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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 mars 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme (n° 374)
PAR M. Loïc KERVRAN
Député
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION............................................ 5
3. Un « effet de bord » inquiétant : l’augmentation du quantum des peines d’emprisonnement ferme
2. Les modifications apportées par la commission
« L’un des plus grands freins qui s’opposent aux délits n’est pas la cruauté des peines, mais leur infaillibilité (…). La certitude d’un châtiment, quoique modéré, fera toujours une plus forte impression que la crainte d’un châtiment plus terrible à laquelle se joint l’espoir de l’impunité ».
Cesare Beccaria, Des délits et des peines, 1764
L’objectif de la présente proposition de loi est de rétablir la pleine capacité du juge pénal à prononcer la peine qu’il juge la plus adaptée, y compris lorsqu’il s’agit d’une peine d’emprisonnement ferme. C’est une condition nécessaire pour renforcer la lisibilité et la confiance des citoyens dans les décisions de justice.
● Le principe d’individualisation des peines ([1]), qui a une valeur constitutionnelle ([2]), est au fondement de notre État de droit.
Il se traduit par le fait que le juge détermine la peine, dans les limites fixées par la loi, « en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale » ([3]).
Seul le juge est en effet légitime pour fixer la peine la plus adaptée, dans le respect des deux finalités assignées par le code pénal à cette dernière : d’une part, « sanctionner l’auteur de l’infraction », et, d’autre part, « favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion » ([4]).
L’individualisation de la peine a donc nécessairement pour corollaire l’indépendance et la pleine liberté du juge dans sa fonction juridictionnelle.
● Ces principes cardinaux de notre justice ont cependant été malmenés par les évolutions récentes de la politique pénale.
L’office du juge pénal a en effet été enserré dans un carcan de règles et de contraintes, qui constituent autant d’entraves à sa liberté de jugement et de dérogations au principe d’individualisation de la peine.
La loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 s’est inscrite dans cette dynamique. Celle-ci a en effet supprimé la possibilité de prononcer des peines d’emprisonnement ferme inférieures à un mois. Elle a en outre instauré le principe d’un aménagement quasi-systématique des peines inférieures ou égales à un an d’emprisonnement, sous la forme d’une détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur.
Au soutien de cette réforme, le Gouvernement de l’époque invoquait notamment la volonté de désengorger les établissements pénitentiaires et de favoriser la réinsertion des personnes condamnées. Dans cette perspective, les courtes peines constituaient nécessairement de « mauvaises peines », jugées désocialisantes et inefficaces pour lutter contre le risque de récidive.
● Or, force est de constater que cette politique pénale est un échec.
Elle n’a pas réduit la surpopulation carcérale. En effet, faute de pouvoir prononcer des courtes peines pour mettre un coup d’arrêt aux agissements délictuels dès les premières infractions commises, les juges mettent aujourd’hui sous écrou principalement des personnes fortement ancrées dans la délinquance. En outre, la loi du 23 mars 2019 a pu inciter le juge pénal à prononcer des peines d’emprisonnement ferme d’une durée plus longue afin d’échapper à l’obligation d’aménagement.
Il en résulte que le quantum moyen des peines d’emprisonnement ferme ne cesse d’augmenter, pour atteindre plus de 11 mois en 2023. C’est ainsi l’accroissement de la durée des peines et non l’augmentation des condamnations qui explique en grande partie la surpopulation actuelle dans nos établissements pénitentiaires ([5]), ainsi que l’ont confirmé l’ensemble des personnes auditionnées par votre rapporteur.
Elle n’a pas non plus réduit le risque de récidive ou de réitération ([6]). Bien au contraire, l’absence par principe de tout emprisonnement ferme pour les peines égales ou inférieures à un an a pu alimenter un sentiment d’impunité chez les délinquants.
De même, l’aménagement quasi-automatique de ces peines d’emprisonnement a nourri un sentiment légitime d’incompréhension, voire d’exaspération des victimes et, plus largement, de nos concitoyens.
La lisibilité et la compréhension de la peine, qui doivent être au cœur du pacte de confiance entre l’institution judiciaire et notre Nation, ont ainsi été significativement érodées.
● Il est donc impératif de changer de paradigme.
L’objectif de la présente proposition de loi est de rétablir la pleine capacité du juge pénal à prononcer la peine qu’il estime la plus opportune.
Le juge doit notamment pouvoir prononcer des courtes peines d’emprisonnement ferme s’il considère que c’est la solution la plus appropriée au regard des circonstances de l’espèce et du profil du condamné.
Les courtes peines d’emprisonnement peuvent en effet s’avérer efficaces pour lutter contre la récidive et réduire à terme la population carcérale, comme l’illustre l’exemple de pays ayant recours à ces dernières. À titre d’exemple, aux Pays-Bas, la durée moyenne de détention est de 3,5 mois contre 11 mois en France, tandis que le nombre annuel d’entrées en prison a significativement diminué avec l’adoption de courtes peines d’emprisonnement, en passant de 31 456 en 2019 à 26 760 en 2023.
Certaines études académiques tendent également à établir la plus-value des ultra-courtes peines de prison (7 ou 14 jours) par rapport à la mise en œuvre de certaines mesures d’aménagement tel que le travail d’intérêt général ([7]).
Il est en effet préférable d’incarcérer plus tôt et moins longtemps un délinquant que de laisser celui-ci commettre de multiples infractions, avant d’être incarcéré tardivement et pour une longue durée, comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui.
C’est la raison pour laquelle il est proposé de supprimer l’interdiction de prononcer des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un mois, ainsi que la quasi-obligation d’aménager les peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an.
La proposition de loi renforce également l’office du juge quant à sa capacité à prononcer des mesures d’aménagement, puisqu’elle prévoit de rehausser le seuil d’aménagement d’un an à deux ans. Là encore, il s’agit de faire confiance à l’institution judiciaire, qui est seule à même d’apprécier si une telle mesure d’aménagement se justifie.
En contrepartie, le prononcé de tels aménagements de peine devra être conditionné à l’existence de garanties crédibles quant aux perspectives de réinsertion sociale du condamné, ce qui n’est pas le cas actuellement.
● Si cette proposition de loi est de nature à redonner du sens et de l’intelligibilité à la peine, votre rapporteur est conscient que le succès de sa mise en œuvre dépendra de facteurs qui dépassent le cadre de cette niche parlementaire, tels que la construction d’établissements pénitentiaires adaptés au profil des personnes condamnées pour des courtes peines, la mise en place des moyens renforcés pour contrôler la bonne exécution des mesures d’aménagement en vue d’une meilleure efficacité de la probation ([8]), ou encore le recours accru à des outils déjà existants comme le transfèrement des détenus européens ou le mécanisme de libération-expulsion pour faire diminuer la population carcérale.
Puisse l’adoption de la présente proposition de loi constituer la première étape de cette réforme plus globale de notre politique pénale, que votre rapporteur appelle de ses vœux.
I. L’impact significatiF de la loi du 23 mars 2019 sur la nature et l’exécution des peines correctionnelles
La loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 a privé le juge correctionnel du pouvoir de prononcer des peines d’emprisonnement ferme inférieures à un mois et instauré le principe d’un aménagement quasi-systématique des peines inférieures ou égales à un an d’emprisonnement.
Ces deux mesures ont eu des effets significatifs sur la nature et l’exécution des peines correctionnelles.
1. Une réforme qui porte sur la grande majorité des peines d’emprisonnement prononcées au titre des délits
● En 2024, sur un total de 580 000 peines correctionnelles prononcées, 129 574 étaient des peines d’emprisonnement ferme, en totalité ou en partie (+ 4,7 % depuis 2021) ([9]).
Les peines correctionnelles d’amende (228 972 en 2024) et d’emprisonnement avec sursis total (140 118) sont toutefois davantage prononcées que les peines d’emprisonnement ferme, selon les données communiquées à votre rapporteur ([10]).
Parmi ces 129 574 peines correctionnelles d’emprisonnement ferme, 67 702 ont été prononcées pour une durée de 1 à 6 mois et 41 947 pour une durée de 6 à 12 mois. Ainsi, les peines correctionnelles d’une durée inférieure ou égale à un an représentent près de 85 % du total des peines d’emprisonnement ferme prononcées au titre de délits.
À titre de comparaison, les peines correctionnelles d’emprisonnement d’une durée comprise entre un et deux ans ont représenté 12 295 peines en 2024 et celles supérieures à deux ans 7 539 peines.
● Les types de délits qui sont principalement concernés par ces peines d’emprisonnement ferme sont les violences (37 061 en 2024), les vols et escroqueries aggravés (21 689) et les infractions en matière de stupéfiants (17 055).
Il sera enfin relevé que le délai de mise à exécution de ces peines d’emprisonnement ferme est passé de 7,5 mois en 2020 à 5,3 mois en 2024.
2. Un taux d’aménagement en hausse, qui se traduit par une augmentation significative des détentions à domicile sous surveillance électronique
● Le taux d’aménagement des peines correctionnelles d’emprisonnement ferme inférieures à un an a logiquement progressé depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2019 : de 2019 à 2024, celui-ci est passé de 39 à 48 % pour les peines d’un mois à six mois et de 25 à 40 % pour les peines de six mois à douze mois.
Une autre évolution marquante favorisée par la loi du 23 mars 2019 est que les aménagements de peines correctionnelles d’emprisonnement ferme sont désormais davantage prononcés ab initio par la juridiction de jugement que par le juge de l’application des peines. Ainsi, en 2024, le tribunal correctionnel a prononcé 13 813 aménagements de peines d’emprisonnement ferme d’une durée d’un à six mois et 8 777 aménagements de peines comprises entre six et douze mois, contre respectivement 11 459 et 3 657 aménagements prononcés par le juge de l’application des peines lui-même.
● Or, les juridictions de jugement prononcent principalement des mesures de détentions à domicile sous surveillance électronique (« DDSE ») ([11]).
Selon un récent rapport parlementaire, 5 982 peines d’emprisonnement avaient été ainsi aménagées ab initio sous la forme d’une DDSE en 2020, 15 541 en 2021 et 19 451 en 2022, soit une multiplication par plus de trois en trois ans ([12]).
A contrario, le placement à l’extérieur est très peu prononcé dans le cadre d’un aménagement de peines prononcé ab initio : parmi les 934 personnes concernées par tel placement au 1er janvier 2023, seuls 182 en ont bénéficié avant toute exécution de leur peine ([13]).
Quant aux quartiers et centres de semi-liberté, les rapporteures de cette mission d’information notent qu’« ils sont progressivement remplis par les détenus qui bénéficient d’une LSC [libération sous contrainte] ([14]), ce qui réduit le nombre de places disponibles pour les autres détenus ».
● Les données les plus récentes communiquées à votre rapporteur confirment cette prédominance des mesures de DDSE, que l’aménagement soit décidé par la juridiction de jugement au moment du prononcé de la peine ou postérieurement par un juge de l’application des peines.
Au titre de l’aménagement des peines correctionnelles d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à six mois, 19 380 DDSE ont été prononcées en 2024, contre 1 434 placements en semi-liberté.
De même, pour les peines d’emprisonnement ferme d’une durée de six à douze mois, 11 065 ont été aménagées sous la forme d’une DDSE, contre 1 147 sous la forme d’une semi-liberté.
3. Un « effet de bord » inquiétant : l’augmentation du quantum des peines d’emprisonnement ferme
● L’entrée en vigueur des dispositions de la loi du 23 mars 2019 s’est certes traduite par une baisse sensible du nombre de peines d’emprisonnement ferme de moins de six moins. En revanche, cette baisse s’est accompagnée d’une augmentation particulièrement significative des peines correctionnelles d’emprisonnement ferme ou en partie ferme de six mois à un an. Ces dernières ont en effet augmenté de 51 % depuis 2019, ainsi que le rappelle le tableau ci-dessous.
Nombre de peines correctionnelles d’emprisonnement ferme ou en partie ferme
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
Variation 2019-2024 |
1 à 6 mois |
86 564 |
61 306 |
74 005 |
70 385 |
70 235 |
67 702 |
- 22 % |
6 mois à 1 an |
27 786 |
25 991 |
32 890 |
34 325 |
38 356 |
41 947 |
51 % |
1 à 2 ans |
11 265 |
9 372 |
11 457 |
11 612 |
12 115 |
12 295 |
9 % |
Source : réponse de la direction des affaires criminelles et des grâces (« DACG ») au questionnaire de votre rapporteur
● La Cour des comptes a ainsi relevé dans un récent rapport que « ces constatations suggèrent que l’obligation d’aménager les peines inférieures ou égales à six mois, introduit par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, a produit, par ‘‘effet de bord’’, une augmentation du quantum des peines prononcées » ([15]).
Ces chiffres tendent en effet à démontrer que le tribunal correctionnel, pour échapper au caractère quasi-obligatoire de l’aménagement total de la peine d’une durée inférieure ou égale à six mois, prononcerait davantage de peines supérieures à six mois d’emprisonnement. Ces dernières peuvent en effet être aménagées seulement en partie, en application de l’article 132-25 du code pénal.
Les magistrats prononceraient donc des peines plus lourdes pour garantir qu’une partie soit exécutée en détention.
● L’allongement des peines prononcées pour échapper aux obligations d’aménagement est également corroboré par l’augmentation du nombre de détenus condamnés à des peines d’un an à deux ans d’emprisonnement ferme depuis 2020 : les détenus concernés sont en effets passés de 10 640 en 2020 à plus de 14 000 au 1er janvier 2025.
Répartition des détenus condamnés par quantum de peines
Au 1er janvier |
Quantum manquant |
Moins de 1 an |
1 à moins de 2 ans |
2 à moins de 3 ans |
3 à moins de 5 ans |
5 ans et plus |
Ensemble |
|||||
Effectif |
Part |
Effectif |
Part |
Effectif |
Part |
Effectif |
Part |
Effectif |
Part |
|||
2020 |
79 |
8 850 |
17,8 % |
10 640 |
21,4 % |
6 447 |
13,0 % |
6 929 |
13,9 % |
16 743 |
33,7 % |
49 688 |
2021 |
98 |
7 417 |
17,5 % |
8 704 |
20,5 % |
5 028 |
11,9 % |
5 554 |
13,1 % |
15 593 |
36,8 % |
42 394 |
2022 |
87 |
8 052 |
16,7 % |
11 262 |
23,4 % |
6 479 |
13,5 % |
6 382 |
13,3 % |
15 889 |
33,0 % |
48 151 |
2023 |
69 |
7 648 |
15,2 % |
11 890 |
23,6 % |
6 966 |
13,9 % |
7 263 |
14,4 % |
16 442 |
32,7 % |
50 278 |
2024 |
294 |
7 405 |
14,0 % |
12 693 |
24,0 % |
7 402 |
14,0 % |
7 820 |
14,8 % |
17 204 |
32,6 % |
52 818 |
2025 |
60 |
6 790 |
12,0 % |
14 007 |
24,8 % |
8 662 |
15,4 % |
8 550 |
15,2 % |
18 355 |
32,5 % |
56 424 |
Source : réponse de la direction de l’administration pénitentiaire au questionnaire de votre rapporteur.
● Ainsi, l’aggravation du quantum moyen des peines correctionnelles prononcées depuis la loi du 23 mars 2019 a une influence directe sur l’augmentation de la durée moyenne de détention et donc sur la surpopulation carcérale, comme le démontre le graphique ci-dessous.
évolution de la durée de détention et du quantum des peines correctionnelles d’emprisonnement ferme
Source : réponse de la direction de l’administration pénitentiaire au questionnaire de votre rapporteur.
II. La proposition de loi tire les conséquences de ce bilan contrasté de la loi de mars 2019, en rétablissant la liberté du juge correctionnel de prononcer la peine la plus adaptée
1. Une proposition de loi visant à rétablir la capacité du juge correctionnel de prononcer la peine la plus adaptée, y compris les courtes peines d’emprisonnement ferme
L’article 1er modifie l’article 132-19 du code pénal pour supprimer les dispositions qui, d’une part, encadrent le prononcé de peines d’emprisonnement ferme et, d’autre part, incitent à aménager les peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un an.
Il supprime ainsi l’interdiction de prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois.
Il met fin au principe selon lequel une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours.
Il abroge en outre les dispositions de l’article 132-19 du code pénal qui privilégient la mise en œuvre de mesures d’aménagement pour une peine inférieure ou égale à un an d’emprisonnement ferme.
Enfin, il rehausse le seuil d’aménagement des peines par le tribunal correctionnel d’un an à deux ans d’emprisonnement ferme, en cohérence avec le seuil d’aménagement fixé pour les personnes incarcérées au titre des mesures prononcées par le juge de l’application des peines.
En application de ces modifications de l’article 132-19, les mesures d’aménagement constituent par conséquent une simple faculté et non plus une obligation pour le tribunal correctionnel, lorsque celui-ci prononce une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à deux ans.
