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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 février 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 860),
DE M. PHILIPPE BOLO
sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques,
PAR M. Philippe BOLO,
Député
La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL M. Thierry SOTHER, vice-présidents ; MM. Henri ALFANDARI, Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, David AMIEL, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Philippe BOLO, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, MM. Pierre CAZENEUVE, François-Xavier CECCOLI, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Stéphane DELAUTRETTE, Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, M. Bastien LACHAUD, Mme Hélène LAPORTE, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Alexandre LOUBET, Sylvain MAILLARD, Mathieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Emmanuel MAUREL, Mme Yaël MENACHÉ, M. Maxime MICHELET, Mmes Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, M. Pierre PRIBETICH, Mme Isabelle RAUCH, M. Alexandre SABATOU, M. Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLÉ-POLIAN, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.
SOMMAIRE
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Pages
1. Définition des granulés plastiques industriels
2. Étapes de production des GPI
3. Maillons de la chaîne de valeur occasionnant des pertes accidentelles
4. Une variété d’impacts néfastes
a. S’agissant de l’impact environnemental
b. S’agissant de l’impact sanitaire
c. S’agissant de l’impact climatique
d. S’agissant de l’impact économique
1. La classification des GPI est imprécise en droit international
2. Les négociations pour un traité plastique n’ont pas encore abouti à ce jour
A. le cadre normatif français est le premier à saisir la spécificité des GPI
1. La loi AGEC et son application par le « décret GPI »
3. La France fait figure d’exemple en matière de lutte contre les fuites de GPI
3. Une proposition de règlement sur les GPI bien accueillie et actuellement en phase de trilogue
3. Les obligations liées au transport
PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur
Mesdames, Messieurs,
La Commission européenne estime qu’en 2019, entre 52 000 et 184 000 tonnes de granulés plastiques industriels (GPI) ont été rejetées de manière non‑intentionnelle dans l’environnement au sein de l’Union européenne, soit entre 2 100 et 7 300 camions ([1]). Reprenant ces chiffres, l’ONG Plastic Soup Foundation calcule ainsi que cette pollution équivaut à une perte d’environ 265 000 granulés par seconde ([2]).
Cette source de pollution plastique contribue à la détérioration dramatique des écosystèmes marins qui risque de conduire la masse totale de plastique dans les océans à dépasser celle de poissons d’ici 2050, aggravant la sixième limite planétaire ([3]) d’ores-et-déjà dépassée ([4]).
Une étude menée par des scientifiques américains en décembre 2024 a ainsi montré que, sur un total de 182 échantillons de poissons et crustacés destinés à la consommation, 180 présentaient des traces de particules anthropiques, elles-mêmes dérivées de la dégradation des microplastiques ([5]).
Le caractère structurel de la pollution aux microplastiques, lié au développement rapide de cette industrie et à la trop grande inefficacité des circuits de recyclage, nécessite désormais une action coordonnée au niveau international pour réduire toutes les sources de pollution plastique, au nombre desquelles figure la pollution par les granulés plastiques industriels.
C’est dans ce contexte que l’Union européenne a élaboré un plan d’action contre les microplastiques, en ligne avec les objectifs fixés par le pacte vert. Ce plan, qui vise notamment les GPI, a conduit la Commission à présenter une proposition de règlement européen le 16 octobre 2023 pour lutter contre les pertes non-intentionnelles de GPI.
Alors que se tiennent désormais les trilogues devant conduire à l’élaboration d’une position concordante entre la Commission, le Parlement et le Conseil, la présente résolution européenne reprend in extenso la résolution sénatoriale ([6]) de Marta de Cidrac et Michaël Weber, adoptée en janvier dernier, en y ajoutant un développement concernant la traçabilité des pertes de granulés de plastique dans l’environnement, afin de renforcer la portée des actions envisagées à l’échelle européenne.
L’adoption de cette résolution par l’Assemblée nationale vise à montrer au gouvernement que les deux chambres du Parlement s’expriment d’une seule et même voix. Cet effort doit permettre à la France de se prévaloir d’une position de force dans les négociations européennes actuellement en cours, pour peser en faveur d’une réglementation la plus ambitieuse possible.
I. les granules plastiques industriels sont une cause importante de pollution, encore insuffisamment prise en compte au niveau international
A. les granulés plastiques industriels constituent une source insidieuse de pollution des écosystèmes
1. Définition des granulés plastiques industriels
Si les macrodéchets, repérables à l’œil nu, ne représentent que 10 % du nombre des morceaux de plastique en mer ([7]), la grande majorité de la pollution plastique est constituée de fragments de moins de 5 millimètres de diamètre connus sous le nom de microplastiques.
Deux catégories de microplastiques sont distinguées selon leur source : primaires ou secondaires. Les microplastiques primaires sont ceux qui sont directement rejetés dans l'environnement sous forme de microparticules inférieures à 5 millimètres (ils correspondent par exemple à de petites particules plastiques introduites dans des produits de consommation courante pour leurs propriétés abrasives ou exfoliantes). Les microplastiques secondaires sont des fragments de petite taille provenant de la dégradation de gros déchets plastiques sous l’effet de différents facteurs environnementaux (eau, oxygène, rayonnement ultraviolet, micro-organismes, etc.).
Les granulés plastiques industriels (GPI) également appelés « microbilles de plastique », « larmes de sirène », « granulés de résine » ou « pellets » font partie de la catégorie des microplastiques primaires.
Ces GPI sont la matière première des objets plastiques du quotidien. Selon la norme ISO 472:2013, définissant les termes employés dans l’industrie de la plasturgie, un granulé est une « petite masse de matériau de moulage préformé, ayant des dimensions relativement uniformes dans un lot donné, utilisé comme matière première dans les opérations de moulage et d'extrusion ».
S’agissant de leur taille, la majorité des GPI mesure entre 2 et 5 millimètres ([8]). La France a introduit, dans le Code de l'environnement ([9]), une définition des GPI plus englobante, qui les caractérise par des dimensions externes supérieures à 0,01 mm et inférieures à 1 cm.
2. Étapes de production des GPI
Les GPI sont produits en trois étapes ([10]). La première étape, lors de la distillation du pétrole brut lourd en différentes fractions, produit du naphta essentiel à la fabrication des polymères plastiques. Lors de la seconde étape, le naphta est chauffé dans un vapocraqueur pour obtenir les molécules de base des matières plastiques, appelées monomères (comme l'éthylène, le propylène ou le butylène). Enfin, lors de la troisième étape, les molécules d’un même monomère sont reliées entre elles grâce à une réaction chimique de polymérisation pour former des polymères (comme par exemple le polyéthylène).
Pour obtenir des GPI, les industriels de la chimie ajoutent aux polymères des charges, des plastifiants et des additifs qui confèrent aux plastiques leurs propriétés physiques et chimiques. Le mélange qui en est issu est chauffé et comprimé jusqu’à passer par une filière pour obtenir un extrudat – sorte de long fil de plastique fondu – qui est ensuite refroidi avant d’être coupé en granulés qui seront à leur tour fondus et moulés en divers objets plastiques.
Processus industriel de fabrication des GPI
Source : Wikimedia Commons.
Les GPI ainsi obtenus sont stockés dans des silos puis expédiés – la plupart du temps par porte-conteneur – jusqu’au port d’où ils seront livrés à une entreprise qui en assurera la transformation en un produit fini.
Tout au long de ce cycle, les GPI, particulièrement propices aux fuites compte tenu de leur petite taille, sont stockés dans divers contenants.
Modalités de stockage des GPI
Source : Rapport du programme Operation Clean Sweep (2017).
À titre d’ordre de grandeur, le Centre de documentation, de recherche et d'expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux (Cedre) a indiqué, lors de son audition, qu’une palette pesait en moyenne une tonne et qu’un sac de 25 kilos contenait environ 1 million de granulés plastiques.
3. Maillons de la chaîne de valeur occasionnant des pertes accidentelles
Des pertes sont susceptibles d’intervenir à chacune des étapes où sont manipulées les GPI, mais certains maillons présentent des risques de pertes plus importants.
Le principal est celui du transport maritime où le risque de perte d’un conteneur en pleine mer peut occasionner des « marées blanches ». Comme a confirmé le Cedre, ces pertes de conteneurs sont plus fréquentes que les naufrages de navires et résultent le plus souvent de mauvaises conditions météorologiques conduisant un conteneur placé en haut de pile à passer par-dessus bord et à se retrouver dans l’océan.
Il convient de noter que les forces des courants et l’érosion peuvent mettre plusieurs années à détériorer un conteneur qui ne se serait pas immédiatement ouvert. Cela peut conduire à des rejets de GPI dans l’environnement « à retardement », certains GPI, moins denses que l’eau, remontant ensuite à la surface et pouvant s’échouer sur les côtes parfois éloignées du point de perte accidentelle, au gré des courants.
Outre le transport maritime qui peut occasionner des pertes concentrées de plusieurs tonnes de GPI en une seule fois, d’autres étapes du cycle de vie des GPI peuvent se traduire par des pertes à terre : sortie d’extrudeuse, ensachage, transport par camion, etc.
Les GPI se retrouvent ainsi aux abords des usines et peuvent être charriés par les réseaux d’eau pluviale. Une étude de cas sur une usine de production de GPI suédoise a ainsi établi la présence de granulés à plusieurs dizaines de kilomètres de leur lieu de production ([11]).
La diversité des situations de pertes accidentelles fait des GPI la troisième source de rejets de microplastiques non-intentionnels dans l’environnement au sein de l’Union européenne ([12]) :
Source |
Quantité (tonnes/an), 2019 |
Peintures |
231 000 – 863 000 |
Pneus |
360 000 – 540 000 |
Granulés plastiques |
52 140 – 184 290 |
Textiles |
1 649 – 61 078 |
Géotextiles |
6 000 – 19 750 |
Capsules de détergent |
4 140 – 5 980 |
TOTAL des six sources |
654 929 – 1 674 098 |
TOTAL de l’ensemble des sources |
729 087 – 1 808 198 |
Source : d’après l’étude d’impact de la Commission européenne
Notons la distinction faite par l’union des transformateurs de polymères – POLYVIA – lors de son audition entre les fuites et les pertes. Tandis que les premières constituent des disséminations dans l’environnement (exemple du conteneur tombant à la mer), les secondes renvoient à des déversements sur les sites de production (exemple d’un défaut de conception dans un silo).
