ce texte.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Cette proposition de loi s’appuie largement sur le texte que nous avions élaboré avec Pascal Lavergne, ancien député de la Gironde, que je salue et remercie pour son engagement. La dissolution de l’Assemblée nationale en a empêché l’examen, alors qu’il était inscrit à l’ordre du jour de notre commission le 11 juin dernier. Cette proposition de loi est le fruit de plusieurs années de travail et d’écoute du monde agricole, dans l’Hexagone comme dans les territoires d’outre-mer.

En 2018, j’ai fait adopter un amendement à la loi Egalim, dont l’objet était de lancer une expérimentation de trois ans sur l’épandage par drones de produits phytopharmaceutiques autorisés en agriculture biologique ou faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale pour les cultures en fortes pentes. Cette idée avait été élaborée avec les agriculteurs et les viticulteurs des départements du Rhône et de l’Ardèche, dont on connaît les conditions de travail difficiles sur les coteaux.

La présente proposition de loi vise à offrir aux agriculteurs et aux salariés agricoles la possibilité de se saisir d’une technologie protégeant leurs cultures plus efficacement avec les produits phytopharmaceutiques les moins risqués, tout en préservant leur santé et en améliorant leur sécurité au travail. Elle prévoit les conditions d’autorisation de programmes d’application de certains produits phytopharmaceutiques par aéronef circulant sans personne à bord, c’est‑à‑dire des drones.

Il me semble avant toute chose indispensable de décrire le cadre juridique dans lequel elle s’inscrit. Actuellement, le droit français interdit presque totalement l’épandage par drone, alors que le droit européen offre des marges de manœuvre. C’est comme une surtransposition, mais involontaire car l’épandage par drone ne faisait pas partie du débat lorsque le législateur français a décidé une interdiction stricte de l’épandage aérien. Le résultat n’en est pas moins regrettable, puisque l’on se prive d’un outil vertueux pour l’agriculture, les agriculteurs et les salariés agricoles.

Comment en est-on arrivé là ? La directive de 2009 sur l’utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, dite SUD, interdit par principe la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques pour éviter les risques pouvant résulter, pour la santé humaine et l’environnement, de la dérive des produits pulvérisés et pour engager une démarche globale de réduction des traitements phytosanitaires. L’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime, que reprend sur ce point la présente proposition de loi, transpose cette interdiction de principe depuis 2011.

En 2009, on a interdit l’épandage aérien par avion ou par hélicoptère, pour empêcher la forte dérive des produits que ces modes d’application induisent. Toutefois, la directive de 2009 admet certaines dérogations, en cas d’absence d’une autre solution viable ou si la pulvérisation aérienne présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement. En 2011, lors de la transposition, le droit français a repris ces deux exceptions, mais le gouvernement de 2015 a supprimé la seconde dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L’objectif affiché est alors de mettre un terme aux épandages par voie aérienne de produits phytopharmaceutiques, mais à aucun moment l’épandage par drone n’est envisagé dans ces discussions.

La technologie du drone s’est développée depuis 2015 et certains de nos voisins européens, notamment allemands ou autrichiens, se sont saisis des dérogations offertes par le droit européen pour autoriser l’utilisation des drones d’épandage. Le législateur français n’est pas resté immobile depuis 2015 : l’expérimentation de trois ans que j’avais pu intégrer dans la loi Egalim en 2018 a permis d’évaluer les bénéfices liés à l’utilisation de drones pour le traitement phytosanitaire des parcelles agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %.

Forts de cette expérimentation et des retours des acteurs des différentes filières, qui perçoivent les potentialités offertes par cet outil, il nous revient d’élaborer une solution pérenne et équilibrée pour l’utilisation des drones.

Deux dispositifs articulés entre eux figurent dans le texte : un régime d’autorisation de programmes d’épandage par drone pour les parcelles agricoles comportant des pentes égales ou supérieures à 20 %, les bananeraies et les vignes mères de porte-greffes conduites au sol, et un régime d’essai de l’épandage par drone pour d’autres cultures ou d’autres contextes parcellaires. Cette expérimentation pourrait déboucher, après une évaluation scientifique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et sous le regard de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), sur l’extension du régime d’autorisation.

Pour ces deux dispositifs, seule pourra être autorisée la pulvérisation de produits relevant de l’une des trois catégories suivantes : les produits de biocontrôle, les produits autorisés en agriculture biologique et les produits à faible risque au sens du droit européen.

La proposition de loi est équilibrée. Il faut d’abord être conscient des limites liées à l’utilisation des drones pour l’épandage de produits. L’étude de l’Anses montre que le drone n’est pas l’outil le plus adapté dans certains contextes, par exemple lorsqu’il faut atteindre des zones sous couvert végétal dense. Le principal sujet d’attention concerne la dérive des produits : sur ce point, l’Anses montre que la concentration en produit peut être plus importante à proximité immédiate des parcelles traitées – dans un rayon de dix mètres – mais pas au-delà, notamment près des habitations. Le texte prend en compte ces limites, en ne portant que sur les cas dans lesquels l’efficacité du drone est démontrée et sur les produits les moins risqués ; cette précaution rend parfaitement acceptable le risque de dérive légèrement plus élevé dans certains contextes.

Surtout, face à ces risques très limités, les avantages du recours à l’épandage par drones de produits phytopharmaceutiques sont nombreux et manifestes.

Le drone sera plus efficace lorsque les maladies seront peu installées, que le volume foliaire sera encore limité ou qu’il sera nécessaire d’atteindre le dessus d’un couvert végétal dense. Par exemple, contre la cercosporiose noire, qui ravage les bananeraies des territoires ultramarins, les drones se révèlent indispensables pour traiter efficacement la partie supérieure des feuilles. Ils remplacent les canons de pulvérisation dont l’efficacité est limitée et la dérive forte, ce qui met en danger la santé des applicateurs et des riverains.

Les drones améliorent également la réactivité et le ciblage des traitements. Agissant de manière préventive, ils limitent la quantité de produit utilisée. Ils évitent le tassement des sols provoqué par le passage des engins agricoles et offrent une solution concrète pour défossiliser les exploitations agricoles, atout pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone. Cela fait beaucoup d’avantages manifestes.

Je n’énumère pas la liste des produits pour lesquels l’épandage par drone serait autorisé. Pour les filières concernées, le texte crée une véritable incitation à utiliser des produits à faible risque, voire à se convertir progressivement en bio, comme me l’ont indiqué plusieurs viticulteurs.

Mais l’avantage principal de l’utilisation de drones réside dans la réduction de la pénibilité du travail des agriculteurs et des salariés agricoles, des risques d’accidents sur les fortes pentes et de l’exposition aux produits – l’étude de l’Anses met en évidence un rapport de un à deux cent sur ce point.

Il faut aborder le débat en considérant les enjeux avec rigueur, sans s’arc-bouter sur des positions dogmatiques. Le drone d’épandage est un outil au service des agriculteurs et des salariés agricoles, car il diminue la dangerosité et la pénibilité de leur travail. Il permet un usage raisonné des produits phytopharmaceutiques au service de la transition agroécologique. Il se révélera d’ailleurs très utile à l’agriculture biologique. Voilà pourquoi je vous invite à soutenir cette proposition de loi, dont l’adoption est très attendue dans le monde agricole.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sandra Marsaud (EPR). Je salue Pascal Lavergne et le travail qu’il avait réalisé sur ce sujet lors de la précédente législature. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à élargir et à encadrer l’utilisation des drones pour la pulvérisation de produits biologiques en agriculture. La loi Egalim 1 prévoyait une expérimentation de trois ans de la pulvérisation par drones de surfaces agricoles à forte pente : certains vignobles d’Alsace, la vallée du Rhône, des bananeraies et des vergers étaient notamment concernés par cette opération commencée en 2019.

L’expérimentation a fait l’objet d’un rapport détaillé de l’Anses en 2022. L’Agence a identifié plusieurs cas dans lesquels l’épandage par drone est préférable. Il s’agit notamment des jeunes plants et des cultures à ports ouverts comme les bananiers, des terrains très pentus dont l’accès est difficile, voire dangereux pour les hommes et les machines terrestres, et enfin des stades de maladie peu avancés dans la vigne. Dans ces contextes, l’utilisation des drones, plus précise, réduit la dispersion inutile de produits phytosanitaires dans l’environnement.

Le rapport souligne des avantages indéniables : avec les drones, l’exposition aux produits phytosanitaires est jusqu’à deux cent fois plus faible qu’avec des équipements terrestres traditionnels, la tâche des travailleurs est allégée car il n’est plus nécessaire de porter des pulvérisateurs de quarante kilogrammes sur des pentes escarpées, et les risques d’accidents mortels liés au renversement de tracteurs dans des terrains en pente sont réduits.

Au-delà des aspects sanitaires et environnementaux, les drones apportent également un gain de temps considérable. Là où un homme à pied met dix heures pour traiter un hectare en pente, un drone accomplira la même tâche en quarante-cinq minutes.

Le rapport de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) sur les bananeraies martiniquaises a montré que les drones étaient particulièrement efficaces pour lutter contre la cercosporiose noire. Les drones pulvérisateurs sont bien plus performants que les canons et les atomiseurs à dos pour atteindre le dessus des plans.

La proposition de loi élargit et pérennise l’usage des drones dans des situations précises – les fortes pentes, les bananeraies et les vignes – et ouvre la voie à la conduite d’expérimentations sur d’autres cultures. Pour protéger l’environnement, améliorer les conditions de travail des agriculteurs et encourager l’innovation, le groupe EPR votera en faveur des amendements du rapporteur et de l’ensemble de la proposition de loi.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Les drones seraient plus efficaces pour traiter les bananeraies. Le rapport de l’Inrae a montré qu’il était plus facile de respecter les doses conseillées par le plan de traitement avec les drones qu’avec les atomiseurs à dos.

Quatre fongicides, produits de biocontrôle, seraient, d’après plusieurs rapports, efficaces pour lutter contre la cercosporiose noire, mais le couvert végétal empêche de les employer à dos d’homme. Les drones permettraient d’utiliser ces produits, ce qui montre l’utilité qu’ils présentent pour les territoires ultramarins.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Et si on remplaçait les agriculteurs par des drones ? Ce serait tout de même bien plus rentable ! Voilà ce qu’ont dû se dire un matin en se levant les députés macronistes qui présentent un texte pareil. Tandis que les agriculteurs se mobilisent partout pour demander à vivre de leur travail et que les parlementaires devraient taper du poing sur la table face à la grande distribution pour imposer des prix rémunérateurs ou agir pour sortir du libre-échange et de la concurrence internationale déloyale, les députés macronistes élaborent une proposition de loi visant à élargir les expérimentations d’épandage de pesticides par drone.

