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N° 1029

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 mars 2025.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi sur la profession d’infirmier,

 

 

 

 

Par Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 654.

 


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article 1er Refonte du socle législatif régissant la profession d’infirmier diplômé d’État

Article 1er bis (nouveau) Reconnaissance de la contribution des professionnels de santé non médicaux aux soins de premier recours

Article 1er ter (nouveau) Mise en place d’une procédure de reprise d’activité pour les infirmiers et les infirmiers en pratique avancée après une période d’interruption

Article 1er quater (nouveau) Expérimentation d’un accès direct aux infirmiers exerçant dans le cadre de structures d’exercice coordonné

Article 2 Extension des lieux d’exercice des infirmiers en pratique avancée et ouverture de la pratique avancée aux infirmiers spécialisés

Article 3 Gage de recevabilité financière

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURe

Annexe  2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 


–– 1 ––

   Avant-propos

La présente proposition de loi sur la profession d’infirmier était attendue de très longue date. Si les évènements politiques en ont retardé l’examen de près d’un an, il existe aujourd’hui un réel consensus au Parlement et, au-delà, parmi nos concitoyens, sur la nécessité et l’urgence d’améliorer le statut de nos infirmiers et la reconnaissance de leur profession.

Cette proposition de loi a vocation à répondre à cette nécessité. Cosignée par 84 députés issus de sept groupes politiques ou comptant parmi les non-inscrits, elle est porteuse d’une réelle ambition pour la profession infirmière.

Son objectif n’est pas d’apporter, dans l’immédiat, une réponse à tous les problèmes et revendications que nous connaissons, qu’ils concernent la rémunération, la formation ou encore la délimitation du champ de compétences des infirmiers. Ce chantier est trop vaste ; il appelle une concertation approfondie avec les différents acteurs impliqués.

Mais cette proposition de loi pose la première pierre de ce chantier par une refonte complète du socle législatif de la profession d’infirmier. Pour la première fois, cette profession ne sera plus définie par exception au monopole médical ou par des actes techniques ; elle sera définie par des grandes missions, en vertu desquelles l’ensemble des compétences des infirmiers auront vocation à se déployer, avec une souplesse et une adaptabilité bien plus grandes qu’aujourd’hui. La compétence et l’apport spécifiques des infirmiers seront reconnus en tant que tels.

S’il faut aller vite – et la rapporteure appelle de ses vœux l’adoption définitive de ce texte avant l’été, grâce à l’engagement d’une procédure accélérée – il importera cependant de ne pas brûler les étapes, en cherchant à intégrer dans la loi des précisions quant aux actes et soins que les infirmiers pourraient être appelés à prodiguer. Les infirmiers eux-mêmes ne veulent plus de ce carcan. Ils l’ont clairement manifesté lors des auditions conduites par la rapporteure.

La présente proposition de loi offre un socle législatif, probablement perfectible, mais qui a vocation à demeurer large et ouvert, pour ne pas bloquer les évolutions attendues aux niveaux réglementaire et conventionnel. La définition des missions donnera lieu à une redéfinition des référentiels de compétences et de formation, et à une réforme de la nomenclature des actes infirmiers. Malgré notre hâte de voir évoluer les choses, ces temps sont distincts et devront être respectés.

C’est à cette condition que la réforme de la profession infirmière pourra se déployer. Le mal-être, la perte d’attractivité, que traduisent les abandons fréquents en cours de formation ou de carrière, sont des signaux qui doivent alerter, quand le système de soins compte sur ces professionnels face au double défi du vieillissement de la population et de la prévalence croissante des maladies chroniques.

  1.   Les infirmiers, un maillon essentiel de l’offre de soins aujourd’hui trop peu reconnu et valorisé
    1.   Une profession indispensable, en contact direct avec le patient sur l’ensemble du territoire

Parmi les professionnels de santé, l’infirmier se distingue, en particulier dans son exercice libéral, par sa vision globale du patient dans toutes ses dimensions, sa présence régulière au domicile et son positionnement à l’interface de nombreux professionnels de santé. En établissement comme en ville, l’infirmier est souvent le point de contact le plus accessible dans le système de soins, pour le patient et sa famille. Ce double positionnement, au plus proche des patients comme en coordination avec le médecin et les autres intervenant du parcours de soin, font de l’infirmier un acteur clé de notre système de santé.

Les infirmiers diplômés d’État sont aujourd’hui, de très loin, la première profession de santé en France. Selon les données de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), leur nombre était estimé à 637 644 en activité au 1er janvier 2021, devant les aides-soignants (424 000) et les médecins (228 000) ([1]). La population est très largement féminisée : en 2021, 87 % des infirmiers étaient des infirmières.

Les infirmiers sont déployés sur l’ensemble du territoire national et ils exercent au sein d’une grande diversité de lieux. Si l’hôpital public reste le mode d’exercice le plus fréquent, qui rassemble 47 % des infirmiers en 2021, ils sont nombreux à travailler en libéral (16 %) et en hôpital privé (16 %), ou encore dans le secteur social et médico-social (10 %). Les 10 % restants se répartissent entre écoles, crèches, protection maternelle et infantile, ou encore services d’incendie et de secours.

Le nombre d’infirmiers a progressé de 8 % entre 2013 et 2021. Cette hausse a principalement profité au secteur libéral (+29 %), en lien avec l’augmentation des besoins des personnes âgées à domicile. L’étude précitée de la Drees souligne néanmoins que les besoins ont crû plus rapidement encore, aboutissant à une réduction de la couverture de ces besoins de l’ordre de 6 % depuis 2013.

Lors de son audition, le directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), M. Thomas Fatôme, a souligné l’hétérogénéité importante et persistante de la répartition des infirmiers libéraux sur le territoire national, en dépit du zonage conventionnel mis en place à compter de 2012 ([2]) (cf. carte ci-après).

répartition des infirmiers libéraux sur le territoire en 2021

Source : Drees méthodes n° 15, juin 2024.

  1.   Un manque de reconnaissance entretenu par la loi

La profession infirmière a été largement structurée en France par l’existence d’un monopole médical en vertu duquel le médecin dispose d’une compétence générale pour diagnostiquer et traiter les maladies, l’intervention des autres professionnels de santé ne pouvant s’envisager que par dérogation à ce monopole.

Ce système, qui restreint les possibilités d’action des professionnels de santé, se traduit, s’agissant des infirmiers, par l’imposition d’un « décret d’actes », ou décret de compétences, actuellement codifié dans la partie réglementaire du code de la santé publique. Ce décret d’actes comporte la liste limitative de l’ensemble des actes que peut accomplir un infirmier diplômé d’État, quel que soit son mode d’exercice, dans le cadre de son rôle propre, sur prescription médicale ou en présence d’un médecin pouvant intervenir à tout moment.

Ce décret d’actes est une spécificité française, ainsi que l’ont souligné l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) dans un rapport dédié à la profession infirmière paru en 2022 ([3]). Aucun de nos voisins européens n’a dressé une liste si précise des actes délimitant la compétence des infirmiers, à l’exception de la Belgique. Pour la plupart, ils se bornent à définir les grandes missions des infirmiers ou leurs compétences générales (Espagne, Italie, Allemagne).

Le système du décret d’actes alimente, en France, le sentiment d’un manque de reconnaissance de la profession infirmière, lequel contribue à la perte d’attractivité du métier. L’étude précitée de la Drees montre en effet que, si la quasi-totalité des places ouvertes en institut de formation en soins infirmiers sont pourvues, « la progression des taux d’interruption en cours de formation est devenue spectaculaire sur les toutes dernières années », passant de 11 % entre 2013 et 2019 à 20 % en 2022. À cette déperdition lors de la formation s’ajoutent les cessations d’activité en cours de carrière.

À l’évidence, le manque de reconnaissance alimenté par la loi et le système du décret d’actes n’est pas seul à l’origine de cette désaffection. Il faut y ajouter des problématiques de rémunération, particulièrement prégnantes en établissement ([4]), et la rudesse des conditions de travail, en particulier dans un contexte de raréfaction de l’offre, qui induit des reports de charge importants sur les personnels en activité.

Finalement, la rapporteure ne peut que reprendre à son compte le constat, effectué par l’Igas et IGESR, selon lequel « l’ensemble des infirmiers [...], quel que soit leur lieu d’exercice, expriment leur souhait d’une évolution de la profession avec un élargissement des compétences, une plus grande autonomie dans l’exercice, des modèles économiques incitatifs et une valorisation des expertises acquises par l’expérience professionnelle ou la formation universitaire ».

  1.   Des missions qui tendent à s’accroître, en lien avec la hausse des besoins de santé et la désertification médicale

En réponse à ce souhait largement exprimé, mais aussi confrontés à des difficultés pour satisfaire les besoins de santé, les pouvoirs publics ont, depuis quelques années, prudemment étendu le champ des interventions des infirmiers. Ces évolutions ont néanmoins été frileuses, et elles demeurent notoirement insuffisantes pour répondre aux attentes de la profession ainsi qu’au double enjeu du vieillissement démographique et de la désertification médicale.

  1.   Face à des besoins de santé sans cesse croissants…

Le vieillissement démographique se conjugue au phénomène de désertification médicale pour accroître les attentes pesant sur le personnel infirmier. La progression en nombre des maladies chroniques impose de renforcer fortement les actions de prévention auprès des patients dans un contexte où, en 2021, six millions d’entre eux, dont 620 000 personnes en affection de longue durée, étaient dépourvus de médecin traitant.

Dans cette situation, les infirmiers doivent mobiliser des compétences nouvelles pour prendre en charge les patients, en matière d’éducation thérapeutique, de suivi des retours à domicile, de coordination des parcours et de soins palliatifs.

Or, cette tendance est appelée à s’accroître très fortement au cours des prochaines décennies. La part des personnes âgées de 60 ans et plus dans la population devrait ainsi passer de 27 % en 2021 à 33 % en 2050. Outre le défi du nombre, lié à la nécessité de former et de maintenir en emploi 80 000 infirmiers supplémentaires d’ici 2050 ([5]), ces évolutions supposent une adaptation de leur champ d’intervention en lien avec le virage préventif de notre système de santé.

  1.   ... une extension très prudente des missions « officielles » des infirmiers
    1.   Dans le cadre des protocoles de coopération

Depuis quelques années, il est possible de déléguer certains actes normalement accomplis par des médecins aux infirmiers, dès lors qu’ils interviennent dans des cadres de coopération définis.

L’article 51 de la loi dite « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) ([6]) a ainsi donné naissance aux protocoles de coopération. L’article L. 4011‑1 du code de la santé publique prévoit que les professionnels de santé « travaillant en équipe peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération pour mieux répondre aux besoins des patients », laquelle peut impliquer « des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de prévention ». Concrètement, ces protocoles peuvent autoriser des dérogations aux décrets de compétences des professionnels de santé paramédicaux.

Il existe deux types de protocoles de coopération :

– des protocoles nationaux, dont la trame est validée par la Haute Autorité de santé et qui sont autorisés par arrêté ministériel ;

– des protocoles locaux, élaborés pour le seul usage de l’équipe qui les porte.

Il existe actuellement une soixantaine de protocoles de coopération nationaux autorisés en établissement de santé, en structure pluriprofessionnelle ou en libéral. Ils concernent, pour la grande majorité des cas, des infirmiers autorisés à pratiquer certains actes délégués par un médecin. Pour les mettre en œuvre, les professionnels de santé doivent déclarer une équipe au moyen d’un formulaire dédié. Ainsi, il existe par exemple un protocole de coopération permettant aux médecins de déléguer officiellement aux infirmiers la pose de voies veineuses centrales, ou encore la pratique de frottis cervico-utérins en centre de santé.

Cependant, les protocoles de coopération souffrent globalement d’un manque d’adhésion en raison, notamment, d’une certaine lourdeur dans leur mise en œuvre. Le rapport précité de l’Igas et de l’IGESR relevait que « le dispositif ne [faisait] pas l’objet d’une évaluation rigoureuse, tant quantitative que qualitative ».

  1.   Une extension limitée des compétences propres de l’infirmier

Au-delà des protocoles de coopération, le législateur a également consacré certaines évolutions dans les compétences des infirmiers.

■ Ils peuvent désormais, après avoir suivi une formation spécifique, prescrire l’ensemble des vaccins mentionnés dans le calendrier vaccinal ainsi que le vaccin contre la grippe saisonnière aux personnes âgées de 11 ans et plus. Ils peuvent également administrer ces vaccins sans prescription médicale préalable. Enfin, ils peuvent prescrire et administrer le vaccin contre le covid‑19 aux personnes âgées de 5 ans et plus.

■ Ces évolutions ont aussi consacré une extension du pouvoir de prescription des infirmiers. Initialement circonscrite, sur le fondement d’un arrêté du 20 mars 2012 ([7]), à certains dispositifs médicaux nécessaires dans le cadre de soins infirmiers couverts par une prescription (pansements, sondes, accessoires pour les perfusions), cette compétence a été élargie à certains produits de santé, comme les contraceptifs oraux et les produits de sevrage tabagiques.

■ Depuis 2020, les infirmiers sont habilités à dresser, dans le cadre d’une prescription médicale pour soins liés à la dépendance, un bilan de soins infirmiers destiné à évaluer l’état de santé du patient dépendant afin d’établir un plan de soins infirmiers personnalisé, facturable à hauteur de 25 euros.

■ Depuis 2024, les infirmiers peuvent effectuer, en accès direct, les bilans de prévention instaurés à certains âges clés de la vie au même titre que les médecins, sages-femmes et pharmaciens ([8]). Ces bilans, facturés 30 euros, recensent les habitudes de vie et l’environnement des patients dans le but de formuler des conseils personnalisés et de les orienter vers des actions de dépistage.

■ Enfin, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 habilite les infirmiers volontaires à signer des certificats de décès dans des conditions qui devront être déterminées par décret.

  1.   ... et la généralisation des « glissements de tâches »

Au-delà de cette évolution circonscrite des compétences dévolues aux infirmiers s’impose le constat général, fréquemment réitéré lors des auditions de la rapporteure, de transferts de tâches officieux sur le terrain. Ces « délégations » résultent souvent d’une situation de fait : dans le but de répondre aux besoins des patients dans les meilleurs délais et dans un contexte de raréfaction de la ressource médicale, des infirmiers peuvent être amenés à accomplir certaines tâches relevant du médecin ou nécessitant sa prescription sur une simple consigne orale, voire en toute autonomie.

Le rapport précité des inspections générales mentionne par exemple, parmi les actes médicaux fréquemment « délégués » aux infirmiers sans base juridique claire, la première pose de sonde urinaire, la prescription de transport sanitaire, la mise en place d’un cathéter ou la dispensation d’antalgiques de niveaux 1 et 2.

Cette situation, qui s’apparente à un « glissement de tâches », n’est évidemment pas satisfaisant. D’une part, elle peut poser problème en termes de qualité et de sécurité des soins ; même si l’infirmier a le sentiment de maîtriser un acte, certaines complications pourraient ne pas avoir été anticipées. D’autre part, elle place l’infirmier devant le risque juridique d’un exercice illégal de la médecine.

Ces glissements de tâches devenus très fréquents appellent une clarification. Il importe, après concertation avec les parties prenantes, d’assouplir le cadre législatif et réglementaire de l’exercice des infirmiers pour leur permettre de dispenser, en toute sécurité, les actes dont il apparaît qu’ils peuvent intégrer leur domaine de compétences.

  1.   Un statut globalement en deçà de ce qui est observé en Europe

L’examen de la situation des autres États européens fait ressortir le statut globalement moins favorable des infirmiers français et les pistes qui s’offrent pour améliorer la reconnaissance et la valorisation de leur métier. Outre les enjeux de rémunération, l’annexe n° 2 du rapport précité des inspections générales met en lumière des différences avec nos voisins s’agissant de la formation et de l’extension du champ de compétences.

■ Pour ce qui est de la formation, si la plupart des législations européennes prévoient une durée d’études qui ne dépasse pas trois ans (Allemagne, Italie, Suède, Royaume‑Uni), le rapport note une tendance à un allongement. En outre, la France s’avère en retrait pour le nombre d’heures de formation, soit 4 200 heures au lieu des 4 600 heures minimales imposées par le droit européen ([9]). Rappelé à l’ordre par la Commission européenne, le Gouvernement a prévu, dans le cadre d’une réflexion plus globale sur la réingénierie de la formation infirmière, le passage à 4 600 heures à compter de la rentrée 2026 ([10]).

■ S’agissant du champ de compétences, le même rapport souligne des évolutions importantes, plus ou moins anciennes selon les pays, liées au pouvoir de prescription des infirmiers et au développement de consultations infirmières. En matière de prescription, au Royaume‑Uni, les infirmiers formés et certifiés peuvent prescrire des médicaments. Tous peuvent signer des certificats médicaux, notamment des arrêts maladie. Le rapport souligne néanmoins que « cet enrichissement des compétences des infirmiers s’effectue dans un cadre où les dispositifs coordonnés [...] constituent la norme en matière de soins de proximité ».

Ce pouvoir de prescription a aussi été largement ouvert en Espagne pour tous les médicaments accessibles sans ordonnance ainsi que, pour les infirmiers accrédités, pour certains médicaments soumis à prescription médicale, également dans un contexte où ces professionnels opèrent fréquemment en équipe de soins.

Enfin, plusieurs pays pratiquent d’ores et déjà la consultation infirmière accessible sans prescription médicale. C’est le cas de la Belgique dans un périmètre plus étendu que le bilan de soins infirmiers, mais aussi du Royaume-Uni dans le cadre des cabinets de groupe, ou encore des centres de santé suédois et finlandais. Encore une fois, ces consultations autonomes sont, le plus souvent, organisées dans des structures d’exercice coordonné.

  1.   Infirmiers en pratique avancée : le chemin laborieux d’une idée novatrice
    1.   Le statut d’infirmier en pratique avancée a vu le jour en 2018 en France avec une vocation plurielle
      1.   Une profession existant à l’étranger selon deux modèles distincts

Les infirmiers en pratique avancée (IPA) sont apparus dans les années 1960 aux États‑Unis et au Canada dans le but de garantir l’accès aux soins primaires pour l’ensemble de la population, de réduire les coûts du système de santé, d’optimiser les compétences des professionnels et d’améliorer les perspectives de carrière des infirmiers. Aujourd’hui, cette profession est reconnue dans vingt‑cinq pays. Plus de 330 000 infirmiers en pratique avancée exercent à l’échelle mondiale ([11]).

On distingue, à travers les différents États, deux modèles de pratique avancée : l’infirmier clinicien spécialisé (ICS) et l’infirmier praticien (IP). D’après l’Union nationale des infirmiers de pratique avancée (Unipa), « les infirmières praticiennes sont des infirmières généralistes qui, après une formation plus poussée, de niveau master au minimum, sont devenues des cliniciennes autonomes, formées pour diagnostiquer et traiter les affections en soins primaires », souvent pour répondre aux besoins locaux dans un contexte de vieillissement de la population. En revanche, les missions de l’infirmier clinicien spécialisé « comprennent les soins directs aux patients dans une spécialité clinique », mais aussi « les soins indirects à travers la formation, la recherche et l’appui aux autres infirmières et personnels de santé ».

  1.   ... qui est apparue en France en 2018

En France, la réflexion sur la création de métiers de niveau intermédiaire entre les fonctions paramédicales et médicales a été amorcée dans les années 2000 avec un rapport du professeur Yvon Berland ([12]). Il faisait le constat d’une volonté exprimée par certains acteurs médicaux et paramédicaux d’organiser un transfert de tâches des médecins vers les infirmiers, notamment pour les actes de soins primaires et le suivi des pathologies chroniques. Il préconisait notamment la création de nouveaux métiers de soins qui faciliterait cette délégation d’actes et de tâches.

Ce n’est qu’en 2016, avec la loi de modernisation de notre système de santé ([13]), que la pratique avancée a été ouverte à l’ensemble des professions paramédicales dans le but de faciliter l’accès aux soins, d’améliorer la prise en charge des maladies chroniques et d’offrir de nouvelles perspectives de carrière à ces professionnels. L’article L. 43011 du code de la santé publique prévoit ainsi, pour l’ensemble des auxiliaires médicaux, la possibilité d’un exercice en pratique avancée :

– au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ;

– au sein d’une équipe de soins en établissements de santé ;

– en établissements médico-sociaux, coordonné par un médecin ;

– ou, enfin, en assistance d’un médecin spécialiste, hors soins primaires, en pratique ambulatoire.

Il est prévu qu’un décret en Conseil d’État définisse, pour chaque profession d’auxiliaire médical, les domaines d’intervention et les activités en pratique avancée, ainsi que les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée.

Néanmoins, cette pratique avancée n’a été organisée dans les faits que pour les infirmiers avec le décret n° 2018629 du 18 juillet 2018 relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée.

  1.   L’infirmier en pratique avancée dispose de compétences élargies et transversales

Les textes législatifs et réglementaires définissent les prérogatives des infirmiers en pratique avancée à travers les actes techniques spécifiques qu’ils sont autorisés à accomplir.

L’article R. 43011 du code de la santé publique prévoit que l’infirmier exerçant en pratique avancée dispose de compétences élargies par rapport à celles de l’infirmier diplômé d’État, listées à l’article R. 4301‑3. Cela inclut des activités telles que la réception directe des patients, la capacité de poser un diagnostic et de prescrire des traitements, permettant ainsi des prises en charge plus complexes.

