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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 1113),
DE M. ARTHUR DELAPORTE ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,
visant à sauvegarder et renforcer le financement en faveur de
la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine,
PAR M. Arthur DELAPORTE,
Député
La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, Nathalie OZIOL M. Thierry SOTHER, vice-présidents ; MM. Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM. Henri ALFANDARI, Gabriel AMARD, David AMIEL, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Nicolas BONNET, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. François-Xavier CECCOLI, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Arthur DELAPORTE, Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, M. Bastien LACHAUD, Mmes Hélène LAPORTE, Constance LE GRIP, M. Pascal LECAMP, Mme Brigitte LISO, MM. Alexandre LOUBET, Mathieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Emmanuel MAUREL, Mmes Yaël MENACHÉ, Danièle OBONO, M. Frédéric PETIT, Mme Anna PIC, Mmes Isabelle RAUCH, Marie-Ange ROUSSELOT, MM. Alexandre SABATOU, Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLÉ‑POLIAN, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.
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Pages
I. État des lieux de la pandémie de VIH/Sida
A. Chiffres clés et perspectives mondiales
1. Une crise sanitaire mondiale toujours d’actualité malgré des avancées
2. Une crise sanitaire ayant des répercussions humaines et sociales encore profondes
3. L’Agenda 2030 des Nations unies : un objectif ambitieux visant à mettre fin à l’épidémie
B. Répartition géographique de la pandémie
1. Une riposte mondiale qui progresse à des rythmes différents
2. L’Afrique, un continent qui demeure en première ligne
C. Les Avancées majeures dans la prise en charge de la pandémie
1. Les principales avancées thérapeutiques
2. Le renforcement des outils de dépistage et de prévention
a. Le développement des autotests VIH
b. Le déploiement de la prophylaxie pré-exposition (PrEP)
c. Vaccin contre le VIH : où en est la recherche aujourd’hui ?
II. Financements et coopération internationale : état des lieux et leviers d’action
A. Les principaux mécanismes financiers et acteurs mobilisés dans la lutte contre le VIH/SIDA
1. Les principaux bailleurs de fonds internationaux dans le domaine de la lutte contre le VIH/SIDA
a. Le plan présidentiel américain d’aide et d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR)
b. Le Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP)
c. Le Programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA)
1. Les États-Unis, acteur incontournable du financement international contre la pandémie
2. Le retrait américain : un risque majeur pour la lutte mondiale contre le VIH/SIDA
a. Les conséquences concrètes d’un retrait ou d’une diminution de l’aide bilatérale américaine
i. Des conséquences sanitaires dévastatrices notamment en Afrique
ii. La très grande vulnérabilité des pays africains face à la réduction de l’aide américaine
iii. Limites de l’actuelle dérogation humanitaire d’urgence
A. La France, acteur clé et partenaire fidèle dans la lutte contre la pandémie
1. La place de la France dans la réponse mondiale au VIH/SIDA : un engagement fort et reconnu
2. L’engagement de la France pour une science libre, intègre et responsable
B. Le rôle de l’Union Européenne dans le financement de la lutte mondiale contre le VIH/SIDA
1. Une compensation totale du retrait américain : un objectif irréaliste
2. Renforcer les engagements politiques : la clé pour maintenir la lutte contre le VIH/SIDA
proposition de résolution européenne initiale
amendements examinés par la commission
proposition de Résolution européenne adoptée par la commission
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Mesdames, Messieurs,
« Une bombe de santé publique à retardement » : ces mots – prononcés par Philippe Duneton, directeur exécutif d’Unitaid – ont été évoqués à plusieurs reprises lors des auditions menées par votre rapporteur. D’autres parlent de « tremblement de terre ». Ces expressions témoignent de la déflagration conséquente au « stop-and-go » chaotique de l’administration Trump sur sa politique internationale, et plus particulièrement sur son soutien à la lutte contre le VIH/SIDA qui est aujourd’hui profondément remis en cause. Alors même que l’objectif d’élimination de l’épidémie à horizon 2030 était en bonne voie d’être atteint, les répercussions du désengagement américain sont d’ores et déjà sensibles.
Le site internet pepfarimpactcounter.com[1] estime en temps réel les morts causées par le VIH/SIDA, imputables au gel des financements américains du programme PEPFAR, décidé par le président américain le 24 janvier 2025. À l’heure où votre rapporteur conclut ce rapport, le désengagement américain aurait déjà coûté la vie à 31 780 morts adultes et à 3 382 enfants. La Directrice exécutive d’ONUSIDA évoque même un risque d’une multiplication par dix des décès, de près 630 000 morts annuels à ce jour à 6,3 millions par an sur les prochaines années, si rien n’est fait.
Depuis le début de l’épidémie de VIH, le monde a été confronté à un défi de santé publique de taille, avec près de 42,3 millions de décès liés au SIDA sur un total de 88,4 millions de personnes infectées. Bien que des progrès considérables aient été réalisés, en grande partie grâce à la mobilisation de la communauté internationale, le VIH/SIDA reste un enjeu de santé publique mondiale majeur.
Les États-Unis représentaient jusqu’alors près de 73 % du financement total des gouvernements donateurs pour la lutte contre le VIH. En 2023, 5,7 milliards de dollars américains ont ainsi été décaissés par les États-Unis en faveur de l’aide internationale à la lutte contre le VIH/SIDA dont 5,2 milliards d’aide bilatérale (92 %) et 0,5 milliard via leur aide multilatérale ajustée au VIH (8 %). Le 24 janvier 2025, le président Donald Trump a signé un décret suspendant les financements de l’agence américaine pour le développement international (USAID) pour une durée de 90 jours. En conséquence, plusieurs programmes essentiels de prévention, de soin et de recherche liés au VIH ont été brusquement interrompus, en particulier dans les régions les plus gravement touchées par l'épidémie.
Les pays les plus touchés sont évidemment ceux qui bénéficiaient des financements les plus importants parmi lesquels : Haïti, l’Afrique du Sud, l’Ouganda ou encore le Zimbabwe. Très concrètement, des centres de santé ont fermé, des personnels soignants sont mis au chômage, des chaînes logistiques et d’approvisionnements sont à l’arrêt. Comme souvent lors de crises sanitaires, un marché parallèle s’est développé accentuant la pression sur la disponibilité des traitements restants.
Alors même que des efforts considérables avaient été déployés ces dernières années afin de renforcer la lutte contre les discriminations de populations très touchées par l’épidémie comme les hommes ayant des rapports avec les hommes ou les usagers de drogues, le retrait américain – s’accompagnant d’une conditionnalisation des subventions à la non-présence de certains termes dans les demandes de financements de la part des ONG (suppression des termes “LGBTQ” “Diversité” “Transgenre” “Diversité” ou remplacement de “Genre” par “Sexe” par exemple) – a eu pour conséquence de légitimer des politiques discriminatoires à l’égard de certaines communautés ou minorités sexuelles dans certains États bénéficiaires de l’aide internationale. Le risque de stigmatisation revenant avec la fermeture des lieux d’accueil, certains publics n’osent en outre plus se faire soigner, ce qui a un effet tant sur leur santé que sur la reprise de l’épidémie.
Au-delà de la sortie de la trajectoire de l'épidémie, les craintes évoquées par les acteurs auditionnés pèsent plus largement sur la santé mondiale. Alors que le retrait américain touche tous les pans de l’action publique en santé mondiale, des maladies infectieuses pourraient se propager et les avancées obtenues, notamment pour la tuberculose ou le paludisme, pourraient être réduites à peau de chagrin. Faut-il également rappeler que les variants du COVID se sont développés au sein des populations immunodéprimées ? Toute aggravation de l’épidémie risque ainsi de faciliter la circulation potentielle de nouveaux virus. La bombe à retardement est ainsi une menace pour notre sécurité sanitaire collective, et les virus ne connaissent pas les frontières. Pour faire face aux défis et aux menaces résultant des décisions inconséquentes de l’administration américaine, notre réponse doit être à la hauteur.
L’Union européenne et ses États membres doivent donc intensifier leurs efforts. Il apparaît crucial que l’Union européenne maintienne un financement solide s’agissant de cet enjeu dans le cadre du budget pluriannuel 2028-2034 et qu’elle poursuive son soutien à la recherche européenne sur le VIH. Au-delà, les États membres, sous l’impulsion de la France, devront renforcer leurs programmes d’action et de recherche sur la santé sexuelle.
Le désengagement - potentiellement durable - des États-Unis représente un risque majeur non seulement pour la continuité des traitements, de la prévention et de la recherche liés au VIH/SIDA, mais aussi pour la santé mondiale dans son ensemble. Face à cette crise, la France, dont l’engagement historique et l’expertise en matière de lutte contre le VIH/SIDA sont largement reconnus, doit non seulement réaffirmer son soutien financier, mais également assumer un leadership politique. La démarche engagée par notre Assemblée a d’ailleurs été saluée unanimement par les acteurs auditionnés par votre rapporteur qui attendent désormais beaucoup de la France et de l’Union européenne dans cette crise majeure dont les conséquences sont, déjà, dramatiques.
Il est urgent de donner des perspectives à un système international qui a fonctionné et qui est aujourd’hui gravement menacé. Au-delà de l’enjeu d’une diplomatie d’influence française et européenne sur des enjeux de santé mondiale, il s’agit bel et bien d’un sujet de sécurité globale.
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I. État des lieux de la pandémie de VIH/Sida
A. Chiffres clés et perspectives mondiales
1. Une crise sanitaire mondiale toujours d’actualité malgré des avancées
Depuis le début de l’épidémie de virus de l’immunodéficience humaine (VIH), 42,3 millions de personnes ont succombé à des maladies liées au syndrome de l’immunodéficience acquise (SIDA), sur un total de 88,4 millions de personnes ayant été infectées par le virus. Malgré des progrès significatifs en matière de prévention et de traitement, le VIH demeure un défi majeur de santé publique, avec des répercussions profondes à l’échelle de la planète.
En 2023, 1,3 million de personnes ont été infectées par le VIH, marquant une baisse significative par rapport aux 3,3 millions de nouvelles infections recensées en 1995, soit une réduction de 60 %. Toutefois, ce chiffre reste encore éloigné de l’objectif fixé par les Nations unies pour 2030, qui vise à limiter les nouvelles contaminations annuelles à 370 000. Les enfants ont bénéficié d’une réduction marquée des nouvelles infections, avec une baisse de 62 % entre 2010 et 2023. Par ailleurs, les femmes et les filles, toutes tranches d’âge confondues, représentaient 44 % des nouvelles contaminations au VIH en 2023.
Actuellement, près de 40 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde, dont 38,6 millions d’adultes et 1,4 million d’enfants. Les femmes et les filles représentent 53 % des personnes séropositives. Un progrès notable réside dans le fait que 86 % des personnes vivant avec le virus connaissent aujourd’hui leur statut sérologique, un élément essentiel pour l’accès aux traitements et à la réduction des nouvelles transmissions.
Nombre de nouvelles infections et de décès liés au VIH/SIDA depuis 1990.
Source : rapport mondial 2024 de l’ONUSIDA ([2]).
2. Une crise sanitaire ayant des répercussions humaines et sociales encore profondes
Malgré ces avancées, le SIDA continue de provoquer un nombre important de décès. En 2023, 630 000 personnes sont mortes de maladies liées au SIDA, soit plus d’une personne par minute. La mortalité a toutefois connu une réduction significative depuis 2010, avec une baisse de 56 % chez les femmes et les filles, et de 47 % chez les hommes et les garçons. L’objectif fixé pour 2025 est de limiter le nombre annuel de décès liés au VIH à moins de 250 000, ce qui nécessite un renforcement des politiques de dépistage, de traitement et de prévention.
Il est en outre important de souligner que l’épidémie a des conséquences sociales profondes, notamment pour les enfants. En 2023, environ 14 millions d’enfants de moins de 18 ans avaient perdu au moins un parent à cause de l’épidémie, selon les estimations de l’UNICEF. Ces chiffres témoignent de l’impact intergénérationnel de la maladie et du besoin urgent de renforcer l’accès aux soins, au soutien psychosocial et aux politiques de protection sociale pour les enfants touchés par cette crise sanitaire.
3. L’Agenda 2030 des Nations unies : un objectif ambitieux visant à mettre fin à l’épidémie
Dans le cadre de l’Agenda 2030 pour le développement durable, les Nations unies ont fixé l’objectif ambitieux de mettre fin à l’épidémie de SIDA comme menace pour la santé publique d’ici 2030. Cet engagement s’inscrit dans le cadre de l’objectif de développement durable (ODD) n° 3, qui vise à donner aux individus les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être à tous les âges. Concrètement, cela implique de réduire à moins de 370 000 le nombre de nouvelles infections au VIH par an, de faire passer les décès liés au SIDA sous la barre des 250 000 annuels, et de garantir un accès universel aux services de prévention, de dépistage, de traitement et de soins, en veillant tout particulièrement à atteindre les populations les plus vulnérables.
Selon un rapport de l’ONUSIDA publié en mars 2024, les nouvelles infections par le VIH ont diminué de 38 % au niveau mondial depuis 2010. Cette tendance positive est particulièrement marquée dans les pays membres de la Coalition mondiale pour la prévention du VIH, où onze pays ont réussi à réduire d’au moins 66 % leur nombre annuel de nouvelles infections depuis 2010.
Cependant, les avancées restent inégalement réparties. Certaines populations, en particulier les populations clés — comme les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les travailleuses et les travailleurs du sexe, les consommateurs de drogues injectables, ainsi que les adolescentes et jeunes femmes en Afrique subsaharienne — continuent d’être touchées de manière disproportionnée. D’après l’UNICEF, en 2023, 96 000 filles et 41 000 garçons âgés de 15 à 19 ans ont été nouvellement infectés par le VIH, ce qui montre que sept infections sur dix parmi les adolescents touchent des filles. En Afrique subsaharienne, ce sont neuf nouvelles infections sur dix chez les jeunes de 15 à 19 ans qui concernent des filles.