L’article 2 réécrit l’article 132-25 du code pénal aux fins de conditionner le prononcé d’une mesure d’aménagement d’une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à deux ans à la justification par le condamné de certaines circonstances relatives à sa situation personnelle : exercice d’une activité professionnelle, d’une formation ou recherche d’un emploi ; participation essentielle à la vie de sa famille ; nécessité de suivre un traitement médical ; existence d’efforts sérieux de réadaptation sociale.
La finalité de dispositif est de s’assurer que la personne bénéficiant d’une mesure d’aménagement a des perspectives crédibles de réinsertion.
Les critères prévus à l’article 2 sont identiques à ceux qui étaient fixés à l’article 132-26-1 du code pénal, avant son abrogation par la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.
L’article 3 abroge l’article 464-2 du code de procédure pénale, qui rappelle le principe de l’aménagement des peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un an et énumère les différentes possibilités offertes au tribunal correctionnel pour l’exécution d’une telle peine.
2. Les modifications apportées par la commission
La commission des Lois a adopté des amendements rédactionnels et de coordination outre-mer de votre rapporteur à l’article 1er et à l’article 2 de la proposition de loi.
Elle a supprimé l’article 3, qui abroge l’article 464-2 du code pénal.
Elle a en outre introduit deux nouveaux articles, à l’initiative de votre rapporteur.
L’article 4 met en cohérence l’article 132-27 du code pénal sur le fractionnement des peines avec les dispositions de l’article 1er de la proposition de loi.
L’article 5 adapte diverses dispositions du code de procédure pénale, pour les mettre en conformité avec les articles 1er et 2 de la proposition de loi.
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article supprime l’interdiction de prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois, ainsi que le principe selon lequel une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours.
Il abroge les dispositions de l’article 132-19 du code pénal qui privilégient la mise en œuvre de mesures d’aménagement pour une peine inférieure ou égale à un an d’emprisonnement ferme.
Enfin, il rehausse le seuil d’aménagement des peines d’un an à deux ans d’emprisonnement ferme.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 74 de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 a introduit au sein de l’article 132-19 du code pénal, d’une part, l’interdiction de prononcer une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à un mois et, d’autre part, le principe de l’aménagement d’une peine inférieure ou égale à un an d’emprisonnement ferme.
Ces dispositions sont entrées en vigueur le 24 mars 2020 et sont applicables au jugement des infractions commises avant cette date, en application du principe de rétroactivité des dispositions pénales moins sévères ([16]).
Modifications apportées par la commission
La commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteur, un amendement rédactionnel et un amendement de coordination outre-mer.
L’article 132-19 du code pénal encadre strictement le prononcé d’une peine d’emprisonnement pour un délit.
● Tout d’abord, la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales a affirmé le caractère subsidiaire de la peine d’emprisonnement ferme, dès lors que celle-ci ne doit être prononcée qu’en dernier recours par le juge correctionnel.
En vertu de l’alinéa 2 de l’article susmentionné, une peine d’emprisonnement sans sursis ne peut ainsi être décidée que « si la gravité de l’infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate » ([17]).
● En outre, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a prohibé le prononcé de toute peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois.
Avant cette interdiction fixée au premier alinéa de l’article 132-19, les tribunaux correctionnels prononçaient entre 10 000 (en 2015) et 5 500 (en 2020) peines d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois, selon les données communiquées à votre rapporteur ([18]).
Au soutien de cette interdiction, le Gouvernement de l’époque affirmait que « d’autres peines sont en effet parfaitement susceptibles de se substituer à des peines fermes d’aussi courte durée, qui ont un effet désocialisant majeur et qui prédisposent à la récidive, ce qu’il faut impérativement éviter » ([19]).
● Le troisième alinéa de l’article 132-19 du code pénal, tel que modifié par la loi précitée du 23 mars 2019, favorise le prononcé des mesures d’aménagement de peines d’emprisonnement ferme.
D’une part, la peine d’emprisonnement ferme inférieure ou égale à six mois doit nécessairement faire l’objet d’une mesure d’aménagement pour la totalité de sa durée, « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné » ([20]).
D’autre part, la mise en œuvre d’une mesure d’aménagement est également de principe pour les peines d’emprisonnement ferme comprises entre six mois et un an, « si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle » ([21]). Dans cette configuration, l’aménagement peut cependant porter sur tout ou partie de la durée de la peine ([22]).
Les dispositions de l’article D. 48-1-1 du code de procédure pénale ([23]) précisent que les seuils de six mois ou un an d’emprisonnement s’apprécient en tenant compte de la révocation totale ou partielle d’un sursis simple décidé par la juridiction de jugement ainsi que la durée de la détention provisoire.
● En revanche, depuis la loi du 23 mars 2019, tout aménagement prononcé par la juridiction de jugement est exclu pour les peines d’emprisonnement ferme d’une durée supérieure à un an ([24]).
Auparavant, le seuil d’aménagement était de deux ans, à l’exception des personnes en état de récidive pour lesquelles il était fixé à un an.
● Dès lors que l’aménagement des peines inférieures ou égales à un an d’emprisonnement ferme est de principe, le tribunal correctionnel qui écarte un tel aménagement doit motiver spécialement sa décision ([25]).
Cette motivation doit être précise et circonstanciée, au regard des faits de l’espèce, de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné, en application des critères prévus au quatrième alinéa de l’article 132-19 du code pénal.
Une telle motivation spéciale est cohérente avec les dispositions de l’article 464-2 du code de procédure pénale, aux termes desquelles « le tribunal doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, afin de justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que cette peine ne peut être aménagée ».
● Or, la Cour de cassation exerce un contrôle particulièrement strict sur la motivation de l’exclusion de l’aménagement de peine, ce qui a pour effet de limiter encore davantage l’office du juge.
● Tout d’abord, l’exigence de garantie de réinsertion ou d’efforts sérieux de réadaptation sociale comme condition préalable au prononcé d’une mesure d’aménagement a été supprimée par la loi du 23 mars 2019 précitée ([26]). La jurisprudence censure par conséquent la décision du tribunal correctionnel qui refuse l’aménagement de peine au motif de l’absence d’éléments propres à caractériser un projet de réinsertion du condamné ([27]).
En outre, la Haute juridiction retient que le tribunal correctionnel ne peut refuser de prononcer une mesure d’aménagement au motif qu’il ne serait pas en possession d’éléments suffisants sur la situation matérielle ou professionnelle lui permettant d’apprécier la mesure d’aménagement adaptée.
Dans une telle hypothèse, il appartient en effet au tribunal d’ordonner l’aménagement et de renvoyer le condamné devant le juge de l’application des peines pour déterminer la mesure adéquate ([28]). Si le tribunal estime qu’il ne dispose pas d’éléments suffisamment précis et actualisés sur le condamné, il peut également ordonner un ajournement de la peine aux fins d’investigation sur sa personnalité ou sa situation, en application de l’article 132-70-1 du code pénal ([29]).
Enfin, la Cour de cassation a jugé que l’absence du prévenu à l’audience ne faisait pas obstacle à l’obligation d’aménager la peine d’emprisonnement, le tribunal devant se fonder dans cette hypothèse sur les seules pièces de la procédure ([30]).
● Il résulte des dispositions ci-dessus qu’il revient en principe au tribunal correctionnel de statuer sur l’éventuel aménagement de la peine d’emprisonnement qu’il prononce (aménagement dit « ab initio »), comme le rappelle une circulaire du garde des Sceaux : « le tribunal correctionnel a l’obligation, lors du prononcé de la peine d’emprisonnement, de statuer sur les conditions de l’exécution de la peine » ([31]).
Le juge de l’application des peines ne statuera ainsi sur la mesure d’aménagement que si le tribunal ne dispose pas des éléments suffisants pour se prononcer en connaissance de cause : « Ce n’est que dans l’hypothèse où le tribunal est dans l’impossibilité de le faire qu’il pourra saisir le juge de l’application des peines aux fins de statuer sur l’aménagement de la peine » ([32]).
Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation a retenu que la juridiction qui ordonne l’aménagement de la peine d’emprisonnement n’est pas tenue de motiver sa décision de laisser au juge de l’application des peines le soin de choisir la mesure dudit aménagement ([33]).
● En tout état de cause, le juge de l’application des peines reste pleinement compétent pour déterminer les modalités d’exécution de la mesure d’aménagement décidée par le tribunal correctionnel, notamment les interdictions et obligations auxquelles le condamné sera soumis.
Dans ce cadre, si une peine inférieure ou égale à un an d’emprisonnement est prononcée, le condamné est convoqué devant le juge de l'application des peines, dans un délai qui ne doit pas excéder vingt jours après l’audience, en vue de préciser les modalités d'exécution de sa peine. Il est également convoqué, sous trente jours, devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), qui sera en charge de contrôler le respect par le condamné de ses obligations et d’en rendre compte au juge de l’application des peines ([34]).
Enfin, il convient de préciser que le juge de l’application des peines peut décider, à la place de l’aménagement de peine, de convertir une peine d’emprisonnement ferme inférieure ou égale à six mois en peine alternative : peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique ([35]), travail d’intérêt général, jour-amende ou encore sursis probatoire renforcé ([36]).
● L’article 1er de la proposition de loi supprime l’interdiction pour le tribunal correctionnel de prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à un mois.
Il met fin au caractère subsidiaire de la peine d’emprisonnement ferme, en supprimant le deuxième alinéa de l’article 132-19 du code pénal, aux termes duquel celle-ci ne peut être prononcée qu’« en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ».
● L’article 1er abroge également l’obligation de principe pour le juge d’aménager une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou inférieure à un an.
Parallèlement, il revient sur l’impossibilité d’aménager une peine de deux ans d’emprisonnement, en rehaussant le seuil d’aménagement de peine d’un an à deux ans.
En conséquence, les mesures d’aménagement constitueraient une faculté laissée à la libre appréciation du tribunal correctionnel, pour les peines d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à deux ans, étant précisé que l’aménagement pourra concerner tout ou partie de la peine.
● Enfin, l’article 1er modifie les règles relatives à motivation spéciale de la décision du tribunal correctionnel. Il prévoit que celle-ci ne s’appliquera que pour justifier une décision d’aménagement de la peine d’emprisonnement ferme, au regard des critères prévus à l’article 132-25 du code pénal, tel que modifié par l’article 2 de la présente proposition de loi.
La commission a adopté, à l’initiative de votre rapporteur, un amendement rédactionnel ([37]) et un amendement de coordination outre-mer ([38]), avant d’adopter l’article ainsi modifié.
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Article 2
(art. 132-25 du code pénal)
Conditionner les mesures d’aménagement de peine à des garanties de réinsertion du condamné
Adopté par la commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article réécrit l’article 132-25 du code pénal aux fins de conditionner l’aménagement d’une peine d’emprisonnement ferme à la justification par le condamné d’une des circonstances suivantes : exercice d’une activité professionnelle, d’une formation ou recherche d’un emploi ; participation essentielle à la vie de sa famille ; nécessité de suivre un traitement médical ; existence d’efforts sérieux de réadaptation sociale.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 74 de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 a abrogé l’article 132-26-1 du code pénal, qui conditionnait l’aménagement d’une peine d’emprisonnement ferme inférieure ou égale à deux ans à l’exigence de garantie de réinsertion ou d’efforts sérieux de réadaptation sociale du condamné.
L’article 24 de la loi n° 2023-1059 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 du 20 novembre 2023 a modifié l’article 132-25 du code pénal, pour prévoir que la juridiction de jugement peut ordonner le placement ou le maintien en détention du condamné dont la peine est intégralement aménagée, dans l'attente de la fixation par le juge de l'application des peines des modalités d'exécution de la mesure d’aménagement.
Modifications apportées par la commission
La commission a adopté trois amendements rédactionnels de votre rapporteur.
● Le premier alinéa réaffirme l’obligation pour la juridiction de jugement d’ordonner que la peine d’emprisonnement ferme d’une durée égale ou inférieure à six mois soit exécutée en totalité selon trois modalités d’aménagement de la peine : détention à domicile sous surveillance électronique, semi-liberté ou placement à l’extérieur.
Une telle obligation s’applique également en cas d’emprisonnement partiellement assorti du sursis, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à six mois, ou lorsque la juridiction prononce une peine pour laquelle la durée de l’emprisonnement restant à exécuter à la suite d’une détention provisoire est inférieure ou égale à six mois.
Conformément à l’article 132-19, l’obligation de prononcer une mesure d’aménagement pour de telles peines ne peut être levée qu’en cas « d’impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné ».
● S’agissant des peines dont la partie ferme est supérieure à six mois et inférieure ou égale à un d’emprisonnement, le second alinéa de l’article 132-25 prévoit également l’obligation pour la juridiction de jugement de prononcer une des trois mesures d’aménagement précitées, à condition que « la personnalité et la situation du condamné le permettent », en cohérence avec les critères prévus à l’article 132-19.
En revanche, dans une telle hypothèse, cette mesure d’aménagement peut concerner une partie de la peine d’emprisonnement ferme, et non nécessairement la totalité comme c’est le cas pour la peine d’emprisonnement ferme d’une durée égale ou inférieure à six mois.
● Enfin, le troisième alinéa de l’article 132-25 du code pénal, issu de la loi n° 2023-1059 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 du 20 novembre 2023, a pour objet de neutraliser une jurisprudence de la Cour de cassation de 2021 selon laquelle le tribunal correctionnel qui décide de l'aménagement en totalité de la peine d'emprisonnement sans sursis, ne peut pas ordonner, dans le même temps, un maintien en détention ([39]).
Cet alinéa prévoit ainsi que la juridiction pourra ordonner le placement ou le maintien en détention du condamné dont la peine est intégralement aménagée dans l'attente de la fixation par le juge de l'application des peines, dans un délai de cinq jours, des modalités d'exécution de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur.
À cet effet, la juridiction doit, d’une part, assortir sa décision de l'exécution provisoire, et, d’autre part, ordonner le placement ou le maintien en détention dans les conditions prévues aux articles 397-4 et 465-1 du code de procédure pénale.
Le code pénal définit trois modalités d’aménagement d’une peine d’emprisonnement ferme d’une durée égale ou inférieure à un an : la détention à domicile sous surveillance électronique, le placement à l’extérieur et la semi-liberté.
● La personne placée en détention à domicile sous surveillance électronique (« DDSE ») ne peut s’absenter de son domicile ou de tout autre lieu désigné par le juge ([40]) en dehors de certaines périodes. Elle est astreinte au port d'un émetteur permettant de vérifier sa présence effective au lieu et aux horaires déterminés par le juge de l’application des peines.
L’installation du dispositif de surveillance ne peut pas être réalisée sans le consentement du condamné ([41]). Cependant, le fait de refuser celle-ci constitue une violation des obligations qui incombent à ce dernier et peut donner lieu au retrait de l’aménagement et par conséquent à son incarcération.
Le contrôle est effectué à distance par les agents de l'administration pénitentiaire au moyen d'un dispositif électronique générant des alarmes de violation de périmètre, et par vérifications téléphoniques. Les agents de l'administration pénitentiaire peuvent également, dans les horaires prévus, se présenter au lieu fixé pour y contrôler la présence du condamné. Ils ne peuvent toutefois pénétrer dans un domicile sans l'accord des résidents.
Le juge de l’application des peines peut retirer la mesure de DDSE dans l’un des cas suivants : inobservation des interdictions ou obligations imposées ; inconduite notoire ; nouvelle condamnation ; refus par le condamné d’une modification nécessaire des conditions d’exécution ; demande en ce sens du condamné ([42]).
Une non-réintégration ou une réintégration tardive est en outre constitutive du délit d'évasion ([43]), de même que le fait de se soustraire au contrôle prévu par la décision de surveillance électronique ([44]), ou de neutraliser par quelque moyen que ce soit le procédé permettant de détecter à distance sa présence ou son absence du lieu désigné par le juge de l’application des peines ([45]).
En cas de retrait de la mesure de DDSE, le condamné exécute, sauf disposition spéciale de la décision, le reste de sa peine en milieu carcéral.
● Le condamné qui bénéficie du placement à l’extérieur est astreint à « effectuer une activité ou faire l’objet d’une prise en charge sanitaire en dehors de l’établissement pénitentiaire » ([46]).
Les activités (enseignement, formation professionnelle, stage…) effectuées par la personne condamnée sont organisées par des partenaires extérieurs agréés par le directeur interrégional des services pénitentiaires.
L’hébergement du condamné s’effectue traditionnellement au sein de la structure d’accueil. Au 31 décembre 2022, 369 structures de placement à l’extérieur étaient agréées pour un total de 2 195 places proposées. 49 % des structures accueillant des placements à l’extérieur sont des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), 29 % sont des structures d’insertion par l’activité économique (SIAE), les autres partenaires sont le plus souvent des associations locales ([47]).