Votre choix politique peut paraître décalé, voire loufoque, mais il est révélateur de la façon dont vous comptez sortir de la crise agricole. Nous, responsables politiques, avons deux options. La première, la vôtre, consiste à refuser toute confrontation avec la grande distribution et à conserver le cadre libre‑échangiste. Elle revient à continuer de brader le modèle agricole français et à s’aligner en permanence sur le moins-disant international pour gagner en compétitivité. C’est cette politique qu’applique Emmanuel Macron depuis sept ans, et qui est en fait déployée depuis plus de soixante-dix ans. Elle est à l’origine de l’hémorragie agricole que nous vivons – nous avons perdu cent mille agriculteurs supplémentaires au cours des dix dernières années. Elle conduit à remplacer le modèle agricole familial, qui n’est plus compétitif, par celui de l’agro-industrie.

Dans ce cadre, il faut en effet se débarrasser de ce qui coûtera un peu trop cher au modèle agro-industriel et qui nous empêchera d’être compétitifs : l’emploi – celui des salariés agricoles d’abord, puis celui des agriculteurs. On l’observe dans d’autres pays : on commence par remplacer le salariat agricole par des drones, puis le coût des machines agricoles devient tellement prohibitif pour le modèle agricole familial que seule l’agro-industrie peut en acquérir. À la fin, une fois tous les agriculteurs endettés jusqu’à la moelle, seule l’agro-industrie reste pour travailler la terre.

La seconde option impose d’admettre que l’agriculture mérite un traitement spécifique, motivé par son rôle fondamental pour la souveraineté alimentaire de notre pays, la santé de l’environnement et la nôtre. Il faut, pour ce faire, la sortir de votre logique libérale et de l’emprise des marchés internationaux. Pour protéger le modèle mieux-disant que nous privilégions, animé par des agriculteurs nombreux travaillant dans des paysages préservés, il faut retenir cette option. Des machines sont certes nécessaires, mais elles doivent aider les agriculteurs, non les remplacer.

Ce modèle porte un nom, qui est un gros mot pour vous, chers collègues macronistes : le protectionnisme. Il est temps de reconnaître que l’agriculture en a davantage besoin que de drones.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre propos est caricatural : plus qu’un « collègue macroniste », je suis un citoyen, un député, un fils d’agriculteur. Vos propos m’attristent et me font penser à la lettre que nous avions reçue avec quelques collègues en 2018, où des membres de syndicats d’employés agricoles nous remerciaient d’avoir pensé à la pénibilité de leur métier lorsque nous avions évoqué le sujet des drones en séance publique.

Allez donc expliquer à des agriculteurs et à des salariés agricoles qui travaillent sur des pentes de 30 % à 70 % que l’utilisation de drones ne vise qu’à les éliminer ! Et allez traiter ces terrains, même cultivés en agriculture biologique : vous vous rendrez compte de la difficulté de la tâche et de ses risques pour la santé. Nous souhaitons simplement proposer une solution qui simplifie et facilite leur travail. En outre, les agriculteurs pourront, avec les drones, traiter les cultures au bon moment.

Je forme le vœu que la discussion des amendements vous aide à retrouver un peu de raison.

M. Hervé de Lépinau (RN). Ce texte prolonge la loi Egalim 1 de 2018, qui autorisait une première dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien par le biais de l’expérimentation de programmes d’épandage par drone. La proposition de loi vise à pérenniser cette dérogation, en l’inscrivant dans le code rural et de la pêche maritime, et à mener de nouveaux essais sur davantage de cultures et de terrains, bien que la liste de produits éligibles n’évolue pas.

Le groupe Rassemblement national soutient toute mesure ouvrant de nouveaux droits aux agriculteurs français et ne s’oppose pas au principe de l’épandage aérien par drone, dont les différentes utilisations en Europe ont montré la pertinence. Nous croyons sincèrement dans l’innovation pour améliorer considérablement la technologie d’épandage aérien par drone dans les années à venir, à la fois par le développement de drones spécifiques à ces usages et par l’arrivée de l’intelligence artificielle, qui continuera de réduire les risques de dérives qui ont pu être soulevés lors des auditions : si la technologie permet demain de se passer entièrement de travailleurs dans certaines parcelles, elle présentera un avantage manifeste pour tous les types de cultures, tous les terrains et tous les produits phytosanitaires, d’où la nécessité d’anticiper dès maintenant ces avancées technologiques.

Nous émettons quelques réserves sur la rédaction de l’article 1er. Tout d’abord, elle ne pérennise les dérogations que pour les produits phytopharmaceutiques utilisés dans l’agriculture biologique ou pour des produits présentant de très faibles risques. L’ensemble des produits autorisés en France ne sont donc pas utilisables. Le droit de l’Union européenne ne précise pourtant pas les produits utilisables, il indique seulement qu’ils « doivent être expressément approuvés pour la pulvérisation aérienne par l’État membre, à la suite d’une évaluation spécifique des risques liés à la pulvérisation aérienne. » La rédaction actuelle s’apparente à une nouvelle sur-réglementation par rapport aux pratiques de nos voisins européens.

Ensuite, la proposition de loi ramène la déclivité minimale à partir de laquelle les programmes sont autorisés de 30 % à 20 %. Si nous nous accordons sur ce seuil, pourquoi ne pas ouvrir cette possibilité à tous les terrains et à toutes les cultures, en faisant reposer l’autorisation sur les produits phytosanitaires, dont l’évaluation par l’autorité administrative reste essentielle ? Cela permettrait de réduire la complexité administrative et d’accélérer les autorisations d’épandage aérien par drone pour les agriculteurs qui en font la demande.

Enfin, il devient urgent, face à la colère agricole, d’engager une réforme plus ambitieuse de notre système d’autorisation afin d’améliorer notre compétitivité agricole, actuellement en berne, et de soulager les agriculteurs qui souffrent chaque jour des normes franco-européennes.

Voilà nos principales interrogations, auxquelles j’espère que vous répondrez.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne suis pas favorable à l’ouverture du dispositif à tous les produits car nous devons d’abord obtenir la preuve de l’avantage de l’épandage par drone pour la santé et l’environnement, comme le dispose la directive de 2009. De mes échanges avec des viticulteurs, je retiens que cette méthode constitue un outil d’aide à la transition vers l’utilisation de produits affectant moins l’environnement. Voilà pourquoi nous souhaitons que le champ de la proposition de loi se limite aux produits de biocontrôle, utilisés en agriculture biologique et présentant de faibles risques au sens du droit de l’Union européenne, à savoir reposant sur dix molécules de biocontrôle.

Pour les pentes, une évaluation, conduite par l’Anses, est nécessaire. Aucun essai n’a été mené sur une pente dont la déclivité est inférieure à 20 %. L’objectif de la proposition de loi est de déployer un régime d’autorisation, qui sera suivi par des essais. Si ceux-ci se révèlent concluants, un avis de l’Anses et une décision politique pourront généraliser la pratique. Avancer de manière progressive me semble la bonne méthode à suivre : je m’inscris plutôt dans la démarche retenue en 2018.

Mme Marie-José Allemand (SOC). Cette proposition de loi aurait été examinée en juin dernier si l’Assemblée n’avait pas été dissoute.

Dans un contexte de mobilisation du monde agricole et après un projet de loi d’orientation agricole particulièrement décevant, qui ne règle en rien les problèmes de la concurrence déloyale ou de la faiblesse des revenus des agriculteurs, nous voici une nouvelle fois confrontés à un texte gadget.

En 2018, une expérimentation, autorisée par la loi Egalim, a ouvert la possibilité d’utiliser des drones pour la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques sur des surfaces agricoles plantées en vigne et présentant une pente supérieure ou égale à 30 %, pour une période maximale de trois ans. L’Anses a évalué cette expérimentation en juillet 2022 et en a déterminé les bénéfices en matière de réduction des risques pour la santé et l’environnement.

Le groupe Socialistes et apparentés considère que deux principes essentiels doivent guider notre décision sur les évolutions technologiques dans le domaine agricole. Tout d’abord, ces dernières doivent améliorer les conditions de travail des agriculteurs ainsi que l’efficacité des traitements, dans le respect de la santé humaine et environnementale. Or, le moins que l’on puisse dire est que l’évaluation réalisée par l’Anses ne conclut pas, à ce stade, à l’efficacité systématique de l’usage des drones pour l’épandage de produits phytopharmaceutiques.

L’Anses estime que, pour un programme de traitement, les applications par drone se révèlent dans l’ensemble moins efficaces que celles par pulvérisateur classique, notamment en cas de forte pression en mildiou ou en oïdium. Concernant l’exposition des opérateurs, les résultats obtenus par l’Anses montrent qu’elle est environ deux cent fois plus faible avec un drone que lorsque l’opérateur utilise un chenillard, mais que la contamination est bien plus élevée lors de la phase de chargement car le drone doit être rempli plusieurs fois – à raison de onze opérations de chargement, contre trois pour une quantité de substance active pulvérisée presque identique.

Toute la nuance de l’Anses se mesure dans ses conclusions : si le recours à des drones de pulvérisation peut présenter certains avantages, plusieurs études montrent que les dépôts sur les cultures présentent une variabilité plus grande avec les drones qu’avec les matériels d’application classiques. Ce constat pose la question de la quantité de dépôts présents sur les cultures à laquelle sont exposés les travailleurs.

Pour toutes ces raisons, nous proposerons une réécriture du texte afin de proroger l’expérimentation de la pulvérisation par drones de produits phytopharmaceutiques, en subordonnant le choix de cette méthode à la démonstration d’avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement. Le groupe Socialistes et apparentés sera attentif à l’évolution du texte et ne le votera pas en l’état.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous parlez d’un texte gadget, mais vous n’avez pas eu un mot sur la réduction de la pénibilité et de l’exposition aux produits des employés agricoles. Vous dites que les drones nécessitent des opérations de chargement plus nombreuses, mais sachez que la dose qu’ils utilisent est moins élevée, car ils rendent possible de réaliser les traitements au moment opportun, et que les travailleurs peuvent se protéger au moment du chargement. L’exposition aux produits et la pénibilité diminuent avec l’utilisation de drones : je m’étonne vraiment que vous laissiez ces éléments de côté.

L’évaluation de l’Anses est globale, voilà pourquoi le texte propose du sur‑mesure et rejette toute autorisation totale. L’utilisation des drones sera progressive et placée sous le contrôle de l’Anses.

M. Jérôme Nury (DR). L’agriculture française est soumise à des pressions grandissantes : les agriculteurs, déjà confrontés aux aléas climatiques et aux fluctuations des marchés, doivent composer avec une accumulation de normes et de contraintes administratives. Chaque année, des obligations supplémentaires complexifient leur quotidien et leur laissent de moins en moins de temps pour se consacrer pleinement à leur métier.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi constitue une avancée pragmatique : en autorisant l’utilisation des drones pour protéger les cultures, elle offre aux agriculteurs une solution moderne et efficace. Ces outils ne représentent pas qu’un progrès technique, ils répondent concrètement au défi du temps et de l’efficacité. Avec les drones, protéger une parcelle difficile devient une opération rapide et précise, ce qui réduit la pénibilité et le besoin en main-d’œuvre, tout en libérant du temps pour d’autres activités agricoles.

