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N° 1364

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mai 2025.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi relative à la fin de vie,

 

 

Par M. Olivier FALORNI,

Rapporteur général,

Mme Brigitte LISO, M. Laurent PANIFOUS

M. Stéphane DELAUTRETTE et Mme Élise LEBOUCHER,
Députés

 

 

Tome I

AVANT-PROPOS et examen des articles

 

——

 

 

 

Voir le numéro : 1100.


  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Chapitres Ier et II Définition et conditions d’accès

Article 1er Modification de l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique

Articles 2, 3 et 4 Définition de l’aide à mourir et des conditions d’accès à celle-ci

Chapitre III Procédure

Article 5 Demande d’accès à l’aide à mourir

Article 6 Procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale

Article 7 Détermination de la date d’administration de la substance létale et droits de la personne

Article 8 Circuit de préparation et de délivrance de la substance létale

Article 9 Accompagnement de la personne pendant l’administration, modalités de cette administration et devenir de la substance létale non utilisée

Article 10 Arrêt des procédures

Article 11 Création d’un système d’information dédié au suivi de la procédure

Article 12 Recours devant le juge administratif

Article 13 Mesures réglementaires d’application

Chapitre IV Clause de conscience

Article 14 Clause de conscience, responsabilité du chef d’établissement sanitaire ou médico-social et déclaration de professionnels auprès de la commission

Chapitre V Contrôle et évaluation

Article 15 Création d’une commission de contrôle et d’évaluation

Article 16 Évolution des missions de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et insertion des produits destinés à l’aide à mourir dans un circuit spécifique et sécurisé

Chapitre VI Dispositions pénales

Article 17 Délit d’entrave à l’aide à mourir

Chapitre VII Dispositions diverses

Article 18 Prise en charge par l’assurance maladie obligatoire des frais exposés dans le cadre de la mise en œuvre de l’aide à mourir

Article 19 Neutralisation des dispositions du code des assurances et de la mutualité en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir

Article 20 Gage de recevabilité financière

COMPTES RENDUS de l’examen des articles

1. Réunion du vendredi 11 avril 2025 à 9 heures (article 1er à article 2)

2. Réunion du vendredi 11 avril 2025 à 15 heures (article 2 [suite] à article 3)

3. Réunion du vendredi 11 avril 2025 à 21 heures (article 4)

4. Réunion du lundi 28 avril 2025 à 14 heures (article 4 [suite])

5. Réunion du lundi 28 avril 2025 à 21 heures 30 (après l’article 4 à article 5)

6. Réunion du mardi 29 avril 2025 à 16 heures 30 (article 5 [suite])

7. Réunion du mardi 29 avril 2025 à 21 heures (article 5 [suite] à article 6)

8. Réunion du mercredi 30 avril 2025 à 9 heures (article 6 [suite] à après l’article 6)

9. Réunion du mercredi 30 avril 2025 à 15 heures (article 7 à après l’article 9)

10. Réunion du mercredi 30 avril 2025 à 21 heures (article 10 à après l’article 13)

11. Réunion du vendredi 2 mai 2025 à 9 heures (article 14 à article 16)

12. Réunion du vendredi 2 mai 2025 à 14 heures (article 17 à après l’article 19, titre et vote sur l’ensemble du texte)

ANNEXE  1 : Liste des personnes ENTENDUEs par lES rapporteurS

Annexe  2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 


  1  —

   Avant-propos

Le dimanche 9 juin 2024, sur le fondement du premier alinéa de l’article 12 de la Constitution, le Président de la République prononçait la dissolution de l’Assemblée nationale. Avec elle prenait fin brutalement l’examen du projet de loi sur l’accompagnement des malades et de la fin de vie, dont la dernière séance publique s’était achevée le vendredi 7 juin 2024 à 23 heures 50.

Le projet de loi déposé par le Gouvernement avait pourtant fait l’objet d’une mobilisation exceptionnelle à l’Assemblée nationale et au-delà, dans un esprit de respect et de responsabilité unanimement partagé.

En effet, le 2 avril 2023, la Convention citoyenne sur la fin de vie achevait ses travaux à l’issue de neuf sessions de travail. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République en 2022, elle a réuni pendant trois mois 184 citoyens tirés au sort sur la base de critères représentatifs de la société française. Ces derniers se sont très majoritairement prononcés en faveur du développement des soins palliatifs et de l’ouverture d’une aide active à mourir ([1]).

Ces travaux se sont inscrits dans le sillage de l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) ([2]). Dans cet avis, le Comité considérait pour la première fois que, si le législateur venait à s’emparer de ce sujet, « il existe une voie pour une application éthique d’une aide active à mourir, à certaines conditions strictes ». Quelques mois plus tard, la mission d’évaluation de la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « loi Claeys-Leonetti », rejoignait ces conclusions en soulignant que « le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponses à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme » ([3]).

Au cours de ces dernières décennies, des situations humaines dramatiques ont régulièrement relancé le débat sur la fin de vie qui a trouvé une caisse de résonance au Parlement. Le législateur est intervenu à différentes reprises pour affirmer la prise en considération de l’autonomie et de la volonté des malades en fin de vie, rechercher le meilleur apaisement possible et consacrer le principe du respect de sa dignité.

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », a consacré le droit de toute personne malade, consciente et en capacité d’exprimer sa volonté de manière libre et éclairée, de refuser une investigation ou un traitement, même si ce refus est susceptible de mettre sa vie en danger. Elle peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant, et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin.

Depuis la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « loi Leonetti », les actes relevant de l’obstination déraisonnable sont interdits dès lors qu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie.

L’instauration des directives anticipées par cette même loi a permis de mieux connaître la volonté des patients dans l’hypothèse où il ne serait plus en mesure de l’exprimer.

Enfin, depuis la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « loi Claeys-Leonetti », les directives anticipées s’imposent au médecin sauf en cas d’urgence vitale ou si ces directives anticipées sont manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du malade. Cette loi a aussi autorisé la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, pour soulager les souffrances insupportables ou réfractaires aux traitements d’une personne atteinte d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme.

Sous la XVe législature, plusieurs propositions de loi ont été déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat pour mieux prendre en compte la volonté des malades et proposer la légalisation d’une aide active à mourir. Bien qu’aucune de ces initiatives ne soit parvenue à la fin du processus législatif, l’Assemblée nationale avait notamment adopté en séance publique, le 8 avril 2021, l’article 1er d’une proposition de loi portée par votre rapporteur général qui définissait les conditions d’accès à une « assistance médicalisée active à mourir » ([4]).

*

Trois ans plus tard, le projet de loi sur l’accompagnement de malades et de la fin de vie devait ainsi compléter l’édifice législatif élaboré au cours des dernières décennies. À l’instar d’autres pays européens qui ont franchi le pas depuis le début des années 2000 (Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Espagne, Autriche, etc.) ([5]), il entendait permettre la mise en place d’une « aide à mourir ». Cette notion apparaissait plus simple, plus humaine et plus appropriée que celles d’« euthanasie », un mot tragiquement souillé par l’Histoire, ou de « suicide assisté » qui pouvait créer de la confusion, au regard de la définition donnée par l’article 5 du projet de loi puisqu’elle couvrait les deux modalités d’administration de la substance létale.

Au mois d’avril 2024, la commission spéciale a entendu une grande diversité d’acteurs au cours de trente-cinq heures d’auditions organisées à l’Assemblée nationale, avec des approches souvent différentes du sujet, afin d’acquérir une vision globale de l’application de la loi. Avaient notamment été auditionnés la ministre du travail, de la santé et des solidarités, le président et les rapporteurs de l’avis du CCNE précité, des professionnels de santé (médecins, infirmiers, aides‑soignants), des représentants d’institutions ou d’organisations, des représentants des sociétés savantes, des associations actives sur le sujet de la fin de vie ou des associations de bénévoles accompagnant les malades, des fédérations d’établissements ou d’hospitalisation à domicile, des professeures de droit, des philosophes, des représentants des cultes ou encore des obédiences maçonniques.

Dans une ambiance respectueuse de la pluralité des opinions, la commission spéciale a examiné à partir du 13 mai et pendant près de cinquante heures les 1 600 amendements en discussion. Elle a apporté des modifications parfois substantielles au projet de loi, qui reposait sur deux piliers déclinés au travers de deux titres, le renforcement des soins palliatifs et des droits des malades d’une part, l’aide à mourir d’autre part. À partir du 27 mai, dans un esprit identique, les députés ont examiné en séance publique près de 1 600 des 3 536 amendements déposés, au cours de plus de soixante-deux heures de discussion, avant que la dissolution de l’Assemblée nationale ne vienne interrompre leurs travaux.

*

Un an après, grâce à l’engagement résolu de nombreux parlementaires, la fin de vie est de nouveau inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Le projet de loi de 2024 a été scindé en deux parties, correspondant aux deux titres précédents, au sein de deux propositions de loi distinctes, l’une relative aux soins palliatifs et d’accompagnement présentée par Mme Annie Vidal, l’autre relative à la fin de vie présentée par M. Olivier Falorni. Cette scission, que regrettent le rapporteur général et les rapporteurs de la présente proposition de loi, n’a toutefois pas empêché l’auteur de la proposition de loi de conserver l’intégralité des modifications opérées en 2024 sur le projet de loi, tant lors de l’examen par la commission spéciale qu’en séance publique, les rares modifications réalisées étant à visée strictement rédactionnelle et de coordination.

● La proposition de loi relative à la fin de vie porte ainsi sur l’instauration d’une aide à mourir.

Le chapitre Ier est consacré à la définition de l’aide à mourir. Aux termes de l’article 2, elle consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 4 à 13 de la proposition de loi, afin qu’elle se l’administre ou se la fasse administrer par un médecin ou un infirmier.

Le chapitre II est consacré aux conditions d’accès à l’aide à mourir, définies à l’article 4. Sont éligibles à cette aide les personnes âgées d’au moins 18 ans, de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France, atteintes d’une affection grave et incurable engageant le pronostic vital en phase avancée ou terminale, présentant une souffrance physique ou psychologique réfractaire ou insupportable liée à cette affection et aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée. Ces conditions sont cumulatives.

Le chapitre III est consacré à l’ensemble de la procédure d’aide à mourir. L’article 5 fixe les conditions de présentation d’une demande d’aide à mourir. Il est notamment précisé que le médecin qui accepte d’examiner cette demande, doit informer la personne sur son état de santé, les perspectives de son évolution, les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles ainsi que l’informer de la possibilité de bénéficier de soins palliatifs.

L’article 6 définit la procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale. Pour procéder à l’appréciation de la situation médicale du malade, le médecin recueille l’avis écrit d’un autre médecin qui ne connait pas la personne, spécialiste de la pathologie de celle-ci, et d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, d’un autre auxiliaire médical. Il peut également recueillir l’avis d’autres professionnels, qui interviennent auprès de la personne.

La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir doit intervenir dans un délai maximum de quinze jours suivant la demande. Après avoir été informée de ce qu’elle pouvait avoir recours à la procédure d’aide à mourir, la personne dispose d’un délai de réflexion, qui ne peut être inférieur à deux jours, avant de confirmer au médecin sa volonté d’accéder à une aide à mourir. Le médecin peut abréger ce délai, à la demande de la personne, si cela est nécessaire pour assurer la sauvegarde de la dignité de celle-ci. Il n’y a en revanche pas de délai maximal. Cependant, lorsque la confirmation de la demande intervient plus de trois mois après la notification, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté de la personne.

L’article 7 précise les droits de la personne dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir. Si la date retenue est postérieure de plus d’un an à compter de la notification de la décision, le médecin devra évaluer à nouveau, à l’approche de cette date, le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté de la personne.

L’article 8 prévoit que lorsque la date de l’administration de la substance létale est fixée, la pharmacie à usage intérieur réalise la préparation magistrale létale et la transmet à une pharmacie d’officine désignée par le professionnel de santé en accord avec le patient.

L’article 9 détaille la procédure le jour de la mise en œuvre de l’aide à mourir. Le professionnel de santé doit s’assurer que la personne souhaite procéder ou faire procéder à l’administration de la substance létale, puis il assure la surveillance de l’administration de la substance létale par la personne ou l’administre.

L’article 10 précise les cas de figure dans lesquels il peut être mis fin à la procédure, tandis que l’article 11 indique que les différents actes qui la jalonnent donnent lieu à un enregistrement dans un système d’information afin d’assurer la traçabilité de chaque procédure d’aide à mourir. Aux termes de l’article 12, la décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ne peut être contestée que par la personne qui en fait l’objet. Cette disposition a pour conséquence d’interdire tout recours d’un tiers contre une telle décision. Ce contentieux, par dérogation aux règles habituelles de répartition des compétences entre les ordres juridictionnels, relève uniquement de la juridiction administrative. Enfin, l’article 13 renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités d’application des dispositions mentionnées ci-avant.

Le chapitre IV est consacré à la clause de conscience. Son article 14 institue une clause de conscience spécifique au profit des professionnels de santé sollicités dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir, à l’exception des pharmaciens, assortie d’une obligation d’information et de réadressage. Il garantit aux personnes hospitalisées ou hébergées dans un établissement social ou médico-social la possibilité de demander une aide à mourir. Il prévoit également que les professionnels de santé disposés à participer à l’aide à mourir se déclarent auprès de la commission de contrôle et d’évaluation.

À cet égard, le chapitre V est consacré aux procédures de contrôle et d’évaluation du dispositif d’accompagnement à l’aide à mourir. L’article 15 prévoit la création d’une commission de contrôle et d’évaluation chargée principalement du contrôle systématique et a posteriori du respect des conditions d’accès et de procédure d’aide à mourir. Cette commission assure également le suivi et l’évaluation de l’aide à mourir par une information annuelle et par des recommandations, ainsi que la gestion du registre des professionnels de santé disposés à participer à l’aide à mourir.

L’article 16 étend le domaine d’intervention de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) aux substances létales utilisées dans le cadre de l’aide à mourir. La HAS est ainsi chargée de définir cette substance et d’établir des recommandations de bonnes pratiques, tandis qu’est prévu un circuit spécifique et sécurisé de distribution des substances utilisées.

L’article 17, qui s’insère dans un chapitre VI relatif aux dispositions pénales, crée un délit d’entrave à l’aide à mourir, sur le modèle de celui prévu concernant l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Le chapitre VI comporte diverses dispositions permettant d’assurer la mise en œuvre du dispositif. L’article 19 prévoit la prise en charge par l’assurance maladie des frais exposés dans le cadre de la mise en œuvre de l’aide à mourir. L’article 20 vise quant à lui à neutraliser les dispositions législatives du code des assurances et de la mutualité qui prévoient des exclusions de garantie en cas de suicide la première année (ou dans l’année suivant un avenant d’augmentation des garanties) en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir.

*

Légiférer sur la fin de vie exige de l’humilité. L’humilité d’écouter avant de décider. L’humilité de ne pas prétendre avoir la vérité. L’humilité d’avoir des convictions mais pas de certitudes. Mais cela nécessite aussi de la volonté. La volonté de faire plus et de faire mieux pour les malades et leurs proches.

Au fil des ans et des lois, depuis 1999 jusqu’à 2016, deux droits essentiels ont été obtenus. Le droit de ne pas souffrir, car la souffrance n’est pas inévitable et encore moins nécessaire. Le droit de ne pas subir, c’est-à-dire le droit de dire non à l’acharnement thérapeutique. Cela semble aujourd’hui être des évidences, cela ne l’était pas il n’y a pas si longtemps.

Notre devoir est donc de faire de ces droits une réalité, partout et pour tous. Cela passe par le renforcement et le développement massif des soins palliatifs qui sont la réponse primordiale que porte la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement. Mais, comme toute médecine humaine, et malgré le professionnalisme et le dévouement des soignants, ils sont dans certaines circonstances démunis face à certaines souffrances réfractaires ou insupportables. C’est pour cela que la proposition de loi relative à la fin de vie propose un ultime recours, celui d’une aide à mourir pour des malades condamnés par la maladie mais qui ne veulent pas être condamnés à l’agonie.

Une réponse primordiale et un ultime recours. Deux piliers, au sein de deux propositions de loi, qui ne s’opposent pas mais qui se complètent et s’équilibrent pour devenir un socle républicain, de liberté, d’égalité et de fraternité.


  1  —

   Commentaire des articles

Chapitres Ier et II
Définition et conditions d’accès

Article 1er
Modification de l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier
de la première partie du code de la santé publique

Adopté par la commission sans modifications

L’article 1er, issu de l’article 4 quater introduit dans le projet de loi de 2024 lors de son examen par la commission spéciale, complète l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique afin d’y mentionner l’expression de la volonté des patients et la fin de vie, tirant ainsi les conséquences de la codification des articles 5 à 17 du projet de loi – lesquels correspondent aux articles 2 à 15 de la présente proposition de loi – dans une section nouvelle dudit code.

● Le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale ne prévoyait aucune codification de ses articles 5 à 17, portant sur la définition de l’aide à mourir, les conditions d’accès à celle-ci, les modalités de sa mise en œuvre et les conditions de contrôle et d’évaluation de ces procédures, ainsi sur la clause de conscience spécifique instituée par ledit projet de loi.

Or, comme l’avait souligné le Conseil d’État ([6]), le Conseil constitutionnel juge que la codification de dispositions législatives contribue à répondre à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité des règles de droit ([7]). C’est pourquoi le rapporteur général et les rapporteures du titre II du projet de loi ont proposé de codifier les articles 5 à 17 de celui-ci en créant une nouvelle section consacrée à l’aide à mourir au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique.

● À l’initiative de la rapporteure Laurence Maillart-Méhaignerie et en cohérence avec la codification de ces articles, la commission spéciale a adopté, avec le soutien du Gouvernement, un amendement complétant l’intitulé du chapitre Ier précité afin d’y faire apparaître les notions d’expression de la volonté des usagers du système de santé et de fin de vie : « Information des usagers du système de santé, expression de leur volonté et fin de vie » ([8]).

L’article 1er de la présente proposition de loi codifie au même emplacement du code de la santé publique les dispositions correspondant aux articles 5 à 17 du projet de loi examiné en 2024.

*

*     *

Adoptés par la commission, avec modifications concernant les articles 2 et 4, sans modifications concernant l’article 3

L’article 2, issu de l’article 5 du projet de loi examiné en 2024, définit l’aide à mourir. Dans sa rédaction initiale, il prévoyait que celle-ci consiste à autoriser et à accompagner la mise d’une substance létale à disposition une personne qui en a exprimé la demande, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est physiquement pas en mesure d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne. L’Assemblée nationale a ensuite écarté, lors de l’examen en séance publique, la possibilité que l’administration soit effectuée par un tiers qui ne soit pas un professionnel de santé, en réservant cette faculté à un médecin ou à un infirmier.

L’article 3, issu de l’article 5 bis introduit dans le projet de loi par la commission spéciale en 2024, précise que le droit d’avoir « une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance », reconnu par le code de la santé publique, comprend celui d’accéder à l’aide à mourir définie par l’article précédent.

L’article 4, issu de l’article 6 du projet de loi, définit les conditions d’accès à cette aide. Le projet de loi prévoyait que seraient éligibles à celle-ci les personnes âgées d’au moins dix-huit ans, de nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France, capables de manifester leur volonté de façon libre et éclairée, atteintes d’une affection grave et incurable engageant leur pronostic vital à court ou moyen terme et présentant une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection qui serait soit réfractaire aux traitements, soit insupportable en l’absence de traitements ou en cas d’arrêt de ces derniers.

Ces conditions ont été modifiées en deux points par la commission spéciale. Elle est revenue sur la condition d’une « affection grave et incurable engageant le pronostic vital à court ou moyen terme », remplacée par la condition d’une « affection grave et incurable en phase avancée ou terminale ». Elle a également précisé que la personne doit présenter « une souffrance physique accompagnée éventuellement d’une souffrance psychologique » liée à cette affection.

L’Assemblée nationale a ensuite rétabli en séance publique la notion d’engagement du pronostic vital, sans condition tenant à la temporalité dans laquelle l’affection est susceptible d’entraîner la mort, en écartant de ce fait les notions de « court » et de « moyen terme ». Elle a aussi rétabli la formulation initiale de la condition tenant à la souffrance physique ou psychologique liée à cette affection.


  1.   Le droit en vigueur
    1.   les lois sur la fin de vie

En l’état du droit, aucune disposition ne permet d’aider une personne atteinte d’une maladie grave et incurable à mourir. En revanche, le législateur a progressivement affirmé l’exigence de prendre en considération les choix des malades en fin de vie dans le but de respecter leur autonomie.

 La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », a été la première à affirmer le principe d’autonomie du patient et de respect de sa dignité ([9]). De ces principes ont découlé la possibilité pour une personne malade, consciente et en capacité d’exprimer sa volonté de manière libre et éclairée, de refuser une investigation ou un traitement, même si ce refus est susceptible de mettre sa vie en danger ([10]). Par ailleurs, elle peut désigner une personne de confiance pouvant être un parent, un proche ou son médecin traitant, afin que cette personne soit consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin ([11]).

 La loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « loi Leonetti », a créé les directives anticipées. Dans ce document, toute personne peut formuler par avance ses souhaits quant aux actions qui devraient être mises en œuvre dans l’hypothèse où elle ne serait plus en mesure d’exprimer sa volonté. La même loi a également interdit l’obstination déraisonnable dans le traitement des malades et la dispensation de soins lorsque ces actes « apparaissent inutiles, disproportionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » ([12]).

De cette interdiction de l’obstination déraisonnable découle la lutte contre « l’acharnement thérapeutique » en permettant de limiter ou d’arrêter un traitement. Cette limitation ou cet arrêt peuvent être mis en œuvre à la demande de la personne malade si elle est en état de manifester sa volonté ou, si elle est inconsciente, sur la décision du médecin prise à l’issue d’une procédure collégiale dans laquelle il est tenu compte des directives anticipées ou des vœux exprimés auprès d’une personne de confiance ou de proches. La loi Leonetti a aussi prévu que « si le médecin constate qu’il ne peut soulager la souffrance d’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qu’en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger sa vie, il doit en informer le malade, [...] la personne de confiance [...], la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical » ([13]). Le respect de la volonté du malade, la préservation de sa dignité et la recherche de l’apaisement des souffrances sont désormais au cœur des dispositifs d’accompagnement de la fin de vie.

Cette loi a ainsi affirmé le principe du respect de la dignité des personnes en fin de vie.

 La loi n° 2016-87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « loi Claeys-Leonetti », a instauré un droit à la « sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès associée à une analgésie et à l’arrêt des traitements de maintien en vie » ([14]).

La sédation profonde et continue jusqu’au décès tend à « diminuer ou [à] faire disparaître la perception d’une situation vécue comme insupportable par le patient, alors que tous les moyens disponibles et adaptés à sa situation ont pu lui être proposés et/ou mis en œuvre sans permettre d’obtenir le soulagement escompté. Dans ce cadre, ce n’est pas la sédation qui conduit au décès mais l’évolution naturelle de la maladie, la sédation permettant seulement que le décès intervienne sans souffrance pour la personne » ([15]).

Un patient capable d’exprimer sa volonté peut demander la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue dans deux situations :

– lorsqu’il est atteint d’une affection grave et incurable, que son pronostic vital est engagé à court terme et qu’il présente une souffrance réfractaire aux traitements ;

– lorsqu’il est atteint d’une affection grave et incurable et qu’il décide d’arrêter ses traitements, ce qui engage son pronostic vital à court terme et peut entraîner une souffrance insupportable.

La loi prévoit donc trois conditions pour que le patient puisse demander à être placé sous sédation profonde et continue jusqu’à son décès :

– l’existence d’une affection grave et incurable ;

– l’engagement du pronostic vital à court terme, ce qui correspond à un horizon de temps allant de quelques heures à quelques jours suivant la définition de la Haute Autorité de santé ([16]) ;

– selon les cas, l’existence d’une souffrance réfractaire aux traitements ou le risque que l’arrêt des traitements entraîne une souffrance insupportable.

L’équipe soignante s’assure du respect de ces conditions dans le cadre d’une procédure collégiale préalable à la mise en œuvre de la sédation profonde et continue.

Les patients qui ne sont pas en mesure d’exprimer leur volonté peuvent également être placés sous sédation profonde et continue au titre du refus de l’obstination déraisonnable. La procédure collégiale doit dans ce cas permettre de connaître la volonté du patient en consultant ses directives anticipées et, à défaut, sa personne de confiance, sa famille ou ses proches ([17]). Les directives anticipées du patient s’imposent au médecin sauf en cas d’urgence vitale « pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation » ou lorsque ces directives sont « manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale » du patient. La décision de mettre en œuvre la sédation profonde et continue revient finalement au médecin.

Le faible recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès

Apport majeur de la loi Claeys-Leonetti, la sédation profonde et continue jusqu’au décès, qui doit permettre de « dormir avant de mourir pour ne pas souffrir » selon les mots de M. Jean Leonetti, est rarement pratiquée. Bien que difficilement quantifiable en l’absence de données chiffrées consolidées, ce constat, largement partagé par les acteurs du secteur, peut s’expliquer notamment par les facteurs suivants :

– la crainte des professionnels de santé de donner la mort ;

– la difficulté d’identifier le moment opportun pour débuter la sédation, qui n’est possible que lorsque le pronostic vital est engagé « à court terme » ;

– la difficulté de mettre en œuvre une sédation profonde et continue, qui implique une surveillance prolongée du patient, au domicile de ce dernier ou dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ;

– le risque que le patient montre des signes de réveil malgré une dégradation de son état physique, en lien avec un possible arrêt de l’alimentation et de l’hydratation, du fait de l’accoutumance de l’organisme au traitement (tachyphylaxie), et que la sédation dure plus longtemps que prévu ;

– les incertitudes autour du ressenti du patient et de la persistance ou non de douleurs physiques et/ou psychiques.

Sources : Assemblée nationale, commission des affaires sociales, rapport (n° 1021) en conclusion des travaux de la mission d’évaluation de la loi n° 2016‑87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (M. Olivier Falorni, président ; Mme Caroline Fiat et M. Didier Martin, rapporteurs), 29 mars 2023 ; étude d’impact jointe au projet de loi n° 2462 précité.

D’après le rapport de la mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti remis à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, si cette loi a permis « un indéniable progrès », le cadre législatif en vigueur reste pourtant peu appliqué ([18]).

Le cadre constitutionnel et conventionnel

Le cadre constitutionnel actuel ne comporte pas de dispositions explicites relatives à la fin de vie ou à l’aide à mourir.

Bien qu’il y ait été invité à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel n’a jamais consacré de droit à la vie. Il a préféré se fonder sur le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation, principe à valeur constitutionnelle qu’il a tiré du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ([19]).

Deux décisions méritent d’être signalées :

– la décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, dans laquelle le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions législatives autorisant l’arrêt des traitements d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté ne portent pas atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ni à la liberté personnelle ;

– la décision n° 2022-1022 QPC du 10 novembre 2022, par laquelle il a jugé conformes à la Constitution les dispositions relatives au refus du médecin d’appliquer des directives anticipées manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale du patient.

Dans ces deux décisions, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il appartient « au législateur, compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, notamment en matière médicale, de déterminer les conditions dans lesquelles la poursuite ou l’arrêt des traitements d’une personne en fin de vie peuvent être décidés ». Il a également affirmé que le contrôle de constitutionnalité des dispositions législatives prises à cette fin doit tenir compte du large pouvoir général d’appréciation du législateur dans ces matières.

Par conséquent, la Constitution ne fait pas obstacle à ce que le législateur prévoit un dispositif d’aide à mourir, sous réserve que sa mise en œuvre soit entourée de garanties.

L’introduction d’un tel dispositif est également conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (Convention EDH), comme l’a rappelé récemment la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans son arrêt Mortier c. Belgique de 2022, en soulignant que l’article 2 de la Convention, qui protège le droit à la vie, ne saurait être interprété comme interdisant en soi la dépénalisation conditionnelle de l’euthanasie ou comme impliquant à l’inverse un droit à mourir.

Source : étude d’impact du projet de loi n° 2462 précité, p. 80-82.

  1.   les limites du droit en vigueur

● La mission d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti concluait en mars 2023 que « le cadre législatif actuel n’apporte pas de réponses à toutes les situations de fin de vie, en particulier lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme » ([20]).

 Dans son avis n° 139 du 13 septembre 2022 concernant la fin de vie, qui a significativement inspiré le projet de loi déposé en 2024, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) s’est prononcé en faveur de l’ouverture d’une aide active à mourir et considéré qu’il « existe une voie pour une application éthique de l’aide active à mourir » dans certaines conditions très précises ([21]).

Dans cet avis, le CCNE relève que « le cadre juridique actuel est satisfaisant lorsqu’un pronostic vital est engagé à court terme, offrant des dispositifs respectueux de la dignité des personnes atteintes de maladies graves et évoluées. C’est le cas, par exemple, des situations de personnes atteintes d’un cancer lorsque le pronostic vital est engagé à court terme. L’arrêt des thérapeutiques jugées déraisonnables, la poursuite des soins palliatifs et la possibilité de recours à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, permettent en général une fin de vie relativement sereine et paisible » ([22]). Le CCNE rappelle que la notion de « pronostic vital engagé à court terme » correspond à une période allant de quelques heures à quelques jours, suivant la définition qu’en donne la Haute Autorité de santé.

Néanmoins, le CCNE nuance ce constat. « Une prise en charge palliative de qualité ne conduit pas toujours à l’effacement du désir de mourir : une récente étude conduite ([23]) sur la base de plus de 2 000 dossiers médicaux de patients admis en service de soins palliatifs, fait état de 9 % de patients exprimant un souhait de mourir et 3 % une demande d’euthanasie. Certaines personnes souffrant de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances réfractaires, dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, mais à moyen terme, ne rencontrent pas de solution à leur détresse dans le champ des dispositions législatives. Il en va de même des situations de dépendance à des traitements vitaux dont l’arrêt, décidé par la personne lorsqu’elle est consciente, sans altération de ses fonctions cognitives, n’entraîne pas un décès à court terme ». Il ajoute que ces situations soulèvent de « graves questions éthiques » particulièrement lorsque le pronostic vital est engagé à moyen terme, notion qui « pourrait être entendue, à l’instar de certaines législations étrangères, comme couvrant une période de quelques semaines ou quelques mois » ([24]).

Eu égard aux limites inhérentes à la sédation profonde et continue, telles que le risque de réveil associé à une dégradation de la situation du patient lorsque le décès n’intervient pas à court terme, le CCNE souligne que l’aide active à mourir « pourrait s’adresser aux personnes souffrant de maladies graves et incurables, provoquant des souffrances réfractaires, dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme, mais à moyen terme. Un certain nombre de législations étrangères ont ainsi ouvert la voie d’une aide active à mourir pour les personnes dont le pronostic vital est engagé à un horizon de quelques mois » ([25]).

Il fait alors référence, s’agissant de l’assistance au suicide, aux « États américains de l’Oregon, de Washington, du Vermont, de Californie, du Colorado, du New Jersey, qui ont adopté des législations fixant à six mois l’horizon du pronostic vital à l’intérieur duquel une assistance au suicide est légale ». S’agissant de l’euthanasie et de l’assistance au suicide, le CCNE se réfère à « certains États d’Australie [qui] ont également retenu cet horizon de six mois qui peut être porté à douze mois en cas de pathologie neurodégénérative (exemples de l’État de Victoria, d’Australie occidentale, d’Australie du Sud et de Tasmanie). Dans l’État australien du Queensland, cet horizon est uniformément de douze mois tandis qu’il est de six mois en Nouvelle-Zélande » ([26]).

● Dans son rapport de mai 2023 intitulé « Fin de vie : faire évoluer la loi ? », le Conseil économique, social et environnemental préconise « une modification de la loi pour affirmer qu’en fin de vie, le droit à l’accompagnement est ouvert jusqu’à l’aide active à mourir » ([27]). Il rappelle en outre que « l’approche de la mort et de la fin de vie ont évolué car, depuis quarante ans, la médicalisation a permis d’allonger la durée moyenne des maladies » et qu’il est nécessaire de « rappeler aujourd’hui ce qu’est une société solidaire, inclusive et émancipatrice » ([28]).

● Enfin, le rapport final de la Convention citoyenne sur la fin de vie du 2 avril 2023 indique « qu’au terme de débats nourris et respectueux, la Convention citoyenne s’est positionnée majoritairement en faveur d’une ouverture de l’aide active à mourir pour les raisons suivantes : respecter la liberté de choix de chacun ; combler les insuffisances du cadre d’accompagnement actuel (notamment la sédation profonde et continue) ; mettre fin aux situations ambiguës constatées » ([29]). 76 % des 184 conventionnels se sont positionnés en faveur de l’ouverture de l’aide active à mourir.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions du projet de loi de 2024

Le titre II du projet de loi déposé en 2024 – dont les dispositions ont été modifiées par la commission spéciale et, pour certaines d’entre elles, par l’Assemblée nationale en séance publique – visait à répondre aux limites du cadre légal actuel sur la fin de vie en ouvrant l’accès à une aide à mourir. Ce faisant, il renforçait les droits des malades consacrés dans le code de la santé publique : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté » ([30]). Cependant, la plupart de ses dispositions (articles 5 à 17) ne faisait pas l’objet d’une codification malgré la recommandation du Conseil d’État en ce sens ([31]).

  1.   Définition de l’aide à mourir
    1.   Le « modèle français » de l’aide à mourir

L’article 5 du projet de loi de 2024, dont les dispositions sont reprises à l’article 2 de la présente proposition de loi, donne la définition de l’aide à mourir. Celle-ci était initialement définie comme le fait « [d’] autoriser et [d’] accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d’une substance létale [...] afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne ».

Cette définition de l’aide à mourir, largement reprise dans la présente proposition de loi moyennant les modifications décrites plus bas, tendait à placer le patient au centre du dispositif dans la mesure où il lui reviendrait en principe d’accomplir le dernier geste qui conduirait à sa mort. Seules les personnes ne pouvant physiquement procéder elles-mêmes à l’injection pourraient demander l’intervention d’un médecin, d’un infirmier ou d’une « personne volontaire » pour l’administration de la substance létale, cette dernière possibilité ayant finalement été écartée lors de l’examen du projet de loi en séance publique.

Cette définition de l’aide à mourir appelle plusieurs observations.

● S’agissant de la notion d’« aide à mourir », le choix a été fait d’employer un terme « simple et humain », suivant l’expression du président de la République ([32]). Cette terminologie, qui n’a pas appelé d’« objection » du Conseil d’État ([33]), rappelle celle utilisée par le CCNE dans son avis n° 139 précité, dans lequel était évoquée une « aide active à mourir ». La notion retenue dans le projet de loi ne comprenait cependant plus l’adjectif « actif » dont l’emploi impliquerait qu’il existe une « aide passive à mourir », expression associée à la sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Le concept d’« aide à mourir » met en exergue la dimension fraternelle d’une loi « qui concilie l’autonomie de l’individu et la solidarité de la nation » ([34]). Il permet en outre de couvrir les deux modalités de mise en œuvre du dispositif prévu à l’article 5 du projet de loi, et désormais à l’article 2 de la proposition de loi, en évitant de recourir à des notions qui seraient peu pertinentes au regard de l’esprit de ces deux textes. L’aide à mourir ne peut en effet être réduite ni à un suicide assisté car le malade doit remplir des conditions strictes et être accompagné jusqu’au dernier moment ni à une euthanasie, dans la mesure où il reviendra au malade de s’administrer la substance létale s’il en est physiquement capable ([35]). Dans les deux hypothèses, la volonté libre, éclairée et répétée du malade, sera indispensable à ce dernier geste.

De surcroît, la notion d’« aide à mourir » témoigne de la singularité du modèle proposé. Elle permet de se distinguer de la législation en vigueur dans différents pays. L’étude d’impact jointe au projet de loi soulignait que « les différents schémas d’aide à mourir existant en Europe et dans le monde ont fait l’objet d’un examen visant à déterminer s’ils pouvaient constituer des modèles applicables, puis ont été progressivement écartés. Le modèle belge n’a tout d’abord pas été privilégié, dans la mesure où il fait peser une grande responsabilité sur les soignants et intègre une ouverture de l’aide à mourir aux mineurs. Le modèle suisse n’a par ailleurs pas été envisagé car, s’il permet de responsabiliser les patients éligibles et de les laisser libres de leur choix ultimement, il ne couvre pas les situations dans lesquelles la personne n’a pas la capacité physique de s’auto-administrer le produit létal. Ainsi, aucun de ces modèles n’a finalement été retenu, en l’absence d’une conformité absolue avec la philosophie et les principes français devant encadrer la fin de vie et d’un manque de prise en compte de la réalité des situations vécues identifiées dans les limites du cadre existant » ([36]).

 Plusieurs notions mentionnées à l’article 5 du projet de loi, puis à l’article 2 de la proposition de loi, n’y sont pas définies.

Il en va ainsi des modalités d’expression de la demande de bénéficier de l’aide à mourir, laquelle, en l’état de la rédaction de l’article 2, pourrait être formulée oralement ou par écrit.

De manière analogue, les modalités d’« administration de la substance létale » ne sont pas décrites. Si le chapitre III du présent texte, qui correspond au chapitre III du titre II du projet de loi, précise les conditions de la prescription de la préparation magistrale létale ainsi que celles de son élaboration et de sa délivrance au médecin ou à l’infirmier qui accompagne le malade, la nature et le mode d’administration de la substance ne sont pas évoqués. D’après l’étude d’impact jointe au projet de loi, l’administration se ferait en principe par voie orale, par l’ingestion d’une solution liquide ou de pilules. Toutefois, la substance létale pourrait également être injectée ([37]).

En outre, la notion de « personne volontaire », supprimée lors de l’examen en séance publique après avoir fait l’objet de discussions nourries lors des auditions de la commission spéciale, a suscité de nombreuses interrogations. En l’absence de précision quant à l’identité de celle-ci, il aurait pu s’agir de toute personne, majeure ou mineure, qui aurait accepté la demande du malade, qu’elle ait été ou non un de ses proches. Cette possibilité tendait à accroître l’effectivité de l’accès à l’aide à mourir, tout en protégeant sur le plan pénal la personne volontaire qui aurait pu, en accord avec le médecin ou l’infirmier, procéder à l’administration de la substance létale vue par certains comme « un dernier geste d’amour ».

  1.   La protection pénale de la personne administrant la substance létale

● La rédaction du premier alinéa de l’article 5 du projet de loi – reprise au sixième alinéa de l’article 2 du présent texte moyennant une modification présentée infra – précise que « l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d’une substance létale [...] ». Elle vise ainsi à empêcher la mise en cause de la responsabilité pénale des personnes accomplissant les actes entrant dans le champ de l’aide à mourir. Cette disposition protège ainsi les professionnels qui interviennent dans la procédure, depuis l’autorisation donnée par le médecin jusqu’à l’administration de la substance létale en passant par sa préparation et sa mise à disposition respectivement par la pharmacie à usage intérieur et la pharmacie d’officine.

Aux termes du septième alinéa du présent article, issu du deuxième alinéa de l’article 5 du projet de loi, l’aide à mourir constituerait un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal, qui prévoit que « n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ».

Ledit article 122‑4 du code pénal prévoit en effet une dérogation à l’interdit de tuer, défini à l’article 221‑1 du même code ([38]) ainsi que dans les codes de déontologie des médecins et des infirmiers, aux termes desquels ces professionnels n’ont « pas le droit de provoquer délibérément la mort » ([39]).

L’entrée en vigueur du présent texte impliquera de faire évoluer ces dernières dispositions, qui relèvent du niveau réglementaire, pour introduire une exception à cette interdiction dans le cas où un médecin ou un infirmier met en œuvre l’aide à mourir à la demande d’un malade qui ne peut s’administrer lui-même la substance létale.

● Le Conseil d’État avait estimé que, sous réserve de plusieurs observations prises en compte par le Gouvernement avant sa transmission à l’Assemblée nationale, « le projet de loi [décrivait] de manière suffisamment claire, détaillée et précise les actes autorisés et leurs conditions de réalisation ainsi que les différentes étapes de la procédure et qu’il [satisfaisait], par conséquent, aux exigences qui découlent du principe de légalité des délits et des peines », condition indispensable pour que l’aide à mourir puisse constituer une cause d’irresponsabilité pénale au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ([40]). Il soulignait cependant qu’il « ne [pourrait] être exclu que des manquements dans la mise en œuvre de la procédure prévue pour l’accès à l’aide à mourir puissent donner lieu à des poursuites, notamment pour le délit d’homicide involontaire, dans les conditions et selon les distinctions prévues par l’article 2216 du code pénal ».

  1.   Les conditions d’accès à l’aide à mourir

Très largement inspiré de l’avis n° 139 du CCNE, l’article 6 du projet de loi, dont les dispositions sont reprises à l’article 4 du présent texte dans une rédaction modifiée, exigeait que cinq conditions cumulatives fussent réunies pour obtenir l’aide à mourir. Comme le soulignait le Conseil d’État, « les conditions d’accès à l’aide à mourir sont strictement encadrées par le projet de loi » ([41]), cette exigence ayant été préservée au cours de l’examen du texte, même si la formulation de la troisième et de la quatrième des conditions présentées ci-dessous a évolué à la faveur des débats.

  1.   La personne doit « être âgée d’au moins 18 ans »

Cette condition, qui n’a pas été modifiée au cours des débats, exclut du dispositif l’ensemble des mineurs, y compris les mineurs émancipés ([42]). L’étude d’impact du projet de loi indiquait que le choix de ne pas ouvrir l’aide à mourir aux mineurs répondait à des raisons :

– scientifiques, car « les traitements actuels sont de plus en plus prometteurs pour les affections chez de jeunes personnes » ;

– éthiques, car « le mineur n’est pas toujours capable de discernement et le rôle des parents, titulaires de l’autorité parentale, peut être discutable dans cette prise de décision du fait de leur rôle dans la protection de la santé de l’enfant » ([43]).

À l’inverse, l’ensemble des majeurs, y compris les majeurs protégés, peuvent, sous réserve de respecter les autres conditions édictées par le projet de loi, demander l’aide à mourir.

  1.   La personne doit « être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France »

La condition de nationalité française ou de résidence stable et régulière est justifiée par la couverture des frais associés à l’aide à mourir par l’assurance maladie, prévue à l’article 18 du présent texte issu de l’article 19 du projet de loi.

Les citoyens étrangers pourront demander à bénéficier d’une aide à mourir sous réserve qu’ils résident en France « de façon stable et régulière ». Cette expression est notamment utilisée à l’article L. 111‑1 du code de la sécurité sociale, dont le deuxième alinéa définit le champ d’application de la protection sociale obligatoire ([44]). Le respect de ces deux critères doit faire l’objet d’une vérification par le médecin sur la base de pièces justificatives dont la liste sera précisée par voie réglementaire et qui seront versées dans le système d’information prévu par l’article 11 du présent texte ([45]).

  1.   La personne doit être atteinte d’une « affection grave et incurable engageant le pronostic vital à court ou moyen terme »

Dans sa formulation initiale, cette condition reposait sur le respect de trois critères cumulatifs : la personne doit présenter une affection à la fois grave (i) et incurable (ii), qui engage son pronostic vital à court ou moyen terme (iii).

● Pour accéder à l’aide à mourir, la personne doit d’abord être atteinte d’une maladie « grave et incurable ».

Cette condition s’inscrit dans la continuité de celles exigées pour la mise en œuvre de la sédation profonde et continue jusqu’au décès prévue par la loi Claeys‑Leonetti. La personne doit être atteinte d’une maladie qui engage son pronostic vital – donc grave – et qui ne peut être guérie – donc incurable. Comme le soulignait l’étude d’impact jointe au projet de loi, l’emploi combiné de ces deux adjectifs est déterminant car, d’une part, la gravité de la maladie ne présume pas à elle-seule des chances de guérison – comme le montre l’exemple du cancer – et, d’autre part, toute affection incurable n’engage pas le pronostic vital – comme le rappelle le cas de l’arthrose.

● Suivant la rédaction initiale de l’article, la personne devait en outre voir « son pronostic vital engagé à court ou moyen terme ».

La condition d’engagement du pronostic vital à moyen terme visait notamment à ouvrir l’accès à l’aide à mourir aux personnes privées d’espoir de guérison et qui, bien qu’elles souffrent, ne peuvent pas être placées sous sédation profonde et continue jusqu’au décès en application du droit existant.

La temporalité à laquelle se référent les notions de court et de moyen terme n’était cependant pas définie à l’article 5 du projet de loi, ce que n’avait pas manqué de relever un très grand nombre de personnes entendues par la commission spéciale, lesquelles s’interrogeaient notamment quant à la signification du moyen terme. Le Gouvernement admettait d’ailleurs que « l’engagement du pronostic vital à moyen terme ne peut pas être défini de manière juridique, mais implique une échelle de prédictibilité du décès qui est connue par le corps médical, ce qui est plus susceptible de limiter les dérives tout en incluant des personnes exclues des dispositifs actuels » puisque seules les personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme peuvent accéder à une sédation profonde et continue jusqu’au décès ([46]).

Néanmoins, l’étude d’impact du projet de loi, qui s’appuyait sur les travaux précédents de la HAS portant sur la sédation profonde et continue, précisait que « le moyen terme se compte en semaines ou mois et correspond à une période pour laquelle l’évaluation de ce diagnostic a pu être réalisée par les professionnels de santé » ([47]). Le long terme renverrait à un horizon de plusieurs années ([48]). Dans cette optique, une personne atteinte d’une maladie neurodégénérative comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA) – ou maladie de Charcot –, affection souvent citée au cours des débats, ne pourrait pas nécessairement accéder à l’aide à mourir, en particulier au début de la maladie, dès lors que le médecin estime qu’il lui reste plusieurs années à vivre.

Le Conseil d’État partage cette analyse. Le moyen terme ne peut selon lui être entendu « que dans le sens employé par la pratique médicale, pour laquelle [il] correspond à un horizon temporel qui n’excède pas douze mois. Il observe que les modalités d’appréciation de l’horizon de “moyen terme” pourront être utilement éclairées, selon les pathologies en cause, par des recommandations formulées par la Haute Autorité de santé » ([49]).

Professeure émérite de droit public à l’Université Panthéon-Assas, Mme Martine Lombard a souligné les enjeux médicaux et judiciaires associés au maintien de la condition du pronostic vital engagé à moyen terme, aussi bien pour les médecins que pour les malades et leurs proches : « Poser une telle condition serait faire peser une épée de Damoclès d’abord sur le malade, à qui un médecin risquerait d’opposer un refus au motif qu’il ne pourrait pas s’engager clairement sur un tel terrain, mais aussi sur les médecins, puisque des tiers, en pratique des proches du malade ayant été aidé à mourir, pourraient contester l’appréciation des médecins sur une telle condition de pronostic vital engagé à moyen terme, et cela en saisissant un juge pénal pour homicide (au motif que la dépénalisation de l’aide à mourir prévue au second alinéa de l’article 5 [du projet de loi initial] ne s’appliquerait alors pas, faute précisément, selon les plaignants, que la condition de pronostic vital engagé à moyen terme du 3° de l’article 6 [du même projet de loi] ait été remplie) » ([50]).

Il convient de relever que le choix de cette condition a pu être inspiré par le cadre législatif en vigueur en Oregon, où le pronostic vital du malade doit être engagé dans un horizon de temps de six mois au plus, ainsi que dans d’autres États américains et dans certains des États australiens. Toutefois, les législations néerlandaise et espagnole ne prévoient pas de condition temporelle relative à l’engagement du pronostic vital, de même que la législation belge – qui définit cependant une telle condition dans le cas des mineurs. Enfin, la quasi-totalité des professionnels de santé, notamment les médecins, qu’ils soient favorables ou opposés au projet de loi, ont clairement exprimé l’impossibilité d’établir un pronostic vital de manière fiable et précise au-delà de quelques heures ou de quelques jours.

  1.   La personne doit présenter « une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements »

Cette condition, dont la formulation a été précisée au cours de l’examen du projet de loi, repose sur la réunion de deux critères.

● D’une part, la personne atteinte d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme devra présenter une souffrance physique ou psychologique nécessairement liée à cette affection. Cette précision constitue une garantie afin d’exclure les souffrances liées à des troubles exclusivement psychiques ou psychologiques qui n’auraient pas de lien direct avec la pathologie qui engage le pronostic vital de la personne.

Ainsi que l’a fait remarquer le Conseil d’État, « une personne faisant état de souffrances psychologiques insupportables liées à l’annonce d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à l’horizon de quelques mois, ce qui n’est pas rare à l’annonce d’un tel diagnostic, pourra remplir cette condition alors qu’elle ne subit pas encore de souffrances physiques et qu’elle aura refusé un traitement de nature à soulager ses souffrances présentes et à venir » ([51]).

● D’autre part, suivant la rédaction initiale de l’article, la souffrance ressentie devait être soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements.

Suivant la Haute Autorité de santé, une souffrance est qualifiée de réfractaire lorsque « tous les moyens thérapeutiques et d’accompagnement disponibles et adaptés ont été proposés et/ou mis en œuvre : sans amélioration de la situation du patient ; ou qu’ils entraînent des effets indésirables inacceptables ; ou que leurs effets thérapeutiques ne sont pas susceptibles d’agir dans un délai acceptable pour le patient ». La HAS rappelle également que « le patient est le seul à pouvoir apprécier le caractère insupportable de sa souffrance, des effets indésirables ou du délai d’action du traitement » ([52]).

  1.   La personne doit être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée »

Bien que cette condition figure en dernière position, elle n’en est pas moins essentielle.

 Elle implique que la personne qui demande une aide à mourir prenne sa décision sans pression extérieure, en toute connaissance de cause, c’est-à-dire en ayant conscience de la portée et des conséquences de son choix.

C’est la raison pour laquelle l’article 8 du projet de loi, correspondant à l’article 6 de la présente proposition de loi, indique expressément que les personnes qui, outre une maladie grave et incurable, souffrent d’une maladie qui altère gravement leur discernement lorsqu’elles demandent à bénéficier de l’aide à mourir ne peuvent être regardées comme manifestant une volonté libre et éclairée. De fait, cette condition exclut les personnes atteintes de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, à l’image de la maladie d’Alzheimer, ce que le président de la République avait déjà eu l’occasion de préciser ([53]).

Le recours à la notion de volonté permet d’exprimer le caractère central de la décision de la personne dans le processus d’aide à mourir, qui ne doit pas être subi par la personne malade ni imposé par les professionnels de santé. La notion de « volonté libre et éclairée » a été préférée à celle de « discernement », qui peut être considérée équivalente mais qui est surtout utilisée dans le domaine de la responsabilité civile et pénale. Elle fait également référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui exige que la décision du patient de demander qu’il soit mis fin à ses jours soit prise librement et en toute connaissance de cause ([54]). Il convient enfin de rappeler que l’expression « libre et éclairé » est déjà utilisée dans le code de la santé publique lorsque le consentement du malade doit être recherché par les professionnels de santé avant de pratiquer un acte médical ou un traitement ([55]).

● Le titre II du projet de loi, puis la proposition de loi relative à la fin de vie, ont prévu que la volonté du malade soit réitérée au moins deux fois :

– à l’issue du délai de réflexion d’une durée minimale de deux jours lorsque le médecin s’est prononcé en faveur de la demande d’aide à mourir (premier alinéa du IV de l’article 8, repris à l’article 6 de la proposition de loi) ;

– avant l’administration de la substance létale (article 11, repris à l’article 9 de la proposition de loi).

En outre, le caractère libre et éclairé de la demande doit être vérifié dans deux hypothèses :

– en l’absence de confirmation de la demande dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision du médecin (deuxième alinéa du IV de l’article 8, correspondant à l’article 6 de la proposition de loi) ;

– si la date retenue pour précéder à l’administration de la substance létale est postérieure à un délai de trois mois à compter de la notification (article 9 du projet de loi, repris à l’article 6 de la proposition de loi).

Les modalités selon lesquelles la volonté de la personne doit être manifestée n’étant pas définies, le malade pourrait, en l’état, procéder par écrit ou par oral.

 Il convient enfin de souligner que le dispositif proposé exclut que la volonté des malades puisse être uniquement exprimée à un instant déterminé, dans leurs directives anticipées par exemple, dès lors qu’ils doivent être en mesure de manifester leur volonté – ou de se rétracter – jusqu’au dernier moment. Par voie de conséquence, ni la rédaction initiale du projet de loi, ni le texte résultant des délibérations de l’Assemblée nationale ne permettent à des patients devenus inconscients ou du moins hors d’état d’exprimer leur volonté, du fait d’un accident ou d’une dégradation brutale de leur situation, de se voir administrer une substance létale, quand bien même ils auraient réuni l’ensemble des conditions formulées à l’article 4 de la présente proposition de loi. Là encore, cette impossibilité constituerait une spécificité au regard des lois belge, néerlandaise et espagnole qui autorisent au contraire l’administration d’une substance létale à des personnes se trouvant dans de telles situations.

L’aide à mourir dans les législations étrangères

Pays

Conditions d’accès

Belgique

– La loi du 28 mai 2002 relative à l’euthanasie dépénalise l’euthanasie et donne le cadre dans lequel le médecin peut la pratiquer. Le suicide assisté n’est pas dépénalisé dans la loi mais est une pratique tolérée dans les mêmes conditions que l’euthanasie avec un médecin présent lors de l’auto-administration de la substance.

– Le patient doit être capable de discernement.

S’il est inconscient et dans une situation irréversible, il peut bénéficier de l’euthanasie s’il a rédigé une déclaration anticipée (d’une durée indéterminée) contenant la demande.

– Le patient doit exprimer sa demande de manière volontaire, réfléchie et répétée par écrit.

– Le patient doit être dans une situation médicale sans issue, grave et incurable.

– Le patient doit faire état de souffrance physique ou psychique constante, insupportable et qui ne peut être apaisée du fait de la situation médicale.

– La loi ne précise pas à quel terme le pronostic vital doit être engagé.

– Les mineurs ont le droit à ce dispositif aux mêmes conditions, hormis le critère de la souffrance psychique qui n’est pas admis pour eux, et le critère du pronostic vital qui doit être engagé à brève échéance pour les mineurs.

Espagne

– La loi du 24 mars 2021 réglementant l’euthanasie autorise l’euthanasie et le suicide assisté en les rassemblant sous un même terme « euthanasie ». Cette loi ouvre un droit à toute personne de solliciter et recevoir une « aide au décès ».

– Le patient doit avoir la nationalité espagnole ou résider sur le territoire depuis au moins 12 mois et être âgé de 18 ans ou plus.

– Le patient doit être capable de discernement : il doit être capable et conscient au moment de la demande.

Si le patient est considéré comme en incapacité de fait, il peut bénéficier du dispositif s’il a rédigé des directives anticipées en ce sens.

– Le patient doit formuler sa demande de manière autonome, authentique et libre, par écrit.

– Le patient doit être atteint d’une maladie grave et incurable ou être dans un état grave, chronique et invalidant.

– Le patient doit subir des souffrances physiques ou mentales constantes et insupportables du fait de sa situation médicale.

– La loi ne précise pas à quel terme le pronostic vital doit être engagé.

Oregon
(États-Unis) (1)

– Premier État américain à avoir légalisé, en 1997, le suicide assisté.

– Le patient doit habiter l’Oregon et avoir plus de 18 ans.

– Le patient doit être capable de discernement ; les patients souffrant d’une maladie psychique ou d’une dépression ne sont pas éligibles.

– Le patient doit habiter l’Oregon et avoir plus de 18 ans.

– Le patient doit avoir été diagnostiqué par le médecin responsable et un médecin consultant d’une maladie incurable en phase terminale (le pronostic vital doit être engagé dans un horizon de 6 mois).

– Le patient doit avoir exprimé volontairement son souhait de mourir par écrit.

(1) Depuis 1997, la Cour suprême des États-Unis considère que les États sont libres de légiférer localement sur le suicide assisté. À ce jour, onze États autorisent le suicide assisté, soit légalement, soit par jurisprudence.

Pays-Bas

– La loi du 12 avril 2001 autorise l’aide au suicide et l’interruption de la vie par un médecin sur demande.

– Le patient doit être âgé de 12 ans ou plus. Pour les mineurs âgés de 12 à 16 ans, le consentement des représentants légaux est nécessaire, et pour les mineurs de 16 à 18 ans, les parents ou représentants légaux doivent être associés à la prise de décision.

– Le patient doit être capable de discernement.

– Le patient doit exprimer sa demande de manière volontaire et mûrement réfléchie.

Les patients âgés de 16 ans ou plus peuvent bénéficier de l’aide active à mourir, même s’ils n’ont plus la capacité d’exprimer leur volonté, dès lors qu’ils ont rédigé une déclaration contenant une demande d’euthanasie lorsqu’ils étaient encore considérés comme capables de faire une évaluation raisonnable de leurs intérêts vis-à-vis de l’aide active à mourir.

– Le patient doit être atteint d’une maladie incurable.

– Le patient doit subir une souffrance physique ou psychique insupportable et sans perspective d’amélioration du fait de sa maladie.

– La loi ne précise pas à quel terme le pronostic vital doit être engagé.

Suisse (1)

– L’assistance au suicide dans un but altruiste ou désintéressé n’est pas interdite.

– Aucun critère de nationalité n’est requis.

– Le patient doit disposer d’une capacité de discernement.

– La volonté du patient doit être indépendante.

– Le patient doit endurer une souffrance insupportable due à des symptômes de la maladie et/ou à des limitations fonctionnelles.

– La fin de vie ne doit pas être nécessairement proche (depuis 2021).

– L’examen d’autres alternatives est obligatoire : options thérapeutiques, autres offres d’aides et de soutien.

(1) En Suisse, il revient à l’Académie des sciences médicales de définir les conditions médico-éthiques de l’assistance au suicide.

Source : étude d’impact, pp. 83-86.

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

Outre deux amendements codifiant les articles 5 et 6 du projet de loi ([56]) et des amendements rédactionnels de la rapporteure Laurence Maillart-Méhaignerie, la commission a adopté plusieurs amendements portant sur des aspects majeurs du projet de loi.

  1.   La mise en œuvre de l’aide à mourir

● À l’article 5, Mme Cécile Rilhac et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ont été à l’initiative d’une évolution de la définition de l’aide à mourir. Celle-ci consiste désormais à autoriser et à accompagner « une personne qui en a exprimé la demande à recourir à » une substance létale dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 6 à 11 du projet de loi, repris aux articles 4 à 9 de la proposition de loi ([57]). Cette nouvelle rédaction souligne que la personne qui demande à bénéficier de l’aide à mourir doit être accompagnée tout au long du processus, à la différence des procédures prévues dans d’autres pays – et singulièrement dans l’État américain de l’Oregon – où une personne peut se voir remettre une substance létale ingérable pour qu’elle se l’administre sans aucun accompagnement. Tant le Gouvernement que la rapporteure ont émis un avis défavorable au motif que la rédaction initiale de l’article 5 et la procédure prévue par le projet de loi offraient des garanties suffisantes en excluant que la personne puisse ne pas être accompagnée jusqu’à la fin du processus.

La commission a également adopté, suivant l’avis favorable du Gouvernement, un amendement de la rapporteure Laurence Maillart-Méhaignerie afin de mentionner que la « personne volontaire » pour administrer la substance létale doit être majeure et qu’elle « ne peut percevoir aucune rémunération ou gratification à quelque titre que ce soit en contrepartie de sa désignation » ([58]).

Un sous-amendement à l’amendement de la rapporteure, déposé par Mme Marie-Noëlle Battistel et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés et adopté après que la rapporteure et le Gouvernement s’en sont remis à la sagesse de la commission, a précisé que cette personne doit « se manifester » pour administrer la substance létale ([59]) – et non pas simplement « accepter de le faire ». Un autre sous-amendement de Mme Marie-Noëlle Battistel et des membres du groupe Socialistes et apparentés, adopté suivant l’avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, a ajouté que cette personne est accompagnée et assistée par le médecin ou par l’infirmier ([60]).

  1.   L’articulation de l’accès à l’aide à mourir avec le droit à une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance

● À l’initiative de Mme Marie-Noëlle Battistel et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés, la commission a adopté, avec un avis de sagesse de la rapporteure et du Gouvernement, un amendement portant article additionnel affirmant que le droit à « une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance », consacré à l’article L. 1110‑5 du code de la santé publique, « comprend celui de bénéficier de l’aide à mourir » (nouvel article 5 bis([61]). Les dispositions de l’article 5 bis du projet de loi, qui résultait de cet amendement, sont reprises à l’article 3 de la présente proposition de loi.

  1.   La modification des conditions d’accès à l’aide à mourir

● À l’article 6, la commission a modifié deux conditions d’ouverture de l’accès à l’aide à mourir.

En premier lieu, contre l’avis du Gouvernement, la condition de « l’affection grave et incurable engageant le pronostic vital à court ou moyen terme » a été remplacée par celle d’une « affection grave et incurable en phase avancée ou terminale » à la suite de l’adoption d’amendements identiques de M. Stéphane Delautrette et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés ainsi que de Mme Anne-Laurence Petel et plusieurs de ses collègues des groupes Renaissance et Démocrate (MoDem et Indépendants) ([62]).

D’après les exposés sommaires des deux amendements identiques précités, cette modification répondait à trois considérations principales :

– la difficulté, rappelée maintes fois, d’établir le délai d’engagement d’un pronostic vital ;

– le constat que, notamment dans le cas de maladies neurodégénératives, des souffrances physiques ou psychologiques, réfractaires ou insupportables, peuvent survenir dès que la maladie atteint un stade avancé, et même dans certains cas dès les stades précoces de l’affection ;

– le fait qu’un patient peut souhaiter, dès qu’il se trouve frappé d’une affection grave et incurable, ne pas connaître les affres de la maladie, même si son pronostic vital n’est pas directement engagé.

● En outre, la condition relative à l’existence d’une « souffrance physique ou psychologique liée à l’affection » a été remplacée par celle consistant en une « souffrance physique éventuellement accompagnée d’une souffrance psychologique » avec l’adoption d’un amendement de la présidente de la commission spéciale, Mme Agnès Firmin Le Bodo, recevant un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement ([63]). Lors des débats, la ministre du travail, de la santé et des solidarités a rappelé que le Gouvernement avait entendu « réserver l’aide à mourir aux patients dont la souffrance physique génère une souffrance psychologique à l’approche de la mort » ([64]), ce que la rédaction issue de cet amendement permettait. Le Conseil d’État avait lui-même relevé que « le projet de loi [prévoyait] que les souffrances [devaient] être liées à l’affection qui engage le pronostic vital, ce qui constitu[ait] une garantie dans le cas de personnes susceptibles d’être atteintes, par ailleurs, de maladies psychiatriques altérant ou abolissant, le cas échéant, leur discernement » ([65]).

  1.   Les modifications apportées en séance publique en 2024

● L’article 5 bis, devenu l’article 3 de la présente proposition de loi, a fait l’objet d’un amendement rédactionnel de la rapporteure Laurence Maillart-Méhaignerie ([66]).

  1.   La suppression de la possibilité de faire administrer la substance létale par une personne volontaire

● Plusieurs amendements à l’article 5 du projet de loi, devenu l’article 2 de la présente proposition de loi, ont été adoptés lors de l’examen du projet de loi en séance publique.

L’Assemblée nationale a d’abord supprimé la possibilité pour une tierce personne volontaire et désignée par la personne demandant l’aide à mourir de lui administrer la substance létale, en adoptant des amendements identiques de Mme Christelle Petex et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, de Mme Frédérique Meunier, M. Jean-François Rousset et M. Maxime Minot, de M. Laurent Panifous et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, de MM. Emmanuel Maquet et Thibault Bazin, de Mmes Béatrice Descamps et Nathalie Bassire et de Mme Danielle Brulebois ([67]).

Cet acte est désormais réservé aux médecins et aux infirmiers s’assurant du respect du protocole d’administration, afin de ne pas exposer de tierce personne aux éventuelles répercussions psychologiques liées à l’administration de la substance létale. Cet amendement supprime en conséquence la deuxième phrase de l’alinéa 6 du même article 5 du projet de loi précisant les conditions d’administration de la substance létale par la personne tierce.

  1.   Les conditions d’accès à l’aide à mourir

● Deux amendements identiques de Mme Maud Petit et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate et de M. Julien Odoul et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement national, adoptés suivant l’avis favorable de la commission après que le Gouvernement s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée nationale, ont précisé que les personnes qui souhaitent recourir à l’aide à mourir doivent remplir « toutes les conditions » prévues à l’article 6 du projet de loi, devenu l’article 4 de la présente proposition de loi, cette formulation explicitant leur caractère cumulatif qui se déduisait aussi de la rédaction initiale de l’alinéa ([68]).

Au même article, plusieurs modifications ont été apportées aux conditions régissant l’accès à l’aide à mourir.

En premier lieu, un amendement de Mme Géraldine Bannier et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate, adopté suivant l’avis favorable de la commission et du Gouvernement, a précisé que l’affection grave et incurable dont est atteinte la personne doit non seulement être en phase avancée ou terminale, mais aussi engager son pronostic vital ([69]). Tout en rétablissant cette notion dans le texte, l’Assemblée nationale n’a pas réintroduit la mention de la temporalité dans laquelle le décès du patient est susceptible d’intervenir.

En outre, la condition relative à l’existence d’une « souffrance physique accompagnée éventuellement d’une souffrance psychologique » a été remplacée par celle, issue du projet de loi initial, d’une « souffrance physique ou psychologique liée à cette affection » à la suite d’amendements identiques de M. Laurent Panifous et plusieurs de ses collègues du groupe LIOT, de Mme Sandrine Rousseau et plusieurs de ses collègues du groupe Écologistes – NUPES, de M. Benoît Bordat et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, de Mme Émeline K/Bidi et plusieurs de ses collègues du groupe Gauche démocrate et républicaine – NUPES et de M. Joël Giraud et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ([70]).

D’autre part, un amendement de M. Christophe Marion et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance a ajouté qu’il revient au patient d’apprécier le caractère insupportable de sa souffrance ([71]).

Enfin, un amendement de M. Pierre Dharréville ([72]) permet l’accès à l’aide à mourir pour la personne qui a « choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement » et non plus de celle « qui ne reçoit pas de traitement ou a choisi d’arrêter d’en recevoir », au motif que cette dernière rédaction aurait pu rendre possible l’accès à l’aide à mourir non seulement des malades qui auraient décidé d’arrêter de recevoir un traitement, mais également de ceux qui seraient privés de cette possibilité en raison de difficultés d’accès aux soins.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

Les articles 2, 3 et 4 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspondent respectivement aux articles 4, 4 bis et 5 du projet de loi dans leur rédaction résultant des délibérations de l’Assemblée nationale en séance publique.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

● La commission a adopté deux amendements à l’article 2 :

– contre l’avis de la rapporteure Brigitte Liso, l’amendement AS503 de M. Yannick Monnet et Mme Karine Lebon (membres du groupe Gauche démocrate et républicaine), qui fait mention d’un droit à l’aide à mourir. La rapporteure Brigitte Liso a souligné que, s’il est tout à fait clair que l’objet principal de la proposition de loi est de reconnaître un nouveau droit aux malades, tout en définissant ses conditions d’exercice, la modification proposée revêtait un caractère déclaratoire ;

– après que la rapporteure Brigitte Liso et le rapporteur général s’en sont remis à la sagesse de la commission, l’amendement AS676 de Mme Élise Leboucher et des membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire supprimant la restriction suivant laquelle l’administration de la substance létale par un tiers n’est possible qu’à condition que la personne ne soit physiquement pas en mesure de se l’administrer elle-même.

● En adoptant, malgré l’avis défavorable de la rapporteure Brigitte Liso, les amendements identiques AS417 de Mme Océane Godard et AS419 de Mme Christine Pirès Beaune ainsi que et plusieurs de leurs collègues du groupe Socialistes et apparentés, et AS683 de M. René Pilato et des membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire, la commission a précisé que l’alinéa 7 de l’article 4 vise une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale, « quelle qu’en soit la cause ».

*

*     *

Chapitre III
Procédure

Adopté par la commission avec modifications

L’article 5 de la proposition de loi, correspondant à l’article 7 du projet de loi de 2024 tel que modifié par la commission spéciale puis en séance publique, définit les modalités de présentation de la demande d’aide à mourir par le patient et l’obligation d’informations incombant au médecin.

  1.   Le droit en vigueur

● Si aucun principe constitutionnel ou conventionnel ne fait obstacle à un dispositif instaurant, en fin de vie, une assistance au suicide et une euthanasie à la demande de la personne, les jurisprudences constitutionnelle et européenne exigent, en revanche, que le dispositif soit assorti de garanties suffisantes afin de sauvegarder la dignité de la personne humaine et la liberté personnelle.

Ces garanties, de nature matérielle et procédurale, doivent assurer le respect de la volonté libre et éclairée du patient.

Ainsi, statuant sur la procédure d’arrêt des traitements et de mise en œuvre de la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le patient est hors d’état d’exprimer sa volonté, le Conseil constitutionnel a mis l’accent sur les garanties procédurales tendant à rechercher la volonté du patient. Il a notamment relevé que « le médecin doit préalablement s’enquérir de la volonté présumée du patient », soit en respectant les directives anticipées, soit en consultant la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, sa famille ou ses proches. Il a également considéré que la procédure collégiale destinée à éclairer le médecin était entourée de garanties suffisantes pour assurer sa conformité à la Constitution au regard des principes de respect de dignité de la personne humaine et de liberté personnelle ([73]).

Le respect de la volonté du patient est également primordial dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) lorsqu’elle apprécie la conformité des procédures d’euthanasie ou de suicide assisté au droit à la vie consacré par l’article 2 la Convention. La Cour juge ainsi que l’article 2 oblige les autorités nationales à empêcher un individu de mettre fin à ses jours si sa décision n’a pas été prise librement et en toute connaissance de cause ([74]).

À cet égard, la Cour note également que le Comité des droits de l’homme des Nations unies a considéré que l’euthanasie ne constituait pas en soi une atteinte au droit à la vie si elle est entourée de solides garanties légales et institutionnelles permettant de vérifier que les professionnels de la médecine appliquent une décision explicite, non ambiguë, libre et éclairée de leur patient, afin que toute personne soit protégée contre les pressions et les abus.

Au regard de ces différentes jurisprudences, le Conseil d’État relève dans son avis sur le projet de loi initial de 2024 que, pour être conforme aux principes constitutionnels et conventionnels, le « dispositif doit prévoir, d’une part, que la demande de la personne s’appuie sur la manifestation d’une volonté libre et éclairée et, d’autre part, que cette expression de volonté, s’agissant en particulier des personnes les plus vulnérables, est entourée de garanties renforcées ».

À cet égard, la procédure relative à la décision de refus ou d’interruption des traitements prise par le patient, lorsqu’elle est susceptible de mettre sa vie en danger, nécessite une réitération de sa décision dans un délai raisonnable, conformément à l’article L. 1111-4 du code de la santé publique. De même, lorsque le patient est conscient, la mise en œuvre de la sédation profonde et continue jusqu’au décès ne peut avoir lieu qu’à sa demande, à l’issue d’une procédure collégiale destinée à vérifier que les conditions exigées par la loi sont remplies, comme le prévoit l’article L. 1110-5-2 du code de la santé publique.

● Des garanties supplémentaires peuvent être exigées en ce qui concerne les personnes vulnérables conformément à la jurisprudence de la CEDH qui considère que les « autorités [ont] le devoir de protéger les personnes vulnérables même contre des agissements par lesquels elles menacent leur propre vie » ([75]). Les majeurs protégés sont susceptibles d’entrer dans une telle catégorie bien que les garanties procédurales spécifiques pouvant être instaurées doivent également respecter leur autonomie.

Conformément à l’article 425 du code civil, toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté, peut bénéficier d’une mesure de protection juridique.

Les mesures de protection judiciaire sont de différents types. Elles font l’objet d’une gradation en fonction de leur caractère contraignant et doivent être proportionnées à l’état de vulnérabilité de la personne. La mesure de protection est décidée par le juge des tutelles, qui statue non seulement sur l’opportunité d’ouvrir une mesure mais également sur son degré de protection.

La mesure de curatelle, qui prévoit l’assistance de la personne pour les actes patrimoniaux importants, est moins contraignante que la mesure de tutelle, qui prévoit, en principe, sa représentation pour tous les actes de la vie civile.

Toutefois, des aménagements sont possibles entre les régimes de curatelle et de tutelle. Le curateur peut solliciter du juge l’autorisation de représenter la personne vulnérable pour un acte déterminé tandis qu’en régime de tutelle, le juge peut énumérer certains actes que la personne pourra faire seule ou seulement avec l’assistance du tuteur.

En outre, l’article 458 du code civil précise que, sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l’accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée. Il existe ainsi un noyau dur de droits personnels des majeurs protégés qu’ils exercent seuls.

● En matière médicale, le législateur a souhaité exclure de certains dispositifs les majeurs protégés qui bénéficient d’une mesure de protection avec représentation relative à la personne. Cela est notamment le cas du don du sang ou du don d’organes. En outre, pour certains actes médicaux graves, l’autorisation du juge des tutelles est systématiquement nécessaire pour l’ensemble des majeurs protégés, tels que la stérilisation définitive (article L. 2123‑2 du code de la santé publique) ou le don de cellules hématopoïétiques (article L. 1241‑4 du même code).

En dehors de ces exceptions, le principe est celui de l’autonomie des personnes protégées, qui doivent prendre seules les décisions relatives à leur personne dans la mesure où leur état le permet ([76]). L’article L. 1111‑4 du code de la santé publique prévoit explicitement que le consentement de la personne sous tutelle doit systématiquement être recherché pour la mise en œuvre de tout acte médical, au besoin avec l’assistance de la personne chargée de sa protection. Lorsque la personne protégée n’est pas elle est apte à exprimer sa volonté, il appartient à la personne chargée de la mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne de donner son autorisation, en tenant compte de l’avis exprimé par la personne protégée. L’intervention du juge des tutelles est prévue, sauf urgence, en cas de désaccord entre le majeur protégé et la personne chargée de sa protection.

Le législateur n’a pas exclu les personnes protégées du droit de refuser un traitement ou d’accéder à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, ni prévu l’autorisation obligatoire du juge des tutelles. L’arrêt des traitements et la sédation profonde et continue sont donc ouverts aux majeurs protégés. La loi du 2 février 2016 permet au majeur protégé de désigner une personne de confiance ou de rédiger ses directives anticipées avec l’autorisation du juge des tutelles.

Les dispositions réglementaires prévoient seulement que, lorsque la personne protégée est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin recueille l’avis de la personne chargée de la mesure de représentation, sans être toutefois tenu de suivre cet avis ([77]).

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

L’article 7 du projet de loi de 2024, qui correspond à l’article 5 de la proposition de loi faisant l’objet du présent rapport, définit les conditions de présentation de la demande d’aide à mourir par le patient et les informations que le médecin doit lui fournir dans ce cadre.

● D’une part, le I prévoit les modalités de présentation de la demande d’aide à mourir.

La personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir peut présenter sa demande auprès du médecin en activité de son choix. Cette liberté de choix du médecin permet de ne pas allonger la procédure ou nuire à son effectivité si le patient ne dispose pas de médecin traitant.

En revanche, afin d’assurer l’indépendance du médecin à l’égard du patient et prévenir tout conflit d’intérêt potentiel, le I du présent article dispose que le médecin ne peut être un parent, un allié, le partenaire ou un ayant droit du patient.

Le projet de loi précise que la demande formulée par la personne doit être expresse. La définition de la forme de cette demande est renvoyée par l’article 15 du projet de loi de 2024, correspondant à l’article 13 de la proposition de loi, à un décret en Conseil d’État.

Il est en outre précisé que le patient ne peut introduire simultanément plusieurs demandes.

● Le présent article prévoit des dispositions spécifiques concernant les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne. Celles-ci sont incluses dans le droit d’accéder à l’aide à mourir. En effet, si l’article 6 du projet de loi, correspondant à l’article 4 de la proposition de loi, dispose que pour être éligible à l’aide à mourir la personne doit être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, les conditions d’ouvertures des mesures de protection « ne permettent pas d’exclure qu’une personne bénéficiant d’une mesure de protection juridique puisse être en mesure d’exprimer sa volonté » de telle façon, comme le relève le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi initial de 2024.

Initialement, l’article 7 du projet de loi disposait que les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique l’indiquent au médecin. Cette disposition concernait tant les mesures avec assistance à la personne (mesure de sauvegarde ou curatelle) qu’avec représentation (tutelle). Comme le précise l’étude d’impact sur le projet de loi initial de 2024, l’existence d’une telle mesure devrait en principe figurer dans le dossier médical partagé en vertu de l’article R. 111142 du code de la santé publique, mais il est possible que celui-ci ne soit pas correctement renseigné.

Dans son avis sur le projet de loi initial de 2024, le Conseil d’État considère que l’inclusion des majeurs protégés dans le droit d’accéder à l’aide à mourir est cohérent avec les évolutions législatives récentes tendant à renforcer l’autonomie des majeurs protégés et le respect de leur liberté personnelle. Il estime en outre que « l’aide à mourir s’entend comme un acte dont la nature implique un consentement strictement personnel, au sens de l’article 458 du code civil, qui ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée ».

L’information du médecin sur l’existence d’une telle mesure de protection est nécessaire afin d’assurer la mise en œuvre des garanties spécifiques relatives aux personnes protégées prévues par l’article 8 du projet de loi de 2024, correspondant à l’article 6 de la proposition de loi.

● D’autre part, le II de l’article 7 du projet de loi de 2024, correspondant à l’article 5 de la proposition de loi, détaille les obligations d’informations qui pèsent sur le médecin qui recueille la demande d’aide à mourir.

Le médecin doit ainsi :

 informer le patient sur son état de santé, sur les perspectives de son évolution, les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles ;

 proposer à la personne de bénéficier des soins palliatifs et s’assurer qu’elle puisse, le cas échéant, effectivement y accéder ;

 indiquer à la personne qu’elle peut renoncer à tout moment à sa demande ;

 expliquer à la personne les conditions d’accès à l’aide à mourir et sa mise en œuvre.

L’obligation d’information de la personne permet ainsi d’assurer le caractère éclairé de la demande et constitue une garantie procédurale primordiale. En outre, l’obligation de proposer une prise en charge en soins palliatifs et de s’assurer de l’effectivité de l’accès à ces soins garantit que la demande d’aide à mourir ne naît pas d’une impossibilité du patient de recevoir les soins appropriés à son état de santé et au traitement de sa souffrance.

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

La commission spéciale a adopté un amendement ([78]) de la rapporteure Laurence Cristol codifiant les dispositions du chapitre III du projet de loi relatif à la procédure d’aide à mourir au sein d’une nouvelle sous-section 3 « Procédure » dans de la nouvelle section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique et insérant les dispositions de l’article 7 du projet de loi de 2024 au sein d’un nouvel article L. 1111‑12‑3.

La commission spéciale a également adopté plusieurs amendements précisant les conditions de présentation de la demande d’aide à mourir.

Adopté avec avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille et Mme Geneviève Darrieussecq (groupe Démocrate (MoDem et Indépendants)) dispose que la demande ne peut être présentée lors d’une téléconsultation, considérant qu’un examen à distance du patient ne garantit pas la qualité d’écoute nécessaire à l’évaluation de la demande ([79]).

En outre, un amendement de la rapporteure Laurence Cristol, adopté avec avis favorable du Gouvernement, a renforcé les garanties relatives à la présentation d’une demande par un majeur protégé ([80]). Alors que le projet de loi prévoyait qu’il revenait au patient d’indiquer au médecin qu’il fait l’objet d’une mesure de protection, l’amendement de la rapporteure inverse la charge de l’information en confiant au médecin le soin de demander à la personne si elle est protégée. L’amendement ajoute que le médecin pourra consulter le registre national des personnes sous protection créé par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie, qui sera effectif au plus tard le 31 décembre 2026.

Les obligations d’information du patient ont été renforcées s’agissant des personnes en situation de handicap. L’amendement déposé par M. Sébastien Peytavie et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste  NUPES, ayant reçu des avis défavorables de la rapporteure et du Gouvernement, dispose que le médecin propose à la personne en situation de handicap de bénéficier de tous les dispositifs et droits visant à garantir la prise en charge de ses besoins médicaux, matériels, psychologiques et sociaux ([81]).

Enfin, un amendement adopté à l’initiative de la rapporteure Laurence Cristol, avec un avis de sagesse du Gouvernement, prévoit que le médecin qui reçoit la demande d’aide à mourir propose systématiquement au patient une consultation avec un psychologue clinicien ou un psychiatre ([82]).

  1.   Les modifications apportées en séance publique en 2024

Plusieurs amendements ont été adoptés lors de l’examen en séance publique de l’article 7 du projet de loi de 2024.

Un amendement rédactionnel de la rapporteure Laurence Cristol portant sur l’interdiction de présenter simultanément plusieurs demandes d’aide à mourir a été adopté avec l’avis favorable du Gouvernement ([83]).

Par ailleurs, une série d’amendements a modifié l’obligation d’informations faite au médecin :

– le 1° du II a été modifié par un amendement de M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), ayant reçu un avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, afin de prendre en compte les besoins spécifiques d’information des personnes en situation de handicap, tant sur les aspects médicaux et psychologiques que les aspects matériels et sociaux ([84]) ;

– outre un amendement rédactionnel de la rapporteure Laurence Cristol ([85]), le 2° du II a été modifié par deux amendements identiques présentés par M. Hadrien Clouet et les membres du groupe La France insoumise - NUPES ainsi que par M. Jérôme Guedj et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés ([86]). Ayant reçu des avis de sagesse de la rapporteure et du Gouvernement, ces amendements élargissent le champ des soins que le médecin propose à la personne demandeuse : alors que le projet de loi initial prévoyait uniquement les soins palliatifs, sont désormais concernés l’ensemble des soins d’accompagnement, y compris les soins palliatifs définis au 2° de l’article L. 1110-10 du code de la santé publique, tel que modifié par l’article 1er de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement.

Le vendredi 7 juin 2024, les députés ont examiné les amendements allant jusqu’à l’alinéa 10, soit le 2° du II, de l’article 7 du projet de loi. Le Président de la République ayant prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale le dimanche 9 juin 2024 sur le fondement du premier alinéa de l’article 12 de la Constitution, les députés n’ont pas poursuivi l’examen du projet de loi, qui s’est ainsi achevé.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 5 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 7 du projet de loi de 2024 dans sa rédaction résultant des délibérations de l’Assemblée nationale en séance publique.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

La commission a adopté un amendement ([87]) de M. Philippe Juvin et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, avec un avis favorable du rapporteur Laurent Panifous. Si le médecin recevant la demande d’aide à mourir demande à la personne si elle fait l’objet d’une mesure de protection juridique, l’amendement précise qu’il vérifie les informations qu’elle lui transmet en ayant accès au registre mentionné à l’article 421-1 du code civil dans l’objectif de renforcer la protection des majeurs protégés. En outre, un amendement rédactionnel ([88]) du rapporteur a été adopté : il supprime la fin du même alinéa dont le maintien était sans objet.

Par ailleurs, un amendement ([89]) de M. Yannick Monnet et Mme Karine Lebon (groupe Gauche démocrate et républicaine) a été adopté malgré l’avis défavorable du rapporteur général. Il précise que l’information donnée à la personne protégée est adaptée à son état et ses facultés de discernement. De plus, sans que cela semble utile au rapporteur général au regard des conditions fixées à l’article 4, l’amendement précise que le consentement de la personne protégée est systématiquement recherché. Enfin, il rend possible la saisine du « juge des tutelles », devenu juge des contentieux de la protection, ou du conseil de famille. Si l’amendement semble satisfaire l’avis rendu par le Conseil d’État sur le projet de loi de 2024, qui préconisait que la décision autorisant une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique à accéder à l’aide à mourir puisse être contestée par la personne chargée de la mesure de protection, il ne précise toutefois par la nature du doute ou du conflit ouvrant droit à la saisine, son moment au sein de la procédure, ni la personne y étant autorisée.

En outre, différents amendements relatifs aux informations et propositions faites par le médecin à la personne ont été adoptés :

– un amendement ([90]) du rapporteur Laurent Panifous a supprimé les dispositions introduites en 2024 relatives aux informations spécifiques aux personnes handicapées, dans la mesure où elles n’apportaient pas de plus-value au sein du texte ;

– un amendement de M. René Pilato et ses collègues du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire, sous-amendé par Mme Élise Leboucher et les députés du même groupe ([91]), a été adopté avec un avis favorable du rapporteur Laurent Panifous. Ils modifient la proposition faite par le médecin dans le texte initial en une information et précise que le médecin s’assure que la personne a accès de manière effective à l’accompagnement et aux soins palliatifs, si elle le souhaite ;

– deux amendements rédactionnels ([92]) du rapporteur Laurent Panifous ont enfin été adoptés aux alinéas 9 et 11.

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Adopté par la commission avec modifications

L’article 6 de la proposition de loi, correspondant à l’article 8 du projet de loi de 2024 tel que modifié par la commission spéciale, définit la procédure d’examen de la demande d’aide à mourir. Il prévoit une évaluation par le médecin désigné par le patient, rendue dans un délai maximal de quinze jours au terme d’une procédure consultative impliquant au moins deux autres professionnels de santé, dont un médecin n’intervenant pas auprès du patient.

Si le médecin considère que les conditions d’accès à l’aide à mourir sont remplies, le patient doit réitérer sa demande dans un délai qui ne peut être inférieur à 48 heures. Le médecin détermine alors, en concertation avec le patient, quel sera le professionnel de santé chargé de l’accompagner lors de l’administration de la substance létale, et procède à la prescription de celle-ci.

  1.   Le droit en vigueur

● La décision d’arrêt des traitements et la mise en œuvre de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, prévue par la loi Claeys-Leonetti précitée, est prise à l’issue d’une procédure collégiale instaurée à l’article L. 1110‑5‑2 du code de la santé publique.

La marche à suivre est définie par voie réglementaire ([93]). Elle repose sur la décision du médecin ayant la charge du patient, qui se prononce à l’issue d’une procédure collégiale destinée à l’éclairer. La collégialité prend la forme d’une concertation avec les membres de l’équipe de soins, si elle existe, et de l’avis motivé d’au moins un médecin extérieur appelé en qualité de consultant.

Le code de la santé publique précise qu’il ne doit exister aucun lien de nature hiérarchique entre le médecin en charge du patient et le consultant. En outre, l’avis motivé d’un deuxième consultant peut être recueilli par ces médecins si l’un d’eux l’estime utile.

La décision de limitation ou d’arrêt de traitement est motivée. La personne de confiance ou, à défaut, la famille, ou l’un des proches du patient est informé de la nature et des motifs de la décision de limitation ou d’arrêt de traitement.

Le Conseil constitutionnel a considéré la procédure collégiale destinée à éclairer le médecin entourée de garanties suffisantes pour assurer sa conformité à la Constitution au regard des principes de respect de dignité de la personne humaine et de liberté personnelle ([94]).

La Cour européenne des droits de l’homme attache une grande importance aux garanties procédurales des législations relatives à l’aide à mourir. S’agissant de la loi belge, la Cour a précisé, dans sa décision Mortier c. Belgique, exiger l’indépendance des différents médecins consultés tant à l’égard du patient qu’à l’égard du médecin traitant.

● S’agissant de l’information des proches du patient, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la législation belge, qui ne prévoyait ni obligation d’information de la famille ni prise en compte de son avis, ne méconnaissait pas le droit au respect de la vie privée et familiale protégé à l’article 8 de la Convention, dès lors que cette absence d’implication était conforme au souhait de l’intéressé et correspondait tant au devoir de confidentialité des médecins qu’au respect du secret médical.

● Les législations étrangères ouvrant un droit au suicide assisté ou à l’euthanasie prévoient des procédures diverses qui font généralement appel à plusieurs médecins. Quant à la décision finale, elle est prise, selon les pays, par un médecin seul ou par un collège de médecins.

Ainsi, s’agissant de la procédure d’évaluation de l’éligibilité du patient à l’euthanasie, la législation belge prévoit que la décision est prise par un médecin seul qui a obligation de consulter un deuxième médecin, indépendant tant du patient qu’à l’égard du médecin traitant, et qui possède une compétence particulière quant à la pathologie en cause. Il s’entretient également avec l’équipe soignante en contact régulier avec le patient, si elle existe. En outre, si le médecin est d’avis que le décès n’interviendra manifestement pas à brève échéance, il doit consulter un troisième médecin, psychiatre ou spécialiste de la pathologie concernée.

En Espagne, la décision finale est prise par une commission de garantie et d’évaluation régionale composée d’au moins sept membres dont un médecin, un infirmier et un juriste.

Aux États-Unis, la législation en vigueur dans l’Oregon prévoit une première évaluation par le médecin traitant qui sollicite ensuite l’avis d’un second médecin, spécialiste de la pathologie de la personne. Celui-ci doit confirmer l’éligibilité du patient au suicide assisté. En outre, si l’un des médecins considère qu’il existe des doutes sur l’existence d’une pathologie psychiatrique altérant le discernement du patient, il l’oriente vers un psychologue ou un psychiatre qui confirme que le patient est en capacité d’exprimer une volonté éclairée.

S’agissant des délais de réflexion laissés aux patients ou des délais enserrant la mise en œuvre de l’aide active à mourir, les législations étrangères sont très diverses.

Les Pays-Bas et le Luxembourg ne prévoient, par exemple, aucun délai minimal de réflexion ou de mise en œuvre de l’aide à mourir.

Le Canada a supprimé le délai de réflexion obligatoire de dix jours qui a existé par le passé. La procédure d’évaluation de l’admissibilité à l’aide à mourir demeure toutefois enserrée dans un délai d’au moins quatre-vingt-dix jours lorsque le décès du patient n’est pas susceptible d’intervenir à court terme. Cette durée peut être réduite si la personne risque de perdre sa capacité décisionnelle.

En Belgique, si le médecin traitant estime que le décès du patient n’interviendra manifestement pas à brève échéance, il doit laisser s’écouler un délai d’un mois entre la demande écrite du patient et l’euthanasie. En revanche, aucun délai ne s’impose si le décès est susceptible d’intervenir à court terme.

La législation portugaise prévoit un délai de réflexion du patient d’au moins deux mois.

En Suisse, la procédure d’assistance au suicide n’est pas prévue par la loi. Par conséquent, les procédures varient selon l’association que choisit la personne pour l’accompagner. Toutefois, le code de déontologie prévoit une évaluation de l’admissibilité au suicide assisté appréciée par deux entretiens médicaux, espacés d’au moins deux semaines.

  1.   Le Dispositif ProposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

La procédure d’évaluation des critères d’accès à l’aide à mourir prévue par le projet de loi initial de 2024 repose sur la décision du médecin auprès duquel le patient a introduit sa demande, prise au terme d’une procédure consultative nécessitant l’avis d’au moins deux autres professionnels de santé, dont un médecin. Ce cadre procédural vise à « prévenir d’éventuelles défaillances qui pourraient conduire à une mauvaise évaluation ou à une évaluation partiale des conditions d’éligibilité des personnes souhaitant une aide à mourir » comme le note l’étude d’impact jointe.

● Le I du présent article prévoit que le médecin choisi par le patient procède à la vérification des conditions d’admissibilité prévues à l’article 6 du projet de loi, correspondant à l’article 4 de la proposition de loi. Dans sa rédaction initiale, il précisait expressément que les personnes dont une maladie psychiatrique altère gravement le discernement ne peuvent être regardées comme remplissant la condition d’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

Le médecin désigné par le patient vérifie les conditions dites « administratives », d’âge et de nationalité ou de résidence prévues aux 1° et 2° de l’article 6 du projet de loi.

● En revanche, le II du présent article exige, pour la vérification des conditions nécessitant une appréciation médicale, que le médecin recueille l’avis d’autres professionnels de santé.

Ces conditions sont listées par les 3°, 4° et 5° de l’article 6 du projet de loi, soit l’article 4 de la proposition de loi. Elles tenaient au sein du projet de loi initial de 2024 à l’existence d’une affection grave et incurable engageant le pronostic vital à court ou moyen terme, à la souffrance physique ou psychologique liée à cette affection qui est soit réfractaire au traitement soit insupportable lorsque la personne a choisi d’arrêter de recevoir des traitements, et à l’aptitude à manifester sa volonté de manière libre et éclairée.

Pour l’appréciation de ces trois conditions, le médecin désigné par le patient doit obligatoirement recueillir l’avis de deux autres professionnels de santé, à savoir :

– un médecin qui n’intervient pas auprès de la personne malade et qui, initialement, devait être spécialiste de la pathologie rencontrée si lui-même ne l’était pas ;

– un auxiliaire médical ou un aide-soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, un autre auxiliaire médical.

Le médecin consulté est un médecin qui « n’intervient pas auprès de la personne ». Il doit remplir vis-à-vis du patient les mêmes conditions d’indépendance que celles imposées, à l’article 7 du projet de loi correspondant à l’article 5 de la proposition de loi, au premier médecin, c’est-à-dire ne pas avoir de liens familiaux ni être un ayant droit. En outre, le médecin consulté a accès au dossier médical de la personne et peut l’examiner avant de rendre son avis.

Le médecin chargé de la procédure peut également recueillir l’avis d’autres professionnels qui interviennent auprès de la personne. Le projet de loi initial de 2024 fait notamment mention de psychologues, infirmiers ou aides-soignants, sans que cette énumération soit limitative.

Enfin, lorsque le patient fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne, le médecin doit informer la personne chargée de la mesure de protection et tenir compte de ses observations.

En dehors de cette situation, aucune consultation des proches n’est prévue. Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi, ce choix a été fait afin « de rappeler que la décision d’accéder à l’aide à mourir appartient à la personne seule ».

● Le III du présent article prévoit que le médecin se prononce dans un délai maximal de quinze jours à compter de la présentation de la demande d’aide à mourir. Cet encadrement vise, selon l’exposé des motifs du projet de loi initial, à « protéger l’accès de la personne à l’aide à mourir contre un traitement dilatoire de sa demande ».

Le médecin notifie sa décision motivée au patient. En outre, il informe de cette décision la personne chargée d’une mesure de protection judiciaire.

● Le IV instaure un délai de réflexion pour le patient, d’un minimum de deux jours à compter de la notification de la décision du médecin autorisant l’accès à l’aide à mourir. Au terme de ce délai, le patient doit confirmer sa demande.

Le projet de loi initial de 2024 ne fixe aucune limite maximale à ce délai de réflexion. En revanche, si la confirmation de la volonté de recourir à l’aide à mourir intervient plus de trois mois après la décision favorable du médecin, celui-ci doit procéder à nouvel examen du caractère libre et éclairé de la volonté du patient. Il revient au médecin de décider s’il est nécessaire, pour cette évaluation, de remettre en œuvre la procédure prévue au II.

● Le V prévoit que, lorsque la personne a confirmé sa demande, le médecin l’informe des modalités d’administration et d’action de la substance létale. Selon l’exposé des motifs du projet de loi initial, il s’agit « d’une information personnalisée sur les produits, le mode d’administration qui sera utilisé, l’existence d’une procédure en cas d’incident, la durée etc. ».

Le médecin et le patient choisissent ensemble le professionnel de santé qui sera chargé d’accompagner l’administration de la substance létale. Il s’agit d’un médecin ou d’un infirmier afin de pouvoir intervenir en cas d’incident.

● Le VI dispose que le médecin prescrit la substance létale conformément aux recommandations de bonnes pratiques élaborées par la Haute Autorité de santé aux termes de l’article 18 du projet de loi, correspondant à l’article 16 de la proposition de loi.

Le médecin adresse cette prescription à une pharmacie à usage intérieur autorisée à préparer la substance létale. Ces pharmacies seront désignées par arrêté ministériel conformément aux dispositions introduites à l’article L. 5121‑1 du code de la santé publique par l’article 18 du projet de loi.

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

La commission spéciale a adopté un amendement de la rapporteure Laurence Cristol codifiant les dispositions du présent article au sein d’un nouvel article L. 1111‑12‑4 du code de la santé publique ([95]).

Un autre amendement de la rapporteure Laurence Cristol, adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement, a supprimé la référence aux maladies psychiatriques parmi les maladies altérant gravement le discernement des patients et ne permettant pas d’accéder à l’aide à mourir ([96]). Il s’agit ainsi d’inclure l’ensemble des maladies altérant gravement le discernement, et non les seules maladies psychiatriques, afin d’éviter toute discrimination envers les personnes atteintes de ces pathologies.

La commission spéciale a en outre adopté plusieurs amendements renforçant les garanties liées à la procédure d’évaluation de la demande. Des amendements de la rapporteure Laurence Cristol ont précisé que le recueil des avis des professionnels de santé s’effectuait dans le cadre d’une procédure collégiale et pluriprofessionnelle ([97]) (avis favorable du Gouvernement), que le second médecin consulté était nécessairement un spécialiste de la pathologie du patient ([98]) et que la liste des professionnels pouvant être consultés inclut, si la personne est hébergée dans un établissement social ou médico-social, le médecin qui assure son suivi ou un professionnel de l’établissement qui l’accompagne ([99]). Il est de plus indiqué que la concertation entre professionnels peut se tenir à distance ([100]) (avis favorable du Gouvernement).

Un amendement de M. Laurent Panifous et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outremer et Territoires, ayant reçu des avis défavorables de la rapporteure et du Gouvernement, a précisé qu’il ne devait pas exister de lien hiérarchique entre le médecin en charge de l’évaluation de la demande et le second médecin consulté. Ce dispositif reprend la formulation retenue dans la procédure collégiale prévue pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour affermir l’indépendance des médecins dans leur décision ([101]).

Un amendement de la rapporteure Laurence Cristol, ayant reçu un avis favorable du Gouvernement, a prévu que le médecin consulté examine le patient, sauf s’il ne l’estime pas nécessaire, afin de ne pas alourdir inutilement la procédure, notamment en cas de pronostic vital engagé à court terme ([102]).

Un amendement de Mme Sandrine Rousseau et plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste  NUPES, ayant reçu des avis de sagesse de la rapporteure et du Gouvernement, a imposé que la décision du médecin soit notifiée au patient à l’oral et à l’écrit afin d’assurer sa bonne information ([103]).

La commission spéciale a également adopté, avec l’avis défavorable de la rapporteure, un amendement de Mme Bérangère Couillard et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance permettant que le délai de réflexion du patient, fixé à 48 heures par le projet de loi initial, soit abrégé à sa demande, si le médecin estime cela de nature à préserver la dignité de la personne ([104]).

Enfin, la commission spéciale a adopté un amendement de Mme Geneviève Darrieussecq et M. Cyrille Isaac-Sibille du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants), avec l’avis favorable de la rapporteure, interdisant que la procédure d’évaluation de la demande d’aide à mourir soit effectuée par des sociétés de téléconsultation ([105]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 6 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 8 du projet de loi de 2024 dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

Avis l’avis favorable du rapporteur Laurent Panifous, la commission a adopté, afin de renforcer la traçabilité de la procédure :

– deux amendements identiques de M. Thibault Bazin (groupe Droite Républicaine) ainsi que de M. Gaëtan Dussausaye et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National ([106]), précisant que les avis rendus par les professionnels sollicités étaient écrits ;

– un amendement de M. Philippe Juvin et plusieurs de ses collègues du groupe Droite Républicaine, afin que la personne chargée de la mesure de protection soit informée par écrit ([107]) ;

– un amendement de M. René Pilato et des membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire, afin que la personne soit informée oralement et par écrit sur les modalités d’action de la substance létale ([108]).

En outre, la commission a adopté plusieurs amendements modifiant les avis pouvant être recueillis :

– deux amendements du rapporteur Laurent Panifous ont permis la réécriture du 2° du II afin de préciser, notamment, que les professionnels dont l’avis pouvait être recueilli étaient soit des professionnels de santé, soit des professionnels intervenant dans le secteur médico-social, à domicile comme en établissement, soit des psychologues ([109]) ;

– un amendement de Mme Karine Lebon et M. Yannick Monnet (groupe Gauche démocrate et républicaine) a été adopté avec l’avis favorable du rapporteur général, afin d’ajouter l’avis de la personne de confiance, à la demande de la personne ([110]).

Par ailleurs, un amendement ([111]) du rapporteur Laurent Panifous a précisé que le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté de la personne, lorsqu’elle confirme sa demande dans un délai supérieur à trois mois et non en l’absence de confirmation de la demande dans ce même délai. Concrètement, le rapporteur a souhaité que ce ne soit pas le médecin qui seul se saisisse de cette nouvelle évaluation, mais bien après la réception de la confirmation de la demande lorsqu’elle intervient dans un délai supérieur à trois mois.

De plus, un amendement ([112]) de Mme Sandrine Runel et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés a été adopté avec un avis favorable du rapporteur Laurent Panifous. Par coordination avec l’article 2 tel que modifié par la commission, l’amendement permet d’ajouter la détermination des modalités d’administration de la substance à létale en même temps que la détermination du médecin ou de l’infirmier chargé d’accompagner la personne. Il tire ainsi les conséquences du choix donné à la personne entre auto‑administration et administration par un médecin ou un infirmier de la substance létale.

Enfin, six amendements rédactionnels ([113]) du rapporteur Laurent Panifous ont été adoptés aux alinéas 3, 6, 7, 8, 9, 12 et 14.

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Adopté par la commission avec modification

L’article 7 de la proposition de loi, correspondant à l’article 9 du projet de loi de 2024 tel que modifié par la commission spéciale, détermine les modalités selon lesquelles la personne ayant recours à l’aide à mourir choisit la date, le lieu et les personnes qui l’accompagneront lors de l’administration de la substance létale.

  1.   Le dispositif du projet de loi initial de 2024

● Le I dispose que la date d’administration de la substance létale est choisie par le patient en concertation avec le professionnel de santé qui l’accompagnera lors de cette administration.

Le projet de loi initial prévoyait que si la date choisie était postérieure à plus de trois mois à la date de la décision du médecin acceptant la demande d’aide à mourir, celui-ci devait évaluer à nouveau, le caractère libre et éclairé de la volonté du patient. Il lui revenait alors de décider s’il était nécessaire, pour effectuer cette évaluation, de remettre en œuvre la procédure consultative prévue au II de l’article 8 du projet de loi, correspondant à l’article 6 de la proposition de loi. Cette disposition, identique à celle prévue au IV du même article lorsque le patient confirme sa demande dans un délai supérieur à trois mois, vise à assurer qu’à chaque étape de la procédure le patient confirme de manière libre et éclairée sa demande.