Comme la pratique avancée vise à élargir les compétences transversales et les responsabilités des professionnels au-delà des cadres légaux et réglementaires qui encadrent le métier d’infirmier, les infirmiers en pratique avancée sont amenés à jouer un rôle central dans le parcours de soin des patients.

L’accès à cette profession est conditionné à trois années d’exercice en tant qu’infirmier et à l’obtention d’un diplôme d’État de niveau master. Le décret du 18 juillet 2018 avait initialement prévu trois mentions :

– pathologies chroniques stabilisées ;

– oncologie et hémato-oncologie ;

– maladie rénale chronique.

Par la suite, deux décrets n° 2019‑835 du 12 août 2019 et n° 2021‑1384 du 25 octobre 2021 ont successivement introduit les nouvelles mentions « psychiatrie et santé mentale » et « urgences ».

Cette évolution progressive des mentions accentue la spécialisation, ce qui semble en contradiction avec l’idée initiale d’une transversalité des compétences au sein de la pratique avancée.

  1.   Le déploiement de la profession s’avère laborieux en raison d’une conjonction de facteurs

L’objectif initial défini dans le cadre du « Ségur de la santé » visait la formation de 3 000 infirmiers en pratique avancée avant la fin de l’année 2022. Il n’a pas été atteint puisque, cette année-là, seules 1643 personnes étaient diplômées ([14]). Ce n’est qu’en 2024, deux ans après la date prévue, que ce seuil a été atteint avec 3080 professionnels formés. En décembre 2024, 1934 infirmiers étudiaient en pratique avancée et se répartissaient entre 33 universités accréditées.

Cette lenteur dans le développement de la profession s’explique par plusieurs freins à l’exercice de ce métier.

  1.   Une réticence des médecins

Bien que la fonction d’infirmier en pratique avancée repose sur une large autonomie professionnelle, ces personnels sont, en réalité, souvent contraints dans leur exercice. En effet, leur coordination avec les médecins s’effectue à travers des protocoles d’organisation détaillant les domaines d’intervention, les modalités de prise en charge des patients et les échanges d’informations. Ils confèrent aux médecins un pouvoir considérable pour déterminer le champ d’action des infirmiers en pratique avancée. La réticence de certains médecins à partager leur patientèle constitue ainsi un frein important à l’essor de la profession.

Cette réticence peut être liée à la crainte que l’état de santé des patients ne se détériore si les infirmiers en pratique avancée ne diagnostiquent pas en temps voulu une situation nécessitant une intervention médicale. En secteur libéral, les médecins redoutent par ailleurs une forme de concurrence financière. En effet, les actes des infirmiers en pratique avancée sont autant de revenus qui échappent aux médecins, qui perçoivent des honoraires à la consultation et non au nombre de patients suivis comme les infirmiers en pratique avancée. D’autres médecins craignent de ne conserver que les patients présentant des situations complexes, nécessitant davantage de temps pour une même rémunération.

  1.   Un modèle économique peu viable, en particulier en ville

Jusqu’à ce jour, le modèle économique est apparu fragile pour les infirmiers en pratique avancée en exercice libéral, en particulier dans un contexte de faible coopération des médecins. Cela explique que la grande majorité des personnels formés exerce actuellement à l’hôpital, pour à peine 300 installés en ville, en contradiction avec le modèle initialement envisagé.

En libéral, la rémunération des infirmiers en pratique avancée a été fixée à travers deux avenants à la convention nationale infirmière. L’avenant n° 7 du 4 novembre 2019 a instauré des forfaits versés pour chaque patient suivi pendant un trimestre, indépendamment du nombre de consultations effectuées ([15]). Ces forfaits ont été calculés pour atteindre un revenu cible de 3 000 à 3 300 euros nets par mois pour une patientèle d’environ 400 personnes. Toutefois, selon les données de l’été 2022, la file active moyenne d’un infirmier en pratique avancée se limite à 184 patients, avec une médiane de 75. Bien que l’avenant de la Cnam du 27 juillet 2022 ait revalorisé ces forfaits de 20 % ([16]), l’objectif d’une file active de 400 patients demeure inchangé. Le modèle économique des infirmiers en pratique avancée demeure donc problématique, notamment du fait de la réticence des médecins à leur adresser des patients.

En établissement de santé, la situation économique des infirmiers en pratique avancée est relativement plus favorable, bien que des disparités demeurent suivant le type d’établissement. Un statut particulier a été défini pour les professionnels exerçant en établissement public de santé et l’échelonnement indiciaire a été fixé par deux décrets du 12 mars 2020 ([17]). Dans les établissements privés, les rémunérations reposent sur des conventions collectives, qu’il faut donc adapter aux cas des infirmiers en pratique avancée qui diffèrent des autres infirmiers.

Dans l’ensemble des établissements, l’enjeu d’un positionnement distinct et valorisant des infirmiers en pratique avancée demeure complexe en termes de rémunération et de postes de travail par rapport aux infirmiers en soins généraux.

  1.   Une formation difficile d’accès

L’accès à la formation en pratique avancée demeure délicat pour de nombreux infirmiers en raison de son coût élevé. Elle est exclusivement dispensée au sein des universités, contrairement aux spécialisations des infirmiers délivrées dans des instituts de formation conventionnés. Son coût total est estimé par la Fédération hospitalière de France à 48 000 euros – incluant les frais de formation, de repas et d’hébergement.

Cet investissement financier est d’autant plus important que la formation induit une perte de revenus. Pour les infirmiers salariés, la formation peut être prise en charge par l’établissement de santé, ce qui permet de conserver un salaire pendant les études. En revanche, pour les infirmiers libéraux, l’investissement représente une charge particulièrement lourde. Certaines agences régionales de santé (ARS) ont déployé des dispositifs d’aide via le fonds d’intervention régional (FIR), mais ce n’est pas le cas général. La mise en place récente, par la Cnam, d’une aide conventionnelle à destination des candidats à la formation devrait néanmoins atténuer cette difficulté ([18]).

Il convient de noter qu’il est, en pratique, extrêmement difficile d’accéder au diplôme d’infirmier en pratique avancée par validation des acquis de l’expérience (VAE), bien que cela soit prévu par le décret relatif au diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée ([19]). La décision d’accorder la validation des acquis de l’expérience revient à l’établissement d’enseignement supérieur, qui contrôle l’aptitude du candidat à suivre la première ou la deuxième année du diplôme d’État infirmier en pratique avancée qu’il dispense. Toutefois, la Cour des comptes a relevé, dans son audit flash sur les infirmiers en pratique avancée ([20]), l’incompatibilité de la validation des acquis de l’expérience avec le domaine de la santé, qui reviendrait à « valider des expériences acquises en dehors du strict champ de compétence des praticiens concernés, donc en exercice illégal des soins infirmiers ».

  1.   Plusieurs évolutions récentes visent à lever ces freins au déploiement des infirmiers en pratique avancée
    1.   La loi dite « Rist 2 »

La loi du 19 mai 2023 ([21]), dite « Rist 2 », introduit deux avancées notables concernant les prérogatives des infirmiers en pratique avancée :

– elle ouvre un accès direct des patients aux infirmiers en pratique avancée dans les hôpitaux, cliniques, établissements sociaux ou médico-sociaux, ainsi qu’en ville, dans les maisons et centres de santé. Cette réforme confère aux professionnels une plus grande autonomie dans la prise en charge des patients, en ne dépendant plus de l’adressage d’un médecin ;

– elle leur accorde le droit de première prescription pour certains produits de santé soumis à prescription médicale obligatoire.

Ces dispositions ont été mises en œuvre par le décret du 21 janvier 2025 qui adapte la règlementation à l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée et précise les conditions d’exercice de leur droit de prescription initiale ([22]). La liste des produits de santé pouvant être prescrits est arrêtée par le ministre chargé de la santé après avis de l’Académie nationale de médecine, le pouvoir réglementaire pouvant subordonner la prescription à un diagnostic médical préalable. À ce jour, cet arrêté n’a toujours pas été publié. La rapporteure n’a pas eu connaissance de son contenu éventuel.

Cette évolution doit, par ailleurs, être parachevée par un décret définissant les conditions de l’expérimentation de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée travaillant en lien avec des médecins spécialistes dans le cadre d’une communauté professionnelle territoriale de santé, également votée dans le cadre de la loi « Rist 2 ».

  1.   L’avenant n° 9 à la convention nationale des infirmiers

Les prérogatives des infirmiers en pratique avancée ont été étendues par l’avenant n° 9 à la convention nationale des infirmiers ([23]), qui permet désormais de réaliser des bilans et des séances de suivi pour des patients adressés ponctuellement par un médecin. Cette évolution rompt avec la logique de suivi régulier des patients, tout en offrant la possibilité d’accroître les revenus des infirmiers en pratique avancée grâce à une rémunération à l’acte. Celle-ci vient compléter la rémunération au forfait perçue au titre des patients suivis régulièrement.

  1.   Des infirmiers spécialisés aspirent à une reconnaissance de pratique avancée

Plusieurs catégories d’infirmiers spécialisés, qui disposent d’un niveau de formation sanctionné par un diplôme d’État à bac+4, voire bac+5, aspirent à une reconnaissance de pratique avancée dans leur domaine.

  1.   Les infirmiers de bloc opératoire (Ibode)

L’infirmier de bloc opératoire diplômé d’État (Ibode) est un professionnel spécialisé dans la prise en charge des patients devant subir des interventions chirurgicales, des endoscopies ou des actes techniques invasifs à visée diagnostique ou thérapeutique.

Le décret n° 2015‑74 du 27 janvier 2015 prévoit l’exercice de ce professionnel ([24]). Il intervient notamment dans l’installation des patients, l’aide à l’exposition, l’hémostase, l’aspiration, ainsi que dans la mise en place des drains et la fermeture des plaies. Son rôle est d’assurer le confort et la sécurité des patients tout au long du processus opératoire, en garantissant des soins de qualité dans un environnement stérile. Il travaille en équipe pluriprofessionnelle, en coordination avec les chirurgiens, et met en œuvre des mesures d’hygiène et de sécurité adaptées aux risques spécifiques des interventions chirurgicales.

La formation est accessible par trois voies : la formation initiale sous statut étudiant ou contrat d’apprentissage, la formation professionnelle continue ou la validation des acquis de l’expérience. Elle dure quatre semestres, alternant théorie et pratique clinique, et permet d’obtenir le niveau master.

  1.   Les infirmiers anesthésistes (Iade)

Le métier d’infirmier anesthésiste est régi par l’article R. 4311‑12 du code de la santé publique. Ce collaborateur paramédical exclusif du médecin anesthésiste-réanimateur assure la conduite per et post anesthésique. Il est habilité, sous la responsabilité des médecins anesthésistes, à participer à l’application des techniques d’anesthésie générale et locorégionale. Il peut intervenir dans la prise en charge de la douleur et effectuer le transport de patients stables ventilés, intubés ou sédatés.

Seuls peuvent préparer le diplôme d’État d’infirmier anesthésiste les titulaires d’un diplôme d’État d’infirmier, justifiant de deux années minimum d’exercice et ayant réussi les épreuves d’admission à la formation. Celle-ci dure deux ans et permet d’obtenir le niveau master ([25]).

  1.   Les infirmiers puériculteurs

Les infirmiers puériculteurs sont spécialisés dans les soins et l’accompagnement apportés aux nouveau‑nés, aux enfants et à leurs parents. Ils évaluent le développement physique et psychologique de l’enfant, ainsi que son état de santé. Ils posent un diagnostic social, éducatif et sanitaire et accomplissent les actions conduisant à l’autonomie de l’enfant et de sa famille. Enfin, ils accompagnent les parents et la famille dans l’exercice de leurs fonctions parentales en les aidant dans des activités de soins, de prévention et d’éducation.

Le diplôme d’État de puériculteur se prépare dans des écoles spécialisées accessibles sur concours directement après l’obtention du diplôme d’infirmier d’État. Il permet d’atteindre un niveau bac+4.

  1.   Fournir un socle législatif pour reconnaître, valoriser et faciliter le déploiement des missions des infirmiers

Au bénéfice de l’ensemble des constats exposés, et après avoir conduit de nombreuses consultations et auditions, la rapporteure estime nécessaire de donner un signal positif à la profession infirmière, tout en ouvrant la voie à des avancées concrètes, attendues de tous, dans la pratique quotidienne.

C’est tout l’objet de la présente proposition de loi, qui s’adresse aux 650 000 infirmières et infirmiers en exercice, indépendamment de leur statut, de leur lieu d’exercice ou, le cas échéant, de leur spécialité.

  1.   Redéfinir le métier infirmier pour valoriser pleinement leurs missions au contact des patients

La présente proposition de loi vise, en premier lieu, à refonder le socle législatif de la profession infirmière afin de mettre un terme au carcan du « décret d’actes ». Il s’agit de permettre aux infirmiers de répondre aux besoins des patients avec une plus grande autonomie dans le cadre d’un exercice sécurisé.

À cette fin, l’article 1er opère une réécriture de l’article L. 4311‑1 du code de la santé publique relatif à la définition de la profession d’infirmier. Cet article consiste actuellement en une énumération, allongée par strates successives au fil des réformes, de ce que peuvent accomplir les infirmiers, et dans quelles conditions. Dans sa rédaction actuelle, il ne donne en réalité aucune définition de la compétence des infirmiers, si l’on excepte l’affirmation, pour le moins tautologique, qu’est infirmier « toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers ».

La rédaction proposée de l’article L. 4311‑1 prend le contrepied de la rédaction actuelle. Renvoyant au domaine réglementaire les précisions relatives aux prescriptions, actes et soins accessibles aux infirmiers, elle cherche à définir ce qui fait l’unité du métier infirmier dans son rôle propre et son rôle prescrit.

● Pour cela, l’article 1er définit quatre grandes missions des infirmiers :

– la dispensation de soins infirmiers, qui peuvent être de plusieurs natures (préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels) ;

– la contribution à la coordination des parcours de santé des patients ;

– la prévention, la promotion de la santé et l’éducation thérapeutique des patients ;

– la formation des étudiants et la contribution à la recherche en sciences infirmières.

● En outre, l’article 1er consacre deux notions qui revêtent une importance particulière pour la profession. Premièrement, il reconnaît la notion de consultation infirmière, associée à celle de diagnostic infirmier.

La rapporteure insiste sur le fait que la consultation infirmière n’a nullement vocation, à l’évidence, à concurrencer la consultation médicale. Elle est d’un ordre différent. Elle porte sur le rôle propre de l’infirmier, défini à l’article R. 4311‑3 du code de la santé publique comme incluant « les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes ».

En réalité, plusieurs formes de consultation infirmière existent déjà, même si elles ne sont pas toujours reconnues comme telles. Il existe des consultations à l’hôpital (par exemple, les consultations plaies et cicatrisation), en médecine du travail ou encore en médecine scolaire. En libéral, le terme de consultation infirmière n’est pas rencontré en tant que tel, mais certains types d’actes s’en approchent : le bilan de soins infirmiers et le bilan de prévention.

● Par ailleurs, l’article 1er reconnaît un pouvoir de prescription de produits de santé et d’examens complémentaires nécessaires à l’exercice de la profession d’infirmier.

Ce faisant, il rejoint la recommandation n° 14 du rapport des inspections générales publié en octobre 2022 ([26]), qui énonçait la nécessité de « consacrer au niveau législatif un pouvoir de prescription des infirmiers en lien avec les missions qui leur sont attribuées et renvoyant à un décret les conditions d’application et la liste des prescriptions concernées », dans le but de ne pas avoir à modifier la loi à chaque évolution envisagée – comme c’est le cas actuellement.

  1.   Renvoyer au domaine réglementaire et aux négociations conventionnelles la déclinaison précise de ces missions

Par la rédaction proposée de l’article 1er, les auteurs de la proposition de loi prennent le parti de ne pas entrer dans le détail des compétences des infirmiers et, moins encore, des actes qu’ils sont appelés à accomplir.

La rapporteure estime que cette démarche, qui rapproche la France des autres pays européens, devra impérativement être préservée lors de l’examen du texte en commission et en séance publique. La tentation sera forte de conserver les détails qui figurent actuellement à l’article L. 4311‑1 du code de la santé publique. De l’avis unanime des infirmiers auditionnés, il importera de s’en abstenir pour ne pas reconstituer, sous une forme différente, le carcan dont pâtit l’exercice infirmier.

Une fois la loi votée, viendra le temps de la réévaluation du référentiel de compétences des infirmiers, en lien avec la réingénierie en cours de leur référentiel de formation. Dans un troisième temps, s’ensuivra une réévaluation de la nomenclature des actes infirmiers et des tarifications associées dans le cadre conventionnel. Il s’agira, notamment, de définir la cotation des nouveaux actes infirmiers identifiés, à commencer par la consultation infirmière.

S’il n’est pas interdit de commencer à réfléchir aux contours de la consultation infirmière ou au contenu du droit de prescription des infirmiers, la rapporteure appelle, dans un souci de cohérence et d’efficacité, à ne pas chercher à les décliner dans la loi. De la même manière, elle recommandera de réserver aux négociations conventionnelles les questions tarifaires qui doivent être appréhendées globalement, dans une optique de responsabilité. Comme l’a souligné lors de son audition M. Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam, il ne sera pas possible de demander à la fois une tarification des consultations infirmières et une indexation sur l’inflation de la lettre-clé régissant les tarifs des actes infirmiers.

  1.   Ouvrir la voie à une reconnaissance spécifique de pratique avancée pour les infirmiers spécialisés

La rapporteure tient à souligner que les évolutions du métier socle infirmier figurant à l’article 1er bénéficieront à l’ensemble des infirmiers, c’est-à-dire également aux infirmiers en pratique avancée et aux infirmiers spécialisés dont il est question à l’article 2 de la proposition de loi.

Cet article poursuit deux objectifs principaux :

– élargir les lieux d’exercice possibles pour les infirmiers en pratique avancée afin d’inclure, en particulier, divers lieux en lien avec les enfants ;

– valoriser, dans le cadre d’une reconnaissance de pratique avancée, les compétences des infirmiers spécialisés que sont les infirmiers anesthésistes, les infirmiers de bloc opératoire et les infirmiers puériculteurs.

Si la rapporteure est sensible à la nécessité de valoriser à leur juste niveau les compétences de ces infirmiers spécialisés et de leur donner des perspectives d’évolution professionnelle, elle sera vigilante à ne pas induire, par des reconnaissances partielles et différenciées de pratiques avancées spécialisées dans divers domaines, un démantèlement du statut d’infirmier en pratique avancée. La vocation centrale de celui-ci reste bien de développer des compétences approfondies et transversales de nature à permettre une prise en charge globale des patients dans toutes leurs dimensions, en ville comme à l’hôpital.


   Commentaire des articles

Article 1er
Refonte du socle législatif régissant la profession d’infirmier diplômé d’État

Adopté avec modifications

L’article 1er propose une refonte du socle législatif régissant la profession d’infirmier pour mettre un terme au système dit du « décret d’actes », qui a enfermé la profession dans un carcan juridique dont elle peine aujourd’hui à s’extraire.

Il propose une définition consensuelle de la profession infirmière centrée sur quatre grandes missions, qui auront vocation à être déclinées au niveau réglementaire.

Il consacre par ailleurs deux notions très attendues par les infirmiers : la consultation infirmière et le pouvoir de prescription autonome de l’infirmier pour l’exercice de son rôle propre.

Ces évolutions tendent à rapprocher la France de ses voisins européens. Elles nécessiteront un travail important de déclinaison aux niveaux réglementaire et conventionnel.

La commission a adopté plusieurs amendements de fond visant à préciser et compléter la rédaction de l’article 1er.

  1.   le droit existant
    1.   Un monopole médical dont découle une définition limitative des actes pouvant être effectués par les infirmiers

En France, le cadre juridique de l’exercice des professions médicales et des autres professions de santé est construit en référence à la notion de « monopole médical », défini comme une exonération légale, applicable aux seuls médecins, au principe de protection de l’intégrité corporelle des personnes. En d’autres termes, les médecins sont seuls autorisés à porter atteinte à cette intégrité. Dans le code de la santé publique, le périmètre d’exercice des autres professions de santé est ainsi tracé par dérogation à ce monopole.

En conséquence, les actes de soin mis en œuvre par les autres professions de santé sont énumérés de manière limitative et, par principe, tout ce qui n’est pas explicitement autorisé est interdit. C’est le principe du « décret d’actes » qui régit actuellement la profession infirmière sur l’ensemble de son périmètre, qu’il s’agisse de son rôle prescrit, de son rôle propre ou de son rôle sous la supervision d’un médecin. Ce décret d’actes est détaillé aux articles R. 4311‑1 à D. 4311‑15‑2 du code de la santé publique.

À ce décret d’actes s’est ajoutée, au sein de l’article L. 43111 du code de la santé publique, une énumération des actes supplémentaires intégrés, au fil des années et par la volonté du législateur, au champ de compétences des infirmiers : prescriptions et administrations de vaccins, renouvellements de prescriptions, adaptations de traitements, prescription de dispositifs médicaux et de substituts nicotiniques.

Dans la mesure où certaines de ces compétences étaient explicitement transférées du médecin à l’infirmier, il importait de leur donner un ancrage législatif pour justifier l’exception faite à l’interdiction de l’exercice illégal de la médecine, posée à l’article L. 4161‑1 du même code.