4. Une variété d’impacts néfastes
Quatre séries d’impacts sont identifiées par la Commission dans son étude d’impact ([13]) : environnemental, sanitaire, climatique et économique. Comme le note l’étude :
« La plupart de ces impacts sont liés aux microplastiques en général, en raison du manque de recherches évaluant spécifiquement l'impact des granulés. Toutefois, en tant que sous-ensemble des microplastiques, on suppose que la plupart des incidences des granulés sont comparables à celles des microplastiques. En effet, environ 80 % de toutes les matières premières plastiques produites ont un diamètre compris entre 2 et 5 mm, ce qui correspond à la taille habituelle des microplastiques (jusqu'à 5 mm). Sur les 20 % restants, une grande partie est inférieure à 2 mm, comme les poudres, et une petite partie peut être légèrement plus grande. C'est surtout la partie la plus petite qui peut avoir un impact sur la santé. La désintégration des granulés en particules plus petites augmente également leur nombre et leur impact. »
a. S’agissant de l’impact environnemental
Les granulés de plastique causent des dommages lorsqu'ils flottent ([14]). Ils peuvent être consommés par les animaux marins (comme les oiseaux de mer, les mammifères ou les poissons), soit intentionnellement par confusion avec des proies en raison de leur forme ou de leur couleur, soit involontairement lorsque les animaux filtreurs les absorbent avec l'eau de mer.
Étant donné que les granulés plastiques ressemblent à des œufs de poisson pour les oiseaux, et bien qu'ils ne représentent que 0,05 % environ des morceaux de plastique présents dans les eaux de surface, ils représentent environ 70 % du plastique consommé par les oiseaux de mer. Ces petites particules de plastique ont été trouvées dans les estomacs de 63 des quelques 250 espèces d'oiseaux de mer dans le monde ([15]).
Sur ce point précis, il convient de noter que la pollution aux GPI ne constitue pas une pollution aiguë comme peut l’être une pollution aux hydrocarbures. Auditionné sur ce sujet de l’impact environnemental, le Cedre a fait valoir que, si la nocivité de la pollution plastique n’est pas remise en cause, les effets des « marées blanches » et des déversements de GPI en mer sur la mortalité directe des populations marines ne sont pas encore clairement établis.
Les études actuelles semblent plutôt pencher dans le sens d’un effet nocif indirect : l’ingestion de GPI peut simuler un état satiété, encombrer les voies digestives et entraîner la réduction des fonctions motrices, reproductrices et métaboliques.
b. S’agissant de l’impact sanitaire
Dans l’étude d’impact de la Commission, l’effet des granulés plastiques est assimilé à celui des microplastiques sur la santé humaine, pour lesquels davantage de données sont disponibles.
De fait, les microplastiques présentent des risques pour les écosystèmes et la santé humaine (Bouwmeester et al. 2015 ([16])). Étant donné que ces particules se dispersent et sont difficiles à collecter, les politiques les plus efficaces se concentrent sur la prévention.
Les humains sont exposés aux microplastiques par le biais de la consommation alimentaire et de l'inhalation. L'absorption annuelle de microplastiques a été estimée entre 70 000 et 120 000 particules par an, en fonction de l'âge, du sexe, de la région et de la consommation, dont environ 70 000 particules inhalées dans l'air et environ 50 000 particules ingérées dans les aliments et les boissons.
Le récent rapport de l'OPECST ([17]) réalisé par votre rapporteur au nom de l’OPECST sur les conséquences des pollutions plastiques pour la santé humaine souligne, par ailleurs, que « les signaux d'alarme concernant les risques que font peser les plastiques particulaires sur la santé humaine se multiplient ».
c. S’agissant de l’impact climatique
Comme pour l’impact sanitaire, l’impact climatique est appréhendé sous le prisme général des pollutions aux microplastiques. Ces derniers peuvent perturber le cycle du carbone en nuisant au développement des phytoplanctons, à la photosynthèse et à la capture du carbone.
Par leur mode de production, ils sont une source d'émissions de gaz à effet de serre, exerçant une pression supplémentaire sur le climat. Des émissions de gaz à effet de serre sont en effet produites à chaque étape du cycle de vie des plastiques, les processus liés à l'extraction, au raffinage, à la fabrication et à la gestion en fin de vie étant consommateurs de carbone.
d. S’agissant de l’impact économique
L’impact économique direct des GPI concerne les coûts de nettoyage.
Les opérations de nettoyage sont difficiles et, selon la commission OSPAR, souvent coûteuses, car le nettoyage hors site et dans l'environnement nécessite du temps et du matériel spécialisé. Les opérations sont généralement à la charge des collectivités locales, ce qui a un impact négatif sur leur budget.
À titre d’exemple, on estime que le nettoyage des plages coûte à la ville de Marseille 1 million d’euros par an ([18]). L’association KIMO Pays-Bas a indiqué que les coûts de nettoyage du déversement de GPI du MSC Zoe dans la mer des Wadden en 2019 s’étaient élevés à environ 100 000 euros par an ([19]). Les coûts de surveillance de l'ingestion de granulés par les espèces sont également souvent inconnus. Toutefois, le suivi de l'ingestion de microplastiques par les tortues marines caouannes réalisé par l'Aquarium de la Rochelle a coûté au total 50 000 euros sur quatre ans.
A ces coûts directs s’ajoutent des coûts économiques indirects qui peuvent s’avérer difficiles à estimer, que l’on pense à l’atteinte sur l’image de marque en cas de « marée blanche » touchant un littoral touristique ou encore à la limitation de la pêche commerciale en cas de pollution des écosystèmes marins et de la faune qui s’y nourrit ([20]).
5. Si des « marées blanches » ont touché le littoral français en 2022 et 2023, ce phénomène n’est pas nouveau et constitue un risque auquel sont exposés tous les pays dotés d’une façade maritime
En France, des déversements accidentels en mer se sont produits durant les hivers 2022 et 2023, touchant les côtes atlantiques : la plage de Plomeur en décembre 2022, le littoral des Landes en novembre 2023 ou encore la plage de la Govelle en Loire-Atlantique le 20 novembre 2023. Bien qu’il ne s’agisse pas directement d’une pollution par les GPI, l’association nationale des élus du littoral (ANEL) a indiqué lors de son audition une récente pollution des côtes bretonnes qui ont été touchées par le déversement de biomédias (petits morceaux de plastique utilisés comme filtres dans les stations d’épuration ([21])).
Source : Vigipol
Dans le reste du monde, on compte d’autres accidents marquants qui ont provoqué des « marées blanches ». Le plus important reste sûrement l’incendie et le naufrage du navire X-Press Pearl en 2021 qui transportait 11 000 tonnes de granulés et qui avait conduit à l’échouage d’une quantité rarement observé sur les côtes sri lankaises ([22]).
On peut également mentionner l’accident du Toconao qui a touché la côte nord de l'Espagne en 2023 et qui a été à l'origine de la perte de six conteneurs, dont l'un contenait 1 000 sacs de 25 kg de granulés. Il a entraîné le rejet de millions de granulés sur la côte galicienne.
Notons toutefois que le terme de « marée blanche » peut s’avérer trompeur en dressant un parallèle imparfait avec les marées noires pétrolières. En effet, comme cela a été évoqué lors de l’audition du Cedre, les pollutions aux GPI sont diffuses et chroniques contrairement aux marées noires plus ponctuelles et concentrées. La perte d’un conteneur et son ouverture en mer peuvent ainsi conduire à des échouages de GPI contaminant durablement l’environnement.
« Ce n’est pas parce qu’on instaure demain de bonnes pratiques grâce au règlement européen que les “marées blanches” cesseront. Certains conteneurs de GPI perdus en mer ne s’ouvriront peut-être que dans 10 ans, libérant à la surface des millions de GPI qui, à nouveau iront s’échouer sur les côtes de manière plus ou moins concentrée selon les courants. La pollution aux GPI doit s’appréhender comme une contamination historique dont on ne pourra pas se débarrasser du jour au lendemain. » ([23])
B. le cadre international ne parvient pas encore à appréhender de manière satisfaisante cette source de pollution
1. La classification des GPI est imprécise en droit international
Comme l’a évoqué l’ANEL lors de son audition :
« Aujourd’hui, la convention MARPOL (marine pollution), élaborée en 1973 et 1978, détermine les produits dangereux qui sont recensés dans l’IMDG (international maritime dangerous goods code). Ce code IMDG n’inclut cependant pas les GPI au nombre des produits dangereux. Un travail reste donc à mener pour faciliter, par la suite, la responsabilisation de la filière. Reconnaître la dangerosité des GPI permettra d’imposer plus facilement des règles de sécurité renforcées, à la manière de ce qui a été fait pour les pétroliers (obligation de double coque par exemple). »
De fait, les GPI sont imparfaitement saisis par les conventions internationales et régionales actuellement en vigueur.
Au niveau international, la manipulation de ces granulés est réglementée – comme toute marchandise – par la convention de 1972 sur la sécurité des conteneurs[24], complétée par la circulaire de 2023 du sous-comité du transport des marchandises et des conteneurs sur l'obligation de signaler les conteneurs perdus, mais ces textes n'offrent pas les garanties spécifiques pour prévenir la pollution par les granulés de plastique.
La Convention MARPOL est le traité sur la protection du milieu marin adoptée sous l’égide de l’Organisation maritime internationale. Elle est la principale convention en matière de prévention de la pollution du milieu marin. Certes, son annexe V prohibe bien l’évacuation en mer de toute matière plastique mais elle ne vise que les rejets intentionnels de déchets plastiques, sans mention des possibilités de pertes accidentelles de microplastiques primaires.
De même, les GPI ne sont pas mentionnés par l’annexe III de MARPOL. Celle-ci contient des prescriptions générales relatives à la prévention de la pollution par les substances nuisibles transportées par mer en colis. Aux fins de cette annexe, sont considérées comme nuisibles les substances qui sont identifiées comme polluants marins dans le Code maritime international des marchandises dangereuses (Code IMDG). Or les GPI ne sont pas considérées par ce code comme des substances dangereuses stricto sensu.
Sur ce point, le Cedre a fait valoir que l’intégration des GPI au sein du Code IMDG n’était pas forcément souhaitable dans la mesure où, contrairement aux substances référencées, les GPI ne présentent pas de dangerosité immédiate et risquerait de former un précédent conduisant à l’élargissement sans mesure du Code IMDG et à une diminution de sa pertinence.
Le Cedre estime au contraire souhaitable que les GPI soient intégrés à la convention MARPOL comme produits polluants au sein de l’annexe III mais sans classification au sein du Code IMDG.
Il a mis en garde contre la volonté de certains pays producteurs de GPI de les intégrer à la convention SOLAS (Safety of Life at Sea) au motif que les GPI présenteraient un risque à la navigation. Le caractère infondé et non pertinent de cette demande témoigne des tensions qui peuvent animer les négociations dans le cadre de l’Organisation maritime internationale sur le sujet des pollutions causées par les GPI.
Notons enfin que l’intégration des GPI à la convention MARPOL est une revendication explicite de certains acteurs.
Le centre de recherche indépendant CE Delft identifie ainsi trois options ([25]) :
- l'attribution d'un nouveau numéro ONU au sein de la classe 9 « Substances et articles dangereux divers et substances dangereuses pour l'environnement » du Code IMDG ;
- un amendement à l'appendice I de l'annexe III de la convention MARPOL pour reconnaître les GPI comme un « polluant marin » ([26]) ;
- la création d’un nouveau chapitre de l’annexe III de la convention MARPOL, prescrivant des exigences pour le transport de granulés de plastique dans des conteneurs de fret.