Cette évolution est essentielle, parce qu’elle s’attaque à des problèmes concrets et bien identifiés : dans les vignobles escarpés de la vallée du Rhône, d’Alsace ou d’Ardèche, la lutte contre les maladies requiert un effort considérable, qui fait souvent courir des risques importants aux opérateurs. Les études de l’Anses et de l’Inrae montrent que la protection par drone réduit non seulement ces risques mais améliore également la précision de l’épandage. En diminuant les quantités nécessaires et les rejets dans l’environnement, cette méthode est à la fois plus sûre et plus durable.

Les bénéfices ne s’arrêtent pas là : les engins agricoles traditionnels provoquent, en particulier sur les terrains en pente, un tassement des sols qui fragilise leur structure et leur fertilité. Les drones éliminent ce problème et contribuent aussi à une gestion plus respectueuse de ce que l’Ornais Gaspard Koenig appelle, dans Humus, l’infiniment petit des sols.

Deux évolutions du texte nous semblent indispensables : l’élargissement des types de parcelles agricoles éligibles à l’utilisation des drones et la révision du critère de déclivité minimale pour les vignobles, fixé à 20 %. Un tel seuil exclut de nombreux vignobles dont les terrains sont complexes à exploiter, mais moins abrupts.

Nous soutenons ce texte puisque nous avions défendu les mêmes dispositions dans une proposition de loi déposée en 2022 avec Virginie Duby-Muller, Véronique Louwagie et d’autres députés du groupe. Lors de la discussion du projet de loi Egalim, la majorité et le gouvernement de l’époque auraient été mieux inspirés de nous écouter. Nous nous étions en effet battus pour pérenniser la pulvérisation par drone. La frilosité qui l’avait alors emporté nous contraint à revenir aujourd’hui sur ce sujet qui aurait dû être réglé dès 2018. Cela nous aurait évité, notamment aux agriculteurs, de perdre du temps. Nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je n’ai pas l’impression de perdre du temps en travaillant sur ce thème. En 2018, nous avons autorisé une expérimentation dont les résultats sont analysés différemment selon les députés. Cette phase n’a pas été inutile, et les essais réalisés sont appelés, dans la présente proposition de loi, à s’inscrire dans le droit commun.

J’ai déposé un amendement visant à préciser le critère de déclivité de 20 %, afin de faciliter l’application du texte. Avec Pascal Lavergne, nous voulions faire toute sa place au régime d’essai. Les amendements visant à autoriser l’usage de drones pour les terrains plats ou pour d’autres cultures comme la riziculture s’intègrent dans cette démarche. Nous privilégions le schéma suivant : essai, évaluation de l’Anses et autorisation permanente sans avoir besoin de nouvelle disposition législative. J’espère que cette construction vous satisfera.

M. André Chassaigne (GDR). En mai dernier, le Gouvernement avait publié une stratégie Écophyto 2030 et avait annoncé le dépôt d’un texte de loi sur les produits phytosanitaires. Ce texte n’a toujours pas vu le jour, alors qu’il serait à l’évidence plus pertinent de débattre de l’utilisation des drones dans le cadre d’un projet de loi assorti d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État. En outre, les expertises de l’Anses invitent à la prudence et à la prorogation des expérimentations. Le Sénat avait d’ailleurs privilégié cette voie lors de l’examen de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France, qu’il a adoptée le 16 mai 2023.

L’utilisation des drones d’épandage soulève des questions sur les évolutions de notre modèle agricole. Le développement de l’agriculture de précision utilisant les nouvelles technologies comme celle des drones ne contrecarre pas a priori l’objectif de transformation en profondeur des systèmes de production agricole, mais nous pouvons nous interroger sur les profils d’agriculteurs et d’exploitations concernés. Les drones seront-ils accessibles aux petits exploitants ou s’adressent-ils en priorité aux grandes exploitations, au risque d’alimenter une nouvelle dérive productiviste ? Sommes-nous certains que l’utilisation des drones participe d’une logique de réduction de l’usage des produits phytosanitaires ? Ne pénalise-t-elle pas au contraire la recherche et le déploiement de solutions alternatives ?

En apparence technique, le débat recèle une évidente portée politique. En l’état, nous sommes opposés à la pérennisation de la dérogation à l’interdiction de pulvériser en utilisant des drones, et nous proposons de proroger les expérimentations. Nous voterons contre l’adoption de la proposition de loi.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Les travaux de l’Anses et ceux de l’Inrae sur les bananeraies dans les territoires d’outre-mer montrent que les résultats des expérimentations sont positifs. Discutez avec les producteurs de bananes ultramarins, vous verrez quelle menace la cercosporiose noire représente pour leur production ; remplacez pendant un quart d’heure les employés agricoles, et vous vous rendrez compte des conditions dans lesquelles ils travaillent. Les drones les aident, car ils diminuent leur exposition aux produits et la pénibilité de leur tâche. Encore une fois, l’autorisation proposée ne concerne que les produits de biocontrôle et ceux autorisés dans l’agriculture biologique. Quant à l’accessibilité, les drones pourraient être financés par les coopératives d’utilisation de matériel agricole.

Grâce à ces appareils, on pourra traiter les cultures au moment opportun et on utilisera moins de produit. La capacité d’absorption des plantes étant limitée – elles intègrent les produits par les stomates, qui sont de petites spores – il importe de les traiter à plusieurs reprises, aux moments les plus favorables et dans des conditions optimales – je pense notamment à la météo, la pluie ne permettant pas toujours d’utiliser un chenillard sur une pente. Tous ces aspects doivent être pris en compte : notre démarche, empreinte de pragmatisme, vise à apporter un nouvel outil aux agriculteurs, lequel n’est sûrement pas nocif pour l’environnement.

Mme Delphine Batho (EcoS). Pour le groupe écologiste, voir les paysages agricoles survolés par des drones épandant des produits chimiques pour remplacer les insectes pollinisateurs qui auront disparu ne constitue pas un progrès sociétal.

Compte tenu de la situation politique, sociale, géopolitique et climatique dramatique dans laquelle nous nous trouvons, nous pourrions par ironie saluer l’exploit des auteurs de cette proposition de loi, qui ont réussi à l’inscrire à l’ordre du jour.

Elle s’inscrit dans le prolongement de la loi Egalim de 2018, qui avait remis en cause le principe de l’interdiction absolue de l’épandage aérien de pesticides. Sa principale innovation est tactique – elle adopte celle du cheval de Troie. En 2018, il s’agissait d’autoriser l’épandage par drones de tous les pesticides. Là, on nous dit que l’épandage est circonscrit à certaines cultures, que pour les autres il y aura des essais, que l’autorisation ne vaut que pour certains produits de biocontrôle… Mais bientôt, une autre proposition de loi viendra autoriser l’épandage de tous les produits de synthèse utilisés en agriculture.

Ce texte est contraire au droit de l’Union européenne. Je souhaite, madame la présidente, que la commission demande à présidente de l’Assemblée de saisir le Conseil d’État à son propos. Le Conseil avait en effet censuré une partie de l’arrêté gouvernemental de décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, et cela pour de très bonnes raisons : l’épandage aérien, qu’il soit opéré par drone, avion, hélicoptère ou quoi que ce soit d’autre, pose un problème majeur de santé publique en raison de la dérive des produits. Mais bien sûr, comme l’a relevé André Chassaigne, passer par une proposition de loi plutôt que par un texte du Gouvernement permet d’essayer d’échapper à un avis du Conseil d’État.

Enfin, nos débats doivent respecter le principe de clarté et de sincérité. Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas écrire dans le projet de rapport de la commission que l’expérimentation permet de tirer des enseignements nettement positifs, alors que l’Anses pointe le manque d’informations sur le protocole, l’absence de notation exploitable et de comparaison, la limitation des tests à une seule modalité ou des essais partiellement valides. L’Anses estime aussi que « les performances d’application par drone apparaissent plus faibles et plus variables que celles d’applications par matériel terrestre » et que « les valeurs de dérive aérienne générées par drone sont 4 à 10 fois supérieures à celles générées par le matériel de référence ».

Le Parlement a le droit de disposer d’informations fiables et non de mensonges.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. En tant que scientifique, il m’est désagréable d’être traité de menteur. Vous oubliez de dire qu’en 2018, la loi Egalim 1 a autorisé l’expérimentation de l’épandage par drone de produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d’une exploitation labellisée Haute Valeur environnementale (HVE). Je veux bien que nous ayons un débat scientifique, mais il doit être sérieux : il est faux de dire que la loi Egalim 1 a autorisé l’épandage de tous les produits phytopharmaceutiques.

Par ailleurs, nous n’avons pas de tactique, comme vous dites. Avec ce texte, nous souhaitons simplement aider les agriculteurs en réduisant la pénibilité de leur travail et en leur permettant d’utiliser des produits qui ont moins d’impact sur l’environnement. De plus, si le drone permet un traitement préventif régulier, il sera possible de diminuer la concentration initiale des produits, ce qui amoindrit les dérives ; on appelle ça des gradients de concentration, et cela aussi c’est scientifique.

M. Hubert Ott (Dem). Ce texte, défendu initialement par Pascal Lavergne – qu’il en soit remercié – devait être discuté la semaine suivant la dissolution. Jean-Luc Fugit reprend la démarche, dont je suis totalement solidaire.

Depuis l’interdiction de toute pulvérisation aérienne en 2015, les agriculteurs ne peuvent utiliser que des équipements terrestres. Ceux-ci ont montré leurs limites, notamment sur les parcelles en forte pente, comme dans ma circonscription viticole d’Alsace : les coteaux parmi les plus prestigieux, comme ceux du domaine Schlumberger à Guebwiller, peuvent présenter des pentes allant jusqu’à 50 %. La méthode de traitement par hélicoptère, courante il y a encore dix ans, a été abandonnée pour des raisons environnementales et c’est une bonne chose. Mais sur ces fortes pentes, l’utilisation d’équipements manuels ou chenillés est trop dangereuse. Désormais, l’enjeu concerne l’abandon ou le maintien de la culture sur ces coteaux : soit les viticulteurs ont des solutions et continueront de les cultiver, soit nous ne proposons rien et ils les abandonneront, inéluctablement.

Cette proposition de loi est indispensable pour deux raisons : la sécurité des travailleurs et la préservation des paysages cultivés d’un enfrichement certain. L’autorisation de l’utilisation de drones serait une avancée décisive face à trois défis essentiels, celui de l’innovation agricole, pour faire face aux brutalités climatiques, celui de l’amélioration des conditions de travail, par la réduction de la pénibilité et des risques, et celui du respect de l’environnement grâce à la précision du traitement, à une diminution des quantités et à une faible dispersion.