Depuis l’adoption de l’Agenda 2030 des Nations unies, l’accès aux traitements antirétroviraux a connu une nette amélioration. En juin 2015, près de 16 millions de personnes vivant avec le VIH — sur les 37 millions estimés à l’époque — bénéficiaient de ces traitements, selon l’OMS. Cette progression a joué un rôle clé dans la réduction marquée de la mortalité liée au SIDA.
Malgré les progrès accomplis, d’importants défis persistent à l’échelle de la planète. L’accès aux services de prévention et de traitement reste inégal, et les efforts de prévention demeurent largement sous-financés. Par ailleurs, l’existence de lois répressives continue de freiner l’accès aux soins pour les populations clés. La stigmatisation, la discrimination et l’exclusion sociale représentant également des freins majeurs à une réponse pleinement efficace au VIH/SIDA.
B. Répartition géographique de la pandémie
1. Une riposte mondiale qui progresse à des rythmes différents
À l’échelle mondiale, en 2023, le nombre de nouvelles infections a diminué de 39 % par rapport à 2010, avec l’Afrique subsaharienne enregistrant la plus grande réduction (-56 %). Pour la première fois dans l’histoire de la pandémie, les nouvelles infections sont plus nombreuses en dehors de l’Afrique subsaharienne qu’à l’intérieur de cette région. Cette tendance reflète à la fois les succès réalisés en matière de prévention dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne et le manque de progrès dans d’autres régions du monde, où les populations clés continuent d’être négligées dans la plupart des programmes de lutte contre le VIH.
Les progrès dans la lutte contre le VIH ont été nettement plus importants dans les pays qui ont investi dans la lutte contre le virus au niveau domestique, et qui ont réformé leurs politiques de santé pour favoriser un accès aux soins aussi large que possible. Pour accélérer la fin du sida en tant que menace pour la santé publique et pour garantir que les services et les systèmes soient en place pour répondre aux besoins des millions de personnes vivant avec le VIH pendant les décennies à venir, les ressources doivent être à la fois suffisantes et pérennes. La mise en place d’un environnement juridique facilitant l’accès à des services efficaces, équitables et centrés sur la personne – notamment en supprimant les lois pénalisantes et en s’attaquant à toutes les formes de discrimination – est essentielle pour faire avancer et pérenniser les progrès en matière de prévention et de traitement.
Ainsi, la riposte mondiale au VIH/SIDA progresse à des rythmes différents : elle avance de manière relativement rapide en Afrique subsaharienne, où la situation épidémiologique initiale est plus grave, mais demeure incertaine dans d’autres régions du monde. L’épidémie continue en particulier de se développer en Afrique du Nord, en Europe de l’Est et du Centre, ainsi qu’au Moyen-Orient. Dans ces zones, de nombreux programmes de lutte contre le VIH/SIDA omettent encore de prendre en compte les populations clés, ce qui les expose à des risques accrus d’infection et contribue à la propagation du virus.
Le rapporteur tient à souligner que toute législation pénalisant l’homosexualité constitue de la sorte un obstacle majeur à l’accès aux soins pour les personnes concernées. En effet, ces lois dissuadent les individus de se rendre dans les structures de santé, par crainte de stigmatisation, d'arrestation ou de persécution. Dans ce cas précis, la suppression de l’aide américaine représente un risque considérable, car bien que certains pays puissent décider de reprendre à leur charge une partie de ces dépenses de santé, il est évident qu’ils ne cibleront pas les populations LGBT+. Dans ce contexte, ces personnes risquent d’être laissées pour compte, exacerbant les inégalités d’accès aux soins et mettant en péril les progrès réalisés dans la lutte contre le VIH/SIDA à l’échelle globale, ces dernières années.
2. L’Afrique, un continent qui demeure en première ligne
Plus de 40 ans après la découverte du virus dans les années 1980, l’Afrique demeure le continent le plus durement frappé par la pandémie de VIH. Bien que cette région représente seulement 8 % de la population mondiale, elle abrite plus de 12 % des personnes vivant avec le VIH et enregistre 22 % de tous les décès mondiaux liés au SIDA.
En 2023, sur les 630 000 décès mondiaux dus au VIH, plus de la moitié ont eu lieu en Afrique subsaharienne, avec sept décès sur dix survenus sur ce continent. La situation est particulièrement critique en Afrique de l’Ouest et du Centre, où la réponse à l’épidémie accuse un retard important par rapport au reste du continent.
L’Afrique reste également le continent le plus touché par le VIH pédiatrique, avec 90 % des enfants et adolescents vivant avec le VIH dans le monde. Le VIH est la principale cause de mortalité chez les jeunes de 10 à 19 ans dans cette région. En 2019, parmi les 320 000 nouvelles infections estimées chez les enfants et adolescents (soit environ 880 par jour), près de 75 % ont eu lieu en Afrique subsaharienne, dont une proportion importante chez les jeunes filles de 15 à 19 ans.
C. Les Avancées majeures dans la prise en charge de la pandémie
1. Les principales avancées thérapeutiques
Depuis le début de l’épidémie et l’introduction du premier médicament disponible (azidothymidine-AZT) en 1987, les avancées thérapeutiques contre le VIH ont été remarquables.
Jusqu’en 1996, plusieurs nouvelles molécules sont développées, mais c’est l’introduction, cette même année, de la trithérapie, association de trois classes d’antirétroviraux, qui marque un tournant décisif dans la lutte contre le VIH. Cette approche permet une réduction significative de la charge virale et transforme la trajectoire de l’épidémie : il devient désormais possible de vivre avec le VIH, malgré des effets indésirables encore importants. Au cours des années 2000, l’arrivée de nouvelles molécules améliore considérablement la tolérance des traitements. Parallèlement, la simplification des schémas thérapeutiques — notamment grâce à la pilule unique — et l’émergence d’options d’allègement du traitement, comme la bithérapie, contribuent à améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec le VIH.
Entre 2000 et 2010, le traitement post-exposition (TPE) est introduit. Il consiste en l’administration d’antirétroviraux à visée préventive immédiatement après une exposition au VIH. Ce traitement, réservé au milieu hospitalier, doit être initié dans un délai de 48 heures suivant l’exposition pour être efficace.
À partir des années 2010, émerge le principe « Indétectable = Intransmissible » (I=I), confirmé notamment par l’étude PARTNER ([3]). Il établit qu’une personne vivant avec le VIH, sous traitement et dont la charge virale est indétectable, ne transmet pas le virus. Ce principe, reconnu par l’OMS en 2016, est aujourd’hui un pilier central des stratégies de prévention.
C’est également en 2015-2016 que la prophylaxie pré-exposition (PrEP) est introduite (cf. infra). Elle repose sur la prise quotidienne d’une combinaison d’antirétroviraux (émtricitabine et ténofovir disoproxil fumarate) par des personnes séronégatives exposées à un risque élevé d’infection. Initialement prescrite en milieu hospitalier, la PrEP peut, depuis 2021, être délivrée en ville. De nouvelles formes de PrEP notamment injectables sont en cours de développement dans le cadre de stratégies à action prolongée.
2. Le renforcement des outils de dépistage et de prévention
Les stratégies de lutte contre le VIH/SIDA dans les zones les plus touchées reposent sur un renforcement de la prévention et du dépistage, à travers des outils médicaux éprouvés et des approches centrées sur les communautés. Une réponse efficace nécessite en effet de s’appuyer sur les populations directement concernées, en développant les systèmes communautaires.
a. Le développement des autotests VIH
Le développement des autotests VIH a permis d’augmenter considérablement le dépistage du virus. Ces tests, nécessitant un simple échantillon de salive ou de sang prélevé par une piqûre au doigt, offrent un résultat en seulement 20 minutes. Les autotests sont plus accessibles, pouvant être distribués dans des lieux non cliniques tels que les lieux de travail ou les centres communautaires. Cela a permis de toucher des populations dont les taux de dépistage étaient historiquement faibles, comme les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les jeunes.
En grande partie grâce aux autotests, le nombre de personnes vivant avec le VIH et connaissant leur statut a augmenté, ce qui est une condition essentielle avant l’accès au traitement, à la confirmation du diagnostic ou à des soins préventifs. Les ventes d’autotests VIH ont explosé, passant de moins d’un million d’unités en 2015 à plus de 20 millions en 2023, avec des tests coûtant désormais moins de 2 dollars américains chacun. Cet engouement a fait des autotests une plateforme essentielle pour le dépistage et le diagnostic.
En France, les autotests VIH ont été introduits sur le marché en 2017. Une étude de 2023 de Santé publique France a mis en lumière leur efficacité dans la stratégie d’élimination du VIH, notamment auprès des populations moins en contact avec le système de santé. Des dispositifs supplémentaires, comme le test VIH (dépistage en laboratoire sans frais et sans prescription), ont également montré leur potentiel, en attirant principalement des hommes plus âgés. Ces initiatives devraient améliorer l’ensemble de l’offre de dépistage dans les années à venir.
b. Le déploiement de la prophylaxie pré-exposition (PrEP)
La prophylaxie pré-exposition (PrEP) est un schéma thérapeutique visant à prévenir l'infection par le VIH. Elle peut se présenter sous plusieurs formes : comprimés à prendre quotidiennement, injections tous les deux mois ou un anneau vaginal mensuel. Des efforts importants ont été faits pour améliorer l’accès à la PrEP pour les populations clés et à haut risque, telles que les adolescentes, les jeunes femmes, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes trans.
Un accès rapide et élargi à la PrEP pourrait considérablement réduire le nombre de nouvelles infections par le VIH, notamment parmi les populations clés. Le nombre de personnes utilisant la PrEP orale est passé de plus de 200 000 en 2017 à environ 3,5 millions en 2023, mais cet objectif reste bien en deçà du but mondial de 21,1 millions de personnes prévu pour 2025. Seules les deux régions d’Afrique subsaharienne connaissent des progrès significatifs pour atteindre cet objectif de PrEP d’ici 2025.
En outre, le lenacapavir – traitement injectable de PrEP à longue durée d’action de six mois – a démontré une efficacité remarquable dans la prévention du VIH chez les adolescentes et les femmes en Afrique. Si cette option de PrEP est rapidement accessible à un prix abordable, elle pourrait représenter une avancée significative dans la lutte contre le VIH. De telles stratégies de prévention à action prolongée offrent un potentiel considérable, à condition qu’elles soient rendues accessibles et disponibles pour les populations les plus vulnérables. Les principaux défis à surmonter pour une adoption à grande échelle incluent le coût, la sensibilisation, ainsi que la mise en place de structures adéquates pour la fourniture des services.
c. Vaccin contre le VIH : où en est la recherche aujourd’hui ?
À ce jour, aucun vaccin n’a encore prouvé son efficacité contre l’infection par le VIH. Cependant, selon l’IAVI (International AIDS Vaccine Initiative), plus de 20 essais cliniques de vaccins contre le VIH sont en cours, bien que certains aient récemment été suspendus en raison des réductions de financements américains. Ces essais explorent diverses approches, telles que les technologies d'ARNm et les vaccins mosaïques. Le développement d’un vaccin contre le VIH a été confronté à de nombreux défis, notamment la diversité génétique du virus, son taux de mutation élevé, ainsi que sa capacité à établir des réservoirs latents.
II. Financements et coopération internationale : état des lieux et leviers d’action
Le financement de la lutte contre le VIH/SIDA à l’échelle internationale repose aujourd’hui en grande partie sur deux mécanismes : le Plan présidentiel américain d’aide et d’urgence à la lutte contre le SIDA (PEPFAR) qui représente à lui seul 58 % de l’aide internationale, et le Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP) qui en mobilise 28 % depuis sa dernière reconstitution en 2023. Ensemble, ils concentrent 85 % de l’effort financier mondial. En 2023, cette aide internationale s’élevait à 8 milliards de dollars, à comparer aux quelque 12 milliards issus des financements nationaux.
Mais au-delà de ces flux financiers, des combats décisifs ont été menés depuis la fin des années 1990 pour démocratiser l’accès aux traitements, notamment via la production de médicaments génériques. Grâce à des accords de licence négociés entre les industriels, le Medicines Patent Pool et des fabricants de pays à revenu faible ou intermédiaire, des traitements de référence comme le dolutégravir sont aujourd’hui disponibles à moindre coût. Par ailleurs, des acteurs comme Unitaid jouent un rôle déterminant pour lever les barrières à l’accès aux innovations de santé — réglementaires, financières ou liées à la propriété intellectuelle — dans les pays les plus vulnérables.
A. Les principaux mécanismes financiers et acteurs mobilisés dans la lutte contre le VIH/SIDA
1. Les principaux bailleurs de fonds internationaux dans le domaine de la lutte contre le VIH/SIDA
Selon les dernières analyses du rapport 2023 de la Kaiser Family Foundation et de l’ONUSIDA, les États-Unis constituaient, en 2022, le principal bailleur de fonds de la lutte contre le VIH/SIDA à l’échelle mondiale, avec 6,1 milliards de dollars américains, tous canaux confondus – bilatéraux comme multilatéraux, soit 73 % de l’aide internationale cumulée.
La France – engagée de longue date dans un « multilatéralisme de projet » sur la lutte contre le VIH/SIDA, pour reprendre l’expression de l’Ambassadrice auditionnée par votre rapporteur – apparaît comme le deuxième bailleur de fonds mondial avec un investissement de 382 millions de dollars américains, soit 5 % du financement international des bailleurs de fonds, suivie du Royaume-Uni (376 millions de dollars américains, 5 %), de la Commission européenne (328 millions de dollars américains, soit 4 %, principalement en faveur du Fonds mondial) et de l’Allemagne (191 millions de dollars américains, 2 %).
Ainsi en 2022, 90 % du financement total des gouvernements donateurs dans le cadre de la lutte contre le VIH/Sida avait été fourni par ces cinq donateurs à savoir : les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, la Commission européenne et l’Allemagne.