● Le II du présent article détermine le choix du lieu où sera réalisée l’aide active à mourir. Il dispose que la personne peut, en concertation avec le professionnel de santé qui l’accompagnera, choisir un autre lieu que son domicile.

Enfin, cet article dispose que le patient peut être accompagné par les personnes de son choix.

L’exposé des motifs et l’étude d’impact sur le projet de loi initial de 2024 précisent toutefois qu’il devra être tenu compte des contraintes, notamment de sécurité, qui pourraient se poser pour la mise en œuvre de l’aide à mourir. Ainsi, « des considérations de sécurité pourraient faire obstacle à ce qu’une personne malade, hospitalisée, puisse être accompagnée par un trop grand nombre de personnes ». De même, selon l’exposé des motifs, « la possibilité pour la personne de demander à mourir hors de son domicile ne lui confère pas un droit à choisir tout lieu de réalisation ».

  1.   Les Modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

La commission spéciale a adopté un amendement de la rapporteure Laurence Cristol procédant à la codification des présentes dispositions au sein d’un nouvel article L. 1111‑12‑5 du code la santé publique ([114]).

En outre, un amendement de Mme Anne Bergantz et plusieurs de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) a été adopté malgré les avis défavorables de la rapporteure et du Gouvernement ([115]). Il assouplit le contrôle par le médecin de la volonté libre et éclairée de la personne qui demande l’aide à mourir. Alors que le projet de loi prévoyait que le médecin devait à nouveau procéder à ce contrôle si la date fixée était postérieure de trois mois à la notification de l’acceptation de la demande, la commission spéciale a porté ce délai à un an.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 7 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 9 du projet de loi de 2024 dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

La commission a adopté un unique amendement ([116]) du rapporteur Stéphane Delautrette. L’amendement substitue au verbe « accompagner », le verbe « entourer » pour définir le rôle des personnes dont la présence est autorisée lors de l’administration de la substance létale.

En effet, le mot « accompagner » est employé au chapitre « Procédure » pour qualifier le rôle du médecin ou de l’infirmier. Par cet amendement, le rapporteur a souhaité clarifier le rôle des personnes choisies par la personne accédant à l’aide à mourir, qui l’entourent lors de l’administration sans y prendre part.

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Adopté par la commission avec modifications

L’article 8 de la proposition de loi, correspondant à l’article 10 du projet de loi de 2024 tel que modifié par la commission spéciale, définit les conditions de préparation et de délivrance de la substance létale afin de garantir la sécurité du dispositif. Seules les pharmacies à usage intérieur désignées par arrêté ministériel seront autorisées à la préparer. Elles la transmettront à la pharmacie d’officine désignée par le professionnel de santé accompagnant le patient lors de son administration.

  1.   Le droit en vigueur

● La notion de médicament est définie à l’article L. 51111 du code de la santé publique comme « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines, ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique ».

Les médicaments sont susceptibles de prendre différentes formes. Les spécialités pharmaceutiques sont fabriquées industriellement et exploitées par les entreprises. Elles doivent obtenir une autorisation de mise sur le marché (AMM). Les préparations magistrales, hospitalières ou officinales, sont définies comme tout médicament préparé au vu de la prescription destinée à un patient déterminé et réalisé en l’absence de spécialité pharmaceutique disponible ou adaptée.

● La notion de préparation magistrale est plus particulièrement définie au 1° de l’article L. 5121‑1 du code de santé publique comme « tout médicament préparé selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé lorsqu’il n’existe pas de spécialité pharmaceutique adaptée ou disponible, y compris du fait de l’absence de commercialisation effective, disposant d’une autorisation de mise sur le marché ».

Les préparations magistrales se distinguent des préparations hospitalières ou officinales qui sont réalisées en avance et en petites séries pour un ou plusieurs patients. La préparation magistrale est extemporanée, pour un patient déterminé, selon une prescription médicale.

Les préparations sont réalisées et délivrées sous la responsabilité d’un pharmacien qui détient le monopole de la fabrication, du contrôle, de la distribution et de la vente de médicaments. Il peut exercer en pharmacie à usage intérieur ou en pharmacie d’officine.

● Les pharmacies à usage intérieur sont définies à l’article L. 5126‑1 du code de santé de publique comme celles qui « répondent aux besoins pharmaceutiques des personnes prises en charge par l’établissement, service ou organisme dont elles relèvent, ou au sein d’un groupement hospitalier de territoire ou d’un groupement de coopération sanitaire dans lequel elles ont été constituées ».

Elles assurent notamment la préparation, le contrôle, la détention, l’évaluation et la dispensation des médicaments au sein de l’établissement dont elles relèvent.

La pharmacie d’officine est définie à l’article L. 5125‑1 du code de santé publique comme « l’établissement affecté, d’une part, à la dispensation au détail des médicaments, produits et objets mentionnés aux articles L. 42111 et L. 512524 et, dans les conditions définies par décret, de médicaments expérimentaux ou auxiliaires ainsi qu’à l’exécution des préparations magistrales ou officinales et, d’autre part, au conseil pharmaceutique et à l’exercice des missions prévues à l’article L. 512511 A ».

Certaines substances peuvent faire l’objet d’un encadrement spécifique engendrant des modalités de contrôle et de mise à disposition renforcées. C’est le cas des substances qualifiées de vénéneuses – stupéfiantes, psychotropes ou susceptibles de présenter un danger pour la santé. Les conditions de prescription et de délivrance de telles préparations sont fixées après avis des conseils nationaux de l’ordre des médecins et de l’ordre des pharmaciens conformément à l’article L. 5132‑8 du code de la santé publique. Elles sont classées sur liste I ou liste II selon le degré de risque pour la santé.

  1.   Le Dispositif ProposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

● Le présent article définit la chaîne de préparation et de mise à disposition des substances létales destinées à l’aide à mourir, en les insérant dans un circuit spécifique garantissant la sécurité sanitaire tout en assurant leur délivrance sur l’ensemble du territoire.

Lorsque la date d’administration de la substance létale est fixée, celle-ci est préparée par une pharmacie à usage intérieur spécifiquement autorisée par arrêté du ministre de la santé.

Le choix de confier la préparation des substances létales à un nombre limité de pharmacies est justifié dans l’étude d’impact jointe au projet de loi initial par le faible nombre de patients concernés ainsi que par la volonté d’assurer la maîtrise des risques spécifiques liés à de telles préparations, à leur circulation et à leur traçabilité. L’article 18 du projet de loi, correspondant à l’article 16 de la proposition de loi, dispose en outre que la Haute Autorité de santé sera chargée d’émettre des recommandations relatives à leur préparation.

● Aux termes du présent article, la substance létale prend la forme d’une préparation magistrale, conformément à l’objectif d’assurer son caractère adapté à chaque patient.

● La pharmacie à usage intérieur remet la substance à une pharmacie d’officine dans des conditions sécurisées prévues à l’article 18 du projet de loi.

Le présent article dispose que le professionnel de santé chargé d’accompagner le patient lors de l’administration de la substance létale choisit la pharmacie d’officine auprès de laquelle il la collecte.

Il précise que, lorsque la personne est hébergée dans un établissement disposant d’une pharmacie à usage intérieur, celle-ci joue le rôle de pharmacie d’officine. Elle est donc désignée pour être l’établissement auprès duquel le professionnel de santé collecte la substance létale.

Le circuit de la substance létale ainsi défini, reposant sur sa préparation par une pharmacie à usage intérieur spécialement désignée et sa délivrance par une pharmacie d’officine, assure la délivrance de la substance létale sur tout le territoire tout en inscrivant sa préparation dans un cadre sécurisé.

  1.   Les modifications apportées par la commisison SPÉCIALE en 2024

La commission spéciale a adopté un amendement de la rapporteure Laurence Cristol codifiant les présentes dispositions dans un nouvel article L. 1111‑12‑6 du code de la santé publique ([117]).

La commission spéciale a également adopté, avec avis favorable de la rapporteure et du Gouvernement, trois amendements identiques de Mme Sandrine Dogor-Such et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National ([118]), de Mme Geneviève Darrieussecq et M. Cyrille Isaac-Sibille du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) ([119]) ainsi que de M. Christophe Bentz et plusieurs de ses collègues du groupe Rassemblement National ([120]) indiquant que la substance létale est préparée par des pharmacies à usage intérieur exclusivement hospitalières, afin d’exclure les pharmacies à usage intérieur des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

Enfin, un amendement de la rapporteure Laurence Cristol, ayant reçu un avis de sagesse du Gouvernement, prévoit que la pharmacie d’officine qui délivre la substance létale est désignée par le professionnel de santé en accord avec le patient, afin de respecter le souhait éventuel de confidentialité ou de discrétion de ce dernier ([121]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 8 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 10 du projet de loi de 2024 dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

Trois amendements du rapporteur Stéphane Delautrette ont été adoptés par la commission :

– un amendement supprimant le qualificatif « hospitalière » pour la pharmacie à usage intérieur chargée de préparer la substance létale. Si les membres la commission n’ont pas souhaité que les pharmacies à usage intérieur des établissements médico-sociaux puissent être autorisées à préparer la substance, cet ajout était inutile au regard des précisions d’ores et déjà apportées à l’article 16 ([122]) ;

– un amendement précisant que la pharmacie à usage intérieur et la pharmacie d’officine réalisent leurs missions dans un délai permettant l’administration de la substance létale à la date fixée. En effet, aucun délai n’était indiqué antérieurement à l’adoption de cet amendement ([123]) ;

– un amendement rédactionnel ([124]).

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Adopté par la commission avec modifications

L’article 9 de la proposition de loi, correspondant à l’article 11 du projet de loi de 2024 tel que modifié par la commission spéciale, puis modifié lors du dépôt de la proposition de loi, définit les obligations du professionnel de santé qui accompagne la personne lors de l’administration de la substance létale. Celui-ci doit vérifier que la personne confirme sa volonté d’avoir recours à l’aide à mourir et surveiller l’administration de la substance létale.

  1.   Le Dispositif proposé
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

● Le I détaille les obligations du médecin ou de l’infirmier chargé d’accompagner la personne lors de l’administration de la substance létale. Il doit, en premier lieu, vérifier que la personne confirme sa volonté de procéder à l’administration de la substance létale (). Cette disposition assure ainsi que, jusqu’à la dernière étape de la procédure, la volonté réitérée de la personne est respectée. Lorsque la personne confirme sa volonté de recourir à l’aide à mourir, le professionnel de santé doit alors préparer la substance létale et surveiller son administration (2° et 3°).

● Le II précise que la personne peut confirmer sa volonté mais demander un report de l’administration de la substance létale. La procédure est alors suspendue et une nouvelle date est fixée dans les conditions prévues à l’article 9 du projet de loi, correspondant à l’article 7 de la proposition de loi.

● Au sein du projet de loi initial, le III précisait que l’administration de la substance létale est en principe réalisée par la personne elle-même, conformément à la définition de l’aide à mourir énoncée à l’article 5 du projet de loi initial de 2024. Toutefois, lorsque la personne n’est pas physiquement en mesure d’y procéder, l’administration peut être réalisée par une personne volontaire de son choix ou par le professionnel de santé.

Ces dispositions correspondent à la volonté de mettre l’accent sur l’autodétermination de la personne, qui réalise en principe elle-même l’administration de la substance, sans toutefois exclure de l’accès à l’aide à mourir les personnes dont l’état physique ne leur permettrait pas d’effectuer le geste. Elles répondent aux observations du Comité consultatif national d’éthique, qui avait relevé, dans son avis 139, que « laisser en dehors du champ de la loi ceux qui ne sont physiquement plus aptes à un tel geste soulèverait un problème d’égalité des citoyens qui constitue en luimême une difficulté éthique majeure ».

L’administration par une personne volontaire est subordonnée à la condition qu’aucune contrainte n’y fasse obstacle. L’étude d’impact du projet de loi initial précise que ces obstacles peuvent être d’ordre technique, au regard du mode d’administration de la substance létale. Elle prend pour exemple la pose d’une perfusion, qui ne peut être effectuée que par un professionnel de santé.

Lorsqu’il ne procède pas à l’administration de la substance létale, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est pas obligatoire. Toutefois, il doit se trouver à proximité suffisante pour être en mesure d’intervenir en cas de difficulté lors de l’administration. Le présent article renvoie aux recommandations élaborées à ce sujet par la Haute Autorité de santé, conformément aux dispositions introduites par l’article 18 du projet de loi, qui lui donnent pour mission d’élaborer des recommandations de bonnes pratiques sur les conditions d’utilisation des substances létales.

● Le IV du présent article définit les conditions d’établissement du certificat de décès.

Le certificat de décès est établi dans les conditions de droit commun prévues à l’article L. 2223‑42 du code général des collectivités territoriales.

Cet article définit les professionnels de santé habilités à dresser un certificat de décès. Il ne peut être dressé que par un médecin, en activité ou retraité, par un étudiant en cours de troisième cycle des études de médecine en France ou un praticien à diplôme étranger hors Union européenne autorisé à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 a toutefois introduit une expérimentation permettant aux infirmiers de signer les certificats de décès. Les modalités de l’expérimentation ont été précisées par un décret du 6 décembre 2023. Initialement limitée à six régions, l’expérimentation a été étendue à l’ensemble du territoire par la loi du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels et un décret du 23 avril 2024. De même, les conditions de l’expérimentation ont été élargies : alors qu’il n’était initialement possible de faire appel à un infirmier pour établir le certificat de décès que lorsqu’« aucun médecin ne peut intervenir dans un délai raisonnable », cette condition est désormais supprimée.

En revanche, les infirmiers ainsi habilités ne peuvent rédiger un certificat de décès que lorsque le décès est intervenu au domicile de la personne ou dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, à l’exclusion des situations où le caractère violent de la mort est manifeste.

Ce certificat, rédigé sur un modèle établi par le ministère chargé de la santé, précise la ou les causes de décès.

Enfin, la loi du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale a pérennisé l’expérimentation en attribuant cette compétence nouvelle aux infirmiers par la modification de l’article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales.

● Enfin, le V du présent article prévoit les modalités de destruction de la substance létale lorsque celle-ci n’a pas été utilisée intégralement.

Le professionnel de santé doit rapporter la substance à la pharmacie d’officine auprès de laquelle il se l’est procurée. La substance est alors détruite par l’officine selon les modalités sécurisées prévues pour les médicaments à usage humain non utilisés.

Enfin, le professionnel de santé doit rédiger un compte rendu de l’ensemble des actes réalisés, de la vérification de la volonté du patient, jusqu’à l’administration de la substance létale.

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

La commission spéciale a adopté un amendement de la rapporteure Laurence Cristol ([125]) codifiant les présentes dispositions dans un nouvel article L. 1111‑12‑7 du code de la santé publique.

Un amendement de Mme Christine Pirès Beaune et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés a également été adopté avec avis favorable de la rapporteure afin d’indiquer que les dispositions du présent article trouvent application le jour de l’aide à mourir ([126]).

Avec un avis défavorable de la rapporteure, la commission spéciale a adopté plusieurs amendements relatifs à l’intervention de la personne volontaire. L’amendement de Mme Cécile Rilhac et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ([127]), sousamendé par M. Hadrien Clouet et les membres du groupe La France insoumise - Nouvelle Union Populaire écologique et sociale ([128]), a procédé à la réécriture de l’alinéa 7 afin de donner la liberté de choix au patient entre auto-administration et administration par un tiers. L’amendement prévoit que, si elle a désigné une personne qui a accepté cette responsabilité, l’administration est effectuée par cette personne majeure sous le contrôle du professionnel de santé ; sinon, l’administration de la substance létale est réalisée par le professionnel de santé présent.

La commission spéciale a également adopté deux amendements de M. Christophe Marion (groupe Renaissance). Adopté contre l’avis de la rapporteure, le premier amendement prévoit que la personne volontaire est âgée d’au moins 18 ans, est apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée et ne peut recevoir aucun paiement en contrepartie de l’administration de la substance létale ([129]). Avec l’avis favorable de la rapporteure et une demande de retrait du Gouvernement, le second amendement ajoute que la personne volontaire est informée par le professionnel de santé présent de son droit à bénéficier de séances d’accompagnement psychologique prévues dans le cadre du dispositif Mon soutien psy, permettant la prise en charge de séances d’accompagnement psychologique par l’assurance maladie ([130]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 8 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 10 du projet de loi de 2024 dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

À l’issue de son examen par cette dernière, le III du présent article comprenait trois alinéas. Par coordination avec les modifications adoptées en séance publique à l’article 5 du projet de loi de 2024, l’auteur de la proposition de loi, M. Olivier Falorni, a supprimé les deux premiers alinéas du III.

En effet, l’aide à mourir définie à l’article 5 du projet de loi tel que modifié par la commission spéciale puis en séance publique, correspondant à l’article 2 de la proposition de loi, ne permet qu’à un médecin ou à un infirmier d’administrer la substance létale quand la personne n’est pas en mesure physiquement d’y procéder.

Au contraire, à l’issue de leur examen par la commission spéciale, les deux premiers alinéas du III de l’article 11 du projet de loi posaient un principe d’administration de la substance létale par la personne elle-même et, à défaut, par une tierce personne, majeure, volontaire et désignée par la personne souhaitant avoir recours à l’aide à mourir. Sans que le présent article ait été examiné en séance publique en 2024, la suppression de ces deux alinéas au moment du dépôt de la proposition de loi s’est révélée nécessaire par coordination avec les modifications intervenues en séance publique à l’article 5 du projet de loi, correspondant à l’article 2 de la proposition de loi.

De ce fait, le III du présent article porte uniquement sur la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne lorsqu’il n’administre pas la substance létale. Si sa présence n’est pas obligatoire dans ce cas de figure, le professionnel est tenu de se trouver à proximité suffisante pour pouvoir intervenir en cas de difficulté.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

En coordination avec l’article 2 tel que modifié, la commission a adopté un amendement ([131]) du rapporteur Stéphane Delautrette tirant les conséquences du choix donné à la personne entre auto‑administration ou administration par un médecin ou un infirmier. Par conséquent, le médecin ou l’infirmier administre la substance létale ou surveille son administration mais il est présent dans les deux cas de figure aux côtés de la personne.

En outre, un autre amendement ([132]) du rapporteur a permis de clarifier le rôle du médecin ou de l’infirmier « une fois la substance létale administrée » : si sa présence n’est pas obligatoire aux côtés de la personne, le rapporteur général et le rapporteur ont pu préciser au cours des débats que sa présence dans la pièce était requise.

Un amendement rédactionnel ([133]) du rapporteur a également été adopté.

Par ailleurs, deux amendements identiques ([134]) de Mme Nicole Dubré-Chirat et plusieurs de ses collègues du groupe Ensemble pour la République ainsi que de Mme Danielle Simonnet et plusieurs de ses collèges du groupe Écologiste et Social sont venus préciser que la mort intervenue en application de la présente proposition de loi était considérée comme une mort naturelle. Le rapporteur Stéphane Delautrette a émis un avis de sagesse sur ces amendements, considérant que cet ajout n’était pas utile au regard des dispositions de l’article 19, mais que des modifications réglementaires seraient nécessaires s’agissant du modèle de certificat de décès.

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Adopté par la commission avec modifications

L’article 10, issu de l’article 12 du projet de loi initial, énumère les cas dans lesquels il est mis fin à la procédure d’aide à mourir. Les trois hypothèses prévues par le projet de loi au stade de son dépôt – soit le renoncement de la personne ; la production d’éléments d’information conduisant le médecin à considérer que les conditions d’accès à l’aide à mourir n’étaient pas remplies ou qu’elles ont cessé de l’être ; le refus de la personne de se faire administrer la substance létale – ont été conservées dans le texte de la commission spéciale. Cette dernière a de surcroît prévu que, dans la seconde de ces hypothèses, le médecin notifie sa décision à la personne concernée et, si celle-ci fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne, à la personne chargée de la mesure de protection. La commission spéciale a enfin procédé à la codification de cette disposition.

Les dispositions du projet de loi reprises dans cet article n’avaient pas été examinées par l’Assemblée nationale en séance publique. Aussi le présent article 10 est-il issu du texte adopté par la commission spéciale.

  1.   Les dispositions du projet de loi de 2024

Il peut être mis fin à la procédure d’aide à mourir dans les trois cas prévus au I du présent article, lesquels sont identiques aux hypothèses définies à l’article 12 du projet de loi initial.

● En premier lieu, la procédure prend fin lorsque la personne décide de renoncer à l’aide à mourir. Cette disposition est conforme au principe, d’abord énoncé à l’article 7 du projet de loi et qui figure désormais à l’article 5 du présent texte, suivant lequel ce renoncement est possible à tout moment ([135]). Lorsque la personne prend cette décision, elle en informe soit le médecin chargé de se prononcer sur sa demande, soit le professionnel de santé choisi pour l’accompagner lors de l’administration de la substance létale.

● En deuxième lieu, la procédure s’interrompt aussi lorsque le médecin chargé d’évaluer la demande du patient prend connaissance, après avoir rendu sa décision, d’éléments le conduisant à considérer que les conditions d’accès à l’aide à mourir n’étaient pas remplies ou qu’elles ont cessé de l’être. Cette condition permet, d’après l’avis du Conseil d’État, « d’assurer la protection de la personne qui demande l’aide à mourir » et de mieux « circonscrire l’étendue de la responsabilité du médecin » ([136]).

● Enfin, la procédure s’arrête lorsque la personne refuse l’administration de la substance létale. Cette hypothèse est à distinguer de la situation dans laquelle est demandé le report de l’administration de la substance létale, auquel cas la procédure est seulement suspendue jusqu’à ce que la personne convienne d’une nouvelle date avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner ([137]).

● Le II du présent article dispose que lorsque la procédure prend fin suivant l’une de ces trois modalités, la personne doit, si elle exprime à nouveau le souhait de bénéficier de l’aide à mourir, présenter une nouvelle demande dans les conditions prévues à l’article 5, issu de l’article 7 du projet de loi.

  1.   lES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION SPÉCIALE en 2024

La commission spéciale avait adopté un amendement de la rapporteure Laurence Cristol ([138]) codifiant les présentes dispositions dans un nouvel article L. 1111‑12‑8 du code de la santé publique.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure et après que le Gouvernement s’en est remis à sa sagesse, la commission spéciale a également adopté un amendement de M. Laurent Panifous et plusieurs de ses collègues du groupe Libertés, Indépendants, Outremer et Territoires précisant que, lorsqu’il est mis fin à la procédure dans le cas où le médecin prend connaissance, postérieurement à sa première décision, d’éléments d’information le conduisant à considérer que les conditions d’éligibilité n’étaient pas remplies ou qu’elles ont cessé de l’être, il notifie sa décision motivée par écrit à la personne et, si celle-ci fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne, à la personne chargée de la mesure de protection ([139]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 10 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 12 du projet de loi initial dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur Stéphane Delautrette ([140]).

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Article 11
Création d’un système d’information dédié au suivi de la procédure

Adopté par la commission avec modifications

Cet article, issu de l’article 11 du projet de loi de 2024, crée un système d’information permettant l’enregistrement, par les professionnels de santé, de chacun des actes de la procédure d’aide à mourir. Ce système d’information assure la traçabilité des procédures et permettra à la commission de contrôle et d’évaluation créée par l’article 15 de la proposition de loi d’assurer le contrôle de la régularité du dispositif.

  1.   Le droit en vigueur

● La création d’un système d’information doit respecter le droit applicable en matière de traitement de données personnelles fixé par la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (dit « RGPD »).

La création d’un système d’information enregistrant les actes liés à la procédure d’aide à mourir s’apparente en effet à un traitement de données au sens des articles 1er et 2 du RGPD et 2 de la loi du 6 janvier 1978.

En outre, les données de santé constituent des données à caractère personnel dites « sensibles » relevant de l’article 9 du RGPD et de l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978. Elles font, à ce titre, l’objet d’une protection spécifique.

Les données à caractère personnel concernant la santé sont définies comme les données relatives à la santé physique ou mentale d’une personne physique, y compris la prestation de services de soins de santé, qui révèlent des informations sur l’état de santé de cette personne. Les données de santé sont classées en trois catégories : celles qui sont des données de santé par nature (antécédents médicaux, maladies, prestations de soins réalisés, résultats d’examens, traitements, etc.), celles qui, du fait de leur croisement avec d’autres données, deviennent des données de santé en ce qu’elles permettent de tirer une conclusion sur l’état de santé ou le risque pour la santé d’une personne et celles qui deviennent des données de santé en raison de leur destination, c’est-à-dire de l’utilisation qui en est faite au plan médical.

Le traitement des données de santé est en principe prohibé par la législation européenne et nationale, à moins qu’un tel traitement réponde à un motif légitime. L’article 9 du RGPD énumère les motifs permettant de déroger à cette interdiction de principe. En outre, les données de santé sont couvertes par le secret médical qui limite en principe l’accès à ces données aux personnes participant à la prise en charge du patient.

● La création d’un traitement de données personnelles peut être autorisée par voie réglementaire après consultation obligatoire de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

En revanche, le recours à la loi est nécessaire lorsque le traitement de données ne peut être mis en œuvre sans modification d’une disposition législative qui y fait obstacle, ainsi que dans le cas où le traitement conduit à fixer des règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, matières que l’article 34 de la Constitution réserve à la loi ([141]).

  1.   Le Dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

● Le présent article crée un système d’information, dans lequel chaque acte effectué par les professionnels de santé pour la mise en œuvre de la procédure d’aide à mourir prévue au chapitre III du titre II du projet de loi sera enregistré.

Conformément aux dispositions de l’article 15 de la proposition de loi, ce traitement de données sera confié à la commission de contrôle et d’évaluation des procédures d’aide à mourir, qui aura pour rôle de s’assurer de la régularité des procédures suivies et de l’évaluation de la mise en œuvre de la loi.

● Dans son avis sur le projet de loi de 2024, le Conseil d’État a estimé qu’une disposition législative est nécessaire pour la création de ce système d’information, dès lors qu’il déroge aux dispositions de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, qui réserve l’accès aux données médicales aux seuls professionnels participant à la prise en charge du patient.

En outre, le Conseil d’État a estimé que l’objet d’un tel traitement de données est conforme au cadre européen et national régissant la protection des données personnelles de santé dès lors qu’il peut être rattaché aux dérogations à l’interdiction du traitement de données personnelles de santé prévues par l’article 9 du RGPD.

En effet, le Conseil d’État souligne que le traitement créé par le projet de loi « a notamment pour finalité de permettre un contrôle des procédures d’aide à mourir en vue d’identifier, le cas échéant, des anomalies susceptibles de révéler l’existence d’un délit ou d’un crime ou de donner lieu à des actions en responsabilité » et remplit la condition prévue au f) du paragraphe 2 de l’article 9 du RGPD dès lors qu’il est nécessaire à la constatation, à l’exercice ou à la défense d’un droit en justice. Le Conseil d’État considère que le traitement peut également être rattaché à la dérogation prévue au i) du même paragraphe, dès lors qu’il peut être regardé comme nécessaire pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique.

● Les conditions de traitement et de partage des données enregistrées au sein de ce système d’information sont renvoyées par l’article 15 du projet de loi, et désormais par l’article 13 de la proposition de loi, à un décret en Conseil d’État pris après avis de la Cnil.

L’étude d’impact précise que l’ensemble des actes de la procédure d’aide à mourir devra être enregistré dans le système d’information, ce qui aura pour conséquence, que tant qu’une étape n’aura pas été complétée, l’étape suivante sera bloquée. La substance létale ne pourra ainsi être délivrée que si l’ensemble des étapes précédentes a été renseigné dans le système d’information.

Si l’article 13 du projet de loi de 2024, et désormais l’article 11 de la proposition de loi, se limitent à prévoir la création de ce système d’information, l’étude d’impact du projet de loi énumère les actes et documents qui auront vocation à y être enregistrés.

INFORMATIONS RENSEIGNÉES DANS LE SYSTÈME D’INFORMATION TENU PAR LA COMMISSION DE CONTRÔLE ET D’ÉVALUATION

Stade de la procédure d’aide à mourir

Informations à renseigner

1. Demande

Demande initiale de la personne, accompagnée des pièces attestant :

- L’authentification de l’identité et de l’âge

- La satisfaction de la condition de nationalité ou résidence

- L’attestation de bonne délivrance des informations (générales) sur l’aide à mourir transmises par le médecin

- Le caractère libre et éclairé de la volonté exprimée (pièces complémentaires relatives à la capacité des personnes, notamment, le cas échéant, de la personne chargée de la mesure de protection)

Proposition formalisée de prise en charge palliative transmise par le médecin, le cas échéant

2. Évaluation

Décision du médecin

Avis complémentaires

3. Confirmation

Confirmation de la demande de la personne, incluant les souhaits en matière de date, lieu et présence de proches pendant l’aide à mourir

Attestation du médecin sur le maintien du discernement si cette réitération intervient plus de trois mois après son évaluation

Attestation de bonne délivrance des informations personnalisées sur les modalités d’administration et d’action de la substance létale transmises par le médecin

Prescription de la substance létale, accompagnée des informations nécessaires à sa préparation

Identification du professionnel de santé (médecin ou infirmier) accompagnant

4. Préparation de la substance létale

Validation des étapes successives du circuit, de la réception initiale de la prescription, en passant par la mise à disposition de la substance létale, jusqu’à la mise dans le circuit de recyclage des produits non utilisés, le cas échéant

5. Réalisation de l’aide à mourir

Compte rendu du déroulement de l’aide à mourir, notamment en cas d’incident

Source : étude d’impact du projet de loi de 2024.

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

La commission spéciale a adopté un amendement de la rapporteure Laurence Cristol ([142]) codifiant les présentes dispositions dans un nouvel article L. 1111‑12‑9 du code de la santé publique.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 11 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 13 du projet de loi initial dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

Outre un amendement rédactionnel du rapporteur Stéphane Delautrette ([143]), la commission a adopté :

– un amendement du rapporteur prévoyant que les actes relatifs à la procédure d’aide à mourir doivent être enregistrés « au fur et à mesure » par les professionnels de santé concernés ([144]). Cette modification vise à préciser que l’enregistrement d’un acte doit intervenir immédiatement après sa réalisation ;

– suivant l’avis favorable du rapporteur, un amendement de Mmes Anne Le Hénanff et Nathalie Colin-Oesterlé (groupe Horizons & Indépendants) précisant que la mise en œuvre du système d’information prévu par cet article doit respecter les standards de sécurité définis par l’article 31 de la loi n° 2024-449 du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (dite « loi Sren ») ([145]). Celui‑ci dispose que, lorsque les administrations de l’État et plusieurs organismes publics ont recours à un service d’informatique en nuage fourni par un prestataire privé pour la mise en œuvre de systèmes ou d’applications informatiques afin de traiter des données d’une sensibilité particulière, telles que des données de santé, ils mettent en œuvre des critères de sécurité et de protection des données garantissant notamment la protection de celles-ci contre tout accès par des autorités publiques d’États tiers non autorisé par le droit de l’Union européenne ou d’un État membre ;

– contre l’avis du rapporteur, un amendement de Mme Élise Leboucher et des membres du groupe La France Insoumise – Nouveau Front Populaire prévoyant que « les données relatives aux actes enregistrés dans le système d’information se voient attribuer une codification spécifique et harmonisée afin de garantir leur identification, leur remontée et leur traçabilité » ([146]). Le rapporteur a estimé que, si cet amendement répond à une préoccupation légitime, la définition de la nomenclature des actes médicaux ne relève pas du domaine de la loi et que l’objectif poursuivi par les auteurs de l’amendement devrait être atteint concomitamment à l’édiction de l’arrêté définissant le tarif des actes accomplis dans le cadre de la procédure d’aide à mourir.

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Article 12
Recours devant le juge administratif

Adopté par la commission avec modifications

Cet article, issu de l’article 14 du projet de loi de 2024, définit les modalités suivant lesquelles un recours juridictionnel peut être formé à l’encontre de la décision du médecin relative à une demande d’aide à mourir. Il prévoit, d’une part, qu’elles ne pourront être contestées que par la personne qui a formulé la demande d’aide à mourir. Cette disposition ferme la capacité à agir des tiers. D’autre part, il confie au juge administratif la compétence de connaître de l’ensemble de ces recours, en dérogation aux règles habituelles de répartition des compétences entre ordres juridictionnels.

  1.   Le droit en vigueuR

 Le droit au recours effectif est un principe à valeur constitutionnelle reconnu par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Le juge constitutionnel considère ainsi qu’il ne saurait « être porté d’atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction » ([147]).

Le Conseil constitutionnel admet toutefois que des restrictions puissent être apportées au droit au recours des personnes pouvant justifier d’un intérêt leur donnant qualité pour agir, pour des motifs d’intérêt général et sous réserve que ces limitations soient proportionnées à l’objectif poursuivi ([148]).

Le droit d’accès à un tribunal et le droit au recours effectif sont également protégés respectivement par les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le recours contre une décision administrative est ouvert à toute personne ayant intérêt à agir. Le juge administratif peut toutefois exclure certaines catégories de requérant du cercle des personnes intéressées afin de réserver un droit d’action à ceux qu’il estime principalement concernés. C’est ce que traduit l’exigence d’un « intérêt direct » à agir.

Les décisions d’arrêt des traitements et de pratique d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès sont susceptibles de recours selon les conditions de droit commun devant le juge administratif ou le juge judiciaire, selon les règles usuelles de répartition des compétences entre ordres juridictionnels, suivant que la décision est prise par un médecin exerçant au titre du service public hospitalier ou un médecin libéral exerçant dans le cadre du secteur privé.

S’agissant plus particulièrement de la procédure d’arrêt des traitements et de la sédation profonde et continue jusqu’au décès des personnes hors d’état d’exprimer leur volonté, le Conseil constitutionnel a jugé que le droit au recours effectif imposait que la décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s’est enquis de la volonté du patient, dans des conditions leur permettant d’engager une action en temps utile. Le Conseil d’État a estimé qu’il résultait nécessairement de ces réserves d’interprétation que le médecin ne peut mettre en œuvre une décision d’arrêter ou de limiter un traitement avant que les personnes qu’il a consultées et qui pourraient vouloir saisir la juridiction compétente d’un tel recours n’aient pu le faire et obtenir une décision de sa part ([149]).

● S’agissant de la répartition des compétences entre ordres juridictionnels administratif et judiciaire, le Conseil constitutionnel affirme que, conformément à la conception française de séparation des pouvoirs, figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République celui selon lequel, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ([150]).

Toutefois, le Conseil constitutionnel admet que le législateur, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, unifie les règles de compétence juridictionnelle au sein de l’ordre juridictionnel principalement intéressé. Il est ainsi dérogé aux règles habituelles de compétence entre les juridictions administrative et judiciaire « lorsque l’application d’une législation ou d’une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire » ([151]).

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi initiale de 2024

● L’article 14 du projet de loi prévoit, en premier lieu, que la décision du médecin se prononçant sur l’aide à mourir ne peut être contestée que par la seule personne ayant formé cette demande.

Cette disposition a pour effet de fermer les recours des tiers à l’encontre des décisions d’acceptation ou de refus de l’aide à mourir. Cette fermeture du prétoire est justifiée dans l’étude d’impact par la volonté de « sécuriser les procédures d’aide à mourir, en évitant que des recours formés par des tiers fassent obstacle à la volonté libre et éclairée de la personne malade ».

Le Conseil d’État a estimé que cette restriction du droit aux recours des tiers ne portait pas atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et de protection du droit à la vie, ni au droit au recours effectif, « eu égard au caractère éminemment intime de la demande d’accès à l’aide à mourir qui trouve son fondement dans la liberté personnelle garantie par l’article 2 de la Déclaration de 1789 et dans le principe d’autonomie qui découle du droit au respect de la vie privée et familiale énoncé à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » ([152]).

Cette disposition n’a toutefois pas pour effet de faire obstacle à la saisine du juge pénal par les tiers et par la Commission de contrôle et d’évaluation prévue à l’article 17 du présent projet de loi, s’ils estiment que des manquements susceptibles de constituer des crimes ou des délits ont été commis lors de la mise en œuvre de la procédure d’aide à mourir.

● En second lieu, le présent article donne compétence à la juridiction administrative pour connaître des recours contre les décisions d’aide à mourir.

Cette disposition déroge à la répartition habituelle des compétences entre ordres juridictionnels. Les juridictions administratives et judiciaires sont respectivement compétentes pour connaître des recours contre les décisions médicales selon que la décision a été prise par un médecin exerçant dans le cadre du service public hospitalier ou de médecin exerçant dans un cadre libéral.

La dérogation à cette répartition habituelle des compétences est justifiée dans l’étude d’impact par la nécessité d’éviter les jurisprudences divergentes entre ordres juridictionnels. L’étude d’impact estime également que la majorité des décisions d’aide à mourir devrait avoir lieu en établissement public, justifiant que l’ordre administratif soit principalement intéressé. Enfin, elle affirme que les procédures d’urgence existantes dans l’ordre administratif sont sans équivalent au sein de l’ordre judiciaire.

La Cour de cassation, au sujet de décisions d’arrêt de traitement, avait admis que le droit à la vie n’entrait pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution et ne constituait donc pas une matière que la Constitution réservait par nature à l’autorité judiciaire ([153]).

Toutefois, le Conseil d’État relève dans son avis que le législateur n’a pas, s’agissant des recours dirigés contre les décisions d’arrêt des traitements et de mise en œuvre d’une sédation profonde et continue, unifié les règles de compétence juridictionnelle au sein de la juridiction administrative. Il estime que les motifs présentés par l’étude d’impact pour justifier qu’il soit dérogé aux règles habituelles de compétence des deux ordres de juridiction ne sont pas suffisamment étayés par ce document ([154]).

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

La commission spéciale a adopté un amendement de la rapporteure Laurence Cristol codifiant les dispositions de l’article 14 du projet de loi initial dans un nouvel article L. 1111‑12‑10 du code de la santé publique ([155]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 12 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 14 du projet de loi initial dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

La commission a adopté un amendement du rapporteur Stéphane Delautrette précisant qu’au même titre que la décision initiale du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir, la décision prise par celui-ci de mettre fin à la procédure ne peut être contestée que par la personne ayant formulé cette demande ([156]).

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Article 13
Mesures réglementaires d’application

Adopté par la commission avec modifications

Cet article, issu de l’article 15 du projet de loi de 2024, renvoie à un décret en Conseil d’État les mesures réglementaires d’application des articles 5 à 12 de la proposition de loi relatifs à la procédure d’aide à mourir.

  1.   Le droit en vigueur

 Le Conseil constitutionnel a jugé qu’il appartenait au législateur, « compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques, notamment en matière médicale, de déterminer les conditions dans lesquelles la poursuite ou l’arrêt des traitements d’une personne en fin de vie peuvent être décidés » ([157]).

Ainsi, s’agissant de la procédure d’arrêt des traitements et de mise en œuvre d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur n’avait pas méconnu l’étendue de sa compétence en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les conditions de déroulement de la procédure collégiale dès lors qu’il l’avait encadré avec suffisamment de précision en définissant les intervenants à cette procédure et son objet ([158]).

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

● Le présent article renvoie à un décret pris après avis du Conseil d’État les conditions d’application des articles 5 à 12 de la proposition de loi, issus des articles 7 à 14 du projet de loi, relatifs à la procédure d’aide à mourir.

L’article mentionne notamment la précision par voie réglementaire des dispositions relatives :

– aux modalités d’information de la personne qui demande l’aide à mourir ;

– à la forme et au contenu de la demande d’aide à mourir et de sa confirmation à l’issue du délai de réflexion ;

– à la procédure de vérification des conditions d’accès à l’aide à mourir prévues à l’article 6 et du recueil des avis des professionnels de santé par le médecin en charge de la procédure d’évaluation.

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

La commission spéciale a adopté un amendement de la rapporteure Laurence Cristol codifiant les présentes dispositions dans un nouvel article L. 11111211 du code de la santé publique ([159]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 13 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 15 du projet de loi initial dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur Stéphane Delautrette ([160]).

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Chapitre IV
Clause de conscience

Article 14
Clause de conscience, responsabilité du chef d’établissement sanitaire ou médico-social et déclaration de professionnels auprès de la commission

Adopté par la commission avec modifications

L’article 14, issu de l’article 16 du projet de loi, institue une clause de conscience spécifique au profit des professionnels de santé sollicités dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir, assortie d’une obligation d’information et de réadressage. Il garantit aux personnes hospitalisées ou hébergées en établissement social ou médico-social la possibilité de demander une aide à mourir. Il prévoit également que les professionnels de santé disposés à participer à l’aide à mourir se déclarent auprès de la commission d’évaluation et de contrôle prévue par l’article 15.

  1.   Le droit en vigueur

Le cadre juridique en vigueur, s’il garantit la liberté de conscience des professionnels de santé et admet l’existence de « clauses de conscience », reconnaît des limites à celles-ci.

● La jurisprudence du Conseil constitutionnel garantit la sauvegarde de la liberté de conscience, y compris pour les professionnels de santé. Initialement conçue comme un principe fondamental reconnu par les lois de la République ([161]), la liberté de conscience est désormais rattachée directement ([162]) à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, qui proclame que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Si le Conseil constitutionnel a admis, pour sauvegarder cette liberté, le droit pour un professionnel de santé de ne pas pratiquer d’interruptions volontaires de grossesse (IVG), il précise que cette liberté « relève de sa conscience personnelle et ne saurait s’exercer aux dépens de celle des autres médecins et membres du personnel hospitalier qui travaillent dans son service » ([163]). Il garantit par ailleurs le principe constitutionnel d’égalité des usagers devant la loi et devant le service public, et précise que le chef de service d’un établissement public de santé ne peut s’opposer à ce que des IVG soient effectuées dans son service.

Au niveau européen, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) met en balance la liberté de conscience, garantie par l’article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, avec d’autres droits fondamentaux. Elle estime que « les États sont tenus d’organiser leur système de santé de manière à garantir que l’exercice effectif de la liberté de conscience des professionnels de la santé dans le contexte de leurs fonctions n’empêche pas les patients d’accéder aux services auxquels ils ont droit en vertu de la législation applicable » ([164]). La CEDH a notamment, dans une décision de 2001, rejeté la requête de pharmaciens refusant de mettre en vente la pilule contraceptive dans leur officine ([165]).

● Une clause de conscience dite « générale » garantit explicitement, au niveau législatif, la possibilité pour le professionnel de santé de refuser un soin. En effet, conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1110‑3 du code de la santé publique, « le principe énoncé au premier alinéa du présent article [aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins] ne fait pas obstacle à un refus de soins fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l’efficacité des soins ».

Le même article dispose toutefois que le refus de soins du médecin ne peut être discriminatoire. Il ne peut être exercé en cas d’urgence et le professionnel de santé ne peut manquer à ses devoirs d’humanité. Il est également précisé que la « continuité des soins doit être assurée quelles que soient les circonstances, dans les conditions prévues par l’article L. 63151 du présent code », lequel dispose que, « lorsque le médecin se dégage de sa mission de soins pour des raisons professionnelles ou personnelles, il doit indiquer à ses patients le confrère auquel ils pourront s’adresser en son absence ». Le code de déontologie médicale, de valeur réglementaire, réaffirme cette dernière disposition : « s’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins » ([166]).

Alors que l’interprétation de la notion de soins au sens de l’article L. 11103 demeure stricte, le législateur peut également garantir l’existence d’une clause de conscience spécifique concernant certains actes, pour une catégorie de professionnels ou un type d’établissements ([167]). Comme le rappelle l’étude d’impact jointe au projet de loi, le législateur a prévu de telles clauses concernant l’interruption volontaire de grossesse ([168]), la stérilisation contraceptive ([169]) ainsi que les recherches sur les embryons ou les cellules souches ([170]), qui sont des actes médicaux et non des soins au sens de l’article L. 11103 du code de la santé publique.

En dehors de ces cas, la responsabilité pénale du professionnel de santé peut être engagée à la suite d’un refus de soins, notamment pour non-assistance à personne en péril ([171]).

● Les rapporteurs notent qu’une clause de conscience est prévue dans chacun des pays dotés d’un cadre législatif relatif à l’aide à mourir. Les modalités de recours à cette clause sont toutefois variables, tant en termes de formalités que de délais.

MODALITÉS DE RECOURS À LA CLAUSE DE CONSCIENCE SELON LES PAYS

Pays

Cadre législatif

Délais applicables

Belgique

Les médecins disposent d’une clause de conscience dans le cadre d’actes d’aide à mourir. Tout refus d’acte doit être justifié et le patient dirigé vers une association spécialisée dans un délai de sept jours suivant la demande. Une fois le patient ré-adressé, le médecin doit transmettre son dossier médical au nouveau médecin dans un délai de quatre jours.

– 7 jours suivant la demande pour la transmission du patient vers une association spécialisée ;

– 4 jours pour la transmission du dossier médical au médecin désigné.

Espagne

Les professionnels de santé disposent d’un droit à l’objection « de conscience », qu’ils invoquent par écrit. L’écrit doit être enregistré et conservé par les administrations sanitaires locales.

Aucun délai n’est fixé par la loi.

États-Unis (Oregon)

Les médecins peuvent faire une demande de transmission du dossier médical du patient à un autre médecin s’ils ne souhaitent pas pratiquer l’acte.

Aucun délai n’est fixé par la loi.

Luxembourg

Les médecins et professionnels de santé ont le droit de refuser de pratiquer l’euthanasie ou le suicide assisté. Ils doivent, le cas échéant, en informer le patient dans les 24 heures qui suivent la demande et communiquer le dossier médical au médecin désigné par le patient.

– 24 heures suivant la demande pour notifier le refus ;

– Aucun délai de transmission du dossier médical n’est fixé.

Pays-Bas

L’euthanasie ne constituant pas un droit, les médecins peuvent refuser de la pratiquer. Ils doivent en informer le patient à un « stade précoce » et peuvent l’orienter vers un autre médecin sans que cela ne soit une obligation.

Aucun délai n’est fixé par la loi, le médecin est tenu d’informer le patient de son refus à un stade précoce.

Source : étude d’impact jointe au projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, 10 avril 2024.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions initiales du projet de loi de 2024

L’article 16 du projet de loi, dont les dispositions sont reprises à l’article 14 de la présente proposition de loi, instituait une clause de conscience spécifique au profit des professionnels de santé sollicités pour concourir à la mise en œuvre d’une procédure d’aide à mourir. Il définissait des garanties assurant l’effectivité de l’aide à mourir en cas de recours à cette clause.

● D’une part, l’article 16 dispose que les professionnels de santé ne sont pas tenus de concourir à la mise en œuvre des dispositions prévues aux chapitres II et III, relatives aux conditions d’accès et à la procédure d’aide à mourir.

Il est précisé que bénéficient de cette clause les professionnels de santé mentionnés à l’article 7 ainsi qu’aux I à V et au premier alinéa du VI de l’article 8 du projet de loi (I). Sont dès lors concernés :

– le médecin en activité auprès de qui la personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir en fait la demande expresse ;

– le médecin désigné pour avis par le premier médecin, qui doit être spécialiste de la pathologie si le premier ne l’est pas ;

– l’auxiliaire médical ou l’aide-soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, d’un autre auxiliaire médical ;

– les autres professionnels de santé, psychologues, infirmiers ou aides-soignants intervenant auprès de la personne, dont l’avis est sollicité.

Il en résulte que les pharmaciens ne bénéficient pas de la clause de conscience. Comme le souligne l’étude d’impact jointe au projet de loi, une telle clause porterait atteinte à l’accès effectif à l’aide à mourir dans la mesure où les pharmaciens auront le monopole de la délivrance des substances létales utilisées pour les actes d’aide à mourir.

Le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet de loi, confirme la légitimité de cette exclusion et estime que « les missions de réalisation de la préparation magistrale létale et de délivrance de la substance létale, qui interviennent après la prise de décision et avant la mise en œuvre de l’administration de la substance létale, ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens et des personnes qui travaillent auprès d’eux » ([172]).

Du reste, les rapporteurs notent que cette limitation apportée à la liberté de conscience des pharmaciens recueille l’assentiment de majorité de la profession et qu’elle n’emporte aucun risque d’inconstitutionnalité, celle-ci étant déjà prévue pour d’autres actes. Ainsi, si la partie réglementaire du code de la santé publique dispose que l’intérêt de la santé du patient peut justifier le refus pour un pharmacien de dispenser un médicament ([173]), la Cour de cassation a jugé que ce refus ne pouvait être invoqué pour la délivrance de médicaments à visée contraceptive ou abortive, précédant la décision précitée de la Cour européenne des droits de l’homme ([174]).

Les rapporteurs relèvent par ailleurs qu’aucun enregistrement des professionnels refusant de concourir à la mise en œuvre de l’aide à mourir n’est prévu, eu égard notamment au caractère disproportionné d’une telle mesure.

● Pour ne pas faire obstacle à la mise en œuvre de l’aide à mourir, la clause de conscience est assortie d’une obligation d’information et d’orientation du demandeur. Le second alinéa du I de l’article 16 disposait ainsi que le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à la mise en œuvre de ces dispositions doit informer sans délai la personne de son refus et lui communiquer le nom de professionnels de santé susceptibles de lui apporter leur aide. Cette disposition figure désormais au I du nouvel article L. 1111-12-12 que l’article 14 de la proposition de loi prévoit d’introduire dans le code de la santé publique.

● Par ailleurs, le II de l’article 16 prévoyait que, concernant les personnes admises dans les établissements de santé ou hébergées dans les établissements ou services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312‑1 du code de l’action sociale et des familles, le responsable de l’établissement ou du service est tenu de permettre l’intervention des professionnels de santé et des personnes sollicitées pour mettre en œuvre et accompagner l’aide à mourir. Cette disposition est reprise au II du nouvel article L. 1111-12-12.

Il en résulte une responsabilité additionnelle du directeur d’établissement ou du chef de service dans la mise en œuvre effective de l’aide à mourir, notamment dans le cadre du réadressage qui incombe au professionnel de santé faisant valoir la clause de conscience. Comme précisé par l’étude d’impact, sans imposer une mission de service public, cette disposition garantit un accès à l’aide à mourir : le directeur de la structure sera tenu d’y permettre l’intervention des professionnels de santé volontaires, extérieurs à l’établissement, pour traiter une demande d’aide à mourir formulée par une personne hospitalisée ou hébergée dans ladite structure, puis pour l’accompagner dans la suite de la procédure.

● Enfin, le III de l’article 16 disposait que les professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de la procédure d’aide à mourir peuvent se déclarer auprès de la commission d’évaluation et de contrôle prévue à l’article 17 du projet de loi et, désormais, à l’article 15 de la proposition de loi. Cette commission est notamment chargée de centraliser les données et d’établir un registre à cette fin. Comme le souligne l’étude d’impact jointe au projet de loi, cet enregistrement, qui n’est pas prévu par la législation relative à l’interruption volontaire de grossesse, a vocation à permettre un réadressage plus efficace et ainsi à mieux garantir le droit d’accès à l’aide à mourir. Cette disposition est reprise dans une rédaction modifiée au III du nouvel article L. 1111‑12‑12 précité.

En application du 3° du I du même article 17 du projet de loi, et conformément à l’avis du Conseil d’État ([175]), ce registre sera accessible aux seuls médecins, dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ([176]). Cette disposition figure désormais au 3° du I de l’article L. 1111‑12‑13 du code de la santé publique, qui résulterait de l’article 15 de la proposition de loi.

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

Les modifications apportées par la commission spéciale portaient principalement sur le ré-adressage en cas de recours, par un professionnel de santé, à sa clause de conscience, ainsi que sur le registre des professionnels volontaires tenu par la commission de contrôle et d’évaluation.

Deux amendements identiques présentés par la rapporteure Caroline Fiat d’une part, et par M. Hadrien Clouet et les membres du groupe La France insoumise – Nouvelle Union Populaire écologique et sociale d’autre part ([177]), adoptés en dépit de demandes de retrait du Gouvernement, ont prévu que le professionnel de santé qui refuse de concourir à la mise en œuvre de l’aide à mourir communique à la personne le nom de professionnels « disposés à » y participer, et non « susceptibles d’y » participer.

La commission a par ailleurs adopté, contre l’avis de la rapporteure et du Gouvernement, un amendement de M. Jean-François Rousset et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance ordonnant que les professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de l’aide à mourir « se déclarent » auprès de la commission de contrôle et d’évaluation, quand la rédaction initiale prévoyait qu’ils « peuvent se déclarer » ([178]).

En cohérence avec les amendements adoptés sur les autres articles du titre II du projet de loi, la commission spéciale a enfin adopté un amendement de la rapporteure Caroline Fiat codifiant les dispositions de l’article 16 de celui-ci dans le code de la santé publique ([179]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 14 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 16 du projet de loi initial dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

Outre deux amendements rédactionnels du rapporteur Stéphane Delautrette ([180]), la commission a adopté :

– un amendement du rapporteur prévoyant que le professionnel de santé qui invoque sa clause de conscience communique sans délai à la personne concernée le nom d’un professionnel disposé à participer à la procédure d’aide à mourir ([181]). Dans sa rédaction initiale, l’article prévoyait que le professionnel de santé informe sans délai la personne de son refus et lui communique le nom d’un autre professionnel. Cette formulation ne permettait pas de s’assurer que le réadressage de la personne intervienne de façon concomitante à l’expression, par le professionnel, de son choix d’invoquer la clause de conscience. La modification proposée par le rapporteur et adoptée par la commission a consisté à déplacer la locution « sans délai » pour qu’elle s’applique aussi bien à l’expression du refus qu’à la communication du nom d’un professionnel disposé à mettre en œuvre l’aide à mourir ;

– suivant l’avis favorable du rapporteur, un amendement de M. Hadrien Clouet et des membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire précisant que le professionnel de santé qui invoque la clause de conscience est tenu d’orienter vers l’un de ses confrères non seulement la personne qui demande l’aide à mourir, mais également le professionnel qui le sollicite dans le cadre de cette procédure ([182]). Cet amendement permet notamment de s’assurer que le professionnel de santé qui refuserait de prendre part à la procédure collégiale prévue par l’article 6 communique au médecin qui le sollicite le nom d’un professionnel susceptible d’y participer.

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Chapitre V
Contrôle et évaluation

Article 15
Création d’une commission de contrôle et d’évaluation

Adopté par la commission avec modifications

L’article 15, issu de l’article 17 du projet de loi de 2024, prévoit la création d’une commission de contrôle et d’évaluation chargée principalement du contrôle systématique et a posteriori du respect des conditions d’accès et de procédure d’aide à mourir. Cette commission assure également le suivi et l’évaluation de l’aide à mourir par une information annuelle et par des recommandations, ainsi que la gestion du registre des professionnels de santé disposés à participer à l’aide à mourir.

  1.   Le droit en vigueur

● En l’absence de toute procédure de contrôle a posteriori de décisions d’ordre médical, notamment concernant la fin de vie, le législateur a défini en France des conditions de réalisation de certains actes et a prévu des garanties spécifiques visant à protéger les droits du patient.

À titre d’exemple, les traitements « ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable » ([183]), tandis que la procédure de sédation profonde et continue est mise en œuvre dans deux cas limitatifs : «  Lorsque le patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme présente une souffrance réfractaire aux traitements ; 2° Lorsque la décision du patient atteint d’une affection grave et incurable d’arrêter un traitement engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable » ([184]). Le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la conformité à la Constitution de certaines dispositions des articles L. 1110‑5‑1 et L. 1110-5-2 du code de la santé publique et a jugé que le législateur avait « assorti de garanties suffisantes la procédure qu’il a mise en place » ([185]).

Aussi, des voies de recours sont ouvertes, y compris à travers des procédures d’urgence devant la juridiction administrative telles que les référés suspension et liberté et, si l’article 122-4 du code pénal dispose que la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires n’est pas pénalement responsable, la responsabilité civile des professionnels de santé impliqués peut être engagée en cas de faute. Il en va de même de leur responsabilité pénale, en cas de manquement aux dispositions applicables révélant l’existence d’un délit ou d’un crime, tandis que des recours disciplinaires peuvent également être introduits dans de telles hypothèses.

● Dans les pays qui proposent une législation en matière d’aide à mourir, un contrôle est exercé selon des modalités variables, a priori ou a posteriori, par une commission ad hoc ou non, à l’échelon national ou local.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État relevait que le caractère suffisant d’un contrôle a posteriori a été admis par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Cette dernière a en effet jugé le contrôle de la décision médicale relative à l’euthanasie en Belgique, exercé uniquement a posteriori par une commission fédérale ([186]), n’est pas incompatible avec les droits à la vie et au respect de la vie privée et familiale garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CSDH) ([187]), dès lors que ces actes sont soumis à des conditions strictement réglementées par la loi, qui prévoit un certain nombre de garanties matérielles et procédurales. Elle a souligné la nécessité qu’un tel contrôle soit « effectué de manière particulièrement rigoureuse », et en particulier que les règles de composition et de fonctionnement de la commission chargée de ce contrôle garantissent son indépendance.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

La création d’un dispositif d’aide à mourir suppose la mise en place concomitante d’une instance de contrôle du respect des conditions et des garanties procédurales fixées. À cette fin, l’article prévoit la création d’une commission de contrôle et d’évaluation, placée auprès du ministre chargé de la santé et chargée de plusieurs missions.

 La principale mission attribuée à cette commission est le contrôle du respect, pour chaque aide à mourir, des conditions d’accès et de procédure prévues par le projet de loi (1° du I de l’article 17 de ce dernier, repris au 1° du I du nouvel article L. 1111-12-13 que le présent article introduit dans le code de la santé publique). L’étude d’impact soulignait que la commission n’a pas vocation à intervenir dans le déroulement d’une procédure d’aide à mourir et ajoute qu’elle « n’est ni une instance d’expertise en appel des décisions d’éligibilité, ni une instance de réexamen des avis rendus dans le cadre des procédures collégiales. Son contrôle ne peut se dérouler qu’en aval de ces dernières. »

Il était précisé que le contrôle, effectué a posteriori, sur le modèle belge, sera réalisé notamment à partir des données enregistrées dans le système d’information ad hoc prévu à l’article 13 du projet de loi et désormais à l’article 11 du présent texte, dont la commission sera responsable en application du II du nouvel article L. 1111-12-13 précité. Le présent article 15 dispose en outre que les données enregistrées dans ce système d’information sont traitées et partagées dans des conditions précisées par un décret pris en Conseil d’État après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

L’étude d’impact du projet de loi indique que seront enregistrés l’ensemble des actes de la procédure et ajoute que, tant qu’une étape n’aura pas été complétée, l’étape suivante sera bloquée. Ainsi, la délivrance du produit létal par le pharmacien nécessitera la réalisation de toutes les étapes antérieures.

Nonobstant les obligations légales relatives au secret médical résultant de l’article L. 11104 du code de la santé publique, les médecins membres de la commission de contrôle et d’évaluation pourront avoir accès, dans la mesure strictement nécessaire à leur mission, au dossier médical de la personne ayant procédé ou fait procéder à l’administration de la substance létale (III).

Le dernier alinéa du I du nouvel l’article L. 1111-12-13 dispose que, lorsqu’à l’issue de son contrôle, la commission estime que des faits commis par les professionnels de santé à l’occasion de la mise en œuvre de l’aide à mourir sont susceptibles de constituer un manquement aux règles déontologiques ou professionnelles, elle peut saisir la chambre disciplinaire de l’ordre compétent.

 La commission assure également le suivi et l’évaluation de l’application de l’aide à mourir afin d’en informer annuellement le Gouvernement et le Parlement et de leur proposer des recommandations (2° du I de l’article L. 1111-12-13 précité).

 Elle est par ailleurs chargée d’enregistrer les déclarations des professionnels de santé qui sont disposés à participer à la mise en œuvre de l’aide à mourir, en application du dernier alinéa de l’article 14 (3° du I de l’article L. 1111-12-13). Il est précisé que le registre constitué, qui a pour objet de faciliter l’orientation des personnes demandant l’aide à mourir, notamment lorsqu’un professionnel fait usage de sa clause de conscience, sera, conformément à l’avis du Conseil d’État, accessible aux seuls médecins, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État pris après avis de la Cnil.

● Le dernier alinéa de l’article 17 du projet de loi, repris dans la proposition de loi au IV du nouvel article L. 1111-12-13 du code de la santé publique, renvoie à un décret pris en Conseil d’État la composition de la commission et ses règles de fonctionnement propres à garantir son indépendance et son impartialité, ainsi que les modalités d’examen, pour chaque personne ayant demandé l’aide à mourir, du respect des conditions d’accès et de procédure.

L’étude d’impact du projet de loi précise que la commission sera composée de représentants de l’État, d’experts dans les domaines du droit, des sciences humaines et sociales, et de professionnels de santé, notamment de médecins, seuls compétents pour l’analyse de données relevant du secret médical, tandis que le Conseil d’État indique qu’il importera qu’elle comporte au moins deux médecins, pour les cas où l’un d’entre eux devrait se déporter.

S’agissant des règles de fonctionnement de la commission, l’étude d’impact précise qu’elles pourraient par exemple « porter sur l’examen à échéances régulières de chaque procédure d’aide à mourir réalisée pendant une période déterminée (un mois, un trimestre, etc.), sur la base d’une extraction anonymisée du système d’information ». Elle ajoute que les cas qui ne soulèveraient aucune question donneraient lieu à une décision de validation par la commission qui ferait l’objet d’un enregistrement dans le système d’information et d’une transmission aux professionnels concernés. En cas de difficulté, la commission pourrait décider de lever l’anonymat et, afin d’être éclairée sur les conditions dans lesquelles l’aide a été dispensée, elle aurait la possibilité d’interroger les personnes intervenues dans la procédure ainsi que de se faire communiquer tous les éléments nécessaires.

● Le Conseil d’État a formulé plusieurs observations concernant cette commission. Il a notamment relevé que « le principe même de l’existence d’une telle commission ne contrevient à aucun principe de nature constitutionnelle », tout en soulignant les garanties apportées par le dispositif :

– les prérogatives de l’autorité judiciaire ne font l’objet d’aucune restriction dès lors, d’une part, que l’appréciation de la commission ne revient pas, en droit, à éteindre l’action publique et, d’autre part, que l’action publique n’est pas subordonnée à l’action de la commission ;

– le cadre strict dans lequel s’inscrit l’aide à mourir, qui permet de l’envisager comme une cause d’irresponsabilité pénale par autorisation de la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal, ne semble pas justifier un contrôle systématique de l’autorité judiciaire, dont l’indépendance est garantie par la Constitution ;

– la commission de contrôle et d’évaluation devant être regardée comme une « autorité constituée » au sens de l’article 40 du code de procédure pénale ([188]), elle sera tenue, si elle suspecte, dans le cadre de son contrôle, que des faits sont susceptibles de constituer un crime ou un délit, d’effectuer un signalement au procureur de la République, à qui seul appartiendra d’apprécier l’opportunité d’engager des poursuites ;

 les proches des personnes décédées pourraient engager l’action publique en saisissant directement le parquet d’une plainte ou en se constituant partie civile. L’intervention de la commission ne délivrerait pas non plus les professionnels de santé, notamment ceux exerçant au sein du service public hospitalier, des obligations prévues en particulier à l’article 40 du code de procédure pénale et à l’article 434-1 du code pénal, aux termes duquel toute personne ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, est tenue d’en informer les autorités judiciaire ou administrative.

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE eN 2024

La commission spéciale a adopté plusieurs amendements qui ont précisé l’action et la composition de la commission de contrôle et d’évaluation.

Un amendement de la rapporteure Caroline Fiat a explicité le caractère a posteriori du contrôle exercé par cette commission, rétablissant cette mention qui figurait dans l’avant-projet de loi en adéquation avec le dispositif décrit par l’étude d’impact ([189]).

Par un autre amendement de la rapporteure, la commission spéciale a indiqué que, dans sa mission de suivi et d’évaluation, la commission de contrôle et d’évaluation exploite notamment des données agrégées et anonymisées, le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse de la commission ([190]).

Enfin, un amendement de Mme Marie-Noëlle Battistel et plusieurs de ses collègues du groupe Socialistes et apparentés a imposé, suivant l’avis favorable du Gouvernement, et conformément à l’exigence fixée par le Conseil d’État ([191]), que la commission de contrôle et d’évaluation soit composée d’au moins deux médecins ([192]).

En cohérence avec les amendements adoptés lors de l’examen des autres articles du titre II du projet de loi, la commission a également adopté un amendement de la rapporteure codifiant les dispositions du présent article dans le code de la santé publique ([193]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 15 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 17 du projet de loi initial dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

Outre un amendement rédactionnel de la rapporteure Élise Leboucher ([194]), la commission a adopté plusieurs amendements précisant les missions et la composition de la commission de contrôle et d’évaluation :

 un amendement de Mme Élise Leboucher et des membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire étendant le champ d’application des contrôles opérés par la commission au respect, par les professionnels de santé, lorsque ces derniers invoquent la clause de conscience, de l’obligation de communiquer sans délai à la personne leur refus de participer à la procédure d’aide à mourir ainsi que le nom d’un professionnel disposé à le faire ([195]) ;

 un amendement de la rapporteure Élise Leboucher précisant que le suivi et l’évaluation des procédures d’aide à mourir mis en œuvre par la commission doivent reposer notamment sur une approche sociologique et éthique ([196]). Cet ajout visait à s’assurer qu’une approche mobilisant les acquis des sciences humaines et social soit mise en œuvre par la commission en complément des approches médicale et juridique ;

 un amendement de Mme Élise Leboucher et des membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire visant à permettre à l’ensemble des professionnels de santé, et non aux seuls médecins, d’accéder au registre des professionnels disposés à participer à la procédure d’aide à mourir ([197]) ;

 un amendement de la rapporteure Élise Leboucher précisant que, lorsque la commission estime que des faits commis à l’occasion de la mise en œuvre de la procédure d’aide à mourir sont susceptibles de constituer un crime ou un délit, elle en avise le procureur de la République dans les conditions prévues à l’article 40 du code de procédure pénale ([198]). Cet amendement explicitait ainsi ce qu’avait déjà souligné le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi initial, à savoir que la commission doit être regardée comme une « autorité constituée » au sens de cette disposition du code de procédure pénale ;

 un amendement de la rapporteure Élise Leboucher prévoyant que la commission dont la composition et les règles de fonctionnement seront définies par un décret en Conseil d’État, comprenne au moins deux médecins, un conseiller d’État, un conseiller à la Cour de cassation, deux membres d’associations agréées représentant les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique ainsi que deux personnalités désignées en raison de leurs compétences dans le domaine des sciences humaines et sociales ([199]).

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Article 16
Évolution des missions de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et insertion des produits destinés à l’aide à mourir dans un circuit spécifique et sécurisé

Adopté par la commission avec modifications

L’article 16, issu de l’article 18 du projet de loi, étend le domaine d’intervention de la Haute Autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) aux substances létales utilisées pour l’aide à mourir. La HAS est chargée d’établir des recommandations de bonnes pratiques tandis qu’est prévu un circuit spécifique et sécurisé de distribution des substances utilisées.

  1.   Le droit en vigueur

● En France, le pharmacien détient un monopole de fabrication, de contrôle ainsi que de distribution et de vente de médicaments à usage humain ([200]), traditionnellement entendus comme « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines » ([201]).

Si l’administration d’une substance de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement au sens du code pénal ([202]), les substances létales peuvent être, comme les médicaments contraceptifs et abortifs, rattachées à la définition européenne du médicament ([203]). Reprise à l’article L. 5111‑1 du code de la santé publique, celle-ci précise qu’est aussi entendue comme médicament « toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique » ([204]).

Il existe différentes catégories de médicaments et l’article L. 5121‑1 du code de la santé publique distingue ainsi les préparations magistrales, définies comme tout médicament préparé selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé, des préparations hospitalières ou officinales, lesquelles sont réalisées en avance et en petites séries pour un ou plusieurs patients.

Comme le rappelle l’étude d’impact jointe au projet de loi, la dispensation du médicament, c’est-à-dire le fait de le remettre à un patient, a lieu sous la responsabilité et le contrôle de pharmaciens, lesquels peuvent exercer en officine ([205]) ou en pharmacie à usage intérieur (PUI) ([206]).

● Deux opérateurs sont responsables de l’évaluation et de l’encadrement des pratiques et des produits de santé :

– la Haute Autorité de santé (HAS) ([207]) évalue le service attendu des produits. Elle élabore et diffuse des guides de bon usage des soins et des recommandations de bonne pratique, sans préjudice des mesures prises par l’ANSM dans ses missions de sécurité sanitaire. Les tâches dont elle est chargée sont énumérées à l’article L. 161‑37 du code de la sécurité sociale ;

– l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ([208]) évalue régulièrement l’évolution des risques et bénéfices des médicaments commercialisés. Elle mène des actions d’information et de sensibilisation au bon usage des produits de santé ([209]).

● En application de l’article L. 5121‑14‑3 du code de la santé publique, l’entreprise qui exploite un médicament est tenue de contribuer à son bon usage, notamment en veillant à ce qu’il soit prescrit dans le respect de son autorisation de mise sur le marché ainsi que d’éventuelles autres autorisations ou enregistrement. Elle prend toutes les mesures d’information qu’elle juge appropriées à l’attention des professionnels de santé lorsqu’elle constate des prescriptions non conformes au bon usage de ce médicament et en avise sans délai l’ANSM.

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

L’article 18 du projet de loi, qui correspond à l’article 16 de la présente proposition de loi, définit la chaîne de mise à disposition des substances létales destinées à l’aide à mourir de façon à apporter une protection renforcée à toutes les étapes en précisant les obligations des fabricants ainsi que les missions de la HAS et de l’ANSM. Ce faisant, il prévient toute dérive et garantit la possibilité de recevoir l’aide à mourir sur tout le territoire. En outre, alors que les substances létales sont caractérisées par une absence de but thérapeutique, il modifie la partie législative du code de la sécurité sociale et du code de la santé publique afin d’adapter les dispositions existantes relatives à l’encadrement des produits de santé.

 D’une part, le présent article complète les missions confiées à la HAS et l’ANSM. Celles-ci ont été consultées concernant cette évolution. Elles voient leur domaine d’intervention étendu aux substances létales utilisées dans le cadre de l’aide à mourir, préparations prescrites sans visée thérapeutique.

Le même article attribue à la Haute Autorité de santé, en ajoutant un 23° à l’article L. 16137 du code de la sécurité sociale, la mission d’élaborer des recommandations de bonne pratique concernant les substances susceptibles d’être utilisées pour l’aide à mourir, en tenant compte notamment des comptes rendus effectués par les professionnels de santé accompagnant la personne lors de leur administration, mentionnés au V de l’article L. 1111127 du code de la santé publique que l’article 9 de la présente proposition de loi prévoit de créer et qui est issu de l’article 11 du projet de loi (I).

L’étude d’impact jointe à ce dernier précise que ces recommandations, incluant une liste de produits susceptibles, isolément ou de manière combinée, d’être utilisés pour l’aide à mourir, indépendamment de leur autorisation de mise sur le marché, seront élaborées en lien avec les sociétés savantes et en considération de la littérature scientifique internationale. Elles auront vocation à être actualisées.

L’article complète enfin le premier alinéa du II de l’article L. 53111 du code de la santé publique afin que l’ANSM puisse, sur demande du ministre chargé de la santé, procéder à l’évaluation des produits destinés à être utilisés pour l’aide à mourir (4° du II).

 D’autre part, l’article sécurise la chaîne de circulation de la substance létale. L’étude d’impact précise que l’ordonnance de prescription de la substance létale sera directement transmise par le prescripteur à une pharmacie à usage intérieur autorisée, qui procédera à la préparation et à la facturation à l’assurance maladie, puis emballera le produit de façon à garantir sa confidentialité afin de le transmettre aux pharmacies d’officine désignées par transporteur sécurisé garantissant sa bonne conservation. En dernier lieu, la substance sera délivrée aux professionnels de santé accompagnant le patient récipiendaire de l’aide à mourir.

Aussi, au regard de la spécificité de l’usage et des effectifs relativement limités de personnes concernées, la préparation des substances létales est réservée aux pharmacies à usage intérieur des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire désignées par arrêté du ministre chargé de la santé ( du II).

Le même 1° du II complète la définition de la préparation magistrale prévue au 1° de l’article L. 51211 du code de la santé publique. Il dispose qu’est qualifiée de létale une préparation magistrale utilisée pour l’aide à mourir préparée dans le respect des recommandations élaborées par la Haute Autorité de santé. En conséquence, la préparation létale serait une sous-catégorie de préparation magistrale.

Pour en sécuriser la délivrance, ce même alinéa dispose également que la préparation est délivrée dans les conditions mentionnées à l’article L. 51328 du même code, relatif aux préparations vénéneuses. Il en résulte que ces conditions seront fixées après avis des conseils nationaux de l’ordre des médecins et de l’ordre des pharmaciens. Il est entendu par ailleurs que, la substance létale étant rattachée à la catégorie des préparations magistrales définie à l’article L. 51211, elle entre dans le monopole pharmaceutique établi à l’article L. 42111, qui lui-même comprend des garanties de transport, sous la responsabilité du pharmacien, fixées au niveau réglementaire ([210]).

L’article prévoit en outre un double circuit de distribution hospitalier et officinal, permettant un meilleur accès au produit pour les patients. À cette fin, il modifie l’article L. 51266 du code de la santé publique pour permettre aux PUI chargées de la préparation de transmettre les préparations magistrales létales aux pharmacies d’officine ou aux PUI chargées de leur délivrance, mentionnées à l’article 10 du projet de loi (3° du II).

Enfin, l’article clarifie l’étendue des obligations du fabricant des produits qui composent la substance létale, notamment en matière de suivi du bon usage. Il modifie l’article L. 5121143 du code de la santé publique afin d’obliger les entreprises exploitant des médicaments à veiller à ce que la substance létale soit prescrite dans le respect des recommandations de la Haute Autorité de santé ( du II).

  1.   Les modifications apportées par la commission SPÉCIALE en 2024

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission spéciale a adopté un amendement de la rapporteure Caroline Fiat confiant à la Haute Autorité de santé le soin de définir les substances létales susceptibles d’être utilisées pour l’aide à mourir ([211]).

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 16 de la proposition de loi relative à la fin de vie correspond à l’article 18 du projet de loi initial dans sa rédaction résultant des travaux de la commission spéciale.

  1.   Les modifications apportées par la commission en 2025

La commission a adopté deux amendements rédactionnels de la rapporteure Élise Leboucher ([212]).

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Chapitre VI
Dispositions pénales

Adopté par la commission avec modifications

L’article 17, correspondant à l’article 18 bis du texte résultant des délibérations de l’Assemblée nationale sur le projet de loi de 2024, crée un délit d’entrave à l’aide à mourir, sur le modèle de celui prévu concernant l’interruption volontaire de grossesse.

  1.   Le droit existant

● Absente du droit positif puisque créée par les articles 2 à 14 de la proposition de loi n° 1100, l’aide à mourir ne voit pas son empêchement sanctionné.

Il importe de préciser qu’aux termes du quatrième alinéa de l’article 34 de la Constitution, « la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables [et] la procédure pénale » relève intégralement du législateur, ce que rappelle le premier alinéa de l’article 111-2 du code pénal et ce qui les distingue des contraventions, laissant un office à l’autorité réglementaire, ainsi que l’indique le second alinéa du même article.

● S’agissant des droits de la personne estant en justice car elle estime être victime d’une infraction, la section II du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de procédure pénale dispose :

– au premier alinéa, à la première phrase du deuxième alinéa et au dernier alinéa de l’article 85, respectivement que « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction compétent » ([213]), que, dans le cas des seuls délits, « toutefois, la plainte avec constitution de partie civile n’est recevable qu’à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d’une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu’il n’engagera pas lui-même des poursuites, soit qu’un délai de trois mois s’est écoulé depuis qu’elle a déposé plainte [...] » ([214]) et qu’enfin « la plainte avec constitution de partie civile [...] formée par une personne morale à but lucratif n’est recevable qu’à condition que la personne morale justifie de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat » ;

– au troisième alinéa et aux deux premières phrases du quatrième alinéa de l’article 86, respectivement que « lorsque la plainte n’est pas suffisamment motivée ou justifiée, le procureur de la République peut, avant de prendre ses réquisitions et s’il n’y a pas été procédé d’office par le juge d’instruction, demander à ce magistrat d’entendre la partie civile et, le cas échéant, d’inviter cette dernière à produire toute pièce utile [...] » et que « le procureur de la République ne peut saisir le juge d’instruction de réquisitions de non informer que si, pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale ; le procureur de la République peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi de façon manifeste, le cas échéant au vu des investigations [...], que les faits dénoncés [...] n’ont pas été commis » ;

– aux trois premiers alinéas de l’article 87, que « la constitution de partie civile peut avoir lieu à tout moment au cours de l’instruction ; elle peut être contestée par le procureur de la République ou par une partie ; en cas de contestation, ou s’il déclare irrecevable la constitution de partie civile, le juge d’instruction statue, après communication du dossier au ministère public, par ordonnance motivée dont l’intéressé peut interjeter appel » ;

– au premier alinéa de l’article 91, que « quand, après une information ouverte sur constitution de partie civile, une décision de non-lieu a été rendue, la personne mise en examen et toutes personnes visées dans la plainte, et sans préjudice d’une poursuite pour dénonciation calomnieuse, peuvent, si elles n’usent de la voie civile, demander des dommages-intérêts au plaignant ».

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

Cet article ne figurait pas dans le projet de loi initial.

  1.   Les modifications apportÉes par la commission spÉciale en 2024

L’article 18 bis du texte adopté par la commission était issu de l’adoption de l’amendement CS1980 (rect.) de Mme Caroline Fiat, rapporteure.

Cet amendement créait dans le projet de loi un chapitre nouveau consacré aux dispositions pénales, faisant l’objet d’une nouvelle sous-section dans le code de la santé publique.

  1.   Les modifications apportÉes en sÉance en 2024

Cet article n’avait pas été examiné en séance.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 17, formant le chapitre VI de la proposition de loi, relative à ses dispositions pénales, reprend l’article 18 bis précité.

● Est créée, au sein de la section II bis du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique telle qu’elle résulte des alinéas 1 à 3, une sous-section 6 (alinéas 1 à 3).

Le I de l’unique article L. 1111-12-14 de cette nouvelle division punirait d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende l’entrave à l’aide à mourir, soit le « fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir » (alinéa 4).

L’élément matériel du délit serait constitué de deux comportements :

– soit, aux termes du du I du nouvel article, en « perturbant » les lieux de pratique de l’aide à mourir et l’activité des personnes la mettant en œuvre, c’est‑à‑dire l’accès aux établissements habilités ou à un autre endroit où elle serait tenue, ainsi que la circulation des personnes et le travail dans ceux-ci (alinéa 5) ;

– soit, aux termes du du même I, par la commission de « pressions morales et psychologiques, [de] menaces ou [de] tout acte d’intimidation » vis‑à‑vis à la fois des individus cherchant des informations sur l’aide à mourir, des agents des établissements susmentionnés et des patients ou de leurs proches (alinéa 6).

Le II du nouvel article codifié ouvre, pour de tels faits, l’exercice des droits reconnus à la partie civile par « toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits dont l’objet statutaire comporte la défense des droits des personnes à accéder à l’aide à mourir » (alinéa 7).

● Il faut rappeler que l’alinéa 7 de l’article 2, c’est-à-dire le II du futur article L. 1111-12-1 du code de la santé publique, dispose que « l’aide à mourir est un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal » ([215]).

● La rédaction de cet article s’inspire ainsi de celle de l’article L. 2223-2 du code de la santé publique relatif au délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). À cet égard, il faut relever que le juge constitutionnel a assorti sa déclaration de conformité du dispositif de deux réserves d’interprétation ([216]) :

– sauf à méconnaître la liberté d’expression et de communication prévue par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, « la seule diffusion d’informations à destination d’un public indéterminé sur tout support, notamment sur un site de communication au public en ligne, ne saurait être regardée comme constitutive de pressions, menaces ou actes d’intimidation au sens des dispositions contestées, [lesquelles] ne peuvent donc permettre que la répression d’actes ayant pour but d’empêcher ou de tenter d’empêcher une ou plusieurs personnes déterminées de s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou d’y recourir » ;

– sauf à violer le même principe constitutionnel, « le délit d’entrave, lorsqu’il réprime des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur une interruption volontaire de grossesse, ne saurait être constitué qu’à deux conditions : que soit sollicitée une information, et non une opinion ; que cette information porte sur les conditions dans lesquelles une interruption volontaire de grossesse est pratiquée ou sur ses conséquences et qu’elle soit donnée par une personne détenant ou prétendant détenir une compétence en la matière ».

Par ailleurs et surtout, la loi constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 a inséré à l’article 34 de la Constitution un nouveau dix-huitième alinéa aux termes duquel « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».

  1.   Les modifications apportÉes par la commission en 2025

La commission a adopté cet article après avoir adopté, à l’initiative de Mme Élise Leboucher, rapporteure :

– l’amendement AS1168, précisant la codification des dispositions nouvelles dans un article L. 1115-4 du code de la santé publique plutôt que dans un article L. 1111-12-4 du même code, afin que soient regroupées les mesures pénales du livre Ier de la première partie dudit code dans son seul chapitre V ;

– les amendements rédactionnels AS1170 et AS1171, le premier ôtant notamment une formulation laissant penser que serait prévue une habilitation pour les établissements où est pratiquée l’aide à mourir ;

– l’amendement de coordination AS1173 ;

– l’amendement AS770, cosigné par les membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire, étendant le délit d’entrave à l’aide à mourir aux chefs d’exercice de pressions, de formulation de menaces et du fait de se livrer à des actes d’intimidation envers les professionnels de santé volontaires donc à ce titre enregistrés sur le registre tenu par la commission de contrôle instituée par l’article 15.

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Chapitre VII
Dispositions diverses

Adopté par la commission avec modifications

L’article 18, correspondant à l’article 19 du projet de loi de 2024, prévoit la prise en charge intégrale par l’assurance maladie obligatoire des frais exposés dans le cadre de l’aide à mourir, ainsi que la publication d’un arrêté fixant le prix de cession des préparations magistrales létales pris en charge et le tarif des honoraires ou rémunérations forfaitaires des professionnels de santé, lesquelles ne pourront donner lieu à un dépassement ou à une franchise.

  1.   Le droit existant

Le chapitre préliminaire du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale comprend les dispositions relatives à la prise en charge des frais de santé.

Dans la mesure où ce même livre Ier ne traite que des régimes de base, l’assurance maladie dont il sera question dans le présent commentaire s’entendra comme l’assurance maladie obligatoire (AMO), donc la branche maladie, maternité, invalidité et décès des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss).

La protection contre ces risques est, sur le fondement du onzième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, « garanti[e] à tous », ce que le premier alinéa de l’article L. 160‑1 du même code précise comme « toute personne travaillant ou, lorsqu’elle n’exerce pas d’activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière », des exceptions concernant les individus qui malgré leur présence illégale sur le territoire national peuvent être couverts par l’assurance maladie plutôt qu’au titre de l’aide médicale d’État (AME) et à l’inverse les actifs qui, par exemple s’ils sont détachés ou membres du corps diplomatique, restent affiliés à tel régime d’un pays tiers.

L’article L. 160‑8 dudit code liste les dépenses assumées en tout ou partie par la branche maladie dont, à titre principal et aux termes de son 1°, « la couverture des frais de médecine générale et spéciale, des frais de soins et de prothèses dentaires, des frais pharmaceutiques et d’appareils, des frais d’examens de biologie médicale, y compris la couverture des frais relatifs aux actes d’investigation individuels, des frais d’hospitalisation et de traitement dans des établissements de soins, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou d’éducation professionnelle, des frais des séances d’accompagnement psychologique ([217]), ainsi que des frais d’interventions chirurgicales, y compris la couverture des médicaments, produits et objets contraceptifs et des frais d’examens et de biologie médicale ordonnés en vue de prescriptions contraceptives ».

La question de l’assurance maladie complémentaire (AMC) laissée à part, certains des « tarifs servant de base au calcul des prestations » venant d’être citées peuvent faire l’objet d’une « participation de l’assuré », qui peut être « proportionnelle auxdits tarifs ou être fixée à une somme forfaitaire », ainsi que le prévoit la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 160‑13 du même code. Mais elle doit en tout état de cause respecter des « limites […] fixées […] par décision de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, après avis de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire », comme le précise la première phrase du deuxième alinéa du même I.

Une fois que l’assurance maladie a assumé l’essentiel du coût de ces tarifs, restent le ticket modérateur (TM), les restes à charge à proprement parler (franchise sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports ; participation forfaitaire sur le tarif des consultations ; forfait hospitalier) et les éventuels dépassements d’honoraires, ces derniers pouvant être solvabilisés par l’AMC.

Cependant, dans plus d’une trentaine de cas figurant à l’article L. 160‑14, cette participation de l’assuré peut être « limitée ou supprimée ». Il en va notamment ainsi « lorsque le bénéficiaire a été reconnu atteint d’une des affections, comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité de santé », suivant son 3° – l’usage faisant référence aux affections de longue durée (ALD) –, s’il est « titulaire de l’allocation de solidarité aux personnes âgées », comme l’indique son 5°, mais aussi « pour les investigations nécessaires au diagnostic et au traitement de l’infertilité » ou « pour les frais liés à une interruption volontaire de grossesse », sur le fondement de ses 12° et 20°.

Enfin, l’article L. 160‑15 dispose qu’une telle participation, comme du reste la franchise sur les médicaments, les actes et les transports, « n’est pas exigée pour les mineurs et les bénéficiaires de la protection complémentaire » qui, depuis la fusion de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU‑C) et de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire en matière de santé (ACS), est désignée sous le nom de complémentaire santé solidaire (C2S), attribuée suivant les conditions prévues au chapitre Ier du titre VI du livre VIII du même code.

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

Outre qu’il renvoyait la fixation de paramètres à un arrêté, cet article modifiait les articles L. 160‑8, L. 160‑14 et L. 160‑15 du code de la sécurité sociale, portant sur la couverture des frais de santé par l’assurance maladie obligatoire et sur les cas dans lesquels la participation de l’assuré peut être réduite ou dispensée.

L’étude d’impact jointe au projet de loi de 2024 indiquait que le Gouvernement entendait « garantir l’équité entre les personnes en fin de vie qui souhaiteraient bénéficier de l’aide à mourir sans considération de leur niveau de revenus, dans le respect du principe de solidarité qui fonde notre système de santé ».

  1.   Les modifications apportÉes lors des travaux de 2024

L’article 19 du texte adopté par la commission spéciale avait été modifié par les amendements rédactionnels CS1944 et CS1946 de Mme Caroline Fiat, rapporteure.

Il n’avait ensuite pas été examiné en séance.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 18 reprend l’article 19 précité.

● Son I modifie le code de la sécurité sociale.

En rétablissant le 3° de l’article L. 160‑8 du code de la sécurité sociale, qui portait sur les frais de certains établissements sociaux ou médico-sociaux (ESMS) désormais couverts par la branche autonomie des Robss et avait été abrogé par le 5° de l’article 1er de l’ordonnance n° 2021‑1554 du 1er décembre 2021 relative à la mise en œuvre de la création de la cinquième branche du régime général de la sécurité sociale relative à l’autonomie ([218]), le  intègre dans la protection contre les conséquences de la maladie les frais exposés pour la mise en œuvre de l’aide à mourir ouverte par la proposition de loi faisant l’objet du présent rapport.

Les  et  prévoient une prise en charge intégrale, le premier ajoutant un 32° à l’article L. 160‑14, précité, listant les cas de réduction ou de non-appel de la participation de l’assuré et le second, moyennant sa transformation en une énumération (dont le 1° correspond à l’actuel item unique et le 2° à la novation), intégrant les frais d’aide à mourir dans l’article L. 160‑15, précité, concernant l’exclusion complète de participation et de franchise.

● Son II prévoit la publication d’un arrêté fixant :

– de manière à les couvrir de la réalisation à la délivrance, les prix de cession des « préparations magistrales létales », leur achat dans une pharmacie les rendant éligibles au tiers payant ;

– étant entendu que les dépassements seront prohibés, le tarif des honoraires ou forfaits des professionnels de santé intervenant dans l’aide à mourir.

  1.   Les modifications apportÉes par la commission en 2025

La commission a adopté cet article, après avoir adopté :

– à l’initiative de Mme Élise Leboucher, rapporteure :

* les amendements de coordination AS1174 et AS1176 ;

* l’amendement rédactionnel AS1175 ;

* l’amendement AS1183, prévoyant que l’arrêté relatif à la prise en charge des préparations magistrales et des honoraires ou rémunérations des professionnels de santé participant à la procédure d’aide à mourir soit pris dans un délai de trois mois après la promulgation de la loi ;

– l’amendement AS772 de Mme Karen Erodi et des membres du groupe La France insoumise – Nouveau Front Populaire complétant l’article par un III aux termes duquel « à l’exception des prix de cession et honoraires mentionnés au II [...], aucune contrepartie, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée en échange d’un service dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir », afin d’éviter que se développent des pratiques commerciales autour de ce nouvel acte, comme par exemple la spécialisation d’hôtels, modifié par le sous-amendement AS772 de Mme Élise Leboucher, rapporteure, substituant à la notion de « contrepartie » (qui appartient au droit privé et correspond à la matière contractuelle pour désigner le collatéral d’une garantie, la rétribution de l’exécution d’un engagement, la compensation d’une perte ou d’un tort, le double d’un registre, etc.) celle de « rémunération ou gratification en espèces ou en nature ». Il convient également de préciser que le mot : « service » désigne un objet économique qui, après avoir fait l’objet d’une prestation, ferait celui d’une transaction – l’autre type d’objet existant en la matière serait d’ailleurs un « bien ».

*

*     *


Adopté par la commission sans modifications

L’article 19, correspondant à l’article 20 du projet de loi de 2024, empêche que la mise en œuvre de l’aide à mourir entraîne l’exclusion des garanties sinon prévue en cas de suicide au cours de la première année de vigueur d’un contrat d’assurance ou de celle qui suit un avenant d’augmentation des garanties.

  1.   Le droit existant

La promesse d’un assureur de servir à un assuré une prestation, pécuniaire la plupart du temps, lorsqu’un risque se réalise, contre le paiement d’une prime ou d’une cotisation, est inscrite dans un contrat appelé police d’assurance.

● Certaines règles sont communes aux assurances de dommages et aux assurances de personnes : elles figurent pour l’essentiel dans le titre Ier du livre Ier du code des assurances ([219]). Son chapitre II est consacré à la conclusion et à la preuve du contrat d’assurance, ainsi qu’à la forme et à la transmission des polices.

Le sixième alinéa de l’article L. 112-2 et la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 112-3 disposent que « seule la police ou la note de couverture constate leur engagement réciproque » et que « toute addition ou modification au contrat primitif doit être constatée par un avenant signé des parties ». L’article L. 112-4 prévoit que la police d’assurance indique notamment « la chose ou la personne assurée ; la nature des risques garantis ; le moment à partir duquel le risque est garanti [...] ; le montant de cette garantie ».

Aux termes de l’article L. 112-5, « la police [...] peut être à personne dénommée, à ordre ou au porteur », sauf l’assurance sur la vie (cf. infra). Ces trois qualités confèrent à la police un caractère transmissible et la transforment donc en effet ayant une valeur commerciale – ainsi des lettres de change, des billets à ordre, de garanties comme le récépissé et le warrant, des connaissements, des bordereaux de cession de créances, des titres reposant sur l’endossement et l’escompte, mais pas des titres de nantissement ou des copies exécutoires d’hypothèques ([220]).

Selon la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 112-10, « avant la conclusion d’un contrat d’assurance, l’assureur remet à l’assuré un document l’invitant à vérifier s’il n’est pas déjà bénéficiaire d’une garantie couvrant l’un des risques couverts par le nouveau contrat [...] ».

● Des règles, déterminées par le titre III du même livre Ier, concernent les assurances de personnes et les opérations de capitalisation.

Une assurance en cas de décès permet l’apport d’une garantie à l’ayant droit de l’assuré mort. À la fin de 2023, il existait 34,2 millions de contrats à adhésion individuelle avec une garantie de décès ([221]) et 14 millions de salariés étaient assurés par des contrats collectifs comprenant une telle couverture ([222]).

Cotisations de l’assurance prÉvoyance en 2023

(en milliards d’euros)

Source : France assureurs (août 2024).

L’article L. 132-1 indique que « la vie d’une personne peut être assurée par elle-même ou par un tiers ; plusieurs personnes peuvent contracter une assurance réciproque sur la tête de chacune d’elles par un seul et même acte », mais le premier alinéa de l’article L. 132-2 précise que « l’assurance en cas de décès contractée par un tiers sur la tête de l’assuré est nulle, [sans] son consentement par écrit avec indication du capital ou de la rente initialement garantis ».

Sauf pour le financement d’obsèques, la première phrase du premier alinéa de l’article L. 132-3 prohibe de « contracter une assurance en cas de décès sur la tête d’un mineur de moins de douze ans, d’un majeur en tutelle [ou] d’une personne placée dans un établissement psychiatrique d’hospitalisation » et le premier alinéa de l’article L. 132-4 prévoit que pour un mineur parvenu à cet âge est requise « l’autorisation de celui de ses parents qui est investi de l’autorité parentale, de son tuteur ou de son curateur ».

Aux termes de l’article L. 132-6, « la police d’assurance sur la vie ne peut être ni à ordre, ni aux porteurs ». Son bénéfice peut toutefois être transmis au sens du chapitre VIII du titre VI du livre III du code civil, dont l’article 1690 prévoit que « le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification du transport faite au débiteur ; néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi par l’acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique », dans une rédaction inchangée depuis 1804.

Les articles L. 132-11 et L. 132-12 prévoient respectivement qu’à défaut de désignation d’un bénéficiaire, le capital ou la rente intègrent la succession, mais qu’inversement la détermination d’un ayant droit ou des héritiers sort ces garanties de l’actif, ce dont traitent pour ce qui touche aux impôts les articles L. 262, L. 263 B et L. 273 A du livre des procédures fiscales, l’article 387 bis du code des douanes, l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et l’article 128 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, étant précisé que les sommes en déshérence car non réclamées sont, en application du I de l’article L. 132-27-2, « déposées à la Caisse des dépôts et consignations à l’issue d’un délai de dix ans ».

D’après le premier alinéa de l’article L. 132-16, « le bénéfice de l’assurance contractée par un époux commun en biens en faveur de son conjoint, constitue un [bien] propre pour celui-ci ».

Enfin et surtout, pour ce qui concerne la proposition de loi n° 1100, doit être cité l’article L. 132-7 du code des assurances, que l’article L. 223-9 du code de la mutualité reprend en substance.

Créé par l’article 62 de la loi du 13 juillet 1930 relative au contrat d’assurances et codifié par l’annexe 1 au décret n° 76-666 du 16 juillet 1976 relatif à la codification des textes législatifs concernant les assurances, d’abord pour une durée de couverture contractuelle illimitée, ensuite pour ses deux premières années sur le fondement de l’article 6 de la loi n° 81-5 du 7 janvier 1981 relative au contrat d’assurance et aux opérations de capitalisation et pour sa première année depuis que l’article 80 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier est en vigueur, cet article L. 132-7 prévoit que :

– « l’assurance en cas de décès est de nul effet si l’assuré se donne volontairement la mort au cours de la première année du contrat », sauf pour les contrats d’assurance de groupe concernant la « couverture des risques dépendant de la durée de la vie humaine, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ou du risque de chômage » ([223]) lorsqu’ils sont « souscrits par une entreprise ou un groupe d’entreprises au profit de leurs salariés ou par un groupement professionnel représentatif d’entreprises au profit [de leurs] salariés ou par une organisation représentative d’une profession non salariée ou d’agents des collectivités publiques au profit de ses membres » ([224]) ;

– elle « doit couvrir le risque de suicide à compter de la deuxième année du contrat ; en cas d’augmentation des garanties en cours de contrat, le risque de suicide, pour les garanties supplémentaires, est couvert à compter de la deuxième année qui suit cette augmentation » ;

– dans la limite d’un plafond fixé par décret, les contrats de groupe faisant l’objet de l’exception susmentionnée doivent être couverts par l’assurance en cas de décès pour ce qui concerne le « remboursement d’un prêt contracté pour financer l’acquisition du logement principal de l’assuré ».

Symétriquement et en toute logique, le premier alinéa de l’article L. 132-24 indique que « le contrat d’assurance cesse d’avoir effet à l’égard du bénéficiaire condamné pour avoir donné volontairement la mort à l’assuré ou au contractant », ce que préviendra sans ambiguïté le II du futur article L. 1111-12-1 du code de la santé publique (cf. supra dans le commentaire de l’article 2).

  1.   Le dispositif proposÉ
    1.   Les dispositions du projet de loi initial de 2024

L’article 20 du projet de loi visait à éviter que le recours à l’aide à mourir ait des effets non souhaités sur l’exécution des contrats d’assurance sur la vie, dans la mesure où il ne peut être exclu que les entreprises d’assurance ou de mutuelle jugent que les règles sur le suicide s’appliquent du fait de l’injection volontaire ou en tout cas sollicitée d’une substance létale.

Dans son étude d’impact sur le projet de loi de 2024, le Gouvernement indique qu’en la matière :

– les Pays-Bas n’ont pas modifié leur droit positif, de sorte que « l’euthanasie n’est pas reconnue comme une mort naturelle par la plupart des assureurs et n’est pas assimilée au suicide ; en revanche, un décès par euthanasie n’empêche pas le versement des prestations prévues dans le cadre [...] d’une couverture assurance-décès ou assurance-obsèques, [sauf] quelques exceptions » ;

– en Suisse, « l’euthanasie est assimilée au suicide et il n’y a pas de réduction des prestations si l’assurance a été souscrite depuis plus de trois ans » ;

– au Québec, « si un assuré décédait alors qu’il avait eu recours à l’aide médicale à mourir, la réclamation était étudiée comme lors d’un décès naturel » mais, depuis un revirement de jurisprudence ayant censuré certaines dispositions ([225]), « si la mort n’est pas imminente, l’acte [d’aide médicale à mourir] pourrait potentiellement être qualifié de suicide, puisqu’il s’agit d’un choix de la part du patient et que celui-ci n’est pas à proprement parler mourant » ;

– au Luxembourg et en Belgique, la loi répute un décès intervenu après une euthanasie ou une assistance au suicide comme une mort naturelle, ce second État le prévoyant expressément « pour ce qui concerne l’exécution des contrats auxquels elle était partie, en particulier les contrats d’assurance ».

L’étude d’impact mentionnait cette dernière solution comme une option, mais elle « [n’était] pas apparue suffisante pour garantir en elle-même que l’assurance couvre effectivement et efficacement la mort par aide à mourir », un tel objectif étant le corollaire de l’exclusion de la qualification de suicide.

  1.   Les modifications apportÉes lors des travaux de 2024

L’article 20 du texte adopté par la commission avait été modifié par l’amendement rédactionnel CS1945 de Mme Caroline Fiat, rapporteure.

Il n’avait ensuite pas été examiné en séance.

  1.   Les dispositions de la proposition de loi de 2025

L’article 19 reprend l’article 20 précité.

● Son I complète l’article L. 132-7 du code des assurances afin d’y inscrire l’obligation de couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir.

Son II complète identiquement l’article L. 223-9 du code de la mutualité.

Son III prévoit son application aux contrats en cours à l’entrée en vigueur de la loi, alors que les avenants sont, hors demande expresse de l’assuré ou de sa compagnie, classiquement négociés dans les dernières semaines de l’année civile.

● De manière générale, le seizième alinéa de l’article 34 de la Constitution fait entrer la détermination des principes fondamentaux des droits réels ainsi que des obligations civiles dans le domaine de la loi.

Le juge administratif a tôt estimé qu’une atteinte à l’équilibre financier de contrats d’assurance type – applicables en l’espèce à des centres de transfusions sanguine – ne pouvait simplement être portée par un acte réglementaire ([226]).

Le juge constitutionnel, lequel avait quelques jours auparavant consacré la valeur constitutionnelle de la liberté contractuelle ([227]), est allé plus loin dans cette œuvre jurisprudentielle, en estimant que le législateur « méconnaîtrait la garantie des droits proclamés par l’article 16 de la Déclaration de 1789 s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant » ([228]), puis en précisant que ce n’est que sous la même réserve qu’il pourrait « remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations » ([229]) ou de « situations nées sous l’empire de textes antérieurs » ([230]).

Cette ligne est prolongée en matière de droit des obligations, de sorte que la loi « ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789 » ([231]), étant entendu que le Conseil contrôle plus étroitement les dispositions nouvelles venant s’appliquer à des conventions ayant force au moment de sa publication.

Comme le relève la doctrine, « tandis que l’atteinte aux situations légalement acquises avant l’intervention de la disposition législative procède par hypothèse, de la rétroactivité de celle-ci – à moins que la loi n’y attente que pour l’avenir ([232]) –, la remise en cause des effets légitimement attendus [...] de situations antérieures résulte du jeu de l’application immédiate de la loi (comme d’ailleurs dans le cas analogue où une loi nouvelle affecte pour l’avenir des contrats en cours) ; [...] si la validation d’un acte illégal ou la modification rétroactive d’une règle de droit n’est désormais possible que pour un motif “impérieux ([233]), l’atteinte aux situations légalement acquises ne requiert, paradoxalement, qu’un motif “suffisant”, le changement terminologique opéré en 2014 dans le premier cas, n’ayant pas été étendu au second, ni dans la foulée ([234]), ni par la suite » ([235]).

  1.   Les modifications apportÉes par la commission en 2025

La commission a adopté cet article sans modifications.

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*     *


Adopté par la commission sans modifications

L’article 20, par construction absent du texte résultant des délibérations de l’Assemblée nationale sur le projet de loi initial puisqu’il s’agissait d’une initiative gouvernementale, compense la charge pour l’État et les organismes de sécurité sociale qu’entraînent plusieurs dispositions de la proposition de loi afin de permettre son dépôt.

La création d’un acte médical intégralement pris en charge par l’assurance maladie obligatoire, ainsi que l’extension des compétences des professionnels médicaux, paramédicaux et sociaux impliqués dans l’aide à mourir, et la création d’un système d’information ou l’attribution de nouvelles missions à des autorités indépendantes sont de nature à augmenter la charge supportée par les administrations publiques.

L’article 20 prévoit de la compenser, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les produits du tabac prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services, ainsi que par la création d’une taxe additionnelle à cette même accise.