Explorant ces trois possibilités, le position paper conclue à la plus grande faisabilité de la troisième option :
« Un nouveau chapitre, tel qu'il est actuellement proposé, réduirait le risque de chute de conteneurs à la mer parce qu'il exigerait que ces conteneurs soient arrimés dans des emplacements où le risque de perte est plus faible, à condition que ce nouvel instrument juridique puisse être appliqué de manière adéquate. Les deux autres options réglementaires atténuent le risque de rejet de matières plastiques pendant les opérations de routine et après un incident. Comme ces options s'appuient sur des instruments juridiques existants, la probabilité qu'elles puissent être appliquées de manière adéquate est plus élevée. »
2. Les négociations pour un traité plastique n’ont pas encore abouti à ce jour
La cinquième session de négociations (international negociating committee n°5 – INC-5) pour approuver un traité international contre la pollution plastique s’est tenue à Busan en Corée du Sud, fin novembre 2024. Elle n’a pas abouti, du fait de l’opposition d’un groupe de pays producteurs de pétrole dont la Russie, l’Arabie saoudite, l’Inde et l’Iran, qui ne souhaitaient pas la mise en place de réductions contraignantes. Les négociations doivent néanmoins se poursuivre en 2025.
Cette session fait suite à quatre cycles de négociations antérieurs : l’INC-1, qui s'est déroulé à Punta del Este en novembre 2022, l’INC-2 qui s'est tenu à Paris en juin 2023, l’INC-3 à Nairobi en novembre 2023, et l’INC-4 à Ottawa en avril 2024.
Si les négociations n’ont pas pu aboutir, l’INC-5 a tout de même consacré le poids croissant des pays favorables au traité, alliés de la coalition de haute ambition (HAC), dont le nombre est passé, sous l’effet du volontarisme européen en matière de lutte contre les pollutions plastiques, d’une soixantaine lors de l’INC-2 à Paris, à plus d’une centaine.
Faute d’accord, comme initialement prévu pour la fin 2024, cette cinquième session est suspendue et reprendra dans les mois à venir, idéalement au cours du premier semestre 2025, comme souhaité par la délégation française. L’INC-5.2 s’appuiera sur le texte actuel comme base de discussion, même si celui-ci ne fait pas encore consensus parmi les pays les plus ambitieux.
En l’état, l’article 7 du texte provisoire qui sera repris dans les prochains cycles de négociation traite spécifiquement des « pertes et fuites ». Le 1 (b) dudit article mentionne explicitement « les pertes et fuites de granulés, paillettes et poudres de plastique dans l'environnement et les systèmes aquatiques, en tenant compte des autres instruments internationaux pertinents ».
Dans l’hypothèse d’une signature prochaine du traité, les États parties devraient donc, comme le fait l’Union européenne par le biais de sa proposition de règlement et comme l’a fait la France avant elle avec la loi AGEC, s’engager de manière contraignante à « prévenir, réduire et, si possible, éliminer » les pertes et fuites de GPI.
En l’absence de signature lors de la reprise de l’INC-5.2 en 2025, plusieurs options sont cependant ouvertes. La procédure de négociation permet à la Coalition de haute ambition de demander d’adopter le texte par un vote des 2/3 des États. La Coalition pourrait aussi décider de poursuivre la négociation en excluant les pays qui font obstruction. Le principal inconvénient de cette option serait cependant d’exclure précisément les États les plus directement intéressés par l’objet du traité. Si celui-ci devait voir le jour, il contiendrait probablement des obligations interdépendantes qui nécessitent une mise en œuvre par la plupart des États.
II. La législation française fait figure de pionnière en matière de régulation des gpi et doit inspirer, par son ambition, l’esprit de la proposition de règlement européen en discussion
1. La loi AGEC et son application par le « décret GPI »
La France a été le premier pays au monde à se doter d’une régulation sur les pertes et fuites de granulés plastiques industriels.
Ainsi, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC), par son article 83, crée au sein du code de l’environnement un article L. 541-15-11 ainsi rédigé :
Art. L. 541-15-11. I.-A compter du 1er janvier 2022, les sites de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels sont dotés d'équipements et de procédures permettant de prévenir les pertes et les fuites de granulés dans l'environnement. II.-A compter du 1er janvier 2022, les sites mentionnés au I font l'objet d'inspections régulières, par des organismes certifiés indépendants, afin de s'assurer de la mise en œuvre des obligations mentionnées au même I et de la bonne gestion des granulés sur l'ensemble de la chaîne de valeur, notamment s'agissant de la production, du transport et de l'approvisionnement. III.-Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret. |
Cet article a fait l’objet d’un décret d’application, le décret n°2021-461 du 16 avril 2021 relatif à la prévention des pertes de granulés de plastiques industriels dans l’environnement, dit « décret GPI ».
Ce décret s’applique aux sites industriels définis comme « les sites industriels où sont fabriqués, manutentionnés, stockés, utilisés, ou transformés des granulés de plastiques industriels et au sein desquels la quantité totale de granulés de plastiques industriels susceptible d’être présente est supérieure à 5 tonnes ». Il s’applique aussi aux « aires de lavage de citernes, fûts et autres contenants de transport de granulés de plastiques industriels ».
Sur le fond, le décret détaille, d’une part, l’ensemble des procédures et bonnes pratiques devant être respectées par les sites industriels manipulant des GPI pour prévenir les fuites et pertes accidentelles (article D. 541-362).
D’autre part, il explicite la manière dont doivent se dérouler les « inspections régulières » évoquées par le II. de l’article L. 541-15-11 (article D. 541-364 ([27])).
Si la loi AGEC permet une prévention des pertes et fuites à terre, en ce qui concerne le transport maritime de GPI, c’est l’arrêté PREMAR 2004-02 pris en application de la directive n° 2002/59/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2002 ([28]) (relative à la mise en place d’un système communautaire de suivi du trafic des navires et d’information) qui s’applique. Cette disposition a été évoquée lors de l’audition du Cedre qui a fait valoir que les navires sont déjà soumis, lorsque navigant dans la zone économique française, à une obligation de déclaration de leurs éventuelles pertes de GPI en mer :
« Article 2 : Le capitaine de tout navire visé à l’article 1er est tenu de signaler immédiatement au centre côtier géographiquement compétent défini dans l’annexe “ I ”, par un message conforme au modèle figurant en annexe “ II ” :
(…)
3. toute situation susceptible de conduire à une pollution des eaux ou du littoral, telle qu’un rejet ou un risque de rejet de produits polluants à la mer ;
4. toute nappe de produits polluants et tout conteneur ou colis dérivant observé en mer. »
Comme évoqué par POLYVIA lors de son audition, les sites industriels manipulant des GPI doivent aussi se conformer aux dispositions applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) pour lesquelles la police de l’environnement peut exercer des inspections prévues ou inopinées afin de vérifier leur conformité avec les niveaux d’exigences qui s’y appliquent.
La rubrique 2661 de la nomenclature ICPE vise ainsi les entreprises manipulant des GPI, selon trois procédures d’exigence croissante, selon le tonnage manipulé : déclaration, enregistrement, autorisation.
3. La France fait figure d’exemple en matière de lutte contre les fuites de GPI
Comme l’a noté le Cedre lors de son audition, la France est pionnière dans la prévention des pertes de GPI, ayant largement inspiré, par son dispositif législatif, la proposition de règlement européen actuellement en discussion.
En outre, les collaborations développées avec l’industrie de la plasturgie et les différents intermédiaires permettent une circulation des bonnes pratiques.
L’industrie de la plasturgie se caractérise en effet par son allant et son implication dans l’évolution des pratiques visant à prévenir les pertes et fuites de GPI. Elle a développé spontanément le programme Operation Clean Sweep qui est une source d’inspiration mentionnée par l’exposé des motifs de la proposition de règlement européen.
Ce programme a été développé par l'industrie américaine de la plasturgie dans les années 1990, pour aider les entreprises à lutter contre les fuites de granulés en fournissant une série de recommandations sous la forme d'un manuel basé sur l'apprentissage collectif. Il a été lancé en Europe en 2014 et n'est devenu véritablement opérationnel qu'à partir de 2018 avec l'engagement volontaire de Plastics Europe, association qui réunit les producteurs européens de matières plastiques, « en faveur d'une meilleure circularité et d'une utilisation plus efficace des ressources ». Lors de leur audition par les rapporteurs de la résolution sénatoriale, les représentants de Plastics Europe ont indiqué que 3 400 sociétés (tous les membres de Plastics Europe, transporteurs terrestres, transformateurs, compoundeurs, logisticiens, ports, etc.) étaient, à ce jour, signataires du programme.
Ce programme repose sur quatre axes : la mise en place d'un audit sur chaque site afin d'analyser les points de transfert des granulés ; l'analyse des zones de fuite ; la mise en place de mesures correctives ; l'établissement d'un bilan. Depuis juin 2023, un processus de certification a été mis en place qui définit un référentiel des meilleures pratiques pour prévenir les pertes de granulés de plastique et tendre vers un niveau zéro de pertes. Les clauses du référentiel de certification comprennent des exigences de base et des exigences spécifiques. 80 sites, dont des fabricants de résines polymères ou des transformateurs, ont été certifiés, et leur nombre devrait croître à l'avenir.
Enfin, le Cèdre a fait part à votre rapporteur d’une version qui sera prochainement éditée d’un guide opérationnel visant à prévenir les pertes de GPI sur les sites industriels et dans l’environnement. Ce guide, visant à l’accompagnement des sites industriels, comprendra notamment une partie sur la prévention des rejets industriels dans l’environnement et une partie sur les réponses opérationnelles à apporter en cas de pollutions aquatiques type « marées blanches ». Il s’appuiera notamment sur des retours d’expérience documentés – comme le naufrage du X-Press Pearl au large du Sri Lanka – permettant d’identifier les bonnes pratiques tant pour éviter les fuites que pour assurer une réponse adéquate après leur survenue.
B. le cadre européen, ambitieux en matière de réduction de la pollution plastique, doit être complété par une proposition de règlement visant spécifiquement les GPI
1. Un cadre européen ambitieux en matière de pollution plastique mais ne ciblant pas encore les pertes non-intentionnelles de GPI
Comme cela a été noté par l’exposé des motifs de la résolution européenne adoptée au Sénat en janvier dernier, la Commission européenne a adopté plusieurs initiatives visant à réduire la pollution par les microplastiques, qu'ils soient d'origine primaire ou secondaire.
Elle s'est ainsi engagée à lutter contre ce type de pollution dans le cadre du Pacte vert pour l'Europe ([29]), du plan d'action pour une économie circulaire pour une Europe plus propre et plus compétitive ([30]), de la stratégie pour la protection des sols à l'horizon 2030 ([31]), ainsi que du plan d'action de l'UE intitulé « Vers une pollution zéro dans l'air, l'eau et les sols » ([32]), publié en 2021. Ce plan fixe d'ailleurs un objectif de réduction de 30 % des microplastiques libérés dans l'environnement, quelle qu'en soit l'origine, d'ici à 2030.