Il en résulte qu’à l’heure actuelle, l’article L. 4311‑1 ne propose aucune définition cohérente de ce qui fait l’essence de la profession d’infirmier, se bornant à mentionner qu’est considéré comme infirmier « toute personne qui donne habituellement des soins infirmiers ».

  1.   Un cadre juridique rigide, qui apparaît de plus en plus inadapté aux évolutions des besoins de santé et aux aspirations de la profession

Le carcan du décret d’actes tend à bloquer les évolutions de la profession infirmière en France alors que l’évolution des besoins de santé supposerait une adaptation régulière et souple de leurs compétences. La France se singularise en Europe et vis-à-vis des pays anglo-saxons par ce système, mais aussi par son retard dans l’adaptation des compétences dévolues à la profession infirmière. Dans de nombreux pays, la consultation infirmière est pratiquée en accès direct et les droits de prescription sont nettement plus développés qu’en France, pour peu que les infirmiers aient obtenu les certifications nécessaires. Il importe toutefois de noter que la coordination des soins de premier recours est souvent plus poussée dans ces pays qu’en France, ce qui favorise et sécurise les transferts de compétences.

À l’heure actuelle, le sentiment d’un manque de reconnaissance de la profession infirmière est alimenté par ces blocages dans l’évolution juridique de leurs compétences, alors même que les infirmiers sont, de fait, régulièrement conduits à effectuer, parfois en complète autonomie, certains actes relevant en principe de la compétence médicale. Ces glissements de tâches sont plus ou moins assumés par les acteurs de terrain ; ils résultent parfois d’une situation de fait face à un manque de médecins ; ils peuvent aussi acter la confiance manifestée par le médecin vis-à-vis de l’infirmier, qu’il estime apte à exercer cette nouvelle compétence.

Quoi qu’il en soit, cette situation n’est pas satisfaisante sur le plan juridique. Faute d’avoir été suffisamment pensé et organisé, le transfert de tâches officieux peut induire un danger pour le patient. En conséquence, il porte aussi un risque juridique pour le soignant, qui se trouverait en situation d’exercice illégal de la médecine si un problème apparaissait.

  1.   le droit proposé

L’article 1er propose une réécriture globale de l’article L. 4311‑1 du code de la santé publique portant définition de la profession d’infirmier. Volontairement synthétique, cette nouvelle rédaction poursuit deux objectifs principaux.

  1.   Refonder le socle législatif de la profession infirmière à partir de grandes missions

● La nouvelle rédaction proposée à l’article 1er vise avant tout à définir ce qui fait l’essence de la profession d’infirmier, sans entrer aucunement dans la déclinaison précise des compétences et des actes autorisés. En cela, elle diffère radicalement de la rédaction actuelle de l’article L. 4311‑1.

● Ainsi, le  de l’article 1er recense quatre grandes missions des infirmiers :

– la dispensation et l’évaluation des soins infirmiers ;

– la coordination et la mise en œuvre du parcours de santé du patient ;

– la prévention, la promotion de la santé et l’éducation thérapeutique du patient ;

– la formation des étudiants et la recherche en science infirmière.

● Ces missions ont vocation à être traduites au niveau réglementaire par une adaptation des référentiels de compétences et de formation des infirmiers, et au niveau conventionnel par une adaptation de la nomenclature et de la tarification des actes.

L’alinéa 14 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de préciser les domaines d’intervention et de compétences de l’infirmier. Par ailleurs, selon l’alinéa 15, la liste des actes et soins accomplis par les infirmiers a désormais vocation à être dressée par un simple arrêté du ministre chargé de la santé, ce qui simplifiera les évolutions futures.

  1.   Consacrer certaines notions ouvrant la voie à des évolutions qui rapprocheront la France de ses voisins et sont attendues de la profession

La nouvelle rédaction proposée de l’article L. 4311‑1 du code de la santé publique consacre deux notions particulièrement chères à la profession infirmière.

  1.   La consultation infirmière

L’alinéa 7 dispose que l’infirmier « effectue des consultations infirmières et pose un diagnostic infirmier ». Si des formes de consultation existent déjà pour les infirmiers, en établissement, en médecine du travail, en médecine scolaire voire en ville (bilans de soins infirmiers, bilans de prévention), l’utilisation de ce vocable revêt une importance symbolique pour les infirmiers.

S’il sera nécessaire de définir les contours de cette consultation infirmière au niveau réglementaire, il apparaît clairement qu’elle n’a nullement vocation à concurrencer la consultation médicale. Elle portera sur des périmètres circonscrits du rôle propre de l’infirmier, par exemple le traitement des plaies simples.

Cette consultation devra faire l’objet d’une négociation tarifaire entre les partenaires conventionnels, dans le but de déterminer son niveau de rémunération.

  1.   Un pouvoir circonscrit de prescription autonome

L’alinéa 7 pose également le principe d’un pouvoir de prescription autonome de l’infirmier pour les « produits de santé et examens complémentaires nécessaires à l’exercice de sa profession ». Cette approche générale est incontestablement une avancée par rapport à la situation antérieure, où chaque nouveau droit de prescription devait être inscrit dans la loi.

Le même alinéa prévoit que la liste de ces produits de santé et examens complémentaires sera déterminée par arrêté ministériel après avis de l’Académie nationale de médecine.

Les personnes auditionnées par la rapporteure ont estimé que cet assouplissement du cadre juridique n’aurait pas pour effet une ouverture massive du droit de prescription des infirmiers, d’autant que la loi exige que ce soit « nécessaire à l’exercice de sa profession ». Cela pourra néanmoins entraîner certains ajustements des prescriptions autorisées.

  1.   Adapter en conséquence les dispositions relatives à l’exercice illégal de la médecine

L’assouplissement global du cadre juridique des compétences infirmières découlant du présent article impose une adaptation des dérogations apportées à l’interdiction de l’exercice illégal de la médecine posée à l’article L. 41611 du code de la santé publique. À l’heure actuelle, une exception est prévue uniquement pour les infirmiers qui prescrivent des vaccins et procèdent à des vaccinations.

Le  du présent article élargit cette dérogation pour inclure les consultations infirmières, les prescriptions de produits de santé et d’examens et l’ensemble des actes professionnels et soins autorisés pour les infirmiers par voie réglementaire.

Cette dérogation maximaliste englobe désormais l’intégralité de l’exercice infirmier.

  1.   les modifications apportées par la commission

La commission des affaires sociales a apporté plusieurs modifications à l’article 1er.

● La commission a adopté les amendements identiques AS161 de la rapporteure et AS114 de M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Les Démocrates) restreignant le champ de la dérogation prévue à l’interdiction d’exercice illégal de la médecine. En effet, celle-ci englobait l’ensemble du champ de l’exercice infirmier alors que l’infirmier assume un rôle propre, clairement distinct du rôle du médecin. Il importait donc de reformuler l’alinéa 4 pour ne maintenir dans la dérogation à l’exercice illégal de la médecine que les prescriptions et actes médicaux délégués aux infirmiers, par exemple certaines vaccinations.

● La commission a adopté l’amendement AS162 de la rapporteure précisant que le rôle des infirmiers doit être conçu en complémentarité avec les autres professionnels de santé. En effet, si l’article 1er reconnaît l’existence d’un champ de compétences autonome de l’infirmier, il est apparu nécessaire de souligner que la plupart des missions reconnues aux infirmiers ont vocation à être conduites en étroite collaboration avec l’ensemble des professionnels de santé.

● La commission a complété l’alinéa 7 en adoptant des amendements identiques AS165de la rapporteure, AS11 de Mme Sandrine Runel et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés ainsi qu’AS28 de M. Yannick Monnet et Mme Karine Lebon (groupe Gauche démocrate et républicaine), qui prévoient de recueillir un avis de la Haute Autorité de santé (HAS) sur la compétence de prescription de l’infirmier.

La commission a souhaité maintenir l’avis, prévu par le texte initial, de l’Académie nationale de médecine sur les produits de santé et examens complémentaires pouvant être prescrits par les infirmiers, dans la mesure où ce pouvoir de prescription constitue une compétence médicale qui leur serait déléguée. Mais elle a également jugé nécessaire de recueillir l’avis de la HAS qui, parmi ses missions, veille à l’harmonisation et à l’optimisation des pratiques des professionnels de santé dans une optique de qualité et de sécurité des soins.

La commission a également adopté, au même alinéa, l’amendement AS140 de Mme Stéphanie Rist et plusieurs de ses collègues du groupe Ensemble pour la République prévoyant que la liste des produits de santé et examens pouvant être prescrits doit être actualisée au moins tous les trois ans, afin d’en garantir une révision suffisamment régulière pour qu’elle ne soit pas déconnectée des besoins du terrain.

● La commission a par ailleurs adopté les amendements identiques AS32 de Mme Sylvie Bonnet (groupe Droite Républicaine), AS54 de Mme Sandrine Runel et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés ainsi qu’AS91 de M. Thibault Bazin (groupe Droite Républicaine) précisant que l’infirmier, dans sa mission de prévention énoncée à l’alinéa 11, contribue aussi aux soins éducatifs à la santé et à la santé au travail. L’activité des infirmiers de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ainsi que des infirmiers de santé au travail se trouve ainsi pleinement reconnue.

● Enfin, par les amendements identiques AS164 de la rapporteure et AS110 de M. Cyrille Isaac-Sibille (groupe Les Démocrates), la commission a scindé en deux missions distinctes la quatrième mission des infirmiers, relative à la formation et la recherche. Il était apparu, durant les auditions, que la formation des étudiants, des pairs et des autres professionnels de santé était d’une nature différente de l’activité de recherche en sciences infirmières.

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Article 1er bis (nouveau)
Reconnaissance de la contribution des professionnels de santé non médicaux aux soins de premier recours

Introduit par la commission

L’article 1er bis résulte de l’adoption de deux amendements. Il modifie l’article L. 1411‑11 du code de la santé publique relatif aux soins de premier recours afin de marquer plus clairement la contribution des professionnels de santé non médicaux à ces soins.

  1.   le droit existant

● La loi dite « Hôpital, patients, santé et territoire » (HPST) du 21 juillet 2009 ([27]) a introduit, à l’article L. 1411‑11 du code de la santé publique, la définition des soins de premier recours. Ils comprennent :

– la prévention, le dépistage, le diagnostic, le traitement et le suivi des patients ;

– la dispensation et l’administration des médicaments, produits et dispositif médicaux, ainsi que le conseil pharmaceutique ;

– l’orientation dans le système de soins et le secteur médico-social ;

– l’éducation pour la santé.

● Cet article prévoit que les professionnels de santé et les centres de santé concourent à l’offre de soins de premier recours, le cas échéant dans le cadre de coopérations organisées avec les établissements de santé et médico-sociaux. Parmi les professionnels de santé, seuls les médecins traitants sont expressément cités.

  1.   le droit proposé

L’article 1er bis résulte de l’adoption de deux amendements par la commission :

– l’amendement AS36 de Mme Sylvie Bonnet, adopté avec l’avis favorable de la rapporteure, supprime, à l’article L. 1411‑11 susmentionné, la référence aux médecins traitants, afin de lever toute ambiguïté sur la vocation des autres professionnels de santé, dont les infirmiers, à contribuer à ce premier recours, et sur leur rôle effectif ;

– l’amendement AS143 de Mme Stéphanie Rist et plusieurs de ses collègues du groupe Ensemble pour la République, adopté malgré l’avis défavorable de la rapporteure, vise, à l’inverse, à mentionner explicitement, aux côtés des médecins traitants, la contribution des infirmiers et des infirmiers en pratique avancée. Ces derniers peuvent en effet, en vertu de la loi du 19 mai 2023 ([28]) et de son décret d’application du 20 janvier 2025 ([29]), prendre en charge des patients en accès direct, ce qui les conduira à jouer un rôle accru dans les soins de premier recours.

L’adoption conjointe de ces deux amendements aboutit à mentionner expressément, au sein de l’article L. 1411‑11, les infirmiers et les infirmiers en pratique avancée, mais plus les médecins traitants.

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Article 1er ter (nouveau)
Mise en place d’une procédure de reprise d’activité pour les infirmiers et les infirmiers en pratique avancée après une période d’interruption

Introduit par la commission

L’article 1er ter prévoit une procédure de reprise d’activité pour les infirmiers et infirmiers en pratique avancée qui auraient interrompu leur carrière pendant une durée déterminée par décret. Ils seraient alors soumis à une évaluation des connaissances qui pourrait donner lieu à un stage de formation théorique ou à un stage de remise à niveau.

  1.   le droit existant
    1.   Les interruptions de carrière, un phénomène fréquent

Comme le soulignait un document de travail de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) paru en 2010 ([30]), les interruptions en cours de carrière sont un phénomène d’autant plus fréquent chez les infirmiers que la profession est fortement féminisée. Il est cependant difficile à quantifier dans la mesure où aucun panel n’est disponible sur une durée suffisamment longue. Ces interruptions d’activité coïncident fréquemment avec l’âge de la maternité pour les femmes, qui s’arrêtent ainsi quelques années pour s’occuper de leurs enfants.

Si, au moment de l’interruption, les infirmiers ont rarement pour projet d’arrêter définitivement leur activité, il peut être difficile de revenir après plusieurs années d’absence alors que les gestes infirmiers ont été en partie oubliés, que les techniques et savoirs ont continué à évoluer. Par ailleurs, certains infirmiers peuvent être contraints, par nécessité financière, par exemple après un divorce ou un décès, de reprendre une activité ; ils se trouvent confrontés aux mêmes difficultés.

Dans ces circonstances, des mesures d’accompagnement semblent indispensables pour sécuriser l’infirmier dans sa reprise de poste, et garantir aux patients la qualité et la sécurité des soins.

  1.   Un accompagnement inégal et insuffisant de la reprise d’activité

Cet accompagnement à la reprise d’activité dépend, à l’heure actuelle, d’une initiative de l’employeur. Dans les hôpitaux, il apparaît qu’il repose essentiellement sur un tutorat effectué par les pairs avec, lorsque c’est possible, la mise en place de doublons le temps que l’infirmier redevienne autonome. Cependant, ces doublons sont délicats à organiser dans un contexte de pénurie de personnels soignants. Ainsi, l’accompagnement à la reprise d’activité s’avère inégal selon la situation de l’établissement concerné. En libéral, où l’exercice est plus solitaire, ce système s’avère d’autant moins concevable.

  1.   le droit proposé

Le présent article résulte de l’adoption par la commission des affaires sociales de l’amendement AS135 de MM. Stéphane Mazars et Jean‑François Rousset (groupe Ensemble pour la République), malgré l’avis défavorable de la rapporteure.

Il crée au sein du code de la santé publique un nouvel article L. 4311‑3‑1, qui prévoit une procédure en cas de reprise d’activité pour les infirmiers et les infirmiers en pratique avancée. Lorsque l’interruption de carrière aura été supérieure à une durée déterminée par décret, ceux-ci :

– seront soumis à une évaluation des compétences permettant d’évaluer leur aptitude à reprendre l’exercice ;

– se verront, si cela apparaît nécessaire, proposer une formation théorique ou un stage de remise à niveau ;

– passeront alors une épreuve « validante » permettant leur reprise d’activité.

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Article 1er quater (nouveau)
Expérimentation d’un accès direct aux infirmiers exerçant
dans le cadre de structures d’exercice coordonné

Introduit par la commission

L’article 1er quater expérimente l’accès direct aux infirmiers lorsqu’ils exercent dans les établissements de santé et médico-sociaux, dans des équipes de soins spécialisées, dans des maisons et centres de santé, ou encore lorsqu’ils font partie d’une communauté professionnelle territoriale de santé.

  1.   le droit existant
    1.   Un accès direct aux infirmiers très limité aujourd’hui

L’accès direct désigne la faculté pour les patients de consulter un professionnel de santé et d’obtenir le remboursement par l’assurance maladie des soins ou actes effectués à cette occasion sans qu’une prescription médicale soit nécessaire.

Les infirmiers sont, à l’heure actuelle et pour l’essentiel, une profession « prescrite ». Hormis certains cas d’exception, il n’est pas possible à l’assuré d’obtenir le remboursement de soins infirmiers s’ils ne sont pas couverts par une prescription médicale. C’est le cas même lorsque les actes exécutés par l’infirmier relèvent de son rôle propre.

La nomenclature générale des actes professionnels, qui recense les actes cotés effectués par les professionnels de santé, prévoit quelques rares dérogations d’actes pouvant être remboursés quoique pratiqués sans ordonnance, le plus souvent en étant rattachés à une autre ordonnance. Par exemple, un bilan de plaie pourra être lié à l’ordonnance de prise en charge ; un bilan de soins infirmiers intermédiaire à l’ordonnance ayant ouvert droit au bilan initial, etc.

La loi a également prévu des cas dans lesquels les infirmiers peuvent être consultés en accès direct : ainsi pour certaines vaccinations (alinéas 4 et 5 de l’article L. 4311‑1 du code de la santé publique) ou encore lors des rendez-vous de prévention (article L. 1411‑6‑2 du même code) pour lesquels les patients peuvent, en application d’un arrêté du 28 mai 2024 ([31]), consulter un infirmier, un médecin, une sage-femme ou un pharmacien.

  1.   Un accès direct récemment ouvert pour les infirmiers en pratique avancée en exercice coordonné

L’accès direct a fait l’objet d’une ouverture récente pour les infirmiers en pratique avancée exerçant dans des structures d’exercice coordonné (établissements de santé et médico-sociaux, équipes de soins spécialisées, centres de santé et maisons de santé) conformément à l’article 1er de la loi dite « Rist 2 » ([32]) et à son décret d’application du 20 janvier 2025 ([33]). Une expérimentation doit par ailleurs être lancée, en application de la même loi, sur l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée dans une communauté interprofessionnelle territoriale de santé.

  1.   Un accès direct bien plus développé dans les États voisins

Comme la rapporteure l’a exposé en avant-propos, nos voisins européens admettent plus volontiers l’accès direct à la consultation infirmière dans des structures d’exercice coordonné. C’est le cas en Belgique, mais aussi au Royaume‑Uni dans le cadre des cabinets de groupe, ou encore des centres de santé suédois et finlandais.

  1.   le droit proposé

L’article 1er quater résulte de l’adoption par la commission, avec l’avis favorable de la rapporteure, d’un amendement AS157 de Mme Stéphanie Rist et plusieurs de ses collègues du groupe Ensemble pour la République.

Il prévoit la possibilité d’expérimenter l’accès direct aux infirmiers exerçant au sein des établissements de santé et médico-sociaux, des centres de santé, des équipes de soins spécialisées, des maisons de santé et des communautés professionnelles territoriales de santé.

Cette expérimentation a vocation à être conduite dans cinq départements pour une durée de trois ans. La coordination avec le médecin traitant sera assurée au moyen de l’envoi d’un compte rendu, également inscrit dans le dossier médical partagé du patient.

Les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation, qui donnera lieu à un rapport d’évaluation au Parlement, seront précisées par décret.

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Article 2
Extension des lieux d’exercice des infirmiers en pratique avancée et ouverture de la pratique avancée aux infirmiers spécialisés

Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 autorise quatre nouveaux lieux d’exercice pour les infirmiers en pratique avancée : au sein des services de protection maternelle et infantile, de santé scolaire et d’aide sociale à l’enfance et dans les établissements d’accueil du jeune enfant.

Il ouvre par ailleurs la voie à un accès différencié à la pratique avancée pour certains infirmiers spécialisés.

La commission a adopté plusieurs amendements visant notamment à modifier les modalités de déclinaison, par voie réglementaire, de la pratique avancée, et à amorcer une réflexion sur le champ de cette pratique avancée, actuellement délimité par cinq mentions.

  1.   le droit existant
    1.   Les infirmiers en pratique avancée

● La loi n° 201641 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a ouvert la pratique avancée à l’ensemble des professions paramédicales. L’article L. 43011 du code de la santé publique prévoit que cet exercice en pratique avancée est possible :

– au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ;

– au sein d’une équipe de soins en établissements de santé ;

– en établissements médico-sociaux coordonnés par un médecin ;

– en assistance d’un médecin spécialiste, hors soins primaires, en pratique ambulatoire.

● Pour chaque profession paramédicale, les domaines d’intervention, les activités en pratique avancée, ainsi que les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée ont vocation à être déterminées par décret en conseil d’État.

En pratique, cette possibilité n’a, à ce jour, été déclinée que pour les infirmiers, avec le décret n° 2018629 du 18 juillet 2018 relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée.

En application de ce décret, l’infirmier en pratique avancée dispose de compétences élargies par rapport à l’infirmier diplômé d’État, qui lui permettent notamment de conduire un entretien, d’effectuer une anamnèse, de procéder à un examen clinique ou encore d’effectuer certains gestes techniques. Il possède un pouvoir de prescription élargi s’agissant des produits non soumis à prescription médicale obligatoire et des examens de biologie, ainsi que d’un droit de renouvellement des prescriptions médicales. Cependant, l’infirmier en pratique avancée ne peut intervenir dans le suivi d’un patient que s’il lui est confié par un médecin.