La commission a adopté cet article sans modifications.

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Titre
Proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir

Modifié par la commission

À l’initiative de MM. Olivier Falorni, rapporteur général, Stéphane Delautrette et Laurent Panifous, rapporteurs, ainsi que Mmes Élise Leboucher et Brigitte Liso, rapporteures, la commission a adopté l’amendement AS1190 remplaçant l’intitulé du texte par « proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir ».

Cette rédaction, fidèle à l’objet des dispositions adoptées et le cas échéant modifiées, reprend l’intitulé du titre II du projet de loi de 2024 mais l’assortit de la précision suivant laquelle il s’agit d’une liberté nouvelle.


  1  —

   COMPTES RENDUS de l’examen des articles

1.   Réunion du vendredi 11 avril 2025 à 9 heures (article 1er à article 2)

La commission examine la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([236]).

Chapitres Ier et II

Définition et conditions d’accès

Article 1er : Modification de l’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique

Amendements de suppression AS26 de M. Patrick Hetzel, AS166 de Mme Hanane Mansouri, AS251 de M. Thibault Bazin et AS938 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). L’article 1er propose d’inscrire le texte, qui parle de suicide assisté et d’euthanasie, dans le code de la santé publique. Or ce sujet relève à mes yeux du code civil. Le rattachement au code de santé publique serait justifié par l’idée d’un continuum de soins. Or s’il y a bien une catégorie qui est majoritairement très défavorable à l’euthanasie, c’est celle des soignants. Ce n’est en aucun cas un soin. Voilà pourquoi elle n’a pas sa place dans le code de la santé publique.

M. Thibault Bazin (DR). Le projet de loi initial, que nous avions commencé à examiner sous la précédente législature, ne prévoyait pas de codification. Elle a été introduite par la suite. Certes la codification est préconisée par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État. Mais que codifie-t-on ? Pour figurer dans le code de la santé publique, il devrait s’agir de soins.

Selon l’Académie nationale de médecine, le soin est « l’ensemble des mesures et actes visant à faire bénéficier une personne des moyens de diagnostic et de traitement lui permettant d’améliorer et de maintenir sa santé physique et mentale ». Nous ne sommes pas dans ce cas-là.

En octobre 2007, la Haute Autorité de santé (HAS) définissait un acte de soin comme « un ensemble cohérent d’actions et de pratiques mis en œuvre pour participer au rétablissement ou à l’entretien de la santé d’une personne ». Nous ne sommes pas non plus dans ce cas.

L’Organisation mondiale de la santé estime que les soins ne nient pas la mort mais qu’ils ne la donnent pas ; ils la considèrent comme un processus normal n’entendant ni l’accélérer, ni la repousser. Là encore, nous ne sommes pas dans ce cas.

Si codification il doit y avoir, elle ne peut donc pas se faire dans le code de la santé publique.

Vous revendiquez une loi de liberté. Lors de son audition mercredi, le ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins a évoqué une loi de société et réfuté le terme de loi de santé. Il faut trancher ce point.

M. Philippe Juvin (DR). Mon argumentation est un peu différente. Cet article est, à mon sens, superfétatoire puisque la notion de fin de vie est déjà présente dans le code de la santé publique au sein de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier, intitulée : « Expression de la volonté des malades refusant un traitement et des malades en fin de vie », aux articles L. 1111‑11 à L. 1111‑12.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ces amendements visent à contester le choix de faire figurer les dispositions du texte dans le code de la santé publique.

Or ce choix est d’abord justifié par le fait que l’aide à mourir, qui s’adresse à des personnes malades, s’inscrit dans un cadre médical. Sa mise en œuvre repose sur une appréciation portée sur l’état de santé de la personne qui demande à en bénéficier. Des professionnels de santé et plus particulièrement des médecins, à moins d’exciper de la clause de conscience, interviennent à l’ensemble des étapes de la procédure, depuis la vérification du respect des conditions légales jusqu’à l’administration de la substance.

Il ne faut pas non plus perdre de vue l’intérêt de la codification, qui est de favoriser l’accessibilité de la loi et donc la connaissance que les personnes ont de leurs droits. Or les autres droits et dispositions relatifs à l’accompagnement médical des personnes en fin de vie figurent déjà dans le code de la santé publique. Il me semble tout naturel que les règles encadrant la mise en œuvre de l’aide à mourir trouvent leur place aux côtés des articles, issus des lois fondatrices sur la fin de vie, qui interdisent l’obstination déraisonnable ou permettent le recours à la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès.

Ce rapprochement n’emporte aucun risque de confusion entre les différents modes d’accompagnement des malades : l’aide à mourir demeurera un dispositif d’exception, dont l’accès et la mise en œuvre resteront strictement encadrés. La réunion de ces dispositions dans un même chapitre vise uniquement à favoriser la clarté et l’accessibilité de la loi pour les citoyens et les professionnels.

Par conséquent, j’émets un avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Monsieur Juvin, la notion de fin de vie est intégrée dans le chapitre Ier car il traite de l’expression de la volonté.

M. Christophe Bentz (RN). Cette proposition de loi fait suite à plusieurs semaines de débats il y a presque un an maintenant, qui eux-mêmes étaient le fruit de plusieurs mois, voire années de travail.

Nous entrons dans la discussion sur l’aide à mourir. Il nous faudra reprendre le fameux débat sémantique que nous n’avons pas assez approfondi. S’agissant de l’expression de la volonté, nous devrons veiller à toujours respecter la volonté de la personne. Nous devrons aussi définir deux notions, qui y sont liées : d’une part, la fin de vie qui, dans notre esprit, doit toujours être considérée comme faisant partie intégrante de la vie ; d’autre part, l’aide à mourir, que nous assimilons à l’euthanasie ou au suicide assisté.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous nous opposerons à ces amendements. Non seulement la suppression de l’article 1er n’aura pas d’impact sur la procédure d’aide à mourir puisqu’il concerne le titre du chapitre du code de la santé publique dans lequel celle-ci sera inscrite. Mais, plus fondamentalement, il nous semble nécessaire de conserver la formulation « expression de leur volonté et fin de vie ».

Ce qui est au cœur de ce texte, c’est le droit d’un individu à disposer de lui-même jusqu’au bout. L’aide à mourir s’ajoutera ainsi aux options qui s’offrent à une personne en fin de vie telles que les soins palliatifs et la sédation profonde et continue. Il nous reviendra ensuite de créer le cadre garantissant le libre choix mais aussi la sécurité de la personne en fin de vie ainsi que celle des soignants.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il a été dit que de nombreux médecins sont opposés à l’aide à mourir. Néanmoins la plupart des professionnels de santé savent pertinemment que la fin de vie est indissociable de la santé.

Il me semble légitime, et même pertinent, que cette question soit abordée dans le code de la santé publique. En outre, la codification favorise la visibilité et la compréhension des lois. Nous serons donc défavorables aux amendements de suppression.

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis défavorable aux amendements. Je ne méconnais pas la dimension symbolique de la codification, mais, dans ce texte, les symboles comptent.

On ne peut pas extraire la fin de vie de l’environnement médical dans lequel elle doit nécessairement s’inscrire. Si on ne l’intègre pas dans le code de la santé publique, on en fait autre chose que ce que le texte définit. Je ne le veux pas, je crains même les effets pernicieux d’un tel choix, qui reviendrait à modifier le sens que l’on donne à l’aide à mourir.

Mme Océane Godard (SOC). Nous nous opposons aux amendements.

D’abord, la loi Claeys-Leonetti sur la sédation profonde et continue ainsi que toutes les lois de bioéthique sont dans le code de santé publique. Il nous semble donc important que la future loi le soit également.

Ensuite, le code civil régit les relations entre les particuliers. Quel sens cela aurait‑il d’y insérer des dispositions concernant un acte médical ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La future loi ne peut pas être placée ailleurs que dans le code de la santé publique. La santé va de la naissance à la mort. Quant aux soins, ils peuvent être de prévention, curatifs, palliatifs et d’accompagnement à la mort. Je ne connais pas un soignant qui n’est pas confronté à l’accompagnement à la mort, quel que soit l’âge des patients.

Je suis très attachée à l’inscription dans le code de la santé publique. Nous aurons sans doute des divergences sur la qualification de soin. Je considère que l’aide à mourir en est un. Je suis également très attentive à l’expression de la volonté de la personne tout au long de la démarche ainsi qu’au respect de sa dignité et de ses souhaits.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il est important pour le groupe Écologiste et Social de conserver l’article 1er. Il faut assumer d’inscrire dans le code de la santé publique l’expression de la volonté et la fin de vie.

C’est précisément parce que nous souhaitons rappeler le contexte de l’aide à mourir – une affection grave et incurable, des douleurs réfractaires à tout traitement, etc. – qu’il faut maintenir la codification. Nous pourrons ainsi poursuivre sereinement nos travaux, qui ont pour but de préciser les conditions de mise en œuvre de l’aide à mourir.

M. Thibault Bazin (DR). La fin de vie est déjà évoquée dans le code de la santé publique, Philippe Juvin a raison. Pourquoi modifier le titre du chapitre Ier pour y ajouter la mention de la fin de vie alors qu’il comporte des sections qui sont aucun rapport avec ce sujet ? Section 1 « Principes généraux » ; section 2 « Expression de la volonté des malades refusant un traitement et des malades en fin de vie » ; section 3 « Espace numérique de santé, dossier médical partagé et dossier pharmaceutique » ; section 4 « Conditions de reconnaissance de la force probante des documents comportant des données de santé », il est question de bien d’autres choses que de la fin de vie. La référence dans le titre du chapitre à l’expression de leur volonté est suffisante à mes yeux.

M. Patrick Hetzel (DR). Le texte devait être la reprise de ce qui avait été acté sous la précédente législature. Comme l’a rappelé notre collègue Bazin, la codification n’avait pas été prévue alors. C’est le droit le plus strict des auteurs de la proposition de loi que de l’envisager aujourd’hui, mais cela signifie que vous vous apprêtez à codifier le suicide assisté et l’euthanasie dans le code de la santé.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Une précision à l’attention de M. Hetzel, la codification ne figurait pas dans le texte initial mais elle a été votée. Chaque article codifié a été voté par les députés lors de la précédente législature. Ce n’est pas une décision que j’ai prise.

M. Thibault Bazin (DR). J’entends, mais les deux tiers des membres de la commission sont nouveaux et en séance, un tiers des députés sont nouveaux, il est donc légitime de poser de nouveau la question de savoir si on codifie et, si oui, dans quel code.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS247 de M. Jean-Pierre Taite et AS592 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Par l’amendement AS247, il s’agit de remplacer « expression de leur volonté et fin de vie » par « expression de leur volonté pour leur fin de vie ».

Le texte concerne la légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté. Chacun se prononcera librement pour ou contre, mais le sujet est bien celui-là. Je vous propose donc de le dire clairement.

Mme Annie Vidal (EPR). Dans le même esprit, il est proposé de mentionner « expression de leur volonté en fin de vie ».

Les termes utilisés dans l’article 1er renvoient à un acte tandis que la notion de volonté en fin de vie renvoie à une temporalité, ce qui me semble plus adapté. En outre, cela contribue à la sécurité juridique et à la bonne lisibilité du code.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Vous souhaitez restreindre à la fin de vie mais l’expression de la volonté des malades est bien plus large, elle ne porte pas seulement sur ce point.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Votre réponse est très intéressante. Le titre du texte fait référence à la fin de vie, mais ses dispositions pourraient s’appliquer à des personnes qui ne sont pas en fin de vie, si je comprends bien. Est-ce à dire qu’une personne pourrait à tout moment exprimer sa volonté, y compris lorsque son pronostic vital n’est pas engagé à court terme ou lorsqu’elle est en phase avancée mais pas terminale de sa maladie. J’aimerais savoir qui est concerné. La question est légitime. J’avais compris que le dispositif était très ciblé et ne concernait que les personnes en fin de vie.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Vous avez raison. Je parlais évidemment du contenu du chapitre Ier et non de l’ensemble du texte.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS27 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Le texte dont nous débattons concerne bien le suicide assisté et l’euthanasie.

Alors que le rôle du législateur est de dire les choses clairement, le fait d’utiliser le terme de fin de vie pour masquer des dispositifs de suicide assisté et de d’euthanasie me dérange profondément. Peut-être le malaise de certains les pousse-t-il à euphémiser – même si M. Falorni a toujours été explicite. Il faut que les choses soient dites ; mon amendement vise donc à employer explicitement ces termes.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’an dernier, lors de la discussion du projet de loi en commission spéciale puis dans l’hémicycle, nous avons effectivement eu un débat sémantique assez long. Il est important d’y revenir pour préciser les choses.

Je vous remercie, monsieur Hetzel, d’avoir salué ma clarté et ma cohérence. Je reconnais de la même façon la cohérence de votre point de vue, même s’il est différent.

Si je ne souhaite pas que les mots « euthanasie » et « suicide assisté » figurent dans ce texte, c’est d’abord parce qu’ils sont connotés. Qu’on le veuille ou non, la façon dont ils sont perçus est influencée par l’histoire. Qui d’entre nous, pour vanter l’amitié et la coopération entre la France et l’Allemagne, appellerait de ses vœux une « collaboration » franco-allemande ? Le mot « collaboration » a été souillé par l’histoire ; il en est de même du mot « euthanasie ». Il ne se passe pas une journée sans que mon nom soit associé, sur les réseaux sociaux, à l’« euthanasie » et à l’« État nazi ». Soyez assurés que je ne fais ce procès à personne ici. Du reste, cela me laisse totalement indifférent, mais on voit bien les références auxquelles renvoie cet amalgame : le mot « euthanasie » a effectivement été utilisé par le régime nazi pendant la seconde guerre mondiale.

Quant à l’expression « suicide assisté », elle est source de confusion. Nous convenons tous de la nécessité de prévenir les suicides : il n’est donc pas opportun d’utiliser ce terme pour désigner l’aide à mourir, qui relève d’une logique absolument différente.

La France utilise dans sa loi les mots qu’elle souhaite. Les mots « euthanasie » et « suicide assisté » ne sont pas brevetés au niveau international. De nombreux pays ont déjà légiféré : le Canada parle d’« aide médicale à mourir », la Nouvelle-Zélande de « mort assistée », l’Australie de « mort assistée volontaire », l’Oregon de « mort dans la dignité ». Chaque pays choisit souverainement les termes qu’il souhaite. À titre personnel, l’expression « aide à mourir » me semble la plus adaptée.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il est nécessaire de prendre un peu de temps, car un grand nombre d’amendements déposés ont le même objet que celui de M. Hetzel.

Comme M. Falorni, j’estime que le terme « euthanasie » est connoté et renvoie à certaines représentations. Dans notre inconscient collectif, l’euthanasie est un acte par lequel on provoque délibérément la mort d’une personne qui ne l’a pas demandée. Or, dans la présente proposition de loi, c’est le patient qui demande l’aide à mourir. Quant à l’expression « suicide assisté », elle relève de l’oxymore : ces deux mots ne vont pas ensemble, car le suicide est un acte qu’une personne décide et accomplit seule. Il est important que nous ayons ce débat avant d’entrer dans le vif du sujet, car il conditionne toutes nos représentations, qu’il convient de revoir.

Je me réjouis que la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs vienne d’être adoptée à l’unanimité. À travers le développement des soins palliatifs et la création du nouveau droit dont nous discutons à présent, la France va pouvoir montrer le chemin. Peu importe que l’on parle d’« aide à mourir » ou d’« aide active à mourir ». J’ai d’ailleurs déjà expliqué à M. Hetzel, avec qui j’ai discuté tranquillement, que la sédation me semblait être un acte d’aide à mourir. Mettons-nous d’accord sur ces questions lexicales : nous éviterons ainsi de nous chamailler inutilement par la suite.

M. Christophe Bentz (RN). Sur un sujet aussi profond et intime, nous devons faire preuve d’une grande humilité. Toutes les convictions sont respectables et doivent être respectées. Les diffamations dont vous êtes victime, monsieur le rapporteur général, sont parfaitement scandaleuses et inacceptables : vous aurez toujours mon soutien pour les dénoncer. Votre position, que je ne partage pas, a le mérite d’être claire, cohérente et compréhensible.

Le débat sémantique nous renvoie en réalité à la langue française. Nous devons effectivement clarifier cette question afin que nos discussions soient intelligibles et puissent être comprises par tous les Français. On parle de « suicide assisté » et d’« euthanasie », mais vous préférez l’expression « aide à mourir ». Faisons donc un peu de français : le mot « aide », d’origine latine, désigne l’accompagnement par le soutien et le secours. L’administration d’une substance létale est-elle un soutien ? Évidemment pas. Est-elle un secours ? Non plus. C’est même l’inverse : certains partisans de l’euthanasie et du suicide assisté parlaient d’ailleurs autrefois de « secours à l’envers ».

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Comme M. Falorni, j’estime que le mot « euthanasie » doit se limiter à un contexte historique particulier, dans lequel la mort était donnée de manière scientifique. L’utilisation de ce terme dans la présente proposition de loi, qui vise à instaurer une nouvelle liberté, serait tout à fait contradictoire.

Alors que le nombre de tentatives de suicide explose, en particulier chez les jeunes, la prévention de ces actes est un sujet de santé publique majeur. Parler dans la loi de « suicide assisté », alors qu’il ne s’agit pas réellement de suicide mais plutôt de l’arrêt d’une vie arrivée à son terme, créerait de la confusion et compliquerait le travail des professionnels de santé qui luttent avec acharnement, en dépit du peu de moyens dont ils disposent, contre cette épidémie. Ce serait irresponsable. Vous vous enorgueilliriez de débattre du fond plutôt que de contester les mots employés.

Mme Hanane Mansouri (UDR). Nous devons débattre de ces questions sémantiques, puisque nous avons une obligation de clarté et de transparence vis-à-vis des Français qui nous regardent.

Oui, monsieur le rapporteur général, les mots sont connotés. Ainsi, à mon sens, l’expression « aide à mourir » donne à cet acte une connotation positive qu’il ne devrait pas avoir, compte tenu de sa gravité. Je respecte la position des partisans de l’euthanasie ou du suicide assisté, mais je les invite à assumer clairement ce qu’ils nous proposent de voter.

M. Philippe Juvin (DR). Que les choses soient claires, monsieur le rapporteur général : les attaques dont vous faites l’objet sont absolument inacceptables. Vous nous trouverez toujours à vos côtés pour défendre la liberté d’expression la plus élémentaire. J’aime que vous soyez très clair dans votre approche ; nous l’essayons de l’être aussi, de notre côté, même si nous nous trouvons sur deux berges opposées.

Le terme « euthanasie » figure dans la législation de certains pays : il n’est donc pas impossible de l’utiliser également. J’estime que nous gagnerions à employer les mots justes, mais j’entends ce que vous dites au sujet du poids historique de ce terme. Vous proposez cependant de le remplacer par une expression très vague, qui ne dit pas du tout les choses. En effet, l’aide à mourir existe déjà. Les soignants aident les gens à mourir, et heureusement qu’il en est ainsi : ils leur donnent des médicaments pour calmer la douleur et les entourent, ainsi que leur famille. Au cours de ma vie professionnelle, j’ai aidé beaucoup de patients à mourir, sans réaliser ce que nous appelons l’euthanasie – sur ce point, je suis d’accord avec M. Pilato. Si vous ne voulez pas du mot « euthanasie », l’expression « aide à mourir » n’est donc pas plus adaptée.

M. Yannick Monnet (GDR). Pour ma part, je suis favorable à l’aide à mourir et n’ai aucun problème avec les mots « euthanasie » et « suicide assisté », que j’assume. Quand j’ai lu l’amendement de M. Hetzel, j’y ai été instinctivement assez favorable, car je considère que nommer les choses, pour contraignant que cela soit, nous rapproche toujours un peu de la vérité. Cependant, j’entends ce que disent nos collègues, notamment le rapporteur général, sur la symbolique de ces termes. En somme, je suis sensible aux deux argumentaires, sans pouvoir en faire la synthèse. Je considérerai donc avec sagesse l’avis du rapporteur.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). M. Monnet m’a ôté les mots de la bouche. Loin de moi la volonté de minimiser le débat sémantique, même si nous convenons tous qu’il faut privilégier le fond plutôt que la forme. Pour ma part, je suis favorable à ce nouveau droit, qu’on l’appelle « euthanasie », « suicide assisté », « aide à mourir » ou « aide active à mourir ». Cependant, il ne faut jamais oublier le patient dans l’équation. Si cette liberté nouvelle ou ce droit nouveau est apprécié différemment par le malade en fonction de sa dénomination, au point de le faire changer d’avis, alors c’est que la loi sera mal faite et que nous aurons manqué notre objectif.

Mme Océane Godard (SOC). Nous sommes favorables à l’expression « aide à mourir », qui présente plusieurs avantages, à commencer par celui d’englober le suicide assisté et l’euthanasie. Cependant, il ne faudra pas établir de hiérarchie entre ces deux modalités – nous défendrons un amendement visant à éviter cet écueil.

Tout à l’heure, Mme Mansouri a considéré que l’« aide à mourir » avait une connotation positive. Or il n’est pas question ici d’acte positif ou négatif. Nous avons affaire à des femmes et à des hommes qui souffrent d’une manière insupportable : parlons donc plutôt d’acte ultime de liberté, de délivrance, de dignité et de choix. Peut-être avez-vous entendu parler, il y a quelques années, de Mme Chantal Sébire, une Dijonnaise atteinte d’un esthésioneuroblastome. Cette tumeur évolutive des sinus et de la cloison nasale lui occasionnait des souffrances absolument terribles et des douleurs réfractaires qui lui déformaient le visage. Elle suppliait les médecins de mettre un terme à ses souffrances et disait, dans l’une de ses dernières interviews : « Il ne s’agit nullement de tuer, mais de poser un geste d’amour envers l’humain en souffrance en face de soi, d’accompagner vers ce dernier cap. » Je comprends que se cache, derrière ce débat sémantique, une volonté de ne pas adopter cette proposition de loi. Ne simplifions pas les choses, ne réduisons pas ce nouveau droit à un acte positif ou négatif, et parlons, encore une fois, d’acte de liberté et de délivrance.

M. Patrick Hetzel (DR). Monsieur Falorni, les attaques dont vous êtes victime sont absolument insupportables. Vous aurez toujours notre soutien face à des faits aussi abjects.

Le débat sur les mots est essentiel. En grec, vous le savez, eu-thanatos signifie « la mort douce », qu’elle soit naturelle ou provoquée. À l’origine, le terme « euthanasie » n’était donc pas connoté ; j’admets cependant qu’il l’est désormais.

L’expression « suicide assisté » soulève une autre question. Mme Rousseau a évoqué le problème sociétal que représente l’augmentation du nombre de suicides chez les jeunes. Se suicider, c’est se donner volontairement la mort. Il faut bien assumer le fait que la présente proposition de loi ouvre la possibilité de donner la mort ; or, en parlant simplement d’« aide à mourir », vous utilisez un euphémisme et vous ne nommez pas les choses. M. Pilato a évoqué tout à l’heure l’« aide active à mourir » : cette expression illustre mieux le caractère actif et l’intentionnalité du geste, quand bien même il serait voulu par le patient.

Le fait de donner la mort à une personne, même si cette dernière la demande, marque une rupture, la transgression d’un interdit de nature civilisationnelle – je mets ici de côté toute considération religieuse. Il ne faut pas prendre la chose à la légère. En instaurant cette nouvelle possibilité, vous faites de la mort une solution ultime. Pour ma part, j’aspire à une vraie société fraternelle, où les nôtres seraient entourés jusqu’au bout et de la manière la plus forte possible. Prenons garde, d’ailleurs, à ne voir dans la notion de fraternité qu’une dimension individuelle : ce principe inscrit aussi la personne dans un collectif.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je soutiens moi aussi Olivier Falorni face aux attaques inadmissibles dont il a fait l’objet.

Je suis également attachée à ce que nous utilisions les mots les plus justes afin de rendre la loi plus claire aux yeux de nos concitoyens. Cependant, on a entendu que les termes « euthanasie » et « suicide assisté » pouvaient aussi suggérer le geste d’une main qui tue. Ce serait totalement irrespectueux envers les soignants, qui accompagnent au quotidien les patients jusqu’à la mort.

Par ailleurs, nous parlons ici d’une situation très particulière, puisque les personnes qui seront concernées par ce nouveau droit sont atteintes de maladies graves et incurables – autrement dit, elles mourront inévitablement du fait de ces maladies. L’aide à mourir consiste alors simplement à faire en sorte que les choses se passent de façon plus apaisée et confortable, pour le patient comme pour son entourage. On ne va pas faire mourir des gens qui ne le doivent pas, mais accompagner des gens atteints d’une maladie qui les conduira à la mort. Il ne faut pas non plus se cacher derrière son petit doigt : la sédation est aussi une manière d’accompagner la mort.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 : Définition de l’aide à mourir et des conditions d’accès à celle-ci

Amendements de suppression AS28 de M. Patrick Hetzel, AS252 de M. Thibault Bazin, AS583 de M. Alexandre Allegret-Pilot, AS696 de M. Christophe Bentz, AS864 de Mme Lisette Pollet et AS939 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Dans le prolongement du débat que nous venons d’avoir, j’aimerais vous lire quelques lignes tirées d’une annexe de l’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui date de 2022 : « Il est loin d’être clair que les individus qui choisissent le suicide médicalement assisté soient dans une position fondamentalement différente de ceux qui décident de se suicider. Les différents arguments avancés pour établir une différence entre le suicide médicalement assisté et les autres formes de suicide, comme la capacité à réaliser un choix éclairé, l’existence d’un support familial, les différences en termes de souffrance ou de raisons de vouloir se donner la mort ou encore d’espérance, ne permettent pas de conclure de manière claire et précise à une différence fondamentale entre les deux et, partant, à la nécessité de les séparer, au moins sur le plan terminologique. » Ces mots sont ceux du CCNE, l’autorité compétente en matière d’éthique. Ainsi, un certain nombre de chercheurs en éthique et de professionnels de santé proposent d’utiliser, pour désigner la possibilité que vous voulez ouvrir par la présente proposition de loi, le terme « suicide », car la différence ontologique entre le suicide médicalement assisté et les autres formes de suicide est assez ténue.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 2 de la présente proposition de loi correspond au premier article du titre II, consacré à l’aide à mourir, du projet de loi initial. Il vise à insérer, dans le code de la santé publique, une nouvelle section autorisant le recours à une substance létale pour abréger de manière intentionnelle la vie d’un patient. Autrement dit, cet article opère une forme de légalisation de la mort provoquée, demandée par un malade, en ayant recours ou non à l’aide d’un professionnel.

Cette disposition touche à un interdit de notre société. Je ne suis pas capable de mesurer, en tant que parlementaire, l’impact qu’elle pourrait avoir, à court et à long terme, sur notre société.

Lors de la discussion générale, mercredi matin, on a tenté de nous rassurer en expliquant que cette nouvelle possibilité serait très encadrée ; or je me suis rendu compte que les critères évoqués par la ministre Vautrin ne figuraient pas dans le texte qui nous est soumis. J’ai plutôt l’impression qu’ils feront l’objet d’un débat.

Cet article soulève plusieurs questions éthiques.

Quand un patient dont l’état de santé nécessite des soins palliatifs en est privé, faute d’un déploiement suffisant de ce type de soins, ne sera-t-il pas plus facile, pour notre société, de le laisser choisir de mourir vite ? Pour qu’il y ait autonomie et liberté, il faut que les deux termes de l’alternative soient tout aussi possibles – sinon, ce n’est plus vraiment un choix.

Vous avez évoqué le drame des personnes qui se suicident. Nous avons tous connu ces situations terribles, dans nos entourages et dans nos territoires. Quand un patient est atteint de souffrances psychiques, qu’il se trouve dans un état dépressif mais que son pronostic vital n’est pas engagé à court terme, parce qu’il n’est pas en phase terminale d’une maladie grave et incurable, ne risque-t-il pas de demander à bénéficier de l’aide à mourir ? Ce risque me semble bien réel pour les personnes vulnérables.

Enfin, cette disposition ne va-t-elle pas amener les personnes malades ou en perte d’autonomie, qu’elles soient âgées ou en situation de handicap, à s’interroger sur la valeur de leur vie ? C’est une vraie question, à laquelle je ne sais pas répondre.

M. Christophe Bentz (RN). Nos amendements de suppression se justifient par notre opposition à cette proposition de loi visant à instaurer l’aide à mourir, qui correspond en réalité au suicide assisté et, par exception, à l’euthanasie. Nous sommes partisans de limiter les possibilités offertes aux malades en fin de vie à ce qui existe déjà, c’est-à-dire aux soins palliatifs, lesquels permettent de répondre à l’ensemble des besoins et attentes d’une personne qui souffre en tenant compte de toutes les dimensions de cette dernière. La maladie nécessite l’accompagnement, le soin du corps et le soin de la vie jusqu’à son terme : c’est bien ce que prévoit la loi Claeys-Leonetti de 2016.

Mme Lisette Pollet (RN). L’article 2 ouvre la voie au suicide assisté et à l’euthanasie, à travers les termes volontairement flous d’« aide à mourir » et de « fin de vie ».

Vous voulez demander à des soignants, dont la vocation est de préserver la vie, d’administrer à des patients une substance létale. Ce n’est pas un accompagnement, mais un geste actif visant à donner la mort. Donner la mort n’est pas un soin ; il s’agit d’un acte irréversible, grave, profondément contraire à notre conception du soin et de la dignité humaine. La loi Claeys-Leonetti permet déjà la sédation profonde dans un cadre médical respectueux. Nous devons rester fidèles à cette ligne : soulager sans jamais tuer.

La liberté que vous invoquez est discutable. La volonté d’un patient qui souffre est-elle vraiment libre ? La vraie compassion consiste à accompagner un malade, et non à écourter sa vie.

M. Philippe Juvin (DR). Le titre de l’article 2 est très mal choisi ; il serait plus juste de parler d’« aide active à mourir ». Cet acte est présenté comme une expression de liberté absolue. Or l’exaltation de la liberté comme valeur suprême ne peut pas être un projet de société, car nous ne sommes pas seuls. Cet article induit, en creux, une dépréciation de la fin de vie, de la vieillesse et du handicap, comme si certaines vies valaient le coup d’être vécues et d’autres pas. Cela me heurte.

Enfin, tous les pays qui ont légalisé cette pratique ont vu le nombre de suicides assistés, d’euthanasies ou d’aides à mourir augmenter considérablement. A-t-on une estimation du nombre de nos concitoyens susceptibles d’en bénéficier ? Quand on vote une loi, il est important de savoir combien de personnes elle concerne. J’ai posé la question à la ministre mais je reste sans réponse.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’article 2 définit l’aide à mourir. Je comprends que certains veuillent le supprimer, mais ce serait remettre en cause tous les travaux qui ont été menés et le débat démocratique qui a eu lieu l’année dernière ; ce serait aussi faire l’impasse sur la convention citoyenne.

Nous devons débattre de ce sujet ; or la suppression de cet article nous en priverait. Il est d’autant plus important de définir l’aide à mourir que nous discuterons des conditions d’accès à ce droit à l’article 4.

Le raccourci que vous établissez entre la fin de vie et la vieillesse est inapproprié, monsieur Juvin. Par ailleurs, si le nombre de décès a augmenté dans les pays qui ont légalisé l’aide à mourir, c’est peut-être parce que cet acte est passé de la clandestinité à la légalité.

M. Yannick Monnet (GDR). Soyons clairs : ce n’est pas l’intitulé de l’article qui vous pose problème ; vous y êtes opposés sur le fond. Quand on crée un droit, c’est parce qu’on estime qu’il répond à une attente ; il est donc inévitable que des personnes demandent à en bénéficier.

Sommes-nous prêts à offrir à chacun une certaine autodétermination dans sa fin de vie, étant entendu que cette liberté individuelle s’inscrit dans un cadre social et ne peut s’exercer que dans un univers médical, quand la fin est inéluctable ? J’y suis favorable. Je suis favorable à ce que l’on permette à des gens de mettre fin à leur vie par le suicide assisté ou l’euthanasie – j’emploie volontairement ces deux termes qui ne me choquent pas –, dès lors que leur état de santé les conduira inéluctablement à la mort et qu’ils endurent d’immenses souffrances. Je voterai donc contre ces amendements de suppression.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’abonde en ce sens. Même si l’article employait d’autres termes, vous y seriez opposés sur le fond, car vous êtes contre l’aide à mourir.

L’expression « aide à mourir » me paraît juste. Cet acte n’équivaut pas à aider les patients à l’approche de la mort, comme le permettent les lois antérieures. Il s’agit de garantir aux personnes atteintes d’une affection grave et incurable, qui endurent des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires à tout traitement, la possibilité d’exercer une ultime liberté en demandant à être aidées à en finir et à mourir. C’est une question de liberté, d’égalité et de laïcité – de liberté, car les personnes doivent pouvoir y recourir quand elles le souhaitent ; d’égalité, parce que pour l’heure, seules celles qui en ont les moyens accèdent à cette aide ; de laïcité, car ce droit respecte toutes les convictions personnelles et spirituelles, nul n’étant obligé de l’exercer. Naturellement, nous souhaitons tous qu’un petit nombre de personnes aient besoin d’y recourir et que les progrès de la médecine permettront d’atténuer leurs souffrances.

Mme Hanane Mansouri (UDR). La commission spéciale a certainement eu des discussions très riches l’année dernière, mais nous sommes un certain nombre à débattre de ce sujet pour la première fois, et nous souhaitons pouvoir exposer nos arguments.

Vous ne semblez pas appréhender correctement le rôle qui incombe à la société. On ne devrait pas agir sur la vie en provoquant la mort, par l’euthanasie ou le suicide assisté, mais agir sur la fin de vie en soulageant la souffrance – c’est le rôle des soins palliatifs et des dispositions de la loi Claeys-Leonetti. Je suis favorable à ces amendements car je suis contre l’aide à mourir.

Mme Océane Godard (SOC). Vous invoquez la société ; j’entends ces arguments, mais je vous invite à porter votre regard sur la situation des patients. La loi Claeys-Leonetti représente certes une avancée, mais il faut préciser que dans l’immense majorité des cas, ce sont les médecins qui demandent la sédation, et non le patient. Remettons le patient au cœur de ses choix et de ses décisions.

J’ajoute que lors d’une sédation, le temps qui précède la mort peut être long, et nous ignorons si le patient n’a pas des microréveils et des moments d’angoisse. Il est également terrible pour les proches de voir le corps du malade se dégrader tout au long de la sédation.

Accompagner la fin de vie, ce n’est pas tuer, c’est soulager les souffrances d’une personne qui en a décidé ainsi. Or je n’entends pas le mot « souffrance » dans vos propos.

M. René Pilato (LFI-NFP). J’indique à nos collègues qui n’ont pas participé à la commission spéciale que nos travaux ont tous été filmés et qu’ils peuvent les consulter. Je les invite aussi à faire confiance à ceux qui y ont pris part, qui peuvent les éclairer. Nous ne pouvons pas refaire des heures de débat.

En tant que législateurs, nous ne devons pas agir selon notre intime conviction, qu’elle soit religieuse ou non, mais dans le respect du mandat que nous ont confié nos électeurs. Laissons le religieux à l’extérieur du Palais-Bourbon, et concentrons-nous sur l’intérêt général.

Les textes religieux imposent des devoirs pour espérer accéder à des droits – schématiquement, tu dois faire ceci et cela pour avoir le droit d’entrer au paradis. Pour notre part, nous ouvrons des droits dans une République laïque où la loi est faite par les humains, pour les humains. Notre devoir est de fabriquer la loi dans l’intérêt général ; en l’occurrence, il est de mettre fin aux souffrances réfractaires, indépendamment de toute conviction intime.

Mme Annie Vidal (EPR). Je ne peux pas laisser dire des contrevérités. Le nouveau droit dont nous débattons ne doit pas être un prétexte pour remettre en cause ce qui existe déjà : la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Il est faux de dire que cette sédation est majoritairement décidée par le médecin. La loi précise bien que la demande doit venir du patient et que la décision doit être prise dans une large collégialité. Les très nombreux médecins avec lesquels j’ai échangé m’ont assuré que ce n’était pas un acte solitaire. On ne peut pas proférer des bêtises pour faire valoir ses idées.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Les personnes auditionnées ont insisté sur un point important : pour un patient, savoir qu’il peut choisir de partir peut l’aider à rester.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Vous insistez sur la liberté de choisir, et je le respecte. Le problème est que notre système de santé est par terre du fait d’une mauvaise gestion politique. Il faut des mois pour passer une imagerie par résonance magnétique et voir un médecin, un an voire plus pour consulter un spécialiste. En légalisant l’euthanasie ou le suicide assisté, j’ai peur que l’on finance encore moins les soins palliatifs. Une ambition est certes affichée en la matière, mais elle mettra du temps à se concrétiser.

Je crains aussi que l’on n’ait pas accès à la même fin de vie selon qu’on est précaire ou qu’on a les moyens d’accéder à un grand professeur et de s’offrir du matériel pour rendre ses jours plus confortables. Les personnes précaires sont isolées. Pour elles, la liberté de choisir ne doit pas se transformer en incitation. Le sentiment d’être une charge pourrait les amener à prendre une décision ultime.

Mme Christine Loir (RN). Nos positions n’ont rien de religieux, monsieur Pilato. Je suis athée. Lorsque j’étais soignante, j’accompagnais des malades dans la fin de vie, mais je ne les accompagnais pas à la mort. Je ne leur donnais pas la mort : c’est toute la différence.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Puisque nous en appelons à respecter les avis de chacun, j’aimerais aussi que l’on respecte le travail que nous avons accompli ces derniers jours. Vous ne pouvez pas ignorer que la commission vient de voter une proposition de loi sur les soins palliatifs.

M. Philippe Juvin (DR). L’aide à mourir telle qu’elle est définie dans l’article 2 consiste à recourir à une substance létale. Je sais qu’il existe des soins palliatifs, des soins d’accompagnement et des soins de confort, mais je trouve choquant que l’aide à mourir soit réduite à l’administration d’une substance létale.

Sachez aussi que les sédations sont toujours décidées avec le patient – j’en ai pratiqué quelques-unes, y compris pour des personnes très proches –, et qu’elles font toujours l’objet d’une discussion collégiale entre soignants.

M. Patrick Hetzel (DR). Le président de la Mutuelle générale de l’éducation nationale et celui de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité ont publié une tribune dans laquelle ils utilisent explicitement les termes d’euthanasie et de suicide assisté ; je ne pense pas que ce soit par méconnaissance.

Vous voudriez nous convaincre que le suicide assisté est l’ultime liberté, mais ce faisant, vous déplacez les curseurs. Lors de l’examen de la proposition de loi Claeys-Leonetti, Jean Leonetti avait fait de la sédation profonde et continue la limite à ne pas franchir. Vous repoussez progressivement cette limite par effet domino. Voici ce qu’en dit Theo Boer, qui a participé à la mise en place du dispositif aux Pays-Bas : « [...] j’ai cru, à l’époque, qu’un cadre rigoureux pouvait prévenir les dérives : je n’en suis plus si sûr. Ce que je constate, c’est que chaque ouverture du champ de l’euthanasie crée de nouvelles attentes, de nouvelles demandes, une nouvelle normalité. » Comment délimiter les choses pour ne pas susciter un appel d’air qui nous entraînerait au-delà de ce qui était prévu initialement ?

M. Thibault Bazin (DR). L’article 2 a beau s’intituler « aide à mourir », il vise à légaliser le recours à une substance létale avec l’intention de provoquer ou d’accélérer la mort ; cette dimension se démarque des lois précédentes et soulève des questions éthiques. On peut aider à mourir sans provoquer la mort ; c’est le rôle des soins palliatifs. L’aide à mourir ne doit pas se résumer à l’acte intentionnel d’accélérer la mort ; elle peut être au pire une option.

Nous devrions nous interroger sur la motivation de la demande d’aide à mourir, pour mieux appréhender la façon dont la société peut y répondre. Si, par exemple, la personne qui en fait la demande est privée de soins palliatifs alors que son état de santé le requiert, que lui répondons-nous ? Si elle endure des souffrances psychiques et un mal-être sans que son pronostic vital ne soit engagé à court terme, que lui répondons-nous ? Si elle est en perte d’autonomie et se sent un poids pour la société, que lui répondons-nous ? Dans ces situations, l’éthique de la vulnérabilité doit l’emporter sur l’éthique de la volonté, qui est respectable et à laquelle vous êtes attachés.

Enfin, cet acte qui est loin d’être anodin est présenté par beaucoup comme un soulagement. Mais ne risque-t-il pas d’être ressenti comme un poids – sur le moment ou a posteriori – par ceux qui y participent ?

M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes au cœur du débat car nous touchons à la question de la dignité. Lorsqu’on est malade et souffrant, on conserve toujours sa dignité, qui est intrinsèque à la personne – c’est ce qui est magnifique dans la nature humaine. Face à des personnes malades et en fin de vie, la mission du soin est de soigner le corps, de secourir la vie et d’accompagner la dignité humaine jusqu’au bout.

La commission rejette les amendements.

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2.   Réunion du vendredi 11 avril 2025 à 15 heures (article 2 [suite] à article 3)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([237]).

Article 2 (suite) : Définition de l’aide à mourir et des conditions d’accès à celle-ci

Amendement AS29 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Comme vous le savez, la Suisse a autorisé le suicide assisté, à condition que la personne se donne elle-même la mort. M’inspirant de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), je propose de réécrire l’article 2 de la manière suivante : « L’assistance au suicide est l’acte accompli dans l’intention de permettre à une personne capable de discernement de mettre fin à ses jours, après la prescription de médicaments par un médecin à des fins de suicide. » Ce faisant, nous nous rapprocherions aussi fortement du dispositif en vigueur en Oregon, où les statistiques indiquent que de nombreuses personnes ne viennent pas récupérer la substance après qu’elle leur a été prescrite et que 40 % de celles qui le font décident in fine de ne pas l’utiliser.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet amendement aurait pour conséquence de supprimer le cadre global du texte. Il ne serait ainsi plus fait mention des notions d’accompagnement et de dignité, ni de la possibilité, pour un tiers, d’administrer la substance létale. Quant à la méthode retenue par l’Oregon, s’il est vrai que nous nous y étions référés l’an dernier, nous avons maintenant un texte adapté à la France.

Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Cette proposition est conforme à la position de notre collègue Hetzel, que je respecte, mais elle fait référence à l’assistance au suicide, ce qui n’est pas l’objet du texte. De plus, il n’est pas précisé à quel emplacement du code de la santé publique la disposition trouverait sa place. Il s’agit donc davantage d’une définition de l’assistance au suicide, que nous aurions pu trouver dans le Petit Robert. Je ne soutiendrai pas cet amendement.

M. Philippe Juvin (DR). Pourriez-vous expliquer, madame la rapporteure, ce que signifie « un texte adapté à la France » ?

Par ailleurs, cette rédaction ne vient pas du Petit Robert, mais de l’Académie suisse des sciences médicales. Elle a donc été réfléchie et elle est utilisée.

Mme la rapporteure. « Adapté à la France », c’était une manière de parler. Je voulais dire que c’est ainsi que son auteur l’a rédigé – mais vous l’aviez compris.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS30 de M. Patrick Hetzel, AS697 de M. Christophe Bentz, AS933 de Mme Christine Loir et AS1048 de M. Philippe Juvin, amendements AS111 de Mme Justine Gruet, AS788 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS503 de M. Yannick Monnet, AS669 de M. René Pilato, AS593 de Mme Annie Vidal et AS504 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). Dans le prolongement des débats que nous avons eus ce matin, je propose, avec mon amendement, d’utiliser les termes « euthanasie » et « suicide assisté », explicitement employés dans une récente tribune par les présidents de l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) et de la Mutuelle générale de l’éducation nationale – personnalités qu’on ne saurait qualifier d’adversaires de ce texte.

M. Christophe Bentz (RN). Par mon amendement, j’offre la possibilité à M. le rapporteur général de nous expliquer en quoi administrer une substance létale à un corps vivant qui, après, sera mort n’est pas de l’euthanasie et en quoi s’auto‑administrer une telle substance n’est pas un suicide, fût-il assisté.

Mme Christine Loir (RN). Pourquoi ne pas nommer les choses pour ce qu’elles sont ? Alors que la proposition de loi est très lourde d’implications, la terminologie « aide à mourir » en fait perdre le sens même. En effet, par ces mots, cet article laisse croire que soigner, c’est donner la mort ; que l’accompagnement, c’est en réalité y mettre fin. Pour garantir la clarté de la loi et la sincérité de nos débats, il est essentiel que les mots soient choisis avec justesse. La médecine soigne, soulage, accompagne ; elle ne tue pas.

M. Philippe Juvin (DR). « J’ai compris que tout le malheur des hommes venait de ce qu’ils ne tenaient pas un langage clair » : ces mots sont d’Albert Camus, dans La Peste. De l’aide à mourir, je répète que nous en faisons déjà. Ce dont nous parlons ici, c’est d’aide active à mourir, d’euthanasie, de suicide assisté, mais en aucun cas d’une aide à mourir.

Mme Justine Gruet (DR). L’amendement AS111 est défendu.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). D’après une enquête réalisée du 11 au 14 mars par Flashs pour LNA Santé, 49 % des Français ignorent la différence entre l’aide à mourir, le suicide assisté et l’euthanasie. Votre volonté d’inscrire les termes « aide à mourir » dans le code de la santé publique est une manipulation sémantique, dans la mesure où le dispositif prévu est l’administration d’une substance létale. L’objectif poursuivi par la prescription et l’administration d’un tel produit n’est ni thérapeutique, ni préventif ; cette aide à mourir n’est pas un acte médical. La compréhension de ce qui va être légalisé n’est donc pas assurée.

Vous procédez à une rupture anthropologique et faites un choix de société dont les plus faibles seront les premières victimes. Nous demandons donc d’opter pour des mots plus compréhensibles pour le grand public – en l’espèce, « mort programmée ».

M. Yannick Monnet (GDR). Ces amendements visent tous à modifier l’alinéa 3, mais ils n’ont pas le même objet. Mon amendement tend à réaffirmer que l’aide à mourir est un droit, donc qu’elle est garantie par la loi. Un tel ajout serait d’ailleurs de nature à répondre à de nombreuses inquiétudes. En effet, un droit s’encadre, notamment en décidant de conditions d’accès, mais un principe beaucoup moins. En adoptant cet amendement, nous aurions une discussion plus saine et un texte davantage conforme à notre objectif.

M. René Pilato (LFI-NFP). Mon amendement est presque identique à celui de M. Monnet. Comme lui, j’estime qu’il est important d’inscrire dans la loi que l’aide à mourir est un droit.

Mme Annie Vidal (EPR). Par mon amendement, je souhaite pour ma part retenir l’expression « aide active à mourir ». En effet, l’aide à mourir correspond à plusieurs choses : une prise en charge par des soins palliatifs, une prise en charge dans un service de soins, une sédation continue, la présence d’un proche. Il me semble donc important d’ajouter le terme « active », car il est ici question d’ouvrir un droit spécifique permettant d’accéder à une substance létale. Cette terminologie permettrait en outre d’éviter les mots « euthanasie », dont je reconnais la brutalité et la violence, et « suicide assisté », qui pourrait heurter à juste titre celles et ceux qui luttent contre cet acte. Au fond, il s’agit d’une formulation médiane entre les différentes propositions ici examinées et la rédaction du rapporteur général.

M. Yannick Monnet (GDR). Outre notre volonté de faire de l’aide à mourir un droit, nous souhaitons préciser qu’il s’agit d’une aide « médicale », afin d’insister sur le fait que l’acte s’inscrit dans un parcours encadré par des professionnels de santé.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cher collègue Hetzel, je trouve savoureux que vous me reprochiez de ne pas suivre les préconisations de l’ADMD. Cependant, je ne le ferai pas car, en tant que législateurs, nous devons suivre notre conscience. Pour ma part, je souhaite retenir l’expression « aide à mourir », qui est claire, simple et compréhensible par toutes et tous. Préciser qu’il s’agit d’un droit me semble superfétatoire car c’est l’objet même de l’article.

Je ne reviendrai pas sur le débat sémantique sur les termes « euthanasie » et « suicide assisté », sachant qu’ajouter le mot « active » ne me semble pas non plus pertinent.

Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’aide à mourir sera un nouveau droit pour les patients ; nous l’affichons. Plus généralement, moins nous requalifions cette formulation, mieux ce sera. Pourquoi, d’ailleurs, cette aide serait plus active qu’autre chose ? Il n’existe pas d’intervention passive. Quant à préciser qu’il s’agit d’une aide médicale, cette terminologie aurait un double sens et réattribuerait le geste aux médecins. Gardons-nous, enfin, d’utiliser des mots aussi excessifs que « mort programmée », particulièrement sur un tel sujet. L’aide à mourir est un accompagnement dont le nom se suffit à lui-même.

Mme Annie Vidal (EPR). Je précise simplement que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et le Conseil économique, social et environnemental, organismes sur lesquels nous pouvons raisonnablement nous appuyer, parlent d’aide active à mourir.

Mme Hanane Mansouri (UDR). S’agissant de l’euthanasie et du suicide assisté, nous connaissons la position du rapporteur général – position que je ne partage ni ne comprends.

En revanche, il ne s’est pas prononcé sur les mots « mort programmée », qui ne me semblent pas excessifs. C’est un fait : si cette proposition de loi est adoptée, nous pourrons prévoir la mort de quelqu’un à un moment précis. Cette formulation me paraît donc juste.

M. Christophe Bentz (RN). Vous n’avez pas répondu à ma question, monsieur le rapporteur général. Les Français ont pourtant le droit d’être éclairés, notamment sur la définition de l’aide à mourir. Le sondage auquel ma collègue Dogor-Such a fait référence le montre : ils ne savent pas s’il y a une équivalence entre l’aide à mourir et l’euthanasie, ni ce que ces termes recouvrent concrètement. Les législateurs que nous sommes doivent clarifier les choses sur le plan linguistique.

Je répète mes questions. L’administration d’une substance létale à un être humain qui, ensuite, sera mort, n’est-elle pas une euthanasie ? Et dans le cas d’une auto‑administration de cette substance, ne s’agit-il pas d’un suicide, fût-il assisté ?

M. Patrick Hetzel (DR). La formulation est importante, car certains soignants pourraient être choqués par la manière dont nous utilisons certains termes. En effet, jusqu’à ce jour, dans toutes nos unités de soins palliatifs, l’aide à mourir a été pratiquée, mais je répète qu’elle ne consistait pas en l’administration d’une substance létale. Or nous allons utiliser ce terme, qui correspond donc déjà à une pratique professionnelle, pour qualifier ce nouvel acte. Voilà pourquoi il faut de toute évidence choisir d’autres mots.

Vous le savez, je fais partie de ceux qui plaident pour les termes « euthanasie » et « suicide assisté ». Mme Vidal, elle, propose de parler d’aide « active » à mourir, afin d’éviter toute confusion et de ne pas semer le trouble chez les soignants. De fait, il ne faudrait pas assimiler leur pratique de l’aide à mourir avec l’administration d’une substance létale.

Notons enfin que cet article tend à modifier le code pénal qui, je le rappelle, interdit l’homicide, quelle que soit la manière de le commettre. Il y a donc bien une rupture anthropologique. Normalement, nous allons vers plus de protection : là, nous faisons le chemin inverse. Jusqu’à présent, seules des circonstances atténuantes pouvaient être reconnues. Désormais, un homicide, certes réalisé à la demande de la personne, pourra être pratiqué. Cela recoupe notre discussion de ce matin au sujet du suicide, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je souhaite convaincre M. le rapporteur général de préciser qu’il s’agit d’un droit. Peut-être est-ce superfétatoire, mais inscrire dans la loi que nous créons un droit à une fin de vie digne serait un geste fort. À l’instar de nombreuses associations, j’estime que cela n’enlèverait rien et ne représenterait aucun danger de permettre à chaque citoyen – je l’espère – de se prévaloir de ce droit.

S’agissant de l’aide active à mourir et des autres termes proposés, nous aurons ici une divergence tout au long de nos débats. La sédation profonde est une forme d’aide à mourir, nécessitant l’utilisation d’une substance dont on ne se remet pas : c’est une question de temps, non de nature de l’acte. C’est pourquoi nous souhaitons nous en tenir à la formulation « aide à mourir », en précisant, je le répète, qu’il s’agit d’un droit pour tous.

M. René Pilato (LFI-NFP). J’adhère aux propos de Sandrine Rousseau. À écouter les uns et les autres, je suis convaincu que les mots « droit à l’aide à mourir » sont les meilleurs, car les plus englobants. Ils comprennent la sédation profonde jusqu’à la mort et le dispositif que nous examinons.

M. Thibault Bazin (DR). Le dispositif que nous examinons s’insérerait dans la section 2, « Expression de la volonté des malades refusant un traitement et des malades en fin de vie », du chapitre Ier, « Information des usagers du système de santé et expression de leur volonté » – chapitre que l’article 1er du présent texte modifie –, lui-même inséré dans le titre Ier, « Droits des personnes malades et des usagers du système de santé » du livre Ier, « Protection des personnes en matière de santé » du code de la santé publique. Or, au sein de ce titre Ier, figure notamment le « refus de l’obstination déraisonnable », qui, à en croire nos discussions, peut être une forme d’aide à mourir, cependant que, dans d’autres sections du même code, de nombreuses dispositions relèvent aussi de l’aide à mourir.

Il conviendrait donc de préciser que l’administration d’une substance létale constitue une aide « active » à mourir, afin de spécifier cet acte. C’est une nécessité pour nos soignants qui, parfois, aident à mourir, sans pour autant, j’y insiste, administrer une substance létale dans l’intention d’accélérer la mort : je pense aux soins palliatifs, auxquels des droits sont associés et qui aident à mourir sans accélérer la mort.

La formulation contenue dans la proposition de loi contient donc un véritable biais. Quand une personne demande de l’aider à mourir, cela ne signifie pas nécessairement qu’elle souhaite qu’on lui administre une substance létale : elle peut demander des soins palliatifs ou encore une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Ce n’est pas la chose, car l’intention de la personne n’est alors pas la même. Prenons donc garde aux mots que nous choisissons, sous peine de rendre la loi inintelligible aussi bien pour les patients que pour les professionnels. Il faut que chacun comprenne la portée de la demande d’aide à mourir.

M. Yannick Monnet (GDR). Je m’inscris en faux par rapport à ce que vient de dire Thibault Bazin. Les soins palliatifs ne sont pas une aide à mourir : ils sont une aide à vivre. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains professionnels des services de soins palliatifs contestent l’idée d’aide à mourir. Ils craignent que cela vienne contrer leur travail.

Par ailleurs, si nous ne précisons pas que l’aide à mourir est un droit, l’acte sera associé à celui qui l’accomplit, et non au patient qui le reçoit. En effet, nous oublions toujours que les dispositions de cet article ne s’appliqueront qu’avec le consentement éclairé du patient.

Une telle précision éviterait également certains débats. Par exemple, l’un des amendements parle de mort programmée – comme si la mort pouvait l’être –, alors que ce n’est absolument pas l’objet du texte. La notion de droit me semble donc fondamentale, en ce qu’elle renvoie aux patients.

M. Philippe Juvin (DR). Notre collègue Pilato dit avoir été convaincu que la formulation « aide à mourir » est la plus englobante mais, en réalité c’est tout le contraire. L’alinéa 6 dispose en effet expressément que l’aide à mourir se définit comme une injection létale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nouvelle surprise de taille : après Patrick Hetzel qui me reproche de ne pas suivre les recommandations de l’ADMD, notre collègue Bazin, lui, se démarque des professionnels des services de soins palliatifs en prétendant qu’ils pratiquent l’aide à mourir. Pour ma part, je les ai toujours entendus dire qu’ils étaient là pour aider à vivre – raison pour laquelle, d’ailleurs, ils nous reprochent parfois de vouloir légaliser l’aide à mourir. La fin de vie, c’est encore la vie, jusqu’au bout. La notion d’aide à mourir, elle, concerne les situations insupportables pour un patient condamné par la maladie et qui n’en peut plus.

Monsieur Bentz, sans revenir sur le débat sémantique, les mots « euthanasie » et « suicide assisté » sont connotés. Personne, par exemple, n’oserait parler de « collaboration franco-allemande » pour parler de l’amitié entre nos deux pays. De la même manière, ce matin, quelqu’un a utilisé l’expression « solution ultime », mais il n’aurait jamais parlé de « solution finale »... Selon moi, les mots « euthanasie » et « suicide assisté », tout comme la formulation « mort programmée », me semblent également inutilisables, inopportuns et inadaptés – même si je ne vous fais pas le reproche de les proposer. La loi doit être claire, simple, limpide.

Quant à la proposition d’inscrire dans le titre de la section 2 bis du code de la santé publique que nous souhaitons créer que l’aide à mourir est un droit, elle ne me paraît davantage opportune, car l’article 3 l’indique déjà textuellement. Cette mention a selon moi davantage sa place dans le corps de la loi que dans un titre.

Je renouvelle donc mon avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, afin de conserver la formule simple d’aide à mourir.

La commission rejette les amendements identiques.

Elle rejette successivement les amendements AS111 et AS788 puis adopte l’amendement AS503.

En conséquence, les amendements AS669, AS593 et AS504 tombent.

Amendement AS698 de M. Christ ophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Par cohérence avec nos amendements de suppression, celui-ci vise à poser un principe de précaution. Avant d’entamer un débat sur l’aide à mourir, il faut que nous ayons une réponse politique au sujet de la prise en charge de la souffrance. Je redonne ce triste chiffre : 500 Français meurent chaque jour sans avoir bénéficié d’un accès effectif aux soins palliatifs alors qu’ils en avaient besoin. Or nous ne pouvons dire à ces 200 000 personnes par an que l’alternative est de continuer à souffrir ou d’aller vers une mort provoquée ; d’où l’importance de développer au plus vite les soins palliatifs partout et pour tous, préalable, je le répète, au débat sur l’aide à mourir.

Mme la rapporteure. Comme vous n’êtes pas parvenu à supprimer l’article dans son ensemble, vous essayer de supprimer ses différents alinéas. En l’occurrence, vous revenez sur les soins palliatifs ; à cet égard, il est évident que nous ne répondrons jamais à toutes les souffrances. Quand bien même un territoire deviendrait surdoté en soins palliatifs, il y aurait encore des souffrances réfractaires et des personnes pour demander une aide à mourir. C’est pour aider et écouter ces patients et pour protéger les soignants qui veulent participer qu’il faut conserver les dispositions du texte.

M. Thibault Bazin (DR). Sans vouloir vous priver de certains plaisirs, monsieur le rapporteur général Falorni, je ne cherche qu’à être cohérent avec ce que nous entendons de la part des professionnels. Vous et moi avons d’ailleurs souvent participé aux mêmes auditions ces dernières années. À cet égard, dans une interview croisée avec la ministre Astrid Panosyan-Bouvet parue dans Le Figaro, Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), a déclaré : « J’évite de parler d’aide à mourir, car c’est ce que je fais depuis vingt-cinq ans. » Quand elle prononce cette phrase, je pense qu’elle parle de l’accompagnement de personnes en fin de vie. Je ne crois donc pas avoir dit quelque chose d’incohérent : certains professionnels ont le sentiment d’aider des personnes qui vont mourir en les accompagnant.

Une « aide » peut ainsi consister en un soulagement jusqu’à une mort accélérée par l’intermédiaire d’une substance létale, mais aussi en un accompagnement sans administration d’un tel produit. Une fois qu’une personne a bénéficié de soins palliatifs après avoir demandé de l’aide, elle ne souhaite plus, la plupart du temps, l’éventuelle administration d’une substance létale. Dans ce colloque singulier entre le patient et le médecin, il ne faudrait pas que la demande d’aide et de soulagement soit mal interprétée. Les mots ont un sens : il faut que nous soyons extrêmement précis et intelligibles.

M. Christophe Bentz (RN). Oui, il y a bien deux textes, mais l’étanchéité que nous demandons n’est pas assurée. J’ai beaucoup parlé de l’aide à mourir pendant l’examen du texte sur les soins palliatifs ; je vais beaucoup parler, comme je vous l’ai promis, des soins palliatifs pendant l’examen du texte sur l’aide à mourir. Je veux démontrer cette porosité que je dénonce. Je ne trouve d’ailleurs pas normal qu’une discussion générale commune soit prévue pour l’examen en séance publique.

Je ne suis pas médecin en soins palliatifs, mais j’en ai rencontré beaucoup. Ils disent que, oui, l’ensemble des pathologies, des souffrances, des douleurs peuvent être prises en charge par les soins palliatifs. D’où notre insistance sur ce sujet.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur Bazin, vos inquiétudes ont été entendues : le texte prévoit de nombreux mécanismes qui permettent de faire marche arrière à n’importe quel moment et de renoncer à l’aide à mourir, mais aussi d’accéder en permanence aux soins palliatifs. Le processus est sécurisé : à plusieurs reprises, on vérifie que la personne est toujours d’accord. La proposition de loi a été longuement pesée, notamment avec vous lorsqu’elle a été débattue pendant la législature précédente.

M. Patrick Hetzel (DR). L’introduction d’un geste létal est très troublante : c’est une rupture avec l’idée même de soin.

Nos amendements peuvent paraître nominalistes, mais ces questions terminologiques sont tout sauf anodines. Les soins d’accompagnement et les droits des malades ne peuvent pas comprendre l’assistance médicale à mourir ; les soins palliatifs ne peuvent devenir ni la caution, ni l’alternative de l’acte létal. C’est pourquoi nous demandons une étanchéité nette entre les deux textes.

L’aide à mourir est un changement de nature. Il n’y a pas de continuum : un geste létal n’est pas la suite logique d’un acte de soin ! Je ne suis pas soignant, mais je ne peux pas m’imaginer dans une démarche pareille. C’est une rupture anthropologique, une rupture avec les valeurs fondamentales de l’engagement professionnel. Peut-on prendre en considération cette réflexion ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS865 de Mme Lisette Pollet, AS32 de M. Patrick Hetzel et AS942 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS113 de Mme Justine Gruet et AS254 de M. Thibault Bazin, amendements AS791 de Mme Marie-France Lorho, AS31 de M. Patrick Hetzel, AS253 de M. Thibault Bazin et AS861 de Mme Danielle Simonnet

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement vise à rétablir les termes justes. Aider une personne à injecter dans son corps un poison n’est pas une aide à mourir : c’est aider quelqu’un à se suicider. Injecter un poison à quelqu’un, même à sa demande, ce n’est pas de l’aide à mourir, c’est une euthanasie.

M. Patrick Hetzel (DR). Les Pays-Bas parlent de « contrôle de l’interruption de la vie sur demande » et d’« aide au suicide ». La loi belge est « relative à l’euthanasie ». La loi espagnole est intitulée « loi de régulation de l’euthanasie ». Au Luxembourg, on utilise les mots d’euthanasie et d’assistance au suicide.

Bref, les lois étrangères assument clairement cette terminologie. Il serait paradoxal que la singularité française soit une euphémisation juridique.

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement AS113 est rédactionnel.

M. Christophe Bentz (RN). Je défends l’amendement AS791. Notre rôle de législateur est de débattre à la fois du fond et de la forme ; les mots révèlent le fond. Nous avons un devoir de transparence et de vérité : il faut utiliser les bons termes.

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement AS31 limite le champ de l’aide à mourir au seul suicide assisté, à l’instar de ce qui se fait dans l’Oregon.

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement AS253 est de clarification sémantique.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement vise à donner au patient, dans le cas où il ne pourrait pas réitérer sa volonté en pleine conscience, la possibilité de le faire via des directives anticipées ou via la personne de confiance.

Nous devons pouvoir anticiper ces situations. La loi Claeys-Leonetti prévoit les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance : c’est un moyen d’exprimer les choix en matière de fin de vie d’une personne qui ne peut plus le faire elle‑même. On peut ne pas avoir perdu sa pleine conscience, mais avoir perdu une partie de son discernement. Quand on a anticipé, rédigé ses directives anticipées, choisi une personne de confiance qui saura redire ce choix quand on ne saura plus le faire soi-même, on doit pouvoir accéder à l’aide à mourir.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cette discussion commune rassemble des amendements très différents les uns des autres.

Pour les premiers, j’ai répondu tout à l’heure. J’y suis défavorable.

L’amendement de Mme Simonnet pose une tout autre question. J’y serai également défavorable. C’est un débat important et j’ai moi-même défendu une position similaire en 2021. Néanmoins, je l’ai dit au cours de la discussion générale, j’ai des convictions, mais pas de certitudes : ce n’est pas une formule creuse. J’ai entendu, depuis 2021, des médecins qui adhèrent au principe de l’aide à mourir – et ils sont nombreux, plus qu’on ne le dit : un tiers, probablement, d’après le président de l’Ordre – me dire qu’ils ne seraient pas en mesure d’effectuer le geste de l’aide à mourir pour un patient qui aurait perdu son discernement et ne serait plus en mesure d’exprimer le dernier consentement, le consentement de l’ultime instant.

Comme rapporteur général de ce texte je souhaite, avec les quatre rapporteurs thématiques, aboutir à un texte équilibré. Je ne suis pas dupe : je sais bien que la séparation du projet de loi initial en deux textes a plutôt vocation à compliquer l’adoption de la seconde proposition de loi – pour employer un euphémisme. L’équilibre est donc nécessaire pour que ce droit à l’aide à mourir – puisque le mot « droit » figure maintenant dans le titre de la section, ce qui, vous l’avez bien compris, monsieur Monnet, ne me pose aucun problème – soit voté par la représentation nationale.

Nous débattrons des mineurs, des directives anticipées. Mais, en responsabilité, après mûre réflexion et une large écoute des acteurs, je considère le texte comme équilibré. Ce que je pensais hier ne s’est pas totalement effacé aujourd’hui, bien sûr. Mais j’en appelle à la responsabilité des parlementaires, notamment de ceux qui veulent voir cette proposition de loi adoptée : au moment où les députés auront à se prononcer, certains voteront en sa faveur seulement s’ils sont rassurés.

Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il n’est pas aujourd’hui opportun que les directives anticipées permettent l’accès à une aide à mourir.

M. René Pilato (LFI-NFP). Le groupe LFI-NFP s’est posé la même question. Nous nous abstiendrons sur l’amendement de Mme Simonnet, parce que nous voulons que le processus s’engage. Nous aimerions, si la demande a été faite et si la personne perd par la suite son discernement, débattre du rôle des éventuelles directives anticipées. Voilà où en est notre réflexion. Nous espérerons que le débat apportera plus de lumière.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je me suis posé la même question que Mme Simonnet, et l’équilibre retenu par le rapporteur général me paraît le plus pertinent.

Ce texte propose un nouveau droit. C’est, il faut l’admettre, une rupture par rapport à l’existant. L’essentiel, c’est que le choix en conscience doit être maintenu jusqu’au bout – c’est la contrepartie de cette rupture.

J’ai été sollicité par des associations de proches de malades d’Alzheimer, et j’ai entendu des histoires très touchantes de personnes qui ont vu leurs parents partir très tôt parce qu’ils ne voulaient pas se projeter dans la suite dans la maladie. Mais j’ai aussi entendu des histoires tout aussi touchantes de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui avaient perdu les pédales, si vous me permettez l’expression, mais qui allaient bien dans le monde nouveau qui était le leur.

La directive anticipée, et ce qu’elle implique de séparation temporelle entre une volonté et sa mise en application, ne me paraît pas acceptable en l’occurrence. Je serai donc défavorable à l’amendement de Mme Simonnet, même si j’en comprends la philosophie.

M. Patrick Hetzel (DR). Monsieur le rapporteur général, vous dites que l’existence de deux textes compliquerait la donne. Il me semble au contraire qu’elle permet d’avoir deux débats, l’un sur les soins palliatifs, l’autre sur l’aide active à mourir. C’est plus clair, je crois, et la clarté des débats doit être essentielle pour le législateur.

Chacun se déterminera ensuite en son âme et conscience.

M. Philippe Juvin (DR). L’amendement de Mme Simonnet est en effet bien différent des autres amendements en discussion commune.

Il pose une question essentielle : le patient doit-il pouvoir, jusqu’au dernier moment, dire non après avoir dit oui ? Pour notre part, cela nous semble indispensable. L’inscription d’une telle procédure dans les directives anticipées ne nous paraît pas possible. Il faut, je crois, rester très prudent et ne pas mettre le doigt dans cet engrenage.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je suis très favorable à l’amendement de Mme Simonnet – j’entends vos arguments, monsieur le rapporteur général, mais je crois qu’il ne sera de toute façon pas adopté.

Il me semble que décider, en pleine conscience, en pleine connaissance de la réalité de cette maladie, qu’on ne souhaite pas aller jusqu’à la perte de mémoire complète pourrait être considéré comme un droit des individus.

Par ailleurs, la maladie d’Alzheimer vient d’être décrite comme un temps où nous oublierions tout, où les personnes malades entretiendraient un autre rapport au monde et seraient dans une dimension où ils pourraient être heureux. Cette vision angélique qui ne me semble pas correspondre entièrement à la réalité : il arrive aussi que ces malades aient des manifestations de violence, mais aussi de détresse. Je ne partage pas l’idée que, parce que l’on oublie le quotidien ou que l’on perd la mémoire, on sera plus heureux dans ce nouveau monde. Ce n’est pas toujours le cas, sinon on ne verrait pas ces manifestations d’auto- comme d’hétéro-agressivité qui empêchent parfois de garder les malades chez soi.

M. Christophe Bentz (RN). Monsieur le rapporteur général, vous avez cheminé, dites-vous, sur la question de la possibilité d’accéder à l’aide à mourir par son inscription dans les directives anticipées, mais vous voulez maintenir des garde-fous pour rassurer certains de nos collègues encore hésitants, ce qui est bien naturel.

Mais nous le savons, vous le savez : tous ces garde-fous sauteront, comme le critère du pronostic vital engagé à court et à moyen terme a sauté dès la première lecture en commission il y a un an. On le voit partout dans les pays qui ont légiféré sur ce sujet : les garde-fous sautent les uns après les autres. Ce sera aussi le cas dans notre pays, j’en suis convaincu, car ce texte permet toutes les dérives.

Nous voterons contre l’amendement de notre collègue Simonnet, naturellement. Mais reparlons-en dans cinq ou dix ans.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je fais partie de ceux qui sont favorables à la reconnaissance d’une aide à mourir tout en restant vigilant, et plus que cela, sur les critères et les conditions de son ouverture.

La question du recours aux directives anticipées est à cet égard un point essentiel. Je remercie Danielle Simonnet d’avoir, comme l’an dernier, ouvert un débat de qualité. Je persiste à penser que ce n’est pas opportun et je salue la sincérité du rapporteur général ; je pense comme lui que ce serait un élément de déséquilibre, qui rendrait plus difficile l’adoption du texte.

Ce n’est pas le lieu d’une discussion sur la maladie d’Alzheimer – il faut se garder, je crois, des visions angéliques comme des visions par trop anxiogènes. Mais il faut surtout garder en tête que cette maladie neurodégénérative ne met pas en cause le pronostic vital.

Le débat est légitime, mais c’est pour moi une ligne rouge et je ne soutiendrai pas cet amendement.

Mme Camille Galliard-Minier. Je remercie le rapporteur général pour la sincérité de ses paroles : nous connaissons tous son engagement et cela n’a pas dû être facile. C’est un sujet qu’il faut aborder avec humilité et responsabilité. J’y suis pour ma part favorable, mais s’il n’est pas possible d’avancer sans mettre en péril l’ensemble du texte, je suis prête à voter comme il nous le demande.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’aimerais d’abord que chacun respecte les positions des autres : ceux qui défendent la possibilité de demander l’aide à mourir par le biais des directives anticipées ne sont pas moins sérieux et responsables que les autres, ne veulent pas moins que les autres que le dispositif soit bien encadré.

Demander une expression réitérée, en pleine conscience, au dernier moment, cela peut revenir à exiger d’une personne qui va bientôt mourir qu’elle meure plus tôt qu’elle ne le voudrait. J’ai moi aussi entendu des témoignages poignants, ceux de personnes qui veulent vivre le plus longtemps possible malgré leurs souffrances insupportables, tant qu’elles arrivent à communiquer avec l’extérieur, tant qu’elles arrivent à prendre de l’amour et à en donner ; mais qui disent aussi que, quand elles n’auront plus leur tête, quand elles seront un légume, quand elles ne pourront donc plus exprimer leur volonté, alors il faudra les éteindre. Eh bien ce ne sera pas possible. Elles ne pourront pas bénéficier de l’aide à mourir. C’est une source d’angoisse terrible quand on sait la douleur que l’on provoque autour de soi : il me sera impossible d’être maître de ma mort parce que ma tête ne sera plus maître de mon corps.

À quoi servent les directives anticipées, sinon à exercer cette ultime liberté d’être maître de son corps même quand la tête a lâché ? Il ne faut pas écarter ce sujet à la légère : il s’agit bien de choisir quand, comment, à quelle heure, on éteint.

M. Thibault Bazin (DR). Nos positions sont cohérentes. Je voudrais les expliciter.

Monsieur le rapporteur général, vous parlez de ce qui est opportun aujourd’hui. Cela m’inquiète un peu : est-ce que, demain, ce sera différent ? Jusqu’où irons-nous ? L’équilibre que vous évoquez est-il temporaire ? J’ai besoin d’être rassuré sur ce point.

Notre désaccord n’est pas uniquement sémantique : derrière les mots, il y a des réalités. Je suis opposé à l’amendement de Mme Simonnet. La volonté peut changer et cela peut poser problème. Qui serait concerné ? Des personnes devenues vulnérables pourraient-elles l’être ? C’est toute la société qui est impliquée, et pas la personne seulement. On ne peut pas dire que c’est anodin. Nous cherchons tous ce qui est le mieux. Des directives anticipées auront prévu certaines situations mais pas d’autres. Si l’on considère que le consentement libre et éclairé à recevoir une substance qui va accélérer la mort est indispensable, on ne peut pas être favorable à l’inscription d’une demande d’aide à mourir dans les directives anticipées.

M. Laurent Panifous (LIOT). Ce texte est le fruit d’un long travail, d’un cheminement vers le consensus qui a pris plusieurs années. C’est aussi, à la virgule près, le résultat du travail des parlementaires de la précédente législature. Cet équilibre est fragile.

Je comprends la frustration de certains vis-à-vis de ce texte qui concernera à leur sens trop peu de personnes, qui ne répondra pas à certaines situations très compliquées.

Mais je ne crois pas qu’il faille voter l’amendement de Mme Simonnet. D’abord, nous prendrions le risque de voir rejeter l’ensemble du texte. Mais surtout, pour avoir accompagné au cours des années de nombreuses personnes qui souffraient de troubles cognitifs, je vois très bien comment il est possible de rédiger des directives anticipées avant d’être malade et d’y inscrire des situations qui paraissent inacceptables, mais je ne vois pas comment il serait possible qu’une personne souffrant de troubles cognitifs profonds bénéficie de l’aide à mourir. Honnêtement, je ne sais pas comment on ferait. Accompagner cette personne qui aurait dit, des années auparavant, qu’elle voulait être accompagnée dans cette situation, mais qui aurait perdu tout discernement, me paraît particulièrement compliqué. Qui va parler à sa place ? Qui va prendre la décision, choisir la date ? Cela ne me paraît non seulement pas souhaitable, mais pas réalisable.

Mme Annie Vidal (EPR). Je me suis toujours efforcée de m’exprimer de façon mesurée sur ces sujets, et je respecte profondément celles et ceux qui sont favorables à ce droit. Ce n’est pas mon cas.

J’entends, monsieur le rapporteur général Falorni, que vous êtes attaché à l’équilibre du texte. J’espère que vous pourrez néanmoins accepter certaines propositions qui seront faites au cours de nos débats. Nous évoluons tous au fil du temps et certains de nos collègues n’étaient pas présents pour les débats de l’an dernier.

En ce qui concerne la question de l’inscription de l’aide à mourir dans les directives anticipées, il me semble qu’il faut rester très prudent. Il y a des exemples à l’étranger de personnes qui avaient rédigé des directives anticipées et à qui on a injecté une substance létale dans des conditions sur lesquelles on peut s’interroger. Je voterai donc contre l’amendement de Mme Simonnet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS594 de Mme Annie Vidal

Mme Annie Vidal (EPR). Le début de l’alinéa 6 est rédigé de la façon suivante : « Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale [...]. » Or cette aide ne consiste pas forcément dans le recours à une substance létale : elle peut prendre la forme d’une assistance, d’un soutien momentané. Il me semble donc préférable, pour la clarté de nos débats, de substituer au mot : « consiste » les mots : « peut consister ».

Mme la rapporteure. Cet amendement, par lequel vous souhaitez insister sur le caractère facultatif de la procédure, est satisfait sur le fond, puisque le recours à l’aide à mourir relève d’une démarche volontaire. De surcroît, la rédaction proposée semble inopportune, car elle laisse entendre qu’il existerait une autre aide à mourir que celle prévue à l’article 2.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement permettrait d’échapper au caractère systématique du recours à une substance létale, qui est problématique.

M. Philippe Juvin (DR). Si l’on veut que l’aide à mourir se traduise par une prise en charge globale qui inclue notamment l’injection d’un produit létal, il faut, logiquement, adopter l’amendement, car il fait du recours à ce produit un des éléments de la démarche.

M. Thibault Bazin (DR). Je suis un peu ennuyé, car Mme Vidal avait déposé un amendement AS593 qui visait à qualifier d’« active » l’aide à mourir définie à l’article 2, mais il est tombé.

Dans le colloque entre le patient et son médecin, ce dernier doit être attentif au sens que revêt la formule : « Aidez-moi à mourir ». Lui demande-t-il l’administration d’une substance létale ? le soulagement de ses souffrances, qui ne nécessite pas forcément l’administration de cette substance ?

M. Yannick Monnet (GDR). Je ne comprends pas la position de MM. Juvin et Bazin. Ils ne cessent de réclamer, et je le comprends, de la précision. Or cet amendement introduirait de la confusion dans la définition de l’aide à mourir : l’adopter reviendrait à ouvrir une porte sur du vide. C’est pourquoi j’y suis opposé.

Mme Annie Vidal (EPR). Cet amendement introduirait, non pas de la confusion, mais de la nuance. Si on le rejette, après avoir refusé de préciser que l’aide à mourir telle qu’elle est définie à l’article 2 est une aide active, on créera, en fait, un droit très limité qui restreint l’aide à mourir au recours à une substance létale.

Lorsqu’on est atteint d’une pathologie lourde, mourir, c’est aussi lâcher prise. Or, pour lâcher prise, on peut avoir besoin de la présence d’une personne qui nous dit que l’on peut partir tranquillement. Cela relève aussi de l’aide à mourir.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Lâcher prise permet, en effet, de partir, mais il n’est pas besoin de légiférer pour préciser que les personnes en fin de vie peuvent être accompagnées par la parole : elles le sont déjà. Si nous légiférons, c’est pour créer un nouveau droit.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). À entendre M. Bazin, on a le sentiment que l’administration d’une substance létale suivra immédiatement la demande exprimée par le patient. Or cette demande s’inscrit dans un processus d’accompagnement : le patient exprime sa volonté, puis il y a un temps de réflexion ; il peut arrêter le processus à tout moment.

Mme Océane Godard (SOC). Madame Vidal, ce dont vous parlez relève de l’accompagnement et des soins palliatifs – lesquels me semblent, du reste, être davantage du ressort du règlement que de la loi. En fait, votre amendement vise à déconnecter l’aide à mourir du recours à une substance létale, ce qui dévitaliserait l’article 2. C’est pourquoi nous voterons contre.

M. René Pilato (LFI-NFP). Depuis l’adoption de l’amendement AS503 de M. Monnet, l’aide à mourir est considérée comme un droit. Or ce droit consiste bien à autoriser le recours à une potion létale.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS116 et 117 de Mme Justine Gruet (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de clarifier un point qui a suscité de longs débats en 2024 en précisant que l’aide à mourir est réservée aux personnes majeures.

Mme la rapporteure. L’amendement est satisfait par l’article 4, qui définit les critères d’accès à l’aide à mourir et prévoit explicitement que seules les personnes âgées d’au moins 18 ans pourront en bénéficier.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Je maintiens les amendements. Il nous paraît nécessaire d’apporter cette précision à l’article 2, car nous considérons que le cadre général qui y est défini ne doit s’appliquer qu’aux personnes majeures.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous proposez en quelque sorte de fusionner deux articles. L’article 2 définit l’aide à mourir et fixe le cadre général. Quant à l’article 4, il précise qui y a accès et les critères qu’il faut remplir pour en bénéficier. Ne mélangeons pas tout ! Soyez rassurés : les mineurs ne sont à aucun moment inclus dans le dispositif – même si j’estime que les enfants devraient être associés aux décisions qui les concernent.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je rejoins Mme Amiot. L’article 2 définit l’aide à mourir ; l’article 4 désigne les personnes à qui elle est réservée. Si l’on précise à l’article 2 que seules les personnes majeures sont concernées, pourquoi ne pas mentionner également les autres critères figurant à l’article 4 ? L’enjeu est tel que le texte doit être très clair.

M. Thibault Bazin (DR). Il arrive que des articles soient supprimés au cours de la discussion. Comment être certain que l’article 4 sera maintenu ou que la commission ne décidera pas d’étendre le dispositif aux mineurs ?

Mme Dubré-Chirat semble dire que l’aide à mourir telle qu’elle est définie à l’article 2 n’implique pas forcément l’administration d’une substance létale car elle s’inscrit dans un processus. Admettons qu’une personne soit atteinte d’une maladie grave et incurable, qu’elle soit à un stade avancé de cette maladie et qu’elle demande au médecin de la soulager de sa souffrance, de l’aider à mourir. Il est possible que ce dernier lui propose des soins palliatifs ou que la volonté du patient évolue. Lorsqu’une telle demande est formulée, la responsabilité de la société est d’abord d’aider la personne à vivre, dans la mesure du possible et sans obstination déraisonnable.

L’aide à mourir ne doit pas être une solution de facilité, dès lors que les soins palliatifs ne sont pas accessibles partout. Ce risque existe ; il a été évoqué lors des auditions et le législateur doit en être conscient.

M. René Pilato (LFI-NFP). La frontière d’âge sera toujours problématique. Si la majorité était encore à 21 ans, considérerait-on que les personnes âgées de 18 à 21 ans doivent souffrir parce qu’elles n’ont pas l’âge requis ? Méfions-nous de ce type de limite.

Quoi qu’il en soit, l’article 2 définit un cadre général, et nous devons nous y tenir ; nous débattrons des critères lorsque nous examinerons l’article 4. Nous voterons donc contre les amendements.

M. Philippe Juvin (DR). Certes, l’article 2 définit l’aide à mourir. Mais il y est précisé que la personne doit avoir « exprimé la demande » de recourir à une substance létale. Or, à l’article 4, il est indiqué qu’elle doit « être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». La même notion se retrouve donc dans les deux articles. Ainsi, il est possible d’intégrer dans la définition les principes que l’on juge très importants. La majorité ne peut pas être qu’un critère technique ; ce doit être un principe.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pour l’instant, nous ne savons pas si, au bout du compte, les mineurs seront toujours exclus du dispositif : le texte peut évoluer sur ce point au cours de la discussion. En tout cas, dans tous les pays qui ont autorisé, en l’encadrant, le décès programmé, l’accès à celui-ci ne cesse de s’étendre. Mieux vaut donc faire les choses correctement dès le départ.

Par ailleurs, n’oublions pas, d’une part, que des personnes âgées isolées demandent à mourir de crainte de devenir un fardeau pour la société, et, d’autre part, que la pratique de l’euthanasie se banalise rapidement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS789 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). Je défendrai en même temps les amendements AS700 et AS699, qui portent sur le même thème. Ces trois amendements visent en effet à garantir le respect de la volonté et de la liberté de la personne : le premier, AS789, tend à préciser que cette dernière doit être « en pleine possession de son discernement » ; le deuxième, AS700, a pour objet de mettre le verbe « exprimer » au présent, pour insister sur le nécessaire caractère permanent de la volonté ; le troisième, AS699, vise à ajouter le mot : « répétée » après le mot : « demande ».

Mme la rapporteure. L’amendement AS789 est satisfait par l’article 4.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS114 de Mme Justine Gruet et AS700 de M. Christophe Bentz (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). La définition de l’article 2 doit comporter de grands principes, qui seront ensuite déclinés sous la forme de critères dans les articles 4 et suivants. Parmi ces principes figure le respect de la volonté et de la liberté du patient. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS114 de préciser que sa demande doit avoir été exprimée récemment. De fait, la demande de mort est, en pratique, fluctuante : un jour, on veut mourir et, le lendemain, on ne le souhaite plus – c’est humain.

Mme la rapporteure. Le patient exprime sa volonté de bénéficier de l’aide à mourir dans le cadre d’un entretien avec le médecin. Lorsque celui-ci récapitule cet entretien, l’emploi du passé composé s’impose ; il peut renvoyer à un passé immédiat. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS699 de M. Christophe Bentz.

Amendement AS411 de Mme Océane Godard

Mme Océane Godard (SOC). Il s’agit de permettre à une personne qui n’est plus en état de formuler sa demande à l’instant T d’accéder à l’aide à mourir dès lors qu’elle avait rédigé des directives anticipées en ce sens. C’est un point sur lequel les avis sont partagés au sein de notre groupe.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. J’ai indiqué, lors de la discussion de l’amendement AS861 de Mme Simonnet, les raisons pour lesquelles je suis défavorable à une telle mesure. Je comprends la démarche de Mme Godard, mais je considère qu’il n’est pas opportun d’adopter un tel amendement aujourd’hui.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je suis très favorable à cet amendement. Certaines personnes sont fortement angoissées à l’idée d’être un jour enfermées dans leur corps, notamment si elles sont atteintes de la maladie d’Alzheimer. La Fondation Recherche Alzheimer explique, par exemple, que les comportements agressifs des patients atteints de cette maladie sont la manifestation d’une angoisse qu’ils ne sont plus en mesure d’exprimer, de sorte qu’on est en droit d’estimer que leur souffrance est irréfragable.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je ne souhaite pas que les directives anticipées soient utilisées dans le cadre des maladies neurodégénératives, notamment la maladie d’Alzheimer. Mais la question est complexe, et je me souviens qu’en 2024, Gilles Le Gendre avait forgé le concept d’exception de directives anticipées, qui pourrait être recevable dans certaines situations, notamment dans le cas d’une pathologie accidentelle qui rend impossible l’expression d’un consentement libre et éclairé.

M. Philippe Juvin (DR). C’est tout le problème de la fluctuation de la demande de mourir. Je citerai deux exemples. Une étude montre qu’au moment de leur admission dans une unité de soins palliatifs, 3 % des patients souhaitent la mort ; une semaine plus tard, ce taux tombe à 0,3 %. Une autre étude, un peu ancienne, publiée dans The New England Journal of Medicine, porte sur de jeunes hommes devenus tétraplégiques à la suite d’un accident de moto. Dans la semaine qui suit leur accident, aucun d’entre eux ne souhaite vivre ; quelques mois plus tard, le désir de vivre s’est accru. Dans le cadre de cette même étude, il a été demandé aux soignants si, selon eux, la vie de ces jeunes hommes valait le coup d’être vécue. Croyez-le ou non, ils se faisaient tous de la qualité de vie du patient une idée pire que celle que s’en faisait le patient lui-même.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous soutiendrons cet amendement. Que ce soit à la suite d’un accident ou en raison d’une maladie grave et incurable, on peut perdre conscience de manière définitive. Or les personnes qui se trouvent dans cette situation ont pu, lorsqu’elles étaient pleinement conscientes, souhaiter par anticipation pouvoir bénéficier de l’aide à mourir, plutôt que d’une sédation profonde et continue, dans le cas où elles ne seraient plus en mesure de réitérer ce souhait. Il est important que le législateur anticipe ce cas de figure.

Par ailleurs, la rédaction de directives anticipées s’accompagne toujours de la désignation d’une personne de confiance. On peut donc imaginer que le patient, anticipant le moment où il ne serait plus en mesure de l’exprimer, délègue à la personne de confiance la tâche de traduire la volonté qu’il a manifestée lorsqu’il était pleinement conscient.

Nous savons tous et toutes que les choses ne se passent pas forcément comme on le souhaiterait et que la fin de vie peut prendre des formes très différentes.

M. Patrick Hetzel (DR). On voudrait que tout soit parfaitement rationnel, mais on néglige le fait que les souhaits, les intentions, peuvent varier dans le temps. Ainsi, j’ai été frappé par un chapitre de l’ouvrage de Claire Fourcade, dans lequel elle raconte avoir eu un échange de deux heures avec une patiente qui souhaitait recourir au suicide assisté et qui lui a pourtant demandé, au moment où elle quittait sa chambre, de la vacciner contre le covid. Non seulement la volonté peut fluctuer, mais une demande peut être ambivalente. Il faut donc être d’une grande prudence. Madame Simonnet, ce qui est exprimé à un instant T ne doit pas surdéterminer ce qui se passera par la suite. Adopter cet amendement, ce serait franchir un pas supplémentaire. C’est pourquoi j’y suis tout à fait hostile.

M. Yannick Monnet (GDR). Faut-il intégrer l’aide à mourir dans les directives anticipées ? Cette question me plonge dans le doute : les arguments des uns et des autres sont intéressants, et je sais que le rapport à la mort évolue de façon constante. Je me réfugierai donc un peu lâchement derrière les propos du rapporteur général, que je partage. Si nous voulons qu’un texte de compromis aboutisse, évitons d’y intégrer certaines avancées dès à présent. Je voterai donc contre l’amendement, non par conviction, mais pour ne pas provoquer une fronde en allant trop loin.

La commission rejette lamendement.

Amendement AS33 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de préciser que le recours à une substance létale n’a pas un but thérapeutique et ne relève pas de l’univers du soin.

Mme la rapporteure. J’avoue ne pas très bien comprendre. Cet acte n’a évidemment pas un but thérapeutique. Avis défavorable.

M. Christophe Bentz (RN). Je note votre absence d’argumentation sur ce bon amendement, qui est très révélateur : il prouve qu’il suffit d’une simple modification sémantique pour que le texte n’ait plus rien à voir. Le cœur de la proposition de loi est bien l’administration de la mort.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Toute utilisation d’un produit médicamenteux constitue une activité médicale ou paramédicale. Par ailleurs, les activités médicales n’ont pas uniquement un but thérapeutique ; elles peuvent aussi être préventives et palliatives. Une sédation profonde provoquée par des produits morphiniques n’a pas une visée thérapeutique, par exemple. On ne peut pas confier l’administration d’un produit médicamenteux, a fortiori létal, à n’importe qui.

M. Patrick Hetzel (DR). On n’administre pas un médicament, même sédatif, avec l’intention de donner la mort ; c’est toute la différence. Lors de son audition, le président du Conseil national de l’Ordre des médecins a amplement insisté sur ce point : l’administration d’une substance létale n’est pas un acte médical. Il serait intéressant de le préciser dans le texte, en dépit de l’hostilité de certains. Cela nous interroge une nouvelle fois sur le but que vous poursuivez. N’euphémisons pas : donner la mort n’est pas anodin. Dès lors que l’acte n’a pas une visée thérapeutique, il faut le dire. Ce sera la première fois que nous introduirons une disposition de cette nature dans la loi.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous savons pertinemment à quoi aboutit le fait de ne plus alimenter ni hydrater un malade. Je constate de votre part un certain arrangement avec la réalité du geste soignant.

M. René Pilato (LFI-NFP). J’invite nos collègues à essayer de se faire d’autres représentations, en remplaçant l’expression « donner la mort » par « faire cesser les souffrances réfractaires et insupportables ». Cela changera peut-être un petit peu votre point de vue.

La commission rejette lamendement.

Amendement AS943 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Cet amendement de suppression partielle vise à ne conserver que la forme de suicide assisté dans laquelle le patient s’administre lui-même la substance létale, comme cela se pratique dans l’Oregon.

Mme la rapporteure. Je rappelle que l’auto-administration de la substance létale est la règle, sauf si la personne n’a pas la capacité d’y procéder – dans ce cas, par respect du principe d’égalité, le médecin peut l’administrer. Je ne comprends pas pourquoi vous refusez que les professionnels de santé accomplissent cet acte, d’autant que le texte les protège de tout risque pénal.

Avis défavorable.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. La rédaction du projet de loi initial a été précédée d’un long débat au cours duquel j’ai bataillé, avec d’autres, pour écarter le modèle de l’Oregon. Nous ne voulons pas laisser les malades seuls face au produit ; nous ne voulons pas laisser de côté ceux qui sont incapables d’accomplir ce geste, parce que nous refuserions par principe qu’un professionnel de santé – j’y insiste – puisse les aider. Je ne voudrais surtout pas que l’on revienne en arrière.

Avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Ce texte concernera très peu de personnes, puisque les soins palliatifs se généraliseront et qu’en cas de pronostic vital engagé et de douleurs réfractaires, les malades qui le demanderont pourront se voir administrer une substance létale. Pourrions-nous refuser ce droit à une personne atteinte d’une maladie incurable, tétraplégique, qui endure des souffrances insupportables, alors que nous l’accorderions à un autre malade capable d’accomplir lui-même le geste ? Ce serait délicat. Puisque ce droit relève déjà de l’exception, il faut envisager tous les cas de figure.

M. Philippe Juvin (DR). Je plaide en faveur d’une procédure similaire à celle de l’Oregon. Dans l’ensemble des pays où l’euthanasie et le suicide assisté sont tous deux autorisés, comme le Canada et les Pays-Bas, l’euthanasie l’emporte à plus de 99 %. Ne croyez pas qu’en faisant cohabiter les deux possibilités, vous ferez de l’euthanasie une exception : elle sera la règle.

Par ailleurs, j’aimerais savoir combien de personnes sont susceptibles d’être concernées en France. Il faut avoir une idée de ce dont on parle. La question se pose car, dans tous les pays où l’euthanasie ou le suicide assisté ont été légalisés, les chiffres ont explosé de façon constante.

M. Christophe Bentz (RN). Vous prétendez que cette loi ne concernera que quelques cas puisque les soins palliatifs se généraliseront ; or, depuis neuf ans que la loi Claeys-Leonetti est entrée en vigueur, 200 000 personnes n’y ont pas accès chaque année. Vous invoquez également le critère restrictif du pronostic vital engagé, mais celui-ci a malheureusement été supprimé du projet de loi initial et n’est pas repris dans la proposition de loi.

La commission rejette lamendement.

Amendements identiques AS34 de M. Patrick Hetzel et AS701 de M. Christophe Bentz

M. Patrick Hetzel (DR). La proposition de loi comporte deux volets : d’une part, l’aide active à mourir, ou suicide assisté, et, d’autre part, l’administration d’une substance létale par un tiers – modalité bien spécifique, qui n’a pas été retenue par certains de nos voisins. Il ne me paraît pas souhaitable de demander à des tiers de réaliser ce geste létal. Je propose donc de supprimer cette possibilité.

M. Christophe Bentz (RN). Dans la lignée de M. Hetzel, je vous soumets un amendement de repli au cube : il vise à supprimer l’exception euthanasique, ce qui ne fait pas pour autant de moi un partisan du suicide assisté.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je voudrais parler des soignants, qui sont depuis toujours les avant-postes des plus fragiles et des plus vulnérables – nous les avons applaudis pendant l’épidémie de covid. Ils sont là pour soigner le patient, soulager sa douleur, calmer ses symptômes et le prendre en charge dans sa globalité ; ils respectent sa dignité jusqu’à la fin de sa vie. Comment réagiront-ils face à ce nouvel acte qu’ils devront accomplir ? La main qui soigne ne peut pas être la main qui tue.

La commission rejette les amendements.

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures cinq à dix-sept heures vingt-cinq.

 

Amendement AS234 de Mme Justine Gruet

M. Patrick Hetzel (DR). Nous souhaitons préciser que l’administration de la substance létale ne peut être réalisée par un tiers que si la personne qui souhaite mettre fin à ses jours est dans l’incapacité physique d’y procéder elle-même.

Mme la rapporteure. Cette précision n’apporte rien et laisse entendre qu’il existerait d’autres options, ce qui n’est pas le cas. Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Amendement AS676 de Mme Élise Leboucher, AS410 de Mme Océane Godard et AS783 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous voulons permettre aux personnes éligibles à l’aide à mourir de choisir le mode d’administration de la substance létale – auto-administration ou administration par un tiers, médecin ou soignant – quelles que soient leurs capacités physiques. Nous instaurerons ainsi une procédure apaisée dans laquelle le choix du patient prime.

Mme Océane Godard (SOC). L’administration assistée de la substance létale ne doit pas être conditionnée à l’incapacité physique du patient. Ce critère est flou, restrictif, et crée une discrimination entre la souffrance physique et la souffrance psychologique. Certains patients sont épuisés par la douleur, la souffrance et la peur, sans être physiquement incapables. Ils doivent bénéficier d’un accompagnement sans devoir prouver une forme de handicap.

Ce critère introduit par ailleurs une inégalité de traitement, puisqu’il réserve l’accompagnement à ceux qui n’ont plus la force physique d’accomplir le geste. Mon amendement ne bouleverse pas l’équilibre du texte ; il l’humanise et évite des impasses absurdes dans l’application du droit à mourir dans la dignité.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On peut avoir très envie de recourir à l’aide active à mourir, en toute conscience et en pleine possession de ses esprits, mais ne pas avoir envie de faire le geste soi-même. Le critère de l’incapacité physique doit être supprimé, pour libérer les patients de l’angoisse ultime de faire le geste et réserver leurs derniers instants à d’autres pensées. Dès lors qu’un tiers des médecins se disent prêts à effectuer cet acte, nous devons l’ouvrir à tous les malades qui le sollicitent.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. En l’espèce, l’incapacité physique ne désignerait pas un handicap au sens strict mais une situation pathologique empêchant de faire le geste : on peut se sentir incapable de l’accomplir parce qu’on a peur du dernier instant et qu’on ne se sent pas apte – cela peut être une raison.

La rédaction de l’article 2 me paraît néanmoins satisfaisante car, dans les faits, elle donne accès aux deux possibilités d’administration de la substance. Je ne suis donc pas favorable à vos amendements, même si je reconnais qu’ils ne modifient pas l’équilibre du texte – les médecins ou les infirmiers pourront toujours faire valoir leur clause de conscience. L’ouverture que vous préconisez pourrait toutefois créer une inégalité d’accès au droit car la disponibilité des médecins varie selon les territoires.

M. Patrick Hetzel (DR). Il est vrai que cette disposition ne modifierait pas l’équilibre du texte, mais au fil des débats, nous voyons s’exprimer la volonté d’étendre les possibilités de recourir à l’aide active à mourir. Dans le même temps, on nous assure que le texte concernera un nombre très limité de personnes.

Les droits individuels sont certes importants, mais ils s’inscrivent dans un collectif : le fait d’administrer une substance létale a une incidence psychologique pour le tiers. Il faut le prendre en considération. C’est pourquoi, quand une personne est en mesure de s’administrer une substance létale, elle doit le faire elle-même

J’entends beaucoup parler de solidarité et de fraternité, mais cela me semble contradictoire avec le développement d’un droit individuel qui omet le fait que nous vivons en société, et que nos propres droits peuvent avoir des incidences sur les autres. En quoi faisons‑nous encore société, si nous individualisons à outrance notre rapport au droit ? J’observe un étonnant renversement : alors que ma famille politique défend généralement plutôt les libertés, c’est elle qui invoque ici la fraternité, davantage que la gauche.

M. Yannick Monnet (GDR). La question n’est pas un quelconque rapport individuel au droit. Nous sommes attachés à ce que le droit que nous créons soit accessible à tous, sans que la situation particulière de certaines personnes ne les en écarte.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement de Mme Rousseau vise à préciser que « quand la personne se fait administrer la substance létale par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu’elle désigne et qui se manifeste pour le faire, l’article 18 de la présente loi ne s’applique pas ». Voici ce qu’en dit le CCNE : « Il faut désamorcer l’illusion qui voudrait que l’euthanasie soit simple pour le médecin à qui il est demandé de prêter son concours. » Un médecin n’est pas un prestataire de services. Rappelons aussi que le serment d’Hippocrate a évolué au cours du temps. En 2012, le Conseil national de l’Ordre des médecins en a rédigé une nouvelle version, qui indique : « Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. » Il sera compliqué pour les médecins d’administrer des substances létales aux malades qui ne pourront pas le faire eux-mêmes.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 2 porte sur la définition de l’aide à mourir. Il y a d’ailleurs lieu de s’interroger sur le mode d’administration de la substance létale, qui peut se faire par ingestion ou par voie intraveineuse – les progrès de la science permettant même aux malades en incapacité physique de déclencher cette dernière. J’aurais aimé que la Haute Autorité de santé (HAS) soit saisie de ce sujet.

Voulons-nous que le malade soit libre de recourir à un tiers même quand ce n’est pas nécessaire ? Il n’est pas équivalent de solliciter une tierce personne pour une raison de santé ou pour une raison d’autonomie. Le degré de participation à l’acte et l’implication éthique ne sont pas les mêmes : le poids est plus lourd pour le tiers quand il intervient auprès de malades aptes physiquement.

Enfin, peut-on considérer qu’un malade est en incapacité physique quand il ressent une difficulté psychique à réaliser le geste lui-même ? Ces questions sont sujettes à interprétation.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il faut adopter ces amendements. Une personne qui souhaite recourir à l’aide à mourir doit pouvoir choisir de s’auto-administrer la solution létale ou de recourir à un tiers. Il est important de respecter cette liberté et ce choix intime, d’autant que cela permet de protéger le tiers qui est présent au moment ultime. Dans certains cas, le malade lui demandera de lui tenir la main, de le serrer fort, si bien qu’il y aura un doute sur le responsable de l’injection dans ce geste ultime d’amour et de fraternité. En autorisant les tiers à accomplir cet acte, on les protège de toute ambiguïté et de poursuites en justice. Nous devons anticiper toutes les situations.

Mme Annie Vidal (EPR). En dépit de l’injonction de Mme Simonnet, je ne voterai pas ces amendements qui m’inquiètent à deux égards. L’esprit initial du texte est d’ouvrir un droit à l’aide à mourir par auto-administration d’une substance létale, et dans des cas exceptionnels très particuliers en faisant intervenir un tiers. Alors que nous n’avons même pas encore abordé les critères d’accès à ce droit, vous voulez déjà l’élargir en permettant de solliciter un tiers dans tous les cas. Cela me gêne.