Plus concrètement, le règlement (UE) 2023/2055 ([33]), adopté le 25 septembre 2023, a introduit, dans le cadre du règlement REACH, une restriction importante sur les microplastiques ajoutés intentionnellement dans les produits, en interdisant leur commercialisation, seuls ou mélangés dans des produits de consommation courante, en cas de concentration supérieure ou égale à 0,01 % en poids.
D'autres mesures ont également été prises au niveau européen concernant d'autres sources non intentionnelles de pollution par les microplastiques. C'est notamment le cas du règlement dit Euro 7 ([34]) qui introduit des limites relatives aux émissions de particules dues au freinage et à l'abrasion des pneumatiques, lesquels constituent la deuxième source de rejets de microplastiques dans l’environnement en Europe. En outre, le règlement sur l'écoconception des produits ([35]) doit permettre de fournir un cadre en termes de durabilité pour des produits tels que les textiles ou les peintures, qui sont aussi d’importantes sources de production de microplastiques.
La directive sur les plastiques à usage unique ([36]) a constitué une étape importante pour réduire l'impact des déchets plastiques dans l'environnement, en particulier dans les océans. Le règlement relatif aux emballages et déchets d'emballages (Packaging and Packaging Waste Regulation – PPWR) ([37]), définitivement adopté en décembre 2024, vise à réduire sensiblement la production de déchets d'emballages et par conséquent, leur fuite dans la nature, en fixant des objectifs contraignants de réemploi et de recyclabilité des emballages ainsi qu'en matière de teneur en plastique recyclé, en limitant certains types d'emballages à usage unique et en exigeant des opérateurs économiques une réduction drastique des emballages utilisés.
3. Une proposition de règlement sur les GPI bien accueillie et actuellement en phase de trilogue
La proposition de règlement de la Commission s’articule autour de quatre axes :
- une approche tout au long de la chaîne d'approvisionnement ;
- une obligation générale d'éviter les pertes ;
- un système de certification obligatoire par un tiers pour les grands opérateurs et d'auto-déclaration de conformité pour les plus petites entreprises ;
- une méthodologie harmonisée d'estimation des pertes élaborée par des organismes de normalisation.
En termes de calendrier, une première proposition de règlement a été publiée par la Commission européenne le 16 octobre 2023 ([38]). Le Parlement s’est prononcé en première lecture le 23 avril 2024 ([39]), puis le Conseil a adopté une orientation générale le 17 décembre 2024 ([40]).
La phase des trilogues a débuté le jeudi 30janvier par une première réunion interinstitutionnelle entre le Parlement, le Conseil et la Commission, afin d’arriver à un accord. Le prochain trilogue doit se tenir le 10 avril.
À l’issue de la première lecture par le Parlement puis par le Conseil, le texte de la Commission a connu plusieurs modifications.
S’agissant des seuils applicables pour l’obligation de certification, le texte adopté par le Parlement européen précise que les PME manipulant plus de 1 000 tonnes de GPI à l’année devront avoir une certification valide pour 5 ans (contre 3 ans pour les grandes entreprises et 4 ans pour les ETI). Cette différenciation est conservée dans le texte du Conseil qui précise cependant que les États membres demeureront libres d’adopter ou de maintenir des mesures de protection plus strictes. Le texte du Conseil fait ainsi explicitement référence à la position française mentionnant « les opérateurs économiques qui manipulent plus de 5 tonnes de granulés plastiques » auxquels pourront s’appliquer ces mesures plus strictes.
Le rythme des audits diffère également selon le seuil et le type d’entreprise.
Pour éviter une charge disproportionnée pour les petites entreprises, le texte du Conseil fixe la fréquence du renouvellement des certificats à cinq ans, contre trois ans pour les grandes entreprises et quatre ans pour les entreprises de taille intermédiaire. En outre, les petites entreprises manipulant plus de 1 000 tonnes de granulés par an ne sont pas tenues de respecter l'annexe I, point 9, qui prévoit des mesures supplémentaires devant être prises par les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises manipulant plus de 1 000 tonnes de granulés par an.
Par ailleurs, le texte du Conseil, reprenant les modifications du Parlement, étend le champ d’application du règlement au secteur maritime et aux transporteurs ; qu’ils soient européens ou non-européens. Le Conseil a ajouté des précisions techniques en imposant à tout transporteur de pays-tiers de désigner un mandataire au sein de l’Union comme interlocuteur des autorités européennes.
Le Conseil a conservé l’introduction par le Parlement d’un formulaire de suivi des pertes, allant dans le sens de la position soutenue dans la présente résolution.
Enfin, le Conseil soutient l’application du règlement 24 mois après son entrée en vigueur, soit six mois de plus que les 18 mois prévus par le Parlement.
Des reports sont prévus pour les entreprises de taille intermédiaire (application 36 mois après son entrée en vigueur) et les petites entreprises (60 mois dans le texte du Parlement, 48 mois dans celui du Conseil). Enfin, l’entrée en vigueur est également décalée de 36 mois pour le secteur maritime. Ce délai supplémentaire demandé par le Conseil cherche à rassurer un certain nombre de pays opposés à l’inclusion du secteur maritime dans le champ de la proposition de règlement (la Lettonie, la Bulgarie, Chypre, la Grèce et Malte).
Dans le cadre des trilogues en cours, on note donc que le Parlement défend une position plus ambitieuse que celle du Conseil, quoique le degré d’ambition du texte ait déjà été significativement rehaussé par rapport au texte initial de la Commission qui n’incluait pas le secteur maritime dans le champ d’application et ne prévoyait pas d’obligation de déclaration de pertes.
Les exigences posées par le règlement entraîneront des coûts de mise en conformité pour le secteur. Globalement, le coût de mise en œuvre pour les opérateurs économiques est estimé entre 315 et 430 millions d'euros par an pour l'ensemble de l'UE (dont 19,4 millions d'euros de coûts administratifs pour les entreprises).
Cependant, selon la Commission européenne, l'augmentation des coûts devrait être limitée en raison du faible coût de mise en œuvre des meilleures pratiques de gestion par rapport au chiffre d'affaires du secteur (0,13 %), et de la réduction significative des pertes de granulés qui devrait en découler. Cette réduction est estimée entre 25 000 et 140 000 tonnes par an. Pour les entreprises manipulant les granulés, les avantages incluent donc un gain économique estimé entre 23 et 127 millions d'euros du fait de la quantité de granulés non perdus dans l'environnement.
Comme l'ont souligné des représentants des industriels de la plasturgie lors de leur audition au Sénat, la mise en œuvre de ces mesures de prévention présente de fait, pour les entreprises, un avantage économique en réduisant le gaspillage de la matière première, et contribue aussi à améliorer leur image de marque en matière environnementale auprès d'un public de plus en plus sensible à ces questions.
L’idée d’une compensation des coûts de mise en conformité par les économies de matière première est cependant à nuancer. Comme l’a fait valoir le Cèdre lors de son audition, les pertes environnementales de GPI représentent un coût négligeable pour les industriels. Celles-ci sont – en proportion des volumes produits et vendus – faibles et les GPI sont un produit peu cher.
III. Cette résolution vise à conforter la position française déjà exprimée au sénat, favorable à la proposition de règlement, tout en indiquant les points d’attention particuliers
A. Conforter la position française tout en Complétant la résolution Sénatoriale sur le sujet de la traçabilité
Par rapport à la résolution adoptée au Sénat, la résolution en débat à l’Assemblée nationale ajoute des dispositions dans le sens d’une obligation de déclaration des pertes par les transporteurs maritimes afin de faciliter le chiffrage des quantités de GPI rejetées dans l’environnement et de permettre l’établissement des responsabilités en cas de « marées blanches ».
À cet égard, les procédures judiciaires entamées à la suite des « marées blanches » de 2023 sont toujours en cours. Une nouvelle plainte a été déposée par VIGIPOL et l’ANEL ([41]) la semaine dernière à propos d’une contamination aux biomédias verts sur les plages de Bretagne, sans que l’on sache encore si la fuite provient d’un conteneur perdu en mer ou du débordement d’une station d’épuration.
Le représentant de l’ANEL a évoqué un « sentiment d’impunité » tenant au fait que, contrairement aux marées noires, les « marées blanches » n’ont pas encore fait l’objet d’un procès exemplaire aboutissant à la condamnation des responsables ([42]). En cela, l’ANEL exprime le ressenti d’abandon des collectivités concernées par des arrivées de GPI sur leur frange côtière qui doivent seules assumer les coûts de nettoyage exorbitants et les conséquences néfastes pour leur image auprès des touristes.
La version actuelle de la proposition de règlement prévoit l’obligation de remplir un formulaire de suivi de pertes (annexe IV). Il convient de veiller à ce que cette obligation, allant pleinement dans le sens de la résolution et dans le sens de la position française ambitieuse, soit maintenue dans le texte qui sera finalement soumis au Parlement et au Conseil pour adoption à l’issue des trilogues.
S’agissant de l’option d’un registre numérique de déclaration des pertes, le Cèdre a émis des réserves qui doivent être considérées : d’abord, il est possible que le transporteur ne se rende pas compte de la perte d’un conteneur (pouvant passer par-dessus bord de nuit ou par mauvais temps) ; ensuite, le temps que le conteneur se dégrade et libère les GPI il peut s’écouler plusieurs années compliquant l’identification du responsable ; enfin, la possibilité même de repérer les GPI à la surface de l’eau n’est pas évidente compte tenu de leur caractère plus diffus et beaucoup plus discret que les « nappes » d’hydrocarbure lors des marées noires.
Pour ces trois raisons, la possibilité d’identifier précisément le navire responsable d’une perte accidentelle est incertaine. Ces obstacles ne sont cependant pas indépassables et, en tout état de cause, l’extension de l’obligation de déclaration de pertes au niveau européen constituera aussi, pour les transporteurs, un effet-signal dans le sens d’une plus grande prudence en matière de gestion des conteneurs de GPI.
Outre la possibilité d’un registre numérique de déclaration des pertes, l’hypothèse d’une traçabilité chimique des GPI a fait l’objet d’un ajout dans le texte du Parlement à l’article 17 ter ([43]). Cet article prévoit ainsi la remise d’un rapport par la Commission sur « la faisabilité technique de l’introduction d’une signature chimique unique et différenciée qui n’est pas nocive pour l’environnement ou la santé humaine ».
Sur le sujet de la traçabilité chimique, le Cèdre a émis des réserves quant à sa pertinence arguant du fait – comme au sujet de la traçabilité chimique des produits pétroliers pour laquelle il avait démarré des recherches qui ne sont pas allées à leur terme – que la problématique de l’identification des responsables était moins une question chimique que juridique, liée à la difficulté de remonter la chaîne des commanditaires et des responsables du fait des multiples sociétés impliquées et de l’utilisation très répandue de pavillons de complaisance.
