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N° 861
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES, SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à interdire l’importation de produits agricoles non autorisés en France (n° 659).
PAR M. Antoine VERMOREL-MARQUES
Député
Voir le numéro :
Assemblée nationale : 659
L’une des grandes injustices que connaissent les agriculteurs aujourd’hui provient de produits importés qui ne respectent pas les normes qui leur sont imposées. Il en découle une concurrence déloyale qui fragilise notre modèle agricole, fondé sur la valorisation du modèle de l’exploitation familiale et sur l’exigence de servir des produits de qualité aux 68 millions de consommateurs français.
L’arrivée de ces denrées, produites à bas coût dans des pays extérieurs à l’Union européenne, ne présente pas seulement un risque pour la compétitivité de nos agriculteurs : elle représente aussi une menace pour la santé des consommateurs français et européens, dès lors que ces pays tiers ont recours à des produits phytosanitaires ou des pratiques d’élevage dangereuses, et souvent interdites en Europe.
Les insuffisances des contrôles, et plus largement les lacunes dans la règlementation européenne, ne permettent pas d’espérer la mise en place d’une réciprocité généralisée en matière sanitaire, phytosanitaire et environnementale. Cet état de fait doit alerter les autorités gouvernementales de tous les pays membres, en priorité la France, afin qu’elles exigent de l’Union européenne (UE) une inflexion rapide de son approche et de sa politique à l’égard de l’importation de produits agricoles et de denrées alimentaires.
S’il n’est pas question de remettre en cause le principe même du commerce international et du libre-échange, le respect des normes sanitaires et environnementales promues par l’UE, en termes de traitement et de modes de production, ne devrait pas pouvoir faire l’objet de compromis. Garantir la réciprocité de ces normes apparaît comme un préalable nécessaire à l’établissement d’un cadre équitable des échanges.
Pour remédier à ce problème, le législateur avait, dès 2018, tâché d’interdire la vente, ou la distribution à titre gratuit, de produits agricoles ou de denrées alimentaires non autorisés en Europe, dans le cadre de la loi « Égalim I » (article 44). Près de 6 ans après, le constat doit être fait que cette interdiction peine à produire des effets.
La présente proposition de loi vise à combler deux écueils identifiés dans les dispositions issues de la loi « Égalim I », aujourd’hui codifiées à l’article L. 236‑1 A du code rural et de la pêche maritime :
– compléter l’interdiction de vendre par l’interdiction d’importer les produits ne respectant pas les normes de production sanitaire, phytosanitaire ou vétérinaire de l’UE (article 1er) ;
– établir des sanctions effectives et dissuasives, pour que les interdits fixés par loi puissent être enfin respectés (article 2).
Plus précisément, l’article 1er entend corriger le défaut tendant à faire porter les contrôles et la responsabilité des vérifications sur les vendeurs. Plus concentrés et moins nombreux que les distributeurs, les importateurs sont ceux qui doivent en priorité être ciblés par l’interdiction de faire entrer sur le marché européen des produits qui ne devraient pas y être autorisés.
L’article 2 assure le caractère opérationnel de cette interdiction en renforçant l’arsenal juridique mis à disposition des autorités françaises pour sanctionner les contrevenants, dans le cadre européen.
Les mesures ainsi présentées doivent venir aider utilement les autorités compétentes des États membres, chargées par l’UE de réaliser les contrôles sanitaires et phytosanitaires sur les marchandises importées. Elles doivent donc s’inscrire dans le respect du cadre européen afin de rester crédibles, utiles et applicables.
Article adopté par la commission avec modifications
Reprenant la rédaction de l’article L. 236‑1 A du code rural et de la pêche maritime, le présent article y crée un article L. 236‑B qui élargit aux importations l’interdiction visant tout produit alimentaire ou agricole pour lequel il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation.
L’amendement proposé par le rapporteur et adopté par la commission permet d’insérer l’interdiction d’importer à l’article L. 236-1 A. Les sous-amendements adoptés élargissent le champ de l’interdiction à tous les produits agricoles ou horticoles ne respectant les nomes sanitaires ou sociales françaises.
Plusieurs rapports parlementaires, à l’instar de celui du 26 novembre 2024 de Mme Mélanie Thomin ([1]), ont récemment souligné combien le cadre actuel des échanges commerciaux engendre des distorsions de concurrence qui pénalisent le monde agricole. Il convient de distinguer les distorsions entre les pays de l’Union européenne (UE) et les pays tiers, d’une part, et les distorsions qui opposent les pays membres de l’UE entre eux, d’autre part.
La réglementation de l’UE et les pratiques actuelles limitent la possibilité d’imposer aux exportateurs des pays tiers des exigences équivalentes à celles intégrées par les producteurs européens.
En matière de sécurité sanitaire, la réglementation européenne qui fixe les normes de production apparaît généralement plus stricte que celle qui encadre les importations de produits. Un exemple peut être donné à travers la fixation de limites maximales de résidus (LMR), pour lesquelles il arrive souvent que la Commission européenne relève les seuils au titre d’une tolérance à l’importation sur les produits étrangers.
Définition et fonctionnement des limites maximales de résidus (LMR)
Les limites maximales de résidus (LMR) sont, en vertu du règlement (CE) 396/2005, les niveaux supérieurs de résidus de pesticides légalement admis dans ou sur les aliments destinés à l’alimentation humaine ou animale, sur la base des bonnes pratiques agricoles et de la plus faible exposition nécessaire pour protéger les consommateurs vulnérables.
En principe, les LMR s’appliquent de manière indifférente aux denrées produites dans l’Union européenne et à celles qui sont importées de pays tiers. Par ce moyen, l’UE cherche à assurer un niveau de protection équivalent vis-à-vis des aliments mis sur le marché, quelle que soit leur origine.
Cependant, il arrive souvent que la Commission européenne relève les LMR au titre d’une tolérance à l’importation et après une évaluation des risques concluant à l’absence d’effet inacceptable pour l’exposition alimentaire.
Le rapport de la commission d’enquête parlementaire du 14 décembre 2023 ([2]) relève certaines lacunes qui peuvent apparaître tout au long de la chaîne du contrôle des denrées importées. Outre les tolérances relatives aux LMR évoquées ci-dessus, en fin de chaîne, les contrôles douaniers sont insuffisamment nombreux et révèlent des non-conformités importantes.
Les produits importés dans l’UE font l’objet de contrôles aux frontières, dans le cadre d’un programme de contrôle pluriannuel et coordonné de l’UE qui, chaque année, exige que les États membres prélèvent des échantillons, effectuent des analyses et mènent des essais sur un éventail convenu de produits – pertinent par rapport au régime alimentaire –, pour un éventail convenu de pesticides. Selon la nature des produits, l’autorité compétente peut varier.
Ainsi, en France, la direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère de l’Agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt opère les contrôles vétérinaires des animaux et produits d’origine animale qui visent à protéger la santé humaine et animale contre les infections, maladies zoonoses ou contaminations chimiques qui pourraient être liées aux denrées importées. En revanche, le contrôle des denrées alimentaires d’origine non animale revient à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).
Cependant, ces contrôles apparaissent d’autant plus limités en ampleur que les non-conformités détectées sont assez importantes. Dans un rapport d’information de 2019 ([3]), le Sénat estimait qu’entre 10 % et 25 % des produits importés en France ne respecteraient pas les normes minimales imposées aux producteurs français. Ramené aux seules normes européennes de production, le taux de non-conformité des denrées alimentaires importées de pays tiers s’établirait en France entre 8 % et 12 %, preuve supplémentaire que la France tend à surtransposer le droit de l’UE.
Les chiffres relatifs au taux de non-conformité varient toutefois sensiblement en fonction de la nature des produits contrôlés, et restent difficiles à établir avec certitude. Ainsi, lors des auditions menées par votre rapporteur, la DGAL (compétente sur les risques sanitaires et vétérinaires) a estimé le taux de non-conformité de ses contrôles autour de 1 %, alors que la DGDDI (compétente sur les risques phytosanitaires) l’a estimé entre 5 % et 10 %.
Il convient de retenir que la non-conformité du contrôle varie également significativement en fonction des matrices de risques que réalise la Commission européenne, en lien avec les autorités compétentes des États membres. Ces matrices de risques, formées autour d’un triptyque « denrée / origine / contaminant », aident au ciblage des contrôles physiques et permettent également d’en déterminer les fréquences. Cela peut cependant conduire à écarter certaines substances dangereuses des contrôles. Ainsi, comme l’a analysé le rapport d’information du Sénat sur la compétitivité de la Ferme France, publié en septembre 2022, l’UE interdit 907 des 1 498 substances actives recensées. Cependant, les plans européen et français cumulés ne procéderaient au contrôle que d’environ 82 % de ces substances interdites.
En conclusion, malgré l’engagement pris par la Commission européenne de s’employer « à faire en sorte que l’approvisionnement alimentaire de l’Europe soit le plus sûr au monde et que les mêmes normes de sécurité alimentaire s’appliquent à tous les produits, quelle que soit leur origine » ([4]) , des pratiques et insuffisances en matière de contrôles conduisent à renforcer les distorsions de concurrence sur le plan économique, d’une part, et à augmenter les risques de contamination ou de développement de maladies chez les consommateurs, d’autre part.
Le droit européen met en œuvre, depuis quelques années, des premières mesures miroirs sectorielles. L’adoption de mesures miroirs dans le secteur agricole est un phénomène relativement récent et circonscrit. La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a dressé la liste de celles existantes, reproduites dans le tableau ci-après.
Mesures miroirs |
Justification |
Mise en œuvre |
Interdiction de l’accès au marché européen de produits animaux traités avec des hormones de croissance Directive 96/22/CE du 29 avril 1996 |
Santé des consommateurs |
Filière dédiée au marché UE, contrôlée par les autorités sanitaires du pays producteur : contrôle des plans de chaînes de production et accréditation des abattoirs répondant aux normes européennes. Réalisation d’audits dans les pays producteurs. |
Application des règles européennes relatives à l’abattage et aux produits animaux importés Règlement CE 1099/2009 |
Bien-être animal |
La viande et les autres produits issus d’animaux abattus ne peuvent être importés dans l’UE que s’ils ont été expédiés à partir d’établissements surveillés par un service d’inspection indépendant |
Commercialisation de produits importés issus de l’agriculture biologique Règlement UE 2018/848 |
Protection de l’environnement, de la biodiversité et du bien-être animal |
Obligation de présenter un certificat numérique à l’entrée sur le territoire européen. Cette certification est réalisée par les autorités du pays d’origine |
Interdiction de l’accès au marché de l’UE d’animaux et produits animaux traités avec des antibiotiques activateurs de croissance Règlement UE 2019/6 |
Lutte contre l’antibiorésistance |
Les produits doivent provenir d’un pays tiers agréé et être accompagnés d’un certificat de conformité. |
Interdiction de l’accès au marché UE de produits contenant des résidus de clothianidine et de tiaméthoxame Règlement CE 2023/334 |
Protection de l’environnement et de la biodiversité |
Délivrance d’un document sanitaire commun d’entrée pour les marchandises importées. Contrôle de la limite maximale de résidus aux postes frontières. |
Interdiction de l’accès au marché de produits ayant causé de la déforestation Règlement UE 2023/1115 |
Protection de l’environnement et de la biodiversité |
Conditions à respecter pour le bois, l’huile de palme, le soja, le café, le cacao, le caoutchouc et le bœuf : Ne pas avoir été produits sur des terres ayant fait l’objet de déforestation après le 31 décembre 2020 Être couverts par une déclaration de diligence raisonnée |
Source : commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale, d’après « Les mesures miroirs, un outil essentiel de mise en œuvre du Pacte vert », Premier bilan du mandat européen 2019‑2024 et perspectives, Mathilde Dupré, Stéphanie Kpenou, septembre 2023
Si la réglementation sanitaire de l’UE est censée s’appliquer indifféremment à tous ses pays membres en matière de production, il convient de relever que la fréquence et la rigueur des contrôles tendent, dans les faits, à créer des différences pouvant aboutir à des situations de distorsions de concurrence.