Je suis encore plus gênée que certains associent le droit à mourir dans la dignité à l’administration d’une substance létale. Pensez-vous que les personnes qui finissent leurs jours sans y recourir meurent dans l’indignité ?

M. René Pilato (LFI-NFP). L’amendement de Mme Leboucher prévoit que l’administration de la substance létale soit confiée à un médecin ou à un infirmier, qui feront partie des 33 % de professionnels de santé prêts à accomplir ce geste. Nous leur faisons confiance. À un moment aussi crucial, en bout de course, dire à un professionnel de santé qu’on a besoin de lui pour soulager ses souffrances est parfaitement acceptable. J’espère que l’auto-administration sera pratiquée dans la plupart des cas ; sinon, le geste sera réalisé par un professionnel de santé, et non par un tiers quelconque.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Pour certaines personnes, la dignité passe par l’aide active à mourir. La dignité est un sentiment individuel, intime ; le malade prend une décision intime au vu de ses souffrances et de son pronostic vital – nous n’avons pas à en juger. Pour renverser votre argument, madame Vidal, considérez-vous que solliciter l’aide à mourir, ce n’est pas mourir dignement ? Les personnes qui y recourent sont aussi dignes que celles qui n’y recourent pas.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). À ceux qui s’inquiètent pour les personnels soignants, je rappelle que la clause de conscience continuera à s’appliquer. Le serment d’Hippocrate date de l’Antiquité. Vingt-six siècles plus tard, l’humanité a un peu avancé et on peut envisager de le faire évoluer ; il a d’ailleurs déjà été révisé plusieurs fois, notamment pour permettre l’administration de produits abortifs et contraceptifs.

Les questions d’ordre moral devraient rester du domaine de l’intime. En tant que législateurs, si nous ouvrons un droit, nous devons veiller à ce qu’il puisse s’appliquer de façon universelle. À ce titre, si certaines personnes éprouvent le besoin d’être accompagnées par un soignant dans l’exécution du geste final, votons les dispositions qui le permettront.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Chacun, je le crois, convient que l’adoption de l’amendement de Mme Leboucher ne bouleverserait en rien l’équilibre du texte, auquel je suis attaché. En revanche, puisque certains craignent qu’on fasse peser la pression de l’administration de la substance létale sur un tiers, je répète que ce geste ne pourra être effectué que par un médecin ou à un infirmier – et j’y tiens. Je m’opposerai d’ailleurs à ce qu’on étende cette responsabilité à tout autre tiers, car j’y verrais une remise en cause de l’équilibre du dispositif.

Ces amendements visent à offrir une possibilité que le texte, dans les faits, permettait déjà. Cette volonté est compréhensible. J’émets donc un avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement AS676.

En conséquence, les amendements AS410 et AS783 tombent ainsi que l’amendement AS672 de Mme Élise Leboucher, les amendements identiques AS409 de Mme Océane Godard, AS412 de Mme Christine Pirès Beaune et AS582 de Mme Julie Laernoes, les amendements AS674 de Mme Karen Erodi, AS673 de M. René Pilato, AS675 et AS671 de M. Hadrien Clouet, AS773 de Mme Sandrine Rousseau et les amendements identiques AS506 de Mme Karine Lebon et AS670 de Mme Karen Erodi.

Amendement AS790 de Mme Marie-France Lorho

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS794 de Mme Sandrine Dogor-Such

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je propose de remplacer, à l’alinéa 6, les mots « un médecin ou par un infirmier » par les mots « un membre d’une association agissant pour des motifs non égoïstes et dont l’objet est de rendre accessible le suicide assisté ». Rappelons en effet qu’en Suisse, le suicide assisté est réalisé par des personnes appartenant à des associations qui défendent cette pratique, le médecin n’intervenant que pour livrer la dose létale. Ces accompagnants, qui ne connaissent pas les malades, interviennent à titre bénévole.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Les médecins, qui seront libres d’invoquer leur clause de conscience, assureront l’accompagnement tout au long du processus. Il n’est pas prévu que les substances puissent être administrées par des tiers non soignants.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement que nous venons d’adopter, en mettant sur un pied d’égalité le suicide assisté et l’euthanasie, montre que nous sommes susceptibles d’adopter, au fil de l’examen de cette proposition de loi, des positions tantôt plus libérales et tantôt plus conservatrices que celles prévues dans le texte initial, sans altérer son équilibre global.

Celui de Mme Dogor-Such me donne l’occasion de souligner à quel point le projet de loi du Gouvernement, qui prévoyait de permettre à un tiers – proche ou membre d’association – d’administrer la substance létale, était problématique. J’espère que nous aurons la sagesse de ne pas voter cet amendement, ni aucun de ceux qui tendraient à réintroduire un tel déséquilibre.

M. Thibault Bazin (DR). Je ne suis pas favorable à ce que des tiers puissent administrer la substance létale, mais je ne souhaite pas non plus qu’un malade capable de se l’administrer lui-même puisse demander à une tierce personne de le faire. Le Conseil d’État et le CCNE ont d’ailleurs été clairs dans leurs avis : le suicide assisté devait rester la règle, et l’euthanasie l’exception. Ce n’est pas parce que vous êtes plusieurs à répéter que l’équilibre du texte est préservé que c’est effectivement le cas : en réalité, pour les tiers qui seront amenés à intervenir sans que cela soit nécessaire, la portée de la loi sera considérablement modifiée. Le Parlement est libre de faire ce choix – même si j’y suis opposé –, mais vous ne pouvez pas prétendre que l’équilibre du texte n’est pas modifié.

Quant à la dignité, elle est selon moi inaliénable : même si elle souffre, chaque personne conserve sa dignité, qui lui est intrinsèque.

Mme Amiot explique que la morale relève de l’intime. Pourtant, notre civilisation, notre société, les règles auxquelles nous croyons et qui nous rassemblent, reposent sur certains interdits, dont celui de provoquer la mort. Vous voulez, sous certaines conditions – parce que la personne est en fin de vie, parce qu’il y a des souffrances –, revenir sur ce principe. Faisons attention et veillons à bien mesurer l’impact potentiel d’une telle décision. Personnellement, je ne suis pas capable de dire quel sera l’effet d’une telle évolution sur les relations entre les soignants et les soignés et, plus généralement, entre les personnes au sein de la société.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Pour rebondir sur l’intervention de M. Guedj, la notion de tiers, telle que nous l’avons définie, se limite bien à des personnels soignants volontaires, qui n’ont pas invoqué leur clause de conscience. Il n’est pas question de l’élargir de quelque façon que ce soit, parce qu’il pourrait en découler une responsabilité écrasante et une culpabilité très forte pour les personnes concernées, qui pourraient se sentir obligées d’accéder à la demande leur proche, par amitié ou par esprit familial.

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis évidemment opposé à cet amendement, mais je voulais surtout réagir aux propos de Thibault Bazin.

Vous êtes opposé au droit que nous sommes en train de créer. Je ne vous le reproche pas. Convenez néanmoins que, dès lors qu’on instaure un droit, on veut le rendre accessible à tous. Or comment pouvez-vous affirmer que le malade peut s’administrer lui-même le produit alors que vous ne connaissez pas les blocages qui peuvent l’empêcher de le faire ? Si une personne éprouve le besoin de demander l’aide d’un tiers, nous devons lui garantir cette possibilité. Rien ne nous autorise à juger de sa capacité à faire ce geste, car sa seule demande démontre précisément son incapacité. C’est en nous conformant à la volonté du malade, et non en portant une appréciation sur ce qu’il peut faire ou non, que nous parviendrons à faire respecter réellement ce droit.

M. Patrick Hetzel (DR). Le principe de l’exception euthanasique, jusqu’alors prévue par le texte, vient de disparaître avec l’adoption de l’amendement AS676. Dès lors, l’encadrement juridique change de nature : le suicide assisté et l’euthanasie se trouvent placés sur le même plan, cette dernière n’étant plus limitée à un petit nombre de cas. Ce n’est pas anodin.

Nos débats avaient déjà achoppé sur ce point. Encore une fois, ils sont très révélateurs de cet effet domino qui, alors qu’il se déploie d’habitude au fil des lois successives, opère ici au cours même des travaux de la commission. L’équilibre est déjà en train de tomber. J’en prends acte. M. Falorni nous avait d’ailleurs déjà un peu alertés sur ce point qui, je le répète, est tout sauf anodin.

M. Christophe Bentz (RN). Je partage l’avis de mes collègues de la Droite républicaine. Ce qui vient de se passer est important – grave pour certains, positif pour d’autres –, puisque vous venez de supprimer l’exception euthanasique et d’en faire la règle. En supprimant un à un les critères qui en restreignaient le champ, vous radicalisez le texte, comme vous l’aviez d’ailleurs fait il y a un an en revenant sur la nécessité que le pronostic vital soit engagé à court ou moyen terme. Il y a bien là un effet domino qui montre que ce texte permet toutes les dérives.

Mme Annie Vidal (EPR). Il me semble en effet que nous venons de modifier l’esprit du texte, puisque l’auto-administration, qui devait être la règle, laisse en partie la place à l’administration de la substance létale par un tiers soignant. Cela me gêne d’autant plus que ce changement intervient très tôt dans nos travaux et que le rapporteur général avait annoncé vouloir conserver l’équilibre du texte. Nous n’avons visiblement pas la même définition de ce qui constitue cet équilibre.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. C’est un peu ce que fait le Rassemblement national, qui, tout en dénonçant un prétendu effet domino – alors même que le dispositif que nous venons d’adopter reste très circonscrit, puisque seul le personnel médical pourra accompagner le patient jusqu’à la mort –, dépose un amendement visant à permettre à davantage de personnes d’administrer la solution létale.

Je serais curieuse de savoir, au passage, comment on peut juger du caractère égoïste des motifs d’une personne ou d’une association. Une telle disposition n’a pas sa place dans ce texte, non seulement parce qu’elle est très floue, mais aussi parce qu’elle conduirait à ouvrir davantage une possibilité que vous jugez par ailleurs déjà trop étendue. J’avoue avoir du mal à comprendre.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il est en effet incompréhensible, après avoir refusé qu’un soignant, en accord avec le patient, puisse administrer la substance létale, de vouloir permettre à des membres d’association de le faire. Pouvez-vous nous éclairer sur votre logique ?

M. Laurent Panifous (LIOT). Bien sûr, l’amendement AS676, qui a été largement soutenu, est important et modifie significativement le texte. Néanmoins, il n’en remet pas en cause l’équilibre, parce qu’il ne touche pas aux critères d’éligibilité au dispositif : pas une personne supplémentaire ne pourra y accéder du fait de l’amendement que nous venons de voter – ce qui n’enlève rien à son importance.

Le texte est long. Ne portons pas dès à présent de jugements définitifs sur un prétendu effet domino et sur la libéralisation folle à laquelle il mènerait. Laissons vivre les débats, travaillons, et je suis persuadé que nous aurons l’occasion d’être plus restrictifs que le texte initial sur certains critères et stades de la procédure. Pousser des cris horrifiés chaque fois que nous votons une évolution qui ne va pas exactement dans votre sens n’est ni sérieux ni raisonnable. Affirmer dès maintenant qu’on a perdu l’équilibre du texte est à mon sens un raccourci.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Nous débattons à la fois sur l’amendement AS676 et sur celui de ma collègue Dogor-Such. S’agissant du premier, je partage totalement l’avis de M. Panifous.

Pour ce qui est du second, au risque de me répéter, il s’agit d’un amendement d’appel, qui n’a pas vocation à être pris au premier degré : ma collègue – même si je ne partage pas sa conviction – veut simplement dire qu’on constate parfois des dérives dans les pays ayant consacré ces nouvelles libertés, notamment lorsque le processus fait intervenir des membres d’association. Elle veut mettre ce point en exergue car elle estime qu’il mérite d’être débattu. C’est ainsi qu’il faut l’entendre.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je me garderai bien de conclure sur ce sujet, car la question de la fin de vie se posera toujours, même quand, je l’espère, le texte sera définitivement adopté. Peut-être certains voudront-ils d’ailleurs l’abolir, même si, au cours de mon expérience, j’ai connu des députés très opposés à d’autres évolutions sociétales qui, une fois revenus au pouvoir quelques années plus tard, ont renoncé à abandonner des réformes qui avaient entre-temps été acceptées par la société.

Ayant depuis longtemps déserté l’armée des naïfs, je ne suis pas dupe de la petite musique que certains tentent de faire monter. L’adoption de l’amendement AS676, par lequel on a étendu la possibilité pour le patient de solliciter l’aide d’un soignant au-delà des seuls cas d’inaptitude physique, serait un cataclysme, un véritable tsunami – je crois même que les murs ont tremblé ! Tout cela n’est pas sérieux. Notre collègue Hetzel a d’ailleurs reconnu, avec une grande honnêteté, que l’équilibre du texte ne s’en trouverait pas modifié. Arrêtons les effets de manche, auxquels avaient déjà eu recours ceux qui accusaient l’année dernière la commission spéciale d’avoir ouvert la boîte de Pandore.

Pour revenir sur l’intervention de Jérôme Guedj, si les directives anticipées figuraient bien dans ma proposition de loi de 2021, je dois avouer avoir été très surpris en constatant que le texte gouvernemental prévoyait de permettre à un tiers volontaire d’administrer la substance létale : je ne l’avais ni proposé, ni même envisagé. Pour le coup, si une telle disposition devait être réintroduite, je serais d’accord avec vous : elle modifierait bien l’équilibre du texte. Prenons néanmoins acte du fait que l’Assemblée nationale avait déjà écarté cette éventualité l’année dernière, considérant que seul un professionnel de santé devait pouvoir faire ce geste – à l’exception du malade lui-même, bien entendu.

Pour le reste, gardons-nous des grands mots et des effets de tribune.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon objectif est de protéger les personnes vulnérables. Pourquoi ne pas prévoir que les membres d’association impliqués dans le processus doivent être neutres ? Si le texte est adopté, il doit être cadré pour éviter toute dérive.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. J’entends que vous avez présenté un amendement d’appel. Toutefois, nous sommes ici à fronts renversés, puisque je ne souhaite pas qu’on puisse faire appel à des personnes non soignantes dans le cadre d’une aide à mourir, alors que vous, qui êtes opposée au texte, voulez ouvrir cette possibilité à des associations. Vous insistez sur le fait qu’elles doivent agir « pour des motifs non égoïstes », ce que je conçois parfaitement, d’autant que je ne suis pas un adepte du modèle suisse, mais nous comptons adopter un texte bien différent, qui ne reprendra nullement les procédures en vigueur chez nos voisins helvètes. Ce débat est, somme toute, un peu étonnant, bien qu’intéressant. Je suis en tout cas opposé, sur le fond, à la mesure que vous proposez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS115 de Mme Justine Gruet

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement est défendu.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La précision selon laquelle le soignant doit être en activité aura davantage sa place dans les articles détaillant la procédure.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS677 de Mme Karen Erodi

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Le choix d’éteindre la lumière est parfois, dans les cas où les difficultés physiques sont les plus grandes, la condition sine qua non d’une fin de vie digne. Il ne s’agit pas d’y inciter, mais d’en donner la possibilité. L’hypocrisie réside dans le fait que cette liberté existe ailleurs et que nombre de nos concitoyens y ont recours en passant la frontière s’ils en ont les moyens. Il paraît évident que ce choix doit également être assorti du droit à désigner une personne de confiance qui, si elle l’accepte, dans des conditions strictes et dans le cadre d’un accompagnement médical, doit pouvoir honorer cette dernière volonté.

C’est pourquoi nous souhaitons rétablir la possibilité de désigner une personne de confiance qui pourra administrer la substance létale, en conservant bien entendu le droit de se rétracter à tout moment.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Autant l’amendement de Mme Leboucher ne remettait nullement en cause l’équilibre du texte, autant celui-ci le modifierait substantiellement. J’y suis donc défavorable. Vos arguments sont parfaitement audibles. Je m’étais d’ailleurs interrogé, à la lecture du projet de loi initial, sur cette extension de la possibilité d’administrer la substance létale, à laquelle je n’étais pas opposé par principe. C’est en échangeant avec les uns et les autres que j’ai acquis une forme de conviction qui me conduit à m’opposer à la disposition que vous proposez.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’ai déposé un amendement similaire à celui-ci, après avoir beaucoup douté. L’an dernier, lorsque cette question s’est posée, je craignais que ce rôle confié à un proche puisse certes être perçu comme un ultime geste d’amour, mais aussi comme une responsabilité très angoissante et très difficile à accepter ou à refuser pour la personne sollicitée. J’avais du mal à définir ma position. Puis les auditions nous ont permis de voir d’autres faces du problème.

Les associations expliquent qu’il faut envisager cette éventualité dans la loi, parce qu’elle surviendra dans les faits : nous serons confrontés à ces situations dans lesquelles la personne voudra être accompagnée jusqu’au bout par un proche. Alors, si cet accompagnement est fort – si les deux mains serrent ensemble le verre, par exemple –, une ambiguïté pourra survenir. Prévoir dans les textes qu’un proche pourrait être sollicité de cette façon permettrait de protéger juridiquement ceux qui accompagneront le patient dans ses derniers gestes. J’ai donc changé d’avis : j’estime qu’il faut couvrir ces situations et que nul ne doit être poursuivi pour avoir, dans un ultime geste d’amour, accompagné la volonté d’un proche jusqu’à accepter d’être cette tierce personne qui administre la solution létale.

Mme Annie Vidal (EPR). Nous avons longuement débattu de cette question si importante. Cet amendement pose le problème essentiel du rôle du proche dans ces derniers moments. S’il était adopté, les personnes concernées auraient-elles réellement la possibilité d’accepter ou de refuser cette tâche ? Pour celui qui accompagne un conjoint ou un parent, accéder à une telle requête est très difficile, mais refuser, c’est aussi renoncer à lui témoigner l’affection ou l’amour qu’on lui porte. Toutes les personnes que nous avons auditionnées nous ont fait savoir que c’était presque l’assurance d’un deuil compliqué.

Au-delà du fait qu’une telle disposition modifierait fortement l’équilibre du texte, elle renvoie à des questionnements éminemment complexes. Je pense, à titre personnel, que le rôle du proche n’est pas celui-là : il est certainement de tenir la main, mais pas de faire ce geste.

M. Patrick Hetzel (DR). J’entends les arguments en faveur d’une protection juridique du proche mais introduire cette disposition dans la loi risque d’aboutir à l’effet inverse de celui recherché. En lui donnant la possibilité de contribuer à l’acte létal, il ne faudrait pas le fragiliser alors qu’il aura déjà à faire face à son deuil.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous noterez qu’il n’y a que deux signataires pour cet amendement AS677 car les avis au sein de notre groupe divergent. Il est très difficile voire impossible de refuser à un proche que l’on aime de respecter ses dernières volontés et je comprends les arguments de mes collègues. Seulement, si la substance létale est administrée par le personnel soignant, la charge est partagée, ce qui n’est pas le cas si le proche procède seul à ce geste. Que la loi n’autorise pas qu’une tierce personne intervienne pourrait être sécurisant pour lui : il serait soulagé du poids d’avoir à faire un choix très compliqué à vivre.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Une lourde charge mentale pèse en effet sur le proche en pareille situation, surtout la question du consentement éclairé se pose, je le sais pour l’avoir vécu. Dans un moment de tension affective extrême, alors qu’une personne que l’on aime est en train de mourir, on ne peut dire oui ou non en toute liberté. Je voterai donc contre cet amendement

M. Thibault Bazin (DR). Je ne suis pas non plus favorable à cet amendement. L’article du code de santé publique sur lequel nous légiférons s’insère dans son livre Ier, consacré à la « protection des personnes en matière de santé » : s’y mêlent protection des malades, protection des soignants et protection des proches. Deux éthiques sont ici en conflit : d’une part, l’éthique de l’autonomie qui met en jeu la liberté du patient, du soignant ou du tiers ; d’autre part, l’éthique de la vulnérabilité, vulnérabilité parfois inconsciente, de celui qui formule une demande mais aussi de celui qui la reçoit, dont il importe de prendre en compte la situation. Un proche peut toujours se dire qu’il a contribué au geste létal parce que le malade l’a voulu alors que sa participation n’était pas forcément nécessaire, ce qui emporte certaines conséquences en matière de culpabilité éventuelle. Mesurons les impacts d’une telle possibilité et n’allons pas trop loin.

Mme Camille Galliard-Minier. Nous sommes animés de la même volonté de protéger les proches. Comme Mme Amiot, j’estime que la meilleure protection à leur apporter est de poser un interdit afin de leur épargner des choix extrêmement difficiles. Rien n’empêche que la famille soit présente aux côtés des soignants au moment de l’administration de la substance.

M. Nicolas Turquois (Dem). Pour plusieurs raisons, j’estime que la personne qui administre la substance doit être totalement indépendante du malade en fin de vie. Tout d’abord, un proche, dans ces moments-là, ne peut consentir librement, comme l’a dit Mme Rousseau, et un tel geste l’expose à de lourdes conséquences psychologiques. D’autre part, il y a un risque de faire exploser les cellules familiales. Celui qui aurait accompli ce geste en le considérant comme un acte d’amour pourrait se le voir reprocher par des membres de sa famille, un frère, une sœur, par exemple. Rappelons-nous des désaccords des proches de Vincent Lambert sur son sort, même si son cas ne relève pas des situations que nous examinons.

M. René Pilato (LFI-NFP). Notre débat est éclairant : il montre comment l’intelligence collective peut nous faire toutes et tous cheminer. Pour éclairer mon vote contre cet amendement, je citerai un chiffre : le taux de dépression parmi les non-soignants ayant pratiqué le geste létal s’élève à 14 %. Je ne prendrai pas ce risque.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Les mêmes arguments peuvent valoir à l’inverse : si un proche souhaitant accompagner jusqu’au dernier moment la personne qu’il aime, à sa demande, est privé de le faire, cela ne compliquera-t-il pas son deuil ? Notre amendement ouvre une possibilité : rien n’empêchera les proches de se tourner vers le personnel médical. Il importe d’éviter aux personnes déterminées à participer à l’acte, en tenant le verre, par exemple, d’être considérées comme des criminelles.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS860 de Mme Danielle Simonnet.

Amendement AS235 de Mme Justine Gruet

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement est défendu.

Amendement AS35 de M. Patrick Hetzel

Mme la rapporteure. Défavorable.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 7 qui fait référence à l’article 122-4 du code pénal aux termes duquel « N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ». Autrement dit, une protection juridique essentielle serait retirée aux soignants accompagnant les patients recourant à l’aide à mourir, protection que, me semble-t-il, vous voulez aussi leur assurer. Votre démarche me surprend.

M. Thibault Bazin (DR). Je n’ai pas cosigné cet amendement mais je vais le défendre en soulignant sa cohérence avec notre opposition à l’alinéa 6. Les dispositions sur lesquelles nous sommes appelés à nous prononcer vont modifier les relations entre soignant et soigné et faire peser au niveau de la société tout entière un risque sur des personnes vulnérables. L’aide à mourir sera en effet susceptible d’être utilisée comme une solution de facilité tant que l’égalité de l’accès aux soins palliatifs n’est pas assurée sur l’ensemble du territoire. Nous considérons que le texte, en ne faisant plus de l’euthanasie une exception, est déséquilibré. La ministre Vautrin a d’ailleurs dit sa volonté de revenir sur les critères, insistant sur les conditions liées au pronostic vital et sur la collégialité de l’avis. Yannick Neuder le souhaite aussi.

M. Patrick Hetzel (DR). Notre groupe est majoritairement opposé à cette seconde proposition de loi et nous avons déposé nos amendements en conséquence.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS945 de M. Philippe Juvin et AS118 de Mme Justine Gruet (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). Les amendements sont défendus.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements AS945.

Amendement AS792 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS863 et AS862 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Ces amendements ouvrent la possibilité de mettre en œuvre, par l’intermédiaire de la personne de confiance, les directives anticipées d’une personne se trouvant dans une situation ne permettant pas une expression réitérée en pleine conscience de la demande – AS863 – ou étant affectée par une perte irréversible de sa conscience – AS862. La volonté du patient en fin de vie est au cœur du texte et nous considérons que ce serait là une façon de respecter son libre arbitre au lieu de se contenter de dire qu’il est trop tard pour elle.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Étant intervenu très longuement pendant notre débat sur les directives anticipées, je ne vais pas exposer à nouveau mes arguments. Je renouvelle mon opposition à une telle possibilité.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous serions le premier pays à aller en ce sens si nous adoptions ces amendements. Dans les pays ayant légalisé l’aide à mourir, le consentement libre et éclairé de la personne reste la règle. Ces exemples nous amènent à penser qu’il s’agit d’une ligne rouge à ne pas franchir.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je suis assez mal à l’aise face à ces amendements. D’un côté, je suis profondément attachée aux directives anticipées, dispositif insuffisamment connu des Françaises et des Français. De l’autre, je déplore que la rédaction ne prenne pas en compte la temporalité. Il faudrait que cette possibilité ne soit ouverte que lorsque les directives anticipées sont récentes afin de rester au plus près de la volonté exprimée par la personne, ce que je proposerai dans mon amendement AS685. Jérôme Guedj, l’année dernière, avait suggéré des délais de trois ou cinq ans. Je voterai contre ces amendements.

M. Yannick Monnet (GDR). La question des directives anticipées est complexe. Je trouve très délicat de supposer ce qu’aurait été le désir de la personne : une chose est de se projeter mentalement dans telle ou telle situation ; une autre est d’y être confrontée dans la réalité. À mon sens, il faut renoncer à essayer de répondre à toutes les situations particulières : nous n’y arriverons pas. Chaque cas est singulier et appelle des points de vue différents, tous légitimes. Je suivrai la position du rapporteur, notamment pour conserver au texte un caractère consensuel.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Certes, monsieur Monnet, on ne peut pas traiter tous les cas mais on ne peut pas non plus exclure certaines personnes. Or il y a des oubliés dans cette proposition de loi, notamment les personnes atteintes de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, qui ne sont plus en mesure de réitérer leur volonté de façon libre et éclairée. Pourquoi les laisser subsister dans un état indigne ? Je suis favorable à ce que l’on ouvre la possibilité pour la personne de confiance d’activer les directives anticipées.

M. Thibault Bazin (DR). Les directives anticipées permettent de savoir si la personne accepte la poursuite de certains soins ou le recours à certains dispositifs, ce qui n’est pas du même ordre que l’administration d’une substance létale, qui est irrémédiable. De plus, la volonté d’une personne peut fluctuer.

Pour les personnes atteintes de pathologies comme la maladie d’Alzheimer, j’espère que les progrès de la science leur garantiront un meilleur accompagnement. Quelle situation justifierait le recours à l’aide à mourir ? Si elles sont arrivées à leurs derniers jours, elles peuvent se voir administrer une sédation profonde et continue. Si elles ont encore du temps devant elle, que faire ? Les critères d’éligibilité et les conditions de mise en œuvre renvoient à des questions d’éthique multiples et variées.

Mme Anne Bergantz (Dem). Nous souhaitons tous mieux encadrer la mise en œuvre de l’aide à mourir. Pour ma part, je m’attache à un critère en particulier : l’expression de la volonté libre et éclairée, jusqu’à la fin. Je suis donc défavorable à cet élargissement aux directives anticipées.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS37 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Pour éviter tout risque d’abus de faiblesse, nous tenons à ajouter l’alinéa suivant : « La personne de confiance, un parent, un proche ou le médecin traitant s’assure que la personne ne se trouve pas en état de faiblesse ou d’ignorance. » Un principe fondamental doit nous guider : la protection de l’autonomie du patient. Les amendements relatifs à la mise en œuvre des directives anticipées, s’ils avaient été adoptés, auraient posé un problème constitutionnel car la jurisprudence, ces dernières années, a privilégié l’autonomie, donc le consentement libre et éclairé.

Mme la rapporteure. Vous le savez, chers collègues, je suis très sensible aux risques d’emprise, d’abus de faiblesse, et à toutes les dérives qui y sont associées. Néanmoins, ce texte pose le principe que la demande du patient doit être l’expression de sa volonté libre et éclairée et requiert des avis médicaux rigoureux. Faire intervenir une tierce personne alourdirait le dispositif et laisserait peser une grande responsabilité sur elle.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Il me semble, monsieur Hetzel, que votre demande est satisfaite par l’alinéa 9 de l’article 4 qui pose comme condition d’accès à l’aide à mourir le fait d’« être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».

M. Patrick Hetzel (DR). Vous avez parfaitement raison ; j’accepte de retirer mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS36 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’aide à mourir est incompatible avec les dispositions de l’article L. 1110-5 du code de la santé publique qui définit les soins – investigation, prévention, traitement. Il convient donc de préciser qu’elle ne saurait être considérée comme un soin.

Mme la rapporteure. Vous suggérez que l’aide à mourir s’opposerait à l’éthique de soin classique de la médecine. Je pense, au contraire, qu’elle se situe dans le prolongement de ce souci éthique. Nulle part dans le texte, l’aide à mourir n’est du reste qualifiée de soin.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Mon attachement à l’éthique de la vulnérabilité me conduit à penser que l’aide à mourir ne relève pas du soin. Certes, le texte ne le précise pas de manière explicite mais certains d’entre vous utilisent pour la désigner les termes de « soin ultime ».

M. Thibault Bazin (DR). Sur l’aide à mourir, la position que le CCNE a exprimée à travers ses avis a évolué. Ses membres se sont d’abord interrogés pour savoir si elle relevait du soin, puis ils ont pris en compte la demande de la société, en posant des garanties éthiques afin de préserver la relation du soignant et du soigné. Il va nous falloir trancher : cet acte relève-t-il de la liberté et de l’autonomie – nous nous situerions alors dans le cadre d’une loi de société – ou relève-t-il de la médecine ? Doit-on reconnaître que le caractère exceptionnel de cet acte médical appelle certaines conditions pour le mettre en œuvre ? Sur ces questions, je ne serai pas aussi catégorique que vous, madame la rapporteure. Les soins renvoient à l’obligation pour les soignants de les prodiguer si une personne en a besoin. Ici, nous ne sommes pas dans le même cadre : l’aide à mourir relève de la demande des patients. Un droit à l’aide à mourir a été évoqué. Il faudra là encore trancher car la cible et le périmètre différeront selon la réponse qu’on apporte.

M. Yannick Monnet (GDR). Je voterai pour cet amendement car s’il y a bien un point sur lequel le groupe GDR est unanime, c’est le refus d’assimiler l’aide à mourir à un soin. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 3. Nous estimons toutefois qu’elle relève d’un environnement médical et qu’elle doit figurer dans le code de la santé publique. Qu’elle soit avant tout une aide ne doit pas non plus nous dissuader de l’autoriser.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). J’ai déjà accompagné des patients hospitalisés à leur domicile pendant leur fin de vie avec des infirmières et des aides-soignantes et, sans la qualifier de soin ultime, je considère cette aide à mourir comme la prolongation des traitements qui auront été dispensés. Si l’on dresse une frontière étanche entre soins palliatifs et fin de vie, entre soin et non-soin, on laissera le patient tout seul, se débrouiller comme il peut.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je citerai l’avis 139 du CCNE : « Certains professionnels de santé font valoir qu’ils sont tenus, non seulement de soigner et de respecter la vie, mais aussi de soulager les souffrances inconditionnellement. Leur éthique du soin pourrait justifier selon eux, lorsque les conditions sont réunies, qu’il soit mis fin à l’intolérable, même si cette décision de soulagement de la souffrance devait avoir pour conséquence d’abréger la vie. » Il y a bien des professionnels de santé, comme Mme DubréChirat, qui considèrent l’aide à mourir comme un soin.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Quand vous accompagnez des personnes à domicile, vous les soignez jusqu’à leur dernier souffle, tandis que l’aide à mourir consiste à réaliser un acte pour provoquer la mort. La sédation profonde et continue est différente. Un malade en chimiothérapie, qui décide d’arrêter son traitement parce qu’il n’en supporte plus les effets secondaires, sera informé que sa maladie va évoluer très vite et qu’il va souffrir par un médecin qui pourra lui proposer des sédatifs pour lui éviter cette souffrance. C’est l’évolution naturelle de la maladie qui déclenchera le décès.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je tiens à ce que cet acte soit légalement qualifié de médical, sans quoi il n’y a pas de raison de donner la possibilité aux professionnels de santé de l’accomplir. Par ailleurs, le tiers des médecins français disposés à le réaliser et les médecins belges auditionnés nous ont dit qu’ils étaient prêts à le considérer comme un acte de soin.

M. Laurent Panifous (LIOT). Il faut en effet qu’il soit qualifié de médical pour être codifié et rémunéré.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1023 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à préciser que « l’aide à mourir n’est pas une mission de service public des établissements de santé et des établissements sociaux ou médico-sociaux ».

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS255 de M. Thibaut Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Dans le même esprit que l’excellent amendement AS627 de Mme Darrieussecq sur lequel nous n’avons pas pu nous prononcer, je propose de préciser que cette aide active à mourir ne peut être pratiquée que par et pour des personnes volontaires.

Mme la rapporteure. Votre amendement est déjà satisfait. La « volonté libre et éclairée des malades » est mentionnée dans la loi, tout comme celle des professionnels.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Peut-être faites-vous allusion à des articles que nous n’avons pas encore discutés ? Nous avons vu, au cours de l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs, que des articles avaient été supprimés avant même d’être complétés. Si la ministre Darrieussecq, qui connaît mieux que moi le sujet, a jugé nécessaire de déposer un amendement pour préciser que les médecins sont volontaires, c’est sûrement qu’il y a lieu de le faire.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je prends cet amendement comme une provocation. Comment imaginer que ce texte, qui fait l’objet d’une recherche d’équilibre de chaque instant, aiderait des gens à mourir contre leur volonté ? Certaines formulations sont réellement blessantes.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS866 de Mme Lisette Pollet.

Elle adopte ensuite l’article 2 modifié.

Article 3 : Définition de l’aide à mourir et des conditions d’accès à celle-ci

Amendements de suppression AS38 de M. Patrick Hetzel, AS170 de Mme Hanane Mansouri, AS507 de M. Yannick Monnet, AS702 de M. Christophe Bentz, AS867 de Mme Lisette Pollet et AS940 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Par cohérence avec nos déclarations, nous souhaitons supprimer l’article 3.

M. Yannick Monnet (GDR). L’article 3 modifie l’article L.1110-5 du code de la santé publique pour y inscrire l’aide à mourir, dont il fait un soin délivré dans le cadre de l’apaisement de la souffrance et de la fin de vie. Nous ne la considérons pas comme un soin ; elle intervient précisément quand les soins sont mis en échec et qu’ils ne suffisent pas à soulager les souffrances de la personne malade ou quand celle-ci décide de cesser un traitement ou le refuse, c’est-à-dire quand elle décide que les soins doivent s’arrêter.

De plus, l’inscription de l’aide à mourir dans cet article instaure un continuum avec la sédation profonde et continue, alors qu’elles sont très différentes. En 2018, la HAS avait défini six différences entre elles : l’intention – soulager une souffrance réfractaire pour l’une, répondre à une demande de mort pour l’autre ; le moyen – altérer la conscience profondément, provoquer la mort ; la procédure – médicament sédatif, médicament létal ; le résultat – sédation profonde poursuivie jusqu’au décès dû à l’évolution naturelle de la maladie, mort immédiate ; la temporalité – délai imprévisible, rapidité ; la législation enfin. Pour toutes ces raisons, il ne nous semble pas opportun d’inscrire l’aide à mourir dans cet article. Il faut distinguer acte de soin et acte médical.

M. Christophe Bentz (RN). Vous l’aurez compris : en tant qu’opposants à ce texte, nous essayons de le détricoter de toutes les manières. S’il y a bien un endroit où il faudrait inscrire euthanasie ou suicide assisté, c’est bien ici. Mais comme vous ne voulez pas vous y résoudre, nous préférons supprimer l’article. Qu’est-ce que l’aide à mourir en réalité ? C’est l’accompagnement de la vie jusqu’à la mort : ce sont les soins palliatifs. Vous inversez les deux termes.

Mme Lisette Pollet (RN). Donner la mort ne doit pas être assimilé à un soin. Que l’on veuille ouvrir la boîte de Pandore en créant un fait justificatif de consentement de la victime est une chose, que l’on habille un acte grave et moralement équivoque en soin en est une autre. Un soin vise à écarter la mort. À défaut de mieux, il vise à atténuer la souffrance – c’est le sens de la loi Claeys-Leonetti. Il ne saurait en aucun cas consister à donner la mort. Le suicide assisté n’est donc pas la traduction du droit à obtenir des soins mais une exception. Le débat mérite mieux qu’un travestissement des termes.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vos amendements visent à supprimer l’article 3 qui précise que « le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance », qui a été consacré par l’article 1er de la loi Claeys-Leonetti, comprend « la possibilité de bénéficier de l’aide à mourir dans les conditions prévues » par cette proposition de loi.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS595 de Mme Annie Vidal

Mme Annie Vidal (EPR). Je souhaite préciser qu’il s’agit d’un droit nouveau. Le législateur acte une évolution majeure de notre droit, en ce qu’il permet à une personne, dans certaines conditions strictes, de choisir les modalités de sa propre mort. Cette précision rappelle également qu’il ne s’agit pas seulement d’autoriser un acte mais bien d’affirmer un droit subjectif, inédit dans notre droit positif et étroitement encadré.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ce droit est plus large que la possibilité de recourir à l’aide à mourir ; il vise en réalité l’ensemble des dispositifs d’accompagnement des malades en fin de vie, notamment les soins palliatifs. Dans la mesure où il est issu de la loi Claeys-Leonetti il n’est pas exactement nouveau, même si nous devons bien évidemment travailler à le rendre plus effectif. Par ailleurs, les lois que nous adoptons étant appelées à s’inscrire dans la durée, l’adjectif « nouveau » risque de perdre peu à peu son sens.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). L’article L.1110-5, issu de la loi Claeys-Leonetti, dispose déjà que : « Toute personne a le droit d’avoir une fin de vie digne et accompagnée du meilleur apaisement possible de la souffrance. Les professionnels de santé mettent en œuvre tous les moyens à leur disposition pour que ce droit soit respecté. » Le droit d’être soulagé existe. S’il n’est pas effectif, ce n’est que par manque de soins palliatifs. Est-ce qu’ajouter ici un nouveau moyen à la disposition des médecins pourrait être considéré comme un outil permettant de faciliter, en quelque sorte, la bonne application de l’article ? Cela a de quoi questionner.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Certes, ce serait un droit nouveau mais il ne le resterait pas bien longtemps. Je ne comprends pas l’intérêt de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS793 de Mme Marie-France Lorho et sous-amendement AS1151 de M. Matthias Renault

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

M. Matthias Renault (RN). Quand l’accès aux soins palliatifs est possible, le patient renonce souvent à demander la mort. L’existence de cette alternative met en lumière un tabou dans le débat sur l’euthanasie : le coût de la fin de vie – disons des six derniers mois. Est-ce que le développement de l’euthanasie permettrait de faire des économies sur nos finances publiques ? En Suisse, le coût de la fin de vie est calculé de manière assumée. Ce calcul a également été fait par la direction de la sécurité sociale, qui ne l’a pas rendu public, ainsi que par certaines mutuelles de santé qui militent pour le développement de l’euthanasie. Le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales a estimé qu’elle coûtait environ 6,6 milliards d’euros par an.

Mme la rapporteure. Le droit de bénéficier des soins palliatifs est déjà reconnu par l’article L.1110-9 du code de la santé publique. Ce que nous devons faire, à présent, c’est le rendre effectif. Tel est l’objet du texte que nous avons adopté ce matin.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Parlez-vous de la fin de vie de ceux qui demanderaient à mourir de manière accélérée ou de l’accompagnement de toutes les personnes dans les unités de soins palliatifs ? Votre chiffre m’intrigue. On sait que l’on n’accompagne pas bien les personnes en fin de vie et que 50 % de celles qui en auraient besoin n’ont pas l’accompagnement qu’elles devraient avoir. S’agit-il du montant des économies qui pourraient être réalisées ? Pourriez-vous préciser ce que recouvre ce montant, qui n’est pas simple à estimer ?

M. Matthias Renault (RN). Ces 6,6 milliards d’euros représentent le coût de la fin de vie au titre de l’assurance maladie. En transposant à la France le taux de mort administrée du Québec, les économies liées à un développement de l’euthanasie seraient de 1,4 milliard, selon Jean-Marc Sauvé dans une tribune du Figaro.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Amendements AS703 de M. Christophe Bentz, AS120 de Mme Justine Gruet, AS797 de Mme Sandrine Dogor-Such et AS596 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. Christophe Bentz (RN). Une confusion existe entre la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès et l’euthanasie. Or ces deux notions sont fondamentalement différentes et incomparables. Il y a au moins deux différences majeures : la létalité et l’intentionnalité.

M. Philippe Juvin (DR). L’aide à mourir est une notion qui englobe la lutte contre les nausées, les vomissements, les douleurs, la prévention des escarres ; celle de suicide assisté est beaucoup plus précise. C’est pourquoi nous souhaitons par l’amendement AS120 l’inscrire dans le texte.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’aide à mourir, pour ne pas dire « euthanasie » et « suicide assisté », ce n’est pas de la médecine, c’est un choix de société. Selon un sondage réalisé entre le 11 et 14 mars par FLASHS pour LNA Santé, 49 % des Français admettent ne pas connaître la différence entre l’aide à mourir, le suicide assisté et l’euthanasie.

Mme Annie Vidal (EPR). Cela éviterait bien des débats de parler d’aide active à mourir, afin d’introduire une nuance avec l’aide à mourir, qui, à mon sens, englobe différentes pratiques et est très large.

Mme la rapporteure. Même débat, même réponse : avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Thibault Bazin faisait référence à une interview croisée entre Astrid Panosyan-Bouvet et Claire Fourcade, où cette dernière, en tant que présidente de la Sfap, insistait sur le fait que l’aide à mourir faisait partie des soins palliatifs. Le terme « active » dissiperait toute ambiguïté.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1148 de Mme Brigitte Liso

Mme la rapporteure. L’amendement vise à reconnaître le droit de recevoir une information concernant l’aide à mourir et précise que celle-ci doit être délivrée sous une forme compréhensible de tous, en Falc – facile à lire et à comprendre – le plus souvent.

Mme Annie Vidal (EPR). Si ce n’est pas une aide active !

M. Thibault Bazin (DR). L’article L.1110-5, que je vous ai cité tout à l’heure, ne concerne pas du tout la délivrance d’informations !

M. Philippe Juvin (DR). Si ce n’est pas de l’aide active, je n’y comprends plus rien ! Refuser les amendements de Mme Vidal mais adopter celui-ci ne me paraît pas très fair comme disent les Anglais.

M. Christophe Bentz (RN). Nous sommes favorables à une meilleure information et à une meilleure compréhension. Mais, madame la rapporteure, comment voulez-vous que nous votions cet amendement, alors que nous ne cessons de vous dire que la terminologie du texte pose problème et crée une confusion ? Nous aurions préféré que l’amendement de Mme Vidal, qui apportait une précision, soit adopté.

M. Patrick Hetzel (DR). Une telle rédaction a tout de la promotion de l’aide à mourir. Or il faut de la cohérence et un équilibre. Promouvoir l’aide à mourir n’est pas de la même nature qu’ouvrir un droit. Pourquoi en ce cas ne pas faire la même chose pour les soins palliatifs ? D’un côté, on nous dit que peu de personnes seront concernées, de l’autre, à force d’informations, on va étendre le nombre de personnes susceptibles de l’être.

Mme la rapporteure. Je suis à votre écoute et je retire mon amendement.

M. Yannick Monnet (GDR). Je trouve vos réactions très choquantes ! Nous ferions de la promotion parce que nous voulons que toutes les personnes aient accès à une information. Nous avons fait la même chose pour les soins palliatifs ! Il est normal qu’à l’ouverture d’un droit toutes les personnes, y compris celles en situation de handicap, aient accès à l’information.

M. le président Frédéric Valletoux. Il me semble que c’était plutôt la position de l’amendement dans le code qui posait problème.

M. Yannick Monnet (GDR). Cet emplacement ne me paraît pas gênant, dans la mesure où nous nous assurons que ce nouveau droit soit compris par tous.

M. le président Frédéric Valletoux. L’amendement a été retiré ; le sujet reviendra certainement dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 3 non modifié.

*

*     *

3.   Réunion du vendredi 11 avril 2025 à 21 heures (article 4)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([238]).

Article 4 : Définition de l’aide à mourir et des conditions d’accès à celle-ci

Amendements de suppression AS39 de M. Patrick Hetzel, AS256 de M. Thibault Bazin et AS941 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Cet article prévoit des critères ne correspondant pas à des notions cliniquement fondées et des exceptions étendues. Un des points qui font débat, notamment si on se réfère aux recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS), est la mention des affections graves et incurables, dont le champ est si large qu’il concerne, d’après les chiffres de l’Inspection générale des affaires sociales, presque 14 millions de Français. Ensuite, il n’existe pas de consensus sur la définition du pronostic vital engagé, d’autant qu’il faut distinguer le court terme et le moyen terme. Enfin, la notion de phase avancée n’est pas définie médicalement.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 4 définit les critères permettant de bénéficier d’une substance létale pour accélérer la mort. Il faut avoir 18 ans, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France, être atteint d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital – sans qu’on sache vraiment si c’est à court terme ou non, puisqu’il est question de « phase avancée ou terminale » –, et présenter une souffrance physique ou psychologique, alors que le projet de loi ne permettait pas qu’il s’agisse uniquement d’une souffrance psychologique.

Je m’interroge sur ces critères, mais aussi sur le fait que, si l’on en croit les propos tenus par certains, il pourrait ne s’agir que d’une étape provisoire avant un assouplissement. Aux Pays-Bas, le critère d’âge est passé de 18 à 12 ans, évolution qui suscite désormais des regrets. Par ailleurs, qu’en sera-t-il des personnes, par exemple fortement dépressives, qui auront une maladie grave et incurable sans que leur pronostic vital soit engagé ? Ne devrait‑on pas soigner leur dépression plutôt que de leur apporter un autre type d’aide ? Si nous reconnaissons un nouveau droit, certains demanderont pourquoi ils ne peuvent pas en bénéficier. Ne sommes-nous donc pas au début d’un processus d’élargissement progressif ?

M. Philippe Juvin (DR). La question des critères est évidemment essentielle. Ils sont rédigés de telle manière que des patients ayant plusieurs années à vivre seront concernés. Par exemple, une femme qui a un cancer du sein avec, d’emblée, des métastases osseuses, mais sensible à la thérapie, souffre d’une maladie grave et incurable, qui engage le pronostic vital et est en phase avancée, mais a désormais plusieurs années à vivre grâce aux chimiothérapies et aux immunothérapies, lesquelles provoquent parfois des souffrances très importantes sur le plan physique ou psychologique. Cette personne entre le cadre prévu par ce texte, puisque celui-ci ne demande plus que le pronostic vital soit engagé à court terme.

Autre exemple, un patient en dialyse chronique – on en compte 100 000 en France – souffre d’une maladie par définition grave et incurable, terminale et qui engage le pronostic vital – si vous arrêtez la dialyse, vous mourrez en trois ou quatre semaines. Il arrive que ces personnes aient des souffrances importantes. Les dialyses péritonéales, qui ont lieu à domicile toutes les nuits, sont ainsi extrêmement pénibles. Si les patients considèrent que ces souffrances, liées à leur affection, sont insupportables, ils entrent dans les critères du texte.

Voilà deux exemples de patients souffrant de pathologies fréquentes et qui ont un pronostic de vie de plusieurs années, mais qui satisfont tous les critères. Le texte est écrit d’une manière qui le rend vraiment très ouvert.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet article est la pierre angulaire du texte. Vous le trouvez permissif ; je pense au contraire qu’il offre un cadre très clair en fixant des conditions strictes et précises, qui sont cumulatives.

L’aide à mourir sera ainsi réservée aux personnes âgées de plus de 18 ans, ce qui correspond à la pleine capacité juridique. Le Conseil d’État a considéré que l’exclusion des mineurs ne méconnaissait aucun principe constitutionnel ou conventionnel.

La personne devra être de nationalité française ou résider de manière stable et régulière en France.

Elle devra être atteinte d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital et qui est en phase avancée ou terminale. Nous aurons sans doute l’occasion de revenir assez longuement sur cette condition, compte tenu des débats que nous avons déjà eus l’année dernière.

La personne devra présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection et soit réfractaire aux traitements soit insupportable, selon la personne, lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement.

Enfin, la personne devra être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée.

Avis défavorable aux amendements de suppression.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je peux comprendre qu’on se questionne sur l’équilibre proposé, même s’il me semble bon. Mais supprimer cet article empêchera tout débat en la matière. Je suis donc absolument défavorable à ces amendements.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les critères sont cumulatifs, ce qui limitera beaucoup les possibilités. Monsieur Juvin, sans vouloir vous faire offense, il est question de maladies graves et incurables pour lesquelles il n’y a plus de traitement possible. Si un insuffisant rénal qui est en dialyse arrête celle-ci, il meurt, effectivement, mais sinon, il a bien un traitement. Il en est de même en cas d’insuffisance cardiaque ou de diabète. Tant qu’on peut suivre un traitement, on peut continuer à vivre. Il ne faudrait pas se faire peur en disant que toutes les maladies chroniques sont concernées.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je peux comprendre, moi aussi, qu’on souhaite discuter des critères d’accès à ce nouveau droit, mais la suppression de l’article 4 empêchera d’établir des garde-fous alors que vous tenez manifestement à ce qu’il y en ait.

M. Philippe Juvin (DR). Madame Dubré-Chirat, une maladie incurable n’est pas une maladie qu’on ne peut pas traiter, mais une maladie dont on ne peut pas guérir. Une insuffisance rénale dialysée est donc une maladie incurable, comme un diabète. Et si vous avez une greffe de rein, vous prenez à vie des médicaments.

Madame la rapporteure, un cancer du sein avec des métastases osseuses est une maladie traitable mais incurable, qui engage le pronostic vital, puisqu’on va finalement mourir, et qui est en phase avancée. Cela correspond donc au troisième critère. Pour ce qui est du critère suivant, « une souffrance physique ou psychologique [...], qui est soit réfractaire aux traitements soit insupportable », il se trouve que des gens ne supportent pas la chimiothérapie ou l’immunothérapie parce qu’elles produisent des nausées et de la fatigue – ce sont des traitements très lourds. Cette pathologie correspond donc à tous les critères fixés par le texte alors que le patient peut vivre plusieurs années. La notion de pronostic vital engagé à très court ou à moyen terme a disparu, et celle du stade avancé ne veut pas dire qu’on va mourir dans les six mois. Des métastases osseuses d’un cancer du sein correspondent à une maladie en stade avancé.

M. Yannick Monnet (GDR). J’entends vos arguments, mais ce texte pose une question qui est tout sauf une question médicale : c’est un choix de société ou un problème philosophique. Ne vous placez donc pas sur ce terrain-là. S’agissant de l’exemple que vous venez de citer, discutons des critères mais, pour cela, il ne faut pas supprimer l’article 4. Sinon, cela veut dire qu’il ne s’agit pas d’une question de critères, pour vous, mais d’une divergence philosophique, ce qui est d’ailleurs permis : on a tout à fait le droit de ne pas être d’accord avec la volonté de faire de l’aide à mourir un droit, même si je pense qu’on doit pouvoir en bénéficier dans des conditions précises, que cet article permet de fixer.

M. Patrick Hetzel (DR). La rédaction actuelle comporte des éléments très subjectifs, comme la référence à une souffrance insupportable. Si elle est autoévaluée, on peut s’interroger sur la robustesse du cadre médical et juridique prévu. M. Monnet dit que la question qui se pose n’est pas médicale, mais on a tout de même recours à des critères de cette nature. En ce qui concerne la prise en compte de la souffrance, nous avons besoin de précisions.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il n’est pas question d’autoévaluation de la souffrance dans le texte. Celle-ci est parfaitement mesurable : des critères existent, vous le savez aussi bien que moi.

M. Christophe Bentz (RN). C’est la douleur qui doit disparaître, et non la vie. Nous cherchons tous, qu’il s’agisse de la première ou de la seconde proposition de loi, à prendre en compte la souffrance, mais cet article ne prévoit pas des garde-fous suffisants. Une grande partie d’entre nous votera donc pour les amendements de suppression.

M. Thibault Bazin (DR). Déposer un amendement de suppression est une manière habituelle de procéder pour exprimer son opposition à un article.

Vous dites que les critères sont stricts et ne concerneront que de rares cas ; nous pensons au contraire que cet article n’est pas assez strict, puisqu’il ouvre le périmètre très largement, à des personnes dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme et qui n’ont qu’une maladie en phase avancée et des souffrances réfractaires qui peuvent être d’ordre psychologique.

Yannick Monnet dit que, pour lui, l’approche médicale n’est pas ce qui importe. On peut choisir d’ouvrir largement le dispositif, mais alors on ne peut pas dire qu’il ne concernera que très peu de personnes. La rédaction de cet article pourrait inclure beaucoup d’insuffisants cardiaques, un exemple commenté mercredi dernier par le ministre Yannick Neuder.

La question de la souffrance est réelle, mais faut-il rendre éligibles des personnes dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme et qui pourraient décéder dans cinq ans ? Il faut en débattre.

Si le texte concerne des personnes qui ont uniquement des souffrances psychologiques, une maladie grave et incurable, en phase avancée mais pas terminale, et un pronostic vital non engagé à court terme – ce n’est plus demandé dans cet article –, il va trop loin.

La commission rejette les amendements.

Puis, suivant les avis défavorables de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements AS122 et AS123 de Mme Justine Gruet.

Amendement AS40 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Il nous paraît essentiel que la personne concernée ait pu avoir accès au préalable à une prise en charge en soins palliatifs. Il ne faudrait pas que des concitoyens soient amenés à demander une aide active à mourir sans avoir pu bénéficier de ces soins.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cet amendement conditionnerait l’aide à mourir à une prise en charge préalable en soins palliatifs, ce qui contraindrait les patients à accepter ces soins. Une telle obligation constituerait une atteinte majeure aux droits des personnes malades. Aux termes de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, « toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement ».

M. Patrick Hetzel (DR). Vous avez raison ; c’est pourquoi je vais retirer cet amendement au profit du suivant, de notre collègue Bazin, dont la rédaction est conforme à la philosophie que je défends tout en étant parfaitement respectueuse des droits des patients.

L’amendement est retiré.

Amendement AS258 de M. Thibault Bazin et sous-amendement AS1153 de M. Matthias Renault

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement ajoute, s’agissant de la personne qui demande à accéder à l’aide à mourir, la précision suivante : « dès lors que l’accès aux traitements adaptés et aux soins palliatifs lui est effectivement garanti », ce qui lui laissera la liberté de décider. Pour que le consentement de la personne soit libre et éclairé, il faut qu’elle ne subisse aucune contrainte et qu’elle ne se résigne pas à demander une aide active à mourir faute de pouvoir accéder aux traitements adaptés ou aux soins palliatifs.

Dans son étude de 2018 « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? », le Conseil d’État a considéré que « l’expression d’une demande d’aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d’un accès insuffisant à des soins palliatifs. L’accès à des soins palliatifs de qualité constitue ainsi une condition indispensable à l’expression d’une volonté libre et éclairée du patient dans les derniers moments de la vie et, plus largement, un préalable nécessaire à toute réflexion éthique aboutie sur la question de la fin de vie. » La précision que je vous propose est très importante pour l’équilibre que vous souhaitez établir entre les deux propositions de loi.

M. Matthias Renault (RN). Vous soulignez que le suicide assisté et l’euthanasie risquent de s’imposer en raison d’un défaut d’accès aux soins. Il faut être conscient, en effet, de la sociologie des populations concernées dans les pays où les critères sont assez larges : le risque est que la mort administrée s’applique en priorité aux plus pauvres et aux plus démunis. Des études démontrent ainsi, malheureusement, que les personnes à faibles revenus sont surreprésentées parmi les candidats au suicide assisté. S’agissant de l’Oregon, une étude a établi que 80 % des candidats au suicide assisté n’avaient qu’une couverture sociale de base. Au Canada, on a montré qu’il existait un écart de près de 20 points entre la part des personnes à faibles revenus dans la population et leur proportion parmi les candidats à l’euthanasie.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Dans un monde idéal, je serais tout à fait d’accord avec l’amendement, mais cette condition serait, dans les faits, difficile à apprécier et conduirait à bloquer la mise en œuvre de la loi. Même si je comprends votre démarche, je ne peux donc donner un avis favorable à l’amendement et au sous-amendement.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous avons voté en faveur d’un accès aux soins palliatifs pour tous, mais nous n’en sommes pas encore là, faute des capacités nécessaires. Par ailleurs, des personnes ne souhaitent pas aller en soins palliatifs : elles préfèrent rester chez elles ou aller dans d’autres unités. On ne peut donc pas prévoir de passage obligé. Le recours au terme de garantie dans cet amendement ne me paraît pas offrir plus de souplesse que ce qui figurait dans le précédent.

M. René Pilato (LFI-NFP). La plupart des études montrent que ce ne sont pas les plus pauvres qui demandent une aide à mourir, mais les plus aisés.

Par ailleurs, cet amendement et ce sous-amendement sont satisfaits par l’alinéa 10 de l’article 5.

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis plutôt d’accord avec l’amendement. La question de savoir à quel moment on considère qu’il existe réellement un choix est au cœur du débat sur l’aide à mourir. Je vous ai dit quelle était ma position : je suis favorable à une évolution, mais il faut vraiment qu’il y ait un choix. La défaillance des systèmes de santé peut poser un problème. Je pense qu’il sera en partie réglé grâce à la création d’un droit opposable, dont j’espère donc le maintien, mais travailler sur cette question est la moindre des choses.

Je ne peux pas entendre la réponse qui consiste à dire que nous n’aurons pas les moyens – vous ne l’avez pas complètement dit ainsi, madame la rapporteure, mais je l’ai entendu de cette façon. On ne peut pas renoncer à se doter des moyens nécessaires pour l’accès aux soins palliatifs. Votez la prochaine fois un autre projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), au lieu d’un texte rabougri qui laisse l’hôpital public en déshérence. Je le dis sans vouloir polémiquer : nous avons pour responsabilité d’adopter un budget de la santé qui réponde aux besoins.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le texte initial, avant la dissolution, prévoyait d’une part un droit opposable aux soins palliatifs et d’autre part un droit à une aide active à mourir. Nous venons de voter un premier texte qui accorde un droit aux soins palliatifs ; nous n’avons donc pas besoin de mentionner ce droit ici. Ou alors il faudrait presque faire référence à l’aide active à mourir dès le premier texte, mais je refuse qu’on fasse un lien entre les deux droits.

M. Patrick Hetzel (DR). Madame la rapporteure, vous avez dit à M. Bazin que l’objectif visé créerait un blocage. Pouvez-vous expliciter où ?

M. Christophe Bentz (RN). Vous avez raison sur un point, monsieur le rapporteur général : il n’existe aucune obligation de bénéficier des soins palliatifs. C’est un choix. De même, on pourrait demain accéder ou non à l’aide à mourir. Ce serait également un droit, une liberté. En revanche, si une personne demande un accès effectif aux soins palliatifs, elle doit pouvoir en bénéficier avant de solliciter une aide active à mourir. Voilà l’esprit des dispositions que nous défendons.

Mme Anna Pic (SOC). Le droit opposable aux soins palliatifs a été adopté dans le cadre de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement. Le problème de la notion de garantie effective, c’est qu’elle pourrait conduire à refuser l’accès aux droits par deux fois : dans un désert médical, non seulement l’accès aux soins palliatifs ne serait pas possible, mais, du coup, vous ne pourriez pas non plus accéder directement à l’aide à mourir si telle était votre demande. En somme, on dira aux gens de rester chez eux. Cette rupture d’égalité entre territoires pose problème.

M. Philippe Juvin (DR). Dans son avis 139, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) indique que, à défaut d’accès effectif aux soins palliatifs, toute légalisation de l’aide active à mourir est fragile sur le plan éthique. Tel est le sens de l’amendement Bazin : faire en sorte que l’aide active à mourir soit disponible uniquement si l’accès aux soins palliatifs est effectif.

Il ne s’agit pas d’obliger les gens à opter pour les soins palliatifs, mais de faire en sorte que le droit formel qu’est le droit opposable aux soins palliatifs soit aussi un droit réel, faute de quoi on se paie de mots. Essayez d’obtenir une consultation de la douleur en moins de six mois sans faire jouer des relations !

L’effectivité de l’accès aux soins palliatifs est une vraie question, sur laquelle on essaye de jeter un voile pudique. En insérant les mots « dès lors que l’accès aux traitements adaptés et aux soins palliatifs lui est effectivement garanti, », nous nous situons au plus près de l’avis 139 du CCNE.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je comprends l’esprit de l’amendement et suis favorable au développement massif de l’offre de soins palliatifs. Toutefois, tel qu’il est rédigé, il ajoute au défaut d’accès aux soins palliatifs la privation du droit à l’aide à mourir. Par ailleurs, qui jugera que l’accès aux soins palliatifs est suffisant pour autoriser ou non l’accès à l’aide à mourir ? Qui introduira un éventuel recours ? L’amendement n’est pas opérant.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Nous abordons l’un des points les plus sensibles du texte depuis que nous en avons commencé l’examen. Spontanément, je ne vois pas pourquoi l’aide à mourir devrait dépendre de l’accès aux soins palliatifs. À titre personnel, je suis favorable à l’aide active à mourir ainsi qu’au développement et au renforcement des soins palliatifs.

Toutefois, en entendant Mme la rapporteure évoquer des blocages et des problèmes de calendrier, je m’interroge. L’aide à mourir est une nouvelle liberté que nous allons accorder aux Français. Elle en sera une à condition que le recours à l’aide à mourir résulte d’un choix indépendant de paramètres exogènes tels que la carence ou le défaut d’accès aux soins palliatifs. Madame la rapporteure, j’attends des précisions de votre part pour dissiper cette gêne et me convaincre de ne pas voter l’amendement.

Mme Annie Vidal (EPR). Si certains départements sont dépourvus d’unité de soins palliatifs, aucun n’est démuni. Il y a toujours des lits réservés aux soins palliatifs dans certaines unités, des équipes mobiles de soins palliatifs ou des hospitalisations à domicile qui les dispensent. L’absence complète de soins palliatifs n’existe pas.

Par ailleurs, d’ici fin 2026, neuf départements – c’est peu, mais mieux que rien – seront dotés d’unités de soins palliatifs. Lorsque le texte aura achevé son parcours parlementaire, l’offre de soins palliatifs se sera améliorée. La dynamique de leur développement permettra de répondre à davantage de demandes.

Quant au blocage évoqué par Mme la rapporteure, il m’intrigue. La proposition de loi prévoit un délit d’entrave à l’aide à mourir. Si l’absence d’accès aux soins palliatifs empêche d’accéder à l’aide à mourir, entre-t-elle dans cette catégorie ? Si oui, qui en serait responsable ?

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Les conditions cumulatives d’accès à l’aide à mourir fixées par l’article 4 sont inhérentes à la personne qui en fait la demande. Il est difficile de leur associer l’accès effectif aux soins palliatifs, qui est de nature distincte, d’autant que l’article 5 prévoit que le médecin propose à la personne de bénéficier des soins palliatifs et s’assure qu’elle peut, le cas échéant, effectivement y accéder.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. En parlant de blocage, je voulais dire que faire dépendre le droit à l’aide à mourir de l’effectivité de l’accès aux soins palliatifs bloquerait l’accès à ces derniers pour certains patients, d’autant que tous les patients ne souhaitent pas bénéficier de soins palliatifs.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je me demande, en écoutant ce débat, pourquoi nous avons adopté ce matin la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs, et pourquoi nous y avons inséré le droit opposable aux soins palliatifs cher à M. Bazin. Il faut absolument assurer l’accès aux soins palliatifs, nous dit-on. C’est ce que nous avons fait ! Monsieur Bazin, nous vous avons suivi dans cette logique ! Cessons d’être schizophrènes.

Nous investirons dans les soins palliatifs 100 millions d’euros par an pendant dix ans. Si tous les services hospitaliers bénéficiaient – je déplore que tel ne soit pas le cas – d’un effort de proportion semblable, notre système de santé se porterait mieux sans délai. Nous mettons le paquet sur les soins palliatifs pendant dix ans, de façon continue.

Lors de l’examen du PLFSS 2025, au cours duquel de nombreuses pistes d’économies ont été explorées, il n’a en aucun cas été envisagé de revenir sur cet engagement. Le présent texte de loi lui conférera une force législative.

Je rappelle – c’est un militant des soins palliatifs qui parle – que rien ne peut contraindre un malade refusant les soins palliatifs à en recevoir. Il n’y a pas d’obligation de soins palliatifs. Mais nous avons fait en sorte que leur garantie soit effective en adoptant la première proposition de loi : l’amendement AS258 est superfétatoire.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Si nous voulons faire évoluer la loi, c’est parce que des gens, en France, meurent sans que leurs souffrances soient soulagées. L’enjeu est de prévenir et de soulager la souffrance réfractaire.

Dans certains cas, les soins palliatifs y suffisent – il arrive même que le soulagement moral qu’offre la prise en charge réduise la souffrance physique. Mme la rapporteure nous dit que si une personne souhaite accéder directement à l’aide à mourir sans bénéficier de soins palliatifs, elle en a le droit ; soit, mais l’objet de l’aide à mourir est aussi de soulager sa souffrance.

Notre système de santé place le soin au premier rang. Sachant qu’il est en berne, que ses moyens ne sont pas à l’abri de mesures d’économie inscrites dans un PLFSS et que l’effort en faveur des soins palliatifs, dont nous approuvons tous le développement, est étalé sur dix ans, je considère que nous avançons trop vite en matière d’aide à mourir. Nous ne pouvons pas adopter une loi d’exception.

M. Thibault Bazin (DR). Monsieur le rapporteur général, vos propos à mon égard ne sont pas corrects. Aucune schizophrénie ne m’a été diagnostiquée à ce jour. Je m’efforce de faire preuve de cohérence. Je suis un cheminement éthique tenant compte des avis qui se succèdent.

La question de l’accès effectif aux soins palliatifs a été soulevée par plusieurs personnes, dont certaines ne sont pas opposées à l’aide à mourir. Leur propos, que j’ai fait mien, consiste à dire que, pour que l’expression de la volonté soit libre et éclairée, il faut que l’accès aux soins palliatifs soit garanti. Il ne s’agit pas d’obliger les gens à y recourir. Il n’y a pas de choix véritable s’il y a défaut d’accès, dès lors que la personne concernée souhaite recourir aux soins palliatifs et que son état de santé le requiert.

L’obligation de soins palliatifs que vous évoquez était l’objet de l’amendement AS40 défendu par Patrick Hetzel, qui a été retiré. Le mien ne prévoit aucune obligation. Il porte sur l’effectivité des droits, en cohérence avec ceux que j’ai préalablement défendus.

S’agissant de la stratégie décennale des soins d’accompagnement, elle est certes dotée d’un budget, mais il n’est pas consommé, comme l’a indiqué Mme la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles. Les postes ouverts ne sont pas pourvus. Nous ne pouvons accepter qu’une personne demandant l’accès aux soins palliatifs et dont l’état de santé le requiert en soit privée. Il y va de la responsabilité de notre système de protection sociale.

Le sous-amendement est retiré.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS802 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS704 de M. Christophe Bentz et AS597 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. Christophe Bentz (RN). Je ne vais pas tarder à considérer que le débat sémantique est clos, non sans constater que vous refusez, depuis plusieurs mois, d’inscrire dans la loi les termes de vérité. Soucieux de procéder par étapes, je retire mon amendement au profit de l’amendement AS597.

Mme Annie Vidal (EPR). Mon amendement vise à faire en sorte que le texte traite de l’aide active à mourir, et non simplement de l’aide à mourir. Le refus d’insérer le mot « active » me semble relever de l’obstination déraisonnable.

Il me semble essentiel de distinguer l’objet de la présente proposition de loi, quelles que soient les dispositions que nous adopterons et les opinions des uns et des autres, de l’aide à mourir en général. Cet acharnement, en ce qui me concerne, n’a rien de thérapeutique. Il me fait mal.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous avons eu ce débat à plusieurs reprises. Nous avons adopté l’article 2, qui introduit dans la loi une section intitulée « Aide à mourir ». Au nom de la cohérence de nos choix, je vous invite à conserver la notion d’aide à mourir, dont je répète qu’elle est simple, compréhensible et lisible pour toutes et pour tous.

Avis défavorable.

Les amendements AS802 et AS704 sont retirés.

La commission rejette l’amendement AS597.

Amendements AS400 de Mme Justine Gruet et AS678 de M. René Pilato (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement AS400 est défendu.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il s’agit de rétablir la rédaction de la disposition prévue à l’alinéa 4 telle qu’adoptée lors de l’examen en commission du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS680 de Mme Karen Erodi et sous-amendement AS1155 de M. Patrick Hetzel

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). On se souvient, soit dit sans vouloir polémiquer, de la volonté de la droite de durcir la justice des mineurs en faisant sauter la circonstance atténuante de minorité. Une personne de 16 ans bénéficie de droits sociaux, elle peut décider librement de son orientation professionnelle et être pleinement responsable pénalement. Pourquoi ne pourrait-elle pas choisir sa propre destinée face à la plus grande des tragédies si elle est diagnostiquée du même mal qu’une personne âgée de deux ans de plus ? Pourquoi ne bénéficierait-elle pas des mêmes droits ? C’est un paradoxe.

Nous sommes en droit d’exiger une cohérence républicaine. Tout seuil comporte une part d’arbitraire. L’amendement vise à faire valoir la capabilité juridique indépendamment de l’âge biologique. Voilà pourquoi nous proposons d’étendre aux mineurs émancipés le droit à l’aide à mourir.

M. Patrick Hetzel (DR). Le sous-amendement est d’appel. Nous sommes plusieurs à considérer que l’ouverture de l’euthanasie aux mineurs émancipés est une ligne rouge. Le premier pays au monde à être allé dans cette direction est la Belgique, à laquelle les Pays-Bas ont emboîté le pas.

Notre législation a pour principe d’assurer la protection des mineurs. L’amendement s’affranchit de cette logique. Certes, l’émancipation d’un mineur résulte d’une procédure judiciaire, mais son champ est limité à certains actes spécifiques dont l’aide active à mourir ne fait pas partie.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.

Nous avons déjà eu un long débat sur l’ouverture de l’aide à mourir aux mineurs. L’équilibre du texte repose aussi sur le critère de majorité, sans méconnaître la réalité des situations de fin de vie à laquelle sont confrontés des enfants et des adolescents. C’est pour moi l’occasion de rappeler que la fin de vie n’est pas l’apanage de la vieillesse. Elle doit parfois, malheureusement, être envisagée dès la naissance.

Je suis très défavorable à toute remise en cause du premier critère d’accès à l’aide à mourir qu’est la condition de majorité. Je n’ai pas la prétention de présenter ma position comme une réponse : c’est un choix, que j’assume et dont j’ai conscience qu’il évacue certaines situations sans doute douloureuses. La question de la liberté de choix et celle de la volonté libre et éclairée se posent, vous en conviendrez, différemment selon qu’il s’agit d’une personne majeure ou mineure, même émancipée.

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Monsieur Hetzel, qu’est-ce que c’est, pour vous, une ligne rouge ? Un simple âge arbitraire ? Qu’est-ce que c’est, une ligne rouge, pour des jeunes de 17 ans ou de 16 ans et demi qui souffrent et auxquels vous direz qu’ils n’ont que quelques semaines ou quelques mois à attendre dans la souffrance à cause d’un âge arbitraire ?

Je vous rappelle qu’à une époque, la majorité était plus tardive que 18 ans. Vous pensez la souffrance des jeunes uniquement par rapport à un âge biologique, imaginant sans doute que la souffrance disparaît si on ne l’a pas atteint.

Vous parlez de protection de l’enfance ; j’en suis contente. Dans ce domaine, on pense l’émancipation de la jeunesse, la dignité des mineurs et leur désir. Un juge pour enfants prête l’oreille à la volonté éclairée d’un enfant s’il est âgé de 12 ans et plus. Alors pourquoi ne pas entendre son exigence de dignité et sa souffrance physique ? 18 ans, c’est arbitraire. La souffrance et la maladie, ce n’est pas arbitraire.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous avons entendu, en séance publique, des gens dire qu’il faut envoyer en prison des mineurs de 13 ans au motif qu’ils seraient dotés d’une capacité de discernement. Mais quand nous parlons de mineurs émancipés qui, à 16 ans révolus, sont parfaitement conscients d’être au bout de leur vie et disent qu’ils souffrent trop, on nous oppose une frontière sinon arbitraire, du moins administrative.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je suis absolument favorable à l’ouverture de l’aide à mourir avant l’âge de 18 ans. Un jeune de 17 ans et demi peut très bien prendre cette décision. La souffrance, surtout si elle est insupportable, n’a pas d’âge.

Toutefois, il s’agit d’une ligne rouge absolue dans le débat politique. Je ne voterai donc pas l’amendement. Aucun pays ayant légalisé l’aide à mourir ne l’a ouverte d’emblée aux mineurs, dont les droits ont été acquis ultérieurement. Je propose de faire de même. Je ne doute pas que nous parviendrons à ouvrir l’aide à mourir aux mineurs.

M. Philippe Juvin (DR). Si nous adoptons le seuil de 16 ans, pourquoi exclure les jeunes de 15 ans et demi ? Si nous incluons ceux de 15 ans, pourquoi exclure ceux de 14 ans et demi ? Nous pouvons jouer longtemps à ce petit jeu. À un moment donné, il faut fixer une limite, même si l’on n’est pas très différent à 18 ans de ce que l’on était à 17 ans et dix mois.

La limite de majorité a le mérite d’exister et d’avoir un sens dans la société. Adoptez celle de 16 ans et on vous dira, non sans raison, qu’un mineur de 15 ans et dix mois a la même structure mentale qu’un mineur de 16 ans.

Ce débat est sans fin. Je propose de conserver la limite de 18 ans. Même Mme Rousseau est d’accord et a rappelé qu’il s’agit d’une ligne rouge dans la société... avant d’annoncer son intention de faire ensuite évoluer le droit : au moins, les choses sont claires.

M. Patrick Hetzel (DR). Indépendamment des particularités propres à chaque individu, il est délicat de demander à un mineur de se prononcer sur le suicide assisté. Outre le fait qu’il s’agit d’une question sensible, l’adolescence est un âge où ce que l’on dit des sujets existentiels peut être l’expression d’un mal-être. Il serait paradoxal de réduire la protection dont les adolescents ont besoin.

Même si rien ne l’interdit juridiquement, lorsqu’un magistrat se prononce sur une demande d’émancipation, il ne le fait pas pour des demandes de cet ordre. Je recommande une prudence extrême. J’entends régulièrement certaines portions de l’hémicycle invoquer le principe de précaution. En l’espèce, il doit plus que jamais prévaloir.

M. Nicolas Turquois (Dem). Plusieurs collègues ont fait allusion à des propos tenus dans l’hémicycle. Nous savons tous que l’hémicycle est propice aux excès. En commission, nous recherchons des équilibres et nous nous enrichissons de notre réflexion commune. Maintenons cette démarche.

Le texte laisse en suspens de nombreuses situations particulières. Tel patient demande l’aide à mourir en pleine conscience, mais a perdu conscience lorsqu’il s’agit de confirmer sa demande. Toutefois, que des questions demeurent non résolues et que cela puisse être injuste n’enlève rien à la nécessité de fixer une limite.

Nous sommes dans la situation bien décrite par le paradoxe mathématique du tas : en retirer un grain n’enlève rien au fait qu’il s’agit d’un tas ; pourtant, si on les retire tous, le tas disparaît. À quel moment passe-t-on de l’être au néant ? La limite de 18 ans offre le meilleur équilibre.

M. Thibault Bazin (DR). Le premier critère, celui de majorité, est indissociable du cinquième, l’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, elle-même inséparable de la responsabilité. De ce point de vue, la distinction entre enfant et adulte est incontournable.

Lors de la révision des lois relatives à la bioéthique, les critères de majorité et de consentement libre et éclairé se sont révélés essentiels en matière de don d’organes. Le critère de majorité permet de protéger les personnes concernées comme leurs proches.

En entendant Mme Rousseau, j’ai l’impression que les inquiétudes que j’ai exprimées au sujet des cinq conditions d’accès à l’aide à mourir n’étaient pas complètement infondées : les critères annoncés servent à amorcer le processus, puis seront assouplis, jusqu’à ce que le tas évoqué par notre collègue Turquois n’en soit plus un.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous n’obtiendrons pas tous gain de cause sur tout : la proposition de loi, si nous arrivons à l’adopter, traduira un équilibre. Sur chaque sujet, chacun doit se demander s’il lui est possible de respecter cet équilibre.

Ainsi, s’agissant des directives anticipées – dont le texte sur les soins palliatifs réaffirme l’importance –, je ne désespère pas qu’elles puissent être prises en compte dans certains cas ; ce sera un premier pas.

Sur le fond, je suis tout à fait d’accord avec l’amendement. Nous devons changer de regard sur les enfants et la souffrance. De nombreux enfants meurent à l’hôpital dans d’atroces souffrances qui sont réfractaires à tout traitement ; or il ne faut refuser à personne ce qui peut être fait pour soulager la douleur, ce qui inclut l’aide à mourir lorsque la médecine échoue à atténuer celle-ci.

Mais la question est de savoir s’il est possible d’obtenir une majorité sur ce texte, avec ou sans ces avancées. C’est pour parvenir à un compromis qui permettra l’adoption du texte, et non pour des raisons de fond, que le groupe Écologiste et Social votera contre ces amendements.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je souhaite que la proposition de loi soit adoptée. Or l’adoption de l’amendement risquerait d’embarrasser de nombreux députés et de les dissuader de voter le texte. L’amendement a été très bien défendu, mais prenons-le comme un amendement d’appel permettant d’ouvrir le débat et soyons prudents au moment de le voter.

Le sous-amendement est retiré.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS257 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). La condition d’âge s’appuie sur le critère de majorité, mais pourrait aussi consister à distinguer adulte et enfant. Or dans les structures spécialisées, notamment les instituts médico-éducatifs, qui accueillent les enfants en situation de handicap, ou pour le versement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), la barrière est à 20 ans. Ne serait‑il pas plus pertinent de rehausser à 20 ans l’âge minimum pour bénéficier de l’aide à mourir ?

Pourquoi retenir l’âge de 18 ans ? Est-ce simplement parce qu’il correspond à l’âge de la majorité ? A-t-il été déterminé en fonction de la cinquième condition, à savoir l’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ? Est-ce pour se conformer à une tradition française en matière bioéthique ?

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’âge légal de la majorité est fixé à 18 ans, c’est un critère administratif.

Faut-il priver tous les jeunes entre 18 et 20 ans de l’exercice de ce droit ? Je ne comprends pas le lien que vous établissez entre le versement de l’AAH à 20 ans et la possibilité de recourir à l’aide à mourir à 18 ans.

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Retenir l’âge de 20 ans est totalement arbitraire et repose sur une justification absurde. Le cerveau des hommes arrive à maturité vers 25 ans, celui des femmes entre 22 et 23 ans. Si le critère est le consentement libre et éclairé, un mineur émancipé a le droit, par exemple, de choisir de subir une intervention chirurgicale, et donc de mettre sa vie en danger. Vous trouverez toujours des exemples qui pourront justifier des amendements farfelus.

La société tout entière s’accorde à dire qu’à 18 ans, on est capable de prendre un appartement, de subir une intervention chirurgicale, de suivre un traitement donné et de voter, donc de choisir ses représentants. Dès lors, on est également capable de prendre des décisions pour soi.

L’amendement est retiré.

Amendement AS681 de Mme Karen Erodi et sous-amendement AS1156 de M. Patrick Hetzel, amendement AS679 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Le mineur émancipé doit bénéficier des mêmes droits – avec les mêmes garde-fous – que le majeur, lorsque le pronostic vital est engagé à court terme et qu’on sait pertinemment que le mineur n’atteindra jamais la majorité.

Penser le cadre de cette proposition de loi, c’est penser chaque cas particulier, chaque angle mort. Or, de fait, c’est pratiquement impossible. Cependant, il serait inhumain de refuser un départ en paix, avant une dégradation certaine, à quelqu’un dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui éprouve une aussi grande souffrance qu’un majeur. Nous défendons une vision humaniste selon laquelle la personne estimant avoir atteint ses limites physiques et psychiques doit pouvoir faire cet ultime choix. Par les amendements AS681 et AS679, nous demandons à graver dans le marbre l’ouverture d’un droit à l’aide à mourir pour toute personne en capacité d’accomplir seule les actes nécessitant la majorité légale.

M. Patrick Hetzel (DR). Mon sous-amendement est d’appel. Nous parlons de l’adolescence, une période de la vie où les opinions et les jugements sont particulièrement fluctuants. Il faut donc être très prudent.

Le critère de la souffrance est très important, mais les critères sont cumulatifs et l’âge en fait partie. On peut le regretter, mais c’est aussi une protection.

Enfin, par Realpolitik, les partisans de ce texte devraient être conscients que l’ouverture de ce droit aux mineurs pourrait entraîner un renversement de l’opinion.

Sur le fond, les amendements de ce type me perturbent beaucoup.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Le débat sur l’âge est infini. Maintenir l’âge de 18 ans pour accéder à l’aide à mourir me semble raisonnable. Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis d’accord avec la rapporteure. Choisir, c’est renoncer. Nous devrons renoncer à un certain nombre de choses dans ce texte.

Accepter de mourir est un processus long qui nécessite de la maturité. Nous devons donc maintenir l’âge de 18 ans, qui est le moins injuste.

Ne cherchons pas à régler des cas particuliers, nous n’y arriverons pas ; le texte final n’aurait plus de sens.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement restreint l’accès à l’aide à mourir au cas exceptionnel de jeunes dont le pronostic vital est engagé à court terme – quelques jours. Donc leur opinion n’aura guère le temps de changer, monsieur Hetzel. Par ailleurs, la position de nombreux adultes peut également fluctuer.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). En vertu de la loi Claeys-Leonetti, les personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui souffrent peuvent bénéficier d’une sédation profonde et continue.

Mme Annie Vidal (EPR). Au fil des débats, mon inquiétude grandit. Lors de l’examen de l’article 2, on a fait preuve de fermeté, refusant toute modification de la définition de l’aide à mourir. Ainsi, au nom de la préservation de l’équilibre, mon amendement qui visait à préciser qu’il s’agissait d’une aide active à mourir – ce qu’elle est, en réalité – a été rejeté. En revanche, à l’article 4, qui fixe deux conditions administratives et trois médicales, le premier critère administratif fait déjà l’objet d’une remise en cause de l’équilibre du texte. Nous aurons du mal à conserver celui-ci.

M. René Pilato (LFI-NFP). Acceptez qu’on construise un rapport de force, qu’on ouvre le débat ; acceptez qu’on prenne la température, qu’on pose des questions, qu’on mesure les réactions ; acceptez qu’on s’enrichisse de vos réponses ; enfin, acceptez qu’on puisse débattre de ces questions, car elles viendront à se poser.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je comprends les questions d’Annie Vidal, mais ce qui fera la force et la qualité de nos débats, c’est qu’il n’y aura eu aucun sujet interdit.

Je suis défavorable tant à l’abaissement de l’âge de 18 à 16 ans qu’aux amendements de suppression de l’article. Cela étant, il est légitime que les collègues qui souhaitent débattre de ces sujets puissent le faire ; j’ai besoin d’entendre leurs arguments. Comme l’an dernier, la qualité de nos échanges permettra de lever les doutes qui subsistent.

Il s’agit d’aboutir au texte le plus consensuel possible. Pour ma part, je n’ai toujours pas réussi à répondre à certaines des interrogations que j’avais l’an dernier. Faisons vivre ce débat qui avance bien.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Ces amendements sont des amendements d’appel : ils visent à ouvrir le débat. Certains ne veulent pas en discuter, ils ne participent pas au débat ; certains ne veulent pas entendre ces discussions, ils ne les écoutent pas ; d’autres veulent échanger sur le sujet, c’est heureux.

Nous portons les voix des personnes que nous avons rencontrées, qui nous ont envoyé des messages, qui nous ont sollicités – des citoyennes et citoyens lambda. Il n’y a rien de honteux à évoquer certains sujets, même si cela ne vous plaît pas, même si vous considérez qu’ils relèvent de l’intime.

Du reste, ce ne sont pas quatre votes en faveur d’un amendement qui feront basculer l’équilibre de la loi. Nous pouvons débattre tranquillement.

M. le président Frédéric Valletoux. Je rappelle que nos débats sont suivis et que leur compte rendu est lu. Débattre de tous les sujets ne me choque pas : ces échanges nourrissent une réflexion générale. Le but est de parvenir sinon à un consensus, du moins à une voie de passage, à un équilibre.

Le sous-amendement est retiré.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS416 de Mme Océane Godard et AS508 de Mme Karine Lebon

Mme Océane Godard (SOC). Nous souhaitons que, comme la Belgique, les Pays‑Bas, la Suisse et le Canada, notre pays ouvre l’accès à l’aide à mourir sans condition de nationalité ou de séjour régulier – non retenue par le Conseil économique, social et environnemental –, car ce droit humain et universel ne saurait être restreint par des critères administratifs ou juridiques. Il faut donc que toutes les personnes vivant en France en bénéficient.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS508 est défendu.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. La Belgique, les Pays-Bas puis, un peu plus tard, le Luxembourg, premiers pays à légiférer sur l’aide active à mourir, ont fait preuve de générosité en ne prévoyant pas de condition de nationalité. La France va finir par être le dernier pays en Europe à légiférer à ce sujet. L’Autriche, l’Espagne et le Portugal l’ont fait récemment – en prévoyant un critère de nationalité et de résidence stable. La Cour constitutionnelle italienne a dépénalisé l’aide à mourir et des initiatives ont été prises au niveau régional, par exemple en Toscane. En Allemagne, la Cour constitutionnelle fédérale l’a également dépénalisée et a enjoint au parlement allemand de légiférer en la matière. Très récemment, la Chambre des communes a adopté, en première lecture, un texte ouvrant le droit à l’aide à mourir.

Je suis défavorable à cet amendement pour deux raisons.

Il ne s’agit pas de refuser l’accès à ce droit aux personnes qui ne sont pas françaises. Simplement, ce critère est important dans la mesure où l’aide à mourir n’est pas un acte isolé, mais s’inscrit dans un processus d’accompagnement d’une certaine durée, au cours duquel le malade nouera une relation avec un médecin ou un infirmier. Nous enverrions un mauvais signal si nous permettions à des personnes d’y recourir après être venues pour une seule consultation.

Par ailleurs, je répugne à utiliser cet argument, mais cet acte étant pris en charge par l’assurance maladie, il n’est pas illégitime de l’assortir d’une condition qui existe pour le versement d’autres prestations.

Ce critère n’est pas discriminatoire, il fixe un cadre nécessaire.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je ne suis pas d’accord. Lorsqu’on est en fin de vie, on a des droits humains. Le sujet n’est pas tant le coût que ferait peser cet acte sur la sécurité sociale que le respect des droits de l’homme, des droits humains fondamentaux. Si on accorde aux Français le droit de ne plus souffrir en recourant à l’aide active à mourir, il faut l’accorder à toute personne qui est sur notre territoire.

La résidence stable implique un séjour régulier. Les étrangers qui sont en situation irrégulière ont des conditions de vie terribles. Si, en plus, on leur refuse un droit fondamental au moment de leur mort, ce n’est pas humain. Je vous invite à faire preuve d’humanité.

M. Nicolas Turquois (Dem). Ce nouveau droit constitue une rupture. Dans quelques années, son application ne fera sans doute plus débat mais, pour l’heure, c’est un sujet sensible.

Si des personnes venaient sur le territoire pour bénéficier de ce droit, cela pourrait donner lieu à des polémiques médiatiques qui seraient préjudiciables à celui-ci – quand bien même il s’agirait sans doute de cas isolés.

Le texte actuel est équilibré.

Mme Anna Pic (SOC). En réalité, si un étranger qui n’a pas de résidence stable et qui se trouve en situation irrégulière demande à accéder à l’aide à mourir, c’est qu’il a été pris en charge à plusieurs reprises, qu’il est suivi et qu’on lui a proposé d’en bénéficier dans le cadre de son parcours médical. Les soins qui lui sont prodigués sont déjà pris en charge par la sécurité sociale.

Cette condition ne correspond pas à la réalité de la demande. Vu que tous les pays voisins de la France ont soit dépénalisé l’aide à mourir, soit légiféré en la matière, il n’existe pas de risque de tourisme médical.

M. Laurent Panifous (LIOT). Il faut conserver ces cinq critères, même si chacun d’entre eux peut nous amener à nous interroger.

Nous travaillons sur ce texte depuis longtemps, nous avançons sur un chemin de crête en vue de trouver un équilibre. Sur chacun des points, nous sommes tiraillés d’un côté ou de l’autre ; les uns souhaitent étendre les dispositions, les autres les restreindre. La plupart d’entre nous font des efforts pour trouver une porte de sortie. Notre préoccupation à tous est que le texte soit voté.

Je suis comme vous, j’ai du mal à dormir après ces réunions. Certains ont voté en faveur de l’accès au droit à l’aide à mourir à 18 ans même s’ils considéraient qu’il aurait pu être ouvert dès l’âge de 17 ans. Quand je vote, je ne pense pas à moi : je pense au texte global et à ce que vous, vous pensez ; je me demande ce que je dois voter afin qu’au bout du compte, le texte soit adopté. Cela ne fait peut-être pas partie du job, je ne suis peut-être pas payé pour cela mais, lors de la discussion de chaque amendement, je fais en sorte que nous puissions sortir par le haut du débat dans le seul but de rendre l’aide à mourir effective.

Je ne vais pas m’arrêter sur chaque alinéa, parce que sur chaque alinéa, je suis déchiré. Au bout du compte, nous devons adopter l’article 4. Et pour cela, nous devons conserver chacun des cinq critères qu’il fixe. Cela ne signifie pas que je ne veux pas que les étrangers ou les mineurs de 16 ou 17 ans accèdent à ce dispositif. Mais ces cinq critères constituent un point d’équilibre.

Je comprends que certaines personnes aient une opinion différente et nous reprochent d’aller beaucoup trop loin. Elles attendent que nous commettions une erreur. En voulant éviter de faire une erreur, j’en commets peut-être une, mais je préfère vous dire les choses comme je les pense, en toute sincérité.

Ces amendements sont excellents car ils suscitent des questionnements. Néanmoins, je ne les voterai pas.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS947 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Je ne comprends pas comment, en pratique, le médecin pourra, dans son cabinet, vérifier que le patient réside de façon stable et régulière en France alors que l’administration elle-même a du mal à le faire. La Cour des comptes a d’ailleurs publié en 2021 un rapport montrant que le taux de fausses déclarations était assez important.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Votre proposition de réserver le bénéfice de l’aide à mourir, qui s’inscrit dans une logique globale d’accompagnement, aux personnes de nationalité française va à l’encontre du principe d’égalité qui régit notre système de soins.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Ma question portait sur la façon dont le médecin pourra, en pratique, valider la condition de résidence stable et régulière en France Il n’est pas outillé pour cela.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous posez une vraie question, mais elle relève du champ réglementaire.

L’amendement est retiré.

Amendements AS395 de Mme Christelle Petex, AS682 de Mme Élise Leboucher et AS511 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). L’amendement AS395 est défendu.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Nous proposons d’assouplir les conditions relatives au critère de résidence en supprimant le caractère cumulatif de la stabilité et de la régularité.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Ce double critère – qui régit de manière générale l’accès à notre système de protection sociale – garantit que l’aide à mourir n’est pas un acte isolé, mais relève d’une prise en charge globale. Il permet que le médecin ou le professionnel qui accompagnera le patient dans sa démarche soit celui qui le suit déjà, de manière à prévenir ce que l’on pourrait appeler un « tourisme de la mort ».

Avis défavorable à cet amendement, ainsi qu’aux deux autres.

M. Yannick Monnet (GDR). Un médecin ne se préoccupe pas de la nationalité de son patient ou du nombre d’années depuis lequel il réside en France. Il le prend en charge et le soigne si c’est nécessaire, y compris en fin de vie.

À l’amendement précédent, on nous proposait de retenir le seul critère de la nationalité ; cela exclurait du bénéfice du dispositif les communautés portugaise et italienne qui vivent en France depuis des dizaines d’années.

Ni le critère de nationalité ni celui de résidence ne sont pertinentes. Cet alinéa ne sert à rien.

Par respect pour les personnes qui ont dû aller en Belgique faute de législation en France, évitez d’employer l’expression « tourisme de la mort ».

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ces termes sont en effet choquants.

Beaucoup de Français sont allés en Suisse ou en Belgique pour bénéficier de l’aide à mourir, que nous tardions à instaurer ; et maintenant que nous le faisons, nous verrouillerions le dispositif pour les autres ?

Je rappelle par ailleurs que, parmi les étrangers présents sur le sol français, certains se sont rendus en France parce qu’ils sont malades et n’ont pas accès aux soins dans leur pays d’origine.

Où est notre humanité ? Honte à ceux qui veulent refuser le bénéfice de l’aide à mourir à des personnes parce qu’elles sont étrangères ! C’est cela, notre fierté et notre identité nationale ?

M. Philippe Juvin (DR). Si j’ai déposé l’amendement supprimant le critère de résidence, c’était pour obtenir une explication, et je l’ai retiré dès que celle-ci m’a été donnée.

L’expression « tourisme de la mort », que vous trouvez honteuse, décrit une réalité que vous ne pouvez nier ; d’ailleurs, vous dites vous-mêmes que des Français se sont rendus en Belgique et en Suisse pour « bénéficier » de l’aide à mourir – c’est un de vos arguments pour justifier la nécessité de légiférer sur celle-ci. Et si elle est légalisée sans condition de nationalité ni de résidence, cela attirera symétriquement des gens en France. Ce n’est pas moi qui ai parlé de tourisme et je ne dis pas que c’est bien ou que c’est mal ; simplement, cela existe.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je suis moi aussi choquée d’entendre parler de « tourisme de la mort ».

Les ressortissants français qui sont partis à l’étranger pour recourir à l’assistance à mourir dans la dignité ne sont pas des touristes de la mort. De la même manière, les femmes qui viennent en France pour recourir à une interruption volontaire de grossesse (IVG) parce qu’elles ne peuvent plus le faire dans leur pays ne sont pas des touristes de l’IVG.

De nombreux étrangers viennent en France pour bénéficier de soins qui ne sont pas disponibles chez eux. Ce n’est pas absurde de leur offrir une solution lorsque les choses tournent mal. Sinon, dans quelle position se trouverait le médecin qui les accompagne et qui devrait leur dire de rentrer chez eux pour mourir ?

J’ajoute que les Français qui se sont rendus en Belgique ont été pris en charge par la sécurité sociale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il y a eu un malentendu sur ce qu’a dit Mme Liso, qui, comme moi, récuse totalement l’idée d’un « tourisme de la mort ». Il faut parfois éviter d’utiliser le vocabulaire de ses adversaires. Ce que Mme Liso a voulu dire, c’est que nous devions préserver l’équilibre du texte pour ne pas être accusés de favoriser ce que certains pensent être un tourisme de la mort.

« Tourisme de la mort » est une expression abominable. Personne ne fait de tourisme pour mourir. On peut parler de double peine – non seulement être en fin de vie, mais ne pas pouvoir mourir chez soi – ou d’exil. On voit parfois cette expression dans les médias ou dans les réseaux sociaux, mais elle n’a été employée par aucun de nos collègues opposés au texte, qui ont invoqué des arguments philosophiques ou éthiques. Tout ce que nous disons, c’est qu’il faut un cadre pour une décision aussi importante.

Madame Rousseau, je peux comprendre votre réaction : nous sommes tous écartelés, nous nous interrogeons tous sur le bon équilibre, comme l’a dit M. Panifous – moi non plus, je ne trouve pas forcément le sommeil après de telles discussions. Mais ne dites pas que ceux qui souhaitent réserver l’aide à mourir aux majeurs ou aux personnes de nationalité française manquent d’humanité. Si nous n’avions pas d’humanité, nous ne serions pas là et, vous comme moi, nous ne nous battrions pas pour l’aide à mourir depuis si longtemps. Cela étant, comme législateur, nous essayons de trouver une voie, qui n’est pas toujours idéale – sans vouloir paraphraser Jaurès, il s’agit de chercher l’idéal en se fondant sur le réel.

M. Jérôme Guedj (SOC). J’apprécie les paroles du rapporteur général et je comprends le contexte dans lequel le terme a été utilisé, mais, même à des fins pédagogiques, nous devons veiller à ne pas banaliser ce genre de termes dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, pour préserver la qualité de nos débats et éviter que de tels propos ne soient cités de manière isolée. Ce terme s’est développé dans le langage commun car un tourisme médical, notamment procréatif, existe.

Sur le fond, nous sommes opposés à l’amendement AS395, car l’équilibre du texte demande de ne pas le durcir sur ce point.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS885 de Mme Danielle Simonnet et AS415 de Mme Océane Godard (discussion commune)

Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’espère bien que personne ici n’envisage de soumettre l’aide à mourir à une préférence nationale ou à un contrôle des papiers. Imaginez : une personne atteinte d’une maladie incurable et subissant des douleurs réfractaires à tout traitement n’en peut plus, veut en finir, mais on lui répond « non, vous n’avez pas les papiers, vous n’êtes pas en situation régulière ». Ce serait horrible.

Cela étant, comme l’a dit le rapporteur général, on ne peut pas arriver tout à coup quelque part et y demander l’aide à mourir. Je ne crois d’ailleurs pas une seconde que les Français s’étant rendus en Belgique ou en Suisse l’aient fait sur un coup de tête, en consommateurs : le cheminement qui les a conduits à choisir l’exil a dû être très difficile, et ils ont été accompagnés par des médecins et des associations.

Afin de concilier entre l’exigence d’humanité et le fait que la démarche relève d’un processus et est accompagnée, je propose d’instaurer un critère de suivi régulier par un professionnel de santé en France.

À ce stade, l’amendement exclut l’acte de la prise en charge par la sécurité sociale, mais j’estime que celle-ci devrait le rembourser. Les sommes sont dérisoires et c’est une question d’humanité. Soyons le pays de la liberté, de l’égalité et de la fraternité aussi devant la mort, sans regarder les papiers.

Mme Océane Godard (SOC). Être suivi régulièrement par un professionnel de santé en France garantit que l’aide à mourir n’est pas un acte isolé, mais fait l’objet d’un accompagnement, conformément au point de vue du rapporteur général. Nous proposons ce critère au nom de l’égalité d’accès aux droits fondamentaux.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il est très difficile de prendre des décisions quand on parle de la vie et de la mort et je comprends votre émotion et vos arguments. Toutefois, je ne souhaite pas que ce critère soit modifié. J’en ai déjà exprimé les raisons.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS705 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Considérant ma position sur ce texte, cet amendement est, encore une fois, un repli dans le repli. Il s’agit de retenir le critère de « phase terminale » plutôt que celui de « phase avancée », qui est flou et conduit à élargir démesurément l’accès au dispositif. Les auditions ont montré que les médecins n’arrivent pas à déterminer ce que cela signifie concrètement.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’amendement introduit une notion, celle de « futur prévisible », qui n’est vraiment pas adaptée. En fait, vous voulez revenir au critère du court terme, défini par la HAS en 2018, après deux ans de réflexion, comme un délai de « quelques heures à quelques jours ».

Avis très défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). J’aimerais revenir au critère du court terme, mais ce n’est pas ce que propose l’amendement. En effet, « un pronostic vital engagé dans un futur prévisible » peut concerner un cas comme celui que j’ai déjà cité, celui d’un cancer du sein avec des métastases dans les os, dont on peut statistiquement prévoir qu’il permet une survie de cinq ans. La notion de futur prévisible n’encadre donc rien et cet amendement ne doit pas être adopté.

M. Christophe Bentz (RN). La notion de futur prévisible doit s’entendre pour un patient en phase terminale. Il ne vous aura pas échappé que je suis opposé à ce texte : chacun de mes amendements vise à en restreindre au maximum la portée.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis d’accord avec M. Juvin. À force de repli, vous risquez le retournement complet ! L’expression « futur prévisible », qui peut concerner plusieurs années, ne correspond pas à votre intention.

M. Thibault Bazin (DR). Il y a un vrai problème de méthode. Sur cet alinéa, qui a évolué par rapport à la rédaction du projet de loi l’an dernier, on attend l’avis de la HAS. On nous dit qu’il sera rendu avant l’examen en séance, alors que l’interprétation qu’il donnera pourrait remettre en cause le sens de nos débats et de nos votes en commission. La HAS a été saisie il y a plus d’un an ; la responsabilité du rapporteur n’est donc pas en cause. Ce problème se posera également pour le mode d’administration de la substance létale.

M. le président Frédéric Valletoux. Pour avoir rencontré récemment le président de la HAS, je sais que celle-ci fait tout pour se caler sur notre calendrier, mais il n’est pas certain que nous recevions ses recommandations avant la première lecture. Nous les aurons certainement au cours de la navette.

M. Thibault Bazin (DR). En tant que référent de notre commission pour la HAS, je confirme que la ministre a demandé à celle-ci de remettre son avis le plus tôt possible, de préférence fin avril. La HAS va s’efforcer de le faire, mais doit suivre un processus incompressible de consultation d’experts et de validation dont le déroulement normal nous amènerait en juin.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’année dernière, j’avais exprimé mon trouble dans l’hémicycle concernant l’introduction de la formule « en phase avancée ou terminale ». Je ne sais pas ce que cette expression signifie, ni même ce qu’elle ajoute à la notion de « pronostic vital engagé à court ou moyen terme ».

Ce n’est pas une bonne manière de légiférer que de le faire sans visibilité. La seule vertu que j’avais trouvée à la dissolution, c’est qu’elle nous laisserait le temps d’obtenir l’éclairage de la HAS. La note de cadrage du 12 décembre 2024 prévoit pour juillet 2025 une validation par le collège de la HAS que Mme la ministre espère avoir pour la séance. En attendant, je reste dans l’expectative, même si j’ai confiance en notre travail.