La pulvérisation par drone est un outil complémentaire, strictement encadré par les réglementations françaises et européennes, circonscrite à la liste des produits autorisés en agriculture biologique et à celle des produits à faible risque, définis à l’article 47 du règlement de l’Union européenne.

L’enjeu est crucial, à la fois climatique et écologique. Les crises météorologiques provoquent une situation paradoxale : les sols détrempés sont impraticables, alors même qu’ils nécessitent un traitement urgent pour éviter la perte totale des récoltes. Les viticulteurs en agriculture biologique sont particulièrement concernés. En Alsace, ils cultivent 35 % de la surface viticole totale – un record national. Pour ceux dont les parcelles présentent une forte pente, l’utilisation des drones est une question de survie économique et environnementale, d’autant qu’ils mettent un soin particulier à éviter le tassement et l’érosion des sols.

Les drones sont déjà utilisés en Suisse et en Belgique, sans qu’une nocivité pour l’environnement ait été constatée. Les rapports scientifiques confortent cette position. Ainsi, dans son rapport de 2022, l’Anses a conclu que la pulvérisation par drone présente des avantages évidents. Plutôt que d’organiser une énième paralysie administrative, je vous invite à soutenir cette proposition de loi pour une agriculture plus sûre et plus résiliente dès aujourd’hui.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il y a en effet des nuances dans le rapport scientifique de l’Anses, et elles ont d’ailleurs été intégrées dans l’élaboration de ce texte. En science, la nuance est essentielle : elle oriente les recherches et les fait progresser. Si l’on veut oublier les nuances, on s’appuie sur les relevés effectués sur les combinaisons des applicateurs des produits – les chiffres sont deux cent fois moindres avec des drones qu’avec des pulvérisateurs à dos d’homme – pour dire que le rapport de l’Anses est très favorable aux drones !

La proposition de loi est équilibrée, puisqu’elle ne porte que sur des produits de biocontrôle utilisés en agriculture biologique. Nous pensons tout à la fois aux plantes, à l’environnement et aux travailleurs qui appliquent les produits.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Delphine Batho (EcoS). Un point d’histoire : lors du débat de 2018 sur la loi Egalim 1, de nombreux amendements favorables à l’extension de l’épandage par drone à tous les pesticides avaient été déposés, parmi lesquels dix‑sept amendements identiques qui, c’est drôle, comportaient tous la même faute d’orthographe ! Cette éventualité a donc bien été débattue à l’Assemblée nationale. Les auteurs de ces amendements sont les mêmes qui soutiennent la présente proposition de loi. Vous aviez alors fait un premier pas en autorisant une expérimentation, vous en faites un deuxième aujourd’hui et vous en ferez un troisième la semaine prochaine, au Sénat, en soutenant l’abrogation de l’interdiction des néonicotinoïdes, défendue par Les Républicains. La pente sur laquelle vous êtes engagé vous emmènera toujours plus loin dans la régression.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La pente sur laquelle je pense me trouver mène aux viticulteurs des coteaux de ma circonscription, qui travaillent dans des conditions climatiques et géographiques terribles. Je veux leur apporter des solutions pour y faire face, et pour faire en sorte que l’ensemble du vignoble soit cultivé en agriculture biologique.

Je me souviens très bien de ces dix-sept amendements : aucun n’a été adopté. C’est celui que je défendais, limitant l’expérimentation aux produits utilisés en agriculture biologique, qui l’a été. D’ailleurs je reviendrai tout à l’heure, lors de l’examen des amendements, sur la question du label HVE, qui a été mal ficelée à l’époque. C’est l’avantage de l’expérimentation : ce qui a été fait de façon un peu approximative, je profite de la présente proposition de loi pour l’améliorer.

C’est la seule pente que je suive, celle du progrès environnemental et social pour nos agriculteurs.

M. Hervé de Lépinau (RN). Le présent texte donne toujours davantage de pouvoir à l’Anses et confirme son rôle d’arbitre des pratiques d’épandage aérien, malgré les réserves que de nombreux groupes politiques émettent à l’égard de cette autorité créée en 2010.

Le groupe Rassemblement national a alerté sur son choix de ne pas renouveler l’autorisation de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques pourtant autorisés par l’Union européenne. Cette décision met les agriculteurs français en situation de concurrence défavorable avec ceux des autres pays européens. Il devient donc urgent de retirer à l’Anses ce pouvoir d’autorisation et de le rendre au ministère de l’agriculture, mais aussi de reprendre la liste des produits phytopharmaceutiques autorisés.

L’utilisation de drones renforcera l’efficacité du traitement de certaines maladies comme la flavescence dorée : leur précision permet de cibler les zones contaminées et de réduire les quantités de produits utilisées sans affecter d’autres parcelles, notamment en agriculture biologique.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’Anses ne prend pas une décision politique, elle procède à des évaluations scientifiques. Elle ne délivre pas d’autorisation de mise sur le marché. La proposition de loi est très claire sur ce point, comme sur les arrêtés et décrets pris par le Gouvernement. Elle prévoit également la présentation des évaluations de l’Anses à l’Opecst, lequel reflète toute la diversité de la représentation nationale. Les parlementaires seront donc mis au courant et pourront formuler des propositions complémentaires.

Toute une chaîne d’intervenants œuvrera ainsi à la réduction de l’impact environnemental de l’agriculture et à l’amélioration des conditions de travail des agriculteurs, qui est tout aussi importante.

M. Hubert Ott (Dem). Madame Batho, j’ai beaucoup de respect pour votre parcours et votre travail. Je suis moi-même engagé depuis quarante ans dans des associations de protection de la biodiversité, contre la disparition de laquelle je me suis battu. Je ne crois pas qu’établir un parallèle entre le vol des drones et la disparition des insectes soit à la hauteur de votre capacité de réflexion.

Avant de donner au monde viticole des leçons sur le refus de la technologie, il faudrait commencer par s’interroger notre propre bilan écologique – celui de nos téléphones portables par exemple, qui est plus que discutable. J’invite donc ceux qui veulent rester cohérents à renoncer à leur téléphone et à acquérir un pigeon voyageur.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il est essentiel de respecter les engagements des uns et des autres.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Ce texte aidera-t-il vraiment les travailleurs ? Car, oui, les conditions de travail des travailleurs agricoles sont difficiles, mais on ne les aidera pas vraiment en supprimant leur emploi ! Vous dites beaucoup qu’un drone permet d’effectuer le travail beaucoup plus rapidement : cela facilite certes le travail pour les exploitants, mais réduit celui des salariés agricoles.

Pour véritablement aider ces derniers, la solution ne consisterait-elle pas à reconnaître cette pénibilité et à proposer des aides pour qu’ils soient plus nombreux à travailler sur les parcelles difficiles ? En divisant la charge de travail, on rend celui-ci moins pénible sans le supprimer ni le faire faire par des drones.

Enfin, l’Anses ne conclut pas que l’utilisation de drones permettrait une réduction de l’exposition des travailleurs aux produits phytopharmaceutiques : elle estime que le recul est insuffisant pour tirer des conclusions définitives. En outre, lors du remplissage des drones, leur exposition est bien supérieure à celle constatée avec l’usage actuel.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Manifestement, nous ne lisons pas les mêmes choses dans le rapport de l’Anses.

J’étais surpris, tout à l’heure, de ne pas vous entendre parler de la pénibilité du travail. C’est pourtant une question majeure – j’ai moi-même fait l’essai, pour voir. Par ailleurs, votre raisonnement peut être inversé : sans l’aide technique des drones, on risque de devoir abandonner les parcelles trop pentues consacrées à la viticulture ou à l’arboriculture, ce qui réduirait d’autant le volume de travail.

Trouver le moyen de rendre un emploi moins pénible, on a voulu le faire de tout temps et dans tous les secteurs. Je pense que nous en faisons tous un objectif. C’est encore plus urgent pour les territoires ultramarins, où les conditions de travail suffisent à elles seules à motiver l’adoption de ce texte.

M. Benoît Biteau (EcoS). Dans le contexte agricole actuel, particulièrement sensible, on voudrait faire passer les agriculteurs d’une dépendance aux pesticides, qui les mettent en difficulté économiquement, à une dépendance aux drones, qui ne réglerait pas leurs problèmes.

Sans vouloir être trop technique, on nous explique que la flavescence dorée pourrait être traitée en utilisant des drones, comme s’il y avait un foyer de la maladie. Or, elle est véhiculée par une cicadelle – un petit papillon : il ne faut donc pas s’attaquer à la maladie, mais à l’insecte, ce qui est déjà fait de manière efficace par des protocoles bios. En tout état de cause, si l’on est attaché à la santé des travailleurs, il est préférable de développer des parcelles bios plutôt que d’utiliser des drones.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je n’ai pas évoqué la flavescence dorée, et je n’ai jamais dit ni écrit que l’utilisation des drones était une solution à tous les problèmes ; je ne le pense d’ailleurs pas. C’est juste une technologie de plus dans l’éventail de ce qui est proposé pour accompagner la transition écologique, que je restreins aux produits de biocontrôle et à faible risque.

Il me semble que nous devrions chacun faire un pas vers l’autre. Dans cette salle, personne ne détient le monopole de la conscience environnementale et de la transition agroécologique dans laquelle nous voulons inscrire l’agriculture.

M. David Taupiac (LIOT). L’Union européenne a adopté, en 2009, le principe général de l’interdiction de l’épandage de pesticides par drone ; non par esprit de contrariété ni parce qu’elle ne croit pas au progrès technique, mais parce que l’épandage aérien présente des risques sérieux pour la santé et l’environnement. Cette interdiction généralisée est assortie de quelques dérogations : la pratique peut être autorisée, sans être obligatoire, en l’absence d’autres solutions viables ou en présence d’avantages manifestes par rapport à une application terrestre.

C’est dans ce cadre qu’une expérimentation de l’usage de drones a été proposée par la loi Egalim 1, avec un périmètre circonscrit aux territoires en pente et aux produits certifiés bio ou utilisés dans les exploitations labellisées HVE. Elle a pris fin en 2021 et a fait l’objet d’un premier bilan, sachant que l’Anses estime manquer de données pour établir des conclusions incontestables. Il ressort de ce rapport que les travailleurs agricoles sont deux fois moins exposés au moment de l’épandage. C’est un point positif, mais contrebalancé par le fait que ceux qui se rendent dans les parcelles après le traitement sont exposés à des résidus plus élevés qu’avec les traitements classiques. En outre, la dérive des produits – c’est-à-dire leur dépôt en dehors des zones visées – est globalement plus importante, tout comme l’exposition des personnes situées à proximité directe des parcelles traitées. Ce premier bilan, qui mérite d’être consolidé, n’est donc pas sans équivoque.