La mesure de placement à l’extérieur peut être retirée, par jugement du juge de l’application des peines, dans l’un des cas suivants : si les conditions qui ont permis l’octroi de la mesure ne sont plus remplies ; si le condamné ne respecte pas les obligations imposées ; si ce dernier fait preuve de mauvaise conduite ([48]).
● Les personnes bénéficiant d'une mesure de semi-liberté sont contraintes de rejoindre l’établissement pénitentiaire pendant les périodes fixées par le juge de l’application des peines ([49]).
Ces périodes sont notamment déterminées en fonction du « temps nécessaire pour que le condamné puisse exercer une activité professionnelle, suivre un enseignement, un stage, une formation ou un traitement, rechercher un emploi ou participer à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion » ([50]). Les lieux dans lesquels le condamné est autorisé à se rendre sont précisés dans la décision d’aménagement de la peine ([51]).
Le juge de l’application des peines peut déléguer au chef de l’établissement ou au directeur du SPIP le soin de modifier, en cours de mesure, les horaires de sortie ou de réintégration « lorsqu’il s’agit de modifications favorables au condamné ne touchant pas à l’équilibre de la mesure » ([52]).
Le condamné en semi-liberté est soumis au régime général des détenus, notamment aux règles relatives aux réductions de peines. En pratique, les personnes soumises à ce régime sont hébergées dans des centres ou quartiers de semi-liberté, ou dans des structures d'accompagnement vers la sortie, qui sont séparés du reste de l’établissement pénitentiaire ([53]).
Enfin, la semi-liberté peut être retirée aux mêmes conditions que la mesure de placement à l’extérieur ([54]).
● L’article 2 de la proposition de loi réécrit l’article 132-25 du code pénal aux fins de conditionner l’aménagement d’une peine d’emprisonnement ferme d’une durée inférieure ou égale à deux ans à la justification par le condamné de certaines circonstances relatives à sa situation personnelle.
Les critères prévus par le présent article pour fonder une mesure d’aménagement de peine décidée par la juridiction de jugement sont les suivants : exercice d’une activité professionnelle, d’une formation ou recherche d’un emploi ; participation essentielle à la vie de sa famille ; nécessité de suivre un traitement médical ; existence d’efforts sérieux de réadaptation sociale.
Ces exigences sont identiques à celles qui étaient prévues à l’ancien article 132-26-1 du code pénal, qui a été abrogé par l’article 74 de la loi n° 2019-2022 du 23 mars 2019.
● En outre, l’article 2 rehausse le seuil d’aménagement d’un an à deux ans d’emprisonnement, en cohérence avec les dispositions de l’article 1er.
Il précise à cet égard que le prononcé de mesures d’aménagement est également applicable « en cas de prononcé d’un emprisonnement partiellement assorti du sursis ou du sursis probatoire, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à deux ans ».
La commission a adopté trois amendements rédactionnels de votre rapporteur ([55]), puis a adopté l’article ainsi modifié.
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Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 3 abroge l’article 464-2 du code de procédure pénale, qui précise les différentes possibilités offertes au tribunal correctionnel pour l’exécution d’une peine d’emprisonnement ferme, en fonction de leur durée, et définit les obligations de motivation y afférentes.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 464-2 du code de procédure pénale a été créé par l’article 74 de la loi n° 2019-222 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019, dans la perspective de faciliter la mise en œuvre des mesures d’aménagement dès le stade du prononcé des peines.
L’article 24 de la loi n° 2023-1059 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 du 20 novembre 2023 a modifié l’article 464-2 pour préciser que le juge de l’application des peines saisi par le tribunal correctionnel au titre de l’aménagement d’une peine d’emprisonnement conserve la possibilité de « décider d'une libération conditionnelle ou d'une conversion, d'un fractionnement ou d'une suspension de la peine » dans les conditions de droit commun.
Le même article de la loi du 20 novembre 2023 a également ajouté à l’article 464-2 que les différentes options d’exécution de la peine offertes au tribunal correctionnel s’appliquent « sans préjudice de l’article 132-25 du code pénal ».
Modifications apportées par la commission
L’article 3 a été supprimé par la commission.
● Le premier alinéa réaffirme l’obligation pour la juridiction de jugement d’ordonner que la peine d’emprisonnement ferme d’une durée égale ou inférieure à six mois soit exécutée en totalité selon trois modalités d’aménagement de la peine : détention à domicile sous surveillance électronique, semi-liberté ou placement à l’extérieur.
● Le tribunal correctionnel, lorsqu’il prononce une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an d’emprisonnement ferme, doit nécessairement opter pour l’une des quatre options prévues au I de l’article 464-2 du code de procédure pénale, à l’exclusion de toute autre décision ([56]) :
– ordonner lui-même un aménagement de peine sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique, de la semi-liberté ou du placement à l'extérieur, le juge de l’application des peines déterminant uniquement les modalités d’une telle mesure (début, lieu, obligations, horaires) ;
– ordonner que le condamné soit convoqué devant le juge de l’application des peines, qui déterminera la mesure d’aménagement la mieux adaptée à la situation du condamné.
Cette option est offerte au tribunal lorsqu’il ne s’estime pas suffisamment informé sur la situation du condamné pour décider lui-même de l’aménagement de la peine, notamment du fait de l’absence du condamné à l’audience ou du manque d’éléments sur sa situation personnelle ;
– décerner, lors du prononcé de la peine, un mandat de dépôt ou un mandat d'arrêt contre le condamné respectivement présent ou absent, lequel effectuera immédiatement sa peine d’emprisonnement dans un établissement pénitentiaire (ou immédiatement après son arrestation s’agissant du mandat d’arrêt).
Cette option n’est toutefois possible que pour une peine d’emprisonnement ferme d’un an prononcée lors d’une audience de droit commun ([57]). Il n’y a cependant aucune condition de quantum si le condamné est en état de récidive légale ([58]) ou si la peine est prononcée dans le cadre d’une audience de comparution immédiate ou différée ([59]) ;
– décerner un mandat de dépôt à effet différé contre le condamné, qui effectuera sa peine d’emprisonnement ferme dans un établissement pénitentiaire. Un tel mandat n’est toutefois susceptible de s’appliquer que si la peine d’emprisonnement ferme est d’au moins six mois.
● Le mandat de dépôt à effet différé a été créé par la loi l’article 74 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Dans le cadre d’un tel mandat, le condamné est convoqué sous un mois devant le procureur de la République, à qui il revient de fixer sa date d’incarcération.
L’objectif de ce mandat à effet différé est d’assurer l’exécution rapide de la peine sous la forme d’incarcération tout en évitant le caractère désocialisant d’une exécution immédiate. Il permet en effet à la personne condamnée de s’organiser pour limiter l’impact de l’incarcération sur sa situation matérielle, familiale et sociale.
Dans une telle configuration, le dossier n’est pas transmis au juge de l’application des peines en vue d’étudier les possibilités d’un aménagement de peine, selon la procédure de l’article 723-15 du code de procédure pénale.
Le tribunal qui décerne un tel mandat peut en outre assortir sa décision de l’exécution provisoire, pour déroger au caractère suspensif de l’appel.
● Enfin, l’article 464-2 instaure une obligation de motivation spéciale du tribunal correctionnel, dans deux hypothèses : d’une part, lorsque celui-ci décerne un mandat de dépôt ou d’arrêt ou un mandat de dépôt à délai différé pour les peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an ; d’autre part, lorsque la durée totale de l’emprisonnement ferme prononcé est supérieure à un an.
À ce titre, le tribunal correctionnel doit justifier les raisons pour lesquelles il estime devoir prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis et celles pour lesquelles il considère que la peine ne peut être aménagée.
Cette motivation doit tenir compte des faits de l'espèce, de la personnalité de l’auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux dispositions de l’article 132-1 du code pénal.
En application de ces dispositions, la Cour de cassation censure les arrêts qui motivent la peine d’emprisonnement uniquement au regard de la gravité des faits et des circonstances de leur commission, sans tenir compte de la personnalité du prévenu et de sa situation personnelle ([60]).
L’article 3 de la proposition de loi abroge l’article 464-2 du code de procédure pénale.
La commission a adopté quatre amendements de suppression de l’article 3 ([61]).
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Article 4 (nouveau)
(art. 132-27 du code pénal)
Adaptation aux fins de coordination de l’article 132-27 du code pénal
Introduit par la commission
● L’article 132-27 du code pénal prévoit la possibilité pour le tribunal correctionnel prononçant une peine d’emprisonnement ferme de permettre ab initio son exécution fractionnée en plusieurs phases.
Depuis la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à deux ans – ou un an au plus pour un condamné en état de récidive légale – peut ainsi être exécutée par fractions sur une période totale n’excédant pas quatre ans.
Cette décision d’aménagement doit être motivée pour des raisons d'ordre médical, familial, professionnel ou social. En pratique, ce mécanisme est notamment employé pour les cures de désintoxication ou les traitements nécessitant une hospitalisation longue.
● Le juge de l’application des peines peut également prononcer le fractionnement d’une peine d’emprisonnement ferme, sur le fondement de l’article 720-1 du code de procédure pénale. En application de cet article, la peine restant à exécuter doit être inférieure à deux ans, sans qu’il soit établi une distinction entre les condamnés en état de récidive légale et les autres.
En conséquence, en l’état du droit, une personne en état de récidive légale condamnée à une peine d’emprisonnement comprise entre un et deux ans d’emprisonnement peut voir sa peine fractionnée par le juge de l’application des peines mais non par le tribunal correctionnel dans le cadre d’une mesure d’aménagement ab initio.
La commission des Lois a adopté un amendement de coordination de votre rapporteur ([62]), qui supprime le seuil d’aménagement spécifique aux personnes en état de récidive légal, fixé par l’article 132-27 à un an d’emprisonnement ferme.
Cet amendement met ainsi en cohérence le seuil d’un aménagement sous la forme d’un fractionnement de peines avec le seuil de deux ans prévu, d’une part, aux articles 1er et 2 de la présente proposition de loi et, d’autre part, à l’article 720-1 du code de procédure pénale.
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Article 5 (nouveau)
(art. 465, 474, 720, 732-15 du code de procédure pénale)
Adaptation aux fins de coordination de diverses dispositions du code de procédure pénale
Introduit par la commission
● L'article 465 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour le tribunal correctionnel de décerner un mandat d'arrêt ou de dépôt pour les seules peines d'emprisonnement ferme d'une durée égale ou supérieure à un an.
La juridiction doit motiver spécialement sa décision, pour caractériser que « les éléments de l’espèce justifient une mesure particulière de sûreté ».
Il convient de préciser qu’aucune condition liée au quantum de la peine n’est en revanche exigée si le condamné est en état de récidive légale ([63]) ou si la peine est prononcée dans le cadre d’une audience de comparution immédiate ou différée ([64]) .
● L'article 474 du même code prévoit les conditions dans lesquelles le tribunal correctionnel qui prononce une mesure d’aménagement d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an doit saisir le juge de l’application des peines.
Le condamné doit ainsi être convoqué devant le juge de l'application des peines, dans un délai qui ne doit pas excéder vingt jours après l’audience, en vue de préciser les modalités d'exécution de sa peine. L'avis de convocation devant le juge de l'application des peines précise que, sauf exercice par le condamné des voies de recours, la peine prononcée contre lui sera mise à exécution en établissement pénitentiaire s'il ne se présente pas, sans excuse légitime, devant ce magistrat.
Il est également convoqué, sous trente jours, devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), qui sera chargé de contrôler le respect par le condamné de ses obligations et d’en rendre compte au juge de l’application des peines.
● Le II de l’article 720, créé par l’article 11 de loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, instaure un mécanisme de libération sous contrainte de plein droit. Celui-ci a vocation à s’appliquer à une personne condamnée à une peine d’emprisonnement ferme inférieure ou égale à deux ans dont le reliquat restant à exécuter est inférieur ou égal à trois mois, sauf « impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement ».
Le rôle du juge de l’application des peines se limite dans une telle configuration à déterminer, après avis de la commission de l’application des peines, la mesure d’aménagement applicable (semi-liberté, placement à l’extérieur, DDSE ou libération conditionnelle), ainsi que ses modalités.
Il résulte de ce qui précède que même une personne incarcérée à la suite d’une révocation du sursis probatoire ou du retrait d’une mesure d’aménagement de peine est éligible à ce dispositif, de sorte qu’elle pourra, dans certains cas, être immédiatement libérable.
La libération sous contrainte de plein droit est cependant exclue pour les détenus condamnés pour certaines infractions – terrorisme, violences sur personne dépositaire de l’autorité publique et atteintes aux personnes commises sur un mineur de moins de quinze ans – ou ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire lors de leur détention pour des faits de violences physiques, en application du III du même article.
● L’article 723-15 instaure la compétence du juge de l’application des peines pour décider de l’aménagement d’une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un an, dans le cas où le tribunal correctionnel n’a pas prononcé d’aménagement ab initio ni décerné un mandat de dépôt à effet différé.
Cet article rappelle à ce titre le principe de l’aménagement de telles peines, en cohérence avec les dispositions des articles 132-19 et 132-25 du code pénal, avec l’obligation pour le juge de l’application des peines d’aménager les peines inférieures ou égale à six mois « sauf impossibilité résultant de la personnalité ou de la situation du condamné », ainsi que les peines entre six et douze mois, « si la situation et la personnalité du condamné le permettent » ([65]).
Outre l’aménagement de la peine, le juge de l’application des peines peut également prononcer d’autres mesures telles qu’une libération conditionnelle, un fractionnement ou encore une suspension de peine.
Lorsque la peine d’emprisonnement est inférieure à six mois, le juge de l’application des peines peut enfin convertir la peine en travail d’intérêt général, en jours-amende, en peine autonome de DDSE ou encore en sursis probatoire renforcé.
● La commission des Lois a adopté un amendement de votre rapporteur, qui supprime au sein de l’article 465 le seuil d’un an d’emprisonnement ferme pour décerner un mandat d’arrêt ou de dépôt, afin que ce mandat puisse être délivré quel que soit le quantum de la peine, en cohérence avec le rétablissement des courtes peines d’emprisonnement ferme instauré par l’article 1er de la présente proposition de loi ([66]).
● Adopté à l’initiative de votre rapporteur, un amendement de coordination rehausse le seuil d’un an à deux ans d’emprisonnement ferme, lorsqu’il est fait référence au sein de l’article 474 à la convocation devant le juge de l’application des peines de la personne condamnée par le tribunal correctionnel, conformément au seuil d’aménagement de la peine instauré à l’article 1er et à l’article 2 de la proposition de loi ([67]).
● Un autre amendement de votre rapporteur voté par la commission a pour objet d’abroger la libération sous contrainte de plein droit prévue au II de l’article 720 ([68]). Le maintien d’un tel mécanisme, qui s’applique à tout reliquat de peine égale ou inférieure à trois mois, serait en effet contradictoire avec la possibilité de prononcer des peines d’emprisonnement ferme inférieures ou égales à un mois prévue à l’article 1er de la présente proposition de loi. Au surplus, le principe d’égalité devant la loi ne permet pas d’exclure de ce dispositif de libération uniquement certaines courtes peines.
● Le dernier amendement de votre rapporteur adopté par la commission des Lois met en cohérence les dispositions de l’article 723-15 relatives à la procédure d’aménagement de peines des personnes condamnés libres par le juge de l’application des peines avec les articles 1er et 2 de la proposition de loi. À cet effet, l’amendement adopté rehausse d’un an à deux ans le seuil prévu pour l’aménagement des peines et supprime l’obligation de principe de prononcer un tel aménagement pour en faire une simple faculté.
Lors de sa deuxième réunion du mercredi 26 mars 2025, la Commission examine la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme (n° 374) (M. Loïc Kervran, rapporteur).
Présidence de Mme Sandra Regol, vice-présidente.
Lien vidéo : https://assnat.fr/6393Vp
M. Loïc Kervran, rapporteur. Cette proposition est née du constat de l’incompréhension croissante de nos concitoyens envers les décisions de justice. Comment est-il possible, me disent-ils, d’être condamné à de multiples reprises à de la prison ferme et de ne jamais y mettre les pieds ?
Face à cela, nous avons plusieurs choix. Nous pouvons dire aux citoyens qu’ils ne comprennent pas. Nous pouvons accuser les magistrats de laxisme. Nous pouvons aussi laisser prospérer cette incompréhension, en nous disant que nous l’utiliserons à des fins électorales.
Je refuse ces trois options et je vous en propose une autre, qui repose sur notre responsabilité de législateurs. Ainsi, l’objectif du texte que je vous propose est simple : il s’agit de rétablir la pleine liberté pour le juge pénal de prononcer la peine qu’il estime la plus opportune, sans idéologie – y compris une peine d’emprisonnement ferme.