J’ose toutefois espérer que nous pourrons établir une définition du pronostic vital à moyen terme et de la phase avancée ou terminale, sinon par pathologie, du moins par situation susceptible d’ouvrir le recours à l’aide à mourir. Ou alors, il faut que le législateur laisse au corps médical le soin de définir ces éléments, ce qui ne serait pas pour me déplaire, à condition que la collégialité soit garantie.

M. Patrick Hetzel (DR). Les débats de l’année dernière ont été importants. Le texte issu du Conseil des ministres du 10 avril 2024 parlait d’une « affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme ». Nous avions constaté que la notion de moyen terme était difficile à définir. C’est pourquoi la commission avait changé la rédaction en « affection grave et incurable en phase avancée ou terminale », contre l’avis du Gouvernement, qui trouvait cette formulation trop floue.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ce changement a été confirmé deux fois par un vote à l’Assemblée nationale.

M. Patrick Hetzel (DR). Certes, mais le Gouvernement avait amené ces éléments dans le débat. C’est ce qui nous rend extrêmement prudents.

Mme Annie Vidal (EPR). L’année dernière, c’est l’expression « à court ou moyen terme » qui posait problème. Cette année, avec l’expression « en phase avancée ou terminale », nous sommes amenés à légiférer sur un point tout aussi flou, sur lequel personne n’a été en mesure de nous éclairer lors des auditions. Il me semble particulièrement difficile d’apprécier la portée de cette expression dans le cas des pathologies chroniques, lesquelles sont graves et incurables et finissent par atteindre une phase avancée, mais dont on est incapable d’estimer le « futur prévisible ». Finalement, on ne sait pas quelles personnes correspondront aux critères d’éligibilité. C’est pourtant le cœur du texte.

M. René Pilato (LFI-NFP). De mémoire, l’expression « à court ou moyen terme » avait été refusée en raison de son imprécision. L’appellation « en phase avancée ou terminale », elle, se trouve dans le code général de la fonction publique, dans le code du travail et dans le code de la santé publique et elle est d’usage depuis 2005 dans de nombreux documents. Cela n’empêche pas qu’elle soit imprécise. Je pense que nous ne parviendrons pas à la définir. Néanmoins, étant donné le cumul de critères – nationalité, âge, pronostic vital engagé, souffrances réfractaires, maladie incurable –, j’estime que nous pouvons faire confiance à l’équipe médicale pour déterminer collégialement quand le moment est venu d’abréger les souffrances de la personne.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Il existe des définitions de la phase terminale : « la phase tout ultime de l’évolution des pathologies où l’ensemble des moyens mis en œuvre par la médecine vise le confort et non la survie. Cette phase terminale comprend la préagonie, l’agonie, la mort cérébrale puis la mort », ou encore « lorsque vous avez épuisé tous les traitements et que le médecin estime qu’il ne vous reste que très peu de temps à vivre ». Une personne atteinte d’un cancer n’envisage pas l’aide à mourir au moment de la chimiothérapie, mais après avoir essayé tous les traitements possibles et à condition de cumuler les autres critères.

M. Philippe Juvin (DR). Pardon d’insister, mais l’insuffisance rénale en phase terminale, c’est-à-dire dialysée, concerne 100 000 personnes qui peuvent vivre des années, comme on peut vivre cinq ans avec un cancer du sein métastasé en phase avancée. Ces deux exemples montrent que ni « phase avancée » ni « phase terminale » ne sont des expressions pertinentes. Le collège de médecins auquel M. Guedj propose de s’en remettre ne peut que répondre aux questions qu’on lui pose. Avons-nous un objectif de délai ? Tant que nous ne répondrons pas à cette question, ils ne pourront pas faire de réponse.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il faut se garder d’entretenir un faux flou. Nous abordons un point important qui a été tranché à deux reprises avant la dissolution, d’abord en commission spéciale, contre l’avis du Gouvernement de l’époque, puis par un vote en séance publique. Le président de l’Académie nationale de médecine, lorsque nous l’avons auditionné, a dit que la définition de ce critère nous plaçait face à une alternative.

D’un côté, on peut choisir l’évaluation du temps qu’il reste à vivre, c’est-à-dire la notion de pronostic vital engagé à court ou moyen terme. Avec tout le respect que j’ai pour la HAS, ce n’est pas à elle de légiférer. Alain Claeys et Jean Leonetti ont inscrit dans leur loi la notion de court terme alors qu’elle n’était pas définie par la HAS ; ils ont ensuite confié à cette autorité la mission de la clarifier. Cependant, un médecin n’est pas devin : l’évaluation du futur prévisible, c’est-à-dire du temps qu’il reste à vivre, est rejetée par tous les professionnels de santé car elle est impossible au-delà de quelques heures ou de quelques jours. La question du délai a été tranchée de l’autre côté de l’Atlantique : dans l’Oregon, on a décidé que le moyen terme, c’était six mois, et cela passera bientôt à douze ; d’autres sont revenus sur cette notion en considérant qu’elle n’était pas opérante. Le président de l’Académie de médecine ne la juge pas pertinente.

De l’autre côté, on peut choisir de retenir l’évaluation de l’état clinique, autrement dit la notion de phase avancée ou terminale. Je suis stupéfait d’entendre dire qu’elle tombe du ciel alors que la loi Leonetti de 2005, dont j’entends dire depuis des mois qu’elle est un trésor national – et je ne suis pas de ceux qui disent qu’elle est mauvaise –, mentionne, à l’article 2, la « phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable ». Cette notion a été reprise à l’article 10 de la loi Claeys-Leonetti de 2016. Mieux encore, une note méthodologique de la HAS de décembre 2016 sur la démarche palliative indique que celle-ci s’adresse aux patients atteints d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale. Enfin, le document envoyé par le ministère de la santé à tous les professionnels de santé en 2023 pour clarifier la notion d’aide à mourir indiquait que celle-ci concernerait les personnes atteintes d’une « affection grave et incurable en phase avancée ou terminale engageant le pronostic vital ». Ces quatre documents emploient la notion de phase avancée ou terminale. Certes, il n’existe pas de grilles médicales indiquant un nombre précis de jours ou de métastases, mais il serait exagéré de parler de flou. Nous n’avons pas non plus besoin d’une définition du moyen terme ; ce serait tout au plus un délai fixé à six, douze ou vingt-quatre mois, alors qu’aucun médecin ne peut dire si une personne en a pour quatre ou pour neuf mois. On ne peut pas raisonner à partir de statistiques.

Le législateur n’a pas à repousser sa décision sous prétexte qu’il veut s’en remettre à l’acception qui sera choisie par la HAS. L’année dernière, nous avons fait preuve de sérieux et de responsabilité en reprenant les termes qu’elle avait utilisés dans sa note de 2016. Faisons le choix de l’évaluation de l’état clinique plutôt que de l’évaluation du temps qu’il reste à vivre. Il me semble que c’est le meilleur critère possible.

Mme Annie Vidal (EPR). Si je visualise ce que représente la « phase avancée ou terminale engageant le pronostic vital à court terme », je n’arrive pas à comprendre qui correspond à la rédaction retenue pour l’alinéa 7. Je suis inquiète pour toutes les personnes atteintes de pathologies chroniques : une personne souffrant d’insuffisance cardiaque, rénale ou respiratoire ou d’un diabète de type 4, dont la qualité de vie est diminuée, la durée de vie incertaine et les souffrances aléatoires, sera-t-elle éligible à l’aide à mourir ? Les personnes que nous avons interrogées sur ce point n’ont pas su nous répondre. Je suis prête à faire confiance aux équipes médicales, mais je suis gênée que le législateur, en adoptant un critère dont il ne perçoit pas le périmètre, se défausse sur la collégialité.

M. Philippe Juvin (DR). J’ai donné deux exemples de maladies en phase avancée ou terminale qui permettent de vivre cinq ans. Si certains veulent ouvrir le droit à l’aide à mourir jusqu’à cinq ans avant le décès, il faut le dire ! Dans le cas contraire, il me semble que la solution serait de retenir uniquement la notion de court terme – entre trois mois et un an –, auquel cas il reviendra aux autorités de santé de donner des indications en fonction de chaque maladie. Certes, les médecins ne peuvent pas connaître exactement la date de la mort ; cependant, les patients qui commencent une chimiothérapie demandent toujours pour combien de temps ils en ont, et nous leur faisons une réponse statistique concernant leurs chances de survie, évidemment imparfaite au niveau individuel.

M. René Pilato (LFI-NFP). On oublie que les critères sont cumulatifs. Quatre ans, trois ans, trois mois, cela importe peu au regard des trois autres critères que sont la maladie incurable, un pronostic vital engagé et, surtout, des souffrances réfractaires insupportables. Certaines personnes pourront supporter les souffrances pendant trois mois, un an ou deux avant de dire stop, tandis que d’autres les supporteront jusqu’au bout et demanderont des soins palliatifs, puis la sédation profonde et continue. Tous les individus sont différents. Acceptons l’incertitude. Les médecins sauront dire si la personne répond à ces trois critères ; à partir de là, le délai n’existe plus.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Comme vous l’avez dit, monsieur Juvin, c’est une autre philosophie. Il ne s’agit plus d’attendre les tout derniers jours, mais de donner aux personnes la possibilité de choisir leur fin de vie à partir du moment où l’on est certain que leur capacité à vivre est définitivement compromise, sans retour possible. Personnellement, j’y suis favorable. Il faut le dire en ces termes pour que chacun fasse son choix en conscience. Je sais que nous ne serons jamais d’accord.

M. Yannick Monnet (GDR). La formulation de l’alinéa 7 me paraît bonne. Indépendamment de l’aide à mourir, je n’arrive pas à comprendre ce qui vous gêne : concerne-t-il trop ou trop peu de personnes ? Si la rédaction était trop restrictive, cela poserait un problème, mais si elle est trop large, je rappelle que l’aide à mourir ne sera accordée qu’aux personnes qui en feront la demande. Elle n’est pas automatique.

Mme Anna Pic (SOC). La recherche d’une définition du moyen terme n’a aucun sens dans la mesure où les critères sont cumulatifs. Il ne s’agit pas de proposer l’aide à mourir à tous les malades ! Rien ne serait plus absurde que d’imposer un délai à un patient atteint d’une maladie grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé et qui éprouve des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires, en lui refusant l’aide à mourir au motif que son espérance de vie est de six mois et trois semaines. Un patient est avant tout un être humain. Tout le monde ne réagit pas de la même façon à la souffrance. La question est de savoir quand il faut accéder à sa demande. Les critères constituent une grille d’analyse. Elle est moins précise qu’une équation mathématique, mais l’être humain n’est pas une équation.

M. Patrick Hetzel (DR). Contrairement à vous, nous considérons que le délai a un sens, car, selon le délai retenu, le nombre de personnes susceptibles d’être concernées n’est pas du tout le même. Lorsque nous avons entamé le débat, on disait que l’aide à mourir concernerait un nombre très limité de personnes, dans un délai court avant la mort ; il a été fait référence plusieurs fois à un certain type de pathologie. Si la question même du délai disparaît, on change l’esprit dans lequel le texte a été porté sur les fonts baptismaux. Ce n’est pas ce qu’avait annoncé le Gouvernement, ni ce que nous avions entendu ces derniers temps. Si l’on ne fixe pas une borne, comment fera le corps médical ?

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le sujet n’est pas là. Vous vous rabattez sur la question du délai, car vous refusez qu’une substance létale soit injectée aux personnes.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Dans la réalité, on n’admet pas n’importe qui en unité de soins palliatifs : ce sont des patients en phase avancée ou terminale d’une maladie qui engage leur pronostic vital. Les autres patients vont dans une unité d’hospitalisation normale.

Il est impossible de fixer un délai. Avec les évolutions scientifiques, l’espérance de vie des personnes atteintes d’une maladie incurable a été prolongée. Il y a quelques années, on était assuré de mourir en six mois d’un cancer du pancréas ; ce n’est plus le cas. De même, deux patients atteints de la même pathologie en stade avancé et dont la mort semble imminente pourraient encore survivre trois ou six mois.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je suis entièrement d’accord avec Mme Dubré‑Chirat. Le parcours de soins d’une personne qui demanderait l’aide à mourir passe d’abord par l’espoir d’être guéri, par des traitements et par de premières souffrances dues au traitement ou à la maladie elle-même, jusqu’à l’arrivée en soins palliatifs. Là, il vient un moment où le patient dit : « Je n’en peux plus. Je ne veux pas continuer dans une voie qui me fera souffrir davantage et où je ne me reconnaîtrai plus. J’aimerais que l’on évoque d’autres solutions. Que pouvez-vous me proposer ? » L’important, ce n’est pas le délai que nous fixons, mais celui que fixe le patient, quelle qu’en soit la raison, physique ou psychique. Ce n’est pas à nous de fixer un nombre de jours, de semaines ou de mois. Nous ne sommes pas juges de la douleur des gens. Ils sont capables de se prononcer. Les médecins, eux aussi, sont capables de déterminer le moment juste.

M. Thibault Bazin (DR). Dans notre débat se joue l’intention du législateur, c’est‑à‑dire l’esprit de la loi. On nous avait annoncé que ce texte offrirait un ultime recours à quelques cas rares. Il semble finalement que le critère majeur, aux dires de certains orateurs, soit celui de la souffrance psychologique réfractaire éprouvée en phase avancée ou terminale d’une maladie grave et incurable, sachant qu’il est possible de vivre jusqu’à cinq ans avec certaines maladies. La loi Claeys-Leonetti parlait de pronostic vital engagé à court terme. Si nous acceptons la notion de moyen terme, le texte ne concernera plus seulement quelques rares cas et il ne portera plus sur la fin de vie. Dans ce cas, il est nécessaire de le clarifier. L’absence de délai figurant dans la loi ne peut pas être involontaire ; si l’approche est large, il faut l’assumer.

M. Laurent Panifous (LIOT). Il me semble que le temps ne doit pas être compté en jours ou en mois qu’il reste à vivre, mais en jours ou en mois qu’il reste à vivre avec une certaine qualité de vie. Ce temps ne peut pas être évalué de manière précise. En revanche, je suis d’accord avec M. Hetzel pour dire qu’il faut fixer des bornes. Pour moi, les deux bornes devraient être l’état de santé de la personne et son état de souffrance insupportable.

M. le président Frédéric Valletoux. Il était nécessaire de laisser prospérer le débat sur l’alinéa 7, qui est un alinéa sensible, et sur les critères d’éligibilité à l’aide à mourir de manière générale.

Nous nous retrouverons après la suspension des travaux pour débattre des autres amendements.

La commission rejette l’amendement.

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4.   Réunion du lundi 28 avril 2025 à 14 heures (article 4 [suite])

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([239]).

M. le président Frédéric Valletoux. Nous avons examiné 142 amendements, en huit heures et quarante minutes. À ce rythme, il nous faudra cinquante-trois heures de réunion pour discuter les 872 amendements restants. Nous disposons de vingt-cinq heures avant mercredi à minuit et de douze heures vendredi. Une solution consiste à poursuivre nos réunions la nuit. Je vous propose de limiter dès maintenant le temps d’intervention à 1 minute.

Article 4 (suite) : Définition de l’aide à mourir et des conditions d’accès à celle-ci

Amendement AS795 de Mme Marie-France Lorho, amendement AS663 de Mme Angélique Ranc (discussion commune)

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS795 est défendu.

Mme Angélique Ranc (RN). Mon amendement vise à préciser qu’il faut être atteint d’une affection physique pour accéder à l’aide à mourir, afin d’exclure explicitement les troubles psychiatriques. L’incurabilité et le caractère réfractaire de la souffrance sont des critères subjectifs ; le flou qui en résulte pourrait rendre éligibles les patients concernés. Aux Pays‑Bas et en Belgique, les lois relatives à l’euthanasie ont ainsi évolué jusqu’à inclure des personnes souffrant de troubles psychiatriques. Or celles-ci sont très vulnérables : leur état peut altérer leur capacité à exprimer un consentement libre et éclairé. Pour prévenir toute dérive éthique, la rédaction doit clairement limiter l’euthanasie aux affections ou pathologies physiques.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cela déséquilibrerait l’article – nous en parlerons plus longuement lors de l’examen de l’alinéa 8.

Je vous propose de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement AS795 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS663.

Amendements AS155 de M. Patrick Hetzel, amendements identiques AS42 de M. Patrick Hetzel et AS246 de Mme Justine Gruet, amendement AS126 de Mme Justine Gruet, amendements identiques AS418 de Mme Océane Godard et AS581 de Mme Julie Laernoes, amendements identiques AS417 de Mme Océane Godard, AS419 de Mme Christine Pirès Beaune et AS683 de M. René Pilato (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). Mes amendements visent à limiter le dispositif aux personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme ; le premier amendement renvoie à la définition de la Haute Autorité de santé (HAS). Selon cette dernière, la littérature scientifique a démontré qu’il n’existait pas de consensus médical sur la définition du pronostic vital engagé à moyen terme, ni sur la notion de phase avancée. Seul un pronostic vital engagé à court terme est certain. Le législateur ne peut laisser subsister d’ambiguïté.

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement AS418 tend à supprimer la condition du pronostic vital engagé afin que toutes les personnes qui souffrent en raison d’une maladie grave et incurable aient le droit de choisir une fin de vie digne, même si leur pronostic vital n’est pas immédiatement menacé. Ainsi, certaines maladies, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou la sclérose en plaques, provoquent des douleurs insupportables ; il est essentiel de ne pas les ignorer. C’est la souffrance qui doit fonder nos décisions.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Identique, l’amendement AS581, élaboré avec l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), tend à substituer les mots « quelle qu’en soit la cause » aux mots « qui engage le pronostic vital ». Le patient peut vouloir recourir à l’aide à mourir même si l’affection est d’origine accidentelle.

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement AS419 est défendu

M. René Pilato (LFI-NFP). Avec mon amendement, nous proposons une rédaction équilibrée, qui conserverait le critère du pronostic vital engagé mais qui préciserait que le patient doit être atteint d’une affection grave et incurable, « quelle qu’en soit la cause ».

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous n’avons pas créé ex nihilo la notion de « phase avancée ou terminale » : l’article L. 1111-12 du code de la santé publique y fait référence ; en la reprenant, nous assurons une cohérence juridique et nous évitons de multiplier les notions, donc de créer du flou. J’émets un avis défavorable aux amendements tendant à supprimer le terme.

La rédaction, issue de l’examen en séance du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, permettra à des personnes atteintes d’une affection évoluant lentement, comme certaines maladies neurodégénératives – je pense évidemment à la SLA ou maladie de Charcot –, d’accéder à l’aide à mourir. L’Association de recherche sur la SLA, avait considéré que la formulation du projet de loi initial, « une affection grave et incurable engageant [le] pronostic vital à court ou moyen terme », risquait d’empêcher les patients souffrant de la maladie de Charcot d’être éligibles, car la notion de « moyen terme » est inopérante. En effet, un pronostic à moyen terme serait non une évaluation, mais une prédiction ; or les médecins ne sont pas devins. Lors des auditions, les professionnels de santé ont confirmé cette incapacité. Je propose donc de conserver les mots « en phase avancée ou terminale ».

Certains amendements visent à revenir à la condition d’un pronostic engagé « à court terme » ; j’y suis défavorable. Alain Claeys a estimé qu’autant vaudrait en rester à la loi du 2 février 2016. Il est vrai que c’est justement ce que voudraient les auteurs de ces amendements, ainsi que les collègues du groupe Rassemblement National – ils sont cohérents.

Plusieurs amendements tendent à préciser que l’affection doit être considérée « quelle qu’en soit la cause ». Le terme « affection » a été choisi pour sa signification globale : il offre une solution à la majorité des situations qui en sont dépourvues. Il est déjà employé dans le code de la santé publique et dans les lois Leonetti et Claeys-Leonetti.

Il est légitime que nous discutions de tous les sujets relatifs à la fin de vie ; c’est même notre devoir. Voilà pourquoi j’avais considéré normal de nous interroger sur les conditions de majorité et de nationalité, même si j’étais opposé à leur suppression. Simplement, l’équilibre du texte est la condition de sa solidité. Ceux qui défendent les amendements tendant à ajouter « quelle qu’en soit la cause » sont comme moi convaincus qu’il faut que ce texte soit adopté ; or cela nécessite de préserver l’équilibre de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale l’an dernier. Pour toutes ces raisons, je suis attaché à conserver l’impératif du pronostic vital engagé. Il rassure ceux qui ont des doutes ou des craintes – toute crainte est légitime.

Je vous demande de retirer ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ajouter « à court terme » serait un retour en arrière, en deçà même de la version initiale du projet de loi examiné l’an dernier, laquelle parlait aussi de moyen terme. Un pronostic vital engagé à court terme l’est à quelques jours : c’est une manière de ne pas donner le droit d’avoir une aide à mourir ; aussi nous opposons-nous aux amendements concernés.

À l’inverse, en ajoutant « quelle qu’en soit la cause », on s’assurera que le plus grand nombre possible de personnes dont le pronostic vital est engagé y auront accès. Sans être fondamentale, cette modification garantira l’instruction des demandes.

M. Christophe Bentz (RN). Nous soutenons les amendements de notre collègue Hetzel.

Pour déterminer les conditions d’accès, il faut s’interroger sur la pertinence et sur la solidité des garde-fous. Vous avez raison, monsieur le rapporteur, nous voulons en rester à la loi de 2016 ; par repli, nous soutenons le maintien du pronostic vital engagé à court terme. Mais nous ne sommes pas dupes : nous savons qu’à terme, ce texte permettra toutes les dérives. À notre sens, il n’est pas équilibré. L’expérience de nos voisins européens l’a montré : tôt ou tard, les garde-fous des critères d’accès sauteront.

M. Patrick Hetzel (DR). Monsieur le rapporteur, vous avez cité M. Claeys ; permettez-moi de citer M. Leonetti. Pour lui, avant de légiférer à nouveau sur le sujet, il faudrait que la loi qui porte leurs noms soit pleinement appliquée, ce qui n’est pas le cas – vous le savez.

S’agissant du critère « en phase avancée ou terminale », vous renvoyez au code de la santé publique, mais le contexte y est très différent. Il y est question de traitements analgésiques ou sédatifs, et vous voulez transférer le concept à l’euthanasie : le parallélisme est douteux.

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit de savoir qui sera éligible à l’administration d’une substance létale. Le dispositif pourra-t-il concerner des personnes qui ne sont pas en fin de vie ? En écrivant « en phase avancée ou terminale », nous risquons d’étendre le périmètre bien au-delà des cas qu’on nous fait valoir. Sandrine Rousseau a clairement dit qu’il fallait admettre « le plus grand nombre de personnes possible ». Telle est bien l’intention des auteurs des amendements visant à préciser « quelle qu’en soit la cause ». Posons la question autrement : si nous rejetons ces amendements, quels éléments entraîneraient l’inéligibilité ?

La loi Claeys-Leonetti autorise la sédation profonde et continue jusqu’au décès. L’intention est de soulager la souffrance, non de provoquer ou d’accélérer la mort. Même en précisant que le pronostic vital doit être engagé « à court terme », on n’en resterait pas au droit en vigueur : la différence est fondamentale.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je le répète : nous voulons écrire que le pronostic vital doit être engagé. Toutefois, le terme « affection » pourrait limiter l’accès aux patients atteints de pathologies. Il y aura des cas de personnes dont le pronostic vital est engagé et les souffrances réfractaires en raison de causes accidentelles ; il serait dommage qu’elles ne puissent bénéficier de l’aide à mourir.

Mme Annie Vidal (EPR). Comme vous, monsieur le rapporteur général, je pense que l’équilibre de la proposition de loi est primordial, mais il a déjà été fragilisé. Le texte initial prévoyait une auto‑administration, avec la possibilité qu’un tiers procède à l’administration par exception ; nous en sommes à l’administration par un tiers à la demande du patient, quelle que soit la cause. L’esprit du texte n’est plus le même.

M. Jérôme Guedj (SOC). Je suis d’accord avec Olivier Falorni sur l’importance de ne pas réintroduire la notion de court terme.

Il ne faut pas substituer « quelle qu’en soit la cause » à « qui engage le pronostic vital » : ce dernier terme doit apparaître. En revanche, je suis favorable à ajouter « quelle qu’en soit la cause », pour lever une possible ambiguïté.

M. Philippe Juvin (DR). Vous voulez écrire que le pronostic vital est engagé, mais cela ne veut rien dire : il faut savoir dans quel délai. Un patient qui souffre d’une affection cancéreuse peut avoir un pronostic engagé à cinq ans ; sera-t-il éligible ? Faute de prévoir un délai, toutes les personnes atteintes d’une pathologie chronique, d’une affection de longue durée, pourraient être éligibles.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Monsieur Juvin, une telle prédiction n’a pas de sens. « Il existe des pronostics statistiques en fonction des maladies mais, sur le plan individuel, ces pourcentages ne veulent rien dire. Aucun médecin ne peut s’avancer sur un pronostic vital à six ou douze mois », disiez-vous vous-même dans Le Figaro il y a un an. Lors de l’examen du projet de loi en séance, vous aviez clairement exprimé votre position et voté contre la mention du moyen terme, ce qui était tout à fait cohérent. Je ne comprends pas que vous en reveniez aux pronostics statistiques. Tous les professionnels de santé que nous avons auditionnés l’ont dit, il est impossible d’évaluer à combien de temps un pronostic vital est engagé, sauf si c’est à court terme. Je suis défavorable à un retour au court terme, qui reviendrait à conserver la sédation profonde et continue de la loi Claeys-Leonetti : elle n’est pas adaptée à toutes les situations, comme le souligne le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) – mon argumentaire est le même que celui de Régis Aubry et d’Alain Claeys, rapporteurs de l’avis du CCNE.

J’ai redit l’importance que j’accordais à la notion de pronostic vital engagé. Je considère que tout amendement qui la mettrait en cause porterait atteinte à l’équilibre du texte et le fragiliserait.

En revanche, madame Vidal, je ne vois pas en quoi les dispositions que la commission a adoptées ont porté atteinte à l’équilibre de la proposition de loi – dans un premier temps, nos collègues n’ont d’ailleurs pas dit cela, et puis, peu après, leur discours a changé...

Si l’on avait retenu uniquement l’auto‑administration, comme cela avait été envisagé avant le dépôt du texte initial, on aurait remis en cause l’équilibre général tout en créant une profonde injustice dans la mesure où un malade n’aurait pas pu demander que la substance létale lui soit administrée par un professionnel de santé volontaire. Nous avons en effet supprimé, je le rappelle, la possibilité de recourir à une personne non soignante – vous ne m’avez d’ailleurs pas dit que cette modification remettait en cause l’équilibre du texte.

Une ouverture considérable des critères d’accès aurait pu porter atteinte à l’équilibre de la proposition de loi. Je m’en étais remis à la sagesse de la commission sur les amendements qui visaient à offrir le choix au malade entre l’auto‑administration de la substance létale et son administration par un médecin ou un infirmier. La formulation originelle, qui prévoyait qu’un malade pouvait demander qu’on lui administre la substance en cas d’incapacité physique – ce qui pouvait être invoqué en dehors des cas de paralysie –, était ambiguë. Le malade peut désormais librement demander que la substance lui soit administrée par un médecin ou un infirmier n’ayant pas fait valoir sa clause de conscience. En tout état de cause, ce dernier aurait été à ses côtés même en cas d’auto‑administration ; cette disposition ne remet donc nullement en cause l’équilibre du texte.

Mme Océane Godard (SOC). Pour préserver l’équilibre du texte, nous retirons l’amendement AS418. Nous souhaitons maintenir la notion de pronostic vital engagé et inscrire dans le texte les mots « quelle qu’en soit la cause », comme le prévoit l’amendement AS419.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous retirons notre amendement AS581 au profit des amendements AS417, AS419 et AS683.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). On emploie souvent l’expression « pronostic vital engagé » lorsqu’une personne se trouve entre la vie et la mort – autrement dit, dans une situation d’urgence. Parfois, on ne peut plus rien faire pour le patient ; en tout état de cause, les soignants feront le maximum pour éviter son décès rapide. En ce sens, il me paraît justifié, comme le propose l’amendement de M. Hetzel – en faveur duquel nous voterons –, de préciser que le pronostic vital doit être engagé à court terme.

Les amendements AS418 et AS581 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements AS155, AS42 et AS246, AS126.

Puis elle adopte les amendements AS417, AS419 et AS683.

Amendement AS684 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Le texte ne couvre pas totalement, semble-t-il, le cas des personnes dont le maintien en vie est permis exclusivement par des soins actifs et continus. Nous ne croyons pas que l’on puisse forcer ces malades à vivre ; ils ont également le droit de demander une aide à mourir lorsque leur existence ne correspond plus à l’idée qu’ils se font de la dignité humaine. L’amendement vise donc à ouvrir l’aide à mourir à la personne dont le pronostic vital est engagé à la suite de sa décision d’arrêter de recevoir des soins actifs et continus.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cette disposition ne me paraît pas nécessaire : la proposition de loi s’applique à la personne « atteinte d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital ». En outre, elle compliquerait la rédaction et déséquilibrerait le texte.

Avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous soutiendrons cet amendement, qui apporte une précision sans alourdir le texte. Nous nous opposons à toute forme d’acharnement thérapeutique. Parfois, le malade ne supporte plus que sa vie soit suspendue à des soins actifs et continus ; il peut vouloir mettre fin à ces derniers sans pour autant mourir dans d’atroces souffrances. Il faut respecter son ultime liberté et lui ouvrir le droit de bénéficier de l’aide à mourir lorsque ses souffrances sont réfractaires à tout traitement et que la situation est irrémédiable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je ne vois pas comment mon amendement peut être satisfait tout en compliquant le texte et en modifiant son équilibre... J’entends bien qu’il s’agit d’un débat politique. Nous vous proposons d’avancer vers un nouveau point d’équilibre. On peut prévoir un alinéa supplémentaire et revoir la rédaction si elle vous paraît trop complexe.

Mme Justine Gruet (DR). L’exposé sommaire évoque le cas de Vincent Humbert, qui, à ma connaissance, n’était pas capable de donner un avis libre et éclairé. Les personnes qui vivent grâce à des soins actifs et continus doivent, si elles souhaitent les arrêter, être en mesure d’exprimer leur volonté. Si nous ne posions pas cette exigence, nous ferions sauter un critère supplémentaire d’octroi de l’aide à mourir.

M. Patrick Hetzel (DR). Lorsqu’une personne est dialysée, son pronostic vital est engagé, à moins qu’elle puisse bénéficier d’une greffe. Or une dialyse implique des soins actifs et continus. Compte tenu de la rédaction que vous proposez, toutes les personnes dialysées pourraient demander un suicide assisté. On est ici au-delà du déséquilibre puisqu’il n’y aurait plus aucun garde-fou. Je m’étonne également que vous citiez le cas de Vincent Humbert pour justifier cette ouverture très dangereuse.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je crois que vous confondez les affaires Humbert et Lambert.

Je rappelle que la loi fixe des critères cumulatifs. Une personne atteinte d’une affection en phase avancée ou terminale et dont le pronostic vital est engagé suit un traitement dans le cadre du parcours personnalisé d’accompagnement. Lorsque les effets indésirables des médicaments deviennent insupportables, au point, par exemple, de l’empêcher de dormir, le malade peut estimer qu’il n’est plus possible de poursuivre le traitement. Il peut subir alors des souffrances réfractaires qui le conduiront à demander l’aide à mourir. Tel est le sens de l’amendement.

M. Thibault Bazin (DR). Tout en refusant l’obstination déraisonnable et l’acharnement thérapeutique, il faut prodiguer au patient les soins dont il a besoin. La question est de savoir si une personne atteinte d’une affection grave et incurable, qui ne veut pas recevoir de soins – y compris actifs et continus –, peut bénéficier de l’aide à mourir par le fait même que sa décision engage le pronostic vital.

M. Philippe Juvin (DR). Qu’un patient décide librement d’arrêter ou de ne pas suivre un traitement, au risque d’engager son pronostic vital, ne me choque absolument pas : cela relève de la liberté individuelle. Pour bien préciser votre intention, monsieur Clouet, votre amendement a-t-il vocation à s’appliquer à une personne qui a décidé d’arrêter sa dialyse alors que, potentiellement, elle a encore plusieurs années à vivre ?

M. Théo Bernhardt (RN). L’adoption des amendements précédents nous a fait franchir un seuil. Je crains que nous n’allions encore plus loin avec cet amendement qui pourrait par exemple s’appliquer, outre les patients diabétiques, à ceux placés sous oxygène. Je crains qu’on aboutisse à un dispositif qui ne soit plus du tout cadré, dont les conséquences pourraient être graves.

Mme Annie Vidal (EPR). Cette rédaction me surprend également. La décision d’arrêter le traitement va engager – ou réengager – le pronostic vital, probablement à très court terme. C’est ce qui se produit lorsqu’une personne en soins palliatifs demande qu’il soit mis fin à son traitement ; dans le cadre de l’accompagnement qui lui est proposé, on peut la sédater pour lui permettre de partir sans souffrir. Ce cas est satisfait par le texte, mais il en va autrement des situations, évoquées par nos collègues, que semble viser l’amendement. Ce dernier soulève des questions radicalement différentes. Il me semblerait préférable de ne pas introduire cette disposition dans le texte afin d’éviter toute confusion.

M. Christophe Bentz (RN). Pour les Français en fin de vie qui n’ont pas accès aux soins palliatifs, il ne peut pas y avoir d’équilibre entre souffrir et mourir. Votre texte n’est pas un texte d’équilibre, monsieur le rapporteur général ou, en tout cas, l’équilibre a disparu. Il y a un an, vous avez supprimé le critère du pronostic vital engagé à court et moyen terme. Il y a quinze jours, vous avez mis fin à l’exception euthanasique. Il y a quelques minutes, avec l’adoption des amendements de la gauche, vous avez ouvert beaucoup plus largement l’aide à mourir. On pourrait dire que, d’une certaine façon, vous radicalisez le texte. Ce faisant, vous nous donnez raison, en quelque sorte. Cela a le mérite de la clarté, parce que cela montre aux Français que ce texte sur le suicide assisté et l’euthanasie permet et prépare toutes les dérives.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement de M. Clouet est intéressant, car il met en lumière une dimension que l’on ne perçoit pas nécessairement à la première lecture du texte. Cela étant, je ne le voterai pas, car il me paraît satisfait. En effet, la proposition de loi prévoit que l’on peut refuser un traitement, ce qui peut concerner une dialyse, une oxygénothérapie, un traitement cardiaque, etc. En vertu du texte, une personne atteinte de ce type de pathologies, qui est susceptible de vivre longtemps grâce à son traitement, peut décider d’y mettre un terme, auquel cas elle se trouverait en fin de vie et aurait accès à l’aide à mourir. Je ne voudrais pas que certains collègues fassent croire que, par ce type d’amendements, on ferait évoluer la portée du texte : ce n’est absolument pas le cas.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous considérons que l’amendement n’est pas pleinement satisfait, car la définition du traitement ne recoupe pas exactement celle du soin. Ainsi, le fait d’être nourri, lorsqu’on n’est plus capable de le faire, ou de recevoir une perfusion, constitue des soins – comme en a reçu Vincent Humbert –, qui se distinguent des traitements, auxquels la loi permet de renoncer.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Bien que cet amendement soit, à mes yeux, satisfait, il est utile, dans le cadre de notre réflexion, d’aborder toutes les problématiques. Monsieur Bentz, je sais qu’à chaque fois que nous voterons un amendement, vous nous direz que nous ouvrons les vannes, mais il fallait oser parler d’une « radicalisation » du texte ! Je rappelle que, si nous avons supprimé la notion de pronostic vital « engagé à court ou moyen terme », nous lui avons substitué celle d’« affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ».

Monsieur Juvin, vous ne pouvez pas regretter que l’on ait supprimé la mention du moyen terme, que vous aviez qualifiée de « stupide » et auquel vous vous étiez opposé en séance.

La rédaction de l’amendement n’est pas claire ; elle soulève de nombreuses questions. Monsieur Clouet, je vous propose de le retirer et d’en discuter d’ici à la séance. S’il apparaissait que l’amendement n’était pas satisfait, nous pourrions réfléchir à une autre rédaction.

L’amendement est retiré.

Amendements AS668 et AS664 de Mme Angélique Ranc (discussion commune)

Mme Angélique Ranc (RN). L’amendement AS664 vise à préciser que le pronostic vital doit être engagé à un horizon de six mois, comme c’est le cas dans de nombreux pays, tels les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi que l’a souligné une étude de 2024 de la HAS. L’amendement AS668 fixe le délai à douze mois.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cette mention ne me paraît pas opportune. L’alinéa 7 étant parfaitement rédigé, je ne vois pas de raison de le modifier.

M. Philippe Juvin (DR). Monsieur le rapporteur général, la question-clé est la définition du pronostic vital engagé. On voit que l’on bute sur cette notion. Certains estiment que le fait de dire que le pronostic vital est engagé suffit ; d’autres, dont je fais partie, considèrent que c’est trop vague : en effet, le pronostic vital peut être engagé à un horizon de plusieurs années, par exemple en cas de diabète ou d’insuffisance rénale en phase terminale – autrement dit, de dialyse. Considérez-vous qu’un insuffisant rénal dialysé – donc atteint d’une affection incurable en phase terminale, dont le pronostic vital est engagé – répond aux critères de l’aide à mourir actuellement fixés par le texte ?

M. Stéphane Delautrette (SOC). Certains de nos collègues souhaitent apporter toujours plus de précisions concernant le pronostic vital, mais il faut relire l’alinéa 7 dans son ensemble : on y évoque une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale. La HAS sera prochainement amenée à redonner une définition de la phase avancée. Le texte me paraît suffisamment précis. En tout état de cause, on peut se demander comment un médecin pourrait établir un pronostic vital aussi précis que l’amendement le suggère.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il faut arrêter de vouloir fixer des délais précis. Face à une même maladie, nous aurions tous, ici, un pronostic vital différent, car ce dernier dépend de notre capacité physique, de notre passé, de notre alimentation, etc. Parler de six mois, douze mois, trois ans ou cinq ans, cela n’a pas de sens.

Mme Angélique Ranc (RN). Le fait de fixer un délai permettrait de rassurer les députés qui craignent que tous les garde-fous ne disparaissent et de les inciter, en dissipant un certain flou juridique, à voter la loi. J’étais favorable au premier texte, déposé avant la dissolution – j’avais cosigné des amendements visant à rétablir des garde-fous, mais n’en avais déposé aucun pour bloquer son adoption. J’ai changé de position, car j’ai vu comment le texte a évolué sous la précédente législature.

Mme Karine Lebon (GDR). Vous semblez nous dire, chère collègue, que vos amendements sont motivés par une volonté d’obstruction. En effet, les médecins ne donnent pas de délai : cela ne signifierait rien, car chaque patient réagit différemment à la maladie. Nous ne pouvons pas inscrire de délai dans la loi, cela n’aurait aucun sens.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ces amendements visent à introduire un critère temporel. Or tous les médecins, même les plus hostiles à l’aide à mourir, comme M. Gomas, ont reconnu que ce critère n’avait pas de sens. Aucun médecin ne donnera de délai. Par conséquent, vos amendements empêcheraient l’application de la loi. Il ne me paraît donc pas possible, en toute cohérence, de soutenir que vous êtes favorable au texte à la condition que l’on introduise un délai.

On n’évoque jamais le quatrième critère, à savoir le fait de « présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement ». Les critères, je le rappelle, sont cumulatifs. On a beaucoup débattu du pronostic vital, mais n’oublions pas que la souffrance liée à l’affection constitue le cœur du texte.

Avis défavorable sur les amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS778 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, amendements identiques AS125 de Mme Justine Gruet, AS259 de M. Thibault Bazin, AS796 de Mme Marie-France Lorho et AS1049 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS41 de M. Patrick Hetzel, AS374 de Mme Marine Hamelet et AS706 de M. Christophe Bentz, amendements identiques AS855 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé et AS1102 de M. Frédéric Valletoux (discussion commune)

M. François Gernigon (HOR). Par l’amendement AS778, nous proposons de revenir aux conditions d’accès initiales de l’aide à mourir, en réintroduisant l’expression « à court ou à moyen terme ». La HAS considère le pronostic vital comme engagé à court terme lorsque le décès du patient est attendu dans les quelques heures à quelques jours. Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi relative à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, il était clairement indiqué que le moyen terme se compte, quant à lui, en semaine ou mois et correspond à une période pour laquelle l’évaluation peut être endossée par un professionnel de santé. Dans son avis sur le présent texte, le Conseil d’État estime que le moyen terme ne peut s’entendre qu’au sens de la pratique médicale, c’est-à-dire un horizon temporel ne dépassant pas douze mois.

À l’inverse, la notion de phase avancée est floue et ne repose sur aucun consensus médical clair. Son intégration dans le texte pourrait rendre incertaine la prise de décision et entraîner, selon les professionnels et les établissements, des disparités dans l’application du droit.

Mme Justine Gruet (DR). J’ai le sentiment que les critères d’accès s’assouplissent au fur et à mesure de l’examen du texte. Or moins ils seront précis, plus il sera difficile pour les médecins de les évaluer objectivement. En tant que législateur, notre rôle est de fixe un cadre juridique permettant la bonne application du texte. Vous l’avez dit à juste titre, monsieur le rapporteur général : la souffrance psychologique est difficile à évaluer.

M. Thibault Bazin (DR). Jusqu’où le législateur veut-il aller ? Qui sera éligible au dispositif ? Voilà la question posée. Une personne atteinte d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale – au sujet de laquelle nous attendons toujours la définition de la HAS, si tant est qu’elle soit capable d’en donner une –, présentant une souffrance psychologique réfractaire, qui aurait choisi de ne pas suivre de traitement et dont le pronostic vital serait de ce fait engagé, pourrait-elle accéder à l’aide à mourir ?

La notion de pronostic vital engagé à court terme présente l’intérêt d’avoir été définie par la HAS. Sans l’ajout des mots « à court terme » la proposition de loi pourra concerner des personnes qui ne sont pas en fin de vie. Dans ce cas-là, il faut le dire et peut-être même en changer le titre !

M. Christophe Bentz (RN). Nous considérons que les vannes sont trop ouvertes. N’étant pas parvenus à supprimer les articles précédents ni celui-ci, nous estimons important qu’un critère temporel soit intégré. Nous nous efforçons, amendement après amendement, de restreindre les conditions d’accès. Comme l’avait dit notre ancien collègue Pierre Dharréville, « le pronostic vital est engagé dès la naissance ». Nous proposons donc par l’amendement AS796 de réintroduire les mots « à court terme ». Agnès Firmin Le Bodo avait souligné il y a un an qu’avec la suppression de la notion de court ou de moyen terme, le texte d’alors n’était plus le même.

M. Philippe Juvin (DR). Il est vrai qu’il est très difficile, voire impossible, de préciser un délai. Mais chacun doit comprendre que dans sa version actuelle, le texte ouvre l’accès à l’aide à mourir à des personnes atteintes d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, souffrant de douleurs réfractaires et intolérables, mais qui auraient pu vivre encore plusieurs années. Monsieur le rapporteur général, j’aimerais que vous répondiez par oui ou non à ma question : considérez-vous qu’il faille rendre accessible l’aide à mourir à une personne en insuffisance rénale dialysée, par définition en phase terminale, dont l’affection est incurable et présentant des souffrances intolérables, mais à qui il reste plusieurs années à vivre ?

M. Patrick Hetzel (DR). On sait ce qu’est une phase terminale mais pas une phase avancée. L’Académie nationale de médecine a estimé cette expression à la fois inadaptée et dangereuse. Nous proposons donc de la supprimer, à l’alinéa 7. Il s’agit en effet d’un critère d’appréciation arbitraire, source d’insécurité médicale et juridique.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS374 est défendu.

M. Christophe Bentz (RN). Le terme très flou de phase avancée n’a aucune base juridique ni médicale.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Contrairement à la phase terminale, la phase avancée n’est pas définie médicalement. Dans l’attente des conclusions de la HAS, il me semble risqué d’introduire dans la loi une notion floue, susceptible de concerner de nombreux cas et d’ouvrir la voie à des abus de faiblesse. Je propose donc sa suppression.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ces nombreux amendements sont tous dans le même esprit.

Pour commencer, je ne comprends pas celui de Mme Firmin Le Bodo. Fin 2023, j’ai reçu un document adressé à l’ensemble des professionnels de santé par le ministère de l’organisation territoriale et des professions de santé, dont elle était alors en charge : Fin de vie. Mots et formulations de l’anticipation définis juridiquement ou d’usage coutumier par les professionnels des soins palliatifs. L’aide active à mourir y est définie comme désignant « tout acte ayant pour finalité de provoquer la mort d’une personne, à sa demande, lorsqu’elle est atteinte d’une maladie grave et incurable, en phase avancée ou terminale ». Je vous propose que nous nous en tenions à cette définition du ministère de la santé et suis donc défavorable à cet amendement !

Les amendements identiques de Mme Colin-Oesterlé et de M. le président sont importants et méritent réflexion. Dans l’avis qu’elle doit rendre prochainement sur l’expression « moyen terme », la HAS définira aussi ce qu’est la phase avancée, qui n’est pas la même chose que la phase terminale. Selon ses indications, mon avis sur ces amendements pourra évoluer lors de l’examen du texte en séance. Dans l’attente, je vous invite à les retirer ; à défaut, j’y suis défavorable.

Vous savez que mon engagement, monsieur Juvin, est le même que celui de beaucoup d’entre vous : pouvoir répondre à des hommes et des femmes qui savent qu’ils vont mourir et dont la logique n’est pas de donner des jours à la vie mais de donner un petit peu plus de vie à leurs derniers jours. Je le redis : la question de la souffrance est fondamentale. On ne peut pas la mettre de côté au prétexte qu’une maladie n’entrerait pas dans le cadre. Lorsque plus aucune solution ne peut être apportée pour apaiser la souffrance, le texte permet d’ouvrir une possibilité.

La souffrance en fin de vie est au cœur du dispositif, mais celui-ci est encadré par les critères médicaux très précis que nous avons établis : le pronostic vital doit être engagé et l’affection grave et incurable. Nous nous appuyons non pas sur la prédiction du temps qu’il reste à vivre mais sur l’évaluation de l’état clinique du patient, pour reprendre les termes de l’Académie nationale de médecine. C’est en fonction de cette évaluation, ainsi que de la souffrance endurée, que le professionnel de santé pourra répondre ou pas à la demande d’aide à mourir – après concertation, je le rappelle, avec deux autres professionnels. J’émets donc également un avis défavorable aux autres amendements de la discussion commune.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Dans d’autres pays, de nombreuses associations aident les personnes à mourir sans se poser de questions aussi poussées sur le plan médical. La volonté du patient me semble essentielle, en particulier dans les cas de souffrances psychiques très difficiles à évaluer. Si des patients atteints de la maladie d’Alzheimer souhaitent mourir parce qu’ils ne veulent pas affronter cette réalité, alors même s’ils ne sont pas encore très affectés, leur souffrance doit être comprise, acceptée, et ouvrir droit à un accompagnement vers une fin de vie.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Nous avons déjà eu des discussions sans fin sur le court et le moyen terme, que l’ensemble des professionnels de santé s’accordent à considérer comme indéfinissables. Tout le monde ou presque se rejoint autour de l’expression « phase avancée ou terminale » – sachant que ces deux qualificatifs ne désignent pas la même chose : on peut souffrir d’un cancer en phase avancée, répondre au traitement, et ne jamais se retrouver en phase terminale.

Vous recourez souvent, monsieur Juvin, à l’exemple de l’insuffisance rénale dialysée. Il y a bien sûr des maladies non guérissables qui restent traitables. Mais dans certains cas, notamment de cancers en phase terminale, plus aucun traitement ne peut soulager le patient ; celui-ci n’est pas dans la même situation qu’un diabétique ou un insuffisant rénal pouvant être traité.

M. Thibault Bazin (DR). La question de la souffrance est effectivement fondamentale ; personne ici n’y est insensible, et nous savons que certaines situations sont extrêmement compliquées. Mais faisons l’exercice de cumuler les critères : une personne atteinte d’une maladie grave et incurable, en phase avancée ou terminale, peut être victime de souffrances exclusivement psychologiques – qui sont sans doute les plus difficiles à soulager – et choisir, de ce fait, de refuser le traitement qu’on lui propose. Cela soulève de lourdes incertitudes. Doit-on lui ouvrir l’aide à mourir ? Notre société ne devrait-elle pas plutôt soulager les personnes en détresse ? Monsieur le rapporteur général a demandé le retrait de certains amendements, dans l’attente de l’avis de la HAS. Ne devrions-nous pas plutôt suspendre nos travaux ?

M. Philippe Vigier (Dem). Votre avis changerait certainement, cher collègue, si vous veniez passer trois jours dans un centre de traitement de la douleur. À ce jour, il est des souffrances sur lesquelles nous n’avons aucune prise. C’est le sujet central.

Je me souviens de nos débats sur les mots « phase avancée ou terminale », très largement préférés aux mots « moyen terme » qui n’ont aucune signification en médecine. Un médecin n’annonce jamais à un malade du cancer qu’il lui reste trois semaines, deux mois ou six mois à vivre ! Même les évaluations qui sont réalisées collégialement par les professionnels sont faites pour évoluer.

N’allons pas imaginer, ensuite, que l’on ouvre les vannes à tout-va. Je rappelle que le patient doit demander l’aide à mourir, et que le corps médical peut l’accepter ou non. Contrairement à ce que vous avez déclaré dans un grand journal récemment, cher collègue Juvin, la décision repose, non pas sur un seul professionnel, mais sur un collège de médecins ou professionnels de santé. Je crains que vous n’ayez pas lu le texte jusqu’au bout. Quoi qu’il en soit, vous n’avez pas le droit d’affirmer des choses erronées au sujet de la proposition de loi.

M. Philippe Juvin (DR). J’ai lu le texte, monsieur Vigier. J’ai autant de légitimité que vous et je n’ai pas de leçons à recevoir de votre part. Il n’y a pas d’un côté ceux qui, sensibles à la souffrance, voudraient la soulager, et ceux qui y seraient insensibles. Et s’il faut se mettre en avant, permettez-moi d’indiquer que je ne suis pas celui qui connaît le moins ce sujet.

Ce qu’a dit M. Falorni est très juste : le vrai sujet, c’est la souffrance. Mais puisqu’il n’y a plus aucun délai, il est faux de dire que ce texte serait relatif à la fin de vie : il est relatif à la souffrance. Je le redis : tous critères cumulés, des personnes qui ne sont pas en fin de vie pourraient demander l’aide à mourir.

M. Stéphane Delautrette (SOC). La question est de savoir si, à partir du moment où l’on peut alors renoncer au traitement, on peut aussi accéder à l’aide à mourir. Mais quant à la notion de « phase avancée ou terminale », elle figure déjà dans la loi Claeys-Leonetti  contrairement à la notion de court ou moyen terme, qui n’a pas d’existence légale et ne permet pas d’apprécier la situation de manière certaine.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je répète que la fixation d’un délai est hors sujet, puisque celui-ci diffère selon les personnes. S’agissant du titre, cher collègue Juvin, nous pourrions philosopher : dès notre naissance, notre fin de vie est programmée !

Une fois réunies les conditions posées – pronostic vital engagé, maladie incurable, souffrances réfractaires –, on doit faire confiance à l’équipe médicale pour accepter, ou non, la demande d’aide à mourir. Tout le reste n’est que perte de temps et débat inutile.

M. Laurent Panifous (LIOT). Vous avez raison, monsieur Juvin : il est possible que ce texte permette à des personnes à qui il reste plusieurs semaines ou plusieurs mois à vivre  voire plus d’un an – d’accéder à l’aide à mourir. Mais si temps qui leur reste n’est que souffrances réfractaires insupportables, je considère, à titre personnel, qu’elles doivent effectivement y avoir accès. Sans doute aurions-nous dû fusionner les troisième et quatrième critères : cela nous aurait évité de longs débats. Rappelons que nous parlons de personnes qui présentent des souffrances réfractaires et insupportables face auxquelles la question du délai, certes importante, devient accessoire.

Mme Annie Vidal (EPR). Ce débat est fondamental. Nous parlons de la fin de vie de personnes qui ont le souhait de mourir, quelle qu’en soit la raison : tout est fondé sur leur volonté. Or les critères d’accessibilité sont flous. En les restreignant à une phase avancée et terminale – en remplaçant « ou » par « et » –, on les rendrait plus précis.

J’entends que certaines souffrances sont insupportables et qu’il faut tout faire pour les soulager. Mais là encore, le critère est flou puisque le texte évoque une souffrance physique ou psychologique. Si la première peut être évaluée, ce n’est pas le cas de la seconde : lors de son audition, le professeur Éric Serra, psychiatre et président de la Société française d’étude et de traitement de la douleur nous a clairement indiqué que c’était impossible. Ce qui est acceptable ou supportable pour une personne ne l’est pas pour une autre.

Le sujet de la souffrance est fondamental, mais les termes « phase avancée ou terminale » et « souffrance physique ou psychologique » génèrent un flou qui ne peut que m’inquiéter.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Ce qui n’est pas normal c’est tout simplement que l’on souffre aujourd’hui en France. La souffrance psychologique, qui très souvent accroît la souffrance physique, est liée à l’isolement, à la détresse sociale et au manque d’accompagnement. Lorsqu’il faut plus d’un an pour consulter un spécialiste et que les patients ne sont pas pris en charge à temps, les douleurs se manifestent très vite et deviennent rapidement réfractaires.

Je rappelle par ailleurs qu’en cas de souffrance réfractaire, la loi Claeys-Leonetti permet déjà au patient d’être soulagé par des sédations intermittentes ou par une sédation profonde et continue

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS1066 et AS1050 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Je propose, avec le premier amendement, de modifier la rédaction de l’alinéa 8, afin que celui-ci prenne en compte la souffrance physique insupportable, liée à l’affection et réfractaire aux traitements. Avec le second, très proche, je propose de préciser uniquement qu’elle doit être réfractaire au traitement. Dans la version actuelle du texte en effet, pourraient être prises en compte des douleurs simplement mal traitées. Compte tenu des difficultés d’accès aux soins, nous allons tout droit vers une situation totalement absurde dans laquelle il sera plus facile d’obtenir l’aide active à mourir qu’une consultation spécialisée contre la douleur.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Monsieur Juvin, vous voulez écarter les souffrances psychologiques, alors que, pour ma part, j’adhère totalement à la rédaction actuelle du texte : on ne peut pas séparer les souffrances psychologiques des douleurs physiques – l’un des médecins auditionnés a bien fait cette distinction entre douleur et souffrance, sachant que la souffrance psychique est sans doute plus difficile à évaluer.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques AS421 de Mme Océane Godard et AS478 de Mme MarieNoëlle Battistel, amendement AS585 de Mme Nicole Dubré-Chirat (discussion commune)

Mme Océane Godard (SOC). À l’alinéa 8, nous souhaitons insérer « psychique » après « physique ». On peut d’autant moins dissocier les deux que les souffrances psychiques peuvent engendrer des douleurs physiques par un effet de somatisation : quand l’esprit ne parvient pas à gérer les affects négatifs, le corps réagit par des douleurs parfois insupportables.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il s’agit d’ouvrir l’aide à mourir aux souffrances psychiques. Les troubles psychiques désignent des perturbations globales du fonctionnement mental qui peuvent affecter la pensée, les émotions, la perception ou le comportement. Ce terme inclut les maladies psychiatriques telles que la schizophrénie, la bipolarité, la dépression sévère et les troubles anxieux graves. Ces troubles sont souvent d’origine multifactorielle – génétique, neurologique, environnementale – et peuvent nécessiter un suivi médical, voire un traitement médicamenteux. À notre avis, il convient de les distinguer des troubles psychologiques dans les conditions d’accès à l’aide à mourir. Cet amendement a été travaillé avec l’ADMD après plusieurs auditions.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Au cours d’une maladie en phase avancée et terminale, il est difficile de dissocier les douleurs physiques et psychiques, qui sont évaluables et réévaluables. À défaut d’avoir accès à une consultation spécifique sur la douleur, le patient devrait pouvoir être pris en charge par n’importe quel professionnel de santé, y compris avec l’aide des équipes mobiles de soins palliatifs. Ce n’est hélas pas le cas sur tout le territoire : nombre de personnes souffrent physiquement et psychologiquement, faute de professionnels qui sachent utiliser les traitements antalgiques de manière adaptée aux patients dont la maladie a atteint un stade avancé ou terminal.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Tout en comprenant les arguments qui viennent d’être soulevés pour ajouter la dimension psychique, je rappelle qu’à l’issue des débats qui s’étaient tenus il y a un an en commission spéciale et en séance, il avait été décidé de remplacer le « et » par un « ou ». Actuellement, il ne me semble pas souhaitable d’adopter ces amendements : ne donnons pas d’arguments à ceux qui, comme M. Odoul, se réjouissent par avance de pouvoir prétendre que nous allons permettre aux dépressifs d’avoir accès à l’aide à mourir. Votre sourire vous a trahi, monsieur Odoul ! Je n’ai pas envie de donner satisfaction à M. Odoul. Mes chers collègues, j’en appelle à votre sens des responsabilités car le rire spontané de M. Odoul veut tout dire.

M. Julien Odoul (RN). Personne ne rit ici !

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Si, vous venez de rire. Ne donnons pas des arguments à ceux qui, de toute manière, sont opposés à ce texte. Avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). Il ne s’agit pas de ne pas donner des arguments à tel ou tel, mais de savoir ce que nous faisons précisément en adoptant ce texte. Selon la HAS, les douleurs psychiques peuvent être associées des pathologies psychiatriques. Ces amendements me semblent en contradiction avec l’alinéa 9 : «  Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ».

M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’échange qui vient d’avoir lieu me désole. J’aurais accepté que vous souleviez des arguments de fond ou d’ordre plus stratégique – une majorité transpartisane étant nécessaire à l’adoption de ce texte – pour expliquer votre opposition à ces amendements. En revanche, je ne comprends pas que votre seul argument consiste à dire qu’il ne faut surtout pas voter comme l’un des députés, présent dans cette salle, en une sorte d’attaque nominative et personnelle. Ces débats compliqués doivent permettre à toutes les sensibilités d’être entendues.

M. Julien Odoul (RN). Monsieur le rapporteur général, je trouve votre propos assez désobligeant à mon endroit, d’autant que nous avions eu l’an dernier des débats respectueux sur le sujet, même lorsque nous exprimions des positions divergentes. Vous instrumentalisez la réaction que j’ai eue en vous entendant exprimer un propos hallucinant : comme l’a relevé mon collègue Dussausaye, vous rejetez des amendements non pas pour des raisons de fond, mais par pure posture stratégique politicienne. Il est navrant que votre unique justification consiste à dire qu’il ne faut pas donner des arguments à ceux qui sont contre ces amendements. Ce n’est pas au niveau du débat.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Pour ma part, je trouve qu’il est très important d’ajouter cette dimension psychique, même si elle peut notamment s’appliquer à des personnes très dépressives. Je ne suis pas médecin, contrairement à nombre d’entre vous, mais je peux témoigner du fait que dans le cas de maladies neurodégénératives, les souffrances psychiques peuvent survenir avant les douleurs physiques. Ces personnes atteintes de maladies neurodégénératives savent qu’elles vont finir dans la démence et n’ont pas du tout envie d’affronter cette situation. Elles souhaitent mettre fin à leur vie avant de devenir cette autre personne démente. Si nous n’intégrons pas cette dimension psychique, les personnes dotées de moyens financiers et culturels suffisants iront à l’étranger mettre fin à leur vie. Elles le feront de toute façon.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Sur le fond, je serais favorable à ce que soient intégrées les souffrances psychiques, indissociables des douleurs physiques en fin de vie. Cela étant, les arguments du rapporteur général m’incitent à prendre ce texte comme une sorte de première étape importante à passer, quitte à en restreindre la portée. En outre, nous avons été alertés, notamment par les communautés de médecins psychiatres, sur le fait qu’il fallait traiter la souffrance psychique par d’autres moyens que ce texte. Aussi, allons-nous nous abstenir.

M. Patrick Hetzel (DR). Permettez-moi, monsieur le rapporteur général, de citer des propos que vous avez tenus lors d’une interview accordée au site La Grande Conversation, parue vendredi : « Est-il par ailleurs nécessaire de rappeler que l’aide à mourir s’adresse uniquement à des malades en fin de vie, atteints d’une affection grave et incurable, engageant le pronostic vital en phase avancée ou terminale ? Assimiler l’aide à mourir à l’encouragement au suicide est donc particulièrement spécieux et même scandaleux. » Or s’il devait y avoir une ouverture à la dimension psychique, les professionnels de santé indiquent que nous franchirions allégrement une nouvelle limite.

Mme Océane Godard (SOC). Après avoir entendu vos arguments, monsieur le rapporteur général, nous allons retirer notre amendement, mais nous resterons très attentifs à ce que les douleurs psychiques soient prises en compte dans le cadre de cette loi. À cette occasion, je tiens à vous dire, monsieur Odoul, que nous souhaiterions continuer à avoir des débats de fond de qualité et de bonne tenue, malgré votre arrivée. Vous connaissant trop bien, je sais à quel point les choses peuvent déraper avec vous.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Tout en comprenant vos arguments, monsieur le rapporteur général, il me semble important de débattre de ce type demandes, sans les balayer trop rapidement sous prétexte de ne pas mettre en danger l’ensemble du texte. Nous avons déjà renoncé s’agissant des directives anticipées. Nous devons discuter de ces amendements, travaillés avec l’ADMD et destinés à ouvrir le débat. Pour ma part, je maintiens mon amendement.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Sensible aux arguments évoqués, je vais retirer mon amendement, non sans faire remarquer qu’il est difficile de séparer le corps et l’esprit, ce que l’on a longtemps fait en médecine et que l’on continue parfois à faire. Il faudra que les choses évoluent de manière à tenir compte des répercussions du physique sur le psychique et inversement.

M. le président Frédéric Valletoux. Au terme de cette discussion, je voudrais réaffirmer mon attachement à la qualité des débats. Il serait bon d’éviter les propos très personnels qui tournent à la polémique, et de s’en tenir à des arguments de fond – cela donne des échanges plus riches et c’est ce que l’on attend de nous. Il est d’autant plus important que nous restions concentrés sur le fond que le délai imparti pour l’examen du texte est court.

Les amendements AS421 et AS585 sont retirés.

La commission rejette l’amendement AS478.

Amendements identiques AS14 de M. Alexandre Portier, AS394 de M. Thibault Bazin, AS403 de Mme Justine Gruet, AS707 de M. Christophe Bentz, AS901 de M. Thomas Ménagé et AS946 de M. Philippe Juvin

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement de notre collègue Alexandre Portier cherche à éviter les dérives potentielles liées à l’évaluation subjective de la souffrance psychologique. Celle-ci est souvent complexe et multifactorielle, et son évaluation peut varier considérablement d’un professionnel de santé à l’autre. En outre, inclure la souffrance psychologique comme critère d’accès à l’aide à mourir pourrait conduire à des abus, notamment envers des personnes vulnérables qui pourraient se sentir contraintes à demander l’euthanasie en raison de pressions externes ou de troubles mentaux temporaires.

M. Thibault Bazin (DR). Cet alinéa 8 avait été modifié et adopté l’an dernier lors de la dernière journée de travaux en séance, avant la fin de vie de la précédente législature pour cause de dissolution. Les souffrances psychologiques et physiques sont souvent liées, dites‑vous, madame Liso. Le problème est que la rédaction actuelle fait référence à « une souffrance physique ou psychologique ». On ouvre donc la possibilité d’administrer une substance létale à une personne qui est certes atteinte d’une maladie grave et incurable, mais dont le pronostic vital n’est pas engagé à court terme et qui souffre uniquement psychologiquement. N’est-ce pas un problème ? Alors que la santé mentale a été désignée grande cause nationale en 2025, cela interroge sur le rapport du soignant au soigné, et sur le regard de la société sur les personnes en souffrance psychologique. Pour moi, cette ouverture présente un vrai risque.

Mme Justine Gruet (DR). Si l’on utilise la conjonction « ou », on ouvre l’accès à l’aide à mourir à des personnes qui n’ont que des souffrances psychologiques parfois difficiles à objectiver. Le patient peut aussi refuser des traitements pour ressentir moins de souffrance psychologique. Mais la suppression de toute référence aux souffrances psychologiques ne permet pas de répondre aux attentes potentielles des patients. Dans mon amendement AS565 à venir, je propose de remplacer le « ou » par un « et », ce qui permet de ne pas dissocier le corps et l’esprit.

M. Christophe Bentz (RN). Lorsqu’on est atteint d’une maladie grave, la douleur physique entraîne automatiquement de la souffrance psychologique. Le texte passe à côté de l’enjeu fondamental : la prise en charge de la douleur et de la souffrance des personnes humaines malades. Le fait de mentionner la souffrance psychologique dans cet alinéa fait courir un risque de dérive : à terme, les Français pourraient accéder à l’euthanasie ou au suicide assisté uniquement pour des raisons psychologiques. Ce n’est pas une vue d’esprit car, il y a quelques jours, une jeune Néerlandaise en dépression a fait une demande d’euthanasie.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’amendement AS901 est défendu.

M. Philippe Juvin (DR). Prenons l’exemple de la psychose maniaco-dépressive, affection grave et incurable qui, en phase avancée, conduit à des tentatives de suicide à répétition, ce qui engage le pronostic vital puisque certains patients en meurent. Rappelons que l’on meurt de maladies psychiatriques. La psychose maniaco-dépressive répond à la définition de l’affection grave et incurable en phase avancée : si vous avez une souffrance psychologique intense liée à cette maladie, vous remplissez les critères. Nous devons voter en connaissance de cause et avoir conscience que cette rédaction ouvre la possibilité d’inclure certaines maladies psychiatriques.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Vous semblez dire que l’on ouvrirait l’aide à mourir à toute personne présentant des souffrances psychologiques. Ce n’est pas le cas puisque d’autres critères sont requis. Il est en effet difficile d’objectiver la souffrance psychologique, mais il en va de même pour la souffrance physique : quand on utilise l’échelle graduée de zéro à dix, c’est le patient qui s’autoévalue, alors que le ressenti varie d’un patient à l’autre – ma douleur physique peut être différente de celle de M. Falorni, et on ne le saura jamais. Ce texte, qui prévoit des critères cumulatifs, est plutôt bien fait. Il n’y a pas d’ouverture à une dérive.

Avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Alors que nous avons avancé dans les débats, l’honnêteté intellectuelle nous dicte de reconnaître que tous les critères sont cumulatifs et de ne pas choisir d’en mettre un seul en exergue pour étayer une argumentation. Sinon, à chaque intervention, on peut prendre un nouvel exemple à partir d’un critère particulier. C’est intellectuellement malhonnête.

Mme Julie Laernoes (EcoS). Le Rassemblement national ne va pas manquer d’utiliser à foison la législation des Pays-Bas, qui est différente. Franco-néerlandaise, je suis fière d’être citoyenne du premier pays d’Europe à avoir légalisé l’aide à mourir. Les paramètres étant différents, il n’est pas heureux de faire des comparaisons hasardeuses. Le texte dont nous discutons, qui prévoit des critères cumulatifs, ne concerne donc pas les patients affectés uniquement d’une maladie mentale. Prétendre le contraire revient à brandir des arguments fallacieux pour faire peur. Par respect des débats, monsieur Juvin, il serait bon de s’en tenir au texte et de ne pas laisser penser que les maladies mentales, prises isolément, sont concernées par ce texte.

M. Julien Odoul (RN). Par honnêteté intellectuelle, il faut prévenir que si l’on écrit « psychologique » après « physique » dans ce texte, l’ordre de ces termes sera inversé dans un futur plus ou moins proche. C’est la réalité. En mettant en avant le caractère cumulatif des critères, certains tendent à faire penser qu’il existe des frontières infranchissables, alors que cette rédaction est une porte ouverte à de prochaines dérives. À cet égard, l’exemple des Pays‑Bas devrait nous faire peur.

M. Patrick Hetzel (DR). Il faudrait revenir à des éléments objectifs, et ne pas qualifier de fallacieux les arguments de tel ou tel, qui peuvent avoir du sens. Notre inquiétude doit être entendue : on nous dit que ce texte s’appliquera à des patients en fin de vie, mais certains amendements visent des personnes qui sont visiblement très loin de cette échéance, ce qui n’est pas sans incidence sur le nombre de personnes susceptibles d’être concernées.

Mme Karine Lebon (GDR). M. Odoul a peut-être des compétences en cartomancie ou en lecture de boule de cristal puisqu’il semble prévoir l’avenir. Pour notre part, nous nous prononçons sur le présent texte, en nous fondant sur les mots qui y sont écrits. Nous – ou nos successeurs – aurons peut-être à examiner des dérives à l’avenir. Quoi qu’il en soit, la rédaction actuelle prévoit des critères cumulatifs, ce qui exclut d’avoir accès à l’aide à mourir pour une simple dépression.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Comme l’on fait de nombreux collègues avant moi, je répète que ce texte concerne des personnes en situation de fin de vie, dont le pronostic vital est engagé, et qu’il prévoit des critères cumulatifs. Je ne vais pas refaire le débat que nous avons eu sur la notion de phase avancée ou terminale, par exemple, mais je voudrais insister sur un point : nous tenons à une rédaction qui ne hiérarchise pas la douleur, estimant que la souffrance psychologique peut être égale, voire supérieure, à une souffrance physique. Dès lors que les critères cumulatifs sont respectés, nous pensons qu’une personne en situation de souffrance psychologique insupportable doit pouvoir accéder à l’aide à mourir, même en l’absence de souffrance physique. C’est peut-être la grande différence entre nous. Le texte replace le patient au cœur de la décision, en particulier lorsqu’une souffrance psychologique insupportable ne peut être soulagée.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). En réponse à M. Hetzel, je voulais abonder dans le sens de mon collègue Delautrette : c’est au patient d’estimer lui-même s’il est proche de sa fin de vie. Quand on n’a pas envie de se voir déchoir, de vivre une autre vie que celle que l’on a vécue, on a le droit de dire que l’on veut mourir, quel que soit le délai qui nous sépare de notre mort réelle – je ne sais d’ailleurs pas comment vous pouvez le fixer. Pour ma part, je pense que l’on a toutes les raisons d’accéder à la demande d’un tel patient quand tous les critères cumulatifs sont respectés.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Quitte à répéter ce qu’ont dit les collègues, j’insiste sur le fait que l’accès à l’aide active à mourir est conditionné au respect d’une accumulation de critères : être atteinte d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale. Je tiens aussi à dire que les souffrances psychologiques ne sont pas de petites souffrances car certains orateurs ont tendance à les minimiser. Ce sont de véritables souffrances à prendre en tant que telles. En réponse à Mme Vidal, j’indique aussi que les souffrances psychologiques ou psychiques n’altèrent pas le discernement. Il est donc important d’en rester à l’accumulation de tous les critères.

M. Philippe Juvin (DR). Vous avez raison, madame Rousseau, de penser qu’il est fondamental de prendre en compte les souffrances psychiques : la moitié des patients atteints d’un cancer souffrent de dépression. En revanche, vous avez tort sur un point : certaines dépressions abouliques altèrent le discernement.

Monsieur le rapporteur général, ma lecture du texte est peut-être critiquable, mais je pense que certaines pathologies psychiatriques pourraient remplir tous les critères, notamment la psychose maniaco-dépressive, affection grave et incurable, associée à de la souffrance et à une mortalité accrue de 50 %. Si ma lecture est erronée, pourquoi ne pas écrire que les maladies psychiatriques sont exclues ? Cela me rassurait car, en l’état du texte, je vois des maladies psychiatriques qui remplissent tous les critères. Si ce n’est pas le cas, écrivons-le.

M. Christophe Bentz (RN). Je ne comprends pas ce que vous ne comprenez pas dans les propos de mon collègue Julien Odoul. Nous savons bien que les critères sont cumulatifs, mais nous jouons notre rôle de lanceurs d’alerte en appelant l’attention sur les risques de dérive futurs – d’où l’exemple des Pays-Bas, qui ont légiféré il y a une vingtaine d’années.

Le propre de la loi, c’est qu’elle peut évoluer, et pas forcément dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle nous répétons que ce texte prépare toutes les dérives à venir.

M. Yannick Monnet (GDR). Ce que dit notre collègue Juvin n’est certainement pas dénué d’intérêt. Il se fait le relais de ceux qui expriment des craintes sur ce texte, dont notamment des soignants en unité de soins palliatifs. Il faut les écouter.

En revanche, la solution au problème qu’il a évoqué se trouve davantage dans la nécessité de prendre une décision de manière collégiale pour accorder l’aide à mourir. Il ne sera pas possible, en effet, de régler certains cas particuliers en affinant encore les critères qui figurent dans le texte.

M. Laurent Panifous (LIOT). Le troisième alinéa de l’article 6, qui prévoit que « la personne dont une maladie altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être regardée comme manifestant une volonté libre et éclairée », répond en partie aux craintes de M. Juvin s’agissant de certaines pathologies psychiatriques.

Le discernement du patient lorsqu’il demande l’aide à mourir devra être évalué par les professionnels de santé, et je crois qu’ils seront capables de le faire.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS551 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS779 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, amendements identiques AS260 de M. Thibault Bazin et AS565 de Mme Justine Gruet (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement précise que l’aide à mourir ne peut être accordée qu’en cas de souffrance physique, éventuellement accompagnée d’une souffrance psychologique – dont nos débats ont montré qu’elle pouvait être importante.

Les différents critères sont bien entendu cumulatifs, mais la rédaction de l’article permet d’accorder l’aide à mourir y compris lorsque la personne souffre uniquement de manière psychologique. Cela pose des problèmes et j’ai donc déposé cet amendement dans un esprit de modération.

M. François Gernigon (HOR). L’amendement AS779 prévoit qu’une souffrance physique est nécessaire pour accéder à l’aide à mourir. L’annonce d’une maladie grave et incurable provoquant uniquement des souffrances psychologiques ne doit pas suffire pour obtenir cette aide.

M. Thibault Bazin (DR). On peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de donner accès à l’aide à mourir à une personne qui remplit l’ensemble des critères – dont celui d’avoir une maladie grave et incurable – mais qui souffre uniquement de manière psychologique au moment où elle fait sa demande.

N’avons-nous pas le devoir d’essayer de soulager cette souffrance ? Je sais qu’il est prévu parmi les critères que cette souffrance doit être insupportable lorsque la personne a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement, mais la société doit-elle donner suite à une telle demande lorsque le diagnostic vient d’être annoncé ?

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous hiérarchisez les souffrances !

M. Thibault Bazin (DR). Je pense au cas très concret où une personne qui décrit uniquement des souffrances psychologiques va demander l’aide à mourir à un médecin.

Mme Justine Gruet (DR). Mon amendement, que j’ai annoncé précédemment, prévoit également que la personne doit présenter une souffrance physique et psychologique.

Faut-il permettre d’accorder l’aide à mourir de manière très précoce lorsque la personne qui fait la demande ne souffre que de manière psychologique ? Il est important de prévoir des critères qui permettent d’objectiver la demande du patient, mais aussi de lui proposer plus de solutions thérapeutiques.

Je respecte la liberté de chacun mais, en tant que législateurs, notre rôle est de protéger les plus vulnérables. L’annonce d’un diagnostic doit être associée à un accompagnement social et médical, afin de diminuer les souffrances psychologiques – sachant que la personne peut bien évidemment renoncer au traitement.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Comme j’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises, il n’y a pas de hiérarchie entre les souffrances. La souffrance psychologique n’est pas moins grave que la souffrance physique. C’est pour cette raison que le texte initial avait été modifié.

Avis défavorable.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous avons adopté en commission la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs, et nous espérons tous que les progrès médicaux permettront de mieux prendre en charge les souffrances, aussi bien physiques que psychologiques.

Cependant, comme il existe des souffrances physiques réfractaires à tout traitement, il existe aussi des souffrances psychologiques que l’on n’arrive pas à surmonter. Nous n’abandonnons pas la lutte contre la souffrance ; nous désirons au contraire lui consacrer le maximum de moyens. Mais nous ne souhaitons en aucun cas établir une hiérarchie entre les souffrances et nous voulons garantir aux personnes dont le pronostic vital est engagé la liberté de mettre un terme à leur vie si elles le souhaitent.

Mme Karine Lebon (GDR). On ne peut pas ignorer le fait que la souffrance psychologique a des conséquences physiques, car l’esprit et le corps sont intimement liés.

Nous l’avons dit, il n’y a pas de hiérarchie entre les souffrances. En outre, la douleur psychologique peut être aussi invalidante que la douleur physique, tandis que le manque de reconnaissance aggrave la première. Il faut dire aux personnes dépressives que leur souffrance compte tout autant et qu’elles peuvent se faire aider. Il est regrettable d’entendre certains arguments alors que la santé mentale est la grande cause nationale pour l’année 2025.

M. Laurent Panifous (LIOT). J’entends la crainte exprimée par M. Bazin au sujet de personnes en phase avancée ou terminale dont la souffrance serait uniquement psychologique. Le texte leur permet en effet d’accéder à l’aide à mourir, mais à une condition stricte : cette souffrance doit être réfractaire, ce qui sous-entend qu’elle a été traitée – sauf si la personne refuse le traitement, faculté que personne ne remet en question. Le rôle des médecins est d’évaluer cette demande et de proposer un traitement. Le fait que la personne l’accepte ou le refuse est un sujet différent – d’ailleurs traité par un autre texte qui a déjà été voté.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Certains craignent en fait que le discernement de la personne victime de souffrance psychologique soit altéré. Or l’article 6, qui détaille la procédure, prévoit bien que le médecin qui recueille la demande d’aide à mourir peut prendre l’avis d’un psychologue pour évaluer la capacité de la personne à manifester son consentement de manière libre et éclairée. C’est une sécurité.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Monsieur le rapporteur général, nous sommes bien d’accord : il n’y a pas de hiérarchie des douleurs. Nous sommes tous des êtres d’esprit et de chair, et l’annonce d’une maladie incurable a forcément des répercussions psychologiques. Personne ne peut dire qu’il ne souffre pas dans son esprit lorsqu’il souffre dans sa chair. Mais l’inverse n’est pas forcément vrai.

Tel qu’elle est rédigée, la proposition de loi permet d’accorder l’aide à mourir lorsque l’on souffre uniquement de manière psychologique, alors que cette souffrance est difficile à évaluer et que la personne peut refuser le traitement. Même avec le cumul des conditions, cela revient à accorder un droit au suicide assisté à des personnes dépressives. Le texte s’éloigne ainsi de l’équilibre qui avait été trouvé précédemment. C’est la raison pour laquelle mon amendement précise que l’aide à mourir ne peut être accordée qu’en cas de souffrance physique, éventuellement accompagnée d’une souffrance psychologique.

M. Patrick Hetzel (DR). Pour abonder dans le sens de notre collègue Isaac‑Sibille, je souligne qu’en Oregon, souvent cité en exemple, il a été décidé pour des raisons éthiques que le patient souffrant d’un trouble psychiatrique ou psychologique ou d’une dépression entraînant une altération de son jugement n’était pas éligible à l’assistance au suicide.

On ne peut pas balayer ce point d’un revers de la main car il est central. Un certain nombre de spécialistes des questions de psychiatrie mettent d’ailleurs en garde sur le fait que certaines demandes portant sur la fin de vie sont en réalité des demandes d’aide et de soins.

M. Yannick Monnet (GDR). Madame Gruet, votre amendement est terrible pour les personnes qui souffrent, puisque seules celles dont les souffrances seraient à la fois psychologiques et physiques pourraient accéder à l’aide à mourir. Une personne qui souffre seulement physiquement et dont le consentement est éclairé ne pourrait plus voir sa demande aboutir. C’est un problème.

M. Thibault Bazin (DR). Il faudrait adopter la proposition formulée par M. Isaac‑Sibille prévoyant que l’aide à mourir peut être accordée en cas de souffrance physique, éventuellement accompagnée d’une souffrance psychologique.

On sait bien que la volonté de mourir peut fluctuer alors que les délais prévus par le texte sont très courts. Que se passe-t-il lorsque l’on annonce à une personne que son pronostic vital est engagé mais qu’à ce stade, ses souffrances sont seulement psychologiques ? Imaginons qu’elle ne veuille pas suivre un traitement. La question est assez nouvelle car la notion d’acharnement thérapeutique était plutôt liée aux souffrances physiques. La plupart des soignants que j’ai rencontrés m’ont dit que des traitements existent et qu’il fallait leur laisser la possibilité de les proposer aux patients.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Le texte ne l’empêche pas.

M. Thibault Bazin (DR). Je dis simplement qu’il faut prendre en compte les souffrances psychologiques. C’est un combat qu’il faut mener et je suis donc favorable à la solution proposée par M. Isaac-Sibille.

Mme Annie Vidal (EPR). Nous ne sommes pas ici pour nier les souffrances psychologiques ou psychiques, ni pour établir une hiérarchie entre les différentes souffrances. Mais il nous revient d’écrire le texte le plus clair possible. Or la rédaction actuelle est assez ambiguë.

Aux termes des critères prévus, la personne doit présenter une souffrance physique ou psychologique soit réfractaire aux traitements, soit insupportable pour elle lorsqu’elle a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. Or cette rédaction va mettre en difficulté le médecin qui sera persuadé que son patient peut être soulagé par un traitement alors que celui-ci a choisi d’arrêter d’en recevoir un. La formule proposée par les amendements AS551 et AS779 encadre mieux les choses.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis totalement opposé à ces amendements.

La souffrance psychologique peut être terrible. J’ai connu des personnes qui ont été conduites au suicide parce qu’on n’avait pas su la prendre en charge, alors que leur souffrance physique semblait être contrôlée. Malgré les traitements d’accompagnement, l’annonce d’une affection grave et incurable à un stade avancé peut entraîner des souffrances psychologiques extrêmes.

Contrairement à ce que disent certains, ces amendements établissent une forme de hiérarchie entre les souffrances. Je souhaite que la rédaction actuelle du texte soit maintenue.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je suis persuadée que la souffrance physique est multipliée par la souffrance psychologique. Mais que va-t-il advenir de la politique de prévention du suicide ? On peut aussi poser la question du devenir de celle en faveur de la santé mentale. Des psychiatres et des psychologues s’interrogent sur les critères qui figurent dans cette proposition.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Dans son rapport publié en février 2025, l’Observatoire national du suicide, qui dépend de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques et n’est pas une officine pro-aide à mourir, souligne que « Dans les pays où des dispositifs de mort volontaire ont été légalisés (ou ces pratiques autorisées sous conditions par la jurisprudence), on ne semble pas observer d’effets de “déport” des suicides vers les dispositifs d’aide à mourir. [Lorsque] l’aide à mourir existe, [...] toutes les demandes de mort sont loin d’aboutir. Et le simple fait d’être écouté par un soignant, d’évoquer les possibilités du dispositif et d’entrevoir un horizon, provoque même dans certains cas un effet de revitalisation, ou du moins un début de prise en charge du mal-être. De tels effets peuvent, de manière contre-intuitive, ouvrir des perspectives d’articulation entre prévention du suicide et aide à mourir. »

Ce que vous dites n’est pas avéré, madame Dogor-Such.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS902 de M. Thomas Ménagé

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Cet amendement propose de substituer la notion de souffrance psychique à celle de souffrance psychologique. Ce dernier adjectif est trop général. La notion de psychisme du patient recouvre des phénomènes mentaux plus profonds, relevant du champ pathologique plutôt que de son état émotionnel et affectif.

Cette rédaction avait d’ailleurs été retenue dans les conclusions de la Convention citoyenne sur la fin de vie, ainsi que par le Conseil économique, social et environnemental.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Avis défavorable sur cet amendement qui vise à rendre plus difficile l’accès à l’aide à mourir. Nous avons déjà eu un débat sur la notion de souffrance psychique.

La commission rejette l’amendement.

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures trente-cinq à dix-sept heures cinquante.

 

Amendement AS927 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). La souffrance est une réalité indiscutable ; elle existe, elle bouleverse, elle détruit parfois. Mais elle doit être entendue avec discernement, sans précipitation, surtout lorsqu’il s’agit de prendre une décision irréversible.

Nous ne pouvons envisager l’euthanasie ou le suicide assisté comme une réponse immédiate à toute souffrance qualifiée d’insupportable, car ce terme est profondément subjectif. Nous devons rester humbles face à la complexité de la souffrance, notamment psychique. Elle est souvent variable et bien des patients retrouvent un équilibre s’ils bénéficient d’un accompagnement adapté.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Vous souhaitez réécrire largement l’alinéa 8 en précisant que la souffrance doit être directement liée à l’affection, que son caractère réfractaire est médicalement constaté et qu’elle persiste malgré une prise en charge adaptée.

Cela alourdirait le texte, alors qu’il est suffisamment précis et qu’il est déjà prévu que des professionnels de santé interviennent pour vérifier le respect des conditions d’accès à l’aide à mourir.

Avis défavorable.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cet article, qui prévoit des critères cumulatifs, est bien entendu fondamental.

Après de longs débats, nous avons décidé qu’il fallait être majeur pour avoir accès à l’aide à mourir. Nous avons ensuite discuté du critère relatif à la nationalité et avons décidé de conserver le texte en l’état. Nous avons beaucoup discuté des directives anticipées et la commission a tranché souhaitant conserver l’équilibre du texte. Je souhaite qu’il en aille de même en séance. Nous avons ensuite abordé le critère de la nature des souffrances. Je suis de ceux qui pensent qu’on ne peut pas établir une hiérarchie entre ces dernières et je suis heureux des décisions prises par la commission.

Le droit à l’aide à mourir s’inscrit dans une logique globale d’accompagnement et je ne voudrais pas que la multiplication de débats sur des points particuliers fasse perdre de vue la cohérence d’ensemble des critères cumulatifs.

Avis défavorable.

Mme Christine Loir (RN). Lorsque j’étais aide-soignante, je me suis occupée d’une personne atteinte de la chorée de Huntington, maladie neurodégénérative pour laquelle il n’existe pas de traitement. Après l’annonce du diagnostic, elle ne pensait qu’à en finir car elle avait peur de ce qui allait lui arriver. Pourtant, je me suis occupée d’elle pendant sept ans et elle a pu voir grandir son petit-fils et passer du temps avec sa famille. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement.

M. René Pilato (LFI-NFP). En fait, cet amendement propose de ne plus permettre l’aide à mourir lorsqu’une personne a librement décidé de ne pas recevoir ou d’arrêter de suivre un traitement et qu’elle estime que sa souffrance est insupportable.

Quand une personne souffre psychologiquement, cela finit par influer sur sa santé physique. C’est la raison pour laquelle la frontière est très difficile à établir. Il serait dommage de ne pas pouvoir donner accès à l’aide à mourir à une personne qui décide de ne plus suivre de traitement parce qu’elle n’en supporte plus les effets secondaires. Ce n’est pas l’origine de la souffrance qui importe, c’est son caractère insupportable. Si tous les critères sont réunis, on doit accorder l’aide à mourir sans se poser trop de questions, avec une confiance totale dans l’équipe médicale chargée de vérifier qu’ils le sont bien. Je ne suis donc pas d’accord avec cet amendement.

M. Philippe Juvin (DR). L’amendement est intéressant car il propose quelque chose de nouveau en autorisant l’aide à mourir seulement si la souffrance persiste malgré un traitement approprié. On ne peut évidemment juger de l’efficacité de ce dernier que si on le suit. Cette rédaction permet d’éviter que la mort assistée devienne en quelque sorte une solution de facilité et elle prévoit que tout doit être mis en œuvre avant d’y recourir.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je ne suis pas du tout favorable à cet amendement.

Il ne faut pas oublier que la demande d’aide à mourir relève d’une démarche volontaire du patient. Dans un tel cas, le personnel médical va consulter l’ensemble de la famille pour mieux évaluer l’ensemble du contexte. Une telle décision n’est pas prise de manière brutale et elle résulte parfois de mois de discussions.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Prévoir que la souffrance doit être directement liée à une affection grave et incurable ne permet pas de prendre en compte la complexité de certaines situations. Des personnes peuvent souffrir d’autres pathologies, notamment neurologiques, qui aggravent leur douleur. L’amendement ne me semble absolument pas pertinent.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je suis tout à fait d’accord avec M. Peytavie. En outre, certains traitements sont parfois incompatibles, celui d’une pathologie pouvant empêcher d’en traiter une autre, de telle sorte qu’il faut choisir la souffrance que l’on va accepter de subir, jusqu’au moment où l’on ne peut plus la tolérer. Si l’amendement était adopté, un tel cumul de pathologies, terreau d’une véritable comorbidité, serait facteur d’exclusion.

M. Thibault Bazin (DR). Vous dites que la famille pourra être consultée – ce qui serait de bon sens –, mais l’article 6 ne prévoit nulle part cette possibilité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS906 de M. Thomas Ménagé

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS781 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, amendements identiques AS261 de M. Thibault Bazin, AS404 de Mme Justine Gruet, AS550 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS798 de Mme Marie-France Lorho, amendements identiques AS43 de M. Patrick Hetzel et AS1051 de M. Philippe Juvin, amendement AS708 de M. Christophe Bentz (discussion commune)

M. François Gernigon (HOR). L’amendement AS781 vise à clarifier et sécuriser la rédaction du critère relatif à la souffrance parmi les conditions d’accès à l’aide à mourir. En l’état, l’alternative retenue induit un double risque d’interprétation : d’une part, elle pourrait permettre l’accès à l’aide à mourir dans le cas d’une souffrance réfractaire, mais faible ou tolérable, dès lors qu’aucun traitement ne fonctionne ; d’autre part, elle disjoint artificiellement la réfractarité médicale et l’insupportabilité vécue, alors que seule l’articulation des deux critères reflète une gravité justifiant une telle décision.

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement repose à peu près sur la même idée.

Mme Justine Gruet (DR). Mon amendement a le même sens et vise à ce que le patient reste au cœur de la décision, notamment pour ce qui concerne le caractère réfractaire des souffrances. Il s’agit d’assurer le respect de l’ensemble des conditions évoquées dans l’article.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement vise à restreindre l’accès à l’aide à mourir aux seules personnes pour lesquelles les soins palliatifs n’ont pas soulagé les souffrances, afin de rassurer les patients et de renforcer l’adhésion des professionnels de santé à ce dispositif. En effet, alors que le but des soignants est de soulager les souffrances physiques ou psychiques du patient, le texte leur demande de ne pas le faire pour permettre au patient d’accéder à la fin de vie. C’est, pour eux, contre-nature et cela revient à leur couper les mains.

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS798 est défendu.

M. Patrick Hetzel (DR). Savoir si une douleur est supportable relève d’une analyse individuelle d’une grande subjectivité. N’y a-t-il pas là un danger lorsqu’il est question de l’injection d’un produit létal ? Mon amendement vise donc à supprimer cette référence à une dimension subjective.

M. Philippe Juvin (DR). Tous ces amendements visent à remplacer la notion de douleur « insupportable » par celle de douleur « réfractaire aux traitements ». En effet, le caractère « insupportable » d’une douleur est à la fois très subjectif et très variable, certains patients pouvant, dans la même journée, dire que la douleur est insupportable puis, une heure plus tard, être en train de se laver dans la salle de bains en disant qu’elle ne l’est plus – je parle d’expérience vécue.

J’avoue cependant que la suppression de ce terme nous fait entrer dans un no man’s land encore plus vague. Mon amendement AS1051 est très insuffisant, mais le texte de base l’est aussi. Ce flou est ennuyeux, car il y a là une vraie difficulté méthodologique, que je ne sais pas résoudre.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. C’est un peu le débat que nous avons eu à propos des souffrances. Il est difficile – et, en tout cas, pas souhaitable – de hiérarchiser le caractère insupportable et le caractère réfractaire de la douleur. La rédaction actuelle du texte a l’avantage de prévoir une condition alternative, afin de ne pas restreindre la portée du dispositif : la souffrance peut être soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne choisit de ne pas en recevoir – c’est sa liberté et personne au sein de notre commission n’a contesté ce droit à l’autonomie. Cet équilibre est souhaitable et doit être maintenu.

Avis défavorable à tous ces amendements.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). On voit bien l’intention masquée de ces amendements, qui veulent faire des soins palliatifs la première option. Là est la question. Non seulement il faut pouvoir avoir accès aux deux options, mais il faut aussi respecter la liberté des personnes si elles ne souhaitent pas entrer en soins palliatifs. Nous ne voterons donc pas ces amendements.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La douleur a longtemps été appréciée « à vue de nez », mais nous disposons aujourd’hui d’échelles d’évaluation permettant de vérifier et de revérifier les niveaux de douleur. Personne ne ressent la même douleur pour la même cause, car la souffrance est mémorisée dans le temps, au fil des épisodes de la vie, ce qui explique aussi les augmentations du seuil pour une même pathologie chez un même patient. La douleur est donc celle qui est ressentie par le patient au moment où on la mesure, et non pas celle qui est appréciée par le soignant.

M. Thibault Bazin (DR). Derrière la douleur, il y a une demande d’administration d’une substance létale destinée à provoquer la mort, acte qui fait intervenir un tiers et n’est donc pas uniquement un choix personnel qui n’impliquerait personne d’autre. Ce choix implique, en quelque sorte, la société comme le soignant concerné. Le choix n’est pas entre les soins palliatifs et cette option car, dans l’immense majorité des cas où une prise en charge palliative est assurée, la demande de mort disparaît. Ce n’est pas négligeable, surtout pour des personnes atteintes d’une maladie grave ou incurable dans une phase avancée ou terminale, mais qui n’auraient, au moment où de l’annonce, que des souffrances psychologiques. Il faudrait que nous traitions cette question en vue de l’examen du texte en séance publique, car la rédaction actuelle pose problème.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Ce qui me pose problème, c’est d’entendre dire que ces amendements replaceraient le patient au cœur de la décision car, au contraire, ils l’en écartent. Qui sommes-nous pour déterminer quelle souffrance est supportable pour autrui ? La personne concernée n’est-elle pas la plus à même de déterminer ce qu’elle peut supporter ou non ?

Monsieur Juvin, vous dites à juste titre qu’une personne peut changer d’avis, mais la procédure de l’aide à mourir prévoit la réitération de la demande selon un processus – que nous examinerons dans les prochains articles – lui permettant à tout moment de changer d’avis. C’est donc un faux débat : si nous voulons replacer le patient au cœur de la décision, il faut nous opposer à ces amendements et maintenir la rédaction actuelle.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Je voulais dire exactement la même chose.

Mme Justine Gruet (DR). Je tiens à nouveau à vous alerter quant à ce changement de paradigme en matière de liberté individuelle. Qui sommes-nous pour préjuger de la nécessité ou non de répondre à la demande de la personne ? Si vous vous le demandez, il ne faut pas fixer de critères. Qui suis-je, en effet, pour dire à cette personne, à l’instant T, que sa demande est légitime ou non ? Le législateur doit fixer un cadre juridique qui soit le même pour tous et qui définisse des limites éthiquement acceptables, notamment pour protéger les plus vulnérables face à la pression sociale et sociétale qui peut s’exercer.

M. Christophe Bentz (RN). Mon amendement AS708 est, nous l’assumons, un amendement de restriction. Nous avons ici un débat de fond sur la liberté individuelle et le respect du choix. Aux termes de la loi actuelle, on peut en effet décider de continuer ou d’arrêter des traitements, d’avoir recours aux soins palliatifs ou d’y renoncer. Cependant, face à un texte tendant à permettre d’administrer la mort à une personne vivante, se pose la question d’une limite apportée à un choix individuel qui questionne et engage toute la société française. C’est la raison pour laquelle nous insistons, depuis le début de ce débat, pour rester dans la voie du soin apporté à la personne humaine jusqu’à la fin de sa vie.

M. Patrick Hetzel (DR). Lorsque ce texte a été présenté, on nous a dit que la loi Claeys-Leonetti n’était pas satisfaisante pour certains de nos concitoyens, très peu nombreux, qui se trouvaient confrontés à des souffrances perdurant malgré l’existence de traitements et que la sédation profonde et continue ne permettait pas de régler ces situations. Il s’agissait donc d’examiner un texte traitant plus spécifiquement de la fin de vie pour un nombre très limité de personnes. Or nous ne débattons plus du tout de cela. Il y a – pardon de l’expression ! – tromperie sur la marchandise, et nous sommes en train de nous interroger sur l’existence d’une demande sociale. La question centrale est celle du rapport au suicide. Face à quelqu’un qui a envie de se suicider, notre premier devoir est de l’empêcher de passer à l’acte. Dans les débats que nous avons depuis quelques heures, on cherche en permanence à ouvrir les critères, mais quelle sera la limite éthique qui nous évitera d’être tout simplement en train d’accompagner une volonté de suicide ?

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous avons tous été interpellés par des soignants. De fait, le patient qui consulte un soignant vient, en confiance, lui demande une aide. Il ne s’agit pas de remettre en cause le libre choix du patient, mais le fait de refuser au soignant la possibilité de lui proposer, sans obstination thérapeutique et même si son efficacité n’est pas absolument certaine, une solution face à des souffrances physiques ou psychologiques qui le poussent à demander la mort, revient à nier la relation entre le soignant et le patient. Cela est regrettable.

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis assez d’accord avec la manière dont M. Hetzel pose le débat. J’entends votre argumentation, même si je n’y souscris pas nécessairement en tout point, mais le mot « insupportable », dont le sens est parfaitement indéfinissable parce que propre à chacun, crée davantage de flou et de confusion. Vous voulez resserrer les critères, mais vous les élargissez. En outre, ce n’est pas parce qu’une douleur est insupportable que l’on souhaite nécessairement mettre fin à ses jours.

M. René Pilato (LFI-NFP). Monsieur Hetzel, il ne s’agit pas de répondre à des demandes de suicide – les personnes concernées sont malheureusement assez grandes pour le faire elles-mêmes. Par ailleurs, l’alinéa 10 de l’article 5 prévoit que les soins palliatifs seront proposés dans le cadre du plan d’accompagnement, une fois acquis que la personne répond aux critères fixés. Cette personne fera ensuite un choix éclairé et pourra demander soit les soins palliatifs – ce qui est un droit opposable – soit, si elle ne le veut pas et qu’elle remplit les critères, l’aide à mourir. Vous pouvez tourner autour du pot et chercher des arguments – et si, au fond de vous-même, vous n’avez pas envie de donner ce droit, je le respecterai fondamentalement –, mais il faut tout de même revenir au texte et le lire sans anticiper sur les débats que nous aurons sur l’article 5 avec une excuse qui n’en est pas une.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’expression de « tromperie sur la marchandise » qu’a employée M. Hetzel m’a heurté. Nous pouvons, à propos de ce texte, avoir des convictions différentes, mais il faut accorder à chacun la part d’humanité qui s’impose ici. L’idée que nous pourrions être favorables à ce texte pour légaliser l’accès au suicide me blesse. Attention à l’impact des mots que nous employons ! Sur le plan éthique, on a le droit, par exemple, de refuser une chimiothérapie, même si elle peut avoir des effets, parce que c’est la chimiothérapie de trop. On doit pouvoir refuser des traitements, même destinés à atténuer des douleurs psychologiques : j’y suis, en tout cas, favorable. Je voterai contre les amendements.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Monsieur Pilato, il faut en effet passer par les soins palliatifs, car, la plupart du temps, les patients qui y sont très bien accompagnés ne demandent plus l’aide à mourir.

Toutefois, de nombreux départements ne possèdent pas d’unité de soins palliatifs et n’en auront pas avant longtemps, si bien que les personnes concernées n’auront pas la liberté de choisir car, à défaut, on leur suggérera l’aide à mourir. C’est là qu’est le problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS917 de Mme Christine Loir, AS868 de Mme Lisette Pollet, amendements identiques AS45 de M. Patrick Hetzel et AS780 de Mme Agnès Firmin Le Bodo, amendement AS799 de Mme Marie-France Lorho, amendement AS570 de M. Paul-André Colombani, amendement AS800 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

Mme Christine Loir (RN). Mon amendement traduit notre volonté, que je crois partagée ici, de continuer à développer les soins palliatifs et d’offrir un accompagnement digne à chaque patient en fin de vie. À chaque demande, nous devons pouvoir garantir à la personne en souffrance l’accès à des soins adaptés, le soulagement de sa douleur et la rupture de son isolement.

Mme Lisette Pollet (RN). Le but de la proposition de loi n’est pas d’encourager les souffrants au suicide lorsqu’il existe une solution efficace, mais de soulager les souffrances irréductibles. Mon amendement tend donc à restreindre le recours à l’euthanasie au cas où les souffrances endurées ne peuvent être soulagées par aucun traitement. La rédaction actuelle de l’article 4 permet de recourir à l’euthanasie tout en ayant refusé un traitement dont l’efficacité est éprouvée.

M. Patrick Hetzel (DR). La possibilité de recourir à l’aide à mourir après avoir choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement crée un effet de seuil artificiel, car le pronostic vital, qui n’est peut-être pas engagé en l’état, pourrait le devenir par la suite d’une décision personnelle qui entraînerait l’application du dispositif. Il faut évidemment prendre en compte la libre volonté du patient, comme c’est déjà le cas dans la loi, mais l’automaticité crée, en elle-même, une ambiguïté terrible. Une personne pourrait se trouver dans une situation de désespoir qui la ferait considérer que c’est une voie, et je ne pense pas que ce soit souhaitable. D’où mon amendement AS45.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je suis favorable à l’aide à mourir, mais l’automaticité que prévoit la fin de l’alinéa ne va pas dans le sens de l’équilibre indispensable à l’acceptation du texte par une majorité d’entre nous.

