N° 846
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 22 janvier 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées,
Par M. Idir BOUMERTIT,
Député.
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Voir le numéro : 580.
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SOMMAIRE
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Pages
I. L’usage détourné du protoxyde d’azote, un phénomène désormais massif, source de problèmes graves
A. Le « proto », un produit banalisé dont la consommation a radicalement évolué
1. Une évolution inquiétante de la consommation
2. Des causes plurielles, dominées par le développement d’une offre dédiée à faible coût
3. Un fléau dans certains quartiers qui cumulent les difficultés
1. Un impact sanitaire incontestable, que l’on commence tout juste à apprécier
2. Un impact écologique et économique important pour les collectivités
3. Un impact sur la sécurité publique
II. La réponse apportée par la puissance publique depuis quelques années s’avère insuffisante
A. L’échec de l’encadrement juridique des usages détournés initié en 2021
1. La réponse amorcée par la puissance publique en 2021...
2. ... n’a pas permis d’endiguer la massification du phénomène
B. Un effort de prévention encore trop ponctuel et disparate pour être efficace
III. il est urgent d’agir pour éloigner nos jeunes du protoxyde d’azote
A. interdire l’accès des particuliers au protoxyde d’azote
Article 1er bis (nouveau) Coordinations juridiques
Article 4 Remise d’un rapport d’évaluation au Parlement
ANNEXE n° 1 : Liste des personnes ENTENDUEs par le rapporteur
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Mesdames, Messieurs,
Cosignée par plus de cent députés issus d’horizons politiques variés, la proposition de loi n° 580 visant à restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées est résolument transpartisane. Sans idéologie ni préjugé, elle veut apporter des solutions à cet enjeu de société majeur qu’est la banalisation du détournement de l’usage du protoxyde d’azote chez les adolescents et jeunes adultes.
Le « proto », comme l’appellent les jeunes, n’a en effet rien de l’innocuité qu’on lui prête souvent. Initialement extrait de cartouches destinées à fabriquer de la crème chantilly dans des siphons, ce gaz est inhalé par les consommateurs au moyen de ballons de baudruche. S’il provoque, à court terme, un effet euphorisant qui lui vaut son appellation de « gaz hilarant », le protoxyde d’azote peut en réalité induire des dommages sanitaires très graves à moyen terme pour les consommateurs – dommages que le corps médical continue encore à découvrir actuellement, tant on manque de recul sur ce phénomène qui a connu un essor inédit depuis le début des années 2020.
Initialement circonscrite au Nord de la France, la consommation de protoxyde d’azote a désormais essaimé sur l’ensemble du territoire. Dans de nombreux quartiers, souvent dans les grandes métropoles, elle a pris une ampleur préoccupante. Des centaines de bonbonnes vides sont quotidiennement abandonnées sur la voie publique, et les troubles à l’ordre public se multiplient, l’inhalation du gaz induisant, chez les consommateurs, un comportement désinhibé. Ce fléau vient frapper des populations qui cumulent déjà souvent les difficultés ; les publics fragiles sont ainsi plus touchés que d’autres par la consommation chronique de ce gaz.
Par la loi du 1er juin 2021 ([1]), le législateur avait déjà cherché à réguler cet usage détourné du protoxyde d’azote et à en protéger les plus jeunes. Cette loi en avait notamment interdit la vente aux mineurs, et régulé les quantités susceptibles d’être vendues aux majeurs. Cependant, élus locaux, forces de l’ordre, médecins et simples citoyens convergent pour constater que le phénomène, loin de se tarir, paraît s’amplifier. En témoigne, le développement d’un marché en ligne, visant, de manière décomplexée, cet usage détourné, et profitant du statut encore ambigu du protoxyde d’azote dans notre législation.
La présente proposition de loi vise donc à proposer des mesures effectives pour éloigner le jeune public du protoxyde d’azote, encore bien trop banalisé et facilement accessible aujourd’hui, dans un souci de protection de ces jeunes qui ne sont souvent pas conscients des risques auxquels ils s’exposent.
I. L’usage détourné du protoxyde d’azote, un phénomène désormais massif, source de problèmes graves
A. Le « proto », un produit banalisé dont la consommation a radicalement évolué
1. Une évolution inquiétante de la consommation
● Le protoxyde d’azote est un gaz identifié de longue date – dès le XVIIIe siècle – pour ses effets euphorisants, anesthésiants et analgésiques. Ces caractéristiques justifient son utilisation à des fins médicales, à l’hôpital et en ville, sous la forme d’un mélange équimolaire avec de l’oxygène, le MEOPA, à compter des années 1980 en France.
● L’usage récréatif du protoxyde d’azote est également ancien, comme l’a rappelé M. Clément Gérome, coordonnateur national du dispositif TREND (tendances récentes et nouvelles drogues) au sein de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT). Cependant, cet usage a radicalement évolué au fil des années : s’il était plutôt répandu dans la bourgeoisie au XIXe siècle, il est réapparu dans les années 1990 dans le milieu techno et des « free parties ». Dans les années 2000, il s’est déployé dans le monde étudiant, surtout au sein des filières médicales et paramédicales ; il résulte alors du détournement du protoxyde d’azote médical.
Enfin, à partir de 2017, on a commencé à retrouver, dans l’espace public, des petites cartouches normalement destinées à faire fonctionner les siphons à crème chantilly, surtout dans le Nord de la France, en particulier dans l’agglomération lilloise, à proximité des endroits fréquentés par les jeunes. Cette « démocratisation » de la consommation du protoxyde d’azote, permise par le détournement de cartouches conçues pour un usage alimentaire, s’est accompagnée des premières alertes sanitaires, lesquelles ont motivé l’adoption de la loi précitée du 1er juin 2021.
● Cependant, depuis deux ou trois ans, on a encore assisté à un véritable changement de registre dans la consommation du protoxyde d’azote, à plusieurs titres :
– premièrement, le phénomène n’est plus circonscrit aux Hauts-de-France ; il s’est généralisé sur l’ensemble du territoire national, même s’il reste plus visible au sein des grandes agglomérations (Paris, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Bordeaux...) ;
– deuxièmement, on observe un véritable changement d’échelle dans les quantités consommées, matérialisé par le passage de la cartouche de 8,6 grammes à la bonbonne de 600 grammes, voire plus. De l’avis de l’ensemble des interlocuteurs auditionnés par le rapporteur, ce sont désormais quasi exclusivement ces bonbonnes que l’on retrouve dans les déchets et sur la voie publique ;
– troisièmement, on note une évolution du profil des consommateurs. Si le protoxyde d’azote est toujours consommé dans le milieu festif, est venu se greffer un usage plus quotidien de ce gaz, lequel fait alors office d’anxiolytique ou d’antidépresseur, souvent dans un contexte social difficile.
Au-delà de ce que l’on observe, l’évolution de la consommation de protoxyde d’azote est difficile à quantifier, dans la mesure où le phénomène n’a été que récemment mesuré. Les données disponibles résultent notamment de l’enquête EnCLASS réalisée en 2022 par l’ODFT. Elle fait apparaître que 5,4 % des collégiens de classe de troisième déclarent avoir consommé de ce gaz au moins une fois. Chez les jeunes adultes (18-24 ans), ce taux s’élève en 2022 à 13,7 %, selon une enquête réalisée par Santé publique France ([2]). C’est peu, si on le ramène à l’expérimentation du cannabis, qui concerne 46,3 % des jeunes adultes, mais, comme l’a souligné l’OFDT lors de son audition, cela témoigne d’une consommation déjà bien installée.
Par ailleurs, il existe un faisceau d’indices – multiplication des alertes sanitaires, augmentation de la taille de contenants, généralisation sur le territoire – qui suggère que ce phénomène continue à s’accroître en ampleur.
2. Des causes plurielles, dominées par le développement d’une offre dédiée à faible coût
Le « succès » du protoxyde d’azote auprès des adolescents et jeunes adultes se conçoit aisément dès lors que l’on prend en compte les « avantages » que présente ce produit, par rapport à d’autres substances :
– à l’évidence, ses effets euphorisants, qui incitent les consommateurs à renouveler l’expérience ;
– il convient en outre de noter que ces effets sont de courte durée, ce qui permet aux jeunes d’en consommer tout en prenant la voiture ensuite, ou sans que leurs parents ne s’en aperçoivent ;
– la croyance en l’innocuité du protoxyde d’azote, produit licite et grand public, commercialisé dans les grandes surfaces, semble par ailleurs encore bien ancrée. De l’avis de l’ensemble des interlocuteurs auditionnés, les jeunes n’ont généralement pas conscience des risques attachés à cette consommation ;
– en outre, cet engouement est favorisé et stimulé par le développement d’une offre explicitement tournée vers cet usage récréatif, commercialisée en ligne, et très largement accessible via les réseaux sociaux. Souvent domiciliés en Chine, les producteurs, à l’image de la société Cream Deluxe, mettent en avant de manière décomplexée cet usage récréatif et commercialisent – en toute illégalité – des bonbonnes de protoxyde d’azote, recourant à des techniques de marketing très efficaces auprès des jeunes (possibilité de choisir des saveurs, livraison gratuite, réalisation de produits dérivés, etc.) ;
– enfin, cette offre est également particulièrement accessible en termes de coût, ce qui fait que le protoxyde d’azote est parfois considéré comme la « drogue du pauvre ». Selon l’OFDT, les bonbonnes, qui permettent de confectionner plus de 80 ballons, ont un coût situé entre 25 et 30 euros l’unité ([3]), tandis que les plus importants contenants, nommés « réservoirs » sur les plateformes de vente en ligne et « tanks » par les usagers, pèsent « jusqu’à 15 kg pour une contenance estimée entre 1 000 et 2 000 ballons à un prix excédant les 200 euros » ([4]).
3. Un fléau dans certains quartiers qui cumulent les difficultés
L’enquête ESCAPAD 2022 de l’OFDT révèle que le niveau de consommation du protoxyde d’azote est plus élevé chez les apprentis et chez les jeunes qui ne sont plus scolarisés à 17 ans. De manière générale, la consommation de protoxyde d’azote apparaît plus importante encore dans les milieux défavorisés, et dans des contextes sociaux difficiles, par exemple chez les jeunes employés dans des réseaux de trafic, ou encore chez les travailleurs du sexe.
Ce constat, votre rapporteur le fait sur le terrain. Les quartiers jonchés de bonbonnes vides sont d’abord ceux qui cumulent déjà des difficultés. La « mode » du protoxyde d’azote prend racine plus facilement encore dans ces quartiers, où elle vient compliquer une situation sociale déjà dégradée.
1. Un impact sanitaire incontestable, que l’on commence tout juste à apprécier
Bien loin de la réputation inoffensive qui demeure la sienne, le protoxyde d’azote est un gaz toxique pour l’organisme humain, avec des effets immédiats et d’autres, de moyen et long terme, qui ne sont pas encore entièrement appréhendés. Ces effets ont été décrits par le Pr Caroline Vigneau, responsable du suivi national du protoxyde d’azote pour l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), lors de son audition, à partir des données remontées par le réseau d’addictovigilance. Elle a souligné l’augmentation exponentielle du nombre d’alertes remontées par ce réseau : 37 cas graves ont été rapportés en 2019, 120 en 2020, environ 350 en 2021 et 2022 et 458 en 2023.
À court terme, l’inhalation de protoxyde d’azote peut induire un risque d’asphyxie – le produit prend la place de l’oxygène dans le sang –, de brûlure – le gaz sortant de la cartouche est très froid –, de chute ou encore de fausse route, en supprimant le réflexe de toux.
À moyen terme, les effets sanitaires les plus fréquemment observés sont d’ordre neurologique. Ils sont généralement liés à une consommation chronique ou à forte dose. Ces dommages résultent de l’atteinte portée par le protoxyde d’azote au métabolisme de la vitamine B12, induisant une absence de renouvellement de cellules nerveuses indispensables. Il en résulte des atteintes de la moelle épinière et du système nerveux périphérique. Lors de son audition, le Dr Arthur Lionnet, neurologue au centre hospitalier universitaire de Nantes, a souligné que l’on manquait encore de recul pour statuer sur la réversibilité de ces atteintes, mais que l’on constatait déjà que certains patients ne récupéraient pas, ou pas complètement. Le Dr Florian Hubben, neurologue aux Hospices civils de Lyon, a souligné que ces effets pouvaient apparaître relativement rapidement après la période de consommation.
Outre ces atteintes neurologiques, sont également observées des atteintes psychiatriques, ainsi que des complications thrombo-emboliques chez des sujets jeunes qui n’ont pourtant pas de facteur de risque vasculaire, et alors même qu’ils consommaient depuis moins d’un mois et n’étaient pas des consommateurs quotidiens.
Enfin, le caractère addictif du protoxyde d’azote semble ne plus réellement faire débat aujourd’hui. Le Pr Vigneau a ainsi souligné que des troubles de l’usage – donc une dépendance – étaient rapportés dans 90 % des cas remontés par le réseau d’addictovigilance.
Cette description des effets sanitaires n’est pas exhaustive et la liste pourrait bien s’allonger encore au cours des prochaines années. En effet, comme l’a souligné le Pr Vigneau, « tous les ans, de nouveaux effets apparaissent et sont investigués. On n’est pas au bout de ce que l’on a à découvrir, car on n’a jamais eu, dans l’histoire, des populations qui consommaient autant de ce produit. »
2. Un impact écologique et économique important pour les collectivités
La massification de la consommation de bonbonnes de protoxyde d’azote pose un réel problème en termes de gestion des déchets pour les collectivités locales. En effet, ces bonbonnes constituent un déchet dangereux. Si elles ne font pas l’objet d’un traitement adapté, permettant de les identifier, de les percer et d’en évacuer le gaz, elles se retrouvent dans les fours incinérateurs, où elles déclenchent des explosions qui endommagent les installations et entraînent l’arrêt de ces fours, induisant des perturbations sur toute la chaîne du traitement des déchets ménagers.
Ces incidents, devenus fréquents, ont incité certaines collectivités à mettre en place des modalités de traitement particulières. Par exemple, comme l’a expliqué Mme Dany Dunat, directrice générale de TriSelec, lors de son audition, des outils utilisant l’intelligence artificielle peuvent être placés dans les bacs de collecte pour identifier le protoxyde d’azote. Lorsque c’est le cas, le gisement n’est pas déposé à l’usine d’incinération mais broyé, et l’on utilise un champ magnétique pour récupérer les bonbonnes en acier.
Ces précautions conduisent néanmoins à accroître substantiellement le coût de traitement des déchets. Lors de son audition, M. Sébastien Cote, adjoint au maire de Montpellier, a estimé le coût de traitement d’une bonbonne entre 8 et 10 euros, sachant que plusieurs tonnes de bonbonnes sont collectées chaque année. M. Julien Barini, directeur Reprise et traçabilité de Citeo, a estimé le coût moyen de traitement, à partir d’un questionnaire envoyé à l’ensemble des collectivités, à 32 euros pour une bouteille de 1,6 kilogramme.
Comme l’a souligné M. Barini, les surcoûts liés au traitement de ces déchets ne sont pas couverts comme ils le devraient par les entreprises qui mettent sur le marché les bonbonnes de protoxyde d’azote. M. Barini a expliqué avoir contacté une quinzaine de metteurs sur le marché de ces produits, tous à l’étranger, en vue de les faire contribuer au financement de leur fin de vie, sans succès à ce jour.
