N° 1181

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mars 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI,


visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles (n° 842)

 

PAR Mmes Marie-Charlotte Garin ET Véronique Riotton

Députées

——

 

 

 

 


SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er  (art. 222-22, 222-22-1, 222-22-2 et 222-23 du code pénal) Inscription de l’absence de consentement dans la définition pénale  du viol et des agressions sexuelles

Article 2 (nouveau) Double rapport d’évaluation de la proposition de loi

Article 3 (nouveau) Rapport évaluant les effets de la redéfinition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol sur le traitement judiciaire  des violences sexuelles

COMPTE RENDU DES DÉBATS

PERSONNES ENTENDUES

 


 

 

Mesdames, Messieurs,

 

Cette proposition de loi est le fruit d’un travail de longue haleine menée dans le cadre de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Elle a été conçue et déposée en janvier 2025 à la suite des conclusions de la mission d’information créée en décembre 2023 ([1]) pour tenter d’apporter de nouvelles réponses au débat sur la définition pénale du viol relancé à l’occasion de la discussion d’une directive européenne.

En mars 2022, la Commission européenne a présenté une proposition de directive visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

Initialement, cette proposition précisait, en son considérant 14, que « l’absence de consentement devrait être un élément central et constitutif de la définition de viol, étant donné que fréquemment, le viol est perpétré sans violence physique ni usage de la force. Un consentement initial devrait pouvoir être retiré à tout moment durant l’acte, dans le respect de l’autonomie sexuelle de la victime, et ne devrait pas signifier automatiquement le consentement à de futurs actes » ([2]). Elle prévoyait également un article relatif à la définition de l’infraction de viol.

Article 5 de la proposition de directive européenne

Viol

Les États membres veillent à ce que les comportements intentionnels suivants soient passibles de sanctions en tant qu’infractions pénales:

(a) le fait de se livrer avec une femme à tout acte non consenti de pénétration vaginale, anale ou orale à caractère sexuel avec toute partie du corps ou avec un objet;

(b) le fait de contraindre une femme à se livrer avec une autre personne à tout acte non consenti de pénétration vaginale, anale ou orale à caractère sexuel avec toute partie du corps ou avec un objet.

Les États membres veillent à ce qu’on entende par acte non consenti un acte accompli sans que la femme ait donné son consentement volontairement ou dans une situation où la femme n’est pas en mesure de se forger une volonté libre en raison de son état physique ou mental, par exemple parce qu’elle est inconsciente, ivre, endormie, malade, blessée physiquement ou handicapée, et où cette incapacité à se forger une volonté libre est exploitée.

Le consentement peut être retiré à tout moment au cours de l’acte. L’absence de consentement ne peut être réfutée exclusivement par le silence de la femme, son absence de résistance verbale ou physique ou son comportement sexuel passé. 

Après un an de débat, cette directive a finalement été adoptée en mai 2024 ([3]) sans ces éléments relatifs à la définition pénale du viol. Ce texte européen a néanmoins relancé, dans notre pays mais plus largement en Europe, le débat sur cette définition, opposant deux conceptions, qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre. D’une part, celle fondée principalement sur le non-consentement de la victime. D’autre part, celle, comme c’est le cas aujourd’hui en droit pénal français, centrée davantage sur les éléments matériels de l’infraction (violence, contrainte, menace et surprise). Se saisissant de ce sujet, la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, a lancé une mission d’information portant spécifiquement sur la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.

Ce débat, à la fois politique, juridique et sociétal, a en outre trouvé en France une résonnance de grande ampleur avec le procès des agresseurs de Gisèle Pelicot, rappelant la dramatique réalité d’une criminalité sexuelle que nous ne parvenons pas à faire reculer. Un climat d’impunité demeure et la culture du viol perdure.

Malgré les avancées législatives, réalisées notamment en 2018 et en 2021, malgré l’allongement des délais de prescription, malgré les efforts de formation des forces de l’ordre et l’amélioration du recueil de la parole et de l’accompagnement des victimes, les chiffres des violences sexuelles demeurent élevés et révèlent autant de drames personnels. Toutes les deux minutes, une personne est victime de violences sexuelles et huit victimes sur dix, hors cadre familial, ne portent pas plainte. Pour un quart d’entre elles, elles ne portent pas plainte parce que l’acte subi ne serait pas assez grave et pour un autre quart, parce que déposer plainte n’aurait, selon elles, servi à rien.

Après plus d’un an de travail et près d’une centaine d’auditions, qui nous ont permis de construire une analyse détaillée de la situation française et de la mettre en perspective avec des comparaisons étrangères, nous sommes parvenues à plusieurs constats et à la conclusion qu’une modification législative était nécessaire.

Nous avons en effet acquis la conviction que le code pénal doit être modifié, car notre définition du viol et des agressions sexuelles échoue dans ses trois grandes fonctions :

– dans sa fonction répressive, car elle ne permet pas aujourd’hui de sanctionner les agresseurs et leurs comportements violents ;

– dans sa fonction protectrice aussi, puisque les victimes ne sont pas correctement protégées face à ces comportements violents ;

– dans sa fonction expressive enfin, car notre droit n’incarne plus les valeurs de notre société et ne rend pas compréhensible l’interdit, pourtant suprême, de jouir du corps d’autrui sans son accord. Personne n’a le droit d’accéder à l’intimité de quelqu’un sans son consentement. Si nous voulons prétendre à une éducation à une vie affective et sexuelle respectueuse, il nous semble qu’affirmer clairement ce principe dans notre loi est un point de départ essentiel.

Certes la jurisprudence a considérablement fait progresser l’appréhension judiciaire des violences sexuelles, mais nous observons que l’interprétation que les juges font de la législation ne parvient pas à combler le silence de la loi quant à la notion de consentement.

Nous avons, en outre, fait le constat d’une véritable contradiction. Malgré l’omniprésence de la question du consentement tout au long de la procédure judiciaire, la loi française reste silencieuse sur ce point crucial dans la définition du viol et des agressions sexuelles. L’absence de cette notion dans le code pénal ouvre la voie à des malentendus, voire à des instrumentalisations du consentement par les auteurs d’agression. Cette lacune législative contribue ainsi à entretenir des stéréotypes nuisibles et à entraver la prise en compte des circonstances particulières dans lesquelles peuvent être commises les infractions sexuelles.

À la lumière de ces éléments, nous pensons donc qu’une réforme législative est impérative. La rédaction que nous proposons vise à mieux protéger, à mieux réprimer, à dire plus clairement qu’un rapport non consenti est illégal, tout en respectant les grands principes de notre droit.

Nous considérons qu’une meilleure prise en compte du consentement permettra de mieux apprécier les vulnérabilités des victimes et les stratégies mises en place par les auteurs pour vicier leur consentement.

Nous poursuivons également l’ambition d’éviter de faire du comportement actuel ou passé de la victime le cœur de l’enquête. Ce point était déjà au cœur des débats en 1980, lorsqu’a été votée l’actuelle définition du viol, conduisant alors le législateur à préférer une définition sans référence explicite à la notion de consentement. Pourtant, le comportement de la victime est toujours interrogé par l’enquête judiciaire et une absence de réaction de sa part est trop souvent appréhendée comme une présomption de son consentement. En éludant cette notion, la définition adoptée en 1980 n’est donc pas parvenue à résoudre cette question.

Notre objectif est donc double : assumer l’introduction de la notion du consentement dans la loi pénale tout en faisant évoluer les investigations pour qu’elles se concentrent d’abord sur les agissements de l’auteur.

L’enquête doit systématiquement porter sur les indices permettant d’évaluer si et par quelles mesures raisonnables le mis en cause a cherché à recueillir le consentement. En inscrivant clairement cette logique dans la loi, nous fournissons un outil supplémentaire pour poursuivre davantage de mis en cause en prenant mieux en compte les stratégies qu’ils peuvent mettre en place.

Pour autant, la rédaction que nous proposons ne crée pas d’obligation positive de s’assurer d’une manière convenue du consentement d’autrui. En effet, le présent texte ne définit pas le viol comme un acte de pénétration « commis sans s’être assuré du consentement de l’autre ». Ce n’est ni ce que nous souhaitons, ni ce que nous faisons. La proposition de loi ne change pas les éléments permettant de caractériser juridiquement l’infraction, mais les complète pour les préciser et les clarifier. Cette nouvelle définition vise ainsi à offrir aux juges davantage de clefs pour identifier, appréhender et qualifier les faits au regard non seulement des quatre critères de violence, contrainte, menace ou surprise, mais également au regard de l’absence de consentement.

Ces précisions nous permettront, en outre, de consolider les acquis de la jurisprudence en les ancrant dans le marbre de la loi et, ainsi, de mieux prendre en compte la variété des situations et notamment les cas de sidération, de coercition ou encore d’emprise.

Pour atteindre ces différents objectifs, la présente proposition de loi procède donc à plusieurs évolutions dans le code pénal :

– l’introduction de la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles afin de marquer clairement la frontière entre la sexualité et la domination et la violence ;

– l’ajout de précisions sur cette notion qui visent à aiguiller le juge pour apprécier le défaut de consentement, en précisant les cas dans lesquels le consentement ne saurait être déduit, notamment les cas de sidération insuffisamment caractérisés dans la jurisprudence actuelle ;

– la conservation des quatre adminicules de violence, contrainte, menace ou surprise, permettant de préserver tous les acquis de la jurisprudence et de garantir la précision juridique de la définition de ces infractions ;

– le rappel que le consentement doit être apprécié au regard des circonstances environnantes. Par cette référence, qui traduit la réalité du travail du juge et des enquêteurs, il s’agit d’éviter que l’investigation ne soit centrée uniquement sur la plaignante et de conduire à interroger davantage les agissements du mis en cause. La validité du consentement doit en effet toujours être appréciée à l’aune des vulnérabilités éventuelles de la victime.

En vue d’expertiser notre rédaction et de prévenir tout effet de bord non désiré, la présidente de l’Assemblée nationale a décidé, le 27 janvier dernier, de saisir le Conseil d’État de la présente proposition de loi.

La publication de l’avis le 6 mars 2025 nous permet d’aborder l’examen de cette proposition de loi en étant doublement éclairés. Éclairés, d’une part, par les travaux que nous avons conduits au sein de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes pendant plus d’un an et qui nous offrent une connaissance approfondie du contexte dans lequel nous évoluons. Éclairés, d’autre part, par cet avis du Conseil d’État qui nous fournit une confirmation juridique et technique de la pertinence de notre texte.

Afin de consolider l’écriture que nous proposons, le Conseil d’État a formulé plusieurs recommandations que nous comptons entièrement suivre. Trois sont particulièrement importantes :

– la conservation dans le texte d’incrimination des notions de violence, contrainte, menace ou surprise permet en effet de préserver les acquis jurisprudentiels. En sus, le Conseil d’État recommande de supprimer le terme « notamment » qui introduirait une indétermination quant aux autres comportements pouvant être réprimés ;

– malgré la pertinence et la plasticité des quatre adminicules de violence, contrainte, menace ou surprise, nos travaux nous ont néanmoins conduit à constater que l’interprétation de ces éléments par le juge ne permet pas toujours de couvrir tous les cas. Il nous semble donc nécessaire, si nous voulons agir en faveur des victimes, de procéder à l’ajout, proposé par le Conseil d’État, de la formule « quelles que soient leurs natures » afin de clarifier et de garantir une interprétation suffisamment large de ces quatre éléments permettant à notre droit de saisir la variété des situations pouvant survenir.

– notre texte propose plusieurs précisions qui visent à guider le juge dans son appréciation de la validité du consentement. Ce faisant, nous ne définissons pas le consentement, nous ne créons pas de nouvelle obligation pénalement réprimée et nous ne créons aucune présomption de culpabilité. Ces indications permettent simplement de clarifier ce que peut être le consentement et ce qu’il ne peut pas être, en précisant notamment certains cas dans lesquels il ne saurait être déduit. Nos échanges avec le Conseil d’État ont été particulièrement fructueux sur ce sujet. Ils nous ont permis de clarifier le sens accordé précisément à chaque qualificatif que nous souhaitions introduire et de simplifier la formulation que nous avions proposée, afin, là aussi, de parvenir à la loi pénale la plus précise et claire possible.

*

Aussi impérative qu’elle nous semble, la seule modification de la loi ne pourra toutefois pas répondre à l’ensemble des difficultés rencontrées par les victimes de viol – difficultés qui sont multifactorielles.

Ce changement doit être soutenu par une formation approfondie des enquêteurs, magistrats et professionnels de santé sur les spécificités des violences sexistes et sexuelles pour les auteurs comme pour les victimes, avec l’instauration de protocoles adaptés tout au long de la procédure. Nous devrons en outre collectivement rester attentifs aux moyens attribués à ces institutions, aux associations et à la prise en charge des victimes.

Malgré cette nuance, nous sommes convaincues que la modification de notre loi pénale sera une avancée dans la poursuite judiciaire des viols et des agressions sexuelles. Elle sera aussi un socle solide pour permettre un nouvel effort de pédagogie et d’éducation que nous devons aux générations futures. Nous espérons que de telles perspectives feront l’unanimité dans notre hémicycle.

 

 


   commentaire des articles de la proposition de loi

Article 1er
(art. 222-22, 222-22-1, 222-22-2 et 222-23 du code pénal)
Inscription de l’absence de consentement dans la définition pénale
du viol et des agressions sexuelles

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article inscrit l’absence de consentement de la victime dans la définition pénale du viol et des autres agressions sexuelles. Il apporte en outre des précisions sur la notion de consentement.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste a modifié le premier alinéa de l’article 222-22 du code pénal pour insérer une référence aux nouveaux cas prévus par la loi sanctionnant une agression sexuelle commise sur un mineur par un majeur sans avoir été imposée par violence, contrainte, menace ou surprise.

       Position de la Commission

La Commission a adopté six séries d’amendements identiques afin d’intégrer dans le texte l’ensemble des modifications recommandées par le Conseil d’État.

  1.   L’État du droit
    1.   Les agressions sexuelles se définissent par une atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise
      1.   Les dispositions communes à toutes les agressions sexuelles prévues aux articles 222-22 à 222-22-3 du code pénal

En application de l’article 222-22 du code pénal, constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise.

Le deuxième alinéa du même article précise que l’agression sexuelle est constituée, quand les circonstances prévues sont réunies, quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage.

L’article 222-22-2 du même code ajoute que, quand les circonstances sont réunies, le fait de subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers ([4]) ou de procéder sur elle-même à une telle atteinte constitue également une agression sexuelle ([5]).

Le code pénal distingue deux types d’agressions sexuelles qui font l’objet d’un régime répressif différent : le viol et les autres agressions sexuelles.

  1.   Outre l’atteinte sexuelle, avec ou sans pénétration, les agressions sexuelles sont caractérisées matériellement par le recours à la violence, la contrainte, la menace ou la surprise

La caractérisation pénale du viol et des autres agressions sexuelles est déduite du comportement de l’auteur, à travers la présence de violence, contrainte, menace ou surprise. Le code pénal ne définit pas en soi ces quatre adminicules. Ces notions se recoupent parfois : la menace est par exemple une forme de contrainte.

L’interprétation de ces éléments matériels constitutifs des agressions sexuelles a progressivement été affinée par certaines précisions apportées, au fil du temps, par le législateur, ainsi que par la jurisprudence.

En particulier, la notion de contrainte a été précisée par l’insertion dans le code pénal d’un nouvel article 222-22-1 qui dispose que « la contrainte prévue par le premier alinéa de l’article 222-22 peut être physique ou morale » ([6]). Selon le législateur, cette précision était nécessaire car « des quatre éléments permettant de caractériser l’absence de consentement qu’impliquent l’agression sexuelle et le viol, seule la contrainte peut s’exercer sans manifestation extérieure » ([7]). Cette évolution visait notamment à prendre en compte les écarts d’âge et ce même article ajoutait d’ailleurs que la contrainte morale résulte, en particulier, de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits ainsi que de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime.

Le Conseil constitutionnel a jugé que cette dernière disposition ne définit pas un élément constitutif de l’agression sexuelle en apportant des précisions sur la contrainte, mais « a pour seul objet de désigner certaines circonstances de fait sur lesquelles la juridiction saisie peut se fonder pour apprécier si, en l’espèce, les agissements dénoncés ont été commis avec contrainte » ([8]).

En 2018, la loi dite « loi Schiappa » a en outre précisé que cette autorité de fait peut être caractérisée par une différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur ([9]). Elle a également inséré une nouvelle disposition selon laquelle, lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes. La Cour de cassation a jugé que ces dispositions étaient de nature interprétative, n’ayant pour objet que de « désigner certaines circonstances de fait que le juge doit prendre en compte pour apprécier si, dans le cas d’espèce, les agissements ont été commis avec contrainte morale ou surprise » ([10]).

En outre, la jurisprudence a considérablement précisé et enrichi l’interprétation de ces éléments de violence, contrainte, menace ou surprise. Ces notions, parfois assez proches, ont été interprétées in concreto par le juge.

L’interprétation des éléments de violence, contrainte, menace ou surprise
par la jurisprudence

● La violence physique peut consister en des coups sur la victime (1), le fait de la ligoter (2), de la bâillonner (3), ou de la brutaliser (4). Elle peut également résulter de la disproportion des forces en présence (5) et de la supériorité physique de l’agresseur (6). La violence psychologique semble quant à elle avoir davantage été approfondie par la notion de contrainte ou de menace.

● La contrainte physique se rapproche quant à elle de la notion de violence physique. Elle peut toutefois être appréhendée avec une intensité moindre : la Cour de cassation a par exemple retenu que la contrainte doit s’apprécier de manière concrète en fonction de la capacité de résistance de la victime (7). La contrainte morale peut par exemple découler de la crainte inspirée par un supérieur hiérarchique (8)ou encore d’un lien de subordination (9).

● La menace peut résulter d’intimidations verbales, comme les menaces de mort (10), le chantage à la dénonciation (11) ou affectif (12), ou encore prendre la forme de la menace par une arme (13).

● La surprise a été abondamment précisée par la jurisprudence. Correspondant, non pas à une émotion de la victime, mais bien à un comportement de l’auteur, ce terme désigne les stratagèmes ou supercheries destinés à surprendre le consentement de la victime (14) ou à l’empêcher de le délivrer de manière lucide. Cela peut consister en un abus de sa faiblesse physique liée à l’ivresse (15) ou à un état d’hypnose (16), en un abus d’une erreur d’identification de la personne réalisant les actes sexuels (17), ou encore en une administration à la victime d’une substance médicamenteuse (18). Plus récemment, la Cour de cassation a jugé que « l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise » (19). En septembre 2024, elle a également précisé que la surprise doit également être retenue lorsque la victime est endormie puis lorsque la victime se trouve en état de sidération, jugeant que « Le consentement de la victime ne peut être déduit de la sidération causée par une atteinte sexuelle commise par violence, contrainte, menace ou surprise. Justifie sa décision la cour d’appel qui déclare le prévenu coupable d’agression sexuelle en retenant qu’il a procédé à des attouchements alors que la victime était endormie, puis a poursuivi ses agissements tandis que cette dernière se trouvait dans un état de prostration, ce qui établit qu’il a agi en connaissance d’un défaut de consentement » (20).

(1) Cass. crim., 22 juillet 2009, n° 09-82.966.              (11) Cass. crim., 23 janvier 2001, n° 00 87.327.

(2) Cass. crim., 17 octobre 1978, n° 77‑93.172.           (12) Cass. crim., 19 septembre 2001, n° 01-84.557.

(3) Cass. crim., 14 septembre 2005, n° 04-87.601.       (13) Cass. crim., 5 février 1991, n° 90-86.709.

(4) Cass. crim., 5 juin 2007, n° 07-81.837.                   (14) Cass. crim., 22 janvier 1997, 96-80.353.

