N° 996

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 février 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée
des consommateurs contre les abus (n° 561)

PAR M. Pascal LECAMP

Député

 

 

 

 

 Voir le numéro : 561.

 


SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

I. Le démarchage téléphonique : une pratique généralisée et mal encadrée

A. une pratique souvent abusive affectant le quotidien de nos concitoyens

B. Le cadre juridique du démarchage téléphonique, bien qu’en apparence strict, demeure largement insuffisant

a. Le régime juridique actuel du démarchage téléphonique

b. Les lacunes identifiées dans le cadre juridique actuel

II. La proposition de loi renforce substantiellement la protection des consommateurs face aux abus du DÉMARCHAGE téléphonique

A. La proposition de loi entend réformer en profondeur le régime juridique du démarchage téléphonique

B. Les modifications apportées par le sénat ont renforcé la crédibilité et l’efficacité du dispositif

a. En commission : le constat des lacunes du texte initial

b. En séance : l’abandon du principe de la « liste » et l’ajout d’articles

COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Article 1er Suppression du régime d’opt-out et alignement du régime du démarchage téléphonique sur celui des courriels et SMS

Article 1er bis (nouveau) Instauration d’une dérogation pour la vente de produits alimentaires

Article 2 Interdiction de la subordination d’un acte de vente à l’acceptation du démarchage téléphonique

Article 3 Renforcement des sanctions en cas d’abus de faiblesse lié au démarchage

Article 4 Encadrement des horaires et des fréquences du démarchage

Article 5 (supprimé) Instauration d’un délai avant l’acceptation d’une offre issue du démarchage

Article 6 Mise en place d’un filtre anti-spams SMS

Article 7 Alignement du régime de publication des numéros fixes et mobiles dans les annuaires publics

Article 8 Facilitation du partage d’informations entre les autorités de contrôle pour lutter contre le démarchage téléphonique abusif

Article 9 (supprimé) Exception à l’obligation d’utilisation de numéros dédiés pour les sondages

EXAMEN EN COMMISSION

liste des personnes auditionnées


 

   Avant-propos

Le démarchage téléphonique, dans la manière dont il est pratiqué en 2025, fait partie de ces rares sujets qui font l’unanimité contre eux dans notre pays : 97 % des Français sont agacés par le démarchage téléphonique. Le législateur, conciliant, ne voulant pas jeter l’opprobre sur l’ensemble du secteur du démarchage, a mis en œuvre le système « Bloctel », qui fait reposer sur le consommateur le geste d’exprimer son désaccord. « Bloctel » pose deux difficultés : il est peu utilisé et, quand il l’est, ne protège pas ses inscrits contre les appels intempestifs.

Ce constat pose la question de la lutte contre la fraude, autant que celle du renforcement de notre cadre juridique. La proposition de loi du sénateur Pierre-Jean Verzelen, rapportée au Sénat par notre collègue Olivia Richard, permet notamment de renforcer trois approches différentes, complémentaires entre elles :

– La nécessité, pour les acteurs respectueux de la loi, de recueillir le consentement préalable des personnes appelées – pour n’être appelé que par ceux dont le produit pourrait nous intéresser et dans les conditions que nous avons acceptées ;

– Le rôle des opérateurs téléphoniques dans la lutte contre les abus du démarchage : ils pourront mettre en œuvre un filtre anti-spam pour les SMS, comme nous en avons l’expérience avec les courriels ;

– Le travail de lutte contre la fraude de la DGCCRF, de l’ARCEP et de la CNIL en facilitant la transmission des informations entre ces trois organismes et assurant ainsi la continuité des investigations menées.

L’harmonisation avec le cadre juridique existant et la réflexion sur l’opérationnalité de la loi sont centrales dans ce débat, pour éviter un effet déceptif pour nos concitoyens. La promesse de leur rendre le quotidien moins abrasif et la restauration de la confiance dans ce moyen de communication qu’est le téléphone doivent se concrétiser, sauf à abîmer encore un peu leur relation au politique.

 

 

 

 

I.   Le démarchage téléphonique : une pratique généralisée et mal encadrée

Le démarchage téléphonique est une pratique ancienne et courante. L’article L. 221-16 du code de la consommation le définit comme le fait, pour un professionnel, de contacter un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d’un bien ou d’un service. Il peut être qualifié d’« abusif » lorsqu’il a lieu en dehors des heures et des jours autorisés, lorsqu’il est trop fréquent ou encore lorsqu’il a lieu malgré l’inscription du consommateur sur la liste « Bloctel ».

Il convient de distinguer le démarchage téléphonique de la prospection électronique (par mail ou SMS, par exemple), laquelle correspond à « l’envoi de tout message destiné à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services ou l'image d'une personne vendant des biens ou fournissant des services » ([1]) et relève d’un régime juridique différent.

A.   une pratique souvent abusive affectant le quotidien de nos concitoyens

Le démarchage téléphonique, tant en raison de son ampleur que de la diversité des publics qu’il touche, est largement rejeté par les consommateurs. Une étude réalisée par l’UFC-Que Choisir le 4 octobre 2023 révèle que 72 % des Français déclarent être démarchés sur leur téléphone portable au moins une fois par semaine ([2]) ; 38 % d’entre eux disent être démarchés une fois par jour.

S’il est difficile d’obtenir des données précises sur le volume des appels de prospection commerciale réalisés par les centres d’appels et susceptibles de s’apparenter à des démarchages téléphoniques abusifs, plusieurs sources concordantes indiquent une hausse, au cours des dernières années, de ces pratiques. Le dispositif « Bloctel », liste d’opposition au démarchage téléphonique, a enregistré une augmentation du nombre d'inscriptions, passant de 3 722 373 particuliers inscrits en 2021 à 6 237 328 en 2024. Par ailleurs, sur les 204 145 signalements reçus par la plateforme « SignalConso » en 2022, 47 624 concernaient le démarchage abusif, contre 43 773 en 2021. Enfin, au cours des dernières années, le chiffre d’affaires des centres d’appels a connu une augmentation substantielle, enregistrant une progression de 18,6 % entre 2019 et 2021.

B.   Le cadre juridique du démarchage téléphonique, bien qu’en apparence strict, demeure largement insuffisant

a.   Le régime juridique actuel du démarchage téléphonique

Le démarchage téléphonique fait l’objet d’un encadrement juridique strict, mis en œuvre par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi « Hamon », et renforcé par la loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, dite loi « Naegelen ». Trois catégories de règles peuvent être distinguées, régissant trois champs distincts :

– En premier lieu, le champ des personnes pouvant être démarchées est circonscrit : les consommateurs ont la possibilité de s’inscrire gratuitement sur « Bloctel », une liste d’opposition au démarchage téléphonique. L’inscription d’un numéro sur la liste « Bloctel » empêche tout démarchage, « sauf lorsqu'il s'agit de proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l'objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité. » ([3])

– En second lieu, les horaires pendant lesquels il est possible de démarcher sont encadrés : les appels ne peuvent être émis qu’entre le lundi et le vendredi, entre 10 heures et 13 heures, d’une part, et 14 heures et 20 heures, d’autre part. La fréquence des appels est aussi encadrée : il est interdit de contacter un consommateur plus de quatre fois au cours d’une période de trente jours ; en outre, si celui-ci a manifesté son opposition au démarchage lors de la conversation, le professionnel a l’obligation de ne pas le recontacter durant les soixante jours suivants.

– En troisième lieu, le champ matériel des appels est limité. Il est interdit de pratiquer le démarchage pour prospecter dans les secteurs de la rénovation énergétique et du compte professionnel de formation. Dans le reste des cas, le démarcheur a l’obligation d’indiquer, dès le début de son appel, son identité ainsi que la nature commerciale de son appel ; il doit également informer le consommateur de la possibilité de s’inscrire sur la liste « Bloctel » ([4]) et n’a pas le droit d’user d’un numéro masqué ou d’un numéro débutant par les chiffres « 06 » et « 07 ».

b.   Les lacunes identifiées dans le cadre juridique actuel

D’une part, le dispositif « Bloctel » souffre d’une inefficacité relevée à maintes reprises, tant au Sénat ([5]) qu’à l’Assemblée nationale ([6]) : de nombreuses entreprises ne respectent pas l’obligation de consulter la liste « Bloctel » avant d'effectuer des appels de démarchage ; fin 2024, seuls 2 430 professionnels adhéraient au service Bloctel, ce qui paraît demeurer un nombre faible en comparaison du nombre d’acteurs du démarchage ([7]) ; enfin, certains démarcheurs se présentent comme des enquêteurs ou des conseillers afin de contourner l’interdiction de démarchage faite via « Bloctel ».

D’autre part, les contrôles et les sanctions ne sont pas assez dissuasifs ([8]) . En 2018, sur 638 contrôles réalisés, seulement 90 amendes ont été prononcées. En 2023, près de 60 % des 5 300 établissements contrôlés ne respectaient pas la réglementation, mais le montant des amendes prononcées ne s’est élevé qu’à quatre millions d’euros cette année-là. Par ailleurs, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) rappelle qu’il lui est difficile de sanctionner les donneurs d’ordres du démarchage abusif lorsque ceux-ci sont à l’étranger.

Enfin, le dispositif « Bloctel » souffre d’un manque de lisibilité. De nombreux dispositifs existent pour lutter contre le démarchage téléphonique et la prospection électronique, pouvant générer une complexité malvenue du point de vue du consommateur : coexistent ainsi le dispositif « 33 700 » de signalement des SMS, la plateforme publique « SignalConso » ([9]), la plateforme associative « SignalSpam » ou encore le service proposé par les opérateurs « surmafacture ». Ainsi, si plus de six millions de consommateurs sont inscrits sur la liste « Bloctel », ce chiffre ne représente que 9 % des Français.

Le dispositif actuel de lutte contre le démarchage téléphonique abusif paraît donc insuffisant.

II.   La proposition de loi renforce substantiellement la protection des consommateurs face aux abus du DÉMARCHAGE téléphonique

A.   La proposition de loi entend réformer en profondeur le régime juridique du démarchage téléphonique

La proposition de loi déposée par notre collègue sénateur Pierre-Jean Verzelen propose un basculement du régime de l’ « opt-out » vers celui de l’ « opt-in » ([10]) . En son article unique, elle consacrait initialement une interdiction de principe du démarchage téléphonique, sauf à ce que le consommateur s’inscrive sur une liste de consentement au démarchage, qui se substituerait dès lors à « Bloctel ».

Lors de l’examen de cette proposition, la commission des lois du Sénat a souligné les limites des modalités prévues pour recueillir le consentement, estimant qu’une liste d’acceptation serait juridiquement incompatible avec l’exigence de spécificité du consentement requise par le règlement général sur la protection des données (RGPD). Réunie le mercredi 6 novembre 2024, la commission n’a donc pas adopté ce texte et, conformément au premier alinéa de l’article 42 de la Constitution, les débats en séance ont porté sur le texte initialement déposé au Bureau du Sénat.

B.   Les modifications apportées par le sénat ont renforcé la crédibilité et l’efficacité du dispositif

a.   En commission : le constat des lacunes du texte initial

Bien que la proposition n’ait pas été adoptée en commission au Sénat, les commissaires aux Lois ont rappelé l’enjeu que soulevait cette proposition en matière de préservation de l’emploi. Pour notre collègue sénatrice Olivia Richard, rapporteure du texte, « il faut trouver un équilibre entre l'emploi et la protection du consommateur. Comme l’a dit l'auteur du texte, le nombre d'employés qui ne font que du démarchage téléphonique est quasiment impossible à déterminer. Les centres d'appels emploieraient entre 29 000 et 40 000 personnes, mais ces dernières ne font pas seulement du démarchage. » De son côté et à partir des échanges qu’il a eus avec les représentants du secteur, votre rapporteur estime le volume d’emplois du secteur autour de 43 000.

La rapporteure a également rappelé qu’il était évident que personne ne s’inscrirait « sur une liste de consentement au démarchage téléphonique, ce qui va tuer tout le secteur, y compris les opérateurs qui respectent les règles ». En outre, cette rédaction aurait eu pour effet collatéral l’interdiction de certaines pratiques de démarchage qui ne sont pas problématiques : c’est par exemple le cas lorsque le consommateur sollicite expressément un contact téléphonique avec une entreprise. La solution de la liste de consentement a donc été abandonnée et remplacée par un nouveau mécanisme, adopté par le biais d’amendements en séance.

b.   En séance : l’abandon du principe de la « liste » et l’ajout d’articles

En séance, deux amendements identiques ont été adoptés pour répondre aux lacunes de la rédaction de l’article 1. Le principe de la « liste » a été abandonné au bénéfice d’un principe de consentement individuel explicite, exprimé directement par le consommateur sans qu’il soit nécessaire de s’inscrire sur une base de données centralisée. Concrètement, le texte prévoit désormais que le démarchage téléphonique est interdit, sauf si le consommateur a préalablement donné son accord. Cette solution aligne ainsi le régime du démarchage sur celui qui s’applique en matière de prospection électronique.

Dans sa nouvelle rédaction, l’article 1 prévoit que le consentement du consommateur doit être libre, spécifique et informé, conformément aux exigences du règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la directive 2002/58/CE (qui n’était pas compatible avec la solution initiale d’une liste de consentement générale). L’accord pourra être recueilli par tout moyen approprié, notamment lors d’une visite sur un site Internet, via une case à cocher ou un échange direct avec l’entreprise concernée.

Enfin, les articles additionnels 2 à 9 ont été inscrits dans la proposition de loi par voie d’amendements.

 


   COMMENTAIRE Des ARTICLEs

Article adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 1er de la proposition de loi met fin au système d’opt-out et vise à aligner le régime du démarchage téléphonique sur celui des courriels et SMS en instaurant un consentement spécifique au cas par cas, afin de garantir une meilleure conformité avec le RGPD tout en limitant les impacts économiques et sociaux du passage à un système d’opt-in généralisé.

 Aux termes de l’article L. 221-16 du code de la consommation, « le professionnel qui contacte un consommateur par téléphone en vue de conclure un contrat portant sur la vente d'un bien ou sur la fourniture d'un service indique au début de la conversation, de manière claire, précise et compréhensible, son identité, le cas échéant l'identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel et la nature commerciale de celui-ci. » Un régime d’opt-out, via la liste « Bloctel », est actuellement prévu à l’article L. 223-1 du même code pour le consommateur qui ne souhaite pas être démarché. Toutefois, ce dispositif souffre de nombreux dysfonctionnements, évoqués dans l’avant-propos du présent rapport.