Disponibilité des ressources
pour la riposte au VIH dans certains pays, UNAIDS, 2023
2. Les principales organisations et initiatives mobilisées dans la lutte contre le VIH/SIDA à l’échelle mondiale
La lutte contre le VIH à l’échelle mondiale s’appuie sur des mécanismes d’aide internationale et des dispositifs de financement structurés, qui ont permis les progrès significatifs observés ces dernières décennies en matière de prévention, de traitement et de réduction des inégalités d’accès aux soins. Ces mécanismes mobilisent d’importantes ressources financières, provenant de contributions multilatérales et bilatérales, mais aussi de partenariats entre les secteurs public et privé.
Parmi les piliers de l’aide internationale et des sources de financement consacrés à la lutte contre le VIH on compte notamment le PEPFAR, le FMSTP, l’ONUSIDA et l’Unitaid.
D’autres acteurs clés, tels que les agences des Nations unies – OMS, UNICEF, PNUD, etc. – interviennent pour leur part pour fournir des conseils techniques sur la prévention, le traitement et les soins du VIH.
a. Le plan présidentiel américain d’aide et d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR)
Le President’s Emergency Plan for AIDS Relief (PEPFAR), initiative internationale lancée en 2003 par l’administration du président George W. Bush, vise à sauver des vies et à améliorer les conditions de santé des personnes vivant avec le VIH/Sida ou exposées au risque d’infection.
Il constitue aujourd’hui le principal effort financier étatique en matière de lutte contre le VIH/Sida, représentant à lui seul 73 % des financements publics internationaux dans ce domaine. Les fonds alloués par le PEPFAR sont principalement gérés par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ainsi que par l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID).
b. Le Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP)
Le Fonds mondial de lutte contre le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP) est une organisation financière qui mobilise et distribue des fonds pour combattre ces trois maladies dans les pays à faible et moyen revenu. Il finance l’achat d’antirétroviraux, soutient le renforcement des systèmes de santé et favorise la collaboration entre les gouvernements, les ONG, le secteur privé et les communautés directement affectées.
S’agissant de la lutte contre le VIH, le Fonds mondial joue un rôle crucial en assurant 28 % du financement international des programmes de lutte contre le VIH. Depuis sa création en 2002, le FMSTP a investi plus de 26,9 milliards de dollars américains dans des programmes de prévention et de traitement du VIH/SIDA et 7,9 milliards de dollars américains dans des programmes VIH/Tuberculose. Il mobilise des ressources provenant de divers partenaires, y compris des bailleurs souverains et des donateurs issus du secteur privé.
c. Le Programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA)
Le Programme commun des Nations unies sur le VIH/SIDA ou ONUSIDA a été créé en 1996, pour coordonner les efforts mondiaux de lutte contre l’épidémie de VIH/SIDA. Il joue un rôle clé dans la mobilisation de financements, la production de données fiables, et la promotion d’une réponse au VIH fondée sur les droits humains.
Il établit des stratégies et fixe notamment des objectifs ambitieux, tels que les cibles « 95-95-95 », qui visent à ce que 95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut, que 95 % des personnes diagnostiquées aient accès à un traitement, et que 95 % des personnes sous traitement atteignent une charge virale indétectable.
En plus de ces objectifs, l’ONUSIDA mène un travail de plaidoyer pour l’accès universel aux soins, lutte contre les inégalités et collecte des données épidémiologiques afin d’orienter les politiques publiques.
e. Unitaid
Unitaid est une organisation internationale de santé mondiale fondée en 2006 par cinq pays – Brésil, Chili, France, Norvège, Royaume-Uni. Son objectif principal est de lutter contre les pandémies telles que le VIH/SIDA, la tuberculose et le paludisme en facilitant l’accès à des traitements, diagnostics et outils de prévention innovants à des prix abordables, particulièrement dans les pays à faible revenu.
Elle est ainsi chargée de centraliser les achats de traitements médicamenteux afin d’obtenir les meilleurs prix possibles, en particulier à destination des pays en voie de développement. Son portefeuille de projets actifs en matière de lutte contre le VIH/SIDA et ses co-infections (hépatite C et cancer du col de l’utérus par exemple) en 2024 était de 394 millions de dollars américains. Son action en matière de lutte contre le VIH s’oriente vers le développement et l’accès à des traitements vitaux adultes et pédiatriques (dolutégravir) et innovants, ainsi qu’au développement de traitements préventif (PrEp, cabotégravir, lénacapavir, etc.) et d’améliorations d’accès aux solutions de dépistage (autotests VIH).
B. Le financement américain, un pilier fondamental mis sous tension par la nouvelle administration trump
1. Les États-Unis, acteur incontournable du financement international contre la pandémie
Les États-Unis représentent près de 73 % du financement total des gouvernements donateurs pour la lutte contre le VIH. En 2023, 5,7 milliards de dollars américains ont été décaissés par les États-Unis en faveur de l’aide internationale à la lutte contre le VIH/SIDA dont 5,2 milliards d’aide bilatérale (92 %) et 0,5 milliard via leur aide multilatérale ajustée au VIH (8 %).
Le financement bilatéral américain a connu une forte augmentation, passant de 822 millions de dollars américains en 2003, l’année précédant la création du PEPFAR, à 5 milliards de dollars américains en 2010. Cependant, entre 2010 et 2013, ce financement a diminué de plus de 750 millions de dollars américains. Bien qu’il ait augmenté par la suite, pour l'exercice 2024, le financement bilatéral s’élevait à 4,8 milliards de dollars américains, soit 233 millions de dollars américains de moins que son niveau record. Depuis quelques années, ce financement est resté relativement stable.
Depuis la création du programme PEPFAR en 2003, le gouvernement américain a investi plus de 100 milliards de dollars américains dans la lutte mondiale contre le VIH/SIDA, sauvant plus de 26 millions de vies, et empêchant près de 8 millions de naissances avec le VIH.
En 2024, plus de 20 millions de personnes bénéficiaient d’un traitement contre le VIH grâce au PEPFAR, qui a également soutenu plus de 6 millions d’orphelins, d’enfants vulnérables et leurs aidants, et a permis à près de 84 millions de personnes de se faire dépister pour le VIH. Aujourd’hui, les programmes bilatéraux du PEPFAR couvrent plus de 50 pays à travers le monde.
2. Le retrait américain : un risque majeur pour la lutte mondiale contre le VIH/SIDA
Le 24 janvier 2025, le président américain Donald Trump a signé un décret ordonnant la suspension des financements de l’agence américaine pour le développement international (USAID) pendant 90 jours, ce qui a eu des conséquences majeures sur la lutte mondiale contre le VIH/SIDA. Cette décision a notamment conduit à la suspension des subventions en cours et paralysé le PEPFAR.
Cette mesure s’inscrit dans une réévaluation plus large de l’aide étrangère américaine, basée sur des critères d'intérêt national. En conséquence, de nombreux programmes de prévention, de soins et de recherche liés au VIH ont été brutalement interrompus, particulièrement dans les régions les plus touchées par l’épidémie.
a. Les conséquences concrètes d’un retrait ou d’une diminution de l’aide bilatérale américaine
i. Des conséquences sanitaires dévastatrices notamment en Afrique
● Des estimations particulièrement préoccupantes
À court terme, selon les données transmises au rapporteur par les médecins et scientifiques entendus au cours de ses travaux, la pause de financement de 90 jours du programme PEPFAR pourrait entraîner environ 100 000 décès supplémentaires liés au SIDA en 2025, en raison de l’interruption ou de la fermeture des services. De plus, cette pause pourrait provoquer environ 130 000 transmissions périnatales supplémentaires du VIH ([4]).
À long terme, selon les modélisations de l’ONUSIDA, une coupure définitive du financement américain pourrait entraîner environ 6,3 millions de morts supplémentaires dus au VIH entre 2025 et 2029 avec un impact particulièrement marqué en Afrique subsaharienne. Ce chiffre reflète ainsi une augmentation potentielle de 400 % des décès annuels liés au SIDA.
Si le financement du PEPFAR venait à être définitivement arrêté, les projections de l’ONUSIDA estiment qu’il pourrait y avoir jusqu’à 8,7 millions de nouvelles infections d’ici 2029, et 3,4 millions d’orphelins du sida supplémentaires. Rendant ainsi impossible l’élimination du SIDA en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030.
Une étude publiée en mars 2025 dans la revue The Lancet ([5]) , présente de nouvelles estimations sur l’impact de l’interruption du financement du PEPFAR entre 2025 et 2030. Moins élevées que celles de l’ONUSIDA, ces estimations se basent sur une analyse des financements de 26 pays (Afrique, Asie, Amérique latine, Europe), extrapolée aux pays à revenu faible et intermédiaire. L’étude considère un retrait du PEPFAR et une réduction de 24 % des financements des principaux donateurs. Les scénarios analysés prennent en compte la confirmation ou non de l’interruption du programme et la capacité des pays à compenser ces baisses. L’impact global de cette crise de financement pourrait alors entraîner jusqu’à 2,9 millions de décès liés au VIH et 10,8 millions de nouvelles infections d’ici 2030 dans les pays fortement dépendants de l’aide internationale et dans ceux où l’incidence du VIH augmente parmi les populations clés.
● Une suspension de l’aide américaine qui a entraîné réduction des services et coupure des traitements
Il a été précisé au rapporteur à l’occasion des auditions menées avec des représentants d’organisations internationales de lutte contre le VIH/SIDA que la décision américaine prise le 24 janvier 2025 avait provoqué un véritable chaos dans certains pays. Ainsi, au Kenya, des travailleurs dans le domaine de la santé se sont retrouvés sans salaire, ce qui a entraîné une réduction des services et une coupure des traitements pendant une semaine. Cette incertitude concernant le financement des projets sur le terrain a créé une rupture significative dans la continuité des services. Cependant, en raison du régime dérogatoire mis en place par la suite par les autorités américaines (cf. infra), les services ont commencé à reprendre mais de manière inégale et avec des ruptures évidentes dans l’offre de soins.
Par ailleurs, les représentants d’associations mobilisées dans la lutte contre le VIH/SIDA entendus au cours d’une table ronde ont fait état des difficultés rencontrées par de nombreuses organisations partenaires à travers le monde, notamment en Afrique de l’Ouest et du Centre, en Europe de l’Est, en Amérique latine et en Asie. Ces associations se trouvent ainsi confrontées à des arrêts de programmes et à des licenciements, en raison des incertitudes liées aux décisions américaines. Ils ont également mentionné l'exemple frappant d’une association locale en Ouganda, où les employés étaient prêts à effectuer un travail bénévole pour maintenir les services de santé. Cependant, leurs efforts ont été bloqués par le propriétaire de la clinique, qui - faute de versement du loyer - a verrouillé l'accès aux locaux contenant les dossiers des patients et les tests, rendant ainsi leur travail impossible. Par ailleurs, les autorités ougandaises ont récemment annoncé un risque de pénurie généralisée de médicaments pour le mois d'avril, ce qui a conduit certaines cliniques à demander aux patients de payer pour leurs traitements, aggravant ainsi les difficultés d’accès aux soins pour les populations vulnérables.
Il a également été précisé au rapporteur que l’interruption de l’aide américaine a eu un impact particulièrement fort sur les services de prévention et de lutte contre la discrimination et la stigmatisation, incluant des actions essentielles telles que la mobilisation communautaire, le travail avec la société civile et la prévention non médicale. En revanche, si l’accès aux traitements semble a priori moins menacé d’un retrait américain, c’est l’ensemble de la chaîne logistique qui a déjà été sévèrement endommagée : sur le terrain, l’ensemble des acteurs agit de concert et la rupture d’un maillon de l’organisation peut gravement perturber l’acheminement ou la délivrance finale des traitements.
ii. La très grande vulnérabilité des pays africains face à la réduction de l’aide américaine
En raison de la spécialisation géographique du programme américain PEPFAR, qui se concentre sur 25 pays à fort impact, principalement en Afrique australe et orientale, plusieurs pays risquent de subir des conséquences majeures en cas de retrait ou de réduction de l’aide américaine. Des pays tels que le Malawi, la République démocratique du Congo, le Zimbabwe, le Mozambique, l’Eswatini, l’Ouganda, le Lesotho, le Botswana, le Rwanda, le Bénin, l’Éthiopie et l’Afrique du Sud dépendent ainsi à plus de 50 % de cette aide pour leurs programmes de prévention.
Concernant les programmes de traitement, de soins et de soutien, les pays les plus vulnérables en cas de diminution de l’aide seront le Nigéria, le Mozambique, l’Ouganda, le Zimbabwe et le Malawi, où l’on relève une dépendance d’environ 50 % à l’aide bilatérale américaine.
Pour les programmes de prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant, les pays les plus exposés au retrait de l’aide américaine sont le Malawi, le Lesotho, l’Ouganda, l’Eswatini, le Rwanda et le Nigéria, qui dépendent à plus de 60 % de du financement bilatéral américain.
La carte ci-après présente les pays dans lesquels le PEPFAR déployait ses activités de soutien en 2022.
Plusieurs pays africains, tels que l’Afrique du Sud, le Botswana, le Cameroun, le Ghana, le Kenya et le Nigéria, ont réagi à la décision du gouvernement américain en affirmant qu’ils compenseraient ces coupes au niveau national. Toutefois, il apparaît que des choix politiques devront être opérés quant à l’étendue des services couverts, avec le risque que des domaines cruciaux comme la prévention, les relais communautaires ou encore les services destinés aux populations clés soient négligés. Les pays sont en outre, comme le montre le graphique ci-dessous, inégalement en capacité de répondre au désengagement américain, en raison du poids prépondérant ou non de l’aide américaine dans leur modèle de financement de la lutte contre le VIH. Certains pays ont connu de véritables discontinuités ou arrêts, quand d’autres pourraient parvenir à prendre le relais au prix de concessions plus ou moins fortes impliquant la réallocation d’autres dépenses en santé publique, ce qui n’est jamais sans conséquences.