(5) Cass. crim., 29 mai 2002, n° 02-82.125.                 (15) Cass. crim., 18 octobre 2006, n° 06-85.924.

(6) Cass. crim., 24 septembre 1998, n° 98-83.624.      (16) Cass. crim., 4 avril 2007, n° 07-80.253.

(7) Cass. crim., 8 juin 1994,n°  94-81.376.                  (17) Cass. crim., 11 janvier 2017,  n° 15-86.680.

(8) Cass. crim., 8 février 1995, 94-85.202.                  (18) Cass. crim., 10 décembre 2008, n° 08-86.558.

(9) Cass. crim., 8 décembre 2021, n° 21-81.311.        (19) Cass. crim., 23 janvier 2019, 18-82.833.

(10) Cass. crim., 23 octobre 2002, n° 02-85.715.       (20) Cass. crim., 11 septembre 2024, 23-86.657.

  1.   Le défaut de consentement de la victime, un élément constitutif déjà implicitement requis

Bien que le terme de « consentement » ne figure pas explicitement dans les textes d’incriminations des infractions sexuelles, l’absence de consentement de la victime est un des éléments matériels constitutifs de ces infractions, selon une jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation et appliquée quotidiennement par les magistrats du parquet, de l’instruction et du siège. L’arrêt Dubas de 1857 mentionnait déjà que l’acte devait être réalisé « contre sa volonté » de la victime, « soit que le défaut de consentement résulte de la violence physique ou morale exercée à son égard, soit qu’il résulte de tout autre moyen de contrainte ou de surprise ».

En l’état du droit, le défaut de consentement résulte de l’usage, par l’auteur, de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise. Ainsi, le droit pénal français cherche à déterminer les conditions dans lesquelles la victime a été forcée à l’acte sexuel.

Ce défaut de consentement ne se confond pas avec l’élément intentionnel qui correspond à la conscience de l’auteur d’agir malgré ce défaut de consentement. Cette distinction est fondamentale et découle du principe général défini à l’article 121-1 du code pénal selon lequel « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de les commettre » érigé comme principe à valeur constitutionnelle ([11]). En l’absence de débats sur la matérialité des faits, c’est-à-dire lorsque l’existence d’un acte sexuel non consenti n’est pas contestée, c’est sur cet élément intentionnel que portent les débats. En pratique, les juridictions peuvent être amenées à déduire de la matérialité des faits l’existence de l’élément intentionnel, tels des agissements violant délibérément le consentement de la victime. Par exemple, dans le récent arrêt de septembre 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation énonce que le consentement de la victime ne peut être déduit de la sidération causée par une atteinte sexuelle commise par violence, contrainte, menace ou surprise. En procédant à des attouchements alors que la victime était endormie, puis en poursuivant ses agissements tandis que cette dernière se trouvait dans un état de prostration, l’auteur démontre par ses actes qu’il a agi en connaissance d’un défaut de consentement ([12]).

  1.   Le cas des agressions sexuelles commises sur un mineur par un majeur sans violence, contrainte, menace ou surprise

Depuis 2021, l’article 222-22 du code pénal dispose que constitue également une agression sexuelle une atteinte sexuelle commise sur un mineur par un majeur, dans les cas prévus par la loi. Les infractions sont alors qualifiées sans que les actes n’aient été imposés par violence, contrainte, menace ou surprise :

– l’article 222231 du même code qualifie ainsi de viol tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans. L’élément moral de l’infraction résulte alors uniquement de la volonté de commettre une pénétration sexuelle et de la connaissance de l’âge inférieur à quinze ans de la victime ;

– l’article 222-23-2 qualifie de viol incestueux tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur, lorsque l’auteur des faits est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ([13]) ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait ;

– l’article 222292 qualifie d’agression sexuelle toute atteinte sexuelle autre qu’un viol commis par un majeur sur la personne d’un mineur de quinze ans, lorsque la différence d’âge entre le majeur et le mineur est d’au moins cinq ans ;

– l’article 222-29-3 qualifie d’agression sexuelle incestueuse toute atteinte sexuelle autre qu’un viol commis par un majeur sur un mineur, lorsque le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l’article 222-22-3 ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait.

  1.   La distinction entre agression sexuelle et viol repose sur l’existence ou non d’un acte de pénétration
    1.   Le régime répressif des agressions sexuelles autres que le viol défini aux articles 222-27 à 222-31
      1.   Une atteinte sexuelle sans pénétration

Les atteintes sexuelles commises avec violence, contrainte, menace ou surprise sans pénétration constituent des agressions sexuelles.

Bien que le texte d’incrimination ne définisse pas davantage la notion d’atteinte sexuelle, la Cour de cassation a estimé que le texte était conforme au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, refusant de renvoyer une question prioritaire de constitutionalité, au motif que celui-ci définit de manière suffisamment claire et précise le délit d’agression sexuelle dont l’interprétation entre dans l’office du juge pénal ([14]).

Le juge apprécie donc souverainement la nature sexuelle des attouchements. Certaines zones du corps, sans être spécifiquement sexuelles en elles-mêmes, peuvent par exemple être de nature à exciter l’auteur de l’infraction et leur attouchement considéré comme sexuel ([15]).

  1.   Les peines encourues

Les agressions sexuelles autres que le viol sont punies par l’article 222-27 de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Ces peines sont portées à sept ans et 100 000 euros en présence de certaines circonstances aggravantes précisées à l’article 222-28.

Les circonstances aggravantes des autres agressions sexuelles

Comme pour le viol, l’article 222-28 prévoit que l’agression sexuelle voit sa peine aggravée dans certaines circonstances ayant trait aux caractéristiques de la victime ou aux conséquences de l’acte sur celle-ci :

– lorsqu’elle a entraîné une blessure, une lésion ou une incapacité totale de travail supérieure à huit jours (1°) ;

– lorsqu’elle est commise, dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle (9°) ;

La peine encourue est également aggravée lorsque l’aggression sexuelle est commise par :

– un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait (2°) ;

– une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions (3°) ;

– plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice (4°) ;

– le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (7°) ;

– une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants (8°).

Sont également concernées les conditions de commission de l’infraction suivantes :

– lorsqu’elle est commise avec usage ou menace d’une arme (5°) ;

– lorsque la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique (6°) ;

– lorsqu’un mineur était présent au moment des faits et y a assisté (10°) ;

– lorsqu’une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes (11°).

Par ailleurs, l’article 222-29 punit de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende les agressions sexuelles commises sur une personne dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse ou résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur. En application de l’article 222-30, ces peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 euros d’amende dans sept circonstances aggravantes ([16]).

Enfin, en application de l’article 222-29-1, elles sont punies de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende lorsqu’elles sont commises sur un mineur de quinze ans.

  1.   Le régime répressif du viol défini aux articles 222-23 à 222-26-2
    1.   Un acte de pénétration sexuelle ou un acte bucco-génital

En application de l’article 222-23 du code pénal, le viol est défini comme tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco‑génital, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur, par violence, menace, contrainte ou surprise.

La loi vise largement « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit », c’est-à-dire que ce soit par le sexe de l’auteur du viol, par ses doigts ou autre membre, ou par tout objet et que ce soit dans le sexe, l’anus ou la bouche de la victime. Jusqu’à la loi n° 2018‑703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, le texte visait une pénétration sexuelle commise exclusivement sur la personne d’autrui. Il inclut désormais une pénétration sur la personne de l’auteur.

Par ailleurs, depuis la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, la qualification de viol s’applique également à « tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur », que cet acte implique ou non une pénétration.

Cet élargissement était issu d’un amendement de Mme Laurence Rossignol et de plusieurs de ses collègues lors de l’examen du texte au Sénat. Il visait à inclure dans la définition du viol les actes de cunnilingus qui, ne comportant pas nécessairement de pénétration, n’étaient pas sanctionnés comme viol, à la différence des actes de fellation. En effet, comme l’expliquait le rapport de la députée Alexandra Louis, un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, opérant une lecture stricte de la loi pénale, avait écarté la qualification de viol sur mineur au profit de celle d’agression sexuelle dans une affaire d’inceste au cours de laquelle l’auteur avait, de force, pratiqué un cunnilingus sur sa jeune victime ([17]). La loi soumettant la qualification de viol à l’existence d’une pénétration, les juridictions du fond d’abord, la Cour de cassation ensuite, avaient dû s’interroger sur l’introduction ou non de la langue de l’auteur dans le vagin de la victime et, à supposer cette situation établie, s’enquérir de la nature accidentelle ou intentionnelle de cette introduction afin de caractériser l’élément moral de l’infraction. S’il était ainsi constant, depuis des décennies, que la fellation constitue un viol puisqu’elle suppose l’insertion d’un pénis dans une bouche, il est tout aussi constant qu’un cunnilingus ou un anulingus ne l’est pas, car il est difficile de prouver qu’il aboutit à une pénétration et pratiquement impossible, le cas échéant, de démontrer que celle-ci a été exécutée intentionnellement. Considérant choquant cet arrêt de la Cour de cassation et estimant que se voir infliger sans son consentement un acte bucco-génital constitue un traumatisme majeur et une atteinte à sa personne qui puisse légitimement recevoir le qualificatif de viol, le législateur a donc décidé de modifier la définition du viol fixée par l’article 222-23 du code pénal pour sanctionner également les actes bucco-génitaux.

  1.   Les peines encourues

Le viol est puni de quinze ans de réclusion criminelle, voire de vingt ans en présence de certaines circonstances aggravantes précisées à l’article 222-24.

Les circonstances aggravantes du viol

En application de l’article 222-24 du code pénal, la peine encourue pour le crime de viol est aggravée dans certaines circonstances.

Plusieurs d’entre elles ont trait aux caractéristiques de la victime ou aux conséquences de l’acte sur celle-ci. La peine encourue est ainsi aggravée lorsque le viol a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (1°) ou lorsqu’il est commis sur :

– un mineur de quinze ans (2°) ;

– une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l’auteur (3°) ;

– une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l’auteur (3° bis) ;

– dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle (13°).

D’autres circonstances sont définies par les caractéristiques de l’auteur. La peine est ainsi aggravée lorsque le viol est commis par :

– un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait (4°) ;

– une personne qui abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions (5°) ;

– plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice (6°) ;

– le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité (11°);

– une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants (12°).

Enfin, les dernières circonstances sont déterminées par les conditions de commission de l’infraction ou par le mode opératoire utilisé par l’auteur. La peine est aggravée lorsque :

– le viol est commis avec usage ou menace d’une arme (7°) ;

– la victime a été mise en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation, pour la diffusion de messages à destination d’un public non déterminé, d’un réseau de communication électronique (8°) ;

– le viol est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d’autres victimes (10°) ;

– un mineur était présent au moment des faits et y a assisté (14°) ;

– une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son discernement ou le contrôle de ses actes (15°).

Les articles 222-25 et 222-26 prévoient deux autres niveaux d’aggravation de la peine de viol :

– le viol est puni de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’il a entraîné la mort de la victime ;

– le viol est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d’actes de barbarie.


  1.   Le dispositif proposé

La présente proposition de loi entend expliciter dans la lo le lien entre les éléments constitutifs de violence, contrainte, menace ou surprise et l’absence de consentement de la victime. Elle inscrit en outre les évolutions jurisprudentielles qui ont conféré une large portée à ces notions permettant de mieux caractériser le défaut de consentement et, ainsi, de mieux sanctionner les délits d’agression sexuelle et les crimes de viol.

L’article unique de la présente proposition de loi procède à plusieurs modifications dans le code pénal :

– il inscrit explicitement le défaut de consentement comme participant des éléments constitutifs centraux de l’incrimination de l’agression sexuelle et du viol ;

– il apporte des précisions sur cette notion de consentement et la manière dont il doit être apprécié ;

– il élargit enfin le champ des actes constitutifs de viol en y incluant tout acte bucco-anal et explicite que celui de l’agression sexuelle comprend les actes commis sur la personne de l’auteur.

  1.   L’explicitation du défaut de consentement comme élément central de la définition du viol et de l’agression sexuelle

● Le a du 1° de l’article unique modifie l’article 222-22 du code pénal qui fixe la définition pénale de l’agression sexuelle, s’appliquant ainsi aussi bien au viol qu’aux autres agressions sexuelles.

À l’élément constitutif du recours par l’auteur à la violence, contrainte, menace ou surprise pour commettre l’acte sexuel est substitué le défaut de consentement de la victime audit acte, tout en conservant ces quatre éléments qui sont réinsérés dans un nouvel alinéa et permettent de définir dans quels cas l’absence du consentement est caractérisée.

Ainsi, l’agression sexuelle serait dorénavant définie comme toute atteinte sexuelle non consentie et cette absence de consentement serait constituée si l’acte sexuel est commis notamment avec violence, contrainte menace ou surprise.

Dans son avis du 6 mars 2025, le Conseil d’État considère que la conservation dans le texte d’incrimination des notions de violence, contrainte, menace ou surprise permet de préserver les acquis jurisprudentiels. Il recommande en outre de supprimer le terme « notamment » qui introduirait une indétermination quant aux autres comportements répréhensibles, indétermination incompatible avec le principe de légalité des délits et des peines ([18]) . Il souligne que la jurisprudence judiciaire illustre la malléabilité des notions de contrainte ou de menace, considérant que la référence aux quatre termes existant permet de couvrir l’ensemble des situations et suggère comme alternative d’ajouter les termes « quelles que soient leurs natures ».

Comme elles l’expliquent dans l’exposé sommaire de leur proposition, les rapporteures considèrent en effet que « l’interprétation large des éléments matériels (violence, contrainte, menace, surprise) par les juges ne permet pas de couvrir un grand nombre de cas – sidération, situations d’emprise et de coercition, stratégies développées par certains agresseurs d’exploitation de la vulnérabilité des victimes ». Elles sont donc favorables à ces deux modifications proposées par le Conseil d’État, qui permettront de solidifier la rédaction proposée tout en clarifiant et en garantissant une interprétation suffisamment large de ces quatre notions par le juge. Elles proposeront donc de modifier en conséquence le sixième alinéa de l’article unique de la proposition de loi.

Les rapporteures souhaitent en outre expliciter, à l’article 222-22, que l’agression sexuelle est constituée que l’acte consenti soit commis sur la personne de l’auteur ou sur la personne d’autrui. Là encore, il s’agit d’une précision de nature interprétative.

● Le 2°du présent article procède à une coordination à l’article 222221 du code pénal, afin que la référence faite par cet article à la notion de contrainte renvoie non plus au premier mais au troisième alinéa de l’article 222-22.

● Le et les a et c du 4° procèdent quant à eux à des coordinations aux articles 222-22-2 et 222-23 du code pénal pour y intégrer, en miroir, la notion de non consentement et, s’agissant de l’article 222-23 qui définit l’infraction de viol, le terme « notamment » pour renvoyer aux éléments de violence, contrainte, menace ou surprise. Ainsi, le viol serait défini comme un acte non consenti commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur notamment par violence, contrainte, menace ou surprise.

Comme évoqué précédemment, les rapporteures proposeront la suppression du terme « notamment ». Elles suivront également la recommandation du Conseil d’État, selon laquelle il n’est pas utile d’opérer ces répétitions aux articles 222-22-2 et 222-23 puisque l’article 222-22 s’applique à l’ensemble des agressions sexuelles, dont le viol.

  1.   Le consentement est précisé dans ses caractères et dans la manière dont il doit être apprécié

Les cinquième et septième alinéa de l’article unique apportent en outre des précisions sur la notion de consentement.

Le consentement suppose qu’il ait été donné librement. Il doit en outre être spécifique et peut-être retiré avant ou pendant l’acte à caractère sexuel. L’appréciation de ce consentement doit tenir compte des circonstances environnantes, rappelant la nécessité de considérer dans leur ensemble les circonstances dans lesquelles intervient l’acte sexuel Le Conseil d’État relève que ce rappel doit notamment conduire à prendre en compte les réactions comportementales des victimes qui sont dans l’incapacité de manifester une résistance ou leur absence de consentement.

Dans cette même logique, la proposition de loi précise en outre que le consentement ne peut être déduit du silence ou de l’absence de résistance de la personne. Le Conseil d’État suggère de préciser que « le consentement ne peut se déduire du seul silence ou de la seule absence de résistance de la personne », afin de ne pas limiter l’appréciation du juge, y compris dans les cas où le silence gardé ou l’absence de résistance, articulés avec d’autres éléments circonstanciels, pourrait permettre de déduire le consentement de la personne. Conforme à leur ambition, cette modification sera également portée par les rapporteures.

Enfin, le septième alinéa ajoute que l’absence de consentement peut être déduite de l’exploitation d’un état ou d’une situation de vulnérabilité, temporaire ou permanente, de la personne, ou de la personne vis‑à‑vis de l’auteur. Ce faisant, la proposition de loi entend mieux tenir compte des cas où le mis en cause exploite les vulnérabilités d’une personne, voire les aggraves, dans une forme de stratégie de l’agresseur très souvent décrite par les victimes et les organisations féministes. Estimant cette formulation trop imprécise et considérant qu’elle s’articule mal avec certaines des circonstances aggravantes prévues par le code pénal, le Conseil d’État suggère de substituer à cet alinéa le qualificatif « éclairé » qui, appliqué, au consentement, appelle l’attention sur les capacités de la personne réputée avoir consenti, afin d’évaluer si-celle-ci sont limitées par une vulnérabilité, une manœuvre, l’empire d’une substance, ou tout autre moyen.

Au-delà de cette recommandation, que les rapporteures entendent également suivre, le Conseil d’État a confirmé la pertinence des qualificatifs « libre » et « spécifique » et suggéré de substituer à la formulation « peut être retiré avant ou pendant l’acte à caractère sexuel » les qualificatifs « préalable et révocable ».

L’appréciation du Conseil d’État sur les précisions relatives à la notion de consentement

Le Conseil d’État constate que chacun de ces termes est en soi porteur d’une richesse de signification donnant autant de points d’appui à des poursuites mieux adaptées aux nécessités de la matière :

- « préalable » impose du chef de l’auteur de renoncer à toute ambiguïté exploitant les circonstances et les incertitudes ; « révocable » impose une attention constante et écarte les manoeuvres visant à exploiter un consentement antérieur devenu inadapté ; le Conseil d’État relève que la révocation du consentement doit intervenir avant ou pendant l’acte et ne peut être postérieure à celui-ci ;

- « spécifique », comme indiqué plus haut rappelle l’autonomie du consentement pénal, marque la nécessaire adéquation du consentement aux circonstances de temps et de lieu, et enfin appelle une définition des actes sur lesquels il porte ;

« libre » renvoie aux exigences de la liberté personnelle, qui, comme l’énonce la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ;

- « éclairé » appelle enfin l’attention sur les capacités de celui qui est réputé avoir consenti, qu’elles soient limitées par une vulnérabilité, objet d’une surprise ou de manœuvre, sous l’empire de substances amoindrissant le discernement, ou tout autre moyen résultant d’une contrainte.

Source : Conseil d’État, avis n° 409241, 6 mars 2025.

Recommandant de porter ainsi à cinq le nombre de qualificatifs précisant la notion de consentement, le Conseil d’État estime que, de nature interprétative, ces précisions viendront « appuyer le travail des enquêteurs dans l’établissement des faits en invitant à qualifier le consentement à leur regard ».

Selon le Conseil d’État, la rédaction invite en effet à rechercher dans le comportement de l’auteur si celui-ci s’est assuré du consentement de l’autre. Comme le souhaitent les rapporteures, ces évolutions législatives permettront de mieux caractériser l’élément intentionnel et de mieux déceler les stratégies mises en place pour forcer un consentement. Elles estiment qu’ainsi « l’enquête ne devrait plus porter sur la seule victime, comme c’est le cas aujourd’hui, mais s’attacher à caractériser le faisceau d’indices qui permettra de saisir si le mis en cause a mis en place des mesures raisonnables pour recueillir le consentement de la victime » ([19]).