 Aussi la proposition de loi, dans sa version initiale, consacrait-elle l’interdiction par principe du démarchage téléphonique, sauf lorsque le consommateur s’inscrivait sur une liste de consentement. Mais face au risque d’incompatibilité du dispositif avec le droit européen et au regard des conséquences économiques potentielles d’une telle mesure, l’article a été remanié en séance.

Le principe de la liste de consentement initialement proposé est désormais remplacé par un principe d’interdiction du démarchage téléphonique chaque fois que le consommateur « n’a pas exprimé préalablement son consentement pour faire l’objet de prospections commerciales par ce moyen. ».

Dans ce cadre, le consentement est défini comme « toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à fin de prospection commerciale par voie téléphonique » : cette rédaction permet d’assurer la compatibilité du dispositif avec l’exigence d’un consentement spécifique prévue par le règlement général sur la protection des données (RGPD). Votre rapporteur serait d’ailleurs favorable à ce que la mention du règlement général sur la protection des données (RGPD) figure explicitement dans le dispositif de l’article.

Le principe d’interdiction du démarchage ne s’applique pas lorsque ce dernier intervient dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours et ayant un rapport avec l’objet de ce contrat. L’article 1 prévoit également qu’un décret, pris en Conseil d’État, définisse les modalités d’application de l’article. En outre, dans un souci de prévisibilité et de cohérence, l’entrée en vigueur de l’article est prévue au 11 août 2026, soit au terme de la concession « Bloctel » actuellement gérée par la SAS Consoprotec.

 La commission des affaires économiques a substantiellement enrichi le dispositif de l’article 1. D’une part, elle a précisé la nature du consentement qui doit être exigé du consommateur, en le rattachant explicitement à l’article 7 du règlement (UE) n° 2016/679 sur la protection des données personnelles et en exigeant qu’il se manifeste par un acte positif clair de sa part. Il sera donc, par exemple, impossible à une entreprise de recueillir le consentement d’un consommateur par le biais d’une case précochée sur un formulaire en ligne, l’acte du consommateur devant être « positif ».

D’autre part, un amendement proposé par votre rapporteur et ayant pour objet de mettre à la charge du professionnel qui recourt au démarchage téléphonique la preuve que ce dernier a été recueilli dans des conditions conformes à ce que prévoit le deuxième alinéa de l’article L. 323‑1 du code de la consommation, a été adopté. Ce professionnel devra, en conséquence, être en mesure d’établir que le consommateur qu’il a démarché ou fait démarcher pour son compte par voie téléphonique a donné préalablement son accord à un tel mode de prospection commerciale. Cette précision renforcera l’efficacité du contrôle des autorités.

En outre, un second amendement proposé par votre rapporteur précise désormais le régime de l’exception client, en précisant que l'appel du cocontractant démarcheur au consommateur doit avoir un rapport direct avec l'objet du contrat. Dans le cadre du nouveau régime commun du démarchage téléphonique, votre rapporteur a également souhaité préciser que le démarcheur pouvait « solliciter le consommateur en dehors des jours, horaires et fréquence prévus au décret si le consommateur consent explicitement à être appelé sur une date et un horaire précisément spécifiés. » Cette précision améliore la clarté et la rédaction de l'alinéa 12 modifiant l'alinéa 7 de l'article L. 223-1 du code de la consommation : si la grille horaire définie par la loi Naegelen continue de s'appliquer, un consommateur pourra être rappelé un dimanche, par exemple, s’il en fait explicitement la demande.

Enfin, un amendement de notre collègue Delphine Batho, adopté par la commission, étend le champ des interdictions sectorielles de démarchage, comprenant déjà le compte professionnel de formation et la rénovation énergétique, au secteur des prestations de services et travaux d’adaptation relatifs au vieillissement et au handicap.

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Article introduit par la commission.

 

L’article 1er bis exclut la vente de denrées alimentaires et de produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie de la liste des secteurs soumis au régime juridique de l’article L. 223-1 du code de la consommation et régissant le démarchage téléphonique.

Aux termes de l’article L. 223-5 du code de la consommation, « les interdictions prévues aux articles L. 223-1 et L. 223-3 ne s'appliquent pas à la prospection en vue de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines. Un décret, pris après avis du Conseil national de la consommation, détermine les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels cette prospection est autorisée. »

Cette dérogation, qui exclut donc certains acteurs commerciaux du régime de droit commun du démarchage téléphonique, se justifie par la nécessité de protéger les secteurs économiques fragiles de la fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines.

Sur proposition de plusieurs de ses membres, la commission des affaires économiques a adopté un amendement visant à inclure, dans la liste des domaines bénéficiant d’un régime dérogatoire, les secteurs des denrées alimentaires, produits surgelés et nourriture pour animaux.

Votre rapporteur reconnaît l’importance de ces secteurs pour les populations les plus âgées et les plus vulnérables, notamment au sein des territoires ruraux. Il considère néanmoins qu’une rédaction plus restrictive pourrait être envisagée afin de limiter les brèches dans le dispositif de la présente proposition de loi.

 

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Article adopté par la commission sans modification.

 

L’article 2 de la proposition de loi modifie l’article L. 121-11 du code de la consommation pour inclure dans la liste des pratiques commerciales interdites le fait de subordonner la vente d’un bien ou d’un service à l’acceptation du démarchage téléphonique.

 Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 121-11 du code de la consommation, il est interdit, pour un vendeur, de subordonner la vente d'un bien ou la fourniture d'un service à la conclusion d'un contrat d'assurance accessoire au bien ou au service vendu. Cette disposition, issue de l’ordonnance n° 2018-361 du 16 mai 2018 relative à la distribution d'assurances, vise à protéger le consommateur des abus éventuels des professionnels.

L’article 2 de la proposition de loi élargit le champ de l’article L. 121-11 précité en interdisant aux entreprises de conditionner l’achat d’un bien ou d’un service à l’acceptation du démarchage téléphonique, notamment par des entreprises tierces, empêchant ainsi la vente de données personnelles à des fins commerciales sans lien direct avec le contrat de vente. En effet, actuellement, une entreprise peut exiger d’un client qu’il accepte d’être démarché par d’autres sociétés pour conclure une vente. Ce mécanisme revient à obtenir un consentement artificiel, rendant possible la revente des coordonnées sous couvert de conformité aux règles sur le consentement (certaines entreprises peuvent tirer un profit significatif de la revente de bases de données de clients ayant consenti au démarchage). L’article supprime l’incitation à cette pratique en interdisant que le consentement au démarchage soit exigé pour accéder à un produit ou un service.

  Cet article a été adopté sans modifications par la commission des affaires économiques.

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Article adopté par la commission sans modification.

 

L’article 3 de la proposition de loi renforce les sanctions encourues en cas d’abus de faiblesse lié au démarchage téléphonique.

 Aux termes de l’article L. 121-8 du code de la consommation, il « est interdit […] d’abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte. ». En outre, l’article L. 121-9 du même code prévoit explicitement l’interdiction de l’abus de faiblesse lorsqu’il conduit à obtenir des engagements d’une personne « à la suite d’un démarchage par téléphonie et télécopie ».

Depuis 2014, quiconque abuse ainsi de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne encourt une peine d’emprisonnement de trois ans et une amende de 375 000 euros (article L. 132-14 du code de la consommation) ; en outre, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits.

L’article 3 entend renforcer les sanctions applicables au délit d’abus de faiblesse lorsque celui-ci est commis à la suite d’un démarchage téléphonique, tel que défini à l’article L. 121-9 précité. Dans ces cas, le montant de l’amende est porté à 500 000 euros et la durée d’emprisonnement à cinq ans pour les personnes physiques ; pour les personnes morales, le montant maximal de l’amende est doublé pour atteindre 20 % du chiffre d’affaires moyen annuel sur une période de trois ans.

 Cet article a été adopté sans modifications par la commission des affaires économiques.

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Article adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 4 de la proposition de loi encadre les horaires et les fréquences du démarchage téléphonique et interdit de recontacter un consommateur ayant exprimé son opposition.

 Le démarchage téléphonique en France est encadré par des règles précisant les horaires et les fréquences de sollicitation. L’article 1er du décret n° 2022-1313 du 13 octobre 2022 définit les plages horaires autorisées pour la prospection commerciale : actuellement, les appels peuvent être effectués du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures, soit une durée totale de neuf heures par jour.

Le même décret fixe des limites à la sollicitation des consommateurs. Un professionnel ne peut pas contacter un consommateur plus de quatre fois au cours d’une période de trente jours. En outre, si le consommateur exprime son refus d’être démarché au cours d’un appel, un délai de soixante jours doit être respecté avant toute nouvelle tentative de sollicitation par le même professionnel.

 L’article 4 de la proposition de loi prévoit plusieurs modifications pour restreindre encore les plages horaires et les fréquences de démarchage et il consacre une interdiction de recontacter un consommateur ayant exprimé son refus d’être démarché :

 En premier lieu, le texte introduit une limitation de la durée quotidienne du démarchage téléphonique, ramenée de neuf heures à sept heures, renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer les horaires les plus appropriés ;

– En second lieu, l’article réduit la fréquence maximale des sollicitations téléphoniques en limitant à deux le nombre d’appels ou de tentatives d’appels pouvant être réalisés par un même professionnel sur une période de soixante jours (contre quatre sollicitations toutes les périodes de trente jours actuellement) ;

– Enfin, l’article 4 modifie l’article L. 221-16 du code de la consommation afin d’introduire une obligation, pour les professionnels, de mettre immédiatement fin à l’appel si le consommateur exprime son refus de poursuivre la conversation. Il précise également que ce refus doit entraîner l’impossibilité pour le professionnel de recontacter ultérieurement ce consommateur, tandis que le cadre juridique actuel prévoit la possibilité de rappeler un consommateur s’étant opposé à la poursuite d’un appel à l’expiration d’un délai de soixante jours ([11]).

Si votre rapporteur comprend le sens de cet article, il le juge, sur le plan de la protection du consommateur, superfétatoire, en raison du dispositif proposé à l’article 1, et potentiellement dangereux pour le secteur, en raison de la précarisation des emplois que pourrait induire une baisse du temps de travail des salariés de la prospection commerciale.

 La commission des affaires économiques a supprimé les alinéas 3 à 5 de cet article restreignant davantage les horaires et fréquences d’appels autorisés pour le démarchage. Il est en effet apparu qu’il n’était pas nécessaire de renforcer encore l’encadrement du démarchage, puisque le démarcheur ne contactera le consommateur qu'après avoir recueilli son consentement. Toutefois, l’interdiction de recontacter un consommateur ayant exprimé son opposition a, quant à elle, été maintenue.

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Article supprimé par la commission.

 

L’article 5 de la proposition de loi instaure un délai minimal avant que puisse être acceptée l’offre issue d’un démarchage.

 L’article 5 de la proposition de loi met en place un délai minimal de vingt-quatre heures avant la conclusion d’un contrat issu d’un démarchage téléphonique.

Le droit de la consommation encadre partiellement les contrats conclus à la suite d’un démarchage téléphonique en prévoyant des mécanismes de protection du consommateur. L’article L. 221-18 du code de la consommation prévoit notamment un délai de rétractation de quatorze jours, permettant au consommateur de revenir sur son engagement sans avoir à justifier sa décision ni supporter de pénalités. Cependant, aucun délai spécifique entre la réception de l’offre et la signature du contrat n’est actuellement prévu pour les contrats issus d’un démarchage téléphonique : une offre peut donc être acceptée immédiatement au cours de l’appel ou dans les instants qui suivent – bien qu’il soit ultérieurement possible de se rétracter – sans que le consommateur ait le temps de la comparer à d’autres propositions ou de mesurer pleinement les implications de son engagement.

En conséquence, l’article 5 propose d’introduire une règle similaire à celle existant dans le domaine des assurances, en complétant le dernier alinéa de l’article L. 221-16 du même code par une disposition instaurant un délai de vingt-quatre heures avant l’acceptation d’une offre issue d’un démarchage téléphonique.

 Cet article a été supprimé par la commission des affaires économiques pour deux principales raisons : d’une part, le régime juridique créé apparaissait excessif au regard de la restriction substantielle des possibilités de démarchage téléphonique induite par l’article 1, un régime de rétractation de quatorze jours existant par ailleurs ; d’autre part, la disposition présentait un risque élevé de non conventionalité, la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs fixant des conditions de formation des contrats conclus à distance incompatibles avec le dispositif.

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Article adopté par la commission sans modification.

 

L’article 6 de la proposition de loi autorise le filtrage automatisé des messages textuels par les opérateurs de téléphonie.

 L’article L. 32-3 du code des postes et des communications électroniques garantit le principe du secret des correspondances pour les communications électroniques, protégeant ainsi le contenu des échanges et l’identité des correspondants. Toutefois, il permet aux opérateurs de téléphonie mobile, ainsi qu’aux fournisseurs de services de communication au public en ligne (plateformes de messagerie en ligne) de procéder au traitement automatisé des correspondances à des fins techniques (tri, affichage, acheminement des messages et détection de contenus non sollicités) ou à des fins publicitaires et statistiques (à condition d’obtenir de l’utilisateur un consentement explicite et renouvelé au moins tous les ans).

 L’article 6 de la proposition de loi propose d’intégrer les messages textuels (SMS) dans le champ de l’article L. 32-3 précité, afin d’étendre à ces derniers la possibilité de recourir à des filtres automatisés contre les SMS indésirables (spams), dispositif déjà autorisé pour les courriels. Ainsi, le présent article légalise explicitement l’utilisation de filtres anti-spam pour les SMS, ce qui renforce la lutte contre le phishing et les fraudes par messages textuels, et comble une lacune juridique qui empêchait une protection homogène contre les spams, en alignant le traitement des SMS sur celui des e-mails. Il convient de préciser que cette disposition ne rend pas obligatoire la mise en place de ces dispositifs par les opérateurs, mais leur donne la possibilité de les déployer.

 Cet article a été adopté sans modifications par la commission des affaires économiques.

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Article adopté par la commission sans modification.

 

L’article 7 de la proposition de loi prévoit l’alignement du régime applicable aux numéros fixes sur celui applicable aux numéros mobiles, en modifiant le troisième alinéa de l’article L. 34 du code des postes et des communications électroniques.

 L’article L. 34 du code des postes et des communications électroniques régit la publication des numéros de téléphone dans les annuaires libres d’accès. Dans sa rédaction actuelle, il établit un régime différencié entre les numéros de téléphones fixes et mobiles. En effet, tandis que les numéros mobiles bénéficient d’un régime protecteur fondé sur le consentement préalable (opt-in), les numéros fixes figurent quant à eux automatiquement dans lesdits annuaires, sauf à ce que les consommateurs fassent usage de leur droit d’opposition (opt-out).