Dans ces conditions, les députés du groupe LIOT considèrent qu’il est trop tôt pour pérenniser l’expérimentation et appellent à la renouveler pour une durée de trois ans. Ce délai supplémentaire permettra à l’Anses de collecter les données nécessaires pour déterminer les conditions dans lesquelles l’épandage pourra ou non être autorisé, afin de minimiser les risques environnementaux et sanitaires. Il est également prématuré d’étendre ce dispositif à de nouvelles cultures, d’autant que la proposition de loi est peu cadrée : les essais ne sont pas limités dans le temps, et les conditions dans lesquelles ils seront validés sont renvoyées à un arrêté, sans davantage de précision.

Cette proposition de loi ne prévoit pas les précautions nécessaires à la pérennisation de l’épandage. Nous proposerons des amendements pour faire évoluer le dispositif.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. J’approuverai votre amendement limitant l’expérimentation à trois ans, sous réserve d’un sous-amendement.

 

Article 1er (art. L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) : Levée de l’interdiction de la pulvérisation aérienne de certains produits phytopharmaceutiques pour des traitements par drone sur certains types de parcelles ou sur certaines cultures

 

Amendements de suppression CE1 de Mme Delphine Batho et CE25 de Mme Manon Meunier

Mme Delphine Batho (EcoS). Les conclusions de l’Anses sont limpides : les essais réalisés, trop peu nombreux, ne sont pas conformes aux normes et ne permettent de tirer aucune conclusion. Voilà précisément ce qu’elle écrit : « L’analyse des données ne permet pas, à ce stade, de dégager des conclusions générales robustes compte tenu des incertitudes observées. » On ne peut lui faire dire autre chose. Ce dispositif doit donc être supprimé.

Par ailleurs, si vous aviez un quelconque intérêt pour la lutte contre la pénibilité du travail, vous n’auriez pas supprimé les critères de pénibilité que sont la manutention manuelle de charges et l’exposition aux produits chimiques ; vous n’auriez pas non plus défendu un projet de loi promouvant la retraite à soixante-quatre ans. Ce n’est pour vous qu’un argument de circonstance pour justifier l’utilisation de drones.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Comme les aéronefs, la proposition de loi aussi est télépilotée – comme l’avaient aussi été les amendements à la loi Egalim ! Je tiens d’ailleurs à votre disposition les articles de presse relatant l’affaire des copier-coller, à la faute d’orthographe près, des éléments de langage de l’industrie chimique.

En étant un tant soit peu honnête, il n’est pas difficile de reconnaître, comme le fait l’Anses, que les expérimentations ne présentent aucune robustesse scientifique.

Monsieur le rapporteur, arguer que votre texte ne concerne que les produits utilisés en agriculture biologique est un faux nez. Au total, l’agriculture biologique concerne 20 % du vignoble français : il s’agit bien ici d’autoriser à terme l’épandage par drone aux 80 % utilisant des pesticides.

Pour réduire la pénibilité du travail, il faut réduire l’usage des pesticides. Madame Marsaud, si vous voulez soulager les travailleurs comme vous le dites, retirez vos amendements sur la proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites qui sera examinée demain en séance publique !

Mme Sandra Marsaud (EPR). Je n’en ai déposé aucun !

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. C’est précisément parce que l’Anses estime que les essais n’ont pas été suffisamment bien menés que nous souhaitons les prolonger. La proposition de loi prévoit la réalisation de nouveaux essais, qui seront évalués par l’Anses, avant une autorisation éventuelle par l’exécutif pour un usage plus large, le tout sous le contrôle de l’Opecst.

Par ailleurs, vous n’avez pas le monopole de la lutte contre la pénibilité du travail. Utiliser les drones dans certaines zones permettra de la réduire, de limiter l’exposition des travailleurs aux produits et de traiter les cultures au moment adéquat.

En avril dernier, de fortes pluies ont frappé le sud du département du Rhône, dans ma circonscription. Dans les parcelles en forte pente, les viticulteurs n’ont pas pu traiter les vignes avec les équipements classiques tant le sol était détrempé, alors même que des maladies étaient en train de faire leur apparition. Tout a été fait à dos d’homme, ce qui est particulièrement pénible. Avec des drones, les travailleurs agricoles en auraient eu pour une heure au lieu de dix.

Enfin, il est vrai que le vignoble cultivé en agriculture biologique ne représente que 20 % du total. Vous en concluez que le dispositif ne vaut pas le coup, mais justement si ! Cette autorisation incitera davantage de viticulteurs conventionnels à entamer une transition vers l’agriculture biologique.

Avis défavorable.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, à quel prix est vendue la bouteille de vin issue des appellations de votre circonscription ? Quelle est la différence entre un salaire correct pour dix heures de travail et le tarif d’une prestation d’épandage par drone ? Toute la question est là ! En recourant aux drones, certains souhaitent simplement s’affranchir de la nécessaire amélioration des conditions de travail et du versement de salaires décents.

M. Hubert Ott (Dem). Je voudrais revenir sur la flavescence dorée et les cicadelles évoquées par Benoît Biteau. L’approche n’est pas la bonne, puisque ces papillons ne sont plus traités par des insecticides classiques mais par un procédé de confusion sexuelle, même dans des exploitations conventionnelles. De même, de nombreux traitements systémiques ont été remplacés par des traitements de surface qui sont lessivés à chaque pluie, ce qui oblige à réintervenir.

Les agriculteurs bio sont les premiers touchés. Ils ont besoin d’aide, et nous pouvons leur en apporter grâce aux drones. Loin de diminuer le nombre d’emplois, cela permettra de les convertir – et piloter ces engins est moins pénible que porter des pulvérisateurs. Plus généralement, l’argument de la pénibilité n’est opposable à personne : chacun a mené un combat à ce sujet et nos actions sont complémentaires.

La commission rejette les amendements.

Amendements CE48 de M. Hervé de Lépinau, CE26 de M. David Taupiac et CE42 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Hervé de Lépinau (RN). Mon amendement propose une nouvelle rédaction de l’article 1er qui prenne mieux en compte les futures évolutions de la technologie d’épandage par drone.

Le dispositif proposé impose trop de contraintes administratives par rapport aux exigences européennes, pour une technologie pourtant particulièrement efficace pour certains travaux. Il serait dommage de ne pas être ambitieux dans un texte qui ouvre des perspectives pour l’avenir. Les fabricants de drones s’intéresseront au domaine agricole lorsqu’il y aura des débouchés pérennes.

M. David Taupiac (LIOT). Nous ne sommes pas opposés à ce dispositif, nous demandons qu’il soit bien encadré. Nous proposons de prolonger l’expérimentation de trois ans afin que l’Anses puisse rendre un avis complémentaire sur les données manquantes. Je propose de maintenir le cadre actuel, qui restreint le recours à cette technique.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je ne souhaite pas élargir le dispositif, fruit d’un équilibre entre l’utilisation d’une technologie efficace et l’exposition limitée aux produits. Il s’inscrit dans une logique d’expérimentation, suivie par l’Opecst et l’Anses. Je suis donc défavorable à l’amendement CE48.

L’amendement CE42 propose de mener une expérimentation de l’épandage par drone sur les vignes en pente sans restreindre les produits utilisés, ce qui signifie que des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR) pourraient être pulvérisées. Avis défavorable.

L’amendement CE26 vise à expérimenter pendant trois ans l’épandage de produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d’une exploitation faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale. Ce dernier critère, qui était prévu dans la loi Egalim, est inopérant car il conduirait à autoriser l’épandage par drone de produits à risque non négligeable dans une exploitation HVE, alors que ce produit serait interdit dans l’exploitation voisine qui ne serait pas HVE. Bref, alors que la proposition de loi recherche un certain équilibre, votre amendement permettrait la diffusion de produits particulièrement dangereux. Avis défavorable.

M. Benoît Biteau (EcoS). Vu que les amendements de suppression ont été rejetés, essayons d’améliorer ce texte. Seul l’épandage de produits bio doit être autorisé. Dans le cadre d’une exploitation HVE, des molécules dangereuses, très volatiles, telles que le prosulfocarbe – que l’on trouve au sommet du Mont-Blanc – sont utilisées.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Certains collègues macronistes se racontent des histoires. Pourtant, la pente qu’ils suivent est claire. Lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, le Gouvernement avait soutenu un amendement visant à autoriser les banques et les assureurs privés à spéculer sur les terres agricoles : c’était déjà une ouverture vers le modèle agro-industriel, vers lequel on va petit à petit parce qu’on n’arrive plus à protéger le modèle agricole paysan.

Votre proposition de loi est un cheval de Troie : cette expérimentation finira par se généraliser, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays. Nous devrions plutôt donner la priorité à l’emploi et à la rémunération des agriculteurs. Nous pouvons faire autrement avec plus de paysans sur les terres.

M. Hervé de Lépinau (RN). Les opposants à ce texte sont tout de même face à une contradiction. L’épandage par drone est très précis, et il est particulièrement adapté pour éliminer les insectes ravageurs ou lutter contre les maladies. Très peu de produit est utilisé, ce qui protège la santé de l’exploitant et l’environnement de manière plus efficace que l’épandage réalisé aujourd’hui. Il est donc dommage de limiter la technologie aux produits phytosanitaires utilisés dans l’agriculture biologique : autant autoriser l’épandage de produits utilisés dans les exploitations HVE. Vous êtes des ennemis du progrès : à l’époque, vous auriez certainement été opposés à l’avancée technologique qu’était le tracteur !

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous vous avertissions, et maintenant la démonstration est faite : cette proposition de loi, c’est la boîte de Pandore. Tôt ou tard, on autorisera l’épandage aérien de pesticides de synthèse en France !

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’amendement CE26 ne porte que sur une expérimentation, alors que la proposition de loi prévoit aussi de pérenniser les pratiques actuelles. En outre, il écarterait l’utilisation des produits de biocontrôle dans certaines exploitations. Il va à l’encontre de l’objectif recherché.

L’amendement CE26 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CE48 et CE42.

 

Amendement CE3 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit toujours de revenir sur l’autorisation d’épandre des pesticides par voie aérienne. Ce type d’épandage avait été interdit pour des raisons de santé publique.

La question de l’atteinte au droit de propriété d’une personne voisine d’un exploitant qui utilise un produit susceptible de contaminer sa parcelle fait l’objet d’une abondante jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel. Respectons le cadre juridique actuel et la directive européenne, auxquels l’article 1er n’est pas conforme.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Cet amendement va encore plus loin que la suppression de l’article 1er : en supprimant son alinéa 3, il interdit toute dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien, y compris « en cas de danger sanitaire grave qui ne peut être maîtrisé par d’autres moyens ». Le droit en vigueur s’en trouverait durci.

La loi de 2015 a conservé certaines avancées de la loi de 2011 qui transposait la directive de 2009, mais pas toutes. Je propose d’élargir le dispositif actuel à une nouvelle technologie qui n’est ni l’avion, ni l’hélicoptère.

Mme Delphine Batho (EcoS). Ce que vous dites est entièrement faux. Mon amendement supprime, à l’alinéa 2 de l’article 1er, les mots « Sous réserve du I bis », et non le deuxième alinéa du I de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. Si vous pouviez dire la vérité sur cet amendement, ce serait plus respectueux.