Prononcer la peine la plus adaptée revient tout simplement à respecter le principe constitutionnel d’individualisation de la peine, à la fois pour sanctionner la personne et pour favoriser sa réinsertion. Or ce principe a été malmené par des évolutions récentes de notre droit pénal. On a par exemple interdit aux magistrats de prononcer une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à un mois. On a instauré un principe d’aménagement quasi systématique de la totalité d’une peine d’emprisonnement de moins de six mois et de tout ou partie d’une peine d’emprisonnement comprise entre six et douze mois.
Force est de constater que cette politique n’a pas produit les effets escomptés en matière de lutte contre la récidive, de baisse de la délinquance ou de réduction de la surpopulation carcérale. Nous perdons en fait sur tous les tableaux.
Comme l’ont constaté toutes les personnes que j’ai auditionnées, cette surpopulation ne résulte pas de l’augmentation du nombre de prisonniers mais de l’alourdissement des peines prononcées. Les lois successives qui visaient à supprimer les courtes peines ont contribué à cet allongement à travers au moins deux mécanismes. D’une part, faute de pouvoir prononcer des peines courtes pour mettre un coup d’arrêt dès les premières infractions, les juges mettent désormais principalement sous écrou, pour des durées longues, des personnes fortement ancrées dans la délinquance. D’autre part, les juges sont incités à prononcer des peines plus longues s’ils souhaitent échapper à l’obligation de les aménager. La Cour des comptes s’est alarmée de l’importance de ces effets non désirés.
Il faut donc en tirer les conséquences et changer de paradigme. Tel est l’objet de cette proposition de loi, qui est avant tout un acte de confiance envers les juges.
Si nous l’adoptons, ceux-ci seront de nouveau libres de prononcer des peines d’emprisonnement de moins d’un mois. Lorsqu’ils infligeront une peine inférieure à un an, ils pourront choisir d’aménager ou non son exécution. Ils bénéficieront de cette même liberté pour les peines comprises entre un et deux ans, ce qui leur est actuellement refusé.
Compte tenu des amendements qui ont été déposés, je souhaite dès à présent préciser certains points afin d’éclairer nos débats.
Cette proposition n’est ni pour la prison ni pour l’aménagement des peines. En témoigne le fait que je propose de rétablir la faculté pour le juge d’aménager une peine d’emprisonnement comprise entre douze et vingt-quatre mois. De telles mesures doivent cependant être fondées sur des perspectives sérieuses de réinsertion du condamné, et tel est le sens de l’article 2.
En revanche, s’il est absurde de faire de la prison la solution magique, interdire par principe l’emprisonnement l’est tout autant. En effet, les courtes peines peuvent être efficaces dans certaines situations et pour certains profils – par exemple en donnant un coup d’arrêt à une dynamique délinquante. Il est préférable d’incarcérer plus tôt et moins longtemps plutôt que de laisser un individu s’ancrer dans la délinquance, commettre de multiples infractions et faire plusieurs victimes avant d’être emprisonné trop tardivement et pour une durée plus longue, comme c’est souvent le cas actuellement.
En outre, les exemples de pays étrangers qui pratiquent les courtes peines montrent que cette politique est de nature à réduire la population carcérale du fait de la diminution du quantum moyen de peine. Aux Pays-Bas, la durée moyenne de détention est de trois mois et demi, contre onze mois en France. S’il faut prendre avec prudence les travaux académiques sur ce sujet, il nous a été confirmé lors des auditions que les seules études internationales sérieuses tendent à démontrer l’efficacité des peines ultracourtes – c’est-à-dire de celles qui vont de sept à vingt-et-un jours – par rapport aux mesures alternatives telles que le travail d’intérêt général (TIG).
La philosophie générale consiste donc à ne plus contraindre le juge à prononcer tel ou tel type de mesure, mais de le laisser libre de décider de la peine la plus adaptée.
Cette proposition est soutenue par de très nombreux acteurs du monde judiciaire. Nous avons auditionné des représentants de la Conférence nationale des présidents de tribunaux judiciaires et de la Conférence nationale des procureurs généraux, mais aussi des représentants de syndicats de magistrats.
J’ai bien conscience que cette proposition n’est qu’une brique d’une réforme plus structurelle de notre système pénal, laquelle dépasse le cadre d’une niche parlementaire. Mais j’espère qu’elle servira d’aiguillon pour construire des établissements pénitentiaires adaptés aux courtes peines. Une réflexion devra aussi être menée pour valoriser au mieux ces périodes d’emprisonnement.
Enfin, cette proposition pose au fond deux questions. Avons-nous confiance dans les magistrats ? Pensons-nous que la prison est toujours un mal pour les délinquants et les criminels ou bien qu’elle peut parfois être utile ?
Comme l’a écrit Cesare Beccaria dans Des délits et des peines, « Ce n’est pas la rigueur du supplice qui prévient plus sûrement les crimes, c’est la certitude du châtiment […]. La perspective d’un châtiment modéré, mais inévitable, fera toujours une impression plus forte que la crainte vague d’un supplice terrible, auprès duquel se présente quelque espoir d’impunité. »
Si cette proposition n’a pas pour ambition d’être le grand soir de la justice, j’ai sincèrement l’espoir qu’elle contribuera à rendre la peine plus lisible et plus intelligible, afin de restaurer la confiance des citoyens dans la justice.
Mme Sandra Regol, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Votre proposition soulève des questions éminemment légitimes. Comment le droit pénal peut-il être dissuasif si la peine exécutée n’est pas la même que celle qui est prononcée ? Comment les victimes et la société peuvent-elles se sentir protégées si les juridictions n’incarcèrent pas ceux qui ont vocation à l’être ou quand certains auteurs échappent à la prison par le biais des aménagements de peine ? Comment faire comprendre à un citoyen qu’alors qu’un individu est condamné à six mois de prison, il ne dormira probablement jamais dans une cellule ?
Le dispositif adopté en 2019 avec la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice (LPJ) a sans doute rendu la sanction moins compréhensible, ce qui a pu affaiblir le lien indispensable entre le citoyen et l’institution judiciaire. Bien des victimes ont sans doute également ressenti un manque de considération et une injustice lorsqu’un tribunal a prononcé une peine d’emprisonnement mais que la suite a en réalité été toute autre.
Lors des débats sur cette loi de programmation, notre groupe avait souscrit à la vision selon laquelle l’emprisonnement de courte durée, par son effet désocialisant, favorisait la récidive plutôt qu’il ne dissuadait les auteurs d’infraction. La rénovation de l’échelle des peines nous semblait redonner du sens à la sanction. Aujourd’hui encore, nous pensons que l’emprisonnement automatique n’est pas la réponse ultime pour endiguer la criminalité ou la récidive.
Nous étions habités par une forme de pragmatisme – et nous le sommes toujours. Dans un contexte de surpopulation carcérale, il est primordial de pouvoir recourir aux alternatives à l’emprisonnement, telles que la surveillance électronique, le régime de semi-liberté ou le placement à l’extérieur. Le plan du ministère de la justice pour construire 15 000 places ne peut suffire à lui seul à juguler la surpopulation carcérale.
Or, en proposant de limiter l’aménagement des peines de moins d’un an, votre proposition semble se heurter à la réalité du manque de places dans les établissements pénitentiaires. Où et comment incarcérer les condamnés à de telles peines ? Cette question demeure en suspens. On ne peut pas faire évoluer le droit sans un plan de construction minutieux et une vision claire du ministère de la justice pour le mettre en œuvre. Comment la réorganisation que vous proposez peut-elle se conjuguer sans les désorganiser avec le plan de construction de 15 000 places et avec la création des quartiers de lutte contre la criminalité prévue par la proposition de loi contre le narcotrafic ?
Selon vous, les mesures adoptées à l’occasion de la loi de programmation et de réforme de la justice n’ont pas fait baisser la surpopulation carcérale. C’est vrai, mais que se serait-il passé si nous n’avions pas prévu des aménagements de peine ?
Néanmoins – et même si cela peut paraître contradictoire avec le début de mon propos –, nous sommes favorables au fait de rendre au juge la faculté de prononcer de très courtes peines. En effet, celles-ci peuvent avoir du sens dans certains cas. Votre proposition est équilibrée car, si elle durcit les conditions d’aménagement des peines de moins d’un an, elle élargit la possibilité d’y recourir pour les peines allant jusqu’à deux ans.
Notre groupe sera attentif à l’évolution de cette proposition au cours des débats en commission, et il se prononcera dans le respect de la diversité de ses commissaires.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Imagine-t-on éteindre un incendie en jetant un bidon d’essence dans les flammes ? J’en doute fortement. Qui prétendrait réduire la surpopulation carcérale et la récidive en proposant d’enfermer plus de gens en prison ? Cette démarche surprenante est pourtant prônée par le texte que nous examinons.
Qu’il me soit permis de rappeler quelques évidences, car certains détournent le sens commun des mots pour fuir une réalité qui leur est insupportable. Cette réalité vous la connaissez bien, puisque vous en êtes comptable. C’est celle d’un système carcéral qui demeure une véritable honte pour la République.
Le 1er novembre 2024, la population carcérale a dépassé le seuil historique de 80 000 détenus et ils étaient plus de 81 000 au 1er février 2025. La densité carcérale dans les maisons d’arrêt était de 158,9 % et la surpopulation affecte essentiellement les établissements de ce type. Ce taux d’occupation moyen devrait dépasser 164 % à la fin de l’année, malgré des décennies de construction inutile et coûteuse de places de prison. Près de 4 500 détenus dorment sur des matelas à même le sol, et ils sont parfois quatre dans des cellules prévues pour deux.
Les rapports du Contrôleur général des lieux de privation de liberté décrivent minutieusement des espaces vétustes et insalubres, des cours de promenade jonchées d’ordures, des déjections sur les murs, des rats et des cafards qui grouillent et des détenus aux bras couverts de piqûres de punaises de lit. Ils montrent que des tensions permanentes sont à l’origine d’incidents entre détenus et entre détenus et surveillants, de la fabrication industrielle de la récidive, de troubles psychiatriques, de passages à l’acte suicidaire et de meurtres.
Face à cette situation intenable, l’administration pénitentiaire est submergée par le flot continu des condamnés. À Nîmes, où la densité carcérale atteint 241 %, cette administration demande aux magistrats de ne plus incarcérer, sous peine de faire exploser des établissements qui sont de véritables cocottes-minute. Voilà la situation carcérale telle qu’elle est, et non pas telle que M. Darmanin aime la maquiller.
Trente ans de populisme pénal et de politique carcérale absurde nous contemplent. Le nombre de détenus et la durée moyenne d’incarcération ont doublé en quelques décennies. Celle-ci est passée de 4,9 mois en 1970 à 10,3 mois en 2024. La réalité, c’est qu’entre 2019 et 2022, le quantum des peines prononcées a augmenté de 11 %, alors même que des menteurs et des inconséquents martèlent que la justice est laxiste.
Pourtant, votre priorité est de vous en prendre aux dispositifs permettant d’éviter les peines de prison ferme dites ultracourtes, c’est-à-dire inférieures à un mois. Vous restreignez les conditions d’octroi d’un aménagement de peine ab initio lorsque la durée totale de la peine prononcée est inférieure ou égale à un an. Vous vantez les mérites des courtes peines, qui sont par nature désocialisantes et qui contribuent à la récidive. Vous dites vouloir faire appliquer le principe d’individualisation de la peine alors qu’à l’occasion de la même niche parlementaire votre groupe ose proposer de rétablir les peines planchers automatiques, afin prétendument de lutter contre la récidive.
Votre proposition est un véritable chef-d’œuvre d’humour noir.
M. Hervé Saulignac (SOC). Depuis les dernières élections législatives de 2024, il ne se passe pas une semaine sans que les uns ou les autres, plus ou moins proches de la majorité, ne tentent de détricoter des dispositifs qu’ils ont parfois eux-mêmes mis en place.
C’est précisément l’objet de cette proposition, qui constitue une remise en cause des avancées issues de la loi de programmation et de réforme de la justice votée en 2019. Elle avait en partie pour objectif louable de prévenir la récidive et de lutter contre la surpopulation carcérale – dont on sait qu’elle est un grave facteur de récidive.
Vous nous proposez un étonnant retour en arrière en rétablissant les courtes peines de privation de liberté, en supprimant l’obligation d’aménagement des peines de prison – qui est une conséquence directe du principe de subsidiarité qui fonde notre droit pénal – et en abrogeant l’article du code de procédure pénale qui prévoit que l’incarcération du justiciable condamné à une courte peine doit avoir un caractère exceptionnel.
Cette proposition vise au fond à incarcérer le voleur de scooter tout en épargnant un candidat à la présidentielle qui aurait pactisé avec un dictateur sanguinaire. Il est extrêmement compliqué de donner du sens à une telle proposition.
L’exposé des motifs va jusqu’à affirmer que l’absence d’incarcération pour les courtes peines a des effets délétères, renvoyant vaguement à des études qui en feraient la démonstration. En réalité, aucune étude n’aboutit de manière précise à cette conclusion et la plupart d’entre elles démontrent plutôt l’inverse.
Vous mettez en exergue le modèle de la justice pénale hollandaise, dont la réussite reposerait selon vous sur l’exécution de courtes peines de prison. Encore une fois, toutes les études – et tout particulièrement les études hollandaises – décrivent une autre réalité. La réussite de ce modèle découle d’une politique pénale ambitieuse qui vise la réinsertion des condamnés et qui s’appuie pour cela sur des peines alternatives innovantes et, depuis les années 2010, sur l’octroi d’importantes remises de peine. En d’autres termes, ce modèle repose sur la prévention plutôt que sur la répression.
Ainsi, en 2010, 1 500 condamnés hollandais avaient pu bénéficier des congés régimaires, qui permettent de purger une partie de la peine en dehors de la prison – notamment pour permettre de se présenter à des entretiens d’embauche ou de travailler.
Le taux de récidive en France nous inquiète tous, mais il n’est certainement pas le résultat d’un quelconque laxisme judiciaire. Il s’explique par le fait que l’administration pénitentiaire a été délaissée par l’État, dont les dotations budgétaires bénéficient majoritairement à la construction de nouvelles prisons plutôt que d’être orientées vers la rénovation du parc existant ou vers une politique sérieuse de réinsertion des condamnés.
Si votre ambition était réellement de lutter contre la récidive et de résorber la surpopulation carcérale, au lieu de céder à une réponse facile vous auriez dû relire l’excellent rapport présenté en 2023 par Caroline Abadie et Elsa Faucillon. Elles proposaient une adaptation profonde du fonctionnement de la politique carcérale, notamment en renforçant les aménagements de peine, en réduisant le recours à l’emprisonnement et en créant des programmes spécifiques d’insertion pour les personnes condamnées à de courtes peines.
Il n’est pas nécessaire d’argumenter davantage : nous voterons contre cette proposition.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Cette proposition ne protègera pas du tout les Français car ce qu’elle propose est inefficace. Le texte prétend pallier une prétendue faillite de l’exécution des peines, mais il ne corrigera rien.
Il prétend qu’aménager, c’est renoncer et que réinsérer, c’est faiblir. L’aménagement de peine n’est pas une faveur ; c’est un outil pour mieux sanctionner, mieux accompagner et, au bout du compte, mieux prévenir la récidive. J’entends ici ou là dire qu’une peine aménagée ne serait pas une peine. C’est faux.
Cette proposition prévoit de rétablir des peines de moins d’un mois de prison et de supprimer l’obligation d’aménagement ab initio. Elle veut faire croire que l’enfermement court et brutal serait un début de solution pour la société. Mais personne ne peut dire sérieusement qu’une peine de quelques mois dans une maison d’arrêt surpeuplée, sans accompagnement et brisant les liens familiaux, le parcours professionnel et les repères sociaux aboutirait à autre chose qu’à nourrir la récidive. Les chiffres sont têtus : 62 % des personnes condamnées à une peine d’emprisonnement de moins de six mois récidivent. La surpopulation carcérale atteint aujourd’hui 153 % dans les maisons d’arrêt, et certains établissements dépassent même les 200 %. Comment ne pas voir qu’il est absurde de vouloir toujours plus de peines, y compris plus courtes ?
Ce texte cède à la tentation de l’immédiat et du symbole, tout en confondant sévérité et efficacité. C’est la prison comme réflexe et non comme ultime recours.
Dans notre groupe, nous croyons à la justice de la République. Celle qui protège en punissant parfois, et non en précarisant. Celle qui tient compte des faits, et non des fantasmes. Celle qui sait que la peine a un sens si elle offre un avenir. Nous voulons que les peines soient exécutées mais aussi qu’elles soient aménagées. Nous voulons des peines utiles, qui réparent, qui responsabilisent et qui empêchent que le même geste désespéré se répète.