Cinq domaines d’intervention ont été définis pour les infirmiers en pratique avancée : les pathologies chroniques stabilisées, la maladie rénale chronique, la psychiatrie et santé mentale, l’oncologie et l’hémato-oncologie, les urgences. Les infirmiers en pratique avancée obtiennent leur diplôme dans l’une de ces cinq mentions au terme d’une formation de deux ans qui leur procure le grade de master. Les infirmiers peuvent accéder à cette formation dès lors qu’ils justifient d’au moins trois années d’expérience professionnelle.

● La loi n° 2023379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite « Rist 2 », a élargi les prérogatives des infirmiers en pratique avancée :

– en ouvrant un accès direct des patients aux infirmiers en pratique avancée, sans prescription préalable d’un médecin, dans les hôpitaux, cliniques, établissements sociaux ou médico-sociaux, ainsi qu’en ville, dans les maisons et centres de santé. Elle prévoit par ailleurs une expérimentation d’un accès direct dans certaines communautés professionnelles territoriales de santé ;

– en accordant aux infirmiers en pratique avancée un droit de première prescription pour certains produits de santé soumis à prescription médicale obligatoire.

● Ces dispositions ont été partiellement mises en œuvre par le décret du 20 janvier 2025 ([34]). L’effectivité du droit de primo-prescription reste cependant suspendue à l’adoption de l’arrêté définissant les produits de santé concernés. De même, la mise en œuvre de l’expérimentation de l’accès direct dans les communautés professionnelles territoriales de santé nécessite encore un décret.

  1.   Les infirmiers spécialisés

À côté des infirmiers de pratique avancée, les infirmiers spécialisés disposent également d’une formation complémentaire sanctionnée par un diplôme d’État, de niveau bac+4 à bac+5.

  1.   Les infirmiers anesthésistes (Iade)

L’article R. 4311‑12 du code de la santé publique énonce que l’infirmier anesthésiste exerce ses activités « sous le contrôle exclusif d’un médecin anesthésiste-réanimateur ». Dans ce cadre, il assure la conduite per et post anesthésique. Il est habilité à participer à l’application des techniques d’anesthésie générale et locorégionale. Il peut intervenir dans la prise en charge de la douleur et réaliser le transport de patients stables ventilés, intubés ou sédatés. Le diplôme d’État d’infirmier anesthésiste sanctionne une formation de deux années et confère le grade de master. Cette formation est accessible aux infirmiers justifiant au minimum de deux années d’exercice professionnel.

  1.   Les infirmiers de bloc (Ibode)

Selon l’article R. 4311‑11‑1 du code de la santé publique, l’infirmier de bloc opératoire exerce ses fonctions dans le cadre d’un protocole préétabli avec le chirurgien, soit de manière autonome pour certains actes sous réserve que le chirurgien puisse intervenir à tout moment, soit en présence du chirurgien au cours d’une intervention chirurgicale.

Cette spécialité permet la prise en charge des patients devant subir des interventions chirurgicales, des endoscopies ou des actes techniques invasifs à visée diagnostique ou thérapeutique en équipe pluriprofessionnelle et en coordination avec les chirurgiens. La formation dure quatre semestres. Elle est sanctionnée par un diplôme d’État de niveau master. Il est possible de la suivre en formation initiale.

  1.   Les puériculteurs

Le diplôme d’État de puéricultrice, prévu par les articles D. 4311‑49 à D. 4311‑51 du code de lasanté publique, se prépare dans des écoles spécialisées accessibles sur concours dès l’obtention du diplôme d’infirmier d’État. Ces infirmiers sont spécialisés dans les soins et l’accompagnement apportés aux nouveau-nés, aux enfants et à leurs parents. Leur formation dure un an. Elle est sanctionnée par un diplôme d’État de niveau bac+4.

  1.   Vers un accès différencié à la pratique avancée pour ces infirmiers spécialisés ?

Dans un rapport produit au terme d’une concertation conduite en 2022 sur la pratique avancée infirmière ([35]), les inspections générales avaient ouvert la voie à la reconnaissance d’un cadre de pratique avancée spécifique pour les infirmiers spécialisés, à côté du cadre juridique applicable aux infirmiers en pratique avancée. Le but de cette démarche aurait été, à terme, de reconnaître l’exercice en pratique avancée de l’ensemble de ces infirmiers spécialisés dans leur domaine propre, au terme d’un effort de réingénierie de la formation s’agissant en particulier des puéricultrices.

  1.   le droit proposé
    1.   Un élargissement des lieux d’exercice des infirmiers en pratique avancée

● Le  de l’article 2 modifie l’article L. 4301‑1 du code de la santé publique pour prévoir quatre lieux d’exercice supplémentaires des infirmiers en pratique avancée :

– au sein des services de protection maternelle et infantile (PMI) coordonnés par un médecin ;

– au sein d’une équipe pluridisciplinaire en santé scolaire ;

– en assistance d’un médecin référent, au sein d’un service d’aide sociale à l’enfance ou d’un établissement d’accueil du jeune enfant.

Il convient de noter qu’il s’agit essentiellement des lieux d’exercice des puéricultrices.

● Par ailleurs, le c du 1° supprime les demandes d’avis nécessaires (Académie nationale de médecine, Haute Autorité de santé, ordres professionnels et représentants des professions de santé) pour édicter le décret en Conseil d’État déterminant les domaines d’intervention de la pratique avancée ainsi que les conditions et règles de l’exercice en pratique avancée.

  1.   Vers un accès différencié à la pratique avancée pour les infirmiers spécialisés

Le  de l’article 2 modifie le II de l’article L. 4301‑1 relatif aux conditions d’accès à la pratique avancée pour en élargir le bénéfice aux infirmiers justifiant de certains diplômes différents du diplôme d’infirmier en pratique avancée. Ces diplômes ouvrant droit à la pratique avancée ont vocation à être définis par voie réglementaire.

Par ailleurs, le 2° assouplit la condition de durée d’exercice préalable obligatoire pour accéder à la pratique avancée, en prévoyant que cette durée peut être différente selon la mention du diplôme concerné.

  1.   les modifications apportées par la commission

La commission des affaires sociales a adopté plusieurs amendements :

– un amendement AS37 de Mme Sylvie Bonnet (groupe Droite Républicaine) qui, à l’alinéa 5, substitue à l’appellation d’« équipe pluridisciplinaire en santé scolaire » celle d’« équipe pluriprofessionnelle en établissement scolaire » au motif qu’il n’existe plus d’équipe de santé scolaire à l’école ;

– des amendements identiques de suppression de l’alinéa 8 AS1 de Mme Sandrine Runel et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, AS29 de M. Yannick Monnet et Mme Karine Lebon (groupe Gauche démocrate et républicaine), AS46 de Mme Karen Erodi et des membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire, AS82 de Mme Christine Loir et des membres du groupe Rassemblement National ainsi qu’AS153 de M. Christophe Bentz (groupe Rassemblement National), qui ont pour conséquence de maintenir les consultations de l’Académie nationale de médecine, de la Haute Autorité de santé, des ordres des professions de santé et des représentants des professionnels de santé concernés prévues sur les domaines d’intervention et modalités de la pratique avancée. La concertation de l’ensemble de ces organismes au moment de l’édiction des mesures réglementaires d’application de la présente proposition de loi s’en trouve garantie ;

 un amendement AS144 de M. Frédéric Valletoux (groupe Horizons & Indépendants) prévoyant que les conditions de diplôme et de durée d’exercice minimale pour accéder à la formation d’infirmier en pratique avancée seront déterminées par décret en Conseil d’État, et non par décret simple ;

 un amendement AS168 de la rapporteure demandant au Gouvernement la remise d’un rapport d’évaluation sur les mentions de la pratique avancée. Une réflexion d’ensemble apparaît en effet nécessaire sur le champ de la pratique avancée des infirmiers, au regard notamment de manque de candidats et de débouchés pour certaines mentions.

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Article 3
Gage de recevabilité financière

Adopté par la commission sans modification

La présente proposition de loi, en ouvrant la voie à une évolution des compétences des infirmiers et en consacrant la consultation infirmière, pourra induire une charge pour les organismes de sécurité sociale. De même, l’extension des lieux d’exercice des infirmiers en pratique avancée et la reconnaissance d’une pratique avancée pour les infirmiers spécialisés auraient des implications budgétaires.

Le présent article gage cette proposition de loi pour en garantir la recevabilité financière. Il prévoit que les charges induites seront compensées, à due concurrence, par une majoration de l’accise sur les tabacs.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa première réunion du mercredi 5 mars 2025, la commission examine la proposition de loi sur la profession d’infirmier (n° 654) (Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure) ([36]).

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. J’ai le plaisir et l’honneur de rapporter une proposition de loi sur les infirmières que nous attendions depuis longtemps et qui me tient particulièrement à cœur. Avant toute chose, permettez-moi de remercier le président Frédéric Valletoux, coauteur du texte, pour son travail préalable et son soutien indéfectible aux professionnels infirmiers, ainsi que notre administratrice. Je crois pouvoir dire que nos groupes politiques convergent très majoritairement dans leur volonté de valoriser ces 650 000 professionnels en activité, dont nous savons qu’ils sont indispensables au fonctionnement de notre système de soins.

Bien souvent, l’infirmier ou l’infirmière est le point de contact avec le système de soins pour le patient et pour sa famille. C’est celui qui, le premier, répond aux questions, évalue, oriente, rassure, prodigue les soins quotidiens. Il est tous les jours auprès des patients, à leur domicile ou en établissement. Cette contribution essentielle, nos concitoyens la reconnaissent : 85 % de la population souhaite l’extension des missions des infirmières.

Pourtant, nous savons qu’il existe aujourd’hui un réel mal-être au sein de cette profession. Le métier d’infirmière attire beaucoup de jeunes – c’est même la formation la plus demandée sur Parcoursup – mais la déperdition est trop importante : on déplore 20 % d’abandons en cours d’études, sans parler de tous ceux qui quittent la profession après quelques années de carrière. À l’origine de ce mal-être, il y a plusieurs facteurs : des conditions de travail difficiles voire pénibles, des servitudes importantes pour une rémunération jugée trop faible et, surtout, un manque de reconnaissance.

Dans notre système de soins régi par le monopole médical, les infirmiers se sentent souvent oubliés, empêchés d’exercer pleinement leurs compétences. La profession est régie par un décret d’actes qui énumère limitativement tout ce qu’ils sont autorisés à accomplir dans l’exercice de leurs fonctions. Ce décret est rigide. Rarement actualisé, il est peu en phase avec les besoins de soins des patients. Or, comme il faut bien répondre à la demande de soins, les infirmiers doivent en permanence trouver des modalités pour s’extraire du carcan du décret : délégations officieuses d’actes médicaux, prescriptions régularisées a posteriori, cotations d’actes techniques divers, faute de pouvoir valoriser des consultations qui ne disent pas leur nom. Ces efforts, déployés quotidiennement par les infirmières pour exercer leur mission, alimentent le sentiment d’un manque de reconnaissance et réduisent encore l’attractivité du métier.

C’est la raison pour laquelle il faut faire évoluer le cadre juridique. En tant que législateur, cela fait plusieurs années que nous nous y employons. Nous avons voté plusieurs extensions des compétences des infirmières : pour les vaccins, les prescriptions de dispositifs médicaux et de substituts nicotiniques, les renouvellements de prescriptions et les bilans de prévention. Nous avons voté aussi les protocoles de coopération, pour permettre les délégations de tâches dans un cadre sécurisé. Nous avons créé le statut d’infirmier en pratique avancée (IPA), pour permettre à ceux qui le souhaitent d’accéder à des compétences et à des responsabilités élargies.

Mais ce qui a été accompli jusqu’ici est insuffisant, car nous n’avons pas remis en question la logique du décret d’actes, si bien que nous sommes en retrait par rapport aux besoins du terrain. Ce que nous voulons, avec cette proposition de loi, c’est inverser la logique. Désormais, nous voulons définir ce qui fait l’essence et l’unité du métier d’infirmier – en d’autres termes, le champ autonome de l’infirmière et sa contribution propre à notre système de soins – et faire découler de cette définition une évolution des référentiels de compétences et de la nomenclature des actes tarifés.

Je souhaite lever toute ambiguïté : il ne s’agit aucunement de concurrencer les médecins dans leur champ de compétences mais de trouver la meilleure organisation possible pour permettre aux médecins et aux infirmiers d’exercer pleinement leur métier, chacun dans son champ et en parfaite collaboration.

Avec l’article 1er, je crois que nous avons réussi à trouver un point d’équilibre dans la définition du champ de la profession infirmière, après de très nombreuses consultations. Nous identifions quatre grandes missions : les soins infirmiers préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels et leur évaluation ; la contribution à la prévention et à la promotion de la santé et l’éducation thérapeutique ; la contribution à la coordination des parcours de soins ; la formation des étudiants et la recherche en sciences infirmières. Ces missions ont vocation à être mises en œuvre en complémentarité avec tous les autres professionnels de santé. Je présenterai d’ailleurs un amendement pour le repréciser.

Par ailleurs, l’article 1er ancre dans la loi deux notions qui revêtent une nécessité pour la profession : la consultation infirmière et l’existence d’un droit de prescription. Cette consultation a vocation à être ciblée sur certains aspects qui relèvent du rôle propre de l’infirmière. Quant au droit de prescription, il s’agit bien des produits de santé et des examens complémentaires nécessaires à l’exercice de la profession. Cela sera décliné à l’échelon réglementaire, ce qui permettra de procéder aux ajustements nécessaires.

La rédaction de l’article 1er est synthétique et générale car nous ne souhaitons pas reproduire l’écueil du texte précédent. Cela appellera un travail important de déclinaison aux niveaux réglementaire et conventionnel. Dans un deuxième temps, il faudra réévaluer et repréciser les référentiels de compétences des infirmiers, en lien avec la réingénierie en cours de la formation. Dans un troisième temps, la nomenclature des actes infirmiers et leur tarification devront être revues, en lien avec la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam).

Il y a donc encore un long chemin à parcourir. C’est pourquoi je souhaite que nous puissions voter cette proposition et que le Sénat s’en saisisse pour que la loi soit adoptée rapidement. Je vous invite à ne pas alourdir le texte car les représentants infirmiers aspirent à ce qu’il soit le plus général et efficace possible. Cela permettrait de rapprocher la France des autres pays européens, qui ont retenu une définition large de la profession infirmière.

L’article 2 concerne la pratique avancée et les infirmières spécialisées que sont les infirmières anesthésistes, les infirmières de bloc et les puéricultrices. La pratique avancée présente l’avantage de conjuguer amélioration de l’accès aux soins pour les patients et réduction de la charge de travail pour les médecins. Elle a toujours été au cœur de la politique sanitaire défendue par notre groupe, comme en témoigne la loi de 2023 de Stéphanie Rist, qui a rendu possible l’accès direct aux infirmières en pratique avancée. Tout le monde reconnaît la compétence et l’expertise de ces infirmières, qui ont un grade master.

Les infirmières spécialisées aspirent à ce que l’on reconnaisse une forme de pratique avancée dans leurs actes et à ce que l’on fasse évoluer leur profession en ce sens. S’il faut entendre et accompagner cette aspiration, nous devrons veiller à ne pas fragiliser le statut des IPA. Ce sont des professionnels avec des compétences transversales et des responsabilités élargies, dotés d’un pouvoir de prescription et consultables en accès direct. Ils sont appelés à jouer un rôle important pour la coordination des parcours de soins, en lien avec les médecins généralistes. Je pense que le modèle de l’IPA, qui correspond en partie au modèle européen, répond à un vrai besoin. Nos efforts et notre investissement doivent porter sur le développement de cette profession, sans exclure de faire évoluer les missions des infirmières spécialisées, en différenciant les types de pratique avancée.

Sous réserve de ces précisions et des quelques amendements que je présenterai, je pense que nous pouvons tous nous accorder sur cette indispensable proposition de loi dont l’écriture est pondérée. Les infirmières comptent sur nous.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Christine Loir (RN). Cette proposition de loi aborde un enjeu essentiel : l’évolution de la profession d’infirmière. Chaque jour, plus de 600 000 infirmières sont au chevet des patients, en ville, dans nos villages, à l’hôpital comme à domicile, en libéral ou au service de l’État. Pourtant, 17 % d’entre elles quittent la profession après dix ans d’exercice à l’hôpital. Ce chiffre alarmant traduit la détresse profonde d’une profession en perte de repères.

Le texte ne comporte que deux articles, comme si l’ensemble des défis du métier pouvaient se résumer ainsi. Nous regrettons qu’une réflexion plus large n’ait pas été menée par le biais d’un projet de loi, accompagné d’une étude d’impact et d’un avis du Conseil d’État. Une véritable réforme aurait mieux répondu aux attentes du terrain : conditions d’exercice, formation, rémunération, reconnaissance des spécialités. Cela fait quinze ans que les infirmières libérales réclament des moyens et une véritable reconnaissance.

Les députés du groupe Rassemblement National ont ainsi déposé plusieurs amendements de bon sens. Nous ne voulons ni alourdir leurs responsabilités ni leur imposer un glissement de tâches sans contreparties, sans la promesse d’un meilleur revenu. Nous souhaitons des mesures concrètes et durables pour améliorer leur quotidien. La primoprescription est un axe central du texte. C’est l’arbre qui cache la forêt. Sans cadre précis, elle ne résoudra en rien la crise de notre système de santé. Nous devons être à la hauteur de cet enjeu, grâce à une approche globale et ambitieuse.

M. Jean-François Rousset (EPR). Les infirmières et infirmiers sont souvent le premier contact avec le soin et parfois le seul possible pour les patients. On en dénombre une ou un pour 500 habitants. Dans un contexte où nous manquons de soignants, il est essentiel de faire évoluer la profession afin qu’elle soit adaptée aux réalités du terrain dans ses modes d’exercice mais aussi dans ses compétences.

Ce texte s’inscrit pleinement dans la politique d’organisation des soins que nous menons depuis 2017. Les lois de Stéphanie Rist et Frédéric Valletoux ont largement pavé le chemin d’un système fondé sur l’interprofessionnalité et le partage des compétences, en favorisant notamment la collaboration entre les professionnels de santé dans certaines structures, comme les communautés professionnelles territoriales de santé ou les maisons et centres de santé. La proposition de loi définit clairement les missions de la profession, ainsi que son rôle dans la permanence des soins.

Concernant la pratique avancée, les infirmières et infirmiers sont formés spécifiquement et sont donc compétents à l’égard de pathologies ciblées – affections de longue durée, insuffisance rénale, etc. L’extension de leur périmètre d’exercice est pertinente, afin qu’ils puissent irriguer l’ensemble des structures où leur expertise de haut niveau est utile. Par ailleurs, le texte ouvre la pratique avancée à certains infirmiers et infirmières, permettant de reconnaître la haute valeur ajoutée de ce statut, dont nous devons veiller à conserver la spécificité. Créer une diversité de statuts en fonction des spécialités risquerait de diluer leur spécificité.

Par ailleurs, je reste persuadé que nous n’échapperons pas à une réforme de la formation de tous les soignants, en particulier pour les premières années d’études. Les nouvelles demandes des soignants concernant les conditions d’exercice et celles des patients habitués à des modèles traditionnels doivent être intégrées au début des études de santé. Nous devrions aussi avoir pour objectif de ne laisser aucun étudiant en santé de côté, pour ne gâcher aucune vocation.

Le groupe Ensemble pour la République soutiendra le texte en l’état.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Les quelque 600 000 infirmières qui exercent en France incarnent pour les patients et leurs proches un visage humain du système de soins ; 88 % de nos concitoyens estiment que les infirmières jouent un rôle de proximité important. Pourtant, ils sont 86 % à estimer qu’elles ne sont pas assez reconnues.

La profession traverse une crise sans précédent : 60 000 postes d’infirmier salarié étaient vacants en 2023. Après dix ans d’exercice, près d’une infirmière hospitalière sur deux quitte l’hôpital voire change de métier. Si la présente proposition de loi satisfait des revendications défendues de longue date par les syndicats, grâce la redéfinition statutaire des compétences des infirmières, elle ne suffit pas. Il convient de mener un travail sérieux sur leur rémunération, leur formation et la prise en compte de la pénibilité. Les infirmières françaises gagnent près de deux fois moins que leurs homologues belges. En particulier, la tarification des actes des infirmières libérales n’a pas augmenté depuis 2009 et les indemnités kilométriques ont stagné, alors que le prix du carburant flambe.

La pénibilité de cette profession très majoritairement féminine est reconnue : port des patients, de charges lourdes, forte charge émotionnelle, longs déplacements pour les infirmières exerçant dans le secteur libéral. Une infirmière vit en moyenne sept ans de moins que le reste des Françaises.

Le futur de la profession est menacé. Les abandons d’étude ont triplé entre 2011 et 2021 et le Gouvernement est resté sourd aux demandes des professionnels qui réclament une augmentation du temps de formation. Nous voterons en faveur de la présente proposition, mais il faudra aller plus loin, en portant le temps de formation des infirmières à quatre ans, en indexant le tarif des actes et de l’indemnité kilométrique sur l’inflation, en garantissant la tenue de négociations sur la rémunération des infirmières, en fixant un objectif national de formation d’un nombre minimum d’infirmières, sur la base de besoins de soins définis de manière pluriannuelle. Sandrine Runel et moi-même proposerons ces mesures dans un texte visant à réellement revaloriser le travail et la formation des infirmières.