M. Hubert Ott (Dem). J’ai eu l’occasion d’assister à une démonstration d’épandage aérien : les buses des aéronefs pilotés sont mobiles, ce qui permet de cibler une plante, et elles diffusent de très faibles quantités. Je confirme que l’utilisation des hélicoptères était désastreuse, puisqu’ils volaient dix ou vingt mètres au-dessus de la plante, que le cône d’épandage était incontrôlable et que le produit restait suspendu dans l’air. La forme des cônes des engins terrestres qui servent actuellement à épandre dans les vignes, y compris en agriculture biologique, entraîne une diffusion plus large et une suspension dans l’air deux cent fois supérieure à celle résultant de l’épandage par drone. La précision d’un aéronef piloté est sans commune mesure avec celle des anciens engins aériens ; il préserverait davantage les sols et la flore, notamment présente dans les vignes alsaciennes.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre amendement vise à supprimer les alinéas 3 à 13 : seuls les alinéas 1er et 2 subsisteraient. L’alinéa 1er prévoit simplement de remplacer le I de l’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime par les dispositions prévues aux alinéas suivants. Ne resterait donc que l’alinéa 2, selon lequel « la pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques est interdite. » Votre amendement supprime tous les autres alinéas, y compris ceux qui reprennent le droit en vigueur depuis 2015.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE56 de M. Jean-Luc Fugit, rapporteur.

 

Amendement CE57 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il est rédactionnel.

Mme Delphine Batho (EcoS). Non, cet amendement n’est pas rédactionnel. Sous réserve de vérification, cette mesure de précaution, qui peut être appliquée en cas de danger sanitaire grave, ne l’a jamais été. Je ne comprends pas l’intérêt de cet amendement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il est purement rédactionnel. Il s’agit de préciser que cette mesure s’applique en cas de force majeure et non en cas de danger, quel qu’il soit. Il s’agit d’une précision d’ordre légistique.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE9 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit d’un amendement de clarification qui vise, en cas de circonstances exceptionnelles, à imposer le respect des conditions prévues à l’article 9 de la directive de 2009.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La proposition de loi ne modifie pas la rédaction claire et robuste du droit en vigueur, qui résulte notamment de la transposition de la directive de 2009. Il n’est donc pas nécessaire d’y faire référence. Demande de retrait, ou avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). La directive européenne dresse une longue liste de conditions cumulatives encadrant les dérogations à l’interdiction de pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques. Cet amendement vise à les rendre opposables.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE6 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il vise à demander l’avis de l’Anses en cas de dérogation à l’interdiction de l’épandage aérien. En cas de danger sanitaire, elle pourrait ainsi proposer des solutions alternatives à l’administration.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La proposition de loi ne modifie pas non plus le droit en vigueur sur ce point. Il n’est pas dérogé à cette interdiction de manière abusive, bien au contraire. En cas d’urgence, il serait compliqué de consulter l’Anses. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE49 de M. Hervé de Lépinau

M. Hervé de Lépinau (RN). Alors que la philosophie du texte est de disposer d’un moyen technique pour minimiser le contact des opérateurs avec les produits, il est dommage de limiter cet avantage technologique aux produits de biocontrôle. Nous proposons d’élargir l’autorisation d’épandage aérien à tous les produits phytopharmaceutiques.

En matière viticole, de manière fréquente, les engins lourds – tracteurs ou chenillards – ne peuvent plus accéder à certaines parcelles en raison d’une quantité d’eau excessive. Le drone permettrait de suppléer ces engins pour traiter les parcelles, préserver la production et éviter la contamination d’autres parcelles. N’oublions jamais que si une parcelle est contaminée par un insecte ravageur ou une maladie, les exploitants des parcelles voisines devront multiplier les traitements.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Avis défavorable. La proposition de loi vise à autoriser l’épandage par drone tant des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle que des produits autorisés en agriculture biologique, notamment ceux contenant du cuivre, et des produits à faible risque. Les produits à faible risque sont ceux dont toutes les substances actives sont des substances à faible risque au sens du droit européen.

Bien que la proposition de loi ne fasse pas l’unanimité, sa rédaction est prudente : un dispositif efficace assorti d’un suivi scientifique est ainsi prévu.

M. Benoît Biteau (EcoS). Essayons d’avoir une approche globale : l’abandon de l’utilisation des pesticides ne vise pas uniquement à protéger les consommateurs ou les riverains, mais aussi à préserver la biodiversité et à lutter contre le dérèglement climatique qui menace la souveraineté alimentaire.

Par ailleurs, je doute qu’il existe des sols en pente où l’eau serait en quantité excessive. En tout état de cause, on peut se fonder sur la notion de vocation territoriale pour se dire que, si l’on a installé des modes d’agriculture qui ne sont pas adaptés au milieu, il faut peut-être en changer.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Épandre des pesticides qui ruisselleraient sur des sols gorgés d’eau, quelle excellente idée !

Cela me rappelle qu’en Camargue, l’entreprise agro-industrielle Euricom a acheté des terres sur lesquelles elle produit du riz qu’elle exporte en Europe. Là‑bas, les agriculteurs et agricultrices épandent des pesticides par tous les temps, sans respecter aucune règle agronomique – car c’est ce qui se passe avec le modèle agroéconomique, on ne respecte pas la terre. Bien qu’ils se rendent compte que la terre n’arrive plus à vivre ni à produire, ils continuent d’épandre et pour cela, ils reçoivent ce qu’ils appellent entre eux la prime cancer ! Et ils savent bien que lorsque la terre sera morte, Euricom en achètera une autre.

La commission rejette l’amendement.

 

L’amendement CE21 de Mme Delphine Batho est retiré.

 

Amendement CE8 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit de reprendre les termes de la directive européenne, en ajoutant l’absence de solution viable aux conditions cumulatives qui doivent être réunies pour autoriser l’épandage par drone.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous proposez une surtransposition du droit européen. En effet, les conditions prévues par la directive SUD sont alternatives et vous voulez les rendre cumulatives. Les agriculteurs se plaignent souvent du fait que nous allions plus loin que le droit européen, essayons cette fois d’éviter ! Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE62 de M. Jean-Luc Fugit, amendements identiques CE4 de Mme Delphine Batho et CE46 de Mme Mélanie Thomin, amendement CE5 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Mon amendement vise à rendre la dérogation à l’interdiction d’épandage aérien conforme à la directive SUD de 2009. Cette dernière autorise l’épandage s’il a des avantages manifestes « du point de vue des incidences sur la santé humaine et l’environnement ». Or, la rédaction initiale de l’article 1er évoque un bénéfice pour la santé humaine « ou » pour l’environnement.

Je demande le retrait des autres amendements, qui visent aussi à remplacer le « ou » par le « et », car le mien va un peu plus loin s’agissant de la protection de la santé des personnes qui travaillent sur les parcelles.

Mme Delphine Batho (EcoS). La directive européenne fait référence à l’incidence sur « la santé humaine et l’environnement ». Votre proposition est insuffisante, monsieur le rapporteur, car vous invoquez la santé de certaines personnes et non la santé humaine en général. En outre, votre formulation sur les « personnes travaillant sur les parcelles à traiter » me semble destinée à contourner le Conseil d’État, qui avait censuré l’arrêté ministériel autorisant les expérimentations au motif que la santé des personnes travaillant à proximité immédiate des parcelles n’était pas prise en considération. Revenons-en au texte de la directive, sans ouvrir un débat sur les salariés qui sont sur la parcelle et les personnes qui se trouvent à proximité.

Mme Marie-José Allemand (SOC). Madame Batho a parfaitement résumé le problème de rédaction qui se pose.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Ma rédaction insiste sur les personnes qui travaillent sur les parcelles, mais le terme « notamment » montre bien qu’elle n’exclut pas les autres.

Mme Delphine Batho (EcoS). Pour moi, il faut vraiment utiliser la formule « santé humaine », qui inclut tout le monde : les agriculteurs, les salariés qui sont sur la parcelle à traiter, ceux qui se trouvent sur des parcelles adjacentes et les riverains. Pourquoi devrait-on faire le tri ?

La commission rejette l’amendement CE62.

Elle adopte les amendements CE4 et CE46.

En conséquence, l’amendement CE5 tombe.

 

Amendement CE63 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il s’agit de préciser que le dispositif s’applique aux parcelles comportant une pente égale ou supérieure à 20 %, afin que la condition soit vérifiable et que les agriculteurs ne se retrouvent pas en situation d’insécurité juridique. Ce seuil de 20 % de pente correspond au niveau de déclivité qui présente des risques sérieux pour l’utilisation d’engins agricoles terrestres, notamment les chenillards et les tracteurs étroits dans les vignes. Au-delà de 30 % de pente, l’utilisation du pulvérisateur à dos s’impose.

Mme Delphine Batho (EcoS). Dans la loi autorisant l’expérimentation, il était question des pentes supérieures ou égales à 30 %. Il n’y a donc jamais eu d’expérimentation sur des pentes comprises entre 20 % et 30 %. Qu’est-ce qui vous conduit à abaisser le seuil ? Quelle sera l’incidence de cette baisse en termes de surfaces concernées à l’échelle du territoire national, c’est-à-dire dans l’Hexagone et dans les outre-mer ?

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. S’il est impossible d’utiliser du matériel agricole dans une pente supérieure à 30 %, il est dangereux de le faire dans une pente comprise entre 20 % et 30 %. Des arboriculteurs et viticulteurs m’ont ainsi expliqué qu’ils devaient parfois traiter contre certaines maladies, y compris en agriculture biologique, après de fortes pluies de printemps qui peuvent provoquer des glissements de terrain. J’ai voulu intégrer cette donnée dans le texte de façon pragmatique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques CE27 de M. David Taupiac et CE32 de M. Benoît Biteau

M. David Taupiac (LIOT). Nous proposons d’en rester au seuil de 30 % qui a été retenu pour l’expérimentation. Par souci de rigueur scientifique, une éventuelle pérennisation doit se faire dans les mêmes conditions.

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet abaissement de seuil montre que nos craintes étaient fondées quand nous parlions de cheval de Troie et de boîte de Pandore. D’emblée, il est question d’étendre les surfaces concernées par les traitements par drones, dans une tentative de vulgarisation et de standardisation d’une pratique qui devait rester marginale. Combien d’hectares supplémentaires pourraient-ils être ainsi traités par drones ? Nous n’en savons rien, car les données de l’expérimentation reposent sur le seuil de 30 %. Restons-en là.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous considérez donc qu’il est utile d’utiliser des drones dans les pentes supérieures à 30 %.