B. Souligner les points d’attention qui pourraient poser difficulté dans l’application uniforme du futur règlement
Le soutien à l’orientation générale de la proposition de règlement ne doit pas conduire à omettre certains points d’attention.
En ce qui concerne les seuils retenus, leur calcul fait l’objet de deux approches différentes – l’approche française étant au moins aussi exigeante que l’approche européenne.
En France, le « décret GPI » prévoit que les règles s’appliquent aux sites industriels « au sein desquels la quantité totale de granulés de plastiques industriels susceptible d’être présente est supérieure à 5 tonnes ». Ce seuil permet de couvrir une très grande part de l’industrie de la plasturgie, 5 tonnes représentant environ 5 palettes chargées de GPI de manière standard ([44]).
En contrepoint, la proposition de règlement européen mentionne le seuil de 1 000 tonnes de GPI manipulées par an pour une application de l’ensemble des obligations aux opérateurs économiques.
La méthode de calcul du seuil diverge : la France retient une approche en stock (5 tonnes susceptibles d’être stockées par jour) alors que la Commission a préféré une approche en flux (1 000 tonnes par an), n’étant contredite, en cela, ni par le Parlement ni par le Conseil.
De fait, la législation française est au moins aussi exigeante que la proposition de règlement européen : si l’on prend l’hypothèse d’une entreprise consommant un stock de 5 tonnes en flux tendu (hypothèse maximaliste) durant chacun des 218 jours travaillés annuellement, cela correspond à un flux annuel de 1 090 tonnes, soit à peu près le seuil de 1 000 tonnes retenu au niveau européen.
En tout état de cause, le fondement juridique de la proposition de règlement (article 192§1 TFUE) admet le maintien d’une réglementation nationale plus exigeante que la réglementation européenne, ce qui assurera le maintien du cadre français prévu par le « décret GPI ».
S’il semble opportun de peser dans les négociations interinstitutionnelles au niveau européen en faveur d’un calcul des tonnages en stock, selon l’approche française, l’introduction d’une réglementation uniforme imposant des obligations minimales aux 27 États membres de l’Union sera de nature à réduire les distorsions de concurrence et à bénéficier aux entreprises françaises du secteur de la plasturgie.
D’une part, on note des différences de définition entre la France et l’Union européenne.
En effet, la France fait référence à des « sites industriels », tandis que l’Union mention des « opérateurs économiques ».
Au sens de la proposition de règlement, un opérateur économique est défini comme : « toute personne physique ou morale qui exploite ou détient en tout ou en partie l'installation ou, si cela est prévu par le droit national, toute personne physique ou morale qui s’est vu déléguer sur le fonctionnement technique de l'installation un pouvoir économique déterminant ».
Au sens du décret GPI, un site de production, de manipulation ou de transport est un site industriel « où sont fabriqués, manutentionnés, stockés, utilisés, ou transformés des granulés de plastiques industriels et au sein [duquel] la quantité totale de granulés de plastiques industriels susceptible d’être présente est supérieure à 5 tonnes, ainsi que les aires de lavage de citernes, fûts et autres contenants de transport de granulés de plastiques industriels ([45]) ».
La notion de « pouvoir économique déterminant » dans la proposition de règlement devrait permettre d’assurer un même niveau de granularité qu’en droit national et de descendre au niveau du site industriel, pour assurer une identité de champs d’application entre les deux réglementations. En tout état de cause, si le champ du règlement était inférieur, il serait loisible à la France de conserver sa définition et ses exigences accrues, pourvues que celles-ci soient conformes aux traités (ce qui est le cas en l’espèce).
D’autre part, la question du périmètre doit faire l’objet de deux points d’attention identifiés par le Cedre lors de son audition :
- le terme « préformé » utilisé pour la définition des GPI exclut les paillettes issues du recyclage mécanique (par broyage) ; lesquelles présentent les mêmes risques pour l’environnement que les GPI ;
- les poudres sont comprises mais les sites industriels présentent aussi des questions relatives à la gestion des poussières formées dans le processus de fabrication qui sont absentes, en l’état, de la proposition de règlement.
3. Les obligations liées au transport
D’après l’ANEL, les obligations liées au transport de GPI gagneraient à être renforcées, particulièrement s’agissant :
- des normes d’amarrage des conteneurs ;
- de l’obligation faite aux conteneurs de GPI stockés en vrac d’être placés sous le pont ;
- de l’utilisation de conteneurs spécifiques, adaptés aux caractéristiques propres des GPI.
Ces demandes sont partiellement satisfaites par la proposition de règlement. Celle-ci prévoit ainsi le stockage en cale lorsque cela est possible dans des conteneurs étanches et résistants à l’érosion marine, clairement indiqués comme contenant des GPI (annexe III, telle que modifiée par le Parlement européen).
Sur le point des contenants, le règlement cerne imparfaitement la problématique. Comme l’a noté le Cedre lors de son audition, les emballages actuels – notamment les big bags – répondent bien à des normes internationales de résistance à des chutes, à des chocs, à des tensions, mais sont très peu résistants aux objets contendants comme les clous pouvant dépasser des palettes sur lesquelles ils sont entreposés.
Pour acter une évolution des critères de résistance de ces sacs, l’Union européenne pourrait paver la voie à de futures discussions dans le cadre-OMI ([46]) en initiant une bonne pratique qui pourrait trouver sa place dans les annexes I ou III de la proposition de règlement.
La Commission s’est réunie le mercredi 19 février 2025, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution européenne relative à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques.
M. Philippe Bolo, rapporteur. Le plastique envahit notre quotidien. On le voit à travers les emballages dans notre alimentation ou encore la « fast fashion » qui occupe une place centrale dans l’actualité. Mais le plastique peut aussi recouvrir des usages utiles à la transition écologique, par exemple en permettant la création de véhicules plus légers qui émettent moins de CO2, le développement des énergies renouvelables qui utilisent des plastiques, l’isolation des bâtiments, et les progrès dans la santé.
Malgré tout, la production de plastique est croissante – 460 millions de tonnes en 2020 et un milliard de tonnes projeté en 2050 – et s’accompagne d’un surcroit pollution, notamment par les microplastiques.
Parmi ces microplastiques, il y a les granulés de plastique industriel. Il s’agit de la matière première utilisée par les plasturgistes qui les transforment pour fabriquer les objets de notre quotidien, allant de la coque du téléphone portable à la monture de lunettes, en passant par les emballages des aliments que nous consommons chaque jour. Cette proposition de résolution européenne ambitionne de réduire la perte de ces granulés de plastique dans l’environnement, qui sont particulièrement nocifs pour la biodiversité.
Ces petits granulés perdus dans la nature sont parfois confondus avec des aliments par les animaux, occasionnant chez eux un ensemble de désordres dans leur capacité de mobilité, dans leur métabolisme, dans leur capacité de reproduction. Les granulés plastiques occasionnent aussi des problèmes de pollution de nos côtes menaçant la santé humaine. C’est un sujet qui concerne l’ensemble des dimensions de l’approche « one health » (la santé unique).
Cela représente aussi un impact économique pour nos territoires et nos collectivités. Vous n’êtes pas sans oublier les « marées blanches » qui sont survenues sur les côtes vendéennes et bretonnes à l’hiver 2022/2023, et qui ont touché beaucoup de zones touristiques, allant jusqu’à des dépôts de plainte contre X de la part des deux présidents de région Pays de la Loire et Bretagne.
Face à cette pollution, la Commission européenne a travaillé à un projet de règlement pour prévenir les pertes accidentelles de granulés plastiques industriels. L’évaluation mériterait d’être affinée, mais, en 2019, on estimait qu’entre 52 000 et 184 000 tonnes de granulés étaient perdues accidentellement dans la nature chaque année. Ces chiffres sont d’autant plus alarmants quand on sait qu’un sac de 25 kg de granulés plastiques industriels contient environ 1 million de granulés.
Face à ce problème, la démarche de la Commission européenne est cohérente avec son approche globale : le Pacte vert et deux plans d’action, l’un pour l’économie circulaire et l’autre pour aller vers une industrie zéro pollution. L’Union européenne cherche ainsi à consolider l’ensemble du cadre européen de lutte contre la pollution.
La France est largement en avance sur les préventions de pertes de GPI. La loi AGEC et son décret d’application GPI visent les entreprises qui stockent plus de 5 tonnes de granulés plastiques industriels. Le décret GPI définit aussi un ensemble de procédures et de bonnes pratiques pour éviter les pertes à toutes les étapes de manipulation : mise en stock, mise en contenant, transport, etc. C’est au cours de toutes ces étapes-là qu’une petite quantité peut échapper aux opérateurs économiques de l’ensemble de la chaîne de valeur.
Le règlement européen va dans le sens de la loi AGEC. Nous devons nous en réjouir. Souvent, lorsque l’on pose la question de la position de la France sur ces sujets-là à l’échelle mondiale et européenne, j’utilise cet argument pour dire que nous sommes en avance. La Commission européenne voudrait, considérant que la France a mis en place le décret GPI lié à la loi AGEC, harmoniser les dispositions à l’ensemble des pays de la Communauté européenne, ce qui va plutôt dans le bon sens. Car vous n’êtes pas sans vous-même rencontrer un certain nombre d’industriels sur votre territoire qui vous disent que la France est bien en avance, mais que parfois, cela crée une distorsion de concurrence. L’ambition européenne va dans le sens d’une harmonisation des règles à l’échelle des pays de l’Union européenne, pour que nous soyons tous soumis aux mêmes contraintes pour protéger l’environnement.
Un soutien à l’approche de la Commission a déjà été accordé par la résolution européenne portée au Sénat par nos collègues Marta de Cidrac et Michaël Weber et adoptée le 17 janvier dernier. Je présente aujourd’hui une résolution quasiment identique qui vise à conforter la position française dans les négociations du projet de règlement européen.
Cette résolution vise à prévenir les fuites de granulés plastiques industriels tout en harmonisant les exigences entre pays européens afin de réduire les distorsions de concurrence. Notre texte regrette que les collectivités territoriales soient seules à assumer les conséquences des marées blanches et des pollutions massives par ces granulés plastiques industriels. En ligne avec cela, nous demandons une meilleure prise en compte des coûts de ces pollutions.
La particularité de la résolution de l’Assemblée nationale en comparaison de celle adoptée au Sénat concerne l’introduction d’une déclaration de pertes accidentelles. Cette déclaration va de pair avec l’extension du champ du règlement au transport maritime. En effet les pertes de conteneurs en mer représentent la source la plus importante de pollution par les granulés plastiques industriels, ceux-ci pouvant être libérés directement au moment de la perte du conteneur ou plusieurs années plus tard du fait de l’érosion, s’échouant ensuite sur les côtes au gré des courants.