Par ailleurs, l’exception prévue à l’article 53 du règlement européen 1107/2009 tend à faire l’objet d’utilisations opportunistes qui ne seraient pas toujours justifiées par certains États membres. Cet article prévoit une dérogation pour l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, qui ne satisfont pas aux autorisations européennes, s’ils apparaissent comme la seule solution à une menace critique compromettant la production et pour une culture donnée.
Face à ces risques de distorsion de concurrence, le législateur a entendu renforcer les conditions d’application de ces exigences afin de créer un cadre juste et équitable aux échanges commerciaux.
L’article 44 de la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « ÉGAlim I », prévoit ainsi l’interdiction de vendre ou distribuer à titre gratuit « en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation ».
Le constat, réitéré à plusieurs reprises par des acteurs agricoles ou des parlementaires ([5]), que ces dispositions demeurent largement sans effet, interroge sur leurs conditions d’application.
La politique commerciale, définie à l’article 207 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), étant une compétence exclusive de l’UE au sens de l’article 3 du traité sur l’Union européenne (TUE), il n’est pas évident qu’un État membre ait la compétence de modifier la législation relative aux importations par rapport à des pays tiers. En effet, en visant implicitement la « réglementation européenne » relative aux normes de production, y compris en matière de sécurité sanitaire, la disposition pourrait être considérée comme créant une exigence supplémentaire par rapport au droit encadrant les importations. C’est à ce titre que la question de la conventionnalité de la disposition a été posée par le Gouvernement à quelques reprises ([6]).
En se référant à « la réglementation européenne », le législateur a toutefois cherché à réaffirmer son attachement aux normes et au droit de l’UE, ainsi qu’à la protection qu’elles confèrent, tout en exigeant de ce droit que les principes qu’il défend en matière d’équité du cadre commercial soient mieux garantis.
L’autre raison qui peut expliquer l’application toute relative de l’article 44 de la loi ÉGAlim I, correspondant aujourd’hui aux premiers alinéas de l’article 236‑1 du CRPM, est que cet article vise en priorité les vendeurs et commerçants au détail de produits alimentaires et agricoles. Or, il est peu réaliste de demander à l’ensemble des commerçants, quelles que soient leur taille, leur structure ou leur organisation, de pouvoir maîtriser les informations relatives à l’origine et aux conditions de fabrication des produits qu’ils vendent.
Afin de préciser ses conditions d’application, la disposition a été complétée en 2020 dans le cadre de l’examen de la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières. Un 3e alinéa complète désormais ainsi l’article :
« Les ministres chargés de l’agriculture et de la consommation peuvent, dans le respect des articles 53 et 54 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, prendre des mesures conservatoires afin de suspendre ou de fixer des conditions particulières à l’introduction, l’importation et la mise sur le marché en France de denrées alimentaires ou produits agricoles mentionnés au premier alinéa du présent article. »
Les mesures conservatoires que peut prendre l’État membre restent cependant encadrées par le règlement mentionné de l’UE. L’article 53 de ce règlement prévoit notamment les cas où la Commission européenne peut prendre des mesures d’urgence pour faire cesser la commercialisation au sein du marché intérieur, ou l’importation depuis des pays tiers, de toute denrée alimentaire ou aliment pour des animaux qui présenterait un risque sérieux pour la santé ou l’environnement, dès lors qu’aucune des dispositions pouvant être prises par les États membres concernés n’est satisfaisante pour le faire cesser. Allant plus loin, l’article 54 de ce règlement offre cette fois-ci directement aux États membres la possibilité d’agir et de prendre de telles mesures d’urgence dès lors qu’ils ont informé la Commission européenne de ce risque et que celle-ci n’a pas agi.
Un exemple d’application de ce dispositif est l’arrêté du 26 juin 2023, pris conjointement par le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, portant suspension d’introduction, d’importation et de mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viande issus d’animaux provenant de pays tiers à l’Union européenne ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement.
Au-delà des seules mesures conservatoires encadrées par la réglementation européenne, la proposition de votre rapporteur tend à systématiser le principe de réciprocité des normes de production entre pays européens et pays tiers.
La rédaction proposée dans cet article premier reviendrait à se substituer, en droit, à celle du dernier alinéa de l’article L. 236‑1 A du CRPM, qui prévoit les conditions dans lesquelles des mesures conservatoires peuvent suspendre les importations de produits qui ne respectent pas le même niveau de protection sanitaire que ceux produits en UE.
Le dispositif de la proposition de loi est effectivement beaucoup plus général et étendu dans son application. L’interdiction d’importer tout produit qui ne respecterait pas la réglementation européenne en matière de protection des risques sanitaires, de traçabilité ou d’identification revient en réalité à créer un système de mesures miroir sur territoire français. Or, l’efficacité des mesures miroirs commence à faire l’objet d’études scientifiques qui tendent à démontrer leur efficacité, à l’instar de l’étude macroéconomique de MM. Alexandre Gohin et Alan Mathews ([7]), cité et présenté notamment dans le rapport parlementaire du 5 novembre 2024 de M. Dominique Potier fait au nom de la commission des affaires européennes ([8]).
L’intérêt de la proposition réside en outre dans l’objectif de cibler non plus les commerçants mais les importateurs et opérateurs, qui sont habitués aux contrôles douaniers et davantage susceptibles de contrôler eux-mêmes la conformité de leurs produits.
L’articulation de cette disposition avec le droit de l’UE mériterait en effet d’être précisée, dès lors que la politique commerciale demeure une compétence exclusive de l’UE. Les objectifs recherchés par cette mesure (protection de la santé humaine et animale, protection de l’environnement, équité des relations commerciales) demeurent malgré tout alignés avec les objectifs poursuivis par l’UE et définis par les traités.
Les mesures miroirs qui existent aujourd’hui au niveau de l’UE sont par ailleurs conformes aux traités internationaux qui engagent l’ensemble des États membres, dont la France, au premier rang desquels ceux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Si elle interdit a priori toute mesure discriminatoire ou de restriction quantitative des échanges, l’OMC prévoit un certain nombre d’exceptions possibles dans des conditions strictement définies à l’article XX de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT). La mesure discriminatoire, pour être autorisée, doit satisfaire les conditions suivantes :
– poursuivre un ou plusieurs objectifs d’intérêt général qu’elle énumère (tels que la protection de la santé humaine, animale ou végétale) ;
– remplir un « critère de nécessité », c’est-à-dire si l’objectif en question ne peut être atteint autrement que par l’adoption d’une telle mesure ;
– être proportionnées ([9]) : à cet égard, la charge qu’elles imposent aux exportateurs des pays tiers doit être prise en compte ;
– être fondées sur les standards internationaux ou être défendables à la faveur d’évidences scientifiques.
En résumé, pour être acceptée, la mesure miroir doit être ciblée, proportionnée et justifiée sur la base d’arguments scientifiques, ce qui limite les possibilités de prendre des mesures qui présenteraient un caractère absolu et général.
Les situations de crise sanitaire, conjuguées à la multiplication des maladies d’origine animale, ont cependant d’ores et déjà amené les États membres de l’UE à créer des obstacles aux échanges. Il convient de penser que la réglementation européenne et les normes nationales se conjuguent aujourd’hui dans la plupart des pays pour déterminer et imposer les conditions de la sécurité alimentaire. En même temps, la libre circulation des marchandises doit être garantie, et aucune contrainte posée pour la sécurité sanitaire ne doit constituer une entrave aux échanges d’animaux, de denrées animales ou de produits d’alimentation animale, au risque de faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.
Le renforcement des contrôles appliqués sur le sol français aux produits importés par des pays tiers risque de rendre moins favorable la position de la France par rapport à ses partenaires européens. Pour accéder au marché intérieur, les opérateurs pourraient choisir des points d’entrées dans des pays voisins de l’UE (Pays-Bas, Belgique, Italie…) sans que le niveau de contrôle exigé par la France puisse être pleinement satisfait a posteriori. En effet, une fois le produit entré sur le marché européen, il n’est plus possible d’interdire ou de limiter sa circulation vers la France. La concurrence, qui existe déjà, entre pays membres de l’UE pour attirer les flux de marchandises importées issues de pays tiers risquerait de rogner davantage la compétitivité de la France.
Les conséquences de cet effet indésirable ne doivent cependant pas être exagérées. D’abord, parce qu’en matière de denrées alimentaires et agricoles, qui sont essentiellement des produits périssables, les conditions de conservation de ces produits limitent les hypothèses où les opérateurs seraient tentés de rallonger significativement leur temps de transport. C’est particulièrement vrai pour les produits frais, pour lesquels l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle demeure un point d’entrée privilégié pour distribuer ces produits en France, mais aussi dans les pays européens voisins.
Comme pour l’article L. 236-1 A du CRPM, le nouvel article L. 236-1 B renvoie à l’autorité administrative compétente le soin de mettre en application la mesure qu’il définit. Comme évoqué ci-dessus, les compétences en matière de sécurité sanitaire sont partagées entre les services du ministère de l’Agriculture et ceux des douanes, en fonction de la nature des produits.
Le rôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) mériterait cependant d’être précisé. Si elle n’est pas directement compétente pour les opérations de contrôle de la sécurité sanitaire, ses missions d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux contribuent à l’élaboration de dispositions législatives et réglementaires utiles à la gestion de ces risques.
L’amendement CE31 de votre rapporteur, adopté par la commission, vise à clarifier l’articulation de sa proposition avec le droit existant. Sa réécriture générale de l’article 1er permet d’inscrire l’interdiction d’importer des produits agricoles et des denrées alimentaires ne respectant la législation de l’UE à l’article L. 236-1 A du CRPM, sans créer de nouvel article. Cette réécriture permet par ailleurs de clarifier l’identité de l’autorité administrative compétente, en évitant les doublons et la mention de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).
Avec avis favorable du rapporteur, deux sous-amendements, CE35 et CE36 de M. Benoît Biteau, ont permis d’élargir utilement le périmètre de l’interdiction aux produits horticoles traités à l’aide de pesticides non autorisés, et de préciser la portée de cette interdiction qui porte sur les importations et les ventes.
En revanche, deux sous-amendements, CE32 de Mme Mathilde Hignet et CE33 de Mme Manon Meunier, ont précisé que l’interdiction devait porter sur les produits ne respectant pas les normes sanitaires, phytosanitaires ou sociales françaises. Cette exigence du respect de la législation française des normes de production soulève un problème d’articulation de la mesure avec le droit de l’UE qui n’autorise a priori pas la généralisation de mesures miroirs à l’échelle d’un État membre.
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Article adopté par la commission avec modifications
Le présent article prévoit l’application de sanctions pénales aux personnes contrevenant à l’interdiction d’importer des produits alimentaires ne respectant pas les mêmes normes de production que celles qui sont applicables en France.
La réécriture proposée par l’amendement du rapporteur crée l’article L. 206‑2‑1 du CRPM et transforme les sanctions pénales en sanctions administratives pécuniaires, applicables en méconnaissance de la réglementation de l’Union européenne
En matière de réglementation des importations, l’UE est compétente pour définir et prendre des sanctions en cas de manquements.
Dans les faits, la politique de contrôle aux frontières et de contrôle du risque sanitaire et environnemental des produits alimentaires et agricoles importés est réalisée essentiellement par les États membres. Pour la France, les autorités qui exécutent ce contrôle sont la direction générale de l’alimentation (DGAL), la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Bien que les règlements pris par l’UE ont vocation à s’appliquer directement et uniformément à tous les États membres, plusieurs de ceux qui encadrent les contrôles des importations en matière de sécurité sanitaire confèrent aux États membres des pouvoirs de police administrative strictement encadrés, notamment lorsqu’il s’agit d’appliquer des mesures miroirs.
Il en va ainsi par exemple des dispositions suivantes :
– l’article 17 du règlement (CE) n° 178/2002, relatif à la sécurité alimentaire, prévoit, outre les mesures d’urgence mentionnées à l’article L. 236‑1 A du code rural et de la pêche maritime (CRPM), que « les États membres fixent également les règles relatives aux mesures et sanctions applicables en cas de violation de la législation relative aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux. Les mesures et sanctions prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives » ;
– l’article 23 du règlement (CE) n° 1099/2009, instituant des mesures miroirs relatives au bien-être animal, prévoit que « les États membres établissent les règles concernant les sanctions applicables aux violations du présent règlement et prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer leur application. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives ».