Si vous discutez avec des agriculteurs, arboriculteurs et viticulteurs, ils vous diront qu’un terrain avec un dénivelé de 20 % est déjà vraiment pentu. Allez voir, vous le constaterez vous-même. Il me semble donc nécessaire d’offrir la possibilité de l’usage des drones à partir d’une pente de 20 %. Oui, cela fera un peu plus de surface traitée, mais nous parlons de produits autorisés en agriculture biologique !

M. Hubert Ott (Dem). Sur des pentes de 20 %, les engins agricoles terrestres ravinent, tassent et créent les conditions idéales d’une érosion dont on se passerait bien de nos jours. Les herbes ne tiennent pas si elles sont compressées, arrachées, détruites par les passages intempestifs de machines de traitement. En outre, il est bien difficile de respecter les courbes de niveau sur des parcelles accidentées où le dénivelé passe de 20 à 28 ou 33 % selon les endroits. Or il faut pouvoir travailler à l’échelle d’une parcelle, sinon ce n’est pas gérable. Dans ma région viticole, les surfaces des parcelles font en général entre 5 et 20 ares et accusent des dénivelés qui peuvent aller de 15 à 35 ou 40 %. Il faut savoir si nous voulons rendre service aux gens ou leur compliquer la vie.

Mme Delphine Batho (EcoS). Au risque de me répéter, je maintiens que le Parlement ne peut voter sur des données quantitatives sans savoir ce qu’elles impliquent. Nous posons une question simple : si le seuil est abaissé à 20 %, combien d’hectares supplémentaires seront-ils concernés ? Par ailleurs, l’expérimentation – dont nous considérons, contrairement à vous, que les résultats ne sont pas concluants – n’a jamais porté sur les pentes comprises entre 20 et 30 %. C’est un fait. On ne peut donc pas s’en prévaloir pour ce type de pentes.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements CE17 et CE20 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit d’amendements de repli relatifs notamment à la distance vis-à-vis des riverains, point sensible dans toute la jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous souhaitez créer une zone sans traitement par drone de deux cent cinquante mètres autour des bâtiments habités, ce qui revient à exclure de cette pratique toutes les vignes auxquelles je pense. C’est une manière de rendre la disposition inapplicable, alors qu’elle est conçue pour des produits de biocontrôle utilisés en agriculture biologique, comme vous pouvez l’observer dans les essais réalisés. En revanche, les CMR pourront toujours être utilisées à vingt mètres des habitations…

Vos amendements sont une autre manière de vous opposer à une proposition de loi à laquelle vous êtes globalement hostiles, c’est la seule logique que j’y trouve. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Dans tous les textes où il est question de pesticides, nous luttons pour que les riverains soient protégés le mieux possible. Que les choses soient claires : nous sommes contre l’usage de CMR à vingt mètres des habitations. Cela étant, l’Anses indique que la dérive aérienne des produits épandus par drone est de quatre à dix fois supérieure à celle occasionnée avec du matériel de référence, quel qu’il soit. Il ne faudrait donc pas nier cet effet de dérive des produits.

La commission adopte l’amendement CE17.

En conséquence, l’amendement CE20 tombe.

 

Amendement CE7 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Par cet amendement de repli, nous demandons un avis préalable de l’Anses sur l’arrêté définissant les conditions d’autorisation des programmes d’épandage par drone.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Votre amendement est satisfait : cet arrêté prévoira nécessairement l’intervention de l’Anses dans le processus, conformément à l’article 9 de la directive, repris dans le texte.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE58 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. _Nous avons travaillé cet amendement avec le syndicat CFDT du secteur agroalimentaire. L’idée est que les salariés et leurs représentants ne devaient pas être oubliés lors de la consultation sur l’arrêté ministériel : ils sont concernés au premier chef par ce progrès technique à même de réduire la pénibilité et la dangerosité de leur travail. Je n’ose imaginer que cet amendement ne fasse pas l’unanimité.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements identiques CE10 de Mme Delphine Batho et CE43 de Mme Mélanie Thomin

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il s’agit tout bonnement de supprimer les alinéas 6 à 13, c’est-à-dire toute la partie qui concerne les essais d’épandage par drone sur les bananeraies ou les vignes mères de porte-greffes. Je rappelle que ces essais seraient évalués par l’Anses et que les résultats seraient transmis à l’Opecst et aux autorités de l’État. Les supprimer, c’est supprimer cette technique d’épandage, ce qui est du reste l’objectif affiché des auteurs de l’amendement. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE59 de M. Jean-Luc Fugit, rapporteur.

 

Amendement CE28 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Il s’agit de limiter le champ d’application des nouveaux programmes d’essai aux seules parcelles et cultures faisant l’objet de contraintes d’accès.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La notion de parcelles et cultures « faisant face à des contraintes d’accès » me semble insuffisamment précise pour en faire un critère légal d’accès à l’autorisation d’épandage par drone à titre d’essai. Certaines difficultés d’accès peuvent d’ailleurs être temporaires, par exemple en raison d’un excès d’eau dû aux fortes pluies du printemps. Ces essais sont importants pour nous permettre de déterminer le bien-fondé de nos hypothèses. Retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE60 de M. Jean-Luc Fugit, rapporteur.

 

Amendements identiques CE15 de Mme Delphine Batho et CE47 de Mme Mélanie Thomin

Mme Delphine Batho (EcoS). Il s’agit là encore d’utiliser la formulation de la directive sur la santé humaine et l’environnement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Par souci de cohérence avec l’amendement adopté précédemment, il faut adopter aussi ces amendements identiques. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements CE18 et CE19 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Le premier vise à protéger les riverains en instaurant une zone de non-traitement par drone de deux cent cinquante mètres autour des bâtiments habités. Le deuxième est un amendement de repli qui tend à interdire l’utilisation des drones dans les espaces naturels protégés par le code de l’environnement. Pour nous, la logique de ces essais est de conduire à une généralisation de l’épandage par drone. Nous voulons donc les interdire dans tous ces espaces où l’on retrouve des enjeux particuliers en matière de biodiversité certes, mais aussi de paysage et de patrimoine. Ce n’est pas une bonne idée d’autoriser des drones à épandre des produits dans des réserves naturelles et des parcs nationaux, même si lesdits produits sont autorisés en agriculture biologique.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Contrairement à Mme Batho, je pense qu’il faut autoriser ces essais avec des produits à faible risque, afin de proposer des solutions nouvelles et utiles à nos agriculteurs. C’est un désaccord profond entre nous. Avis défavorable pour ces deux amendements.

Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Quels que soient les produits utilisés, c’est l’usage en tant que tel de drones dans des zones protégées que nous contestons. La Ligue pour la protection des oiseaux, par exemple, a montré que certains rapaces sont dérangés par les drones, qu’ils prennent pour des prédateurs. Si vous voulez protéger la biodiversité, vous ne devez pas utiliser ces drones. De la même manière que pour le climat, l’idée est de minimiser les effets des humains sur la biodiversité. Le rapport de la mission d’information sur les dynamiques de la biodiversité publié en janvier dernier montre ainsi que le trio robotique-génétique-numérique est un non-sens d’un point de vue énergétique : tous les chercheurs auditionnés ont expliqué que la construction de ces robots destinés à remplacer les humains est un puits énergétique sans fond.

La commission rejette l’amendement CE18 et adopte l’amendement CE19.

 

Amendement CE64 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il s’agit de préciser que les autorisations d’épandage par drone, en dehors de cas prévus au I bis, ne seront délivrées que pour des essais. Ce n’est que si l’évaluation des résultats par l’Anses démontre que l’essai est concluant, avec des avantages manifestes pour la santé et l’environnement, que des programmes pourront être autorisés en dehors de tout essai.

La commission adopte l’amendement.

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Amendement CE29 de M. David Taupiac et sous-amendement CE67 de M. Jean-Luc Fugit

M. David Taupiac (LIOT). Inquiets à l’idée que ce texte puisse inscrire cette nouvelle pratique dans la durée, nous voulons préciser que les programmes mentionnés ne sont autorisés que pour une période de trois ans.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’idée d’encadrer la durée des essais me paraît intéressante, mais je propose de préciser que la durée de trois ans est « maximale ». Sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement, j’émets donc un avis favorable sur cet amendement.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Amendement CE55 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Fidèles à nos propos, nous proposons d’élargir la possibilité des essais à tous les produits phytopharmaceutiques autorisés en France.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Fidèle à ma logique, je vais émettre un avis défavorable car je pense qu’il faut adopter une approche prudente et équilibrée.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE54 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Dans la même ligne, nous proposons d’élargir les possibilités d’essai des programmes à tous les produits phytopharmaceutiques autorisés en France et à tous les types de terrain et de culture.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Ma proposition de loi a pour but d’accompagner les agriculteurs vers la transition agroécologique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE16 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Une fois de plus, je reviens à la référence de la directive sur la santé humaine et l’environnement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Par souci de cohérence, il faut adopter cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE50 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Cet amendement vise à simplifier le dispositif en retirant la mention de l’Anses.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous m’épatez, mais pas dans le bon sens ! La directive européenne impose aux États membres d’avoir une évaluation scientifique ; en France, c’est l’Anses qui est compétente pour cela. Lorsque nous en viendrons aux alinéas 12 et 13, nous verrons d’ailleurs qu’il y est question de s’appuyer sur elle pour la validation des décrets et arrêtés. Gardons l’expertise de l’Anses, même si certains peuvent contester son apport. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Les auteurs de cet amendement manifestent de manière récurrente leur volonté de liquider l’Anses. Nous pouvons débattre des travaux qu’elle produit, mais l’État a absolument besoin d’une agence pour disposer d’un travail scientifique sur les questions de santé environnementale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE31 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). Il vise à garantir que l’utilisation de drones pour épandre les produits phytopharmaceutiques ne se traduise pas par une augmentation des quantités utilisées. L’Anses doit vérifier que les programmes d’essais s’inscrivent bien dans une trajectoire de réduction de l’utilisation desdits produits.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il va de soi que la limitation des quantités pulvérisées sera analysée, dès lors que, comme le prévoit l’alinéa 8, l’objectif des essais est d’étudier les avantages pour la santé et pour l’environnement. Si l’on s’attache aux avantages, on étudie forcément les risques et les inconvénients, selon une approche scientifique – d’où le rôle de l’Anses. Cet amendement étant satisfait, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE65 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il ne m’apparaît finalement pas pertinent – je fais mon autocritique – de demander une présentation annuelle des évaluations des essais devant l’Opecst. Néanmoins, je tiens à ce que le Parlement regarde ce qui se fait scientifiquement.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CE61 de M. Jean-Luc Fugit et CE22 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Il ne serait pas opportun de revenir sur les objectifs des essais, à l’alinéa 11, dans des termes différents de l’alinéa 8. En revanche, il serait utile de préciser que le décret définissant les conditions d’autorisation et les modalités de réalisation devra également fixer les modalités de transmission des résultats à l’Anses.