Conformément à l’intention des rapporteures, le Conseil d’État confirme que ces évolutions et l’inscription du défaut de consentement dans l’incrimination de l’agression sexuelle ou du viol ne créent pas de présomption de culpabilité : « il reviendra toujours à l’autorité de poursuite et à la juridiction de jugement d’établir, outre la matérialité des faits, l’élément intentionnel de l’infraction, c’est-à-dire la conscience chez le mis en cause d’avoir agi à l’encontre ou en l’absence du consentement de la personne ».

  1.   Conformément à la volonté du législateur en 2021, il est précisé que les actes bucco-anaux constituent également un viol

Lorsqu’en 2021, le législateur a étendu le champ de l’infraction de viol aux actes bucco-génitaux, il visait également les actes bucco-anaux, comme l’explique clairement la rapporteure du Sénat :

« Le Sénat a estimé que cette casuistique était peu adaptée à la réalité du ressenti des victimes, pour lesquelles un acte bucco-génital non consenti peut être tout aussi pénible et traumatisant qu’une pénétration. Le Sénat a en outre jugé difficilement défendable de maintenir une différence de traitement entre l’acte bucco-génital infligé à une victime masculine, qui pourra être qualifié de viol puisque le membre viril de la victime pénètre l’auteur, et l’acte bucco-génital imposé à une victime féminine qui peut se dérouler sans pénétration. Il s’est donc prononcé en faveur d’une modification de la définition légale du viol.

L’Assemblée nationale a approuvé cette mesure, sous réserve d’une modification rédactionnelle mineure. Dans son rapport, notre collègue Alexandra Louis considère que cette disposition couvre aussi les actes bucco-anaux, ce qui paraît conforme à l’intention du législateur, ces actes étant en tout état de cause généralement accompagnés d’actes bucco-génitaux ou de pénétration. » ([20]).

Toutefois, malgré l’intention du législateur, l’attention des rapporteurs a été attirée sur la persistance de difficulté d’interprétation sur ce point. Elles souhaitent donc insérer explicitement tout acte bucco-anal dans le champ des actes de nature à constituer un viol.

Dans son avis du 6 mars 2025, le Conseil d’État précise que, contrairement aux autres dispositions de la proposition de loi, cette extension du champ matériel de la définition du crime s’analyse en une disposition pénale plus sévère, qui ne serait applicable qu’aux faits commis postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi. Sur ce seul point , les rapporteures sont en désaccord avec le Conseil d’État, considérant en effet que, comme l’intention du législateur était parfaitement claire sur l’inclusion des actes bucco-anaux parmi les actes bucco-génitaux, l’insertion de ces termes par la présente proposition de loi n’a que pour portée de clarifier l’interprétation de la modification de l’article 222‑23 réalisée par la loi du 21 avril 2021 ([21]).

 

  1.   La position de la commission

La Commission a adopté six séries d’amendements identiques afin d’intégrer dans le texte l’ensemble des modifications recommandées par le Conseil d’État.

● Les amendements identiques CL54 des rapporteures, CL27 de Mme Legrain (LFI-NFP), CL33 de M. Gouffier-Valente (EPR), CL39 de Mme Bonnivard (DR), CL45 de Mme Thiébault-Martinez (SOC) et CL48 de M. Balanant (Dem) substituent les termes « acte sexuel » aux termes « atteinte sexuelle », afin de ne pas laisser place à une ambiguïté sur ce que pourrait être, a contrario, une atteinte sexuelle consentie.

● Les amendements identiques CL52 des rapporteures, CL8 de Mme Thiébault-Martinez, CL26 de Mme Cathala (LFI-NFP), CL32 de M. Gouffier-Valente, CL38 de Mme Bonnivard et CL47 de M. Balanant inversent l’ordre des termes « autrui » et « auteur » dans la nouvelle définition des agressions sexuelles proposée par la proposition de loi.

● Les amendements identiques CL53 des rapporteures, CL6 de Mme Thiébault-Martinez, CL34 de M. Gouffier-Valente et CL43 de Mme Bonnivard reformulent les deux premières phrases du cinquième alinéa, afin de clarifier et de synthétiser ces précisions relatives à la notion de consentement au travers de cinq qualificatifs :

– d’une part : « libre », « spécifique », « préalable » et « révocable », reformulant ainsi les éléments déjà contenus dans la rédaction initialement proposée ; 

– d’autre part : « éclairé », appelant ainsi l’attention sur les capacités de la personne qui est réputée avoir consenti, qu’elles soient limitées par une vulnérabilité, objet d’une surprise ou de manœuvre, ou encore sous l’empire de substance amoindrissant le discernement. Ce faisant, ce qualificatif satisfait l’objectif poursuivi par le septième alinéa qui est donc supprimé.

● Les amendements identiques CL55 des rapporteures, CL9 de Mme Thiébault-Martinez, CL18 de Mme Cathala, CL35 de M. Gouffier-Valente et CL40 de Mme Bonnivard précisent que c’est du seul silence ou de la seule absence de réaction que ne peut être déduit le consentement. Cette reformulation semble en effet nécessaire afin de ne pas limiter l’appréciation du juge, y compris dans les cas où le silence gardé peut, articulé avec d’autres éléments circonstanciels, permettre de déduire le consentement.

● Les amendements identiques CL56 des rapporteures, CL4 de Mme Thiébault-Martinez, CL28 de Mme Cathala, CL36 de M. Gouffier-Valente et CL57 de M. Balanant suppriment le terme « notamment », afin de ne pas introduire une indétermination quant à la définition d’autres circonstances de fait potentielles susceptibles de caractériser le comportement illicite de l’auteur. Pour toutefois souligner la diversité des situations pouvant être prises en compte au travers des quatre modes de réalisation de l’infraction que sont la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, ces amendements ajoutent les termes « quelles que soient leurs natures ».

● Les amendements identiques CL51 des rapporteures, CL29 de Mme Legrain, CL37 de M. Gouffier-Valente et CL50 de M. Balanant suppriment les alinéas 11, 13 et 15, afin de retirer la mention du défaut de consentement des articles 222‑22‑2 et 222‑23 du code pénal, puisque la définition prévue à l’article 222‑22, et modifiée par la présente proposition de loi, s’applique à l’ensemble des articles relatifs aux agressions sexuelles, qui comprennent aussi bien l’infraction de viol que les autres agressions sexuelles.

 

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Article 2 (nouveau)
Double rapport d’évaluation de la proposition de loi

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par la Commission à l’initiative de Mme Thiébault-Martinez (SOC) ([22]), prévoit la remise au Parlement de deux rapports d’évaluation de la présente proposition de loi.

Le présent article programme ainsi la réalisation, par le Gouvernement, d’une double évaluation de la présente proposition de loi : l’une dix-huit mois après sa promulgation, l’autre trois ans après.

Ces deux rapports évaluent notamment l’impact de la proposition de loi, d’une part, sur la proportion de plaintes déposées par rapport au nombre total d’agressions sexuelles et, d’autre part, sur la proportion des agressions sexuelles faisant l’objet d’une condamnation.

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Article 3 (nouveau)
Rapport évaluant les effets de la redéfinition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol sur le traitement judiciaire
des violences sexuelles

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article, introduit par la Commission à l’initiative de Mme Legrain (LFI-NFP) ([23]), prévoit un rapport évaluant les effets de la redéfinition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol sur le traitement judiciaire des violences sexuelles.

Ce rapport, réalisé par le Gouvernement, doit être remis au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente proposition de loi.

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   COMPTE RENDU DES DÉBATS

Lors de sa première réunion du mercredi 26 mars 2025, la Commission examine la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles (n° 842) (Mme Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton, rapporteures).

Lien vidéo : https://assnat.fr/AhP9vw

M. le président Florent Boudié. Cette proposition de loi, déposée le 21 janvier par Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton, est inscrite à l’ordre du jour transpartisan de la semaine prochaine.

De nombreux éclairages ont permis de préparer au mieux nos débats d’aujourd’hui. D’abord, une proposition de loi à l’objet similaire, déposée par nos collègues du groupe LFI, a été examinée par notre commission en novembre. Ensuite, la présente proposition a été rédigée à la suite des conclusions de la mission d’information menée par les deux rapporteures dans le cadre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (DDF). Enfin, nous bénéficions d’un avis du Conseil d’État.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. Nous avons parcouru un long chemin avant d’arriver à la rédaction de cette proposition de loi, et nous sommes fières et honorées d’en débattre avec vous.

Nos travaux ont été déclenchés par deux facteurs principaux. Le premier est un triple constat, alarmant : la criminalité sexuelle ne recule pas, un climat d’impunité perdure et la culture du viol demeure une réalité. Malgré les avancées législatives de 2018 et 2021, malgré l’allongement des délais de prescription, malgré les efforts de formation des forces de l’ordre et l’amélioration du recueil de la parole et de l’accompagnement des victimes, les chiffres révèlent toujours autant de drames personnels : toutes les deux minutes, une personne est victime de violences sexuelles, et huit victimes sur dix, hors cadre familial, ne portent pas plainte. Un quart ne le fait pas au motif que l’acte subi ne serait pas assez grave, un autre quart considère que déposer plainte ne servirait à rien.

Le second facteur est en lien avec le contexte européen. En mars 2022, la Commission européenne a présenté un projet de directive visant à lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, adopté en mai 2024. Dans notre pays, et plus largement en Europe, ce texte a relancé le débat sur la définition pénale du viol, opposant deux conceptions non exclusives l’une de l’autre : celle qui est fondée principalement sur le non‑consentement de la victime, et celle, que retient le droit pénal français, davantage centrée sur des éléments matériels – violence, contrainte, menace et surprise. Face à ce débat politique, juridique et sociétal, la DDF a décidé de lancer une mission d’information portant spécifiquement sur la question de la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.

Nous avons commencé nos travaux en décembre 2023 et auditionné près de quatre‑vingts personnes. Nous avons également approfondi plusieurs exemples étrangers, afin de disposer de points de comparaison pour remettre notre droit en perspective. Dans le rapport que nous avons publié, Marie-Charlotte Garin et moi partageons l’ensemble des constats et des pistes d’amélioration.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Sans résumer tout le rapport, je voudrais présenter les constats les plus intéressants pour éclairer notre débat.

Nous avons acquis la conviction que la loi doit être modifiée, car notre définition pénale du viol et des agressions sexuelles échoue dans ses trois grandes fonctions : dans sa fonction répressive, car elle ne permet pas de sanctionner les agresseurs ; dans sa fonction protectrice, puisque les victimes ne sont pas correctement protégées face à leurs comportements violents ; et dans sa fonction expressive, car notre droit n’incarne plus les valeurs de notre société et ne rend pas compréhensible l’interdit, pourtant suprême, de jouir du corps d’autrui sans son accord.

Personne n’a le droit d’accéder à l’intimité de quelqu’un sans son accord. Si nous voulons prétendre à une éducation à une vie relationnelle, affective et sexuelle respectueuse, affirmer clairement ce principe dans notre loi constitue un point de départ essentiel.

À ces constats sur l’écriture de notre loi pénale, j’ajouterai deux remarques. La première concerne la jurisprudence. Ainsi que nous l’avons écrit à la fois dans notre rapport d’information et dans celui que nous vous avons transmis lundi, nous considérons qu’elle est riche et a permis de faire considérablement progresser l’appréhension judiciaire des violences sexuelles. Toutefois, cette jurisprudence et l’interprétation que les juges font de la législation ne parviennent pas à combler le silence de la loi quant à la notion de consentement.

Cela me conduit à ma seconde remarque : malgré l’omniprésence de la question du consentement tout au long de la procédure judiciaire, la loi française reste silencieuse sur ce point crucial dans la définition du viol et des agressions sexuelles. L’absence de cette notion dans le code pénal ouvre la voie à des malentendus, voire à des instrumentalisations du consentement par les auteurs des agressions. Cette lacune législative contribue à entretenir des stéréotypes nuisibles – le fameux « vrai viol », qui serait nécessairement violent – et à entraver la prise en compte des circonstances particulières dans lesquelles sont commises les infractions sexuelles.

Voilà pourquoi, à l’issue de quatorze mois de travaux, nous pensons qu’une réforme législative est impérative.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. La rédaction que nous proposons vise à mieux protéger, à mieux réprimer et à dire plus clairement qu’un rapport non consenti est illégal, tout en respectant les grands principes de notre droit.

Une meilleure prise en compte du consentement permettra de mieux appréhender les vulnérabilités des victimes et les stratégies des auteurs pour vicier leur consentement.

Nous avons l’ambition d’éviter de faire du comportement, actuel ou passé, de la victime le cœur de l’enquête. Ce point était déjà au centre du débat en 1980, lorsque l’actuelle définition du viol a été votée, et il avait conduit les législateurs à préférer ne pas y introduire la notion explicite de consentement. Pourtant, c’est toujours le comportement de la victime qui est interrogé dans l’enquête judiciaire, et son absence de réaction jugée comme la présomption de son consentement. Nous souhaitons faire évoluer les investigations pour qu’elles se concentrent d’abord sur les agissements de l’auteur, au mépris de l’absence de consentement. L’enquête doit systématiquement porter sur les indices permettant d’évaluer si et par quelles mesures raisonnables le mis en cause a cherché à recueillir le consentement. En inscrivant clairement cette exigence dans la loi, nous fournirons aux juges un outil supplémentaire pour poursuivre davantage de mis en cause et mieux prendre en considération les stratégies des agresseurs.

Ce point nous semble essentiel. Je précise que la rédaction que nous proposons ne crée pas d’obligation positive de s’assurer d’une manière convenue du consentement d’autrui. Sinon, nous aurions défini le viol comme un acte de pénétration commis sans s’être assuré du consentement de l’autre. Ce n’est pas ce que nous souhaitons et ce n’est pas ce que nous avons fait. Nous ne changeons pas les éléments permettant de caractériser juridiquement l’infraction mais nous les complétons, pour les préciser et les clarifier, afin d’offrir aux juges davantage d’outils pour identifier, appréhender et qualifier les faits, au regard non seulement des quatre critères de violence, contrainte, menace ou surprise mais également de l’absence de consentement.

Ces précisions nous permettent en outre de consolider les acquis de la jurisprudence en les ancrant dans le marbre de la loi et de mieux prendre en compte la variété des situations, notamment les cas de sidération, de coercition ou d’emprise.

Pour atteindre ces objectifs, notre texte propose plusieurs évolutions dans le code pénal. D’abord, l’introduction de la notion de non-consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles permettra de marquer la frontière claire entre la sexualité d’un côté, et la domination et la violence de l’autre. Ensuite, l’apport de précisions relatives à cette notion permettra d’aiguiller le juge dans l’appréciation du défaut de consentement. Il s’agit notamment de préciser les cas dans lesquels le consentement ne saurait être déduit, notamment ceux de sidération, insuffisamment caractérisés dans la jurisprudence. Par ailleurs, la conservation des quatre critères de violence, contrainte, menace ou surprise est essentielle pour consolider les acquis de la jurisprudence et garantir la précision juridique de la définition des infractions. Enfin, nous rappelons que le consentement doit être apprécié au regard des circonstances environnantes. Par cette référence, qui concerne le travail du juge et des enquêteurs, il s’agit d’éviter que l’investigation soit uniquement centrée sur la plaignante et d’inciter à interroger davantage les agissements du mis en cause. En effet, il convient de toujours apprécier la validité du consentement à l’aune des vulnérabilités éventuelles de la victime.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Le 27 janvier, la présidente de l’Assemblée a décidé de saisir le Conseil d’État de la présente proposition de loi. Tout au long du mois de février, nous avons été associées aux travaux des deux rapporteurs du Conseil d’État, avec lesquels nous avons débattu des conséquences du texte pénal que nous proposons et travaillé à une écriture correspondant à nos objectifs. Cet exercice, particulièrement intéressant, nous a permis de confronter à nouveau la solidité de la modification que nous proposons non seulement à l’analyse juridique des membres du Conseil d’État, mais aussi aux questionnements pratiques des administrations concernées, auditionnées par les deux rapporteurs.

Avec l’avis du Conseil d’État, publié le 6 mars, et les travaux que nous avons conduits au sein de la DDF pendant plus d’un an, qui nous donnent une connaissance approfondie du contexte, notre débat est doublement éclairé. Le Conseil d’État a confirmé la pertinence juridique et technique de notre texte. Il a également formulé plusieurs recommandations pour consolider l’écriture que nous proposons, que nous comptons entièrement suivre. Un travail nourri a permis de trouver des points d’équilibre, tout en respectant l’intention du législateur.

Trois points de l’avis méritent d’être soulignés.

D’abord, le Conseil d’État considère que la conservation dans le texte d’incrimination des notions de violence, contrainte, menace ou surprise permet de préserver les acquis jurisprudentiels. Nous avions fait le même constat dès le début de nos auditions. Le Conseil recommande aussi de supprimer le terme « notamment », qui introduirait une indétermination quant aux autres comportements pouvant être réprimés. Compte tenu de l’incompatibilité du principe de légalité des délits et des peines avec l’adverbe « notamment », nous vous proposerons de supprimer ce terme pour préciser et sécuriser la définition des infractions d’agression sexuelle et de viol.

Ensuite, le Conseil d’État souligne que la jurisprudence judiciaire illustre la malléabilité des notions de contrainte ou de menace, considérant que la référence aux quatre termes existants permet de couvrir l’ensemble des situations. Il suggère d’ajouter la mention « quelles que soient leurs natures ». Nous confirmons la pertinence et la plasticité de ces quatre notions, mais nos travaux nous ont conduites à constater que l’interprétation faite par le juge ne permet pas toujours de couvrir tous les cas. Il nous semble donc absolument nécessaire de procéder à l’ajout proposé par le Conseil d’État : la formule « quelles que soient leurs natures » garantit une interprétation suffisamment large de ces quatre notions pour permettre à notre droit de saisir la variété des situations pouvant survenir. La rédaction ainsi proposée correspond à notre intention d’ouvrir les quatre critères de violence, de contrainte, de menace et de surprise tout en conservant les acquis jurisprudentiels qu’ils apportent.

Enfin, nous proposons plusieurs précisions qui visent à guider le juge dans son appréciation de la validité du consentement. Ce faisant, nous ne définissons pas le consentement, nous ne créons pas de nouvelle obligation pénalement réprimée et nous ne créons aucune présomption de culpabilité. Nous sommes très claires sur ces points depuis le départ, et le Conseil d’État les a confirmés. Les éléments avec lesquels nous complétons la loi serviront au juge d’appui, de boussole afin d’appréhender au mieux ces faits encore trop peu saisis par notre justice. Nous donnons ainsi des indications pour clarifier ce que peut être le consentement et ce qu’il ne peut pas être, en précisant notamment certains cas dans lesquels il ne saurait être déduit. Nos échanges avec le Conseil d’État ont été particulièrement fructueux en la matière. Ils nous ont permis de clarifier le sens précisément accordé à chaque qualificatif que nous souhaitions introduire et de simplifier notre formulation, afin de parvenir à la loi pénale la plus précise et claire possible.

Les amendements que nous vous proposerons découlent donc directement de l’avis du Conseil d’État. Nos échanges nous permettront de revenir plus en détail sur certains de ces sujets.