Au sein du CRPM, la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II, section qui concerne les mesures en cas de constatation d’un manquement et ne comprend que l’article L. 206-2, permet à l’autorité compétente, en cas de manquement, de prendre des mesures conservatoires prévoyant la suspension de l’activité (ou du certificat permettant cette activité).
Ces mesures conservatoires sont strictement conditionnées à l’éventualité de contravention aux normes fixées par la réglementation de l’UE en matière d’importation de produits de pays de tiers.
Aucune sanction financière n’est prévue à ce stade.
Les sanctions pénales prévues à l’article L. 253-17 visent ainsi l’utilisation ou l’expérimentation de produits phytopharmaceutiques non autorisés par la réglementation européenne et la législation française.
Elles ne sont pas applicables aux infractions commises au regard de la réglementation européenne encadrant les conditions d’importation des produits issus de pays tiers.
La proposition de votre rapporteur est de prévoir le même niveau de sanctions pénales pour les importateurs ne respectant les obligations légales et conventionnelles en matière de sécurité sanitaire et alimentaire que celui prévu pour les producteurs et agriculteurs utilisant des produits phytosanitaires non autorisés.
La réciprocité des normes de production s’accompagnerait ainsi d’une réciprocité des sanctions. La peine serait ainsi définie : « Est punie de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 150 000 euros, dont le montant peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, l’importation de produits alimentaires ne respectant pas les mêmes normes de production que les systèmes français ».
La rédaction proposée prévoit un régime d’infractions plus large que celui prévu à l’article premier de cette proposition de loi. En effet, n’est plus seulement visée la violation de la réglementation européenne, mais la violation de toutes « les normes de production [des] systèmes français ».
Cela signifie que les infractions peuvent porter aussi bien sur des produits importés depuis des pays tiers que sur des produits issus des États membres. De plus, la référence aux « systèmes français », relativement large, ne permet pas de cibler précisément certaines réglementations ou normes de production en particulier.
De ces remarques découlent deux interrogations : l’une sur la conformité de ces dispositions aux règles applicables en matière de libre circulation des biens, l’autre sur les moyens humains et financiers nécessaires à la réalisation de ces contrôles.
Toutefois, cette mesure présente l’intérêt de souligner le problème de la surtransposition des normes européennes au niveau français.
Fondamentalement, la volonté de votre rapporteur est de maintenir un haut niveau de sécurité sanitaire et alimentaire, en établissant les exigences françaises en la matière comme normes de référence pour l’importation de tout produit issu d’un pays tiers ou d’un État membre de l’UE.
Parallèlement à la proposition de créer de nouvelles sanctions pénales, votre rapporteur mène une réflexion sur l’opportunité de compléter la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II du CRPM, relatif aux sanctions administratives.
Les sanctions administratives présentent le double avantage d’être :
– directement opérationnelles, car elles bénéficient du privilège du préalable ;
– conformes au droit de l’UE, dès lors qu’elles respectent les conditions de fond (biens, filières ou famille de produits explicitement visés par une réglementation) et de forme (nécessité, proportionnalité, effectivité…).
À ce jour, le législateur français n’a toutefois pas épuisé toutes les possibilités offertes par le droit de l’UE pour mettre en place un régime de sanctions administratives pleinement efficaces et dissuasives. Les sanctions existantes ne couvrent pas l’ensemble des domaines permis par la réglementation européenne et il est rarement prévu des sanctions pécuniaires.
Par exemple, l’article L. 206‑2 du CRPM limite la prise de sanctions par la police administrative compétente à des mesures conservatoires ou de suspension de l’activité. De plus, il ne s’applique qu’aux réglementations relatives au bien-être animal.
Afin de renforcer l’effectivité du droit de l’UE, et de dissuader plus efficacement les éventuels contrevenants, votre rapporteur souhaiterait pouvoir élargir le champ et la portée des sanctions administratives, dans le cadre permis par les règlements européens pertinents. La systématisation de sanctions pécuniaires pourrait par exemple être proposée par voie d’amendements, de même que son élargissement le plus large possible aux infractions relatives à l’importation de denrées alimentaires et de produits vétérinaires ou phytosanitaires.
L’amendement CE30 du rapporteur, adopté par la commission, réécrit l’article 2. Les sanctions pénales sont remplacées par des sanctions administratives pécuniaires qui viennent utilement compléter l’arsenal juridique dont dispose la police administrative compétente en matière de contrôles sanitaires, vétérinaires et phytosanitaires. En l’absence de telles dispositions, les autorités compétentes n’ont la possibilité que de détruire ou de renvoyer les lots contrôlés non-conformes. Ces sanctions sont établies à l’article L. 206‑2‑1, nouvellement créé, du CRPM.
Pour être pleinement crédibles et applicables, ces sanctions ne peuvent être prononcées qu’en cas de violation de l’un des règlements européens, dont la liste est dressée à cet article L. 206‑2‑1 (règlements relatifs à la sécurité des denrées alimentaires, à l’usage des produits phytosanitaires, au bien-être animal) ; ces règlements prévoient explicitement la possibilité pour chaque État membre de prononcer des sanctions en cas de manquements, dès lors que celles-ci sont proportionnées, nécessaires et effectives.
Le sous-amendement CE40 de M. Jérôme Nury, adopté par la commission avec avis favorable du rapporteur, ajoute à la liste des règlements européens visés celui qui interdit l’accès au marché de l’UE aux animaux et produits animaux traités avec des antibiotiques activateurs de croissance.
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Article créé par la commission
Le nouvel article 2 bis complète la section I du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de la consommation par un article L. 412‑2-1 créant un devoir de diligence des entreprises à l’égard de leurs fournisseurs, notamment ceux susceptibles d’appliquer des produits phytosanitaires.
La commission a adopté, contre l’avis du rapporteur, l’amendement CE18 de M. Benoît Biteau.
Cet amendement crée, dans le code de la consommation, un devoir de diligence pour les entreprises et acteurs privés à l’égard de leurs fournisseurs. Les entreprises doivent ainsi s’assurer de la mise en œuvre de mesures d’identification, de prévention et d’atténuation des risques pour que les fournisseurs des pays tiers n’aient pas recours à des pratiques interdites en Europe.
Cette disposition s’inspire de l’obligation de diligence raisonnée s’appliquant aux personnes mettant sur le marché européen de produits pouvant être issus de la déforestation, mise en place par le règlement (UE) 2023/1115.
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Au cours de sa réunion du mardi 28 janvier 2025, la commission des affaires économiques a examiné a examiné la proposition de loi visant à interdire l’importation de produits agricoles non autorisés en France (n° 659) (M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur).
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous examinons cet après-midi la proposition de loi visant à interdire l’importation de produits agricoles non autorisés en France, inscrite à l’ordre du jour de la séance publique du 6 février.
Ce texte, qui traite du commerce international en matière agricole, vise, dans son article 1er, à interdire l’importation de denrées alimentaires ou de produits agricoles qui ont fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux qui ne sont pas autorisés par la réglementation européenne ou ne respectent pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette réglementation. Il permet aux autorités compétentes de prendre toutes mesures utiles au respect de cette interdiction. Son article 2 prévoit, quant à lui, de sanctionner pénalement l’importation de produits alimentaires ne respectant pas les mêmes normes de production que les systèmes français de production.
L’objectif est de protéger les agriculteurs contre la concurrence déloyale et de résoudre la difficulté que pose le droit de l’Union européenne en ne permettant pas de discriminer deux marchandises qui présentent les mêmes caractéristiques finales en fonction des techniques et des procédés de production.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. C’est pour moi un honneur de défendre ce texte en tant qu’élu dans une circonscription qui, dans les années 1980-1990, a connu la concurrence déloyale de pays asiatiques en matière de textile et a vu son industrie s’effondrer. En matière agricole, l’espoir réside désormais dans l’instauration de mesures-miroirs.
Je suis fier également en tant que fils d’une famille d’agriculteurs de génération en génération, dont le père est à la retraite depuis un an, qui a tant donné à l’alimentation française et qui a toujours eu à cœur de permettre à chacune et chacun de s’alimenter dans des conditions sanitaires les plus nobles possible. Enfin, j’ai la fierté d’être le représentant du groupe Droite républicaine.
Quel est le contexte ? Nous nous sommes élevés à la quasi-unanimité contre l’accord de libre-échange avec le Mercosur. Dépourvu de sens d’un point de vue environnemental, l’accord aura pour effet de renforcer encore notre dépendance aux importations et notre empreinte carbone importée. Il convient de rappeler que 44 % de notre empreinte carbone provient de nos importations.
Face à l’affaiblissement continu de l’agriculture française que traduisent des importations en hausse et des exportations en baisse, nous devons nous interroger sur la concurrence de produits en provenance de pays tiers, qui entrent sur notre territoire alors qu’ils ne respectent pas les normes auxquelles nos propres agriculteurs sont soumis.
Enfin, au-delà des dimensions économiques et diplomatiques, la présente proposition de loi vise à protéger, outre nos agriculteurs, l’ensemble des consommateurs français, qui achètent des produits susceptibles de contenir des substances cancérigènes.
La réponse du législateur est venue en 2018 de l’article 44 de la loi dite « Égalim », qui consacre l’interdiction de vendre des produits destinés à la consommation humaine ou animale, dès lors qu’ils ne respectent pas les exigences sanitaires, phytosanitaires et vétérinaires qui s’imposent aussi à nos producteurs. S’il était alors bienvenu, cet article s’avère mal appliqué. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une demande de commission d’enquête de la part de notre collègue Julien Dive. En effet, il cible le vendeur et non l’importateur, comme si les enseignes de distribution étaient capables de contrôler les produits sur leurs étals sur le plan sanitaire.
Les auditions ont été très instructives. J’ai ainsi appris que tous les six mois, la Commission européenne met en ligne la liste des produits alimentaires suspectés de contenir des substances phytosanitaires interdites en Europe – en ce moment, le haricot vert du Kenya. Elle demande aux douanes françaises de contrôler 10 % des marchandises, soit une cargaison sur dix. En cas de test positif, les marchandises peuvent être détruites ou renvoyées, mais il n’existe aucune possibilité de mettre des amendes, ce à quoi le texte entend remédier. Il est, en effet, vraisemblable qu’en l’absence de telles sanctions, l’importateur tentera de nouveau d’acheminer les produits prohibés.
Je vous propose une réécriture inspirée de vos amendements afin que puissent être immédiatement prononcées des sanctions administratives et financières dans le respect du cadre européen. Dans le même temps, je souhaite poursuivre le combat de longue haleine pour l’instauration de mesures-miroirs que notre collègue Dominique Potier mène depuis de très nombreuses années.
L’article 1er modifie l’article 44 de la loi Egalim pour que soient ciblés non seulement les vendeurs, mais surtout les importateurs, auxquels incombe la responsabilité sanitaire de nos produits. Afin de limiter les risques de non-conventionnalité, il est proposé d’inscrire cette disposition à l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime. Les amendements de nos collègues Hélène Laporte et Benoît Biteau ont inspiré une nécessaire clarification du partage des rôles entre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et l’autorité administrative.
L’article 2 vise à appliquer des sanctions effectives, dissuasives, immédiates et opérationnelles, en sécurisant le dispositif et en l’adaptant au droit de l’Union européenne. Plusieurs amendements, notamment de notre collègue Mélanie Thomin, ont soulevé le problème de la compétence. Je vous propose donc de suivre la suggestion des services du ministère de l’agriculture et d’abandonner des sanctions pénales peu efficaces au profit de sanctions administratives et financières, admises par le droit européen, qui permettent d’agir rapidement. Selon les services des douanes et le ministère de l’agriculture, la poursuite d’un importateur sur le plan pénal nécessiterait l’ouverture d’un procès, une procédure très longue. Je fais donc le choix de l’efficacité sachant que le montant des sanctions pourrait être très dissuasif – jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires de l’importateur.
Je préconise également d’élargir le champ des infractions susceptibles d’être sanctionnées à la protection de la santé des consommateurs, à l’environnement et au bien-être animal. Sur l’invitation de notre collègue Biteau, nous débattrons du cas des produits horticoles.