Mme Delphine Batho (EcoS). Un problème de rédaction se pose en effet. Je propose de faire référence, suivant les termes de la directive européenne, à l’absence d’autre solution viable et à l’absence d’incidence. L’amendement de M. le rapporteur ne me paraît pas convenir, car il supprimerait l’espèce d’obligation de résultat qui figure dans le texte initial.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Si je propose de simplifier un peu le texte, c’est parce que tout cela est déjà prévu à l’alinéa 8. Votre amendement posant des conditions cumulatives, avis défavorable pour les raisons évoquées tout à l’heure.

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement CE44 de Mme Mélanie Thomin

Mme Marie-José Allemand (SOC). Cet amendement de repli vise à conditionner les essais relatifs au traitement phytosanitaire par drone par l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des produits phytopharmaceutiques d’ici à 2030, conformément à la stratégie Écophyto.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Je partage cet objectif, mais son atteinte ne peut évidemment pas reposer uniquement sur l’utilisation de drones. J’espère cependant sincèrement qu’ils pourront y contribuer : l’idée est de mieux utiliser les produits, au bon moment, pour en mettre moins. Avis défavorable.

Mme Marie-José Allemand (SOC). Les drones pourraient y participer en effet : il n’est pas question qu’ils soient les seuls concernés par l’amendement.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Si l’on inscrivait dans la loi ce que vous demandez, on ferait de l’objectif une condition. Or, on peut simplement espérer que les essais menés permettront de réduire les quantités utilisées, comme d’aller vers des produits ayant un moindre impact et de réduire la pénibilité pour les employés agricoles. Mais sur le fond, je partage votre intention.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE30 de M. David Taupiac

M. David Taupiac (LIOT). L’amendement prévoit que les essais seront conditionnés par la mise en place de protocoles par l’Anses.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. L’alinéa 11 prévoit qu’un décret définit les conditions d’autorisation des essais et leurs modalités de réalisation. Même si cela peut paraître une évidence, on peut effectivement prévoir une consultation obligatoire de l’Anses, mais votre rédaction rendrait le texte vraiment trop complexe. Nous pourrions retravailler sur la question d’ici à la séance ? En attendant, je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE11 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous demandons la suppression du mécanisme de généralisation, à l’issue des essais, qui est inscrit aux alinéas 12 et 13.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Par cet amendement, vous dites oui aux essais, mais non à une généralisation. Je rappelle qu’une évaluation scientifique aura lieu, et que les essais pourraient même être conçus avec l’Anses, comme le propose M. Taupiac. Vous comprendrez, compte tenu de la logique qui sous-tend cette proposition de loi, que je sois défavorable à votre amendement.

Mme Delphine Batho (EcoS). Mais à quoi servirait la transmission des résultats à l’Anses et à l’Opecst si la loi prévoit qu’après les essais, le Gouvernement peut procéder automatiquement à la généralisation ? La rédaction que vous avez retenue montre bien que cette affaire d’essais n’est qu’un habillage : ce que vous souhaitez, c’est une généralisation de l’autorisation d’épandage par aéronef. Nous vous donnons acte de l’avoir restreinte à certains produits seulement, mais nous ne sommes pas d’accord avec le reste.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. La démarche que je vous propose est de regarder les solutions qui se présentent, de faire des essais, de s’appuyer sur la science. Vous demandez à quoi servira l’Opecst, mais informer régulièrement le Parlement de ce qui se passe lui permet de faire son travail de contrôle de l’action du Gouvernement, quel qu’il soit ! Cela pourra aussi donner des idées à des parlementaires qui souhaiteront peut-être déposer des propositions de loi ou de résolution. Vous parlez d’habillage : je trouve qu’il s’agit plutôt d’une démarche cohérente qui associe tous les acteurs. Il n’est pas mauvais que le Parlement puisse regarder ce que font le monde agricole, l’Anses, l’Inrae et le Gouvernement. Avis défavorable à la suppression de ces alinéas pour rester dans la logique que j’ai essayé de vous faire partager ce soir.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE66 de M. Jean-Luc Fugit et CE45 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Mon amendement vise à simplifier l’écriture des alinéas 12 et 13 sans en changer la portée. Une fois que des essais portant sur certains types de parcelles ou certaines cultures auront été menés et si leur évaluation scientifique par l’Anses conclut à un avantage manifeste pour la santé et l’environnement, ces types de parcelles ou de cultures seront inscrits sur une liste, et des programmes d’épandage par drone pourront alors être autorisés dans les mêmes conditions que ce qui est déjà prévu pour les parcelles en pente, les bananeraies ou les vignes mères de porte-greffes.

Mme Delphine Batho (EcoS). J’aimerais faire de mon amendement CE23 qui vient juste après un sous-amendement à cet amendement du rapporteur.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Dans ce cas, il est préférable de rectifier mon amendement. Je vous propose que le deuxième alinéa soit ainsi rédigé :

« 3° Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé dresse la liste des types de parcelles ou des cultures pour lesquelles les résultats des essais mentionnés au 2° montrent que la pulvérisation par aéronef circulant sans personne à bord est susceptible de présenter des avantages manifestes pour la santé humaine et pour l’environnement. »

La commission adopte l’amendement CE66 ainsi rectifié.

En conséquence, l’amendement CE45 tombe, ainsi que l’amendement CE23 de Mme Delphine Batho.

 

Amendement CE33 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). L’Anses a conclu que, par rapport à des méthodes d’épandage terrestre, la dérive aérienne était de quatre à dix fois plus importante pour des cultures telles que la vigne et les bananeraies, et de trois à cinq fois pour les pommiers. Néanmoins, nous manquons encore de connaissances. Cet amendement demande donc à l’Anses et à l’Ademe (Agence de la transition écologique) de mener des études complémentaires approfondies sur l’impact de l’utilisation des drones pour l’épandage de pesticides, quand bien même ces derniers seraient autorisés dans l’agriculture biologique. Cela permettra de lever un certain nombre d’incertitudes, avant de se lancer comme des frelons dans l’utilisation de drones.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Vous voulez subordonner la pérennisation de l’épandage par drone à la réalisation d’études supplémentaires par l’Anses et l’Ademe dans un délai de deux ans. Cela supposerait de transformer l’ensemble du dispositif et de mener une nouvelle expérimentation, idée que nous avons rejetée tout à l’heure. Je vous rappelle que le texte a déjà un volet expérimental, avec une phase d’essais et une évaluation par l’Anses en vue d’une éventuelle pérennisation, ce qui paraît assez équilibré. Je vous propose donc d’en rester là. Votre rédaction sur « la pérennisation des dispositions du présent article » pose par ailleurs un problème légistique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE51 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Nous demandons au Gouvernement un rapport étudiant l’opportunité d’étendre le dispositif prévu à l’article 1er à l’ensemble des produits phytopharmaceutiques.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Le rapport que vous demandez serait remis six mois après la promulgation de la loi. Or, il faut laisser à l’Anses le temps de mener des essais et d’étudier les résultats. Un tel délai n’est pas compatible avec le travail de l’Agence. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

 

Suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement CE52 de M. Hervé de Lépinau.

Amendement CE53 de M. Hervé de Lépinau

Mme Géraldine Grangier (RN). Nous demandons cette fois un rapport sur le coût et l’opportunité pour les exploitants agricoles qui seraient éligibles.

M. Jean-Luc Fugit, rapporteur. Si je comprends bien, vous souhaitez une étude de marché concernant les sociétés qui pourraient proposer, grâce au présent dispositif, de nouvelles prestations agricoles. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’exposé des motifs de cet amendement est très intéressant : il met l’accent sur la motivation que représente une réduction du coût du travail.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 2 : Gage financier

 

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement de suppression CE2 de Mme Delphine Batho.

 

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 


Liste des personnes auditionnées

Par ordre chronologique

 

Chambres d’agriculture France *

M. Philippe Noyau, président de la chambre régionale d’agriculture de
Centre-Val de Loire, et membre du bureau de chambres d’agriculture France

M. Nicolas Walter, chargé de mission Agroéquipements

M. Étienne Bertin, chargé mission affaires publiques

M. Pascal Lavergne, ancien député

Ministre de l’agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt

M. Gaëtan Santos, conseiller en charge du parlement et des élus locaux

Mme Anne Girel-Zajdenweber, conseillère biodiversité, eau, planification écologique et stratégie écophyto

M. Aurélien de la Noue, conseiller économie, industrie agro-alimentaires, EGALIM, foncier et outre-mer

Mme Sylvie Marais, sous-directrice du droit des politiques agricoles (DAJ)

M. Olivier Prunaux, adjoint à la sous-direction de la santé et de la protection des végétaux

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *

M. Denis Velut, président du COPIL Drône de la FNSEA

Mme Romane Sagnier, chargée de mission affaires publiques

M. Bastien Renaux, chargée de mission Environnement et Apiculture

EURODOM *

M. Nicolas Marraud Des Grottes, président de l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN)

M. Pierre Monteux, directeur général de l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN)

Mme Sylvie Le Maire, déléguée générale du Syndicat du Sucre de la Réunion (SSR)

M. Benoît Lombrière, délégué général adjoint Eurodom

Mme Sonia-Sarah Bakrim, chargée des relations avec le Parlement Eurodom

Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)

M. Thierry Mercier, directeur de l’évaluation des risques pour les produits réglementés

M. Chaouki Zerouala, chef de l’unité évaluation toxicologie des intrants du végétal

Mme Anaïs Vernillet, scientifique dans l’unité éco toxicologie environnement des intrants du végétal

Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

([2]) Amendement n° 2369 (rect.) déposé après l’article 18 par le Gouvernement devant la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, lors de l’examen du texte en première lecture.

([3]) Rapport sur les performances du traitement en bananeraies de forte pente, octobre 2020, Martinique, p. 26 et s. de l’avis de l’Anses.

([4]) Note d’appui scientifique et technique du 1er juillet 2022 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relative à l’expérimentation de l’utilisation de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutique (publiée le 14 octobre 2022).

([5]) Jaquerod A., Dubuis P-H. (2021). Évaluation des performances du drone pour les traitements phytosanitaires de la vigne. Revue suisse Viticulture, Arboriculture, Horticulture, 53 (5), p. 244-250.

([6]) Règlement (UE) 2019/947 du 24 mai 2019 concernant les règles et procédures applicables à l’exploitation d’aéronefs sans équipage à bord.

([7]) Voir l’article D.617-4 du code rural et de la pêche maritime et les arrêtés du 20 juin 2011 et du 18 novembre 2022.

([8]) Proposition de loi n° 2595 visant à lutter plus efficacement contre les maladies affectant les cultures végétales, présentée par M. Pascal Lavergne.

([9]) Règlement (UE) 2018-848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil.

([10]) Règlement d’exécution (UE) 2021/1165 de la Commission du 15 juillet 2021 autorisant l’utilisation de certains produits et substances dans la production biologique et établissant la liste de ces produits et substances.

([11]) Les programmes de traitement sont généralement établis pour l’année, en début de campagne, en fonction de la pression des bio-agresseurs de la campagne précédente.