La résolution de l’Assemblée nationale comporte 90 alinéas, contre 82 pour celle du Sénat. Les 8 alinéas ajoutés visent à déclarer les pertes accidentelles lors des transports : le lieu et la date, la nature du granulé plastique industriel perdu – son polymère et sa forme – ainsi que la quantité, sa destination et sa provenance. Tout cela doit permettre de faciliter le chiffrage des coûts et d’estimer les pertes de manière plus précise.
Si nous soutenons le projet de règlement européen, des points d’attention sont à relever. Le premier concerne les seuils retenus : la loi AGEC du 10 février 2020 impose une masse limite de 5 tonnes stockées, tandis que le projet de règlement européen impose une masse limite de 1 000 tonnes traitées. Il faudra donc faire en sorte que la législation européenne soit la plus proche possible du seuil français de 5 tonnes. Notons qu’en vertu de l’article 192 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le règlement ne remplacera pas le droit français si celui-ci est plus ambitieux que le cadre européen.
Le deuxième point d’attention concerne le champ d’application. La loi AGEC et son décret d’application évoquent des « sites industriels » alors que le projet européen évoque des « opérateurs économiques ». Or un opérateur économique peut englober plusieurs sites industriels donc il faudra clarifier tout cela pour que le règlement ne soit pas contre-productif.
Le troisième point concerne l’intégration des accidents de transport maritime. Il serait bénéfique que nous arrivions à intégrer dans ce projet de règlement un meilleur amarrage des conteneurs sur les bateaux, un positionnement de ces conteneurs sous le pont pour éviter qu’ils ne tombent à la mer et l’adoption de normes de conception spécifiques pour les conteneurs transportant des granulés.
L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.
Mme Manon Bouquin (RN). L’Europe se noie sous les normes pendant que notre industrie coule. Ce règlement sur les granulés n’a pour conséquence que d’ajouter une couche administrative de plus.
Pourtant la France n’a pas attendu l’Union européenne pour agir. Avec la loi AGEC et son décret d’application, nos entreprises sont déjà soumises à des règles strictes. Elles doivent prévenir les pertes de granulés, installer des équipements adaptés pour prévenir les rejets et se soumettre à des contrôles réguliers.
Alors pourquoi en rajouter ? Pourquoi imposer des certifications et des déclarations qui vont étouffer un peu plus nos PME pendant que nos concurrents étrangers continuent de produire sans la moindre contrainte ? On nous dit qu’il faut lutter contre la pollution plastique, et qu’il faut éviter que les conteneurs de granulés se perdent en mer. D’accord, mais plutôt que d’accabler nos entreprises, posons-nous la vraie question : pourquoi ces conteneurs traversent-ils les océans ? Tout simplement parce que nous ne sommes plus capables de produire et de recycler en local.
La vérité, c’est que nos infrastructures de recyclage sont insuffisantes et que ce règlement ne va en rien favoriser l’innovation pour remplacer le plastique par des matériaux biodégradables. La vérité, c’est que l’Union européenne préfère alourdir la bureaucratie plutôt que d’investir dans des solutions concrètes. Nous, nous proposons autre chose : arrêter de surtaxer les entreprises qui innovent en France, investir massivement dans les circuits courts, produire, consommer et recycler localement. Voilà comment on réduit concrètement la pollution sans sacrifier notre industrie ni notre souveraineté. Mais une fois de plus, Bruxelles fait fausse route et l’Union européenne punit les siens et favorise les autres.
Ce sont pour ces raisons précises qu’au Parlement européen nos eurodéputés Rassemblement national ont voté contre ce texte, à l’inverse des autres groupes français qui une fois encore acceptent sans broncher les diktats bruxellois. La France n’a pas besoin de Bruxelles pour être exemplaire, elle fait déjà ce qu’il est possible de faire. Ce dont nous avons besoin, c’est de liberté, de bon sens et de pragmatisme, pas d’un carcan bureaucratique de plus.
M. Philippe Bolo, rapporteur. Ce que vous dénoncez, c’est le projet de règlement européen, mais ce n’est pas ici que l’on décide de l’adopter ou non. En France, nous avons cette chance de disposer d’une réglementation ambitieuse sur les microplastiques. D’ailleurs, quand vous regardez les contrôles qui sont opérés pour vérifier la bonne application du décret GPI, c’est plutôt positif : les entreprises s’en sont déjà emparées et ont mis en place les mesures. Elles sont tout à fait responsables et disent que cela va dans le bon sens quand ça permet d’éviter les pertes de granulés dans l’environnement proche.
Il y a une autre dimension que vous négligez : la France est dotée d’exigences que ses entreprises appliquent bien, et vous voudriez qu’on en reste là ? Que les pays voisins n’aient pas les mêmes réglementations ? Contrairement à ce que vous affirmez, le projet de règlement européen, que soutient cette résolution européenne, doit permettre de réduire les distorsions de concurrence en élevant les exigences environnementales dans les autres États membres sur le modèle de la loi AGEC.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Le groupe Ensemble pour la République soutiendra cette proposition de résolution européenne qui vise à renforcer le règlement autour de la prévention de pertes de granulés plastiques. Ces pertes de granulés plastiques sont la troisième source de pollution non volontaire dans l’Union européenne. Le fait que l’Europe reprenne une initiative française portée dans le cadre de la loi AGEC montre la position de leadership de la France en Europe sur ces questions environnementales et encore plus concernant le sujet de l’économie circulaire.
J’interpelle ma collègue du Rassemblement national en disant que nous avons une législation très contraignante en France, et nous devons nous en réjouir parce qu’elle permet de protéger non seulement notre environnement mais aussi nos entreprises et transporteurs de granulés plastiques.
Ce que ce règlement européen cherche à faire, c’est harmoniser la législation et la protection à l’ensemble des pays européens. En étant contre cette harmonisation à l’échelle européenne, vous condamnez la France à être le seul bon élève alors que nous devons, au contraire, pousser chacun à rejoindre la position courageuse de la France sur la question. Vous n’êtes pas à une incohérence près sur l’Europe au Rassemblement national. Cependant, je suis stupéfait ici par la petitesse de l’argumentation du seul amendement que nous aurons à étudier mais qui, je crois, ne sera pas défendu.
Je voudrais redire le soutien du groupe Ensemble pour la République à cette réglementation qui s’inscrit dans le fil de la loi anti-gaspillage. Il sera aussi important de rappeler que le seul moyen de lutter contre la pollution plastique, c’est de réduire notre consommation et notre production. La loi AGEC, à cet égard, a des objectifs très ambitieux avec notamment la fin du plastique unique à l’horizon 2040 sur lequel, là aussi, la France a été pionnière. Je conclus en indiquant que nous présenterons une proposition de loi sur l’usage des petites bouteilles en plastique qui, je l’espère, trouvera un écho à la commission des affaires européennes.
M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous travaillons avec M. Bolo sur le sujet de la pollution plastique de manière totalement transpartisane depuis déjà trois ans. Ce sujet fait trop souvent la Une de nos actualités du fait des « marées blanches » qui polluent nos côtes. Rien n’y fait malgré la loi AGEC et son décret relatif aux pertes de granulés plastiques, voté il y a cinq ans, malgré le Pacte vert européen : la production plastique continue inlassablement sa croissance exponentielle.
Cette croissance entraîne la hausse parallèle de la pollution plastique et notamment microplastique. Que ce soit sous forme de granulés ou de poudre, le plastique continue de se retrouver dans l’environnement malgré sa toxicité. Non biodégradable, il envahit notre écosystème. Nous demeurons, je le regrette, incapable d’évaluer les pertes pour nos territoires.
Vous l’avez rappelé, Monsieur le rapporteur, industriels et transporteurs n’ont aucune obligation de communiquer les données relatives à ces pertes. Pour tenter de résoudre ce fléau environnemental, la Commission européenne a présenté en octobre dernier une proposition de règlement sur les pertes de granulés plastiques industriels afin de réduire la pollution plastique par ces mêmes granulés.
C’est un signal positif mais ce règlement reste perfectible. Pour preuve, les autorités françaises appellent au renforcement de l’ambition environnementale de la proposition de règlement en demandant l’inclusion du transport maritime, l’abaissement du seuil d’assujettissement et de certification, ainsi qu’une redéfinition des granulés plastiques industriels afin d’inclure de nouvelles formes de plastiques aujourd’hui exclues du projet de règlement.
Cette position défendue au niveau européen permettra d’aboutir à un texte plus ambitieux pour résoudre une aberration industrielle et environnementale.
Le groupe Socialiste se félicite de l’initiative du rapporteur qui doit favoriser l’adoption d’un règlement européen ambitieux.
M. Philippe Bolo, rapporteur. La déclaration des pertes est très importante. Elle permettra d’avoir un meilleur chiffrage à l’échelle européenne de ce qui se perd dans la nature. Elle permettra également de mieux responsabiliser les producteurs. À partir du moment où une base de données renseignera les pertes, cela incitera à de meilleures pratiques lors des transports.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Il est important que l’Europe, et singulièrement la France, conserve une ambition en matière écologique. C’est pour cela que cette proposition de résolution européenne est importante sur un sujet qui n’est pas négligeable. Nous sommes bien informés par la presse des ravages de la pollution plastique pour nos organismes. Au moment où les États-Unis se retirent de toute ambition écologique et versent même dans le déni climatique, il ne reste plus que l’Europe pour porter une ambition écologique mondiale. Ce texte est une petite brique portée de manière transpartisane.
M. Philippe Bolo, rapporteur. Il faut refuser le nivellement par le bas que nous impose le gouvernement Trump et les conséquences de sa politique économique. Je suis persuadé, comme vous, que les refus d’agir aujourd’hui seront les coûts de demain.
L’article unique de la proposition de résolution européenne est adopté.
La proposition de résolution européenne est, par conséquent, adoptée.