3. Un impact sur la sécurité publique
La prolifération des bonbonnes de protoxyde d’azote dans l’espace public pose aussi des problèmes en termes de sécurité publique.
Lors de son audition, M. Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, a fait état des troubles à l’ordre public pouvant résulter de la consommation de protoxyde d’azote sur la voie publique. Celle-ci induit des comportements désinhibés pouvant générer des conflits avec les forces de l’ordre, renforcés par le sentiment qu’ont les jeunes consommateurs d’être dans leur droit, le protoxyde d’azote n’étant pas explicitement interdit.
En outre, la consommation de protoxyde d’azote est également facteur d’insécurité routière. Ce gaz étant particulièrement difficile à tracer biologiquement, contrairement à l’alcool ou encore au cannabis, les jeunes peuvent être incités à l’utiliser en conduisant. Plusieurs accidents de la route ont ainsi été rapportés sous l’emprise du protoxyde d’azote.
II. La réponse apportée par la puissance publique depuis quelques années s’avère insuffisante
A. L’échec de l’encadrement juridique des usages détournés initié en 2021
1. La réponse amorcée par la puissance publique en 2021...
● À compter de la fin des années 2010, confrontées aux alertes remontées par les centres anti-poison et le réseau d’addictovigilance devant des cas graves d’intoxication au protoxyde d’azote, les autorités sanitaires – Agence nationale de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) – se sont emparées du problème de l’usage détourné du protoxyde d’azote.
Dans le même temps, le législateur a pris conscience du vide juridique entourant cet usage détourné du protoxyde d’azote. En effet, le protoxyde d’azote fait l’objet, en raison de son caractère psychotrope, d’une réglementation très stricte pour son usage médical sous forme de MEOPA, pour lequel il est classé sur la liste 1 des substances vénéneuses ([5]) et ainsi assujetti en partie à la réglementation applicable aux stupéfiants ([6]).
En revanche, pour son usage culinaire, dans la mesure où le protoxyde d’azote n’a alors pas vocation à être inhalé, mais simplement à servir de gaz propulseur dans les siphons, il n’est soumis à aucune réglementation spécifique. Les cartouches de protoxyde d’azote se trouvent ainsi en vente libre dans les commerces de détail et sur Internet.
● Portée par la sénatrice du Nord Valérie Létard, puis par la députée du Nord Valérie Six, la loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote vise ainsi à remédier à ce vide juridique en agissant sur plusieurs leviers :
– en premier lieu, elle pose le principe de l’interdiction de la vente de protoxyde d’azote à un mineur, afin de protéger ce public vulnérable et réceptif. Le non-respect de cette interdiction est passible d’une amende de 3 750 euros.
La loi crée par ailleurs un délit de provocation d’un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs, puni de 15 000 euros d’amende ;
– elle cherche en outre à prévenir l’usage détourné du protoxyde d’azote en interdisant sa commercialisation dans certains lieux (débits de boissons, tabacs) et en interdisant la vente d’outils destinés à faciliter l’extraction du gaz des cartouches (ou « crackers ») ; le non-respect de cette obligation est également passible d’une amende de 3 750 euros ;
– la loi impose par ailleurs un étiquetage spécifique mentionnant la dangerosité de l’usage détourné du protoxyde d’azote sur les paquets de cartouches ;
– elle prévoit enfin une limitation des quantités de protoxyde d’azote pouvant être vendues, établie par un arrêté du 19 juillet 2023 ([7]) à dix cartouches contenant chacune 8,6 grammes de protoxyde d’azote. Il convient cependant de noter que le non-respect de cette dernière obligation n’est assorti d’aucune sanction, ainsi que plusieurs interlocuteurs l’ont relevé lors des auditions.
2. ... n’a pas permis d’endiguer la massification du phénomène
L’ensemble des interlocuteurs auditionnés par le rapporteur ont admis que la loi du 1er juin 2021 n’avait, à l’évidence, pas permis d’enrayer la massification de l’usage détourné du protoxyde d’azote. Au contraire, avec l’apparition des bonbonnes – format pourtant explicitement interdit selon les termes de l’arrêté précité du 19 juillet 2023 – cet usage détourné semble s’être amplifié et institutionnalisé.
● Globalement, l’interdiction de la vente aux mineurs dans les commerces de détail apparaît peu respectée et peu contrôlée. Lors de son audition, Mme Émilie Tafournel, directrice qualité de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), a rapporté qu’une seule enseigne de grande distribution disait avoir mis en place la vente assistée pour les cartouches de protoxyde d’azote, par ailleurs enlevées de la vente en ligne ; dans les autres enseignes, le contrôle de l’âge en caisse apparaît aléatoire, selon les agents et le contexte local. Au-delà de la grande distribution, de nombreuses épiceries de nuit semblent avoir continué à vendre des cartouches aux mineurs.
En outre, le commerce des cartouches et, plus encore, des bonbonnes, transite désormais très majoritairement – voire exclusivement, s’agissant des bonbonnes – par des ventes en ligne sur Internet, via les réseaux sociaux, par le truchement de marketplaces souvent domiciliées dans les pays de l’Est, et très difficiles à contrôler.
● La faiblesse persistante du cadre juridique face aux usages détournés du protoxyde d’azote a incité, de manière croissante, les communes confrontées à ce phénomène à adopter des arrêtés pour restreindre davantage la vente et la consommation de ce gaz.
À titre d’exemple, la préfecture de police de Paris reconduit systématiquement, depuis juin 2023, un arrêté interdisant la consommation et la détention de protoxyde d’azote par les mineurs sur la voie publique dans un certain nombre de quartiers. Il prévoit en outre une interdiction générale de consommation et de détention de ce gaz sur l’avenue des Champs‑Élysées pendant le week-end.
De son côté, la mairie de Montpellier a adopté en septembre 2024 un arrêté interdisant la détention et la consommation de protoxyde d’azote sur la voie publique, ainsi que la vente en dehors des réseaux professionnels et spécialisés. En novembre 2024, la mairie de Lyon a adopté un arrêté interdisant la vente, la détention et l’utilisation de protoxyde d’azote dans l’espace public.
Ces arrêtés, qui fleurissent partout en France, illustrent l’acuité du problème. Ils constituent une réponse utile pour alerter sur les dangers du protoxyde d’azote et afficher une position de fermeté. Cependant, comme l’a souligné M. Laurent Nuñez, ils relèvent en partie du symbole. Leur effet dissuasif est limité par le caractère modique de la sanction, qui ne peut être qu’une amende de deuxième classe, plafonnée à 150 euros. En outre, leur fondement juridique peut être fragile, ce qui les expose à des annulations devant le tribunal administratif.
● Au-delà de ces arrêtés, les forces de police sont souvent contraintes de « bricoler » pour réprimer les abus liés à l’usage détourné du protoxyde d’azote. M. Nuñez a ainsi dit avoir recours aux infractions de travail dissimulé et de vente à la sauvette pour contrer les vendeurs de protoxyde d’azote. Il a néanmoins souligné le caractère complexe des investigations à conduire pour que ces qualifications pénales puissent être retenues.
Au total, comme l’a conclu M. Nuñez lors de son audition, « force est de constater que la loi de 2021 n’a pas fonctionné ; les préfets sont relativement démunis face à ce phénomène ».
B. Un effort de prévention encore trop ponctuel et disparate pour être efficace
La prise de conscience des risques liés au protoxyde d’azote s’est accompagnée d’un effort accru de prévention, tourné en particulier vers les jeunes. À l’échelon national, divers supports, vidéos, podcasts ont été réalisés et diffusés pour faire mieux connaître ces risques, notamment sous l’impulsion de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Aucune campagne nationale d’ampleur n’a cependant été conduite.
Dans les territoires, les agences régionales de santé (ARS), en particulier celles qui sont les plus concernées par cette problématique, ont investi cette mission de prévention. Le rapporteur a ainsi auditionné les ARS des Hauts-de-France et d’Île-de-France, qui ont conduit en 2023 une campagne de sensibilisation sur les risques du protoxyde d’azote.
Les associations et professionnels de l’addictologie ont par ailleurs pleinement intégré la problématique « protoxyde d’azote » à leur approche globale des conduites addictives, comme l’ont confirmé les représentants de l’association Addictions France et la Fédération Addictions lors de leur audition. De même, cette problématique a été intégrée dans le champ d’action de l’association « Accompagner, prévenir, éduquer, sauver », également auditionnée, qui fait de la prévention dans les écoles et collèges.
Globalement, l’ensemble des acteurs regrette néanmoins le caractère trop superficiel de ces actions de prévention qui se limitent souvent, dans le meilleur des cas, à une intervention visant à expliquer les risques et recueillir les témoignages des jeunes. Elles sont jugées insuffisantes pour vraiment influer sur leurs comportements.
Globalement, le financement des actions de prévention – le plus souvent, dans le cadre d’appels à projets prévus pour une durée limitée – a été jugé insuffisant et trop peu pérenne par les personnes auditionnées.
De très nombreux interlocuteurs (ARS, addictologues, Mildeca) ont jugé que le moyen le plus efficace de prévenir les conduites addictives chez les jeunes était de développer leurs compétences psychosociales ([8]), au moyen de programmes dédiés, actuellement conduits à une échelle expérimentale et qu’il conviendrait de généraliser. Ces programmes sont néanmoins coûteux et, à ce jour, non financés, en dépit de l’adoption d’une stratégie interministérielle de déploiement des compétences psychosociales sur la période 2022-2027.
III. il est urgent d’agir pour éloigner nos jeunes du protoxyde d’azote
Fort de ce constat, le rapporteur estime qu’il faut faire davantage – et vite – pour protéger nos jeunes du protoxyde d’azote.
La présente proposition de loi ne vise en aucun cas la surenchère répressive ; il ne s’agit évidemment pas de traquer et de punir les jeunes qui consomment du protoxyde d’azote. Mais il s’agit de réduire l’accessibilité de ce produit, pour l’éloigner des jeunes, tout en accroissant l’effort de prévention pour améliorer leur conscience des risques.
A. interdire l’accès des particuliers au protoxyde d’azote
L’article 1er de la proposition de loi propose de poser une interdiction protectrice pour la jeunesse, en interdisant globalement la vente de protoxyde d’azote aux particuliers – et plus seulement aux mineurs, comme c’est actuellement le cas en vertu de la loi du 1er juin 2021 précitée.
Le rapporteur a conscience que cette interdiction aboutira à priver les utilisateurs de siphons de la possibilité d’acheter des cartouches pour fabriquer leur crème chantilly.
Il estime néanmoins que l’urgence de la situation dans de nombreux territoires justifie que cet interdit soit posé, dans la mesure où l’interdiction aux mineurs s’avère trop complexe à contrôler. En interdisant globalement la vente aux particuliers, et en limitant les cartouches de protoxyde d’azote à un usage professionnel, l’article 1er permettra de clarifier la situation, notamment pour les forces de police chargées de faire appliquer la loi. Toute cartouche ou bonbonne de protoxyde d’azote qui sera commercialisée et circulera dans le domaine public aura désormais, de manière claire et certaine, un statut illégal, sauf à pouvoir justifier d’un usage professionnel.
Le rapporteur estime que l’interdiction globale sera aussi un moyen efficace pour communiquer auprès des jeunes sur la dangerosité de ce produit. En effet, l’accès de ce produit en vente libre tend à alimenter son image d’innocuité auprès des jeunes.
D’aucuns estiment que l’interdiction de la vente du protoxyde d’azote pourrait induire le développement de trafics. Le rapporteur estime que ces trafics sont déjà là : les bonbonnes commercialisées en ligne ont un caractère illégal en raison de leur volume. Il s’agit à présent d’affirmer le caractère illégal de ces produits, qui jouissent aujourd’hui d’un statut ambigu délétère auprès des jeunes.
B. conduire à l’échelle nationale une action d’information et de prévention pour détourner les jeunes de ce produit
L’article 2 vise à renforcer la veille sanitaire relative à l’évolution de la consommation de protoxyde d’azote, en lien avec la Mildeca et les ARS. Cette veille renforcée doit permettre de mettre en place des actions de prévention adaptées aux populations de chaque territoire, en lien avec les établissements scolaires et les partenaires des secteurs de l’éducation populaire, de la jeunesse et du secteur médico-social. Il importe en effet que les actions de prévention soient suffisamment ciblées pour toucher des publics peu accessibles via les outils conventionnels, et probablement plus vulnérables au protoxyde d’azote et à ses risques induits.
L’article 3 vise à insérer explicitement la problématique de l’usage détourné de produits de consommation courante ayant des effets psychoactifs, à l’image du protoxyde d’azote, dans le cadre des séances annuelles de prévention sur les conduites addictives conduites dans les collèges et lycées.
Par cette accroche, il s’agit de souligner la nécessité d’intégrer la prévention des addictions dans le cadre des programmes scolaires. Au-delà de la séance annuelle susmentionnée, qui pourra être réalisée par des intervenants extérieurs, cette prévention devra nécessairement passer par les enseignants eux‑mêmes, ainsi que les autres personnels directement en contact avec les jeunes au quotidien. Cela supposera donc également un effort de formation auprès des enseignants, afin qu’ils soient en mesure de réagir et d’interagir avec les enfants sur ce sujet.
Enfin, l’article 4 prévoit la réalisation d’une évaluation exhaustive de l’application et des effets de la présente loi, pour ne pas retomber dans les travers de la loi de 2021. Il importera de vérifier précisément la réalité de l’application de l’interdiction posée et ses effets sur l’évolution de la consommation de protoxyde d’azote. De même, il sera essentiel de suivre de près la réalité des actions de prévention déployées et de réaliser une première évaluation de leur efficacité.
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● Le protoxyde d’azote, utilisé à des fins médicales principalement sous la forme de MEOPA (mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote), est soumis à une réglementation stricte en raison de ses propriétés analgésiques et anxiolytiques, mais aussi de son potentiel addictif. Il s’agit d’un médicament réservé à l’usage hospitalier, dont la forme pure est inscrite sur la liste 1 des substances vénéneuses ([9]).
Conformément à l’article R. 5121-80 du code de la santé publique, il ne peut être prescrit, délivré ou administré que par des professionnels de santé habilités, sur présentation d’une commande spécifiant un usage exclusivement professionnel.
La mise sur le marché du MEOPA est encadrée par une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), en application de l’article L. 5121‑8 du code de la santé publique.
Les infractions à ce cadre réglementaire, en particulier en cas de détournement ou de trafic, sont sanctionnées par l’article L. 5432-1 du code de la santé publique, qui prévoit des peines pouvant aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.
● En dehors du domaine médical, le protoxyde d’azote est utilisé pour des applications culinaires et industrielles, selon un cadre réglementaire moins strict.
Dans le secteur industriel, le protoxyde d’azote est utilisé pour des applications techniques variées, telles que l’augmentation de la puissance des moteurs à combustion interne ou comme gaz propulseur dans les aérosols. Ces usages sont régis par le règlement européen REACH de 2006 ([10]), qui impose aux fabricants et aux distributeurs de déclarer les substances chimiques mises sur le marché et de fournir des informations sur leurs propriétés et leurs dangers. Bien que REACH impose des obligations en matière de sécurité et de traçabilité, ce cadre est moins contraignant que celui applicable aux médicaments, en raison de l’absence d’un risque direct pour la santé publique dans des conditions d’utilisation normale.