Nous sommes conscientes que la seule modification de la loi ne pourra pas répondre à l’ensemble des difficultés rencontrées par les victimes de viol, qui sont multifactorielles. Ce changement doit être soutenu par une formation approfondie des enquêteurs, des magistrats et des professionnels de santé sur les spécificités des violences sexistes et sexuelles, pour les auteurs comme pour les victimes, avec l’instauration de protocoles adaptés tout au long de la procédure. Nous devrons, en outre, collectivement rester attentifs aux moyens attribués à ces institutions, aux associations et à la prise en charge des victimes.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Sophie Blanc (RN). Cette proposition de loi a l’ambition de renforcer la répression des violences sexuelles en modifiant la définition du viol et des agressions sexuelles dans notre code pénal. Mais la méthode choisie est dangereuse et juridiquement contestable.

D’abord, cette proposition de loi bouleverse un équilibre fondamental du droit pénal. En supprimant la nécessité de caractériser la violence, la contrainte, la menace ou la surprise pour établir un viol ou une agression sexuelle, elle introduit une insécurité juridique.

Dans son avis du 6 mars, le Conseil d’État a rappelé avec force que le principe constitutionnel de légalité des délits et des peines impose une appréciation au cas par cas de chaque situation. En créant une définition trop large et imprécise, nous ouvrons la porte à une inflation contentieuse et à des décisions judiciaires aléatoires.

Si nous voulons garantir une justice efficace et crédible, nous devons nous attaquer au véritable problème. Nous devons garantir que les auteurs de violences sexuelles, en particulier lorsqu’ils s’en prennent à des mineurs, reçoivent des peines adaptées à la gravité de leurs actes et exécutées jusqu’à leur terme. Il est inacceptable qu’ils puissent bénéficier de remises de peine automatiques ou d’aménagements systématiques, qui nuisent à la protection des victimes. Lorsque nous avons proposé l’instauration de peines planchers, la gauche et la majorité présidentielle ont refusé de les voter. Pourtant, les récidives de criminels sexuels sont une réalité insupportable.

Nous devons mieux protéger les victimes les plus vulnérables. C’est l’objectif poursuivi par l’amendement déposé par notre groupe, qui précise que les infractions sexuelles doivent inclure les actes commis sur une personne dans l’incapacité de donner son consentement. Il paraît utile que la définition intègre les apports de la jurisprudence, qui prend en compte de longue date les situations dans lesquelles la victime est inconsciente, sous l’emprise de substances, ou en situation de handicap ou de dépendance. Il est essentiel de continuer à pleinement reconnaître ces circonstances pour assurer une répression efficace des crimes sexuels et une protection renforcée des victimes.

L’ajout que nous proposons lève toute ambiguïté et garantit que de tels actes seront systématiquement qualifiés comme des infractions sexuelles. Cette précision empêchera que des failles juridiques puissent être exploitées pour minimiser la gravité des crimes.

En complément, nous devons expulser systématiquement les étrangers condamnés pour viol et agression sexuelle. Là encore, à chaque fois que nous avons proposé cette mesure, la gauche et le bloc central s’y sont opposés.

Plus largement, la lutte contre les violences sexuelles doit s’accompagner d’un renforcement des moyens pour la justice et les forces de l’ordre. Il est incohérent de vouloir modifier le code pénal si les tribunaux manquent de moyens pour juger rapidement les criminels et si les victimes ne sont toujours pas accompagnées correctement.

Cette proposition de loi repose sur une approche théorique qui peine à prendre en compte la réalité des situations et les enjeux de la lutte contre les violences sexuelles. Elle ne protège ni les victimes, ni les innocents et contribue à affaiblir la justice en la rendant imprévisible.

Le Rassemblement national appelle à rejeter ce texte et à se concentrer sur des mesures efficaces : une justice ferme contre les criminels sexuels, la fin de l’impunité pour les récidivistes et les étrangers délinquants, et une véritable protection des mineurs. La protection des victimes mérite mieux que des bricolages législatifs aussi hasardeux qu’inefficaces.

M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). Le sujet que nous examinons ce matin est certainement l’un des plus graves de notre société et l’un des plus sensibles de notre droit pénal. Il déclenche des débats sociétaux et juridiques intenses depuis de longues années. Nous devrons garder à l’esprit notre volonté constante de garantir la meilleure protection possible des victimes et la plus grande sanction des auteurs. Nous ne devrons à aucun moment perdre de vue qu’il s’agit de notre société dans la profondeur de son intimité, dans ses préjugés, ses stéréotypes sexistes, ses inégalités structurelles entre les femmes et les hommes que nous ne pouvons plus accepter, dans ses violences les plus insupportables et destructrices. Ce sujet, c’est celui de la définition d’un crime, celui de la définition pénale du viol.

En France, toutes les deux minutes trente, une femme est victime d’un viol ou d’une tentative de viol. Les débats sont intenses mais nous partageons, je l’espère, le constat que nous devons renforcer nos outils pour lutter contre le viol, bien mieux protéger les victimes et sanctionner les auteurs. Cela passe par davantage de moyens et par une meilleure formation des professionnels, mais aussi par la définition du viol.

Cette définition a une histoire singulière. Elle est le fruit d’un long combat féministe que nous ne devons jamais oublier et dont nous devons transmettre la mémoire. Cela ne doit cependant pas nous empêcher d’avancer, et notamment d’apporter des réponses aux défaillances que nous observons. Dans les trois fonctions de cette définition – dans sa dimension répressive, c’est-à-dire de sanction des comportements, dans sa dimension protectrice pour la société et les citoyens, et dans sa dimension expressive, pour énoncer les valeurs essentielles d’une société – il y a des défaillances. Notre responsabilité est d’avancer dans chacune de ces dimensions si nous voulons sortir de la culture du viol dans laquelle nous sommes enfermés depuis toujours.

Quelques semaines après le procès dit de Mazan, qui aura été à bien des égards celui de cette culture du viol et qui aura eu un impact bien au-delà de nos frontières, nous devons tout faire pour passer à une culture du consentement. Cela implique l’introduction de cette notion dans la définition pénale du viol – une notion qui, comme le rappelle la magistrate Gwenola Joly-Coz, est au cœur de chaque procès : « Il n’y a pas une seule affaire de cour d’assises ou de cour criminelle départementale où l’on ne passe pas des heures à parler du consentement. » Nous devons mettre notre droit en conformité avec ce fait, et mettre fin à ce silence.

C’est tout le travail que vous avez conduit, mesdames les rapporteures, de manière transpartisane, sereine, sérieuse et approfondie. J’en salue la grande qualité. Cinq grandes orientations s’en dégagent, qui doivent guider l’approfondissement de la définition du viol. Vous les citez dans votre rapport : introduire la notion de non-consentement, conserver les quatre critères de la définition actuelle, apprécier l’absence de consentement au regard des circonstances environnantes, préciser les cas dans lesquels le consentement ne saurait être déduit, et enfin toujours garantir les grands principes de notre droit, parmi lesquels la présomption d’innocence et la charge de la preuve. Je sais, que vous nous apporterez des réponses, comme vous l’avez fait durant vos travaux.

Ces cinq orientations vous ont permis, après un an d’auditions, de confrontations d’idées et de rédaction, d’aboutir à cette proposition de loi. Cette dernière a été saluée par le Conseil d’État, qui a fait plusieurs recommandations pour en renforcer la sécurité juridique. À travers plusieurs amendements et conformément aux travaux que nous avons menés ensemble lors des auditions, nous proposons d’introduire ces recommandations par voie d’amendement.

Des doutes, des débats et des questions demeurent. Comme lors des auditions, ils doivent être abordés, afin de créer le rassemblement le plus large possible autour de ce texte. Cette proposition est grandement attendue par nos concitoyennes et nos concitoyens. Elle doit contribuer à construire une société davantage fondée sur le respect et l’écoute de l’autre, plutôt que sur la domination et la soumission.

Le groupe EPR soutiendra ce texte.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Lorsque j’aurai terminé mon intervention, une femme aura été agressée, car une tentative de viol ou un viol sont commis en moyenne toutes les deux minutes trente dans notre pays. L’affaire Pelicot l’a tristement rappelé, le viol est un crime de masse. Ces crimes sont-ils connus de la justice ? Sont-ils poursuivis ? Le préjudice des victimes est-il réparé ? La réponse est trop souvent non : seuls 15 % des 160 000 viols et tentatives de viol commis chaque année sont connus de la chaîne judiciaire, moins de 1 % sont condamnés, 94 % des plaintes pour viol sont classées sans suite. Laisser la justice dysfonctionner ainsi, c’est manquer de reconnaissance pour les victimes. C’est leur dire : « Votre viol n’existe pas aux yeux de la société. Il ne sera ni reconnu, ni traité, ni réparé. » C’est inacceptable.

L’une des explications vient d’un manque dans notre droit pénal, rappelé par les Nations unies et la Cour européenne des droits de l’homme en 2023 : la définition du viol héritée de la loi de 1980 repose sur quatre critères matériels mais omet le consentement, reconnu pourtant par la jurisprudence depuis le XIXe siècle. C’est cette notion, définie de manière féministe comme un accord spécifique, libre, révocable et enthousiaste, qui permet de distinguer la sexualité de la violence.

C’est parce que nous, les Insoumis, écoutons les professionnels, les syndicats et les associations, que nous avons été les premiers à proposer d’intégrer la notion de consentement à la définition du viol lors de notre niche parlementaire de novembre. Nous le savons, cela ne suffira pas. La culture du viol est un problème transversal et profondément ancré dans notre société. Le droit pénal n’y mettra pas fin. Mais la loi a une vertu pédagogique, et fait sa part du travail.

Il nous faudra aussi agir sur tous les fronts de la culture patriarcale. Or les gouvernements successifs empêchent toute évolution significative, en se contentant de réformes à coût zéro. Pas un seul nouvel euro n’est consacré à la justice, à l’éducation à la sexualité, à l’accompagnement des victimes ou à la lutte contre la récidive des auteurs.

La loi de 2001 qui prévoit une éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle n’est toujours pas appliquée. À peine 15 % des élèves suivent ces cours pourtant obligatoires depuis vingt-quatre ans. Les associations chiffrent à 2,7 milliards par an les besoins pour lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles. Nous avons déposé les amendements nécessaires dans le projet de budget, afin par exemple que les femmes soient mieux accueillies en commissariat, que les gendarmes et les policiers soient mieux formés, que les recrutements de magistrats soient renforcés. Nombreux ont été adoptés en commission dans notre assemblée, mais ils ont ensuite été balayés par le 49.3 de M. Bayrou.

Ces limites n’enlèvent rien à la nécessité d’approuver la proposition de loi, et d’abord pour éviter les enquêtes de crédibilité des victimes, cette odieuse pratique qui consiste à évaluer si la victime a crié assez fort et s’est assez débattue, et qui oublie les vulnérabilités, l’emprise, la sidération ou l’inconscience pour en déduire un consentement tacite profitant à l’accusé. La victime a-t-elle, à un moment, désiré l’agresseur ? Quelles sont ses pratiques sexuelles ? Combien de partenaires a-t-elle eus auparavant ? La justice n’a pas à le savoir pour qualifier un viol. Elle sera invitée désormais à se focaliser non pas sur le comportement de la victime, mais sur celui du mis en cause, pour déterminer s’il a eu l’intention d’outrepasser le non-consentement et s’il a tâché de recueillir le consentement de la victime.

Une autre vertu de cette loi est qu’elle permettra enfin au droit français d’être conforme à la convention d’Istanbul sur les violences sexuelles, que la France a ratifiée en 2014 et qui prévoit, dans son article 36, que « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes ».

Cette loi sécurisera les avancées de la jurisprudence, qui reconnaît de longue date le consentement. Elle apportera une sécurité juridique aux plaignantes, pour l’heure exposées à un flou interprétatif qui ne peut leur être que préjudiciable. Et, malgré ce que peuvent déclarer ses contradicteurs, elle ne remet pas en cause la présomption d’innocence et conserve la recherche de l’élément moral. Les nouvelles dispositions ne suppriment pas les anciennes : il conviendra toujours de démontrer l’intention de l’accusé de violer, en s’appuyant sur la matérialité des faits.

Pour tout cela, nous voterons pour ce texte. Et au Rassemblement national, qui a profité de ce débat pour user de ses arguments racistes, je rappelle que dans l’affaire Pelicot, dans l’affaire Bétharram, dont il ne parle jamais, dans l’affaire Le Scouarnec, les mis en cause ne sont pas des étrangers.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). « Le drame de cette attitude c’est que, qu’on le veuille ou non, nous sommes acculées, nous, plaignantes, à devenir accusées, à essayer de vous démontrer que, mais non !, nous n’avons pas consenti. Alors, si vous n’avez pas consenti, expliquez-vous là-dessus, sur ce geste, sur ce regard, sur cette attente, sur ce délai que vous avez mis pour déposer plainte. Bref, le procès n’est plus le même. Les plaignantes deviennent des accusées, et elles doivent prouver qu’elles n’ont pas consenti. » Ces mots sont ceux de Gisèle Halimi, prononcés à Aix-en-Provence en 1978. Grâce à eux, le viol fut reconnu, deux ans plus tard, comme un crime.

À l’époque, le législateur choisit d’écarter la notion de consentement, jugée trop subjective. Il craignait que le débat se concentre sur le comportement des victimes plutôt que sur l’acte criminel lui-même. Plus de quarante ans plus tard, l’objectif premier de la proposition de loi que nous examinons est de s’attaquer à ces viols et agressions sexuelles, qui sont encore trop nombreux et insuffisamment condamnés.

Seuls 14 % des faits de viol traités par les forces de l’ordre franchissent la frontière symbolique des commissariats pour aller devant la justice. Le taux de classement sans suite est vertigineux : 94 % en 2020 pour les viols. Ces chiffres de la honte révèlent un problème structurel de notre système juridique et policier.

Pour ses défenseurs, l’introduction du consentement dans la définition pénale du viol permettrait de combler certaines lacunes de notre droit et de mieux appréhender des situations spécifiques comme l’état de sidération de la victime, les viols sous emprise d’alcool ou les agressions durant le sommeil. Ce changement permettrait aussi d’aligner notre droit avec les exigences de la convention d’Istanbul, que la France a ratifiée en 2014. Le Conseil d’État a rappelé que la définition actuelle du viol, telle qu’interprétée par la jurisprudence, satisfaisait déjà ces deux exigences.

Autre argument, l’intégration du consentement dans la loi viserait à envoyer un message fort à la société, afin d’encourager le développement d’une véritable culture du consentement. Pourtant, et je le dis en tant que féministe engagée depuis de nombreuses années sur cette question, cette réforme soulève de profondes inquiétudes chez les avocats, les magistrats et les associations qui accompagnent les victimes.

En l’état en effet, la lettre de notre code pénal se concentre sur la volonté de l’auteur d’imposer une relation sexuelle. Cette proposition de loi réorienterait l’attention des juges – et, à travers eux, de la société tout entière – vers le comportement de la victime. Celle-ci serait ainsi placée sur le même plan que son agresseur, puisque la loi laisserait entendre que c’est l’attitude de la victime, et non l’acte du violeur, qui permet la qualification du viol.

Enfin, sur le plan symbolique, cette réforme sèmerait la confusion : une victime pourrait se convaincre qu’elle a consenti, simplement parce que cette notion est floue et subjective. Un oui n’est pas toujours un oui, d’ailleurs : un consentement extorqué sous la contrainte, la peur ou la sidération ne saurait être assimilé à un accord. Même si cette proposition de loi précise que le consentement doit être libre et éclairé, certaines situations démontrent que des individus peuvent consentir à des actes inadmissibles ; ce n’est pas pour autant que ces actes doivent être tolérés.

Comme nous l’avions souligné lors de la publication du rapport, aucune étude d’impact, aucune expérience internationale ne permet d’affirmer que ce changement garantira la reconnaissance de ce crime de masse dont sont victimes les femmes. Le Conseil d’État le souligne : il n’existe pas d’enseignement clair à tirer des réformes menées dans d’autres pays européens.

Même si l’opinion semble souhaiter ce changement, le mouvement féministe est loin d’être unanime ; on compte dans chaque camp, pour ou contre, des organisations dont la légitimité n’est pas à démontrer.

L’absence de moyens donnés à la justice est l’éléphant au milieu de la pièce, et nous espérons tous que ces débats permettront d’y apporter des réponses concrètes.

La loi pénale peut-elle répondre à une attente forte de l’opinion ? Peut-elle changer les valeurs de notre société et reléguer dans les caves de l’histoire la culture du viol ? C’est le pari que vous décidez de prendre.

Au vu de toutes ces incertitudes, notre groupe a choisi d’opter pour la liberté de vote, afin que chacune et chacun puisse exprimer son intime conviction.

Mme Émilie Bonnivard (DR). Je ne reviens pas sur les constats développés par les rapporteures. Cette proposition de loi précise que le consentement est libre, spécifique et révocable. Elle vise explicitement à rendre la loi pénale plus expressive en affirmant que le viol est un acte sexuel non consenti. C’est un progrès véritable en matière de respect de l’intégrité physique et psychique des femmes dans l’inconscient collectif, donc en matière de respect de l’égalité, principe fondamental de notre droit. Cette révolution mettra bien sûr du temps à infuser dans notre société.

La proposition de loi vise à répondre aux lacunes actuelles du code pénal, qui repose principalement sur la caractérisation d’éléments « matériels » du viol – violence, contrainte, menace, surprise. Malgré une jurisprudence qui permet, en creux, de rechercher le consentement à chaque moment de la procédure, et qui comprend de façon large les notions de contrainte et de menace, la loi actuelle reste fragile et son application peut différer suivant les juridictions. La proposition de loi permettra de faire positivement ce que le droit actuel ne fait pas : couvrir au mieux la totalité des cas de viol, par exemple effectués alors que la victime se trouve en état de sidération ou encore dans une situation de vulnérabilité ou d’emprise psychologique.

En revanche, elle ne permettra pas de répondre totalement à la fragilité intrinsèque des jugements pour viol ou agression sexuelle : la difficulté à établir les faits dans le respect de la présomption d’innocence, puisque les éléments matériels manquent dans la majorité des cas pour des faits qui se déroulent le plus souvent dans l’intimité, à l’abri des regards. Ces procès se font souvent parole contre parole.

Cette loi ne sera pas une baguette magique, et il serait hypocrite de lui demander de faire ce qu’elle ne pourra de toute façon pas faire seule. Mais elle couvrira des cas qui ne le sont pas aujourd’hui, ne serait-ce que tous ceux, nombreux, où la défense dit que « elle n’a pas dit non », « elle n’a rien dit », « elle ne s’est pas opposée », « je ne pouvais pas savoir ». Cette défense ne pourra plus être utilisée par les agresseurs.

Contrairement à Mme Thiébault-Martinez, je pense que ce changement de la loi déportera vers l’auteur présumé une partie des questions qui sont aujourd’hui adressées à la victime. Comment a-t-il recherché le consentement ? Les juges devront l’interroger sur ce point.

Le groupe Droite républicaine a été rassuré par le Conseil d’État sur deux points. D’une part, nous nous inquiétions d’un passage de la présomption d’innocence à une présomption de culpabilité parce que l’auteur n’aurait pas recherché de manière explicite, voire contractuelle, le consentement de la personne. Il est clair que l’absence de consentement ne doit pas être interprétée comme une présomption de culpabilité pour l’auteur présumé. D’autre part, le Conseil d’État indique qu’il ne sera pas question de demander une quelconque contractualisation : il reviendra toujours à l’accusation d’établir l’élément intentionnel. L’inscription de la notion de non-consentement, et non de celle de consentement, nous protège de cet écueil.

Nous voterons, pour l’essentiel, ce texte, avec plusieurs amendements proposés.

Mme Sandra Regol (EcoS). Les récentes affaires de soumission chimique ou le procès des viols de Mazan, qui ont agité les conversations des Françaises et des Français – et au-delà, puisque le procès Mazan est devenu emblématique dans le monde entier –, ont placé la question du consentement au cœur du débat. Comment consent-on ? Comment ne consent‑on pas ? Il nous revient, en tant que législateur, d’apporter des réponses à cette faille de notre droit.