M. Christophe Bentz (RN). Je défends les amendements AS799 et AS800. Nous avons voté à l’unanimité le texte précédent, relatif aux soins palliatifs, mais nous refusons que ceux-ci ne soient plus évoqués dans cette proposition de loi. Il était question tout à l’heure de respect du choix et de liberté individuelle mais, dans les faits, comme l’a dit Mme Dogor-Such, près de 200 000 Français n’ont pas accès aux soins palliatifs. Est-ce un choix libre que de devoir choisir entre le fait de continuer à souffrir et la mort par le biais de l’aide à mourir, du suicide assisté ou de l’euthanasie ? C’est une vraie question de fond.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement AS570 ne remet pas en cause le refus de traitement ; il vise au contraire à clarifier la rédaction à cet égard en distinguant le refus, l’arrêt et la limitation du traitement.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La proposition de loi relative aux soins palliatifs a été très bien votée, ce dont nous nous réjouissons tous. Ce n’est donc plus le sujet du débat. Pénaliser les personnes qui demanderaient l’arrêt de leur traitement, comme le leur permet la « loi Kouchner » du 4 mars 2002, reviendrait à choisir les personnes qui ont accès à l’aide à mourir. Je suis donc défavorable à tous ces amendements – même à l’amendement AS570 de M. Colombani, dont je salue néanmoins la volonté d’améliorer le texte.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La loi Kouchner permet d’arrêter un traitement. Par ailleurs, un patient atteint d’un cancer en phase terminale ou avancée peut se voir proposer des chimiothérapies dites « de confort », qui ont toutefois des conséquences importantes et que les patients refusent parfois, alors que très peu refusent le traitement antalgique. On ne peut donc pas supprimer cette partie de l’alinéa, car on a le droit de refuser un traitement sans être pourtant condamné à choisir l’aide à mourir.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS244 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). L’amendement vise à ajouter un critère consistant à avoir « refusé une prise en charge adaptée en soins palliatifs dans le lieu de son choix, sans que ce refus soit lié à l’impossibilité de le mettre en place de manière effective ». Tant que nous n’aurons pas réussi à déployer l’accompagnement en soins palliatifs, et même l’accompagnement financier de la perte d’autonomie, nous devons nous assurer que le refus ne se fait pas par défaut. Faute de l’infrastructure nécessaire d’hospitalisation à domicile et d’accompagnement permettant une prise en charge de qualité en soins palliatifs, on pourrait être confronté à une demande inadaptée d’aide à mourir.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Avis défavorable.

Cette condition supplémentaire a déjà été abordée dans la proposition de loi relative aux soins palliatifs. S’il n’y a pas d’unité de soins palliatifs partout en France, des unités mobiles permettent à chacun d’avoir accès à ces soins s’il le souhaite.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS243 de Mme Justine Gruet, AS869 de Mme Lisette Pollet, AS709, AS710 et AS711 de M. Christophe Bentz (discussion commune)

Mme Justine Gruet (DR). Mon amendement vise à ce que la personne demandant l’aide à mourir puisse exprimer son consentement libre et éclairé devant le président du tribunal judiciaire ou le magistrat désigné par lui. Il ne s’agit pas de rendre la procédure plus complexe, mais bien de redonner à chacun les compétences appropriées en matière d’analyse des critères. Ce n’est pas à une équipe médicale qu’il revient de déterminer si un avis est libre et éclairé, car elle n’a pas toujours connaissance de toutes les pressions sociales ou familiales qui peuvent s’exercer. Vérifier qu’il n’y a pas de volonté de la famille de faire pression sur le choix du patient est d’ailleurs une procédure rapide.

M. Christophe Bentz (RN). Dans le même esprit, mes amendements sémantiques de précision et de restriction visent à s’assurer du respect de la volonté de la personne et du caractère libre et éclairé de son choix, lequel doit s’exercer sans aucune contrainte ni pression.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Nous abordons là une longue liste d’amendements portant sur la volonté libre et éclairée. L’alinéa 9 est très clair et sans aucune ambiguïté : il n’y a pas de possibilité de pression extérieure et la personne exprime son souhait en toute connaissance de cause. Les médecins s’assurent du respect de ce contexte.

Les amendements ne sont pas utiles et sont même parfois contre-productifs : ils sont, en tout cas, contraires à l’esprit du texte. Je rappelle en effet que la personne doit confirmer et réitérer sa volonté jusqu’au dernier instant.

Avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). L’estimation du caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté doit être bornée car elle est délicate. Les personnes en fin de vie sont en effet souvent vulnérables et doivent être protégées des pressions médicales, familiales ou sociétales. Je suis donc tout à fait favorable à ces amendements.

M. Philippe Juvin (DR). Je rappelle que, chaque jour, la justice prononce en moyenne deux condamnations pour abus de faiblesse de personnes malades ou âgées. C’est énorme ! Toutes les familles ne sont pas aimantes et tous les entourages ne sont pas bienveillants. Des précautions sont donc nécessaires.

Mme Justine Gruet (DR). La question qui se pose est celle de savoir si le corps médical est capable d’évaluer le caractère libre et éclairé de la volonté. Dans le cas d’une mise sous tutelle ou curatelle, l’évaluation est effectuée par le juge, non par le médecin.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Personne ne remet en question la capacité du médecin à évaluer l’accord libre et éclairé du patient à une opération chirurgicale. Avec cet amendement, vous poussez « mémé dans les orties » !

M. Patrick Hetzel (DR). Nous avons envie de protéger mémé, car nous ne sommes pas dans un monde de bisounours. L’abus de faiblesse est une réalité et notre rôle de législateur est de mettre en place des garde-fous.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). La capacité des personnes mises sous tutelle ou curatelle à exprimer leur consentement et à exercer leur discernement doit bien sûr être interrogée. En revanche, obliger les personnes demandant l’aide active à mourir à passer devant un juge risquerait d’encombrer la justice et constituerait surtout un manque de respect de l’autonomie et de la dignité de la personne. Ce respect doit être assuré jusqu’au bout.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Mettons un instant le droit de côté – l’Organisation des Nations unies a d’ailleurs demandé à la France de revoir son droit concernant les personnes mises sous tutelle ou curatelle – pour nous intéresser à la parole de la personne. Je ne vois pas en quoi un juge, qui va passer une demi-heure avec la personne concernée, pourrait mieux évaluer les pressions qu’elle pourrait subir que le personnel soignant. C’est à ce dernier de le vérifier en l’absence de directives anticipées et de personne de confiance.

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’article 6 prévoit que le médecin qui prendra la décision peut vérifier l’existence d’éventuelles influences de l’entourage du patient en recueillant l’avis de l’aide-soignant et de l’auxiliaire médical qui l’accompagnent. Tout cela est donc un faux débat, qui démontre votre opposition à l’aide à mourir.

M. Philippe Vigier (Dem). Le texte prévoit une première phase au cours de laquelle la personne concernée demande l’aide à mourir de façon réitérée, mais cette requête ne suffit pas puisque, au cours d’une seconde phase que vous semblez ignorer, il revient au médecin, après une procédure collégiale, de prendre la décision.

Monsieur Hetzel, je vous le dis avec beaucoup de respect, évitez de parler du monde des bisounours pour un sujet aussi grave.

M. Thibault Bazin (DR). Le consentement libre et éclairé est un des principes fondamentaux de la bioéthique à la française. Il revient au juge de l’apprécier dans le cadre du don d’organe intrafamilial.

Comment le consentement libre et éclairé sera-t-il concrètement vérifié ? Le médecin devra prendre seul une décision irréversible, après une procédure collégiale très restreinte, dans des délais et avec des possibilités de recours limités. Il devra notamment prendre en compte l’effet de sidération consécutif à l’annonce du diagnostic d’une maladie grave et incurable. Le fait qu’il soit spécialiste d’une pathologie ne le rend pas forcément le mieux à même de juger du consentement libre et éclairé du patient.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS712 de M. Christophe Bentz.

Amendement AS405 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). La notion d’aptitude à exprimer une volonté libre et éclairée me paraît floue. Je propose de la remplacer par celle de capacité.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. La rédaction actuelle prévoit que le médecin contrôle l’aptitude de la personne – et non sa capacité – à manifester sa volonté libre et éclairée, ce qui permet de marquer une différence par rapport aux dispositions du droit civil sur les majeurs protégés, dans lesquelles la capacité désigne le libre usage des droits associés à la majorité comme le droit de vote ou le droit de gestion du patrimoine.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS713 de M. Christophe Bentz.

Amendement AS262 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je propose que la demande prenne la forme d’un écrit déposé chez le notaire, à l’instar de ce qui se pratique en Autriche.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Encore une mesure qui risque d’allonger les délais. Le recueil du consentement, par le médecin, est déjà prévu. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS48 de M. Patrick Hetzel, amendement AS806 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement propose de compléter l’alinéa 9 par une référence à l’article 223-15-2 du code pénal sanctionnant l’abus de faiblesse afin de protéger les personnes les plus exposées à ce risque.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon amendement est similaire à celui défendu par M. Hetzel et vise à s’assurer que la décision est prise de façon indépendante.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons que celles exprimées lorsque nous avons débattu de ce sujet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS568 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement propose d’exclure du dispositif les personnes en situation de déficience intellectuelle, comme nous y invitent les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. L’alinéa 9 prévoit déjà la condition d’aptitude « à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS425 de Mme Christine Pirès Beaune, AS888 de Mme Danielle Simonnet, AS584 de Mme Nicole Dubré-Chirat, AS776 de M. Michel Lauzzana, AS685 de Mme Élise Leboucher, AS426 de M. Jérôme Guedj, AS46 de M. Patrick Hetzel, AS686 de Mme Karen Erodi, AS918 de Mme Christine Loir et AS376 de Mme Marine Hamelet (discussion commune)

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Comme ma collègue Christine Pirès Beaune, j’attache beaucoup d’importance à la prise en compte des directives anticipées car elle permet de reconnaître le patient en tant que décisionnaire de son avenir. Nous devons veiller à donner toutes ses chances d’aboutir à ce texte, mais je ne pense pas que la prise en compte des directives anticipées influencera le vote.

Issu des propositions de l’ADMD et conforme aux préconisations du Conseil économique, social et environnemental, l’amendement AS425 vise à prendre en compte les directives anticipées et l’avis de la personne de confiance dans l’expression de la volonté libre et éclairée de la personne si ces directives ont été formulées dans la dernière année.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). J’ai l’espoir de faire changer d’avis ceux qui sont opposés à la prise en compte des directives anticipées. Je rappelle que la loi Claeys-Leonetti le prévoit pour laisser mourir le patient. Pour l’aide à mourir, les directives anticipées et l’expression de la personne de confiance garantissent la liberté de décider de sa fin de vie.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La rédaction de directives anticipées n’est pas systématique et ne concerne que 17 % des personnes. Dans le cas où une personne est atteinte d’une maladie neurodégénérative diagnostiquée et confirmée, cet amendement d’appel propose, sur le modèle canadien, de lui permettre de faire une demande anticipée d’aide à mourir, valable au moment où elle perdra sa capacité à s’exprimer et précisant le stade auquel elle souhaite le faire.

M. Michel Lauzzana (EPR). Nous nous sommes battus pour qu’il y ait des directives anticipées : celles-ci doivent être prises en compte.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Notre amendement AS685 est un compromis, qui répond à la fois aux attentes exprimées lors de la Convention citoyenne sur la fin de vie et aux inquiétudes de ceux craignant que des directives anticipées prises de longue date ne soient plus d’actualité.

Il propose, dans le cas particulier d’un accident entraînant une perte de conscience irréversible et attestée médicalement, de prendre en compte les directives anticipées « rédigées ou actualisées au cours des trois dernières années précédant l’accident ».

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Notre amendement de repli AS426 propose de prendre en compte les directives anticipées uniquement en cas d’affection accidentelle.

M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement a pour objectif de placer le patient face à tous les choix possibles pour sa fin de vie, notamment celui d’une « sédation profonde et continue ».

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Mon amendement propose d’autoriser la finalisation de la demande par la personne de confiance, en lieu et place du patient, pourvu que les conditions suivantes soient remplies : il a perdu conscience de manière irréversible du fait d’une maladie grave et incurable ; il a indiqué les conditions dans lesquelles il souhaitait recourir à l’aide à mourir postérieurement au diagnostic ; il a rédigé et réitéré ses directives anticipées moins d’un an avant la perte de conscience. Une telle disposition permet de prévenir le maintien en vie non consenti.

Mme Christine Loir (RN). Nous proposons que la demande d’euthanasie ne soit recevable que si elle a été exprimée dans des directives anticipées au moins trois mois auparavant.

Mme Marine Hamelet (RN). Afin d’éviter que la demande de mort ne soit faite sur un coup de tête ou à cause d’une douleur qui pourrait, par la suite, être soulagée, nous proposons d’ajouter une nouvelle condition : cette demande doit avoir été formulée dans les directives anticipées.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. La proposition de loi que j’avais déposée en 2021 prévoyait l’accès à l’aide à mourir par les directives anticipées. La vocation de ce texte était d’abord d’ouvrir le débat à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, ma responsabilité en tant que rapporteur général – et je pense pouvoir y associer les quatre rapporteurs thématiques – est de faire en sorte que le texte soit adopté. Nous devons donc trouver un équilibre.

Je n’ose y voir la moindre intention maligne, mais je suis surpris par les deux amendements du Rassemblement national qui proposent de prendre en compte les directives anticipées, même si je sais que certains députés de ce groupe, que je salue, voteront le texte.

Le texte repose sur le principe de la volonté libre, éclairée et réitérée. Dans le cadre de l’aide à mourir, les directives anticipées ne peuvent être assimilées à celles de la loi Claeys‑Leonetti.

J’ai acquis la conviction que les directives anticipées ne devaient pas être prises en compte dans le cas de l’aide à mourir grâce aux auditions des professionnels de santé qui se sont déclarés prêts à aider une personne à mourir, pourvu qu’ils puissent avoir un dernier instant d’échange au cours duquel celle-ci réitère sa volonté.

Pour autant, je ne nie pas la problématique, mais nous ne pouvons pas adopter ces amendements. Nous devons en effet garantir la cohérence entre les votes de la commission des affaires sociales ainsi que l’équilibre du texte. J’invite tous ceux qui souhaitent que ce texte soit adopté à rejeter ces amendements.

Je demande le retrait des amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). La loi Claeys-Leonetti prend en compte les directives anticipées, mais le dispositif s’applique à des personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme, ce qui est complètement différent. Le suicide assisté doit faire l’objet d’une demande réitérée lorsque la fin est proche, afin que ce geste ne relève que de la seule responsabilité de la personne concernée.

Nous devons par ailleurs clarifier la hiérarchie entre la volonté exprimée dans les directives anticipées et la décision de la personne de confiance : laquelle doit primer ?

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Je ne suis pas d’accord avec M. le rapporteur : si les directives anticipées ne doivent pas être prises en compte, ce n’est pas pour que le texte soit adopté.

Les associations de personnes handicapées sont très inquiètes. Les volontés d’une personne en pleine possession de ses moyens ne seront en effet pas forcément les mêmes lorsqu’elle sera diminuée. Une personne atteinte de la maladie de Charcot peut ainsi, au moment du diagnostic, imaginer que la perte de mobilité obligeant à utiliser un fauteuil sera trop dure à vivre, puis, lorsqu’elle se retrouve en fauteuil, elle pourra souhaiter, si elle dispose d’un bon matériel, continuer avant de se retrouver alitée. Si tout se passe bien, ce ne sera finalement que lorsqu’elle sera sous respirateur avec des douleurs contre lesquelles rien ne peut être fait qu’elle prendra la décision. Je vous renvoie au film Le Scaphandre et le Papillon, qui raconte l’histoire d’une personne se retrouvant dans un état très limité mais qui a pourtant écrit un livre.

Le texte ne pourra pas couvrir toutes les situations, mais la volonté de la personne doit être vérifiée jusqu’au dernier moment.

Mme Annie Vidal (EPR). L’un des critères d’ouverture du dispositif d’aide à mourir est l’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. On ne peut donc pas intégrer les directives anticipées dans ce texte. En outre, cela élargirait encore plus que nous ne l’avons déjà fait l’accès à l’aide à mourir, ce qui n’est pas souhaitable. Encadrer la prise en compte des directives anticipées par des délais n’a pas de sens puisque tout dépend de l’évolution de l’état de la personne. Nous devons être très prudents.

La parole de la personne de confiance, dont les missions ont été bien définies par la loi du 8 avril 2024 portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie, par le code de l’action sociale et des familles et par le code de la santé publique, doit primer sur toute autre parole puisqu’elle exprime la volonté du patient.

M. Philippe Vigier (Dem). Je voterai contre ces amendements. Je n’ose imaginer quel message nous enverrions à nos compatriotes si nous offrions la possibilité d’anticiper le recours à l’aide à mourir. Le consentement libre et éclairé ne peut être exprimé qu’en situation : c’est lorsque la personne concernée est confrontée à une impasse totale qu’elle doit confirmer son souhait. Cette modalité est essentielle à l’équilibre du texte et je pense qu’elle satisfera nos collègues des groupes Horizons & Indépendants et Droite Républicaine, dans leur volonté d’encadrer l’accès à cette aide.

M. Yannick Monnet (GDR). Ma position a évolué : je suis désormais défavorable à ce que l’aide à mourir figure dans les directives anticipées. Comme les personnels soignants le soulignent, le rapport à sa propre mort est fluctuant ; on ne saurait s’assigner à soi-même une position fixe. Il est fondamental de recueillir le consentement de la personne au dernier moment car le chemin est sans retour.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nos amendements sont issus d’un intense débat au sein de notre groupe sur ce qu’il est possible ou pas d’inscrire dans les directives anticipées. Nous considérons que certains cas précis méritent réflexion. Qu’en sera-t-il pour les personnes ayant perdu conscience de manière irréversible, à la suite d’un accident ou bien juste après que le médecin a accepté leur demande d’aide à mourir parce que leur situation remplissait tous les critères ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je voterai contre ces amendements. Je ne nie pas l’importance des directives anticipées : l’affaire Vincent Lambert montre à quel point il est utile d’en rédiger lorsqu’on est bien portant. Toutefois, j’estime que l’aide à mourir n’a pas à y figurer au risque de rompre l’équilibre du texte. Cela revient en effet à supprimer la cinquième condition que pose l’article 4 : « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Par ailleurs, cela conduit à élargir le nombre des personnes éligibles, dont feraient notamment partie les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. Rappelons que cette proposition de loi n’a pas vocation à répondre à toutes les situations.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Nous avons été beaucoup sollicités, notamment par des jeunes pratiquant des sports extrêmes, sur le recours à l’aide à mourir en cas de perte de conscience irréversible consécutive à un accident. Notre amendement tente d’apporter une solution pour que la volonté de la personne soit respectée, mais une solution encadrée puisque nous posons comme condition le caractère récent des directives anticipées.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il faut avoir conscience du fait que nos amendements concernent un nombre extrêmement limité de cas, d’autant plus limité que les directives anticipées sont un dispositif peu connu, y compris en milieu hospitalier, comme j’ai pu le constater à l’accueil de l’hôpital de Langon en 2021.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les personnes visées, à la différence des patients atteints de la maladie de Charcot, n’ont plus la capacité d’exprimer leur volonté – je pense notamment à Vincent Humbert ou aux personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer – et il importe de prendre en compte les souhaits qu’elles ont émis avant de perdre leur discernement, dans les limites posées dans les amendements : perte de conscience irréversible, à la suite ou non d’un accident ; rédaction ou actualisation des directives anticipées au cours des trois dernières années.

M. Christophe Bentz (RN). Monsieur le rapporteur général, vous vous étonnez de nos amendements mais nous ne considérons pas, comme vous, que ce texte est équilibré. Amendement après amendement, nous cherchons donc, de manière nullement dissimulée, à restreindre au maximum les possibilités d’accéder à l’euthanasie ou au suicide assisté. Le critère de l’inscription dans les directives anticipées pourrait dissuader beaucoup de Français d’y recourir.

Mme Christine Loir (RN). Il n’y a rien de caché ou de détourné dans mon amendement, monsieur Falorni. Il précise seulement que le patient devra avoir exprimé son souhait dans ses directives anticipées au moins trois mois avant de formuler sa demande.

Par ailleurs, madame Rousseau, dans le cas de la maladie d’Alzheimer, ce ne sont pas les personnes qui en sont atteintes qui souffrent mais les membres de leur famille. (Exclamations.) Elles n’ont pas à figurer dans le dispositif.

L’amendement AS776 de M. Michel Lauzzana est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AS425, AS888, AS584, AS685, AS426, AS46, AS686, AS918 et AS376.

Amendements AS406 de Mme Justine Gruet, AS375 de Mme Marine Hamelet, AS659 de Mme Angélique Ranc, AS944 de M. Philippe Juvin, AS47 de M. Patrick Hetzel et AS268 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

Mme Justine Gruet (DR). Notre amendement ajoute deux critères. Le premier prévoit, avant toute demande d’aide à mourir, un séjour en soins palliatifs. L’expérience montre en effet que, dans la grande majorité de cas, une prise en charge adéquate dans ce type de structure aboutit à la disparition de la demande de mort. Le second confie au médecin la possibilité de saisir un juge pour s’assurer du caractère libre et éclairé du consentement.

Mme Marine Hamelet (RN). La manifestation de la volonté ne peut être considérée comme libre et éclairée si la personne n’a pas eu accès aux soins palliatifs alors qu’elle en a exprimé la demande. À cet égard, je m’inquiète que de nombreux départements ruraux comme le mien soient encore dépourvus d’unités de soins palliatifs.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS659 est défendu.

M. Philippe Juvin (DR). Pour « manifester sa volonté de façon libre », il faut avoir le choix : il importe que les personnes appelées à faire une demande se soient au moins vu proposer une prise en charge en soins palliatifs.

M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement va dans le même sens que le précédent : il s’agit de s’assurer que la possibilité d’accéder aux soins palliatifs a été proposée à la personne qui a toute liberté, bien sûr, d’accepter ou pas.

M. Thibault Bazin (DR). Dans une étude publiée en 2018, intitulée Révision de la loi bioéthique : quelles options pour demain ?, le Conseil d’État soulignait la chose suivante : « L’expression d’une demande d’aide anticipée à mourir ne devrait jamais naître d’un accès insuffisant à des soins palliatifs. L’accès à des soins palliatifs de qualité constitue ainsi une condition indispensable à l’expression d’une volonté libre et éclairée du patient dans les derniers moments de la vie et, plus largement, un préalable nécessaire à toute réflexion éthique aboutie sur la question de la fin de vie. » En ce sens, il convient d’ajouter une sixième condition : « avoir reçu au préalable, si son état de santé le requiert et sauf si elle le refuse, des soins palliatifs ». Cela me semble cohérent avec l’objectif de la première proposition de loi que nous avons examinée, qui est de garantir l’accès aux soins palliatifs.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Les auteurs des amendements, qu’ils proposent que la prise en charge en soins palliatifs soit obligatoire ou facultative, seront satisfaits. L’alinéa 10 de l’article 5 prévoit en effet que le médecin « propose à la personne de bénéficier des soins d’accompagnement, y compris des soins palliatifs définis au 2° de l’article L. 1110‑10 du présent code et s’assure, le cas échéant, qu’elle puisse y accéder ».

Avis défavorable sur tous les amendements.

M. Yannick Monnet (GDR). Faire de la possibilité d’accéder à des soins palliatifs une condition supplémentaire est devenu fondamental pour moi. Cette exigence est déterminante quand on sait que les seuls personnels capables d’accompagner les personnes en fin de vie sont ceux des soins palliatifs et que la moitié d’entre elles n’y ont pas accès.

M. Thibault Bazin (DR). Le chapitre qui nous occupe est consacré aux conditions d’accès, le suivant, dont relève l’article 5, à la procédure. Le texte dispose bien que le médecin doit proposer à la personne un accès aux soins palliatifs, mais que se passera-t-il si elle ne peut pas y être admise alors même qu’elle le souhaite ? Sera-t-elle ou non éligible ?

M. Philippe Juvin (DR). Dans un esprit constructif, je retire mon amendement, considérant que l’article 5 pose une condition, mais je maintiens que l’accès aux soins palliatifs est fondamental et qu’il faut s’interroger sur les conséquences de l’impossibilité d’y recourir. Toutefois, nous ne saurions les considérer comme l’alpha et l’oméga de l’accompagnement de la fin de vie. C’est une condition nécessaire mais pas suffisante. Nous connaissons le poids des conditions sociales : pour une personne pauvre et isolée, la situation est bien sûr plus difficile que pour une personne riche et entourée.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Monsieur Monnet, ce serait une erreur de conditionner l’accès à l’aide à mourir à une prise en charge en soins palliatifs, qu’il s’agisse d’unités de soins palliatifs, de lits identifiés de soins palliatifs ou d’équipes mobiles. Si l’article 5 prévoit qu’une telle prise en charge est proposée, elle ne saurait en aucun cas être imposée à la personne qui formule une demande, en vertu du principe d’autonomie individuelle. Il ne faudrait pas que de bonnes intentions conduisent à rendre le droit à l’aide à mourir inopérant.

Mme Justine Gruet (DR). Je vais également retirer mon amendement, qui revient à imposer une prise en charge en soins palliatifs alors que notre but est de respecter le libre choix du patient. Je me rallierai à celui de M. Bazin, qui garantit précisément la possibilité de choisir de manière éclairée, après avoir reçu des explications.

M. Philippe Vigier (Dem). Veillons à ce que le sens des mots que nous avons choisis tous ensemble ne soit pas détourné et à ce que l’équilibre du texte soit préservé. Il importe de proposer, et non d’imposer, une prise en charge en soins palliatifs, à l’heure où ceux‑ci entrent dans une phase de généralisation, après que leur développement a accumulé des retards.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous n’imposons pas de prise en charge en soins palliatifs, mais il est de la responsabilité de notre société d’accompagner les personnes en fin de vie pour alléger leurs douleurs ou prolonger leur vie. Avant de décider quoi que ce soit, il faut que tous les Français concernés passent d’abord par ces soins, d’autant qu’y accéder reste difficile, comme nous l’avons vu récemment avec le texte sur les déserts médicaux.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je suis favorable à l’amendement de Thibault Bazin, car l’accompagnement en soins palliatifs doit être un droit effectif et non l’objet d’une simple information.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. La première des deux propositions de loi, adoptée à l’unanimité, avait précisément pour objet de rendre effectif l’accès aux soins palliatifs. Si nous votions ces amendements, cela reviendrait à mettre en doute son utilité. Pour ma part, étant résolument optimiste, je crois en ce texte qui, sur ce point, complète celui que nous examinons.

Mme Annie Vidal (EPR). Plusieurs de nos collègues ont évoqué l’accès aux soins palliatifs partout et pour tous. Rappelons que la stratégie décennale prévoit une hausse de 66 % du budget qui leur est consacré – augmentation considérable dans le contexte budgétaire actuel –, cette progression venant compléter l’accroissement de 22 % intervenu entre 2017 et 2022. Le nombre de départements dépourvus d’unités de soins palliatifs est passé de vingt‑deux à dix‑neuf et descendra à dix en 2026. À ces unités s’ajouteront des équipes mobiles, des lits de soins palliatifs et des maisons d’accompagnement, qui libéreront des places en milieu hospitalier. Le soutien aux soins palliatifs connaît donc une dynamique très positive.

Les amendements AS406, AS944 et AS47 sont retirés.

La commission rejette successivement les amendements AS375, AS659 et AS268.

Amendement AS1060 de M. Serge Muller

M. Serge Muller (RN). Nous ajoutons une condition supplémentaire : ne pas être atteint d’une maladie neuro-évolutive ou neurodégénérative, en phase précoce ou intermédiaire. Ces maladies altèrent en effet progressivement, souvent de manière insidieuse, les facultés cognitives et affectent le discernement, y compris dès les premiers stades, comme on l’a constaté pour la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la SLA. Par respect pour l’intégrité de la personne, il convient d’éviter toute décision irréversible prise sur une base cognitive incertaine.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS263 de M. Thibault Bazin, AS935 de M. Serge Muller et AS714 de M. Christophe Bentz (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Là encore, il s’agit d’ajouter une nouvelle condition : ne pas être atteint d’une pathologie psychiatrique diagnostiquée par un médecin psychiatre.

M. Serge Muller (RN). Mon amendement va dans le même sens : dans un esprit de prudence et responsabilité, il vise à protéger les personnes atteintes d’une maladie psychiatrique sévère altérant leur discernement en les excluant du dispositif. Il ne faudrait pas qu’elles prennent une décision irréversible dans un moment d’égarement ou de désespoir. Je me fonde sur des réalités cliniques observées lors de mon parcours professionnel : la souffrance psychique peut donner lieu à des demandes de mort qui relèvent non d’un choix lucide mais d’un appel à l’aide et qui ne sont plus exprimées, une fois la crise passée. Il importe de poser cette ligne rouge éthique, dans le respect de la dignité des personnes concernées.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Avis défavorable.

Nous avons déjà débattu de cette question.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Nous savons qu’il y a un problème d’accompagnement en psychiatrie : de nombreux patients ne sont pas soignés pour leurs troubles organiques, alors que ceux-ci sont susceptibles de faire flamber leurs troubles psychiatriques, tout simplement parce qu’on n’accorde aucun crédit à leurs souffrances. Par ailleurs, une personne qui délire ne le fait pas tout le temps, car les traitements agissent. Une personne qui délire ne raconte pas non plus n’importe quoi. Un patient schizophrène peut fort bien dire que les douleurs physiques qu’il endure, du fait d’un cancer, par exemple, lui sont insupportables et exprimer le souhait que cela s’arrête. Il faut respecter la liberté de la personne.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Ces amendements, qui reflètent une méconnaissance des troubles psychiatriques dont souffrent 13 millions de personnes en France, sont discriminants. Ils visent à les priver de leur capacité à choisir alors que le discernement est affecté à des degrés variés voire pas du tout par ces pathologies et que d’autres, de nature non psychiatrique, peuvent également l’altérer. On ne saurait exclure une personne atteinte d’une pathologie psychiatrique de l’aide à mourir si elle remplit les critères énumérés dans la loi.

M. Hervé de Lépinau (RN). Chacun sait ici que la psychiatrie est le parent pauvre de la médecine en France : nous avons relativement peu de centres de traitement et de psychiatres, alors que les maladies psychiatriques augmentent. Il paraît prudent de poser un garde-fou, dès lors que la médecine n’est pas en mesure de traiter la totalité du spectre de ces maladies. En votant ces amendements, nous fragiliserions la protection que nous devons aux malades atteints de pathologies psychiatriques.

M. Philippe Juvin (DR). Certains malades psychiatriques sont parfaitement capables d’avoir un avis libre et éclairé, mais d’autres pas – il faut ne jamais en avoir rencontré pour penser qu’ils ont tous une capacité de discernement. C’est pourquoi je préfère l’amendement de M. Muller, qui évoque un trouble psychiatrique sévère. Par ailleurs, le recours au psychiatre prévu par l’amendement de M. le rapporteur général me semble constituer un filet de sécurité minimal : en cas de maladie psychiatrique, la moindre des choses est de solliciter l’avis d’un psychiatre. Vous ne pouvez pas vous en exonérer et considérer que la maladie psychiatrique ne pose aucun problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS49 de M. Patrick Hetzel

M. Philippe Juvin (DR). Nous sommes d’accord pour considérer que certains malades psychiatriques peuvent exprimer un avis libre et éclairé. En revanche, si le médecin a un doute sur le caractère libre et éclairé de la volonté du patient, il doit faire appel à un psychiatre : là encore, c’est un filet de sécurité nécessaire.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Cet amendement est satisfait, puisque l’alinéa 8 de l’article 6 prévoit que le médecin peut recueillir l’avis d’autres professionnels, notamment de psychologues ou d’infirmiers.

Avis défavorable.

La commission rejette lamendement.

Amendement AS51 de M. Patrick Hetzel

M. Philippe Juvin (DR). Nous souhaitons prévoir un nouveau filet de sécurité, en excluant de l’aide à mourir les personnes qui présentent un état de faiblesse ou de vulnérabilité psychologique susceptible d’altérer leur jugement.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Les conditions fixées par l’alinéa 9 de l’article 4 ne permettent pas à des personnes dont le discernement serait gravement altéré d’accéder à l’aide à mourir. En outre, l’alinéa 3 de l’article 6 exclut explicitement les patients se trouvant dans cette situation.

Avis défavorable.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Prenons garde à ne pas stigmatiser la santé mentale. Penser que, parce qu’elle présente une vulnérabilité psychologique, une personne atteinte d’un cancer très douloureux ne peut pas dire qu’elle a mal et qu’elle veut accéder à l’aide à mourir pose véritablement problème. Quand un malade en fait la demande, on vérifie qu’il répond à l’ensemble des critères. Nous ne pouvons pas en exclure ceux qui ont un trouble psychiatrique, même important. C’est une question de respect des droits de l’homme.

M. Hervé de Lépinau (RN). Nous anticipons le coup d’après de cette loi cliquet. Nous parlons pour le moment de cancers en phase terminale : de toute évidence, un détenu ou une personne très vulnérable atteints d’une maladie psychiatrique peuvent parfaitement demander à bénéficier de l’euthanasie ou de l’aide active à mourir. Nous voyons toutefois ce qui se passe en Belgique et aux Pays-Bas et nous savons qu’un jour, vous défendrez l’euthanasie et le suicide assisté pour des personnes qui en ont assez de vivre. Des personnes qui seront dans une situation de dépendance ou d’enfermement, comme les détenus, demanderont une liberté non pas conditionnelle mais définitive : la mort.

La commission rejette lamendement.

Amendements AS1052 de M. Philippe Juvin, AS265 de M. Thibault Bazin et AS50 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Mon amendement s’intéresse aux personnes sous protection juridique, dont on considère, par définition, qu’elles ne sont pas capables de réaliser certains actes. Il nous paraîtrait logique que quelqu’un qui n’a pas le droit de faire un chèque ou de contracter, par exemple, ne puisse pas bénéficier de l’aide active à mourir. Cela renvoie au débat que nous avons eu sur le recours au juge. J’entends que tout le monde est autonome, mais il y a tout de même des personnes dont la société considère, par la voix du juge, qu’elles ne sont pas capables de prendre certaines décisions importantes ; il me paraît difficile de considérer que l’aide active à mourir n’en fait pas partie.

M. Thibault Bazin (DR). À titre de repli, au cas où l’amendement de M. Juvin ne serait pas adopté, je propose d’exclure de l’aide à mourir les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation. En effet, leur situation ne leur permet pas toujours d’exercer leur volonté de manière libre et éclairée. Nous risquons d’être confrontés à des cas compliqués ; or nous parlons d’une décision irréversible, l’administration d’une substance létale dans des délais assez restreints.

M. Philippe Juvin (DR). L’amendement AS50 est défendu.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Dans son avis sur le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, rendu l’année dernière, le Conseil d’État a considéré qu’il était cohérent d’y inclure les majeurs protégés. Par ailleurs, les articles 5 et 6 répondent pleinement à vos préoccupations.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Est-il normal que quelqu’un qui n’a pas le droit d’ester en justice, de contracter ou de signer un chèque se voie reconnaître celui de demander l’euthanasie ? J’aimerais obtenir une réponse précise à cette question fondamentale, même si j’ai bien compris que Mme la rapporteure ne souhaitait rien changer au texte.

M. Thibault Bazin (DR). Le Conseil d’État s’est prononcé sur un texte différent ; depuis, l’économie générale de l’article qui nous occupe a été modifiée, notamment en ce qui concerne les critères d’accès. Au vu de ces derniers, nous pouvons légitimement nous interroger sur l’inclusion des personnes placées sous protection juridique. Nous parlons tout de même de l’administration d’une substance létale : cela implique de prendre des précautions pour ces personnes, comme nous l’avons fait dans les lois de bioéthique. La question mérite d’être débattue.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Rappelons qu’en matière de protection juridique, la France a été condamnée par l’Organisation des Nations unies pour non-respect des droits de l’homme. Les pratiques en vigueur posent donc déjà problème. Vos amendements sont trop larges et ne fonctionnent pas : ce n’est pas parce qu’une personne n’arrive pas à gérer ses comptes qu’elle ne peut pas vouloir mettre fin à ses jours parce qu’elle souffre de douleurs terribles, ce n’est absolument pas la même chose. Si le médecin qui vérifie le discernement de la personne constate qu’elle n’est pas en état de manifester une volonté libre et éclairée, elle n’entrera pas dans le dispositif. La protection juridique n’a rien à voir avec cela.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS1067 et AS1095 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Il s’agit d’ajouter aux critères ouvrant droit à l’aide à mourir le fait de jouir de l’intégralité de ses droits civils. Mes amendements s’intéressent aux personnes dont les droits ont été limités par la société pour des raisons diverses, dont certaines peuvent témoigner d’une difficulté à prendre des décisions importantes – la décision ultime étant de mettre fin à ses jours.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Ces amendements portent atteinte au principe d’égalité d’accès à l’offre de soins. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS1016 de M. Philippe Juvin et AS264 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Ce texte nous est présenté comme une loi de liberté : les personnes sont libres de choisir la mort. C’est une philosophie – on peut la partager ou non. Or la prison n’est pas le lieu où l’on exprime le plus sa liberté, vous en conviendrez. Un condamné à dix, quinze ou vingt ans de réclusion pourra demander l’euthanasie dans les locaux pénitentiaires s’il remplit l’ensemble des critères. Mon sentiment est que l’on n’est pas libre choisir quand on est en prison.

M. Thibault Bazin (DR). Il y a lieu de s’interroger sur les personnes qui sont privées de liberté parce qu’elles sont incarcérées ou font l’objet d’une mesure de probation. Elles peuvent avoir une maladie grave et incurable, en phase avancée ou terminale, sans pour autant que leur pronostic vital soit engagé à court terme, et ne pas éprouver de souffrances physiques mais seulement des souffrances psychologiques – cela peut se comprendre quand on est incarcéré. Expriment-elles un consentement libre et éclairé ? C’est une vraie question.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Là encore, vos amendements porteraient atteinte au principe d’égalité d’accès à l’offre de soins. Avis défavorable.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Dans votre logique, faudrait-il faire de l’acharnement thérapeutique pour qu’une personne qui souffre terriblement purge toute sa peine et souffre jusqu’au bout ? Ce n’est pas sérieux. Si un détenu remplit tous les critères, il doit pouvoir bénéficier de l’aide à mourir. Le fait d’être privé de certains droits n’implique pas le devoir de souffrir à cause d’un cancer.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La dernière fois que cette disposition a été proposée, c’était par le Rassemblement national ; je vois que c’est contagieux. Un détenu est un citoyen avant tout ; il a des droits – notamment celui de voter – et il garde sa liberté de pensée. Quand il est gravement malade, il peut sortir de prison pour être hospitalisé et soigné comme tout un chacun. Tout malade a le droit d’être accompagné, de bénéficier de soins palliatifs et d’accéder à l’aide à mourir s’il le demande.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je découvre que nous pouvons compter sur M. Juvin et M. Bazin dans le combat pour l’amélioration des conditions de vie en milieu carcéral ! C’est au moins une avancée.

Je comprendrais votre inquiétude si les conditions d’accès à l’aide à mourir n’étaient pas cumulatives : pour remédier à la détresse des détenus, on faciliterait leur accès au suicide, indépendamment des autres critères, ce qui exonérerait la collectivité d’améliorer les conditions de rétention. Or le texte prévoit bien des critères cumulatifs : être atteint d’une affection grave et incurable qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ; présenter une souffrance physique ou psychologique réfractaire à tout traitement, etc. Vous estimez que les détenus doivent être privés de cette ultime liberté, même quand ils sont en fin de vie. C’est sordide. Doivent-ils être condamnés à souffrir pour purger leur peine jusqu’au bout ? C’est effroyable. Un individu privé de liberté reste un citoyen qui conserve certaines libertés.

M. Hervé de Lépinau (RN). Si le milieu carcéral avait le meilleur système de santé au monde, cela se saurait. Dans de nombreux centres de rétention et de maisons d’arrêt, le traitement médical est très sommaire et les personnes qui présentent une pathologie sont en détresse : je suis avocat depuis trente ans, et cette réalité m’a été clairement exprimée par les directeurs d’établissements pénitentiaires et les médecins que j’ai rencontrés.

Nous savons pertinemment que vous voudrez faire évoluer cette loi et que, par effet cliquet, les garde-fous sauteront pour autoriser les personnes privées de liberté à mettre fin à leurs jours quand la détention leur sera intolérable. Par esprit d’humanité, nous devons prévenir ce genre de dérives.

M. Philippe Juvin (DR). Nous gagnerions à ne pas nous caricaturer mutuellement. Je m’intéresse aux conditions de détention depuis très longtemps ; j’ai écrit sur la question et j’ai passé du temps dans les prisons et les tribunaux. Ce sujet est capital parce qu’il est révélateur d’une société. J’ai affirmé plusieurs fois dans l’hémicycle que les conditions de détention étaient indignes en France ; nous devons mener un combat pour y remédier.

Ce qui me gêne est que personne ne semble percevoir combien l’idée d’administrer la mort en prison est abyssale et ouvre des problèmes potentiels immenses.

Oui, en prison, on est mal soigné ; quand on y est très malade, on y est très mal soigné. Oui, en prison, on se suicide beaucoup plus qu’ailleurs. Vous allez permettre à des personnes qui sont très malades, qui sont mal soignées et qui ont une propension élevée à vouloir se suicider d’accéder au suicide assisté. On touche du doigt une chose incroyable. Je suis très surpris que mes collègues de gauche, qui sont culturellement les plus attentifs aux questions sociales liées à l’emprisonnement, ne perçoivent pas le caractère insondable de ce sujet.

M. Serge Muller (RN). Je suis très inquiet pour nos compatriotes atteints de troubles psychiatriques, notamment ceux qui sont en prison. Pour être éligible à l’aide active à mourir et au suicide assisté, il faut être atteint d’une affection grave et incurable. Or la schizophrénie est une maladie très grave et incurable ; je n’ai jamais vu personne en guérir. Si un malade atteint de troubles psychiatriques demande à mourir en prison, on accèdera à sa requête.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Un détenu atteint d’une maladie grave et incurable qui engage son pronostic vital a le droit de sortir de prison ; vous êtes donc hors sujet.

Par ailleurs, quand le juge condamne quelqu’un à la détention, il ne lui fait pas perdre ses droits à prendre des décisions pour sa propre vie. Les décisions liées à sa santé lui appartiennent toujours ; nous ne devrions même pas en débattre.

M. Théo Bernhardt (RN). J’entends les partisans de cette proposition de loi parler d’accès aux soins ; or la fin de vie n’est pas un soin. Soigner, c’est essayer de maintenir en vie dans les meilleures conditions possibles, ce n’est pas donner la mort. Soigner, c’est permettre la vie.

S’agissant de la détention, Mme Simonnet nous a interpellés hors micro sur le bracelet électronique : est-ce au niveau du débat ? Vous voulez polémiquer alors que nous parlons de fin de vie et d’administration de la mort : c’est honteux.

M. Michel Lauzzana (EPR). L’accès à l’aide à mourir est soumis à divers critères. Une personne souffrant de schizophrénie n’étant pas apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, elle ne remplit pas les conditions prévues.

Enfin, vous ne pouvez pas fonder vos arguments sur d’hypothétiques évolutions du texte. Nous votons sur un texte précis, qui comporte des critères précis. Ne nous opposez pas un fantasme qui pourrait se concrétiser dans le futur.

Mme Annie Vidal (EPR). Indépendamment du point de vue que chacun peut avoir sur l’aide à mourir, nous devrions veiller à assurer la cohérence entre ce texte et la proposition de loi relative aux soins palliatifs, laquelle précise clairement que ces soins sont garantis y compris dans les lieux de privation de liberté. Il serait choquant d’exclure les détenus de l’aide à mourir, et de ne leur donner droit qu’aux soins palliatifs. La cohérence impose d’ouvrir les mêmes droits à tous.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant lavis de la rapporteure, elle rejette lamendement AS870 de Mme Lisette Pollet.

Amendement AS266 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Notre débat a montré que les conditions étaient sujettes à interprétation. C’est pourquoi je propose que les critères permettant d’évaluer le caractère insupportable d’une souffrance soient précisés par un décret en Conseil d’État pris après avis de la HAS et du CCNE. Cela aidera les personnes qui seront chargées d’instruire les demandes et de juger si les malades sont éligibles.

Suivant lavis de la rapporteure, la commission rejette lamendement.

Puis elle adopte larticle 4 modifié.

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*     *


5.    Réunion du lundi 28 avril 2025 à 21 heures 30 (après l’article 4 à article 5)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([240]).

Après l’article 4

Amendement AS15 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier (DR). Afin de préserver l’autonomie, la dignité et la liberté de choix des patients en fin de vie, l’amendement vise à s’assurer que la demande d’aide à mourir ne puisse être formulée « que directement par la personne concernée, sans intervention d’un tiers ».

L’objectif est double : d’une part, protéger les patients des pressions potentielles exercées par des proches, des soignants ou d’autres parties prenantes – l’aide à mourir doit rester une démarche personnelle et volontaire ; d’autre part, renforcer la transparence et la confiance dans le processus, en éliminant les risques de manipulation ou de coercition.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’article 4 et le sera davantage encore par l’article 5. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS399 de Mme Christelle Petex

M. Alexandre Portier (DR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS53 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement fait de l’accès garanti aux soins palliatifs un préalable à l’entrée en vigueur de l’aide à mourir.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Le sujet a été largement évoqué. La commission a adopté à l’unanimité la proposition de loi sur les soins palliatifs, dont la mise en œuvre s’étendra jusqu’en 2034.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS371 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet après-midi, la commission a rejeté les amendements tendant à inclure l’aide à mourir dans les discussions anticipées.

L’amendement vise à préciser dans l’article L. 1111-11 du code de la santé publique relatif aux directives anticipées que celles-ci ne peuvent pas concerner la demande d’une mort provoquée.

Mme Brigitte Liso, rapporteure. Dans l’une ou l’autre des propositions de loi, les directives anticipées ont été évoquées et les choses ont été dites clairement. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Elles ne sont sans doute pas aussi claires que vous le dites puisque des amendements reviennent sur le sujet. Par cohérence, écrivons donc cette règle.

La commission rejette l’amendement.

Chapitre III
Procédure

Article 5 : Demande d’accès à l’aide à mourir

Amendements de suppression AS54 de M. Patrick Hetzel, AS236 de Mme Justine Gruet et AS269 de M. Thibault Bazin

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement traduit notre hostilité à l’égard de l’article 5.

Mme Justine Gruet (DR). La loi Claeys-Leonetti apporte déjà une réponse aux personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme. Votre proposition de loi vise à offrir, au nom de la liberté de l’individu, une solution aux personnes qui veulent mourir, sans protéger suffisamment les plus vulnérables. Elle implique une intentionnalité, ce qui fait une différence notable sur le plan éthique et ce que je conteste.

Si une tierce personne doit intervenir lorsqu’une personne demande une aide à mourir sans que son pronostic vital ne soit engagé, cela constitue une rupture anthropologique.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 5 pose des questions éthiques.

Je ne sais pas si nous en mesurons bien l’impact sur les relations entre soignants et soignés. Ne risque-t-on pas de les modifier ? Cela vaut aussi pour les soins prodigués : on sait que cette possibilité existe, selon une procédure simple, facile et rapide – à la différence de la sédation profonde et continue.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements me semblent aller à rebours de l’intention de leurs auteurs. La suppression de l’article 5, loin de faire disparaître l’aide à mourir comme vous le souhaitez, limite son encadrement.

Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je note une profonde incohérence entre ces amendements de suppression et le discours que vous avez tenu jusqu’ici. Vous n’avez cessé de rabâcher la nécessité de proposer au patient des soins palliatifs, une prise en charge psychologique, etc. Or c’est exactement ce que propose l’article 5. Tenter de le supprimer prouve votre mauvaise foi plutôt que votre volonté de participer à la construction du texte.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Vous voulez supprimer l’article 5 parce que vous êtes profondément opposés à l’instauration de ce nouveau droit qu’est l’aide à mourir.

En réponse à M. Bazin, je ne sais pas si vous mesurez les conséquences de l’absence de ce droit pour les malades en France. Elle contraint à un parcours terrifiant aussi bien ceux qui vont en Suisse ou en Belgique pour accéder à l’aide à mourir que ceux qui ne peuvent faire cet ultime exil. Je ne sais pas si vous en mesurez l’impact pour notre système de santé et notre République. Qui sommes-nous pour priver les personnes qui sont dans des souffrances terribles, réfractaires à tout traitement, de ce qu’elles considèrent comme leur ultime liberté ?

L’article 5 est essentiel parce qu’il pose les conditions de l’exercice du droit à l’aide à mourir. Nous voterons évidemment contre ces amendements de suppression.

M. Christophe Bentz (RN). L’article 5 est le cœur du texte puisqu’il porte sur la procédure du suicide assisté ou de l’euthanasie, que vous appelez aide à mourir.

Nous voterons les amendements de suppression parce que nous sommes opposés au texte dans sa totalité. Le dispositif crée une rupture totale dans l’accès aux soins. C’est une rupture éthique, anthropologique, et médicale. La vocation de la médecine est d’aider, de secourir, d’apporter un soin ; elle ne sera jamais d’administrer une substance létale à une personne humaine vivante.

M. Thibault Bazin (DR). L’administration d’une substance létale en vue de provoquer la mort doit bien sûr être soumise à une procédure, strictement encadrée dans la mesure du possible.

Un amendement de suppression est aussi une manière de souligner l’inadaptation et les insuffisances de la procédure qui est prévue. Elle fait peser une forte responsabilité sur le médecin qui sera chargé d’instruire la demande. Il ne faut pas sous-estimer l’impact pour lui d’un choix entre la vie ou la mort.

Le médecin peut proposer l’aide d’un psychologue ou d’un psychiatre ainsi que le recours à des soins d’accompagnement. Je ne pense pas que cela soit suffisant. Les soins palliatifs doivent intervenir beaucoup plus tôt. Ce sont autant de points sur lesquels une amélioration est nécessaire.

M. Patrick Hetzel (DR). Il n’y a pas dans cette commission, d’un côté, des députés de bonne foi et, de l’autre, des députés de mauvaise foi.

Il est de coutume de proposer une révision de la législation en vigueur lorsque celle‑ci a produit tous ses effets. Or, vous le savez, la loi Claeys-Leonetti n’est pas pleinement appliquée. On fait semblant d’ignorer ce problème.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Il y a quelque chose de paradoxal dans ces amendements de suppression. Depuis le début des débats, vous demandez que les règles soient claires et le processus balisé. En supprimant l’article, qui précise la procédure, vous allez à l’encontre de ce que vous souhaitez.

Par ailleurs, vous justifiez la suppression en vous appuyant sur des éléments qui ne figurent pas dans le texte. Ainsi l’exposé sommaire de l’amendement de Mme Gruet mentionnetil une tierce personne qui doit intervenir lorsqu’une personne demande une aide à mourir sans que son pronostic vital ne soit engagé. Or je vous rappelle non seulement que pour pouvoir prétendre à l’aide à mourir, le pronostic vital doit être engagé ; mais que l’intervention d’une tierce personne n’est prévue à aucun moment. C’est la personne ellemême qui est la seule à pouvoir formuler la demande.

M. Philippe Vigier (Dem). Il ne s’agit pas d’un droit en moins, mais d’un droit en plus, qui ne retire rien à tous les autres.

M. Hetzel nous recommande d’attendre un complet déploiement des soins palliatifs et de la loi Claeys-Leonetti. Mais on sait très bien ce qui se passe dans les pays voisins. On n’a jamais un mot pour les personnes qui vont chercher le droit à mourir à l’étranger ; on n’en parle jamais, c’est un sujet tabou. On n’a jamais un mot pour les soignants qui, quelquefois, accompagnent des personnes sans aucun encadrement – j’en ai eu la preuve il y a encore quelques jours, ils réclament un cadre qu’il appartient au législateur de bâtir.

En ce qui concerne l’intervention d’une tierce personne, le débat a été tranché. Il a été décidé de s’en tenir au seul corps médical. Enfin, l’accès à l’aide à mourir n’est pas autorisé dans n’importe quelle situation. Il est question de pronostic vital engagé, de douleurs réfractaires, d’une personne qui est au bout d’un chemin.

M. René Pilato (LFI-NFP). Entre 2 000 et 3 000 personnes s’expatrient chaque année pour avoir le droit de mourir sans souffrir. Nous légiférons pour ces personnes-là et pour celles qui n’ont pas les moyens de partir à l’étranger. La France doit faire preuve d’humanisme et se hisser à la hauteur de ses voisins. Peut-on accepter que la souffrance d’un être humain dépende de ses moyens financiers ?

La commission rejette les amendements.

Amendement AS55 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Un autre écueil du texte est de considérer le suicide assisté et l’euthanasie comme un soin et de l’inscrire, à ce titre, dans le code de la santé publique. L’amendement s’oppose à cette conception. Bien qu’on utilise la terminologie de soin ultime, l’acte de donner la mort n’est plus un acte de soin. Il est d’une autre nature anthropologique. C’est la raison pour laquelle il est proposé de supprimer la référence au code de la santé publique.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement pour deux raisons.

D’abord la codification répond à une demande récurrente du Conseil constitutionnel depuis 1999, au motif qu’elle facilite l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi.

Ensuite, je m’inscris en faux contre votre argument selon lequel la codification aurait pour effet de faire de l’aide à mourir un soin. Sans entrer dans le débat sur ce qu’est un soin ou pas, je rappelle que le code de la santé publique est très divers. Il y est question de bioéthique, de gouvernance des établissements publics de santé, de sécurité sanitaire des eaux et des aliments et même des débits de boissons – qui, quoi qu’on en pense, ne sont pas un soin. Chacun peut avoir son avis sur le sujet, mais nulle part, il n’est écrit dans le texte que l’aide à mourir est un soin.

M. Patrick Hetzel (DR). J’en conviens, le fait de codifier n’en fait pas un soin.

En revanche, la codification, qui contribue en effet à l’intelligibilité de la loi, peut être effectuée à différents endroits. Pourquoi n’avoir pas choisi le code civil ? C’eût été beaucoup plus clair et de nature à vaincre les réticences qu’expriment certains professionnels de santé.

M. Philippe Vigier (Dem). Je fais un parallèle avec la sédation profonde et continue, qui doit aboutir à ce que les fonctions vitales cessent. On peut s’interroger sur le fait de la considérer comme un soin.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je suis en désaccord avec M. Vigier. La sédation profonde et continue est un soin parce qu’elle est utilisée à court terme, souvent la nuit, pour soulager des douleurs insupportables ou un stress. Le décès est causé par l’évolution de la maladie. Il ne s’agit pas d’administrer une substance létale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS271 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Rédactionnel.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Le fait d’accoler au mot « personne » celui de « malade » n’est pas inexact mais pas utile non plus. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS811 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS598 de Mme Annie Vidal, AS801 de Mme Marie-France Lorho et AS128 de Mme Justine Gruet (discussion commune)

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La disparition du mot « euthanasie » et son remplacement par l’expression « aide à mourir » dans le discours commun fausse l’appréhension de la réalité du geste.

Le vocable de substitution est délibérément employé pour rassurer et laisser croire à un accompagnement médical vers une mort douce, une sorte d’anesthésie. La réalité est tout autre parce que l’aide à mourir mentionnée dans le texte correspond à une mort programmée. L’amendement vise donc à nommer les choses.

Mme Annie Vidal (EPR). Cet amendement devrait être un amendement de coordination avec celui qui n’a pas été accepté à l’article 2, visant à parler d’aide active à mourir. Je retirerai les six autres amendements de même nature à venir.

Monsieur le rapporteur général, je n’ai pas compris votre refus parce que vous ne m’aviez pas semblé opposé à cette terminologie, sur laquelle le Comité consultatif national d’éthique et le Conseil économique, social et environnemental ont donné leur avis.

Il importe de différencier l’acte qui correspond au nouveau droit de recourir à une substance létale de tous les autres actes d’aide à mourir. Lorsqu’un patient décède dans un service de soins palliatifs ou dans n’importe quel service de spécialité – cardiologie, pneumologie, gastro-entérologie, etc. – d’un établissement de santé, les soignants font de l’aide à mourir. Les personnes qui interviennent à domicile font aussi de l’aide à mourir. Le vocable d’aide à mourir recouvre des réalités très diverses d’accéder à l’aide à mourir. La différenciation est très importante pour les soignants.

Dans son avis de 2024 sur le projet de loi, le Conseil d’État avait appelé l’attention sur le fait que l’aide à mourir renvoie à des situations de fin de vie très différentes en France ou à l’étranger et avait invité le Gouvernement à revoir cette terminologie. Certains pays francophones ont été plus clairs en parlant de suicide ou d’euthanasie.

Je redéposerai mes amendements en séance, espérant convaincre mes collègues du bien‑fondé de cette précision, qui n’est pas que sémantique ; elle est aussi une marque de respect à l’égard des soignants qui font de l’aide à mourir dans des situations très variées.

M. Christophe Bentz (RN). Certains déplorent la longueur du débat sémantique mais il est capital, précisément parce qu’il n’est pas que sémantique.

J’insiste, il y a une confusion dans les mots employés. J’en veux pour preuve un sondage récent qui montre que les Français n’y comprennent pas grand-chose.

Je le répète, l’aide à mourir consiste en l’accompagnement de la personne humaine jusqu’à la fin de sa vie ; ce sont les soins palliatifs ; c’est l’objet de la première proposition de loi que nous avons examinée.

Dans ce second texte, il faut que les mots correspondent à la réalité. Administrer une substance létale à une personne vivante en vue de provoquer sa mort, c’est soit du suicide assisté, soit de l’euthanasie. Nous légiférons sur l’instauration d’un droit nouveau – certains y sont favorables, d’autres pas – dont l’objet est bien d’accéder demain à une euthanasie ou à un suicide assisté.

Mme Justine Gruet (DR). Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui permet de clarifier l’objet même de l’article. Il vise à remplacer « aide à mourir » par « suicide assisté » pour traduire le fait que ce qui devait être une exception ne l’est plus.

Je rejoins Mme Vidal : l’aide à mourir peut s’apparenter aux soins palliatifs. Il n’y a pas de part active prise dans l’accélération du processus de mort.

Il est important de mettre les bons mots sur ce que l’on souhaite définir. Nous aurons l’occasion de le faire en séance en distinguant l’accompagnement, les soins palliatifs, l’aide à mourir et l’aide active à mourir.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce long débat sur la sémantique.

En ce qui concerne l’euthanasie, je me refuse à employer ce terme, qui a été souillé par l’histoire. J’ai entendu très récemment le ministre de l’intérieur refuser d’utiliser un autre mot parce qu’il considérait qu’il était connoté idéologiquement. Je n’entre pas dans le débat sur le bien-fondé de son choix, mais le mot « euthanasie » est connoté idéologiquement parce qu’il a été utilisé par le régime nazi entre 1933 et 1945.

Le terme de suicide assisté, quant à lui, crée la confusion. Le rapport publié en février 2025 par l’Observatoire national du suicide, qui est tout sauf une officine pro‑euthanasie – pour employer le terme connoté idéologiquement que vous avez constamment envie d’utiliser –, indique qu’il n’y a pas d’effet de report des suicides vers l’aide à mourir dans les pays où celle-ci existe. Au contraire, elle peut ouvrir la voie à un accompagnement plus adapté pour les personnes à tendance suicidaire.

Notre collègue Annie Vidal fait preuve de cohérence et sa position sur l’amendement que nous avons rejeté correspond aux dispositions du texte dont elle était la rapporteure concernant l’accès aux soins palliatifs dans les établissements pénitentiaires. Je serai donc cohérent à mon tour. L’article 2 ayant créé un droit à l’aide à mourir pour des raisons qui avaient fait l’objet d’un long débat, il serait incohérent de changer la dénomination que nous avons choisie. Je rejetterai donc toutes les demandes visant à réintroduire dans le texte les mots euthanasie, suicide assisté, mort programmée, etc.

Mme Annie Vidal (EPR). Je retire mon amendement ainsi que les six autres ayant le même objectif. Ils avaient été déposés pour assurer la coordination avec l’article 2 au cas où mon amendement proposant de retenir le terme d’aide active à mourir aurait été adopté. J’espère que nous aurons de nouveau ce débat en séance.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je n’étais pas opposée par principe au terme d’aide active à mourir. Or, s’il existe une aide active à mourir, c’est qu’il existe une aide passive à mourir. Quelle est-elle ? La sédation profonde et continue jusqu’au décès est une aide au laisser mourir ; on arrête d’alimenter et d’hydrater la personne jusqu’à ce qu’elle décède, quelques heures ou quelques jours plus tard. Les soins palliatifs, eux, sont une aide à vivre avec la maladie qui visent à limiter les souffrances jusqu’aux derniers moments de la vie. L’aide à mourir me semble donc bien nommée lorsqu’elle désigne l’auto-administration ou l’administration par un tiers d’une substance létale permettant de mettre fin aux jours d’une personne qui subit des souffrances réfractaires à tout traitement et dont le pronostic vital est engagé. Il faut garder ce terme. Le débat qui vise à le remplacer par celui de suicide assisté ou d’euthanasie a peu de sens car il s’agit du même acte.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je me faisais la même réflexion. L’aide à mourir est un terme générique et je ne fais pas de différence entre l’aide active et l’aide passive. Quand on accompagne la fin de vie par la sédation, c’est une forme d’aide à mourir ; quand on réalise des injections d’opiacés en quantité grandissante en unité de soins palliatifs, c’est aussi une aide à mourir. Ce terme générique est bien moins culpabilisant pour les soignants, qui accompagnent du mieux possible les personnes en fin de vie, que ceux de mort programmée ou d’euthanasie.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La loi doit être compréhensible ; ce n’est pas le cas de ce texte qui ne nomme pas les choses. Dans les pays où l’acte est nommé, les citoyens savent de quoi on parle. L’étude d’impact de 2024 était plus claire car elle citait vingt-cinq fois le mot « euthanasie » et vingt-huit fois l’expression « suicide assisté ». Ce geste létal n’a rien d’une aide.

M. Patrick Hetzel (DR). Il faut nommer les choses. Si l’euthanasie est connotée, l’aide à mourir est un euphémisme. Mme Vidal a trouvé un juste milieu avec le terme d’aide active à mourir qui dénote l’intentionnalité de l’acte et distingue celui-ci des soins palliatifs, lesquels sont pour l’essentiel une aide à vivre mais, comme l’a dit Mme Dubré-Chirat, constituent aussi une aide à mourir, ce qui pourrait créer la confusion.

M. René Pilato (LFI-NFP). Augmenter progressivement les doses de morphine, est‑ce une aide active à mourir ? Vous dites que non ; je considère que oui. L’aide à mourir peut prendre plusieurs formes : la sédation profonde et continue jusqu’à la mort, l’augmentation du dosage de produits opiacés jusqu’à la mort ou encore l’administration d’une substance létale jusqu’à la mort. Il est inutile de s’écharper. Le terme est suffisamment précis et générique pour que l’on parle d’un accompagnement, quelle que soit la solution technique.

M. Thibault Bazin (DR). La question est celle de l’intention de la personne qui demande et de celle de la personne qui accompagne cette demande libre et éclairée. La sémantique médicale est parfois technique et peu évidente pour les patients qui reçoivent un diagnostic. L’essentiel est que chacun comprenne et se fasse comprendre. « Aidez-moi à mourir » ne veut pas toujours dire : « Provoquez ma mort ». Il faut pouvoir différencier la demande de soins palliatifs de la demande d’administration d’une substance létale avec l’intention résolue de provoquer la mort.

Mme Justine Gruet (DR). En fin de vie, on n’est pas toujours capable d’exprimer longuement ce que l’on souhaite. Il est possible qu’une personne dise « Aidez-moi à mourir » pour demander un accompagnement, la présence de ses proches ou l’allégement de ses souffrances. Je comprends que le terme d’euthanasie dérange, mais celui de suicide assisté me semble décrire correctement ce dont il s’agit ; ce n’est pas parce qu’on nomme les choses qu’on les aggrave ou qu’on les diabolise. Je propose seulement d’utiliser la nomenclature internationale pour plus de lisibilité.

Mme Annie Vidal (EPR). Toutes ces interventions montrent que l’aide à mourir renvoie à des situations diverses. Or, d’après l’article 2, « l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale ». Il y a une nette différence entre ces deux interprétations. C’est la raison pour laquelle il faut différencier l’aide à mourir dont tout le monde parle de l’administration d’une substance létale, laquelle pourrait être appelée aide active à mourir.

M. Philippe Vigier (Dem). On nous a reproché de ne pas nommer les choses, mais nous les nommons : dans « aide à mourir », n’y a-t-il pas « mort » ?

Je partage l’opinion d’Olivier Falorni concernant le mot euthanasie. Hier, comme vous tous, je me suis rendu devant le monument aux morts pour commémorer la déportation. À l’heure où je vous parle, 10 000 enfants ukrainiens des territoires annexés par les Russes ont été emmenés on ne sait où. La Russie a déclaré qu’ils n’avaient plus de parents et leur a attribué des parents russes que l’on ne connaît pas. J’ignore quel sera leur avenir. On peut imaginer quel génocide se trouve derrière cette action qu’une décision de 2023 a qualifié de crime contre l’humanité.

Le terme de suicide assisté n’est pas adapté car il me fait penser à tous les jeunes qui abandonnent la vie. Le rapprochement me semble mal choisi entre les quelques cas très particuliers de patients dont nous parlons et la situation de ces jeunes.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). C’est le problème du corps et de l’esprit : l’aide à mourir peut correspondre à un accompagnement psychologique comme à un acte physique. La proposition de Mme Vidal de parler d’aide active à mourir me semble utile et j’espère qu’elle redéposera son amendement en séance.

La commission rejette successivement les amendements AS811, AS801 et AS128, l’amendement AS598 ayant été retiré.

Amendements AS127 de Mme Justine Gruet, AS620 de Mme Geneviève Darrieussecq et AS59 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)

Mme Justine Gruet (DR). L’article 5 a pour objet de clarifier la procédure. Mon amendement vise à insérer, après le mot « expresse », les mots « écrite et signée ». L’administration d’un produit létal entraînant la mort de manière irréversible est tout sauf anodine. Il est donc essentiel de garantir que la volonté du patient soit librement exprimée et qu’il soit pleinement conscient de sa décision. En outre, même si chacun convient que l’avis a été libre et éclairé, une trace écrite éviterait tout contentieux après l’acte létal.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement de ma collègue Geneviève Darrieussecq prévoit, lui aussi, une demande écrite. Je proposerai dans un amendement ultérieur qu’au cas où la personne concernée n’est pas apte à rédiger elle-même cette demande, un tiers puisse le faire en son nom.

M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement reprend une disposition présente depuis 2002 dans la loi belge, laquelle prévoit une demande écrite pour assurer la traçabilité et éviter tout contentieux. On fait souvent référence à cette loi ; il me semble que c’est une bonne pratique à retenir.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements proposent que la demande soit formulée par écrit. En l’état du texte, il est simplement précisé que la demande est « expresse », c’est-à-dire qu’elle exprime de façon explicite la volonté de la personne auprès du médecin. Les amendements ne tiennent pas compte des situations où les personnes ne peuvent pas écrire. J’ajoute que l’article 13 renvoie à un décret le soin de fixer « la forme et le contenu de la demande » pour tenir compte de toutes les situations possibles.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Le Conseil national de l’Ordre des médecins demande une trace écrite pour toutes les décisions médicales importantes. C’est une manière de garantir leur traçabilité. J’ai les recommandations sous les yeux : « La loi n’oblige pas à donner son consentement par écrit pour une intervention chirurgicale, mais il est conseillé aux médecins de recueillir son consentement par écrit dès qu’il s’agit d’une décision importante. » Pourquoi ne pas gommer cette ambiguïté ? Pour tous les actes liés à la fécondité et à la grossesse, les prélèvements de tissus et de cellules, la collecte de produits sanguins et les actes liés à la recherche clinique, il faut une signature. C’est la moindre des choses. Pourquoi ne signerait-on pas dans ce cas précis ? Le consentement écrit doit être la règle, et l’on trouvera une solution dans le cas où la personne ne peut pas écrire.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous ne voterons pas ces amendements mais nous réjouissons de constater que certains de nos collègues LR, qui voulaient tout à l’heure supprimer l’article 5, reconnaissent désormais qu’il clarifie le dispositif. On progresse de minute en minute !

Un acte est dit exprès lorsqu’il donne lieu à un accord formalisé, quelles que soient les modalités de la formalisation. Notre collègue Juvin demande à inscrire le principe d’une demande écrite tout en prévoyant des solutions au cas où celle-ci serait impossible. Mais ce n’est pas la loi, ça, c’est une option ; autant ne rien écrire du tout plutôt que de fixer une obligation qui ne s’appliquera pas toujours. Ou alors, écrivons qu’il faut un accord exprès, sauf quand il n’y en a pas besoin, ce qui ne veut pas dire grand-chose dans la mesure où l’on ignore toujours qui décidera quand il n’y en a pas besoin. Quelle que soit l’option retenue, cette proposition a pour conséquence indirecte d’écarter de l’aide à mourir les personnes qui auraient perdu conscience de manière irréversible : soit c’est une manière d’éviter le sujet, auquel cas il serait préférable d’en débattre dans l’hémicycle, soit c’est la preuve que cette proposition est accessoire.

M. Patrick Hetzel (DR). Les Belges ont révisé leur loi à plusieurs reprises depuis 2002. Ils n’ont cependant pas touché à cette disposition et, depuis vingt ans, je n’ai pas l’impression qu’elle ait empêché quiconque d’agir ; au contraire, elle apporte une sécurisation juridique. On utilise l’exemple belge lorsque cela nous arrange. Nous devons assurer un minimum de protection.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS553 de M. Cyrille Isaac-Sibille et AS272 de M. Thibault Bazin

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement, plus précis que le précédent, vise à rendre obligatoire une demande écrite et signée. Si la personne n’est pas en état de le faire, il est prévu que la demande puisse être formulée par écrit par une personne majeure de son choix. La traçabilité est fondamentale pour un geste comme celui-ci. Nous devons en débattre et nous écouter mutuellement, car il n’y a pas d’un côté les pour et de l’autre les contre. J’ai l’impression que personne n’écoute ce qu’expriment ses collègues.

M. Thibault Bazin (DR). Lorsque le pronostic vital est engagé à un horizon temporel indéterminé, il faut prendre en compte l’incertitude de la thérapeutique et la fluctuation de la volonté du patient. Un délai trop contraint risque de précipiter une décision irréversible, ce qui ne va pas dans le sens de l’apaisement du malade. Afin de sécuriser la décision, je propose un dispositif inspiré de celui en vigueur dans l’Oregon : une demande orale, confirmée par écrit en présence de deux témoins et d’un notaire et réitérée ensuite par oral. Il reprend la philosophie du consentement libre et éclairé et de la réitération de la volonté en y ajoutant des témoins car, même en limitant la collégialité et en prévoyant qu’il n’y aura pas de recours, nous ne sommes pas à l’abri de tensions dans la société.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Comme je l’ai dit précédemment, la demande expresse n’écarte pas le principe de l’écrit ; toutefois, comme l’a rappelé M. Clouet, il serait simpliste de réduire cette demande expresse à une demande écrite ; il existe d’autres hypothèses. L’article 13 prévoit que les modalités seront fixées par voie réglementaire.

Ces amendements sont encore moins acceptables que les précédents car ils prévoient qu’une tierce personne puisse soutenir la demande de la première si celle-ci ne pouvait pas s’exprimer par écrit, alors que la demande d’aide à mourir est individuelle au plus haut point.

Avis défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). C’est peut-être contradictoire avec mon rôle de législateur mais, pour les actes importants, j’ai plus confiance en l’échange direct avec la personne qu’en un contrat écrit. Il ne s’agit pas d’un acte notarié, mais d’une demande particulière qui s’inscrit dans la relation entre le médecin et la personne qui la formule. Nous avions refusé les demandes anticipées au motif que celles-ci étaient susceptibles d’être rédigées par des tiers dont les intentions n’étaient pas toujours bienveillantes. Ces amendements qui donnent au médecin la possibilité d’agir sur la foi d’un écrit dont l’authenticité n’est pas totalement assurée me posent un problème.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur Isaac-Sibille, nous vous écoutons. Notre opposition n’est pas l’expression d’un désaccord personnel ou partisan ; elle porte sur le contenu de l’amendement. Vous proposez que la personne incapable de rédiger un écrit désigne quelqu’un d’autre, mais cette proposition se heurte au même écueil que les précédents : que faire des personnes qui ont perdu conscience de manière irréversible ? Deuxièmement, l’amendement contient des clauses d’exclusion dont nous ne contestons pas l’existence ; toutefois, contrairement aux notions d’ascendant, de descendant ou d’ayant droit, celle de personne n’ayant aucun intérêt matériel au décès est juridiquement floue, et l’expression « ne peut avoir » – au lieu de « n’a pas » – risque de priver l’amendement de sa portée juridique.

M. Philippe Juvin (DR). La question de la traçabilité est fondamentale. Ne craignez-vous pas, monsieur le rapporteur, que l’absence de trace écrite suscite des contentieux ? Vous étiez auparavant directeur d’un établissement pour personnes âgées. Quand l’une d’elles entrait dans votre établissement, elle devait probablement signer un contrat ; cela ne retirait rien à la qualité de l’accompagnement, bien au contraire ; et, si cette personne n’était pas en mesure d’écrire, par exemple si elle était paralysée, vous trouviez probablement une solution. Je ne trouve pas vos arguments sérieux. Vous n’auriez que des intérêts à accepter une demande écrite.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Il me semble que la seule différence entre ces propositions et les directives anticipées, dont on nous a dit tout à l’heure qu’elles étaient impossibles, tient au délai entre la formulation de la demande et son exécution. La liberté nécessite de faire confiance ; or, loin de rassurer les personnes, ces formalités jetteraient la suspicion sur leur fin de vie.

M. Thibault Bazin (DR). L’alinéa 4 parle de « demande expresse » sans en préciser la forme. L’article 9, alinéa 3, prévoit de « vérifie[r] que la personne confirme qu’elle veut procéder à l’administration », sans dire non plus sous quelle forme. L’article 11, alinéa 2, prévoit que « chacun des actes mentionnés au présent chapitre est enregistré, par les professionnels concernés, dans un système d’information ». Exprimer sa volonté sera‑t‑il considéré comme un acte ? C’est une bonne question. L’article 12, alinéa 2, prévoit que « la décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ne peut être contestée que par la personne ayant formé cette demande » – personne qui sera morte si l’on est allé jusqu’au bout.

À aucun moment du colloque singulier entre la personne qui formule sa demande et celle qui l’instruit il n’est prévu de trace écrite : ni pour la demande, ni pour sa confirmation, et la seule personne susceptible de former un recours ne sera plus là. Ce n’est pas sécurisant pour les professionnels.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je remercie notre collègue Clouet pour ses observations de fond. Il faudra effectivement réécrire l’amendement en vue de la séance pour préciser certaines choses. Je crois évidemment au colloque singulier entre le patient et le médecin. Cependant, lorsqu’on opère une personne, on lui demande de signer un formulaire pour certifier qu’il a été informé sur le geste qui sera effectué et sur ses conséquences éventuelles. Cela a lieu tous les jours, dans tous les blocs opératoires. Je ne comprends pas que l’on refuse le consentement écrit pour un geste aussi définitif que la mort.

Mme Annie Vidal (EPR). La traçabilité du colloque singulier est importante. En toute logique, si la personne est apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, elle est également capable de signer un document qui témoigne de cette demande.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Chers collègues, vous anticipez les discussions que nous aurons sur les prochains articles – je ne parle pas pour vous, madame Vidal. Les propos de M. Bazin laissent croire qu’il n’aura pas lu le texte jusqu’au bout : la forme de la demande a été renvoyée à la voie réglementaire car, comme l’a montré la discussion autour de l’amendement de M. Isaac-Sibille, l’écrit n’est pas suffisant dans certaines situations particulières. C’est une difficulté qu’il faudra résoudre. Pour ce qui est du reste de la procédure, la réponse du médecin sera formalisée par écrit et le seul recours possible pourra être engagé par la personne qui a fait une demande d’aide à mourir au cas où celle-ci essuierait un refus.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les patients en phase terminale ont un dossier médical dans lequel tout est consigné. Qui plus est, à l’alinéa 11 de l’article 9, il est précisé que : « Le professionnel de santé mentionné au premier alinéa du I du présent article dresse un compte rendu de la mise en œuvre des actes prévus aux I à III. » Ce n’est donc pas la peine de multiplier les papiers !

M. René Pilato (LFI-NFP). Monsieur Isaac-Sibille, est-il écrit précisément dans la loi que le médecin doit vous faire signer tel ou tel papier avant une opération ? L’amendement va trop loin.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS715 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Nous souhaitons réserver l’administration de la substance létale aux médecins civils, du fait de la situation particulière des médecins militaires et surtout de leur rapport singulier à la mort.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS948 de M. Philippe Juvin, AS130 de Mme Justine Gruet, amendements identiques AS56 de M. Patrick Hetzel et AS129 de Mme Justine Gruet, amendement AS965 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Mes amendements visent à préciser la procédure d’accès à l’aide à mourir. Tout d’abord, nous proposons que le médecin qui reçoit la demande soit inscrit sur une liste nationale de médecins volontaires disponible dans chaque agence régionale de santé, afin de sécuriser le professionnel comme le demandeur. Par ailleurs, nous ajoutons un alinéa au II : « 6° Propose à la personne de l’orienter vers une association de prévention du suicide. » C’est bien la première chose à faire quand quelqu’un vous fait part de sa volonté de mourir. Nous proposons également d’orienter le demandeur vers un assistant social qui figure sur une liste mise à disposition par l’agence régionale de santé. Ces listes permettront d’éviter toute errance d’un professionnel à l’autre.

Mme Justine Gruet (DR). Nous précisons que : « Le médecin qui souhaite rendre accessible l’aide à mourir aux patients en fin de vie s’inscrit auprès de la commission mentionnée à l’article L. 1111-12-13. » L’aide à mourir n’est pas une prestation médicale due au patient, contrairement à ce que pensent certains. Parce que les lois de société touchent souvent à l’intime de la nature humaine, il convient de trouver un juste équilibre entre des points de vue parfois opposés entre le patient et son médecin. Je m’interroge aussi sur la clause de conscience à application variable, qui peut être à l’origine d’une forme de pression : être favorable au principe ne doit pas imposer de le mettre en pratique pour tout le monde.

M. Patrick Hetzel (DR). L’établissement d’une liste permettrait en effet de s’assurer que les médecins concernés sont volontaires et de faciliter l’information des patients.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Une telle liste restreindrait l’accès au dispositif. La demande d’aide à mourir sera le plus souvent faite auprès du médecin traitant ou du spécialiste qui suit le patient ; or ceux-ci n’y seront pas forcément inscrits. Le médecin a toujours la possibilité d’invoquer sa clause de conscience.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1123 de Mme Geneviève Darrieussecq

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). J’ai entendu vos observations concernant notre proposition d’une formalisation écrite. Il nous semble néanmoins important que la demande soit faite en présence d’un témoin. En effet, qui d’entre nous n’est jamais allé au chevet d’une personne qui lui a dit qu’elle était lasse de vivre ? En admettant que tous les critères soient réunis, faut-il considérer cette déclaration comme une demande expresse d’aide à mourir ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. Que ce soit possible est une chose, que ce soit obligatoire en est une autre. La personne malade a le droit au secret médical et au respect de sa vie privée. Cette loi est une loi de liberté et d’autonomie.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS270 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement vise à préciser que le médecin recevant la demande est soit le médecin traitant du malade, soit un médecin spécialiste de la pathologie concernée.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Une telle obligation créerait deux difficultés. Rappelons que plus de 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant. Et qu’en sera-t-il pour ceux dont le médecin traitant objectera la clause de conscience ?

Avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). La première difficulté n’en est pas une à mon sens. Un malade souffrant d’une pathologie grave et incurable, dont le pronostic vital est engagé et dont les souffrances sont réfractaires à tout traitement est forcément suivi.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Résumons : ce n’est pas forcément le médecin traitant ni le spécialiste qui reçoit la demande ; celle-ci n’est pas écrite et peut se faire sans témoin. Cela laisse un peu songeur...

M. Philippe Juvin (DR). En effet ! Il n’y a pas forcément d’écrit, il n’y a pas forcément de témoin et le médecin ne connaît pas forcément le malade et peut venir d’on ne sait où. Imaginons que ma voisine vienne me voir pour bénéficier de l’aide à mourir. Nous nous voyons tous les deux ; rien n’est signé. Quelques semaines plus tard, je procède à l’acte. Certes, l’article 6 impose le recueil de l’avis d’un autre médecin, qui, soit dit en passant, ne verra pas forcément le malade. Imaginons donc que M. Valletoux me dise avoir vu Mme Colin-Oesterlé quarante-huit heures plus tôt, et qu’elle ne souhaitait pas alors recourir à l’aide à mourir : quelle preuve puis-je lui apporter ? Il n’y a aucune traçabilité. C’est très inquiétant.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à ma question. Est-ce qu’un malade en fin de vie qui dit à son médecin sa lassitude de vivre lui fait une demande expresse ?

Mme Justine Gruet (DR). Je vous trouve un peu sectaires. Vous n’acceptez aucune remarque ni aucun amendement. Vous semblez très suspicieux, alors que nous souhaitons seulement encadrer le dispositif. Le débat est éthique et sur un tel sujet sociétal, il exige de s’interroger. Nous voulons éviter tout remords, toute interrogation de l’environnement médical ou des proches, notamment quant à de possibles abus de faiblesse. Faut-il une trace écrite ? Faut-il un témoin ? Comment faire pour sécuriser le médecin dans l’exercice de ses fonctions ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. Monsieur Isaac-Sibille, je fais confiance à la collégialité. On doit pouvoir faire cette demande seul avec son médecin. On ne doit pas être obligé d’avoir une personne à ses côtés, quelle qu’elle soit. Quant à l’expression d’une lassitude de vivre, non, elle ne suffit pas, puisque le professionnel de santé n’agit pas seul mais doit respecter une procédure collégiale au cours de laquelle sera examiné tout l’environnement dans lequel la requête a eu lieu.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il y a deux choses que j’ai du mal à entendre.

Premier point : en quoi le fait que le médecin sollicité par le malade ne soit pas son médecin traitant le rendrait moins légitime ? Monsieur Juvin, un médecin ne vient pas d’on ne sait où : il est inscrit à l’Ordre des médecins, il a une déontologie professionnelle, il a des comptes à rendre et il s’inscrit dans un processus légal de traçabilité. Je fais confiance aux médecins.

Second point : la procédure ne peut pas se faire sans un médecin spécialisé dans la pathologie. Il faut lire le texte. Si le premier médecin sollicité n’est pas spécialiste, il a l’obligation de recueillir l’avis de deux autres professionnels de santé, dont un spécialiste. C’est écrit noir sur blanc à l’alinéa 6 de l’article 6. Si le spécialiste rejette la demande, l’avis sera défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Des personnes souffrent l’enfer et nous sommes en train de pinailler.

M. Hervé de Lépinau (RN). On a tout de même le droit d’évoquer les arrière‑pensées du texte...

M. René Pilato (LFI-NFP). Croyez-vous vraiment qu’on va demander l’aide à mourir par plaisir ? Vous sortez des alinéas de leur contexte sans tenir compte de l’ensemble de la proposition de loi. C’est fatigant. Lisez le texte dans sa globalité et argumentez comme il faut !

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Cette intolérance est insupportable ! On n’aurait pas lu le texte ? Retirez ce que vous venez de dire !

M. Philippe Vigier (Dem). La rédaction actuelle n’exclut ni le médecin traitant ni le spécialiste. Je suis contre le principe même de la liste : un médecin peut y être en avril et plus en mai ; il peut vouloir aider un patient et pas un autre.

Monsieur Juvin, la procédure est collective. C’est à l’article 6. Le médecin qui reçoit la demande instruit tout d’abord le dossier puis recueille l’avis d’un médecin qui remplit les conditions prévues ainsi que celui d’un auxiliaire médical. Cette notion de collégialité est incontestable.

Nous connaissons tous des gens qui nous ont fait part de leur envie de mourir. Mais entre l’entendre et estimer qu’ils remplissent les conditions de l’aide à mourir, il y a un fossé. Lorsqu’on aime son prochain, comme c’est le cas des soignants tels que M. Isaac-Sibille, on fait tout pour le soigner jusqu’au bout. Mais face à une impasse thérapeutique, un autre droit peut être proposé au malade.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Pour prévenir tout abus de faiblesse, en plus de l’exigence de collégialité, il y a celle de réitération. Le texte apporte toutes les garanties indispensables.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement complexifie la procédure, en élevant de nouveaux obstacles, pour les patients et les praticiens. D’abord, 6 millions de personnes n’ont pas de médecin traitant. Une partie de la population serait donc exclue du dispositif. Par ailleurs, que se passe-t-il si le médecin traitant ne souhaite pas pratiquer cet acte ? On crée une logique d’entrave, d’un côté ou de l’autre. Pire encore, cela va forcer la main au praticien, qui sait qu’il est le seul recours de la personne dont il est le médecin traitant, et instaure un délit d’entrave, bien loin du principe de liberté qui est au cœur du texte.

Évitons les procès d’intention. Un texte n’a pas d’arrière-pensée : c’est de l’encre et de la cellulose. S’il y a des arrière-pensées, elles sont de notre seul fait.

M. le président Frédéric Valletoux. Monsieur Pilato, je me suis battu pour que ce soit notre commission qui examine le texte. Nous comptons parmi nous de bons connaisseurs des sujets traités et nous travaillons avec un sérieux reconnu par l’Assemblée. Vous ne pouvez pas le remettre en cause ainsi, en prétextant que l’on n’aurait pas lu le texte. Nous l’avons tous lu, ainsi que les avis et autres recherches concernant le sujet. Préservons notre hauteur de vue.

M. Patrick Hetzel (DR). Monsieur le rapporteur général, vous avez fait l’éloge de la collégialité. Votre honnêteté intellectuelle vous fera toutefois reconnaître que le recueil de l’avis du second médecin peut se faire sans consultation physique du patient. Or une collégialité sans un contact physique minimal avec le patient n’en est pas une. Les termes sont une fois de plus travestis.

Mme Annie Vidal (EPR). Monsieur Clouet, vous avez parlé d’entrave à propos d’un médecin qui ferait valoir sa clause de conscience. Cela n’a pourtant rien à voir avec un délit d’entrave. Quel était le fond de votre pensée ?

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement ne remet pas en cause l’alinéa 4 mais le précise. Nous parlons de personnes atteintes d’une affection grave et incurable qui engage le pronostic vital en phase avancée ou terminale. Des médecins, des équipes pluridisciplinaires ont donc posé des diagnostics et il y a des personnes à même d’instruire la demande. Surtout, étant donné que pour accéder à l’aide à mourir la personne en fin de vie doit présenter des souffrances liées à cette affection, il est important d’avoir affaire à un médecin qui la suit. Pour déposer ces amendements auxquels nous avons réfléchi, nous avons forcément lu le texte. Dans l’intérêt du débat, je vous invite donc au respect, mes chers collègues.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS777 de M. Michel Lauzzana, AS915 de Mme Danielle Simonnet, amendements identiques AS480 de Mme Marie-Noëlle Battistel et AS900 de Mme Danielle Simonnet, amendement AS784 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune)

M. Michel Lauzzana (EPR). Dans la mesure où j’ai retiré mon amendement AS776 à l’article 4, par cohérence, je retire celui-ci.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je vais défendre en même temps mes deux amendements.

Par l’amendement AS900, nous proposons que, lorsque la personne n’est pas en mesure de formuler ou de confirmer sa demande d’accéder à l’aide à mourir, sa volonté puisse être exprimée ou confirmée par l’intermédiaire de directives anticipées ou par la personne de confiance.

L’amendement AS915 est plus restrictif puisqu’il prévoit le recours aux directives anticipées ou à la personne de confiance dans le seul cas où le patient n’est pas en mesure de réitérer sa demande en pleine conscience – étant précisé que s’il exprime, même en l’absence d’un discernement plein et entier, ce qui peut s’apparenter à un refus, la procédure est immédiatement interrompue.

Lorsqu’on réfléchit à sa fin de vie, on doit pouvoir exprimer, dans ses directives anticipées, non seulement sa volonté de poursuivre, de limiter, d’arrêter ou de refuser des traitements, mais aussi celle d’avoir accès à l’aide à mourir, pour peu que l’on en remplisse les conditions, dont je rappelle qu’elles sont très restrictives.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Il est vrai que nous avons déjà débattu de la question des directives anticipées, mais mon amendement vise la situation spécifique dans laquelle le patient, après avoir exprimé une première fois sa volonté d’accéder à l’aide à mourir, se retrouve dans un état de mort cérébrale au cours de la procédure et ne peut donc réitérer sa demande.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Mon amendement étant très similaire à l’amendement AS900, brillamment défendu par Mme Simonnet, je m’en tiendrai à ses arguments.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je ne rappellerai pas nos arguments de fond : nous avons eu, aux articles 2 et 4, de longs débats sur les directives anticipées, lors desquels nous avons rejeté la possibilité de recourir à ce dispositif. Je vous invite donc à être cohérents et à retirer vos amendements. À défaut, j’y serais bien entendu défavorable.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il importe de le redire, notamment pour tous ceux qui redoutent des abus ou des dérives : le fait que la demande doive être exprimée et réitérée en pleine conscience est le critère le plus important. Or il n’est pas compatible avec la logique des directives anticipées.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). La question est très délicate. Du reste, je déposerai, en séance publique, un amendement différent, qui traite des différents cas de figure qui peuvent se présenter.

Je souhaiterais que chacun se projette dans la situation où, se sachant atteint d’une maladie neurodégénérative, par exemple, on anticipe le moment – qui arrivera fatalement – où l’on perdra conscience et où l’on ne sera plus en mesure ni d’exprimer ni de ressentir quoi que ce soit. La personne qui se retrouve dans une telle situation peut estimer que, dans ces conditions, sa vie n’est plus véritablement humaine, n’a plus la même dignité, et choisir que cela s’arrête. Or, à ce moment-là, précisément, elle ne pourra plus exprimer sa volonté.

Si l’on ne tient pas compte de ce cas de figure, on forcera le patient à choisir de mettre fin à ses jours avant de parvenir à ce stade de la maladie. Une personne que je connais très bien se trouve dans cette situation ; elle veut vivre tant qu’elle peut avoir des échanges avec les autres, mais elle veut également avoir la liberté, lorsque ces échanges ne seront plus possibles, de mettre un terme à sa vie. Or elle ne pourra pas l’exprimer. C’est pourquoi il importe de tenir compte de la volonté qu’elle aura exprimée dans ses directives anticipées ou auprès d’une personne de confiance.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). On ne peut pas dire que le débat est le même qu’aux articles 2 et 4. En l’espèce, nous discutons du cas de figure précis où la personne a engagé le processus mais se trouve dans l’impossibilité de réitérer sa demande. Il me semble que cette question méritera un débat approfondi en séance publique.

M. Philippe Juvin (DR). Madame Simonnet, la question que vous soulevez est tout à fait légitime. Je comprends, bien entendu, que l’on veuille, tant que l’on est pleinement conscient, pouvoir décider par anticipation de ce qu’un jour, on ne pourra plus décider. Mais la demande de mort évolue : certaines personnes sont dans un état physiologique très altéré, que ni vous ni moi ne pensons pouvoir supporter – je pense au syndrome d’enfermement, qui a fait l’objet du livre Le Scaphandre et le Papillon –, et développent pourtant des projets de vie ! Nous souhaitons donc que jusqu’au dernier moment, on puisse dire : « J’ai changé d’avis ». Or, si l’on est inconscient, on ne le peut pas. C’est pourquoi nous nous opposons à vos amendements.

Par ailleurs, Mme Battistel a évoqué le cas d’une personne qui, parce qu’elle serait en état de mort cérébrale, ne pourrait réitérer sa demande. Mais la mort cérébrale, c’est la mort ! On ne peut pas euthanasier, si je puis dire, quelqu’un qui est déjà mort.

Mme Justine Gruet (DR). Mme Rousseau s’est interrogée tout à l’heure sur la différence entre une demande écrite et signée et des directives anticipées. Dans un cas, le consentement est exprimé de manière libre et éclairée par une personne consciente ; dans l’autre, la personne est, par définition, incapable d’exprimer son consentement.

Je peux comprendre que dans l’obstination à disposer de son corps en toute liberté, on souhaite que la volonté puisse être respectée. Mais s’il est impossible de réitérer la demande, on peut penser que le pronostic vital est engagé à court terme. Dans ce cas, il est possible de se référer aux directives anticipées dans lesquelles le patient refuse l’obstination déraisonnable et l’acharnement thérapeutique. La loi Claeys-Leonetti correspond donc à la situation évoquée.

M. Yannick Monnet (GDR). La loi ne peut pas couvrir toutes les situations. Si la demande ne peut pas être exprimée, on ne peut pas être certain que la personne souhaite mourir. Or, dans le doute, il faut s’abstenir.

Mme Annie Vidal (EPR). Nous discutons du cas où le patient se trouve dans l’impossibilité de réitérer sa demande, mais la plupart des amendements en discussion ont un champ d’application plus étendu puisqu’ils ont pour objet de permettre que « la demande [puisse] être formulée ou confirmée » par l’intermédiaire de directives anticipées.

M. Hervé de Lépinau (RN). Mme Simonnet a indiqué tout à l’heure que la personne dont l’état serait dégradé au point qu’elle ne serait plus consciente perdrait une partie de sa dignité. Je souhaiterais qu’elle nous explique ce qu’elle entend par là.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Chaque personne en fin de vie a une idée de ce qu’elle accepte ou non pour elle-même – cette appréciation peut d’ailleurs évoluer avec la maladie. Il y va de la liberté de chacun ; cela ne peut pas être défini dans un texte de loi. Or, pour certains, la vie perd de son sens, donc de sa dignité, si l’on ne peut plus communiquer avec autrui.

Lorsqu’on invoque la loi Claeys-Leonetti, je crains qu’il y ait un peu d’hypocrisie. On accepte qu’une tierce personne enclenche le processus du laisser mourir, au motif que le patient ne souffrira pas et que les choses iront très vite. Mais ce n’est pas toujours le cas. Ce qui est certain, c’est que le patient peut ne pas vouloir infliger à ses proches une agonie de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines. À cet égard, la sédation profonde et continue jusqu’au décès est différente du recours à une substance létale.

Je déposerai, en séance publique, un amendement plus clair sur l’article idoine qui prévoie qu’une tierce personne puisse exprimer la volonté du patient dans le cas où celui-ci a engagé le processus de l’aide à mourir mais perd conscience avant de pouvoir réitérer sa demande. Si c’est possible pour le laisser mourir, cela doit l’être également pour l’aide à mourir.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Si la loi ne permet pas qu’une personne de confiance exprime la volonté du patient quand celui-ci est dans l’impossibilité de réitérer sa demande d’aide à active à mourir, il risque de précipiter cette demande. Il y a là une contradiction avec votre volonté de prolonger le plus possible la vie dans un état de conscience, de présence au monde.

M. Patrick Hetzel (DR). Sous un aspect strictement juridique, le débat est assez troublant. En effet, notre droit protège toute personne qui perd son discernement, en fonction de son degré d’altération. Or, en l’espèce, on provoquerait sa mort, sans être certain que sa volonté de mourir est restée intacte. Cela marquerait une rupture dans notre droit. En tout cas, il y a, là aussi, une véritable contradiction.

M. Christophe Bentz (RN). Nos débats sont vifs, et c’est normal : nous avons tous, en la matière, des convictions chevillées au corps, et je respecte les vôtres, madame Simonnet. Vous avez expliqué que la dignité d’une personne en fin de vie pourrait être amoindrie ; nous avons, sur ce point, une divergence de fond, de nature éthique. Car nous considérons, quant à nous, que l’Homme ne peut pas perdre sa dignité d’être humain : il est digne du début à la fin de sa vie. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à ce texte et à vos amendements.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Les deux amendements de Mme Simonnet ont trait, pour l’un, à la formulation de la demande, pour l’autre, à sa confirmation. Or l’alinéa 4 de l’article 5 ne concerne que la formulation de la demande ; sa réitération sera abordée à l’alinéa 12. C’est donc lors de l’examen de cet alinéa que nous devrons avoir cette discussion.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Monsieur Hetzel, on peut perdre son discernement sans perdre conscience. Dans un cas, on n’est plus capable de comprendre une situation ; dans l’autre, on ne peut ni percevoir ni interagir – quand on est dans le coma, par exemple. La perte de discernement interrompt le processus. En revanche, nous devons nous interroger sur la situation dans laquelle le patient a perdu conscience. Nous devons lui permettre de conserver ce qu’il estime être sa dignité.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Peut-être devrons-nous avoir à nouveau cette discussion ultérieurement, mais elle n’a pas lieu d’être à l’article 5.

En tout état de cause, il y a quelques heures, notre commission s’est prononcée clairement sur la question des directives anticipées. J’espère que nous ferons preuve de cohérence en rejetant ces amendements, qui sont analogues à ceux que nous avons repoussés tout à l’heure.

M. le président Frédéric Valletoux. Madame Simonnet, maintenez-vous vos amendements ?

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je vais retirer l’amendement AS915, qui aurait dû être déposé à l’alinéa 12 ou à l’alinéa 15.

Par ailleurs, je suis désolée, monsieur le rapporteur, mais, à chaque fois qu’il sera question de la démarche du patient dans le processus de l’aide à mourir, nous serons plusieurs à défendre des amendements visant à autoriser la prise en compte des directives anticipées ou de la parole de la personne de confiance. Peut-être finirons-nous par vous convaincre ou serai‑je convaincue par vos arguments – c’est l’un des intérêts des débats en commission.

L’amendement AS915 est retiré.

La commission rejette les amendements AS480 et AS900 puis l’amendement AS784.

Amendement AS621 de Mme Geneviève Darrieussecq

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS716 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Nous proposons que la personne ne puisse pas confirmer sa demande d’aide à mourir lors d’une téléconsultation.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’an dernier, la commission spéciale avait adopté l’alinéa 5, qui vise à interdire la présentation d’une demande en téléconsultation. S’agissant de sa confirmation, je serai moins catégorique, dans la mesure où le médecin aura déjà vu la personne et aura pu la revoir lors de la notification de sa décision. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS273 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il me paraît important de préciser qu’une nouvelle demande ne pourra être présentée que si les conditions – âge, lieu de résidence ou aptitude à s’exprimer, par exemple – dans lesquelles la précédente demande a été effectuée ont notablement évolué.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Le texte précise déjà qu’une même personne ne peut présenter simultanément plusieurs demandes. Par ailleurs, seul le médecin pourra évaluer l’évolution de la situation. Votre amendement n’apporterait donc pas véritablement de valeur ajoutée au texte.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vise les personnes dont la demande aurait été rejetée parce qu’elles ne remplissent pas les critères et qui réitéreraient leur demande quelques jours plus tard sans que leur situation ait évolué.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS907 de M. Thomas Ménagé

M. Théo Bernhardt (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS378 de Mme Marine Hamelet.

Amendement AS60 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à préciser que le médecin doit consulter la personne de confiance, la famille et les proches avant de demander au patient s’il fait l’objet d’une mesure de protection juridique. Il s’agit, là encore, d’assurer sa protection juridique.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je rappelle que le médecin a déjà accès au registre qui recense l’ensemble des mesures de protection. Cette mesure ne me semble donc pas utile.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l’amendement AS925 de Mme Christine Loir.

Amendement AS966 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). « Le médecin a accès au registre » ; soit. Encore faut‑il qu’il l’utilise. C’est pourquoi il convient de préciser qu’il doit vérifier les informations en consultant ce registre. Au demeurant, pourquoi le médecin doit-il demander à la personne si elle fait l’objet d’une mesure de protection dès lors que cette mesure n’a aucune incidence sur son accès à l’aide à mourir ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. Pour en informer la personne qui exerce la mesure de protection, et en aucun cas pour trancher la question de son recours à l’aide à mourir : cette décision appartient à la personne concernée.

M. Philippe Juvin (DR). Il ne me semble pas que le texte précise que le médecin doit prévenir le tuteur ou le curateur.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’alinéa 9 de l’article 6 dispose que le médecin, « lorsque la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne, informe la personne chargée de la mesure de protection [...] »

S’agissant de l’amendement lui-même, la rédaction proposée me paraît plus explicite et plus équilibrée. Avis favorable, donc.

M. Yannick Monnet (GDR). Sur ce point, les auteurs du texte ont anticipé l’adoption d’un amendement reconnaissant le droit à l’aide à mourir aux personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Comme l’a indiqué le rapporteur, la précision demandée par M. Juvin figure bien à l’alinéa 9 de l’article 6.

M. Thibault Bazin (DR). Lorsque la commission spéciale a examiné le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, le registre mentionné à l’alinéa 7 n’existait pas encore – et il me semble qu’il n’a toujours pas vu le jour. De fait, aux termes du II de l’article 18 de la loi du 8 avril 2024, les dispositions qui le créent doivent entrer en vigueur au plus tard le 31 décembre 2026. Avons-nous l’assurance qu’il sera créé avant la promulgation de la loi – si elle est adoptée ? Dans le cas contraire, je ne sais pas comment le médecin pourra vérifier si la personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique.

Mme Annie Vidal (EPR). La loi « bien‑vieillir » prévoit l’instauration d’un registre national des mesures de protection ; il est en cours de constitution et verra bientôt le jour. Rappelons que sa création avait été confirmée par la commission mixte paritaire, grâce à la sagesse proverbiale des sénateurs.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1125 de M. Laurent Panifous.

Amendement AS274 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Conformément à mes amendements défendus précédemment, celui-ci vise à compléter l’alinéa 7 par la phrase suivante : « En cas de réponse positive, le médecin informe la personne qu’elle ne peut avoir accès à l’aide à mourir. »

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Conformément à mes avis sur vos précédents amendements, j’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS512 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement de précision vise à compléter l’alinéa 7 afin que les personnes sous protection juridique ou en situation de handicap reçoivent une information claire, adaptée à leur état et à leurs facultés de discernement.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Le principe s’appliquant aux majeurs protégés est celui de l’autonomie : le code de la santé publique prévoit qu’ils prennent seuls les décisions relatives à leur personne, dans la mesure où leur état le permet.

Le législateur n’a pas exclu les personnes protégées du droit de refuser un traitement ou d’accéder à une sédation profonde et continue jusqu’au décès ; il n’a pas non plus prévu l’autorisation obligatoire du juge des tutelles.

Le présent texte comporte des mesures spécifiques à leur égard, conformément aux garanties supplémentaires qui doivent être données aux personnes vulnérables d’après un arrêt de 2011 de la Cour européenne des droits de l’homme : la personne assurant la protection juridique est obligatoirement informée et le médecin tient compte de ses observations.

Chaque jour, partout en France, les médecins s’adaptent à leurs patients, qu’ils soient âgés ou très jeunes, francophones ou non, bénéficiant d’une protection juridique ou non ; cela relève de leur mission.

Demande de retrait de cet amendement, qui me semble superfétatoire.

M. Yannick Monnet (GDR). En matière de handicap, rien n’est superfétatoire. L’application de la loi Leonetti l’a montré : il est toujours bon de préciser les modalités concernant les personnes en situation de handicap.