Dans le secteur culinaire, le protoxyde d’azote est principalement employé comme gaz propulseur pour les siphons à chantilly, une utilisation encadrée par les règles européennes sur les additifs alimentaires. En vertu du règlement (CE) n° 1333/2008 ([11]), le protoxyde d’azote est inscrit comme additif alimentaire (E942) et autorisé pour des usages spécifiques, sous réserve de respecter les conditions d’emploi garantissant la sécurité des denrées alimentaires et la protection des consommateurs.
Le cadre juridique applicable au protoxyde d’azote dans son usage alimentaire, pour lequel il n’a pas vocation à être inhalé, s’avère peu protecteur lorsque cet usage alimentaire est détourné à des fins récréatives. Le législateur a donc cherché à renforcer ce cadre juridique pour éviter les usages détournés.
La loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 ([12]) a créé au sein de la troisième partie du code de la santé publique un livre VI visant à lutter contre les usages détournés et dangereux de produits de consommation courante, en particulier le protoxyde d’azote.
● L’article L. 3611-3 du code de la santé publique vise à encadrer strictement la vente et l’utilisation du protoxyde d’azote. Il répond à un double objectif : prévenir les usages détournés, en particulier à des fins récréatives, et protéger les populations vulnérables.
Le premier alinéa interdit explicitement la vente ou l’offre gratuite de protoxyde d’azote à un mineur, quel que soit son conditionnement. Cette interdiction s’applique à tous les points de vente, qu’il s’agisse de commerces physiques ou de plateformes en ligne. Les sites de commerce électronique doivent mentionner clairement cette interdiction et s’assurer que l’acheteur est majeur, en application de l’article L. 221-5 du code de la consommation, qui impose des obligations d’information dans le cadre des ventes à distance.
Le deuxième alinéa étend l’interdiction de vente ou d’offre gratuite de protoxyde d’azote, même à des majeurs, dans certains lieux tels que les débits de boissons et les débits de tabac définis aux articles L. 3331-1, L. 3334-1 et L. 3334-2 du code de la santé publique. Cette disposition vise à limiter l’accès à ce produit dans des lieux où des usages détournés pourraient être facilités. En complément, l’article interdit la vente ou la distribution de produits spécifiquement conçus pour faciliter l’extraction de protoxyde d’azote dans un but psychoactif.
En cas de non-respect des interdictions fixées par l’article L. 3611-3, les contrevenants s’exposent à une amende pénale de 3 750 euros.
● En outre, l’article L. 3611-1 prévoit une amende de 15 000 euros pour toute personne incitant un mineur à faire un usage détourné de ce produit dans un but psychoactif.
● En vertu de l’article L. 3632-1, les contrôles relatifs aux interdictions concernant le protoxyde d’azote sont assurés par les agents habilités, notamment les officiers de police judiciaire. Ces agents disposent de pouvoirs étendus, prévus notamment aux articles L. 1421-2 et L. 1421-3 du même code, pour veiller au respect des dispositions légales et réglementaires. Ils peuvent, entre autres, effectuer des contrôles inopinés dans les points de vente physiques ou en ligne, exiger la preuve de majorité des acheteurs ou cessionnaires, et constater les infractions.
● L’article L. 3611-2 prévoit en outre que la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers pourra être fixée par voie réglementaire. L’arrêté du 19 juillet 2023 ([13]) a ainsi établi que seules les cartouches de 8,6 grammes maximum, conditionnées en boîtes de dix unités au plus, pouvaient être vendues.
● Enfin, l’article L. 3621-1 prévoit l’apposition obligatoire d’une mention indiquant la dangerosité de l’usage détourné du protoxyde d’azote. Cette obligation a été mise en œuvre par le décret n° 2023-1224 du 20 décembre 2023 ([14]), qui précise que chaque unité de conditionnement de protoxyde d’azote doit comporter une mention de danger visible, précisant les risques graves pour le système nerveux en cas d’inhalation répétée ou prolongée.
À l’échelon européen, la décision d’exécution (UE) 2024/2797 ([15]) de la Commission, en date du 31 octobre 2024, a autorisé provisoirement la France à imposer l’étiquetage spécifique des produits contenant uniquement du protoxyde d’azote. Cette autorisation, valable pour une durée de trente‑six mois ou jusqu’à l’adoption d’une classification harmonisée du protoxyde d’azote à l’échelon de l’Union européenne, repose sur des motifs de protection de la santé publique. La France a démontré, conformément à l’article 52 du règlement (CE) n° 1272/2008 ([16]), que cette substance présente un grave danger pour la santé humaine, en particulier en raison des effets neurologiques et cardiovasculaires associés à son usage détourné.
Plusieurs pays ont adopté ces dernières années des réglementations plus strictes que la France.
● Aux Pays-Bas ([17]), depuis le 1er janvier 2023, le protoxyde d’azote est inscrit sur la « liste II de la loi sur l’opium » (Opiumwet), qui regroupe les substances classées comme « drogues douces » comme le cannabis. Cette classification interdit la vente, la possession et l’usage récréatif de cette substance.
Toutefois, un usage strictement encadré reste autorisé dans les secteurs médical, industriel et alimentaire, les professionnels devant justifier leur activité pour se procurer le gaz via des circuits spécialisés. Les sanctions pour la possession ou la vente illégale de protoxyde d’azote comprennent des amendes et des peines pouvant atteindre plusieurs années de prison, en fonction de la quantité et de la gravité des faits.
● Au Royaume-Uni ([18]), le protoxyde d’azote, initialement réglementé par le Psychoactive Substances Act de 2016, était interdit à la production, à la vente et à l’importation pour ses effets psychoactifs, mais la possession personnelle n’était pas considérée comme une infraction. Cependant, depuis le 8 novembre 2023, le protoxyde d’azote est classé comme une drogue de catégorie C selon le Misuse of Drugs Act de 1971. Cette reclassification rend illégale la possession personnelle de protoxyde d’azote pour un usage récréatif. Les sanctions peuvent inclure une amende illimitée, une peine de travaux d’intérêt général, une inscription sur le casier judiciaire ou, en cas de récidive ou de circonstances aggravantes, une peine de prison.
● Enfin, en Belgique, le protoxyde d’azote est désormais inclus dans la législation sur les stupéfiants, conformément à l’arrêté royal du 11 mars 2024 ([19]). Celui-ci interdit son importation, exportation, fabrication, vente et acquisition à des fins récréatives, tout en autorisant son usage dans les secteurs médical, technique et alimentaire. L’arrêté vise explicitement les points de vente tels que les magasins de nuit et les festivals, où le gaz hilarant est fréquemment utilisé à des fins détournées.
Si des amendes et des peines de prison sont prévues pour les trafiquants, l’arrêté prévoit « une approche moins répressive et davantage pédagogique et sensibilisatrice à l’égard de l’utilisateur ». Une première infraction est ainsi sanctionnée par une amende de 15 à 25 euros. En cas de récidive dans l’année suivant la première condamnation, l’amende est portée à 26 à 50 euros. Une nouvelle récidive dans l’année suivant la deuxième condamnation entraîne une peine d’emprisonnement de huit jours à un mois, assortie d’une amende de 50 à 100 euros.
● La loi du 1er juin 2021, en interdisant l’offre et la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, vise à limiter les risques liés à une consommation récréative et à protéger une population jugée particulièrement vulnérable. Cependant, ce ciblage montre ses limites dans un contexte où les jeunes adultes, notamment ceux âgés de 18 à 25 ans, constituent la majorité des utilisateurs. Selon l’ANSM, la moyenne d’âge des consommateurs s’établit ainsi à 22 ans en 2021 ([20]). Les données recueillies par les agences régionales de santé et les centres d’addictovigilance confirment que cette tranche d’âge est la plus exposée à une consommation massive et régulière, avec des risques sanitaires accrus tels que des atteintes neurologiques graves.
● L’essor de la commercialisation en ligne des bonbonnes de protoxyde d’azote illustre également les limites de la réglementation actuelle. L’interdiction de la vente de grands contenants aux particuliers semble aujourd’hui largement contournée. Depuis 2019, des sites internet spécialisés, souvent domiciliés à l’étranger, ont démocratisé l’accès à des bonbonnes de grande capacité, en remplacement des petites cartouches auparavant utilisées. Ces plateformes, échappant aux régulations françaises, livrent directement les commandes à domicile, parfois sous forme de palettes personnalisées, permettant d’importer de grandes quantités de gaz à moindre coût. Les stratégies marketing établies par ces distributeurs ciblent directement les jeunes adultes, banalisant l’usage récréatif du protoxyde d’azote.
En parallèle, des réseaux structurés, parfois liés au trafic de stupéfiants, participent également à l’importation et à la distribution de ces contenants sur le territoire français. Ces réseaux utilisent des canaux variés, comme les réseaux sociaux ou des points de vente informels, pour promouvoir et vendre le produit, avec des modalités similaires à celles employées pour d’autres substances illicites. En conséquence, ces contenants, bien que strictement interdits pour tous les particuliers en France, représentent aujourd’hui la majorité des volumes consommés à des fins récréatives.
● L’interdiction de la vente de protoxyde d’azote aux mineurs semble peu respectée sur le terrain et difficile à contrôler. En effet, malgré l’obligation pour les commerçants de vérifier l’âge des acheteurs ainsi que la réglementation des contenants, des ventes de bonbonnes à des mineurs sont régulièrement signalées, le plus souvent « dans les commerces de proximité (épiceries et supermarchés) », selon la Mildeca ([21]).
● Malgré les dispositions prévues depuis 2021, le phénomène lié à l’usage récréatif du protoxyde d’azote semble s’amplifier dans les territoires, selon les remontées des réseaux d’addictovigilance et des acteurs locaux. Les signalements de bonbonnes abandonnées sur la voie publique se multiplient, en particulier dans les zones urbaines, témoignant d’une consommation importante et peu régulée.
Afin de mettre un terme à l’ambiguïté persistant sur le statut licite ou non des cartouches ou bonbonnes de protoxyde d’azote destinées à un usage récréatif, l’article 1er de la proposition de loi modifie l’article L. 3611-3 du code de la santé publique afin d’élargir l’interdiction de sa vente à l’ensemble des particuliers et de réserver sa distribution à des circuits exclusifs destinés aux professionnels.
● Le 1° modifie le premier alinéa de cet article afin d’étendre l’interdiction de vente de protoxyde d’azote à tous les particuliers, sans distinction d’âge.
Dès lors, l’obligation qui était faite aux vendeurs de vérifier la majorité de l’acheteur devient caduque. Le b du 1° supprime ainsi cette obligation.
● Le 2° modifie la rédaction du deuxième alinéa du même article, qui prévoyait auparavant une interdiction de vente dans les débits de boissons et tabacs. Cette interdiction de vente concernera ainsi désormais l’ensemble des lieux publics, commerces et plateformes en ligne.
L’intégration explicite des « plateformes en ligne » dans le champ d’interdiction vise à renforcer le contrôle d’un canal clé dans la diffusion du protoxyde d’azote à des fins récréatives, pour mieux répondre aux défis posés par ces nouveaux circuits de commercialisation.
● Le 3° modifie l’avant-dernier alinéa du même article pour restreindre explicitement la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels des secteurs de la santé et de la restauration.
Cette disposition prévoit que ces ventes doivent être effectuées par le biais de circuits de distribution exclusifs définis par décret, renforçant ainsi le contrôle sur l’accès à ce produit. Le recours à des circuits de distribution exclusifs garantit une meilleure traçabilité des ventes et limite le risque de détournement à des fins récréatives. Ces circuits, déjà en place pour des usages médicaux comme le MEOPA, permettent d’assurer que le protoxyde d’azote ne soit accessible qu’aux professionnels dûment habilités, sur présentation d’une commande à usage professionnel. Il convient néanmoins que les modalités définies par voie réglementaire soient suffisamment précises pour éviter tout contournement et garantir une mise en œuvre efficace de cette restriction.
● Le 4° prévoit la suppression du dernier alinéa du même article, qui établit une amende de 3 750 euros pour les infractions aux interdictions de vente et d’offre de protoxyde d’azote aux mineurs.
Cette suppression s’inscrit dans la volonté de simplifier et de rationaliser le cadre juridique applicable, en cohérence avec les modifications précédentes. L’interdiction générale de la vente aux particuliers et la restriction stricte aux professionnels, introduites par la présente proposition de loi, nécessitent une refonte des mécanismes de sanction pour qu’ils soient adaptés à ce nouveau cadre.
● À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté l’amendement AS33, qui complète le 1° de l’article 1er en étendant l’interdiction prévue par cet article à l’importation de protoxyde d’azote pour des usages autres que professionnels.
Cet ajout répond à un besoin opérationnel identifié lors des auditions, l’intégralité des usines de production de bonbonnes de protoxyde d’azote à des fins récréatives étant située hors du territoire national. En interdisant également l’importation, il devient possible pour les forces de police et de douane d’intercepter ces produits dès leur entrée sur le territoire, à moins qu’un usage strictement professionnel ne soit justifié.
● La commission a également adopté l’amendement AS34 du rapporteur visant à réécrire l’alinéa 8 de l’article 1er. Cette nouvelle rédaction vise à reformuler les dérogations possibles à l’interdiction de vente et d’importation pour les professionnels, en précisant le cadre de ces dérogations et en renvoyant à un décret leur mise en œuvre précise.
Le décret devra ainsi définir les catégories de professionnels autorisés à accéder au protoxyde d’azote, les circuits de distribution spécifiques, ainsi que des modalités de surveillance et de suivi obligatoires pour garantir la traçabilité des volumes commercialisés.
Ce renvoi au domaine réglementaire doit permettre d’adapter précisément les conditions de vente pour tous les secteurs concernés, en ne se limitant pas nécessairement aux secteurs médicaux et de la restauration initialement mentionnés. Cela permettra notamment de préserver les applications industrielles du protoxyde d’azote, qui ne posent pas de risque en matière de santé publique.
● Enfin, la commission a adopté les amendements identiques AS35 du rapporteur, AS1 de M. Laurent Lhardit et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, AS4 de M. Stéphane Viry et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires, AS10 de M. Laurent Croizier et plusieurs de ses collègues du groupe Les Démocrates et AS23 de Mme Katiana Levavasseur et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National, visant à supprimer l’alinéa 9 de l’article 1er. La commission a en effet jugé préférable de rétablir l’amende de 3 750 euros prévue à l’article L. 3611-3 du code de la santé publique, qui sanctionnera donc également la violation de l’interdiction de vente et d’importation du protoxyde d’azote résultant de l’adoption du présent article.
Dans un esprit de construction transpartisane, le rapporteur s’est montré favorable au rétablissement de cette sanction au niveau prévu en 2021, non sans rappeler que l’urgence commandait d’agir en priorité dans le sens d’une prévention renforcée, à destination des jeunes en particulier.
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L’article 1er bis (nouveau) résulte de l’adoption de l’amendement AS6 de M. Stéphane Viry et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outre‑mer et Territoires, avec l’avis favorable du rapporteur. Il vise à procéder à certaines coordinations juridiques rendues nécessaires par l’élargissement de l’interdiction de la vente du protoxyde d’azote, auparavant circonscrite aux mineurs.