Source : The Lancet, 2025, étude citée supra.
iii. Limites de l’actuelle dérogation humanitaire d’urgence
Si la décision de l’administration Trump de pause immédiate de 90 jours dans le financement de toute l’aide étrangère inclut la suspension de la mise en œuvre du PEPFAR, la « dérogation humanitaire d’urgence » approuvée par le Secrétaire d’État américain Marco Rubio a théoriquement permis la poursuite d’un certain nombre d’activités sur la période : tests, traitements, prévention de la transmission mère-enfants (dont PrEP pour les femmes enceintes ou allaitantes).
Cependant, la situation reste très complexe car la dérogation ne peut être facilement mise en œuvre, du fait de la confusion qui règne au sujet des annonces américaines et de la suspension des fonctions support au niveau des pays qui permettent la continuité des services (suspension d’USAID, arrêt du financement des ONG, arrêt de la communication des données des CDC…).
De plus, plusieurs limites doivent être soulignées concernant cette dérogation temporaire. Elle ne couvre pas l’ensemble des aspects de la riposte au VIH/SIDA. En particulier, elle exclut la prévention pour toutes les populations, y compris les populations clés. L’absence d’efforts de prévention pourrait avoir un impact disproportionné sur les populations vulnérables, notamment les adolescentes, les jeunes femmes et les populations clés, exacerbant ainsi leur exposition au VIH. Dans les faits, comme des personnels n’ont plus accès à leurs bureaux, les dérogations même sur le volet traitement ne produisent pas toujours d’effets. Le sujet de l’accès aux droits reste, lui, réellement mis à mal. Si, à l’heure où votre rapporteur clôturait son rapport, l’avenir de PEPFAR était incertain, des acteurs évoquaient un « PEPFAR 2.0 » annoncé à la fin du mois d’avril 2025, réduit et se concentrant sur l’accès aux traitements.
En outre, une baisse de la production des traitements antirétroviraux a déjà été observée de la part de plusieurs fabricants, qui anticipent une baisse du marché du fait des décisions américaines qui serait déjà vérifié sur les traitements pédiatriques notamment.
La question porte désormais sur la décision que prendront les États-Unis à l’issue de cette période de 90 jours concernant leur financement du programme PEPFAR et de la riposte au VIH/SIDA, c’est-à-dire à la fin du mois d’avril 2025.
b. Les conséquences concrètes d’une diminution ou d’un retrait du financement américain au profit des organismes internationaux
Un désengagement des États-Unis des organisations internationales impliquées dans la lutte contre le VIH/SIDA pourrait entraîner une forte déstabilisation d’institutions telles que l’ONUSIDA, l’OMS et ou encore le Fonds mondial. Ces organismes dépendent en effet de financements américains à hauteur de 40 %, 14,5 % et 33 % de leur budget total.
Dans le cas de l’ONUSIDA, un retrait américain pourrait signifier la disparition de ce programme et une éventuelle fusion avec l’OMS compte tenu de sa forte dépendance à la contribution des États-Unis. Dans le cas de ces trois principaux organismes, une priorisation drastique de leur mandat et de leurs activités sera de toute évidence nécessaire.
Dans le cas de l’OMS, leur retrait entraînerait une réduction majeure des ressources de l’organisation – en 2023, les États-Unis contribuaient à hauteur de 15 % du budget de l'OMS, soit environ 480 millions de dollars sur 4 milliards – affectant ses fonctions essentielles, telles que la production de normes scientifiques, le soutien aux pays vulnérables et la surveillance des risques sanitaires. Les programmes clés comme l’élimination de la polio (à 27 % financé par les États-Unis), la lutte contre le sida, la tuberculose, le paludisme, et les maladies évitables par vaccination (19 %), ainsi que les opérations de santé d’urgence en régions de crise (40 %), seraient particulièrement touchées.
L’impact sur l’évolution de l’épidémie, sur les vies humaines ainsi que sur l’expertise et les données de santé pourrait se révéler dévastateur, avec un risque de recrudescence de la pandémie du VIH/SIDA dans plusieurs pays d’Afrique, mais aussi au sein des populations clés en Europe de l’Est, en Asie et en Amérique latine.
De plus, la priorité pourrait se concentrer principalement sur le financement des traitements au détriment de l’investissement dans les systèmes de santé qui sont pourtant essentiels à l’obtention de résultats de long terme dans la lutte contre le VIH et les autres pandémies. Rappelons que selon le Fonds mondial, pour 1 dollar américain investi dans la lutte contre le VIH/Sida, la tuberculose et la malaria, le gain économique est de 19 dollars américains dans l’hypothèse où le Fonds obtient les crédits escomptés.
III. Préserver l’engagement mondial contre le VIH/SIDA : quels leviers pour faire face au désengagement américain ?
A. La France, acteur clé et partenaire fidèle dans la lutte contre la pandémie
1. La place de la France dans la réponse mondiale au VIH/SIDA : un engagement fort et reconnu
La lutte contre le VIH/SIDA reste une priorité de la politique de développement et de solidarité internationale de la France, inscrite dans sa stratégie en santé mondiale 2023-2027.
En 2023, l’aide française pour cette cause était estimée à 686,8 millions d’euros. Cet engagement se manifeste principalement à travers les contributions au Fonds mondial, Unitaid et l’ONUSIDA, en plus de la participation de la France à l’OMS. En tant que cofondatrice du Fonds mondial et d’Unitaid, la France privilégie un soutien multilatéral afin d’assurer un impact maximal dans la lutte contre le VIH/SIDA. La France a impulsé la création du Fonds mondial en 2002 et reste son deuxième plus grand contributeur avec près de 7,4 milliards d’euros versés. Elle finance également plusieurs postes d’experts techniques dans les instances du Fonds mondial et d’autres organisations.
La part bilatérale de la France dans la lutte contre le VIH/SIDA, bien qu’importante, reste modeste par rapport à ses contributions multilatérales, avec 16,2 millions d'euros alloués en 2023. Cette aide inclut le financement de la recherche et des initiatives de la société civile via l’Agence française de développement (AFD). En parallèle, l’Initiative, lancée en 2011, reçoit désormais 20 % de la contribution française au Fonds mondial, avec un financement ayant considérablement augmenté pour la période 2023-2025. En 2023, l’Initiative a engagé près de 75 millions d’euros dans des projets de lutte contre le VIH/SIDA, avec des résultats notables en matière de prévention, de dépistage et de traitement.
Unitaid, pour laquelle la France est le plus grand contributeur historique et annuel, finance des solutions innovantes pour améliorer le traitement et la prévention du VIH.
En 2023, la France a également renforcé son soutien à ONUSIDA, avec un financement de 600 000 euros. En 2024, la France a signé un accord de partenariat avec ONUSIDA pour financer un programme de lutte contre la stigmatisation du VIH en Afrique de l’Ouest et du Centre, et a cofinancé un autre projet en Asie du Sud-Est pour augmenter les financements domestiques pour la lutte contre le VIH.
Ainsi, la France joue un rôle clé dans la lutte mondiale contre le VIH, en renforçant ses engagements multilatéraux et bilatéraux pour soutenir les populations les plus vulnérables. À la lumière de la crise provoquée par l’administration Trump et forte de son expérience, la France pourrait prendre une position de leader en la matière, afin de maintenir une ambition élevée et collective dans la lutte contre le VIH/SIDA en particulier et au bénéfice de la santé globale en général, alors même que la campagne de reconstitution du Fonds mondial nécessite de maintenir au moins au niveau antérieur au retrait américain les crédits.
2. L’engagement de la France pour une science libre, intègre et responsable
Face aux diverses annonces de l’administration Trump et dans un contexte multilatéral en pleine évolution, il paraît essentiel que la France réaffirme les principes et valeurs qui sous-tendent son action de coopération scientifique internationale, énoncés dans la Déclaration de Marseille sur la coopération en recherche et innovation, adoptée en mars 2022 lors de la présidence française du Conseil de l’Union européenne en faveur d’une science libre, intègre, ouverte, accessible et responsable, tant sur le plan bilatéral que multilatéral.
Un travail d’évaluation est en cours sous l’impulsion du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour identifier les secteurs les plus affectés et proposer des dispositifs visant à accueillir les chercheurs empêchés, maintenir les collaborations scientifiques et soutenir les projets fragilisés. Le rapporteur insiste sur l’importance de protéger les données scientifiques afin que les avancées dans la lutte contre le VIH/SIDA ne soient pas compromises par des restrictions politiques et de débloquer des moyens et crédits adaptés pour faire face à l’urgence de la situation.
La France, par son action, entend ainsi renforcer une coopération scientifique internationale fondée sur l’inclusion, la transparence et l’équité, tout en veillant à préserver l’intégrité et la continuité des travaux scientifiques essentiels. Le volet recherche américain est en effet menacé avec l’abandon de plusieurs essais de vaccins. Les très sévères coupes budgétaires dans la recherche médicale ordonnées par Donald Trump pourraient enclencher un mouvement de retour ou d’immigration vers l’Europe de chercheurs en recherche fondamentale privés de financements. La France et l’Union européenne doivent organiser le soutien à ces scientifiques et aux programmes de recherche entamés mais aussi dans le financement et la conservation des données scientifiques sur l’épidémie afin que le travail effectué jusqu’ici ne soit pas vain ou perdu.
B. Le rôle de l’Union Européenne dans le financement de la lutte mondiale contre le VIH/SIDA
L’Union européenne joue un rôle central dans la lutte contre le VIH/SIDA en mobilisant des financements multilatéraux et bilatéraux pour soutenir les initiatives mondiales de santé. Ses contributions, à travers des engagements financiers directs complétés par les contributions directes des États membres, renforcent les actions menées par des organisations comme le Fonds mondial et Unitaid et soutiennent des projets ciblés dans les pays les plus touchés par l’épidémie.
Au Fonds mondial, la Commission européenne a prévu une contribution de 715 millions d’euros pour la période 2023-2025, soit une augmentation de 30 % par rapport au cycle précédent. Elle partage un siège au sein d’une circonscription européenne collective avec l’Italie (185 millions d’euros), la Belgique (30 millions d’euros pour 2023-2025), l’Espagne (130 millions d’euros) et le Portugal (1,5 million d’euros). La France, pour sa part, a annoncé une contribution de 1,596 milliard d’euros pour le triennal 2023-2025. L’Allemagne, qui dispose également de son propre siège au Conseil d’administration du Fonds mondial, a apporté 1,2 milliard d’euros pour la même période. Parmi les autres contributeurs européens figurent Chypre (100 000 euros), le Danemark (375 millions de couronnes, soit 50 millions d’euros), l'Irlande (65,75 millions d’euros), le Luxembourg (15,45 millions d’euros), les Pays-Bas (180 millions d’euros), la Suède (3 milliards de couronnes, soit environ 275 millions d’euros), et Malte (150 000 €). La Slovénie, l’Estonie, la Lettonie, la Pologne, la Roumanie et la Hongrie avaient apporté leur soutien dans les années 2000, en lien avec leur récente adhésion à l’UE. La Finlande et la Grèce ont également contribué de manière ponctuelle.
En 2024, la Commission européenne a alloué 20 millions d’euros à Unitaid pour un projet centré sur la santé maternelle et infantile, incluant la production régionale de produits de santé pour lutter contre l’hémorragie postpartum. L’Espagne soutient également Unitaid depuis sa création, ayant versé 82 millions de dollars entre 2006 et 2018 et s'engageant à hauteur de 6 millions d'euros pour la période 2024-2026.
Les États membres de l'Union européenne figurent parmi les plus importants donateurs d’organisations telles qu’ONUSIDA. À titre d’exemple, voici les contributions cumulées au 31 décembre 2023 (en dollars américains) :
Classement |
Bailleurs |
Contributions cumulées au 31 décembre 2023 (en US$) |
2 |
Pays-Bas |
28 296 363 |
5 |
Royaume-Uni |
9 864 365 |
7 |
Allemagne |
5 608 017 |
12 |
Belgique |
3 647 069 |
15 |
France |
981 062 |
C. Face à un retrait difficilement compensable, renforcer les engagements politiques apparaît indispensable
1. Une compensation totale du retrait américain : un objectif irréaliste
Au regard du rôle central que jouent les États-Unis dans le financement mondial de la lutte contre le VIH/SIDA, envisager de compenser un éventuel désengagement américain représenterait un défi d’une ampleur considérable. Avec environ 7 milliards de dollars américains investis chaque année, les États-Unis assument à ce jour à eux seuls une part écrasante du soutien international dans la lutte contre l’épidémie. Aucun autre bailleur souverain ou groupement d’acteurs ne semble actuellement en capacité de mobiliser à court terme des ressources équivalentes pour assurer la continuité des traitements antirétroviraux, des services de prévention tels que la distribution de préservatifs et la PrEP, la recherche, les systèmes de surveillance et de collecte de données, ainsi que les programmes de dépistage et de soutien communautaire. La perspective de leur retrait obligerait les autres partenaires à combler un vide financier colossal, au risque de mettre en péril les progrès réalisés depuis deux décennies dans la prévention, le traitement et la réduction des inégalités face au VIH/SIDA.
Dans un contexte de forte pression budgétaire et face à la multiplication des crises internationales, il apparaît particulièrement complexe de compenser le retrait des financements américains, tant sur le plan bilatéral que multilatéral, dans la lutte contre le VIH/SIDA.
À titre d’illustration, s’agissant du Fonds mondial — qui a récemment lancé un appel à mobilisation de 18 milliards de dollars pour son prochain cycle de financement (2026-2028) — le retrait des États-Unis impliquerait des besoins de compensation très élevés :
- dans une approche maximaliste, si l’on se base sur la clé de répartition actuelle, où les États-Unis contribuent à hauteur d’un tiers du financement, il faudrait alors mobiliser environ 6 milliards de dollars sur trois ans pour compenser intégralement leur désengagement ;
- en tenant compte de la contribution américaine attendue pour le cycle financier en cours, suite à la 7e reconstitution des ressources qui a permis de collecter près de 15,7 milliards de dollars, le montant à compenser s’élèverait à 4,8 milliards de dollars.