M. Arnaud Simion (SOC). Le métier d’infirmier est en souffrance, alors qu’il est essentiel pour faire face aux défis de notre système de santé. Avec la progression des déserts médicaux, la demande de soins médicaux se reporte sur le secteur paramédical et les infirmiers sont seuls pour y faire face. La population vieillit – 15 millions de Français ont plus de 60 ans ; ils seront 20 millions en 2030. Les affections longue durée se développent et nécessitent des soins infirmiers réguliers. Le taux d’encadrement des patients est faible : la France compte 12 infirmières pour 1 000 habitants, quand ce taux s’élève à 14 en Allemagne. Le métier d’infirmier est peu reconnu et valorisé. Depuis quinze ans, les tarifs des actes n’ont pas été revalorisés ou ne l’ont été que très faiblement. Les infirmiers restent relativement mal rémunérés.

Si plusieurs textes récents ont déjà permis de développer le statut d’IPA, cette proposition de loi transpartisane permettra de mieux reconnaître et valoriser le métier. Son article 1er prévoit des avancées et des clarifications bienvenues, en élargissant le champ des compétences des infirmiers, en leur permettant de prescrire davantage de produits de santé, en renforçant le rôle de l’infirmier dans la formation et en prévoyant une participation obligatoire à la permanence des soins. L’article 2 facilite l’accès à la pratique avancée, qui concerne actuellement 2 300 infirmiers, selon l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée.

Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra ce texte, qui répond pertinemment au déficit de reconnaissance de ces métiers. Nous défendrons plusieurs amendements élaborés avec des associations du secteur pour l’enrichir.

La proposition de loi transpartisane que déposera Mme Runel afin de valoriser le travail et la formation des infirmiers s’inscrit dans une démarche complémentaire, grâce à des mesures concernant la formation et la revalorisation des actes infirmiers.

Mme Josiane Corneloup (DR). Les quelque 600 000 infirmiers et infirmières, dont 135 000 travaillent dans un cadre libéral, parfois en exercice mixte, constituent un chaînon indispensable du système de soins. Très appréciés des Français, ces professionnels de santé doivent être davantage reconnus et voir leurs missions évoluer, au regard du vieillissement de la population et de l’accroissement des pathologies chroniques, mais aussi de la désertification médicale de nombreux territoires.

En l’absence de médecin, les infirmiers doivent régulièrement informer et orienter. Différents textes de loi ont accru l’autonomie de ces professionnels de santé pour certains actes de prise en charge des patients, notamment la loi du 31 mai 1978, celle du 26 janvier 2016, puis la « loi Rist » de 2023, qui introduit la possibilité d’un accès direct des patients à un IPA, sans passer par un médecin et autorise aux IPA la primoprescription de produits de santé soumis à prescription médicale obligatoire.

Le 22 janvier 2025, des décrets d’application ont précisé les conditions de l’accès aux IPA. Ces avancées successives ont contribué à améliorer la qualité de la prise en charge des patients. Il convient désormais d’actualiser le champ d’intervention des infirmiers, en reconnaissant à ces derniers de nouvelles compétences et en optimisant leur rôle.

Dans son article 1er, cette proposition de loi redéfinit ainsi la profession d’infirmier autour de quatre missions clefs : la dispensation des soins et leur évaluation, le suivi du parcours de santé, la prévention et la participation à la formation. Cet article introduit deux notions centrales, celle de consultation infirmière et celle de la prescription réalisée par l’infirmier, en reconnaissant à ce dernier la possibilité, dans le cadre d’un exercice coordonné, de prescrire des produits de santé dont la liste sera déterminée par arrêté ministériel.

L’article 2 prévoit trois lieux d’exercice supplémentaires de la pratique avancée, pour faire face aux besoins immenses : au sein des services de protection maternelle et infantile (PMI), de santé scolaire et d’aide sociale à l’enfance.

Ce texte permettra d’élargir et d’actualiser le champ de compétences des infirmiers, pour mieux répondre à la diversification des besoins médicaux de la population et à l’allongement de la durée de vie. Il est attendu par la profession. Nous devons l’adopter dans les meilleurs délais.

M. Hendrik Davi (EcoS). La France compte 640 000 infirmiers et infirmières, dont plus de 120 000 exercent à titre libéral. C’est la première profession de santé en France. Or, avec le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre de maladies chroniques, les besoins évoluent et les soins à domicile augmentent. En outre, les infirmiers demandent depuis longtemps une meilleure reconnaissance de leur métier. Nous avons donc besoin d’urgence d’une grande loi pour revaloriser le métier d’infirmier.

J’émets toutefois des réserves sur le présent texte. Il suscite de nombreuses questions. Bien sûr, une clarification des missions des infirmières s’impose, pour tenir compte des évolutions du métier et mieux répartir les tâches entre les différents professionnels de santé. Néanmoins, je crains qu’il ne s’agisse, avec ce texte, de pallier le manque de médecins en accroissant les responsabilités et la charge de travail des infirmiers et des infirmières, sans leur donner les qualifications et les rémunérations correspondantes. Cela risque d’augmenter leur souffrance au travail.

En outre, pourquoi le texte ne précise-t-il pas que les prescriptions réalisées par l’infirmier seront liées au diagnostic qu’il a posé ?

Mon groupe a déposé plusieurs amendements afin notamment d’augmenter la rémunération des infirmiers. Évidemment, ils ont été déclarés irrecevables, mais si 50 % d’infirmières diplômées quittent l’exercice hospitalier au bout de dix ans de carrière, c’est avant tout à cause du faible niveau des rémunérations et des conditions de travail trop pénibles. Il faut y remédier.

Je suis favorable à ce que les infirmiers et les infirmières puissent largement prescrire et mener des consultations, mais cela demande de l’expérience et des qualifications. Selon moi, la solution la plus juste serait d’ouvrir dans un très grand nombre de disciplines la possibilité d’exercer en pratique avancée. Il faut donc aller plus loin que la rédaction actuelle de l’article 2 – même si celui-ci va dans le bon sens. Il faut en outre élaborer un vrai plan de formation et accompagner tous ceux et celles qui souhaitent devenir IPA.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Cette proposition de loi renforcera le statut des infirmiers, élargira leurs compétences et leur offrira une meilleure reconnaissance. Elle constitue une avancée concrète pour une profession essentielle au système de santé.

Dès 2021, dans un rapport d’information sur l’organisation des professions de santé, j’ai alerté sur la répartition trop rigide des compétences entre professionnels de santé, qui freine les collaborations, limite les délégations de tâches et entrave l’évolution des carrières professionnelles. Je défendais alors un décloisonnement des parcours, de nouveaux modes d’organisation des soins et un accompagnement de la montée en compétences des professions paramédicales. Il s’agissait, selon ce que j’appelais la « théorie de l’escalier », de consolider les stocks de compétences et de favoriser la montée en compétences individuelles.

Cette proposition de loi s’inscrit pleinement dans cette dynamique, avec plusieurs avancées : l’inscription dans la loi des missions des infirmières, jusqu’ici définies par décret ; l’introduction de la consultation infirmière et de prescriptions réalisées par l’infirmière, à la condition que celles-ci soient liées à leurs missions propres ; enfin, l’extension de la pratique avancée aux anesthésistes de bloc opératoire et aux puériculteurs.

Restons néanmoins vigilants. Il ne faut pas confondre autonomie et indépendance. L’autonomie permet de prendre des décisions seul, mais n’exclut ni la supervision, ni le travail en équipe. L’indépendance peut, au contraire, désigner l’absence de tout lien avec autrui. Ce n’est pas ce que nous recherchons. Notre objectif est de renforcer l’autonomie des infirmiers, ce qui implique de renforcer la coopération entre professionnels.

Par ailleurs, l’article 1er crée une ambiguïté sur l’étendue de la dérogation à l’interdiction d’exercice illégal de la médecine par les infirmiers. Cette dérogation doit être clairement restreinte aux missions qui leur sont propres. Le diagnostic des pathologies doit selon moi être réservé à l’exercice médical. Les compétences qu’il nécessite expliquent la longue durée des études médicales. Les compétences en matière de soins, en revanche, peuvent être partagées avec les infirmiers.

M. François Gernigon (HOR). Le système de santé est confronté à de nombreux défis : manque de professionnels, accès aux soins difficiles, évolution des besoins. Ainsi, 1 600 000 personnes sont contraintes de renoncer à des soins chaque année ; plus de 30 % de la population vit dans un désert médical. Pour pallier ces inégalités, il est urgent d’adapter l’organisation du système de santé et de renforcer le rôle des infirmiers, acteurs essentiels du parcours de soins.

Le présent texte va dans ce sens. Il précisera les missions des infirmiers, introduira la consultation infirmière et leur permettra de prescrire certains examens et traitements. C’est une avancée pragmatique pour améliorer la continuité des soins et répondre aux attentes du terrain. Nous connaissons tous l’importance du travail des infirmiers, leur expérience est précieuse et il est temps de la reconnaître pleinement.

La Fédération nationale des infirmiers salue d’ailleurs cette initiative, qui satisfait une demande forte de la profession. Le présent texte permettra d’élargir les compétences des infirmiers, de faciliter le suivi des patients et d’améliorer l’accès aux soins. Il offrira également de nouvelles possibilités dans des secteurs clés comme la protection maternelle et infantile, la santé scolaire et l’aide sociale à l’enfance. Enfin, il permettra aux infirmiers spécialisés de renforcer leur rôle.

L’objectif est clair : trouver un équilibre entre autonomie et complémentarité, sans opposer les métiers mais en créant un cadre adapté aux réalités du terrain. Le groupe Horizons & Indépendants soutiendra ce texte, qui apporte une réponse concrète aux attentes des professionnels et des patients. Nous espérons son adoption rapide, pour une application efficace.

M. Stéphane Viry (LIOT). La France connaît une crise de l’accès aux soins ; les maladies chroniques se développent et la population vieillit. Pour relever ces défis, nous devons nous appuyer sur tous les professionnels du soin, notamment les infirmières libérales qui sont compétentes, disponibles et se trouvent déjà en première ligne.

Votre proposition de loi apporte un commencement de réponse, à la suite de plusieurs textes votés ces dernières années. La profession est encore régie par un décret d’actes, ce qui explique le manque de reconnaissance dont elle fait l’objet et sa perte d’attractivité. Le présent texte y substituera un socle de missions inscrit dans la loi, qui sera décliné par compétences et par actes au niveau réglementaire. Cela permettra d’assouplir l’organisation de la profession et de lui faire gagner en autonomie.

Ce ne peut être qu’une première étape. Le toilettage législatif implique, dans un premier temps, une refonte du référentiel, des compétences et de la formation ; dans un second temps, une réforme de la nomenclature des actes. Dispose-t-on d’un calendrier des évolutions prévues, sachant que la concertation est engagée de longue date sur ces sujets ?

Ce texte reconnaîtra la consultation infirmière, qui existe dans les faits depuis de nombreuses années. De même, les infirmiers pratiquent nécessairement des soins relationnels lors du suivi de leurs patients. Nous reviendrons lors de la défense de nos amendements sur ces questions, ainsi que sur la prescription infirmière.

L’article 2 prévoit que les infirmiers spécialisés pourront enfin exercer en pratique avancée. Il répond ainsi à la demande légitime d’évolution statutaire que les infirmiers anesthésistes formulent depuis 2019. Nous souhaitons toutefois insister sur la nécessité de lever les obstacles que les IPA rencontrent sur le terrain – nous y reviendrons lors de la défense de nos amendements.

M. Yannick Monnet (GDR). Cette proposition de loi est bienvenue, car très attendue par la profession.

Le décret qui énumère les tâches ouvertes aux infirmiers n’a pas été révisé depuis une vingtaine d’années. Le présent texte lui substitue utilement une liste de compétences socles, qui sera inscrite dans le code de la santé publique.

Ce texte prévoit en outre un élargissement des lieux d’exercice des infirmiers en pratique avancée. Leurs compétences les disposent en effet à intervenir au sein des services de PMI, de santé scolaire et d’aide sociale à l’enfance, qui manquent cruellement de soignants. Ces dispositions vont dans le bon sens pour contrer les effets désastreux de la désertification médicale et constituent une reconnaissance de la profession d’infirmier.

Toutefois, pour que la reconnaissance soit complète, il faut que la refonte globale de la formation et de la profession d’infirmier envisagée ces dernières années se concrétise. En mai 2023, François Braun, alors ministre de la santé et de la prévention, annonçait une grande concertation sur ces questions. Or la refonte de la formation initialement prévue pour septembre 2024, a été décalée deux fois et il n’est même pas certain que la nouvelle échéance de septembre 2025 soit respectée. Elle est pourtant indispensable pour que les infirmiers disposent des compétences nécessaires aux nouvelles missions que leur ouvrira le présent texte, et pour répondre aux aspirations des jeunes professionnels.

Ainsi, il faudra nécessairement la mener à bien dans les prochains mois, afin de permettre aux universités et aux instituts de formation en soins infirmiers de rendre effectives les avancées du présent texte.

Enfin, la profession attend une revalorisation salariale à hauteur de la formation suivie et des missions assumées, notamment pour l’exercice en pratique avancée.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Cette proposition de loi est complémentaire des textes que j’ai défendus afin de modifier progressivement les structures de soins et de revenir sur le monopole médical dans notre pays.

Les infirmières ont évolué, bien loin de l’image d’antan de religieuses. Les maladies et les formations ont évolué. Il faut faire confiance à ces professionnelles pour l’évolution de leur métier. Nous ne pouvons pas nous permettre de gâcher leurs compétences, alors que l’accès aux soins est difficile. Nos voisins sont en avance sur nous en la matière ; de nombreuses études confirment l’amélioration de la qualité de prise en charge permise par l’évolution des métiers des professionnels de santé. N’ayons donc pas peur. Je peux vous assurer que les décrets prévus dans ce texte seront très cadrés et donneront lieu à de multiples consultations ; des médecins contribueront à les écrire. Ils ne seront donc pas pris n’importe comment.

Bien sûr, la coordination des soins est indispensable et le médecin restera au centre de la prise en charge, mais ce ne sera plus forcément le premier à voir le malade. Les professionnels de santé ont besoin de cette proposition de loi et de notre confiance.

M. le rapporteur général. Nous soutenons ce texte attendu. Toutefois, l’actualisation du statut des infirmiers prévue à l’article 1er pourrait avoir un impact financier. L’avez-vous estimé ? Il me semble qu’une enveloppe a déjà été prévue.

M. Laurent Panifous (LIOT). La loi fait progressivement évoluer la profession d’infirmière, en valorisant ces professionnelles, en enrichissant leurs compétences et en accroissant leur autonomie.

Puisque le sujet est sensible, il est juste que l’évolution soit douce. La profession d’infirmier est indispensable ; son évolution répond aux problèmes de la démographie médicale et au vieillissement de la population. Ne la craignons pas et conservons notre calme face à l’affrontement qu’elle suscite avec les médecins. Ceux-ci doivent se concentrer sur les tâches qui nécessitent une grande expertise ; ils permettront ainsi à d’autres professions qui méritent d’être valorisées de l’être. Une telle évolution profite à tout le monde.

Mme la rapporteure. Vos interventions favorables témoignent du relatif consensus autour de ce texte.

Madame Loir, les causes de l’abandon du métier sont multiples. Les contraintes liées au covid ont fait évoluer le rapport au travail de certains professionnels ; le turnover dans les services de soins n’a pas facilité l’accueil des jeunes diplômés ; le niveau des salaires a également pu poser problème. Historiquement, la durée moyenne d’exercice du métier d’infirmière a considérablement varié. Elle a pu descendre jusqu’à deux ans, avant de passer à dix puis à quinze ans – actuellement, c’est un peu moins.

Concernant les étudiants, il convient d’améliorer la définition des prérequis sur Parcoursup et l’accueil lors des stages, notamment les premiers, qui font parfois du métier un repoussoir, alors qu’ils devraient encourager la poursuite de la formation.

Par ailleurs, la valeur d’un texte ne se mesure pas à son nombre d’articles. L’adoption de l’article 1er est une impérieuse nécessité pour faire évoluer le métier. Il permettra aux infirmiers de travailler en complémentarité avec les autres professionnels de santé.

Madame Erodi, les indemnités kilométriques des infirmières libérales ont été revalorisées de 10 % en 2023. Même si l’enveloppe est limitée au vu des contraintes, c’est déjà une avancée.

Un travail est en cours pour harmoniser la durée de la formation au niveau européen. En France, elle est de 4 200 heures, mais il faudra la porter à 4 600 heures, tout en conservant l’organisation actuelle, celle d’une licence de trois ans permettant l’obtention de 180 crédits European Credit Transfer and Accumulation System (ECTS).

Si nous allongeons la durée des études d’infirmières d’un an, le recrutement de ces professionnelles connaîtrait une année blanche, ce qui poserait problème. Un tel allongement serait en outre coûteux ; il faudrait trouver les enseignants et les lieux d’enseignement nécessaires. Enfin, cela risquerait d’aggraver la précarité des étudiants, qui doivent déjà parfois interrompre leur formation pendant un ou deux ans pour des raisons financières, car ils ne parviennent pas à concilier leurs études avec un travail.

Monsieur Davi, l’infirmière ne remplacera pas le médecin. Chacun a une mission propre, complémentaire et nécessaire. Toutefois, dans les déserts médicaux, l’infirmière sera la première interlocutrice du patient. Elle l’écoutera, afin de débroussailler ses préoccupations et de fixer des priorités. Le cas échéant, elle le confiera ensuite à un médecin traitant ou à un spécialiste, possiblement par téléconsultation afin de lui éviter un déplacement.

Monsieur Isaac-Sibille, je suis d’accord avec vous, l’autonomie n’est pas l’indépendance. Elle ne dispense pas de collaborer avec les autres et de les informer.

Monsieur Viry, ce texte est une première pierre. Une fois qu’il sera adopté, des décrets seront pris concernant les nouvelles missions des infirmiers. Un travail a déjà commencé avec la Cnam sur la nomenclature. Malgré les contraintes liées au montant de l’enveloppe, des négociations ont commencé sur la valorisation de la consultation et de la prescription infirmières.

Ainsi, monsieur le rapporteur général, même si l’impact financier du texte n’a pas été mesuré de manière fine, la Cnam est déjà au travail concernant les infirmiers du secteur libéral. Quant à ceux qui sont salariés, le coût du texte devrait être financé par les lignes de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie consacrées à l’amélioration des soins. Rappelons en outre que les salariés ont déjà été revalorisés dans le cadre du Ségur de la santé. Les discussions iront de pair avec l’évolution du métier.

M. le président Frédéric Valletoux. Malgré quelques nuances, tous les orateurs ont souligné le bien-fondé de ce texte nécessaire, qui s’inscrit dans le droit fil de ceux défendus par Mme Rist et par la majorité présidentielle depuis 2017.

Cette évolution lente de la profession lui permet de s’adapter. Les infirmiers font partie des rares professionnels de santé à exercer au domicile des patients. Cette dimension, importante, doit être soutenue.

M. François Braun avait lancé la réflexion sur une refonte globale de ce métier. Si cette proposition de loi ne sera pas la grande loi demandée, elle constitue une première pierre, un socle qui redéfinit les compétences des infirmiers sur le plan juridique. Cela permettra des discussions beaucoup plus fines avec l’assurance maladie, qui précisera la dimension économique des nouvelles missions des infirmiers.

Article 1er : Refonte du socle législatif régissant la profession d’infirmier diplômé d’État

Amendements AS161 de Mme Nicole Dubré-Chirat et AS114 de M. Cyrille IsaacSibille (discussion commune)

Mme la rapporteure. Dans sa rédaction actuelle, l’alinéa 4 ne fixe pas de limite à la dérogation à l’interdiction d’exercice illégal de la médecine prévue pour les infirmières. Il faut restreindre cette dérogation aux missions propres à ces professionnelles.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement va dans le même sens. Il faut limiter le flou. Les infirmiers comme les médecins auront leur mission propre, avec une frontière nette. C’est la philosophie de cette proposition de loi.

La commission adopte l’amendement AS161.

En conséquence, l’amendement AS114 tombe, ainsi que les amendements identiques AS10 de Mme Sylvie Bonnet et AS115 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

Amendement AS95 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). Si nous souhaitons que le rôle essentiel des infirmières dans la prise en charge des patients soit mieux reconnu, il faut préciser leurs obligations déontologiques. Nous garantirons en outre qu’elles se conformeront aux exigences éthiques et légales de leur profession.

Mme la rapporteure. Depuis 2016, la profession d’infirmière est régie par un code de déontologie exhaustif et régulièrement actualisé. La précision demandée n’est donc pas nécessaire.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Christine Loir (RN). Nous nous apprêtons à donner de nouvelles compétences aux infirmières. Il faut s’assurer qu’elles seront encadrées par le code de déontologie.

Mme la rapporteure. L’Ordre national des infirmiers actualise régulièrement le code de déontologie et continuera à le faire.

M. le président Frédéric Valletoux. Le code de déontologie de la profession ne relève pas du champ législatif.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS12 de Mme Sylvie Bonnet et AS113 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)

Mme Sylvie Bonnet (DR). Je propose de préciser la distinction entre les soins relevant du rôle propre de l’infirmier et ceux réalisés sur prescription, afin de garantir la qualité des soins et la sécurité juridique des professionnels de santé, qui exercent dans un environnement juridique très réglementé.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Dans le même objectif, je propose de préciser quels soins sont réalisés par les infirmiers conformément à leur rôle propre, et quels soins ils réalisent sur prescription. Les soignants ont besoin de critères simples pour pouvoir respecter la loi et la réglementation.