Ce cadre juridique génère une différence de traitement entre les abonnés fixes et mobiles, tout en maintenant la disponibilité des numéros fixes dans des bases de données accessibles aux professionnels du démarchage. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a récemment précisé le cadre juridique applicable à la publication des données téléphoniques : dans son arrêt C-129/21 du 27 octobre 2022 (Proximus NV c/ Gegevensbeschermingsautoriteit), elle a décidé que la publication des numéros fixes dans les annuaires accessibles au public nécessitait le consentement préalable de l’abonné.

 L’article 7 prévoit en conséquence l’alignement du régime applicable aux numéros fixes sur celui des numéros mobiles. Cette évolution répond à trois objectifs : elle harmonise le cadre juridique en matière de publication des numéros téléphoniques ; elle limite l’accès des démarcheurs commerciaux aux coordonnées des abonnés, réduisant ainsi le volume des appels de prospection non sollicités ; enfin, elle met le droit français en conformité avec la jurisprudence récente de la CJUE.

 Cet article a été adopté sans modifications par la commission des affaires économiques.

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Article adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 8 de la proposition de loi autorise expressément le partage d’informations entre les autorités concernées, uniquement pour les infractions et manquements liés au démarchage téléphonique abusif et frauduleux.

 La lutte contre le démarchage téléphonique abusif fait intervenir plusieurs autorités, dont les missions sont complémentaires mais dont la coordination est actuellement limitée par l’absence de dispositions législatives encadrant le partage d’informations :

– La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), chargée de constater et sanctionner les infractions aux règles encadrant le démarchage téléphonique figurant dans le code de la consommation ;

 La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), compétente en matière de protection des données personnelles, notamment pour faire respecter le droit d’opposition garanti par l’article 21 du règlement général sur la protection des données (RGPD) ;

– L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), garante du respect des dispositions du plan national de numérotation.

En l’état actuel du droit, le secret professionnel et le secret de l’instruction font obstacle au partage d’informations entre ces autorités, ce qui limite leur capacité à lutter efficacement contre le démarchage téléphonique abusif et les pratiques frauduleuses. De plus, la CNIL rencontre des difficultés dans ses investigations, car certains opérateurs invoquent le secret professionnel pour refuser de communiquer l’identité des entreprises utilisant leurs services pour effectuer des appels en infraction avec la législation sur la protection des données personnelles.

 L’article 8 vise donc à autoriser expressément le partage d’informations entre les autorités concernées, uniquement pour les infractions et manquements liés au démarchage téléphonique abusif ou frauduleux : il prévoit, pour cela, que les dispositions du secret professionnel et du secret de l’instruction ne fassent pas obstacle à la transmission d’informations entre les trois autorités ; en outre, il introduit une dérogation spécifique au secret professionnel dans le cadre des investigations menées par la CNIL. Désormais, les opérateurs de télécommunications ne pourront plus refuser de communiquer l’identité d’une entreprise utilisant leurs services pour effectuer des appels téléphoniques en méconnaissance des règles de protection des données personnelles.

 La commission des affaires économiques a adopté un amendement, modifiant la première partie de l’article 8 et souhaité par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, visant à élargir le champ des données pouvant être échangées par les trois autorités. Cette modification technique a vocation à faciliter les capacités d’instruction et de sanction des autorités de contrôle.

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Article supprimé par la commission.

 

L’article 9 de la proposition de loi exclut les études et sondages de l’obligation d’utiliser des numéros polyvalents vérifiés (NPV) pour des communications émises via des systèmes automatisés d’appel.

 L’encadrement de l’usage des numéros de téléphonie par des systèmes automatisés d’appels est défini par l’article L. 44 du code des postes et des communications électroniques. Le VI de cet article, issu de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 relative à la réduction de l’empreinte environnementale du numérique, confère à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) la compétence pour encadrer les numéros pouvant être utilisés lors d’appels automatisés. Dans ce cadre, l’usage de numéros territorialisés est interdit pour ces communications, sauf lorsqu’elles sont réalisées via des « numéros polyvalents vérifiés » (NPV), une catégorie de numéros encadrée par l’Arcep et limitativement énumérée. Cet encadrement vise à lutter contre les pratiques abusives du démarchage téléphonique en favorisant notamment son identification par le consommateur.

Toutefois, les instituts de sondage et d’études statistiques, bien que n’étant pas assimilés à des démarcheurs commerciaux, se trouvent de facto soumis à ces restrictions, puisqu’ils utilisent des systèmes automatisés d’appels pour contacter des échantillons de population. Cette situation a été confirmée par une décision du Conseil d’État en date du 6 juin 2024 (n° 489787), qui a rappelé que les instituts de sondage, bien que poursuivant une finalité distincte de la prospection commerciale, restent assujettis aux règles générales du plan de numérotation établi par l’Arcep.

Or l’application de ces règles aux activités de sondage génère plusieurs effets négatifs : d’une part, l’obligation d’utiliser des NPV accroît significativement le coût des études, les sondeurs préférant des solutions manuelles aux solutions automatisées ; d’autre part, l’utilisation de ces numéros modifie la perception des appels par les citoyens, entraînant une baisse du taux de réponse et compromettant ainsi la représentativité des échantillons.

 En conséquence, l’article 9 de la présente proposition de loi introduit une exception au plan de numérotation en faveur des systèmes automatisés d’appels utilisés à des fins d’études statistiques, de sondages et d’enquêtes d’opinion. Il complète ainsi le VI de l’article L. 44 précité en précisant que l’interdiction d’usage des numéros territorialisés ne s’applique pas à ces appels.

Votre rapporteur souligne l’importance de cet article, qui appelle deux remarques. D’une part, les sondeurs ne sont pas les seuls concernés par la problématique que pose l’usage exclusif de NPV : les services de recouvrement de créances et les services publics voient également leurs taux de réponses diminués par ce plan de numérotation. D’autre part, la rédaction actuelle de l’article peut donner lieu à l’apparition de nouvelles pratiques frauduleuses, par lesquelles des démarcheurs, feignant de poser quelques questions en début d’appel au consommateur comme s’ils cherchaient à réaliser des statistiques ou des études, se trouveraient exonérés de l’obligation d’utiliser des NPV.

 Cet article a été supprimé par la commission. Votre rapporteur, rejoignant les trois amendements de suppression proposés, a en effet considéré que la rédaction de l’article 9 entraînait le risque que de nouveaux acteurs puissent, sous couvert de réaliser des études ou statistiques, pratiquer du démarchage abusif.

En outre, dans le régime juridique actuel, les opérateurs ont la responsabilité de couper les lignes utilisées par des automates d’appel et ne se pliant pas à l’obligation d’utiliser des NPV : aussi, les opérateurs de téléphonie mobile ont fait part de la difficulté qu’ils auraient à distinguer les acteurs vertueux, tels que les sondeurs, des acteurs abusifs, dans le cadre de la consécration d’une dérogation à l’obligation d’usage des NPV.

Enfin, votre rapporteur a rappelé, devant la commission, que le maintien d’une dérogation spécifiquement destinée aux sondeurs pouvait constituer une inégalité de traitement vis-à-vis d’autres acteurs vertueux utilisant également des automates d’appel sans pour autant être des démarcheurs : il en va ainsi, notamment, de certains services publics ou des acteurs du recouvrement de créances.

 

 


   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du mercredi 19 février 2025 à 9 heures 30, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi adoptée par le Sénat, pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus, n° 561 (M. Pascal Lecamp, rapporteur).

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous examinons ce matin deux propositions de loi inscrites à l’ordre du jour de la journée réservée du groupe Les Démocrates du 6 mars prochain, et débutons par la proposition de loi pour un démarchage téléphonique consenti et une protection renforcée des consommateurs contre les abus, pour laquelle notre commission a désigné rapporteur M. Pascal Lecamp.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’ambition de cette proposition de loi est simple : protéger nos concitoyens contre les abus du démarchage téléphonique. Cette pratique omniprésente et souvent intrusive affecte le quotidien de millions de Français. Elle se manifeste par des appels intempestifs, une pression commerciale insidieuse et, parfois, de véritables tentatives d’extorsion ciblant les plus vulnérables.

Le constat est accablant : une étude de l’UFC-Que choisir révèle que 72 % de nos concitoyens sont démarchés au moins une fois par semaine, et 38 % quotidiennement – c’est mon cas. Le dispositif Bloctel, censé leur offrir une protection, s’est révélé insuffisant et ne dissuade qu’une partie des entreprises, tandis que de nombreux acteurs frauduleux contournent la législation. Pire encore, les sanctions prévues n’ont pas d’effet dissuasif.

Il était donc impératif d’agir. Je salue l’initiative de notre collègue sénateur Pierre-Jean Verzelen, dont la proposition de loi a posé les bases d’une réforme de grande ampleur. Je remercie également la rapporteure au Sénat, Mme Olivia Richard, ainsi que les sénateurs qui ont enrichi et consolidé le texte au fil des débats. Enfin, je ne veux pas oublier ma collègue Louise Morel, qui a défendu devant la commission des affaires européennes une proposition de résolution portant sur le même sujet. Leur travail a permis d’aboutir à un dispositif équilibré, efficace et conforme aux exigences du droit européen.

L’article 1er propose une avancée majeure en mettant un terme au régime actuel d’opt-out, qui repose sur l’inscription volontaire des consommateurs sur une liste d’opposition, au profit d’un système de consentement explicite, dit opt-in. Désormais, le démarchage téléphonique sera interdit, sauf si le consommateur a préalablement donné son accord de manière libre, spécifique et informée. La réforme aligne le cadre juridique du démarchage téléphonique sur celui des courriels et des SMS en renforçant la protection de la vie privée des consommateurs.

Ce changement de paradigme répond à un double impératif. D’une part, il assure une meilleure conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD), qui impose un consentement explicite et spécifique à toute sollicitation commerciale. D’autre part, il met fin à une logique perverse par laquelle l’absence de refus manifeste était considérée comme une autorisation tacite d’être sollicité qui ouvre la porte à toutes les dérives. Toutefois, afin de garantir l’effectivité du dispositif, un amendement tend à préciser que la charge de la preuve du recueil du consentement incombe au professionnel démarcheur : il ne saurait être question que la responsabilité en repose sur le consommateur.

Le texte introduit plusieurs mesures complémentaires visant à assainir durablement le secteur du démarchage téléphonique.

L’article 2 interdit de subordonner la vente d’un bien ou d’un service à l’acceptation du démarchage téléphonique.

L’article 3 alourdit les sanctions en cas d’abus de faiblesse. Les entreprises qui ciblent les personnes âgées ou fragiles par des pratiques agressives encourront désormais des peines renforcées.

L’article 6 autorise les opérateurs à créer un filtre antispam pour les SMS ; jusqu’à présent, les SMS frauduleux et commerciaux échappaient en partie à la régulation.

L’article 7 aligne le régime de publication des numéros fixes et mobiles dans les annuaires publics ; désormais, les numéros fixes ne seront plus accessibles par défaut aux démarcheurs, sauf consentement explicite du titulaire.

L’article 8 facilite le partage d’informations entre les autorités de contrôle, notamment la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), pour rendre plus efficaces le contrôle et les sanctions. Nous proposons de l’enrichir afin de renforcer leur coordination.

Enfin, l’article 9 prévoit une exception pour les instituts de sondage afin de garantir la poursuite de leur activité dans de bonnes conditions : ils ne seront pas soumis aux mêmes contraintes que les démarcheurs commerciaux.

Toutefois, dans un souci d’équilibre, certaines dispositions introduites au Sénat doivent être reconsidérées. L’article 5, qui instaure un délai de réflexion de vingt-quatre heures avant toute acceptation d’une offre issue d’un démarchage, me paraît devoir être supprimé. De même, les restrictions horaires et de fréquence prévues aux alinéas 3 à 5 de l’article 4 doivent être réexaminées. Si l’encadrement du démarchage est impératif, ces limitations excessives risqueraient d’entraver de manière disproportionnée une activité économique encadrée par des règles claires. Permettez-moi de rappeler que le secteur du démarchage téléphonique représente plus de 40 000 emplois en France.

La proposition de loi apporte une solution pragmatique et sérieuse à un fléau du quotidien. Nous avons la responsabilité de répondre clairement aux attentes de nos concitoyens, qui réclament une protection efficace contre le harcèlement téléphonique, un encadrement strict des pratiques commerciales et une capacité de contrôle renforcée pour sanctionner les abus. C’est pourquoi je vous invite à voter le texte à l’unanimité. Ensemble, mettons un terme aux appels intempestifs et offrons à chacun la tranquillité qu’il est en droit d’exiger.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Louise Morel (Dem). Au nom du groupe démocrate, je salue le rapporteur pour le travail qu’il a effectué, dans des délais relativement contraints, sur un sujet qui constitue une réelle source d’agacement pour nos concitoyens. Comme plusieurs de nos collègues, j’y travaille depuis quelque temps et je suis convaincue que la proposition de loi du sénateur Verzelen est nécessaire. Elle propose un changement de paradigme complet en faisant basculer le modèle du démarchage téléphonique actuel, dit opt-out, vers un modèle de recueil du consentement préalable, ou opt-in.

Nous ne pouvons plus attendre. SignalConso, le service de recueil des plaintes pour démarchage abusif, a recensé 47 000 signalements en 2023. Ce chiffre est bien en deçà de la réalité, puisque les Français ne signalent pas l’intégralité des appels abusifs.

Le démarchage téléphonique nuit à la santé et au bien-être de nos concitoyens, tout particulièrement à celui des personnes âgées. En quelques années, le législateur a adopté une succession de lois pour lutter contre ce phénomène : la loi Hamon, qui a instauré Bloctel ; la loi Naegelen, qui encadre les horaires du démarchage ; la loi visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires ; la loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, qui couvrait le secteur de la rénovation énergétique ; et j’en passe. Le durcissement de la législation n’a visiblement pas suffi. C’est toujours au consommateur qu’il incombe de s’inscrire sur Bloctel et de dénoncer les démarchages abusifs. Compte tenu du nombre d’entreprises, de la baisse massive du coût des appels téléphoniques et de l’essor de l’intelligence artificielle, cela ne peut fonctionner.

Le RGPD donne à l’individu l’autorité sur la gestion de ses données. Nous ne pouvons plus accepter que seul le démarchage téléphonique ne soit pas sanctuarisé par le recueil préalable du consentement. D’autres pays, comme l’Allemagne, ont déjà bousculé le système. Il est temps que la France fasse de même.

Le groupe démocrate soutient la proposition de loi avec beaucoup d’enthousiasme et espère qu’elle recueillera un large soutien. Néanmoins, nous ne ferons pas l’économie d’un débat sur les moyens alloués à la DGCCRF pour la faire appliquer.