En lien avec cette dernière interdiction, le code de la santé publique donnait compétence à différents agents pour exiger que le cessionnaire de protoxyde d’azote établisse la preuve de sa majorité « par la production de tout document officiel muni d’une photographie ».
Il s’agit notamment :
– en vertu de l’article L.3631-1 ainsi que, pour Wallis-et-Futuna, de l’article L. 3823-6, des officiers et agents de police judiciaire, ainsi que de certains agents de contrôle relevant du ministère de la santé ;
– en vertu de l’article L. 3631-2, des agents de police municipale, gardes champêtres, agents de surveillance de Paris et agents de la ville de Paris chargés d’un service de police.
Dans la mesure où l’article 1er établit une interdiction générale de vente du protoxyde d’azote aux particuliers, il n’y a plus lieu d’exiger que les acheteurs établissent la preuve de leur majorité. Toute vente sera illégale dès lors qu’elle n’empruntera pas un circuit de distribution réservé aux professionnels et qu’il ne sera pas possible de justifier de cet usage professionnel. Cette évolution est de nature à faciliter la tâche des services de police et autres corps de contrôle.
L’article 1er bis procède ainsi aux coordinations nécessaires pour supprimer ces mentions relatives au contrôle de l’âge.
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La Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) joue un rôle central dans la lutte contre l’usage des substances psychoactives, conformément au décret n° 2014-322 du 11 mars 2014 ([22]), codifié aux articles R. 3411-13 à R. 3411-16 du code de la santé publique. En vertu de l’article 2 de ce décret, la Mildeca est chargée, sous l’autorité du Premier ministre, d’animer et de coordonner les actions des ministères et administrations compétents dans les domaines de la prévention, des soins, de l’insertion sociale et professionnelle, de la lutte contre les trafics, ainsi que de la recherche et de la formation. Elle veille à la cohérence des stratégies menées dans ces différents domaines, tout en assurant le suivi des plans gouvernementaux.
Par ailleurs, les agences régionales de santé (ARS), en vertu de l’article L. 1431-2 du code de la santé publique, ont pour mission de surveiller les risques sanitaires et de mettre en œuvre des actions de prévention adaptées sur leurs territoires, en collaboration avec des acteurs locaux tels que les établissements scolaires et les structures médico-sociales. Ces agences collectent et analysent des données épidémiologiques via le système national des données de santé (SNDS) mentionné à l’article L. 1461-1 du code de la santé publique.
La Mildeca, en partenariat avec l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), publie régulièrement divers documents à destination des professionnels, tels que des guides pratiques, rapports, avis, recommandations et enquêtes. Ces publications ([23]) offrent un état des lieux détaillé des consommations addictives en France et contribuent à orienter les politiques publiques de prévention.
Enfin, la stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027 ([24]), pilotée par la Mildeca, vise à renforcer la prévention des comportements à risque, en ciblant particulièrement les jeunes. Le protoxyde d’azote y est spécifiquement mentionné comme un enjeu croissant, notamment dans les milieux festifs étudiants. La stratégie souligne également la nécessité de renouveler chaque année des campagnes de prévention dédiées, incluant le protoxyde d’azote, en s’appuyant sur des partenariats innovants pour sensibiliser aux dangers liés à ce produit ([25]). Ces actions mobilisent les collectivités territoriales et les acteurs médico-sociaux pour protéger les jeunes et limiter les consommations à risque.
L’article 2 de la proposition de loi procède à un renforcement du rôle de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) dans la prévention et le suivi des usages détournés du protoxyde d’azote.
D’abord, il institue une veille sanitaire continue, réalisée en partenariat avec les agences régionales de santé (ARS). Cette veille aurait vocation à mieux appréhender l’évolution des pratiques de consommation sur l’ensemble du territoire et à identifier les populations les plus exposées. Les rapports issus de cette veille ne se limiteraient pas à des observations, mais incluraient des propositions d’actions de prévention adaptées aux spécificités territoriales.
Ensuite, l’article 2 confie à la Mildeca le pilotage des actions de prévention concernant la consommation de protoxyde d’azote. Ces actions incluraient des partenariats avec les établissements scolaires, conformément à l’article L. 312-18 du code de l’éducation, qui impose déjà une sensibilisation annuelle sur les conduites addictives dans les collèges et lycées. Elles seraient élargies à des acteurs des secteurs de l’éducation populaire, de la jeunesse et du médico‑social, afin d’assurer une approche intégrée et intersectorielle.
Ce dispositif entend répondre aux limites actuelles des campagnes de prévention, souvent perçues comme insuffisantes ou mal coordonnées. Il va de soi que cette stratégie devrait être soutenue par des moyens financiers et humains renforcés, une exigence fréquemment formulée par les acteurs de terrain et les experts en santé publique.
À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté l’amendement AS36, qui précise les acteurs mobilisables dans le cadre de la veille sanitaire prévue à l’article 2. Cet amendement modifie le premier alinéa afin d’intégrer explicitement dans le dispositif de surveillance des effets sanitaires du protoxyde d’azote les agences sanitaires, notamment l’Anses, l’ANSM et Santé Publique France, ainsi que le réseau des centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance (CEIP-A).
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La loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 a modifié l’article L. 312-18 du code de l’éducation afin de renforcer la prévention des conduites addictives dans les collèges et lycées ([26]). Elle a élargi le champ des modules de prévention à toutes les addictions, et non plus uniquement aux drogues, bien que les usages détournés de produits de consommation courante, comme le protoxyde d’azote, ne soient pas spécifiquement évoqués. Une séance annuelle d’information obligatoire est prévue, avec une attention particulière portée aux effets neuropsychiques et comportementaux du cannabis. Destinées à des groupes d’âge homogènes, ces séances peuvent associer les personnels de santé scolaire ainsi que des intervenants extérieurs, dans le cadre d’une démarche éducative et préventive renforcée.
L’article 3 élargit le champ des actions de prévention obligatoires prévues à l’article L. 312-18 du code de l’éducation, en y intégrant explicitement les usages détournés de produits de consommation courante ayant des effets psychoactifs, tels que le protoxyde d’azote.
Le 1° insère les mots « et les usages détournés de produits de consommation courante ayant des effets psychoactifs » afin d’adapter les séances d’information annuelles prévues dans les collèges et lycées. Cette modification prend en compte l’augmentation de ces pratiques et leur forte prévalence chez les jeunes, souvent peu informés des risques liés à l’usage récréatif du protoxyde d’azote. Elle vise ainsi à combler un manque de sensibilisation tant chez les élèves que chez leurs encadrants.
Le 2° ajoute la mention explicite d’une collaboration avec les ministères chargés de la lutte contre les drogues et les conduites addictives renforcerait la coordination des efforts gouvernementaux en matière de prévention.
La commission a adopté cet article sans modification.
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● L’article 4 vise à assurer une évaluation précise de la présente proposition de loi dans un délai de douze mois à compter de sa promulgation. Plus précisément, le Gouvernement devra fournir au Parlement un rapport évaluant :
– l’état d’application de la présente proposition de loi ;
– les actions de prévention déployées sur le territoire ;
– les effets réels de l’interdiction de la vente du protoxyde d’azote aux particuliers sur l’évolution de la consommation ;
– et ses conséquences sur les politiques publiques sanitaires et éducatives, au moyen d’une « approche pluridisciplinaire de l’analyse de la consommation » de ce produit.
● Cet article vise à garantir un suivi étroit de la mise en œuvre des dispositions de la présente proposition de loi, afin d’éviter les écueils rencontrés par la loi du 1er juin 2021. Partie d’une intention louable, pensée de manière équilibrée, cette loi a finalement été mal appliquée, sans que ces difficultés d’application ne soient réellement analysées, ce qui aurait pu permettre d’en ajuster les dispositions.
Quatre ans plus tard, la consommation de protoxyde a essaimé sur tout le territoire, les réseaux d’approvisionnement et de distribution se sont renforcés, et la situation de nombreux quartiers populaires s’est encore dégradée. Quatre années ont été perdues.
Nous devons aujourd’hui parvenir à juguler l’usage détourné du protoxyde d’azote qui fait des ravages dans nos territoires. Au-delà du vote de cette proposition de loi, il importera donc d’assurer un suivi attentif, documenté par le Gouvernement, de son application et de ses impacts.
La commission a adopté l’amendement AS37, présenté par le rapporteur, qui complète l’article 4 afin de renforcer les exigences de suivi et d’évaluation de la présente loi. Cet amendement prévoit que le rapport d’évaluation introduit par cet article devra également fournir « un état des lieux détaillé des moyens de contrôle déployés pour assurer l’application de la présente loi ».
En effet, aucun plan de contrôle n’a été engagé au niveau interministériel pour assurer l’application de la loi du 1er juin 2021 précitée. Il semble absolument indispensable que les différents ministères – intérieur, économie, santé – coopèrent pour faire en sorte que l’interdiction de vente soit effectivement appliquée, dans les commerces physiques et en ligne. Cela supposera donc de planifier des contrôles, dont il appartiendra au Gouvernement de rendre compte au Parlement.
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Lors de sa première réunion du mercredi 22 janvier 2025, la commission examine la proposition de loi visant à restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels et à renforcer les actions de prévention sur les consommations détournées (n° 580) (M. Idir Boumertit, rapporteur) ([27]).
M. Idir Boumertit, rapporteur. Nous en venons à la question explosive du protoxyde d’azote, plus connu sous le nom de gaz hilarant. Je dis « explosive » car la consommation récréative de ce produit est exponentielle : elle a de plus en plus d’adeptes, notamment chez les jeunes. La presse regorge d’articles, de témoignages et de reportages qui mettent en exergue la forte progression de ce phénomène au cours des dernières années.
De nombreuses villes ont récemment adopté des mesures pour y faire face. À Nantes, Marseille, Montpellier, Paris ou Lyon, des arrêtés ont été pris pour interdire, le plus souvent, la consommation et la détention du protoxyde d’azote sur la voie publique. Parfois, sa vente a même été interdite la nuit dans les commerces. Peut-être avez-vous été alertés à ce sujet dans vos circonscriptions.
La loi de 2021, qui a interdit la vente de protoxyde d’azote aux mineurs, montre ses limites. Ce produit est encore en libre accès dans les épiceries, dans les supermarchés et sur internet : nous faisons face à un problème de santé publique à grande échelle. C’est pourquoi il est urgent de restreindre la vente du protoxyde d’azote aux professionnels et de renforcer la prévention. Tel est l’objet de cette proposition de loi transpartisane, cosignée par des députés de nombreux bords.
À l’origine, le protoxyde d’azote est utilisé comme gaz propulseur dans les siphons à crème chantilly ou comme anesthésiant, en mélange avec de l’oxygène, dans le secteur médical ; il connaît également des applications dans le milieu industriel. Ce qui préoccupe nombre de citoyens, de parents et d’élus, c’est que ce produit est massivement détourné à des fins récréatives : il est inhalé à l’aide de ballons pour provoquer des effets euphorisants de courte durée. Les jeunes sont particulièrement attirés par cette substance parce qu’elle est très facilement accessible, bon marché, indétectable après consommation et, surtout, perçue comme légale et peu dangereuse.
Or elle ne l’est pas. D’après les dernières expertises réalisées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le protoxyde d’azote est à la fois neurotoxique et reprotoxique. Il a également une toxicité vasculaire et beaucoup d’autres effets restent encore à découvrir : on manque de recul en ce qui concerne les niveaux de consommation actuels.
D’après la préfecture de police de Paris, le protoxyde d’azote est la troisième substance la plus consommée en France, après le tabac et l’alcool. Sur le moment, il peut provoquer une perte de connaissance, des chutes, des vertiges, une asphyxie ou des brûlures par le froid. À moyen terme, son utilisation provoque l’inhibition de la vitamine B12 dans le corps, ce qui entraîne des complications neurologiques – des lésions de la moelle épinière et des nerfs périphériques. Les consommateurs peuvent se retrouver entièrement ou partiellement paralysés, de manière temporaire ou permanente. D’autres cas graves se produisent : des thromboses, des embolies pulmonaires ou encore des accidents vasculaires cérébraux (AVC). Dans certains cas, la consommation de protoxyde d’azote peut même conduire à la mort. On dénombre au moins trois décès directs en France, une cinquantaine en Angleterre, et on pourrait aussi parler des accidents mortels indirects.
Ces faits sont d’autant plus dramatiques qu’ils touchent une population particulièrement jeune. D’après les données qui nous ont été fournies, la moyenne d’âge des consommateurs est de 22 ans et 5,4 % des élèves de troisième auraient déjà consommé du protoxyde d’azote. Pour les 18-24 ans, le taux se monterait à plus de 13 %.
Ce problème de santé publique s’accompagne d’un problème environnemental majeur. Les capsules et bonbonnes de protoxyde d’azote jonchent de plus en plus fréquemment les trottoirs, les bords de route et les parcs. Ces déchets, qui prolifèrent particulièrement au lendemain de festivités, laissent les collectivités démunies. Si j’ai qualifié ce produit d’explosif, c’est aussi au sens littéral du terme : lorsqu’elles ne sont pas collectées et traitées séparément, les bonbonnes de protoxyde d’azote explosent dans les incinérateurs, ce qui entraîne l’arrêt des machines et met en danger les opérateurs. Le même problème se pose du côté du recyclage.
Les collectivités se retrouvent chaque année face à des tonnes de bonbonnes qu’elles doivent collecter et traiter afin de ne pas mettre en péril toute la chaîne de gestion des déchets. Les quantités – 30 tonnes à Lille, 20 à Lyon – augmentent chaque année, comme les coûts de traitement. Il faut compter, selon la taille et les filières, entre 8 et 115 euros pour recycler une seule bouteille. C’est une charge supplémentaire considérable pour les collectivités et pour tous les citoyens.
Il est temps d’agir face à ce fléau pour la santé publique et l’environnement. La loi de 2021 se révélant insuffisante, il est impératif de prendre des mesures à la hauteur des enjeux.
Tel est l’objectif de l’article 1er de la proposition de loi. Le moyen le plus efficace de protéger notre jeunesse et nos rues contre ce fléau est de limiter drastiquement l’accès au protoxyde d’azote. Il est essentiel de restreindre sa vente aux professionnels habilités ; je propose donc un interdit protecteur pour l’ensemble des particuliers. Il n’est pas normal que ce produit, dont la toxicité est pleinement reconnue et dont le mésusage ne fait aucun doute, soit encore en libre accès. Le fait est que nous ne sommes pas en mesure d’en circonscrire la vente aux cuisiniers amateurs qui veulent fabriquer eux-mêmes leur crème chantilly. Nous avons essayé, mais cela ne fonctionne pas. Il faut donc fermer le robinet.
Cette mesure permettra aussi d’envoyer à nos jeunes un signal concernant la dangerosité de ce produit et de faciliter les opérations de contrôle menées par la police. Les cartouches saisies seront nécessairement illégales, à moins de pouvoir justifier d’un usage professionnel. Un arrêté ministériel déterminera des circuits de distribution spécifiques pour les différents secteurs professionnels qui ont besoin du produit.