On mesure l’efficacité du système pénal à l’aune de sa capacité à prévenir la récidive et à réinsérer plutôt qu’à reproduire les inégalités. Inversement, la prison accentue ces dernières sans jamais les corriger. Selon nous, la peine doit accompagner et rétablir une égalité souvent mise à mal avant l’infraction.
Il faut insister sur le fait que l’administration pénitentiaire est un service public. Comme tout service public qui ne fonctionne pas, elle doit être réformée. Actuellement, la prison échoue à prévenir la récidive, à garantir la dignité et à assurer la réinsertion. Si France Travail créait du chômage ou l’hôpital rendait les gens malades, on aurait lancé une réforme d’ampleur depuis longtemps en balayant les réponses faciles. Vous persistez pourtant à privilégier celles-ci lorsqu’il s’agit de la prison.
Plutôt que de rétablir des peines courtes mal exécutées, nous proposons d’investir massivement dans les alternatives à l’incarcération. C’est plus efficace, cela coûte moins cher et cela offre de véritables perspectives de réinsertion. Encore faut-il en avoir les moyens et la volonté politique, ce qui n’est actuellement pas le cas.
Un mot enfin sur le modèle néerlandais brandi par les auteurs de cette proposition. L’exécution des courtes peines permet certes d’y lutter contre la récidive et la surpopulation carcérale, mais les Pays-Bas consacrent presque deux fois plus de moyens que la France à leur justice, avec 120 euros par an et par habitant, contre 70 en France. Copier ce modèle sans investir autant, c’est se condamner à l’échec.
Cette proposition relève de l’affichage. Elle ne répond ni à la réalité du terrain ni aux attentes d’une société qui aspire à une justice utile. C’est pourquoi nous voterons contre.
Mme Anne Bergantz (Dem). Nous sommes nombreux à partager les mêmes priorités en matière de politique pénale : renforcer l’autorité du juge et assurer l’effectivité des peines qu’il prononce. C’est une attente forte de nos concitoyens et une condition de la crédibilité du système judiciaire.
Afin d’atteindre ces objectifs, ce texte propose de rétablir des peines d’emprisonnement d’une durée inférieure à un mois. Vous partez du principe, monsieur le rapporteur, qu’elles permettront de casser le cycle infernal de la récidive. En sanctionnant fermement le petit délinquant dès la première infraction avec une peine courte ou ultracourte de prison ferme, si le juge l’estime nécessaire, nous pourrions selon vous mettre un terme au sentiment d’impunité et éviter la répétition d’actes conduisant fatalement leur auteur à finir par purger une peine longue après avoir été condamné de nombreuses fois.
Toujours selon vous, et même si c’est contre-intuitif, ces courtes peines permettraient de lutter contre la surpopulation carcérale. En revenant sur leur obligation d’aménagement, votre proposition entend rendre au juge un véritable pouvoir d’appréciation afin de lui permettre de choisir entre l’incarcération ou une mesure alternative, en fonction du profil de l’auteur et de la nature des faits. Cette incitation à une plus grande individualisation des peines ne peut être que bénéfique.
Cependant, ce texte pose aussi un certain nombre de questions, notamment pratiques. Quelles seraient les conditions de détention des personnes purgeant de courtes peines ? Des aménagements et des lieux spécifiques sont-ils prévus ? Il semble nécessaire de prévoir des conditions d’accueil particulières, car il n’est évidemment pas envisageable de mêler ces détenus à des personnes condamnées pour des faits beaucoup plus graves.
Enfin, les études concernant les bienfaits des peines ultracourtes restent peu nombreuses. Elles sont insuffisantes pour juger de l’opportunité d’établir un tel dispositif en France.
Notre groupe reconnaît l’intérêt des propositions qui figurent dans ce texte, notamment le fait de redonner une marge de manœuvre aux magistrats afin de déterminer la sanction la plus adaptée. Néanmoins, nous émettons des réserves d’ordre pratique qu’il conviendra de lever au cours des débats.
M. Xavier Albertini (HOR). Depuis une dizaine d’années, la politique pénale a été marquée par la volonté de limiter le recours à l’incarcération pour les courtes peines. Cette orientation, initiée par la loi dite Taubira du 15 août 2014, repose sur l’idée selon laquelle les peines d’emprisonnement de courte durée seraient inefficaces et qu’il conviendrait de privilégier des mesures alternatives à la détention.
Dix ans de pratique de cette politique nous obligent à établir son bilan. On observe une hausse continue du nombre de détenus, ce qui démontre que la politique de réduction des incarcérations n’a pas permis de freiner la pression carcérale. De plus, le taux de récidive atteint près de 60 %, ce qui conduit à s’interroger sur l’efficacité des aménagements de peine.
Cette politique qui enferme dans un cycle de délinquance entretient un fort sentiment d’impunité, tant chez les délinquants – qui peuvent interpréter l’absence de sanction comme une tolérance de leurs actes – que chez les victimes – dont la confiance dans le système judiciaire s’érode car elles l’estiment inefficace. Enfin, de nombreuses études soulignent les résultats plus que contrastés de peines alternatives telles que le placement sous surveillance électronique.
Très récemment, la Cour des comptes s’est penchée sur le taux de réitération suivant le prononcé d’une peine alternative. En exploitant les données du casier judiciaire entre 2010 et 2020, elle a calculé que ce taux s’établissait à environ 60 % dans les cinq années suivant le prononcé d’un TIG. Ce bilan devrait conduire le législateur à réformer avec lucidité et de manière profonde notre politique pénale.
Cette proposition de loi amorce ce mouvement, notamment en rétablissant la possibilité pour le juge de prononcer des peines d’emprisonnement inférieures à un mois et en supprimant l’obligation quasi systématique d’aménager les peines de moins d’un an.
Pour l’ensemble de ces raisons, notre groupe soutient sans réserve cette proposition. Elle permettra en effet de renforcer la crédibilité de la justice, de prévenir la récidive et, à long terme, de réduire la population carcérale – malgré une augmentation de cette dernière à court terme que nous avons bien identifiée et qui devra conduire à la construction de places de prison supplémentaires.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Nombre de détenus qui purgent leur peine dans les prisons françaises le font dans des conditions jugées indignes. Des agents pénitentiaires travaillent dans un cadre déplorable. Des directeurs d’établissement tirent très régulièrement la sonnette d’alarme au sujet des conséquences dangereuses de la surpopulation carcérale, tant pour les détenus que pour les personnels. Enfin, des instances supranationales condamnent la France à ce sujet.
Cela n’empêche pas le groupe Horizons & indépendants de proposer de revenir aux courtes peines d’emprisonnement. De nombreuses études établissent pourtant un lien direct entre les mauvaises conditions de détention, d’une part, et l’augmentation du risque de récidive et des difficultés de réinsertion des détenus, d’autre part. Je pense que vous les connaissez aussi, mais vous proposez quand même d’emprisonner davantage pour une courte durée.
Depuis un certain temps, on entend un discours politique dominant qui explique que c’est en enfermant plus et en durcissant le régime d’exécution des peines qu’on est le plus responsable et qu’on lutte le mieux contre la délinquance. Il faut arrêter de mentir et dire quelle est la réalité à nos concitoyens. J’étais hier encore à la prison de Bois-d’Arcy. Le taux d’occupation y était de 186 % il y a quelques mois et il atteint désormais 206 %. Les conditions de vie sont déplorables et elles favorisent la délinquance en empêchant la réinsertion.
Il est entièrement faux de dire que faire de l’emprisonnement la peine de référence permettra de mieux assurer la sûreté dans la société. Il faut en finir avec cette conception.
Dans le rapport d’information que j’ai rédigé avec Caroline Abadie, nous avons montré que les peines alternatives à l’emprisonnement permettent une prise en charge plus adaptée au profil des personnes condamnées et à la nature des infractions commises. Ces peines sont souvent bien plus efficaces pour leur réinsertion et pour prévenir la récidive. Les courtes peines de prison sont en effet particulièrement désocialisantes et ne contribuent pas à la lutte contre la récidive.
Vous avez cité l’exemple des Pays-Bas. Ce n’est pas celui que je privilégie, mais ils ont pensé la déflation carcérale, ce que nous ne faisons pas. C’est pourtant indispensable si l’on veut lutter contre la surpopulation carcérale et la récidive. Aux Pays-Bas, on prononce beaucoup de peines alternatives qui n’empiètent pas sur la liberté. En outre, les personnes qui y effectuent des TIG sont très accompagnées, ce qui est moins le cas chez nous. Nous comparer aux Pays-Bas en ne regardant que les courtes peines d’emprisonnement ne permet pas d’avoir une vision d’ensemble.
Vous l’aurez compris, nous voterons résolument contre cette proposition.
Mme Sylvie Josserand (RN). Cette proposition visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme sonne comme un cruel constat d’échec.
Tout d’abord, c’est l’aveu que l’on n’exécute pas les peines d’emprisonnement ferme en France.
Ensuite, ce texte revient sur la réforme voulue à grand renfort de communication par le premier ministre de l’époque, Édouard Philippe, et par sa ministre de la justice, Nicole Belloubet. La loi du 23 mars 2019 avait en effet purement et simplement supprimé les très courtes peines d’emprisonnement, de moins d’un mois, et imposé un aménagement ab initio des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à un an.
Le dispositif de cette proposition concerne seulement les courtes peines d’emprisonnement alors que, comme son titre l’admet de manière peu glorieuse, l’inexécution des peines est un échec qui affecte toutes les peines d’emprisonnement ferme.
On n’exécute plus les peines pour des raisons idéologiques qui sont totalement déconnectées de la réalité du terrain et qui contredisent les principes cardinaux du droit pénal. Faut-il rappeler que l’article 130-1 du code pénal dispose que la peine a pour fonction, premièrement, de sanctionner l’auteur de l’infraction et, deuxièmement, de favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion, afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social dans le respect des intérêts de la victime ?
Dans son traité Des délits et des peines paru en 1764, qui inspira les révolutionnaires français dans la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, Cesare Beccaria écrit que la peine a la double fonction « d’empêcher le coupable de causer de nouveaux dommages à ses concitoyens et de dissuader les autres d’en commettre de semblables ».
La non-exécution des peines d’emprisonnement ferme, pourtant prononcées par les tribunaux correctionnels, fait perdre tout sens à la peine et tout imperium aux juridictions pénales. Une étude de l’Institut pour la justice révèle qu’entre 2016 et 2020, 41 % des condamnés à une peine d’emprisonnement ferme n’ont jamais été incarcérés. Pour justifier ce que l’Institut qualifiait récemment de « carcérophobie », Nicole Belloubet, alors ministre de la justice, expliquait en 2019, comme l’avait fait Christiane Taubira avant elle, qu’il fallait « remplacer les courtes peines de prison, qui sont désocialisantes et vecteurs de récidive, par des peines plus efficaces ». Belle réussite ! L’Insee faisait état d’un taux de récidive de 14,1 % en 2019 ; il atteignait 18,1 % en 2023, selon le service statistique ministériel de la justice.
Dans son programme présidentiel de 2022, Marine Le Pen proposait de « revenir à la raison en recourant à de courtes peines d’emprisonnement », la démonstration étant faite qu’elles permettent d’enrayer les parcours délinquants – à tel point qu’elles ont conduit, aux Pays-Bas, à fermer plusieurs établissements pénitentiaires devenus inutiles et à réduire la dépense publique consacrée à la sécurité.
Le groupe Rassemblement national votera donc en faveur de cette proposition de loi, même si elle n’est pas à la hauteur des enjeux de tranquillité et de sécurité publiques.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Ni moi-même ni aucun des cosignataires de ce texte n’avons la peine de prison pour réflexe. Si tel était le cas, nous n’aurions pas proposé que l’aménagement redevienne possible pour les peines de douze à vingt-quatre mois et nous l’aurions exclu pour les peines inférieures à un mois qui, dans la rédaction proposée, pourront par exemple être converties en TIG. Il est vrai que je préfère les ultracourtes peines aux incarcérations plus longues. En cela, je suis très éloigné de la surenchère actuelle en matière de quantum des peines. Mon seul souci, c’est la liberté du juge, qui doit pouvoir choisir en fonction du délinquant qui lui fait face.
Vous êtes plusieurs à avoir évoqué la surpopulation carcérale. Notez d’abord qu’on incarcère moins actuellement que dans les années 1980. Seulement, les peines infligées sont beaucoup plus longues – la durée moyenne est passée de 6 à 11,2 mois –, si bien qu’on a besoin de presque deux fois plus de places. La Cour des comptes relève ainsi que la loi du 23 mars 2019 a provoqué une explosion du nombre de peines comprises entre six mois et un an, les magistrats étant soucieux d’éviter l’obligation d’aménagement.
Cette proposition de loi est équilibrée : elle redonne au juge la liberté de mettre une personne en prison pour une durée inférieure à six mois s’il considère que cela peut être bénéfique, tout en lui permettant d’aménager les peines comprises entre douze et vingt-quatre mois, ce qui n’était plus possible.
Les très courtes peines, inférieures à un mois, pourront également être aménagées. J’insiste sur le fait qu’elles consommeraient très peu de places de prison : d’après l’administration pénitentiaire et les syndicats, incarcérer 10 000 personnes – ce qui n’est pas du tout l’objectif – pendant sept ou quatorze jours nécessiterait seulement 400 places, puisqu’une rotation s’instaurerait entre les détenus. Je souhaite d’ailleurs que ce texte incite à construire des établissements spécifiques à cette population : un des défauts de notre parc pénitentiaire réside dans le manque de variété des modèles d’établissement. Pour accueillir des détenus condamnés à quelques semaines d’emprisonnement, qui présentent des profils beaucoup moins dangereux et ont peu d’intérêt à s’évader, nul besoin de miradors, de murs ou de filets anti-hélicoptères : on pourrait rapidement faire sortir de terre des bâtiments moins sécurisés, nécessitant moins de foncier – alors qu’il faut actuellement en moyenne sept ans pour construire une prison –, ou même aménager des bâtiments existants, et ainsi soulager des établissements pénitentiaires très chargés.
Article 1er : (art. 132-19 du code pénal) Rétablir la possibilité de prononcer une peine d’emprisonnement ferme inférieure ou égale à un mois et restaurer la liberté du juge d’aménager ou non une peine d’emprisonnement inférieure ou égale à deux ans
Amendements de suppression CL9 de Mme Elsa Faucillon, CL12 de M. Jean-François Coulomme, CL23 de Mme Léa Balage El Mariky et CL31 de M. Hervé Saulignac
Mme Elsa Faucillon (GDR). Nous défendons le principe de l’aménagement des peines d’emprisonnement inférieures à un an inscrit à l’article 132-19 du code pénal, l’obligation d’aménager les peines de moins de six mois et l’interdiction des peines inférieures à un mois. La systématisation des aménagements de peine est en effet justifiée par le caractère désocialisant de l’incarcération. En outre, une peine aménagée reste bien une peine : la personne qui l’exécute voit sa liberté entravée, même si elle n’en est pas privée complètement – par exemple si elle bénéficie d’un placement à l’extérieur en journée.
Vous dites vouloir redonner leur liberté aux juges. Dans le cadre de la mission d’information qui nous a été confiée, Caroline Abadie et moi-même avons entendu des juges désireux d’être soustraits à la pression médiatique et politique qui, s’exerçant sur eux et faisant reposer sur leurs seules épaules le poids de chaque décision, a conduit, parmi d’autres raisons, à l’allongement des peines que vous décrivez. En tant que députés, nous ne contribuons pas seulement à l’augmentation du quantum de nombreuses peines : nous participons aussi, par nos prises de parole, à l’installation d’un climat sécuritaire dont votre majorité est largement responsable et qui fait porter au juge ou à l’univers carcéral la responsabilité de chaque fait divers – dont certains sont très graves. Notre responsabilité de législateurs serait de les délester en partie de cette charge. En matière de régulation carcérale, notamment, nous pourrions avoir un peu plus de courage.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Votre niche parlementaire, dans son ensemble, est surtout l’occasion de stigmatiser les pauvres gens, qu’ils soient délinquants ou tout à fait honnêtes : c’est votre seule ambition. De concert avec les groupes Droite républicaine et Rassemblement national, vous citez Beccaria, comme si vous vouliez en faire l’alpha et l’oméga de votre philosophie pénale. Sachez pourtant que la peine, pour lui, n’était pas forcément synonyme d’emprisonnement ou d’incarcération.
Bien au contraire, ce sont plutôt des peines alternatives qu’il nous faut envisager, puisque la prison ne permet pas à ceux qui y séjournent de s’amender. L’état lamentable de nos prisons, dont certaines sont farcies de rats et de vermine, n’en fait pas un très bon moyen de radoucir les tempéraments que vous jugez inappropriés : il pousse plutôt à une certaine haine contre la société et expose, à tout le moins, à une ambiance qui incite à la récidive. Le taux de surpopulation, qui atteint 160 % dans certaines maisons d’arrêt – et même en réalité 200 %, car les directeurs d’établissement utilisent des cellules comme sas pour y placer des détenus incompatibles entre eux, bien souvent du fait d’affections psychiatriques diverses –, y contribue également.