Cette notion est difficile à traduire en termes juridiques. Il y a une jurisprudence, c’est vrai, mais cela veut dire aussi que selon l’endroit où vous habitez, la justice n’est pas rendue de la même manière. C’est ce qui a conduit une majorité de la représentation nationale à voter la proposition de loi défendue par Aurore Bergé qui visait à appliquer la jurisprudence de façon plus uniforme sur l’ensemble du territoire afin de faire avancer les droits des femmes.

Nos débats de ce matin sont l’aboutissement d’un long travail, pour moi comme sans doute pour beaucoup d’entre vous. Il faut trouver le juste moyen de traduire cette nécessité dans notre droit.

Nous savons toutes ce que veut dire ne pas consentir ; nous avons de ces situations une compréhension aiguë, viscérale. Exprimer le consentement de façon aussi viscérale est plus compliqué : il existe des oui qui n’en sont pas, des oui polis, des moments de sidération, une attitude qui n’est pas celle que l’on voudrait – mais nous savons aussi ce que veut dire consentir.

Trouver les mots justes est donc difficile. Comment permettre à chaque petite fille, dès son plus jeune âge, de dire qu’elle n’a pas envie d’être touchée, pas à ce moment, pas de cette façon ? Comment apprendre à tous les petits garçons, dès leur plus jeune âge, qu’ils peuvent dire que toucher leur corps n’est pas un dû ? Car il est vrai qu’on ne demande pas aux petits enfants s’ils veulent bien qu’on les embrasse, qu’on les étreigne, qu’on les porte : on le fait, on s’approprie leur corps, particulièrement celui des petites filles, et ce faisant on leur dit que leur consentement ne compte pas.

Cette proposition de loi vise à expliquer à toute la société, grâce au droit, que le consentement peut et doit s’exprimer, que nous en avons toutes et tous le droit.

Merci aux deux rapportrices pour leur long travail d’écoute. Elles ont entendu tous ces questionnements, toutes ces craintes, et elles ont travaillé non pas sur la définition du consentement, qui était très complexe, mais sur la définition de ce que n’est pas le consentement, afin que chacun et chacune puisse se l’approprier et se demander comment la traduire en droit. C’est un travail difficile et celles ont su répondre aux attaques contre leur projet. Je les remercie aussi d’avoir sollicité le Conseil d’État.

J’ai entendu que cette proposition de loi risquait de fragiliser les victimes et les procédures. Mais la police et la justice disent le contraire ! Cette proposition renverse la charge de la preuve. Depuis combien d’années les féministes répètent-elles que la honte doit changer de camp ? C’est ce que fait cette proposition de loi : le devoir de prouver change de camp. Oui, c’est l’agresseur qui doit prouver qu’il a obtenu le consentement.

Alors c’est vrai, il faudra plus de moyens, mais donnons-nous au moins cet outil.

M. Erwan Balanant (Dem). L’introduction du consentement ou du non-consentement dans la définition des agressions sexuelles est avant tout une question de société. Doit-on nécessairement y répondre dans le code pénal ? C’est tout le sujet de notre débat.

Une majorité de professionnels du droit, ainsi qu’une partie des associations féministes, s’accordent à dire que l’ajout de la notion de consentement dans la définition pénale des agressions sexuelles, et donc du viol, ne sera pas un ressort suffisant pour modifier la pratique des juridictions. Ces dernières tiennent en effet déjà compte du consentement, ou de son absence. La Cour de cassation, dans son contrôle des notions d’agression sexuelle et de viol, fait déjà du consentement la pierre angulaire de ses vérifications : elle comprend l’absence des quatre notions que sont la violence, la contrainte, la menace et la surprise comme une définition en creux du consentement. Le Conseil d’État a par ailleurs considéré dans son avis que « la définition actuelle de l’agression sexuelle telle que mise en œuvre par la jurisprudence satisfait aux exigences de la convention dite convention d’Istanbul ».

Il n’en demeure pas moins, le groupe Les Démocrates rejoint les rapporteures sur ce point, que la définition actuelle des agressions sexuelles ne peut être maintenue et qu’il faut intégrer au droit la notion de consentement ou de non-consentement. La loi pénale a une fonction expressive, comme aimait à le rappeler Robert Badinter, qui considérait que « la loi exprime, par les sanctions qu’elle édicte, le système de valeurs d’une société ».

Nous devons adopter une définition claire et pédagogique, mais aussi à même de protéger. Or, celle qui nous est proposée soulève quelques inquiétudes. Son exhaustivité risque de se révéler contre-productive, en permettant à la défense des interprétations a contrario préjudiciables aux victimes. Nous prenons le risque que les débats ne portent plus sur l’intention de l’auteur, mais sur le comportement de la victime : c’est déjà trop souvent le cas aujourd’hui, n’aggravons pas cette situation. Si l’on en vient à définir un crime par l’attitude et le comportement de la victime, on prend le risque de faire son procès plutôt que celui du mis en cause. Une définition plus simple de ces infractions nous éviterait de tomber dans cet écueil.

Par ailleurs, les termes retenus par le Conseil d’État soulèvent des interrogations. Je pense notamment aux mots « spécifique » et « révocable », qui me semblent manquer de précision et ouvrir la voie à une jurisprudence dissonante et fluctuante. Plus largement, si les termes « libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable » retenus par le Conseil d’État devaient être maintenus, peut-être pourrions-nous envisager une ossature plus claire.

Nous devons trouver un équilibre. Le texte que nous écrirons doit conserver l’architecture que nous connaissons et éviter une écriture trop floue ou trop complexe qui laisse penser aux victimes que les agressions sexuelles n’étaient pas condamnées auparavant par les juridictions, et aux auteurs que les actes qui étaient condamnés ne le sont plus.

En tout état de cause, le groupe Les Démocrates vous remercie d’inscrire ce sujet à l’ordre du jour de notre assemblée. Nos débats devront être sérieux, riches et éclairés pour aboutir à une définition qui prenne en compte les évolutions de la société tout en conservant la sécurité de notre définition actuelle.

M. Didier Lemaire (HOR). L’ampleur des violences sexuelles est alarmante et inacceptable. Le législateur ne peut rester indifférent face à cette réalité brutale qui fait plus de 270 000 victimes par an, en immense majorité des femmes. Le groupe Horizons & indépendants est profondément préoccupé par ce fléau qui mine notre société et porte atteinte à la dignité des victimes comme à l’intégrité de leur corps.

La libération de la parole ces dernières années a permis une prise de conscience collective, mais elle a aussi révélé l’insuffisance de notre système judiciaire. Le fait que 6 % seulement des victimes osent porter plainte est un échec cuisant pour notre société. Nous devons agir pour restaurer la confiance des victimes envers nos institutions et leur assurer qu’elles seront entendues et protégées.

Le taux effarant de 94 % de classements sans suite pour les affaires de viol est une injustice flagrante qui ne peut plus durer. Chaque victime mérite que justice soit rendue ; chaque agresseur doit être reconnu responsable de ses actes.

Je remercie Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton pour leur travail sérieux, ni dogmatique ni caricatural. Lors de la discussion d’une précédente proposition de loi sur le sujet, nous avions appelé de nos vœux un approfondissement de ce sujet ô combien complexe et grave. Les rapporteures font œuvre utile en permettant à nouveau à l’Assemblée nationale de se prononcer sur la question de la définition pénale du viol. Les changements proposés sont importants, certes, mais le Conseil d’État estime que le texte n’induit ni présomption de culpabilité, ni renversement de la charge de la preuve. C’est une objection majeure qui est ici levée.

Nous devons toujours modifier la loi d’une main tremblante, et c’est encore plus vrai s’agissant d’un sujet aussi grave et lourd de conséquences humaines. Nous nous réjouissons donc que de nombreux amendements aient été déposés. Nous pourrons ainsi aiguiser nos avis et confronter nos points de vue, afin d’aboutir à une solution aussi équilibrée que possible. Notre groupe y prendra toute sa part.

Mme Martine Froger (LIOT). Je salue le travail sérieux et de qualité mené par Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin. C’est la deuxième fois que notre commission a l’occasion de faire évoluer la définition pénale du viol et d’y inclure le consentement. En novembre dernier, nous n’avions pas voté le texte de Sarah Legrain ; je ne peux qu’espérer que cette nouvelle tentative trouvera une issue favorable.

Il est grand temps que notre assemblée se saisisse de la question du consentement. Qui peut sincèrement croire que notre système pénal défend efficacement les femmes victimes d’agression sexuelle ? Combien de temps, combien de victimes laissées de côté avant que notre parlement ne se décide à légiférer ?

Votre texte suscite beaucoup de débats. Vos opposants les plus fermes lancent même l’alerte en parlant d’un « piège du consentement ». Pourtant, notre droit est pavé de consentements : nous devons donner notre consentement à chaque étape de notre journée ; il est partout, sauf dans la définition pénale des agressions sexuelles. Cela devient choquant. Il est temps d’intégrer cette notion à notre droit.

Le droit ne protège pas efficacement les victimes, comme en témoigne le taux de classement sans suite de 94 %. Votre texte est très attendu et permettra de réprimer toutes les atteintes sexuelles non consenties.

L’ajout proposé va indéniablement dans le bon sens mais reste largement perfectible. Le groupe LIOT est favorable à la réécriture suggérée par le Conseil d’État, limpide et précise, selon laquelle le consentement doit être libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Nous espérons que le débat parlementaire permettra d’améliorer le texte.

Nous alertons aussi sur la nécessité de peser le choix de chaque mot et de suivre l’ensemble des recommandations du Conseil d’État, afin d’assurer la solidité juridique du texte. Par le passé, des définitions inadéquates ont eu des conséquences substantielles pour les victimes, notamment la censure en 2012 par le Conseil constitutionnel du délit de harcèlement sexuel, qui a stoppé net de nombreuses poursuites. Les enjeux sont trop importants pour prendre le risque de l’inconstitutionnalité qui naîtrait d’une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines.

Au-delà de cette réserve, je soutiendrai cette proposition de loi. Notre droit permettra ainsi de rendre justice aux femmes. Ce doit être un premier pas : ce changement ne suffira pas à aider les femmes à parler, à éviter des classements sans suite ou à obtenir une condamnation ferme. Il faudra des évolutions plus profondes de l’ensemble des pratiques afin que le système judiciaire soit enfin du côté de victimes.

Mme Émeline K/Bidi (GDR). Je remercie les deux rapporteures pour leur travail et surtout pour leur méthode. Même sur des textes transpartisans, cette volonté d’entendre les craintes de chacun pour avancer est assez rare pour être soulignée.

Nous l’avons tous dit, notre système présente des carences incompréhensibles – le peu de plaintes, le peu de procès, le nombre très important de classements sans suite, le fait que si peu de victimes soient reconnues comme telles et reçoivent une réparation.

Pourquoi ces chiffres effarants ? Cela tient-il aux conditions d’accueil, au manque de preuves ? Devons-nous légiférer sur le consentement ? Nous l’avons déjà fait en portant l’âge de majorité sexuelle à 15 ans : il s’agissait déjà à l’époque de consentement.

Cette proposition de loi permettra-t-elle des changements profonds ? Je l’espère, mais j’en doute. Permettra-t-elle davantage de condamnations ? Ce n’est pas sûr. Certes, on entend encore des défenses du type « elle n’a pas dit non » et « je ne pouvais pas savoir », mais cela suffit-il à éviter la condamnation ? Dans l’affaire Pelicot, ceux qui ont osé utiliser ces arguments n’ont pas convaincu leurs juges.

Cette loi évitera-t-elle aux victimes de longs interrogatoires, des questions déplacées ou malaisantes sur leur consentement ? Probablement pas : dans notre système inquisitoire, pendant de la présomption d’innocence, il est nécessaire de rechercher si le suspect a obtenu le consentement, mais également si la victime avait manifesté son non-consentement. Il y va de la manifestation de la vérité et de la nécessité pour les juges et les jurys de se forger une intime conviction.

Cette proposition de loi implique-t-elle une modification profonde de notre droit ? Certains lui prêtent pour conséquence que la honte changera de camp, que l’adversaire devra prouver seul que la victime avait consenti. Nous irions ainsi vers un renversement de la charge de la preuve. Pour en avoir discuté avec les rapporteures, je sais que cela n’est pas le cas, mais si certains le pensent encore, cela signifie que la rédaction actuelle du texte laisse subsister un doute et que nous devons la retravailler.

Nous peinons encore à saisir toutes les conséquences de cette proposition de loi. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il faut encore en améliorer la rédaction.

Mme Sophie Ricourt Vaginay (UDR). Disons-le d’emblée : la lutte contre les violences sexuelles mérite tout notre engagement et je crois pouvoir dire que personne ici ne le conteste.

Nous devons protéger les victimes avec fermeté, mais sans jamais céder sur les fondements de notre justice pénale. Or, cette proposition de loi soulève des inquiétudes majeures ; nous risquons de basculer vers une justice de l’intime conviction où la parole seule tiendrait lieu de preuve et où l’accusé serait implicitement présumé coupable. Ce n’est pas notre conception de l’État de droit.

La première inquiétude qui persiste est évidemment celle de la charge de la preuve. Depuis toujours, en France, c’est à l’accusation de prouver l’infraction, pas à l’accusé de prouver son innocence. En construisant le viol uniquement autour du non-consentement, sans exiger de preuve matérielle, on inverse quoi qu’on en dise cette logique. On met l’accusé dans une situation impossible : devoir prouver qu’il avait le consentement. Comment, avec quoi, par quels moyens ?

La deuxième inquiétude persistante concerne la présomption d’innocence. C’est un principe constitutionnel : elle n’est pas négociable. Mais dans ce texte, on laisse entendre que l’absence de oui clair pourrait suffire à caractériser une infraction. Si le doute ne bénéficie plus à l’accusé, alors la justice française disparaît, pour laisser place à la justice de l’émotion.

La troisième inquiétude concerne la remise en cause du doute raisonnable. La justice pénale ne condamne pas sur des impressions : elle exige des preuves, des faits, des éléments concrets, et le doute raisonnable doit toujours profiter à l’accusé, même dans les affaires les plus sensibles.

Oui, nous devons nommer les choses ; oui, nous devons faire avancer le droit ; mais nous ne pouvons pas sacrifier les piliers de notre justice pour des effets symboliques. Notre responsabilité de législateur, c’est de protéger les victimes en même temps que les libertés, car l’un ne va pas sans l’autre.

Je note que la gauche, qui à longueur de temps brandit nos principes fondamentaux à des fins dogmatiques ou politiques, n’hésite pas à les malmener quand ils dérangent son militantisme.

En l’état, le groupe UDR ne votera pas ce texte, au nom du droit, de l’équité et de la justice républicaine.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Stéphane Mazars (EPR). Je souscris à l’impérieuse nécessité de trouver les moyens de mieux poursuivre et condamner les auteurs de violences sexuelles : trop de plaintes restent aujourd’hui sans suites. Je reconnais aussi l’intérêt de disposer, dans notre droit pénal, d’une définition pédagogique des infractions sexuelles, car la culture du viol imprègne encore les relations hommes-femmes dans notre société.

Par contre, je suis encore dubitatif sur la capacité de votre proposition de loi à répondre au moins au premier de ces objectifs, même si je sais que c’est votre intention.

La notion de consentement est déjà présente dans les débats judiciaires. Lorsqu’on enquête sur la violence, la contrainte, la menace ou la surprise, elle est déjà abordée, et constitue d’ailleurs souvent un argument de défense pour les personnes mises en cause. Laisser penser que la nouvelle définition permettra enfin de mieux enquêter sur cette notion pourrait mener à des désillusions – à moins que l’on ne fasse désormais peser, en pratique, sur la personne mise en cause la charge de la preuve. C’est pour moi une source d’inquiétude, même si je sais que le Conseil d’État écarte ce risque dans son avis : je ne suis pas certain que le Conseil constitutionnel appréciera le texte de la même façon.

Intégrer le consentement dans la définition du viol, c’est aussi définir l’infraction non plus sur le fondement du seul comportement de l’auteur, mais sur celui de la victime. Je crains que cette discussion ne se fasse finalement au détriment des plaignantes.

Et comment appréhender cette notion ? Quid de la théorie des vices du consentement, de la capacité à consentir, de la rétractation, du repentir ? Il est aussi erroné de laisser penser que la référence aux circonstances environnantes est une avancée : c’est déjà la pratique des enquêteurs et des juges.

Mme Karine Lebon (GDR). Ma position quant à l’inscription du non‑consentement dans la loi a évolué. Engagée depuis plusieurs années au sein de l’Union des femmes réunionnaises, je sais à quel point le combat mené par les femmes qui osent porter plainte pour viol ou agression sexuelle est difficile, d’autant que la majorité se bat contre un conjoint, un ami, un père. L’idée de leur imposer la charge de prouver leur non-consentement ne m’était pas acceptable et le risque de renversement de la charge de la preuve était trop grand.

Puis vous avez mené de nombreuses auditions et nous avons longuement échangé. J’ai moi-même fait mes recherches. Merci pour tout cela, car j’ai ainsi pu affiner ma position.

Évidemment que ce texte est utile ! À quoi servirions-nous, à quoi serviraient notre travail et celui de nos équipes si la loi ne servait pas aussi à faire changer les mentalités ? Plusieurs magistrats nous l’ont dit : cette proposition de loi aura à tout le moins une fonction expressive. Elle permettra de dire à la société qu’un non est un non, qu’un silence est un non, qu’un état comateux est un non, qu’une minijupe ou un verre de trop n’est pas un oui. Un oui ne s’interprète pas : il faut en finir avec les « qui ne dit mot consent », « elle n’a pas vraiment dit non », « je pensais que cela voulait dire oui », « elle n’a rien dit ».

Certains magistrats voudraient nous faire croire que le sexisme et les clichés n’existent pas au sein de la justice française : ne soyons pas naïfs et ayons conscience de ses qualités, mais aussi de ses failles. Dans certaines cours, il est clair que l’application de ce texte prendra du temps. Mais n’est-ce pas le propre de tous les combats féministes ? Nous y sommes habituées, malheureusement.

À La Réunion, on dit dann oui na pwin batay : en disant oui, on s’épargne les discussions et les éventuelles disputes. Désormais, attendre et entendre un oui évitera surtout de briser la vie d’une femme.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Merci pour cette proposition de loi qui porte la voix de milliers de victimes, qui doivent être protégées et défendues.

Ma position diffère de celle de ma collègue Céline Thiébault-Martinez. Je respecte son avis, mais je considère que rappeler qu’un acte sexuel non consenti est une agression sexuelle et définir le consentement ne fragilisent pas la jurisprudence actuelle. Cette nouvelle définition recentre l’attention sur l’auteur et non sur la victime, au contraire de ce que l’on entend beaucoup. Le consentement est demandé pour d’innombrables actes de la vie quotidienne : pourquoi pas lorsqu’il s’agit du corps d’une femme ?

En consacrant dans la loi la notion de consentement, on envoie un message fort pour déconstruire la culture du viol et passer à la culture du consentement. On donne aussi un outil supplémentaire à la justice pour poursuivre plus de cas.

J’attends beaucoup de ces débats et, à titre personnel, comme d’autres députés de mon groupe, je soutiendrai ce texte.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Je suis heureuse de voir ces débats reprendre et, je l’espère, aboutir. Je note que, depuis le moment où je défendais l’inscription dans la loi de la notion de non-consentement dans la définition du viol et de l’agression sexuelle, au mois de novembre dernier, les députés se sont emparés de ces questions et de ces arguments. Je vois avec satisfaction les positions évoluer. Je salue donc le travail d’argumentation qui a été mené, tout comme je salue toutes les organisations qui ont porté cette idée.