Mme Géraldine Grangier (RN). Le démarchage téléphonique est une pratique qui suscite, à juste titre, exaspération et méfiance de la part de nos concitoyens. Trop souvent, il se traduit par une intrusion dans leur quotidien, des appels répétés et insistants et une confusion généralisée sur l’origine des sollicitations. Il était donc nécessaire de légiférer pour mieux encadrer ces pratiques et protéger les consommateurs.

Toutefois, en voulant restreindre les abus, nous devons veiller à ne pas pénaliser des modèles commerciaux légitimes qui ne relèvent pas du démarchage téléphonique à froid. Il y a une distinction essentielle à faire entre le démarchage sauvage, qui repose sur des bases de données non qualifiées et des sollicitations non désirées, et d’autres formes de contact téléphonique fondées sur le consentement ou la recommandation. Le démarchage à froid, véritable fléau pour nos concitoyens, consiste à appeler des personnes sans qu’elles aient manifesté la moindre intention d’être contactées. C’est ce démarchage abusif, agressif et opaque qui doit être encadré de manière stricte, voire interdit dans certaines conditions.

À côté de cela, il existe d’autres pratiques qui ne doivent pas être assimilées à ces méthodes intrusives. Le premier est la sollicitation d’une personne qui a exprimé clairement sa volonté d’être contactée, par exemple en remplissant une demande de devis sur un site internet ou en s’inscrivant à un programme d’information. Dans ce cadre, le consentement est explicite. Le parrainage, quant à lui, permet à un client de recommander un service ou un produit à une personne de son entourage ; l’appel est fondé sur une relation préexistante avec un intermédiaire clairement identifié. Assimiler ce procédé au démarchage téléphonique à froid reviendrait à nier la place du bouche-à-oreille dans notre économie et à mettre en péril les secteurs entiers qui en dépendent.

La proposition de loi a évolué grâce aux travaux du Sénat. Initialement, elle prévoyait un régime de consentement généralisé qui risquait d’interdire purement et simplement la sollicitation et le parrainage. Cette approche excessive a heureusement été corrigée : le cadre du démarchage téléphonique a été rapproché de celui applicable aux courriels et aux SMS. Toutefois, des ambiguïtés subsistent, notamment au sujet de la charge du recueil du consentement, qui ne doit pas fragiliser les particuliers souhaitant recommander un service. Il faut trouver un équilibre : nous devons protéger les Français des abus du démarchage téléphonique à froid, mais nous ne devons pas entraver inutilement l’activité économique et la liberté de choix des consommateurs. Il appartient au législateur de distinguer clairement les pratiques abusives des modèles commerciaux légitimes. C’est à cette condition que la proposition de loi pourra atteindre son objectif.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’objectif de la proposition de loi est précisément de faire la distinction entre le démarchage à froid, comme vous dites, et le démarchage responsable. Il faut prendre garde que le parrainage n’ouvre pas la porte au retour du démarchage abusif.

M. Thomas Cazenave (EPR). Je remercie M. le rapporteur d’avoir fait inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour. Il s’agit d’un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens ; près des trois quarts des Français sont dérangés chaque semaine par ces appels et plus d’un tiers subissent ces sollicitations quotidiennement.

Ces dernières années, nous avons essentiellement agi sous l’angle de la lutte contre la fraude en interdisant le démarchage lié au compte personnel de formation et aux travaux de rénovation énergétique. Cependant, le problème du démarchage téléphonique dépasse la seule question de la fraude. C’est un fléau du quotidien qui sape la confiance des consommateurs et alimente un sentiment d’intrusion permanente. Le dispositif Bloctel, qui reposait sur une logique de refus a posteriori, a hélas montré ses limites.

Nous devons mettre un terme à l’impunité des démarcheurs peu scrupuleux et rééquilibrer le rapport de forces en faveur du consommateur. Le passage à un régime de consentement préalable est une avancée importante. Nos concitoyens ne devraient pas subir une pression commerciale constante dans leur propre foyer. Le modèle proposé, déjà en vigueur pour la prospection électronique, garantit une meilleure protection des consommateurs et aligne notre droit sur les exigences européennes et sur le RGPD. Cette réforme responsabilise les entreprises, réduit le volume d’appels non sollicités et garantit enfin aux Français le droit à la tranquillité.

Le texte apporte une réponse claire et attendue à une préoccupation majeure. Le groupe Ensemble pour la République le soutiendra.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Je remercie nos collègues du Modem d’avoir inscrit cette proposition de loi en première position de l’ordre du jour de leur niche parlementaire. Le groupe La France insoumise-NFP s’est prononcé à plusieurs reprises pour l’interdiction par défaut du démarchage téléphonique. C’est pourquoi nous considérons que cette proposition de loi va dans le bon sens. Elle aurait néanmoins mérité d’être plus ambitieuse.

Le démarchage téléphonique est une nuisance quotidienne pour des millions de Françaises et de Français. Selon l’UFC-Que choisir, en 2023, près des trois quarts d’entre eux le subissent chaque semaine et 38 % chaque jour, avec en moyenne six appels non désirés par semaine. C’est un harcèlement qui fatigue, qui envahit l’intimité, qui mine la confiance dans les outils de communication. Les conséquences sont lourdes : stress, troubles de l’attention, sentiment de violation de la vie privée ; pire, certaines personnes finissent par ne plus répondre au téléphone, au risque de l’isolement. Nous devons y mettre un terme.

La proposition de loi est d’autant plus nécessaire que le démarchage téléphonique persiste malgré le cadre existant. Le dispositif Bloctel, censé protéger les citoyens, est un échec cuisant. Une enquête de la répression des fraudes a révélé qu’en 2020, plus de la moitié des entreprises contrôlées ne respectaient pas les règles. Or, quand un cadre n’est pas respecté, il faut le renforcer. Nous proposons d’interdire purement et simplement le démarchage téléphonique au-delà des quelques secteurs déjà concernés. La tranquillité est un droit : tout comme les nuisances sonores et les troubles du voisinage, les appels non sollicités à toute heure ne devraient plus être une fatalité.

Enfin, il ne faut pas oublier que le démarchage téléphonique est aussi un fléau pour celles et ceux qui travaillent dans le secteur. Dans les centres d’appels, les conditions de travail sont désastreuses : salaires de misère, pression permanente des chiffres, surveillance constante, reporting incessant… Cette cadence infernale a des conséquences lourdes : stress, épuisement, troubles du sommeil. Évidemment, les premières victimes de cette précarité sont les femmes, qui représentent près de 70 % des salariés du secteur. Selon le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, les risques sont trois fois plus importants dans les catégories les plus confrontées à la précarité que sont les employées et les ouvrières. Elles sont aussi plus exposées aux troubles musculo-squelettiques et à la pénibilité. L’argument de la création d’emplois ne tient pas, puisque ces emplois sont massivement délocalisés.

La proposition de loi pourrait être plus ambitieuse. Néanmoins, notre position sera celle des principales associations de consommateurs, dont l’UFC-Que choisir : suivant les amendements adoptés, nous voterons ou non pour le texte.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Vous avez dit deux fois que vous souhaitiez un texte plus ambitieux. Nous le souhaitons tous. Je compte sur vous pour adopter les amendements les plus judicieux et le voter à l’unanimité.

Mme Valérie Rossi (SOC). Il y a bientôt cinq ans, le Parlement adoptait la proposition de loi de notre collègue Christophe Naegelen visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. C’était le texte de la dernière chance pour faire fonctionner le principe de l’opt-out, c’est-à-dire l’interdiction du démarchage téléphonique pour les personnes qui s’inscrivaient sur une liste de refus, la liste Bloctel, et un encadrement renforcé pour les autres.

L’intensification du démarchage téléphonique abusif, y compris auprès des personnes inscrites sur cette liste, est devenue insupportable pour nos concitoyens. Les députés socialistes et apparentés soutiennent donc la logique centrale du texte, à savoir le basculement vers une interdiction de principe du démarchage téléphonique, sauf consentement préalable.

Le Sénat a mené un travail de qualité pour enrichir et préciser le texte. Nous souhaitons adopter la même logique constructive. Le champ des personnes ou activités exclues de l’interdiction doit encore être précisé. La possibilité de démarchage téléphonique auprès de personnes avec lesquelles une relation contractuelle existe déjà doit être circonscrite à l’objet même du contrat ; en effet, lorsqu’on dispose d’un abonnement de téléphonie mobile, on ne souhaite pas être appelé deux fois par semaine par son opérateur pour se voir offrir toute la gamme d’offres connexes ou une box internet.

De la même manière, nous souhaitons que les sollicitations pour les études statistiques, les enquêtes d’opinion et les sondages réalisés de manière automatisée soient réintégrées dans le champ de l’interdiction, car elles irritent nos concitoyens. La rédaction de l’article 9 ne fait aucune distinction entre une étude statistique de l’Insee, dont l’intérêt public est manifeste, et l’enquête de satisfaction d’une chaîne de grande distribution.

À l’inverse, pour certaines activités qui font vivre nos villages et qui apportent des solutions aux personnes isolées, notamment âgées, il faut pouvoir distinguer le type de démarchage en fonction de l’activité visée. La vente ambulante aux particuliers de produits alimentaires, qui nécessite souvent une information téléphonique en amont, devrait être exclue du périmètre de la proposition de loi.

Enfin, nous souhaitons que le texte entre en vigueur rapidement, dès le 1er janvier 2026. Aucune contrainte technique ne justifie un report de plus d’un an.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Merci, madame la députée, pour votre logique constructive. Vous avez ciblé des points importants. En tant qu’ancien maire d’un petit village du sud de la Vienne, je peux témoigner que mes petits voisins de 94 ans ont des besoins téléphoniques qu’il convient d’intégrer dans le texte. Je vous suivrai à ce sujet.

M. Vincent Rolland (DR). Rares sont les sujets qui font l’unanimité dans cette assemblée. Celui-ci nous rassemble, à l’image des millions de Français qui nous font part de leur exaspération. Nous devons donner un coup d’arrêt aux abus de cette pratique commerciale sur laquelle de nombreuses entreprises continuent de miser, puisqu’elle a augmenté de 19 % entre 2019 et 2021. Ces campagnes intensives sont un véritable fléau auquel nous devons apporter un remède.

Le texte en discussion apporte des solutions intéressantes dont les conséquences concrètes pour les Français seront néanmoins limitées. Au 1er janvier 2026, le démarchage téléphonique sans consentement préalable du consommateur sera interdit. Les appels seront limités à une plage horaire de sept heures par jour, contre neuf heures actuellement, ainsi qu’à deux tentatives tous les soixante jours. Le respect du refus sera davantage pris en considération. Un délai de carence de vingt-quatre heures précédera l’acceptation d’une offre commerciale. Enfin, les numéros de téléphone fixe seront automatiquement inscrits sur liste rouge, sauf dispositions transitoires votées pour les numéros actuels.

Même si ces principes nous laissent dubitatifs – ce n’est pas mon excellent collègue Pierre Cordier, qui a défendu en 2018 une proposition de loi à ce sujet, qui dira le contraire –, notre groupe soutiendra ces mesures. Nous appelons néanmoins l’attention des Français qui penseraient que tout va changer : la plupart de ces démarchages téléphoniques sont déjà dans l’illégalité. Il faudrait être naïf pour penser le contraire. Les nouvelles mesures concerneront surtout les entreprises françaises qui respectent déjà le cadre légal. L’essentiel du travail incombe à la répression des fraudes, qui doit fermer les communications issues de plateformes situées à l’étranger. C’est le seul chemin pour que nos compatriotes retrouvent un minimum de tranquillité et de sérénité en ces temps troublés.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Si nous arrivons à filtrer trois appels sur quatre, ce sera déjà très bien. Le plus important est d’identifier les margoulins, pour reprendre un terme entendu en audition, afin de rendre la loi efficace.

Mme Delphine Batho (EcoS). Sept ans. Cela fait sept ans que nous dénonçons l’impuissance du dispositif Bloctel et que nous proposons l’interdiction du démarchage téléphonique non consenti, depuis la proposition de loi qu’avait déposée le groupe Écologie démocratie solidarité sous la quinzième législature. L’Assemblée nationale a manqué trois rendez-vous législatifs, en 2020, 2 021 et 2022, lorsqu’elle a repoussé les amendements proposant l’interdiction du démarchage téléphonique non consenti. Nous nous réjouissons que le Sénat ait adopté un texte qui fait l’unanimité.

Les Français sont excédés de l’invasion permanente de la société d’ultra-consommation dans leur vie privée, que l’on peut assimiler à du harcèlement moral. La République doit garantir à chacun le droit à la tranquillité. Le 27 novembre dernier, notre commission a adopté un amendement en ce sens dans le cadre de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques ; je remercie l’ancienne ministre Olivia Grégoire pour son intervention décisive lors de ce débat. De ce fait, deux textes ont été simultanément adoptés dans le même but, l’un à l’Assemblée nationale, l’autre au Sénat. Celui du Sénat est plus complet et nous remercions le Modem de l’avoir inscrit à l’ordre du jour de sa journée d’initiative parlementaire.

Au vu de l’urgence, nous aurions été ouverts à une adoption conforme. Toutefois, puisque nous n’en prenons pas le chemin, nous ferons le nécessaire pour perfectionner le texte et nous nous opposerons à tout mécanisme de contournement qui ouvrirait une brèche dans l’interdiction du démarchage téléphonique non consenti ; car tout motif de dérogation, aussi justifié soit-il en apparence, sera immédiatement utilisé pour contourner l’interdiction. Enfin, nous militerons pour une date d’entrée en vigueur plus précoce que celle d’août 2026.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Effectivement, sept ans, c’est long ; toutefois, il y a sept ans, il n’y avait pas autant de sollicitations qu’aujourd’hui. On a cru un temps que Bloctel et la loi Naegelen suffiraient. Nous avions discuté ensemble de la possibilité d’une adoption conforme ; j’entends votre volonté de faire appliquer la loi le plus vite possible.

M. Thomas Lam (HOR). Le démarchage téléphonique peut paraître anecdotique au regard des défis auxquels nos concitoyens sont confrontés chaque jour – pouvoir d’achat, dérèglement climatique, sécurité ou emploi –, mais il ne l’est pas. C’est un irritant dont se plaignent un grand nombre d’entre eux. Près de trois Français sur quatre disent être démarchés au moins une fois par semaine sur leur téléphone portable et un tiers tous les jours. Malgré les mesures fortes prises ces dernières années, le cadre législatif n’est pas suffisant pour assurer la tranquillité téléphonique de nos concitoyens. Seuls 9 % des Français sont inscrits sur la liste d’opposition Bloctel ; ce faible chiffre s’explique principalement par la méconnaissance dont le dispositif fait l’objet.