L’article 16-3 du code civil, issu de la loi de bioéthique de 1994, prévoit déjà que l’atteinte au corps relève nécessairement du champ médical. En distinguant les actes invasifs et médicamenteux, qui relèvent de la médecine, des actes non invasifs, qui relèvent de la science infirmière, nous reprenons donc des critères du droit.

Nous anticipons ainsi la diversité des prescripteurs d’actes invasifs ou médicamenteux, en prévoyant une manière simple d’identifier le régime juridique applicable à chaque soin, sans qu’un arrêté du ministre de la santé fixant la liste exhaustive des actes et leur nature soit nécessaire. Cette démarche s’inscrit dans l’esprit de la proposition de loi, qui consiste à organiser l’exercice de la profession infirmière par mission.

Enfin, l’inscription de tels critères ne grèverait en rien la possibilité, prévue à l’alinéa 7 de l’article 1er, de permettre aux infirmiers des consultations donnant lieu à la prescription de produits de santé ou d’examens complémentaires.

Mme la rapporteure. Les missions des infirmières distinguent déjà ce qui relève du rôle propre ou du rôle prescrit. Le premier, défini depuis 1992, recouvre « les soins liés aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie et visant à compenser partiellement ou totalement un manque ou une diminution d’autonomie d’une personne ou d’un groupe de personnes ». Si une modification du droit de prescription venait à entraîner une évolution du périmètre du rôle prescrit, celle-ci relèverait du domaine réglementaire, après concertation avec les organismes professionnels.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Même si cela figure déjà dans le code d’éthique, il me semble important de préciser dans la loi que l’atteinte au corps relève du champ médical, et non du champ infirmier, afin de bien clarifier les responsabilités de chacun.

Mme la rapporteure. On ne peut pas fonder la distinction sur la nature des actes, puisque les infirmières sont autorisées à pratiquer certains actes invasifs, comme la vaccination, et que les médecins assurent également des missions de prévention et de consultation, par nature non invasives. Je préfère qu’on s’en tienne à la définition de missions larges, qui feront ensuite l’objet d’une déclinaison plus fine par voie réglementaire.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Avez-vous une idée du contenu du futur décret ? C’est une source d’inquiétude.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Forte de l’expérience de l’adoption de ma seconde proposition de loi – à l’unanimité moins une voix – en mai 2023, qui portait sur des sujets similaires – elle autorisait notamment la primoprescription pour les IPA – je peux vous expliquer le cheminement du texte.

La promulgation d’un texte est suivie d’une série de concertations avec les professionnels concernés, à l’issue desquelles le décret est publié – avec un champ généralement très réduit par rapport à la loi, car il faut que les personnes concernées se mettent d’accord. Dans mon cas, les médecins n’étaient pas favorables à la primoprescription par les IPA, il a fallu un an de consultations pour trouver un accord, et ce décret a été publié en janvier 2025. L’application effective du décret nécessite ensuite un arrêté, dont le contenu fait l’objet de nouvelles consultations. S’agissant de mon texte, promulgué en mai 2023, nous attendons toujours la publication de cet arrêté, qui précisera les actes qui pourront être prescrits par les IPA.

Vous pouvez donc être rassurés : il y aura encore de nombreuses négociations avec les professionnels après l’adoption de la loi, inutile d’en ajouter dans le texte.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS162 de Mme Nicole Dubré-Chirat

Mme la rapporteure. Même si cela va de soi, cet amendement rédactionnel vise à préciser que les missions de l’infirmier ont vocation à être exercées en complémentarité avec celles des autres professionnels de santé.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS112 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS13 de Mme Sylvie Bonnet (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement tend à préciser que la prescription du médecin peut être donnée à l’infirmier de manière écrite ou orale, car certains actes invasifs réalisés par les infirmiers aides opératoires habillés en stérile – aide à l’exposition, aspiration, hémostase –, décidés au-dessus du champ opératoire en fonction des besoins immédiats d’intervention, ne peuvent faire l’objet d’une prescription écrite préalable du chirurgien.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Les infirmiers aides opératoire habillés en stérile peuvent être amenés à réaliser des actes invasifs comme l’aide à l’exposition, l’aspiration ou l’hémostase, sans qu’ils aient pu être prescrits préalablement par écrit, puisque le binôme chirurgien-infirmier travaille ensemble au-dessus du champ opératoire. Il faut donc prévoir la possibilité de donner les prescriptions oralement.

Mme la rapporteure. J’ai exercé longtemps, y compris en bloc opératoire, et les infirmiers se sont toujours opposés à la prescription orale, car seuls les écrits font foi en cas de problème et de plainte d’un patient. S’il arrive que des médecins fassent des prescriptions orales parce qu’ils ont d’autres priorités à ce moment-là – en cas de réanimation d’un patient, par exemple –, celles-ci doivent ensuite être consignées. J’en parle d’autant plus savamment que j’ai vu des médecins nier une prescription orale après le choc allergique massif d’un patient, par exemple. Il serait inacceptable d’inscrire dans la loi la possibilité de s’en tenir à une prescription uniquement orale.

En outre, certains actes réalisés par les infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État sont déjà prévus dans leurs missions, en fonction de leur niveau de formation – la participation aux sutures, notamment –, et ne nécessitent pas de prescription orale supplémentaire.

Convaincue de l’impérieuse nécessité d’écrire les prescriptions, je suis particulièrement défavorable à ces deux amendements.

M. Jean-François Rousset (EPR). C’est justement parce que le chirurgien est responsable de tous les acteurs qu’il engage dans un acte chirurgical – y compris des anesthésistes –, qu’il est très important d’insister sur l’écriture des protocoles en amont.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je vous rejoins totalement, madame la rapporteure, mais l’intérêt de l’amendement est d’identifier les situations dans lesquelles il n’est pas possible de formaliser la prescription préalablement à l’acte, afin d’éviter les dérives actuelles et de limiter la réalisation d’actes sans prescription écrite. Dans tous les cas, il faudra que les prescriptions orales soient formalisées, a posteriori au besoin.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS73 de M. Laurent Panifous

M. Laurent Panifous (LIOT). Cet amendement vise à compléter l’alinéa 6 afin de mieux reconnaître l’autonomie de la profession – ce qui ne signifie pas travailler de manière indépendante ou isolée. La profession infirmière est régie par un ordre, elle exerce ses missions de manière autonome dans le respect du cadre et est responsable de ses choix.

Mme la rapporteure. Cette précision est superfétatoire : il est évident que l’infirmière travaille de manière autonome, en lien avec les autres professionnels, et qu’elle est responsable des actes qu’elle réalise, que ceux-ci relèvent de leur rôle propre ou d’une prescription – d’où l’intérêt de la prescription écrite.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS21 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Sylvie Bonnet (DR). Cet amendement vise à acter le principe de la prescription en complétant l’alinéa 7 de l’article 1er.

Mme la rapporteure. Comme cela avait été fait pour les IPA, le périmètre du droit de prescription et la liste des actes autorisés seront précisés dans un décret de compétences, pris après négociation avec les professionnels.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS160 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Sylvie Bonnet (DR). Cet amendement vise à rappeler l’importance de l’autonomie de l’exercice infirmier.

Mme la rapporteure. C’est prévu par le texte et, en pratique, c’est déjà le cas. Il est donc inutile d’ajouter cette précision.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS146 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement tend à préciser les quatre domaines couverts par la consultation infirmière : observance du traitement par les patients chroniques, garantie du bien-vieillir des patients à domicile, accompagnement des patients à la sortie de l’hôpital ou de la chirurgie ambulatoire et suivi des cancéreux traités à leur domicile.

Mme la rapporteure. L’objectif du texte est de définir le cadre, les missions des infirmiers ; le périmètre des consultations et les compétences inhérentes seront précisés dans un second temps, après consultation des organisations professionnelles.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS38 de Mme Karen Erodi

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). On reconnaît aux infirmières la capacité à poser un diagnostic, mais on hésite à leur donner les moyens d’y répondre pleinement : c’est toute l’ambiguïté de ce texte, qui prétend revaloriser la profession mais refuse de lui accorder la pleine autonomie qui devrait en découler. De toute évidence, une consultation infirmière ne saurait se résoudre à constater un état et poser un diagnostic : les professionnelles doivent également pouvoir définir les objectifs de soins pour y répondre concrètement, sans être systématiquement entravées par des protocoles rigides ou la nécessité d’une validation médicale.

Avec cet amendement, nous proposons une véritable reconnaissance du rôle des infirmiers et des infirmières comme acteurs de premiers secours, capable d’évaluer, mais aussi d’intervenir efficacement. Là où votre texte reste frileux, nous assumons pleinement l’autonomie des soignants pour désengorger le système de santé et garantir un accès aux soins plus fluide et plus efficace.

Mme la rapporteure. On ne peut qu’être d’accord avec votre constat. Mais le texte prévoit déjà que l’infirmière qui accueille un patient évalue ses besoins – notamment ses besoins fondamentaux –, définit les objectifs de soins et les planifie, seule ou en lien avec d’autres professionnels de santé. Là encore, c’est déjà le cas en pratique. La précision que vous souhaitez apporter étant superfétatoire, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS130 de M. Thomas Ménagé

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). En l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, les organisations professionnelles des infirmiers et des médecins s’interrogent sur le risque pénal et le partage des responsabilités en cas de prescription de produits de santé ou d’examens complémentaires par les infirmiers. Afin de mieux encadrer cette possibilité, cet amendement vise à instaurer une phase d’expérimentation pour une durée maximale de trois ans, limitée à cinq départements. À l’issue, une évaluation du coût et de la qualité des soins, et de la coordination entre les différents professionnels de santé, permettra au besoin d’améliorer le dispositif avant de le pérenniser, le temps que suffisamment de nouveaux médecins soient formés. Il nous paraît plus sain et plus prudent d’avancer progressivement.

Mme la rapporteure. Le droit de prescription est déjà acquis aux infirmiers – de manière limitée pour les infirmières de soins généraux, plus élargie pour les IPA. L’adoption de votre amendement marquerait donc un recul par rapport à la situation actuelle.

Si nous en décidons ainsi, l’élargissement du droit de prescription devra être un choix définitif, sans recours à une phase d’expérimentation, qui ferait perdre beaucoup de temps, d’autant qu’il faudra coordonner les différents professionnels de santé. Au reste, la signature de protocoles de coopération entre professionnels de santé validés par la Haute Autorité de santé, qui permettent le transfert d’actes des médecins vers les infirmières, a déjà permis des avancées significatives pour les travaux en commun.

Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Les amendements du Rassemblement national visent à limiter la portée du texte, au mépris de la confiance que nous devons aux quelque 700 000 infirmières, des professionnelles formées, diplômées, qui méritent tout notre soutien, mais aussi au mépris de l’accès aux soins des Français. Vous remettez systématiquement en cause les compétences des infirmières, comme dans le précédent amendement, qui visait à supprimer la possibilité pour les infirmiers d’établir des diagnostics.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pas du tout. Nous voulons simplement que les dispositifs prévus par le texte soient le mieux encadré possible. C’est tout l’intérêt d’une expérimentation.

La commission rejette l’amendement.

*

Lors de sa seconde réunion du mercredi 5 mars 2025, la commission poursuit l’examen de la proposition de loi sur la profession d’infirmier (n° 654) (Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure) ([37]).

Article 1er (suite) : Refonte du socle législatif régissant la profession d’infirmier diplômé d’État (suite)

Amendement AS81 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). Cet amendement propose que les infirmiers puissent prescrire les médicaments non soumis à prescription médicale obligatoire. Cela facilitera l’accès aux soins, allégera la charge des médecins et garantira une prise en charge rapide et efficace des patients.

Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure. Les infirmiers disposent déjà d’un droit de prescription de certains produits et dispositifs ; nous ne souhaitons pas élargir ce droit au niveau de celui des infirmiers en pratique avancée.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS107 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). Si l’infirmier dispose des compétences en matière de diagnostic infirmier et de prescription de produits de santé ou d’examens complémentaires, il manque des compétences cliniques suffisantes pour établir un diagnostic médical ou prendre des décisions thérapeutiques autonomes. Nous proposons qu’il ait l’obligation d’établir à l’intention du médecin référent un compte rendu régulier de ses décisions, afin que celui-ci assure une prise en charge cohérente et sécurisée.

Mme la rapporteure. L’infirmier doit déjà rendre compte au professionnel de santé soit par l’intermédiaire du dossier médical partagé, soit par courrier électronique. Votre amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS132 et AS131 de M. Thomas Ménagé

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les stupéfiants sont des médicaments puissants, pouvant entraîner des addictions ou faire l’objet de détournements. Cet amendement les exclut du champ de la prescription des infirmiers, sauf lorsque l’interruption de traitement mettrait en danger la santé du patient ou lorsque l’ordonnance renouvelable est expirée. Dans ce cas, l’infirmier pourrait la renouveler temporairement, le temps que le patient consulte un médecin.

Mme la rapporteure. L’élargissement du droit de prescription sera discuté tout à l’heure. Mais il ne concernera pas les médicaments des niveaux 2 et 3, qui doivent faire l’objet d’une prescription médicale. Il ne s’attachera qu’aux médicaments de niveau 1. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS80 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). En accord avec le code de déontologie des infirmiers, il faut garantir la qualité des soins en soutenant le binôme médecin-infirmier. Sans les opposer, nous devons reconnaître l’importance de leur travail complémentaire et coordonné dans l’amélioration de la prise en charge des patients.

Mme la rapporteure. Je suis d’accord : il s’agit bien d’un travail en binôme. Mais les protocoles de coopération mentionnés dans votre amendement existent. Souvent proposés par les équipes soignantes, validés par la Haute Autorité de santé (HAS) et autorisés par arrêté ministériel, ils sont très encadrés – on leur reproche même un fonctionnement trop lourd.

L’amendement étant satisfait, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS120 de M. Hendrik Davi, amendements identiques AS39 de Mme Élise Leboucher, AS75 de M. Laurent Panifous, AS106 de M. Thierry Frappé, AS119 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS141 de Mme Stéphanie Rist et AS159 de Mme Sylvie Bonnet, amendement AS138 de M. Christophe Bentz, amendements identiques AS165 de Mme Nicole Dubré-Chirat, AS11 de Mme Sandrine Runel et AS28 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Hendrik Davi (EcoS). L’alinéa 7 prévoit que la liste des produits de santé et des examens complémentaires pouvant être prescrits par les infirmiers est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale pris après avis de l’Académie nationale de médecine. C’est insuffisant. Je propose qu’il faille un avis favorable de la HAS ainsi que des ordres et des syndicats des professionnels de santé concernés.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Notre amendement AS39 a pour but de substituer l’avis de la HAS à celui de l’Académie nationale de médecine. Autorité administrative et scientifique indépendante, la HAS a déjà rendu de nombreux avis sur le champ de compétences des infirmiers diplômés d’État et plus récemment sur celui des infirmiers en pratique avancée.

M. Laurent Panifous (LIOT). Nous proposons de remplacer l’avis de l’Académie nationale de médecine par celui de la HAS. Rappelons que la profession d’infirmier, réglementée et disposant d’un ordre, est autonome. De surcroît, cet avis est déjà nécessaire s’agissant des conditions d’exercice des infirmiers en matière de renouvellement des prescriptions.

M. Thierry Frappé (RN). J’abonde en ce sens. Pour encadrer la profession d’infirmier, il est préférable de s’appuyer sur cette instance qui accompagne les soignants dans l’amélioration des pratiques plutôt que sur l’Académie nationale de médecine dont l’avis serait purement médical.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). À partir du moment où l’on a distingué ce qui relève de la médecine de ce qui relève de la science infirmière, il n’est plus nécessaire de se référer à l’Académie nationale de médecine. Il me semble plus adéquat de demander son avis à la HAS.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Il semble plus logique, dans un texte sur la profession d’infirmier, de se référer à la HAS. On connaît l’avis de l’Académie nationale de médecine : en février 2024, elle a pris position contre les prescriptions sans diagnostic effectué par un médecin.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Je propose également que l’on se réfère à l’avis de la HAS plutôt qu’à celui de l’Académie nationale de médecine.

M. Christophe Bentz (RN). Il ne faut pas opposer les professions de médecin et d’infirmier, qui sont complémentaires. Pour réaffirmer le rôle et le champ d’intervention de chacun, nous proposons que soient consultées quatre instances supplémentaires : l’Ordre national des médecins, l’Ordre national des infirmiers, la HAS et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Mme la rapporteure. Attentive à vos demandes, je propose d’ajouter la consultation de la HAS à celle de l’Académie nationale de médecine, qu’il me semble important de conserver. En revanche, je ne souhaite pas que soient recueillis d’autres avis, sachant que les ordres seront consultés sur l’évolution des compétences et la déclinaison des actes.

M. Arnaud Simion (SOC). Par l’amendement AS11, nous proposons aussi que soit recueilli l’avis de la HAS en plus de celui de l’Académie nationale de médecine. Cet amendement a été travaillé avec le Syndicat national des professionnels infirmiers.

Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable à l’ensemble des amendements – à l’exception de ceux qui sont identiques au mien.

La commission rejette successivement l’amendement AS120, les amendements AS39 et identiques et l’amendement AS138, puis elle adopte les amendements AS165 et identiques.

Amendement AS140 de Mme Stéphanie Rist

Mme Stéphanie Rist (EPR). Cet amendement ordonne que la liste des produits et examens complémentaires pouvant être prescrits par les infirmiers soit révisée au moins tous les trois ans. Compte tenu des nouvelles mises sur le marché et de la montée en compétences des professionnels, elle peut en effet devenir rapidement obsolète.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Ce cadrage évitera que l’on oublie de réactualiser la liste.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. Tout en étant favorable à l’amendement, j’alerte sur les difficultés de sa mise en œuvre : les actualisations ne sont pas toujours faites. Il faudra que nous suivions cela de près.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS90 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). Cet amendement vise à inscrire dans la loi la possibilité pour les infirmiers de proposer la consultation d’un médecin lorsqu’ils l’estiment nécessaire. L’objectif est de renforcer leur autonomie et leurs responsabilités en reconnaissant leur rôle central dans l’accompagnement des patients et dans la coordination des soins.

Mme la rapporteure. Cette mission d’orientation des patients est inhérente à la fonction d’infirmier. Je proposerai également, dans un amendement à venir, qu’elle soit rappelée dans ce texte. Je vous invite donc à tenir votre proposition pour satisfaite.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS22 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Sylvie Bonnet (DR). Cet amendement propose de laisser la possibilité d’enrichir, par voie réglementaire, la liste des missions des infirmiers.

Mme la rapporteure. Ce ne sera pas nécessaire car nous avons à dessein énuméré des missions larges, couvrant un grand nombre de compétences et d’activités. Cela évitera d’avoir à réactualiser trop souvent le décret d’actes.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS8 de M. Laurent Croizier, amendements identiques AS24 de Mme Karine Lebon et AS118 de M. Cyrille Isaac-Sibille, amendement AS7 de Mme Sandrine Runel (discussion commune)

M. Laurent Croizier (Dem). Cet amendement, travaillé avec le conseil interdépartemental de l’Ordre des infirmiers comtois, précise que la conciliation médicamenteuse fait partie des missions socles de la profession. Il est cohérent avec le code de déontologie, qui prévoit notamment : « L’infirmier communique au médecin toute information en sa possession susceptible [...] de permettre la meilleure adaptation du traitement [...]. »

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS24 est défendu.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il est important d’ajouter la conciliation qui permet, grâce à une discussion pluridisciplinaire, d’éviter les erreurs médicamenteuses.

M. Arnaud Simion (SOC). Notre amendement AS7 vise également à inscrire la conciliation médicamenteuse parmi les missions de l’infirmier. Il a été travaillé avec le syndicat Convergence infirmière.

Mme la rapporteure. La conciliation médicamenteuse est définie par la HAS comme « une démarche de prévention et d’interception des erreurs médicamenteuses visant à garantir la continuité de la prise en charge médicamenteuse du patient dans son parcours de soins ». Elle est donc une composante de la coordination du parcours de soins, citée à l’article 1er comme une mission de la profession d’infirmier. Dans son guide publié en 2018, la HAS a expressément prévu la contribution des infirmiers au processus. Il n’est donc pas utile de le préciser dans la loi. Les amendements sont satisfaits.

M. le rapporteur général. Des expérimentations sur la conciliation médicamenteuse ont été menées dans le cadre prévu par l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, avec un volet établissement et un volet domicile. Il serait intéressant de consulter leurs conclusions afin de déterminer l’opportunité de faire évoluer de ce qui avait été édicté par la HAS en 2018.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). J’entends vos arguments, madame la rapporteure. Mais ce n’est pas par la loi que les amendements sont satisfaits. Une mention dans le texte me semble préférable. Elle aurait plus de portée.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS27 de M. Yannick Monnet, AS33 de Mme Sylvie Bonnet, AS40 de Mme Karen Erodi et AS92 de M. Thibault Bazin

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement, issu de propositions du Syndicat national des professionnels infirmiers, vise à introduire une cinquième mission socle relative aux soins relationnels.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Les soins relationnels sont centraux dans la pratique infirmière. Ils sont cités dans la première mission mais il est important d’en faire une mission à part entière.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Pourquoi les soins relationnels ne constituent-ils pas une mission à part entière ? Là où la médecine se raréfie, les infirmiers sont parfois les seuls à garantir l’équilibre psychique des personnes seules, isolées ou vulnérables. Le fait que ces soins soient souvent assurés par des femmes va de pair avec un manque de reconnaissance et de faibles rémunérations. Nous proposons donc d’intégrer distinctement la dimension relationnelle des soins dans les missions des infirmiers. Cela répondra à une attente forte des patients et constituera un rempart contre la déshumanisation perçue de notre système de santé. La relation ne se limite pas au réconfort mais joue un rôle fondamental dans la compréhension du traitement et l’adhésion du patient à son parcours de soins.