M. Patrick Hetzel (DR). J’entends que des dispositions juridiques s’appliquent déjà, mais dans le contexte particulier qui nous occupe, il est nécessaire de prendre en considération la vulnérabilité des personnes en situation de handicap.

C’est pourquoi je suis favorable à cet amendement qui, sur une suggestion du Collectif Handicaps, propose une mesure très pertinente correspondant à leurs attentes.

M. Philippe Juvin (DR). Il me semble important de distinguer tutelle et curatelle : dans les situations les plus graves, le code de la santé publique prévoit que les patients décident eux-mêmes, à l’exception toutefois de ceux atteints de pathologies particulièrement lourdes et de ceux placés sous tutelle. Nous devons soutenir cet amendement : non seulement il correspond à notre rôle de protection, mais il est tout à fait logique et ne retire aucun droit.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS803 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS131 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). Cet amendement de repli vise à s’assurer de la consultation de la personne assistant ou représentant un patient demandant à recourir à une aide à mourir.

Selon le ministère de la justice, une personne est placée sous protection juridique lorsque des facteurs tels que la maladie, le handicap, l’accident, la sénilité ou la simplicité d’esprit altèrent ses capacités, la rendant incapable de défendre ses propres intérêts. Le juge peut alors décider d’une mesure de protection juridique pour permettre à un tiers de l’assister dans la gestion de ses affaires.

À la lumière de cette définition, il apparaît difficile de comprendre comment ce tiers pourrait préserver les intérêts matériels de cette personne sans être inclus dans la procédure de demande d’aide à mourir. Respecter l’autonomie du patient n’empêche pas de prévoir son accompagnement par le tiers chargé de sa protection juridique, afin notamment de limiter les risques d’abus de faiblesse.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Avis défavorable, puisque cet amendement est satisfait par l’alinéa 9 de l’article 6, qui prévoit que le médecin non seulement informe la personne chargée de la mesure de protection, mais tient compte de ses éventuelles observations.

M. Hervé de Lépinau (RN). Cet amendement soulève une question de fond : un tuteur ou un curateur a-t-il pour mission de participer à une décision létale ? Si tel était le cas, ceux qui accepteront ces responsabilités seront peu nombreux, parce que cela ne correspond pas à leur mission de protection juridique.

Dans le cadre de la commission spéciale, lors de ce débat, nous avions proposé de renvoyer au juge des tutelles cette décision, terrifiante pour nombre de curateurs ou de tuteurs, qui sont bien souvent des associations et non des personnes physiques.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Il ne s’agit pas de demander l’avis du tuteur ou du curateur, mais de l’informer et de recueillir ses observations éventuelles, afin que le médecin puisse en tenir compte ; aucune pression ne pèsera sur lui.

Dans le cadre d’une démarche collégiale, informer la personne en charge de la protection du patient et recueillir ses observations me semble être la moindre des choses.

M. Hervé de Lépinau (RN). Suivant cette logique, il faut prévoir la possibilité, pour le tuteur ou le curateur, de saisir le juge des tutelles, s’ils ont l’intime conviction que la décision létale n’est pas conforme aux intérêts de la personne placée sous leur protection et constitue un abus de faiblesse. Un contrôle du juge est indispensable ; or le texte ne le prévoit pas.

L’amendement est retiré.

*

*     *


6.    Réunion du mardi 29 avril 2025 à 16 heures 30 (article 5 [suite])

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([241]).

M. le président Frédéric Valletoux. Il nous reste 707 amendements à examiner : au rythme actuel, nous devrons travailler soit la nuit, soit vendredi. La date limite de dépôt des amendements en vue de l’examen du texte en séance a été fixée au mercredi 7 mai à 17 heures. Par conséquent, si nous imaginions poursuivre la discussion lundi prochain, il ne resterait que vingt-quatre heures pour amender le texte, ce qui serait trop juste sur un sujet de cette importance.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Est-il envisageable de limiter les prises de parole à deux pour et deux contre ?

M. le président Frédéric Valletoux. Cela me paraît difficile, d’autant que des nuances différentes peuvent s’exprimer au sein d’un même groupe. Essayons d’abord de nous discipliner et de nous en tenir à une minute par prise de parole.

M. Thierry Frappé (RN). Pourriez-vous nous indiquer le nombre d’amendements examinés hier ?

M. le président Frédéric Valletoux. Il y en a eu 187.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous pourrions aussi terminer nos travaux à 1 heure du matin ce soir et demain soir, afin de disposer de deux heures de discussion supplémentaires.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Cela ne me semble pas raisonnable ; évitons des fins de soirée comme celle d’hier soir.

M. Nicolas Turquois (Dem). C’est vrai qu’en raison de la fatigue ou des sujets abordés, les esprits se sont un peu échauffés hier. Les positions des uns et des autres sont toutes respectables et mieux vaut éviter les interpellations inutiles.

M. le président Frédéric Valletoux. Tâchons de ne pas dépasser minuit, mais gardons à l’esprit la possibilité de prolonger nos travaux vendredi.

Article 5 (suite) : Demande d’accès à l’aide à mourir

Amendement AS950 de M. Philippe Juvin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à préciser, après l’alinéa 7, que « le médecin s’assure des capacités pleines et entières de discernement de la personne tout au long de la procédure de l’aide à mourir ».

M. Laurent Panifous, rapporteur pour les articles 5 et 6. La manifestation de la volonté « de façon libre et éclairée » est déjà présente dans les conditions cumulatives d’accès à l’aide à mourir exposées à l’article 4. De plus, l’article 6 précise que « la personne dont une maladie altère gravement le discernement [...] ne peut pas être regardée comme manifestant une volonté libre et éclairée ». Enfin, aux termes de l’article 10, si le médecin prend connaissance, postérieurement à sa décision, d’informations le conduisant à considérer que les conditions, y compris la volonté libre et éclairée, ne sont pas remplies ou ont cessé de l’être, il est mis fin à la procédure.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS785 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cet amendement prévoit d’annexer aux directives anticipées la demande d’aide à mourir, sous réserve que la personne qui la formule remplisse les conditions d’accès ; cela permettrait notamment aux personnes atteintes de maladies neurodégénératives d’exprimer une première volonté, alors qu’elles sont encore conscientes, avant une possible dégradation de leur capacité de discernement.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous avons déjà abordé ce sujet à six reprises depuis le début de l’examen du texte. Avis défavorable, pour les raisons déjà développées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS321 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). Cet amendement vise à garantir l’information et la parfaite compréhension de la personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir, en lui faisant signer un document précisant que la procédure a été respectée.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’article 13 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application de la procédure, notamment « la forme et le contenu de la demande ».

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS275 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit de préciser, à l’alinéa 8, que le médecin peut faire valoir sa clause de conscience, au moment où il reçoit la demande d’aide à mourir.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Cet ajout est inutile puisque la clause de conscience peut être opposée par le médecin, au moment de la demande ; elle est de droit.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). L’alinéa 4 prévoit que la personne qui souhaite l’administration d’une substance létale en fait la demande expresse à un médecin en activité. L’alinéa 8 détaille ensuite l’ensemble de la procédure : le médecin informe la personne sur son état de santé, lui propose de bénéficier de soins d’accompagnement et lui explique les conditions d’accès à l’aide à mourir. Néanmoins, est-il obligé de présenter tout le processus s’il n’est pas à l’aise avec celui-ci ? À quel moment doit-il faire valoir sa clause de conscience ? N’est-il pas préférable de mentionner qu’il peut le faire dès le début de la procédure, pour éviter que sa décision ne soit connue qu’au moment d’administrer la substance ?

M. Patrick Hetzel (DR). Cette précision permettrait effectivement d’éviter toute ambiguïté sur le sujet.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Nous aborderons la question de la clause de conscience à l’article 14, qui précise, en son alinéa 5 : « Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à la mise en œuvre de ces dispositions doit informer sans délai la personne de son refus et lui communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à cette mise en œuvre. »

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement est inutile puisque nous examinerons un article dédié à la clause de conscience. Pire, la façon dont il est rédigé laisse entendre que, si la clause de conscience était invoquée, le médecin n’informerait pas la personne sur son état de santé, ne lui proposerait pas de bénéficier de soins d’accompagnement, y compris palliatifs, ne l’orienterait pas vers un psychologue clinicien ou un psychiatre et ne lui indiquerait pas qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande. Autrement dit, faire valoir sa clause de conscience empêcherait le médecin d’orienter la personne vers un parcours d’accompagnement et de soins. Ce n’est sans doute pas votre intention, mais c’est ce que l’on comprend de l’amendement tel qu’il est rédigé. Par conséquent, mieux vaut le rejeter.

M. Christophe Bentz (RN). Vous nous renvoyez à l’article 14, qui est consacré à la clause de conscience. Cependant, nul ne peut présager du vote à venir et celle-ci pourrait être supprimée. Nous voterons donc en faveur de l’amendement de M. Bazin, afin d’en sécuriser le principe.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Votre amendement pose question : signifie-t-il que le professionnel de santé qui est mal à l’aise avec l’aide à mourir n’accompagnera plus le malade ou ne pourra plus prendre en compte sa volonté ? En vertu de la « loi Kouchner », relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, tout soignant doit être en mesure de recueillir la volonté du patient. S’il a le droit de refuser de pratiquer l’acte lui-même, n’ouvrons pas une boîte de Pandore, qui conduirait à ne plus faire la toilette du malade ni à prendre ses constantes.

Mme Justine Gruet (DR). Nous nous étions déjà interrogés sur le moment opportun pour faire valoir la clause de conscience lorsque nous avons évoqué la formation à l’aide active à mourir, dans le cadre de la proposition de loi relative aux soins palliatifs. Soit on décide de former tous les professionnels de santé, soit on accepte qu’un médecin qui ne souhaite pas pratiquer l’aide active à mourir invoque la clause de conscience, avant même de suivre la formation. Néanmoins, dans ce cas, il lui sera difficile d’accompagner le patient et de lui expliquer toute la procédure.

Mme Annie Vidal (EPR). Dans l’intérêt du patient, il est préférable que le médecin fasse valoir la clause de conscience dès le départ, plutôt qu’au dernier moment, ce qui serait brutal tant pour le malade que pour le soignant amené à pratiquer l’acte en dernier ressort. L’accompagnement à l’aide à mourir étant prévu sur une courte période – une quinzaine de jours –, il vaut mieux que la procédure soit assurée par un seul et même professionnel de santé.

M. Thierry Frappé (RN). La clause de conscience est un droit réservé à certaines professions, comme les médecins, les journalistes ou les avocats. Toutefois, si un professionnel de santé peut refuser de pratiquer un acte, il ne peut pas refuser de prendre en charge un patient. Il peut être opposé à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) ou à l’aide à mourir, mais continuer à suivre son patient, tout en exprimant son désaccord avec sa décision ; ce n’est pas incompatible.

M. Philippe Vigier (Dem). La clause de conscience est consubstantielle à la fonction de médecin, qui peut l’activer à tout moment et pour tout acte. Votre amendement risque de désacraliser cette notion. Ne complexifions donc pas les choses. Un médecin peut être volontaire à un moment donné, puis ne plus l’être pour des raisons qui lui sont propres – cela arrive s’agissant des avortements.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Au-delà de la clause de conscience, un médecin a des obligations d’accompagnement et d’information envers son patient. Ne nous mettons pas des bâtons dans les roues en créant des barrières qui empêcheraient le médecin d’accomplir cette dimension de conseil.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS276 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à constituer un collège de trois médecins volontaires – dont celui qui a reçu la demande –, chargés de vérifier l’éligibilité de la personne, de lui présenter les solutions alternatives et de lui expliquer la procédure. Je note que pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès, vous prévoyez une collégialité plus importante que pour l’administration d’une substance létale.

Par ailleurs, pour des raisons de recevabilité financière, il est précisé que la transmission du dossier et les actes qui lui sont liés ne font l’objet d’aucune rémunération par la sécurité sociale et que les dispositions de l’article 18 de la présente loi ne leur sont pas applicables – j’espère néanmoins que le Gouvernement lèvera le gage pour financer cette collégialité.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’article 6 introduit déjà une procédure collégiale pluriprofessionnelle, par laquelle le médecin à qui la demande a été formulée recueille obligatoirement les avis d’un spécialiste de la pathologie et d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant et, éventuellement, ceux d’autres professionnels, tels que des psychologues ou des infirmiers. La collégialité de la décision est donc parfaitement assurée par l’article 6.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). La collégialité que vous évoquez fait intervenir un second médecin qui ne rencontre pas forcément le patient et un auxiliaire médical – ce qui est très large. Il n’y a donc pas la même exigence que pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès. De plus, pour avoir mené les évaluations ensemble, nous savons bien que d’autres questions se posent : par exemple, la collégialité est-elle toujours assurée ? C’est pourquoi il est nécessaire de la renforcer.

M. Patrick Hetzel (DR). Pour qu’une décision soit prise de manière collégiale, il faut que les médecins rencontrent le patient, ce qui n’est pas prévu pour le second médecin.

M. Philippe Vigier (Dem). La collégialité, que vous semblez mettre en doute, est bien prévue puisque trois personnes du corps médical seront amenées à se prononcer. Croyez‑vous que dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) tous les médecins voient tous les patients ? Non. Ils consultent les dossiers. Ne demandez donc pas plus que ce qui se fait déjà dans tous les CHU de France.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS786 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Au risque d’agacer le rapporteur général je propose, avec cet amendement, que le médecin prenne connaissance des directives anticipées et échange avec l’intéressé ou sa personne de confiance sur leur contenu. L’idée est de prendre en compte la volonté exprimée par la personne lorsque le diagnostic a été posé, même si elle a perdu ensuite son discernement.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je ne suis pas agacé, car vos amendements sont parfaitement légitimes. Je renouvelle néanmoins mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS825 de Mme Sandrine Dogor-Such, amendement AS1127 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Cet amendement vise à donner une place centrale aux soins palliatifs dans l’offre de soins proposée au patient.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.

Par ailleurs, l’amendement AS825 est satisfait puisqu’il est précisé à l’alinéa 10 que le médecin « propose à la personne de bénéficier des soins d’accompagnement ».

Avis défavorable.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous pourrions néanmoins mentionner les soins palliatifs.

M. Christophe Bentz (RN). L’idée n’est pas d’écrire une loi bavarde, mais précise. Pourquoi insistons-nous sur le sujet ? Parce qu’un flou persiste, dans l’esprit de certains, sur la notion d’accompagnement qui comprend, à terme, l’aide à mourir, le suicide assisté et l’euthanasie.

Mme Annie Vidal (EPR). On peut raisonnablement penser que, lorsqu’un patient en vient à demander une aide à mourir, c’est parce qu’il a été informé du caractère grave et incurable de sa maladie. Rappelez-vous que l’article 14 de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement prévoit que dès l’annonce à un patient d’une pathologie grave et incurable, un cycle de discussions est ouvert au cours duquel tous les traitements possibles lui sont proposés, dont la prise en charge palliative.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je n’ai pas lu l’intégralité de l’alinéa 10 tout à l’heure, mais il est bien mentionné « des soins d’accompagnement, y compris des soins palliatifs ». Ils figurent bien à l’article 5 et ne sont pas renvoyés à des articles ultérieurs.

Successivement, la commission rejette l’amendement AS825 et adopte l’amendement AS1127.

Amendement AS61 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Cet amendement vise à préciser la notion d’accompagnement mentionnée à l’alinéa 9 – qui résulte de l’ancien projet de loi et englobe à la fois les soins palliatifs et l’aide à mourir – en lui substituant les mots « soins palliatifs ».

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je propose moi-même un amendement, que nous examinerons juste après le vôtre, avec une rédaction plus adaptée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1126 de M. Laurent Panifous

M. Laurent Panifous, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la fin de l’alinéa 9, qui mentionnait spécifiquement l’information aux personnes en situation de handicap ; celles-ci étant englobées dans la présente proposition de loi, cette mention est injustifiée.

M. Thibault Bazin (DR). Je comprends que, dans une société idéale, on ne veuille pas faire de différence. Toutefois, dans la réalité, lorsqu’on est en situation de handicap, l’expression de la souffrance et de la douleur sont parfois difficiles. Et il existe bien une spécificité liée au handicap – nous nous apprêtons d’ailleurs à fêter les vingt ans de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, adoptée en 2005 sous la présidence de Jacques Chirac. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour en parler, mais c’est ce que j’entends sur le terrain, auprès des acteurs spécialisés.

M. Yannick Monnet (GDR). Sans le faire exprès, vous m’avez induit en erreur, monsieur le rapporteur, et j’aurais dû voter en faveur de l’amendement de M. Hetzel. Je ne comprends pas pourquoi vous ne voulez pas faire explicitement référence aux soins palliatifs.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement dont vous parlez arrivera ultérieurement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS805 de Mme Marie-France Lorho, AS1128 de M. Laurent Panifous et AS967 de M. Philippe Juvin tombent.

Amendement AS428 de Mme Sandrine Runel

M. Arnaud Simion (SOC). Même si je ne veux pas remettre en cause l’équilibre du texte que M. le rapporteur appelle de ses vœux, cet amendement, relatif aux directives anticipées, reprend des préconisations du Conseil économique, social et environnemental.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je vous invite à la retirer ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS514 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR). Je précise que je suis favorable à la mention des soins palliatifs aux alinéas 9 et 10.

Mon amendement est de cohérence avec l’article 14 de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, qui prévoit la formalisation d’un plan personnalisé d’accompagnement (PPA). Il s’agit de s’en assurer dès l’annonce du diagnostic à la personne.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez que le médecin prenne connaissance du PPA ou informe le demandeur sur les modalités de sa formalisation. Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 9 n’y fait pas obstacle.

Par ailleurs, l’alinéa 10 prévoit d’évoquer les soins palliatifs avec la personne et de lui proposer d’en bénéficier. Enfin, l’article 13 prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités d’information prévues au présent article.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Certes, tout ce qui n’est pas exclu est possible. Toutefois, inscrire l’évocation du PPA dans la loi permet d’en indiquer l’importance.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je souhaite m’assurer que la suppression de la fin de l’alinéa 9 après le mot « disponibles », consécutive à l’adoption de l’amendement AS1126 du rapporteur, aura pour conséquence que les personnes en situation de handicap ne seront plus informées de leurs droits ni des dispositifs auxquels elles ont droit.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’alinéa 9 vise toute personne souhaitant accéder à l’aide à mourir, en situation de handicap ou non.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS278 de M. Thibault Bazin, amendement AS687 de M. René Pilato et sous-amendement AS1182 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Proposer au patient de bénéficier de soins palliatifs n’est pas suffisant, surtout en cas de difficulté à trouver un professionnel. Il faut véritablement orienter la personne vers un médecin spécialiste des soins palliatifs et s’assurer qu’elle y accède, sauf si son état de santé ne le requiert pas.

Une telle rédaction permet de montrer que l’on ne se contente pas de proposer, mais que l’on oriente. Au demeurant, il est courant qu’un médecin oriente un patient vers un spécialiste. Il faut se placer dans la situation concrète des personnes qui sont dans cette situation ; il s’agit de leur dire non « vous devriez recevoir des soins palliatifs », mais « consultez tel professionnel, spécialiste des soins palliatifs ».

M. René Pilato (LFI-NFP). Contrairement à M. Bazin, nous ne proposons pas d’orienter, mais nous insistons fortement sur l’accès aux soins palliatifs. Nous proposons de rédiger ainsi l’alinéa 10 : « 2° Informe la personne qu’elle peut bénéficier des soins palliatifs et d’accompagnement définis à l’article L. 1110‑10 et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective ». Nous garantissons la liberté de choix du patient tout en donnant plus de force à la rédaction de l’alinéa, dont nous pouvons tomber d’accord qu’elle est trop faible pour assurer un accès effectif aux soins palliatifs.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Mon sous-amendement vise à assurer la cohérence de l’amendement avec la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement AS278 vise à rendre obligatoire l’orientation du patient vers des soins palliatifs, au détriment du libre choix du patient. J’y suis défavorable.

J’émets un avis favorable au sous-amendement AS1182 et à l’amendement AS687 sous-amendé.

M. Thibault Bazin (DR). Rien n’oblige un patient orienté vers un autre médecin à le consulter. Mon amendement n’entrave en rien la liberté de choix du patient. Il vise à remplacer une proposition susceptible de rester théorique à une orientation concrète vers un professionnel des soins palliatifs. Certes, on peut s’en tenir aux bonnes intentions. Dans la vraie vie, dire à un patient qu’il pourrait bénéficier de soins palliatifs, c’est moins fort que l’orienter vers ces derniers et lui dire qui peut lui en prodiguer.

M. Philippe Vigier (Dem). Pour Thibault Bazin, l’exigence n’est pas un vain mot. Je lui fais observer qu’« orienter » est moins fort que « proposer », qui est davantage qu’une orientation vers des soins palliatifs. Par ailleurs, l’alinéa 10 prévoit que le médecin « s’assure, le cas échéant, qu’elle puisse y accéder ». Cette rédaction a le mérite de l’honnêteté : vous savez comme moi que, dans certains territoires, les soins palliatifs ne sont pas complètement développés – à défaut d’équipe fixe, les soins sont assurés par une équipe mobile. Avec ces deux verrous, notre rédaction va bien plus loin que celle que vous proposez.

M. Christophe Bentz (RN). Nous voterons l’amendement AS278, dont l’intention est distincte de celle qui sous-tend l’amendement AS687, d’autant que celui-ci, sous-amendé, fait passer au second plan les soins palliatifs par rapport aux soins d’accompagnement. Or nous nous sommes d’emblée accordés sur la définition de l’accompagnement, qui revêt des aspects médicaux, sociaux et humains, et inclut tout le spectre du soin, des soins précoces et de confort aux soins de support et palliatifs.

M. René Pilato (LFI-NFP). Notre collègue Bentz joue sur les mots. Le sous‑amendement AS1182 n’est rien d’autre qu’une disposition de cohérence avec la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, votée à l’unanimité. Pour nous, la liberté du patient est fondamentale. Quoi que l’on pense du présent texte, il ouvre un droit dont chacun est libre d’user ou non. Notre rédaction, qui prévoit d’informer le patient qu’il peut bénéficier de soins palliatifs et de s’assurer qu’il y accède, non seulement préserve sa liberté mais donne plus de force à l’alinéa 10 que la rédaction proposée par M. Bazin.

M. Patrick Hetzel (DR). La rédaction proposée par l’amendement AS687 sous‑amendé, à laquelle le rapporteur est favorable, place d’un côté les soins d’accompagnement et de l’autre les soins palliatifs, ce qui introduit entre eux une forme de hiérarchie implicite, ce qui est assez troublant. C’est pourquoi nous avons proposé de préciser les choses. Les soins palliatifs ne doivent pas occuper une place mineure, ce qui risque d’être le cas si l’amendement AS687 sous-amendé est adopté.

Mme Annie Vidal (EPR). Aucune des rédactions proposées n’améliore l’alinéa 10, dont la rédaction est presque parfaite. M. le rapporteur et moi-même défendrons les amendements identiques, AS1129 et AS599, visant à substituer aux mots : « des soins d’accompagnement, y compris des soins palliatifs » les mots « de l’accompagnement et des soins palliatifs ». Si, de surcroît, nous supprimons les mots : « le cas échéant » en adoptant un sous-amendement à cet effet, la phrase est parfaite : « « 2° Propose à la personne de bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs définis au 2° de l’article L. 1110‑10 du présent code et s’assure qu’elle puisse y accéder ».

La commission rejette l’amendement AS278.

Puis elle adopte successivement le sous-amendement AS1182 et l’amendement AS687 sous-amendé.

En conséquence, les amendements AS494 de M. Éric Liégeon, AS928 de Mme Christine Loir et AS515 de M. Yannick Monnet, les amendements identiques AS1129 de M. Laurent Panifous et AS599 de Mme Annie Vidal, les amendements AS1105 de M. Frédéric Valletoux, AS248 de M. JeanPierre Taite, AS132 de Mme Justine Gruet et AS717 de M. Christophe Bentz, les amendements identiques AS62 de M. Patrick Hetzel et AS408 de Mme Justine Gruet, les amendements AS429 de Mme Sandrine Runel, AS1010 et AS1022 de M. Philippe Juvin, AS495 de M. Éric Liégeon et AS279 de M. Thibault Bazin, les amendements identiques AS517 de Mme Karine Lebon et AS859 de Mme Nathalie ColinOesterlé, les amendements identiques AS430 de Mme Sandrine Runel et AS481 de Mme MarieNoëlle Battistel ainsi que l’amendement AS277 de M. Thibault Bazin tombent.

Amendements AS280 de M. Thibault Bazin, AS968 de M. Philippe Juvin et AS145 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vise à renforcer la collégialité de la décision en prévoyant une consultation avec un psychologue ou un psychiatre. Comme l’a rappelé le président du comité d’éthique de l’Académie nationale de médecine lors de son audition par notre commission le 2 avril dernier, l’éthique est un questionnement collectif.

Je propose de rédiger ainsi l’alinéa 11 : «  Oriente la personne vers un psychologue clinicien ou un psychiatre et attend le retour du spécialiste avant de poursuivre la procédure d’aide à mourir. Seul un avis favorable peut permettre de poursuivre la procédure ». Il s’agit d’un gage de sécurité pour les personnes présentant des souffrances psychologiques en vue de les accompagner. Par ailleurs, une question – que soulevait l’amendement AS279, tombé – demeure en suspens : que se passe-t-il si le malade opte pour des soins palliatifs à rebours de sa demande initiale ?

M. Philippe Juvin (DR). L’alinéa 11 est ainsi rédigé : « 3° Propose à la personne de l’orienter vers un psychologue clinicien ou un psychiatre ». Mon expérience des urgences m’a appris qu’un patient en grande souffrance ou en décompensation d’une maladie psychiatrique auquel on propose de consulter un psychiatre refuse dans la plupart des cas, quand bien même il y a objectivement quelque chose à faire pour soulager sa souffrance. Je propose donc de rédiger l’alinéa 11 comme suit : « 3° Oriente la personne vers un psychologue clinicien ou un psychiatre qui s’assure que le demandeur ne présente pas de pathologie ou d’état affectant son jugement ».

M. Fabien Di Filippo (DR). Souscrivant à l’exigence rappelée par notre collègue Vigier, je m’inscris dans la démarche de MM. Bazin et Juvin. Nos auditions ont montré que la souffrance psychique est susceptible d’affecter le jugement et que son traitement peut éviter de recourir à l’euthanasie. Je propose donc de substituer aux mots : « Propose à la personne de l’orienter », les mots : « Oriente la personne », afin de rendre obligatoire la consultation d’un psychologue clinicien ou d’un psychiatre pour quiconque souhaite recourir au suicide assisté.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ne rouvrons pas le débat que nous venons d’avoir entre les tenants de « proposer » et ceux d’« orienter ». Proposer une orientation est satisfaisant ; la rendre obligatoire n’est pas souhaitable. Par ailleurs, l’article 6 prévoit la consultation obligatoire de plusieurs personnels de santé.

Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). Je souhaite rappeler l’importance de la relation thérapeutique et de la confiance dans les soins. Par-delà de la volonté de toute puissance du médecin, il faut avoir confiance dans l’expertise médicale. S’agissant d’un patient animé d’une volonté de mourir, quel que soit son état psychologique ou physique, il faut donner au médecin une place centrale dans le diagnostic et dans l’orientation vers les professionnels.

On ne peut se satisfaire d’une relation thérapeutique complètement déséquilibrée fondée sur une simple proposition, s’agissant notamment des patients les plus vulnérables. Il faut s’assurer de la prise en charge clinique du patient même si son état clinique l’amène à la refuser.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Les auteurs des amendements suggèrent que la demande d’aide à mourir procède exclusivement d’une souffrance psychologique ou psychiatrique, laissant de côté les douleurs réfractaires sans lesquelles elle ne peut être formulée. Ils prônent la médicalisation de cette demande, alors même que le texte donne la parole à la personne qui la formule.

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures trente à dix-huit heures.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Demander l’aide à mourir suppose non seulement une souffrance psychique, mais aussi des douleurs réfractaires. Il ne faut pas psychiatriser la question.

Psychologue clinicien, je suis bien placé pour savoir que nous ne recevons une formation permettant de nous prononcer sur la validité de la demande d’aide à mourir d’une personne que nous n’avons vue qu’une ou deux fois. Au demeurant, tel n’est ni le rôle ni le devoir d’un psychologue, moins encore d’un psychiatre, ce qui suggère que les auteurs des amendements, qui auraient pour effet d’alourdir la procédure, cherchent surtout à gagner du temps.

Madame Gruet, en proposant de prévoir une validation médicale, vous vous inscrivez à contre-courant du texte, qui est un prolongement de la loi Kouchner visant à faire exister d’autres avis que celui du médecin. Il importe que le choix appartienne à la personne souffrant de douleurs insupportables. Aucune validation a posteriori d’un psychologue ou d’un psychiatre n’est nécessaire.

M. Fabien Di Filippo (DR). Ces propos illustrent ce qui nous sépare de ceux qui sont favorables aux perspectives ouvertes par le texte. Pour vous, l’euthanasie est un sujet qui n’est pas uniquement médical. Elle est un droit social. Or tel n’est pas l’essence de notre société, qui doit prendre soin des plus fragiles, s’efforcer de les soigner, et accompagner la vie plutôt que la mort. En entretenant une forme de confusion entre des souffrances qui ne sont pas de même nature, en faisant en sorte que l’on s’affranchisse autant que possible de l’avis des médecins, non seulement vous ouvrez la porte à l’aide à mourir pour ceux qui sont vraiment en fin de vie et subissent des souffrances insupportables, mais vous exposez des gens dont la situation physique, psychique ou familiale est fragile à subir un sort qu’ils n’auront pas souhaité.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1130 de M. Laurent Panifous

M. Laurent Panifous, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à supprimer le mot « clinicien » à l’alinéa 11. Cette notion ne figure pas dans le code de la santé publique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS281 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il y a des impensés dans la procédure telle qu’elle est décrite dans la proposition de loi. L’un d’entre eux m’intrigue. Un médecin auquel un patient demande l’administration d’une substance létale procède à des vérifications, puis l’informe et l’oriente. S’il ressent le besoin de l’orienter vers un psychologue ou un psychiatre, doit-il attendre son avis pour poursuivre la procédure ? Cet avis doit-il être favorable ? Hier soir, M. le rapporteur a évoqué la possibilité de demander un second avis. Celui-ci devra-t-il être conforme ? S’il est négatif, la procédure s’arrête-t-elle ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez faire dépendre la poursuite de la procédure de l’avis favorable d’un psychologue ou d’un psychiatre. Le texte prévoit de proposer à la personne de l’orienter vers un psychologue ou un psychiatre, dont l’avis n’est nullement contraignant. Un tel amendement, auquel je suis défavorable, aurait davantage sa place à l’article 6. Par ailleurs, il est contre-productif : une personne acceptant l’orientation vers un psychologue serait soumise à un avis contraignant, contrairement à une autre l’ayant refusée.

M. Thibault Bazin (DR). Si je comprends bien, la décision est collégiale mais les avis non contraignants. La question qui se pose est la suivante : si un médecin auquel une personne demande l’administration d’une substance létale lui propose de bénéficier de soins palliatifs si son état de santé le requiert, si elle peut y accéder et si elle le souhaite, la procédure est-elle interrompue ? La même question se pose si elle accepte d’être orientée vers un psychologue. Il ne suffit pas de formuler des propositions en s’armant de ses bonnes intentions.

Mme Justine Gruet (DR). L’avis du psychologue n’a pas nécessairement pour effet de faire changer les gens d’avis. Il faut cesser de croire que telle est notre obsession. Tout ce que nous voulons, c’est que les patients soient accompagnés au mieux. Il nous semble souhaitable que, dans le cadre de la procédure, le patient puisse discuter avec un psychologue, sinon pour le faire changer d’avis, du moins pour lui faire prendre conscience de ce dont il s’agit et l’accompagner tout au long d’une procédure conduisant à la mort.

Le patient peut en avoir besoin, ainsi que ses proches. Dans les pays où l’euthanasie ou le suicide assisté sont légalisés, il n’est pas rare que ceux qui y recourent n’en parlent pas à leurs proches, dont ils craignent le regard. Rendre consultatif l’avis du psychologue amoindrit l’accompagnement psychologique du patient.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Monsieur Bazin, les délais prévus par le texte s’imposent aux professionnels de santé, pas à la personne formulant la demande, qui peut à tout moment demander des informations, consulter et accepter une proposition d’orientation du médecin, nonobstant les délais supplémentaires qui en résultent.

M. Philippe Juvin (DR). Monsieur Panifous, je m’adresse à la fois au rapporteur et au professionnel de la prise en charge des personnes âgées que vous êtes. Je souhaite bien comprendre le sens de votre réponse à M. Bazin.

Soit un patient remplissant toutes les conditions d’accès à l’aide à mourir présentant une dépression sévère et une souffrance afférente diagnostiquée par un psychologue ou un psychiatre. Sa capacité de juger n’est pas affectée, tant il est vrai que l’on peut être très dépressif, très triste et avoir des envies de mort sans perdre sa capacité de prendre des décisions. Dans cette situation, considérez-vous que l’on peut passer outre l’avis négatif du psychiatre si la personne persiste à vouloir recourir à l’euthanasie ?

M. Yannick Monnet (GDR). Pensez-vous que le psychiatre rend un avis de cette façon ? Moi non. Lorsqu’on les rencontre, les professionnels de santé nous font part de la difficulté de donner un avis. L’amendement donne un coup de canif à la collégialité en octroyant un droit de veto à chaque professionnel. Leur démarche collégiale consiste non à dire oui ou non, mais à discuter, évaluer et soupeser. Au demeurant, ils ne demandent pas un droit de veto.

M. Nicolas Turquois (Dem). Sur le fond, je suis fermement opposé à l’amendement. Sur la forme, M. Bazin est un législateur suffisamment expérimenté pour ne pas ignorer qu’il est à visée dilatoire. Il devrait figurer à l’article 4, relatif aux conditions d’accès à l’aide à mourir, ou à l’article 6, relatif à l’avis des professionnels de santé. L’article 5 traite des droits du demandeur de l’aide à mourir et des informations que le médecin doit lui fournir. Cet amendement a manifestement pour objet de retarder l’examen au fond des sujets.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Bazin, votre amendement prévoit que le médecin peut, « le cas échéant », orienter le demandeur vers un psychologue, dont il devra attendre l’avis. Cela implique que l’avis sera facultatif. Or, aux termes de la seconde partie de votre amendement, « seul un avis favorable permet de poursuivre la procédure ». Cela contreviendrait au principe de collégialité.

Monsieur Hetzel, le juriste émérite que vous êtes sait bien comment les collèges de juges d’instruction prennent leurs décisions.

M. René Pilato (LFI-NFP). Imaginez une personne qui est mourante, le sait et dont les souffrances sont réfractaires à tout traitement médicamenteux. Pensez-vous qu’un psychologue la fera changer d’avis ? Ce n’est pas sérieux ! Comment demander à des personnes en bout de course de consulter un psychologue, « au cas où elles se tromperaient » ?

Au moment où l’orientation vers le psychologue aura lieu, le demandeur devra déjà satisfaire les critères prévus, dont les souffrances réfractaires. Or vous proposez d’allonger la procédure.

M. Stéphane Delautrette (SOC). D’après cet article, quand un malade exprimera le souhait d’accéder à l’aide à mourir au médecin, celui-ci devra lui présenter tous les accompagnements disponibles et pourra l’orienter vers un psychologue, si le malade en ressent le besoin, tout en précisant que, quand bien même le psychologue émettrait un avis favorable à la demande d’aide à mourir, le malade pourra interrompre à tout moment le processus.

La question est donc différente de celle que nous traiterons à l’article 6, quand il s’agira de déterminer la manière dont le médecin saisi de la demande se forgera sa propre opinion et prendra sa décision – après avoir recueilli l’avis d’un psychologue, s’il le souhaite. Ne confondons pas les deux débats.

Par ailleurs, le fait qu’un patient consulte un psychologue et bénéficie d’un accompagnement psychologique s’il le juge nécessaire n’empêchera pas le déroulement de la procédure. Et le patient pourra toujours décider d’annuler sa demande à tout moment. Vos propos ne reflètent donc pas la réalité et nous nous opposons à votre amendement.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Cette série d’amendements me fait furieusement penser à l’obligation de consulter un psychologue en cas de demande d’IVG, qui a heureusement été supprimée il y a plusieurs années. De fait, le recours à l’IVG est une liberté fondamentale, comme doit l’être le droit à l’aide active à mourir.

La fin de vie est en soi une souffrance, un moment où l’on éprouve des regrets, le besoin de poser les choses. L’accès à un psychologue devrait donc être ouvert à toutes les personnes en fin de vie.

En réduisant cet accès aux demandeurs de l’aide active à mourir, nous les traitons comme si quelque chose leur faisait défaut alors qu’ils souhaitent simplement bénéficier d’une liberté. C’est au nom de cette liberté que nous défendons le présent texte, et non par défaut.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Le recours à un psychologue ou à un psychiatre médicalisera les souffrances, ou en tout cas conduira à les traiter comme des pathologies, des anomalies. Or les souffrances réfractaires n’impliquent pas nécessairement de troubles psychiatriques, monsieur Juvin. Un malade doit pouvoir choisir quand il souhaite que des douleurs réfractaires cessent. Ce n’est nullement un trouble psychiatrique.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les patients concernés devront satisfaire des critères cumulatifs et avoir réitéré leur demande d’accéder à l’aide à mourir en toute conscience. Quand on est en fin de vie, on a le droit d’être un peu dépressif sans que cela relève de l’avis d’un psychologue ou d’un psychiatre. Ne stigmatisons pas les demandeurs et préservons la collégialité. Celle-ci doit permettre aux différents soignants, notamment, une discussion à bâtons rompus sur leur ressenti concernant la demande d’aide à mourir. Et je ne connais pas de psychiatre qui formulerait un avis tranché pour ou contre une demande. Laissons le patient libre de choisir sa prise en charge et de définir sa demande.

Mme Annie Vidal (EPR). Les premiers articles du texte définissent un droit, des critères d’accès à celui-ci, mais la suite est plus compliquée. L’article 5 définit le processus, c’est-à-dire toutes les actions qui sous-tendent, supportent la demande. L’article 6, lui, précise la procédure elle-même. Or ces deux articles sont intégrés dans un chapitre intitulé « Procédure ». Le texte est construit de telle manière qu’on peut parler de tout dans tout. Je comprends que chacun veuille préciser les choses par précaution, mais je crains que cela ne complique la compréhension et l’application du texte.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS63 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). La proposition d’orientation vers un psychologue ou un psychiatre doit intervenir « dans le délai de quinze jours » dont le médecin disposera pour rendre son évaluation sur la demande d’aide à mourir. Nous nous assurons ainsi du consentement libre et éclairé du malade et de la réalité de sa volonté.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous ajoutez une notion d’obligation, alors que l’orientation vers un psychologue doit être simplement proposée au malade, dans le cadre de sa demande d’aide active à mourir. Quant à l’évaluation collégiale de cette demande, elle sera traitée à l’article 6.

Monsieur Juvin, je fais confiance à la collégialité prévue par le texte pour permettre aux médecins de trier entre les demandes d’aide à mourir acceptables et les autres.

M. Patrick Hetzel (DR). La législation belge, parmi d’autres, impose l’orientation ver un psychologue et un psychiatre. Malgré plusieurs révisions du dispositif depuis 2002, nos voisins belges ne sont jamais revenus sur ce point. Vous ne prenez pas suffisamment de précautions. Vous prétendez prendre les autres pays comme modèles, mais vous n’imitez qu’une partie du dispositif, au mépris de la sécurité de nos concitoyens.

M. Philippe Juvin (DR). Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas tout à fait répondu à ma question. Parmi les critères internationalement reconnus du diagnostic d’un épisode dépressif majeur figurent une « souffrance cliniquement significative » et la demande de mourir. Actuellement, ces épisodes sont pris en charge, en France comme dans beaucoup d’autres pays, par des antidépresseurs et une psychothérapie. Avec le texte, les victimes de tels épisodes dépressifs qui satisferaient par ailleurs les autres critères de l’aide active à mourir pourront-elles encore bénéficier d’une telle prise en charge ? Les médecins pourront-ils renoncer à traiter les cas de dépression sévère et accepter la demande d’euthanasie ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. Il ne s’agit pas, avec ce texte, d’accepter automatiquement toute demande d’aide à mourir. Vous faites référence à mon passé de directeur d’établissement ; or, justement, ce ne sont pas les personnes comme moi qui traiteront ces situations complexes, mais les professionnels de santé. Je fais confiance à leur capacité de discernement. Ils sauront déterminer si la souffrance du malade peut ou non être soulagée, s’il accepte un traitement – ils lui rappelleront d’ailleurs qu’il a le droit de refuser tout traitement. La décision sera prise collégialement par le médecin désigné par le patient, un médecin tiers et un auxiliaire médical. Le médecin désigné par le patient pourra en outre solliciter d’autres spécialistes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS16 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier (DR). Le rôle des élus est de protéger les plus vulnérables et d’empêcher qu’ils se trouvent seuls face à leur souffrance, grâce à des garde-fous. Nous proposons que le patient soit obligé d’exprimer par écrit le choix de ne pas recourir à un psychologue clinicien ou à un psychiatre. Nous nous assurerions ainsi que le patient sera pleinement informé et volontaire et qu’il ne souffrira pas de pressions externes ou de troubles psychologiques qui n’auraient pas été traités. Le consentement doit être formalisé pour garantir la transparence et la sécurité de la procédure et donc la confiance dans l’ensemble de notre système de soins.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je ne crois pas qu’en obligeant le malade à écrire qu’il refuse l’accès à un psychologue, nous garantirons qu’il n’est pas sous influence ; du moins, la garantie ne sera pas meilleure qu’avec un refus oral. Le refus de l’orientation vers un psychologue relève du libre choix des malades. Nous n’avons pas à leur imposer d’écrire leur souhait.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Comme beaucoup d’amendements défendus du côté droit de la salle, cet amendement aurait l’effet inverse de l’objectif affiché dans son exposé sommaire. En obligeant les patients à fixer tout de suite par écrit leur choix de consulter ou non un praticien de la santé mentale, vous les empêcherez de réfléchir. Ils refuseront immédiatement ces consultations. Forcer leur décision et raccourcir le temps de réflexion serait contre‑productif, du point de vue de vos objectifs.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS64 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Nous devons préciser que le psychologue « s’assure[ra] que la décision du patient ne souffre d’aucune pression extérieure ». Veillons à ce que la vulnérabilité des patients ne soit pas exploitée et évitons les abus.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je vous renvoie aux dispositifs de contrôle de l’accès à l’aide à mourir prévus aux articles 2 et 6.

Il n’est pas nécessaire de préciser ce que devront faire les psychologues, d’autant que la consultation prévue à cet article ne sera que facultative. La recherche d’éventuelles pressions que vous demandez ne concernerait donc que ceux qui ont accepté de voir un psychologue.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS807 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). Le médecin doit préciser au patient qu’il peut renoncer non seulement à tout moment, mais également « par tout moyen ». Nous faciliterons ainsi l’expression du renoncement à la demande de mort.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Le texte précise à plusieurs reprises, notamment à l’article 10, que les patients pourront renoncer à leur demande à n’importe quel moment. L’ajout proposé me paraît inutile.

Je rappelle que les contraintes temporelles prévues dans le texte s’imposent aux seuls professionnels, et certainement pas aux demandeurs.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). C’est un bon amendement. Même si cette précision est prévue à l’article 10, relatif à l’arrêt des procédures, il est rassurant de la répéter ici, pour ceux qui hésitent et souhaitent des garde-fous.

M. Nicolas Turquois (Dem). Comme les amendements précédents, celui-ci vise à retarder les débats. Pourquoi ne pas préciser « partout, par tout moyen, en tout lieu, en toute heure » ? Comment un professionnel pourrait-il refuser qu’un patient renonce à l’aide à mourir ? Vous pervertissez les intentions des uns et des autres. C’est regrettable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS832 de Mme Sandrine Dogor-Such

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous proposons que le médecin explique ce qu’est l’aide à mourir non seulement au demandeur mais aussi « à sa personne de confiance et aux membres de sa famille, si ces derniers le souhaitent. »

En Belgique, les membres de la famille et les personnes de confiance d’une personne ayant demandé l’euthanasie ne sont pas forcément informés de cette demande. Certains ont ainsi découvert, alors qu’ils allaient rendre visite à un proche, que celui-ci avait été euthanasié. Les souffrances psychiques ont été considérables, comme l’a montré l’arrêt Mortier du 4 octobre 2022 de la Cour européenne des droits de l’homme. Il est essentiel d’éviter que les membres de la famille et les personnes de confiance soient pris au dépourvu.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Selon moi, ce n’est pas aux membres de la famille qu’il faut demander s’ils souhaitent des informations sur le droit à mourir, mais au patient lui-même qu’il faut demander s’il souhaite informer sa famille. Rien dans le texte ne l’en empêche. L’obligation d’informer des tiers d’une décision personnelle me paraît délétère.

La Cour européenne des droits de l’homme a été saisie par M. Mortier après le décès de sa mère, qui avait bénéficié de l’aide à mourir. Il reprochait aux autorités belges de ne pas l’avoir informé ni associé à la décision et contestait la conformité de la procédure à la convention européenne des droits de l’homme. Les conclusions de la Cour ont été très claires. Elle a validé le cadre légal belge, jugeant qu’il ne violait pas les articles 2 et 8 de la convention et offrait un cadre législatif adéquat, qui ne remettait nullement en cause le droit à la vie.

La Cour a estimé que, dans le cas d’espèce, la procédure avait été respectée. Mme Mortier avait choisi de ne pas informer son fils de sa décision, conformément à la loi belge et au secret médical. Toutefois, la Cour a critiqué la composition de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie. Nous devrons être pointilleux lorsque nous définirons la composition de son pendant français, dans quelques articles.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Mon amendement prévoit bien que les membres de la famille et les personnes de confiance pourront être informés « s’ils le souhaitent », car il faut les protéger, leur permettre de se préparer à l’euthanasie ou au suicide assisté de leur proche. S’ils ne sont pas au courant, je crains l’effet que l’euthanasie de leur proche aura sur eux.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Vous vous inquiétez des conséquences psychologiques sur l’entourage d’une personne ayant recours à l’aide à mourir. Oui, avoir un proche en fin de vie peut avoir des conséquences psychologiques, que celui-ci recoure ou non à l’aide à mourir. De fait, cette aide ne concernera que des personnes par ailleurs condamnées à mourir dans les jours ou semaines suivantes. Nous défendons donc divers amendements visant à renforcer le soutien de l’entourage de la personne en fin de vie.

Le cœur du sujet n’en est pas moins l’expression de la volonté autonome, libre et éclairée de la personne en fin de vie de disposer d’elle-même jusqu’au bout. L’obligation d’information ne concerne qu’elle. Et elle seule doit déterminer le niveau d’information qu’elle souhaite transmettre à telle ou telle personne.

Si le patient souhaite que sa personne de confiance ou les membres de sa famille soient informés, il faut le faciliter. Mais il ne revient pas au législateur de l’imposer.

M. Patrick Hetzel (DR). Certes, monsieur Falorni, dans l’arrêt Mortier, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu le caractère adéquat du droit belge. Toutefois, elle a identifié des défaillances procédurales dans le contrôle a posteriori de l’euthanasie et elle a relevé le défaut d’indépendance de Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie. Ces points sont essentiels. Nous avons déposé des amendements afin de garantir la présence de traces écrites, car celles-ci permettent d’assurer un contrôle indépendant a posteriori.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Quand un patient est suivi médicalement, quelle que soit la pathologie, il n’est nul besoin d’écrire dans la loi que son accompagnateur peut obtenir des explications auprès de la communauté médicale, dès lors que le patient est d’accord. Je n’ai jamais entendu parler de médecins qui refuseraient de donner des explications à un proche si le patient est d’accord.

En revanche, il ne faut pas obliger le médecin à prévenir les membres de la famille du patient de sa demande d’aide à mourir. C’est une démarche personnelle, individuelle.

Vous insistez pour garantir que ces demandes seront formulées de manière libre et éclairée, indépendamment de toute emprise extérieure. N’obligez donc pas le médecin à informer ses proches.

M. Philippe Vigier (Dem). La question relève du secret médical, lequel concerne directement le patient. Libre à lui de demander au médecin d’expliquer sa démarche à une personne de confiance. Mais si vous obligez le médecin à informer ces tiers, n’est-ce pas une forme de mise sous tutelle du patient, alors même que nous voulons, tout au contraire, garantir la totale autonomie de leur décision ? Cet amendement serait dangereux.

Mme Justine Gruet (DR). Alors que le texte devait être équilibré et mesuré, nous prévoyons moins de garde-fous qu’en Belgique. Dans ce pays, une demande écrite est nécessaire, afin de garantir la traçabilité de la démarche – vous la refusez ; il est prévu de s’assurer que le patient ne subit pas de pression extérieure – vous confiez cette mission au corps médical, qui n’est pourtant pas compétent en la matière ; un délai d’un mois est nécessaire entre le dépôt de la demande et l’euthanasie – avec vous, le délai ne sera que de dix-sept jours. Enfin, un second examen médical est prévu – pas dans votre texte, où la collégialité n’est qu’apparente.

Chacun votera en son âme et conscience, mais, en refusant des garde‑fous supplémentaires, vous aboutissez à un dispositif beaucoup moins équilibré que celui initialement proposé et en tout cas très différent de celui en vigueur en Belgique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS718 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Nous aurions pu gagner des heures de débat si le texte avait formulé les choses en vérité. Pour l’heure, le débat sémantique est seulement enclenché, car vous n’avez pas répondu à nos questions.

Le suicide existe depuis toujours, malheureusement. Personne ne conteste que l’acte qui consiste à mettre fin à sa vie, en s’injectant une substance létale, quand on souffre trop, est un suicide. En quoi votre texte prévoit-il un acte différent ?

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous avez parfaitement compris le texte, et j’ai déjà dû vous répondre soixante-dix-huit fois ; j’ai une forme d’admiration pour votre persévérance, et je ne doute pas que vous admirerez ma propre persévérance à répéter que les termes « aide à mourir » sont adéquats. Les termes de « suicide assisté » seraient en effet source de confusion et celui d’« euthanasie » est associé à l’idéologie nazie. Ils ne sont donc pas acceptables.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Préparons-nous encore à de longs débats sur le sujet. Il reste encore soixante-douze amendements visant à inscrire le terme « euthanasie » dans le texte.

La commission rejette l’amendement.

 

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante à dix-neuf heures cinq.

 

Amendement AS969 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Pour tout soin il est nécessaire d’informer le patient sur les bénéfices attendus, mais aussi et surtout sur les éventuelles complications, qu’elles soient exceptionnelles ou plus fréquentes. Si l’on considère que la mort assistée est un soin, il me semble donc logique de lui appliquer cette jurisprudence.

Selon la base de données de l’Oregon, très complète, sur les 1 200 personnes ayant reçu une aide à mourir entre 1998 et 2004, 94 avaient souffert de complications – dont 59 cas de régurgitations, 9 réveils et 5 cas de convulsions. L’efficacité de l’acte peut également être évaluée à l’aune du délai d’obtention du décès, qui va de 1 minute à 137 heures, soit cinq jours, avec un délai médian de 36 minutes. Il faut que la personne qui demande à bénéficier de l’aide à mourir ait bien ces chiffres en tête ; ils sont partie intégrante du processus de décision.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je ne crois pas qu’un tel niveau de détail relève de la loi. Au reste, l’article 5 dispose déjà que le médecin explique à la personne la mise en œuvre de l’aide à mourir, ce qui recouvre à la fois les modalités d’administration et l’action de la substance létale, et les éventuels risques et complications. L’article 13 prévoit en outre qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités d’information du patient.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Savoir qu’il pourrait s’écouler jusqu’à cinq jours entre l’ingestion de la substance létale et le décès est une information de nature à faire réfléchir le patient qui demande à mourir ; c’est pourquoi j’insiste pour qu’elle lui soit communiquée. Il semble que vous refusiez une information quoi soit la plus exhaustive possible, et on comprend pourquoi.

Mme Justine Gruet (DR). Pour toute opération, le protocole est expliqué au patient, qui doit signer un document. Il est très surprenant de refuser d’entrer dans le détail s’agissant de l’administration de la substance létale.

Bien entendu, l’information devra être modulée en fonction de la sensibilité du patient et du professionnel de santé qui la délivre. Il s’agit seulement de s’assurer que les modalités d’administration sont détaillées – la substance sera-t-elle administrée par intraveineuse ou faudra-t-il avaler un comprimé ? Que se passe-t-il ensuite ? Ces précisions sont de nature à tranquilliser un peu les patients.

M. Patrick Hetzel (DR). Ce texte s’inscrit dans une éthique à la française. Comme cela a été dit, en cas d’opération, le patient reçoit une information très complète sur les risques encourus – il doit d’ailleurs y consentir. Pourquoi donnerait-on moins d’informations sur l’administration de la dose létale que pour une simple intervention chirurgicale ? C’est paradoxal, et je suis très étonné de telles réticences. Nous souhaitons tous agir dans l’intérêt des patients, et l’amendement va pleinement dans ce sens.

M. Jean-François Rousset (EPR). Les éventuelles complications liées à une opération sont toujours annoncées avec tact et mesure : on n’indique pas de but en blanc à un patient devant subir une opération lourde qu’il a 20 % de chances de mourir sur la table.

En outre, la demande d’aide à mourir est une démarche volontaire, donc la situation est différente.

M. Michel Lauzzana (EPR). L’article 16 prévoit l’élargissement des compétences de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui seront chargées d’établir de bonnes pratiques. Je leur fais confiance pour proposer des protocoles plus efficaces que ceux utilisés dans l’Oregon.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS282 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). À l’image des situations qu’il traite, le texte est complexe, et il est normal que l’on s’interroge sur l’articulation des articles. L’article 5 porte sur les droits du patient en matière d’information, et l’article 6 sur les obligations et responsabilités du professionnel qui instruit la demande d’aide à mourir : il y a bien un lien entre les deux.

Contrairement à ce que vous avez dit, la procédure n’est collégiale qu’en apparence car la décision prise par le médecin à l’issue de l’instruction, elle, ne l’est pas – le président du Conseil national de l’Ordre des médecins appelait d’ailleurs à davantage de collégialité. Cet amendement vise à s’assurer que les avis des professionnels en soins palliatifs, psychologues et psychiatres seront bien pris en considération dans la décision finale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cela me semble relever davantage de la procédure prévue à l’article 6. Quoi qu’il en soit, votre proposition va à l’encontre de la logique que vous avez, à juste titre, défendue jusqu’à présent : elle pénaliserait les patients qui accepteraient d’être orientés vers les soins palliatifs et de rencontrer un psychiatre ou un psychologue, puisque l’avis favorable de ces professionnels serait alors nécessaire pour la poursuite de la procédure d’aide à mourir. Ce serait contre-productif.

M. Philippe Vigier (Dem). Les alinéas 5 à 8 de l’article 6, très clairs, disposent bien que le médecin recueille l’avis d’un médecin qui remplit les conditions prévues au premier alinéa du I de l’article L. 1111-12-3 et d’un auxiliaire médical, et qu’il peut également recueillir l’avis d’autres professionnels. Le médecin qui instruit le dossier devra donc recueillir au moins deux autres avis, qui pourront faire basculer la décision finale : la décision est bel et bien collégiale.

Vous qui aimez une loi limpide et bien organisée, vous semblez prendre un plaisir singulier à mélanger les articles 5 et 6 : examinons-les l’un après l’autre, le texte n’en sera que plus pertinent.

M. Thibault Bazin (DR). Effectivement, monsieur le rapporteur général, mon objectif n’était pas de décourager un patient qui accepterait d’être orienté vers un médecin en soins palliatifs ou de voir un psychologue. Mais il est important que le patient sache si les avis sollicités par le médecin dans le cadre de l’instruction de sa demande seront pris en considération. Et quid de la demande si le patient qui le souhaite ne peut pas accéder aux soins palliatifs ou à un psychologue dans les délais impartis ? Quoique vous en disiez, toutes ces questions qui ont trait à l’instruction ont une incidence sur la demande.

Reste que j’entends les remarques du rapporteur général : je retire mon amendement et le retravaillerai d’ici à l’examen en séance.

L’amendement est retiré.

Amendement AS65 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Pour éviter tout risque de contentieux, l’amendement tend à préciser qu’il revient au médecin suivant la demande d’aide à mourir d’informer le patient de l’éventuelle incompatibilité de sa situation médicale avec les critères d’accès à l’aide à mourir définis à l’article 4. Il semble logique que ce soit ce médecin référent qui indique au patient que sa demande ne peut être accueillie favorablement.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Avis défavorable.

Le médecin ne peut pas affirmer à un patient qu’il n’est pas éligible au dispositif avant même que la procédure de vérification ait commencé. Je rappelle que cette procédure est collégiale et dure quinze jours.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS841 de Mme Sandrine Dogor-Such, amendement AS623 de Mme Geneviève Darrieussecq (discussion commune)

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Toujours dans une volonté de protection du patient qui demande l’aide à mourir, cet amendement prévoit que la personne de confiance est informée par écrit, dans un délai de dix jours, lorsqu’une demande d’aide à mourir a été formulée. Cela lui évitera d’apprendre cette décision tardivement, et lui permettra donc de s’y préparer en obtenant davantage d’informations sur la suite.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement AS623 est défendu.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Si je comprends la nécessité d’informer la personne chargée de la protection juridique d’un patient qui en ferait l’objet, l’information de la personne de confiance ne relève pas de la compétence du médecin. C’est au patient, et à lui seul, de l’informer s’il le souhaite. En outre, la désignation d’une personne de confiance n’est pas obligatoire. En pratique, il n’est donc pas toujours possible, pour ne pas dire rare, d’informer ce tiers.

Avis défavorable.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Et si la personne de confiance a les directives anticipées du patient et qu’elle arrive trop tard ? Le patient a pu confier à cette personne certaines volontés, y compris pour après son décès. Il faut également préparer la famille au choc psychologique.

Mme Justine Gruet (DR). Il faut respecter le choix du patient, c’est une question d’éthique. Au reste, une personne qui se suicide ne prévient pas forcément ses proches, même si les choses sont évidemment un peu différentes dans le cadre de la fin de vie.

Néanmoins, le rendez-vous avec le psychologue peut être l’occasion de sensibiliser les patients à la question de l’accompagnement. Certains voudront dire au revoir à leurs proches, d’autres préféreront ne pas les voir de peur qu’ils ne cherchent à les faire changer d’avis. Parallèlement, cette décision peut créer un choc post-traumatique important pour les proches qui n’auraient pas pu accompagner le patient jusqu’au bout. Il me semble important de sensibiliser le patient, sans l’obliger, évidemment, à informer la personne de confiance de sa demande d’aide à mourir s’il préfère mener cette démarche de manière solitaire.

M. Christophe Bentz (RN). Faute d’avoir réussi à faire rejeter le texte, nous cherchons volontairement à complexifier le protocole – en l’espèce, en instaurant des délais – pour restreindre au maximum l’accès à l’aide à mourir et au suicide assisté, sécuriser la procédure et protéger les Français. C’est notre conviction, elle est tout aussi respectable qu’une autre.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Rien n’empêche un patient d’informer ses proches de sa décision ; chacun est libre de ne pas le faire. Au nom de quoi nous permettrionsnous d’obliger des personnes en fin de vie à prévenir leurs proches, avec tout ce que cela peut générer comme réactions ou tentatives de manipulation pour qu’elles reviennent sur leur décision ? Il est honteux de vouloir leur imposer cette charge mentale supplémentaire au moment où ils font face à une décision si difficile.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La fin de vie est un processus long : même si la famille n’est pas forcément d’accord avec la décision du patient, en général, ils ont eu le temps d’en discuter ensemble ; et ceux qui n’ont pas de famille en parlent avec les soignants. Ce n’est pas une décision prise à l’emporte-pièce, du jour au lendemain, en excluant la famille : la réflexion commence bien en amont de la demande et, à l’exception des familles où les relations sont conflictuelles, auquel cas le patient peut choisir de ne pas avertir son entourage, l’information de la famille se fait tout naturellement.

M. Philippe Vigier (Dem). C’est une responsabilité supplémentaire pour le patient mais, dans les situations dont nous parlons, la fin de vie n’arrive pas du jour au lendemain. Dans les familles, on en parle.

Monsieur Hetzel, vous qui êtes toujours si prompt à évaluer tous les contentieux possibles, que se passe-t-il si le patient n’informe pas par écrit la personne de confiance ?

M. René Pilato (LFI-NFP). En réalité, c’est le fait qu’une personne puisse disposer de son corps jusqu’à la dernière minute qui vous pose problème. Vous ne voulez pas qu’une personne puisse choisir, en son âme et conscience, de mettre fin à ses jours, et donc vous cherchez toutes les excuses possibles pour retarder la décision – M. Bentz vient de l’avouer –, faire culpabiliser le patient, convaincre la famille ou les psychiatres de le faire changer d’avis. Ce faisant, vous occultez un élément fondamental : cette personne souffre, et elle va mourir.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). C’est une réflexion intéressante : il ne s’agit pas de refuser à un patient le droit de mourir, toute personne est libre de ses choix. Mais est-ce à la société d’organiser la fin de vie dans tous ses détails ?

Il existe un lien compassionnel entre soignants et patients – c’est d’ailleurs ce qui a guidé la loi Claeys-Leonetti. Mais demander à mourir est une décision individuelle, et je ne comprends pas pourquoi la société s’immiscerait dans l’organisation de la mort de l’un de ses membres. Personnellement, j’aurais préféré qu’on se contente de dépénaliser l’aide à mourir pour les médecins, à l’instar de ce qui avait été décidé initialement pour l’IVG.

M. Hervé de Lépinau (RN). Je souscris à l’analyse du collègue Pilato. Si nos positions sont si opposées, c’est parce que le débat est à la fois philosophique, éthique, moral et civilisationnel. Pour certains, il est évident qu’il faut avancer rapidement vers l’euthanasie et le suicide assisté ; d’autres estiment nécessaire de ralentir, car cette orientation heurte des conceptions anciennes, qui fondent d’ailleurs notre droit.

Le texte présente plusieurs effets de bord, et je vous garantis que, si nous l’adoptons en l’état, il y aura de nombreux contentieux, en particulier sur la preuve du consentement – il y en aura toujours pour dénoncer l’administration de la substance létale à des personnes qui ne l’auraient prétendument jamais demandée.

M. Patrick Hetzel (DR). Attention à ne pas fausser le débat. Contrairement à ce qui vient d’être dit, nous ne sommes pas insensibles à la souffrance du patient. Seulement, il existe des moyens de lutter contre cette souffrance, comme les soins palliatifs ou, dans certains cas, la sédation profonde et continue prévue par la loi Claeys-Leonetti. Une loi d’équilibre doit permettre de protéger le patient qui souffre, particulièrement vulnérable, de tout abus.

N’oublions pas que les dispositions d’une loi sont appliquées au nom du peuple français. Or, même si la dose létale sera administrée par un soignant volontaire, donner la mort n’est pas un acte anodin – c’est d’ailleurs considéré comme un homicide dans le code pénal. Il s’agit donc bien ici de dépénaliser l’acte de donner la mort.

M. Yannick Monnet (GDR). Je ne crois pas qu’il y ait, d’un côté ceux qui veulent aller très vite, et, de l’autre, ceux qui veulent ralentir : le débat est bien plus complexe, comme nous l’a prouvé l’examen du texte l’an dernier.

La fin de vie est déjà prise en charge par la société.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Pas la mort !

M. Yannick Monnet (GDR). Bien sûr que si ! La sédation longue mène elle aussi à la mort.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il n’y a pas d’intention de donner la mort !

M. Yannick Monnet (GDR). Mais si ! Il faut arrêter de se raconter des histoires.

Si on se contente de dépénaliser l’aide à mourir, ce ne sera toujours pas un droit ; c’est pourtant nécessaire pour garantir un accès équitable à cette pratique et l’encadrer correctement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS516 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS628 de Mme Geneviève Darrieussecq

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le monde médical est très divisé sur l’idée de donner la mort, et 85 % des acteurs des soins palliatifs y sont défavorables. Ce n’est pas le tout d’adopter des textes, encore faut-il qu’ils soient appliqués : pour que l’aide à mourir soit effectivement accessible partout, il faut des soignants pour l’administrer.

L’an dernier, nous avions longuement souligné l’importance que le geste soit effectué par des médecins volontaires. Cet amendement de notre collègue Darrieussecq prévoit que le médecin chargé d’instruire la demande à mourir fournit au patient le nom de professionnels de santé volontaires inscrits au registre mentionné au nouvel article L. 1111‑12‑3 du code de la santé publique.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous en avons déjà beaucoup débattu. Cette proposition restreindrait l’accès au dispositif. Au reste, l’amendement s’intègre mal dans la procédure : si un médecin décide d’objecter sa clause de conscience, il doit le faire immédiatement, en renvoyant éventuellement le patient vers la liste de médecins volontaires, et non après avoir lui avoir proposé une orientation vers des soins palliatifs, un psychologue ou un psychiatre, et encore expliqué les conditions d’accès à l’aide à mourir et les modalités de sa mise en œuvre.

Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). Peut-être pourrait-on introduire cette disposition après l’alinéa 8, afin que le médecin qui souhaite opposer sa clause de conscience le fasse dès le début du protocole ? Cela nous ramène à la discussion précédente : à quel moment la clause de conscience doit-elle être invoquée – au moment de l’information, au début de la procédure ?

Mettons-nous un instant à la place d’un médecin qui a noué un lien de confiance avec son patient mais ne souhaite pas pratiquer l’aide active à mourir. Disposer d’une liste de volontaires permettrait de ne pas rompre cette alliance thérapeutique tout en respectant à la fois la décision du patient, légitime et respectable, et les convictions du médecin qui ne souhaite pas se retrouver seul face à cette demande lourde de conséquences.

M. Philippe Juvin (DR). En proposant de communiquer les coordonnées de professionnels de santé volontaires, cet amendement me semble de nature à faciliter l’application de la proposition de loi. Alors même que je suis opposé à celle-ci, j’ai défendu hier un amendement semblable, pour des raisons de transparence. Je ne comprends donc pas votre opposition à l’impératif démocratique qu’il promeut.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1015 M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Que nous soyons pour ou contre ce texte, nous sommes d’accord pour nous assurer que le demandeur ne fait l’objet d’aucune pression – dans des familles qui ne sont pas aimantes ou lorsque des héritages sont longs à venir, par exemple. C’est pourquoi je propose que le médecin s’assure que le demandeur ne fait l’objet d’aucune pression financière ou sociale.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’article 6 prévoit que le caractère libre et éclairé de la demande est évalué par le médecin. Avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). Il est de notre responsabilité de législateurs d’anticiper les effets de bord de la loi que nous votons ! Même si 90 % des demandes d’accéder à la mort se feront librement, nous devons nous préoccuper des 10 % restants. Penser que la captation d’héritage ou la volonté de se débarrasser d’un vieux encombrant n’existent pas, c’est faire preuve d’un angélisme qui ne sert pas la cause que vous défendez !

De plus, l’adoption de cet amendement permettra au médecin de signaler un abus au parquet.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il est inscrit dans ce texte, à plusieurs reprises, que la demande doit être « libre et éclairée » et que les professionnels de santé doivent s’en assurer. Les précisions que vous demandez sont donc inutiles.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Pour nombre d’entre nous, l’aide à mourir est un nouveau droit et sa création n’a pas d’impact sur ceux qui ne sont pas concernés. J’estime pour ma part qu’elle aura une répercussion sur l’ensemble de la société : elle peut, involontairement, créer une pression sur des patients qui auraient le sentiment d’être un poids pour leurs proches et pour la société.

Cet amendement n’est peut-être pas placé au bon endroit, mais nous devons y réfléchir.

M. Patrick Hetzel (DR). Dans les pays où l’aide à mourir a été instaurée, les plus fragiles socialement se retrouvent parfois dans le cas de figure décrit par notre collègue Isaac‑Sibille. En tant que législateurs, notre rôle consiste à protéger nos concitoyens autant que possible.

M. Philippe Juvin (DR). Donner un avis favorable à cet amendement montrera votre volonté de progresser, monsieur le rapporteur. Chaque année, on dénombre environ un millier de condamnations pour abus de faiblesse à l’encontre de personnes âgées, notamment celles en situation de handicap.

Cet amendement est peut-être imparfait, mais il a le mérite de poser les bonnes questions.

M. Philippe Vigier (Dem). Du point de vue pratique, comment envisagez-vous d’appliquer cet amendement ? En menant une enquête financière ou sociale, en auditionnant tous les membres de l’entourage du demandeur ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1008 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Monsieur Philippe Vigier, tous les jours des médecins s’assurent que leurs patients ne sont pas soumis à des pressions ou à des influences, sans pour autant mener une enquête policière.

Par ailleurs, le présent amendement constitue un début de réponse à votre interrogation : il propose de prévoir, dans le texte, que le médecin rencontre le demandeur seul, sans la présence d’un tiers, afin d’éviter toute pression éventuelle.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ce texte tient compte du risque de pression extérieure puisque l’article 6 prévoit la recherche d’un consentement libre et éclairé.

Par ailleurs, cet amendement me semble contradictoire avec de précédents amendements demandant la présence d’un tiers, notamment d’un notaire. En définitive, le demandeur est libre de choisir d’être accompagné ou non. S’ils l’estiment nécessaire, les médecins ont toute latitude pour recevoir leurs patients en tête-à-tête. En tout état de cause, je leur fais pleinement confiance.

Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mettons-nous à la place d’un médecin faisant face à un patient qui se considère comme un poids pour son entourage et pour la société, et qui demande l’aide à mourir. Quelle serait pour vous la réponse à apporter, monsieur le rapporteur ?

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Un médecin peut tout à fait proposer à un patient de le recevoir seul, que nous adoptions cet amendement ou non. Mais l’imposer revient à exclure tous ceux qui ont besoin d’assistance, parce qu’ils sont en situation de handicap ou parce qu’ils ne parlent pas français – ou pas suffisamment bien. En cela, cet amendement est validiste.

M. Patrick Hetzel (DR). La procédure d’émancipation des mineurs prévoit un colloque singulier entre un magistrat et le mineur demandeur, en dehors de la présence de son avocat – susceptible d’être rémunéré par les parents. Ne faudrait-il pas nous assurer d’une protection similaire pour une demande d’aide à mourir ?

Ce que propose cet amendement n’a rien d’extraordinaire : cela existe dans notre droit pour des mesures bien plus banales.

M. Philippe Juvin (DR). Cet amendement ne vise évidemment pas à empêcher un patient d’être reçu en présence d’un proche. Mais, une fois que la consultation s’est déroulée de la façon la plus satisfaisante possible – en présence d’un proche ou d’un interprète le cas échéant –, obliger le médecin à recevoir le patient seul constitue un élément de sécurité supplémentaire.

Monsieur le rapporteur, il ne s’agit pas de faire confiance ou non aux médecins, mais de prévoir un cadre permettant de s’assurer de l’intention de la personne concernée.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Hier, vous avez expliqué que le demandeur devrait être accompagné de deux témoins attestant du sérieux de sa demande ; aujourd’hui vous dites qu’il doit être reçu seul par le médecin pour s’assurer qu’il n’est pas soumis à des pressions extérieures. Tout cela est contradictoire.

Vous l’avez dit vous-même, monsieur Juvin : chaque jour, les médecins sont amenés à s’assurer que leurs patients ne subissent aucune forme de pression.

Enfin, rappelons que cinq critères cumulatifs doivent être remplis avant de pouvoir demander l’aide à mourir.

M. Philippe Vigier (Dem). Ce texte ne concernant pas les mineurs, votre raisonnement ne s’applique pas, monsieur Hetzel.

Par ailleurs, nulle part dans le texte il n’est indiqué que le demandeur doive systématiquement être rencontré en présence d’un tiers. Le colloque singulier entre un médecin et son patient a lieu assez naturellement.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Dans le notariat, on rencontre souvent les personnes seules, notamment lorsqu’il est question de donations. Je ne comprends donc pas la réticence de certains à prévoir une rencontre en tête-à-tête entre un médecin et un patient. La présence de témoins, dont il a été question hier, avait pour but de protéger le médecin, alors que cet amendement vise à protéger les patients de toute forme de pression.

Nous ne cessons d’éviter toute mesure qui permettrait d’encadrer la démarche et d’éviter les contentieux ; c’est incompréhensible.

La commission rejette l’amendement.

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*     *

 


7.    Réunion du mardi 29 avril 2025 à 21 heures (article 5 [suite] à article 6)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([242]).

Article 5 (suite) : Demande d’accès à l’aide à mourir

Amendement AS660 de Mme Angélique Ranc

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 : Procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale

Amendement de suppression AS348 de Mme Marine Hamelet

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS809 de Mme Marie-France Lorho

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS483 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Pour vérifier la condition liée à la nationalité française et à la résidence, nous prévoyons la possibilité pour le médecin de solliciter le préfet qui devra lui répondre sans délai. L’urgence de la situation impose une réponse rapide, malgré l’engorgement des services.

M. Laurent Panifous. À l’heure de la simplification, il ne me paraît pas pertinent d’alourdir la charge des administrations avec de nouvelles missions. Par ailleurs, l’article 13 de la proposition de loi renvoie à un décret en Conseil d’État les conditions d’application du chapitre consacré à la procédure, notamment la procédure de vérification des critères prévus à l’article 2.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS69 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de rendre obligatoire pour le médecin la saisine du juge du contentieux de la protection lorsqu’il a des doutes sur le fait que la demande du patient a été exprimée de manière libre et éclairée. La décision devra être rendue sous huit jours, comme pour les procédures de référés.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je peine à comprendre en quoi un juge serait plus à même de procéder à une telle évaluation qu’un médecin. Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Notre droit octroie dans beaucoup de cas ce rôle au juge, tout juriste vous le confirmera.

M. Philippe Juvin (DR). Une telle procédure existe déjà pour les dons intrafamiliaux d’organes : elle est bien rodée et les décisions sont rapides compte tenu du caractère urgent des greffes. J’ajoute que vos arguments me font sourire, monsieur le rapporteur. M. Vigier ne s’interrogeait-il pas tout à l’heure sur la capacité du médecin à évaluer le caractère libre et éclairé de la demande du patient ? Si le juge, selon vous, n’est pas non plus bien placé pour se prononcer, qui pourra le faire et selon quels critères ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1131 de M. Laurent Panifous, AS719 de M. Christophe Bentz et AS1064 de M. Eddy Casterman (discussion commune)

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement AS719 est défendu.

M. Eddy Casterman (RN). Compte tenu du caractère irréversible de l’euthanasie ou du suicide assisté, nous considérons qu’il faut prendre en compte plus largement ce qui peut altérer le discernement : au-delà de la maladie, il y a les souffrances physiques, psychologiques, matérielles ou sociales. Il s’agit de protéger les 36 % de Français qui, selon une enquête récente publiée par France Info, redoutent de devenir un fardeau financier pour leurs proches. Rien dans cet article ne permet en effet au médecin de refuser une euthanasie s’il constate que le discernement de son patient est altéré par les pressions matérielles exercées par ses proches ou son entourage familial. Il importe, en outre, de distinguer parmi les souffrances physiques et psychologiques, celles qui sont curables : elles ne devraient pas ouvrir le droit à l’euthanasie. Nous voulons ainsi consacrer la primauté des soins palliatifs.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous voulez exclure de l’aide médicale à mourir les personnes dont une souffrance physique ou psychologique curable, un handicap mental ou un environnement matériel et social dégradé altèrent gravement le discernement. De telles précisions sur ce qui peut entraver la manifestation d’une volonté libre et éclairée sont inutiles car l’article 2 définit clairement ce que celle-ci recouvre.

Avis défavorable sur les amendements AS719 et AS1064.

M. Thibault Bazin (DR). Le critère d’éligibilité est clair mais tout le problème est de savoir comment le médecin peut vérifier s’il est rempli, notamment au regard des mesures de protection car le registre national des mesures de protection n’est pas encore entré pleinement en vigueur.

La commission adopte l’amendement AS1131.

En conséquence, les amendements AS719 et AS1064 tombent ainsi que les amendements AS359 de Mme Marine Hamelet, AS1076 de M. Théo Bernhardt, AS1097 de M. Julien Odoul et AS810 de Mme Marie-France Lorho, les amendements identiques AS285 de M. Thibault Bazin, AS872 de Mme Lisette Pollet et AS949 de M. Philippe Juvin et l’amendement AS70 de M. Patrick Hetzel.

Amendement AS1099 de M. Julien Odoul

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

L’amendement AS600 de Mme Annie Vidal est retiré.

Amendement AS133 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). À l’alinéa 3, le terme « reconnue » nous semble préférable à « regardée ». Le verbe « regarder » n’a aucune consistance juridique, à l’inverse de « reconnaître », qui peut porter sur un état, une situation.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Avis défavorable : cette substitution ne me semble pas présenter d’intérêt d’un point de vue rédactionnel.

M. Philippe Vigier (Dem). Je voterai en faveur de cet amendement : on reconnaît un état, on ne le regarde pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS720 de M. Christophe Bentz

Mme Lisette Pollet (RN). Cet amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS916 de Mme Danielle Simonnet

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Comme d’autres de nos amendements, cet amendement vise à ouvrir la possibilité d’accéder à l’aide à mourir aux personnes en ayant exprimé le souhait à travers des directives anticipées mais ne pouvant pas le réitérer autrement que par l’intermédiaire de leur personne de confiance car la maladie dégénérative dont elles souffrent altère leur discernement. On peut difficilement nier qu’une pathologie comme la maladie d’Alzheimer est source de souffrances, qui se manifestent souvent sous une forme d’agressivité. Perdre pied et ne plus reconnaître ses propres enfants pourrait constituer un élément déclencheur pour le recours à l’aide à mourir.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Pour la douzième fois et pour les mêmes raisons, j’émettrai un avis défavorable, madame Rousseau, mais sans aucune exaspération.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS286 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Ce serait une pente dangereuse d’ouvrir pour les personnes exprimant un sentiment d’indignité la possibilité d’accéder à l’aide à mourir. L’éthique de la vulnérabilité doit nous conduire à réfléchir à leur éligibilité. Évoquant devant notre commission les personnes âgées en situation de dépendance et les personnes en situation de handicap, Régis Aubry a souligné que le sentiment mêlé d’inutilité et d’inexistence qu’elles éprouvaient nous renvoyait à notre responsabilité collective car, selon lui, c’est le regard que porte notre société sur ces personnes qui leur fait percevoir cette dimension d’indignité. Vous le voyez, j’ai été très sensible à la manière dont il nous engageait à nous interroger sur leur désir de mort.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Il est bien évident qu’exprimer un sentiment d’indignité ne suffit pas pour accéder à l’aide à mourir. Il appartient au médecin, à l’issue d’une procédure collégiale de prendre une décision, sur la base des critères d’éligibilité. Par ailleurs, lors de l’entretien, il pourra émettre des propositions d’orientation.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Je comprends votre préoccupation, monsieur Bazin, mais si vous voulez éviter que des personnes soient en proie à ce sentiment d’indignité, vous savez ce qu’il faut faire. Ce qu’elles subissent ne relève pas d’une simple perception individuelle, il y a un remède : trouver d’autres moyens à consacrer à la santé et au médicosocial.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les amendements qui ciblent les personnes âgées, dépendantes ou non, ou les personnes en situation de handicap sèment le doute chez nos concitoyens qui pourraient avoir l’impression que ce texte oriente vers elles l’aide à mourir alors que nous insistons depuis le début sur le fait qu’il a une portée générale.

Mme Justine Gruet (DR). J’ai dit en préambule qu’il me semblait compliqué de légiférer sur un nouveau droit comme celui-ci sans renforcer les moyens financiers dédiés à la perte d’autonomie. Nous entendons protéger les personnes en situation de handicap et les personnes âgées car elles sont susceptibles de faire une demande si elles répondent aux critères, qui ne sont pas si restrictifs.

M. Thibault Bazin (DR). Elles peuvent en effet répondre aux critères comme celui de l’« affection grave et incurable », mais nous savons que certaines pathologies comme les cancers se développent à ce stade de la vie plus lentement et provoquent parfois des souffrances uniquement psychologiques. Comme le souligne Yannick Monnet à raison, notre système de santé est malade : l’accès aux soins est difficile et n’est pas assuré de la même manière partout sur notre territoire. Il ne faudrait pas qu’elles réclament l’aide à mourir seulement parce qu’elles pensent représenter un coût pour la société et leurs proches.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS288 et AS287 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement AS287 offre la possibilité pour le médecin examinant la demande de saisir un psychiatre s’il a des doutes sur le caractère libre et éclairé de la décision du patient. Cela n’aurait rien de systématique, contrairement à ce que je propose dans l’amendement AS288, que je retire pour espérer recueillir au moins un avis de sagesse.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Il est prévu dans cet article 6 que le médecin, dans une démarche collégiale, saisisse un psychiatre ou un psychologue qui contribuera à la délibération sur le cas dont ils sont saisis. Toutefois, la décision revient au seul médecin. L’avis du psychiatre ne saurait le contraindre, comme vous le proposez.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Quelle est la part de la collégialité dans la décision ? Si le psychiatre consulté remet en cause le caractère libre et éclairé du consentement, le médecin qui instruit la demande pourrait-il passer outre son avis ?

M. Patrick Hetzel (DR). D’autres pays comme l’Autriche ont mis en place le dispositif préconisé par M. Bazin tout simplement parce qu’il est nécessaire d’établir des garde‑fous supplémentaires pour protéger des personnes potentiellement vulnérables. Il s’agit de bonnes pratiques dont s’inspirer.

M. Philippe Juvin (DR). Nous aimerions avoir une réponse à la question que vient de poser M. Bazin : l’avis du psychiatre lie-t-il le médecin ?

M. Philippe Vigier (Dem). Vous voulez subordonner la décision du médecin à celle du psychiatre, ce qui n’est pas pertinent dans une procédure collégiale. J’ai toute confiance dans les médecins pour prendre en considération ces avis, compte tenu de leur conscience professionnelle que personne ici, je pense, ne remet en cause.

M. Laurent Panifous, rapporteur. La collégialité exclut toute hiérarchie entre les professionnels, comme on peut le constater dans les structures qui la pratiquent. Il n’y a pas lieu de créer une telle hiérarchie en liant la décision du médecin qui a recueilli la demande à celle d’un psychiatre. Il reviendra audit médecin de prendre la décision finale après avoir recueilli plusieurs avis dans le cadre de la procédure collégiale.

M. Yannick Monnet (GDR). Si l’on en juge par le nombre d’amendements déposés à ce sujet, il semble y avoir une obsession du psychiatre. Certains ont le sentiment que le fait de solliciter l’aide à mourir témoignerait d’une forme de déviance, ce qui justifierait le recours systématique au psychiatre. Je ne vois pas en quoi ce dernier éclairerait l’avis donné au médecin, ni en quoi il serait plus compétent que d’autres pour détecter les contraintes auxquelles aurait pu être soumis le malade.

L’amendement AS288 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS287.

Amendement AS242 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). L’appréciation des troisième et quatrième critères d’accès à l’aide à mourir dépend des médecins, tandis que le dernier critère, à savoir l’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée, relève davantage, à mes yeux, du contrôle du juge, que ce soit le président du tribunal judiciaire ou le magistrat qu’il désigne. En effet, il s’agit moins, dans ce dernier cas, d’examiner une question médicale que d’apprécier la pression sociale, familiale, financière, sociétale pouvant peser sur le malade.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez modifier les conditions appréciées par le collège pluriprofessionnel, par coordination avec d’autres amendements que vous avez présentés. Je me suis déjà exprimé sur le rôle du juge dans la procédure : il me semble que c’est au médecin seul, après avis du collège pluriprofessionnel, d’apprécier le caractère libre et éclairé.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS689 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’article 6 prévoit, en son alinéa 11, que le médecin rend sa décision motivée à la personne. Cela nous semble contradictoire avec la procédure collégiale pluriprofessionnelle. Nous proposons de calquer la procédure sur celles qui ont cours en matière de directives anticipées et de prélèvements d’éléments et produits du corps humain, définies respectivement par les articles R. 4127-37-1 et R. 1211-13 du code de la santé publique. Dans le cadre de ces procédures, le médecin décide à partir de l’avis complémentaire de collègues, tels que les médecins spécialistes, les auxiliaires médicaux, les aides‑soignants ou d’autres professionnels. Le médecin conserve toutefois la charge exclusive de la décision finale, comme le prévoyait le texte dans sa rédaction initiale. Celle-ci nous paraissait un peu plus claire car elle traitait de la responsabilité de la décision sans évoquer la procédure collégiale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je suis défavorable à votre amendement car vous proposez de supprimer la qualification de procédure collégiale. Or telle est bien la nature de cette procédure, à laquelle je suis attaché. Le fait que le médecin décide à l’issue de la délibération collégiale, après avoir recueilli l’avis de plusieurs professionnels, ne met nullement en cause la possibilité d’aboutir à une aide à mourir effective : elle rend tout au contraire le droit opérant. Supprimer la mention du caractère collégial ne me paraît donc pas judicieux. Je vous invite à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements AS519 de Mme Karine Lebon et AS520 de M. Yannick Monnet, amendement AS1152 de M. Frédéric Valletoux et sous-amendements AS1186 et AS1187 de Mme Marie-Noëlle Battistel, amendement AS484 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

Mme Karine Lebon (GDR). Les amendements AS519 et AS520 visent à permettre un examen véritablement collégial de la demande d’aide à mourir. En effet, bien que le texte précise que le médecin appréciera la demande du malade dans le cadre d’une procédure collégiale pluriprofessionnelle, la procédure prévue par l’article 6 ne présente pas véritablement un caractère collégial puisqu’un médecin devra répondre seul à la demande de la personne malade après avoir recueilli l’avis d’un autre médecin, qui ne sera pas tenu d’examiner cette personne, et d’un autre professionnel de santé – auxiliaire médical ou aide-soignant – qui ne connaît pas nécessairement le patient.

Nos amendements visent à substituer à cette décision individuelle du médecin une décision véritablement collégiale issue d’une équipe pluridisciplinaire. Nous proposons que le médecin qui reçoit la demande d’aide à mourir décide, après l’avoir étudiée, de la suite à y donner en concertation avec un médecin, spécialiste ou non de la pathologie du malade, qui examine ce dernier, ainsi qu’avec un auxiliaire médical ou un aide-soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, un autre auxiliaire médical et d’autres professionnels, notamment des infirmiers ou des aides-soignants qui interviennent auprès de la personne et, le cas échéant, le médecin référent ou un professionnel de l’établissement médico-social qui accompagne le malade. Nous proposons également que la personne de confiance puisse être consultée si l’équipe pluridisciplinaire le juge utile et que l’avis final soit rendu par l’équipe pluridisciplinaire ainsi formée et présenté sous forme écrite, afin de sécuriser le malade et les professionnels de santé.

M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement vise à renforcer la collégialité au moment de la décision. Cet aspect des choses est en effet perfectible. Sans diminuer en rien le rôle du médecin qui prendra la décision, je propose que l’on s’inspire des recommandations du Comité consultatif national d’éthique.

M. Thibault Bazin (DR). Indépendamment de leur avis sur la légalisation du dispositif envisagé, nombre de personnes que nous avons auditionnées ont estimé que le caractère collégial de la procédure était perfectible. Cette question est d’autant plus importante que les possibilités de recours sont limitées et qu’il n’y a pas de traçabilité. La personne volontaire pour accompagner le malade et lui administrer la substance létale assume une responsabilité considérable. Je propose donc, par mon amendement, d’améliorer la collégialité, étant précisé que l’adoption de l’amendement de M. Valletoux me satisferait également.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements ont pour objet soit d’augmenter le nombre d’avis rendus, soit de modifier la liste des professionnels parties à la concertation, soit de rendre la décision – et pas seulement la procédure – collégiale. Nous pourrions discuter longuement du nombre et de la qualité des personnes devant ou pouvant être consultées dans le cadre de la procédure collégiale. Je suis pour ma part attaché à ce que plusieurs médecins interviennent, à l’instar d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant, et que d’autres avis puissent être recueillis. Je suis donc défavorable aux amendements qui visent à supprimer ces dispositions introduites en 2024.

Les ajouts proposés complexifieraient l’accès à l’aide à mourir. Le médecin devrait en effet trouver les professionnels que vous citez, lesquels auraient l’obligation, dans certains cas, d’examiner le patient, ce qui suppose qu’ils se déplacent – ou que ce dernier le fasse. En certains lieux, cela rendrait l’aide à mourir impossible ou très difficile.

Sur le fond, une partie de ces amendements visent à substituer à une procédure collégiale une décision collégiale. Or celle-ci serait nécessairement plus longue et plus complexe, et elle nous éloignerait du modèle français en matière de fin de vie tel qu’il est appliqué lors de l’arrêt des traitements et de la mise en œuvre de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès prévu par la loi Claeys-Leonetti. Dans ce cadre, le médecin qui a la charge du patient prend la décision à l’issue d’une procédure collégiale.

À cet égard, monsieur le président, je donnerai un avis défavorable sur votre amendement, car il réduirait à deux – au lieu de trois dans la rédaction actuelle – le nombre de professionnels impliqués dans la procédure collégiale. Je vous invite à le retravailler en vue de la séance.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Votre amendement, monsieur le président, pèche à nos yeux sur deux points. D’une part, il ramènerait de trois à deux le nombre de professionnels obligatoirement consultés. D’autre part, il paraît trop centré sur le médecin puisque la procédure ne fait plus intervenir que le médecin sollicité et le médecin spécialiste de la pathologie ; il me paraît important qu’un autre professionnel intervienne. C’est pourquoi je vous propose que nous retravaillions cet amendement, dont l’esprit est tout à fait intéressant.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Monsieur le président, nous proposons, par les sous-amendements AS1186 et AS1187, de supprimer la possibilité que vous ouvrez aux membres du collège pluriprofessionnel d’effectuer la concertation sur dossier, lorsqu’ils ne peuvent se réunir physiquement. Il ne nous paraît pas souhaitable que la concertation puisse avoir lieu uniquement sur dossier. Cette disposition, au demeurant peu claire, pourrait être retravaillée en vue de la séance.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président Frédéric Valletoux. Après avoir entendu les rapporteurs et sur l’engagement d’une réécriture commune, je retire mon amendement, ce qui fait tomber les deux sous-amendements.

M. Patrick Hetzel (DR). Le débat met en lumière la distinction entre procédure collégiale et prise de décision collégiale. Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit un avis consultatif. L’alinéa 11 dispose que le médecin notifie « sa » décision motivée à la personne, ce qui témoigne de l’absence de décision collégiale. Dans le domaine judiciaire, la collégialité implique que l’ensemble des juges votent. Nous dénonçons depuis le début le fait qu’une seule personne décide.

M. Yannick Monnet (GDR). La collégialité est l’un des sujets centraux de notre débat, au même titre que les directives anticipées. Nous sommes prêts à retirer nos amendements si vous vous engagez à ce que l’on travaille à une formulation plus percutante sur la collégialité. En revanche, je suis favorable à ce que la concertation puisse avoir lieu à distance ; à défaut, des territoires comme le mien seraient très pénalisés.

M. le président Frédéric Valletoux. Les rapporteurs ont pris des engagements en la matière.

M. Yannick Monnet (GDR). Nous retirons nos amendements.

M. Nicolas Turquois (Dem). Vous proposez que soit constitué un collège pluridisciplinaire : la question est de savoir qui en prendrait l’initiative – en tout état de cause, une seule personne doit s’en charger. La réflexion de M. Hetzel me paraît pertinente : je serais favorable à ce que l’on écrive « leur » décision en lieu et place de « sa » décision.

M. Philippe Vigier (Dem). La collégialité est indispensable. Frédéric Valletoux propose que le médecin engage la concertation, ce qui est un acte bien plus fort que de laisser faire une coordination. Il appartient au médecin qui a reçu la demande d’aide à mourir d’engager la procédure collégiale et de restituer la décision au patient. Si l’on écrit les choses à peu près ainsi, on sécurisera la collégialité. Il faut par ailleurs conserver la faculté de se concerter à distance car il est des territoires, comme le mien, où il n’existe pas de soins palliatifs.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je reviens sur les propos d’Olivier Falorni, qui estimait que l’amendement de M. Valletoux était médico-centré. Les professionnels de santé les plus proches des malades sont souvent les aides-soignantes, les auxiliaires médicaux. Ils ont un rôle à jouer pour s’assurer du caractère libre et éclairé de la volonté du malade, ce qui explique qu’on les ait introduits dans l’ensemble collégial. Il me semble important qu’ils y demeurent pour apporter au corps médical leur contribution à la prise de décision.

Mme Justine Gruet (DR). Je regrette que les défaillances de notre système de santé nous conduisent à sacrifier les principes éthiques fondamentaux en autorisant un professionnel de santé à rendre un avis à partir de la consultation d’un dossier, sans avoir échangé avec le patient. L’accès au nouveau droit que nous établissons doit être identique en tout point du territoire.

Par ailleurs, la majorité des professions d’auxiliaires médicaux – c’est le cas, par exemple, des aides-soignants –, ne disposent pas d’un ordre : en cas de manquement déontologique, ils ne peuvent donc pas faire l’objet des sanctions disciplinaires prévues par le code de la santé publique. Tous les professionnels impliqués devraient engager leur responsabilité de la même manière au regard des principes énoncés par un certain nombre d’ordres.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). J’ai bien noté que nos sous-amendements étaient tombés du fait du retrait de l’amendement AS1152. Nous allons retravailler ces dispositions en vue de la séance.

M. Philippe Juvin (DR). Je m’interroge sur la composition du collège pluridisciplinaire et, en particulier, sur les auxiliaires médicaux qui pourraient en faire partie. J’entends que toutes les paroles se valent, mais tous ces professionnels n’ont pas la même capacité de juger des critères énoncés par la loi. Un auxiliaire médical peut être directement en charge du patient – c’est le cas de l’infirmier ou du kinésithérapeute, par exemple. En revanche, d’autres auxiliaires, comme le pédicure-podologue ou l’orthoptiste, pour ne citer qu’eux, ne sont peut-être pas aussi bien placés pour apprécier la gravité du sujet. Dans le cadre de la future rédaction, il serait utile de résoudre cette difficulté – même si, personnellement, je n’ai pas la solution.

M. Laurent Panifous, rapporteur. La difficulté, monsieur Juvin, est de savoir s’il faut établir une liste précise de l’ensemble des professions pouvant être sollicitées ou s’il vaut mieux faire référence à des catégories, ce qui a le mérite de ne pas trop alourdir le texte mais peut soulever des questions sur la présence de certaines professions. Rappelons, toutefois, que le choix est laissé au médecin. Il nous faut travailler sur le nombre et la qualité des personnes sollicitées, ainsi que sur la décision ou la procédure collégiale. Cela dit, il y a nécessairement un médecin référent – terme qui n’est pas inscrit dans le texte mais que j’emploie par souci de clarté –, qui recueille la demande et, éventuellement – il est essentiel, à mon sens, que ce soit la même personne – restitue le travail de la collégialité.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les professionnels de santé qui participent à une discussion collégiale sont ceux qui œuvrent au quotidien auprès des patients, telles l’infirmière ou l’aide-soignante, et non celui qui intervient une fois l’an. Ce n’est pas le podologue, qui prodigue des soins tous les mois, tous les trois mois ou parfois même tous les six mois, qui pourra fournir l’information le plus précocement.

Dans le cadre d’une discussion collégiale, l’objectif n’est pas de culpabiliser les personnes eu égard aux informations qu’elles auront données et de la part qu’elles prendront à la décision. La discussion se fait entre professionnels. Le médecin qui a reçu la demande et qui a participé à la discussion restitue la décision au patient.

M. Thibault Bazin (DR). Puisque vous êtes prêts à faire évoluer le texte, je vais retirer mon amendement pour participer à ce travail collectif qui, selon nous, doit aboutir à un renforcement de la collégialité.

Tous les amendements en discussion commune sont retirés.

Amendement AS890 de Mme Danielle Simonnet

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Nous en revenons à la définition de la collégialité. Comme vous l’avez dit, monsieur Falorni, c’est le médecin qui décide au terme d’une procédure pluridisciplinaire permettant de recueillir les avis de personnes aux statuts divers. C’est l’esprit de tout l’article 6 dont l’alinéa 11 précise : « Le médecin se prononce dans un délai de quinze jours à compter de la demande et notifie, oralement et par écrit, sa décision motivée à la personne. » La décision n’est donc pas collégiale ; la pluridisciplinarité s’exerce uniquement pour le recueil des avis.

Or, dans une décision du 14 octobre 2010, le Conseil constitutionnel définit la collégialité comme le principe pour plusieurs personnes de statuer ensemble, de manière consensuelle, ou à la majorité d’entre elles. Certains ont une interprétation conforme à cette définition et estiment qu’il faut changer le reste du texte pour le mettre en conformité avec cette vision de la collégialité. Pour ma part, je pense qu’il faut garder l’esprit du texte et supprimer le mot « collégiale » par souci de cohérence, mais conserver tout ce qui a trait au recueil d’avis pluridisciplinaires car il est important qu’un collectif puisse échanger.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous vous proposons de retravailler aussi sur ce point ensemble, afin de trouver une solution opérante, sachant que, même si un esprit transpartisan anime cette commission, nous ne réussirons pas forcément à faire en sorte que Thibault Bazin et Danielle Simonnet tombent d’accord. Pour ma part, je suis attaché à l’esprit de ce texte, c’est-à-dire à la pluridisciplinarité et à la dimension collégiale : le médecin ne prend pas seul la décision ; il consulte et recueille des avis. C’est pourquoi je vous propose de retirer votre amendement, afin que nous cherchions ensemble une formulation qui ne conviendra peut-être pas à tous – je ne me fais pas d’illusions –, mais recueillant l’agrément le plus large possible.

Mme Justine Gruet (DR). Merci, madame Simonnet, pour cette intervention qui permet d’expliciter ce que nous dénonçons depuis le début : l’absence de réelle collégialité au cours de ce protocole assez imprécis, notamment sur le délai de réflexion, qui n’est pas très sécurisé sur le plan juridique. Il est question de trois personnes, dont le médecin qui a reçu la demande et éventuellement un autre médecin en distanciel. Quant à la troisième personne, l’alinéa 7 indique qu’il s’agit « d’un auxiliaire médical ou d’un aide‑soignant qui intervient auprès de la personne ou, à défaut, d’un autre auxiliaire médical ». Cette collégialité peut donc être formée de deux personnes qui ne connaissent pas le patient. Que se passe-t-il si, à la lecture du dossier, ces deux personnes ont un avis divergent sur le respect des critères ? Le médecin, dont la proximité et l’affinité avec le patient risquent d’affecter le discernement, peut alors aller au bout de la procédure. L’avis consultatif peut, en outre, émaner de deux personnes qui ne connaissent pas le patient.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Sur cette question très importante soulevée par Mme Simonnet, j’aimerais connaître la position des rapporteurs. Pensez-vous que la procédure et la décision doivent être collégiales ? Estimez-vous que seule la procédure doit l’être ?

Mme Danielle Simonnet (EcoS). C’est merveilleux que nous arrivions à nous mettre d’accord. À défaut, j’apprécie que nous soyons d’accord sur ce qui fait désaccord. Si nous pouvons vérifier nos points d’accord et de désaccord avant la date limite du dépôt des amendements pour l’examen de la proposition de loi en séance, je veux bien retirer mon amendement. En tout cas, en l’état actuel du texte, c’est le médecin qui décide après avoir collecté différents avis ; ce n’est pas une codécision prise dans un cadre collectif pluriprofessionnel. Je retire mon amendement.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Sur la base de l’amendement du président Valletoux, nous allons retravailler tous ces aspects : le nombre et la qualité des personnes consultées, la procédure de collégialité. Je ne peux pas imaginer que le médecin référent prenne une décision opposée aux conclusions du travail de la collégialité. Dans les autres situations de collégialité, évoquées par M. Vigier, on ne fait pas un décompte écrit des votes pour ou contre. Pourquoi le faire dans ce cas ? Nous devons mieux définir la collégialité dans ce texte, mais il me semble évident que le médecin référent rendra compte de la décision de la collégialité dans son ensemble à la personne qui a fait la demande d’aide à mourir. Il ne va pas prendre une décision opposée à la position de la collégialité.

M. le président Frédéric Valletoux. Pour ma part, j’ai aussi compris que la collégialité allait jusqu’à la décision.

M. Thibault Bazin (DR). Il est important d’utiliser les bons termes concernant une décision aux lourdes conséquences puisqu’elle peut entraîner l’administration d’une substance létale. Tout le monde doit bien comprendre ce qu’implique la collégialité : les parlementaires, les personnes atteintes d’une affection grave et incurable, les médecins qui vont instruire les demandes. D’après le texte, c’est le médecin instruisant la demande qui prend la décision après avoir recueilli des avis. Comme nous pensons que la décision elle-même doit être prise de manière collégiale, nous voulons faire évoluer le texte. La collégialité peut d’ailleurs protéger aussi la personne qui instruit la demande car sa décision n’est pas anodine sur le plan de la responsabilité : la seule personne qui peut faire un recours sera décédée si sa demande a été acceptée.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). Sur le plan juridique, quelle est la responsabilité du médecin qui prend la décision ? En cas de décision collective, la responsabilité de chaque personne est-elle engagée ?

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La discussion est collégiale, mais la décision ne peut être prise que par une personne : le médecin. Cette pratique est d’ailleurs courante en médecine. Le cas d’un patient est discuté par l’équipe qui le prend en charge, notamment quand il s’agit de décider si les soins doivent être arrêtés. Une fois la discussion terminée, une seule personne décide et aura à répondre de cette décision.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). N’oublions pas que c’est le patient qui décide d’engager la demande d’aide à mourir. Ensuite, le médecin recueille les avis de différents professionnels afin de vérifier que le cas du patient répond aux conditions fixées à l’article 4. Le médecin ne peut pas prendre seul une décision fondée sur son intime conviction. Pour lui comme pour les autres personnes consultées – aide à domicile, psychiatre, autre médecin spécialiste –, il s’agit de répondre à la question : la personne remplit-elle les critères donnant accès à l’aide à mourir ? Le médecin assume sa décision motivée dans un cas comme dans l’autre. Quoi qu’il en soit, c’est le patient qui prend la décision de demander l’aide à mourir.