Le texte prévoit un nouveau cadre adapté qui prend en compte les attentes des consommateurs et la nécessité pour les entreprises de continuer à démarcher de potentiels clients. Le groupe Horizons et indépendants salue le travail réalisé au Sénat pour trouver cet équilibre et rendre le texte applicable.

D’un côté, il faut effectivement favoriser la protection et le consentement des consommateurs. De ce point de vue, le texte répond à une attente légitime des Français. En instaurant le principe du consentement préalable, il renforce le droit de choisir de recevoir ou non des sollicitations commerciales. Les sénateurs ont en partie réécrit le texte pour aligner le régime du démarchage téléphonique sur celui du démarchage électronique, ce qui assure à la fois la lisibilité du cadre juridique et la conformité du dispositif au droit européen.

D’un autre côté, le groupe Horizons et indépendants s’attachera à préserver l’équilibre du texte de notre collègue Pierre-Jean Verzelen tel qu’adopté au Sénat, en s’opposant aux amendements qui visent à restreindre davantage les activités de démarchage téléphonique. N’oublions pas que cette activité génère aujourd’hui 56 000 emplois directs en France et que ce chiffre est en augmentation.

Le groupe Horizons et indépendants votera pour le texte et espère que celui-ci conservera l’équilibre trouvé au Sénat.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous voulons en effet aboutir à un texte équilibré. En ce qui concerne le nombre d’emplois concernés, nos chiffres diffèrent. Il ne faut pas non plus oublier l’intelligence artificielle, qui jouera un très grand rôle dans ce type d’activité : nous devons nous projeter d’ici cinq à dix ans.

M. David Taupiac (LIOT). Qui n’a jamais été interrompu au milieu d’un repas, d’une réunion ou d’une soirée entre amis par un appel non sollicité ? Qui ne s’est jamais énervé face à l’insistance intrusive de certains opérateurs ? Le démarchage téléphonique tel qu’il est pratiqué est un fléau.

Ce n’est pas faute d’avoir essayé de l’encadrer. La loi Hamon a posé les premiers jalons, mais elle s’est révélée insuffisante. Elle a été suivie de la loi du 24 juillet 2020, qui durcissait le cadre applicable aux plateformes de démarchage : le dispositif Bloctel devrait permettre aux personnes ne souhaitant pas être sollicitées de ne pas l’être, et les appels ne devraient être émis que du lundi au vendredi de dix à treize heures et de quatorze à vingt heures.

La réalité est bien différente : les sollicitations continuent, sans égard pour nos compatriotes. Comment ne pas être favorable à une nouvelle évolution législative ?

Vous défendez le passage à l’opt-in : les particuliers n’ont plus à s’inscrire sur des listes d’opposition, ce sont les entreprises qui doivent obtenir une autorisation explicite. Nous sommes favorables à cette évolution qui restreindra – à la marge – les sollicitations non désirées.

Mais soyons réalistes : les comportements abusifs, les appels illégaux ne prendront pas fin, d’autant que les centres d’appels sont souvent installés à l’étranger et que nous avons peu de prise sur eux. En revanche, les entreprises qui respectent les règles seront davantage contraintes. Nous nous réjouissons donc que la proposition de loi permette aussi de mieux lutter contre la fraude par un renforcement du bouclier antispam, l’aggravation des sanctions en cas d’abus de faiblesse et la facilitation de la coopération entre la DGCCRF, la CNIL et l’Arcep.

Nous sommes, vous l’avez compris, favorables à cette proposition de loi.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je n’aurais pas mieux dit !

M. André Chassaigne (GDR). Voici un bel exemple de fabrication de la loi : un processus de sédimentation qui, en fonction de la réalité du terrain, améliore peu à peu les décisions prises.

La précédente loi a interdit tout démarchage téléphonique en vue de travaux de rénovation énergétique, secteur où des entreprises peu scrupuleuses profitent des subventions publiques pour abuser des ménages. Les amendes administratives pour démarchage abusif des personnes inscrites sur Bloctel avaient aussi été relevées.

À l’époque, la majorité En marche s’était cependant opposée à la principale innovation du texte – n’autoriser le démarchage téléphonique que des consommateurs ayant donné leur accord explicite à l’utilisation de leurs données personnelles à des fins commerciales – car elle craignait de porter atteinte à la viabilité économique de certains centres d’appels. Nous avions dénoncé cette position, qui revenait à privilégier le business de quelques-uns face à la tranquillité de tous et au droit de chacun à ne pas être importuné à n’importe quelle heure à son domicile.

Sans surprise, le bilan de la loi du 24 juillet 2020 n’a pas été à la hauteur des espoirs suscités – c’est le moins que l’on puisse dire. Les infractions ne se sont pas taries ; les services de la DGCCRF ont confirmé que de nombreux professionnels ne respectaient toujours pas la législation relative à la liste Bloctel, ni l’interdiction de démarchage en vue de rénovations énergétiques. De la même manière, la CNIL a indiqué être régulièrement sollicitée par des plaignants qui recevaient des appels alors même qu’ils avaient exercé leur droit d’opposition ou n’avaient pas donné leur consentement.

Nous nous réjouissons donc que ce texte propose d’instaurer un régime faisant obligation aux professionnels de ne contacter les consommateurs par téléphone à des fins de prospection commerciale qu’après avoir obtenu leur accord explicite. Nous accueillons aussi très favorablement le renforcement des sanctions applicables au délit d’abus de faiblesse lorsque celui-ci est commis à la suite d’un démarchage par téléphone ou télécopie. Ces comportements dont les personnes vulnérables sont les premières victimes doivent être sanctionnés avec la plus grande sévérité.

Il faudra aller plus loin. Je pense en particulier aux 40 000 victimes annuelles de l’abus de faiblesse. Une fois hameçonnée, la victime fait l’objet d’un véritable harcèlement commercial et notre droit n’est pas adapté pour lutter contre ce véritable business. Nous devons réfléchir et mieux protéger nos aînés. Le renversement de la charge de la preuve en matière d’abus de faiblesse ou d’état d’ignorance est une piste ; la présomption d’abus de faiblesse au-delà d’un certain âge en est une autre.

Nous voterons cette proposition de loi.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. J’aime bien l’image de la sédimentation : si nous procédions toujours de cette façon, nous vivrions dans un monde parfait.

Je vous rejoins en ce qui concerne l’importance d’assurer la tranquillité de tous et de protéger les plus vulnérables.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Nous sommes tous d’accord : le démarchage téléphonique abusif est un fléau. Nos concitoyens en ont assez de ces appels incessants, intrusifs et souvent frauduleux.

Mais il ne faudrait pas que cette interdiction nuise aux nombreuses très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) qui respectent les règles et utilisent le démarchage téléphonique de manière responsable, notamment en milieu rural et auprès d’un public fragile : leur disparition mettrait en péril de nombreux emplois directs dans des territoires déjà fragilisés.

De plus, la mesure ne freinera pas totalement les appels indésirables : les centres d’appels se délocalisent déjà à l’étranger, ce qui rend la réglementation inefficace et laisse nos concitoyens exposés à des fraudes. L’enjeu est donc de renforcer les contrôles et les sanctions, tout en soutenant les entreprises respectueuses des normes.

Protégeons nos concitoyens, soutenons nos entreprises locales et agissons fermement contre les pratiques abusives !

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Venant moi-même d’un territoire très rural, je sais qu’il est important de séparer le bon grain de l’ivraie : nous devons arriver à un texte équilibré et durable qui écarte les acteurs responsables du harcèlement actuel et protège les plus vulnérables.

M. Pierre Cordier (DR). En 2018, dans le cadre de la niche du groupe Les Républicains, j’avais eu l’honneur de défendre une proposition de loi dont l’objet était similaire. J’ai relu ce que disaient les parlementaires qui s’étaient opposés à ce texte et je souris des changements d’avis de certains. Je me réjouis que nous examinions cette proposition de loi, et je ne reproche pas au Modem, qui était membre de la majorité parlementaire avec le groupe La République en marche, son attitude de l’époque : très gênés car favorables au texte, ses députés avaient marché sur des œufs, s’étaient abstenus ou étaient sortis au moment du vote… Je salue cependant la constance du Modem, qui avait soutenu la proposition de loi, notamment son article introduisant l’opt-in. Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir remis le sujet à l’ordre du jour.

 M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le Modem marche souvent sur des œufs, parce qu’il cherche la constance, le consensus et l’intérêt général ! Vous avez été un précurseur ; il y a toujours des gens qui pensent avant les autres. Nous sommes contents de vous satisfaire par cette proposition de loi, dont nous espérons qu’elle sera votée à l’unanimité.

Mme Delphine Batho (EcoS). On nous parle de distinguer les appels légaux des appels frauduleux. Mais la limite est floue, et les gens ne savent pas, par exemple, que le démarchage pour proposer des rénovations énergétiques est interdit. Par ailleurs, les moyens de la DGCCRF sont insuffisants et le signalement devrait être plus facile : à qui M. et Mme Tout-le-monde doivent-ils s’adresser ?

On nous parle aussi d’un risque de délocalisation des centres d’appels. Je dis à toutes les entreprises de France : mettez en place des services de relations client qui répondent au téléphone ! Il faut redéployer cette activité vers l’accueil de la vraie demande de la clientèle.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Sur la relation client comme sur les moyens de la DGCCRF, je vous rejoins tout à fait.

M. Thierry Benoit (HOR). Nous avons ici l’illustration parfaite de l’incapacité du législateur à aller au fond des choses. En 2018, on nous avait survendu une proposition de loi Naegelen qui ne réglait rien. Or, nous nourrissons la défiance de nos concitoyens en leur disant que le problème est résolu quand, en réalité, au nom de l’emploi, de l’équilibre, de je ne sais quoi, nous ne sommes pas allés au bout de la démarche.

Monsieur le rapporteur, la présente proposition de loi règle-t-elle le problème une fois pour toutes ?

Le régime des sanctions est-il approprié ? Certains de nos concitoyens sont vulnérables et nous devons nous montrer intraitables.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je ne suis pas devin ! Je ne sais pas si cette proposition de loi améliorera la situation. Je le disais, si nous arrêtons trois appels sur quatre grâce aux garde-fous prévus ici, je la considérerai comme un succès.

Quant aux sanctions, nous y reviendrons dans les amendements.

M. Romain Daubié (Dem). Nous connaissons la rigueur du rapporteur ; ce texte va dans le bon sens.

Le texte doit être équilibré. Certains acteurs économiques ont besoin de démarcher des clients potentiels au téléphone. Nous devons nous interroger sur leur capacité d’adaptation : que se passera-t-il s’ils ouvrent des centres d’appels où le droit français ne s’applique pas ? Quels moyens pourrons-nous allouer à l’Arcep et à la DGCCRF pour faire respecter ce texte ?

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Si le système fonctionne, les moyens nécessaires devront figurer dans le projet de loi de finances pour 2026.

Mme Delphine Batho (EcoS). On nous parle d’activités légitimes qui auraient besoin du démarchage téléphonique. Je rappelle qu’il existe un principe de consentement : non aux appels qui ne sont pas consentis, dans tous les domaines, pour tous les secteurs ! Ce qui est légitime peut continuer, si le consentement a été donné.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. On peut se poser la question des sondages, par exemple.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je parlais de prospection commerciale.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La limite est parfois difficile à établir.

 

 

Article 1er : Suppression du régime d’opt-out et alignement du régime du démarchage téléphonique sur celui des courriels et SMS

 

Amendement CE32 de Mme Géraldine Grangier

Mme Géraldine Grangier (RN). Cet amendement renforce la sécurité juridique du texte sans nuire aux pratiques commerciales légitimes. S’il est indispensable d’encadrer plus strictement les appels à froid, effectués sans consentement ni identification claire et souvent à partir de bases de données revendues, il nous paraît important de distinguer les tiers professionnels des particuliers. En effet, le parrainage par un particulier repose sur une logique bien différente : un client recommande une connaissance à une entreprise, avec son accord. Ce modèle est déjà encadré par la CNIL, qui impose des règles strictes : le parrainé doit être informé dès le premier contact de l’identité du parrain ; ses coordonnées ne peuvent être utilisées qu’une seule fois et ne peuvent pas être conservées.

Nous proposons donc de limiter la contrainte aux intermédiaires professionnels, préservant l’équilibre entre la protection du consommateur et la sauvegarde d’un modèle légitime de recommandation.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je comprends votre argument, mais l’explication que vous venez de donner est bien plus précise que ce que prévoit effectivement le dispositif. Je vous conseille donc de réécrire cet amendement qui, ainsi rédigé, ouvrirait une faille très large dans laquelle des démarcheurs s’engouffreraient. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Si nous adoptons cet amendement, autant ne pas adopter la proposition de loi ! Les démarcheurs prétendraient simplement appeler à titre personnel. Toutes les brèches seront utilisées pour contourner le dispositif.

Par ailleurs, le parrainage est bien un appel commercial qui, comme tel, ne doit pas échapper à la règle du consentement.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE1 de Mme Nathalie Oziol et sous-amendement CE50 de Mme Delphine Batho, amendements CE2 de M. Christophe Bex et CE19 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

M. Laurent Alexandre (LFI-NFP). Le démarchage téléphonique nuit à la tranquillité de tous nos concitoyens : 97 % d’entre eux se déclarent très agacés par cette pratique. Le dispositif Bloctel est un échec. Il est donc nécessaire d’intervenir efficacement.

L’article 1er n’est pas suffisant : la notion de consentement qu’il contient est trop ambiguë. Nous proposons d’en adopter une qui soit conforme à ce que prévoit le RGPD : le consentement doit être univoque, révocable et préalable.

Écrivons une loi simple et claire. Avec cette formulation, aucun consommateur ne pourra plus être démarché par téléphone sans y avoir consenti. Cette disposition est très attendue.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’amendement CE19 propose de calquer strictement la définition du consentement sur celle du RGPD. La rédaction est différente de celle de l’amendement CE1, mais l’objectif est le même.

Le sous-amendement CE50 complète l’amendement CE1, dont l’adoption ferait tomber notre amendement CE19. Nous proposons de préciser que les données recueillies quant au consentement soient en permanence accessibles à la DGCCRF, afin que celle-ci puisse faire facilement son travail.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). L’amendement CE2 est un amendement de repli. Il vise également à garantir que le consentement au démarchage téléphonique soit défini de manière claire, opérationnelle et réellement protectrice des consommatrices et des consommateurs. Sans cela, le dispositif d’opt-in risque d’être inapplicable. Nous nous appuyons sur le RGPD : le consentement doit être libre, spécifique, éclairé et univoque. Il doit résulter d’un acte positif clair, être révocable à tout moment et ne jamais être simplement présumé par les entreprises. En oubliant ces éléments, cette proposition de loi laisse une marge d’interprétation excessive et aboutirait à une nouvelle impasse.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis défavorable au sous-amendement présenté par Mme Batho : je défendrai un amendement similaire, mais à l’article 8.