En conclusion, la proposition de loi permettra de nourrir le débat politique sur la réciprocité et les mesures-miroirs. Si les articles de presse sur ce sujet étaient à peine une vingtaine avant les années 2015-2020, depuis 2020, on en compte plus de deux mille, ce qui témoigne de son émergence dans le débat public. En attendant que le parcours législatif de la proposition de loi aille à son terme, la manière la plus efficace de se protéger en tant que consommateur est d’acheter français, car nos produits alimentaires sont de bien meilleure qualité que ceux importés.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Hélène Laporte (RN). Lors de leur mobilisation, nos agriculteurs nous ont envoyé le message suivant : « N’importons pas ce que l’on interdit en France ! » Dans quel monde considérerait-on en effet qu’il est juste d’interdire de produire sur notre sol au moyen de techniques et substances que nous estimons néfastes, tout en faisant venir d’ailleurs des produits pour lesquels on les a largement utilisées ? Telle est pourtant la logique suivie par l’Union européenne qui, dans une démarche maximaliste d’accompagnement de notre agriculture vers un modèle considéré comme pleinement écologique, édicte de larges interdictions de produits phytosanitaires, vétérinaires ou d’alimentation animale, tout en poursuivant une politique extérieure de partenariats commerciaux tous azimuts, avec des zones qui ne connaissent aucune de nos exigences.
Le groupe Rassemblement national partage bien évidemment l’objectif de la proposition de loi. Étant donné l’urgence, nous ne pouvons que regretter le caractère bâclé de sa rédaction : deux amendements du rapporteur, déposés il y a tout juste deux heures, viennent enfin y remédier. Je ne m’attarderai pas sur l’exposé des motifs. Je rappellerai simplement que, même s’il est très formateur et enrichissant d’associer nos jeunes stagiaires au travail législatif, l’importance de ce texte suppose un minimum de précision dans les termes employés – le titre s’apparente notamment à une splendide lapalissade.
Le choix de recourir à la répression pénale est plus problématique et risque de priver le texte de toute portée, en raison de la non-conventionnalité du dispositif. Mes collègues du groupe Droite républicaine, fervents défenseurs de la construction européenne, doivent pourtant savoir qu’il est préférable de remplacer ces sanctions par une amende administrative, s’inscrivant dans le cadre des traités, comme nous l’avons proposé et comme le préconise le nouvel amendement du rapporteur réécrivant l’article 2.
De plus, en omettant les interdictions posées par la loi française, le texte passe totalement à côté du sujet des surtranspositions, pourtant plus que jamais d’actualité : le Gouvernement, auquel participe la formation politique à l’initiative du texte, vient d’obtenir au Sénat un vote revenant sur la réautorisation de l’acétamipride, un produit que nous sommes le seul pays au monde à interdire. Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre François Bayrou a affirmé que l’enjeu majeur en agriculture était l’égalité des armes. Depuis des mois, la ministre Annie Genevard a laissé espérer que les filières demeurant sans solution face aux ravageurs pourront bénéficier cette année d’un accès à ce produit indispensable, à l’instar de leurs concurrents européens.
Or, le Gouvernement enterre désormais cet espoir, en substituant à la réautorisation une possibilité de dérogation réglementaire à l’interdiction – un décret dont la prise reste aléatoire : la filière de la noisette ne peut se permettre cet aléa. Le Gouvernement se réfugie derrière le principe de non-régression, qui n’a qu’une valeur législative (et non constitutionnelle).
L’article 1er, qui reproduit mot pour mot le texte de l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime – nonobstant le mystérieux ajout de l’Anses, qui se voit confier un rôle qui échappe à ses missions –, gagnera à être remanié : nous voterons la nouvelle rédaction proposée.
Pour conclure, mes chers collègues, nous sommes évidemment prêts à voter en faveur de ce texte, qui répond à une injustice criante, subie de plein fouet par nos agriculteurs. Ne pas le faire serait une faute à leur égard.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. D’après les auditions que j’ai menées, la part des produits non conformes aux normes européennes avoisine les 10 %, alors qu’un rapport du Sénat de 2019 l’estimait, s’agissant des normes françaises, entre 15 % et 25 %, ce qui confirme le poids de la surtransposition.
La proposition de loi visait initialement à introduire des sanctions pénales dans un objectif politique, considérant qu’il ne devait pas y avoir de différence entre nos agriculteurs et nos importateurs. En effet, un agriculteur utilisant un pesticide interdit dans l’Union européenne risque 10 % de son chiffre d’affaires, une amende de 150 000 euros et six mois d’emprisonnement. Les auditions ont montré que cette mesure était sans doute peu efficace et difficile à mettre en œuvre.
Mme Françoise Buffet (EPR). Les agriculteurs français protestent régulièrement contre l’importation de produits ne respectant pas les normes qui leur sont imposées. En mars 2024, la Fédération départementale de syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) du Vaucluse a fait analyser par un laboratoire des fruits et légumes étrangers prélevés dans des camions lors de barrages sur l’autoroute A7. Les analyses ont mis en évidence la présence de pesticides interdits en Europe sur le concombre et la tomate.
Pourtant, en théorie, l’importation de produits ne respectant pas nos normes est déjà interdite, d’une part, en vertu de la réglementation européenne, qui fixe une liste stricte et précise des contrôles à réaliser sur les denrées alimentaires entrant sur le territoire européen, d’autre part, en droit français, le code rural précisant les conditions dans lesquelles les douanes françaises et la direction générale de l’alimentation (DGAL) procèdent à ces contrôles et organisent le renvoi ou la destruction des produits alimentaires ne respectant pas les normes européennes. Enfin, l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime introduit par l’article 44 de la loi Egalim interdit la vente de produits ne respectant pas les normes européennes précitées.
L’arsenal législatif nous permet donc déjà d’imposer nos normes aux producteurs étrangers. En dépit de cette réglementation relativement stricte, un rapport du sénateur Laurent Duplomb a mis en évidence les insuffisances des contrôles, qu’ils soient opérés par la France ou par d’autres pays européens. Afin de renforcer le droit existant et l’efficience de ces contrôles, la proposition de loi vise à interdire l’importation – et non plus la seule vente – des produits alimentaires ne respectant pas les normes européennes. Elle a également pour objet de renforcer les sanctions en cas de non-conformité, passant d’une destruction ou d’un renvoi des produits aux pays importateurs à une amende administrative. Bien que l’efficacité de telles mesures reste encore à démontrer – la problématique reste essentiellement européenne – et que les manquements observés reposent plus sur une insuffisance de contrôle que sur une absence de sanctions, le groupe Ensemble pour la République soutient la proposition de loi.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Dans le cadre des auditions, j’ai pris connaissance avec étonnement du règlement d’exécution (UE) 2019/1793 de la Commission européenne, en vertu duquel est publiée, tous les six mois, une liste de produits à contrôler. Je ne suis pas surpris que des substances illicites aient été trouvées dans les concombres et la tomate : ces produits ne sont à ce jour pas contrôlés, puisqu’ils ne figurent pas dans le règlement européen. Pire, il semblerait que des pressions diplomatiques soient exercées pour que certains produits soient retirés de la liste. Pour rendre le dispositif véritablement dissuasif, je propose d’instaurer des amendes.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Nous sommes à un moment charnière pour notre agriculture. Nous devons choisir entre deux modèles. D’un côté, celui défendu par La France insoumise, un protectionnisme appliqué aux produits agricoles, qui doivent faire l’objet d’un traitement spécifique en ce qu’ils concernent notre souveraineté alimentaire. Celui-ci assure des prix rémunérateurs et des paysans nombreux, en stoppant la concurrence internationale déloyale et en choisissant de mettre l’accent d’abord sur nos normes sociales et environnementales, sur la préservation de nos paysages et du métier d’agriculteur.
Dans l’autre modèle, la compétitivité internationale à outrance et les traités de libre-échange – Nouvelle-Zélande, accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, dit « Ceta », et bientôt le Mercosur –, responsables de l’hémorragie que nous connaissons, mènent un alignement permanent sur le moins-disant social et environnemental, à l’œuvre depuis des dizaines d’années. Quant à la vision du Rassemblement national, qui consiste à protéger et à casser les normes sociales et environnementales, je la qualifierai de « protectionnisme moins-disant ».
La transition est nécessaire. Les défis climatiques et environnementaux auxquels nous faisons face concernent aussi et avant tout le monde agricole. Nous avons mené une mission d’information et reçu des experts, des agriculteurs et l’ensemble des syndicats. Aucun d’entre eux ne s’est dit opposé au fait d’engager une transition agricole en faveur du défi climatique, bien au contraire. Ils souhaitent simplement que le modèle agricole, qui nourrit et préserve nos paysans, soit rémunérateur.
C’est pourquoi il nous faut prendre des mesures politiques fortes. La proposition de loi va en ce sens et nous la soutiendrons. Elle s’inscrit dans le protectionnisme que nous appelons de nos vœux, en s’opposant à l’importation de produits agricoles qui ne respectent pas les normes applicables en France. Nous irons plus loin en proposant que l’article 1er vise à faire respecter le cadre réglementaire, non seulement européen, mais aussi français – la souveraineté alimentaire se joue à ce niveau.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. La souveraineté alimentaire est effectivement un enjeu important. Elle est menacée, comme le montrent les exportations et importations, notamment agricoles. Si nous avons des divergences en matière économique, les enjeux de santé doivent primer : le libre-échange ne peut pas être synonyme de cancer pour nos concitoyens. Il nous faut faire en sorte que les produits qui entrent sur notre territoire respectent nos normes sanitaires.
Quant au débat sur les normes françaises et européennes, je souhaite que nous trouvions un consensus pour rendre ce texte opérationnel, donc conventionnel, même si cela implique de mener par ailleurs un combat au niveau européen.
Mme Mélanie Thomin (SOC). La proposition de loi traite de l’épineux sujet de la concurrence déloyale et vise à interdire d’importer, en vue de la consommation humaine ou animale, des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne. Le groupe socialiste partage votre volonté de combattre l’accord avec le Mercosur et de lutter contre les distorsions de concurrence.
L’article 1er vise à interdire d’importer en vue de la consommation humaine ou animale des denrées alimentaires ou produits agricoles ne respectant pas la réglementation européenne. Vous espérez ainsi que le contrôle des importateurs, en théorie moins concentrés et moins nombreux que les vendeurs, résoudra le problème de la concurrence déloyale. La difficulté majeure réside dans l’effectivité des contrôles. Ils supposent la mobilisation d’effectifs importants de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). En outre, ils se heurteront à la libre circulation des biens et des marchandises au sein de l’Union européenne, rendant difficile la traçabilité des flux.
Le troisième alinéa de l’article 1er précise que « l’autorité administrative et l’Anses prennent toutes mesures de nature à faire respecter l’interdiction prévue au premier alinéa ». Il est superfétatoire, dans la mesure où, quels que soient les contrôles que nous mettrons en place sur le sol national, les produits continueront à arriver sur le sol européen et à être échangés. Si nous voulons protéger réellement notre agriculture et nos agriculteurs et ne pas contrôler un seau percé, nous devons promouvoir une nouvelle méthode au niveau européen : les produits importés doivent être contrôlés depuis les pays exportateurs, afin d’éviter des contrôles a posteriori, inefficaces et coûteux pour la société.
L’article 2 prévoit des sanctions pénales fortes en cas de manquement à l’interdiction prévue à l’article 1er, pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Si l’intention est louable, une telle interdiction ne sera effective qu’avec un contrôle exigeant des produits importés sur notre sol, la politique commerciale relevant en grande partie d’une compétence partagée.
Enfin, notre groupe a travaillé sur les conditions d’un juste échange dans le cadre de sa proposition de résolution européenne (PPRE) contre la ratification de l’accord commercial avec le Mercosur, qui sera examinée ce mercredi en séance publique. Nous proposons une nouvelle méthode – saluée par les filières – pour contrôler directement depuis les pays exportateurs les biens importés sur le Vieux Continent.