En revanche, s’il y a un camp qui ne change pas, c’est bien celui de l’extrême droite, qui reprend exactement les mêmes arguments contradictoires : alors qu’ils nous ont habitués à tancer notre justice pour son laxisme, à demander toujours plus de répression, à exiger des peines planchers, il faudrait d’un coup – au nom de l’individualisation de la justice et de la présomption d’innocence, tiens donc – renoncer à un texte qui est au contraire très encadré et qui permettra précisément d’éviter 94 % de classements sans suites dans les agressions sexuelles et des viols. Décidément, vous faites preuve de constance : ce que vous appelez la justice ne vous intéresse que si elle sert à réprimer, et tout particulièrement les étrangers. Vous avez voulu faire ce lien ; pourtant, M. Pelicot et les violeurs qui l’accompagnaient n’étaient pas étrangers, et il n’y a pas d’étrangers dans l’affaire Bétharram. De cela, vous ne parlez pas.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. Je vous remercie pour la qualité de vos interventions et pour vos questions. Sachez que nous avons été traversées par les mêmes, ce qui explique pourquoi notre travail sur ce sujet technique a été long et pourquoi nous avons saisi le Conseil d’État.

Monsieur Gouffier Valente, nous aspirons effectivement à un changement de paradigme : il faut passer de la culture du viol à la culture du consentement. Pour garantir la solidité juridique du dispositif, nous intégrerons l’ensemble des recommandations formulées par le Conseil d’État.

Madame Cathala, au-delà des trois fonctions de la loi pénale, répressive, expressive et protectrice, nous sommes évidemment attachées à la dimension pédagogique du texte. L’objectif de cette nouvelle rédaction est d’offrir aux juges de nouveaux outils et une autre méthode d’enquête, en particulier pour établir comment l’auteur des faits s’est assuré du consentement de la plaignante. Plus largement, il s’agit de renforcer la formation des magistrats et des forces de l’ordre.

Madame Thiébault-Martinez, la définition du viol date de 1980 : quarante-cinq ans plus tard, les mots de Gisèle Halimi restent d’une actualité terrifiante. Le questionnement continue d’être centré sur la victime, alors qu’il faut se demander comment l’auteur s’est assuré du consentement. C’est l’enjeu de la définition que nous proposons. Les chiffres montrent bien que l’impunité continue de dominer, preuve que la seule jurisprudence est insuffisante. Au reste, son application hétérogène sur l’ensemble du territoire la prive de fait de la dimension expressive attachée à la loi pénale. Le groupe d’experts sur l’action contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Grevio) et la Commission nationale consultative des droits de l’homme nous enjoignent d’ailleurs d’intégrer la notion de consentement dans la définition du viol. En Suède, cette démarche a porté ses fruits : les condamnations ont augmenté de 75 %.

Madame Bonnivard, nous intégrerons bien l’ensemble des préconisations du Conseil d’État. Rassurez-vous, la nouvelle définition n’entraînera pas de glissement de la présomption d’innocence vers une présomption de culpabilité : la caractérisation d’un viol continuera de dépendre de la matérialité de la preuve par la démonstration de l’un des quatre éléments constitutifs – violence, contrainte, menace, surprise. C’était un point important pour nous.

Monsieur Balanant, vous avez insisté sur l’importance de la dimension pédagogique et la nécessité de protéger les victimes : ce sont bien ces deux éléments qui nous ont conduites à proposer une méthode d’enquête différente. Et c’est précisément pour proposer une définition du viol la plus claire possible que nous avons choisi de nous appuyer plutôt sur la notion de non-consentement, tout en précisant que le consentement « est apprécié au regard des circonstances environnantes. » Par ailleurs, vous regrettez l’usage du terme « spécifique » pour caractériser le consentement. Mais aux yeux du Conseil d’État, ce mot « rappelle l’autonomie du consentement pénal, marque la nécessaire adéquation du consentement aux circonstances de temps et de lieu, et enfin appelle une définition des actes sur lesquels il porte ».

Monsieur Mazars, le consentement est effectivement déjà questionné dans la pratique : ce que nous voulons, c’est donner de nouveaux outils au juge.

Enfin, madame Ricourt Vaginay, je ne peux pas laisser passer vos contrevérités. Ce texte ne permettra évidemment pas de caractériser un viol par la seule absence de consentement : la matérialité des faits et l’intentionnalité de leur auteur resteront des éléments nécessaires. Il s’agit seulement de donner aux enquêteurs davantage de moyens pour vérifier comment l’auteur s’est assuré du consentement.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Madame Blanc, vous nous reprochez un texte purement théorique : au terme de quatorze mois de travaux et d’une centaine d’auditions – praticiens du droit, victimes, acteurs de la prise en charge des victimes, forces de police – je pense au contraire que nous sommes largement entrées dans la pratique. C’est justement parce que nous légiférons pour des personnes vulnérables que nous sommes particulièrement prudentes et que nous avons pris le temps de mener nos travaux. L’intégration dans le texte de l’ensemble des recommandations du Conseil d’État permettra de parachever la solidité de la définition proposée et d’éviter toute insécurité juridique.

Monsieur Gouffier Valente, je vous remercie pour votre soutien assidu : je sais votre engagement personnel sur ce sujet.

Madame Cathala, nous souscrivons à votre constat : il faut insister sans cesse pour renforcer les moyens, notamment en matière de formation, ainsi que le soutien aux associations chargées de la prévention des violences sexistes et sexuelles.

Madame Thiébault-Martinez, même si cette nouvelle définition vise à pointer du doigt les stratégies des agresseurs, les victimes restent au cœur de l’audience. Déjà lors des débats en 1980, le viol était considéré avant tout comme le viol du consentement. C’est dans cette lignée que nous nous inscrivons. Comme vous le soulignez, certains acteurs sont effectivement inquiets ; mais les attentes sont aussi immenses et les appels à la clarification de la loi pénale sur la question du consentement nombreux. Rassurez-vous : comme vous, nous considérons qu’un oui n’en est pas toujours un. Il peut être le fruit d’une vulnérabilité particulière, et c’est pour protéger les victimes que nous avons précisé le défaut de consentement. Il n’y a jamais de consensus parfait autour d’une réforme de droit pénal, mais ce texte est soutenu par de nombreuses associations. La définition actuelle du viol n’est pas satisfaisante, et je n’accepte pas l’idée qu’autant de victimes soient aujourd’hui laissées de côtés simplement du fait de l’absence d’harmonisation de la jurisprudence. Cette inégalité face à la loi est inacceptable.

Madame Bonnivard, je vous remercie pour votre travail et votre présence aux auditions ; je crois qu’elles ont permis de forger votre avis. Comme nous l’avons toujours dit, ce texte n’est pas une baguette magique, seulement une première pierre lancée dans le mur de l’impunité. Permettez-moi de revenir sur le « parole contre parole ». Si l’on en croit les professionnels, il est très rare d’en être réduit à cette situation si les moyens sont suffisants pour mener correctement l’enquête. En élargissant l’objet de la preuve, le texte permettra aussi de dépasser cette situation, puisque l’absence de consentement pourra être appréhendée à travers d’autres éléments que les quatre critères constitutifs. N’oublions pas que le viol est souvent le fruit d’une stratégie.

Madame Regol, merci d’avoir souligné la complexité de la notion de consentement et les dimensions éducative et préventive du texte, essentielles pour protéger les générations à venir. Je rappelle qu’un enfant est victime de viol, d’agression sexuelle ou d’inceste toutes les trois minutes. C’est aussi pour eux que nous voulons passer de la culture du viol à la culture du consentement.

Monsieur Balanant, le code pénal est le reflet des évolutions de la société et des valeurs que nous voulons protéger : sur ce sujet en particulier, elles méritent d’être actualisées.

Monsieur Lemaire, merci d’avoir souligné que l’ampleur de l’impunité en matière de viol et d’agressions sexuelles signait un échec sociétal. Nous avons rédigé d’une main tremblante : une partie des amendements sont rédactionnels et tendent à intégrer les recommandations du Conseil d’État afin de sécuriser le texte – je sais que cet avis a permis de rassurer certains collègues. J’espère qu’ils seront adoptés.

Madame Froger, merci pour votre position constante sur ce sujet. Comme vous l’avez souligné, en réalité, le consentement est partout dans notre quotidien : c’est une question de respect mutuel et de communication. Il n’y a guère qu’en matière sexuelle qu’il devient un gros mot.

Madame Lebon, je vous remercie d’avoir rappelé qu’à l’instar de la société, l’institution judiciaire reste traversée par des biais sexistes. La portée interprétative de notre texte entraînera des conséquences pour toute la chaîne judiciaire. C’est là l’une de ses forces : faire passer la justice elle-même à la culture du consentement.

M. le président Florent Boudié. Merci à toutes les deux pour la qualité et la précision de vos réponses, qui traduisent bien le travail approfondi que vous menez depuis plusieurs mois.

Article unique : (art. 222-22, 222-22-1, 222-22-2 et 222-23 du code pénal) Inscription de l’absence de consentement dans la définition pénale du viol et des agressions sexuelles

Amendement de suppression CL14 de Mme Céline Thiébault-Martinez

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Introduire la notion de consentement dans la définition pénale du viol est problématique.

Tout d’abord, cela conduirait à remplacer une définition objective, appuyée sur quatre éléments constitutifs, par une notion instable et difficile à définir en droit. Ensuite, cela reviendrait à nier que le viol et les agressions sexuelles sont avant tout le fruit d’un processus criminel et que c’est donc à l’auteur de l’infraction, et non à la victime, d’être au cœur de la procédure.

Comme l’a rappelé le Conseil d’État, le droit pénal français permet déjà de juger l’ensemble des circonstances de viol : l’introduction de la notion de consentement est donc superflue. De la même façon, la jurisprudence actuelle permet déjà à la France d’être en conformité avec ses engagements internationaux. Ces deux arguments ne valent donc pas.

À nos yeux, l’impunité et la mauvaise prise en considération des victimes tiennent surtout au manque de moyens alloués à la justice pour mener les enquêtes dans de bonnes conditions, en particulier pour collecter des preuves.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. Nous partageons vos inquiétudes, et avons déposé plusieurs amendements pour y répondre.

L’auteur doit effectivement être remis au centre du viol. C’était déjà l’intention du législateur en 1980, mais force est de constater que les investigations continuent d’être orientées vers la victime. Il faut changer cette pratique.

La notion de consentement, pourtant centrale dans les investigations, ne figure pas dans la loi. On ne peut donc pas s’en tenir à la définition actuelle : nous devons prendre nos responsabilités et inscrire dans la loi la notion de non-consentement. Au reste, contrairement à ce que vous affirmez, elle n’est pas réservée au droit civil, comme le confirme le dixième paragraphe de l’avis du Conseil d’État : ce dernier la relève dans les infractions portant atteinte à la vie privée et à la représentation de la personne, ou dans celle relative à l’interruption volontaire de grossesse. Il ajoute d’ailleurs, si cela peut vous rassurer, que ni l’existence d’un consentement civil, ni un accord de nature commerciale ne peuvent permettre de présumer l’existence d’un consentement propre à écarter la qualification d’agression ou de viol.

Enfin, en indiquant que la France est en conformité avec la convention d’Istanbul grâce à la jurisprudence, le Conseil d’État souligne en creux que notre droit positif, lui, ne l’est pas.

L’adoption de votre amendement priverait en outre la commission d’un débat nourri sur tous ces éléments. Nous y sommes défavorables.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Si insuffisant soit-il pour faire face au fléau des violences sexuelles, ce texte a le mérite de clarifier la limite entre sexualité et violence, et de mettre notre droit en conformité avec la jurisprudence et les exigences du droit international.

Contrairement à ce qui a été affirmé, notre cadre juridique n’est pas suffisant. Le Conseil de l’Europe a encore rappelé récemment qu’en France, la définition juridique des infractions sexuelles n’était pas fondée de manière explicite sur le non-consentement libre et non équivoque de la victime. Selon le Grevio, les victimes y subissent « une forte insécurité juridique du fait d’interprétations fluctuantes des éléments constitutifs et de l’incapacité desdits éléments à englober la situation de toutes les victimes non consentantes, notamment lorsque celles-ci sont en état de sidération ». En 2023, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes exhortait la France à aligner sa législation sur la convention d’Istanbul ; la même année, la Cour européenne des droits de l’homme interrogeait la France sur le respect de ses obligations « d’adapter et d’appliquer de manière effective des dispositions en matière pénale afin que soient incriminés et réprimés tous les actes sexuels non consensuels. » La Cour de cassation, enfin, dans un arrêt du 11 septembre 2024, a reconnu que l’état de sidération pouvait caractériser une absence de consentement dans les cas de viol ou d’agression sexuelle. Je crois que personne, ici, n’est opposé à ces institutions.

En sécurisant la jurisprudence, ce texte garantira à toutes les victimes le même traitement partout dans le territoire.

M. Erwan Balanant (Dem). Que Mme Thiébault-Martinez, connue de longue date pour ses convictions féministes, dépose un amendement de suppression de l’article unique avec le soutien d’associations féministes majeures doit nous pousser à nous interroger. Je pense que, comme nous tous, elle veut avancer sur ce sujet.

L’inscription du non-consentement dans la définition du viol est une question à la fois sociétale et pénale. Certes la dimension pédagogique du texte est importante, mais il faut avant tout aboutir à une rédaction parfaitement sécurisée : on ne peut pas prendre le risque que la nouvelle définition entraîne des dysfonctionnements, surtout que tous les magistrats ont confirmé, y compris dans vos auditions, qu’elle n’apporterait rien à leur pratique. Soyons prudents.

M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). Comme l’a dit Erwan Balanant, déposer un amendement de suppression n’est pas une démarche anodine, et doit donc nous interroger. En tout état de cause, le groupe EPR y est opposé.

Vous considérez que le problème réside uniquement dans le manque de moyens, rendant inutile une évolution de la définition du viol. Or, à la faveur de deux lois de programmation, les moyens de la justice ont été considérablement augmentés depuis 2017. Le budget de la justice aura même doublé d’ici à 2027 – c’est inédit.

Quant à la définition actuelle, nous y sommes attachés, il faut la protéger, mais elle n’est pas exempte de défauts. Il faut l’améliorer, notamment en introduisant la notion de consentement qui est au cœur de chacun des procès. Vous la jugez instable : à nous de la définir pour l’introduire de la manière la plus sécurisée possible dans notre droit. C’est l’objet de ce texte.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Cette proposition de loi ne mettra pas fin à l’impunité des auteurs de viols et d’agressions sexuelles.

Considérer que l’introduction de la notion de consentement dans la définition pénale du viol permettrait d’un seul coup de prendre en compte l’état de sidération des victimes dans la caractérisation de l’acte, comme le fait Mme Cathala, me semble relever d’une vision relativement extensive du consentement, et pas très opérationnelle.

Contrairement à ce que d’aucuns laissent croire, il n’y a pas de consensus autour de la question du consentement : plusieurs associations sont fermement opposées à son introduction dans la loi. Peut-être est-ce une question de rédaction, mais je pense surtout que nous avons encore besoin d’en débattre. Je note au passage que le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes n’a rendu aucun avis sur ce texte.

Je vais retirer l’amendement, mais j’aimerais que mes remarques soient prises en compte d’ici à l’examen dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

Amendement CL46 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Il s’agit d’une réécriture de l’article qui reprend un certain nombre des propositions des rapporteures, ainsi qu’une partie – une partie seulement – des préconisations du Conseil d’État. D’autres en revanche me semblent problématiques. Je rappelle d’ailleurs que le Conseil d’État peut se tromper – cela lui arrive même régulièrement – et parfois être désavoué ensuite par le Conseil constitutionnel.

Il était temps que le mot « consentement » apparaisse enfin dans le code pénal, mais pourquoi y associer un terme comme « révocable », qui ne figure nulle part ailleurs, sauf s’agissant de sursis ou de rapports contractuels ? Je propose d’ôter ce mot pour aboutir à une définition claire, simple et sécurisée du viol, puisque c’est bien là l’objectif.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Nous préférons nous en tenir strictement à l’équilibre construit avec le Conseil d’État. Notre texte n’a pas vocation à être parfaitement exhaustif, mais plutôt à servir de boussole pour les juges.

Introduire la notion de consentement sans y apporter de précisions serait le cas de figure le plus dangereux pour les victimes : cela ouvrirait la voie à l’instrumentalisation du consentement. Cela éluderait aussi quelque chose d’important au regard de la dimension expressive du droit, qui nous est chère à tous les deux.

Lorsqu’elle a été introduite dans le code pénal, la notion de surprise n’était pas bien comprise ; aujourd’hui encore, cette méconnaissance conduit à penser qu’elle désigne la surprise au sens émotionnel, alors qu’il s’agit de la surprise du consentement. Pourtant, aujourd’hui, personne ne remet en cause cet ajout dans le code. Je crois qu’il en va de même pour les deux termes que vous incriminez, « spécifique » et « révocable », qui sont par ailleurs clairement définis dans l’avis du Conseil d’État : ces ajouts sont novateurs, mais dans quelques années, on ne pourra plus s’en passer. Le terme « spécifique » permet d’insister sur la nécessité d’un consentement particulier pour chaque acte, par exemple un accord pour un acte de pénétration avec préservatif n’est pas un accord pour un acte de pénétration sans préservatif. La suppression du terme « révocable », elle, fragiliserait grandement les victimes en conduisant à estimer que le consentement est acquis une fois pour toutes. Avis défavorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). Monsieur Balanant, je vous fais crédit de vouloir améliorer le traitement des violences sexistes et sexuelles dans notre pays, mais votre amendement fait tout l’inverse. Introduire la notion de consentement sans la définir ne sécurisera pas les victimes. Au contraire, c’est très dangereux : d’une certaine manière, cela revient à entériner le statu quo dans la loi alors qu’en pratique, le mot « consentement » apparaît déjà dans toutes les procédures – souvent dans la bouche des hommes mis en cause.

À l’inverse, s’appuyer sur la notion de non-consentement implique de s’assurer que le consentement a bien été donné de manière libre et éclairée. Il est également important de préciser que ce dernier n’est pas donné une fois pour toutes, pour n’importe quel acte, à n’importe quel moment de la vie.

Par ailleurs, vous dites que l’essentiel réside dans les moyens alloués à la lutte contre ces violences. Permettez-moi de vous rappeler que M. Bayrou, dans son budget, que vous avez soutenu, s’est assis sur des amendements adoptés lors de la discussion et qui dotaient la justice de 550 millions supplémentaires pour financer la formation des policiers et des magistrats, l’accueil des victimes de violences conjugales, l’aide juridictionnelle.

Au-delà des moyens, nous devons réfléchir sérieusement à la façon dont nous voulons faire évoluer la loi, pour éviter qu’in fine, elle se retourne contre les victimes ou crée de l’insécurité juridique. Ce ne serait satisfaisant pour personne.

M. Erwan Balanant (Dem). Madame la rapporteure, vous avez raison, mais je n’adhère pas à la rédaction que vous proposez.

Le code pénal ne définit pas les termes de violence, contrainte, menace ou surprise, il les énonce. Ensuite, les juges font leur travail en bâtissant une jurisprudence. C’est ainsi que s’écrit la loi.

En voulant définir le consentement, vous oublierez immanquablement des manières de consentir ou de ne pas consentir. Vous priverez ainsi le juge dans certains cas de la possibilité de considérer que le consentement n’a pas été donné.

J’étais initialement très réticent à l’introduction de la notion de consentement car la référence à la violence, contrainte, menace ou surprise et la jurisprudence qui s’y rapporte me semblaient puissantes. Je suis désormais convaincu de sa nécessité, mais la rédaction que vous avez choisie risque de fragiliser la position des victimes.