Votre proposition de loi est donc complètement inappropriée pour prévenir la récidive et favoriser la désistance des détenus.
Enfin, vous ne rendez pas service aux agents pénitentiaires dont vous vous prétendez les défenseurs, qui sont déjà en effectifs insuffisants et dont vous allez encore aggraver les conditions de travail.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Si les juges prononcent davantage de peines supérieures à six mois depuis 2019, c’est parce qu’une pression s’exerce sur les magistrats du siège, qui reçoivent pour information les circulaires transmises au parquet et peuvent ainsi être incités à prononcer des peines perçues comme efficaces par la société, c'est-à-dire des peines d’emprisonnement ferme. Cela ne signifie pas pour autant que ces peines ne seront pas aménagées par la suite. Il y a là une hypocrisie : on critique les aménagements de peine tout en les déléguant aux juges d’application des peines (JAP). Plutôt que de stigmatiser les aménagements de peine, qui permettent de réinsérer et d’accompagner celles et ceux qui ont dévié du chemin, nous devrions renforcer les moyens déployés pour assurer leur bonne exécution. N’opposons pas l’emprisonnement et l’aménagement des peines : tous deux concourent à une justice efficace, et ce d’autant plus quand les peines courtes sont évitées.
M. Hervé Saulignac (SOC). Nous partageons vos constats quant à la surpopulation carcérale, les trop nombreuses récidives et l’incompréhension de nos concitoyens vis-à-vis des peines de prison aménagées. Seulement, il est assez curieux, voire hasardeux, de prétendre lutter contre la surpopulation carcérale en mettant encore plus de monde en prison. De même, on peut légitimement s’interroger sur un dispositif qui rend possible un emprisonnement de très courte durée alors que, dans le même temps, une personne condamnée à vingt-quatre mois de prison pourra voir sa peine aménagée. Avouez que, sur ces deux points, votre texte manque cruellement de sens.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Je suis fier de citer Beccaria, qui était un fervent opposant à la peine de mort et que, j’en suis sûr, vous ne manquez pas de rejoindre sur certains points, monsieur Coulomme.
Par ces amendements, vous proposez de supprimer la possibilité d’aménager les peines de douze à vingt-quatre mois, à laquelle vous êtes pourtant favorables, me semble-t-il. J’estime qu’il ne revient pas au législateur de décider de ces aménagements, mais au juge. Or ce choix ne lui est pas laissé pour les peines inférieures à six mois, ce qui alimente l’incompréhension vis-à-vis des décisions de justice, qui ne peuvent pas être rendues en fonction de l’infraction, du profil du délinquant ou des circonstances. Nous voulons rendre cette liberté au juge, y compris en lui permettant de prononcer, dans certains cas, une courte peine de prison, elle-même aménageable.
Je vous rejoins sur un point : une peine aménagée est une peine exécutée. Nous serions cependant beaucoup plus forts si c’était le juge qui pouvait en décider au cas par cas, car c’est lui qui connaît l’auteur, l’infraction et le contexte.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Pour être efficaces dans la lutte contre la récidive des personnes condamnées à de courtes peines, nous ferions mieux de nous intéresser aux sorties sèches, qui sont très propices à cette récidive. Tous les chiffres le montrent : la courte peine est par nature désocialisante et ne permet pas la réinsertion.
Le taux d’incarcération augmente beaucoup plus vite que le niveau de délinquance. Or tout ce qui concourt à enfermer davantage favorise à la fois la surpopulation et la récidive. Mieux vaudrait améliorer l’accompagnement à la sortie plutôt que de multiplier les courtes peines d’emprisonnement.
M. Jiovanny William (SOC). Dans la plupart des cas, le juge mêle déjà prison ferme et sursis lorsqu’il rend sa décision. Je ne vois pas ce que cette proposition de loi apportera de plus. Un juge qui souhaite mettre quelqu’un en prison peut simplement décerner un mandat de dépôt. La loi n’empêche nullement les incarcérations, sauf pour les peines inférieures à un mois.
En revanche, en permettant au juge de prononcer une peine ferme en premier recours quelles que soient la gravité de l’infraction et la personnalité de l’auteur, vous mettez en cause le principe d’individualisation de la peine. C’est un véritable problème.
Au bout du compte, vous allez alourdir la machine judiciaire, notamment dans les procédures de CRPC (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité), alors que les prisons sont déjà surpeuplées et que nous devrions nous concentrer sur l’accroissement des moyens alloués aux aménagements de peine. Dans ma circonscription, par exemple, nous ne disposons pas de bracelets électroniques en nombre suffisant pour en équiper toux ceux qui pourraient l’être.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Vous avancez un argument d’autorité en vous prévalant de savoir ce que pensent « les magistrats ». Pourtant, selon le Syndicat de la magistrature, qui s’est penché sur votre proposition de loi, aucune contrainte ne s’impose au tribunal, qui peut refuser d’aménager la peine chaque fois que la personnalité ou la situation du condamné le rend possible.
Notre collègue vient de soulever un point très important : vous ne pouvez pas revenir ainsi sur le principe d’individualisation de la peine ! Quels sont les magistrats que vous avez auditionnés ? Les avez-vous sélectionnés en fonction de ce qui vous intéressait ? Pourquoi ne pas avoir auditionné une structure aussi importante que le Syndicat de la magistrature ?
M. Loïc Kervran, rapporteur. Les critères en vigueur pour faire exécuter une peine de prison ferme de courte durée sont tellement restrictifs que ces décisions sont très difficilement applicables, d’autant que la jurisprudence de la Cour de cassation ajoute elle aussi des limitations – elle impose par exemple au magistrat d’aménager la peine même quand le condamné n’a pas assisté à son procès.
Le fait d’avoir inscrit dans la loi, en 2019, que l’emprisonnement sans sursis ne pouvait être prononcé « qu’en dernier recours » avait beaucoup choqué les magistrats : dès lors qu’ils se demandaient déjà systématiquement quelle était la meilleure décision possible pour le prévenu et voyaient à l’évidence dans l’incarcération une solution de dernier recours, le fait que le législateur ait cru bon de le préciser a été perçu comme un acte de défiance. C’est aussi pour cette raison que nous avons décidé de l’enlever du code pénal.
Le Syndicat de la magistrature a bien été auditionné et nous a d’ailleurs fait savoir à quel point il était favorable à la réouverture de la possibilité d’aménagement de la peine jusqu’à vingt-quatre mois.
Enfin, les ultracourtes peines sont moins désocialisantes que les autres : en sept ou quatorze jours, on ne perd pas son travail, ni le cours de sa scolarité, son logement ou ses liens familiaux. C’est pourquoi cette solution est parfois plus intéressante que d’attendre la sixième, la huitième ou la dixième condamnation pour finir par infliger des peines plus longues, pour le coup très désocialisantes.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL17 de Mme Andrée Taurinya
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Par cet amendement d’appel, nous proposons que, pour les personnes en état de récidive délictuelle, les juridictions prononcent ab initio des aménagements de peine. Dès lors que la peine n’a clairement pas fonctionné – puisque le prévenu est en récidive –, quel est l’intérêt de renvoyer la personne en prison, dont on sait, au-delà des conditions indignes qui y ont cours, qu’elle produit précisément de la récidive ? Cela n’a absolument aucun sens : la personne renvoyée en prison pourra y enrichir son carnet d’adresses en rencontrant une multitude de délinquants, donc, une fois sortie de nouveau, replonger dans la délinquance, et ainsi de suite, dans un cercle infernal. Si nous voulons lutter contre la récidive, il ne faut pas voir la prison comme une solution, mais au contraire trouver les moyens de réinsérer ces personnes, en évitant notamment les sorties sèches.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Il vous aurait été difficile de rédiger un amendement auquel j’aurais été plus défavorable. Vous proposez d’interdire d’infliger une peine de prison ferme à une personne déjà incarcérée par le passé et qui aurait récidivé. C’est incroyable ! Vous incitez à commettre des délits, puisqu’une personne récidiviste échapperait mécaniquement à l’emprisonnement. Je ne commenterai pas davantage.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Pour une fois, nous ne répondrons pas à votre appel, chère collègue, même si nous comprenons parfaitement votre intention. Nous estimons qu’il ne faut pas interdire par principe toute incarcération de personnes en récidive, non pas parce que cela favoriserait ou encouragerait une hausse du nombre de délits, mais parce que cela reviendrait à appliquer une autre forme généralisation, aussi peu respectueuse de la singularité des parcours que l’approche du rapporteur. Le juge doit apprécier la peine la plus adaptée à chaque situation, qu’il s’agisse un primo-délinquant ou d’un récidiviste : il doit juger les actes commis ainsi que la personnalité de l’auteur au moment où il statue, et non appliquer mécaniquement une règle fondée sur le passé judiciaire du prévenu.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous vous invitons à réfléchir à ce qui produit la récidive. Les études montrent qu’une personne emprisonnée a plus de chance de récidiver qu’une personne dont la peine a été aménagée. Le juge doit garder toute liberté d’individualiser la peine et de l’adapter à la situation personnelle de l’individu, sans être contraint d’avoir recours à une peine de prison ferme.
M. Pierre Cazeneuve (EPR). Cet amendement de La France insoumise est hallucinant : vous promouvez un nouveau système de répression, dans lequel on ne peut aller qu’une fois en prison tout au long de sa vie. Après cela, même en faisant n’importe quoi et en commettant tous les délits imaginables, on n’y retourne plus jamais – c’est littéralement ce que vous proposez. Si une personne est condamnée après avoir récidivé, cela signe évidemment en partie l’échec de la société qui n’a pas réussi à la réinsérer, mais c’est avant tout de sa propre faute, et elle doit être punie pour cela.
Il y a là une totale inversion des valeurs. Vous rendez-vous compte de la folie de ce que vous écrivez et de l’incitation à commettre des délits qui en résulterait ? Vous êtes complètement déconnectés des réalités !
Mme Naïma Moutchou (HOR). Nous sommes en total désaccord avec Mme Taurinya, qui explique que, quand une personne commet une infraction, la première chose à faire, c’est réinsérer, avant même de sanctionner. Notre collègue évoque une inversion de l’échelle des valeurs : c’est tout à fait cela.
Jamais autant d’aménagements de peine n’ont été prononcés qu’actuellement : on aménage une fois, deux fois, cinq fois, dix fois, et ensuite on finit par envoyer en prison. Voilà comment les choses se passent. Nous proposons de changer la grille de lecture, comme l’ont fait d’autres pays, considérant qu’il faut incarcérer beaucoup plus tôt et moins longtemps pour éviter la récidive – des éléments chiffrés montrent que c’est un succès, particulièrement chez les primo-délinquants – et pour lutter contre la surpopulation carcérale.
N’oublions pas que la France compte moins de places de prison par habitant que les autres pays. C’est une des raisons pour lesquelles nous sommes favorables à la construction de nouvelles places, en différenciant les établissements en fonction des profils et de la durée des peines d’emprisonnement qui, lorsqu’elles sont très courtes, peuvent être exécutées dans des milieux plus ouverts.
M. Hervé Saulignac (SOC). Peut-être devriez-vous examiner cet amendement avec davantage d’attention, car nos collègues de La France insoumise semblent avoir trouvé la solution à la surpopulation carcérale : ne plus renvoyer en prison ceux qui ont récidivé ! Plus sérieusement, nous ne pourrons pas les suivre sur ce point.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL13 et CL14 de M. Jean-François Coulomme (discussion commune)
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Que voulez-vous faire des délinquants ? Comment entendez-vous les réparer, les amender, les améliorer, pour les réintégrer ensuite dans l’espace public sous une forme plus compatible avec une vie sociale libre de toute commission d’actes délictuels ? Telles sont les questions qui devraient nous animer.
Que voulez-vous réparer et améliorer chez quelqu’un qui a commis un délit en lui faisant subir un mois de prison ? Peut-être concevez-vous une telle peine comme un stage d’acclimatation à la vie carcérale en vue d’un prochain emprisonnement, un genre de stage de découverte ? J’avoue ne pas comprendre l’esprit de votre mesure.
Si nous avions un dispositif conduisant à la désistance, nous pourrions dire que la peine constitue un bénéfice ; elle aurait du sens, puisqu’elle améliorerait l’ensemble de la société. Or l’incarcération ne vise qu’à extraire momentanément un individu de l’espace public : elle ne règle donc absolument pas le problème. Les prisons connaissent un phénomène de turn-over qui devient de plus en plus infernal du fait de l’augmentation du quantum des peines et du nombre de personnes incarcérées.
Madame Moutchou, vous avez affirmé qu’il fallait toujours plus de prisons mais, plus il y en aura, plus on aura de motifs de les remplir ! Cela s’est vu aux États-Unis et, plus généralement, dans tous les pays dans lesquels la répression carcérale constitue l’unique mode de sanction.
Nous proposons donc, par l’amendement CL13, d’interdire le prononcé de peines d’emprisonnement ferme inférieures à trois mois, dont pourraient être passibles, par exemple, des chauffards ou des fumeurs de joints. L’amendement CL14 vise à interdire les peines d’emprisonnement ferme de moins de deux mois.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Vous avez une vision à mon sens assez idéologique de la question puisque, par principe, vous déniez toute utilité à la prison. En cela, nos positions divergent profondément. Pour notre part, nous proposons de faire confiance aux magistrats en leur offrant la possibilité de prononcer de la prison ferme. Les magistrats nous disent que, pour des auteurs de délits routiers récidivistes ou des primo-auteurs de violences conjugales qu’il faut absolument faire partir du foyer, la prison ferme peut être un outil adapté. Beaucoup d’entre eux y ont eu recours par le passé, à une époque où la loi le leur permettait, y compris pour les mineurs. Nous ne souhaitons pas les empêcher de prononcer des peines de prison ferme inférieures trois mois.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Nous pourrions envisager d’autres solutions. En effet, nos prisons abritent déjà une part disproportionnée de prévenus. Ce phénomène inquiétant est l’une des raisons de la surpopulation carcérale et constitue un enjeu en matière de lutte contre la récidive.
Dans le rapport d’information de juillet 2023 que j’avais rédigé avec Caroline Abadie, nous avions proposé l’instauration d’une peine de probation totalement autonome : autrement dit, pour certains délits, le juge ne pourrait pas prononcer de peine d’emprisonnement mais seulement une ou plusieurs peines alternatives qui constitueraient, chacune, une déclinaison de la peine de probation. Le juge d’application des peines pourrait piocher dans la palette des peines alternatives. Au-delà du débat qui oppose partisans et détracteurs de la prison, on peut se demander quelle est l’utilité d’incarcérer pendant six mois quelqu’un qui est en CDI, qui a conduit à plusieurs reprises sans permis dans le cadre de son travail, qui est marié et qui a des enfants. Certes, il faut sanctionner la récidive, mais ne conviendrait-il pas, en l’occurrence, de faire passer un stage à l’intéressé ou de lui permettre de passer son permis de conduire ?
M. Jiovanny William (SOC). Monsieur le rapporteur, avez-vous envisagé de circonscrire le texte à certains types de délits ? En effet, la nature du délit influe sur le quantum de la peine. Je vois mal un juge prononcer une peine de quinze jours d’emprisonnement ferme pour des violences volontaires en récidive, par exemple.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Monsieur William, je fais confiance aux magistrats, qui sont seuls à même de décider de la peine. Je ne pense pas qu’une personne poursuivie pour des faits de terrorisme sera condamnée à quatorze jours de prison.
Madame Faucillon, les courtes peines – inférieures ou égales à un mois – étaient assez fréquemment prononcées jusqu’en 2019 : on en comptait entre 5 000 et 10 000 par an. C’est donc un outil que les magistrats jugeaient utile. J’ai rencontré une personne dont le fils a été tué par un chauffard qui avait fait l’objet de multiples condamnations, y compris à de la prison ferme, mais qui n’avait jamais mis les pieds en prison. Un magistrat aurait pu estimer, après avoir étudié la personnalité de l’individu, qu’un très court passage derrière les barreaux lui aurait permis de prendre conscience de ses actes. À tout le moins, il importe de mettre cet outil à la disposition du juge. On peut espérer que cela réduise l’incompréhension que les décisions de justice inspirent parfois aux citoyens.
La commission rejette successivement les amendements.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL46 de M. Loïc Kervran, rapporteur.