M. le rapporteur général. La question n’est pas seulement sémantique. En cohérence avec l’approche globale du soin de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), nous ne devons pas le cantonner au curatif. C’est un changement de culture que nous devons opérer pour intégrer les dimensions physique, mentale et sociale – ce qui implique l’existence d’une relation.

Mme la rapporteure. Je partage vos avis sur la dimension essentielle des soins relationnels pratiqués par les infirmiers. Mais à l’exception des entretiens de relation d’aide ou d’aide thérapeutique, qui sont différenciés et tarifés dans la nomenclature, l’ensemble des soins ont une composante relationnelle que l’on ne peut pas distinguer ou codifier. Je ne suis donc pas favorable à ce que l’on fasse de cette dimension une mission à part entière. Le texte précisant déjà que les soins infirmiers sont préventifs, curatifs, palliatifs, relationnels ou destinés à la surveillance clinique, vos amendements sont satisfaits.

M. Yannick Monnet (GDR). Les soins relationnels ont néanmoins besoin d’une meilleure reconnaissance. Ce qui fait du bien à la tête fait du bien au corps ; c’est admis médicalement. Les reconnaître comme une mission à part entière, c’est permettre à chaque professionnel d’organiser la relation avec le patient.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS163 de Mme Nicole Dubré-Chirat, amendements identiques AS14 de Mme Sandrine Runel, AS23 de Mme Sylvie Bonnet, AS25 de Mme Karine Lebon et AS142 de Mme Stéphanie Rist (discussion commune)

Mme la rapporteure. Je propose de compléter l’alinéa 10 pour préciser que l’infirmier contribue également à l’orientation des patients vers les professionnels de santé les mieux à même de répondre à leurs besoins dans le cadre d’un parcours de soins. J’invite au retrait des autres amendements au profit de celui-ci.

M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement AS14 est défendu.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Il s’agit de préciser que la coordination des soins s’accompagne d’une capacité à orienter le patient vers un autre infirmier ou vers un spécialiste en cas de besoin, afin de permettre un véritable accès aux soins.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS25 est défendu.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Je retire mon amendement au profit de celui de la rapporteure, qui est mieux rédigé. Il serait paradoxal de consacrer les missions des infirmiers en leur permettant de prescrire des examens complémentaires et de contribuer à la coordination du parcours, sans y intégrer explicitement l’orientation des patients. Nous prendrions le risque de freiner le parcours de soins, allant à l’encontre de l’objectif de cette proposition de loi.

L’amendement AS142 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS163 ; en conséquence les amendements identiques tombent.

Amendement AS87 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). La politique de prévention doit être renforcée dans notre pays où la participation aux campagnes de dépistage du cancer colorectal est inférieure à 30 % et où la couverture vaccinale reste insuffisante. Nos infirmiers libéraux étant en première ligne auprès des patients âgés et atteints de maladies chroniques, nous proposons d’en faire les acteurs clés de la prévention. Leur proximité avec les patients permettrait d’améliorer le suivi, d’accroître les taux de dépistage et de vaccination, et de limiter ainsi les complications des pathologies.

Mme la rapporteure. Le texte fait référence à des soins infirmiers préventifs et curatifs, ce qui recouvre votre préoccupation. Pour connaître un certain nombre d’infirmiers du secteur libéral, je sais qu’ils font déjà de la prévention : lorsqu’ils vaccinent quelqu’un, ils s’enquièrent de la situation vaccinale des autres membres de la famille, ils donnent des conseils sur l’alimentation, ils incitent à participer aux examens de dépistage du cancer du sein ou du cancer colorectal. La prévention fait partie intégrante de leurs missions. Votre amendement est satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS32 de Mme Sylvie Bonnet, AS54 de Mme Sandrine Runel et AS91 de M. Thibault Bazin

Mme Sylvie Bonnet (DR). Je propose de reconnaître pleinement l’activité des infirmiers de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, ainsi que celle des infirmiers de santé au travail.

M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement AS54 est défendu.

Mme la rapporteure. Les soins éducatifs font partie de la mission décrite à l’article 1er. Les infirmiers de santé au travail sont des experts en prévention, garants de la santé des salariés. Ils assurent des visites sur délégation du médecin du travail. Il existe aussi des infirmiers en pratique avancée en santé au travail, qui exercent dans le cadre d’une pluridisciplinarité. Quant aux infirmiers de soins généraux, ils peuvent orienter vers un médecin du travail si nécessaire. Vos amendements sont satisfaits.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques AS17 de Mme Sylvie Bonnet et AS20 de Mme Sandrine Runel, amendements identiques AS164 de Mme Nicole Dubré-Chirat et AS110 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’actuelle rédaction de l’alinéa 12 associe deux compétences distinctes de l’infirmier : l’encadrement et la formation des pairs et étudiants, et la recherche en sciences infirmières, incluant leur capacité à inscrire leurs pratiques professionnelles dans le champ de la recherche. Je propose de distinguer ces deux missions. Tout cela s’inscrit dans l’évolution des formations infirmières, en adéquation avec l’architecture du système licence-master-doctorat, incluant la création de laboratoires de recherches, des écoles doctorales et des départements en sciences infirmières au sein de l’université.

M. Arnaud Simion (SOC). Travaillé avec le Conseil national professionnel infirmier, notre amendement AS20 vise à distinguer les missions de formation et de recherche.

Mme la rapporteure. Lors des auditions que j’ai conduites, on m’a fait remarquer que les missions de formation et de recherche en sciences infirmières étaient de nature différente et qu’il était dommage de les traiter dans un même paragraphe. Je propose donc de rédiger deux alinéas différents pour reconnaître, d’une part, une mission de formation initiale et continue, et, d’autre part, une mission de contribution à la recherche. Madame Bonnet, vous supprimez la référence à la formation des pairs et des professionnels de santé, ce qui est regrettable. Je vous invite à vous rallier à mon amendement.

La commission rejette les amendements AS17 et AS20 puis adopte les amendements AS164 et AS110.

Amendement AS41 de Mme Élise Leboucher

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Il est temps de reconnaître pleinement de la réalité de l’exercice infirmier, un métier fondamental qui se déploie en complémentarité avec les autres professions du secteur sanitaire médico-social et éducatif. Cette proposition de loi reste trop vague à cet égard, ne donnant aucun cadre clair à cette coopération essentielle. Un tiers des infirmiers travaillent quotidiennement avec des médecins généralistes, la proportion dépassant 50 % dans les maisons de santé pluriprofessionnelles. L’OMS définit d’ailleurs cet exercice comme un métier qui fonctionne en interaction avec d’autres acteurs de santé. Pourquoi ne pas le clarifier dans la loi ? Nous défendons une organisation de soins qui repose sur la coopération et non sur la hiérarchie ou la subordination, l’infirmier n’étant pas un simple exécutant. Nous proposons de reconnaître pleinement ce rôle central qui dépasse le champ strictement médical pour s’étendre au social et à l’éducatif. Il s’agit d’aligner la loi sur la réalité du terrain, de ne pas laisser les infirmiers dans un flou juridique qui les empêche d’exercer pleinement leur mission.

Mme la rapporteure. Vous proposez de préciser que l’infirmier accomplit sa mission en relation avec les autres professionnels dans les secteurs social, médico-social et éducatif. Cet amendement est satisfait par l’adoption de mon amendement AS162 à l’alinéa 6, qui prévoit que l’infirmier exerce son activité en complémentarité avec les autres professionnels de santé.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS121 de M. Hendrik Davi

Mme la rapporteure. Vous voulez imposer un avis favorable de la HAS, des ordres et des syndicats de professionnels de santé comme condition d’adoption du décret précisant les missions et les compétences des infirmiers. À l’évidence, toutes les autorités et organisations que vous mentionnez seront consultées, comme cela se fait toujours. En exigeant leur avis favorable, vous donnez un pouvoir de blocage à chacun des syndicats infirmiers et à chaque instance ordinale. J’y suis défavorable : le but de ce texte n’est pas d’ajouter de la complexité.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS34 de Mme Sylvie Bonnet et AS93 de M. Thibault Bazin

Mme Sylvie Bonnet (DR). Mon amendement rédactionnel.

Mme la rapporteure. La modification proposée n’est pas rédactionnelle. Vous souhaitez que le décret précise non pas les « domaines d’activité » mais les « missions » des infirmiers. La loi fixe les missions, le décret fixe les domaines d’activités et de compétences dans le cadre de ces missions. On ne parle pas tout à fait de la même chose.

La commission rejette les amendements.

L’amendement AS122 de M. Hendrik Davi est retiré.

Amendement AS42 de Mme Karen Erodi

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Cet amendement rappelle une évidence : la refonte du décret sur les actes d’infirmiers ne peut se faire sans véritable concertation avec ceux qui sont en première ligne, à savoir les professionnels eux-mêmes et l’assurance maladie. Loin d’être de simples exécutants, les infirmiers sont des acteurs à part entière du système de soins, les premiers témoins de son délitement et de l’inflation des tâches administratives qui les éloignent du soin. Si nous voulons renforcer leur autonomie, faisons-le avec eux. Ne laissons pas cette évolution sous le pilotage exclusif de technocrates déconnectés du terrain. Nous refusons une réforme imposée sans validation des premiers concernés. C’est une question de démocratie sanitaire. Nous proposons une méthode : une refonte du décret d’actes qui ne soit pas un simple ajustement réglementaire, mais une véritable reconnaissance du rôle des infirmiers dans l’organisation des soins, parce que leur expertise doit l’emporter sur les logiques comptables et parce que l’avenir du soin ne peut pas se décider sans ceux qui le pratiquent.

Mme la rapporteure. La reconnaissance des infirmiers passera par l’adoption de ce texte qui traite de l’évolution de leurs missions. Vous demandez un avis conforme des partenaires conventionnels sur les arrêtés, ce qui serait source de blocage. Je le répète, toutes les organisations seront associées aux négociations.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS43 de Mme Élise Leboucher

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS35 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Sylvie Bonnet (DR). En actant une gradation des soins entre professionnels, ce texte montre que son objectif n’est pas de remplacer le médecin par l’infirmier mais d’instaurer un système déployant de nouvelles compétences infirmières à leur juste niveau. Cette modification est notamment recommandée par l’observatoire santé et innovation de l’Institut Sapiens, dans sa contribution au débat, et par une tribune signée par dix‑neuf institutions infirmières.

Mme la rapporteure. Si je comprends votre intention, je pense que la gradation existe de fait : chacun accomplit sa mission particulière, en fonction de sa formation, et contribue ainsi au parcours de soins ; quand il atteint la limite de sa prise en charge, il oriente le patient vers un autre professionnel. La coordination assure cette gradation. Votre demande est satisfaite.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 1er bis (nouveau) : Reconnaissance de la contribution des professionnels de santé non médicaux aux soins de premier recours

Amendements AS36 de Mme Sylvie Bonnet et AS143 de Mme Stéphanie Rist

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’article L. 1411‑11 du code de la santé publique sur les soins de premier recours ne mentionne que le corps médical. Je propose d’inclure toutes les professions de santé, notamment les médecins et les infirmiers, pour lever toute ambiguïté quant à leur rôle.

Mme la rapporteure. Divers professionnels – médecins, infirmières, sages-femmes, pharmaciens – assurent des soins de premier recours, le médecin étant le chef d’orchestre de l’organisation. Faut-il ou non en dresser la liste ? Je m’en remets à votre sagesse sur ce point.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Quant à mon amendement, il s’agit de mentionner explicitement que les infirmiers et infirmiers en pratique avancée comptent parmi les professionnels de santé responsables des soins de premier recours, aux côtés des médecins, afin de clarifier les choses.

Mme la rapporteure. Par l’amendement précédent se trouve dressée la liste de tous les professionnels de santé, dont les IPA font partie. Elle ne sera peut-être jamais exhaustive, mais nous n’avons pas forcément besoin de l’ajouter.

Avis défavorable.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Je maintiens mon amendement car je pense nécessaire de mentionner explicitement les IPA, compte tenu des travaux menés sur les décrets d’application des deux lois dont je suis à l’origine et, surtout, du risque de voir disparaître la référence à tous les professionnels de santé lors de l’examen du texte par les sénateurs. Je ne voudrais pas que les IPA disparaissent avec tout le reste.

La commission adopte les amendements. L’article 1er bis est ainsi rédigé.

Article 1er ter (nouveau) : Mise en place d’une procédure de reprise d’activité pour les infirmiers et infirmiers en pratique avancée après une période d’interruption

Amendement AS135 de M. Stéphane Mazars

M. Jean-François Rousset (EPR). L’amendement est défendu.

Mme la rapporteure. Il s’agit de créer une procédure permettant la reprise d’activité d’un infirmier après une interruption de carrière, qui passerait notamment par une évaluation et, le cas échéant, une remise à niveau des compétences. Le module de remise à niveau existe déjà dans certains instituts de formation en soins infirmiers, mais les infirmiers étrangers ou en reprise d’activité ont parfois du mal à y accéder et à les financer. Il est aussi possible d’effectuer un stage.

M. Jean-François Rousset (EPR). Pour avoir constaté personnellement qu’il pouvait être long de reprendre une activité d’infirmier après une interruption due à des problèmes professionnels ou de santé, je vais maintenir cet amendement. Il faut faciliter et simplifier le processus pour ces personnes qui ont souvent des carrières hachées.

La commission adopte l’amendement. L’article 1er ter est ainsi rédigé.

Après l’article 1er

Amendement AS136 de M. Stéphane Mazars est retiré.

M. Jean-François Rousset (EPR). Je retire l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS101 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) met en évidence un manque de lien entre les instituts de formation et les formateurs de terrain, compromettant l’apprentissage des étudiants infirmiers. En intégrant des formateurs de terrain dans les conseils pédagogiques des instituts de formation en soins infirmiers, nous aurons une formation plus cohérente et mieux adaptée aux réalités des professionnels, offrant une meilleure préparation aux futurs infirmiers dans l’intérêt de l’offre de soins.

Mme la rapporteure. Votre objectif – favoriser les liens entre le monde de la formation et les lieux d’exercice des infirmiers – est louable. Mais on ne peut arrêter dans la loi la composition du conseil pédagogique des instituts de formation en soins infirmiers. La réflexion en cours sur la formation infirmière, qui devrait aboutir d’ici à la rentrée de 2026, offrira l’occasion d’un changement dans ce domaine.

Avis défavorable.

Mme Christine Loir (RN). Pourtant, vous avez soulevé cette problématique de la formation dans vos propos.

Mme la rapporteure. Mais nous ne pouvons pas modifier la composition du conseil pédagogique dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS88 et AS89 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). Ces deux amendements ont trait au dispositif Action de santé libérale en équipe (Asalée), qui a prouvé son efficacité en renforçant la coopération entre médecins et infirmiers pour un meilleur suivi des patients. Son déploiement permettrait d’économiser jusqu’à quatre-vingts jours du temps médical par an et d’augmenter de 7,5 % la capacité d’accueil des médecins, selon l’assurance maladie. Nous demandons la généralisation de ce modèle et un rapport évaluant son effet à l’échelle nationale, afin d’en mesurer les bénéfices en termes d’accès aux soins et de qualité des soins.

Mme la rapporteure. Le protocole de coopération Asalée a été mis en place il y a plus de vingt ans, sous une forme juridique particulière. Il associe des médecins et des infirmiers pour améliorer le suivi des pathologies chroniques et l’accès aux soins. S’il était pionnier à l’époque, il tend désormais à se fondre dans le droit commun, en raison de l’évolution des compétences des infirmiers et de la création des infirmiers en pratique avancée. Avant de le généraliser ou de demander un rapport envisageant cette hypothèse, il serait intéressant d’analyser le rapport des coûts et des bénéfices. Il apparaît en effet que les files actives sont relativement modérées, le temps passé assez long et le coût pour la sécurité sociale important.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS6 de Mme Sandrine Runel et AS49 de Mme Élise Leboucher

M. Arnaud Simion (SOC). Par l’amendement AS6, nous demandons un rapport sur la création d’une quatrième année en institut de formation en soins infirmiers, comprenant six mois de stage professionnalisant en fin d’études. Cette année supplémentaire permettrait de mieux préparer les futurs infirmiers aux exigences croissantes de leur profession. Notre objectif est de garantir un socle de compétences plus solide, répondant aux besoins des patients et du système de santé.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par l’amendement AS49, nous sollicitons la remise d’un rapport sur l’opportunité d’étendre à quatre ans la durée de formation en institut de formation en soins infirmiers. Selon le rapport publié par l’Igas en 2023 sur l’évolution de la profession et de la formation infirmières, quelque 100 000 personnes se portent candidates à ces études chaque année sur Parcoursup, mais le taux d’abandon est important dès la première année. C’est le signe probable d’une difficulté à professionnaliser. Cette quatrième année, comprenant une période de stage professionnalisant, permettrait peut-être de faire baisser le taux d’abandon.

Mme la rapporteure. À ce stade, l’idée n’est pas d’allonger la durée des études mais d’observer les effets des changements prévus à la rentrée de septembre 2026 pour répondre aux exigences de la directive européenne en matière de temps de formation. La création d’une quatrième année ne fait pas l’unanimité pour plusieurs raisons : risque d’accroissement de la précarité des étudiants qui ne pourraient plus cumuler cette formation avec de petits boulots ; coût financier pour l’État en termes d’infrastructures et de recrutement d’enseignants ; conséquences difficiles à gérer d’une année blanche, sans sortie d’étudiants, sur les personnels en exercice. En outre, votre demande est quasi satisfaite puisque l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 prévoit un rapport qui porte en partie sur l’attractivité du métier d’infirmière, les compétences et les conditions de la formation initiale et continue.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). La quatrième année existe déjà en Espagne, au Portugal, en Belgique, au Luxembourg, en Finlande, en Grèce et en Irlande. Dans la perspective de l’uniformisation en cours à l’échelle européenne, notre proposition ne paraît pas incongrue. Le Conseil national professionnel infirmier préconise d’ailleurs d’augmenter le temps de formation à la fois théorique et pratique, au regard de l’évolution du métier. Même si l’année blanche représente un cap difficile à passer, il faut envisager cette quatrième année de formation permettant d’avoir des professionnels mieux formés et en plus grand nombre parce qu’ils auront été accompagnés dans de meilleures conditions.

Mme la rapporteure. Il faut aussi réfléchir dans le cadre du modèle instauré : niveau licence, bac+3, avec 180 crédits European Credit Transfer and Accumulation System (ECTS). Veillons à ne pas déconstruire ce qui permet l’accès au master pour les infirmiers en pratique avancée et les infirmiers de bloc opératoire. C’est une construction qu’il faut envisager à plus long terme.

La commission rejette les amendements.

Article 1er quater (nouveau) : Expérimentation d’un accès direct aux infirmiers exerçant dans le cadre de structures d’exercice coordonné

Amendement AS157 de Mme Stéphanie Rist

Mme Stéphanie Rist (EPR). Pour contourner les contraintes de l’article 40 de la Constitution, je me borne à demander une expérimentation de l’accès direct aux infirmiers exerçant dans le cadre de structures d’exercice coordonné, en espérant que le Gouvernement optera au cours de nos débats pour une généralisation de cet accès.

Prenons le cas d’un malade soigné à domicile, dont la famille se rend compte qu’il va de moins en moins bien. La consultation directe permettrait d’appeler l’infirmier pour un bilan de perte d’autonomie en attendant le rendez-vous avec le médecin. Lors de sa visite, ce dernier disposerait alors du bilan de l’infirmier. Ce serait une amélioration de la prise en charge des patients dans le cadre de structures d’exercice coordonné – maisons de santé pluriprofessionnelles, centres de santé et autres.

Mme la rapporteure. La proposition est intéressante. La mesure doit être encadrée et donc réservée aux structures d’exercice coordonné telles que les maisons de santé pluriprofessionnelles.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement. L’article 1er quater est ainsi rédigé.

Article 2 : Extension des lieux d’exercice des infirmiers en pratique avancée et possibilité pour certains infirmiers spécialisés d’évoluer vers ce statut

Amendement AS37 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Sylvie Bonnet (DR). À l’alinéa 5, je propose de remplacer « pluridisciplinaire en santé » par « pluriprofessionnelle en établissement ». La rédaction de cet alinéa est problématique et inapplicable car il n’existe pas d’équipe de santé à l’école. Le service de santé scolaire, implanté dans les centres médicaux scolaires et proposant une structuration médico-centrée, a été dissous par le Gouvernement en 1984, à la demande de la représentation nationale qui considérait ce service obsolète, inefficace et inadapté à l’école et à l’évolution de l’état sanitaire des jeunes. La rédaction proposée par cet amendement permet de donner un encadrement juridique conforme au corpus législatif.