M. Philippe Bolo, rapporteur. L’étape d’aujourd’hui est le symétrique des travaux menés au Sénat. Le cheminement du texte va se poursuivre en commission du développement durable. Le gouvernement poursuivra ainsi les négociations européennes avec l’appui des parlementaires des deux chambres, ce qui lui donnera plus de force pour défendre le règlement le plus ambitieux possible.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 192 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la recommandation 2021/06 de la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord‑Est sur les granulés plastiques dans le milieu marin,
Vu les recommandations de l’Organisation maritime internationale pour le transport maritime de granulés de plastique, approuvées par le Comité de la protection du milieu marin lors de sa quatre‑vingt unième session (18‑22 mars 2024),
Vu la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux,
Vu la communication COM(2018) 028 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 16 janvier 2018 intitulée « Une stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire »,
Vu la communication COM(2019) 640 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 décembre 2019 intitulée « Le pacte vert pour l’Europe »,
Vu la communication COM(2020) 98 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 mars 2020 intitulée « Un nouveau plan d’action pour une économie circulaire – Pour une Europe plus propre et plus compétitive »,
Vu la communication COM(2021) 400 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 12 mai 2021 intitulée « Cap sur une planète en bonne santé pour tous. Plan d’action de l’UE : Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols »,
Vu la communication COM(2021) 699 final de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 novembre 2021 intitulée « Stratégie de l’UE pour la protection des sols à l’horizon 2030 – Récolter les fruits de sols en bonne santé pour les êtres humains, l’alimentation, la nature et le climat »,
Vu la directive 94/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994 relative aux emballages et aux déchets d’emballages,
Vu la directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin,
Vu la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives,
Vu la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution),
Vu la directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement,
Vu le règlement (UE) 2024‑1328 de la Commission du 16 mai 2024 modifiant l’annexe XVII du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne l’octaméthylcyclotétrasiloxane (« D4 »), le décaméthylcyclopentasiloxane (« D5 ») et le dodécaméthylcyclohexasiloxane (« D6 »),
Vu le règlement (UE) 2024/1781 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception pour des produits durables, modifiant la directive (UE) 2020/1828 et le règlement (UE) 2023/1542 et abrogeant la directive 2009/125/CE,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 10 novembre 2022 relatif à la réception par type des véhicules à moteur et de leurs moteurs, ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité de leurs batteries (Euro 7), et abrogeant les règlements (CE) n° 715/2007 et (CE) n° 595/2009, COM(2022) 586 final,
Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 16 octobre 2023 relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques, COM(2023) 645 final,
Vu la loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, en particulier son article 83,
Vu le décret n° 2021‑461 du 16 avril 2021 relatif à la prévention des pertes de granulés de plastiques industriels dans l’environnement,
Vu la proposition de loi du Sénat n° 164 (2020‑2021) visant à lutter contre le plastique, présentée par Mme Angèle Préville et plusieurs de ses collègues, déposée le 30 novembre 2020,
Vu le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 217 (2020‑2021) de Mme Angèle PRÉVILLE, sénatrice, et de M. Philippe Bolo, député, intitulé « Pollution plastique : une bombe à retardement ? », déposé le 10 décembre 2020,
Vu le rapport du Sénat n° 411 (2020‑2021) de Mme Martine Filleul, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, sur la proposition de loi visant à lutter contre les plastiques, déposé le 3 mars 2021,
Vu la résolution européenne du Sénat n° 149 (2022‑2023) du 30 juin 2023 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception par type des véhicules à moteur et de leurs moteurs, ainsi que des systèmes, des composants et des entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité de leurs batteries (Euro 7), et abrogeant les règlements (CE) n° 715/2007 et (CE) n° 595/2009, COM(2022) 586 final,
Vu la résolution européenne du Sénat n° 146 (2023‑2024) du 5 juillet 2024 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la surveillance et à la résilience des sols (directive sur la surveillance des sols), COM(2023) 416 final,
Vu le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques n° 141 (2024‑2025) de M. Philippe Bolo, député, sur les impacts des plastiques sur la santé humaine, déposé le 14 novembre 2024,
Vu la résolution européenne du Sénat n° 35 (2024‑2025) du 17 janvier 2025 sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la prévention des pertes de granulés plastiques en vue de réduire la pollution par les microplastiques - COM(2023) 645 final,
– Concernant l’objectif global de la proposition de règlement :
Considérant que les microplastiques constituent une source importante de pollution de l’environnement, et que les rejets non intentionnels de granulés de plastiques représentent l’une des principales sources de pollution par les microplastiques primaires dans l’Union européenne ;
Considérant que les granulés plastiques disséminés dans les milieux aquatiques et terrestres sont susceptibles de causer des dommages significatifs à la biodiversité, aux écosystèmes, à la chaîne alimentaire ainsi qu’au climat et à la santé humaine ;
Considérant que la pollution des littoraux et des milieux marins a des incidences négatives sur les activités économiques des zones côtières telles que l’agriculture, la pêche ou le tourisme, et que les collectivités territoriales ne disposent pas de moyens et de ressources financières pour faire face à ce type de pollution ;
Considérant que cette source de pollution, une fois produite, est très difficile à traiter et à éliminer en raison de la petite taille, de la facilité de dispersion et de la persistance dans l’environnement des granulés de plastique ;
Considérant que l’Union européenne s’est fixé un objectif de réduction de la pollution par les microplastiques de 30 % d’ici à 2030 dans le cadre du plan d’action « zéro pollution », et que les mesures proposées par la Commission européenne concernant les pertes de granulés de plastique dans l’environnement devraient contribuer à hauteur d’un quart de cet objectif ;
Soutient l’objectif de prévenir et réduire la pollution par les microplastiques dans l’environnement et la nécessité de prendre des mesures efficaces pour prévenir les pertes et les fuites de granulés plastiques industriels dans l’environnement tout au long de la chaîne d’approvisionnement ;
Considère que les dispositions proposées par la Commission sont de nature à créer un cadre favorable à la prévention et à la réduction de la pollution par les microplastiques dans l’environnement ;
Rappelle son soutien au principe du pollueur‑payeur et déplore que les collectivités territoriales soient le plus souvent contraintes d’assumer seules le coût du nettoyage et des dommages causés localement en raison des difficultés à identifier le pollueur, en particulier dans le cas des pertes de conteneurs de granulés plastiques en mer ;
Demande une meilleure prise en compte du coût que représente la réparation des dommages causés à l’environnement par la pollution, en particulier des plastiques et microplastiques ;
Souligne la nécessité d’aboutir à la signature d’un traité mondial sur la pollution par les plastiques, qui incluent les microplastiques, afin notamment d’impliquer l’ensemble des pays et acteurs du secteur de la plasturgie dans la prévention des pertes de granulés de plastique dans l’environnement ;
– Concernant l’approche générale retenue par la Commission européenne dans la proposition de règlement :
Considérant que les rejets dans l’environnement de granulés de plastique résultent, d’une part, de pertes opérationnelles liées à de mauvaises manipulations le long de la chaîne de production et d’utilisation et, d’autre part, de pertes accidentelles lors de leur transport, qu’il soit terrestre, ferroviaire ou maritime, et sont donc évitables par la mise en œuvre de mesures de prévention ;
Considérant les règles déjà adoptées par l’Union européenne pour réduire la dispersion des microplastiques dans l’environnement ;
Considérant que la Commission européenne propose de les compléter en instaurant une obligation générale de prévention des pertes de granulés de plastique pour l’ensemble des opérateurs économiques, les transporteurs de l’UE et les transporteurs de pays tiers ;
Considérant que la proposition de règlement européen s’appuie sur les recommandations déjà adoptées par la Convention pour la protection de l’environnement maritime de l’Atlantique Nord‑Est et par l’organisation maritime internationale, qui visent à lutter contre la pollution plastique des milieux marins et prévenir les déversements accidentels de granulés plastiques en mer ;
Considérant que l’approche retenue par la Commission européenne est largement inspirée par la législation adoptée par la France, dans le cadre de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, qui instaure un dispositif spécifique afin de prévenir les pertes non‑intentionnelles de granulés de plastique dans l’environnement ;
Approuve l’initiative de la Commission européenne visant à établir un cadre réglementaire harmonisé concernant l’ensemble des activités liées à l’utilisation de granulés de plastique, que ce soit la production, le chargement, la manutention, le stockage, le recyclage ou le transport ;
Estime que l’harmonisation des règles au niveau européen est essentielle pour garantir une protection plus efficace de l’environnement et des conditions de concurrence équitables entre opérateurs au sein du marché intérieur de l’UE ;
Salue le fait que la proposition de règlement prévoit des obligations applicables, comme dans le dispositif français, à tous les opérateurs économiques manipulant plus de cinq tonnes de granulés de plastique industriels par an et prévoit des exigences équivalentes pour les transporteurs européens et ceux de pays tiers ;
– Concernant l’intégration du secteur maritime au champ d’application du règlement :
Considérant que les déversements accidentels de granulés de plastique dans l’environnement se produisent le plus souvent lors de leur transport, en particulier par voie maritime, et que le transport maritime est un acteur important de la chaîne d’approvisionnement des granulés de plastique dans l’Union européenne ;
Considérant que la perte de conteneurs en mer représente une source grave de pollution marine, avec des répercussions néfastes sur les écosystèmes marins et qu’il est difficile, dans la plupart des cas, d’en établir les responsabilités, comme l’illustrent les récents épisodes de déversement de granulés sur les plages françaises et espagnoles ;
Considérant l’absence de cadre réglementaire contraignant pour le secteur du transport maritime qui représente pourtant plus des deux tiers du transport de marchandises dans l’Union européenne et dont l’activité devrait continuer de croître ;
Estime nécessaire que le champ d’application du règlement soit étendu à tous les modes de transport, y compris maritime, en l’absence de recommandations contraignantes établies par l’Organisation maritime internationale, dans le respect du droit international ;
Préconise que les dispositions du règlement s’appliquent à l’ensemble des navires à destination ou au départ de ports européens, indépendamment de leur pavillon ;
Souligne que l’inclusion du transport maritime dans le champ du règlement permettra de contribuer à une meilleure protection des zones géographiques maritimes, notamment autour des régions ultrapériphériques, qui sont les plus exposées aux risques de pollution liée aux fuites de granulés de plastiques ;
– Concernant les exigences applicables aux entreprises du secteur de la plasturgie :
Considérant que les transformateurs et fabricants européens des plastiques sont déjà engagés dans des actions de prévention des pertes et fuites de granulés de plastique, notamment dans le cadre du programme « Operation Clean Sweep » ;
Se félicite que les exigences proposées par la Commission européenne s’inspirent et généralisent les principes et méthodes déjà mis en œuvre par les opérateurs économiques de la plasturgie sur la base du volontariat ;
Estime cependant nécessaire de rendre juridiquement contraignantes les recommandations élaborées par les parties à la Convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord‑Est et à l’Organisation maritime internationale au niveau européen ;