Amendement CL34 de Mme Sylvie Josserand
Mme Sylvie Josserand (RN). Cet amendement vise à préciser que, pour le calcul du quantum d’emprisonnement en vue de l’aménagement de la peine, il faut prendre en compte non seulement la peine prononcée par la juridiction de jugement mais aussi l’éventuelle révocation d’un sursis qui assortissait une précédente condamnation. Dès lors que le cumul de la peine et du sursis révoqué n’excède pas deux ans, chacune des deux peines doit pouvoir faire l’objet d’un aménagement. Cela permettrait d’appréhender plusieurs peines prononcées successivement, sachant que certaines sont parfois oubliées.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Cette règle est déjà énoncée par l’article D. 48-1-1 du code de procédure pénale. La chambre criminelle de la Cour de cassation a également rappelé le principe dans plusieurs de ses arrêts. Votre amendement me semble donc satisfait.
Mme Sylvie Josserand (RN). Comme sa numérotation l’indique, l’article D. 48-1-1 résulte d’un décret. Au-delà de sa reconnaissance jurisprudentielle, nous souhaitons inscrire la règle dans le marbre de la loi.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Je m’en remets à la sagesse de la commission qui peut, si elle le souhaite, élever le principe dans la hiérarchie des normes.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Peut-être faut-il discerner, derrière cet amendement, le souhait de voir un ancien président de la République passer plusieurs dizaines d’années en prison… En tout état de cause, nous sommes opposés à cette disposition car elle contreviendrait à la règle du non-cumul des peines.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL42 de Mme Béatrice Roullaud
Mme Sylvie Josserand (RN). Cet amendement vise à rendre impossible l’aménagement de la peine en cas de violences physiques. Ces infractions présentent en effet une nature particulière dans la mesure où il est porté atteinte à l’intégrité physique de la personne.
M. Loïc Kervran, rapporteur. D’un point de vue juridique, il me paraît délicat d’exclure une catégorie d’infractions du champ de l’aménagement de la peine, eu égard, notamment au principe constitutionnel d’égalité devant la loi. En réalité, la seule échelle pertinente pour mesurer la gravité d’un délit est celle des sanctions pénales prévues par la loi. On ne peut pas en instaurer d’autres de manière discrétionnaire, sous peine de fragiliser la législation.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’amendement de coordination CL52 de M. Loïc Kervran, rapporteur.
La commission adopte l’article 1er modifié.
Article 2 : (art. 132-25 du code pénal) Conditionner les mesures d’aménagement de peine à des garanties de réinsertion du condamné
Amendements de suppression CL18 de Mme Andrée Taurinya, CL24 de Mme Léa Balage El Mariky et CL32 de M. Hervé Saulignac
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Nous souhaitons supprimer l’article 2 car il subordonne les aménagements de peine à des conditions drastiques. Or ces aménagements permettent d’éviter, autant que possible, la récidive, laquelle est alimentée par l’emprisonnement ferme. Il faut complètement revoir notre vision de la justice, refonder l’échelle des peines et repenser la logique de la justice pénale. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que ce texte se justifiait par l’incompréhension et le ressentiment des citoyens face au faible nombre de peines d’emprisonnement prononcées. Cela étant, notre rôle de législateurs n’est pas de nous appuyer sur ces émotions mais de proposer des textes inspirés par une vision humaniste de la justice. La promotion d’une conception vengeresse de la justice ne règle pas les problèmes. Les courtes peines sanctionnent des délits, tels que le défaut de permis, qui témoignent de difficultés sociales. Essayons de faire en sorte que la société accompagne ces personnes et offrons-leur la possibilité d’être réinsérées.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Nous nous opposons aussi à la réduction des cas dans lesquels le juge pourra prononcer un aménagement de peine car nous sommes fondamentalement attachés à la personnalisation de la peine. En outre, cette mesure est assez contradictoire avec votre discours, monsieur le rapporteur, vous qui affirmez défendre le principe de personnalisation, en particulier pour les courtes peines. Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à supprimer l’article.
M. Hervé Saulignac (SOC). Nous appelons également à supprimer cet article, qui remet en cause le caractère subsidiaire de la peine d’emprisonnement ferme. Dans son rapport de 2013, le jury de la conférence de consensus sur la prévention de la récidive affirmait que « le consensus sur l’efficacité des mesures d’aménagement de peine doit emporter une orientation ferme en faveur de leur développement ». L’article 2 emprunte la direction inverse.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Madame Taurinya, je crois, au contraire, que notre rôle de législateur est d’entendre ce que nos concitoyens ont à nous dire. Je ne suis pas sûr que les Français comprendraient qu’un aménagement de peine puisse être inconditionnel. Du reste, les critères figurant dans le texte, qui étaient appliqués jusqu’en 2019, sont très larges ; ils laissent une grande latitude au juge. Avis défavorable.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Si l’on percevait la consommation d’alcool de la même façon que vous considérez la consommation de cannabis, à savoir comme une déviance, imagine-t-on qu’elle pourrait être sanctionnée d’une peine de prison ferme ? C’est pourtant bien la peine applicable aux gens qui consomment du cannabis ou qui en font un petit commerce. Notre groupe considère que, si l’on dépénalisait l’usage du cannabis et que l’on légalisait sa vente, cela rapporterait non seulement beaucoup d’argent à l’État mais réduirait également la surpopulation carcérale, dont une grande partie est liée à ce petit trafic. Si vous voulez remplir les prisons au moyen de votre dispositif, il faudra bien que, d’une manière ou d’une autre, on fasse de la place. En réalité, il faut favoriser une déflation pénale, ce qui va à l’encontre de votre logique.
La commission rejette les amendements.
Amendement CL27 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). La réforme de 2019 a permis d’augmenter le nombre d’aménagements de peine ab initio mais, comme nous l’avons indiqué, elle a entraîné un certain nombre d’effets de bord. C’est pourquoi nous proposons de relever le seuil d’aménagement obligatoire de la peine à un an d’emprisonnement. Dans les autres hypothèses, où le juge doit s’interroger sur la nécessité d’aménager la peine selon la situation ou la personnalité du détenu, on constate une incohérence entre les mécanismes ab initio et post-sentenciels. Ainsi, une peine de plus d’un an et de moins de deux ans d’emprisonnement ne peut être aménagée directement par le tribunal correctionnel mais devient aménageable dès l’entrée en détention, le JAP étant doté de cette prérogative pour les peines inférieures à deux ans de prison. Cette situation multiplie les procédures inutiles et retarde l’aménagement de l’exécution des peines. Nous proposons donc de relever le seuil d’aménagement quasi obligatoire de la peine à deux ans.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Votre amendement est satisfait puisque les articles 1er et 2 de la proposition de loi rehaussent le seuil jusqu’auquel la peine peut être aménagée, en le faisant passer d’un à deux ans d’emprisonnement ferme. La différence entre les deux dispositions tient toutefois au fait que vous ne conditionnez pas l’aménagement à des exigences de réinsertion sociale. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL47 de M. Loïc Kervran, rapporteur.
Amendements CL35 de Mme Sylvie Josserand et CL28 de Mme Léa Balage El Mariky (discussion commune)
Mme Sylvie Josserand (RN). L’amendement CL35 vise à préciser que, pour le calcul de la durée d’emprisonnement en vue de l’application du régime de la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), de la semi-liberté ou du placement à l’extérieur, il faut prendre en compte non seulement la peine prononcée par la juridiction de jugement mais aussi l’éventuelle révocation d’un sursis qui assortissait une précédente condamnation. Là encore, il s’agit d’appréhender les deux peines ensemble, dans la perspective d’un aménagement – qui requiert une durée totale d’emprisonnement n’excédant pas deux ans – mais il n’est évidemment pas question de cumuler les peines. Le principe du non-cumul des peines s’appliquera au stade de l’aménagement. L’objectif est de ne pas laisser une peine de côté, qui pourrait ensuite encombrer la juridiction d’application des peines.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’article 2 fait de l’aménagement de la peine l’exception : le juge ne sera plus tenu de motiver l’absence d’aménagement. Cette inversion va à l’encontre du mouvement amorcé ces dernières années en faveur d’un recours raisonné et individualisé à l’incarcération. Nous proposons de réaffirmer le principe selon lequel l’aménagement de la peine est la règle et non l’exception pour les peines inférieures ou égales à deux ans dès lors que la personnalité ou la situation du condamné le permet. Il reviendra au condamné de présenter les éléments nécessaires à cette appréciation. Si les conditions sont remplies, le juge devra choisir la modalité d’aménagement la plus adaptée. S’il estime au contraire que le profil de la personne s’oppose à un tel aménagement, il pourra prononcer une peine ferme à condition de motiver sa décision. Notre objectif est de préserver une justice individualisée, respectueuse des parcours de vie, tout en laissant au juge le soin d’apprécier au cas par cas la solution la plus juste et la plus utile.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Madame Josserand, comme tout à l’heure, je laisserai la commission décider si elle souhaite élever cette règle dans la hiérarchie des normes.
Madame Balage El Mariky, en remplaçant les mots « peut décider » par le mot « décide », vous ne laissez plus aucune latitude au juge. Or il doit pouvoir décider librement de la peine la plus adaptée et d’un éventuel aménagement. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL43 de M. Loïc Kervran, rapporteur.
Amendement CL4 de M. Antoine Villedieu
M. Jonathan Gery (RN). Cet amendement vise à garantir l’exécution des peines de prison ferme pour toute personne en capacité de supporter les conditions de détention. En effet, faire du suivi d’un traitement médical, au sens large, un critère d’aménagement de la peine risque d’ouvrir la voie à de trop nombreuses exceptions à l’application des peines de prison ferme.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Votre amendement me paraît satisfait car, lorsqu’une mesure d’aménagement est fondée sur la nécessité de suivre un traitement médical, c’est bien parce que celui-ci ne peut pas être suivi dans les mêmes conditions en prison. Par ailleurs, la condition d’incompatibilité du traitement médical avec le régime de la détention me semble trop restrictive : il faut laisser de la marge de manœuvre au juge pour qu’il puisse prendre la décision la plus adaptée, en fonction de la nature de la pathologie et du traitement.
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). Il est presque comique de vous entendre dire cela, monsieur Gery. Avez-vous déjà visité une prison ? Qui, parmi nous, serait capable de supporter les conditions de détention ? Personne. Nous sommes un certain nombre à décrire ce que nous voyons lorsque nous visitons une prison : les cafards, la vétusté des bâtiments, l’état déplorable des unités sanitaires... J’ai vu, dans la prison de La Talaudière, des salles d’attente d’unités sanitaires dont les murs sont couverts de déjections. Si l’un d’entre nous passait ne serait-ce qu’une heure en prison, il en sortirait complètement détruit, étant donné les conditions indignes de détention, qui ont valu à la France d’être condamnée à plusieurs reprises. Dans le même temps, on laisse la possibilité à un ancien président de la République de passer des vacances aux Seychelles avant de lui poser un bracelet électronique…
Mme Sylvie Josserand (RN). Il faut également prendre en considération le sort des victimes, que vous avez tendance à oublier. Des personnes doivent parfois être hospitalisées des mois durant à la suite d’une agression. Il faut trouver un équilibre entre le sort de l’un et de l’autre – l’un ayant choisi de commettre l’infraction, l’autre l’ayant subie.
M. Jiovanny William (SOC). Le JAP est justement là pour vérifier que l’état de la personne est compatible avec l’emprisonnement. Il faut lui laisser la liberté de décider.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Les victimes sont évidemment importantes. Lorsque j’ai rencontré les associations, j’ai entendu que les victimes demandaient à être mieux reconnues dans le cadre des procédures, à être mieux informées, plus écoutées. Nous avons un travail considérable à mener en la matière. Je regrette qu’à chaque fois que le bloc central et, plus régulièrement, l’extrême droite parlent des victimes, ce soit pour les présenter comme des gens ayant soif de vengeance. Or ce n’est pas le cas, même si, lorsqu’il vous arrive quelque chose de très grave, vous pouvez en vouloir très fortement à l’auteur du délit ou du crime. En notre qualité de législateurs, nous devons faire preuve du recul que demande l’État de droit. Arrêtons de faire croire que les victimes nous poussent sans cesse à l’inflation pénale. Elles veulent surtout s’assurer que l’État lutte contre la récidive et que, grâce à cela, d’autres ne causeront pas le même préjudice.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL44 de M. Loïc Kervran, rapporteur.
La commission adopte l’article 2 modifié.
Article 3 : (art. 464-2 du code de procédure pénale) Abroger l’article 464-2 du code de procédure pénale
Amendements de suppression CL11 de Mme Elsa Faucillon, CL15 de M. Jean-François Coulomme, CL25 de Mme Léa Balage El Mariky et CL33 de M. Hervé Saulignac
Mme Elsa Faucillon (GDR). Les chiffres le démontrent, la justice n’est pas laxiste ; nous avons la responsabilité de ne pas faire croire qu’elle le serait. Les peines prononcées sont longues. Il est vrai que l’exécution pose un problème, mais c’est aussi le cas pour les peines alternatives. Si nous voulons que le débat soit sérieux, et surtout efficace, arrêtons de raconter que la justice est laxiste et que les magistrats ne disposent pas d’une latitude suffisante – ce qui d’ailleurs est quelque peu contradictoire –, alors qu’ils prononcent des peines plus longues qu’avant. La pression vient en grande partie de nous.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Il faut identifier le fait générateur des actes délictuels. Depuis de nombreuses années, la population carcérale ne cesse d’augmenter. Une certaine classe de la population se sentirait-elle un goût particulier pour les crimes et les délits ? Les comportements évoluent-ils sous l’effet de la violence de la société ? L’action correctrice, émancipatrice et éducatrice de l’école serait-elle insuffisante, faute de moyens ? À moins que vous ne souhaitiez essentialiser les individus, ce qui vous mènera peut-être, à l’aide de l’intelligence artificielle, à prédire dès la naissance s’ils iront faire un tour en prison pour avoir commis des délits.
Peut-être faut-il soigner non pas les symptômes, mais les causes. Avec votre proposition de loi, vous préférez pénaliser, incarcérer, pour mettre sous le tapis les individus ayant commis des infractions, et ainsi régler le problème – ce qui est hypocrite.
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). L’amendement CL25 vise à supprimer l’article 3. Nous souhaitons maintenir l’aménagement ab initio des peines de prison inférieures ou égales à un an, quand la personnalité et la situation du condamné le permettent. Rien ne justifie de supprimer un mécanisme équilibré : si les éléments du dossier sont insuffisants, le juge peut toujours écarter l’aménagement.
M. Hervé Saulignac (SOC). Abroger l’article 464-2 du code de procédure pénale serait une grave erreur. La littérature démontre suffisamment que les peines exécutées en milieu ouvert et assorties d’un accompagnement adéquat favorisent l’arrêt de la délinquance. Nous soutenons donc la suppression de l’article 3.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Avis défavorable. Plutôt que de supprimer l’article, je vous propose d’adopter le prochain amendement, CL49, qui tend à le réécrire. En effet, l’article 464-2 du code de procédure pénale contient des dispositifs intéressants, notamment le mandat de dépôt différé. Les ultracourtes peines sont moins désocialisantes, mais les magistrats expliquent que le mandat de dépôt simple, décerné à l’audience, annule ce bénéfice : la personne concernée n’a pas le temps de se préparer.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Vous voulez éviter la désocialisation mais vous ne prenez pas en considération le choc carcéral, que l’administration pénitentiaire reconnaît pourtant, puisqu’il existe des quartiers primo-arrivants, où les agents ont pour priorité de surveiller le risque suicidaire que provoque le choc carcéral. Je ne veux apitoyer personne sur le sort de ceux qui se retrouvent en prison pour avoir commis des délits, mais il faut mesurer l’impact de ce choc eu égard à la commission d’un délit mineur, puisque nous parlons de peines courtes, et ses potentiels effets lors de la sortie.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). Si vous aviez eu à cœur d’éviter la désocialisation, monsieur le rapporteur, vous auriez pu imaginer un dispositif d’aménagement sur le modèle de ce qui existait pour les auteurs d’excès de vitesse : le juge pouvait prononcer un retrait de permis aménagé, de sorte qu’ils puissent continuer à travailler mais non à conduire le week-end.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Je souhaite, madame Faucillon, que nous envisagions de créer des établissements spécifiques. Il est préférable de passer sept, quatorze ou vingt et un jours derrière les barreaux, avec la perspective de sortir rapidement, que d’être condamné à une peine beaucoup plus longue pour éviter les obligations d’aménagement.
Sur tous ces sujets, une grande prudence s’impose. Des études montrent que, si l’on meurt davantage en prison qu’en population générale, on meurt aussi davantage sous probation qu’en prison. Différents facteurs l’expliquent, par exemple le fait d’être seul lors d’une décompensation psychique ou les difficultés d’accès aux soins.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l’article 3 est supprimé et l’amendement CL49 de M. Loïc Kervran, rapporteur, tombe.