Il me paraît important d’adopter la définition du consentement présente dans le RGPD, ma préférence allant à la rédaction de l’amendement CE2 qui aligne explicitement notre texte sur le droit européen, offrant une protection supplémentaire au consommateur.

Par ailleurs, l’amendement CE1 supprime la dernière partie de l’alinéa 9, qui précise que ladite exception s’applique aussi aux « produits ou des services afférents ou complémentaires à l’objet du contrat », ce qui n’est pas souhaitable.

Si vous en êtes d’accord, je demande donc le retrait du sous-amendement CE50 et des amendements CE1 et CE19. J’émets un avis favorable à l’amendement CE2.

Le sous-amendement CE50 et l’amendement CE19 sont retirés.

L’amendement CE1 est rejeté.

L’amendement CE2 est adopté.

En conséquence, l’amendement CE20 de Mme Delphine Batho tombe.

 

Amendements identiques CE49 de M. Pascal Lecamp et CE42 de Mme Louise Morel

M. Romain Daubié (Dem). Il s’agit de préciser le régime de preuve.

Mme Delphine Batho (EcoS). Il me semble que ces amendements sont inutiles, puisque nous avons adopté l’amendement CE2, qui renvoie à l’article 7 du RGPD : il est donc déjà prévu que c’est le professionnel qui doit apporter la preuve que le consentement a été donné. Mais il n’est pas grave que la loi se répète.

En revanche, nous rencontrons un problème concret : pour lutter contre la fraude et le contournement de cette loi, il faut faciliter le travail de la DGCCRF. Le texte initial de M. Verzelen prévoyait une sorte d’inverse de Bloctel : une liste nationale du consentement, qui rendait facile la vérification de la réalité du consentement. C’était le sens de l’amendement CE20, qui donnait à la DGCCRF le droit d’accéder en permanence aux données de consentement.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’inversion de la charge de la preuve est une sécurité juridique pour la DGCCRF, ses représentants nous l’ont dit. Je ne pense pas que ces amendements soient inutiles.

La commission adopte les amendements.

 

Amendements identiques CE12 de M. Jean-Pierre Vigier, CE28 de Mme Graziella Melchior et CE35 de Mme Mélanie Thomin, amendement CE3 de Mme Nathalie Oziol (discussion commune)

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Cet amendement a été travaillé avec les entreprises spécialisées dans la vente de produits alimentaires, notamment Argel, que tout le monde connaît et qui acquiert 95 % de ses nouveaux clients par téléphone.

L’interdiction pure et simple de la prospection téléphonique sans consentement préalable condamnerait ces entreprises et ferait disparaître de nombreux emplois dans des territoires ruraux où les possibilités de reconversion sont très limitées. Ces entreprises s’adressent principalement à des seniors en zone rurale, touchés par la fracture numérique ; leur service est d’utilité sociale là où les commerces et les services publics disparaissent. Elles respectent scrupuleusement les règles françaises et européennes ; il ne faut pas les assimiler à ces opérateurs frauduleux qui harcèlent nos concitoyens à longueur de journée. Elles ne vendent que des produits alimentaires, donc des biens de première nécessité.

Cet amendement propose donc de créer une exception alimentaire pour préserver ces entreprises tout en luttant contre les fraudes et les abus.

Mme Graziella Melchior (EPR). Nous partageons tous l’objectif de lutter contre le démarchage téléphonique. Mais le dispositif proposé aura un impact très négatif sur des entreprises qui offrent des services essentiels, en particulier dans les territoires ruraux. Je pense, par exemple, à l’entreprise de livraison alimentaire à domicile Argel, qui compte 270 000 clients, dont 80 % vivent en zone rurale, notamment des seniors qui ne peuvent pas se déplacer et sont touchés par la fracture numérique. Pour rendre ce service, 300 conseillers experts, répartis dans tout le territoire français et formés aux conseils culinaires individualisés, interviennent par téléphone.

Je vous propose donc d’exclure du périmètre de la loi les entreprises de services de livraison alimentaire, qui ont joué un rôle essentiel durant la crise sanitaire : sachons leur rendre un peu de ce qu’elles donnent à nos seniors et aux personnes vulnérables.

Mme Mélanie Thomin (SOC). L’amendement CE35, qui a été élaboré avec le groupe coopératif Even ainsi qu’avec les représentants des salariés de la CFDT Agri-Agro du territoire finistérien, a pour objet d’inclure les entreprises de livraison alimentaire à domicile parmi les exceptions au principe du consentement préalable.

Argel, qui est un acteur majeur de ce secteur, exerce principalement son activité auprès de clients vivant en zone rurale. Pour cette clientèle majoritairement âgée, qui se déplace difficilement et maîtrise mal l’outil numérique, ce service offre un accès de proximité aux courses alimentaires. En outre, la remise en cause du modèle économique de cette entreprise menacerait 800 emplois directs dans nos territoires, dont ceux de 300 téléopérateurs et de 300 livreurs.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). UFC-Que choisir qualifie le démarchage téléphonique de « harcèlement marketing ». La loi actuelle part du principe que, par défaut, les consommateurs et consommatrices souhaitent être harcelés par téléphone. Force est de constater que le dispositif Bloctel, qui leur permet de le refuser, n’est pas efficace. Les exceptions prévues à l’article 1er rendraient le régime de l’opt-in tout aussi inefficient. L’amendement de repli CE3 vise donc à limiter ces exceptions.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. L’amendement CE3 tend à supprimer la fin de l’alinéa 9, où il est précisé que l’interdiction du démarchage téléphonique n’est pas applicable lorsqu’il s’agit « de proposer au consommateur des produits ou des services afférents ou complémentaires à l’objet du contrat en cours ou de nature à améliorer ses performances ou sa qualité ». Or cette mention me paraît nécessaire en ce qu’elle permet de démarcher un consommateur pour lui proposer une offre moins chère ou des solutions plus avantageuses. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Quant aux trois amendements identiques, qui tendent à instaurer une exception pour les entreprises proposant la livraison de produits alimentaires, en particulier en zone rurale, ils me paraissent essentiels dès lors qu’une large partie de la population concernée souffre de la fracture numérique. J’ajoute que ce secteur bénéficie des mêmes dérogations que la presse. Toutefois, par souci de cohérence, je demanderai à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements au profit de leurs amendements CE13, CE29 et CE33, qui ont un objet similaire et que nous examinerons après l’article 1er.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Quel est l’intérêt d’introduire cette mention après l’article 1er plutôt qu’à l’article 1er ?

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le dispositif sera plus lisible.

Les amendements CE12, CE28 et CE35 sont retirés.

M. Thierry Benoit (HOR). Ces amendements soulèvent la question du statut des vendeurs à domicile, notamment de vêtements, dont le démarchage n’a rien à voir avec les escroqueries qui ont cours dans le secteur de l’isolation énergétique, par exemple.

Mme Delphine Batho (EcoS). À chaque fois que l’on crée une exception, même pour de bonnes raisons, on ouvre une brèche dans laquelle s’engouffreront immédiatement les responsables du harcèlement téléphonique actuel. Par ailleurs, une entreprise comme Argel possède un fichier clients de 270 000 personnes. Il lui sera donc très facile de poursuivre ses activités – à laquelle l’élue rurale que je suis ne veut certainement pas mettre fin – soit parce que le démarchage s’effectuera dans le cadre d’un contrat en cours, soit parce que ses clients y auront consenti.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Pour que l’interdiction du démarchage téléphonique soit efficace, nous devons être ambitieux. Si l’on prévoit des exceptions, on risque de rendre la proposition de loi aussi inefficace que la législation actuelle. Il s’agit ici de contraindre et d’interdire. C’est pourquoi j’insiste sur la pertinence de notre amendement CE3.

Mme Louise Morel (Dem). Nous devons être courageux. Depuis plusieurs semaines, M. le rapporteur et moi sommes appelés par une multitude d’acteurs qui nous réclament des dérogations, qui pour l’exception culturelle française, qui pour le monde rural, qui pour la vente de surgelés à domicile… Soit nous prévoyons des exceptions, dont la liste fera l’objet d’un décret, et nous ouvrirons une véritable brèche, car chaque secteur ira négocier avec le Gouvernement ; soit nous affirmons avec fermeté le principe du consentement préalable des consommateurs, consentement qui, je le rappelle, ne devra être recueilli que pour les nouveaux clients. Au demeurant, tous nos concitoyens ne souhaitent pas forcément être appelés, sans avoir donné préalablement leur consentement, pour qu’on leur vende des produits surgelés. Je m’oppose donc aux amendements CE12, CE28 et CE35.

M. Antoine Armand (EPR). Les nombreuses évolutions législatives ou réglementaires passées ont démontré que chaque exception – qu’il s’agisse de l’appel personnel ou de l’exécution du contrat en cours, par exemple – ouvre une brèche, même implicite, dans laquelle les démarcheurs s’engouffrent.

On invoque la sauvegarde de l’emploi et la spécificité des territoires ruraux. Mais l’exception que nous allons examiner après l’article 1er a trait aux denrées alimentaires, et non à la ruralité. Le décret d’application ferait référence à une région administrative, de sorte qu’un habitant du centre de Lyon pourrait être appelé par un livreur de surgelés d’Ambérieu-en-Bugey. En multipliant les exceptions – qui, en outre, seront précisées par décret et échapperont, de ce fait, au contrôle du Parlement –, nous commettrions une erreur, même si l’enjeu de l’emploi mérite d’être mentionné. Il y va de l’efficacité de la loi. Nous ne pouvons pas adopter une nouvelle loi sur le démarchage téléphonique tous les deux ans : nous devons poser un principe et nous y tenir.

M. Didier Le Gac (EPR). Il est vrai, madame Batho, que chaque entreprise possède un fichier de ses clients. Mais Argel, par exemple, doit, pour maintenir son activité, renouveler celui-ci à hauteur de 15 % chaque année, car sa clientèle est composée de personnes âgées qui, pour certaines, décèdent ou partent en maison de retraite. Par ailleurs, si nos concitoyens sont excédés par les appels qu’ils reçoivent de plateformes situées à l’étranger, ils ont une perception complètement différente de ceux qui proviennent de leur région ou de leur département.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je vous remercie pour ce débat très enrichissant. Moi-même, je m’interroge. Mes petits voisins de 94 et 95 ans, que je passe voir chaque matin, utilisent ce système de livraison à domicile. Or, ils n’ont aucun moyen de déclarer leur consentement. Je voudrais donc être assuré qu’ils pourront toujours être démarchés une fois que leur contrat aura expiré. Pour le reste, je suis d’accord avec Mme Morel, M. Armand et Mme Batho : si nous faisons une loi, autant qu’elle s’applique uniformément à tous et qu’on en finisse avec les exceptions.

Je me suis engagé à approuver les amendements CE13, CE29 et CE33. Je comprends également l’argument de M. Benoit. J’entends les uns et les autres ; je souhaiterais que leurs positions puissent être conciliées simplement dans la loi. Manifestement, ce n’est pas possible. Peut-être devons-nous faire en sorte, pour préserver la portée du texte, que le filtrage soit le plus strict possible.

La commission rejette l’amendement CE3.

 

Amendement CE21 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). Cet amendement, issu d’une proposition de l’UFC-Que choisir, tend à resserrer les mailles du filet en précisant que la sollicitation autorisée dans le cadre d’un contrat en cours doit avoir un rapport direct avec l’objet dudit contrat.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis également favorable à une restriction de l’exception client. La démarche ne doit, en effet, être autorisée que si elle présente un rapport direct avec l’objet d’un contrat en cours d’exécution.

Toutefois, l’adoption de votre amendement aurait pour conséquence de supprimer la fin de l’alinéa 9, où il est précisé que cette exception s’applique aux produits ou aux services afférents ou complémentaires à l’objet du contrat. Or, cette mention me paraît nécessaire, car elle permet au consommateur d’être démarché pour se voir proposer une offre moins chère ou plus avantageuse. Je suis donc défavorable à cet amendement, auquel je préfère mon amendement CE47, qui tend uniquement à préciser que le rapport avec le contrat doit être direct.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je remercie le rapporteur d’avoir déposé l’amendement CE47, pour lequel nous voterons si le nôtre n’est pas adopté.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’amendement CE47 de M. Pascal Lecamp, rapporteur.

 

Amendement CE23 de Mme Valérie Rossi

Mme Valérie Rossi (SOC). Il s’agit de supprimer la précision relative aux sollicitations ayant un rapport avec le contrat en cours, celles-ci ayant plutôt pour effet d’étendre le champ de l’exception. En effet, une part substantielle du démarchage porte sur ces offres connexes ou de remplacement, de sorte que leur autorisation limiterait la portée du texte.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Défavorable, pour les raisons exposées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE22 de Mme Valérie Rossi

Mme Valérie Rossi (SOC). Je le retire au profit de l’amendement CE33 de Mme Thomin.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE10 de M. Pierre Meurin

M. Pierre Meurin (RN). L’intention des auteurs du texte est louable : le démarchage téléphonique pourrit la vie de l’ensemble de nos concitoyens. Toutefois, on ne peut pas assimiler le commerçant local qui informe un ancien client d’une promotion aux grandes centrales de démarchage téléphonique situées à l’étranger. Je propose donc que l’interdiction du démarchage ne s’applique pas aux commerçants-distributeurs installés dans un rayon de 10 kilomètres autour du lieu de résidence du consommateur. Il s’agit de défendre David contre Goliath, le petit commerçant local contre les grandes structures hors sol.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Il paraît légitime de protéger les artisans locaux, mais l’amendement ouvrirait une brèche dans laquelle pourraient s’engouffrer les démarcheurs. Ainsi, un commerçant-distributeur implanté au cœur de Paris pourrait démarcher l’ensemble des habitants de la capitale. La mesure serait inopérante et contraire à l’objectif que vous poursuivez. Avis défavorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Les amendements du Rassemblement national tendent, de fait, à vider le texte de sa substance. En l’espèce, on permettrait à Amazon ou à n’importe quelle autre grande enseigne de démarcher les consommateurs vivant dans un rayon de 10 kilomètres autour de leurs entrepôts. Le démarchage téléphonique ne serait absolument pas interdit : ce serait open bar !