Au-delà du soutien des bailleurs publics, il devient crucial d’explorer activement les leviers permettant au secteur privé et aux fondations philanthropiques d’intensifier leurs efforts et de maximiser leur contribution, en particulier dans les domaines potentiellement dépriorisés par un retrait américain, comme la prévention ou le soutien aux populations clés. Il s’agira, par exemple, de renforcer les partenariats stratégiques et d’encourager des financements innovants. Toutefois, même une mobilisation renforcée de ces acteurs ne pourra compenser à elle seule l’ampleur du financement américain.
Dans ce contexte incertain, le retrait des États-Unis devrait également servir de signal d’alerte pour les pays les plus dépendants de l’aide internationale, les incitant à renforcer leur investissement domestique dans le secteur de la santé, et tout particulièrement dans la lutte contre le VIH/SIDA. Cela suppose une meilleure priorisation des ressources, l’optimisation des dépenses publiques et une intégration plus durable de la réponse au VIH dans les systèmes de santé nationaux.
2. Renforcer les engagements politiques : la clé pour maintenir la lutte contre le VIH/SIDA
Dans un contexte de retrait ou de réduction de l’aide américaine, l’Union européenne et ses États membres doivent prendre des mesures renforcées pour assurer la continuité des efforts mondiaux de lutte contre le VIH/SIDA. Les pays les plus touchés ont également un rôle à jouer dans leur autonomisation vis-à-vis des bailleurs internationaux et du développement de leurs systèmes de santé, en particulier lorsqu’ils connaissent une phase de croissance économique importante. La France et l’Union européenne doivent contribuer à ce mouvement indispensable pour le long terme.
Sur le plan politique, il leur faut continuer de plaider pour une approche de la lutte contre le VIH intégrant les considérations de genre et fondée sur les droits humains – et ce alors que le désengagement américain fondé notamment sur une négation de la lutte contre les discriminations vient légitimer a contrario les orientations prises par certains pays africains qui remettent en cause les droits humains –, en faisant de cette stratégie qui allie défense des valeurs et efficacité de la politique en santé publique une ligne rouge dans toutes les enceintes internationales. Cela passe notamment par la fourniture d’efforts accrus pour atteindre les populations les plus exposées à la transmission du VIH, pour garantir le renforcement continu de l’égalité d’accès aux services de soins (prévention, diagnostics, traitements), en lien avec la défense des droits et de la santé sexuels et reproductifs.
Sur le plan financier, il apparaît crucial que l’Union européenne conserve et renforce une importante enveloppe dédiée aux enjeux globaux dans le cadre financier pluriannuel 2028-2034 en discussion actuellement. En outre, le soutien de l’Union à la recherche européenne sur le VIH doit également être poursuivi.
Au cours des auditions menées par le rapporteur dans le cadre de ses travaux, plusieurs témoins ont exprimé l’impérieuse nécessité pour l’Union européenne de redevenir un acteur clé dans la lutte contre le VIH/SIDA et de maintenir son engagement financier. Le retrait des États-Unis, ainsi que la diminution de la priorité accordée par certains pays européens, ont été identifiés comme des risques majeurs pour l’efficacité des actions mondiales contre le VIH/SIDA. Dans ce contexte, l’Union européenne porte une responsabilité considérable, tant sur le plan médical que sur le plan historique et moral, pour maintenir et renforcer les efforts en faveur de la prévention, du traitement et de la recherche. De nombreux experts entendus ont souligné que la stabilité et la pérennité de l’action internationale pour la santé sexuelle ou au-delà au bénéfice de la santé globale reposent désormais en grande partie sur l’engagement de l’Union européenne, dont le rôle est plus crucial que jamais pour éviter des reculs dramatiques dans la lutte contre le VIH/SIDA.
La France, en tant que deuxième plus grand contributeur au Fonds mondial, joue un rôle central dans la lutte mondiale contre le VIH/SIDA. Cependant, ce rôle ne doit pas se limiter à un simple soutien financier, mais doit également s’étendre à un leadership politique affirmé. Face à la crise actuelle, la France dispose d’une opportunité unique pour renforcer ce leadership, non seulement à l’échelle nationale, mais également au sein de l’Europe, en adoptant une approche multilatérale pour mobiliser d’autres pays et acteurs. Dans ce contexte, il est impératif que la France se concentre sur les obstacles à l’accès aux traitements, notamment en abordant les discriminations sociales et de genre. La violence sexiste, les inégalités d’accès aux soins et les stéréotypes à l’égard de certaines populations doivent être combattus de front, afin d’assurer un accès équitable et inclusif aux traitements. En renforçant son engagement, la France peut ainsi incarner un modèle de solidarité internationale et un moteur de changement pour un accès universel et respectueux des droits humains dans la lutte contre le VIH/SIDA.
La France doit également avoir pour ambition de développer les financements innovants afin de répondre aux mutations de financements en santé mondiale et chercher de nouvelles ressources. Si le montant alloué au fonds de solidarité pour le développement, supprimé lors de la discussion budgétaire et remplacé par le programme 384, est finalement inchangé à 738 millions d’euros au projet de loi de finances 2025, l’allocation au budget général des recettes de la taxe de solidarité sur les billets d’avion, créée en 2005 sous l’impulsion des présidents Jacques Chirac et du brésilien Lula, inquiète. L’affectation de cette taxe ainsi qu’une partie de la taxe sur les transactions financières est primordiale pour sécuriser les objectifs de la communauté internationale. L’identification de biens communs en santé publique mondiale suppose de trouver les leviers adéquats. Enfin, votre rapporteur appelle à revenir sur le mouvement de baisses des budgets de l’aide publique au développement.
Lors des auditions, votre rapporteur a pu entendre émerger la crainte d’une remise en cause du fonctionnement actuel du système international de gestion du financement et de l’action contre le VIH/SIDA préalablement décrit. Si le débat peut exister sur la pertinence de l’architecture actuelle, où la multiplication des financeurs et acteurs multilatéraux peut parfois entraîner à l’échelle internationale ou au sein des États, un sentiment de confusion ou de complexité, force est de constater que le modèle en vigueur a fait preuve de sa capacité à organiser une politique de santé publique mondiale à l’échelle mondiale et un mouvement de fond de baisse de l’épidémie ainsi que des prix des traitements.
Si le désengagement fragilise ce système, et impose de fait des réorganisations et des choix stratégiques majeurs aux différentes organisations, il convient néanmoins de dissocier la réflexion sur les nécessaires évolutions du système à moyen terme de celle, à très court terme, de maintien et de sécurisation des financements, en particulier à l’heure où le Fonds mondial entame sa campagne de reconstitution de fonds prévue pour la fin de l’année 2025. Par ailleurs, votre rapporteur s’oppose à toute forme de privatisation des agences internationales qui œuvrent en faveur de la santé publique.
Un tel engagement représente un enjeu fondamental pour la sécurité globale. En effet, la santé publique, et plus particulièrement la lutte contre les pandémies, est un pilier de la stabilité mondiale. L’épidémie de VIH/SIDA a non seulement des répercussions sur la santé des individus, mais aussi sur les sociétés, les économies et la cohésion sociale, notamment dans l’accès aux droits, le soutien à l’inclusion et l’accompagnement psychologique. En investissant dans la prévention, les traitements et l’accès aux soins, les pays contribuent à réduire la propagation du virus et à éviter des crises sanitaires qui pourraient déstabiliser des régions entières, en particulier dans les pays les plus vulnérables. Le renforcement des systèmes de santé à travers des actions coordonnées entre les acteurs internationaux permet donc de construire des sociétés plus résilientes, mieux préparées aux défis sanitaires futurs, et d’éviter ainsi les effets déstabilisateurs de nouvelles épidémies.
La Commission s’est réunie le 8 avril 2025, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution européenne visant à sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine. M. Arthur Delaporte, le rapporteur de ce texte et également le co-président du groupe d’études VIH/SIDA, a réalisé un travail important d’auditions sur ce sujet d’intérêt majeur.
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Merci d’avoir rappelé que c’est dans le cadre du groupe d’études VIH/SIDA que nous est venue l’idée de déposer cette proposition de résolution avec mon collègue co-président Pouria Amirshahi, à la suite notamment de l’audition d’acteurs internationaux qui s’inquiétaient des effets des décisions de l’administration Trump.
« Une bombe sanitaire à retardement », c’est par ces mots que j’introduis le rapport que je vous soumets aujourd’hui. Elle fait partie des expressions qui m’ont le plus frappé lors des auditions. Aujourd’hui, l’inquiétude des organisations internationales, des associations, des ONGs, des militants et, bien sûr, de toutes les personnes infectées et de leurs proches est palpable. Le retrait des États-Unis, au moins partiel, des programmes qu’ils finançaient à l’immense majorité pour lutter contre le VIH/SIDA est une catastrophe sanitaire de grande ampleur. Il grippe une mécanique de solidarité internationale, vieille de plusieurs décennies, et a des conséquences immédiates.
Le 24 janvier dernier, Donald Trump a signé un décret suspendant le financement de l’USAID, mettant à l’arrêt le programme PEPFAR (President's Emergency Plan for AIDS Relief) dans une quarantaine de pays. Les États-Unis sont le principal bailleur de fonds dans la lutte contre le VIH/SIDA, tous canaux confondus, représentant ainsi 73 % de l’aide internationale.
Depuis ce retrait, un compteur en ligne chiffre les estimations de décès liés à cette décision. À l’heure où je vous parle, ce sont 31 837 personnes adultes et 3 389 enfants qui seraient morts à cause de cette politique brutale. C’est déjà 100 personnes de plus qu’au moment où j’ai rendu le rapport hier, et ce sera encore plus à la fin de nos interventions.
Les témoignages que nous avons recensés sont effroyables et s’accumulent. Je pense à cette jeune fille au Burundi qui n’a plus accès à sa trithérapie ; à cet enfant de 8 ans à Kisumu au Kenya dont le centre de santé qui assurait son suivi a fermé ses portes, faute de loyer payé par l’ONG gestionnaire ; au témoignage de cette patiente en Ouganda, qui dit : « On a fermé la clinique, le cadenas est sur la grille, à l’intérieur il y a mes tests, mes médicaments, et mon seul espoir ».
Cette crise, si elle impacte plus durement les pays dits « du Sud », est une crise planétaire. Elle nous oblige aussi à questionner la dépendance excessive aux États-Unis et doit accélérer le mouvement d’autonomisation des systèmes de santé de tous les pays. Les conséquences immédiates du retrait sont aussi le résultat d’une politique menée par l’extrême-droite américaine, à des fins idéologiques. Elles sont multiples et rappellent inlassablement les conséquences de l’accession de l’extrême-droite au pouvoir.
Cette décision risque aussi de catalyser le développement d’un marché parallèle, comme l’expliquent des acteurs en Zambie. Comme il y a des craintes de pénurie de traitement, certaines personnes achètent au marché informel douze mois de traitement, subtilisés dans les stocks hospitaliers. En conséquence, l’estimation des stocks risque d’être complètement biaisée, et les pénuries bien plus rapides que prévu.
Ces conséquences sont sociales, avec une stigmatisation accrue des personnes LGBTQ+, des travailleuses du sexe, des personnes trans, des consommateurs de drogues, souvent exclus des soins. Une médecin cheffe de service nous alertait ainsi lors d’une audition : « Les personnes trans ne vont plus à l’hôpital parce qu’elles y sont humiliées, stigmatisées, menacées. Sans les structures communautaires, elles n’ont plus d’accès aux soins. »
Ces conséquences sont également économiques, car on sait qu’un euro investi dans la santé mondiale et dans la lutte contre le SIDA, peut en rapporter quatorze, avec des crédits suffisants. Pourquoi ces investissements rapportent plus qu’ils ne coûtent ? Tout simplement, parce qu’ils permettent à des personnes infectées de vivre en bonne santé et plus longtemps, de travailler et donc de contribuer à l’économie générale du pays. Elles risquent aussi moins de développer des comorbidités, des pathologies associées. Je le rappelle d’ailleurs dans le rapport : certaines souches de la Covid se sont développées au sein de communautés immunodéprimées en Afrique du Sud. Un responsable associatif l’a très bien résumé lors d’une audition : « Ce que nous vivons aujourd’hui est un retour en arrière brutal. Le retrait américain précipite la fragilisation d’un tissu associatif communautaire tissé patiemment, souvent au péril de la sécurité de ses membres ».
Dans plusieurs pays, les brochures d’information ont ainsi été réécrites. Le retrait américain légitime l’adoption de lois discriminatoires de manière décomplexée. Pour continuer de percevoir ce qu’il reste des aides américaines, les ONGs doivent ainsi bannir certains mots, comme « genre », « transgenre », « femme », « personne enceinte ». Elles doivent maintenant évoquer « les violences faites aux hommes » et non seulement faites aux femmes, ne plus parler d’« inclusion », de « diversité » ou de « lutte contre le racisme ». Ces injonctions sont absurdes, dangereuses, insultantes et font courir à la santé mondiale de grands risques sécuritaires. Elles traduisent évidemment un recul idéologique qui contamine la science, compromet la recherche, et menace directement l’accès aux soins de populations extrêmement vulnérables.
En contrepoint, la France et l’Union européenne doivent prendre toute leur place. Nous avons des bases solides historiquement, politiquement, économiquement : notre pays tient une place à part dans le financement de la santé mondiale. Dès les années 1980, la France a soutenu la recherche sur le VIH, a introduit des campagnes de sensibilisation audacieuses, a promu les droits des personnes vivant avec le virus. Nous avons soutenu la création des grands bailleurs internationaux et de mécanismes de financement innovants, notamment la taxe de solidarité sur les billets d’avion, créée par Jacques Chirac et Lula.