Lors de leur audition par la commission d’enquête sur les violences dans le monde du spectacle, certaines actrices ont reconnu avoir dit oui. Avec votre définition du non‑consentement, il ne serait pas possible dans leur cas de caractériser le viol. Avec ma rédaction, le juge pourrait prouver la situation de viol.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Si l’on vous suit, le viol serait le seul crime dont la définition repose exclusivement sur la jurisprudence. Or, manifestement celle-ci ne suffit pas à couvrir tous les cas de figure.

Je souhaite clarifier un point qui a été évoqué à plusieurs reprises : aux termes de la proposition de loi, le fait de dire oui ne vaut évidemment pas consentement. Nous n’avons pas travaillé pendant quatorze mois sur ce texte pour tomber si facilement dans le panneau. La mention du caractère éclairé du consentement et des circonstances environnantes a précisément pour but de rappeler au juge qu’un oui n’est pas toujours un oui.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL16 de Mme Sophie Blanc

Mme Sophie Blanc (RN). Afin de mieux protéger les victimes, il est précisé que les infractions d’agressions sexuelles sont également constituées lorsqu’elles sont commises sur une personne dans l’incapacité de donner son consentement.

L’article 222-22 du code pénal sanctionne ces infractions lorsqu’elles sont commises par violence, contrainte, menace ou surprise. La jurisprudence a certes reconnu que l’état de sidération, la vulnérabilité ou l’altération des facultés de discernement peuvent constituer une forme de contrainte. Toutefois, l’absence de mention explicite laisse subsister des incertitudes. Pour des victimes inconscientes, sous l’effet de substances, en situation de handicap ou de dépendance, il est impératif que l’absence de consentement suffise à caractériser l’infraction.

Sans modifier l’esprit de la proposition de loi, cette clarification en renforce la lisibilité et l’application rigoureuse afin de protéger les victimes les plus vulnérables. Elle garantit qu’aucune faille juridique ne puisse être exploitée pour minimiser des actes inacceptables.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. La mention du caractère éclairé du consentement, conforme aux recommandations du Conseil d’État, répond pleinement à votre préoccupation.

En effet, le terme appelle l’attention sur les capacités de la personne qui est réputée avoir consenti, qu’elles soient limitées par une vulnérabilité, la surprise, la manœuvre, l’empire de substances amoindrissant le discernement, ou tout autre moyen résultant d’une contrainte.

Nous vous invitons donc à retirer l’amendement. À défaut, avis défavorable.

Mme Caroline Yadan (EPR). L’analyse de la jurisprudence de la Cour de cassation atteste d’une certaine souplesse. Dès lors que l’absence de consentement est établie, la présence d’un seul élément – violence, contrainte, menace ou surprise – suffit. En d’autres termes, les juridictions n’ont même pas à montrer précisément que le comportement de la personne mise en cause relève de l’un de ces éléments. C’est l’élément matériel – les circonstances de fait – qui permet de caractériser le viol sans même qu’il soit besoin de choisir parmi les quatre éléments. Votre amendement est donc superfétatoire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL54 de Mme Marie-Charlotte Garin, CL27 de Mme Sarah Legrain, CL33 de M. Guillaume Gouffier Valente, CL39 de Mme Émilie Bonnivard, CL45 de Mme Céline Thiébault-Martinez et CL48 de M. Erwan Balanant

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Faisant suite aux recommandations du Conseil d’État, l’amendement, de nature rédactionnelle, vise à substituer le terme « acte » à celui d’« atteinte », lequel pourrait laisser supposer qu’il existe des atteintes sexuelles consenties, ce qui n’est pas le cas.

M. Guillaume Gouffier Valente (EPR). J’en profite pour remercier les rapporteures de nous avoir constamment associés à leurs travaux.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CL52 de Mme Marie-Charlotte Garin, CL8 de Mme Céline Thiébault-Martinez, CL26 de Mme Gabrielle Cathala, CL32 de M. Guillaume Gouffier Valente, CL38 de Mme Émilie Bonnivard et CL47 de M. Erwan Balanant

Mme Véronique Riotton, rapporteure. Il s’agit d’un autre amendement rédactionnel inspiré par le Conseil d’État. En cohérence avec la définition du viol donnée par l’article 222-23 du code pénal, il vise à corriger une inversion dans la rédaction initiale en précisant que l’acte est commis « sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur ».

La commission adopte les amendements.

Amendement CL2 de M. Charles de Courson

Mme Martine Froger (LIOT). L’amendement tend à préciser la distinction entre agression sexuelle et viol afin d’éviter toute requalification abusive, qui pourrait amoindrir la reconnaissance du préjudice de la victime. Cette clarification a pour but de prévenir les dérives interprétatives et d’assurer une protection plus efficace des victimes.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. L’amendement recopie la définition du viol dans l’article relatif aux agressions sexuelles. Ce n’est pas notre choix ni celui du Conseil d’État, qui recommande d’éviter les doublons et les redites. Le chapeau que constitue notamment l’article 222-22 s’applique à l’ensemble de la section 3. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CL49 de M. Erwan Balanant ; amendements identiques CL53 de Mme Marie-Charlotte Garin, CL6 de Mme Céline Thiébault-Martinez, CL34 de M. Guillaume Gouffier Valente et CL43 de Mme Émilie Bonnivard ; amendements CL22 de Mme Céline Thiébault-Martinez et CL17 de Mme Sarah Legrain (discussion commune)

M. Erwan Balanant (Dem). Malgré toute la sagesse du Conseil d’État, l’idée d’accoler cinq qualificatifs au consentement est risquée ; elle pourrait même aboutir à une lecture restrictive dans un certain nombre de cas.

S’en tenir aux quatre critères existants – violence, contrainte, menace et surprise, qui ont été définis non par le code pénal mais par la jurisprudence – tout en ajoutant « quelles que soient leurs natures » me semble être source de simplification, sans compter la vertu pédagogique d’une telle formulation : les gens savent ce que signifie le consentement pour eux. Une définition trop précise risque de poser problème.

J’ajoute que, sans nier l’importance et les vertus de la définition pénale, la véritable difficulté réside dans l’accompagnement des plaignantes tout au long de la procédure. Les travaux de la commission d’enquête le montrent, il reste beaucoup à faire dans ce domaine, en particulier pour le dépôt de plainte.

Enfin, une autre question, sur laquelle nous avons déjà commencé à travailler, mérite d’être approfondie : celle de l’emprise et du contrôle coercitif. Le texte n’y apporte pas de réponse satisfaisante.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. La rédaction initiale de notre proposition de loi apporte des précisions sur la notion de consentement afin de guider le juge dans son appréciation.

Ainsi, celui-ci doit avoir été donné librement. Ce qualificatif a été validé par le Conseil d’État.

Ensuite, le consentement est spécifique à l’acte : si vous avez dit oui à une pénétration vaginale, vous n’avez pas dit oui à une pénétration anale. Si vous avez dit oui à une pénétration avec un préservatif, vous n’avez pas dit oui à une pénétration sans préservatif. Ce qualificatif a été précisé et validé par le Conseil d’État.

Enfin, le consentement peut être retiré avant ou pendant l’acte : si finalement, vous ne voulez plus, quelle qu’en soit la raison, vous avez le droit de dire non et de retirer votre consentement et cela doit mettre fin à l’acte.

En outre, il est précisé, au septième alinéa, que l’absence de consentement peut être déduite de l’exploitation d’un état ou d’une situation de vulnérabilité. Nous faisons référence ici aux situations dans lesquelles une personne mise en cause exploite les vulnérabilités, voire les aggraves, cette stratégie de l’agresseur étant très souvent décrite par les victimes et les organisations féministes.

Considérant que cette formulation est imprécise et s’articule mal avec certaines des circonstances aggravantes prévues par le code pénal, le Conseil d’État nous a suggéré de substituer à cet alinéa le qualificatif « éclairé ». L’usage de ce terme impose d’évaluer si les capacités de la personne réputée avoir consenti sont limitées par une vulnérabilité, une manœuvre, l’empire d’une substance, ou tout autre moyen.

Nous vous proposons donc cette nouvelle formulation qui reprend les propositions du Conseil d’État et qui est plus courte, plus simple et plus précise.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Mon amendement CL22 vise à ajouter un critère à la définition du consentement : celui-ci ne doit pas être monnayé. L’objectif est d’écarter la présomption de consentement pour des personnes sous contrainte économique ou matérielle.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). J’insiste sur l’importance de la définition du consentement. Monsieur Balanant, vous affirmez que tout le monde sait ce que c’est le consentement. Or, le procès Pelicot a montré que non. Des hommes mis en cause ont expliqué que le consentement avait été donné par le mari ; qu’ils pensaient qu’il avait été donné ; qu’ils ne pouvaient pas savoir qu’il ne l’avait pas été. Le fait de préciser que le consentement doit être libre et éclairé est une façon de faire comprendre à tout le monde ce qu’est le consentement et ce qu’il ne peut pas être.

La rédaction de mon amendement est légèrement différente de celle des rapporteures car nous ne souhaitons pas supprimer la référence à la vulnérabilité, comme nous y invite le Conseil d’État. Celle-ci fait partie des circonstances environnantes qui doivent être examinées pour établir le consentement. J’aurais aimé que le texte soit mieux-disant en la matière. La vulnérabilité y est réduite à une circonstance aggravante alors qu’elle peut servir à montrer que le consentement n’a pas pu être donné, d’autant qu’elle peut être organisée par l’auteur lui-même.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. Je ne reviens pas sur l’ensemble des arguments que nous avons déjà avancés pour nous opposer à la suppression de l’alinéa 5, monsieur Balanant. Le Conseil d’État a fait valoir que les éléments de définition du consentement qu’il apporte sont non seulement précieux, mais également nécessaires pour garantir la précision de la loi pénale. Si nous les supprimons, nous risquons de limiter l’impact du texte, notamment sa capacité à aiguiller le juge, mais aussi d’encourir une censure du Conseil constitutionnel. Je vous invite donc à retirer l’amendement CL49.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. En ce qui concerne l’amendement CL22, madame Thiébault-Martinez, je comprends votre intention mais je ne peux pas vous suivre pour deux raisons.

D’une part, l’ajout du qualificatif « non monnayé » a pour effet de lier la notion de consentement en matière pénale à celle du consentement en matière civile. Or, c’est exactement ce que nous ne voulons pas faire. L’avis du Conseil d’État réaffirme l’autonomie du consentement pénal. En d’autres termes, l’existence d’un contrat d’ordre monétaire ne suffirait pas à établir celle d’un consentement au sens pénal du terme.

D’autre part, en procédant à un tel ajout, vous sous-entendez qu’un consentement ne peut jamais être monnayé. Dès lors qu’une relation est monnayée, elle devient un viol, c’est‑à‑dire un crime puni de quinze ans de réclusion criminelle. Or, l’article 225-12-1 du code pénal fait déjà du recours à la prostitution un délit sanctionné d’une peine d’amende lorsqu’il est commis en récidive. Le code pénal ne peut sanctionner deux fois les mêmes faits, a fortiori à la fois en tant que crime et que délit.

Votre amendement fragilise la définition du viol que nous proposons. Mon avis est donc défavorable. J’ajoute que le texte n’est pas le cadre approprié pour aborder le sujet de la prostitution.

Madame Legrain, nous partageons votre préoccupation, sur laquelle nous avons beaucoup travaillé. Il nous apparaît, et le Conseil d’État l’a confirmé, que la mention de la vulnérabilité ne pouvait être conservée, en l’état du droit, car elle vient percuter les circonstances aggravantes. Pour résoudre cette difficulté et garantir la prise en compte de la vulnérabilité de la victime, il a donc été décidé d’une part de recourir au qualificatif « éclairé », et d’autre part de préciser que la vulnérabilité fait partie des circonstances environnantes qui doivent être examinées. Je demande donc le retrait de l’amendement. À défaut, avis défavorable.

Mme Caroline Yadan (EPR). La référence au consentement présente l’écueil de renvoyer le juge pénal aux acceptions civilistes de cette notion. Or, le juge pénal est beaucoup plus strict, notamment dans l’appréciation de l’élément moral.

Avez-vous pensé à faire appel à la notion de volonté plutôt qu’à celle de consentement ? Cette solution, qui serait de nature à lever les réserves émises par le Conseil national des barreaux, permettrait de garantir que la charge de preuve incombe toujours au ministère public, tant pour l’élément matériel que pour l’élément moral de l’infraction.

M. Erwan Balanant (Dem). Le débat est éclairant. Le fait que des amendements proposent d’introduire de nouveaux éléments montre que le risque d’en oublier est bien réel. Or, c’est précisément pour ne pas prendre un tel risque qu’on évite de faire des listes en droit pénal. En outre, certains cas pourraient ne pas répondre aux critères que vous listez.

Si la notion de consentement est introduite, il appartiendra au juge et aux avocats de le définir et d’établir s’il a été donné ou non, au cas par cas.

Par ailleurs, comment votre définition prend-elle en compte le phénomène d’emprise ? Comment le consentement peut-il être libre et éclairé si l’on est sous l’emprise de quelqu’un ? Il faut laisser la liberté aux juges d’apprécier la réalité du consentement. La jurisprudence qu’ils ont construite pour définir le consentement est solide, tout le monde le dit. Le faible taux de condamnations a d’autres causes, parmi lesquelles le manque d’accompagnement des victimes. Bref, trop de définition tue la définition.

Enfin, madame Legrain, je n’ai pas dit que tout le monde savait ce qu’était le consentement – ce serait trop beau. J’ai dit que chaque plaignant ou plaignante avait sa vision de ce qu’était son consentement.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Mon amendement ne vise pas seulement la prostitution, mais aussi la pornographie.

Dans les contentieux sur l’affaire French Bukkake ou sur les vidéos de Jacquie et Michel, le fait qu’une victime ait pu signer un contrat, qu’elle dise dans une vidéo avoir consenti ou qu’elle remercie d’être devant une caméra fait d’elle une personne consentante. L’amendement vient combler cette lacune de notre droit. Il est important de saisir l’occasion de ce texte pour le faire.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. La notion de volonté n’est pas définie en droit pénal. En outre, elle est plus exigeante à l’égard de la victime puisqu’elle suppose un acte de sa part. Elle n’apporte pas de solution satisfaisante.

Monsieur Balanant, le viol reste caractérisé par les quatre éléments de violence, contrainte, menace ou surprise. Le texte les mentionne bien.

J’ai été très touchée par l’audition d’un magistrat expliquant avoir été incapable de sanctionner un acte dont il avait pu démontrer la matérialité, mais pas l’intentionnalité. Il avait dû dire à la plaignante qu’il la croyait, mais qu’en l’état actuel du droit, il ne pouvait pas condamner. Nous comblons cette lacune.

Par ailleurs, nous ne faisons pas de liste : nous précisons la notion de consentement pour donner aux juges des pistes pour s’assurer de son existence.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Nous nous sommes évidemment interrogées sur le terme le plus approprié et, après avoir consulté de nombreux experts, nous sommes sûres de notre choix.

Nous n’avons pas retenu le terme de volonté parce qu’il est moins bien défini que le consentement, qui est inscrit dans le code pénal. Du point de vue éducatif aussi, le consentement est le terme le plus usité ; l’étymologie renvoie au fait d’être d’accord. Avec le consentement, la loi fixe un seuil minimal destiné à protéger la liberté des individus et leur intégrité physique et psychique.

La commission rejette l’amendement CL49.

Elle adopte les amendements CL53 et identiques.

En conséquence, les amendements CL22 et CL17 tombent.

Amendements identiques CL55 de Mme Marie-Charlotte Garin, CL9 de Mme Céline Thiébault-Martinez CL18 de Mme Gabrielle Cathala, CL35 de M. Guillaume Gouffier Valente et CL40 de Mme Émilie Bonnivard

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Notre proposition de loi indique que le consentement ne peut être déduit « du silence ou de l’absence de résistance » de la personne. Le Conseil d’État nous a suggéré de préciser que le consentement ne peut se déduire « du seul silence ou de la seule absence » de réaction de la personne afin de ne pas limiter l’appréciation du juge. Nous faisons nôtre cette suggestion qui correspond à nos objectifs.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Ces amendements sont importants car 70 % des plaignantes subissent une forme de sidération, de dissociation ou d’amnésie.

La commission adopte les amendements.

Amendements CL15 et CL12 de Mme Céline Thiébault-Martinez (discussion commune)

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Il s’agit de préciser que, dans un environnement coercitif, le consentement est présumé contraint. Cette rédaction permet d’appeler l’attention sur les circonstances dans lesquelles l’agression a lieu.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. La notion de contrainte est déjà présente dans le texte.

Dans l’amendement CL15, vous employez le terme « présumé », ce que nous avions veillé à ne pas faire afin de ne pas risquer de créer une présomption de culpabilité. Cette mention me semble présenter une fragilité juridique.

Par ailleurs, nous partageons sans doute les constats qui vous amènent à utiliser la notion d’environnement coercitif, mais elle nous paraît trop floue pour être inscrite dans le droit pénal. Elle risque, en outre, de venir concurrencer la notion de contrôle coercitif qui figure déjà dans certaines jurisprudences et sur laquelle la proposition de loi de notre ancienne collègue Aurore Bergé visant à renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants devrait nous permettre d’avancer.

Demande de retrait.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL30 de Mme Caroline Yadan

Mme Caroline Yadan (EPR). Il vise à mieux qualifier juridiquement les situations d’emprise ou de fragilité dans lesquelles les victimes ne sont objectivement plus en mesure de consentir de manière libre et éclairée. Cette clarification m’apparaît essentielle puisque l’évaluation repose largement sur les interprétations des juges, ce qui crée de l’insécurité juridique pour les victimes comme pour les auteurs des faits.

Je propose d’ajouter l’alinéa suivant : « Il n’y a pas de consentement lorsque l’acte à caractère sexuel est commis en profitant de la situation de vulnérabilité de la victime due notamment à un état de peur, à l’influence de l’alcool, de stupéfiants, de substances psychotropes ou de toute autre substance ayant un effet similaire, à une maladie ou à une situation de handicap, altérant le libre arbitre. » L’insertion de cette phrase encadrerait davantage l’analyse du consentement car elle caractérise les circonstances objectives dans lesquelles l’acte a été accompli, donc les situations dans lesquelles l’auteur des faits ne peut raisonnablement ignorer l’altération du consentement. La définition pénale du viol gagnerait en prévisibilité, en cohérence et en effectivité, ce qui renforcerait la protection des victimes tout en sécurisant l’appréciation judiciaire.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Votre amendement est le seul à mentionner l’état de peur, sujet auquel nous avons régulièrement été confrontées pendant les auditions. Mais cette notion rejoint celle de sidération, que nous avons absolument voulu inscrire dans notre proposition de loi car elle est centrale pour la compréhension des affaires sexuelles.

Votre intention est toutefois satisfaite par deux éléments qui seront lus de manière combinée si nous adoptons la proposition de loi : d’une part, l’élément de surprise, que la Cour de cassation a récemment lié à la sidération, dans un arrêt qui concernait certes une situation bien particulière ; d’autre part, les précisions que nous apportons sur la notion de consentement et sur la validité de son expression. Nous pointons les circonstances dans lesquelles le consentement n’est pas valable car la personne se trouve en incapacité de le donner.