M. Pierre Meurin (RN). Inutile d’en faire des tonnes à propos de cet amendement, qui pourrait être considéré comme un amendement d’appel. Peut-être est-il mal rédigé, mais j’ai le sentiment, monsieur le rapporteur, que vous êtes d’accord sur le principe, à savoir la protection des commerces de proximité. On pourrait donc y retravailler en vue de la séance publique, en limitant éventuellement la taille de l’entreprise – et peu importe que l’amendement soit signé ou non par notre groupe.

M. Thierry Benoit (HOR). Une entreprise peut très bien obtenir auprès d’un client les coordonnées d’un potentiel nouveau client dont elle aurait préalablement vérifié le consentement. C’est ainsi que procédaient, il y a trente ou quarante ans, les entreprises de vente à domicile qui employaient des personnes ayant le statut de voyageur, représentant et placier (VRP) ou de vendeur à domicile.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous devons rester concentrés sur l’objet du texte : l’interdiction du démarchage téléphonique abusif. Nous avons tous envie de protéger nos artisans locaux, mais je ne vois pas comment le dispositif proposé pourrait être opérant.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE15 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). La proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, dont M. Cazenave était le rapporteur et qui est en cours de navette, vise notamment à étendre le régime d’interdiction stricte du démarchage téléphonique aux offres de prestations de service et aux travaux d’adaptation au vieillissement et au handicap. Nous proposons de reprendre cette disposition de manière à regrouper les différentes modifications apportées à l’article L. 223-1 du code de la consommation en vue de restreindre le démarchage téléphonique.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement, qui créerait une nouvelle interdiction absolue de démarchage. En effet, dès lors que nous instaurons un régime reposant sur le consentement des consommateurs, il me paraît inutile de créer des interdictions sectorielles.

M. Thomas Cazenave (EPR). La question qui se pose est celle de savoir si l’on maintient, en sus du régime d’opt-in, l’interdiction stricte du démarchage téléphonique s’agissant des dispositifs aidés : compte personnel de formation (CPF), MaPrimeRénov’… J’y suis, pour ma part, favorable, mais il faut que, d’ici à la séance publique, nous nous assurions de sa compatibilité avec la jurisprudence récente.

Mme Louise Morel (Dem). Si nous adoptons le régime du consentement préalable, je ne vois pas en quoi il serait nécessaire de maintenir une interdiction stricte dans certains secteurs. Par ailleurs, une jurisprudence administrative récente soulève la question de la concurrence déloyale. De fait, ce n’est pas parce que des abus ont été commis dans le secteur des travaux de rénovation énergétique que toutes les entreprises de ce secteur pratiquent un démarchage abusif.

Mme Delphine Batho (EcoS). En fait, il s’agit, dans cette proposition de loi, de compléter par un régime d’opt-in le régime d’interdiction stricte que nous avons adopté pour le démarchage concernant les dispositifs aidés, et sur lequel nous ne saurions revenir. D’autant que des procédures de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont en cours.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis sensible à l’argument selon lequel certains acteurs pratiquent le démarchage pour obtenir ou détourner de l’argent public, ce qu’il nous appartient, en tant que législateur, de prévenir. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE34 de Mme Géraldine Grangier

Mme Géraldine Grangier (RN). Il vise à rétablir une distinction essentielle entre appels non sollicités, qui doivent être strictement encadrés, et appels sollicités, qui répondent à une démarche volontaire du consommateur. L’alinéa 12, tel qu’il est rédigé, impose des restrictions uniformes à tous les appels commerciaux sans tenir compte de leur nature.

Or, une telle généralisation risque d’avoir des effets contre-productifs. En supprimant l’alinéa 12, nous rétablissons une approche équilibrée. Les restrictions strictes s’appliqueront uniquement aux appels non sollicités, ce qui garantira une protection efficace des consommateurs contre les abus, tout en préservant la liberté de chacun d’interagir avec les entreprises de son choix.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Cet amendement vise à la précision rédactionnelle de l’article L. 223-1 du code de la consommation. Nous avons travaillé avec plusieurs acteurs à une rédaction plus fine, prévue à l’amendement CE48, qui résout le problème que vous soulevez. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement CE48 de M. Pascal Lecamp, rapporteur.

 

Amendement CE17 de Mme Delphine Batho

Mme Delphine Batho (EcoS). S’agissant des appels passés dans le cadre d’un contrat en cours, donc consentis, nous souhaitons resserrer la maille horaire. Nous avons été profondément choqués par le décret du 13 octobre 2022 relatif à l’encadrement des jours, horaires et fréquence des appels téléphoniques à des fins de prospection commerciale non-sollicitée, qui autorisait les appels téléphoniques jusqu’à vingt heures. Notre position est maximaliste à l’opposé.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Avis défavorable. Nous basculons dans le régime de l’opt-in, qui réduit drastiquement le démarchage téléphonique – je défendrai même un amendement permettant à un consommateur d’être rappelé un dimanche à l’heure de son choix. Dans ces conditions, il est inutile de restreindre davantage la possibilité pour les démarcheurs de pratiquer leur activité.

Mme Delphine Batho (EcoS). Les appels que je vise sont ceux reçus dans le cadre d’un contrat en cours ou d’un démarchage consenti. Les horaires prévus par le décret précité sont très larges ; c’est contourner la volonté du législateur. Nous devons guider davantage la rédaction du décret.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La loi du 24 juillet 2020 prévoit des mesures en matière d’encadrement des horaires.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements CE24 de Mme Valérie Rossi et CE16 de Mme Delphine Batho (discussion commune)

Mme Valérie Rossi (SOC). Il s’agit d’avancer du 11 août 2026 au 1er janvier 2026 la date d’entrée en vigueur de l’article 1er. Techniquement, rien n’y fait obstacle.

Mme Delphine Batho (EcoS). L’adoption de l’amendement CE16 permettrait d’être efficace dès l’été prochain.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je partage la volonté d’avancer l’entrée en vigueur de l’article 1er. J’émets un avis favorable à l’amendement CE24, qui offre un bon compromis entre l’amendement CE16, dont je suggère le retrait, et la date d’expiration de la concession Bloctel, sur laquelle nous ne devrions pas trop anticiper puisque la concession a été financée par de l’argent public.

L’amendement CE16 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE24.

 

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

 

Après l’article 1er

 

Amendement CE11 de M. Didier Le Gac, amendements identiques CE13 de M. Jean-Pierre Vigier, CE29 de Mme Graziella Melchior et CE33 de Mme Mélanie Thomin (discussion commune)

M. Didier Le Gac (EPR). Il s’agit d’introduire une nouvelle exception à l’interdiction de prospection commerciale téléphonique si celle-ci est réalisée dans la région ou le département – un décret en déciderait – où vivent les personnes visées. Ce qui exaspère nos concitoyens, ce sont les appels provenant de plateformes externalisées, souvent basées à l’étranger.

Plusieurs députés bretons se sont exprimés ; tous connaissent une entreprise de la région dont la prospection commerciale est prise en charge par des salariés qui en ont la culture et en connaissent les produits, et n’a rien à voir avec le démarchage téléphonique sauvage de personnes peu scrupuleuses appelant de l’étranger et ignorant tout des produits qu’elles vantent. Certains de ces salariés, inquiets, nous ont contactés. Ils aiment leur métier – souvent dénigré – et y ont été formés.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Nous en avons déjà parlé : l’amendement CE13 vise à introduire une exception au profit des denrées alimentaires. Les personnes qui les proposent ne se livrent à aucun abus, mais fournissent un véritable service à l’échelle d’un territoire, en particulier dans les territoires ruraux. Les personnes qui ne peuvent pas se déplacer, notamment les personnes âgées, sont demandeuses.

Ce service est assimilable à une action d’aménagement du territoire ou à un service social. Il n’y en a pas d’autre ; il assure des emplois dans des territoires fragiles qui en ont bien besoin. Je ne vois que des avantages à maintenir ce service de qualité et de proximité.

Mme Graziella Melchior (EPR). Dans les territoires ruraux, les personnes qui ne peuvent pas se déplacer sont demandeuses de livraisons alimentaires. Les entreprises qui œuvrent dans ce domaine offrent un service de proximité et de qualité. Elles servent le bien public. Il faut les soutenir.

Mme Mélanie Thomin (SOC). Nous partageons tous l’exaspération des Français. Il importe d’assurer l’effectivité de la loi. Les opérateurs offshore que nous dénonçons sont délocalisés et pratiquent un démarchage au caractère abusif avéré. Faire bénéficier la livraison alimentaire à domicile d’une exception, c’est aussi assurer le respect des modes de vie et des pratiques locaux.

Aux dires des entreprises comme Argel, il est impossible de changer de modèle à court terme. Si la loi est adoptée telle quelle, sans contrepartie immédiate pour les entreprises locales, elles auront du mal à s’adapter. Or, elles offrent un véritable service à la clientèle âgée des zones rurales.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suggère le retrait de l’amendement CE11 au profit des amendements identiques CE13, CE29 et CE33, auxquels je me suis engagé à donner un avis favorable.

Mme Delphine Batho (EcoS). Coca-Cola, Friskies et autres marques de l’agroalimentaire auront donc le droit d’appeler partout en France.

Il existe pourtant des solutions juridiques pour que les entreprises dont il n’est pas question de menacer l’activité soient dans les clous. Ainsi, depuis l’entrée en vigueur du RGPD, nous devons donner notre consentement au stockage de certaines données. Cela n’a rien d’insurmontable. Les entreprises que nous défendons ne couleront pas, leurs emplois ne seront pas supprimés.

Tels qu’ils sont rédigés, les amendements ouvrent la porte à des pratiques diamétralement opposées à celles que défendent leurs auteurs.

Mme Louise Morel (Dem). Dans les zones de montagne telles que celle où je suis élue, les services de proximité sont généralement connus de la population. Ils sont à quelques kilomètres, dans la ville centre. Les personnes âgées y font leurs courses, ce qui offre l’occasion de recueillir leur consentement.

Nous ne pouvons pas, sous prétexte de les protéger, autoriser à appeler tout client potentiel. Vivre en milieu rural et être attaché au commerce de proximité n’implique pas que l’on accepte d’être démarché sans son consentement pour son fleuriste, son garagiste ou son boulanger. Voter ces amendements serait une erreur.

M. Thierry Benoit (HOR). L’entreprise Les Magasins bleus, près de Rennes, vend des vêtements à domicile. Cette entreprise sérieuse a pignon sur rue ; ses vendeurs connaissent leurs produits comme les vendeurs de surgelés à domicile les leurs.

Monsieur le rapporteur, comment voter un amendement permettant de vendre par téléphone des produits alimentaires et des croquettes pour animaux de compagnie, mais pas des vêtements, au détriment d’entreprises de nos territoires aux caractéristiques rigoureusement identiques à celles des entreprises visées ici ? Nous devons parvenir, d’ici l’examen du texte en séance publique, à une rédaction satisfaisante centrée sur la question fondamentale, celle du consentement.

M. Vincent Rolland (DR). Nous soutenons les amendements identiques CE13, CE29 et CE33. Tous les démarchages ne sont pas de même nature. La précision apportée est frappée au coin du bon sens. Si la rédaction des amendements peut être améliorée d’ici l’examen du texte en séance publique, nous y sommes favorables sur le fond.

M. Julien Dive (DR). Vous êtes tous, chers collègues, des consommateurs potentiels en plus d’être des citoyens. Vous avez donc tous une expérience certaine en matière de démarchage téléphonique pour avoir été enquiquinés par cette pratique, comme la plupart de nos concitoyens.

Parmi les appels que vous avez reçus, quelle est la proportion de ceux visant à vous vendre du Coca-Cola ou des Friskies ? Lorsque l’on est démarché, c’est toujours pour des formations, des forfaits de téléphonie mobile ou des contrats énergétiques, et jamais pour autre chose. J’ignore si les auditions menées par M. le rapporteur permettent de procéder à une évaluation statistique de ce que j’avance, mais je tiens à ce que la loi régule sans excès d’esprit liberticide.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Nous pourrions travailler à un sous-amendement permettant de mieux encadrer et cibler les entreprises de proximité.

La commission rejette l’amendement CE11.

Elle adopte les amendements identiques CE13, CE29 et CE33.

 

Amendement CE31 de M. Pierre Meurin

Mme Géraldine Grangier (RN). Il vise à obtenir un rapport concernant la possibilité d’ouvrir une plateforme unique de dénonciation citoyenne des personnes continuant à réaliser des démarchages téléphoniques en dépit de leur interdiction.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Si l’objectif de renforcer l’effectivité de l’interdiction du démarchage téléphonique est tout à fait louable, l’ouverture d’une plateforme de dénonciation citoyenne soulève plusieurs réserves. Son efficacité est incertaine. Un tel outil pourrait poser problème en matière de prospection des données personnelles et comporte un risque d’abus, même placé sous l’égide d’une autorité administrative indépendante.

Par ailleurs, l’opportunité d’un tel mécanisme doit être appréciée à l’aune des moyens nécessaires pour assurer son bon fonctionnement. Je préfère que nous nous contentions, dans un premier temps, d’évaluer l’efficacité du dispositif que nous proposons. Enfin, dès lors que nous ambitionnons de mettre un terme au démarchage téléphonique abusif, l’intérêt d’une plateforme de dénonciation disparaît. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 2 : Interdiction de la subordination d’un acte de vente à l’acceptation du démarchage téléphonique

 

Mme Delphine Batho (EcoS). L’article 2 est issu de l’adoption à l’unanimité, par le Sénat, d’un amendement du groupe Écologiste-Solidarité et Territoires. Il vise à proscrire les clauses abusives consistant à obtenir le consentement au démarchage téléphonique par des voies détournées, par exemple en en faisant dépendre certains services.

 

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

 

Article 3 : Renforcement des sanctions en cas d’abus de faiblesse lié au démarchage

 

Amendement CE5 de Mme Nathalie Oziol

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Il vise à supprimer l’article 3, qui prévoit une surenchère pénale qui nous semble inutile et inefficace, au détriment du renforcement des moyens de contrôle des principales autorités de lutte contre le démarchage téléphonique abusif. Les sanctions en cas d’abus de faiblesse nous semblent suffisantes.

Il serait préférable de s’atteler à doter l’interdiction prévue par la proposition de loi d’une réelle force exécutoire, grâce à une définition du consentement ambitieuse, à une extension du texte à toute forme de démarchage et à un encadrement strict des heures et des jours auxquels le démarchage téléphonique consenti peut avoir lieu.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. La suppression de cet article priverait la lutte contre le démarchage abusif d’un levier supplémentaire, celui des sanctions, alors même que les sanctions administratives existantes sont insuffisamment dissuasives. Au demeurant, renforcer les moyens de contrôle n’exclut en rien l’alourdissement des sanctions pour endiguer les pratiques frauduleuses. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 3 non modifié.