En conclusion, ce texte est avant tout une mesure d’affichage à quelques semaines du salon de l’agriculture. Si son intention est louable, les mesures proposées existent déjà depuis la loi Egalim. L’avis de notre groupe sera favorable, sous réserve de disposer de votre point de vue sur notre PPRE.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je vous rejoins sur la nécessité de moyens humains dédiés aux contrôles. En 2018, notre collègue André Chassaigne avait déposé des amendements visant à les augmenter lors de l’examen de la loi Egalim.
Loin d’être de l’affichage, la principale disposition du texte vise à permettre à l’autorité administrative de sanctionner financièrement l’importation de produits non conformes, comme cela existe dans d’autres pays européens.
Enfin, le fait qu’il s’agisse de produits périssables amoindrit le risque de concurrence internationale, le marché français étant difficile à contourner.
M. Jean-Pierre Vigier (DR). Notre groupe soutient avec ferveur la proposition de loi. Elle est cruciale pour protéger nos agriculteurs, qui souffrent depuis trop longtemps d’une concurrence déloyale inacceptable. La situation est alarmante. Selon l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), jusqu’à 25 % des produits que nous consommons ne sont pas conformes aux normes européennes.
Nos producteurs de tomates du sud de la France voient leurs marchés inondés de tomates traitées avec un insecticide interdit dans l’Union européenne depuis 2020. Nos riziculteurs de Camargue doivent faire face à l’importation de riz asiatique contenant des traces d’un fongicide banni en Europe depuis 2016. Les éleveurs de la Haute-Loire respectent quant à eux un cahier des charges strict pour nous offrir de la viande d’une qualité exceptionnelle. Comme beaucoup d’autres, ils sont sous la menace de la possible entrée sur notre sol de viande bovine en provenance du Mercosur, produite grâce à des hormones de croissance et d’autres produits permettant d’accélérer la prise de poids des animaux. Or nous avons interdit de telles pratiques en France depuis plus de quarante ans.
Notre souveraineté alimentaire et la santé de nos concitoyens sont en danger. Comment pouvons-nous demander à nos agriculteurs de produire de manière plus durable si nous les exposons à une concurrence qui ne respecte pas les mêmes règles ? Nous devons collectivement faire preuve de bon sens.
La proposition de loi apporte des solutions concrètes à ces problèmes. Elle interdit explicitement l’importation des produits non conformes à nos normes, prévoit des sanctions pénales pour les contrevenants et envoie un message fort à nos partenaires commerciaux.
Par le vote ce texte, nous ne nous contentons pas de protéger notre agriculture, nous défendons aussi un modèle de production durable, respectueux de l’environnement et de la santé humaine. Nous affirmons que la qualité de notre alimentation n’est pas négociable. Je vous appelle donc à voter avec ferveur en faveur de ce texte. Nos agriculteurs comptent sur nous.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Les tomates du Maghreb, cultivées avec un pesticide interdit depuis plus de quinze ans en Europe, le dichloropropène, sont effectivement importées en France sans aucun contrôle.
S’agissant du Mercosur, comment peut-on comparer la viande produite en Amérique du Sud avec le Fin Gras du Mézenc de Haute-Loire ? Comment accepter que des bêtes élevées dans des prés issus de la déforestation, dans des fermes de plus de dix mille têtes, sans aucune traçabilité individuelle, abattues dans des pays d’Amérique du Sud sans aucune condition d’hygiène, soient ensuite exportées, soit par avion réfrigéré, soit par cargo congelé, sur le marché français ? Le texte vise à protéger nos agriculteurs, notamment nos éleveurs de Haute-Loire, auxquels, comme vous, je suis profondément attaché.
M. Benoît Biteau (EcoS). Bien entendu, je ne m’opposerai pas à cette proposition de loi. Je préfère mille fois cette tentative d’interdire l’importation de produits ou denrées ne répondant pas aux normes auxquelles doivent se conformer les agriculteurs européens aux solutions tirant vers le bas nos réglementations et standards de production, telles celles contenues dans la proposition de loi du sénateur Laurent Duplomb, qui vise notamment à réautoriser les néonicotinoïdes, tueurs d’abeilles. J’espère d’ailleurs avoir un jour l’occasion d’expliquer à notre collègue Hélène Laporte qu’une solution de ce type est bien pire que le problème qu’elle veut régler.
Il me semble important de chercher les causes. Elles résident dans une mauvaise conception de la souveraineté alimentaire : à vouloir exporter des productions issues du territoire national ou du territoire européen, on s’oblige à importer massivement des denrées qu’on n’a pu produire soi-même et on s’expose au risque qu’elles ne respectent pas nos normes. C’est le principe des vases communicants : les surfaces ne peuvent être dédiées à la fois à l’importation et à l’exportation.
Vous avez cité le cas des haricots verts du Kenya. Dans une autre vie, alors député européen, j’ai assisté au vote d’un accord de libre-échange avec ce pays. Je peux vous dire que si nous avions gravé dans le granit des mesures-miroirs dans la politique agricole commune (PAC) et dans le règlement portant organisation commune des marchés agricoles, nous ne serions en train de poser des pansements sur une jambe de bois. Il aurait été possible d’exiger que les haricots verts ne soient pas issus de cultures utilisant des pesticides interdits en Europe. J’ajoute que le Kenya, pour produire des fleurs en masse, utilise des pesticides sur des surfaces prises sur les cultures vivrières de ses paysans.
Insistons pour finir sur la nécessité de mettre fin à l’hypocrisie qui consiste à poursuivre la fabrication au sein de l’Union européenne de pesticides dont l’usage est interdit depuis longtemps dans les pays membres et à autoriser leur exportation vers des pays qui vendent ensuite en Europe des produits et denrées en contenant.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Vous nous permettez, monsieur Biteau, d’ouvrir un débat de fond, notamment sur les pesticides contenus dans les fleurs à l’origine de la leucémie qui a provoqué la mort à 11 ans d’Emmy, fille de Laure Marivain exposée à ces produits dans l’exercice de sa profession de fleuriste. Rappelons que 85 % des fleurs vendues en France proviennent de pays étrangers. Nous voyons d’ailleurs bien quelles sont les implications du commerce international : il est difficile de trouver chez nos fleuristes des fleurs françaises en cette saison, exception faite du mimosa.
Votre expérience de député européen sera précieuse dans notre débat. Lorsque nous contrôlons les produits à nos frontières, nous agissons comme le bras armé de la Commission européenne. C’est donc bien au niveau de l’Union européenne que doit être porté l’enjeu du renforcement de ces contrôles, et j’espère qu’il sera largement pris en compte par le Parlement européen au cours de la législature 2024-2029.
M. Pascal Lecamp (Dem). Le groupe Les Démocrates tient à exprimer son profond attachement à l’agriculture française ainsi qu’au respect des normes qui garantissent la sécurité alimentaire, l’équité commerciale et la souveraineté de nos agricultures.
La proposition de loi vise à intégrer la notion d’importation dans l’article 44 de la loi Egalim. Rappelons que l’interdiction de la vente de produits ne respectant pas nos normes, que ce dernier a introduite, est difficile à faire respecter du fait de la grande complexité générée par le nécessaire enchevêtrement des contrôles effectués dans les pays d’origine et de ceux opérés à l’entrée dans l’Union européenne. Le nerf de la guerre se situe là. Il s’agit non seulement de procéder à des contrôles dans les fermes à l’étranger, bien plus efficaces que ceux effectués par les services douaniers aux frontières, mais aussi de s’assurer que nos voisins européens font preuve de la même diligence que nous dans les contrôles auxquels ils procèdent aux points d’entrée dans l’Union.
Il faut réfléchir à l’arsenal juridique dont nous disposons face aux blocages auxquels nous nous heurtons dans notre volonté de protéger nos agriculteurs qui, chaque jour, font l’effort de respecter des normes toujours plus contraignantes pour la santé de nos concitoyens. J’en profite pour souligner qu’il est impensable de signer de nouveaux accords commerciaux sans les assortir de clauses-miroirs, essentielles pour garantir notre capacité de contrôle.
Nous partageons, monsieur le rapporteur, les objectifs de votre proposition de loi, qui repose sur une intention louable. Toutefois, sa rédaction actuelle risque de rendre son adoption inopérante.
Rappelons que le commerce extérieur et les règles encadrant les importations relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne. En instaurant un dispositif unilatéral de contrôle et d’interdiction, votre texte s’expose à une irrecevabilité juridique. De plus, ce dispositif irait à l’encontre du principe fondamental de libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne, indispensable au bon fonctionnement du marché unique.
En outre, loin de renforcer la compétitivité de nos agriculteurs, cette proposition de loi risque de les mettre en difficulté. En se focalisant sur les importations, elle néglige les véritables enjeux liés à la compétitivité et à la viabilité économique de nos exploitations agricoles. Nos agriculteurs subissent une pression croissante liée aux coûts de production, aux normes environnementales et à la volatilité des marchés. Ce texte pourrait créer une distorsion dans les relations commerciales avec nos partenaires européens, susceptible de nuire à nos exportations agricoles, qui sont essentielles pour notre balance commerciale.
Si nous adhérons à votre objectif de lutter contre la concurrence déloyale, nous considérons que la réponse à ces défis doit être européenne. Elle passe par des avancées dans chacune de nos négociations commerciales et par le renforcement de nos systèmes de contrôle à l’échelon européen. Sans modifications de fond, votre proposition de loi ne saurait apporter une solution pertinente aux problèmes bien réels auxquels est confrontée l’agriculture française et européenne. Ajoutons que ce texte est juridiquement incompatible avec nos engagements européens. Il ne parviendrait donc pas à combler les besoins de ceux qu’il prétend défendre.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Vous appelez mon attention sur la conventionnalité des dispositions de la proposition de loi. L’article 2 est pleinement opérationnel puisque le règlement européen donne la compétence aux États membres pour appliquer la réglementation européenne : il revient aux services des douanes françaises d’exercer les contrôles dans ce cadre. Trois possibilités leur sont ouvertes : détruire la marchandise, la renvoyer ou bien décider de sanctions administratives et financières. Cette troisième option ne figure pas dans le droit positif français, d’où l’intérêt de l’article 2 qui prévoit des amendes supplémentaires. Certes, cela pourrait créer des distorsions de concurrence, mais je doute qu’un importateur de denrées périssables décide de les acheminer vers un autre pays pour les commercialiser ensuite dans une autre portion du territoire français, car leur bonne conservation serait menacée.
M. Henri Alfandari (HOR). Nous comprenons parfaitement votre objectif de protéger notre agriculture de la concurrence déloyale exercée par des pays qui exportent sur notre territoire des produits ne répondant pas aux contraintes qui s’imposent à nos producteurs. Nous saluons également votre volonté de pérenniser la sécurité sanitaire et de préserver un modèle agricole français de qualité tout en assurant à nos agriculteurs des revenus.
Toutefois, la rédaction actuelle de votre proposition de loi n’est pas opérante. Plusieurs de mes collègues ont rappelé l’existence d’accords internationaux. Il ne suffit pas de dire pour pouvoir faire. Si vous vous mettez en travers de ces accords, notre pays sera sanctionné et nous n’obtiendrons pas ce que nous souhaitons. Par ailleurs, vous semblez oublier que chaque pays considère que les normes qu’il a retenues sont les bonnes : on ne pourra imposer les nôtres aux autres. Enfin, pour être efficaces, il faut se fonder sur ce que l’Union européenne est capable de contrôler. En l’occurrence, les règlements européens s’attachent principalement aux limites maximales de résidus (LMR).
Vous avez proposé deux amendements visant à réécrire les deux articles de votre proposition de loi. Celui portant sur l’article 1er nous semble superfétatoire. En revanche, celui que vous avez déposé à l’article 2 pourrait nous servir de base, tant en commission qu’en séance, pour élaborer un article unique répondant à vos objectifs. Le groupe Horizons se montrera attentif et bienveillant afin de contribuer à faire émerger une telle solution au cours de nos débats.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je connais l’attachement du groupe Horizons à la défense de notre souveraineté alimentaire dans le cadre européen. En prenant en considération la réglementation européenne, la rédaction nouvelle de l’article 2 devrait rendre plus opérationnelle notre lutte contre l’importation de produits qui ne respectent pas nos normes sanitaires.