Cette position est juste et adaptée à la situation. Mon objectif n’est pas de classer le protoxyde d’azote dans la catégorie des stupéfiants, ce qui ouvrirait un autre débat, mais de faire en sorte que son usage détourné soit clairement reconnu comme illégal. Nous lèverons ainsi l’ambiguïté actuelle, particulièrement préjudiciable pour nos jeunes.
Que ce soit bien clair : il ne s’agit en aucun cas de réprimer les consommateurs. Les personnes que j’ai auditionnées ont été unanimes : ce n’est pas en stigmatisant ces derniers que l’on résoudra le problème ; cela pourrait au contraire avoir des effets contre-productifs. L’objectif est avant tout de protéger les consommateurs. J’ajoute pour la clarté du débat que les bonbonnes de 500 grammes, 1, 2 ou 5 kilogrammes ne peuvent pas servir dans la restauration et sont déjà illégales en vertu d’un arrêté de 2023.
Il sera impératif de se doter de véritables moyens de contrôle pour faire respecter la loi et éradiquer l’alimentation en ligne du marché de la consommation récréative. Les auditions ont clairement montré qu’insuffisamment d’actions ont été entreprises, en grande partie à cause du statut encore légal du protoxyde d’azote. Le flou juridique actuel fait qu’il ne s’agit d’une priorité pour aucun acteur : ni les douanes, ni la police, ni le ministère de l’économie, ni l’Union européenne. La proposition de loi permettra d’instaurer une véritable coopération interministérielle afin de lutter efficacement contre ce fléau, tant sur le terrain que sur internet.
Nos échanges avec différents interlocuteurs ont unanimement confirmé que les consommateurs ne mesurent pas toujours pleinement les risques associés à la consommation du protoxyde d’azote. C’est pourquoi nous entendons nous servir d’un second levier : la prévention, autre angle majeur de la proposition de loi. En renforçant le cadre législatif et en déployant des actions de sensibilisation ambitieuses, nous pourrons mieux protéger la santé publique, dissuader de recourir à certains usages et informer les consommateurs déjà exposés à des dangers sérieux.
L’article 3 permettra, en amont, d’effectuer chaque année de la prévention dans les collèges et lycées. Les associations affirment que plus les élèves seront sensibilisés et acquerront des compétences psycho-sociales en la matière, moins ils seront enclins à expérimenter des substances psychoactives telles que le gaz hilarant et moins ils risqueront de développer des comportements addictifs. Cela supposera évidemment des moyens et une formation adaptée pour les enseignants, qui manquent déjà de tout.
En aval, l’article 2 traite de la montée en compétence sanitaire. Je souhaite placer pleinement le réseau des centres d’addictovigilance au cœur de la veille et de la diffusion sanitaire. La mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) s’appuie sur ce réseau unique au monde qui maille tout le territoire pour coordonner des actions.
Cette proposition de loi sera aussi l’occasion pour le ministère de la santé de lancer une grande campagne nationale au sujet du protoxyde d’azote. Depuis la loi de 2021, seules des campagnes locales ont été conduites, notamment par les agences régionales de santé (ARS) des Hauts‑de‑France et d’Île-de-France. Je rappelle au passage que les ARS sont efficaces et même indispensables pour la santé publique. J’enjoins au Gouvernement de se saisir de l’opportunité que nous lui fournissons pour coordonner une campagne nationale à la hauteur des enjeux.
Enfin, l’article 4 vise à combler le manque de connaissances scientifiques, médicales et statistiques afin de rendre plus efficaces les actions de prévention. Nous demandons un rapport d’évaluation pour suivre de très près la mise en application du texte aux niveaux réglementaire et opérationnel. Nous ne pouvons plus nous permettre de voter, comme en 2021, une loi qui reste inappliquée. La situation devenue critique dans de nombreux territoires exige des mesures concrètes et immédiates.
Pour tous les élus représentant, comme moi, les quartiers populaires, le phénomène actuel n’est que trop visible. Je constate au quotidien les ravages que provoque le gaz hilarant à Vénissieux, comme dans toute la France. De nombreux jeunes livrés à eux-mêmes trouvent refuge dans la consommation de cette substance dangereuse qui échappe encore à une réelle prise de conscience collective. Il est urgent de renforcer la prévention en mobilisant les associations locales et en sensibilisant les parents, trop souvent démunis face aux dangers de ce produit.
Le texte soumis à votre examen vise à protéger les populations vulnérables en limitant leur exposition au protoxyde d’azote et à garantir une information claire et complète du grand public sur ses effets néfastes, tout en appelant à une action efficace et coordonnée du Gouvernement et de ses services pour protéger nos concitoyens et notre jeunesse contre la menace sanitaire actuelle.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Katiana Levavasseur (RN). L’usage détourné du protoxyde d’azote, souvent banalisé sous le terme de gaz hilarant, est un phénomène préoccupant, même s’il n’est pas nouveau. Ces dernières années, malgré des mesures telles que l’interdiction de la vente aux mineurs, les comportements dangereux se sont multipliés, notamment chez les adolescents et les jeunes adultes, public auprès duquel le protoxyde d’azote connaît un succès alarmant. Ce succès est souvent alimenté par un marketing ciblé qui vise clairement les plus jeunes, par des visuels et des emballages toujours plus attractifs et par la mise en avant de saveurs toujours plus variées.
L’usage détourné de ce produit conduit régulièrement à des drames. En juin dernier, à Nice, un pompier a tragiquement perdu la vie après avoir été percuté par un conducteur sous l’emprise de ce produit. Plus récemment, le 30 décembre, un policier a été gravement blessé à Nîmes dans des circonstances similaires. Ces événements tragiques illustrent les dangers bien réels de ce gaz lorsqu’il est détourné de son usage initial. Au-delà des risques pour autrui, l’utilisation du protoxyde d’azote entraîne des risques graves pour la santé des consommateurs – asphyxie par manque d’oxygène, brûlures causées par le froid extrême, vertiges et, dans certains cas, troubles neurologiques sévères liés à une consommation répétée. Selon les professionnels de santé, le nombre de cas graves a été multiplié par dix en seulement cinq ans.
Face à ce phénomène, des initiatives locales ont vu le jour, comme en décembre à Marseille, où la municipalité a interdit la vente de protoxyde d’azote dans les épiceries de nuit. Toutefois, l’adoption au niveau local de ces mesures courageuses demeure insuffisante. Les dispositions en vigueur à l’échelle nationale, bien qu’utiles, ne suffisent pas. La réglementation de la vente aux mineurs est régulièrement contournée et les efforts de prévention restent trop limités face à l’ampleur du problème. Une action plus ambitieuse est donc indispensable.
Mme Emmanuelle Hoffman (EPR). Mon groupe reconnaît évidemment l’importance de la lutte contre l’usage détourné du protoxyde d’azote, particulièrement chez les jeunes. J’ai moi-même été saisie de ce sujet par les commissaires de police de ma circonscription, à Paris. Il s’agit d’un enjeu de santé publique qui mérite toute notre attention.
À l’initiative de Valérie Létard, alors sénatrice, une loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote a interdit sa distribution aux mineurs et sa vente au public dans les débits de boissons, notamment, tout en prévoyant des sanctions. Face à l’ampleur du problème, nous souhaitons renforcer les mesures votées en 2021, mais la proposition de loi qui nous est soumise suscite plusieurs inquiétudes.
En premier lieu, elle vise à instaurer une interdiction générale de vente aux particuliers, sans faire de distinction entre les usages. Cette approche radicale risque d’entraver la circulation légitime des produits contenant du protoxyde d’azote et, surtout, laisse entendre que cette substance serait mauvaise alors que c’est son usage détourné, pour des effets psychoactifs, qui est à combattre.
Ensuite, en supprimant l’amende actuellement prévue, la proposition de loi nous privera d’un outil répressif essentiel et laissera un vide juridique préoccupant. Comment s’assurer du respect de la future interdiction sans arsenal répressif ? Nous notons, en revanche, la volonté du rapporteur de renforcer les actions de prévention, notamment dans les établissements scolaires, aux articles 2 et 3.
Notre position est claire : nous voulons lutter efficacement contre l’usage détourné du protoxyde d’azote tout en préservant son utilisation légitime. Nous préconisons donc une répression ciblée plutôt qu’une interdiction générale. Il s’agirait de viser spécifiquement l’usage récréatif du protoxyde d’azote sans interdire sa vente à tous les particuliers, de maintenir des sanctions pénales dissuasives et de renforcer la prévention, non seulement auprès des jeunes mais aussi de leur entourage, de leurs parents, des enseignants et des infirmiers scolaires.
Le groupe Ensemble pour la République s’oppose à l’article 1er. Nous travaillons en vue de la séance à des amendements visant à apporter des réponses plus équilibrées et efficaces à ce problème de santé publique. Notre objectif est de protéger, notamment de protéger la jeunesse, tout en respectant les usages légitimes du protoxyde d’azote.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Merci de m’accueillir dans votre commission.
Ce texte est vraiment très important. Le protoxyde d’azote est normalement destiné à un usage médical ou à la préparation de produits tels que la crème fouettée ou la chantilly, mais son usage détourné à des fins dites récréatives, qui causent en réalité des dégâts extrêmement graves en matière de santé au sein de notre jeunesse, est en train de se généraliser. Je le vois partout dans ma circonscription : à Cergy, les bonbonnes se répandent sur les trottoirs et dans les parkings. Nous faisons face à un problème de santé publique majeur.
L’article 1er de la proposition de loi est essentiel. Il dispose que ce produit doit être vendu à ceux qui en font un usage professionnel, donc non détourné, dans le cadre de circuits de vente spécifique et qu’il doit être retiré des commerces. La loi de 2021 prévoyait une interdiction de vente aux mineurs, mais ce n’est pas suffisant : on peut encore acheter des bonbonnes de protoxyde d’azote partout dans les épiceries et les commerces du quotidien. Compte tenu des dégâts que cela provoque, il faut changer d’approche.
Cela doit s’accompagner, bien sûr, d’une politique de prévention très forte pour sensibiliser les jeunes aux dommages causés par le protoxyde d’azote. Le Gouvernement doit s’engager à mener des campagnes de prévention qui permettront vraiment d’agir. Il ne faut pas, en revanche, se lancer dans la surenchère pénale. Certains amendements tendent ainsi à instituer des peines de prison pour incitation à la consommation, ce qui ne serait pas opérant. Ce serait encore une fois de l’affichage, alors qu’il faut agir concrètement.
Je redis au nom de La France insoumise tout notre soutien à cette proposition de loi, qui repose sur une bonne articulation entre le recours à des circuits de vente spécifiques et une politique de prévention.
M. Laurent Lhardit (SOC). Cette proposition de loi vise à résoudre un problème de santé, de sécurité et d’écologie qui touche un nombre croissant de nos concitoyens, notamment les plus jeunes. Le protoxyde d’azote est utilisé dans l’industrie agroalimentaire et en médecine, mais son usage est détourné en raison de ses effets psychoactifs. La dangerosité de cette substance est bien documentée : toxique pour le système nerveux, elle peut entraîner des séquelles graves, voire mortelles. Sa consommation nuit aussi à la tranquillité publique et a des conséquences néfastes pour l’environnement, les contenants n’étant pas recyclables.
La ville de Marseille a pris un arrêté qui en interdit la vente de nuit ainsi que la consommation et l’abandon des contenants sur la voie publique. Ce n’est pas suffisant ; je suis régulièrement interpellé par les élus locaux, les forces de police, les associations de quartier et les habitants, qui veulent tous une solution législative efficace.
La loi en vigueur n’a pas permis d’endiguer le phénomène. Il est temps d’interdire la commercialisation du protoxyde d’azote auprès du grand public, et urgent de mieux informer les consommateurs des dangers avérés d’une substance addictive et trop souvent considérée comme inoffensive.
Le groupe Socialistes votera cette proposition de loi pertinente et consensuelle, en souhaitant toutefois que l’amende actuellement prévue en cas de violation de l’interdiction de vente ne soit pas supprimée et que l’on s’assure que des moyens suffisants seront alloués aux politiques d’information et de prévention.
M. Fabien Di Filippo (DR). Je ne peux que me réjouir que nous sortions d’une longue période de naïveté face à ce qu’il convient d’appeler une drogue – j’espère que le protoxyde d’azote sera un jour reconnu et classé comme tel. Cela fait plus de quatre ans qu’avec plusieurs collègues du groupe Droite Républicaine, nous nous battons contre les conséquences incontrôlables de l’usage de plus en plus fréquent de cette substance, notamment chez les adolescents. C’est le troisième produit psychoactif le plus consommé par ces derniers : plus d’un jeune de 18 à 24 ans sur dix en a déjà consommé au moins une fois, et la situation empire. Je me félicite donc de cette prise de conscience au sein de la représentation nationale, et notamment de certains de nos collègues de gauche, parfois favorables à la légalisation du cannabis.
Néanmoins, le groupe Droite Républicaine considère que, pour protéger tant la santé de nos concitoyens que l’ordre public, il faut aller plus loin. Nous regrettons l’absence d’un volet répressif, notamment pour renforcer les sanctions en cas de provocation à la consommation, en particulier auprès des mineurs, ce qui arrive dans des boîtes de nuit ou dans fêtes privées plus ou moins légales. Nous proposerons une sanction financière dans ce cas, mais aussi la pénalisation de la détention et de la consommation, afin que les forces de l’ordre puissent agir efficacement et provoquer un effet dissuasif plus important. Enfin, nous proposerons l’inscription de ce produit sur la liste des stupéfiants et une aggravation de la peine pour toute personne qui commettrait une infraction sous son effet.
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Le droit à la santé est inaliénable et l’État doit jouer pleinement son rôle pour protéger celle-ci, notamment celle des plus jeunes. En octobre dernier, un jeune est mort à Nanterre, dans ma circonscription, dans un contexte de consommation de protoxyde d’azote ; à cause de celle-ci, plusieurs sont handicapés à vie. Combien de vies brisées faudra‑t‑il encore avant que nous agissions ?
Le protoxyde d’azote est devenu un enjeu de santé publique : détournées de leur usage initial, les cartouches jonchent le sol une fois la dose prise, et elles sont bien plus nombreuses aux abords d’établissements scolaires ou les lendemains de soirée.
Çà et là, on voit poindre des initiatives locales pour enrayer le fléau ; le préfet des Hauts‑de‑Seine a ainsi pris des arrêtés d’interdiction. Mais le problème doit être traité à l’échelon national : il faut légiférer pour durcir drastiquement l’accès au protoxyde d’azote. La vente de ce gaz doit être réservée aux professionnels habilités.
Il faut surtout informer sur les risques de cette drogue. J’entends monter une petite musique facile, celle de la répression ; des amendements proposent ainsi de pénaliser la détention de protoxyde d’azote. L’exemple du cannabis, dont nous sommes les premiers consommateurs en Europe alors que nous avons l’arsenal le plus répressif, ne vous suffit-il pas ? Et plus de 1 million de Français ont consommé de la cocaïne en 2023. Le tout‑répressif ne fonctionne ni pour les consommateurs, ni pour la société.
Cette proposition de loi place le curseur au bon endroit, celui de la santé publique. Prévention, accompagnement, absence de jugement : voilà les bases d’une politique volontariste de réduction des risques pour les utilisateurs de protoxyde d’azote. Le droit à la santé et à la sécurité des jeunes doit l’emporter sur les intérêts économiques et les raccourcis idéologiques trop faciles.