Nous avons inséré la notion de « circonstances environnantes » pour mieux apprécier le consentement. Nous avons, par ailleurs, refusé de dresser une liste de vulnérabilités pouvant altérer le consentement pour ne pas en omettre : d’ailleurs, certaines d’entre elles ne figurent pas dans votre amendement. Nous ne voulons exclure aucune personne se trouvant dans une situation de vulnérabilité. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CL19 de Mme Sarah Legrain ; amendements identiques CL56 de Mme Marie-Charlotte Garin, CL4 de Mme Céline Thiébault-Martinez, CL28 de Mme Gabrielle Cathala, CL36 de M. Guillaume Gouffier Valente et CL57 de M. Erwan Balanant ; amendements CL7 de Mme Céline Thiébault-Martinez, CL31 de Mme Caroline Yadan et CL13 de Mme Céline Thiébault-Martinez (discussion commune)

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). L’amendement CL19 reprend une suggestion du Conseil d’État en précisant qu’il n’y a pas de consentement en cas de violence, contrainte, menace ou surprise, « quelles que soient leurs natures ». Nous avons bien compris les difficultés que posait le terme « notamment », mais il reste indispensable d’éviter de refermer le consentement sur la seule présence de violence, contrainte, menace ou surprise. Notre objectif est bien de couvrir des comportements qui n’entrent actuellement pas sous ces termes. L’expression « quelles que soient leurs natures » permet d’étendre leur acception.

Ce ne sera néanmoins pas suffisant : je propose donc d’ajouter la notion d’exploitation d’une situation de vulnérabilité ou de dépendance. Sans entrer dans des définitions problématiques sur l’environnement coercitif, nous souhaitons que, lorsque l’auteur des faits organise une situation de vulnérabilité ou de dépendance, le consentement soit considéré comme vicié. Le magistrat pourra ainsi investiguer le contexte de l’agression. Certains hommes reconnaissent avoir eu des relations sexuelles avec des femmes en situation de vulnérabilité – par exemple des élus avec des femmes demandant un logement !

Mme Véronique Riotton, rapporteure. La rédaction actuelle de l’alinéa 6 se lit ainsi : « Il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis notamment avec violence, contrainte, menace ou surprise. » Notre intention initiale était d’ouvrir le champ de l’infraction et de l’acception de la notion de consentement, tout en conservant les acquis de la jurisprudence liés à l’acte imposé par violence, contrainte, menace ou surprise. Nous voulions inclure par exemple la sidération, tout en étant conscientes de la fragilité juridique pointée lors de nos débats avec le Conseil d’État.

Pour y parvenir, l’amendement CL56 vise donc, conformément à la recommandation du Conseil d’État, à supprimer le terme « notamment », afin d’écarter toute indétermination dans les comportements répréhensibles, et à ajouter les mots « quelles que soient leurs natures », afin d’ancrer dans la loi pénale l’interprétation large donnée aux notions de violence, contrainte, menace ou surprise.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Lors de la présentation de votre rapport, le mot « notamment » avait effectivement suscité de nombreuses inquiétudes.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Nous souhaitons également supprimer le mot « notamment », afin de reprendre la suggestion du Conseil d’État touchant au principe de légalité des délits et des peines.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’amendement CL7 vise à compléter l’alinéa 6 par les mots « quelles que soient leurs natures », afin de préciser que tout acte commis avec violence, contrainte, menace ou surprise annule automatiquement la possibilité du consentement. Cet ajout garantira que des situations telles que la menace indirecte ou psychologique ou encore l’abus de position d’autorité, de domination ou de rapport professionnel soient considérées comme des cas dans lesquels la victime n’a pas donné son consentement.

Mme Caroline Yadan (EPR). L’amendement CL31 a pour objet d’introduire la ruse, après la contrainte, parmi les éléments qui peuvent caractériser l’absence de consentement. Cette mesure est inspirée d’une disposition du code pénal belge qui mentionne explicitement la ruse comme l’un des moyens constitutifs du viol, permettant la reconnaissance juridique des stratégies de manipulation et d’assujettissement utilisées par les agresseurs.

Les travaux de la mission d’information mettent en évidence que de nombreux agresseurs ne recourent ni à la violence, ni à la contrainte, ni à la menace, ni à la surprise, mais déploient des stratégies de manipulation ou de tromperie pour obtenir un acte sexuel non consenti. Ces procédés qui relèvent de la ruse vicient le consentement en provoquant fréquemment un état de sidération, que l’agresseur recherche et organise.

La sidération garantit l’impunité et empêche la victime de se défendre ou de porter plainte, problème que réglerait, me semble-t-il, l’introduction dans le texte de la notion de ruse.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). L’amendement CL13 vise à compléter l’alinéa 6 par les mots « ou s’il a été obtenu contre rémunération, quelle qu’en soit la forme ». La rédaction actuelle ne nous semble en effet pas couvrir les situations dans lesquelles la victime a explicitement donné son consentement contre une rémunération, ce qui est notamment le cas des situations de prostitution.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Les vulnérabilités et l’incapacité à consentir sont à nos yeux comprises dans le terme « éclairé ». La responsabilité d’interpréter ce terme et de prendre en compte les vulnérabilités repose sur le juge. Comme l’a expliqué le Conseil d’État, l’amendement CL19 ferait courir un risque d’inconstitutionnalité au texte, lié à l’imprécision de sa rédaction. Je vous demande donc de le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement CL7 vise à ajouter les termes « quelles que soient leurs natures », mais en conservant le mot « notamment » : cela me paraît contradictoire avec votre position, madame Thiébault-Martinez. Avis défavorable.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. Le code pénal belge fait état de la ruse car il dresse une liste, option que nous avons écartée. La notion de ruse est incluse dans celle de surprise. Je précise que celle-ci ne correspond pas à une émotion de la victime, mais au comportement de l’auteur des faits : elle intègre, aux yeux de la jurisprudence, les stratagèmes de celui-ci. Le procès de Mazan a bien caractérisé cette acception de la surprise. La Cour de cassation a récemment jugé que « l’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise. »

Cet ajout fragiliserait vraiment la rédaction. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. L’adoption de l’amendement CL13 fragiliserait l’autonomie de la notion du consentement pénal par rapport à celle du consentement civil et diminuerait la protection offerte par le texte. Conformément à l’avis du Conseil d’État, notre proposition de loi garantit cette autonomie. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). L’amendement CL13 importe dans notre débat sur le consentement un autre sujet, celui de la prostitution, lequel mérite sans doute discussion, mais dans un autre cadre.

Notre objectif constant doit être de protéger les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles ou d’un système prostitutionnel. Nier leur capacité de consentement et mettre une équivalence entre la prostitution et le viol ne sont pas de nature à consolider la notion de consentement. Oui, des clients violent des prostituées lorsqu’ils leur imposent des actes pour lesquels elles n’ont pas donné leur accord. Oui, les prostituées doivent pouvoir obtenir justice lorsqu’elles ont subi un viol ou une agression sexuelle. Nous devrons débattre de la prostitution par ailleurs, mais nous devons dès à présent œuvrer à la reconnaissance de la dignité des personnes. Il ne faudrait pas qu’une évolution de la loi aboutisse à nier que les prostituées peuvent être victimes de viol, ce qui arrive trop souvent. Je vous alerte sur le sujet, car leur vulnérabilité les expose grandement aux violences sexuelles.

La commission rejette l’amendement CL19.

Elle adopte les amendements CL56 et identiques. En conséquence, l’amendement CL7 tombe.

Elle rejette successivement les amendements CL31 et CL13.

Amendement CL23 de Mme Céline Thiébault-Martinez

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Il vise à compléter l’alinéa 10 afin de préciser que, dans le cadre d’un viol ou d’une agression sexuelle, la contrainte peut également être économique.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. La jurisprudence a déjà fréquemment attaché la situation économique et financière de la victime à la contrainte morale. L’adoption de votre amendement pourrait conduire le juge à exclure les autres aspects de la contrainte morale que le législateur n’aura pas fait figurer dans la loi. Il faut en rester à la simple division entre contrainte physique et morale et éviter toute liste. Retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL51 de Mme Marie-Charlotte Garin, CL29 de Mme Sarah Legrain, CL37 de M. Guillaume Gouffier Valente et CL50 de M. Erwan Balanant

Mme Véronique Riotton, rapporteure. Le Conseil d’État n’estime pas nécessaire de répéter les modifications législatives auxquelles le texte procède. La proposition de loi introduit le défaut de consentement comme élément constitutif de l’infraction à l’article 222-22 du code pénal, lequel concerne l’ensemble des agressions sexuelles dont le viol : il s’appliquera donc également aux articles 222-22-2 et 222-23 que nous visions aussi. Par souci de lisibilité et de précision, nous vous proposons donc de supprimer les alinéas 11, 13 et 15.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL24 de Mme Céline Thiébault-Martinez

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Il vise à introduire dans notre code pénal le stealthing, à savoir le retrait non consenti du préservatif lors d’un rapport sexuel, à l’insu du ou de la partenaire. À ce jour, il n’existe aucun moyen de sanctionner ce type d’agissements.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Je vous remercie d’avoir déposé cet amendement qui nous donne l’occasion d’aborder un sujet mal appréhendé : celui du retrait ou de l’absence de port de préservatif, qui constitue un viol dès lors que le consentement concernait un acte protégé.

Il s’agit d’un sujet essentiel, que nous avons traité pendant nos travaux. Il nous semble que cette infraction est couverte par la présence du terme « spécifique » à l’alinéa 5. Dans ce dernier, on lit que le consentement « est spécifique et peut être retiré avant ou pendant l’acte à caractère sexuel. » Le Conseil d’État a précisé et validé ce qualificatif.

Le consentement à une pénétration vaginale ne vaut pas forcément pour une pénétration anale, le consentement à un rapport sexuel avec préservatif ne vaut pas consentement à une relation sexuelle sans préservatif. Nous partageons votre objectif, mais je demande le retrait de l’amendement puisqu’il est satisfait ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Votre réponse me surprend beaucoup, car vous avez évoqué au début de notre débat l’importance de la pédagogie et de la compréhension par les juges et la société des pratiques sexuelles. Je pense que si cet acte n’est pas reconnu, c’est qu’il n’est pas mentionné en tant que tel dans la loi. Voilà pourquoi je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article unique modifié.

Après l’article unique

Amendement CL25 de Mme Céline Thiébault-Martinez

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Il vise à réprimer davantage les viols sur mineurs, en prévoyant une circonstance aggravante pour tous les mineurs et pas uniquement pour les mineurs de 15 ans.

Mme Marie-Charlotte Garin, rapporteure. Il faut probablement repenser cette circonstance aggravante, du fait de l’adoption en 2021 d’une infraction autonome de viol sur mineur qui en a réduit la portée et a rendu l’articulation entre les différentes dispositions encore plus délicate. Comme vous, il me semble que nous pourrions mieux protéger les mineurs victimes mais je pense que, dans un souci de cohérence, la question des circonstances aggravantes mérite un débat en soi. Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL11 et CL10 de Mme Céline Thiébault-Martinez, CL21 de Mme Sarah Legrain et CL20 de Mme Gabrielle Cathala (discussion commune)

Mme Céline Thiébault-Martinez (SOC). Nous connaissons l’ampleur de l’impunité dont bénéficient les agresseurs, mais nous ignorons le niveau qu’elle atteindra lorsque nous aurons introduit la notion de consentement dans la définition pénale du viol. Voilà pourquoi l’amendement CL11 demande au gouvernement de remettre au Parlement deux rapports sur l’effet de la loi, le premier dix-huit mois après sa promulgation, le second, trois ans après. Mesurer l’impact de la loi est important, car le mouvement féministe est parcouru de débats sur l’opportunité de procéder à cette évolution législative.

L’amendement CL10 a également pour objet la remise d’un rapport, celui-ci évaluant l’opportunité de préparer, en coordination avec les délégations parlementaires aux droits des femmes, un projet de loi de programmation visant à lutter efficacement contre les violences sexistes et sexuelles.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). L’amendement CL21 demande un rapport pour évaluer les effets du texte que nous examinons, un an après son éventuelle promulgation. L’objectif est de connaître précisément l’impact de la redéfinition pénale des infractions d’agression sexuelle et de viol sur le traitement judiciaire des violences sexuelles.

Madame Thiébault-Martinez, une loi de programmation de lutte contre les violences sexistes et sexuelles serait bien sûr intéressante, mais ces lois ne sont pas contraignantes. Souvenons-nous de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, promulguée il y a moins de deux ans : il manquera 250 millions d’euros dans le budget de 2025 par rapport à ce qu’elle prévoyait ! Nous savons déjà ce qu’il faut faire pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles : il suffit que les amendements adoptés par l’Assemblée nationale ne soient pas balayés par l’usage du 49.3. Une énième loi de programmation non contraignante est inutile.

Mme Sarah Legrain (LFI-NFP). L’amendement CL20 a pour objet de demander au gouvernement un rapport évaluant les effets du texte sur l’enregistrement, le traitement et la poursuite des faits de violence sexuelle commis dans le cadre conjugal.

L’un des objectifs de la proposition de loi est de changer la vision que la société a de la figure du violeur. Contrairement à la pensée la plus répandue, les chiffres montrent qu’une très grande partie des agressions sexuelles sont commises par une personne connue de la victime et, parfois, par son conjoint ou son ancien conjoint. La société, la police et la justice perçoivent encore le violeur type comme un inconnu, voire un étranger dans la représentation de l’extrême droite, alors que le violeur est souvent le mari.

La Cour européenne des droits de l’homme a récemment condamné la France pour l’interprétation que fait encore parfois la justice de la communauté de vie associée au mariage, notion présente dans le code civil. Ainsi, si le code pénal reconnaît bien le vol conjugal, un divorce a récemment été prononcé aux torts d’une femme qui refusait d’avoir des relations sexuelles avec son mari. Il faut révolutionner les mentalités françaises sur le viol conjugal. Je suis convaincue que la proposition de loi y contribuera, mais j’aimerais que ce concours soit précisément évalué.

Mme Véronique Riotton, rapporteure. Puisque nous sommes, Mme Garin et moi, accueillies en commission des lois, nous nous en tenons à sa pratique de donner un avis défavorable à toute demande de rapport.

Le législateur possède déjà la prérogative d’évaluer l’impact de la loi trois ans après sa promulgation : nous veillerons tous à ce que ce travail soit mené. Par ailleurs, le gouvernement agit dans la lutte globale contre les violences sexistes et sexuelles et lance des initiatives. Enfin, les DDF sont libres de travailler à l’élaboration d’un texte de programmation contre les violences sexistes et sexuelles.

Mme Elsa Faucillon (GDR). Je voterai en faveur de ces amendements.

Depuis le Grenelle des violences conjugales et surtout depuis le mouvement MeToo, le législateur est intervenu dans le domaine de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles à travers une mosaïque de propositions et de projets de loi. Dans la perspective de l’élaboration d’une loi intégrale, globale, cadre, il sera nécessaire de disposer d’évaluations. Pour la préparer, notre commission pourrait constituer une mission d’information chargée d’évaluer, en lien avec la DDF, l’ensemble des mesures déjà existantes.

M. le président Florent Boudié. Nous pourrions confier une mission d’information à la délégation, comme nous pourrions conduire une mission d’information propre à la commission des lois.

La commission adopte l’amendement CL11, rejette l’amendement CL10, adopte l’amendement CL21 et rejette l’amendement CL20.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles (n° 842) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


   PERSONNES ENTENDUES

   M. Julien Morino-Ros, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales

   M. Antoine Raccat, adjoint à la cheffe du bureau de la législation pénale générale

   Mme Naïma Mohraz, rédactrice du bureau de la législation pénale générale

Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)

   M. Olivier Caracotch, procureur près la cour d’appel de Dijon

Conférence nationale procureurs généraux (CNPG)

   M. Éric Corbaux, président, procureur général près la cour d’appel de Bordeaux

   M. Christophe Barret, procureur général près la cour d’appel de Grenoble

Direction générale de la police nationale (DGPN)

   M. Franck Dannerolle, commissaire divisionnaire, chef de l’office central pour la répression des violences aux personnes à la Direction nationale de la police judiciaire (DNPJ)

   Mme Charlotte Hunz, adjointe au conseiller missions de police au cabinet du directeur général

Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN)

   Lieutenant-colonel Serge Procédès, chef du bureau de la délinquance générale de la sous-direction de la police judiciaire de la DGGN

   Lieutenant-colonel Marie-Laure Bock- bureau de la délinquance générale de la sous-direction de la police judiciaire de la DGGN

   Mme Julie Bernier, conseillère justice du directeur général

   M. Aurélien Martini, secrétaire général adjoint 

   Mme Fabienne Averty, secrétaire nationale

   Mme Judith Allenbach, présidente

   Mme Lucia Argibay, secrétaire nationale

   Mme Manon Lefebvre, secrétaire nationale

   Mme Valérie Dervieux, déléguée générale

   Mme Delphine Blot, déléguée générale adjointe

Conseil national des barreaux (CNB)

   M. Alexis Werl, président de la commission textes

   Mme Mona Laaroussi, chargée de mission affaires publiques

Conférence des bâtonniers

   M. Stéphane Guirana, membre du bureau de la Conférence des bâtonniers

Barreau de Paris

   Mme Elise Arfi, ancienne membre du Conseil de l’ordre des avocats du barreau de Paris

Fédération nationale solidarité femmes (FNSF)

   Mme Mine Günbay, directrice générale

   Mme Fanny Lange, chargée de communication

Fédération nationale des Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (FNCIDFF)

   Mme Auriane Dupuy, chargée de plaidoyer

   Mme Marie Vilar, conseillère technique lutte contre les violences sexistes et sexuelles

Osez le féminisme ! (OLF)

   Mme Céline Piques, membre du conseil d’administration, ancienne présidente

Choisir la cause des femmes

   Mme Maria Cornaz Bassoli, Présidente

   Mme Ana Cuesta, Secrétaire Nationale


   Mme Magali Lafourcade, secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH)

   M. François Lavallière, magistrat et maître de conférences en droit pénal

   Mme Catherine Le Magueresse, chercheuse associée à l’Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne

   M. Denis Salas, magistrat enseignant associé (ENM), président de l’association française pour l’histoire de la justice, directeur scientifique des Cahiers de la Justice (Dalloz)

 


([1]) Assemblée nationale, rapport d’information n° 792 sur la définition pénale du viol, Mmes Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, 21 janvier 2025.

([2]) Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, 2022/0066, 8 mars 2022.

([3]) Directive (UE) 2024/1385 du Parlement européen et du Conseil sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, 14 mai 2024.

([4]) Ajout réalisé par la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d'adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l'Union européenne et des engagements internationaux de la France.

([5]) Ajout réalisé par la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.

([6]) Loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux.

([7]) Assemblée nationale, rapport n° 1601 de Mme Marie-Louise Fort sur la proposition de loi visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l’inceste sur les mineurs et à améliorer l’accompagnement médical et social des victimes, 8 avril 2009.

([8]) Conseil constitutionnel, décision QPC n° 2014-448 du 6 janvier 2015.

([9]) Loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

([10]) Cass. crim, 17 mars 2021, n° 20.86.918.

([11]) Conseil constitutionnel, décision QPC n° 2011-164, 16 septembre 2011.

([12]) Cass. crim., 11 septembre 2024, n° 23-86.657.

  1.     Frère, sœur, oncle, tante, grand‑oncle, grand-tante, neveu, nièce ; le conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité d’une de ces personnes ou d’un ascendant.

([14]) Cass. crim., 7 août 2013, n°13-90.015.

([15])  Cass. crim., 3 mars 2021, n° 20-82.399.

([16]) Lorsque l’agression a entraîné une blessure ou lésion ; lorsqu’elle est commise par un ascendant, une personne abusant de l’autorité qui lui confèrent ses fonctions, une personne en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants, ou encore par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice. La peine est aussi aggravée lorsque l’infraction est commise avec usage ou menace d’une arme ou lorsqu'une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d'altérer son discernement ou le contrôle de ses actes.

([17]) Cass. crim., 14 octobre 2020, n° 20-83.273.

([18]) Conseil d’État, avis n° 409241, 6 mars 2025.

([19]) Exposé des motifs de la présente proposition de loi.

([20]) Sénat, rapport n° 467 sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste, par Mme Marie Mercier.

([21]) Article 9 de la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.

([22]) Amendement CL11.

([23]) Amendement CL21.