Le tableau que publie tous les six mois la Commission européenne impose pour les contrôles un plancher, mais ne contient aucun plafond. Il est ainsi prévu, pour reprendre l’exemple des haricots verts en provenance du Kenya, des contrôles sur 10 % des livraisons. Rien n’empêche toutefois les douanes françaises de contrôler davantage, à raison de 20 %, 30 % voire 40 % des livraisons, si elles le souhaitent et si elles en ont les moyens.
Quant à l’article 44 de la loi Egalim, sa conventionnalité peut certes être mise en doute mais il figure bel et bien dans le droit positif français et à ce jour, il n’a pas fait l’objet de contestations devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Nous pouvons donc toujours jouir du bénéfice du doute s’agissant de sa conformité au droit européen.
M. Christophe Naegelen (LIOT). La situation de notre agriculture ne cesse de se dégrader et nos agriculteurs font face à de lourdes charges qui pèsent sur leur compétitivité. Ils sont aussi et surtout confrontés à une forte concurrence déloyale. Or, celle-ci est notamment le fait de pays avec lesquels nous avons signé des accords de libre-échange. Alors que nos producteurs doivent se conformer à un cadre normatif très exigeant en matière sanitaire et environnementale, nous laissons entrer des produits issus d’une agriculture dépendante ne respectant pas nos standards de production.
De rares clauses miroirs ont été insérées dans les accords de libre-échange signés par l’Union européenne. Outre le fait qu’elles sont en nombre restreint et se limitent à certains secteurs, elles souffrent d’une mise en œuvre lacunaire dans les pays tiers. À cela s’ajoutent les difficultés rencontrées par l’Union européenne dans le contrôle des conditions de production dans ces pays. Comme le révèle le rapport d’information du Sénat sur la compétitivité de la « ferme »rance", les contrôles aléatoires officiels, modalité la plus efficace, sont insuffisants et certaines substances interdites ne sont plus contrôlées en pratique.
Il est temps de mettre fin à ces injustices. Votre proposition de loi entend, à cette fin, renforcer l’arsenal législatif. Elle complète les dispositifs actuels par une interdiction explicite de l’importation des produits et denrées alimentaires qui ne sont pas autorisés à la production ou à la vente, ici en France, et son article 2 ajoute aux sanctions administratives des sanctions pénales. Nous sommes favorables à votre réécriture, monsieur le rapporteur, qui vise à assurer la conformité du dispositif avec le cadre européen en prévoyant d’autres types de sanctions. Seront ainsi découragées les importations de produits ne respectant pas les normes européennes.
Au-delà de ces dispositions auxquelles nous adhérons, nous appelons à renforcer les contrôles pour que cesse le sentiment d’impunité de ceux qui ne respectent pas notre cadre législatif et, ce faisant, ne respectent pas nos agriculteurs.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Ils ne respectent pas non plus les consommateurs, car ils mettent en danger nos parents et nos enfants, souvent délibérément. Quand un importateur, après un contrôle positif, décide de renvoyer sa marchandise en Europe pour tenter de la faire passer de nouveau, c’est sur le dos de la santé de nos concitoyens.
Les contrôles constituent donc un autre enjeu majeur, car ils ne suffisent pas à garantir la conformité des produits vendus sur notre territoire aux normes sanitaires. Rien n’interdit aux douanes françaises d’élargir leurs opérations à des produits ne figurant pas dans la liste de la Commission européenne que j’évoquais ; or elles ne profitent pas de cette possibilité.
N’oublions pas que la Commission européenne elle-même défend la réciprocité en matière de sécurité alimentaire, puisqu’elle affirme publiquement faire en sorte que l’approvisionnement alimentaire dans l’Union soit le plus sûr au monde et que les mêmes normes de sécurité alimentaires s’appliquent à tous les produits, quelle que soit leur origine. C’est la demande qu’elle adresse aux États membres qui sont son bras armé, par l’intermédiaire de leurs services douaniers. C’est tout l’intérêt de la réécriture de l’article 2 que je vous propose.
M. André Chassaigne (GDR). Pour être franc, quand j’ai lu la proposition de loi, je me suis dit, monsieur le rapporteur, que vous nous preniez un peu pour des « perdreaux de l’année ». Ma première impression a été qu’elle n’apportait pas grand-chose et, bien honnêtement, cette impression perdure. Certes, ce texte « ne mange pas de pain », comme on dit chez moi, et peut-être aura-t-il un effet d’affichage ; mais il n’aura pas vraiment d’impact.
Vous me direz qu’il introduit des sanctions pénales, mais je ne suis pas sûr que celles-ci soient plus efficaces que des sanctions administratives. Je dirai même qu’elles peuvent avoir un effet contraire, d’autant que les juges sont libres de leur interprétation du code pénal. Passons là-dessus.
Je ne suis pas convaincu non plus par votre postulat selon lequel les contrôles effectués aux frontières seraient plus efficaces que ceux opérés au moment de la vente. Un produit, s’il n’est pas débarqué au Havre ou à Marseille, pourra toujours passer à Amsterdam ou je ne sais où. Les contrôles auxquels procèdent les agents des douanes, de la DGCCRF et de la DGAL sur l’ensemble de notre territoire sont suivis de bien plus de résultats.
Pour faire simple, je ne vois pas ce que cette proposition de loi peut apporter de bien nouveau. Toutefois, même si elle m’apparaît comme une coquille vide, je voterai en sa faveur. N’oublions pas que les véritables causes du phénomène contre lequel elle entend lutter résident d’abord dans l’absence de clauses miroirs contraignantes dans les accords commerciaux. Si nous nous livrions à une petite recherche pour savoir qui a signé (ou pas) tel ou tel accord commercial lorsqu’il était au gouvernement, on aurait sans doute quelques surprises. On peut se rendre blanc à peu de frais.
L’autre grand enjeu est l’harmonisation européenne, comme l’a souligné notre collègue Dominique Potier dans son rapport au nom de la commission d’enquête sur les produits phytosanitaires.
Enfin, ceux qui veulent s’attaquer aux dépenses publiques doivent s’interroger sur les conséquences des suppressions de postes à tire-larigot. Comment les services des douanes auraient-ils les moyens de réussir leurs opérations si leurs personnels ne sont pas en nombre suffisant ? On peut toujours voter cette proposition de loi ; mais si les fonctionnaires ne peuvent pas faire respecter la loi, elle n’aura aucun résultat.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je suis très étonné que vous déclariez que ces mesures ne servent à rien, car je me suis inspiré d’un amendement déposé par le groupe GDR sur ce qui est devenu l’article 44 de la loi Egalim en 2018. Certains membres de votre groupe affirmaient que si l’on ne ciblait que les ventes sans prendre en compte les importations, l’interdiction serait inefficace. Voici que cinq ans plus tard nous allons dans leur sens et ce, pour une raison simple : avez-vous déjà vu la DGCCRF contrôler une tomate du Maghreb à Thiers ? Une fois les produits importés présentés dans les étals des marchés ou des magasins, les contrôles ne sont pas effectués, alors même que des opérations inopinées pourraient être lancées. Il faut attendre que des syndicats agricoles descendent dans nos supérettes, prélèvent des produits et les soumettent à des tests en laboratoire pour prouver que l’autorité administrative n’a pas été en mesure de faire son travail.
Cette proposition de loi cible, en plus des vendeurs, les importateurs, mais prévoit aussi d’appliquer des sanctions administratives et financières à ceux qui, parmi eux, commercialisent sur notre territoire des produits ne respectant pas nos normes sanitaires.
Article 1er (art. L. 236-1 B du code rural et de la pêche maritime) : Interdiction d’importer des produits alimentaires ou agricoles ne respectant pas les normes sanitaires de l’Union européenne ou ses exigences d’identification et de traçabilité
Amendement CE31 de M. Antoine Vermorel-Marques et sous-amendements CE36 de M. Benoît Biteau, CE32 de Mme Mathilde Hignet, CE33 de Mme Manon Meunier, CE35 et CE34 de M. Benoît Biteau, CE37 de M. Patrice Martin, CE38 de Mme Hélène Laporte ainsi que les sous-amendements CE41, CE42 et CE43 de Mme Mélanie Thomin
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. L’amendement CE31, en réécrivant l’article 1er, vise à clarifier l’insertion de dispositions nouvelles dans l’article L. 236‑1 A du code rural et de la pêche maritime, introduit lors des débats sur la loi Egalim par nos collègues sénateurs auxquels je veux rendre hommage.
Il s’agit également dissiper tout doute sur l’autorité administrative compétente pour faire respecter l’interdiction et éviter tout doublon.
M. Benoît Biteau (EcoS). Le sous-amendement CE36, en substituant aux mots « en vue » le mot « ou », vise à éviter toute restriction du champ couvert par l’article.
Le sous-amendement CE35 tend à ajouter les produits horticoles. Lorsqu’il est question de pesticides, chacun a le réflexe bien naturel de penser aux produits qu’il consomme, oubliant ceux que l’on n’ingère pas mais qui sont manipulés. Je pense, bien sûr, aux fleurs. Nous avons tous été émus par le décès de la jeune Emmy Marivain, exposée in utero aux pesticides contenus dans les fleurs avec lesquelles sa mère fleuriste était en contact quotidiennement.
Le sous-amendement CE34 entend encadrer les contrôles en précisant que la direction générale des douanes et des droits indirects prendra les mesures de nature à faire respecter la nouvelle interdiction, en lien avec l’Anses qui a vocation à proposer aux autorités compétentes les mesures susceptibles de préserver la santé publique et à leur recommander les mesures de police sanitaire nécessaires.
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Le sous-amendement CE32 de Mathilde Hignet harmonise les articles 1er et 2 en mettant l’accent sur la non-conformité à la réglementation française et non pas seulement européenne. La concurrence déloyale s’exerce au niveau non seulement international, mais aussi communautaire. La France importe ainsi des fruits produits en Espagne ne respectant pas les normes qui s’appliquent à nos agriculteurs. L’échelle de souveraineté pertinente doit être celle de l’État français.
Quant à mon sous-amendement CE33, il propose d’ajouter aux « exigences d’identification et de traçabilité » des « exigences sociales fixées par décret en Conseil d’État ». Les normes sociales jouent dans la concurrence et il faut les intégrer, surtout si nous voulons une agriculture riche en emplois. Nous ne pouvons pas mettre en concurrence les exploitations françaises avec des fermes qui ont recours, à prix cassés, à des salariés agricoles à l’autre bout de la planète ou au sein de l’Europe. Il me semble que nous voulons toutes et tous préserver des normes sociales qui permettent à chacune et chacun de vivre de son travail, même s’il reste des progrès à faire.
M. Patrice Martin (RN). Notre sous-amendement CE37 a pour objet de mobiliser les ressources de l’autorité administrative pour procéder, aux points d’entrée du territoire national, à des contrôles systématiques sur les produits visés par l’interdiction. Le renforcement des contrôles contribuerait à mieux protéger nos agriculteurs de la concurrence déloyale qu’ils subissent et à mieux préserver le fruit de leur travail.
Il est proposé, en outre, d’organiser les contrôles dans le cadre d’une programmation pluriannuelle afin d’assurer la pérennité du dispositif et d’offrir une vision claire de l’optimisation des moyens.
Mme Hélène Laporte (RN). Le sous-amendement CE38 a un double objectif : d’une part, corriger un défaut de rédaction de l’amendement du rapporteur qui aurait pour effet de mettre fin à l’interdiction de vendre des produits agricoles dont la production a nécessité le recours à des substances interdites ; d’autre part, ajouter une mention des produits interdits par « la législation et la réglementation françaises », mention rendue nécessaire par les nombreuses surtranspositions inscrites dans notre droit national.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Nos sous-amendements CE41, CE42 et CE43 complètent la réflexion globale menée sur les produits importés sur le sol européen.
Il me semble essentiel de renforcer les obligations en matière de respect de nos normes environnementales.
Par ailleurs, nous devons nous assurer de l’effectivité des contrôles menés, en inscrivant le principe selon lequel ils doivent être effectués par des organismes agréés dans les pays exportateurs, conformément aux mesures-miroirs mises en avant dans la proposition de résolution européenne contre l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, défendue par le groupe Socialistes et apparentés.