Le groupe Écologiste et Social votera le texte, s’il n’est pas dénaturé par les amendements adoptés.
M. Laurent Croizier (Dem). L’usage du protoxyde d’azote comme drogue récréative est préoccupant. Loin d’être un divertissement anodin, ce composé est un véritable poison neurologique, à même de provoquer des séquelles irréversibles.
En dépit des avancées législatives de 2021, l’usage détourné du protoxyde d’azote demeure largement répandu. Un exemple dans ma circonscription : à Besançon, ce ne sont pas moins de 100 à 150 bonbonnes qui sont ramassées chaque mois sur la voie publique. Ces chiffres témoignent de l’ampleur du problème et de la nécessité de renforcer la législation.
C’est un sujet sur lequel j’ai beaucoup travaillé. Nous approuvons l’idée d’une restriction de la vente du protoxyde d’azote aux seuls professionnels. Il nous semble néanmoins qu’interdire aux particuliers d’acheter des cartouches pour utiliser leur siphon de cuisine serait aller trop loin. Il faut lutter contre l’usage détourné, pas punir les usagers qui emploient ce gaz à bon escient. Nous proposerons donc d’écarter de l’interdiction les cartouches d’une contenance inférieure à 8,6 grammes, utilisées par les particuliers.
Nous proposerons également de rétablir l’amende de 3 750 euros actuellement prévue en cas de violation des interdictions inscrites dans le code de la santé publique – amende étonnamment supprimée par le texte. Le tout-laxiste ne fonctionne pas.
Enfin, le texte n’aborde pas le recyclage des cartouches et des bonbonnes. Nous défendrons des amendements visant à les intégrer à la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP).
M. Pierre Marle (HOR). Nous saluons cette proposition de loi qui traite d’un véritable enjeu de santé publique et complète de façon pertinente la loi du 1er juin 2021 afin de mieux faire face à l’augmentation préoccupante des usages détournés du protoxyde d’azote, notamment chez les jeunes.
L’interdiction totale de la vente de cette substance aux particuliers et la restriction de son accès aux seuls professionnels de la santé et de la restauration résultent d’une volonté légitime de limiter l’accès à ce produit. Il est cependant essentiel de s’assurer que cette mesure soit assortie de garanties pratiques, afin d’éviter des difficultés disproportionnées pour les filières concernées et de prévenir le développement de marchés parallèles, qui pourrait aggraver le problème.
Nous notons également les avancées significatives prévues en matière de veille sanitaire et de prévention, notamment grâce à la mobilisation de la Mildeca et des ARS. Le développement des actions de sensibilisation en milieu scolaire est nécessaire pour mieux informer les jeunes des dangers du protoxyde d’azote.
Comment garantir l’efficacité de cette régulation tout en préservant les usages légitimes ? Quels moyens seront mobilisés pour assurer la coordination des actions de prévention, en lien avec les acteurs locaux, essentiels à leur réussite ?
Le groupe Horizons & Indépendants considère que l’équilibre entre une réglementation stricte – accompagnée d’un cadre répressif – et la préservation des usages légitimes est central. Nous participerons activement aux débats afin d’évaluer les réponses du rapporteur et de contribuer à l’adoption de mesures équilibrées et ambitieuses.
M. Stéphane Viry (LIOT). L’usage détourné du protoxyde d’azote est un phénomène inquiétant ; si ce gaz hilarant ne fait effet que quelques instants, il n’a rien d’inoffensif, d’autant que l’on constate de plus en plus de consommations répétées, voire quotidiennes, qui peuvent provoquer des troubles neurologiques, psychiatriques ou cardiaques, et de conduites à risque.
Le Parlement, à l’initiative de Valérie Létard, a interdit sa vente aux mineurs et encadré les quantités vendues. Force est de constater que cette loi n’a pas fait diminuer la consommation. Certaines municipalités ont pris des arrêtés pour interdire la vente de ce produit ou sa détention par des mineurs.
Il est d’abord nécessaire de sensibiliser davantage aux effets graves de cette substance sur la santé, mais aussi sur l’environnement. Favoriser la prévention, notamment en milieu scolaire, comme le propose ce texte, est pertinent. Il faut cesser de banaliser la consommation de cette drogue légale et facilement accessible.
Nous soutiendrons l’interdiction de la vente de ce produit aux particuliers. L’utilisation du protoxyde d’azote à d’autres fins que culinaires ou médicales ne doit plus être possible.
Nous avons déposé quelques amendements destinés à nous assurer de la bonne application de cette loi, notamment pour rétablir l’amende actuellement prévue.
Une coordination européenne est-elle nécessaire, comme il en avait été question s’agissant des mineurs ?
Pensez-vous qu’il faille aller plus loin, notamment sur le délit d’incitation à consommer ?
M. le rapporteur. Je commencerai par vous rassurer au sujet de l’amende. Elle a été retirée de manière délibérée. Cette proposition de loi est transpartisane : je ne décide donc pas tout seul ; l’ensemble des groupes en sont partie prenante. Il s’agissait pour moi de voir quelle position adopterait chaque groupe. On observe que certains demandent déjà une forte augmentation, mais une majorité me semble se dégager en faveur de son rétablissement au niveau actuel de 3 750 euros.
Nous débattrons aussi de l’inflation pénale demandée par certains, puisqu’il a beaucoup été question du volet relatif aux sanctions.
Cette proposition de loi a été signée par neuf groupes politiques et son titre est explicite : il s’agit bien de restreindre la vente de protoxyde d’azote aux seuls professionnels. Cela implique l’interdiction de sa vente aux particuliers. Je m’étonne donc du revirement de certains – on a le droit de changer d’avis, bien sûr, mais les réécritures proposées de l’article 1er dénatureraient le texte. C’est bien la commission des affaires sociales qui est saisie au fond, et non la commission des lois, ce qui n’empêche pas de débattre de sanctions : il s’agit avant tout de défendre la santé publique. Ne profitons pas de cette discussion pour nous livrer à une surenchère pénale.
Article 1er : Interdire la vente du protoxyde d’azote pour les particuliers auprès des magasins de commerce physiques et en ligne
Amendement AS9 de M. Laurent Croizier et sous-amendement AS32 de M. Philippe Vigier
M. Laurent Croizier (Dem). Il faut restreindre aux professionnels la vente de protoxyde d’azote en gros conditionnement, mais pas pénaliser les usages légitimes : il serait inacceptable que les Français ne puissent pas acheter de cartouches pour utiliser leur siphon de cuisine.
Nous proposons donc de permettre la vente aux particuliers de petites cartouches, dans des conditionnements ne dépassant pas dix cartouches, conformément à l’arrêté du 19 juillet 2023, entré en vigueur au 1er janvier 2024. Cette solution permet aux amateurs de cuisine de continuer à utiliser leur siphon, tout en réservant la vente de grosses bonbonnes aux professionnels.
Cet amendement, et son sous-amendement, sont de très bon sens.
M. Idir Boumertit (LFI-NFP). Monsieur Vigier, heureusement que vous avez rattrapé le coche hier soir en rectifiant le dosage indiqué dans l’amendement... Quoi qu’il en soit, avis défavorable à l’amendement comme au sous-amendement.
Afin de ne pas interdire la vente de protoxyde d’azote aux particuliers, parce que cela empêcherait les gens de fabriquer leur propre chantilly, vous proposez d’autoriser les particuliers à acheter les cartouches actuelles – qui contiennent 8,6 grammes de gaz – une par une, quand la loi actuelle les autorise à les acquérir par dix unités.
Ce serait vider la proposition de loi de son sens, puisque cela maintiendrait l’ambiguïté du statut de ce produit aux yeux des jeunes : le protoxyde d’azote conserverait un parfum de légalité et continuerait de circuler librement, d’autant que les sites de vente en ligne ne respectent pas les limites de conditionnement imposées par la loi française. L’esprit de cette proposition de loi est de poser enfin un interdit clair, quitte à contrarier un peu – malheureusement – les amateurs de chantilly maison.
M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur le rapporteur, vous avez dit « dosage » au lieu de « quantité ». Par ailleurs, notre amendement vise bien à autoriser les particuliers à acheter dix unités de 8,6 grammes.
S’agissant d’un texte transpartisan, il est d’autant plus nécessaire d’écouter les propositions des uns et des autres.
Ce qui m’intéresse, c’est l’efficacité. Vous ne voulez pas prévoir de sanction. Mais l’amendement de notre collègue Croizier – cosignataire de votre proposition de loi – rend le texte plus efficace. Je suis ici depuis un peu plus longtemps que vous et je sais que les déclarations d’intention ne suffisent pas.
M. Laurent Lhardit (SOC). Nous voterons contre cet amendement et ce sous‑amendement, qui feraient perdre tout son sens au texte. Un ancien consommateur m’a assuré que 8,6 grammes suffisent amplement pour plusieurs personnes.
M. Jean-François Rousset (EPR). Existe-t-il un gaz qui pourrait se substituer au protoxyde d’azote pour les usages que nous avons évoqués ?
Mme Sabrina Sebaihi (EcoS). Je comprends qu’on veuille que les particuliers puissent continuer à faire de la chantilly. C’est un choix. Mais on sait que ces cartouches sont détournées de leur usage : les jeunes continueront de consommer du protoxyde d’azote. L’adoption de cet amendement rendrait la proposition de loi inutile.
M. Aurélien Taché (LFI-NFP). Je rejoins Mme Sebaihi : si ces produits continuent d’être vendus dans les commerces du quotidien, quelle que soit la quantité, ils continueront d’être consommés de la même manière. Le texte de 2021 n’a pas mis fin à ce fléau. L’amendement rendrait inopérant le dispositif prévu.
M. Laurent Croizier (Dem). Beaucoup de choses peuvent être détournées de leur usage. Faut-il interdire les voitures, prévues pour transporter mais qui peuvent être utilisées pour commettre des méfaits ?
Il faut réserver aux professionnels les bonbonnes de grande capacité, que je vois quasiment toutes les semaines sur les trottoirs de ma circonscription, mais il n’est pas raisonnable d’interdire aux Français, aux amateurs de cuisine, d’utiliser leur siphon pour faire des mousses et des chantillys. Si ce texte était trop restrictif, le groupe Les Démocrates ne pourrait pas le voter.
Il n’existe malheureusement pas d’alternative satisfaisante au protoxyde d’azote pour les siphons de cuisine.
M. Christophe Naegelen (LIOT). Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a là un véritable business : des gens achètent de grosses bonbonnes pour revendre de petites quantités. Les petites cartouches suffisent pour la consommation, mais ce sont bien les grosses bonbonnes qui permettent de faire du profit. Si nous voulons encourager le talent et les envies de nos concitoyens en matière de pâtisserie, nous pouvons les laisser acheter ces toutes petites quantités ; concentrons-nous sur les consommations importantes.
M. le rapporteur. Nous avons interrogé des industriels : il n’y a pas d’alternative.
D’un côté, il y a la santé publique ; de l’autre, la capacité, pour quelques-uns, de faire leur propre chantilly – et je vous assure que ces quelques personnes ne trouvent pas souvent ces petites cartouches dans les rayons, puisqu’elles sont prises d’assaut par ceux qui en ont un usage détourné. Je ne fais pas la promotion de ceux qui vendent de la chantilly toute faite, mais cette solution existe.
Les grosses bonbonnes sont interdites à la vente par l’arrêté en vigueur depuis janvier 2024. Elles n’ont rien à faire sur le territoire national. On peut les trouver sur internet, mais nous proposons de nous attaquer aussi à ce canal.
Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Je suis quelque peu choquée par vos interventions. Si nos enfants, adolescents ou préadolescents trouvent chez nous, dans nos cuisines, ce gaz hilarant pour lequel on fait tant de publicité, ils n’auront aucun mal à tomber dans cette pratique qui pourra les mener à l’AVC, les laisser paralysés ou contraints de marcher avec un déambulateur. La droite et ceux qui la rejoignent seraient-ils plus préoccupés par la propreté de nos trottoirs, par le qu’en-dira-t-on, que par la santé et la vie de nos enfants ?
La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.
Amendement AS14 de Mme Katiana Levavasseur
Mme Katiana Levavasseur (RN). Cet amendement vise à clarifier et préciser la rédaction de l’article 1er. Il impose par ailleurs aux sites de commerce en ligne proposant du protoxyde d’azote de mentionner clairement et visiblement l’interdiction de la vente de ce produit aux particuliers. Il s’agit de sensibiliser les utilisateurs aux dangers que peut représenter un usage détourné du protoxyde d’azote et de prévenir les transactions risquées. Un rappel des dispositions légales ne peut jamais faire de mal !
M. le rapporteur. Les modifications que vous proposez ne me semblent pas avoir de portée réelle : l’interdiction de la vente de protoxyde d’azote aux particuliers est clairement établie par ma proposition de loi.
Quant à l’obligation pour les plateformes de vente en ligne de mentionner explicitement cette interdiction, elle n’aura plus lieu d’être si l’interdiction est généralisée, puisque ces produits seront alors retirés de la vente.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS33 de M. Idir Boumertit
M. le rapporteur. Ma proposition de loi ne vise pas à encourager une répression systématique, mais à donner aux forces de police et de douane les outils nécessaires pour intercepter les trafics de protoxyde d’azote lorsque ce produit est manifestement détourné de son usage culinaire.
Quand des douaniers ou des policiers découvrent dans un camion une cargaison de 10, 20 ou 30 tonnes de protoxyde d’azote, ils savent très bien que ce n’est pas pour faire de la crème chantilly, mais ils se trouvent démunis pour intercepter la marchandise, car cette substance n’est pas illégale en tant que telle. Il arrive qu’ils soient obligés de la restituer aux trafiquants, qui peuvent aller l’écouler tranquillement auprès de nos jeunes. C’est ce genre de situation que mon amendement vise à éviter.
L’article 1er interdit la vente de protoxyde d’azote aux particuliers, mais on sait que l’intégralité des producteurs de bonbonnes et de cartouches sont localisés à l’étranger, et que l’on aura donc du mal à les atteindre. Il me paraît donc nécessaire d’interdire aussi l’importation de protoxyde d’azote lorsqu’il n’est pas possible de prouver un usage professionnel.
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). La dangerosité du protoxyde d’azote est scientifiquement prouvée, donc incontestable. Elle est pourtant régulièrement relativisée, comme en témoignent certaines interventions entendues ce matin – sans doute à cause du caractère fugace et éphémère des effets psychoactifs de cette substance, qui est, du reste, un produit de consommation courante, peu onéreux et facilement accessible. Il n’en demeure pas moins que la consommation de protoxyde d’azote pose, lorsqu’elle est détournée, un sérieux problème de santé publique, notamment chez les jeunes, tant dans l’Hexagone que dans les outre‑mer. Ces derniers sont déjà largement confrontés à la présence de neurotoxiques, comme le chlordécone ; ils sont aussi particulièrement vulnérables aux trafics en tous genres.
J’entendais tout à l’heure qu’on n’interdit pas l’usage de la voiture alors qu’il peut être aussi bien négatif que positif. Pour ma part, étant député depuis aussi longtemps que M. Vigier, et ayant une certaine expérience, je sais que la vente d’armes est encadrée en France. Une arme peut aussi bien tuer que sauver une vie ; pourtant, on ne vend pas n’importe quelle arme à n’importe qui.