Malheureusement, au budget 2025, cette taxe a été rapatriée dans le budget général de l’État, au détriment de son affectation au service du fonds de solidarité pour le développement. Ceci n’est pas sans susciter des craintes quant à la pérennité de ce type de financement, alors même que les engagements français pour la reconstitution du fonds mondial pour le SIDA se font attendre.
Bien sûr, il faut préciser que le montant de l’aide affectée pour 2025 à la lutte contre le SIDA reste inchangé, mais nous devons conserver une mobilisation à l’échelle de l’Assemblée nationale, pour s’interroger sur les modalités pour que ces taxes soient de nouveau affectées afin de mener une action efficace au service de la santé mondiale. Une responsable associative nous le rappelait lors de son audition : « Nous avons un outil fiscal efficace, juste, soutenu par la société civile. Pourquoi l’avoir dérouté alors qu’il est plus que jamais nécessaire ? ». Cette proposition de résolution, est également l’occasion d’avoir une réflexion sur la nécessité de porter à l’échelle mondiale des financements innovants pour pérenniser, sécuriser et autonomiser des politiques publiques de santé mondiale.
Il est temps de défendre une Europe qui prenne le relais, qui affirme une forme de leadership sécuritaire, sanitaire et politique. La Commission européenne consacre déjà 600 millions d’euros par an à la recherche sur les maladies infectieuses, notamment en Afrique, mais cela ne suffira pas à compenser le retrait américain.
Des chercheurs africains et européens qui sont mobilisés actuellement sur le développement de la PrEP injectable nous ont alertés. Une médecin infectiologue nous disait : « nous avions l’espoir de passer à des traitements tous les deux mois sur les PrEP injectables, pour faire de la prévention et ainsi diffuser cette solution auprès des publics vulnérables, mais à cause du retrait américain, tous les espoirs sont suspendus ». En ciblant ces thématiques, et en particulier la prévention, en censurant des mots, l’administration américaine compromet les efforts à l’échelle mondiale. Elle délégitime les identités et invisibilise les risques.
La France et l’Union européenne ne peuvent laisser cette vision l’emporter. Elles doivent au contraire renforcer leur engagement : en soutenant les ONG qui sont sur le terrain et en ayant une diplomatie fondée sur les valeurs.
Cet engagement doit se concrétiser dans de nouveaux investissements pour la prévention, l’éducation et les programmes de santé sexuelle auprès des jeunes. Il faut cesser de penser l’aide internationale comme une dépense facultative : il s’agit d’une politique de sécurité globale.
Un médecin de l’Agence nationale de recherches sur le SIDA (ANRS) nous a ainsi rappelé que le Plan présidentiel d'urgence pour la lutte contre le SIDA (PEPFAR) avait été conçu dès 2003 par le Président George W. Bush, comme pour répondre à une menace mondiale, non seulement comme une aide humanitaire.
Depuis la crise Covid, nous savons les effets de déstabilisation que peuvent induire les pandémies, les phénomènes migratoires qu’elles peuvent renforcer, les résistances aux traitements accrus qui peuvent en découler, les ruptures d’accès aux soins qui ont des effets en cascades et qui se font toujours au détriment des publics des plus vulnérables.
Nous entendons, même en France, les réflexions qui pourraient tendre à remettre en cause l’architecture globale du financement international, en particulier le financement de la lutte contre le SIDA sous prétexte qu’il ne serait pas suffisamment efficace. Néanmoins, à court terme, vouloir changer cette architecture, c’est risquer de déstabiliser encore plus un système déjà fragilisé.
Nous devons donc en priorité soutenir les organisations comme l’ONUSIDA, l’OMS, Unitaid, le Fonds mondial, qui font face à ce désengagement, et non pas imposer une réorganisation à la hâte qui risquerait de déstabiliser encore plus le système.
La France et l’Europe ne pourront pas remplacer les États-Unis, mais elles doivent impérativement augmenter leurs efforts. L’Europe doit entraîner l’ensemble des pays qui ont la capacité de monter en puissance pour financer le Fonds mondial et au-delà, l’ensemble des fonds qui sont menacés par les décisions américaines.
Ne laissons pas le VIH/SIDA redevenir une tragédie. Nous avons eu tendance à considérer que la lutte était derrière nous alors que la mobilisation est plus que nécessaire afin de pouvoir remplir les objectifs à horizon 2030.
Au début de mon intervention, j’évoquais le compteur PEPFAR qui était à 31 837 : il est désormais passé à 32 247.
L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. La parole est aux orateurs de groupe.
Mme Brigitte Liso (EPR). Nous devons faire face à une menace qui dépasse les frontières et met en péril des décennies de progrès dans la lutte contre le VIH. Les coupes budgétaires imposées par l’administration Trump dans les programmes de santé mondiale ont fragilisé les efforts de prévention et de recherche, mettant en danger des millions de vies à travers le monde.
Le SIDA tue et le VIH se transmet toujours. Pour preuve, l’OMS annonçait qu’en 2022, 630 000 personnes sont mortes de causes liées au SIDA et 1,3 million de personnes ont contracté le VIH. La décision irresponsable des États-Unis nous amène aux portes d’un drame sanitaire mondial. Selon l’ONUSIDA, il existe un risque de plus de 8 millions de nouvelles infections et plus de 6 millions de décès d’ici 2029. Malgré cela, nous devons tout faire pour que l’objectif de fin de l’épidémie d’ici 2030 demeure atteignable.
Il est inconcevable que des choix politiques compromettent la santé mondiale. La lutte contre le VIH ne peut pas être une variable d’ajustement budgétaire. C’est une responsabilité collective, un combat qui exige solidarité et engagement. Ainsi, le groupe EPR soutiendra cette proposition de résolution européenne que j’ai eu à cœur de cosigner.
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Il nous faut maintenant utiliser cette résolution pour aller à la fois demander au Gouvernement des engagements forts, et solliciter nos homologues européens pour faire de même dans leurs pays.
Le Sénat attend que nous ayons fini d’examiner cette résolution pour qu’une sénatrice dépose une résolution équivalente. Le sursaut doit venir des Parlements et je suis heureux que le groupe EPR soutienne cette démarche.
Mme Danièle Obono (LFI-NFP). Notre groupe appuie cette résolution. La santé est un enjeu mondial. L’Union européenne, et la France, qui est l’un de ses premiers pays en termes d’influence politique et de responsabilité économique, doivent s’engager fermement pour assurer la continuité, le maintien et le renforcement des moyens internationaux de la lutte contre le VIH.
Du point de vue sanitaire, qu’il soit européen ou français, il est indispensable de poursuivre l’effort de financement. Nous ne parviendrons pas à mettre fin à cette épidémie si nous nous limitons à une approche centrée sur nos seules frontières. L’une des grandes avancées dans ce combat a été d’avoir pu s’appuyer sur les institutions internationales, notamment l’ONU.
Il est indispensable que l’Union européenne se montre à la hauteur, et le fait que l’Assemblée nationale et le Sénat se prononcent permet de donner à notre diplomatie la force d’appui nécessaire.
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cette démarche doit nous rassembler de façon transpartisane. Nos collègues du Rassemblement national ne sont pas présents aujourd’hui, et je note que ce sont plutôt des groupes issus de la majorité et de la gauche qui sont représentés. Ce n’est pas un combat idéologique ou partisan, mais un combat de santé publique. Malheureusement, on peut avoir tendance, y compris en France, à remettre en cause l’accès aux droits et à un certain nombre de traitements pour les personnes étrangères vivant sur notre sol, sans prendre en compte les conséquences épidémiques que cela peut représenter pour la population générale.
M. Karim Benbrahim (SOC). Le populisme de Donald Trump provoque des désordres préoccupants à l’échelle planétaire, et les politiques de santé n’échappent malheureusement pas à cette règle. L’objectif de mettre fin, d’ici 2030, à l’épidémie d’infection par le VIH, pris dans le cadre du programme ONUSIDA, est aujourd’hui menacé par l’annonce faite par l’administration américaine, en mars dernier, de supprimer 83 % des contrats de l’Agence des États-Unis pour le développement international.
Jusqu’ici premier contributeur à la lutte mondiale contre le SIDA et au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, les États-Unis opèrent un revirement aussi brutal que lourd de conséquences : baisse des distributions de traitements antirétroviraux, réduction des campagnes de prévention, fermetures de cliniques. Les premières conséquences de cette décision sont déjà visibles, et nous pouvons craindre une forte augmentation des contaminations ainsi qu’une aggravation des inégalités sanitaires mondiales, au détriment des populations les plus vulnérables.
Selon l’ONUSIDA, cette décision américaine pourrait entraîner, d’ici 2029, une multiplication par six du nombre de nouvelles infections et par dix du nombre de décès liés au SIDA. Face à ce désengagement, l’Europe ne peut pas rester spectatrice.
Cette proposition de résolution appelle ainsi l’Union européenne à renforcer son engagement et à affirmer son leadership dans la lutte contre le VIH. Près de 40 millions de personnes vivent aujourd’hui avec le virus. Les avancées thérapeutiques permettent de réduire la mortalité liée au VIH et de limiter les transmissions. Ces avancées médicales peuvent changer la donne : l’objectif d’éradiquer l’épidémie d’ici 2030 est toujours à portée, mais il exige un engagement politique clair et ambitieux.
Pour être gagnée, la bataille contre le SIDA nécessite le renforcement des coopérations internationales, qu’il s’agisse du soutien européen auprès du Fonds mondial de lutte contre le SIDA ou du renforcement de la coopération scientifique. Face au désengagement américain, la lutte contre le SIDA doit rester au cœur des priorités de l’Union européenne. Cette proposition de résolution est une alerte, mais c’est aussi un appel à l’action que le groupe socialiste soutiendra.
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Le groupe socialiste a toujours été particulièrement engagé dans la lutte contre la diffusion du VIH/SIDA, à l’échelle internationale comme nationale. Je tiens à vous remercier pour vos propos concernant la question du prix des médicaments et de l’accessibilité des traitements. Ce n’est peut-être pas le sujet le plus développé dans le rapport, mais nous en avons parlé avec l’ensemble des acteurs que nous avons auditionnés : institutions internationales, ONG, représentants de la diplomatie française, médecins et chercheurs.
Il y a aujourd’hui des perspectives phénoménales en matière de diffusion des traitements. J’évoquais la question de la PrEP injectable, qui va être rapidement diffusée et « génériquée » afin de pouvoir être accessible au plus grand nombre. Il y a également eu des avancées rendues possibles grâce à la mobilisation d’outils de financement innovants, notamment via Unitaid.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous en passons à l’examen de la proposition de résolution européenne et des amendements qui ont été déposés.
Amendement n° 1 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement vise à remplacer le mot « éradication » par l’expression « la fin de l’épidémie ». Il s’agit de respecter le vocabulaire employé par la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies, qui mentionne l’objectif de mettre fin à l’épidémie et qui, scientifiquement, est plus juste.
L’éradication n’est pas possible : il y aura toujours des personnes vivant avec le VIH. L’enjeu est d’éviter de trop nombreuses contaminations et de les maintenir sous un seuil qui permette d’éviter une situation épidémique.
L’amendement n° 1 est adopté.
Amendement n° 2 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement insère un alinéa qui fait référence à une résolution de l’assemblée générale de l’OMS, visant à mettre en lumière les travaux sur le VIH avec les travaux sur la santé sexuelle.
L’amendement n° 2 est adopté.
Amendement n° 3 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Il s’agit d’insister sur la place centrale de la France dans la coopération internationale en matière de recherche sur le VIH, en mentionnant la déclaration adoptée à Marseille le 8 mars 2022, sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui a réuni les ministres de la recherche des 27 États membres.
L’amendement n° 3 est adopté.
Amendement n° 4 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement vise à remplacer « éradiquer » par « mettre fin à » et insérer une mention de l’OMS. Je souligne par ailleurs le rôle de coordination de plus en plus important de l’OMS sur ce sujet.
L’amendement n° 4 est adopté.
Amendement n° 5 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Il s’agit de mentionner « l’annonce du retrait de Trump » et non le « retrait effectif ».
Le problème réside dans le fait que les États-Unis adoptent des comportements erratiques. Nous pouvons donc avoir des annonces qui ne sont pas suivies d’effets, et d'autres qui le sont. Des milliers de personnes ont été licenciées du jour au lendemain alors qu'elles intervenaient dans les centres et étaient prêtes à continuer de travailler bénévolement. Cependant, elles ne peuvent plus accéder aux traitements à cause de la fermeture des centres. Même si les États-Unis annoncent leur volonté de maintenir la délivrance de traitements, c’est toute la chaîne logistique qui est désorganisée.
L’amendement n° 5 est adopté.
Amendement n° 6 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement vise à affirmer le rôle pionnier de la France dans la lutte contre le VIH/SIDA, tant du point de vue de la mobilisation des ressources financières que du point de vue de la coopération internationale, afin de maintenir cette orientation dans le contexte du désengagement américain.
L’amendement n° 6 est adopté.
Amendement n° 7 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. L’amendement vise à mentionner les instances multilatérales impliquées dans la lutte contre le VIH tout en précisant le rôle moteur de l’ONUSIDA et de l’OMS dans la reconstitution du Fond mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme.
L’amendement n° 7 est adopté.
Amendement n °8 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement modifie la rédaction de l’alinéa 28 et réaffirme l’importance d’une coopération scientifique internationale.
Cette position vise à défendre une science ouverte, collaborative et résiliente, face au repli sur soi américain. Une hausse des contaminations risque de se produire du fait de l’ampleur des atteintes portées par l’administration de Trump à la recherche contre le SIDA.
Face à « la fuite des cerveaux » provoquée par Donald Trump, il est urgent d’accueillir les chercheurs américains et les bases de données.