Enfin, il faut réaffirmer la nécessité pour l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) et l’Anses de travailler de concert pour interdire ces importations.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Monsieur Biteau, sur votre sous-amendement CE34, j’émettrai un avis défavorable, car il me semble nécessaire de bien distinguer les mesures de police des missions de l’Anses.
Certes, madame Meunier, le respect de la réglementation française est un enjeu majeur dans notre débat, mais si nous voulons assurer la conventionnalité du dispositif que nous proposons, il me paraît compliqué d’intégrer une telle modification dans notre droit positif. C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis défavorable sur le sous-amendement CE32.
Notre proposition de loi se concentre sur les exigences sanitaires, d’autres textes ayant intégré l’empreinte carbone. Le respect des normes sociales n’a pas encore été abordé. L’article XX de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (Gatt) pourrait permettre d’établir une réciprocité de certaines normes sociales internationales, dans le cadre du référentiel de l’Organisation internationale du travail (OIT). Toutefois, il me paraît difficile de passer par un simple décret en Conseil d’État. Cela appelle une réflexion plus large. Pour toutes ces raisons, mon avis sur le sous-amendement CE33 sera défavorable.
Je donne ensuite un avis favorable au sous-amendement CE35. S’agissant de la question horticole, nous avons à mener un combat de société pour obtenir la relocalisation de l’activité et la protection des fleuristes. Il est donc utile d’inclure ces produits dans le champ d’application de la proposition de loi.
Je suis également favorable au CE36. Pour lever le doute que soulève la rédaction, il convient d’insister sur le fait que nous interdisons non seulement l’importation, mais aussi la vente des produits qui ne respecteraient pas nos normes sanitaires.
Avis défavorable, en revanche, au CE37. La systématisation des contrôles sur l’ensemble des importations est un objectif louable, mais il me semble irréalisable.
Même avis défavorable sur le CE38. Je suis favorable à l’interdiction de l’importation et de la vente des produits alimentaires qui ne respectent pas nos normes. Cependant, j’estime que notre action doit avoir lieu au niveau européen, étant rappelé que nous ne pouvons porter atteinte à la libre circulation des produits sur le fondement de normes nationales. La proposition de loi doit être opérationnelle, applicable et effective.
Avis favorable au CE41, qui a le même objet que le CE36.
S’agissant du CE42, si je soutiens à titre personnel votre proposition de résolution européenne, madame Thomin, ce sous-amendement d’appel n’a pas de portée normative. Je lui donne donc un avis défavorable.
Même avis, enfin, sur le CE43. Il ne me paraît pas opportun de citer nommément une autorité nationale ou européenne ; toutes les autorités administratives doivent pouvoir agir dans ce domaine.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Je précise que si les sous-amendements CE36 et CE41 sont presque similaires, ils sont tout de même incompatibles entre eux. L’adoption du premier ferait donc tomber le second.
M. Henri Alfandari (HOR). Le champ de l’article L. 236-1 A inclut déjà les importations. De plus, j’ai peur que l’ajout des mots « d’importer en vue » ne nous fasse perdre de vue ce qui se passe sur le territoire national, ce qui serait tout à fait contraire à nos objectifs en matière de sécurité sanitaire.
Mme Mélanie Thomin (SOC). J’entends votre avis défavorable au sous-amendement CE43, mais quel est votre avis personnel concernant l’autorité compétente pour le contrôle des importations en provenance des pays tiers ? L’Anses et l’AESA vous semblent-elles des organismes compétents pour attester de la bonne qualité des importations et du respect des normes ?
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Monsieur Alfandari, l’article 1er vise simplement à préciser le droit, tel que l’article 44 de la loi Egalim l’a modifié – loi votée par votre groupe et sur laquelle, je le reconnais avec humilité, le mien s’était abstenu. Cette précision permettrait d’afficher un objectif clair : il n’est possible ni de vendre, ni d’importer des produits qui ne respecteraient pas nos normes sanitaires.
Quant à la répartition des contrôles, madame Thomin, celle actuellement en vigueur est jugée opportune tant par le ministère de l’agriculture, qui s’occupe de la partie animale, que par les douanes, qui s’occupent de la partie végétale. Lors des auditions, je n’ai pas entendu de volonté de fusion. C’est pour préserver cet équilibre que je préfère ne pas citer d’autorité administrative en particulier.
La commission adopte le sous-amendement CE36.
En conséquence, le sous-amendement CE41 tombe.
La commission adopte successivement les sous-amendements CE32, CE33 et CE35.
Elle rejette successivement les sous-amendements CE34, CE37, CE38, CE42 et CE43.
Elle adopte l’amendement CE31 sous-amendé et l’article 1er est ainsi rédigé.
En conséquence, les autres amendements tombent.
Après l’article 1er
Amendement CE10 de Mme Hélène Laporte
Mme Hélène Laporte (RN). Nous savons tous que le texte, aussi nécessaire soit-il, va se heurter à de nombreuses difficultés d’application, dans la mesure où son objet relève en grande partie, si ce n’est en totalité, du droit de l’Union européenne. Soyons lucides, il faudrait un revirement dans la politique européenne de libre-échange pour régler la question de la concurrence déloyale, qui dévaste nos exploitations. C’est sur ce sujet d’importance cruciale que porte le rapport demandé dans cet amendement d’appel. Obtenir un tel revirement doit être un objectif prioritaire du Gouvernement français. Cependant, nous assistons à un perpétuel spectacle d’impuissance, particulièrement manifeste dans le cadre de la négociation d’un accord avec le Mercosur.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. En tant que parlementaire, je suis le premier à demander des rapports. De plus, je vous rejoins sur la nécessité d’inciter le Gouvernement à être transparent avec nous sur ce sujet. Toutefois, en tant que rapporteur, je crains que ce type d’amendement ne rende mon texte bavard, ce qui ne favoriserait pas son adoption lors de son examen en séance le 6 février, à l’occasion de la niche de mon groupe DR.
La commission rejette l’amendement.
Article 2 (art. L. 253-17 du code rural et de la pêche maritime) : Application de sanctions pénales en cas de non-respect de la réciprocité des normes de production lors de l’importation des produits alimentaires et agricoles sur le sol français
Amendement CE30 de M. Antoine Vermorel-Marques et sous-amendements CE39 et CE40 de M. Jérôme Nury
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. La réécriture de l’article 2 que je propose vise à renforcer l’effectivité du droit de l’Union européenne et l’application de l’article L. 236-1 A du code rural et de la pêche maritime.
Comme je le disais, la Commission européenne publie tous les six mois un document recensant tous les produits susceptibles de ne pas respecter nos normes sanitaires et qui nécessitent des contrôles. Ceux-ci sont effectués par les douanes qui, le cas échéant, peuvent détruire ou renvoyer la marchandise. En revanche, elles n’ont pas la possibilité d’émettre une amende administrative pécuniaire. Je propose donc de remplacer les sanctions pénales, que je prévoyais initialement, par une telle amende, afin de rendre le dispositif plus opérationnel, d’éviter la tenue de procès et de nous conformer au principe de proportionnalité.
M. Jérôme Nury (DR). Le sous-amendement CE39 vise à ne pas systématiser les sanctions, en laissant à l’administration le soin d’apprécier leur opportunité.
Quant au CE40, il tend à faire référence aux nouvelles mesures-miroirs établies par l’Union européenne afin de lutter contre l’antibiorésistance, et plus particulièrement au règlement relatif aux médicaments vétérinaires.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Avis favorable aux deux sous-amendements. En effet, eu égard au principe de proportionnalité, les sanctions administratives ne doivent pas être systématiques. Par ailleurs, l’ajout du règlement européen relatif aux médicaments vétérinaires élargirait le spectre des sanctions.
La commission rejette le sous-amendement CE39.
Elle adopte le sous-amendement CE40.
Elle adopte l’amendement CE30 sous-amendé et l’article 2 est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements CE11 de Mme Hélène Laporte et CE25 de Mme Mélanie Thomin tombent.
Après l’article 2
Amendement CE18 de M. Benoît Biteau
M. Benoît Biteau (EcoS). La LMR analyse la quantité de résidus de pesticides présente dans les produits, mais ne garantit en rien qu’ils ne sont pas utilisés, avec les risques que cela comporte pour la biodiversité et les utilisateurs. L’amendement vise donc à exiger que les entreprises et les acteurs économiques s’assurent de l’application des mesures d’identification, de prévention et d’atténuation des risques, afin que les fournisseurs des pays tiers ne recourent pas à des pratiques interdites en Europe. Je plaide donc pour aller au-delà de la LMR, de sorte de contrôler l’élaboration et l’itinéraire technique des produits que nous importons au sein de l’Union européenne. Je précise que de tels contrôles se fonderaient sur une réglementation européenne existante.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Le devoir de diligence des entreprises est effectivement important. Les importateurs ne peuvent plus dire qu’ils ne savaient pas. De plus, comme je l’ai indiqué, les contrôles exercés au niveau européen sur les produits phytosanitaires présentent des lacunes indéniables.
Cela étant, votre amendement n’imposerait de nouvelles obligations qu’aux seuls importateurs actifs sur des points d’entrée français. Si la remise en cause des pratiques de la Commission européenne concernant les LMR, ainsi que l’inversion de la charge de la preuve, constituent un objectif à moyen ou long terme, la proposition de loi s’inscrit donc dans le cadre des interdictions et des sanctions permises aujourd’hui par le droit européen. Je comprends que vous cherchiez à combattre des pratiques illégales, mais, pour y parvenir efficacement, c’est bien le règlement européen relatif aux LMR qu’il convient de modifier. Afin de rendre le texte le plus opérationnel possible, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. Fabien Di Filippo (DR). Cet amendement est guidé par de bonnes intentions, mais outre le fait qu’il imposerait des contraintes supplémentaires aux seules entreprises françaises, il serait impossible à appliquer. En l’absence de contrôles, cela ne coûterait rien aux entreprises de répondre favorablement aux questions qu’on leur poserait.
En ce qui concerne les végétaux, l’Union européenne recense 1 498 substances actives, en interdit 907 et ne prévoit l’analyse, par les États membres, que de 176 d’entre elles. Cela signifie qu’un très grand nombre de substances actives ne sont jamais contrôlées. Comme l’a dit le rapporteur, c’est à l’échelon européen qu’il faut agir.
M. Benoît Biteau (EcoS). Il est vrai que je propose d’agir au niveau national, mais cela ne m’empêche pas de plaider pour le faire à l’échelon européen. À cet égard, chaque fois que des accords de libre-échange sont signés, nous défendons l’inclusion de clauses-miroirs. En l’occurrence, ce sont même des mesures-miroirs que j’appelle de mes vœux. Ces dernières sont réfléchies dans le cadre du règlement européen portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole, mais nous ne sommes pas parvenus à obtenir gain de cause lors de la négociation de la dernière PAC. Il serait d’ailleurs intéressant de voir quelles voix nous ont manqué. Quoi qu’il en soit, j’espère pouvoir compter sur vous pour définitivement graver dans le granit ces mesures-miroirs dans le cadre de la prochaine PAC. Rendez-vous très bientôt avec nos collègues eurodéputés !
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Rendez-vous à l’Assemblée si la prochaine PAC fait l’objet d’un débat dans ces murs – sait-on jamais ! (Sourires.)
Mme Mélanie Thomin (SOC). La question de l’échelon est effectivement très importante. Plus globalement, dans le contexte de la réélection de Donald Trump, l’enjeu est de savoir de quelle manière l’Europe compte s’affirmer et se positionner. Ferons-nous le choix d’un protectionnisme à outrance ou de règles universelles pour encadrer notre commerce extérieur, ce qui inclurait le principe de réciprocité et les mesures-miroirs fortes dont Benoît Biteau vient de parler ?
Votre rapport évoque les contrôles dans les ports français, notamment au Havre et à Marseille, mais toutes les filières agricoles indiquent que la plupart des grandes importations passent par les infrastructures des Pays-Bas ou encore de la Belgique. C’est donc là que les contrôles devraient se concentrer. J’y insiste : l’échelon est certainement la question la plus centrale et la plus sensible de notre réflexion.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Nos débats montrent les liens entre l’action européenne et l’action nationale, ainsi que la difficulté de bien séparer les rôles entre les parlementaires – même si, personnellement, j’aimerais que nous ayons une influence plus importante sur la politique européenne.