 

 

Article 4 : Encadrement des horaires et des fréquences du démarchage

 

 

Amendements identiques CE18 de Mme Delphine Batho, CE25 de Mme Valérie Rossi et CE41 de Mme Louise Morel, amendement CE6 de M. Christophe Bex (discussion commune)

Mme Delphine Batho (EcoS). Je retire l’amendement CE18, l’amendement CE17 n’ayant pas été adopté.

Mme Valérie Rossi (SOC). L’amendement CE25 vise à supprimer les précisions apportées aux alinéas 3 à 5 sur la fréquence des appels téléphoniques et des amplitudes horaires, qui, à nos yeux, relèvent du domaine réglementaire. Il conviendrait que le Gouvernement durcisse le cadre réglementaire en vigueur, par cohérence avec la volonté exprimée par les sénateurs, que nous partageons dans son principe. Sur le fond, si la situation actuelle est clairement insatisfaisante, la modification proposée semble quelque peu excessive, plus encore dans le cadre d’un basculement vers un système d’opt-in.

Mme Louise Morel (Dem). L’amendement CE41 vise à supprimer les alinéas 3 à 5. La nécessité d’encadrer plus strictement les horaires du démarchage téléphonique m’échappe, dès lors que cette forme de sollicitation commerciale est licite.

L’article 1er de la proposition de loi dispose qu’« on entend par consentement toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à des fins de prospection commerciale par voie téléphonique ». Cette définition offre un cadre satisfaisant.

M. Christophe Bex (LFI-NFP). L’amendement CE6 vise à encadrer strictement les horaires et la fréquence du démarchage téléphonique, même s’il a été consenti. La fixation des règles par décret ne constitue pas une garantie suffisante pour protéger les consommateurs et consommatrices.

Nous proposons d’inscrire dans la loi l’interdiction du démarchage les week-ends et jours fériés, ainsi que la réduction des plages horaires autorisées, qui s’étendraient désormais de dix heures à treize heures et de quatorze heures à dix-sept heures au lieu de vingt heures. Par ailleurs, nous limitons la fréquence des appels à deux maximum sur une période de quatre-vingt-dix jours, contre soixante actuellement.

Ces mesures garantissent un vrai droit à la tranquillité et à la déconnexion pour les consommateurs et pour les salariés. Le démarchage téléphonique reste une intrusion dans la sphère privée et une pression commerciale constante, qui ne sert ni les consommateurs et les consommatrices, ni la transition écologique.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Les amendements CE25 et CE41 permettent de revenir sur la restriction accrue des fréquences et horaires d’appel. Cette solution est cohérente avec le dispositif de l’article 1er, qui fait passer le régime du démarchage téléphonique en opt-in. Dans ces conditions, il n’y a pas de raison d’être plus sévère que le régime actuel, puisque le démarcheur ne contactera le consommateur qu’après avoir recueilli son consentement. J’émets un avis favorable à ces amendements.

Avis défavorable à l’amendement CE6. La réduction drastique du démarchage téléphonique due à l’introduction d’un régime d’opt-in rend inutile toute restriction supplémentaire de cette activité.

L’amendement CE18 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CE25 et CE41.

En conséquence, les amendements CE6 et CE7 tombent.

 

La commission adopte l’article 4 modifié.

 

 

Article 5 : Instauration d’un délai avant l’acceptation d’une offre issue du démarchage

 

Amendement CE45 de Mme Louise Morel

Mme Louise Morel (Dem). Il vise à supprimer l’article 5, introduit par le Sénat, fixant un délai minimal de vingt-quatre heures avant que le consommateur ne signe l’offre que lui a adressée le professionnel, sur papier ou tout autre support durable, pour s’engager à la suite d’un démarchage téléphonique. Légistiquement, cet article est fragile. Il contrevient à une disposition d’une directive européenne protégeant les consommateurs en la matière. La coexistence de deux dispositions distinctes en la matière n’est pas souhaitable.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Avis favorable. Les États membres ne peuvent adopter ou maintenir des dispositions nationales divergentes de la directive 2011/83/UE dans le domaine qu’elle coordonne dès lors qu’elle ne le prévoit pas expressément.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je suis favorable au maintien de l’article 5. André Chassaigne a rappelé la question des abus de faiblesse. Nous avons renforcé les sanctions qu’ils entraînent, mais nous n’avons pas résolu le problème des conditions dans lesquelles sont souscrits les contrats ; nous devons être plus protecteurs. Par ailleurs, une directive n’est pas un règlement.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Fidèle au tropisme européen de mon groupe, je suis sceptique vis-à-vis de tout écart par rapport aux textes européens et demeure favorable à la suppression de l’article 5.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE26 de Mme Valérie Rossi tombe et l’article 5 est supprimé.

 

 

Article 6 : Mise en place d’un filtre antispams SMS

 

La commission adopte l’article 6 non modifié.

 

 

Article 7 : Alignement du régime de publication des numéros fixes et mobiles dans les annuaires publics

 

La commission adopte l’article 7 non modifié.

 

 

Article 8 : Facilitation du partage d’informations entre les autorités de contrôle pour lutter contre le démarchage téléphonique abusif

Amendements identiques CE46 de M. Pascal Lecamp et CE43 de Mme Louise Morel

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Le I. de l’article 8 de la proposition de loi autorise les agents de la DGCCRF, de l’Arcep et de la CNIL à échanger toute information et tout document obtenus dans le cadre de leurs missions respectives et nécessaires à la recherche et à la constatation des infractions et manquements aux dispositions du code de la consommation.

Les responsables de la DGCCRF que nous avons auditionnés ont souhaité que la communication des informations entre ces trois entités à des fins d’efficacité de l’action de régulation publique soit améliorée. Tel est l’objet de l’article 8.

Mme Delphine Batho (EcoS). Favorable à l’amendement, je le suis aussi à l’exploration de ses aspects opérationnels d’ici l’examen du texte en séance publique. Il ne faut pas que la possibilité offerte à la DGCCRF exige d’elle un travail fastidieux. Si un appel non consenti est porté à son attention, il faut qu’elle puisse procéder aux vérifications qui s’imposent de façon simple et rapide, sans que l’efficacité de la lutte contre le démarchage illégal en pâtisse.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis d’accord. Il faudra revenir vers la DGCCRF pour savoir ce qu’il en est.

La commission adopte les amendements.

 

Amendement CE8 de Mme Nathalie Oziol

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). Aucune mesure d’encadrement ou d’interdiction ne saurait être efficace sans moyens dédiés aux autorités de contrôle. La CNIL est confrontée à d’importantes difficultés dans la conduite de ses investigations parce que certains opérateurs téléphoniques invoquent le secret professionnel pour s’opposer à la communication de l’identité des sociétés de démarchage, en infraction au droit à la protection des données. Cet article ne vise qu’à faciliter les échanges entre les entités de contrôle, alors que l’un des principaux problèmes est l’insuffisance de leurs moyens financiers et humains. Nous proposons donc de renforcer ces moyens.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Si je partage totalement votre constat, je ne pense pas qu’il faille inscrire dans un texte de loi un vœu sans réel effet juridique. Je préfère la solution pragmatique consistant à se retourner vers les trois entités concernées et à accroître les prérogatives de la DGCCRF. Avis défavorable.

Mme Nathalie Oziol (LFI-NFP). En réponse à mon amendement à l’article 3, vous avez déclaré que renforcer les moyens et alourdir les sanctions ne s’excluaient pas. Nous vous proposons précisément d’ancrer dans la loi le déploiement de moyens humains et financiers permettant de garantir l’application de votre article. C’est le moment de l’écrire noir sur blanc.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. C’est un vœu que vous souhaitez inscrire dans la loi, non une garantie. Je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 8 modifié.

 

 

Article 9 : Exception à l’obligation d’utilisation de numéros dédiés pour les sondages

 

Amendements de suppression CE14 de Mme Delphine Batho, CE27 de Mme Valérie Rossi et CE44 de Mme Louise Morel

Mme Delphine Batho (EcoS). Nous craignons que l’article 9 n’ouvre la voie à du démarchage téléphonique illégal en affaiblissant les outils techniques qui permettent à nombre d’opérateurs de proposer un affichage sur les smartphones signalant qu’un appel entrant est probablement indésirable.

Mme Valérie Rossi (SOC). L’article 9 ne prévoit aucune distinction entre ce qui pourrait relever d’une étude statistique d’intérêt public, de type Insee, et une enquête de toute autre nature. Il permettrait ainsi la réalisation d’enquêtes d’opinion et de sondages – souvent à l’aide de robots – particulièrement honnis par nos concitoyens. Cela restreindrait la portée du texte.

M. Romain Daubié (Dem). Les acteurs économiques étant toujours prêts à s’adapter à un nouveau cadre législatif, nous craignons que l’article 9 ne suscite la création de sociétés ad hoc dont l’objet social serait la réalisation de sondages et qui multiplieraient ensuite les appels.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis favorable à ces amendements, la rédaction actuelle de l’article pouvant favoriser l’apparition de nouvelles pratiques frauduleuses : des démarcheurs posant quelques questions en début d’appel, en feignant de chercher à réaliser des statistiques ou des sondages, se trouveraient exonérés de l’obligation d’utiliser des NPV (numéros polyvalents vérifiés). Certes, j’ai été sensible à l’argument des sondeurs qui avaient été chargés par l’État du recensement agricole, ce qui implique de contacter 400 000 exploitations. Mais même si cela doit augmenter les coûts, je privilégie la tranquillité du consommateur plutôt que l’intérêt des sondeurs.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 9 est supprimé.

 

 

Après l’article 9

 

Amendement CE9 de M. Christophe Bex

M. Christophe Bex (LFI-NFP). Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport évaluant les effets de cette réforme sur les conditions de travail des télévendeurs et téléprospecteurs. Ce secteur est marqué par des conditions de travail particulièrement pénibles – cadences infernales, objectifs de performance oppressants, surveillance constante, stress intense, précarité structurelle – et même alarmantes dans le télémarketing – fatigue, stress chronique. Ces maux touchent en majorité des femmes et des jeunes précaires, surreprésentés dans ces emplois. À cela s’ajoute beaucoup de sous-traitance, souvent à l’étranger, aggravant l’insécurité des travailleurs. Alors que cette proposition de loi pourrait bouleverser le secteur, il est impératif d’évaluer l’impact de ces transformations et de s’assurer que les droits des salariés sont mieux protégés.

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Votre amendement soulève le sujet essentiel de la pénibilité du métier du démarchage par téléphone et de l’amélioration des conditions de travail des télévendeurs. Je me demande toutefois si cette question doit être abordée dans le présent texte, qui porte spécifiquement sur la protection du consommateur contre le démarchage abusif. En adoptant votre amendement, nous risquons de déséquilibrer l’économie générale du texte. Toutefois, au vu de l’importance du sujet, je m’en remets à votre sagesse.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

M. Pascal Lecamp, rapporteur. Je suis très heureux de constater que nous sommes proches de l’unanimité sur ce texte, même si je suis un peu déçu qu’il y ait quelques voix contre. J’espère que nous parviendrons, avec quelques aménagements, à obtenir l’unanimité en séance.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Madame Batho, je ne peux pas vous redonner la parole.

Mme Delphine Batho (EcoS). Je n’ai pas demandé d’explication de vote, mais j’aurais pu le faire, car elles sont de droit.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Pas en commission. Je vous l’autorise tout à fait exceptionnellement, mais je vous assure qu’il n’y a pas d’explications de vote en commission.

Mme Delphine Batho (EcoS). Traditionnellement, si, et je crois avoir un peu d’expérience.

Mme la présidente Aurélie Trouvé. Non, je vous l’assure. Il est d’usage qu’il n’y ait pas d’explication de vote en commission sur une proposition de loi. Néanmoins, je vous laisse la parole ; c’est tout à fait exceptionnel.

Mme Delphine Batho (EcoS). Le texte est inscrit à l’ordre du jour de la journée d’initiative parlementaire du Modem le 6 mars. Nous savons ce que représente, pour chaque groupe, la gestion d’une journée d’initiative parlementaire et du temps qui y est consacré à chaque texte. Nous sommes donc demandeurs d’échanges entre les chefs de file des différents groupes avant le dépôt des amendements pour que l’on ne fasse pas durer artificiellement les débats en séance.

 

 

 

 

 


   liste des personnes auditionnées

Auditions :

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) :

– M. Philippe Guillermin, chef du bureau Droit de la consommation – Bureau 3A.

 M. Rémi Stefanini, délégué à la transition numérique de la DGCCRF.

UFC Que Choisir* :

 Mme Marie-Amandine Stévenin, Présidente de l’UFC-Que Choisir

– M. Benjamin Recher, chargé des relations institutionnelles France de l’UFC Que-Choisir

Contributions écrites :

M. Pierre Weinstadt, avocat au Barreau de Paris, partenaire agréé de la Fédération de la Vente Directe, représentant des entreprises du secteur de la rénovation énergétique et de la collecte de données personnelles.

Fédération française des télécoms*

France assureurs*

Association française de la relation client (AFRC)*

Syndicat des professionnels des centres de contacts (SP2C)*

Fédération Syntec*

La Fédération Nationale de l'Information d'Entreprise, de la Gestion de Créances et de l'Enquête Civile (FIGEC)*

Hipto

Verisure*

Engie*

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques.

([2]) D’après l’UFC-Que Choisir, le démarchage sur téléphone fixe ne semble plus, pour sa part, autant présente qu’avant : 58 % des Français disent être dérangés sur leur fixe chaque semaine et 41 % chaque jour.

([3]) Article L. 223-1 du code de la consommation.

([4]) L. 223-2 du code de la consommation.

([5]) Question écrite n° 01153 - 17e législature.

([6]) Question écrite n° 7679 – 15e législature ; Question écrite n° 3865 – 17e législature.

([7]) Données « Consoprotec ».

([8]) Alors même que, dans la loi, les éventuels manquements sont passibles d’une amende administrative de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale, assortie d’une mesure de publicité.

([9]) Il est possible de faire un signalement pour démarchage téléphonique abusif sur la plateforme « SignalConso ».

([10]) L’« opt-in » et l’« opt-out » désignent deux régimes de consentement en matière de collecte de données et de communication commerciale : avec l’opt-in, l’utilisateur doit donner son accord explicite avant toute sollicitation ; avec l’opt-out, son consentement est présumé, mais il peut manifester son refus a posteriori. L’opt-in privilégie la protection proactive du consommateur, tandis que l’opt-out repose sur une démarche de désengagement volontaire.

([11])  En ce sens, la nouvelle rédaction proposée s’articule mieux avec le droit d’opposition prévue par le RGPD, qui n’est pas borné dans le temps.