L’amendement n °8 est adopté.
Amendement n °9 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement précise le sens de l’alinéa 29 à propos du financement de l’aide internationale de la lutte contre le SIDA.
L’amendement n° 9 est adopté.
Amendement n °10 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement a pour objectif de préciser la portée de l’alinéa 30 pour faire de l’Union européenne, par le biais de la Commission, un acteur de premier plan dans la lutte mondiale contre le VIH/SIDA.
L’amendement n° 10 est adopté.
Amendement n° 11 de M. Arthur Delaporte
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
L’amendement n° 11 est adopté.
L’article unique de la proposition de résolution européenne est adopté.
La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est adoptée.
M. Arthur Delaporte, rapporteur. Merci chers collègues pour votre soutien sur un sujet qui nous tient à cœur collectivement, et qui n’est pas sans incidence en dehors de cette assemblée. Tous les acteurs que nous avons reçus nous ont remerciés chaleureusement pour notre engagement.
Cette résolution est une démarche singulière dans un océan de mauvaises nouvelles, c’est le signe qu’il est possible d’inverser la tendance si les Parlements s’en donnent les moyens.
Ce signe de soutien est à envoyer aux organisations internationales, aux ONGs et aux victimes ainsi qu’à leurs proches. Reste maintenant à traduire cette résolution en actes, au service d’une transformation politique à l’échelle nationale et internationale.
proposition de résolution européenne initiale
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu le Règlement (UE) 2021/522 du Parlement européen et du Conseil du 24 mars 2021 établissant le programme de l’Union européenne pour la santé,
Vu la communication de la Commission européenne sur la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine dans l’Union européenne et les pays voisins (2009‑2013) et les plans d’actions successifs 2009‑2013 et 2014‑2016,
Vu la résolution du Parlement européen du 1er décembre 2021 sur la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine,
Vu la stratégie mondiale de lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine 2021‑2026 de l’ONUSIDA,
Vu les objectifs 2025 de lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine de l’ONUSIDA,
Vu la résolution A/RES/75/284 du 8 juin 2021 l’Assemblée générale des Nations unies contenant la déclaration politique intitulée Mettre fin aux inégalités et agir pour vaincre le SIDA d’ici à 2030,
Vu la résolution A/RES/70/266 du 8 juin 2016 de l’Assemblée générale des Nations unies contenant la déclaration politique intitulée Sur la voie rapide pour accélérer la lutte contre le VIH et mettre fin à l’épidémie de SIDA d’ici 2030,
Vu la résolution A/RES/70/1 du 25 septembre 2015 de l’Assemblée générale des Nations unies intitulée Transformer notre monde : l’Agenda 2030 pour le développement durable faisant de l’éradication de l’épidémie du SIDA d’ici à 2030 une partie intégrante des objectifs de développement durable,
Vu la stratégie française en santé mondiale 2023‑2027,
Considérant que la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine constitue un impératif de santé publique mondiale, l’infection ayant causé la mort de plus de 42 millions de personnes depuis sa découverte au début des années 1980 ;
Considérant que l’épidémie de SIDA demeure actuellement de grande ampleur, avec environ 39,9 millions de personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine dans le monde à la fin de l’année 2023, que 1,3 million de personnes ont contracté le virus en 2023, et que 630 000 personnes sont décédées de causes liées au virus de l’immunodéficience humaine cette même année ;
Considérant que plusieurs régions du monde connaissent une augmentation du nombre de nouvelles infections au virus de l’immunodéficience humaine, à savoir l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, l’Amérique latine, ainsi que le Moyen‑Orient et l’Afrique du Nord ;
Considérant qu’en France, le virus de l’immunodéficience humaine demeure une préoccupation de santé publique majeure, avec environ 3 650 nouvelles contaminations estimées en 2023 et que, la même année, 5 500 personnes ont découvert leur séropositivité, dont une proportion significative à un stade tardif de l’infection ;
Considérant que dans l’Espace économique européen, regroupant les États membres de l’Union européenne et les États membres de l’Association européenne de libre‑échange, l’incidence du virus de l’immunodéficience humaine demeure un enjeu sanitaire majeur, avec environ 24 731 nouveaux diagnostics de virus de l’immunodéficience humaine signalés en 2023 ;
Considérant que les avancées thérapeutiques majeures développées depuis les années 1990, notamment l’essor des traitements antirétroviraux ont permis de réduire drastiquement la mortalité liée au virus de l’immunodéficience humaine et d’améliorer l’espérance de vie des personnes vivant avec le virus, tandis que les traitements préventifs tels que la prophylaxie pré‑exposition ou la prophylaxie post‑exposition ont permis de limiter les transmissions ;
Considérant que des innovations récentes et des traitements préventifs injectables comme le lénacapavir (prophylaxie pré‑exposition injectable administrée tous les six mois), avec une efficacité de plus de 95 %, pourraient réduire de manière considérable les nouvelles infections à virus de l’immunodéficience humaine, à condition qu’elles soient accessibles à tous et partout ;
Considérant que ces progrès scientifiques, combinés à un engagement international renforcé, offrent une réelle possibilité d’éradiquer l’épidémie d’ici à 2030, conformément aux objectifs fixés par l’ONUSIDA,
Considérant que de nombreux pays, particulièrement en Afrique, où se concentrent près des deux tiers des personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine – 25,6 millions de personnes environ – disposent de systèmes de santé fragiles, limitant leur capacité à assurer une prévention efficace, un dépistage généralisé et un accès équitable aux traitements, ce qui amplifie les inégalités et complique la lutte contre l’épidémie ;
Considérant que l’aide internationale est indispensable dans la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine, tant pour assurer l’accès universel aux traitements que pour soutenir les programmes de prévention, de recherche et de prise en charge, et que tout affaiblissement de cet engagement mondial pourrait mettre en péril les progrès réalisés jusqu’alors et aggraver l’épidémie à l’échelle planétaire ;
Considérant que le retrait des États‑Unis de l’Organisation mondiale de la santé ainsi que le gel des budgets des grandes institutions américaines de santé publique et de recherche, la suspension des programmes d’aide au développement de l’Agence des États‑Unis pour le développement international ainsi que les restrictions imposées au plan d’urgence présidentiel de lutte contre le SIDA (President’s emergency plan for AIDS relief) compromettent gravement les efforts internationaux de lutte contre l’épidémie du SIDA ;
Considérant que les États‑Unis constituent le principal bailleur international de la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine notamment à travers le plan d’urgence présidentiel de lutte contre le SIDA et leur contribution au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme pour un montant 100 milliards de dollars américains à ce jour ;
Considérant qu’un arrêt du plan d’urgence présidentiel de lutte contre le SIDA pourrait entraîner, selon les estimations de l’ONUSIDA, une multiplication par six d’ici à 2029 du nombre de nouvelles infections par le virus de l’immunodéficience humaine dans le monde – 8,7 millions de personnes nouvellement infectées – ainsi qu’une multiplication par dix des décès liés au sida – 6,3 millions de personnes – et 3,4 millions d’enfants supplémentaires devenus orphelins ;
Appelle le Gouvernement à œuvrer à l’échelon national et européen pour un renforcement de la mobilisation financière auprès du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme dont la reconstitution se tiendra à l’automne 2025 sous l’égide du Royaume‑Uni et de l’Afrique du Sud. Le soutien des États européens, qui représentent une proportion équivalente aux États‑Unis, premier contributeur du Fonds mondial, apparaît essentiel pour garantir la réalisation des objectifs mondiaux de lutte contre le SIDA ;
Invite le Gouvernement à œuvrer à l’échelon national et européen pour un renouvèlement et un renforcement de la coopération scientifique internationale dans la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine en rappelant que la recherche scientifique est un bien commun qui transcende les frontières et que toute interruption des échanges entre chercheurs, restriction sur les financements ou exclusion de certaines communautés scientifiques entraîne inévitablement des conséquences néfastes majeures sur la santé publique mondiale.
Invite l’Union européenne à faire du renforcement du financement de l’aide internationale pour la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine une priorité stratégique, en mobilisant davantage les États membres et en prenant, le cas échéant, les mesures nécessaires pour pallier le désengagement des États‑Unis. Un tel engagement vise à garantir un soutien essentiel aux personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine à travers le monde, à renforcer les outils et campagnes de prévention, et à maintenir les objectifs d’éradication de l’épidémie d’ici 2030 à portée de réalisation.
Invite la Commission européenne, face à l’évolution du contexte mondial, à replacer la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine au cœur de ses priorités, en adoptant une communication et un plan d’action sur cette question ainsi qu’en rétablissant les instances de coordination spécifiques qui existaient précédemment – tels le groupe de réflexion sur le virus de l’immunodéficience humaine et le forum de la société civile – dissoutes en 2019 affaiblissant ainsi la mobilisation collective et réduisant la visibilité de cet enjeu de santé publique ;
Demande que les présidences actuelles et futures du Conseil de l’Union européenne ainsi que le nouveau collège des commissaires européens placent la lutte contre le SIDA au cœur de leurs priorités.
amendements examinés par la commission
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 1 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 12 :
Remplacer les mots « l’éradication » par les mots « la fin »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement rédactionnel vise à respecter le vocabulaire employé par la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies qui mentionne l’objectif de « mettre fin à l’épidémie de sida, à la tuberculose, au paludisme » d’ici à 2030.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 2 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Vu la résolution WHA/75.20 de l'Assemblée mondiale de la santé de l’OMS, intitulée Stratégies mondiales du secteur de la santé sur le VIH, les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles, 2022-2030 ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
En ligne avec les auditions réalisées, cet amendement vise à mettre en lumière les travaux importants menés par l’OMS contre l’épidémie de VIH.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 3 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Vu la déclaration de Marseille relative à la coopération internationale en matière de recherche et d’innovation du 8 mars 2022 ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement vise à insister sur la place centrale de la France dans la coopération internationale dans la recherche – notamment sur le VIH – en mentionnant la déclaration adoptée à Marseille le 8 mars 2022 sous présidence française du Conseil de l’Union européenne, qui a réuni les ministres de la recherche des 27 États membres.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 4 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 21
1° Remplacer les mots « d’éradiquer » par les mots « de mettre fin à »
2° Après les mots « par l’ONUSIDA », insérer les mots « et l’OMS ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement vise à apporter deux modifications rédactionnelles.
D’une part, il vise à remplacer les mots « d’éradiquer » par les mots « de mettre fin à » pour être au plus près du vocabulaire employé par les Nations unies.
D’autre part, il vise à mentionner l’OMS qui, aux côtés de l’ONUSIDA, détermine les objectifs globaux de lutte contre le VIH/sida.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 5 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
A l’alinéa 24, remplacer les mots « le retrait » par les mots « l’annonce du retrait ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement vise à préciser qu’à ce stade, les Etats-Unis n’ont fait qu’annoncer la volonté de quitter l’OMS. Ce retrait sera effectif en janvier 2026, soit douze mois après l’annonce formulée par le président américain.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 6 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 26
Insérer les deux alinéas ainsi rédigés :
« Invite le Gouvernement à renforcer le leadership de la France dans la lutte mondiale contre le VIH/Sida, en œuvrant pour le maintien de la mobilisation financière, notamment par le recours à des financements innovants, et en assumant un rôle politique à l’échelle internationale ;
Invite le Gouvernement à renforcer les actions coordonnées entre acteurs internationaux, afin de bâtir des systèmes de santé plus résilients, mieux préparés aux défis sanitaires futurs, et d’éviter ainsi les effets déstabilisateurs de nouvelles épidémies en rappelant que ce combat est un enjeu fondamental pour la sécurité globale. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement vise à affirmer le rôle pionnier de la France dans la lutte contre le VIH/sida, tant du point de vue de la mobilisation des ressources financières que du point de vue de la coopération internationale.
A l’heure du désengagement américain, la France doit maintenir résolument cette orientation en œuvrant pour une politique ambitieuse aux niveaux mondial et européen.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 7 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
L’alinéa 27 est ainsi rédigé :
« Appelle le Gouvernement à œuvrer à l’échelon national et européen pour un renforcement de la mobilisation financière auprès des instances multilatérales impliquées dans la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine, tant le du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme dont la reconstitution se tiendra à l’automne 2025 sous l’égide du Royaume-Uni, de l’Afrique du Sud, de l’ONUSIDA et l’OMS. Le soutien des États européens, qui représentent une proportion équivalente aux États‑Unis, premier contributeur du Fonds mondial et bailleurs de l’ONUSIDA et de l’OMS, apparaît essentiel pour garantir la réalisation des objectifs mondiaux de lutte contre le SIDA ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement vise à mentionner les « instances multilatérales » impliquées dans la lutte contre le VIH, tout en précisant le rôle moteur de l’ONUSIDA et de l’OMS dans la reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 8 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
L’alinéa 28 est ainsi rédigé :
« Invite le Gouvernement à réaffirmer, face aux annonces récentes de l’administration Trump et dans un contexte multilatéral en pleine évolution, les principes et valeurs fondamentaux de la coopération scientifique internationale, en agissant pour protéger les données scientifiques, accueillir les chercheurs empêchés, maintenir les collaborations scientifiques et soutenir les projets fragilisés, tout en garantissant que les avancées dans la lutte contre le VIH/Sida ne soient pas compromises par des restrictions politiques ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement de rédaction globale de l’alinéa 28 vise à réaffirmer l’importance d’une coopération scientifique internationale.
Cette position de défense d’une science ouverte et collaborative se veut un chemin alternatif résilient, face au repli sur soi délétère initié par le président américain.