Je rappelle également qu’il s’agit d’une proposition de loi de niche, située en cinquième position. Afin qu’elle puisse être adoptée, elle doit donc être la plus courte possible, raison pour laquelle je maintiens mon avis défavorable sur cet amendement.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CE13 de M. Benoît Biteau
M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement est l’occasion de revenir sur l’hypocrisie française et européenne que j’évoquais dans mon propos liminaire. Nous interdisons l’importation de produits contenant certaines substances, mais nous laissons des firmes européennes produire ces dernières. Je parle ici de molécules brutes qui seront associées à d’autres pour élaborer un produit commercial. Il s’agit d’un contournement de la loi Egalim : des pesticides interdits peuvent ainsi être exportés et fabriqués dans d’autres pays européens, leurs effets nous revenant en boomerang dans la nourriture que nous importons.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je répète qu’il s’agit d’une proposition de loi de niche, dont l’objet est de rendre les importations qui ne respectent pas nos normes sanitaires passibles de sanctions administratives pécuniaires. Aborder la question des exportations est une idée légitime, mais cela allongerait l’examen du texte en séance. Avis défavorable.
M. Benoît Biteau (EcoS). Mon amendement porte bien sur les importations. Nous produisons et exportons des substances actives non approuvées qui se retrouvent ensuite dans la nourriture que nous importons.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE5 de Mme Mathilde Hignet
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). Cet amendement vise à obtenir du Gouvernement un rapport évaluant les moyens nécessaires au contrôle de l’application de la proposition de loi. Nous le disons depuis le début : le chantier est d’ampleur et ce texte nécessaire ne sera effectif que si nous consacrons des moyens à sa bonne application. Je le répète, un rapport du Sénat de 2019 indique que 10 % à 25 % des produits agricoles et alimentaires importés en France ne respecteraient pas les normes minimales imposées aux agriculteurs français en matière environnementale et sanitaire.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je suis évidemment favorable à ce que le Gouvernement fasse preuve de davantage de transparence vis-à-vis des parlementaires, mais je ne veux pas rendre le texte trop bavard afin de permettre son adoption lors de notre niche.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE17 de M. Benoît Biteau
M. Benoît Biteau (EcoS). Malgré un faible taux de contrôle, 10 % des lots analysés ne sont pas conformes aux LMR autorisées au sein de l’Union européenne. L’amendement tend donc à obtenir un rapport pour faire la lumière sur les inspections menées par l’État et réfléchir à leur renforcement.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je répète que je suis favorable à davantage de transparence, mais il convient de plaider directement auprès de la Commission européenne pour le renforcement et l’amélioration des contrôles. De plus, pour favoriser l’examen du texte lors de notre niche, je suis défavorable aux demandes de rapport.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE19 de M. Benoît Biteau
M. Benoît Biteau (EcoS). Nous souhaitons abaisser les LMR au niveau du seuil de détection, afin de tendre vers l’éradication des substances interdites dans les produits que nous importons et ainsi de protéger les consommateurs. Cet amendement vise donc à obtenir un rapport sur le possible renforcement de nos méthodes de détection.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE6 de Mme Manon Meunier
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). La proposition de loi a une visée qualitative, mais des questions quantitatives se posent également. Nous demandons donc la remise d’un rapport sur les clauses de sauvegarde, outil que nous trouvons insuffisamment utilisé pour protéger nos filières et instaurer, en cas d’urgence, des quotas d’importation dans certains secteurs.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Je suis sensible à votre demande, mais je tiens à ce que le texte contienne des dispositions directement applicables et opérationnelles, et soit le plus court possible en vue de son examen en séance. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE7 de Mme Mathilde Hignet
Mme Manon Meunier (LFI-NFP). La proposition de loi est de qualité, mais insuffisante face aux traités de libre-échange que nous continuons de conclure, en témoigne celui avec le Mercosur vers lequel nous nous dirigeons contre l’avis unanime de l’Assemblée nationale. Nous souhaitons donc interpeller le Gouvernement qui, avec d’autres depuis plus de vingt ans, approuve ces accords commerciaux qui mettent en danger notre agriculture. Pour sortir de cette logique infernale, nous demandons un rapport sur la possibilité d’instaurer un moratoire sur tout nouveau traité.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Les négociations sur les accords de libre-échange relèvent de la compétence exclusive de la Commission européenne. Il serait plus efficace de proposer une résolution européenne plutôt que de demander ce rapport dont le seul effet serait de rendre la loi bavarde. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Titre
Amendement CE12 de M. Benoît Biteau
M. Benoît Biteau (EcoS). Comme je l’ai dit précédemment, l’Union européenne fabrique et exporte des pesticides qui nous reviennent en boomerang lorsque nous importons des produits alimentaires traités avec ces produits. Je propose donc de compléter le titre de la proposition de loi pour aboutir à la formule suivante : « visant à interdire l’importation et l’exportation de produits agricoles et phytosanitaires non autorisés en France ».
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. Puisque nous n’avons pas adopté l’amendement interdisant l’exportation de ces pesticides, cet amendement est sans objet. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CE22 de M. Frédéric Weber et CE28 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)
M. Frédéric Weber (RN). Mon amendement vise à harmoniser le titre de la proposition de loi avec son contenu, notamment pour garantir que son champ d’application couvre aussi bien les produits agricoles que les denrées alimentaires. Cette précision est indispensable pour refléter l’objectif central du texte : protéger nos agriculteurs d’une concurrence déloyale et défendre la santé des consommateurs.
Aujourd’hui, les producteurs français sont soumis à des normes particulièrement strictes, souvent plus contraignantes que celles de nos voisins européens, alors même que des produits importés ne respectant pas ces mêmes exigences continuent d’arriver sur le marché français. Cette inégalité est inacceptable et met en péril la pérennité de nos exploitations agricoles. Les contrôles aux frontières, trop peu nombreux, laissent entrer des produits qui ne répondent ni à nos standards sanitaires, ni à nos standards environnementaux. En 2019, un rapport du Sénat estimait entre 10 et 20 % la proportion de produits non conformes vendus en France.
Ce texte est une étape par laquelle la France affirme sa volonté de défendre ses agriculteurs et son modèle agricole face à une mondialisation qui n’a souvent que faire des standards de qualité et de justice sociale. Je vous invite à soutenir un amendement qui ne fait qu’amplifier la portée et la clarté de la proposition de loi, en accord avec nos principes de transparence et de souveraineté.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Mon amendement tend à mettre le titre de la proposition de loi en cohérence avec l’article 1er. Le nouvel intitulé mentionne notamment la logique d’identification et de traçabilité de la réglementation européenne ainsi que les produits phytosanitaires, sur lesquels nous portons un regard particulièrement exigeant.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. L’amendement de notre collègue Weber vise à substituer les mots « non conformes aux lois françaises » aux mots « non autorisés en France », ce qui exclurait de fait les normes européennes et internationales qui s’appliquent en droit français.
L’amendement de Mme Thomin détaille les exigences européennes d’une manière qui me semble trop peu synthétique.
Par souci de préserver l’intelligibilité et la clarté du titre, j’émets un avis défavorable aux deux amendements.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CE24 de Mme Mélanie Thomin
Mme Mélanie Thomin (SOC). Il s’agit de lier les combats autour de la régulation qui auront lieu dans l’hémicycle le 6 février, lors de la niche du groupe DR, et demain soir ou jeudi matin, lors de l’examen de la proposition de résolution européenne relative à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne déposée par le groupe socialiste.
La bataille en faveur de la régulation des importations doit être menée au niveau européen. Les parlementaires français doivent s’y associer en diffusant les propositions de loi et de résolution auprès du Parlement européen afin de faire pression, à terme, sur la Commission européenne et sur sa présidente Ursula von der Leyen. Je propose donc de mentionner cette ambition dans le titre.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. La proposition de loi ne vise pas simplement à réguler les importations, mais à imposer des sanctions. L’ajout du mot « sanctions » aurait été plus approprié. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
M. Pascal Lecamp (Dem). Le groupe Les Démocrates s’abstiendra sur cette proposition de loi qui n’apporte rien et dont le caractère antieuropéen – ou, du moins, l’incompatibilité juridique avec nos engagements européens – n’est pas en accord avec nos convictions historiques. Nous espérons que des améliorations y seront apportées en séance publique.
M. Antoine Vermorel-Marques, rapporteur. S’il y a eu un doute sur la conventionnalité de l’article 44 de la loi Egalim en 2018 et, par là même, sur l’article 1er de la proposition de loi, l’article 2 ne fait que rendre effectif le droit européen par des dispositions qui existent déjà dans le droit positif d’autres États membres. Il ne remet aucunement en cause notre attachement à la construction européenne.
Mme Hélène Laporte (RN). Nous regrettons que ce texte, mal rédigé, ne soit qu’un coup de communication ; néanmoins, nous le voterons par égard pour les agriculteurs, dont la situation est intenable.
Mme Mélanie Thomin (SOC). Le groupe socialiste est favorable à la proposition de loi, mais il s’interroge sur sa finalité. Le but est d’infléchir ceux qui, au sein de l’Union européenne, défendent le Mercosur. Nous considérons qu’il faut affirmer la position de la France dans ce combat par des textes plus efficients. Même si nous restons sur notre faim, nous accompagnerons le mouvement.
M. Jérôme Nury (DR). Je ne vois pas pourquoi l’on oppose l’intérêt de notre pays à celui de l’Europe alors que les deux coïncident. Nous sommes favorables à ce texte qui, loin d’être antieuropéen, affiche une volonté claire de protéger les consommateurs français, lesquels ont souvent l’impression d’être floués, et envoie aux administrations le message que le législateur tient à ce que la loi soit appliquée, même si elle paraît redondante.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
liste des personnes auditionnÉes
(par ordre chronologique)
Cabinet de la ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
M. François Blanc, conseiller diplomatique auprès de la ministre
Direction générale des douanes et des droits indirects au ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
M. Florian Simonneau, chef du bureau restriction et sécurisation des échanges (COMINT 2)
Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *
Contribution écrite
Coordination rurale *
Contribution écrite
Confédération paysanne *
Contribution écrite
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.
([1]) Rapport n° 627 relatif à l’adoption et la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production essentielles, en matière de santé, d’environnement, de biodiversité et de bien-être animal applicables dans l’Union européenne, fait au nom de la commission des Affaires économiques
([2]) Rapport de la commission d’enquête n° 2000 du 14 décembre 2023 sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale et notamment sur les conditions de l’exercice des missions des autorités publiques en charge de la sécurité sanitaire
([3]) Rapport n° 528 du 28 mai 2019 fait par M. Laurent Duplomb au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, intitulé : La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ?
([4]) Site internet de la Commission européenne : Alimentation, agriculture, pêche / « Conditions d’entrée dans l’UE » : https://food.ec.europa.eu/horizontal-topics/international-affairs/eu-entry-conditions_en?prefLang=fr&etrans=fr
([5]) Voir par exemple : question écrite (QE) n° 26216 de M. le député C. Naegelen ; ou la proposition de résolution de M. le député J. Dive du 4 mars 2020 tendant à la création d’une commission d’enquête sur l’applicabilité, l’efficacité et l’influence de l’article 44 de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous
([6]) Déclaration de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation, sur le bilan de la loi Égalim et les relations commerciales, à l’Assemblée nationale le 3 mai 2021, https://www.vie-publique.fr/discours/279768-julien-denormandie-03052021-loi-egalim
([7]) Alexandre Gohin, Alan Matthews. Adding mirror clauses within the European Green Deal : Hype or hope ? Applied Economic Perspectives and Policy, 2024.
([8]) Rapport sur la proposition de résolution européenne (n° 287) visant à l’adoption et à la mise en œuvre d’exigences à l’importation pour le respect de normes de production équivalentes aux normes de production
([9]) Rapport de l’Organe d’appel, 12 octobre 1998, WT/DS58/AB/R, États-Unis – Prohibition à l’importation de certaines crevettes et de certains produits à base de crevettes, points 163 et 164.