Après l’article 3
Amendements CL22 de M. Yoann Gillet et CL54 de M. Loïc Kervran (discussion commune)
Mme Sylvie Josserand (RN). L’amendement CL22 tend à limiter le recours aux aménagements de peine pour les personnes condamnées en état de récidive légale, car cela témoigne d’une persistance dans le comportement délinquant et d’un refus manifeste de se réinsérer. Permettre aux personnes concernées de bénéficier de dispositifs comme la détention à domicile, la semi-liberté ou le placement à l’extérieur empêche la fermeté de la réponse pénale.
M. Loïc Kervran, rapporteur. L’amendement CL54 est de coordination.
Successivement, la commission rejette l'amendement CL22 et adopte l’amendement CL54.
Amendement CL48 de M. Loïc Kervran
M. Loïc Kervran, rapporteur. L’article 465 du code de procédure pénale prévoit qu’un mandat d’arrêt ou de dépôt ne peut être décerné que si la peine prononcée est au moins d’une année d’emprisonnement sans sursis. Pour assurer la cohérence avec le reste du texte, le présent amendement vise à supprimer ce seuil.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL51 de M. Loïc Kervran
M. Loïc Kervran, rapporteur. Le présent amendement, de coordination, vise à rehausser à deux ans le seuil d’un an prévu à l’article 474 du code de procédure pénale.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL45 de M. Loïc Kervran
M. Loïc Kervran, rapporteur. L’amendement CL45 vise à supprimer le dispositif de libération sous contrainte (LSC) de plein droit. Quand il reste à un détenu moins de trois mois de prison ferme à effectuer, il y est éligible. Or c’est incompatible avec les ultracourtes peines : si un juge prononce une peine de trois semaines de prison ferme sans aménagement, le condamné sera immédiatement éligible à la libération sous contrainte de plein droit, donc libéré.
En l’état, lorsque le juge révoque le sursis probatoire d’un condamné qui n’en a pas respecté les conditions, celui-ci, si son sursis est par exemple de deux mois, au lieu d’être puni, sera immédiatement libéré sous contrainte, sans passer par la prison. Le présent amendement tend donc également à supprimer cette incongruité.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Cet amendement est cohérent avec la proposition de loi ; j’y suis donc opposée. Je relève une confusion : les deux dispositifs que vous voulez supprimer ont été créés récemment, en 2019 notamment, par votre majorité. Je suis contre la suppression de la LSC de plein droit, qui permet une régulation carcérale, même si elle favorise les sorties sèches, contre lesquelles il convient de lutter. Vous faites, défaites et refaites : accordez-vous !
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Il est vrai que la LSC de plein droit ne fonctionne pas toujours comme prévu, notamment lorsqu’elle s’impose à des personnes qui ne souhaitaient pas d’aménagement. Mal préparée et mal acceptée, elle peut participer à la récidive. Par ailleurs, de nombreuses infractions en sont exclues. Toutefois, il faut non la supprimer, mais l’améliorer. En retirant cet amendement, monsieur le rapporteur, vous nous donnerez peut-être l’occasion de travailler à l’élaboration de dispositifs à même de lutter contre les sorties sèches, donc contre la récidive.
M. Hervé Saulignac (SOC). Une bonne partie du texte se justifie par le constat, partagé, d’une surpopulation carcérale. Or la majorité des dispositions tendent à emprisonner plus ou à éviter de libérer ceux qui pourraient l’être en vertu d’un texte récent – 2021. C’est paradoxal : vous déplorez la surpopulation carcérale mais vous faites tout pour l’alimenter.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Les auditions l’ont montré : la libération sous contrainte de plein droit ne satisfait personne. Nous sommes nombreux à nous inquiéter des sorties sèches non préparées et parfois décidées contre la volonté du détenu. Je pense aussi aux juges de l’application des peines : c’est beaucoup de paperasse car la décision passe par eux, tout en étant d’application automatique, ce qui n’est pas cohérent avec ce que nous attendons de nos magistrats. L’amendement procède donc à la fois de l’intention de rendre possible le prononcé de courtes peines et de la volonté de laisser au juge de l’application des peines la liberté de décider.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL36 de Mme Sylvie Josserand
Mme Sylvie Josserand (RN). Le présent amendement tend à tirer les conséquences de l’abrogation de l’article 464-2 du code de procédure pénale, objet de l’article 3 de la présente proposition de loi, en supprimant les mots de l’article 723-15 qui y font référence.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Je défendrai dans un instant un amendement de coordination, CL50, tendant à modifier plus globalement l’article concerné. J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement, au profit du mien.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL50 de M. Loïc Kervran et amendements CL40 et CL41 de Mme Sylvie Josserand (discussion commune)
M. Loïc Kervran, rapporteur. Comme je viens de l’annoncer, l’amendement CL50 tend à coordonner l’article 723-15 du code de procédure pénale avec le texte, en portant à deux ans le seuil d’aménagement et en supprimant le caractère obligatoire du dispositif.
Mme Sylvie Josserand (RN). Les amendements CL40 et CL41 tendent à rendre l’article 723-15 du code de procédure pénale cohérent avec l’article 123-25 du code pénal, notamment en remplaçant « un an » par « deux ans ».
M. Loïc Kervran, rapporteur. J’émets un avis défavorable sur vos amendements au profit du mien, plus complet.
La commission adopte l’amendement CL50.
En conséquence, les amendements CL40 et CL41 tombent.
Amendement CL26 de Mme Léa Balage El Mariky
Mme Léa Balage El Mariky (EcoS). Le présent amendement tend à obtenir un rapport relatif à l’organisation et au financement du placement à l’extérieur. Cet aménagement de peine fait ses preuves, en particulier pour les personnes peu insérées ou vulnérables ; il offre un accompagnement global, qui prend en considération le logement, l’accès aux soins, l’emploi et l’accès aux droits. Après un placement à l’extérieur, le taux de récidive est très faible : 4 % environ. Néanmoins, le financement dépend du nombre de places occupées et non du nombre de places offertes, ce qui fragilise les associations chargées de déployer le dispositif, au point que certaines cessent leurs activités.
M. Loïc Kervran, rapporteur. La commission des lois n’éprouvant pas un grand amour pour les demandes de rapport, j’émets un avis défavorable.
Mme Elsa Faucillon (GDR). Je soutiens l’amendement. Dans notre rapport d’information consacré aux alternatives à la détention, Mme Abadie et moi-même recommandions d’augmenter les crédits affectés au placement à l’extérieur : tous ceux qui s’y intéressent de près s’accordent à souligner les qualités du dispositif, en particulier pour la réinsertion. Lors de l’examen du projet de loi de finances, nous avons proposé d’augmenter les moyens qui lui sont alloués ; malgré son efficacité pour lutter contre la récidive, nos amendements n’ont pas été retenus. Peut-être un nouveau rapport est-il nécessaire pour que le dossier reste ouvert.
M. Emmanuel Duplessy (EcoS). Certaines communes s’engagent dans l’accueil de délinquants en coopérant avec la justice pour favoriser le déploiement de peines alternatives, par exemple des travaux d’intérêt général. Cependant, l’État ne les soutient absolument pas. Ce rapport, nécessaire, sera certainement utile.
La commission rejette l'amendement.
Titre
Amendements CL21 de Mme Andrée Taurinya et CL16 de M. Jean-François Coulomme
Mme Andrée Taurinya (LFI-NFP). L’amendement CL21 vise à intituler le texte « proposition de loi visant à dégrader les conditions de travail des agents pénitentiaires ». La surpopulation abîme déjà lourdement lesdites conditions de travail ; malgré les annonces et les réformes du ministre de la justice et de son prédécesseur, on ne voit pas comment il serait possible d’embaucher suffisamment d’agents, d’autant que le budget, adopté par 49.3, ne prévoit pas d’augmenter les crédits de la justice. Contrairement à ce que vous dites, monsieur le rapporteur, vous n’écoutez pas nos concitoyens ; vous surfez sur une vision vengeresse de la justice, nourrie par le Rassemblement national – cette dérive est inquiétante.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NFP). L’amendement CL16 vise à choisir le titre « proposition de loi visant à aggraver la surpopulation carcérale », afin de le rendre cohérent avec les effets qu’entraînerait le texte si, par malheur, il était définitivement adopté. Or la surpopulation est le cancer des prisons : elle empêche la désistance, pousse à la récidive, provoque des drames pouvant aller jusqu’au décès de certains détenus. En outre, vous dégraderez les conditions de travail d’une profession pour laquelle on a déjà bien du mal à recruter, précisément en raison des conditions de travail. Les agents pénitentiaires sont au monde carcéral ce que les agents de soins sont aux Ehpad, où plus personne ne veut travailler parce que chaque agent doit s’occuper d’un nombre bien trop élevé de pensionnaires.
M. Loïc Kervran, rapporteur. Ces amendements sont potaches. Avis défavorable. Le titre « visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme » n’est peut-être pas parfait : on pourrait y ajouter « et à renforcer la confiance dans la chaîne pénale ».
La commission rejette successivement les amendements.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à faire exécuter les peines d’emprisonnement ferme (n° 374) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.
Mme Sophie Macquart-Moulin, directrice adjointe
Mme Naïma Mohraz, magistrate au Bureau de la législation pénale générale
Mme Marie Vialatte de Pemille, cheffe du Bureau de l’exécution des peines
Mme Véronique Sousset, cheffe du service métier
Mme Camille Digneau, cheffe adjointe du département des parcours de peines
M. Alan Pierre, chargé du projet Quali'gref pour la professionnalisation, modernisation et valorisation des greffes pénitentiaires
Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)
Mme Caroline Calbo, procureure de Pointe-à-Pitre et vice-présidente de la CNPR
Conférence nationale procureurs généraux (CNPG)
M. Éric Maillaud, procureur général de Bourges
Mme Émilie Rayneau, présidente du tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon
M. Louis-Benoît Betermiez, président du tribunal judiciaire de Valenciennes
Mme Amélie Morineau, présidente de la commission Libertés et droits de l’Homme
Mme Delphine Boesel, ancienne membre du conseil de l’Ordre du barreau de Paris
M. Stéphane Giuranna, membre du bureau de la Conférence des bâtonniers
Mme Mona Laaroussi, chargée de mission affaires publiques
Mme Mathilde Thimotée, secrétaire générale
Mme Justine Probst, secrétaire nationale
Mme Béatrice Brugere, secrétaire générale d'Unité magistrats
M. Aurélien Martini, secrétaire général adjoint
Mme Rachel Beck, secrétaire nationale
M. Pierre Jourdin, 1er vice-président chargé de l’application des peines à Melun et vice-président de l’ANJAP
Mme Céline Bertetto, présidente
([1]) Article 132-1 du code pénal, alinéa 2 : « Toute peine prononcée par la juridiction doit être individualisée ».
([2]) Conseil constitutionnel, décision n° 2005-520 DC du 22 juillet 2005.
([3]) Article 132-1 du code pénal, alinéa 3.
([4]) Articles 130-1 du code pénal : « Afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions : 1° De sanctionner l'auteur de l'infraction ; 2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion ».
([5]) Ministère de la justice, « Inflation carcérale, durcir les peines, remplir les prisons », cahier d’études pénitentiaires et criminologiques, n° 65, mars 2024.
([6]) Ministère de la justice, Infos rapides justice, service de la statistique, des études et de la recherche, n° 20, 12 décembre 2024.
([7]) Killias et al. (2010) et Gottfredson et al. (2006 et 2007). Voir aussi : M. Herzog Evans, « Le plafond des six mois pour les personnes sous écrou. Perception des praticiens », in T. Tournier (dir.), « Une certaine idée de la criminologie. Approche pluridisciplinaire du processus pénal », L’Harmattan, 2013, p. 151-156 ; C. Maillard, « L'impact de la peine sur la récidive : Une expérimentation naturelle à partir des réformes du Code pénal suisse », Université de Lausanne, 2023.
([8]) Cour des comptes, « Évaluation de deux peines alternatives à la prison, le travail d’intérêt général et la détention à domicile sous surveillance électronique », mars 2025.
([9]) Réponse de la direction des affaires criminelles et des grâces (« DACG ») au questionnaire de votre rapporteur.
([10]) Ibid.
([11]) Mmes Caroline Abadie et Elsa Faucillon, rapport d’information sur les alternatives à la détention et l’éventuelle création d’un mécanisme de régulation carcérale, commission des Lois, Assemblée nationale, 19 juillet 2023.
([12]) Ibid.
([13]) Ibid.
([14]) La mesure de libération sous contrainte de plein droit a été instaurée par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.
([15]) Cour des comptes, « Une surpopulation carcérale persistante, une politique d’exécution des peines en question », octobre 2023.
([16]) Cass. crim. 11 mai 2021, n° 20-85.464 et n° 20-85.576.
([17]) Article 132-19 du code pénal.
([18]) Réponses de la direction des affaires criminelles et des grâces (« DACG ») au questionnaire de votre rapporteur.
([19]) Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, exposé des motifs.
([20]) Article 132-19 du code pénal.
([21]) Article 132-19 du code pénal.
([22]) Article 132-25 du code pénal.
([23]) Dispositions introduites par l’article 2 du décret n° 2020-187 du 3 mars 2020.
([24]) Article 723-15 du code de procédure pénale.
([25]) Cass. crim. 11 mai 2021, n° 20-84.412 et n° 20-85.576.
([26]) Ancien article 132-26-1 du code pénal, abrogé par l’article 66 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019.
([27]) Cass. crim., 11 mai 2021, n° 20-85.576.
([28]) Cass. crim. 11 mai 2021, n° 20-85.464 et n° 20-85.576.
([29]) Premier alinéa de l’article 132-70-1 du code pénal : « La juridiction peut ajourner le prononcé de la peine à l'égard d'une personne physique lorsqu'il apparaît opportun d'ordonner à son égard des investigations, le cas échéant complémentaires, sur sa personnalité ou sa situation matérielle, familiale et sociale de nature à permettre le prononcé d'une peine adaptée. Ces investigations peuvent être confiées au service pénitentiaire d'insertion et de probation ou à une personne morale habilitée ».
([30]) Cass. crim. 11 mai 2021, n° 20-85.576.
([31]) Ministère de la justice, « Première présentation des dispositions relatives aux peines de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice », 25 mars 2019.
([32]) Ibid.
([33]) Cass. crim. 14 juin 2023, n° 21-87.352.
([34]) Article 474 du code de procédure pénale.
([35]) La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a créé une nouvelle peine autonome, la détention à domicile sous surveillance électronique, qui peut être prononcée pour une durée de 15 jours à six mois.
([36]) Article 747-1 du code de procédure pénale.
([37]) Amendement n° CL46.
([38]) Amendement n° CL52.
([39]) Cass. Crim., 14 avr. 2021, n° 21-80.829.
([40]) Lorsque le condamné n’est pas assigné à son domicile, le consentement du maître des lieux doit être recueilli (articles 723-7 et R. 57-14 du code de procédure pénale).
([41]) Article 723-8 al 3 du code de procédure pénale.
([42]) Article 723-13 du code de procédure pénale.
([43]) Articles D. 125 du code de procédure pénale et D. 424-7 du code pénitentiaire.
([44]) Article 434-29 2° du code pénal.
([45]) Article. 434-29 4° du code pénal.
([46]) Article 132-26 du code pénal.
([47]) Mmes Caroline Abadie et Elsa Faucillon, rapport d’information sur les alternatives à la détention et l’éventuelle création d’un mécanisme de régulation carcérale, commission des Lois, Assemblée nationale, 19 juillet 2023.
([48]) Articles 723-2 et D. 49-25 du code de procédure pénale.
([49]) Article 132-26 du code pénal.
([50]) Ibid.
([51]) Article D. 425-5 du code pénitentiaire.
([52]) Article 712-8 du code de procédure pénale et L. 424-1 du code pénitentiaire.
([53]) Article D. 112-20 du code pénitentiaire.
([54]) Articles 723-2 et D. 49-25 du code de procédure pénale.
([55]) Amendements n°s CL43, CL44 et CL47.
([56]) Cass. crim., 11 mai 2021, n° 20-85.576.
([57]) Article 465 du code de procédure pénale.
([58]) Article 465-1 du code de procédure pénale.
([59]) Article 397-4 du code de procédure pénale.
([60]) Cass. crim. 14 juin 2023, n° 22-83.322.
([61]) Amendements n° CL11 de Mme Elsa Faucillon, n° CL15 de M. Jean-François Coulomme, n° CL25 de Mme Léa Balage El Mariky et n° CL33 de M. Hervé Saulignac.
([62]) Amendement n° CL54.
([63]) Article 465-1 du code de procédure pénale.
([64]) Article 397-4 du code de procédure pénale.
([65]) Article 132-19 du code pénal.
([66]) Amendement n° CL48.
([67]) Amendement n° CL51.
([68]) Amendement n° CL45.