Une étude du Lancet citée dans le rapport, publiée en mars 2025 montre bien la hausse des contaminations qui risque de se produire du fait de l’ampleur du coût porté par l’administration Trump à la recherche mondiale contre le VIH/sida.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 9 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
L’alinéa 29 est ainsi rédigé :
« Invite l’Union européenne à faire du renforcement du financement de l’aide internationale pour la lutte contre le VIH/Sida une priorité stratégique, en mobilisant davantage les États membres, en renforçant les partenariats stratégiques, et en encourageant des financements innovants. Un tel engagement vise à garantir un soutien essentiel aux personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine à travers le monde, à renforcer les outils et campagnes de prévention, et à maintenir l’objectif de fin de l’épidémie d’ici 2030 à portée de réalisation ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement de rédaction globale vise à préciser le sens de l’alinéa 29, à propos du financement de l’aide internationale dans la lutte contre le VIH/sida.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 10 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
L’alinéa 30 est ainsi rédigé :
« Invite la Commission européenne, au regard de l’évolution du contexte mondial, à replacer la lutte contre le VIH/Sida ainsi que la promotion de la santé sexuelle et reproductive, de l’égalité d’accès aux soins et de la lutte contre les discriminations comme des priorités stratégiques en établissant un plan d’action ambitieux sur ces enjeux ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement rédactionnel vise à préciser le sens de l’alinéa 30 pour faire de l’Union européenne, par le biais de la Commission, un acteur de premier plan dans la lutte mondiale contre le VIH/sida.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
8 avril 2025
Sauvegarder et renforcer le financement en faveur de la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (n° 1113),
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AMENDEMENT |
No 11 |
présenté par |
M. Arthur DELAPORTE, rapporteur |
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ARTICLE UNIQUE
L’alinéa 31 est ainsi rédigé :
« Appelle les présidences actuelles et futures du Conseil de l’Union européenne, ainsi que le nouveau collège des commissaires européens, à faire de la lutte contre le VIH/sida une priorité majeure, en l’inscrivant dans une mobilisation renforcée en faveur de la santé sexuelle et reproductive, de l’égalité d’accès aux soins et de la lutte contre les discriminations. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement rédactionnel reformule l’alinéa 31.
Cet amendement a été adopté.
proposition de Résolution européenne
adoptée par la commission
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,
Vu l’article 168 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu le Règlement (UE) 2021/522 du Parlement européen et du Conseil du 24 mars 2021 établissant le programme de l’Union européenne pour la santé,
Vu la communication de la Commission européenne sur la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine dans l’Union européenne et les pays voisins (2009‑2013) et les plans d’actions successifs 2009‑2013 et 2014‑2016,
Vu la résolution du Parlement européen du 1er décembre 2021 sur la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine,
Vu la stratégie mondiale de lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine 2021‑2026 de l’ONUSIDA,
Vu les objectifs 2025 de lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine de l’ONUSIDA,
Vu la résolution A/RES/75/284 du 8 juin 2021 l’Assemblée générale des Nations unies contenant la déclaration politique intitulée Mettre fin aux inégalités et agir pour vaincre le SIDA d’ici à 2030,
Vu la résolution A/RES/70/266 du 8 juin 2016 de l’Assemblée générale des Nations unies contenant la déclaration politique intitulée Sur la voie rapide pour accélérer la lutte contre le VIH et mettre fin à l’épidémie de SIDA d’ici 2030,
Vu la résolution A/RES/70/1 du 25 septembre 2015 de l’Assemblée générale des Nations unies intitulée Transformer notre monde : l’Agenda 2030 pour le développement durable faisant de la fin de l’épidémie du SIDA d’ici à 2030 une partie intégrante des objectifs de développement durable,
Vu la résolution WHA/75.20 de l'Assemblée mondiale de la santé de l’OMS, intitulée Stratégies mondiales du secteur de la santé sur le VIH, les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles, 2022-2030,
Vu la stratégie française en santé mondiale 2023‑2027,
Vu la déclaration de Marseille relative à la coopération internationale en matière de recherche et d’innovation du 8 mars 2022,
Considérant que la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine constitue un impératif de santé publique mondiale, l’infection ayant causé la mort de plus de 42 millions de personnes depuis sa découverte au début des années 1980 ;
Considérant que l’épidémie de SIDA demeure actuellement de grande ampleur, avec environ 39,9 millions de personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine dans le monde à la fin de l’année 2023, que 1,3 million de personnes ont contracté le virus en 2023, et que 630 000 personnes sont décédées de causes liées au virus de l’immunodéficience humaine cette même année ;
Considérant que plusieurs régions du monde connaissent une augmentation du nombre de nouvelles infections au virus de l’immunodéficience humaine, à savoir l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, l’Amérique latine, ainsi que le Moyen‑Orient et l’Afrique du Nord ;
Considérant qu’en France, le virus de l’immunodéficience humaine demeure une préoccupation de santé publique majeure, avec environ 3 650 nouvelles contaminations estimées en 2023 et que, la même année, 5 500 personnes ont découvert leur séropositivité, dont une proportion significative à un stade tardif de l’infection ;
Considérant que dans l’Espace économique européen, regroupant les États membres de l’Union européenne et les États membres de l’Association européenne de libre‑échange, l’incidence du virus de l’immunodéficience humaine demeure un enjeu sanitaire majeur, avec environ 24 731 nouveaux diagnostics de virus de l’immunodéficience humaine signalés en 2023 ;
Considérant que les avancées thérapeutiques majeures développées depuis les années 1990, notamment l’essor des traitements antirétroviraux ont permis de réduire drastiquement la mortalité liée au virus de l’immunodéficience humaine et d’améliorer l’espérance de vie des personnes vivant avec le virus, tandis que les traitements préventifs tels que la prophylaxie pré‑exposition ou la prophylaxie post‑exposition ont permis de limiter les transmissions ;
Considérant que des innovations récentes et des traitements préventifs injectables comme le lénacapavir (prophylaxie pré‑exposition injectable administrée tous les six mois), avec une efficacité de plus de 95 %, pourraient réduire de manière considérable les nouvelles infections à virus de l’immunodéficience humaine, à condition qu’elles soient accessibles à tous et partout ;
Considérant que ces progrès scientifiques, combinés à un engagement international renforcé, offrent une réelle possibilité de mettre fin à l’épidémie d’ici à 2030, conformément aux objectifs fixés par l’ONUSIDA et l’OMS,
Considérant que de nombreux pays, particulièrement en Afrique, où se concentrent près des deux tiers des personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine – 25,6 millions de personnes environ – disposent de systèmes de santé fragiles, limitant leur capacité à assurer une prévention efficace, un dépistage généralisé et un accès équitable aux traitements, ce qui amplifie les inégalités et complique la lutte contre l’épidémie ;
Considérant que l’aide internationale est indispensable dans la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine, tant pour assurer l’accès universel aux traitements que pour soutenir les programmes de prévention, de recherche et de prise en charge, et que tout affaiblissement de cet engagement mondial pourrait mettre en péril les progrès réalisés jusqu’alors et aggraver l’épidémie à l’échelle planétaire ;
Considérant que l’annonce du retrait des États‑Unis de l’Organisation mondiale de la santé ainsi que le gel des budgets des grandes institutions américaines de santé publique et de recherche, la suspension des programmes d’aide au développement de l’Agence des États‑Unis pour le développement international ainsi que les restrictions imposées au plan d’urgence présidentiel de lutte contre le SIDA (President’s emergency plan for AIDS relief) compromettent gravement les efforts internationaux de lutte contre l’épidémie du SIDA ;
Considérant que les États‑Unis constituent le principal bailleur international de la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine notamment à travers le plan d’urgence présidentiel de lutte contre le SIDA et leur contribution au Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme pour un montant 100 milliards de dollars américains à ce jour ;
Considérant qu’un arrêt du plan d’urgence présidentiel de lutte contre le SIDA pourrait entraîner, selon les estimations de l’ONUSIDA, une multiplication par six d’ici à 2029 du nombre de nouvelles infections par le virus de l’immunodéficience humaine dans le monde – 8,7 millions de personnes nouvellement infectées – ainsi qu’une multiplication par dix des décès liés au SIDA – 6,3 millions de personnes – et 3,4 millions d’enfants supplémentaires devenus orphelins ;
Invite le Gouvernement à renforcer le leadership de la France dans la lutte mondiale contre le VIH/SIDA, en œuvrant pour le maintien de la mobilisation financière, notamment par le recours à des financements innovants, et en assumant un rôle politique à l’échelle internationale ;
Invite le Gouvernement à renforcer les actions coordonnées entre acteurs internationaux, afin de bâtir des systèmes de santé plus résilients, mieux préparés aux défis sanitaires futurs, et d’éviter ainsi les effets déstabilisateurs de nouvelles épidémies en rappelant que ce combat est un enjeu fondamental pour la sécurité globale ;
Appelle le Gouvernement à œuvrer à l’échelon national et européen pour un renforcement de la mobilisation financière auprès des instances multilatérales impliquées dans la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine, notamment le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, dont la reconstitution se tiendra à l’automne 2025 sous l’égide du Royaume-Uni, de l’Afrique du Sud, de l’ONUSIDA et l’OMS. Le soutien des États européens, qui représentent une proportion équivalente aux États‑Unis, premier contributeur du Fonds mondial et bailleurs de l’ONUSIDA et de l’OMS, apparaît essentiel pour garantir la réalisation des objectifs mondiaux de lutte contre le SIDA ;
Invite le Gouvernement à réaffirmer, face aux annonces récentes de l’administration Trump et dans un contexte multilatéral en pleine évolution, les principes et valeurs fondamentaux de la coopération scientifique internationale, en agissant pour protéger les données scientifiques, accueillir les chercheurs empêchés, maintenir les collaborations scientifiques et soutenir les projets fragilisés, tout en garantissant que les avancées dans la lutte contre le VIH/SIDA ne soient pas compromises par des restrictions politiques ;
Invite l’Union européenne à faire du renforcement du financement de l’aide internationale pour la lutte contre le VIH/SIDA une priorité stratégique, en mobilisant davantage les États membres, en renforçant les partenariats stratégiques, et en encourageant des financements innovants. Un tel engagement vise à garantir un soutien essentiel aux personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine à travers le monde, à renforcer les outils et campagnes de prévention, et à maintenir l’objectif de fin de l’épidémie d’ici 2030 à portée de réalisation ;
Invite la Commission européenne, au regard de l’évolution du contexte mondial, à replacer la lutte contre le VIH/SIDA ainsi que la promotion de la santé sexuelle et reproductive, de l’égalité d’accès aux soins et de la lutte contre les discriminations comme des priorités stratégiques en établissant un plan d’action ambitieux sur ces enjeux ;
Appelle les présidences actuelles et futures du Conseil de l’Union européenne, ainsi que le nouveau collège des commissaires européens, à faire de la lutte contre le VIH/SIDA une priorité majeure, en l’inscrivant dans une mobilisation renforcée en faveur de la santé sexuelle et reproductive, de l’égalité d’accès aux soins et de la lutte contre les discriminations.
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur
M. Fodé SIMAGA, directeur de la science, des services et des systèmes pour tous à ONUSIDA
Dr Meg DOHERTY, directrice du département VIH, hépatite, IST à l’OMS
M. Peter SANDS, directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme
Dr Philippe DUNETON, directeur exécutif d’Unitaid
M. Mach-houd KOUTON, conseiller régional Sciences Systèmes et Services au bureau de Dakar d’ONUSIDA
Mme Ange Meralli BALLOU, conseillère régionale en santé publique et VIH auprès du bureau régional d’ONUSIDA à Dakar
Mme Marie-Claude JULSAINT, conseillère en relations avec les bailleurs de fonds à ONUSIDA
Mme Anne-Claire AMPROU, ambassadrice pour la santé mondiale, ministère de l’Europe et des affaires étrnagères (MEAE)
Mme Anne FIGUEROA, chargée de mission auprès de l’ambassadrice pour la santé mondiale sur les sujets Fonds mondial et Unitaid auFMEAE
Mme Clarisse PAOLINI, sous-directrice du développement humain à la direction des affaires globales au MEAE
Mme Jeanne de WENDEL, responsable du pôle Partenariats mondiaux en santé au MEAE
Mme Palmyre DE JAEGERE, pôle Partenariats mondiaux en santé sur les sujets Fonds mondial et suivi des partenariats Sida, MEAE
Dr Yazdan YAZDANPANAH, directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales – Maladie infectieuses émergentes (ANRS – MIE)
Dr Karine LACOMBE, cheffe de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Saint-Antoine, membre de l’ANRS – MIE, membre du groupe de travail VIH la relève
Dr Gilles PIALOUX, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Tenon, vice-président de la Société française de lutte contre le sida (SFLS) et en charge du site VIH.org
Dr Hugues CORDEL, médecin infectiologue à l’hôpital Avicenne de Bobigny, Président de la SFLS
M. Arlindo CONSTANTINO, président de Act up
Mme Camille SPIRE, présidente d’AIDES
M. Vincent LECLERCQ, directeur général de Coalition PLUS
Mme Sandrine SIMON, directrice Santé et plaidoyer chez Médecins du Monde
Mme Maé KURKJIAN, directrice du plaidoyer chez ONE
Mme Florence THUNE, directrice générale de Sidaction
Mme Carole GUILLERM, conseillère auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, en charge du Parlement et des élus locaux
M. Raphaël DANG, conseiller auprès du Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, en charge des affaires juridiques, des affaires globales, des Nations unies et des organisations internationales.
([2]) https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/2024-unaids-global-aids-update-summary_fr.pdf
([3]) https://vih.org/vih-et-sante-sexuelle/20190502/letude-partner2-enterine-le-traitement-comme-prevention-chez-les-gays/
([4]) Ces estimations sont basées sur les travaux de KH Tram, J Ratevosian et C Beyrer (2025), dans l'article "By executive order : the likely deadly consequences associated with a 90-day pause in PEPFAR funding," publié dans J Int AIDS Soc (Feb 25 ;28(3)).
([5]) Brink et al, Impact of an international HIV funding crisis on HIV infections and mortality in low-income and middle-income countries : a modelling study, The Lancet, mars 2025.