Je soutiens donc cet excellent amendement de notre collègue rapporteur.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS30 de Mme Katiana Levavasseur
Mme Katiana Levavasseur (RN). Il convient de rétablir l’interdiction de vendre ou d’offrir tout produit spécifiquement destiné à faciliter l’extraction de protoxyde d’azote afin d’en obtenir des effets psychoactifs.
M. le rapporteur. Avis défavorable.
Votre amendement est satisfait, puisque cette interdiction est déjà prévue par la loi de 2021. Je vous renvoie au troisième alinéa de l’article L. 3611-3 du code de la santé publique.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS2 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Comme je l’ai expliqué lors de la discussion générale, je propose de compléter l’alinéa 6 par l’interdiction faite aux particuliers d’acheter, de détenir ou de consommer du protoxyde d’azote. C’est une question de santé publique et cela rendra l’action des forces de l’ordre pleinement efficace.
M. le rapporteur. Je le répète, je suis défavorable à la surenchère répressive. J’aspire simplement à protéger les jeunes d’un produit qui fait des ravages dans nos quartiers, en actionnant deux leviers : l’interdiction des ventes et la répression de ceux qui tirent profit du business de l’usage détourné du protoxyde d’azote, d’une part ; la prévention auprès des jeunes, d’autre part. Il ne me paraît pas efficace de pénaliser le consommateur, comme en conviennent d’ailleurs toutes les personnes que j’ai auditionnées.
M. Fabien Di Filippo (DR). C’est un peu naïf de votre part. La plupart du business, comme vous dites, se fait par internet, sur des sites souvent basés à l’étranger qui proposent au consommateur d’être livré à domicile. Il faut donc s’attaquer au problème dans toutes ses dimensions, ce qui mène immanquablement à des mesures répressives. Je comprends que cela puisse poser problème, du point de vue philosophique, à certains de nos collègues, mais cela fait quatre ans que j’essaie d’expliquer cela et trois ans que nous avons adopté une première proposition de loi dont nous ne pouvons que constater l’inefficacité. Je vous prends tous à témoin : si nous n’allons pas au bout de la démarche aujourd’hui, nous serons obligés de légiférer à nouveau dans trois ans, car la situation aura encore empiré.
M. le rapporteur. Encore une fois, l’objectif n’est pas de taper sur le consommateur, que vous voulez d’ailleurs sanctionner, si j’en crois votre amendement AS29, d’une amende de 10 000 euros. Même dans des affaires de stupéfiants, l’amende prononcée est de 150 euros...
M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). J’ai du mal à comprendre le but de cet amendement. Il est prouvé que les consommateurs de protoxyde d’azote sont des jeunes, parfois même des très jeunes. Voulez-vous donc pénaliser des enfants de 13 ans ? Leur faire payer 10 000 euros d’amende, et peut-être même les faire condamner à des peines de prison ? À moins que vous ne visiez leurs parents ? Il faut savoir raison garder. C’est le trafic et la commercialisation de ce produit qu’il convient de criminaliser, et non pas les consommateurs, qui sont des victimes.
M. Fabien Di Filippo (DR). Je reviendrai tout à l’heure sur l’amendement relatif à l’amende. Celui que je défends actuellement vise à rendre effective l’action de la police.
Vous vous plaignez tous de voir les trottoirs de vos quartiers jonchés de capsules et de bonbonnes. Vous dénoncez l’ampleur prise par la consommation de cette substance, mais vous ne souhaitez pas la pénaliser. Voilà pourquoi cette proposition de loi sera si peu efficace : à force d’effacer, dans tous les domaines, le principe de responsabilité individuelle, les comportements déviants deviennent progressivement la norme, notamment en matière de consommation de psychotropes et de drogues, et on commence à s’en accommoder.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS19 de Mme Katiana Levavasseur
Mme Katiana Levavasseur (RN). Nous proposons d’interdire toute publicité ou promotion incitant à l’achat ou à l’utilisation du protoxyde d’azote à des fins non professionnelles.
On voit sur les réseaux sociaux des publicités présentant ce produit comme fun ou festif, accompagnées d’images ou de vidéos montrant des ballons de protoxyde d’azote utilisés en soirée. On sait que les jeunes y sont particulièrement sensibles. Il convient de mettre un terme à cette banalisation. Il n’est évidemment pas question d’interdire les promotions destinées aux professionnels, notamment dans le secteur de la cuisine, mais la publicité doit être sobre et ciblée. Comme pour le tabac et l’alcool, il s’agit de limiter l’attractivité du produit et de protéger les jeunes de ses dangers.
M. le rapporteur. Si la proposition de loi est adoptée, le produit sera illégal et la publicité interdite de fait. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS16 de Mme Katiana Levavasseur
Mme Katiana Levavasseur (RN). Cet amendement vise à limiter les risques d’achats massifs de protoxyde d’azote, qui alimenteraient le marché noir et favoriseraient les usages détournés donc dangereux du produit.
M. le rapporteur. Les autorités sanitaires et les praticiens auditionnés ont confirmé que le circuit de distribution du protoxyde d’azote pour le secteur médical était bien organisé et sécurisé. Pour les autres secteurs professionnels, les circuits de vente et de distribution devront être définis par concertation.
Un tel niveau de détail n’est pas souhaitable dans la loi, car il risquerait d’instaurer des contraintes générales pour des secteurs très différents. Il paraît donc préférable de renvoyer au domaine réglementaire. C’est tout le sens de l’amendement que je m’apprête à défendre.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS34 de M. Idir Boumertit
M. le rapporteur. L’article 1er prévoit une dérogation à l’interdiction de vente du protoxyde d’azote pour certains professionnels dans le cadre de circuits de distribution exclusifs. Le présent amendement vise à reformuler cette dérogation, qui a le défaut d’être trop précise à certains égards et pas assez précise sur d’autres aspects.
Elle apparaît trop précise dans la mesure où elle cite uniquement les professionnels de la santé et de la restauration parmi ceux qui pourraient avoir accès au protoxyde d’azote. Or on sait que ce gaz a également des applications industrielles, et il n’est évidemment pas dans mon intention de gêner ces dernières, qui ne posent aucun problème en matière de santé publique.
Cette rédaction est par ailleurs trop imprécise, pour deux raisons. Elle ne prévoit pas d’assurer la traçabilité des volumes vendus aux professionnels, ce qui me semble pourtant indispensable si l’on veut éviter les fuites. Par ailleurs, elle laisse entendre que tout médecin aurait le droit de se procurer du protoxyde d’azote, indépendamment de l’usage qu’il souhaite en faire.
Pour toutes ces raisons, mon amendement propose une reformulation de l’alinéa 8, qui fixe clairement les exigences à respecter pour ces ventes dérogatoires tout en renvoyant au décret le soin d’en déterminer les modalités et le suivi pour chaque secteur concerné.
La commission adopte l’amendement.
Amendements identiques AS35 de M. Idir Boumertit, AS1 de M. Laurent Lhardit, AS4 de M. Stéphane Viry, AS10 de M. Laurent Croizier et AS23 de Mme Katiana Levavasseur
M. le rapporteur. Nous en arrivons à la fameuse amende, qui suscite chez certains collègues une inquiétude que je peux comprendre. Je me suis déjà exprimé à ce sujet en répondant aux orateurs s’étant exprimés dans la discussion générale.
Nous sommes nombreux à vouloir réintégrer dans le texte l’amende de 3 750 euros actuellement prévue en cas de violation de l’interdiction de vente de protoxyde d’azote. Comme vous pouvez l’imaginer, mon intention n’était pas de combattre ce fléau sans aucune arme. Je ne suis évidemment pas favorable à l’impunité pour ceux qui alimentent ce marché gris. Mon objectif était de poser la question des sanctions de manière ouverte et constructive, afin que l’examen de cette proposition de loi transpartisane permette à chacun de contribuer à la définition d’un cadre pénal cohérent et efficace.
En dépit de cet impératif d’efficacité, je souhaite éviter une surenchère répressive qui risquerait d’être disproportionnée par rapport aux objectifs visés. Je constate que la majorité des groupes sont favorables à la réintroduction de la sanction existante, à hauteur de 3 750 euros ; dans une logique transpartisane, je la préfère donc également aux 8 500 euros demandés par Mme Levavasseur dans son amendement AS22 et aux 10 000 euros proposés par M. Di Filippo dans son amendement AS29.
Il est indispensable de rappeler l’importance d’une prévention renforcée, unanimement plébiscitée lors des auditions, pour sensibiliser particulièrement les jeunes, nombreux à sous-estimer les risques liés à la consommation de ce produit. La combinaison de sanctions efficaces et de mesures préventives adaptées reste le meilleur moyen de lutter contre ce fléau.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, les amendements AS7 de Mme Lebon, AS29 de M. Di Filippo et AS22 de Mme Levavasseur tombent.
Amendement AS3 de M. Fabien Di Filippo
M. Fabien Di Filippo (DR). Je me console de voir tomber mon amendement AS29 en constatant que l’amende a été rétablie. Surtout, le présent amendement est le plus important. Quand on se projette à long terme dans la lutte contre l’usage détourné du protoxyde d’azote, on souhaite nécessairement que cette substance soit classée dans la liste des produits stupéfiants, puisqu’elle est utilisée comme tel. Ses conséquences neurologiques et ses effets sur le comportement des automobilistes s’apparentent à ceux des drogues. Aussi la consommation de ce produit doit-elle constituer une circonstance aggravante en cas d’infraction.
M. le rapporteur. Cette mesure poserait plusieurs difficultés, à commencer par un problème de proportionnalité. Actuellement, le trafic de stupéfiants est puni de dix ans d’emprisonnement et de 7,5 millions d’euros d’amende. Ces peines ont été conçues pour des substances qui font l’objet de trafics à dimension internationale, chapeautés par des organisations de nature criminelle. Même si le trafic de stupéfiants et celui du protoxyde d’azote peuvent utiliser des circuits de distribution communs ou être assurés par des acteurs similaires, ils ne présentent pas pour autant les mêmes niveaux de gravité et d’organisation, comme le patron de l’Office français anti‑stupéfiants me l’a expliqué lundi.
Par ailleurs, le classement du protoxyde d’azote comme stupéfiant imposerait des contraintes particulièrement lourdes aux secteurs qui utilisent ce gaz à des fins légitimes, comme le secteur culinaire. Il rendrait son utilisation professionnelle illégale ou extrêmement complexe. Il ne me semble pas souhaitable d’aller aussi loin.
Je rappelle enfin que les moyens des forces de l’ordre sont déjà largement engagés dans la lutte contre les stupéfiants. Si le protoxyde d’azote devait être considéré comme tel, cela impliquerait de renforcer assez substantiellement ces moyens ; or je n’ai pas l’impression que la prochaine loi de finances prenne ce chemin.
M. Fabien Di Filippo (DR). Le protoxyde d’azote a-t-il des effets neurologiques graves et stupéfiants ? Oui. Peut-il rendre dépendant ? Oui. Aggrave-t-il certains comportements, au volant ou dans la vie de tous les jours ? Manifestement, oui. Vous refusez donc de traiter comme une drogue une substance qui en a tous les effets. Même si cette proposition de loi aboutit, elle ne donnera aucun des résultats escomptés, et nous devrons revenir sur cette question dans quelques mois ou quelques années. Le volet préventif ne suffit pas. Du reste, si cette mesure n’empêche pas l’usage du protoxyde d’azote par les professionnels, elle le rend très complexe, ce qui est peut-être nécessaire pour éviter tout détournement. On peut toujours espérer que le texte sera amélioré au Sénat...
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 1er modifié.
Après l’article 1er
Amendements identiques AS13 de M. Fabien Di Filippo et AS25 de Mme Emmanuelle Hoffman ; amendement AS31 de Mme Emmanuelle Hoffman (discussion commune)
M. Fabien Di Filippo (DR). Nous proposons de compléter la proposition de loi par des mesures juridiquement calibrées visant à rééquilibrer les sanctions prévues en cas d’usage détourné du protoxyde d’azote.
Aussi l’amendement AS13 vise-t-il à étendre le délit de provocation à l’usage détourné d’un produit de consommation courante, qui serait désormais caractérisé aussi lorsque des majeurs sont visés, et à aggraver les peines encourues par un majeur en cas d’incitation d’un mineur à consommer du protoxyde d’azote pour obtenir des effets psychoactifs. Enfin, puisque vous voulez être impitoyables en matière de lutte contre la consommation de stupéfiants, nous proposons de porter à six mois de prison et 30 000 euros d’amende les peines encourues lorsque le mineur incité à s’adonner à ce type d’activité a moins de 15 ans.
Mme Emmanuelle Hoffman (EPR). L’amendement AS25 est identique. Il vise effectivement à renforcer les sanctions applicables en cas d’incitation à la consommation détournée de protoxyde d’azote, par la vente ou l’offre de ce produit. Dans le prolongement de la loi du 1er juin 2021, nous proposons d’étendre ce délit pour couvrir des faits visant des majeurs, car plusieurs associations ont souligné le fait que de jeunes majeurs étaient également touchés par ce fléau, d’ajouter une peine de trois mois d’emprisonnement à l’amende déjà encourue en cas de provocation de mineurs, et de créer plusieurs circonstances aggravantes – par exemple lorsque l’incitation vise des mineurs de moins de 15 ans – portant la peine de prison de trois à six mois et l’amende de 15 000 à 30 000 euros.
Delta France Associations nous a rapporté que l’usage détourné du protoxyde d’azote était de plus en plus fréquent et que cette pratique touchait des mineurs de plus en plus jeunes, parfois âgés de seulement 11 ans. Il convient donc de poursuivre la lutte contre ce fléau et de s’assurer que la répression de l’incitation à cet usage détourné est correctement ciblée.
M. le rapporteur. Madame Hoffman, vous dites avoir rencontré une association et mesurer l’enjeu lié à l’usage détourné de ce produit, mais vous souhaitez maintenir le libre accès à ce dernier. J’y vois un léger paradoxe.
Les amendements identiques AS13 et AS25 visent à renforcer le délit de provocation à la consommation de protoxyde d’azote, créé en 2021. Alors que cette infraction ne concerne actuellement que l’incitation à la consommation des mineurs, vous souhaitez, d’une part, l’étendre aux faits concernant des majeurs, en cohérence avec l’objectif de la proposition de loi, qui vise à interdire la vente pour tout le monde, et, d’autre part, aggraver les sanctions, notamment en cas de provocation sur mineur dans des circonstances spécifiques.
Je comprends et partage votre volonté de lutter plus fermement contre ces pratiques, qui ciblent une population particulièrement vulnérable, mais je reste sceptique quant à l’efficacité réelle d’un tel dispositif. Il ressort en effet de mes auditions que le délit d’incitation à la consommation est souvent difficile à caractériser dans les faits, notamment lorsqu’il s’agit de comportements informels ou de contenus diffusés sur les réseaux sociaux. Cette infraction n’est donc pas très opérationnelle. De fait, depuis 2021, lorsque les forces de police prennent des gens en train de dealer du protoxyde d’azote, c’est sur le fondement d’autres types d’infractions qu’elles les interpellent – le plus souvent en invoquant le délit de travail dissimulé ou de vente à la sauvette, nous a expliqué le préfet de police de Paris.