Fait valoir que les coûts de mise en conformité pour les acteurs du secteur devraient être limités en raison des mesures qu’ils ont déjà mises en place et du gain économique que la réduction des pertes de granulés devrait représenter pour eux ;
– Concernant les exigences allégées pour les petites et moyennes entreprises :
Considérant que la Commission européenne prévoit un allégement de certaines dispositions, en particulier l’obligation de certification par un tiers au profit de l’auto‑déclaration, pour les petites entreprises ainsi que pour les moyennes et grandes entreprises manipulant moins de 1 000 tonnes de granulés de plastique par an ;
Considérant que l’article 193 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne fait pas obstacle à l’adoption par les États membres de mesures de protection environnementale plus strictes que celles prévues par la réglementation européenne ;
Considérant que le secteur de la plasturgie en France est principalement composé de petites et moyennes entreprises ;
Doute de l’opportunité, sur le plan opérationnel et compte tenu des considérations environnementales, des exemptions envisagées par la Commission européenne, susceptibles de bénéficier à des opérateurs économiques manipulant des volumes importants de granulés plastiques et d’éviter donc certaines obligations à un nombre important d’entreprises en France ;
Estime que la taille de l’entreprise ne doit pas être un critère déterminant pour l’application des obligations posées par la proposition de la Commission européenne et appelle à retenir le tonnage de granulés manipulés annuellement comme seul critère ;
Propose que les exemptions aux obligations de certification, d’évaluations internes, de réunions de gestion et de réalisation d’un programme de sensibilisation et de formation soient mieux encadrées ;
Demande à cet égard que les petites entreprises manipulant plus de 1 000 tonnes de granulés par an ne soient pas exemptées desdites obligations ;
Considère, en tout état de cause, que le seuil d’assujettissement à l’obligation de certification que la Commission propose de fixer à 1 000 tonnes de granulés manipulés par an, apparaît trop élevé compte tenu des enjeux environnementaux, et préconise de l’abaisser à un niveau plus proche de celui retenu en droit français ;
Recommande que le règlement européen reprenne les dispositions du dispositif déjà mis en œuvre par la France, et prévoie en particulier son application à l’ensemble des opérateurs économiques manipulant plus de 5 tonnes de granulés plastiques par an ;
Souligne qu’un contrôle rigoureux est nécessaire pour s’assurer du respect des exigences en matière de pertes et fuites de granulés de plastiques et rappelle, à ce titre, le rôle et l’importance des inspections régulières par les autorités compétentes ;
Préconise un renforcement du contrôle du respect des exigences pour les entreprises soumises à l’auto déclaration, qui pourrait notamment être assuré dans le cadre d’un audit externe ;
Recommande de renforcer les opérations d’inspection sur les sites industriels afin de vérifier le respect des dispositions du règlement ;
Estime nécessaire que l’ensemble des exploitants et du personnel impliqués dans la manipulation des granulés plastiques soient formés aux bonnes pratiques, à la gestion des déversements et au respect des règles et que, par conséquent, l’obligation d’établir un programme de sensibilisation et de formation s’applique à l’ensemble des entreprises relevant du champ d’application du règlement ;
– Concernant la définition des granulés de plastique et l’élaboration de bonnes pratiques de gestion :
Considérant la nécessité de maintenir un haut niveau d’exigence en matière de prévention des pertes de granulés de plastiques dans l’environnement ;
Considérant les risques de fuite de granulés plastiques dans l’environnement, en particulier en mer, que ce soit dans des conditions normales de transport, en cas d’intempéries météorologiques ou d’accidents, et leurs incidences négatives ;
Demande que la définition des granulés de plastique industriels soit suffisamment précise pour inclure toutes les formes et tailles de granulés de plastique industriels, y compris les plus petites que sont les poudres, les paillettes et les flocons ;
Préconise l’application des mesures établies par l’Organisation maritime internationale concernant le protocole d’étiquetage et de notification pour les conteneurs de granulés plastiques, ainsi que le renforcement des exigences en matière d’emballage ;
Estime que l’interdiction du transport en vrac devrait faire l’objet de travaux dans le cadre de l’Organisation maritime internationale ;
– Concernant la quantification des pertes de granulés de plastique dans l’environnement :
Considérant l’obligation du projet de règlement européen de déclaration, auprès des autorités nationales compétentes, des activités relatives à la manipulation des granulés plastiques ;
Considérant l’obligation de réaliser et de tenir à jour un plan d’évaluation des risques prévoyant la tenue d’un registre des mesures mises en œuvre et des quantités de pertes estimées par les transporteurs de l’UE ;
Considérant l’objectif de l’Union européenne d’élaborer une méthode normalisée afin de mieux estimer les pertes de granulés plastiques dans l’environnement dans le cadre de règlementation REACH ;
Considérant que le texte de la Commission européenne prévoit que les exploitants responsables de déversements de granulés plastiques devront couvrir les coûts de nettoyage ;
Considérant, faute des capacités à déterminer les responsabilités, l’enlisement des enquêtes menées à la suite des plaintes contre X déposées auprès du tribunal de Brest pour pollution des eaux et des milieux naturels par des granulés plastiques début 2024 ;
Estime nécessaire d’ajouter au projet européen de règlementation l’obligation de déclaration des pertes de granulés lors des opérations de transport ;
Préconise que ces déclarations comportent la date du déversement, ses coordonnées géographiques, la quantité perdue, le type et la nature des GPI perdus ainsi que l’origine et la destination du transport ;
Recommande que les données des déclarations de pertes soient rendues publiques afin d’être accessibles aux scientifiques, aux ONG environnementales et aux citoyens européens ;
Invite le Gouvernement à défendre cette position au sein du Conseil de l’Union européenne.
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur
M. Alain BLANCHARD, délégué général
Mme Caroline CHAUSSARD, directrice RSE
M. Nathan Leroux, responsable affaires publiques
M. Christophe LOGETTE, directeur
Mme Camille LACROIX, responsable du service Surveillance et étude des déchets aquatiques
([1]) D’après l’étude d’impact de la Commission européenne réalisée sur la proposition de règlement sur la prévention des pertes accidentelles de GPI : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:52023SC0332
([3]) Concept proposé en 2009 par une équipe internationale de recherche menée par le Suédois Johan Rockström, directeur de l’Institut de recherche de Potsdam (Allemagne) sur les effets du changement climatique. Johan Rockström et al., « A safe operating space for humanity », Nature, 23 septembre 2009.
([4]) Introduction de nouvelles entités facteurs de pollution dans l'environnement ; limite franchie en 2022. Linn Persson, Bethanie M. Carney Almroth, Christopher D. Collins et Sarah Cornell, « Outside the Safe Operating Space of the Planetary Boundary for Novel Entities », Environmental Science & Technology, 18 janvier 2022.
([5]) Traylor SD, Granek EF, Duncan M and Brander SM (2024) From the ocean to our kitchen table: anthropogenic particles in the edible tissue of U.S. West Coast seafood species. Front. Toxicol.
([9]) Article D. 541-360 du Code de l'environnement.
([10]) Plastics Europe, 2016.
([11]) Therese M. Karlssona, Lars Arneborgb,c, Göran Broströmc, Bethanie Carney Almrothd, Lena Gipperthe, Martin Hassellöva, The unaccountability case of plastic pellet pollution, Marine Pollution Bulletin, 2018.
([12]) Étude d’impact de la Commission européenne, op.cit.
([13]) Ibid.
([14]) Werner, S., Budziak, A., van Franeker, J., Galgani, F., Hanke, G., Maes, T., Matiddi, M., Nilsson, P., Oosterbaan, L., Priestland, E., Thompson, R., Veiga, J. and Vlachogianni, T.; 2016; Harm caused by Marine Litter. MSFD GES TG Marine Litter - Thematic Report; JRC Technical report.
([15]) Ces données sont reprises dans la proposition de règlement tel que modifiée par le Conseil (ajout d’un quatorzième considérant) - https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-16721-2024-INIT/en/pdf. Elles s’appuient les travaux menés par l’ONG Woods Hole Oceanographic Institution (https://www.whoi.edu/science/b/people/kamaral/plasticsarticle.html).
([16]) Bouwmeester H, Hollman PC, Peters RJ. Potential Health Impact of Environmentally Released Micro- and Nanoplastics in the Human Food Production Chain: Experiences from Nanotoxicology. Environ Sci Technol. 2015.
([18]) Étude d’impact de la Commission européenne, op.cit.
([20]) Audition de l’ANEL.
([22]) https://www.mercator-ocean.eu/actualites/le-sri-lanka-fait-face-a-une-catastrophe-environnementale-suite-au-naufrage-du-x-press-pearl/
([23]) Propos recueillis lors de l’audition du Cedre.
([25]) https://cedelft.eu/wp-content/uploads/sites/2/2023/03/CE_Delft_220512_Preventing_spills_of_plastic_pellets_DEF1-1.pdf
([26]) Cette option est celle retenue par le position paper remis à l’OMI signé notamment par la chambre internationale de la marine marchande : https://www.ics-shipping.org/wp-content/uploads/2022/02/PPR-9-15-1-Proposed-amendments-to-the-criteria-for-the-identification-of-harmfulsubstances-in-package...-Cook-Islands-Jamaica-Mo....pdf
([27]) « Ces audits sont mis en œuvre conformément aux dispositions du présent article, dans un délai d’un an à compter de leur mise en œuvre, puis au moins tous les trois ans, sous la responsabilité de l’exploitant de chaque site de production, de manipulation et de transport de granulés de plastiques industriels, par un organisme certificateur. »
([28]) Abrogeant la directive 93/75/CEE du Conseil européen.
([29]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 décembre 2019 intitulée « Le pacte vert pour l'Europe », COM(2019) 640 final.
([30]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 11 mars 2020 intitulée « Un nouveau plan d'action pour une économie circulaire - Pour une Europe plus propre et plus compétitive », COM(2020) 98 final.
([31]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 17 novembre 2021 intitulée « Stratégie de l'UE pour la protection des sols à l'horizon 2030 - Récolter les fruits de sols en bonne santé pour les êtres humains, l'alimentation, la nature et le climat », COM(2021) 699 final.
([32]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 12 mai 2021 intitulée « Cap sur une planète en bonne santé pour tous. Plan d'action de l'UE : Vers une pollution zéro dans l'air, l'eau et les sols », COM(2021) 400 final.
([33]) Règlement (UE) 2023/2055 de la Commission du 25 septembre 2023 modifiant l'annexe XVII du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), en ce qui concerne les microparticules de polymère synthétique.
([34]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la réception par type des véhicules à moteur, des moteurs et des systèmes, composants et entités techniques destinés à ces véhicules, en ce qui concerne leurs émissions et la durabilité des batteries (Euro 7), COM(2022) 586 final.
([35]) Règlement 2024/1781/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024 établissant un cadre pour la fixation d'exigences en matière d'écoconception pour des produits durables, modifiant la directive (UE) 2020/1828 et le règlement (UE) 2023/1542 et abrogeant la directive 2009/125/CE.
([36]) Directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l'incidence de certains produits en plastique sur l'environnement.
([37]) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux emballages et aux déchets d'emballages, modifiant le règlement (UE) 2019/1020 et la directive (UE) 2019/904, et abrogeant la directive 94/62/CE, COM(2022) 677 final.
([42]) Audition de l’ANEL.
([43]) Article 17 ter – Traçabilité :
« Au plus tard le ... [24 mois après l’entrée en vigueur du présent règlement], la Commission publie un rapport sur la possibilité d’introduire une traçabilité chimique des granulés plastiques. Ce rapport prend en compte, au minimum:
a) la faisabilité technique de l’introduction d’une signature chimique unique et différenciée qui n’est pas nocive pour l’environnement ou la santé humaine;
b) la création d’une base de données de l’Union consignant toutes les signatures chimiques;
Le rapport visé au premier alinéa est accompagné, s’il y a lieu, d’une proposition législative. »
([44]) D’après l’audition du Cedre.
([45]) Article D. 541-360 du Code de l’environnement.
([46]) Dans le cadre du sous-comité de la prévention de la pollution et de l’intervention dit « sous-comité PPR ».