Mme la rapporteure. Vous voulez autoriser les infirmiers en pratique avancée à intervenir au sein « d’une équipe pluriprofessionnelle en établissement scolaire », au lieu d’une équipe « pluridisciplinaire en santé scolaire ». En réalité, l’activité des infirmiers en pratique avancée s’exerce plutôt sur un périmètre élargi que restreint. Quand ils travaillent à la prise en charge des enfants, ils peuvent s’en occuper en milieu scolaire, dans les services de l’aide sociale à l’enfance ou de la protection maternelle et infantile, selon les cas. Il ne s’agit pas de spécialiser les infirmiers en pratique avancée ou de réduire leur périmètre d’intervention. Quoi qu’il en soit, la rédaction de l’amendement ne convient pas : un établissement peut être une école primaire, un collège. Il faudrait au moins que l’infirmier en pratique avancée puisse intervenir dans plusieurs établissements d’un même territoire, en liant le scolaire et l’extrascolaire.

Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS1 de Mme Sandrine Runel, AS29 de M. Yannick Monnet, AS46 de Mme Karen Erodi, AS82 de Mme Christine Loir et AS153 de M. Christophe Bentz

M. Arnaud Simion (SOC). Notre amendement AS1 conserve la consultation de l’Académie nationale de médecine, de la HAS, des ordres des professions de santé et des représentants des professionnels de santé concernés avant l’édiction du décret définissant pour chaque profession d’auxiliaire médical les domaines d’intervention, les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée. Il nous semble important que l’ensemble de ces organismes éclairent le pouvoir réglementaire.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer l’alinéa 8 de l’article 2, qui met fin à la consultation de l’Académie nationale de médecine, de la HAS, des ordres des professions de santé et des représentants des professionnels de santé avant la prise du décret définissant les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée. Toute évolution de la pratique avancée doit être précédée d’une consultation des organisations professionnelles concernées par les délégations de tâches qu’elle implique et des autorités scientifiques chargées de définir les bonnes pratiques en matière de santé.

Mme la rapporteure. J’approuve le rétablissement des consultations. Mais je proposerai ensuite, dans l’amendement AS166, que les avis soient rendus dans un délai de trois mois au-delà duquel l’absence de réponse vaudra accord des organismes concernés. Sans cet encadrement, nous risquerions de ne jamais pouvoir modifier le décret.

Je vous demande de retirer vos amendements au profit du mien.

M. Arnaud Simion (SOC). Trois mois, n’est-ce pas trop court ?

M. le président Frédéric Valletoux. Non. L’administration ne pourra pas saisir un premier organisme, attendre sa réponse, puis en consulter un autre. Toutes les institutions seront sollicitées en même temps et elles sont toutes capables de rendre un avis en trois mois.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement AS166 de Mme Nicole Dubré-Chirat tombe.

Amendement AS154 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Nous nous opposons à la suppression de la condition d’ancienneté pour exercer en pratique avancée, tant l’expérience semble essentielle dans cette activité.

Mme la rapporteure. Le texte pourrait évoluer car nous souhaitions établir des passerelles entre les formations suivies par les infirmières spécialisées. En l’état, l’exigence quant à la durée d’exercice subsiste.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS144 de M. Frédéric Valletoux

M. le président Frédéric Valletoux. Je propose de préciser que les modalités d’application du II de l’article L. 4301‑1 du code de la santé publique seront prises par décret en Conseil d’État pour garantir le meilleur cadre juridique de la pratique avancée et conforter les règles organisant la formation des infirmiers en pratique avancée ainsi que l’exercice de leur activité.

Mme la rapporteure. L’avis est favorable. Un décret en Conseil d’État sécurisera le cadre juridique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS167 de Mme Nicole Dubré-Chirat

Mme la rapporteure. Il s’agit d’expérimenter, dans les limites permises par l’article 40 de la Constitution, la possibilité pour les infirmiers en pratique avancée d’exercer dans les services départementaux d’incendie et de secours. Après avoir échangé avec des infirmiers et des sapeurs-pompiers, je suis convaincue de l’intérêt d’une telle mesure. Les infirmiers travaillent déjà de manière autonome dans les services départementaux d’incendie et de secours, mais l’exercice en pratique avancée n’est pas encore autorisé. Il serait intéressant d’expérimenter la levée de cette interdiction.

Mme Stéphanie Rist (EPR). Qu’est-ce qui empêche un professionnel diplômé d’un master d’infirmier en pratique avancée d’exercer en pratique avancée dans un service départemental d’incendie et de secours ?

M. le rapporteur général. Notre collègue Jean-Carles Grelier a déposé une proposition de loi portant création du cadre d’emploi des personnels de santé des services départementaux d’incendie et de secours. Il me semblait en outre que vous souhaitiez circonscrire le champ de votre texte. Quelle est l’articulation entre les deux textes et quel serait l’impact de la mesure que vous défendez ?

Mme la rapporteure. Je vais retirer l’amendement, afin de le retravailler en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendement AS168 de Mme Nicole Dubré-Chirat

Mme la rapporteure. Je souhaite que le Gouvernement remette au Parlement un rapport exposant une réflexion d’ensemble sur les cinq mentions créées entre 2018 et 2021 pour la formation d’infirmier en pratique avancée : pathologies chroniques stabilisées, psychiatrie et santé mentale, maladie rénale chronique, oncologie et hémato-oncologie, et médecine d’urgence.

Les infirmiers en pratique avancée possèdent des compétences approfondies et transversales. Ils sont aptes à prendre en charge des patients, mais les mentions créées les rapprochent des frontières de certaines spécialités médicales. Deux mentions sont privilégiées. D’autres sont délaissées et forment très peu d’infirmiers en pratique avancée. Il serait utile de dresser un état des lieux de ces mentions et d’étudier leur adéquation aux besoins des patients.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendements AS102 et AS103 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN).Il s’agit de valoriser l’expérience des infirmiers exerçant dans des services à forte technicité, qui ont acquis des compétences essentielles pour la pratique avancée. Souvent confrontés à des contraintes financières, familiales ou géographiques, ils peinent à reprendre une formation longue et parfois éloignée de leur lieu de travail. Par l’amendement AS102, nous proposons une voie d’accès accélérée au statut d’infirmier en pratique avancée pour ces professionnels expérimentés, sous la forme d’une dispense partielle de formation. Un cursus allégé et adapté complétera leurs compétences et facilitera leur adaptation aux exigences spécifiques de la pratique avancée. Cette mesure répond à la pénurie de professionnels de santé qualifiés, en intégrant rapidement des experts tout en maintenant la qualité de la formation. Elle s’appuie sur des dispositifs existants, n’entraîne aucun coût supplémentaire pour l’État et concourt à une meilleure répartition des soins dans le territoire.

L’amendement suivant AS103 a pour objet la valorisation de l’expérience des infirmiers exerçant depuis plusieurs années dans des services à forte technicité, l’objectif étant de faciliter leur accès au statut d’infirmier en pratique avancée. Une telle évolution contribuerait à l’offre de soins en reconnaissant les compétences acquises sur le terrain tout en garantissant un cadre sécurisé pour les patients.

Mme la rapporteure. L’accès à la pratique avancée est conditionné à l’obtention d’un diplôme d’État, à une expérience de trois ans et au suivi d’une formation de deux ans. Mais il est possible de devenir infirmier en pratique avancée grâce à la validation des acquis de l’expérience. Cette voie est peu empruntée mais elle est intéressante car elle repose davantage sur les compétences que sur l’ancienneté. Certaines personnes exercent durant quinze ans dans le même service sans suivre de formation continue ; elles sont moins armées que celles ayant acquis des compétences ouvrant l’accès à la formation. Enfin, l’adoption de l’amendement AS168 permettra de disposer d’un bilan des validations de compétences.

L’avis est défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS86 de Mme Sandrine Dogor-Such

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Vingt et un départements, dont deux situés outre-mer, en Guyane et à Mayotte, ne comptent aucune unité de soins palliatifs. Chaque jour, 500 Français meurent sans que leurs souffrances physiques et psychologiques aient été soulagées. Selon la Cour des comptes, seules 150 000 personnes ont accès aux services de soins palliatifs, alors que 300 000 en auraient besoin et que cette population est appelée à croître de 15 %.

Lors de nos débats sur le texte relatif à la fin de vie, avant la dissolution de l’Assemblée nationale, il était apparu que les infirmiers se plaignaient d’un manque de formation dans les soins palliatifs. L’amendement demande au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de créer un sixième secteur d’intervention en pratique avancée sur les soins palliatifs.

Mme la rapporteure. Chaque infirmier peut se diriger vers la formation en pratique avancée. Il existe un diplôme universitaire spécialisé dans les soins palliatifs. L’ouverture d’une nouvelle mention n’est pas à l’ordre du jour car nous souhaitons dresser le bilan de celles qui existent.

L’avis est défavorable.

M. Christophe Bentz (RN). J’en appelle à votre bienveillance pour donner un avis de sagesse sur cet amendement, lequel se contente de demander un rapport. Celui-ci nous semble important car les infirmiers en pratique avancée sont nécessaires pour combler les carences des soins palliatifs dans notre pays. Le texte sur la fin de vie reviendra à l’Assemblée nationale au printemps et il paraît urgent de développer la filière des soins palliatifs.

Mme la rapporteure. Le rapport que remettra le Gouvernement après l’adoption de l’amendement AS168 fera le point sur l’utilité de chaque mention. Dans certains territoires, il existe des équipes fixes et mobiles dédiées aux soins palliatifs. Le besoin en formation continue sur l’approche palliative dans tous les secteurs est élevé. Les infirmiers de soins généraux doivent être formés aux soins palliatifs, même si leur activité ne se résume à ce domaine. Nous ne souhaitons pas créer de spécialité d’infirmier en pratique avancée pour chaque filière médicale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS94 de Mme Christine Loir

Mme la rapporteure. L’amendement demande un rapport évaluant les modalités de simplification de la nomenclature générale des actes professionnels. Il est nécessaire de simplifier la nomenclature car la mauvaise codification entraîne des récupérations d’indus auprès des infirmiers. Parfois très élevées, elles ne résultent pourtant d’aucune fraude. La réactualisation des actes devra intégrer ce phénomène afin de simplifier la vie des infirmiers et de clarifier les ressources des caisses de sécurité sociale. Je partage votre préoccupation, mais ce problème sera traité.

L’avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Gage de recevabilité financière

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/UVJWAI

–Texte comparatif : https://assnat.fr/uyfmmT

 


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ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURe

(par ordre chronologique)

        Direction générale de l’offre de soins (DGOS)  Mme Clotilde Durand, cheffe de service et adjointe à la directrice générale, et M. Romain Bégué, sous‑directeur des ressources humaines du système de santé

        Table ronde avec les syndicats infirmiers libéraux :

 Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil)  M. John Pinte, président, et M. François Poulain, administrateur

 Convergence Infirmière  Mme Ghislaine Sicre, présidente, et M. Judicaël Feigueux, vice-président

 Fédération nationale des infirmiers (FNI)  M. Daniel Guillerm, président, et Mme Pascale Lejeune, secrétaire générale

 ONSIL Syndicat d’infirmiers libéraux – Mme Laetitia Chillaud-Bevier, responsable Île-de-France et conseillère technique

        Collectif des infirmiers libéraux en colère – Mme Gaëlle Cannat, présidente, Mme AnneGaëlle Kramer et Mme Émilie Mazoyon, vice‑présidentes

        Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI)  Mme Anne Larinier, exercice privé non lucratif, hôpital Saint‑Joseph, Paris, Mme Cathie Erissy, exercice public, Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP‑HP), M. Thierry Amouroux, porte‑parole, exercice public, AP‑HP, et M. François Martineau, exercice public, psychiatrie Sainte‑Anne, Paris, membres du conseil national

        Société française des infirmiers en santé scolaire (Sofiss) – Mme Priscillia Chazel, présidente, infirmière de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Mme Estelle Dossat, vice-présidente, infirmière de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, et M. Alban Bouzaabia, secrétaire, infirmier conseiller technique départemental adjoint, service infirmier en faveur des élèves, direction des services départementaux de l’éducation de Gironde

        Table ronde avec les infirmiers anesthésistes :

 Société française des infirmier(e)s anesthésistes (Sofia)  M. Damien Brault, secrétaire général, infirmier anesthésiste diplômé d’État et étudiant en master infirmier en pratique avancée

– Conseil national professionnel des infirmier·e·s anesthésistes (CNPIA) – M. Arnaud Espinet, trésorier adjoint du Comité d’entente des écoles d’infirmiers anesthésistes diplômés d’État, Mme Ghislaine Rouby, membre du conseil d’administration, et M. Jérémy Gaillard, vice-président du Syndicat national des infirmiers anesthésistes

        Table ronde avec les infirmiers de bloc opératoire :

– Conseil national des professions infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État  M. Christophe Verrier, président, responsable pédagogique de l’école d’infirmiers de bloc opératoire diplômés d’État (Ibode) du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, et M. Alain Cartigny, secrétaire, responsable pédagogique, adjoint à la directrice de l’école d’Ibode du CHU de Montpellier

– Syndicat national des infirmiers de bloc opératoire (Snibo) – Mme Christelle Truchy, Mme Sylvie Caoduro et Mme Marie-Sophie Deneufbourg, Mme Évelyne Cames, présidente de l’Association des enseignants des écoles d’infirmiers de bloc opératoire, et Me Jean Christophe Boyer, avocat conseil

        Collège des infirmières puéricultrices  Mme Peggy Alonso, infirmière puéricultrice diplômée d’État (IPDE) de protection maternelle et infantile (PMI), Mme Anne Métivet, coordinatrice pédagogique, Mme Estelle Ledon, IPDE libérale, Mme Anne Dannenmuller, IPDE, cadre supérieure de santé, directrice adjointe de l’Institut de formation de puériculture des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, Mme Émilie Chollet, directrice de l’Institut de formation des puériculurices, Mme Véronique Garlis, IPDE cadre de santé, Mme Élisa Guise, Mme Doina Kert, IPDE libérale, Mme Karine Pontroue, IPDE PMI, MSébastien Colson, Mme Katia Saby, IPDE libérale, Mme Claire Royer de la Bastie, présidente du Conseil national professionnel (CNP) des infirmiers puériculteurs, et Me Jean-Christophe Boyer, avocat du CNP

        Conseil national de l’ordre des infirmiers  Mme Sylvaine Mazière-Tauran, présidente, et Mme Samira Ahayan, secrétaire générale

        Union nationale des infirmiers en pratique avancée (Unipa) – M. Emmanuel Hardy, président, infirmier en pratique avancée (IPA) mention « Pathologies chroniques stabilisées, prévention et polypathologies courantes en soins primaires » (PCS), Mme Hélène Kerdilès, vice-présidente en charge de la formation, IPA PCS avec des spécialistes en privé, M. Jordan Jolys, vice-président en charge des réseaux territoriaux, IPA mention « Psychiatrie et santé mentale » (PSM) en établissement public de santé mentale, et M. Laurent Salsac, secrétaire adjoint, IPA PCS en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, juriste en droit de la santé

        Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) – Pr Stéphane Oustric, délégué général aux données de santé et au numérique, et M. Francisco Jornet, directeur des services juridiques

        Société française d’hygiène hospitalière  Mme Pascale Chaize, vice‑présidente, infirmière cadre de santé, Mme Rachel Dutrech, infirmière cadre de santé, et Mme Corinne Tamames, infirmière cadre supérieure de santé

        Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) – M. Thomas Fatôme, directeur général, M. Emmanuel Frère-Lecoutre, directeur de l’offre de soins, et Mme Véronika Levendof, chargée des relations avec le Parlement

        Comité d’entente des formations infirmières et cadres de santé (CEFIEC)  Mme Michèle Appelshaeuser, présidente, Mme Isabelle Bayle, Mme Marielle Boissart et Mme Astrid Romano, vice-présidentes, et M. Xavier Vautrin, trésorier national

        Association nationale des infirmiers sapeurs-pompiers (Anisp) –M. Emmanuel Mercadier, cadre de santé commandant, président, M. Frédéric Lemoine, infirmier sapeur-pompier militaire, et M. Laurent Mathieu, infirmier sapeur-pompier

        Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs (SNPHAR-E)  Dr Anne Geffroy-Wernet, présidente, secrétaire générale de l’union syndicale Action praticiens hôpital (APH), secrétaire générale de l’union syndicale Avenir hospitalier, Dr Matthieu Débarre, vice‑président, et Dr Emmanuelle Durand, administratrice

 


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Annexe N° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de la santé publique

L. 4161‑1 et L. 4311‑1

1er bis

Code de la santé publique

L. 1411‑11

1er ter

Code de la santé publique

L. 4311–3–1

2

Code de la santé publique

L. 4301‑1

 


([1]) Études et résultats n° 1319, Drees, décembre 2024.

([2]) Arrêté du 25 novembre 2011 portant approbation de l’avenant n° 3 à la convention nationale des infirmières et des infirmiers libéraux.

([3]) « Évolution de la profession et de la formation infirmières », Igas/IGESR, octobre 2022.

([4]) Le rapport précité Igas/IGESR montre qu’en 2019, le personnel infirmier hospitalier français percevait un salaire moyen inférieur à la moyenne des travailleurs (ratio de 0,9), quand ce ratio se situait à 1,2 pour la moyenne de l’OCDE. Les infirmiers français se trouvaient ainsi dans une situation très défavorable en Europe. L’impact des augmentations induites par le Ségur de la Santé (+5,9% des rémunérations) doit néanmoins être pris en compte.

([5]) Cf. Drees, Études et résultats, n° 1319, décembre 2024.

([6]) Loi n° 2009‑879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([7]) Arrêté du 20 mars 2012 fixant la liste des dispositifs médicaux que les infirmiers sont autorisés à prescrire.

([8]) En vertu de l’article 29 de la loi n° 2022‑1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

([9]) Article 31 de la directive européenne 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

([10]) Décret n° 2024‑1134 du 4 décembre 2024 portant diverses modifications relatives à la formation conduisant au diplôme d’État d’infirmier.

([11]) Les informations présentées ici proviennent pour l’essentiel de l’Union nationale des infirmiers de pratique avancée (https://unipa.fr/le-metier).

([12])  « Coopération des professions de santé : le transfert de tâches et de compétences », rapport d’étape au ministre de la santé, Pr. Yvon Berland, octobre 2003.

([13]) Loi n° 2016‑41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([14]) « L’état des lieux 2024-2025 des Infirmiers Étudiants en Pratique Avancée », Unipa, 2024.

([15]) Avenant n° 7 à la convention nationale des infirmiers, conclu le 4 novembre 2019, paru au Journal officiel le 3 janvier 2020.

([16]) Avenant n° 9 à la convention nationale des infirmiers, signé le 27 juillet 2022, entré en vigueur le 23 septembre 2022.

([17]) Décret n° 2020‑244 du 12 mars 2020 portant statut particulier du corps des auxiliaires médicaux exerçant en pratique avancée de la fonction publique hospitalière et décret n° 2020‑245 du 12 mars 2020 relatif à l’échelonnement indiciaire du corps des auxiliaires médicaux exerçant en pratique avancée de la fonction publique hospitalière.

([18]) Arrêté du 25 juillet 2023 portant approbation de l’avenant n° 10 à la convention nationale organisant les rapports entre les infirmiers libéraux et l’assurance maladie signée le 22 juin 2007.

([19]) Décret n° 2018‑633 du 18 juillet 2018 relatif au diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée, disposition codifiée à l’article D. 636‑80 du code de l’éducation.

([20]) « Les infirmiers en pratique avancée : une évolution nécessaire, des freins puissants à lever », audit flash, Cour des comptes, juillet 2023.

([21]) Loi n° 2023‑379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.

([22]) Décret n° 2025‑55 du 20 janvier 2025 relatif aux conditions de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée.

([23]) Avenant n° 9 à la convention nationale des infirmiers, signé le 27 juillet 2022, entré en vigueur le 23 septembre 2022.

([24]) Dispositions codifiées aux articles R. 4311‑11‑1 et R. 4311‑11‑2 du code de la santé publique.

([25]) Arrêté du 17 janvier 2017 modifiant l’arrêté du 23 juillet 2012 relatif à la formation conduisant au diplôme d’État d’infirmier anesthésiste.

([26]) « Évolution de la profession et de la formation infirmières », Igas/IGESR, octobre 2022.

([27]) Loi n° 2009‑879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([28]) Loi n° 2023‑379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.

([29]) Décret n° 2025‑55 du 20 janvier 2025 relatif aux conditions de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée.

([30]) « La profession infirmière : situation démographique et trajectoires professionnelles », Drees, n° 101, novembre 2010.

([31]) Arrêté du 28 mai 2024 relatif aux effecteurs, au contenu et aux modalités de tarification des rendez-vous de prévention.

([32]) Loi n° 2023‑379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé.

([33]) Décret n° 2025‑55 du 20 janvier 2025 relatif aux conditions de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée.

([34]) Décret n° 2025‑55 du 20 janvier 2025 relatif aux conditions de l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée.

([35]) « Concertation sur la pratique avancée infirmière », rapport, Igas/IGESR, août 2022.

([36]) https://assnat.fr/1zdMv5

([37]) https://assnat.fr/h5pOf0