Enfin, je l’ai déjà dit, il ne faudrait pas céder à la tentation de la surenchère répressive. À l’article 1er, nous nous sommes mis d’accord sur une amende de 3 750 euros pour sanctionner l’importation et la vente de protoxyde d’azote. Il serait disproportionné de porter ce montant à 15 000 euros, voire plus, pour réprimer l’incitation à la consommation, un délit en réalité très proche.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement AS5 de M. Stéphane Viry
M. Stéphane Viry (LIOT). Puisqu’il ne sera plus possible de vendre du protoxyde d’azote aux particuliers, il convient de mettre fin à un mécanisme instauré par la loi de 2021. Cet amendement ne change rien sur le fond, mais il permet de clarifier, toiletter et simplifier notre législation.
M. le rapporteur. Nous comprenons bien votre intention, mais cet amendement ne nous semble pas opportun. En effet, l’article L. 3611-2 du code de la santé publique ouvre la possibilité de limiter les quantités vendues de biens faisant l’objet d’un usage détourné, sans prévoir d’obligation d’agir de la sorte pour le protoxyde d’azote. Du reste, il ne me paraît pas souhaitable, du point de vue juridique, d’énumérer des exclusions produit par produit. En interdisant la vente de protoxyde d’azote à tous les particuliers, la proposition de loi rend déjà cette possibilité obsolète. Introduire une mention spécifique risquerait d’alourdir le texte législatif et de multiplier les cas particuliers, ce qui nuirait à la lisibilité et à la cohérence de l’ensemble.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Article 1er bis (nouveau) : Coordinations juridiques
Amendement AS6 de M. Stéphane Viry
M. Stéphane Viry (LIOT). Contrairement à l’amendement précédent, celui-ci vise à supprimer certaines mentions du code de la santé publique afin de clarifier le droit en vigueur. Je ne vois pas comment vous pourriez vous y opposer.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.
Article 2 : Coordonner les actions de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives et des agences régionales de santé
Amendement AS21 de Mme Katiana Levavasseur
Mme Katiana Levavasseur (RN). Nous l’avons déjà dit, nous sommes contre le fait de déléguer davantage de compétences aux agences régionales de santé et de leur confier des missions supplémentaires.
M. le rapporteur. Vous êtes manifestement opposés, par principe, aux ARS. Votre amendement me semble d’autant moins opportun que les ARS Île-de-France et Hauts‑de‑France, que nous avons auditionnées, sont parmi les rares à avoir lancé des campagnes de sensibilisation sur le protoxyde d’azote destinées aux 15-25 ans. Il serait donc dommage de les exclure des actions de veille sanitaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS36 de M. Idir Boumertit
M. le rapporteur. L’article 2 vise à soutenir et à développer le dispositif de veille sanitaire et de prévention au sujet du protoxyde d’azote. Nous devons mieux connaître l’évolution de la consommation, continuer à améliorer notre perception des risques sanitaires et aider les jeunes, dont beaucoup voient dans le gaz hilarant une substance bénigne, à prendre conscience de ces risques et à éviter les conduites addictives.
Au cours des auditions, nous avons rencontré de nombreux acteurs engagés en ce sens. L’article 2 en mentionne certains – la Mildeca et les ARS –, mais en oublie d’autres. J’ai notamment découvert le rôle central joué par le réseau des treize centres d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance dans la prise de conscience des effets sanitaires de ce gaz. Ce réseau, unique en Europe, est une chance. Nous nous devons de le préserver, et même de le développer.
Je propose donc d’allonger la liste des institutions ayant vocation à coopérer pour renforcer la surveillance sanitaire et la prévention autour du protoxyde d’azote.
La commission adopte l’amendement.
Amendement AS17 de Mme Katiana Levavasseur
Mme Katiana Levavasseur (RN). Dans son avis publié en février 2024, l’Anses s’inquiète des dangers du protoxyde d’azote utilisé en milieu médical. Son usage prolongé peut en effet entraîner des troubles neurologiques, des atteintes respiratoires et des intoxications, tant pour les professionnels que pour les patients.
Nous proposons donc que soient lancées des campagnes d’information et de sensibilisation ciblant les acteurs du secteur médical, afin de faire mieux connaître ces dangers et de promouvoir les bonnes pratiques indispensables pour protéger la santé de tous.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS15 de Mme Katiana Levavasseur
Mme Katiana Levavasseur (RN). Nous souhaitons mieux encadrer l’accès au protoxyde d’azote en sensibilisant les commerçants. Tous ne sont pas au fait des dangers liés à son usage détourné, ni des dispositions législatives encadrant sa vente. Il faut donc les en informer afin de prévenir des transactions susceptibles d’accroître les risques, notamment pour les plus jeunes.
M. le rapporteur. Si la vente de protoxyde d’azote est interdite aux particuliers, il ne sera plus nécessaire de sensibiliser les commerçants. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 2 modifié.
Article 3 : Élargir la coordination de l’action de prévention menée dans les établissements scolaires, conformément à l’article L. 312-18 du code de l’éducation
Amendement AS20 de Mme Katiana Levavasseur
Mme Katiana Levavasseur (RN). Je propose de mentionner explicitement le protoxyde d’azote dans le code de l’éducation, comme cela a déjà été fait pour le cannabis.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article 3 non modifié.
Après l’article 3
Amendements AS11 et AS12 de M. Laurent Croizier
M. Laurent Croizier (Dem). Il n’existe à ce jour aucune filière de traitement ou de recyclage des bonbonnes et des cartouches de protoxyde d’azote. L’amendement AS11 vise à soumettre ces dernières au principe de REP, en les mentionnant à l’article L.541-10-1 du code de l’environnement. Le principe pollueur-payeur, qui rend les producteurs responsables du financement et de l’organisation de la filière de traitement et de recyclage, serait ainsi étendu à ces produits.
L’amendement AS12 tend quant à lui à préciser que la filière REP devra prendre en charge les coûts de ramassage et de traitement des bonbonnes et des cartouches.
M. le rapporteur. Si la vente de protoxyde d’azote est interdite, les filières organisées et réglementées, notamment celles du secteur médical, géreront elles-mêmes leurs déchets. Le dispositif proposé n’est donc pas nécessaire.
Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 4 : Remise d’un rapport d’évaluation au Parlement
Amendement AS37 de M. Idir Boumertit
M. le rapporteur. De l’avis général, la loi du 1er juin 2021 n’a pas trouvé à s’appliquer, pour deux raisons.
D’une part, elle était trop difficilement contrôlable : il est très compliqué de faire appliquer une interdiction de vente aux mineurs, comme le montrent les exemples du tabac et de l’alcool.
D’autre part, les services de contrôle des différents ministères – économie, intérieur, santé – n’ont pas été mobilisés pour cet objectif. Les personnes auditionnées nous l’ont clairement dit lorsque nous avons cherché à savoir si la police ou la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes contrôlent la taille des contenants entrant sur le territoire : le produit étant légal, ce contrôle n’est pas du tout en tête des préoccupations.
Pour que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, il faudra des moyens de contrôle effectifs afin de garantir que l’interdiction de vente aux particuliers soit bien appliquée. Une telle mesure est certes plus facile à contrôler qu’une interdiction de vente aux mineurs ; encore faut-il vouloir le faire.
La commission adopte l’amendement.
Puis elle adopte l’article 4 modifié.
Titre
L’amendement AS8 de M. Laurent Croizier est retiré.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
*
* *
En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
– Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/M7TmCe
–Texte comparatif : https://assnat.fr/bsSdxD
ANNEXE n° 1 : Liste des personnes ENTENDUEs
par le rapporteur
(par ordre chronologique)
Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) – M. Matthieu Schuler, directeur général délégué en charge du pôle Sciences pour l’expertise, et Mme Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles
Association « Accompagner, prévenir, éduquer, sauver » (APEAS) – Mme Françoise Cochet, présidente, Mme Anne-Cécile Cochet, doctorante, et M. Jérôme Valkman, professeur de sciences de la vie et de la Terre
Table ronde sur le recyclage :
– Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec) – M. Manuel Burnand, directeur général
– Citeo* – M. Julien Burini, directeur Reprise et traçabilité, et M. Adrien Da Fonseca, chargé de missions Affaires publiques
– TriSelec – Mme Dany Dunat, directrice générale
Table ronde sur la prévention :
– Association Addictions France* – Mme Myriam Savy, directrice du plaidoyer, de la communication et de la vie associative, et Mme Morgane Merat, chargée de mission en politiques publiques
– Fédération Addiction* – Mme Géraldine Talbot, administratrice
– Société française de santé publique (SFSP) – M. François Berdougo, délégué général
Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) – Mme Valérie Ulrich, responsable scientifique de l’unité FOCUS, et M. Clément Gerome, coordinateur national du dispositif TREND
Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) – M. Nicolas Prisse, président, M. Gwenaël Le Du, chargé de mission Affaires réglementaires, et Mme Corinne Drougard, chargée de mission Santé
Table ronde avec des agences régionales de santé (ARS) :
– ARS Île-de-France – M. Jean Fabre-Mons, directeur adjoint de la santé publique, et M. Jean-Baptiste Eccel, référent régional Addictions
– ARS Hauts de France – Dr Audrey Joly, référente régionale addictions, et Mme Stéphanie Maurice, sous‑directrice en charge des parcours addictions
Table ronde avec des industriels du protoxyde d’azote :
– Linde France – M. Abdon Planes, pharmacien responsable, directeur Qualité affaires réglementaires
– Kayser Berndorf GmbH – Mme Eleftheria Bitzikou, vice-présidente et responsable qualité
– Isi GmbH – Mme Antonella Mei-Pochtler, présidente-directrice générale et copropriétaire, et M. Gottfried Bauernfeind, export manager et responsable de la lutte contre l’abus du N2O
Préfecture de police de Paris – M. Laurent Nuñez, préfet de police, et Mme Juliette de Clermont-Tonnerre, conseillère Stratégie et relations publiques
Comité français des aérosols (CFA) – M. Jean Blottière, délégué général, M. Pierre-Louis Sigaut et M. Gérard Monfroy, experts
Fédération du commerce et de la distribution (FCD)* – Mme Émilie Tafournel, directrice Qualité, et Mme Julie Fraisse, consultante Affaires publiques chez ESL Rivington*
Centre d’addictovigilance (centre hospitalier régional universitaire de Nantes) – Pr Caroline Vigneau, responsable du centre, responsable du suivi national du protoxyde d’azote pour l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et Dr Arthur Lionnet, neurologue
Table ronde avec des élus locaux :
– France Urbaine : M. Sébastien Cote, adjoint au maire de Montpellier, délégué à la protection de la population, la tranquillité publique et les affaires militaires, conseiller de Montpellier Méditerranée Métropole
– M. Mohamed Chihi, septième adjoint au maire de Lyon, délégué à la sûreté, à la sécurité et la tranquillité
Hospices civils de Lyon – Dr Florian Hubben, neurologue, Dr Christophe Riou, addictologue, et Dr Alexandra Boucher, praticien hospitalier - pharmacien au centre d’addictovigilance
Office anti-stupéfiants (Ofast) – M. Christian de Rocquigny, chef par intérim, et Mme Sophie Étienne, commandant divisionnaire, cheffe de la cellule Synthèse et coordination
Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) – Mme Cécile Mounier, directrice adjointe, M. Mehdi Benkébil, directeur de la surveillance, et Mme Carole Le Saulnier, directrice Réglementation et déontologie
Ministère du travail, de la santé, des solidarités et des familles – Direction générale de la santé (DGS) - Sous-direction Santé des populations et prévention des maladies chroniques – Mme Simone Alexe, cheffe du bureau Prévention des addictions, et M. Sylvain Guého, adjoint
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
ANNEXE n° 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen
de la proposition de loi
Proposition de loi |
Dispositions en vigueur modifiées |
|
Article |
Codes et lois |
Numéro d’article |
1er |
Code de la santé publique |
L. 3611‑3 |
1er bis |
Code de la santé publique |
L. 3631‑1, L. 3631‑2 et L. 3823‑6 |
3 |
Code de l’éducation |
L. 312‑18 |
([1]) Loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote.
([2]) « Niveaux de consommation du CBD et du protoxyde d’azote en population adulte en France métropolitaine en 2022 », Santé publique France, 26 octobre 2023.
([3]) OFDT, Les usages psychoactifs du protoxyde d’azote, Tendances, n° 151, 2022, p. 8.
([4]) Ibid.
([5]) Arrêté du 17 août 2001 portant classement sur les listes des substances vénéneuses.
([6]) Arrêté du 21 décembre 2001 portant application de la réglementation des stupéfiants aux médicaments à base de protoxyde d’azote.
([7]) Arrêté du 19 juillet 2023 fixant la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers de produits mentionnés à l’article L. 3611-1 du code de la santé publique contenant du protoxyde d’azote.
([8]) Ensemble de compétences sociales, émotionnelles et cognitives qui ont pour objectifs d’améliorer les relations à soi et aux autres.
([9]) Arrêté du 17 août 2001 portant classement sur les listes des substances vénéneuses.
([10]) Règlement CE n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH).
([11]) Règlement (CE) n° 1333/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 sur les additifs alimentaires.
([12]) Loi n° 2021-695 du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote.
([13]) Arrêté du 19 juillet 2023 fixant la quantité maximale autorisée pour la vente aux particuliers de produits mentionnés à l’article L. 3611-1 du code de la santé publique contenant du protoxyde d’azote.
([14]) Décret n° 2023-1224 du 20 décembre 2023 relatif à l’apposition d’une mention sur chaque unité de conditionnement des produits contenant uniquement du protoxyde d’azote.
([15]) Décision d’exécution (UE) 2024/2797 de la Commission du 31 octobre 2024 relative à l’autorisation provisoire de la mesure prise par la République française en ce qui concerne l’étiquetage des produits contenant uniquement du protoxyde d’azote.
([16]) Règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006.
([20]) ANSM, Synthèse des données 2021 d’addictovigilance : 2023-synthese-donnees-av-proto-2021.pdf.
([21]) L’usage détourné du protoxyde d’azote, une pratique à risques de plus en plus répandue, MILDECA.
([22]) Décret n° 2014-322 du 11 mars 2014 relatif à la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.
([23]) On pourra par exemple consulter la page suivante sur l’usage détourné du protoxyde d’azote : L’usage détourné du protoxyde d’azote, une pratique à risques de plus en plus répandue.
([24]) Stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027, mars 2023 : SIMCA 2023-2027.pdf.
([25]) Ibid., p. 36 : « [...] la Mildeca a ainsi amorcé un partenariat avec Snapchat concernant le protoxyde d’azote, le cannabis et la MDMA, ainsi qu’avec une influenceuse très suivie sur les réseaux sociaux ».
([26]) Article L. 312-18 du code de l’éducation : « Une information est délivrée sur les conduites addictives et leurs risques, notamment concernant les effets neuropsychiques et comportementaux du cannabis, dans les collèges et les lycées, à raison d’au moins une séance annuelle, par groupes d’âge homogène. Ces séances pourront associer les personnels contribuant à la mission de santé scolaire ainsi que d’autres intervenants extérieurs. »