M. Patrick Hetzel (DR). La question de M. Peytavie sur la responsabilité trouve sa réponse à l’article 2, alinéa 7 : « L’aide à mourir est un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122‑4 du code pénal. » En fait, on a dépénalisé cet acte.

Contrairement à Mme Simonnet, nous pensons que la décision doit être collégiale, conformément à la définition du Conseil constitutionnel. Nous considérons donc qu’il doit y avoir un vote et un décompte des voix des participants à cette collégialité, avec une majorité qui se dégage. Dans ce cas, le médecin référent porte le message, mais la décision n’émane pas d’une seule personne.

Mme Justine Gruet (DR). Cette décision collégiale se pratique dans les conseils d’éthique. Dans le cas d’une interruption médicale de grossesse, par exemple, la collégialité est formée de trois médecins d’égales compétences. Il n’est pas question de recherche de diagnostic médical dans le cas présent, me rétorquerez-vous, puisque l’euthanasie n’est pas un soin. On en revient à votre paradigme, très différent du mien : ce choix relève de la liberté individuelle, du droit de chacun à disposer de son corps. Dans ce cas, pourquoi définir des critères ? Si chacun est libre de disposer de son corps, qui suis-je pour juger de la légitimité d’une demande d’aide à mourir ? Vous dites que la loi fixe des limites sous forme de critères à respecter. Cependant, ces critères ne sont pas forcément vérifiés par plusieurs personnes, ni même étayés sur un plan médical quand on se réfère à un avis libre et éclairé. Vous utilisez des critères pour rassurer, tout en estimant que c’est l’avis du patient qui prime.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). La procédure collégiale prévue par ce texte est calquée sur celle qui a été retenue dans le cadre de la sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, que vous ne remettez pas en cause. À la fin, c’est le médecin qui prend la décision. Pourquoi cela vous pose-t-il un problème dans le cadre de l’aide à mourir ?

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Prenons l’exemple d’une femme atteinte d’un cancer, qui décide d’arrêter la chimiothérapie parce qu’elle en a marre de ce traitement. Le médecin la prévient que la maladie risque d’évoluer très vite et l’informe qu’on lui proposera une sédation profonde et continue si elle souffre trop. Mais un patient peut refuser la sédation profonde et continue, qui n’est donc pas comparable à l’aide à mourir.

M. Philippe Juvin (DR). À la fin des fins, un seul médecin prend la décision. C’est le cas en matière de limitation et arrêt des traitements, ou de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès. Toutefois, la comparaison a des limites. D’une part, le collège est plus large et il est régi par une procédure très formelle : les gens doivent inscrire leur nom, s’impliquer. D’autre part, ces protocoles sont réversibles : on peut décider de reprendre un traitement qu’on aurait arrêté.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Dans le cas de la sédation profonde et continue, le médecin prend une décision. Dans le cas de l’aide à mourir, le collège donne un avis concernant le respect des cinq critères sont respectés. Cet avis n’étant pas une décision, il peut être collégial.

L’amendement est retiré.

Amendement AS601 de Mme Annie Vidal, amendement AS1092 de M. Julien Odoul (discussion commune)

Mme Annie Vidal (EPR). Je propose de préciser que la procédure collégiale pluriprofessionnelle est aussi pluridisciplinaire. Ajoutée à la pluriprofessionnalité, la pluridisciplinarité est un gage de réussite dans une procédure collégiale parce qu’elle permet d’avoir des regards divers sur la situation. Cela étant, je serais ravie de participer à un éventuel travail global sur la collégialité. À ce stade, j’indique que la Haute Autorité de santé définit la procédure collégiale comme une concertation entre plusieurs membres d’une équipe qui prennent en charge un patient avec, in fine, une confrontation des avis qui permet de prendre une décision éclairée et représentative.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Comme nous sommes à peu près tous d’accord sur la nécessité de réécrire ce qui concerne la collégialité dans le texte, je vous propose de retirer votre amendement dans la perspective de ce travail commun.

Avis défavorable sur l’amendement AS1092.

Mme Annie Vidal (EPR). Je vais le retirer, mais je veillerai à ce que la pluridisciplinarité figure en bonne place dans le texte.

À cette occasion, j’aimerais que vous me disiez pourquoi l’un de mes amendements a été déclaré irrecevable. Il concernait la dernière phrase de l’alinéa 6 : « Ce médecin a accès au dossier médical de la personne et il examine celle‑ci, sauf s’il ne l’estime pas nécessaire, avant de rendre son avis. » Je voulais supprimer « sauf s’il ne l’estime pas nécessaire ». Je suis très attaché à l’idée que le patient – pas seulement son dossier – soit vu par le médecin.

M. le président Frédéric Valletoux. Il a été déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la Constitution car il augmenterait le nombre de consultations potentielles.

L’amendement AS601 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS1092.

L’amendement AS521 de M. Yannick Monnet est retiré.

Amendement AS290 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Rédactionnel.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez que le médecin recueille « nécessairement » les avis. Cet ajout est inutile puisque l’utilisation du présent en donne l’obligation au médecin qui conduit la procédure.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS951 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS289 de M. Thibault Bazin et AS632 de M. Gaëtan Dussausaye, amendements AS911 de M. Thomas Ménagé, AS355 de Mme Marine Hamelet, AS522 de Mme Karine Lebon et AS1063 de M. Eddy Casterman (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Je propose de compléter l’alinéa 5 en mentionnant que l’avis recueilli doit être écrit, ce qui peut être important notamment en cas de recours. Dans les procédures évoquées précédemment – limitation et arrêt des traitements ; sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès – il y a davantage de collégialité et de possibilités de recours. Dans le cas présent, les recours sont moins évidents puisqu’ils ne peuvent émaner que des personnes qui ont demandé l’aide à mourir. Néanmoins, pour protéger la personne qui instruit le dossier, je pense qu’il faut une trace écrite comme en matière de limitation et arrêt des traitements ou de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès.

M. Théo Bernhardt (RN). Par l’amendement AS911, il s’agit de préciser que les avis recueillis sont écrits.

Mme Marine Hamelet (RN). Dans le même esprit, nous voulons que l’avis mentionné à l’alinéa 5 soit motivé.

M. Eddy Casterman (RN). Nous voulons réinstaurer la primauté de la collégialité pour empêcher qu’un seul soignant ne décide seul de pratiquer une euthanasie. Avec cet amendement, un acte d’euthanasie ne pourra être décidé si le second médecin ou l’auxiliaire médical exprime un avis défavorable. L’exigence de l’avis conforme d’un autre médecin et d’un auxiliaire médical intervenant auprès du patient en fin de vie permet de lier les soignants entre eux et d’atténuer le risque que la décision ne soit influencée par la partialité, la toute-puissance, voire d’éventuelles erreurs d’appréciation de la part d’un seul médecin. La collégialité est exigée pour la sédation profonde, mais pas pour l’euthanasie. Si l’article était adopté en l’état, une mise en cohérence de notre droit s’imposerait par un moins-disant éthique. Alors qu’elle est un principe constitutif de l’éthique médicale, la collégialité finira alors par devenir une exception.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je ne crois pas qu’il soit utile de multiplier les ajouts qui, dans certains cas, peuvent rendre le texte plus difficile à comprendre pour ceux qui devront l’appliquer.

Pour autant, je comprends le souhait d’apporter plus de garanties exprimé par ces amendements. Aussi mon avis sera-t-il favorable aux amendements AS289 et AS632, qui prévoient que l’avis recueilli soit écrit.

M. Julien Odoul (RN). La collégialité ne complexifie pas, elle protège. Cette protection bénéficie au malade en fin de vie et, plus encore, au personnel soignant.

La gauche parle constamment de participation et n’a de cesse de créer diverses instances de concertation. Mais, selon elle, un acte aussi grave que mettre fin à une vie devrait relever de la décision d’une seule personne.

La commission rejette l’amendement AS951 puis adopte les amendements AS289 et AS632.

En conséquence, les amendements AS911 et AS522 tombent.

La commission rejette successivement les amendements AS355 et AS1063.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1133 de M. Laurent Panifous.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements AS523 de M. Yannick Monnet, AS526 de Mme Karine Lebon et AS525 de M. Yannick Monnet.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS1134 de M. Laurent Panifous.

Amendement AS886 de Mme Nathalie Colin-Oesterlé

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Créé par la proposition de loi relative à l’accompagnement et aux soins palliatifs, le plan personnalisé d’accompagnement est consacré à l’anticipation, à la coordination et au suivi des prises en charge sanitaires, psychologiques, sociales et médico-sociales.

L’amendement vise à mettre en cohérence les dispositions des deux propositions et à s’assurer que le médecin qui évalue la demande d’aide à mourir prenne connaissance de l’instrument précieux que constitue ce plan.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Cet amendement aurait dû porter sur l’article 5 et non sur l’article 6, qui décrit la procédure collégiale. Dans le cadre de cette dernière, le médecin spécialiste sollicité rend un avis qui permet d’apprécier si les conditions prévues par l’article 2 sont réunies et je ne crois pas que le plan personnalisé d’accompagnement l’aide pour cela.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS721 de M. Christophe Bentz.

Amendement AS431 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement prévoit que le médecin traitant peut participer à la procédure collégiale, à la demande de la personne qui souhaite avoir accès à l’aide à mourir.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cet amendement n’est pas cohérent avec l’objet de l’alinéa.

Tout d’abord, il est très rare qu’un médecin spécialiste soit le médecin traitant d’une personne. Ensuite, l’idée selon laquelle le médecin n’intervient pas auprès de la personne semble contraire au fait qu’il est son médecin traitant.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS912 de M. Thomas Ménagé

M. Théo Bernhardt (RN). L’amendement prévoit que la consultation d’un psychiatre est obligatoire, afin de vérifier que l’avis de la personne qui fait la demande est libre et éclairé.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS292 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à inclure les proches de la personne dans le processus d’examen de la demande d’aide à mourir, sauf s’ils ne le souhaitent pas.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous avons une réelle divergence sur ce que doit être l’aide à mourir.

Selon moi, elle repose sur deux piliers : le respect des conditions fixées à l’article 2, appréciées à la suite d’une procédure collégiale, et la volonté de la personne, qui devra être confirmée tout au long de la procédure. Il ne revient pas aux proches d’émettre un avis, tant cette décision relève de l’intime.

Or, vous proposez que nous intégrions ces proches dans la procédure, et ce alors même qu’un certain nombre d’amendements traduisent des inquiétudes relatives aux pressions qui pourraient être exercées. Laissons le choix à la personne d’associer ses proches à la démarche, si elle le souhaite.

Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Thibault Bazin a précédemment insisté sur le fait que la personne qui demande l’aide à mourir pourrait subir des influences. Si vous voulez mieux la protéger, il ne faut pas que les proches participent à la décision car cela pourrait précisément faire courir un tel risque.

Mme Justine Gruet (DR). J’avais déposé un amendement à l’alinéa 6 qui proposait de supprimer la possibilité pour le médecin spécialiste de ne pas examiner le patient s’il estime que ce n’est pas nécessaire. Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40.

Il aurait pourtant été nécessaire que nous puissions débattre de la possibilité donnée à ce praticien de rendre un avis en distanciel – d’autant qu’il est possible que cet amendement soit également irrecevable en séance. Le fait de voir la personne qui fait la demande et de discuter avec elle permet en effet de mieux sentir les choses d’un point de vue psychologique.

M. Thibault Bazin (DR). Si j’ai bien compris, les avis recueillis lors de cette procédure sont seulement consultatifs et le médecin chargé de statuer sur la demande n’est pas tenu de les suivre. Cet élément devrait rassurer ceux qui craignent que l’on associe les proches. Mon amendement correspond bien à l’esprit d’une procédure qui n’aboutit pas à une décision collégiale.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Monsieur Bazin, vous avez expliqué précédemment qu’il fallait faire en sorte que les patients soient reçus seuls, afin d’être certain qu’ils ne soient pas influencés – notamment par des proches qui les pousseraient à demander l’aide à mourir. Vous nous dites maintenant qu’il faut associer les proches à la prise de décision. Tout ça n’est pas très cohérent.

M. Thibault Bazin (DR). Je n’ai jamais demandé que le patient soit reçu seul !

M. Stéphane Delautrette (SOC). Même si vous n’avez pas défendu l’amendement qui le proposait, vous l’avez voté.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS954 et AS1020 de M. Philippe Juvin, amendement AS1124 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). En cas de demande d’euthanasie, nous souhaitons que le collège pluridisciplinaire comprenne forcément un psychiatre, comme c’est le cas dans d’autres pays. En effet, il s’agit probablement du professionnel le plus à même d’évaluer la capacité de discernement libre et éclairé des patients, en particulier lorsqu’ils souffrent de dépression.

Je rappelle que cette affection est très fréquente en fin de vie, quand on a un cancer ou quand on reçoit des soins palliatifs. Jusqu’à 77 % des patients en soins palliatifs du fait d’un cancer souffrent de dépression. Demander que l’on consulte systématiquement un psychiatre ne nous paraît pas superfétatoire.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement a pour objet de préciser qu’il est possible de recueillir l’avis d’autres professionnels de santé, du secteur médico-social en établissement ou à domicile et de psychologues.

La rédaction actuelle de l’alinéa permettrait en effet à n’importe quel professionnel intervenant auprès de la personne d’émettre un avis, y compris lorsque ce professionnel n’est pas un soignant. Quant à la fin de l’alinéa, elle ne concernerait que les établissements et non les services médico-sociaux, qui me semblent tout aussi essentiels.

Avis défavorable aux amendements AS954 et AS1020, qui sont très similaires.

S’il l’estime nécessaire, le médecin peut recueillir l’avis d’un psychologue ou d’un psychiatre intervenant auprès de la personne qui fait la demande. Ces garanties me semblent suffisantes et permettent de concilier les impératifs de célérité et d’accès à l’aide à mourir avec la nécessité d’un contrôle.

M. Philippe Juvin (DR). La rédaction actuelle de l’alinéa 8 permet en effet au médecin de consulter d’autres professionnels qui interviennent auprès de la personne, et notamment un psychiatre. Mais ce que je propose est différent puisqu’il s’agit d’ajouter un alinéa après l’alinéa 7 afin de rendre obligatoire la participation d’un psychiatre au fameux collège pluridisciplinaire, comme cela se fait chez un certain nombre de nos voisins.

La commission rejette successivement les amendements AS954 et AS1020 puis adopte l’amendement AS1124.

Amendements AS891 de Mme Danielle Simonnet, AS463 de M. Michel Lauzzana, AS690 de Mme Karen Erodi et AS528 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement propose que soit recueilli l’avis de la personne de confiance si elle a été désignée dans les conditions prévues à l’article L. 1111-6 du code de la santé publique et dans le cas où la demande d’aide à mourir est engagée par l’intermédiaire de directives anticipées.

Si le patient a choisi une personne de confiance, c’est qu’il l’estime à même de faire part de ses dernières volontés. Notre rédaction contentera à la fois ceux qui veulent prendre le plus d’avis possible et ceux qui sont soucieux de respecter la volonté du patient.

M. Michel Lauzzana (EPR). Mon amendement prévoit de demander l’avis de la personne de confiance désignée par le patient lorsqu’on ne peut pas recueillir directement celui de ce dernier. Il faut reconnaître le rôle de cette personne de confiance lors des dernières phases, si c’est nécessaire.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La fin de vie implique la plupart du temps – et c’est heureux – que l’on se concerte avec les personnes les plus proches du patient, qu’ils aient ou non un lien de parenté avec lui. Les aidants sont les parents ou les amis qui connaissent le plus intimement le malade. Ils jouent un rôle en matière de soins et constituent un pilier invisible sans lequel la solidarité s’effondre. Leur témoignage fournit donc une perspective complémentaire et précieuse.

En demandant que l’on prenne l’avis de la personne de confiance, cet amendement humanise et renforce la légitimité de la procédure.

M. Yannick Monnet (GDR). Puisque l’on considère que la procédure collégiale a vocation à donner un éclairage sur la demande du patient, il faut que cette collégialité soit la plus riche possible. Il est donc tout à fait adapté de demander l’avis de la personne de confiance, comme le propose l’amendement AS528.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Nous avons déjà délibéré quatorze fois à propos des directives anticipées. À l’exception de l’amendement AS528, ces amendements visent une nouvelle fois à permettre, indirectement, l’accès à l’aide à mourir par le biais de ces directives. J’y suis donc défavorable.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je relève que l’amendement AS528 est différent des trois autres, puisqu’il prévoit que la personne de confiance peut être sollicitée à la demande du patient. Cette rédaction nuancée est plutôt bienvenue et elle pourrait être adoptée.

Mme Justine Gruet (DR). Comme l’a relevé le rapporteur, votre amendement est une manière de réintroduire les directives anticipées, madame Simonnet.

Le rôle de la personne de confiance est de faire connaître le souhait du patient quand ce dernier n’est plus en état de le faire. Je ne vois pas quel est l’intérêt de lui demander son avis si le patient est capable de manifester sa volonté de manière libre et éclairée.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Contrairement à ce que certains sous-entendent, notre amendement ne traite pas des directives anticipées mais de la personne de confiance – celle qui connaît le mieux le malade et l’accompagne dans ses choix.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement de Mme Simonet mentionne bien les directives anticipées, ce qui n’est pas le cas de celui que Karine Lebon et moi-même avons déposé. Nous ne sommes pas favorables en effet à la prise en compte des directives anticipées pour accorder l’aide à mourir, mais nous voulons souligner le rôle central de la personne de confiance.

M. Michel Lauzzana (EPR). Mon amendement ne mentionne pas, non plus, les directives anticipées.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’amendement AS528 est effectivement différent des autres. J’y suis favorable.

Avis défavorable pour tous les autres amendements.

La commission rejette successivement les amendements AS891, AS463 et AS690.

Puis elle adopte l’amendement AS528.

Amendement AS527 de M. Yannick Monnet

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement prévoit que, dans le cas où la personne est hébergée dans un établissement ou service social ou médico-social, le médecin qui la suit ou le professionnel de l’établissement qui l’accompagne est nécessairement associé à la procédure collégiale.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement AS1124, que nous avons adopté, prévoit que les professionnels du secteur médico-social qui interviennent dans ces établissements et à domicile peuvent être consultés. Il est complété par mon amendement AS1132, que nous examinerons très prochainement.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Je suis tout à fait d’accord avec M. Monnet, qui souhaite que le médecin coordonnateur dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) fasse partie du collège pluridisciplinaire.

Vous faites semblant de lui répondre en disant que son amendement serait satisfait, au motif que vous prévoyez que ce médecin pourra être consulté. La différence est pourtant très importante, mais cet argument est le même que celui que vous m’avez opposé lorsque j’ai proposé que le collège pluridisciplinaire comprenne obligatoirement un psychiatre.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Non, je ne fais pas semblant. Je prends ce texte très au sérieux. L’amendement de M. Monnet vise à rendre obligatoire l’avis du médecin qui suit la personne résidant en établissement médico-social, alors que mon amendement AS1124 propose de recueillir, de manière facultative, l’avis du personnel médico-social.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS293 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise également à renforcer la collégialité de la procédure.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS432 de Mme Sandrine Runel

M. Arnaud Simion (SOC). Cet amendement s’inspire de la proposition de loi d’Olivier Falorni donnant le droit à une fin de vie libre et choisie, examinée au mois d’avril 2021. Nous proposons que la personne à l’origine de la demande d’accès à mourir puisse saisir un autre professionnel de santé, capable d’éclairer le médecin qui acceptera ou rejettera sa demande.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je peine à comprendre pourquoi le demandeur souhaiterait intégrer des avis complémentaires à la procédure alors qu’il peut les obtenir en consultant des professionnels ou des proches pour forger sa décision.

Par ailleurs, si tel était le cas, le dialogue qui s’instaurerait entre le médecin chargé de la procédure et la personne permettrait d’accéder à une telle demande qui, par définition, n’est pas interdite. Cet ajout me semble inutile.

Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). Il est important que le médecin sollicité connaisse bien le patient, qu’il s’agisse du médecin qui le suit.

Le médecin doit procéder à une analyse précise, à partir de critères objectifs, de la demande de la personne souhaitant avoir recours à l’euthanasie. Il n’est pas souhaitable que la personne qui aura reçu une réponse défavorable consulte des médecins jusqu’à ce que l’un d’eux accède à sa demande. Je crains donc que certains médecins ne pratiquent plus que l’euthanasie et que les critères deviennent subjectifs pour répondre à tout prix à une demande.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS294 de M. Thibault Bazin, amendement AS1132 de M. Laurent Panifous (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vise à renforcer la collégialité de la procédure.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement de coordination vise à supprimer la fin de l’alinéa 8, qui fait uniquement référence aux professionnels des Ehpad.

Avis défavorable sur l’amendement AS294.

M. Philippe Juvin (DR). Votre amendement vise à supprimer l’avis d’« un médecin qui assure son suivi ou d’un professionnel de l’établissement ou du service social ou médico‑social qui l’accompagne », soit l’avis du médecin coordonnateur.

M. Laurent Panifous, rapporteur. En effet, il supprime bien cette mention. Cela étant, l’amendement AS1124 que nous avons adopté est plus large puisqu’il prévoit la possibilité de recueillir l’avis de professionnels de santé du secteur social et médico-social intervenant à domicile ou dans des établissements, notamment en Ehpad, ce qui inclut le médecin coordonnateur.

M. le président Frédéric Valletoux. L’amendement AS1124 modifie le début de la phrase mais ne supprime pas la fin. L’amendement AS1132 vise, quant à lui, à supprimer la fin de la phrase. Il aurait sans doute été plus clair de déposer un amendement unique de rédaction globale de l’alinéa 8.

M. Thibault Bazin (DR). Je l’ai bien compris, la commission ne souhaite pas renforcer la collégialité de la procédure. J’espère cependant que ce point évoluera en séance pour répondre aux attentes de plusieurs acteurs que nous avons auditionnés.

En tout état de cause, la commission ayant rejeté l’amendement AS527, qui prévoyait la consultation du médecin qui assure le suivi et la suppression de la fin de l’alinéa 8, il ne faut pas voter l’amendement AS1132.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ce ne sont pas les mêmes amendements. Certes, l’amendement AS527 vise également à supprimer la fin de l’alinéa 8. Mais il propose aussi de rendre obligatoire la consultation du médecin qui assure le suivi.

Pour ma part, je propose de supprimer la fin de l’alinéa car sa rédaction est redondante avec le dispositif de l’amendement AS1124. Il prévoit déjà que l’avis des professionnels du secteur social ou médico-social intervenant dans des établissements ou à domicile puisse être sollicité. Je ne vois pas pourquoi il serait utile de préciser la situation particulière des résidents des Ehpad.

Enfin, si j’avais déposé un seul amendement, de nombreux autres seraient tombés. Monsieur Juvin, n’y voyez là aucune coquinerie de ma part !

M. Christophe Bentz (RN). Monsieur le rapporteur, vous avez systématiquement donné un avis défavorable aux amendements visant à renforcer la procédure collégiale. Je m’inquiète d’ailleurs car vous venez de dire que l’article 6 serait réécrit, alors même que nos travaux s’apparentent à une deuxième lecture puisque, l’an dernier, nous avons déjà examiné en commission le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie.

En réalité, vous n’êtes pas favorable à la collégialité que vous considérez comme une sorte d’entrave et de garde-fou, ainsi que le prouve la suppression partielle de l’alinéa 8. Vous avez même dit que cela constituait une complexification de nature à limiter le droit à l’aide à mourir. En fait, vous souhaitez que les Français aient accès à l’euthanasie et au suicide assisté sans entrave ni garde-fou.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous sommes favorables à l’amendement AS1132 car la fin de l’alinéa est superfétatoire – peu importe le lieu où se trouvent les professionnels qui entourent le patient – et ne porte pas atteinte au principe de collégialité.

Après adoption de l’amendement AS1132, l’alinéa 8 sera beaucoup plus large et tiendra compte de tous les lieux où exercent les professionnels de santé.

La commission rejette l’amendement AS294 puis adopte l’amendement AS1132.

En conséquence, les amendements AS603 de Mme Annie Vidal et AS844 de Mme Sandrine Dogor-Such tombent.

Amendement AS604 de Mme Annie Vidal

Mme Annie Vidal (EPR). L’alinéa 9 prévoit que le médecin informe la personne chargée d’une mesure de protection lorsque le patient fait l’objet d’une protection.

Je propose que la personne de confiance soit également informée par le médecin.

M. Laurent Panifous, rapporteur. La procédure prévoit déjà l’information de la personne chargée de la mesure de protection et le fait que le médecin tienne compte de ses observations. Je ne suis pas favorable à l’ajout de la personne de confiance, qui peut être informée par la personne elle-même si elle le souhaite.

Je rappelle enfin que pour les majeurs protégés, le principe est celui de l’autonomie. Ils doivent prendre seuls les décisions relatives à leur personne dans la mesure où leur état le permet. La rédaction du texte comporte en outre des garanties supplémentaires suffisantes, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme de 2011.

Avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). La personne de confiance et celle qui assure la protection du majeur protégé n’ont pas le même rôle. Lorsque le majeur protégé fait la demande de manière autonome, il me semble naturel que la personne de confiance en soit informée en même temps que la personne chargée de la protection juridique. La procédure liée à la fin de vie est distincte du régime de la protection juridique.

M. Patrick Hetzel (DR). Cet amendement est pertinent. Si la personne de confiance n’est pas informée, son rôle sera fragilisé et la portée de son action, réduite. La personne de confiance est susceptible d’être l’interlocuteur privilégié durant le parcours de soins. Ces arguments vont à l’encontre de ceux qui visent à développer la désignation de la personne de confiance.

M. Philippe Juvin (DR). Quel est le sens de l’expression « le cas échéant » figurant à l’alinéa 9 ? Le médecin est-il obligé de tenir compte des observations formulées ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement AS1135 vise précisément à supprimer l’expression « le cas échéant ».

La personne de confiance représente le majeur protégé lorsqu’il n’est plus en mesure de s’exprimer. Or l’alinéa 9 concerne les personnes qui sont pleinement capables de s’exprimer de manière libre et éclairée. Pourquoi la personne de confiance serait-elle donc informée ?

Mme Justine Gruet (DR). Dans les pays étrangers, la même démarche s’applique : la personne qui protège est consultée même si la personne protégée a le dernier mot. Cela pose une question sur la capacité de discernement et sur la définition de l’avis libre et éclairé. C’est une question éthique profonde : la personne est-elle capable de prendre cette décision, qui est la plus intime qui soit ? Doit-on demander l’avis de la personne censée la protéger alors qu’il ne sera pas forcément pris en compte ? C’est un vrai sujet. Certes, on ne peut exclure les personnes protégées de ce droit nouveau mais leur vulnérabilité est préoccupante. Je rappelle qu’on est précisément censé les protéger.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire, cet amendement vise à compléter la liste des personnes dont il faut tenir compte des observations et non la liste de celles qui doivent être informées.

Tenir compte des observations signifie mettre à exécution une opinion donnée. Il s’agit d’octroyer potentiellement un droit de veto à d’autres acteurs. Cet amendement va à l’encontre de nos objectifs et l’exposé sommaire ne correspond pas à son dispositif.

Mme Annie Vidal (EPR). Dans sa rédaction initiale, l’alinéa 9 prévoit également que le médecin « informe la personne chargée de la mesure de protection et tient compte des observations qu’elle formule le cas échéant ».

Mon amendement vise simplement à compléter la liste en ajoutant la personne de confiance.

M. Philippe Vigier (Dem). L’exposé sommaire fait uniquement référence à l’information de la personne de confiance. Le dispositif de votre amendement va donc trop loin.

Mme Annie Vidal (EPR). Vous savez bien que l’exposé sommaire n’a pas de valeur juridique, contrairement au dispositif.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous refusons que le médecin soit obligé de tenir compte des observations. Mon amendement AS691 vise précisément à remplacer cette expression afin que le médecin conserve son libre arbitre. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS691 de M. René Pilato

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La personne qui demande l’aide à mourir doit exprimer sa volonté de manière libre et éclairée, en plus de remplir d’autres critères administratifs et médicaux.

Or l’alinéa 9 prévoit que le médecin « tient compte » des observations formulées, le cas échéant, par la personne chargée d’une mesure de protection. S’il en tient compte, cela signifie qu’il met en application cet avis ; s’il le met en application, cela veut dire qu’il est contraignant ; s’il est contraignant, cela signifie que la personne chargée de la mesure de protection juridique a un droit de veto. Nous n’y sommes pas favorables, d’autant que cette disposition serait alors contraire aux alinéas 5 et 8, qui prévoient que le médecin « recueille l’avis ».

La personne chargée de la mesure de protection juridique se verrait octroyer un droit spécifique qui déséquilibrerait la procédure. Cet amendement vise à traiter toutes les personnes à égalité : le médecin recueillerait l’avis de chacune sans tenir compte de celui d’une personne en particulier.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez substituer aux mots « tenir compte » les mots « recueillir » afin de laisser « le médecin libre juge des observations que lui délivre la personne en charge de la protection juridique ».

Or l’expression « tenir compte » renforce la protection de la personne protégée tout en respectant le libre arbitre du médecin. Si le majeur protégé doit pouvoir prendre une telle décision seule, n’oublions pas qu’il nous appartient de renforcer les garanties dont il bénéficie.

Avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Notre amendement est cohérent avec la rédaction de l’ensemble de l’article 6 : les alinéas 5 et 8 prévoient que le médecin « recueille l’avis ».

L’amendement précédent de Mme Vidal, qui prévoyait que le médecin devait tenir compte des observations, a précisément été rejeté parce qu’il était contraignant. Dans un souci de cohérence, j’invite mes collègues à voter notre amendement.

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement dénature le texte en diminuant la protection de la personne protégée. Recueillir l’avis d’une personne est une démarche de nature purement consultative. En revanche, tenir compte de l’avis implique que la personne qui ira à l’encontre de l’opinion formulée devra motiver sa décision. C’est, juridiquement, une protection supplémentaire.

La rédaction actuelle est davantage protectrice et permet au médecin de conserver son libre arbitre.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Vous avez résumé notre point de désaccord : la place que l’on veut accorder à la personne chargée de la protection juridique. L’avis de cette personne est-il supérieur aux autres avis à recueillir ? Vous le souhaitez, contrairement à nous. Voilà l’occasion de le trancher.

Mme Annie Vidal (EPR). Selon la définition juridique, les majeurs protégés sont « les personnes qui sont dans l’impossibilité de pourvoir seules à leurs intérêts en raison de l’altération soit de leurs facultés mentales, soit de leurs facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de leur volonté, et qui bénéficient à ce titre d’une mesure de protection juridique ».

Il est contradictoire de faire référence, à ce stade, à la personne chargée de la protection juridique, alors que, au début de l’examen du texte, on a considéré que la personne protégée était capable d’exprimer une volonté libre et éclairée.

M. Philippe Juvin (DR). Dans son avis, le Conseil d’État propose de « prévoir que la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une telle mesure de protection juridique à accéder à l’aide à mourir peut être contestée par la personne chargée de la mesure de protection devant le juge des tutelles ». L’avis du rapporteur est sage.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS815 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1135 de M. Laurent Panifous.

Amendement AS73 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Afin de s’assurer de l’intelligibilité du texte, je propose d’insérer : « L’équipe de soins informe autant qu’il est possible le patient, la personne de confiance choisie par ce dernier et ses proches sur les détails techniques de l’euthanasie ou du suicide assisté. »

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS433 de Mme Sandrine Runel, AS923 de Mme Christine Loir et AS956 de M. Philippe Juvin

Mme Océane Godard (SOC). L’amendement AS433 vise à supprimer l’alinéa 10, qui prévoit que la concertation peut être réalisée à distance. La procédure qui nous occupe tend à accompagner une personne lors de son ultime décision : elle nécessite la présence physique des participants.

Mme Christine Loir (RN). On ne peut utiliser une procédure dématérialisée pour apprécier la volonté d’une personne de recourir à une aide à mourir : les enjeux humains, médicaux et éthiques sont majeurs. Pour évaluer l’état physique et psychologique du patient, son discernement, et s’assurer qu’aucune pression extérieure n’altère sa décision, les soignants ont besoin d’un contact direct avec lui et de discussions entre eux. Le présentiel réduit les risques d’incompréhension et assure une meilleure coordination des soignants.

M. Philippe Juvin (DR). Nous avons largement débattu de la procédure collégiale. Celle adoptée fera intervenir le médecin coordonnateur ; un autre médecin, qui pourrait ne pas examiner le patient ; un auxiliaire médical, possiblement un pédicure-podologue, qui ne possède pas une connaissance satisfaisante des sujets relatifs à la fin de vie. Non seulement la collégialité est donc minimale, mais l’alinéa 10 prévoit que la concertation pourra se faire à distance. Nous parlons de vie et de mort ! Il faut examiner les gens et discuter ! Il est déjà difficile de mener une téléconsultation de médecine quotidienne ; on ne peut décider à distance d’administrer une substance létale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Mme Loir et M. Juvin suivent leur logique ; en revanche, j’ai du mal à comprendre que Mme Runel ait déposé un tel amendement. La possibilité de se concerter à distance permet de mobiliser rapidement les professionnels nécessaires dans les zones où cela est compliqué, sans remettre en cause la rigueur de la procédure. Dans certains cas, les délais de déplacement ou l’absence de professionnels de santé pourraient constituer une entrave à l’aide à mourir. Certaines situations sont urgentes – le texte prévoit que le médecin doit se prononcer dans un délai défini. J’ajoute qu’il ne suffit pas de supprimer l’alinéa pour interdire la concertation à distance.

Je vous invite à retirer vos amendements ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Comme vous ne pouvez pas vous opposer au texte, vous tâchez de réduire le nombre des personnes qui pourront accéder à ce droit, et ce de manière subjective : seront notamment exclues celles qui vivent dans des territoires qui manquent de médecins. J’ajoute, monsieur Juvin, que des décisions médicales majeures se prennent sans voir le patient. Il n’y a pas dans chaque département des spécialistes de toutes les maladies graves : tout peut se passer très bien à distance.

M. Jérôme Guedj (SOC). En autorisant la concertation à distance, nous risquons de donner l’impression qu’une indifférenciation est possible, alors que la décision collégiale doit être personnalisée. La situation n’est pas celle d’un avis qu’on demande à un éminent spécialiste sur un dossier. Il s’agit d’organiser un colloque singulier dont le patient est le centre – même si lui-même n’est pas présent. Cela suppose que les professionnels de santé aient un dialogue de qualité. Nous avons tous fait l’expérience de la dégradation des discussions lorsqu’elles étaient organisées en visioconférence. Les conseils politiques des partis politiques ne fonctionnent pas, non plus que les cours ; je crains que dans un cas aussi grave, la concertation des professionnels de santé ne fonctionne pas davantage.

M. Jean-François Rousset (EPR). Dans certaines situations, le médecin a besoin de se mettre en retrait pour prendre la meilleure décision : la compassion nuit à la sérénité. Tous les médecins le savent, il est parfois plus confortable, pour prendre une décision collégiale, de s’appuyer sur des gens qui n’appartiennent pas à la même structure.

M. Julien Odoul (RN). Nous ne parlons ni de visiter un appartement sur un site internet ni de renouveler une ordonnance par téléconsultation ! Quelles que soient nos opinions en la matière – nous respectons toutes les opinions –, et quoi qu’on en dise, l’acte qui nous occupe percutera notre humanité. Or vous voulez le déshumaniser en autorisant la distance, quand il faudrait plus de présence. Cela fragilisera encore davantage les personnes concernées.

M. Philippe Juvin (DR). Il est vrai que le manque de professionnels pose un problème. Toutefois, l’exercice de la médecine à distance, parce que déshumanisé, est difficile. Sur ce sujet, nous devons agir avec précaution. Il n’est pas vrai que de grandes décisions se prennent à distance sur le fondement de l’avis d’un seul médecin ayant physiquement examiné le patient ; or c’est ce que prévoit la procédure que nous avons adoptée. On peut demander l’avis de spécialistes à distance et il arrive qu’on prenne à distance des décisions collégiales, mais toujours avec plusieurs médecins qui ont rencontré le patient.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous parlons d’une décision singulière. En cancérologie par exemple, les décisions à distance sont de nature technique – il peut notamment s’agir d’optimiser un traitement. Ici, nous voulons la décision la plus adaptée à la personne concernée, ce qui nécessite un colloque singulier. La distance déshumanise ; nous voulons humaniser, plus que jamais, jusqu’au bout.

Mme Justine Gruet (DR). Le plus souvent, les équipes médicales chargées de statuer sur des situations se réunissent de manière régulière, en général toutes les semaines. Alors même que leurs membres sont habitués à travailler ensemble, il n’est pas toujours facile d’organiser ces réunions à distance. Ici, il faudra à chaque fois réunir des personnes différentes pour discuter d’un sujet infiniment complexe, dans un délai très bref. Le discernement du médecin, à qui l’on confie une lourde responsabilité, n’en sera-t-il pas gêné ?

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Vous dites, monsieur Juvin, que le patient ne sera examiné que par un seul médecin, mais c’est inexact ; l’alinéa 7 dispose que ce dernier recueille l’avis d’un auxiliaire médical ou d’un aide-soignant qui intervient auprès de la personne. D’autres personnes interviendront donc ; elles ne sont pas médecins mais elles auront été en contact avec le patient : l’approche est humaine, selon l’impératif que nous nous sommes fixé.

Mme Océane Godard (SOC). On peut considérer la concertation comme une étape, qui peut se faire à distance. Néanmoins, je maintiens l’amendement. Dans ce processus d’accompagnement, il faut accorder de l’importance à chaque étape, en créant les meilleures conditions possibles, afin de garantir le respect de la dignité. Un problème technique peut survenir. Chaque année, quelque 300 personnes peut-être seront concernées : on peut leur accorder ce temps de concertation en présentiel.

Mme Annie Vidal (EPR). Comme Mme Gruet, je pense que la visioconférence est un outil fonctionnel pour les équipes dont les membres se connaissent et ont l’habitude de travailler ensemble sur des sujets connus. Nous voulons renforcer la procédure collégiale ; or celle-ci rassemblera des personnes qui ne se seront pas toujours rencontrées souvent et qui ne seront pas forcément à l’aise pour communiquer à distance – ce n’est pas si facile quand on n’en a pas l’habitude. Pendant un temps, les auditions parlementaires ont eu lieu à distance : nombre d’entre vous l’ont souligné, la qualité des discussions en est très altérée. Pour la décision dont nous parlons, il est fondamental que les personnes se rencontrent. Je soutiens la suppression de l’alinéa 10.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il est louable de vouloir organiser la concertation en présentiel mais cela ne peut que faire prendre du retard à la procédure. En milieu rural, où la mobilité est difficile, le médecin devra effectuer un parcours du combattant pour rencontrer tous les membres de la collégialité, c’est-à-dire les personnes qui entourent le patient, et non le patient lui-même. L’emploi du temps des médecins est si chargé que cela risque de retarder la décision, alors que les souffrances réfractaires nécessitent une réponse rapide. Nous ne voterons pas ces amendements.

M. Michel Lauzzana (EPR). En médecine, il existe déjà une procédure de décision collégiale : les réunions de concertation pluridisciplinaire, notamment organisées en cancérologie. On y prend parfois des décisions lourdes. Le patient a bien été examiné et l’on dispose de son dossier médical, construit non par un seul médecin mais tout au long du parcours. Il arrive que ces réunions aient lieu à distance, en particulier lorsque les spécificités territoriales empêchent de faire autrement. En outre-mer par exemple, toutes les spécialités ne sont pas représentées. L’alinéa 10 prévoit que la concertation « peut » être réalisée à distance.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous l’évoquons depuis le début des débats : le patient concerné sera issu d’un parcours de soins, palliatifs par exemple. Il aura donc été en contact avec le médecin. En tout état de cause, il faut sécuriser la procédure. Je rappelle que le Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies a condamné les Pays‑Bas en 2009 parce que la consultation avec un second médecin pouvait avoir lieu par téléphone.

M. Nicolas Turquois (Dem). Certaines interventions laissent penser que les médecins pourraient appliquer cette procédure comme on poste une lettre. Nous parlons de professionnels de santé, d’hommes et de femmes qui consacrent toute leur carrière à soigner les autres, mobilisés pour répondre à une demande exceptionnelle : ils seront responsables. Si une concertation en présence est possible, ils l’organiseront. Ils ne recourront à la visioconférence que dans les rares cas où elle sera la seule ou la meilleure solution.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS295 de M. Thibault Bazin et AS1154 de M. Frédéric Valletoux

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vise à ajouter une négation à l’alinéa 10, afin que la concertation ne puisse être organisée à distance. Pour nous, c’est une ligne rouge.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements reviennent à interdire tout recours à la consultation à distance. Nous venons d’en débattre. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS924 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). C’est un amendement de repli.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS634 de M. Gaëtan Dussausaye

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Le présent amendement vise à rendre obligatoire la présence du tuteur légal du demandeur lors de la concertation.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’exception n’est pas justifiée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

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*     *


8.   Réunion du mercredi 30 avril 2025 à 9 heures (article 6 [suite] à après l’article 6)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([243]).

Article 6 (suite) : Procédure d’examen de la demande d’aide à mourir jusqu’à la prescription de la substance létale

Amendement AS296 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Une rencontre physique avec la personne qui demande l’administration d’une substance létale semble indispensable. Plus on échange avec ceux qui pratiquent beaucoup la téléconsultation, plus on s’aperçoit de ses limites. Or, étant donné l’irréversibilité du geste, il est nécessaire d’établir au préalable un rapport de confiance entre le malade et le personnel médical destiné à émettre un avis.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous avons longuement débattu hier soir de la qualité que cet avis pouvait avoir même à distance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS957 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Nous proposons que le collège pluridisciplinaire n’ait pas qu’un rôle de consultation mais de décision, en accordant un droit de veto à ses membres. La nature de l’acte différant profondément d’un arrêt des soins ou d’une sédation profonde, il nous paraît utile d’ajouter un filet de sécurité.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’unanimité au sein du collège n’est pas obligatoire. Ce qu’il faut, c’est que le médecin référent tienne compte de l’avis sous tous ses aspects. On ne peut pas prévoir qu’un seul membre bloque la procédure.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Si l’unanimité n’est pas exigée dans les procédures actuelles, il me semble que l’irréversibilité de l’euthanasie l’impose dans celle-ci. Il est en effet possible de revenir sur une décision de limitation ou d’arrêt des soins.

M. Patrick Hetzel (DR). Il existe en droit le principe du bénéfice du doute. Si un professionnel a un sérieux doute sur un tel acte, incomparable à tout autre geste médical ou chirurgical, il faut s’y attarder.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1019 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Nous proposons de nous inspirer du recueil du consentement applicable aux quelque 600 personnes qui font chaque année des dons d’organe intrafamiliaux – un nombre qui se rapprocherait, selon vos estimations, de celui des morts assistées. Elles sont soumises à une décision prise en quelques jours par un représentant du président du tribunal judiciaire, qui s’assure que les conditions du consentement sont bien établies. Cela permettrait de garantir le respect du processus et le caractère libre et éclairé du consentement du patient.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je le dis et le redis : la détermination du consentement libre et éclairé relève d’une décision médicale. Le médecin chargé de la procédure évalue déjà le caractère libre et éclairé de la volonté de la personne, comme le précise le texte : « La personne dont une maladie altère gravement le discernement lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être regardée comme manifestant une volonté libre et éclairée. »

Par ailleurs, vous proposez que le tribunal émette une attestation sur le fondement d’un simple document déclaratif, ce qui me paraît beaucoup moins protecteur que la procédure prévue par le texte.

M. Patrick Hetzel (DR). Monsieur le rapporteur général, le cas du don d’organe intrafamilial est également médical. Le législateur a été très sage en prévoyant une procédure pour s’assurer qu’aucune pression n’est exercée. Cela m’étonne que vous ne fassiez pas le parallélisme entre les deux situations.

M. Nicolas Turquois (Dem). Il n’y a aucun parallélisme entre le don d’organe et la fin de vie ! L’aide à mourir est définitive, alors que des problèmes peuvent se poser après un don d’organe, ce qui nécessite une garantie juridique.

M. Philippe Juvin (DR). Monsieur le rapporteur général, quand je donne l’un de mes deux reins, c’est aussi une décision médicale. Le juge n’a pas à se prononcer sur la décision, il ne fait que contrôler la conformité de la procédure. Vous refusez que quelqu’un d’extérieur vérifie non l’opportunité de la décision, mais le respect du processus, c’est-à-dire celui de la loi. Quel est le problème ? Comment pourrait-on s’opposer au respect de la procédure ?

M. Stéphane Delautrette (SOC). Le don d’organe se fait au bénéfice d’un tiers. On comprend donc qu’il y ait une procédure pour vérifier qu’il ne soit pas consenti sous influence. La décision de recourir à l’aide à mourir, quant à elle, ne concerne qu’une seule personne et ne profite à personne d’autre. Ce n’est donc pas pareil.

M. Thibault Bazin (DR). C’est un sujet sensible. En réalité, des intérêts, notamment patrimoniaux, peuvent être en jeu. La personne, qui n’est pas forcément en fin de vie, peut être en maison de retraite ou dans un établissement qui impose un reste à charge à sa famille. Elle peut ne pas vouloir être un poids et nous devons la protéger. L’amendement propose une bonne façon de le faire.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Monsieur Juvin, vous écrivez que le magistrat procède à l’appréciation de la volonté libre et éclairée. Mais ce n’est pas son rôle ! C’est une décision médicale. D’ailleurs, les magistrats ne souhaitent pas être impliqués dans ce processus.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS557 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Depuis hier, nous constatons plusieurs imprécisions autour du collège. À mon sens, il y a trois étapes : décider, expertiser et acter. Qui prend la décision ? Ce n’est pas le collège – et c’est bien pour cela que nous tournons autour du pot –, c’est le patient. Ensuite, le collège livre son expertise. Et, pour moi, ce ne peut être qu’un juge qui acte. Ce n’est pas au médecin de le faire. Messieurs les rapporteurs, vous dites que c’est une loi sociétale. Mais quelle responsabilité le texte donne-t-il à la société ? J’entends que les juges ne veulent pas s’en mêler. Ils s’en lavent les mains comme Ponce Pilate ! Ne pas impliquer la société revient à dire que l’on s’en lave tous les mains et que l’on fait peser toute la responsabilité sur le médecin.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il n’est pas question de Ponce Pilate ici ! Ma réponse sera la même qu’à M. Juvin : ce n’est pas au président du tribunal judiciaire d’apprécier la volonté libre et éclairée du patient.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il ne s’agit pas d’apprécier cette volonté mais d’acter le respect de la procédure ! Je réécrirai mieux mon amendement pour que vous y soyez favorable dans l’hémicycle. C’est fondamental. La société doit se mouiller. Les médecins n’ont pas à porter toute la responsabilité ; ils sont là pour donner un avis.

Mme Justine Gruet (DR). Je m’inquiète de la responsabilité importante que l’on fait peser sur une seule personne, qui va évaluer les cinq critères, prendre la décision finale et exécuter l’acte. En cas de problème, c’est contre elle seule que l’on se retournera. On va nous rétorquer que c’est le patient qui décide. À ce compte-là, pourquoi avons-nous fixé des critères de recevabilité ?

M. Philippe Vigier (Dem). Qui fait la demande ? Le patient. Qui décide ? Le collège. Et c’est le médecin qui a reçu la demande qui sera chargé d’effectuer l’acte. J’entends votre souhait de faire entrer un président de tribunal dans le dispositif. Pourtant, la justice n’est pas sollicitée dans le cas de la sédation profonde et continue de la loi Claeys-Leonetti, alors qu’elle conduit selon toute certitude à la mort, du fait de l’arrêt des fonctions vitales.

M. Yannick Monnet (GDR). C’est un sujet central. Je comprends que les médecins trouvent que cela leur fait beaucoup pour eux. Je n’étais pas opposé à l’idée de permettre à un juge de vérifier que toutes les conditions prévues par la loi sont réunies – cela se fait dans d’autres domaines – mais, compte tenu de l’état de la justice, je crains qu’une telle disposition prive le droit à l’aide à mourir de toute effectivité. Pour moi, c’est le patient qui décide et le collège qui vérifie si les conditions sont respectées mais j’entends votre position.

M. Patrick Hetzel (DR). M. Isaac-Sibille a parfaitement raison de dire que celui qui assure le contrôle de la légalité, y compris d’actes médicaux, c’est le juge. Nous n’inventons rien. On ne peut pas comparer avec la sédation profonde et continue, d’une part parce qu’elle est réversible, d’autre part, parce qu’elle s’inscrit dans le court terme. Nous devons faire apparaître dans la loi un contrôle exercé au nom de la société, afin de ne pas reproduire les travers de certains modèles étrangers comme celui de la Belgique. Il faut un regard extérieur. Or celui qui est légitime pour le poser au nom du peuple français s’appelle un juge.

M. Philippe Juvin (DR). Nous sommes en train de donner aux Français un droit supplémentaire, le droit à mourir. Ce droit que certains contestent, comme moi, sera entouré d’une procédure et de conditions. Ce que propose M. Isaac-Sibille et ce que je proposais également, c’est que le président du tribunal judiciaire atteste du respect des conditions d’accès. C’est tout. Cela n’a rien d’extraordinaire. S’agissant de l’encombrement de la justice, les cas de dons d’organe intrafamiliaux se règlent en quelques jours. Il serait paradoxal de limiter des droits pour des raisons matérielles. Nous souhaitons que la société, par le biais du juge, s’assure que toutes les conditions sont respectées. C’est une question fondamentale dans un État de droit.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il n’y a heureusement pas de décisions de justice pour vérifier les conditions d’accès à un droit. Le droit à l’avortement s’applique sans qu’un juge vérifie le nombre de semaines de grossesse. Ce serait hallucinant. Je demande un parallélisme des formes avec la loi Claeys-Leonetti, qui accorde le droit au laisser mourir. En effet, dans cette loi, le terme « collégial » renvoie bien à une délibération collective et non à la décision prise à son issue. Les professionnels vérifient que le patient répond aux conditions de l’aide à mourir. Le cas échéant, ils émettent un avis positif, puis le médecin prend la décision. Il n’est donc pas besoin d’un juge.

M. Thibault Bazin (DR). Robert Badinter, auditionné par la mission d’évaluation de la loi Leonetti, le 16 septembre 2008, avait déclaré ceci : « Constitutionnellement, la magistrature est gardienne de la liberté individuelle. À plus forte raison quand il s’agit de la vie d’autrui, il est évident que je ne concevrai pas qu’un comité quelconque puisse apprécier, en dehors de toute décision de justice, qu’une exception d’euthanasie trouve sa place. » Nous parlons de vie ou de mort. C’est une sacrée responsabilité. Il faut pouvoir vérifier que les conditions sont bien remplies.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). On touche le fond du problème. La loi Claeys-Leonetti porte sur un acte médical réalisé sans intention de donner la mort. Nous sommes tous convenus que, dans ce texte, le geste n’était pas un acte médical et qu’il était effectué avec l’intention de donner la mort. Messieurs les rapporteurs, vous dites que c’est une loi sociétale. Mais où est-ce que la société prend sa responsabilité ? En reportant toute la responsabilité sur le médecin, vous faites comme Ponce Pilate et considérez qu’il s’agit d’un problème entre un patient et des médecins, lesquels doivent le régler seuls, sans que la société s’en mêle. Or la société doit s’en mêler par le biais du juge.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1107 de M. Frédéric Valletoux, amendement AS436 de Mme Christine Pirès Beaune, amendements AS135 et AS239 de Mme Justine Gruet, amendement AS74 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)

M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement vise à renforcer la collégialité de la décision, en remplaçant « le médecin » par « le collège pluriprofessionnel ».

Mme Justine Gruet (DR). Il s’agit de mieux associer le collège de professionnels de santé, en lui demandant sa décision plutôt que celle du médecin.

Chers collègues, vous faites un parallèle avec la loi Claeys-Leonetti. En ce cas, il faudrait aller jusqu’au bout et ne retenir que l’engagement du pronostic vital à court terme. L’éthique de ces textes ne sont pas les mêmes.

Vous mentionnez l’embouteillage de la justice. Votre loi est pourtant censée n’être qu’une loi d’exception. J’espère qu’il n’y aura pas des centaines de personnes concernées tous les jours.

Enfin, dans une interruption volontaire de grossesse, les éléments concernant le délai sont scientifiques et précis, ce qui est sécurisant. Ici, le pronostic vital est engagé, en phase avancée ou terminale, ce qui n’est juridiquement pas la même chose, à mon sens.

M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de rendre collégiale la décision d’autoriser ou non le recours à une euthanasie ou à un suicide assisté.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous avons eu un long débat hier soir. Il est écrit à l’alinéa 11 que c’est le médecin qui se prononce. Mais il le fait à l’issue de la délibération du collège pluriprofessionnel. Il est bien sûr essentiel que ce soit le même médecin qui recueille la demande et qui restitue la décision. Le parallèle avec la loi Claeys-Leonetti et la sédation profonde et continue me semble précisément pertinent, puisque personne ne remet en cause la rigueur de cette procédure. La collégialité permet la délibération des professionnels. Le médecin ne fait qu’en restituer fidèlement la décision. Vos amendements complexifient inutilement la procédure.

Avis défavorable.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Pour aller dans le sens de Mme Simonnet, je tenais à vous faire part de la décision de la Haute Autorité de santé (HAS) concernant la sédation profonde : « Cette demande est examinée dans le cadre d’une procédure collégiale avec le médecin qui suit le patient, les membres présents de l’équipe soignante et au moins un médecin extérieur. Si la situation du patient est conforme aux dispositions de la loi, et à l’issue de la procédure collégiale, le médecin du patient met en place une [sédation profonde et continue]. » Aussi peut-on reprendre les mêmes termes, plutôt que d’en inventer de nouveaux.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous insistons sur la collégialité de la prise de décision, parce que nous voulons garantir l’impartialité et la qualité de la décision grâce à la confrontation des points de vue médicaux. Notre rôle n’est pas simplement d’accorder un droit mais aussi de nous assurer que celui-ci est encadré. Je ne comprends pas votre acharnement à ne pas vouloir encadrer un minimum les choses. Il est de notre devoir de donner ces garanties à nos concitoyens.

Mme Justine Gruet (DR). Le médecin peut-il aller à l’inverse de la décision du collège ? Son avis est-il contraignant juridiquement ? Imaginons un lien très fort entre le patient et son médecin, lequel est intimement convaincu de la légitimité de la demande. À l’examen des critères, les deux autres personnes consultées essaient de lui ouvrir les yeux en lui montrant que les cinq critères ne sont pas remplis. Le médecin peut-il tout de même décider que la demande est recevable ? Un encadrement serait sécurisant, notamment pour les personnes les plus vulnérables.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Madame la députée, j’ai déjà répondu à cette question. Le retour du médecin ne peut qu’être fidèle à l’expression collégiale.

Mme Annie Vidal (EPR). Dans le cas de la sédation profonde, le médecin verse sa décision motivée au dossier, tout comme les autres professionnels médicaux.

L’amendement AS436 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements AS692 de M. Hadrien Clouet, AS299 de M. Thibault Bazin, amendements identiques AS18 de M. Alexandre Portier et AS322 de M. Thierry Frappé, amendements AS435 de Mme Sandrine Runel, AS437 de Mme Océane Godard et AS892 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes confrontés à une contradiction. D’un côté, l’aide à mourir s’applique pour des pronostics vitaux engagés à court terme, de l’autre, le médecin a un délai de quinze jours pour notifier cette décision. Parfois, le temps accordé au médecin excède celui qu’a la personne qui veut recourir à l’aide à mourir. C’est pourquoi notre amendement prévoit que le plafond de quinze jours soit réduit pour les personnes qui n’ont pas ce temps devant elles, pour éviter que le dispositif n’impose cyniquement aux personnes de supporter les souffrances auxquelles elles veulent échapper. L’amendement suivant, AS299, mentionne un délai « raisonnable », ce qui nous semble trop peu précis. Pour qui serait-il raisonnable ? Pourquoi le serait-il ? La raison est toujours instrumentale.

M. Thibault Bazin (DR). Il y a des patients en fin de vie ; il y a des patients qui ne sont pas en fin de vie mais dont le pronostic vital est engagé en raison d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale. Ils peuvent tous demander à parler à un psychologue, peut-être pour demander des soins palliatifs. Cela demande du temps. La formulation que je propose – « le médecin se prononce dans un délai raisonnable » – me semble la meilleure possible. Quinze jours, cela peut passer très vite ; pensons à la première quinzaine d’août, par exemple.

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement de M. Portier vise à porter à trente jours le délai dont dispose le médecin pour se prononcer sur l’activation de la procédure de l’aide à mourir. Cette extension est essentielle pour garantir une réflexion approfondie et une évaluation minutieuse de chaque situation particulière.

M. Thierry Frappé (RN). Il faut en effet donner plus de temps au médecin pour rendre son avis. Une telle décision, souvent difficile, nécessite un avis collégial et celui de confrères.

Mme Océane Godard (SOC). On peut considérer que la personne qui fait cette demande a pris le temps de réfléchir avant de la formuler. Il ne s’agit pas d’une décision prise à la légère. Il faut aussi penser aux souffrances qui guident un tel choix.

L’amendement AS435 ramène donc le délai à dix jours, l’amendement AS437 à sept jours.

Mme Annie Vidal (EPR). Vingt-quatre heures tant qu’on y est !

Mme Danielle Simonnet (EcoS). C’est un débat sérieux, il ne faut pas le railler comme vous le faites. Il s’agit de personnes qui demandent une aide à mourir parce que leurs souffrances sont insupportables et réfractaires à tout traitement. Elles n’en peuvent plus, elles veulent qu’on éteigne la lumière pour elles. Devront-elles attendre quinze jours pour accéder à ce droit alors que, souvent, leur situation se sera encore dégradée ?

L’essentiel, c’est que la décision ne puisse pas être rendue au-delà de ce délai de quinze jours. L’amendement de M. Clouet me paraît judicieux : il faut être au plus près du pronostic vital. La communauté médicale connaît la situation du patient.

Par ailleurs, je regrette l’ordre dans lequel ont été placés les amendements : il m’aurait semblé préférable de voter les amendements proposant d’abord les délais les plus courts.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.

Ces amendements ont un seul point commun : ils tendent à modifier le délai laissé au médecin pour se prononcer, que ce soit pour le réduire ou pour l’allonger. Cette discussion illustre parfaitement l’idée que je m’efforce de défendre : celle d’un texte équilibré, ce que vous avez assuré par vos votes depuis le début de son examen. Je vous en remercie encore.

Nous devons, en toute responsabilité, prendre en considération deux principes : celui de célérité de la procédure, car l’état de santé de la personne peut exiger une réponse rapide, et l’attente peut être difficilement supportable s’agissant d’une telle demande ; celui de réalité, car le médecin a besoin d’un peu de temps pour engager la procédure et recueillir les avis. La conciliation de ces deux impératifs impose d’écarter des délais qui ne me semblent pas crédibles, dans un sens ou dans l’autre.

Je vous invite à suivre la sagesse qui prévaut depuis le début de nos travaux et à maintenir l’équilibre inscrit dans la proposition de loi.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous ne proposons pas d’augmenter le délai ; nous demandons, avec l’amendement AS692, qu’il ne puisse pas excéder quinze jours. C’est précisément un point d’équilibre. Comme l’a souligné Mme Simonnet, notre amendement aurait dû être un amendement de repli, mis au vote après ceux proposant quatre, sept ou dix jours. Je vous invite donc à le voter : ce sera un joli test pour savoir si ceux qui ne cessent de parler d’équilibre sont capables de voter celui-ci.

M. Yannick Monnet (GDR). La rédaction proposée par M. Clouet me paraît la plus judicieuse.

Il manque parfois quelque chose à nos débats : la nécessaire confiance que nous devons accorder aux médecins et aux professionnels de santé. Nous leur demandons beaucoup, et cet amendement leur donne une marge d’appréciation sur le délai. Au contraire, un délai de quinze jours paraît arbitraire, alors que les situations particulières sont si nombreuses.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Ce délai est le fruit des discussions transpartisanes menées lors de l’écriture du projet de loi d’origine. En Espagne, aucun délai n’est inscrit dans la loi ; plus de la moitié des personnes qui y demandent l’aide à mourir décèdent avant que les médecins ne rendent leur décision. Il nous a donc semblé important de prévoir un délai.

Quel délai, et y a-t-il un bon délai ? Les bornes et les limites sont toujours discutables. Une semaine a paru trop court, en raison du principe de réalité invoqué par notre rapporteur général. Quinze jours semblent le délai le plus approprié pour répondre à la fois au malade qui demande l’aide à mourir – une décision dont je ne peux pas laisser dire qu’elle est irréfléchie – et au corps médical.

M. Patrick Hetzel (DR). J’entends bien que ces amendements cherchent à laisser une marge d’appréciation. Mais un tel texte doit fixer des bornes. Bien sûr, elles pourront toutes être sujettes à interrogation, mais sans délai précis, vous créeriez d’autres risques.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, vous dites souvent que la proposition de loi est équilibrée. C’est là une appréciation très subjective que certains d’entre nous ne partageons pas, notamment parce que les garanties procédurales ne nous semblent pas suffisantes. Nous sommes loin, très loin d’un équilibre.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je m’étonne moi aussi de l’ordre de discussion et de vote des amendements. Il m’aurait paru logique de voter d’abord sur les délais les plus courts. Quelle est l’explication de cet ordonnancement ?

Sur le fond, j’apprécie la rédaction de l’amendement de M. Clouet. Avec la rédaction actuelle, des proches qui seraient opposés à la demande du malade pourraient critiquer une décision qui interviendrait avant quinze jours. Il existe aussi des agonies qui durent huit, dix jours, avec des souffrances insupportables. La formule « un délai compatible avec le pronostic vital de la personne et n’excédant pas quinze jours » me paraît donc pertinente.

M. Thibault Bazin (DR). La notion de délai est importante, et la durée choisie doit être réaliste. Je suis aussi sensible à la question de la relation de confiance.

Je n’ai pas inventé la notion de « délai raisonnable » que je propose : elle apparaît dans le code de la santé publique, dans la section des principes généraux relatifs aux droits des personnes malades. En particulier, l’article L. 11114 dispose que « si, par sa volonté de refuser ou d’interrompre tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raisonnable ». Lorsque le juge doit se prononcer dans des contentieux qui ont trait à la liberté individuelle, il évoque souvent cette notion de délai raisonnable, qui apporte à la fois souplesse et confiance.

M. Julien Odoul (RN). En matière d’équilibre, on repassera ! Ce texte penche sérieusement d’un côté, celui qui vous agrée.

À côté du principe de réalité que vous évoquez à juste titre, il y a un impératif de prudence. J’entends qu’il faut se mettre à la place du médecin ; celui-ci doit avoir le temps de prendre sa décision. Il faut aussi se mettre à la place du patient en fin de vie. Une fois exprimée et réitérée la demande, le médecin engage la procédure, et le patient se met à réfléchir. Les professionnels de santé nous disent que c’est à ce moment-là que la demande d’aide à mourir devient concrète. Ce délai doit donc être important, par prudence : il faut laisser le temps à cette prise de conscience de se faire.

L’amendement de M. Clouet autoriserait toutes les dérives. Sur le papier, ce sera quinze jours et moins ; dans la réalité, ce sera toujours moins de quinze jours.

Mme Océane Godard (SOC). Sensibles aux arguments de M. Monnet, nous retirons les amendements AS435 et AS437 au profit de celui de M. Clouet.

Les amendements AS435 et AS437 sont retirés.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). L’amendement de M. Clouet me semble satisfait par la rédaction actuelle de la proposition de loi.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il me paraît utile de clarifier que le médecin peut répondre avant la date limite.

Pour certains, il faudrait que le médecin ait beaucoup plus de temps, mais on ne parle pas ici de la concertation, ni de la collecte des avis. Ce délai doit nécessairement être adapté en fonction du pronostic vital, il me semble important de le mentionner.

Il serait bon qu’en séance publique, l’ordre de discussion des amendements soit plus cohérent.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Le délai de quinze jours mentionné dans le texte est bien un plafond. Si ce délai était incompressible, le texte le préciserait clairement. D’ailleurs, l’alinéa 12 mentionne « un délai de réflexion qui ne peut être inférieur à deux jours » pour la phase suivante. À mes yeux, l’amendement de M. Clouet est satisfait : le médecin peut, et doit, se prononcer dans un délai inférieur si cela est nécessaire, à condition que ce soit techniquement possible, par exemple pour recueillir les avis.

M. le président Frédéric Valletoux. L’ordre de discussion est décidé de façon formelle, selon la partie de la phrase que les amendements tendent à modifier.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Présumons que chacun est de bonne foi dans cette discussion, qui est complexe.

Je suis souvent d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, mais pas ici : le médecin « peut » – il ne doit pas. Nous ne remettons pas en cause le plafond de quinze jours : la collégialité peut poser des problèmes techniques. Le sens de notre amendement est d’insister sur le fait que ce délai sera, pour certaines personnes, une entrave à l’accès au dispositif : le temps de la réunion du collège, puis de la notification, la personne sera décédée. Sans le vouloir, on aura empêché des individus d’exercer ce droit.

L’amendement précise simplement que si le pronostic vital est engagé à très court terme – ce qu’on sait, puisque c’est l’un des critères initiaux de la demande –, on pourra appliquer cette règle. Il est donc utile et concourt à la bonne application de la loi.

M. Philippe Juvin (DR). En Espagne, le malade doit renouveler sa demande au bout de quinze jours. Le délai est bien ici celui du médecin. La plupart du temps, ce sera probablement zéro jour : l’étude collégiale aura été menée préalablement et le médecin pourra juger immédiatement. À cela, il faut ajouter les quarante-huit heures inscrites à l’alinéa 12, qui peuvent devenir zéro elles aussi, en fonction de raisons dont les acteurs jugent en conscience.

En chirurgie esthétique – ce n’est évidemment pas la même chose, mais c’est un élément de comparaison intéressant –, le délai pour le consentement est de quinze jours. De nombreux actes chirurgicaux nécessitent une réflexion plus longue.

La procédure telle qu’elle est prévue ici me paraît expéditive.

Mme Hanane Mansouri (UDR). Le délai de quinze jours est bien sûr insuffisant pour un acte aussi grave. En guise de comparaison, pensons que le délai légal pour renvoyer un colis commandé sur internet est de quatorze jours !

Quant à l’argument selon lequel ce délai empêcherait des proches d’influencer la décision du patient pour qu’il revienne sur sa décision, je m’interroge : comme cela serait-il possible puisque la loi crée un délit d’entrave ? Ni les proches, ni les soignants ne pourront faire changer un patient d’avis.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS298 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Nous voulons que la décision soit collégiale et que les avis soient pris en compte ; pour cela, il faut qu’ils aient le temps d’être émis. Il s’agit ici encore une fois de renforcer la collégialité.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Avis défavorable.

L’amendement est superflu, car l’emploi du présent dans le texte implique une obligation : le médecin ne pourra pas rendre de décision sans avoir reçu ces avis.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS958 de M. Philippe Juvin.

Amendement AS434 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS622 de Mme Geneviève Darrieussecq et AS605 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement AS622 est défendu.

Mme Annie Vidal (EPR). Il s’agit de préciser que la décision motivée du médecin est également communiquée au proche aidant et à la personne de confiance.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS300 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit d’un amendement de cohérence. Je l’ai déjà dit, la traçabilité est essentielle. Les acteurs doivent être responsabilisés, d’autant qu’il n’y aura pas de recours possible, puisque la seule personne qui aurait pu en intenter sera décédée.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. C’est un débat que nous avons déjà eu hier soir. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS75 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Cet amendement prévoit un délai supplémentaire de cinq jours lorsque tous les avis nécessaires à la prise de décision par le médecin n’ont pu être recueillis. Il s’agit de s’assurer que l’expertise soit complète.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous soulevez un point intéressant : il paraît utile de prévoir ce cas de figure.

S’agissant d’exigences opérationnelles, il me semble néanmoins plus judicieux de renvoyer cette adaptation au pouvoir réglementaire, d’autant que l’article 13 dispose qu’un décret en Conseil d’État précisera la procédure de recueil des avis mentionnés ici. En tant que parlementaires, il nous reviendra ensuite de contrôler l’application de la loi.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1121 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Toujours dans l’idée de renforcer la traçabilité, il s’agit de prévoir que l’information de la personne chargée d’une mesure de protection juridique se fasse par écrit. Ce texte souffre à mon sens d’un manque de traces écrites. Il y a trop d’oralité.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Avis favorable.

La réponse à la demande du malade étant formulée par écrit, il est probable que la personne chargée de sa protection recevra la même notification. Toutefois, le texte ne le précise pas.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS873 de Mme Lisette Pollet

Mme Lisette Pollet (RN). Les proches de la personne qui fait une demande d’euthanasie doivent être à tout le moins informés de ce choix. L’euthanasie d’une personne chère a toujours des répercussions psychologiques importantes et il serait injustifiable de laisser les parents et les enfants dans l’ignorance.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS76 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de supprimer les mots « le cas échéant » dans la seconde phrase de l’alinéa 11. La personne qui assiste ou représente le patient qui souhaite mourir doit être informée de la décision médicale : elle l’a suivi et a protégé ses intérêts. Il semble légitime qu’elle soit informée de la décision du médecin.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Le médecin ne peut informer cette personne que si elle existe : c’est pourquoi les mots « le cas échéant » figurent ici.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS297 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à apporter des garanties supplémentaires aux majeurs protégés et à assurer le respect de leurs droits fondamentaux en permettant à la personne chargée de la mesure de protection de former un recours devant le juge des tutelles.

En effet, l’article 6 prévoit que le médecin devra l’informer de la demande du majeur protégé, recueillir ses observations et lui notifier la décision prise. Cela paraît insuffisant : cette personne pourrait, au titre de son rôle de protection, être en désaccord avec la décision du médecin d’approuver la demande d’aide à mourir. Cette situation est susceptible de créer de la complexité et du conflit, au détriment de l’intérêt du majeur protégé.

J’ajoute que si un patient n’indique pas au médecin faire l’objet d’une mesure de protection, et si le registre n’est pas en place, nous courons de vrais risques.

M. Laurent Panifous, rapporteur. De nombreuses mesures suggérées par le Conseil d’État ont été intégrées par voie d’amendement l’an dernier lors de l’examen du projet de loi. Le texte en a été sensiblement amélioré et apporte des garanties supplémentaires.

Le caractère libre et éclairé de la volonté du demandeur sera évalué par le médecin et le collège pluriprofessionnel. La judiciarisation que vous appelez de vos vœux ne me paraît pas apporter de plus-value.

Mme Justine Gruet (DR). J’en reviens au cinquième critère, celui d’être « apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Un juge serait peut-être plus à même d’accéder au registre, quand celui-ci fonctionnera. Si nous nous reposons sur le lien de confiance, le médecin pourra ignorer que le patient est sous tutelle ou sous curatelle. Nous risquons de passer à côté de quelque chose. C’est une question éthique. Nous légiférons ici sur une liberté individuelle. Mais dans quelle mesure le majeur protégé comprendra-t-il toute la portée de cette décision ?

M. Hervé de Lépinau (RN). On ne peut pas faire l’économie, concernant les majeurs protégés, de l’application des règles de droit commun qui s’appliquent à eux. En cas de recours au juge des tutelles, le parquet est partie à la procédure. Cet amendement apporte des garanties solides contre les tentatives d’abuser de la vulnérabilité d’une personne protégée, à des fins peu avouables. C’est une réalité : des maires sont témoins d’abus de faiblesse de la part d’une dame de compagnie ou d’une femme de ménage.

Cette précision serait utile. Les personnes chargées des majeurs protégés vous en sauront gré.

M. Thibault Bazin (DR). Les majeurs qui font l’objet d’une mesure de protection sont par définition déjà judiciarisés, monsieur le rapporteur. Les personnes chargées de leur protection pourront seulement, selon la rédaction actuelle de la proposition de loi, émettre des observations. Cela ne me paraît pas suffisant ; la société a une responsabilité vis-à-vis de ces majeurs protégés. Il ne s’agit pas de demander une saisine systématique du juge, mais seulement d’ouvrir cette possibilité.

Un autre article prévoit que seule la personne concernée – décédée – pourra faire un recours : disons-le, aucun recours ne sera possible. Ne risquons-nous pas d’ouvrir la porte à des dérives graves ?

Mme Annie Vidal (EPR). Je suis plutôt favorable à cet amendement. Les travaux de la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance ont montré que les majeurs protégés sont vulnérables. Ils ont besoin de garanties solides afin d’éviter des pressions qui les conduiraient à formuler cette demande.

S’ils sont protégés, c’est bien que leurs facultés sont altérées, ce qui rend difficile l’expression d’une volonté libre et éclairée.

M. Laurent Panifous, rapporteur. À l’article 5, nous avons adopté l’amendement AS966 de M. Philippe Juvin, qui oblige les médecins à vérifier l’effectivité de la protection judiciaire d’un patient majeur protégé, et l’amendement AS512 de M. Yannick Monnet, qui permet aux médecins de saisir le juge des tutelles ou le conseil de famille en cas de doute quant au consentement du patient majeur protégé.

M. Patrick Hetzel (DR). Dans le cas précis que vous évoquez, monsieur le rapporteur, le médecin est à la fois juge et partie ; il n’est donc pas à même de jouer son rôle de protecteur du patient. Il faut que le tiers joue son rôle, donc il convient de ne pas l’effacer. Par nature, la loi a vocation à créer des normes inédites, mais là, vous innovez particulièrement dans la construction juridique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS559 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Parce que ce texte fait peser la responsabilité de la décision sur les médecins, il me semble essentiel de leur permettre de saisir le procureur de la République s’ils doutent du caractère libre et éclairé du consentement de leur patient.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends l’objectif de votre amendement, mais en cas de doute, le médecin peut notifier au demandeur une décision défavorable.

De plus, le droit pénal répond à vos inquiétudes : dans le cas de figure que vous évoquez, le procureur de la République peut déjà apprécier la situation s’il est saisi par le médecin, sans qu’il soit nécessaire de l’inscrire dans ce texte. Si l’enquête qu’il diligente révèle l’absence de pression extérieure, tout médecin pourra alors, à la demande du patient, appliquer la procédure.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Ce cas de figure se présentera nécessairement, monsieur le rapporteur général.

Vous avez raison, il est déjà possible pour un médecin de faire un signalement s’il constate quelque chose d’anormal. La rédaction de l’amendement est toutefois intéressante : en obligeant le médecin à effectuer ce signalement en cas de doute, elle lui confie un rôle de protecteur des droits ; elle crée une sorte d’équivalent à l’article 40 du code de procédure pénale.

M. Philippe Vigier (Dem). La décision, collégiale doit prendre en considération de nombreux éléments, pas seulement médicaux. Si un médecin était tenaillé par le doute, comment le collège pourrait-il ne pas en tenir compte au moment de prendre la décision ? Il faut veiller à ne pas encourager de transfert de responsabilité entre le collège et la justice, que les membres du premier pourraient intégrer en cas de risque de soupçon pesant sur la décision qu’ils sont amenés à prendre. En tout état de cause, je ne crois pas qu’une décision favorable à l’aide à mourir serait prise en cas de doute – sauf à envisager une forme de cynisme.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je souscris aux propos de M. Philippe Vigier : les médecins ont le droit de refuser d’autoriser l’aide à mourir. Cela me semble suffisant, pourquoi recourir au procureur de la République ? Cette proposition de loi vise à assurer une fin de vie sereine aux patients, mais vos amendements tendent à leur ajouter une charge mentale et judiciaire complexe et inutile.

M. Hervé de Lépinau (RN). Le texte prévoit un délit d’entrave ; face à celui-ci, il convient, pour maintenir l’équilibre du texte, de protéger les médecins en leur donnant la possibilité de se dégager de l’obligation que vous souhaitez leur imposer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS560 de M. Cyrille Isaac-Sibille

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Vous dites que la création de ce nouveau droit ne retire rien à autrui, mais il me semble qu’elle peut susciter une forme de pression sociale. Hier soir, messieurs les rapporteurs, je n’ai pas obtenu de réponse à mon interrogation : qu’est-ce qu’un médecin peut dire à un patient qui veut accéder à l’aide à mourir, de manière libre et éclairée, parce qu’il estime être un poids trop lourd pour sa famille, pour les soignants et pour la société tout entière ? Et quelle réponse apporter si cette motivation n’est pas dite, mais que le médecin en suspecte l’existence ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. Je mesure les difficultés auxquelles sera confronté le corps médical au moment de prendre de telles décisions ; les médecins exercent une profession qui les conduit à prendre des décisions délicates.

Un patient doit remplir cinq conditions précises pour accéder à l’aide à mourir. S’il souffre d’une maladie grave et incurable, et que ses souffrances sont réfractaires et insupportables, le médecin est fondé à donner une réponse favorable à sa demande libre et éclairée.

Avis défavorable.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je partage totalement les propos du rapporteur Panifous et je regrette que notre réponse ne vous convienne pas.

L’avis est défavorable sur l’amendement.

M. Philippe Vigier (Dem). Ce débat est trop grave pour laisser passer de telles allégations : une personne qui se considérerait comme un poids pour la société n’accédera pas soudainement à l’aide à mourir !

Le cadre que nous avons défini grâce à nos débats est strict et il convient de le respecter. Il n’est pas question de faire croire qu’il existerait une sorte de droit de tirage ! Qui, à un moment ou à un autre, ne peut être considéré comme un poids pour la société ? Ce texte est uniquement conçu pour des patients souffrant d’une maladie incurable et dont le pronostic vital est engagé.

Mme Justine Gruet (DR). Le cadre que nous avons défini jusqu’à présent est beaucoup moins sécurisant que celui en vigueur en Belgique. Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Vigier : les critères, notamment ceux portant sur l’état d’avancement de la maladie, n’ont pas été suffisamment précisés pour garantir l’absence d’abus.

Vous évoquez la situation de patients qui seraient arrivés au terme de leur maladie, mais ce n’est pas le seul cas de figure. La déficience de la prise en charge de la perte d’autonomie provoque une pression sociale qui m’inquiète ; si un médecin n’a aucune solution alternative à proposer à son patient en la matière, ne risque-t-il pas d’être réduit à une forme d’impuissance au moment de faire valoir les critères ? Ne risque-t-on pas, à l’inverse, de constater une toute-puissance du patient vis-à-vis du médecin ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS959 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). L’amendement vise à faire présenter, par le médecin, le résultat de la concertation à un juge du tribunal judiciaire, afin que celui-ci vérifie la régularité de la procédure. Il m’a été suggéré par le président d’un tribunal judiciaire de la région parisienne : s’il estime n’avoir pas son mot à dire sur le fond – une demande libre du patient, éclairée par le collège –, il considère en revanche que la validité de la procédure doit être contrôlée par un juge.

Enfin, l’amendement prévoit que le juge statue en urgence, pour éviter des délais trop longs résultant de l’encombrement des tribunaux.

M. Laurent Panifous, rapporteur. La judiciarisation de la procédure n’est pas souhaitable. Un professionnel de santé me semble plus compétent qu’un juge pour évaluer le caractère libre et éclairé du consentement du patient.

Avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau (RN). L’amendement est intéressant, mais il gagnerait à être réécrit en vue de l’examen du texte en séance publique. Les derniers mots – « et sans appel possible » – créent une inconstitutionnalité et ne peuvent donc être conservés ; il est impossible d’écarter la possibilité de faire appel, notamment de la part du parquet qui sera partie à la procédure.

M. Philippe Juvin (DR). Dans la procédure de don d’organe intrafamilial, il me semble que la décision du juge ne peut faire l’objet d’un appel – nous le vérifierons.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Qui assumera véritablement la responsabilité de la décision de donner accès à l’aide à mourir ? En considérant – un peu facilement – que ce sera le collège, vous ne vous rendez pas compte de la responsabilité que vous faites peser sur les médecins !

Si cette proposition de loi est sociétale comme vous le prétendez, alors la société doit s’engager par le biais d’un acte judiciaire puisque nous vivons dans un État de droit. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1136 de M. Laurent Panifous.

 

La réunion est suspendue de dix heures quarante-cinq à onze heures.

 

Amendements AS301 de M. Thibault Bazin, AS661 de Mme Angélique Ranc, AS961 de M. Philippe Juvin, AS919 de Mme Christine Loir, amendements identiques AS962 de M. Philippe Juvin et AS1104 de M. Julien Odoul, amendements AS1061 de M. Serge Muller et AS816 de Mme Marie-France Lorho, amendements identiques AS875 de Mme Lisette Pollet et AS960 de M. Philippe Juvin, amendements AS238 de Mme Justine Gruet, AS350 de Mme Marine Hamelet, AS1077 de M. Théo Bernhardt, AS724 de M. Christophe Bentz et AS438 de Mme Sandrine Runel (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Le texte prévoit un délai de réflexion de seulement deux jours avant de réitérer la demande. Or la volonté du patient peut fluctuer et celui-ci peut changer d’avis, notamment grâce à un nouveau traitement. D’après de nombreux professionnels, la demande d’administration d’une substance létale en vue de provoquer la mort disparaît, dans l’immense majorité des cas, après une prise en charge psychologique ou le début de soins palliatifs.

Les délais prévus – quinze jours, puis deux jours – sont-ils suffisants pour tenir compte de la fluctuation de la volonté du patient ? Certains patients veulent absolument mourir juste après un accident grave, mais changent d’avis après quelques jours. Alors que nous devrions favoriser l’apaisement du malade, je ne suis pas certain que des délais contraints y contribuent.

Mme Angélique Ranc (RN). Mon amendement vise à fixer le délai de réflexion à trente jours, une durée nécessaire compte tenu du caractère irréversible de cette décision.

En chirurgie esthétique, le délai de réflexion est de quatorze jours ; il doit être plus long lorsque l’on souhaite se donner la mort, afin d’avoir la possibilité de prendre connaissance d’informations susceptibles de modifier son opinion ou d’expérimenter un traitement contre la dépression, dont l’effet est constaté après trois semaines.

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement de Philippe Juvin vise à porter à vingt et un jours le délai de réflexion avant de réitérer une demande d’aide à mourir.

En chirurgie esthétique, un délai de quinze jours doit être observé entre la remise du devis et l’intervention éventuelle : il offre au patient la possibilité de revenir sur sa demande. Une communication de l’Académie nationale de médecine indique que le délai moyen de réflexion en chirurgie orthopédique est de vingt-cinq jours.

Mme Christine Loir (RN). Mon amendement vise à porter le délai de réflexion à quinze jours. Un délai suffisamment long est nécessaire pour réfléchir à la décision d’être euthanasié ou de recourir au suicide assisté.

M. Christophe Bentz (RN). Je défends l’amendement AS1104.

Bien que plusieurs amendements visent à le modifier, il est impossible de fixer un délai de réflexion satisfaisant pour un acte aussi grave et irréversible.

Monsieur le rapporteur général, vous avez voulu un texte qui accélère la procédure tout en la nimbant de flou : ainsi, l’alinéa 12 prévoit que « ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit », une formulation qui manque volontairement de précision.

Loin d’être équilibré, ce texte est le plus permissif au monde ; en Belgique et aux Pays-Bas, les délais sont plus longs. En tout état de cause, vous ne prévoyez aucun garde‑fou qui permettrait au patient de renoncer à sa demande de mort et de choisir la vie.

M. Serge Muller (RN). Mon amendement vise à substituer au délai de deux jours un délai incompressible de dix jours entre la demande d’aide à mourir et l’acte lui-même. Le choix de mettre fin à sa vie, même dans un cadre légal, doit être entouré de solennité et concrétisé après un temps de maturation à la hauteur de sa gravité.

Deux jours, c’est un sursaut ; dix jours, c’est un temps de recul, un espace propice au dialogue et au retour éventuel à un projet de soins visant à apaiser la souffrance psychique. Ce n’est pas une entrave à la liberté, mais une garantie contre la précipitation. Je ne doute pas que la majorité des patients seront fermes dans leur choix, mais notre responsabilité consiste aussi à penser à ceux qui pourraient regretter, trop tard, une décision prise dans un moment d’angoisse ou de désespoir.

Mme Sandrine DogorSuch (RN). L’amendement AS816 est défendu.

Mme Lisette Pollet (RN). Le délai de deux jours avant de confirmer la décision de mourir est bien trop bref et ne laisse pas le temps au patient d’envisager une alternative. Un délai d’une semaine me paraît bien plus raisonnable pour réfléchir de manière approfondie aux conséquences réelles de son choix, sans être excessif compte tenu du caractère définitif de cette décision.

Mme Justine Gruet (DR). Mon amendement vise à porter le délai de réflexion de deux jours à une semaine. Le désir de mourir peut fluctuer, notamment lors des derniers jours ; de plus, il y a certainement des choses à préparer. Il importe que l’accompagnement soit effectué dans les meilleures conditions possible.

Mme Sandrine DogorSuch (RN). L’amendement AS350 est défendu.

Mme Angélique Ranc (RN). L’amendement AS1077 est défendu.

M. Christophe Bentz (RN). C’est un amendement de repli ultime, visant à augmenter d’un jour le délai de réflexion. Les votes de chacun d’entre vous sur les amendements précédents – que je voterai tous – nous permettront de voir à quel point vous êtes prêts à prendre en considération la fluctuation de la demande de mort.

Mme Océane Godard (SOC). Contrairement aux précédents, l’amendement AS438 a pour but de réduire le délai minimal de réflexion à vingt-quatre heures.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Les amendements visant à allonger le délai s’appuient sur l’argument selon lequel la phase de réflexion serait trop courte. Celui qui tend à la réduire a pour but de rendre le droit effectif et d’assurer la célérité nécessaire dans les situations où la décision doit être prise rapidement.

Fixer des délais est un exercice compliqué ; la phase d’évaluation, d’une durée de quinze jours, et celle de réflexion, d’une durée de deux jours après la communication de la décision collégiale, ont un objectif clair visant à favoriser la réflexion du patient. Toutefois, le cheminement débute bien avant la demande et se poursuit après la rencontre avec le médecin, pendant la phase d’évaluation ; l’ultime délai de réflexion de quarante-huit heures au moins est imposé au patient – c’est d’ailleurs la seule chose qui lui soit imposée.

Permettez-moi cependant de rappeler qu’à tout moment de la procédure, le demandeur peut prendre le temps qui lui semble nécessaire ; à tout moment, il peut changer d’avis, même dans les minutes qui suivent la décision finale et même au tout dernier moment.

Les délais que nous avons fixés sont importants ; ils reflètent un équilibre délicat ayant fait consensus lors de l’élaboration du texte.

Avis défavorable sur tous les amendements, qu’ils visent à allonger ou à réduire le délai de réflexion.

M. Yannick Monnet (GDR). N’y voyez pas d’outrage et pardonnez ma trivialité, mais certains de ces amendements sont ce que j’appelle des « amendements dahu » : ils racontent une histoire qui n’existe pas.

Ils font croire que le demandeur doit prendre position, mais tel que le texte est rédigé, « un délai de réflexion qui ne peut être inférieur à deux jours à compter de la notification de la décision », le demandeur est libre de déterminer le temps de réflexion qui lui est nécessaire. Sa seule contrainte est d’attendre au moins deux jours, mais s’il a besoin de quinze jours, il peut les prendre ! Pourquoi voulez-vous imposer un délai à quelqu’un qui est malade ?

Ne faisons pas semblant de croire que les patients commencent à réfléchir à leur fin de vie le jour où ils formulent leur demande ; à ce moment-là, leur décision est déjà prise. La question se pose d’ailleurs dès l’annonce de la maladie.

M. Hervé de Lépinau (RN). Nous devons toujours envisager les effets de bord et, surtout, envisager le pire.

Tel que ses promoteurs l’ont envisagée, cette proposition de loi est un texte à effet cliquet sur lequel le législateur reviendra afin d’étendre davantage le champ de l’euthanasie et du suicide assisté, jusqu’à aboutir à la situation qui a cours au Benelux, où une personne en détresse psychologique peut demander à être euthanasiée.

Certaines mutuelles figurant parmi les promoteurs de ce texte, la dimension économique de l’euthanasie et du suicide assisté ne peut être entièrement écartée.

Des délais de réflexion trop courts font courir aux personnes en situation de sujétion le risque de ne plus pouvoir revenir sur leur décision.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis choquée par ce que je viens d’entendre. La position de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) n’est pas financière, mais philosophique, principielle et humaniste : elle défend la liberté de chacun de décider de sa vie et de sa mort.

Cette proposition de loi est un texte d’équilibre ; vos amendements laissent accroire qu’un patient pourrait décider de mourir en quarante-huit heures et trouverait immédiatement un médecin pour valider ce choix. Vous savez pertinemment que l’économie du texte diffère fortement de ce schéma.

En premier lieu surviennent la maladie et la souffrance ; puis, le pronostic vital est engagé, lorsque le patient est en phase avancée ou terminale ; après que celui-ci a formulé une demande d’aide à mourir, un délai de quinze jours permet au médecin de collecter des avis et de vérifier que les conditions requises sont remplies ; enfin, lorsque le médecin communique sa décision, elle revêt alors une certaine matérialité qui justifie d’un délai supplémentaire de réflexion. Le texte prévoit qu’il « ne peut être inférieur à deux jours » et, dans un objectif d’équilibre, il dispose également que « ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit ».

Mme Anne Bergantz (Dem). On voudrait nous faire croire que tout se déroulerait dans un délai de dix-sept jours : quinze jours d’évaluation pour le médecin et deux jours de réflexion pour le patient. Par ailleurs, des comparaisons ignobles ont été faites avec les délais de rétractation concernant des achats effectués sur internet.

Nous parlons de patients atteints de maladies incurables, dont le pronostic vital est engagé et le parcours de soins long et douloureux. Avant la demande formelle s’est déployé tout un processus que certains nient complètement.

M. René Pilato (LFI-NFP). Les membres du groupe Rassemblement National ont évoqué des motivations qui seraient financières ; permettez-moi de leur rappeler qu’il est question de patients remplissant les cinq conditions retenues et dont les souffrances sont réfractaires aux médicaments, ce qui minimise donc cette dimension pécuniaire.

Par ailleurs, l’alinéa 13 de ce même article prévoit qu’« en l’absence de confirmation de la demande dans un délai de trois mois à compter de la notification, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté ». Le patient dispose donc en réalité de trois mois pour confirmer sa demande : il faudrait peut-être même supprimer cette limite, car un patient qui n’en peut plus doit pouvoir passer à l’acte.

M. Philippe Juvin (DR). M. Monnet a raison, le délai de quarante-huit heures mentionné à l’alinéa 12 est un minimum : le patient peut donc prendre cinq jours, une semaine ou trois mois de réflexion. Cependant, le texte prévoit aussi que ce minimum peut être ramené à zéro. C’est une vraie difficulté.

On peut comprendre que l’on veuille aller très vite lorsque le pronostic vital est engagé à court terme. Or le texte doit s’appliquer aussi à des malades qui pourraient encore vivre plusieurs mois ou plusieurs années. Il faut laisser du temps à la réflexion, car on sait que la demande de mort est fluctuante. J’ai déjà cité une étude indiquant qu’à leur entrée en soins palliatifs, 3 % des patients demandent à mourir, mais qu’au bout d’une semaine, ils ne sont plus que 0,3 %. Ainsi, quand le temps passe, on peut trouver des solutions et changer d’avis. Les quarantehuit heures de réflexion sont donc trop courtes, a fortiori pour les malades pouvant encore vivre longtemps.

Mme Simonnet a évoqué très rapidement la question de l’intérêt financier de l’aide à mourir pour les mutuelles. La MGEN a pris position dans ce débat en mettant en avant des arguments philosophiques, mais notre collègue pense que ses raisons sont en réalité financières. Imaginez que le patron d’un fonds de pension américain ait pris la même position : vous auriez probablement eu la même réaction ! Tout le monde n’est peut-être pas totalement désintéressé dans cette affaire.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Monsieur de Lépinau, je respecte votre position, mais l’enjeu de cette proposition de loi est bien de prendre en compte une demande exprimée par des malades en fin de vie. En prétendant que cette proposition de loi viserait en partie à répondre à des enjeux économiques, vous risquez de blesser ces personnes, dont certaines nous regardent peut-être.

M. Patrick Hetzel (DR). S’agissant de la sédation profonde et continue, la HAS explique : « La décision d’arrêter un traitement de maintien en vie nécessite le temps d’un cheminement : tout doit être entrepris pour préserver l’intérêt du patient, car cette demande peut être une situation dynamique, évolutive. Il est nécessaire de donner du temps, laisser la possibilité au patient de changer d’avis. » Voilà pourquoi nos collègues Thibault Bazin et Philippe Juvin plaident pour un délai raisonnable. La Cour européenne des droits de l’homme et la Cour de cassation nous invitent aussi à prendre en compte à la fois l’enjeu de la décision, la complexité de la situation et l’attitude du patient. Dans l’Oregon, la fluctuation du désir des malades est telle que, depuis 1998, 34 % des personnes s’étant vu prescrire le produit létal n’y ont jamais eu recours.

M. Philippe Vigier (Dem). Anne Bergantz et Yannick Monnet ont bien expliqué la particularité de cette démarche, qui ne concerne que les individus satisfaisant à tous les critères que nous avons élaborés et validés ensemble. Une demande d’aide à mourir ne se fait pas sur un coup de tête : la personne qui souhaite y avoir recours a réfléchi à son choix.

Monsieur Bentz, votre amendement est satisfait de facto : le délai minimum est de deux jours, mais le malade, qui est au cœur de la décision, peut très bien prendre trois, quatre ou cinq jours de réflexion. La rédaction actuelle de l’alinéa 12 satisfait un grand nombre de demandes et tord le cou à l’idée selon laquelle le recours à l’aide à mourir pourrait être décidé en quelques heures. En réalité, les malades y réfléchissent pendant des semaines ou des mois. Mettons-nous à la place de ces personnes ! Il n’est pas convenable de parler d’accélération du processus.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Comme la plupart d’entre vous, je reçois des courriels de nos concitoyens lors de la discussion des textes. Ainsi, j’ai récemment reçu le témoignage d’une personne handicapée, souffrant beaucoup, qui avait été abandonnée par sa famille en raison de son handicap. Parce qu’elle était isolée et en avait marre de la vie, elle demandait à mourir. Le personnel soignant a appelé sa fille, qu’elle n’avait plus revue depuis plusieurs années mais qui est venue lui rendre visite : ses souffrances psychologiques, qui intensifiaient ses souffrances physiques, ont alors diminué. Aujourd’hui, cette personne vit avec sa fille et tout se passe très bien. Il est donc important de prévoir un délai suffisant.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS964 de M. Philippe Juvin.

Amendements AS530 de Mme Karine Lebon, AS693 de Mme Élise Leboucher, AS694 de Mme Karen Erodi et AS893 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)

Mme Karine Lebon (GDR). Mon amendement vise à assurer le respect de la liberté de choix de la personne malade en prévoyant que cette dernière puisse préciser si elle souhaite procéder elle-même à l’administration du produit létal ou si elle préfère que ce geste soit accompli par un médecin ou un infirmier.

Il ne s’agit pas d’un simple détail technique : à ce stade du parcours de soins, chaque mot, chaque possibilité compte. Certaines personnes souhaiteront garder la maîtrise du geste ultime, tandis que d’autres préféreront le déléguer à un soignant, pour des raisons physiques, psychologiques ou émotionnelles.

Notre amendement garantit que la volonté exprimée par la personne soit entendue dans toutes ses dimensions, y compris celle de la forme que prendra l’acte. Il permet d’éviter des malentendus ou des interprétations restrictives du droit en prévoyant explicitement cette liberté de choix et en inscrivant cette dernière dans un cadre médicalisé, sécurisé et respectueux de la dignité de chacun.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Notre amendement AS693 va dans le même sens. Il est parfaitement cohérent avec ce que nous avons voté à l’alinéa 6 de l’article 2. Il ne fait pas entrer davantage de personnes dans le dispositif, puisqu’il ne vise qu’à réaffirmer le choix du malade.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Mon amendement vise à donner au malade en fin de vie la possibilité de choisir la personne qui lui inoculera la substance létale. Il pourrait s’agir de la personne de confiance, avec laquelle il a les liens les plus intimes. Si cela résulte du choix du malade, que la personne de confiance est consentante, qu’elle dispose d’un droit de rétractation permanent et que l’encadrement médical est optimal, alors il n’y a aucune raison de s’y opposer.

On nous l’a dit et répété lors des auditions : l’administration de la substance létale n’est pas un geste technique. Un médecin sera là dans tous les cas. La personne de confiance est sans doute la seule à qui le malade peut déléguer cet acte, car elle le connaît intimement. Le pari de l’humanisme, c’est de respecter jusqu’au bout la responsabilité et la liberté de la personne en fin de vie.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement vise également à permettre au malade de choisir librement les modalités de l’aide à mourir, notamment la personne qui administrera la substance létale. La personne en fin de vie peut souhaiter conserver la maîtrise des choses en effectuant elle-même ce geste ultime, ou préférer qu’un professionnel de santé le fasse à sa place, pour de multiples raisons, et pas forcément parce qu’elle n’en serait pas capable physiquement. Il est important de respecter son choix, sa liberté. Il s’agit aussi de respecter le professionnel de santé, car en inscrivant cette possibilité dans le texte, nous lui permettons d’accéder à la demande du malade sans s’exposer à des poursuites judiciaires.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements sont effectivement cohérents avec ce que nous avons voté à l’article 2 : j’y suis donc favorable sur le fond. Je leur donnerai cependant un avis défavorable, car l’amendement AS442 de Mme Runel me semble proposer une rédaction plus adaptée et, surtout, un point d’impact plus approprié, aux alinéas 15 et 16, qui seraient ainsi rédigés : « Lorsque la personne a confirmé sa volonté, le médecin l’informe des modalités d’administration de la substance létale. Il détermine, en accord avec la personne, les modalités de l’administration et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour l’administration de la substance létale. »

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Je ne vois pas trop comment l’amendement AS442 répond à la question posée par les quatre amendements dont nous discutons actuellement.

M. Christophe Bentz (RN). Monsieur le rapporteur, vous nous perdez totalement. Je ne comprends même pas votre propre logique. Lorsque vous avez supprimé, à l’article 2, les mots limitant la possibilité de faire administrer le produit létal par un professionnel de santé au seul cas où le malade serait physiquement incapable d’y procéder lui-même, M. Falorni nous a assuré que cela ne modifiait pas l’équilibre du texte. Nous avons failli vous croire ! Maintenant, vous donnez à ces quatre amendements visant à supprimer l’exception euthanasique un avis défavorable sur la forme mais favorable sur le fond. J’aimerais comprendre...

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je suis défavorable à ces quatre amendements, qui remettent en cause l’équilibre du texte.

Mme Simonnet souhaite préserver les professionnels de santé, mais la seule façon d’y parvenir est de faire de l’auto‑administration la règle, comme le prévoyait le texte initial. L’équilibre trouvé consiste à respecter la liberté du malade, qui est de pouvoir demander l’aide à mourir, tout en permettant à un maximum de professionnels de santé d’accompagner jusqu’au bout leurs patients sans avoir à effectuer le geste fatal. En donnant à la personne en fin de vie la possibilité de choisir entre une auto‑administration et une hétéro‑administration, vous rompriez cet équilibre.

M. Patrick Hetzel (DR). J’ajoute aux explications de Mme Firmin Le Bodo un argument juridique. En ne faisant plus de l’auto‑administration la règle, la loi serait en contradiction avec les articles R. 4127-38 et R. 4312-21 du code de la santé publique, qui interdisent aux médecins et aux infirmiers de provoquer délibérément la mort. Vous piétineriez ainsi cette règle de base, que nous rappellent les représentants des ordres.

M. Thibault Bazin (DR). Cette dérive opérée par la commission depuis le début de nos travaux est capitale. Alors que le texte initial prévoyait le suicide assisté et, par exception, l’euthanasie lorsque le patient en était physiquement incapable, vous avez souhaité, à l’article 2, laisser à toute personne en fin de vie le choix entre ces deux modalités d’aide à mourir. Que ce soit à l’article 2 ou à l’article 6, alinéa 12 ou 15, j’y suis opposé. Mesure-t-on l’impact que peut avoir l’administration à une autre personne d’une substance létale en vue de provoquer la mort, alors même que le malade en question serait capable de le faire lui-même ? Quand bien même la tierce personne serait volontaire, elle devrait vivre avec cela. L’implication de ce tiers n’est pas la même selon que le patient est physiquement capable ou non de procéder lui-même au geste fatal.

Mme Annie Vidal (EPR). Je suis, moi aussi, très défavorable à ces amendements. La modification de l’article 2, donnant au patient le choix entre une auto‑administration du produit létal et le recours à une tierce personne, a profondément changé l’esprit du texte. Pourtant, nous savons tous que, dans les pays où cette pratique est autorisée, 60 % des patients s’étant vu prescrire la substance létale ne la prennent finalement pas. Si une personne en fin de vie choisit de se faire administrer le produit par un tiers alors même qu’elle est physiquement capable de le faire elle-même, c’est peut-être qu’elle n’est pas complètement en phase avec la demande qu’elle a faite. Lui offrir cette possibilité serait peut-être l’inciter à y avoir recours.

M. Nicolas Turquois (Dem). Vous nous avez demandé, monsieur Bazin, si nous mesurions l’impact d’une telle disposition. Nous avons très bien compris votre position, qui est tout à fait respectable, mais nous vous demandons de ne pas ressortir tout le temps les mêmes arguments. Ce serait plus agréable pour tout le monde et plus pertinent pour le déroulement de nos réunions.

Cela étant, je suis défavorable à ces amendements, dont nous n’avons pas besoin.

La commission rejette l’amendement AS694, les autres amendements ayant été retirés.

Amendements identiques AS77 de M. Patrick Hetzel, AS237 de Mme Justine Gruet, AS302 de M. Thibault Bazin, AS558 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS874 de Mme Lisette Pollet, AS904 de M. Thomas Ménagé et AS963 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Il convient de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 12. Alors que dans le projet de loi, la confirmation de la décision de recourir à l’aide à mourir ne pouvait intervenir avant deux jours, cette digue a sauté, puisque la proposition de loi prévoit la possibilité d’abréger ce délai. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, des délais trop contraints ne permettent pas d’apaiser le malade face à une telle décision ; au contraire, sous prétexte de vouloir couvrir absolument toutes les situations possibles, on risque de lui imposer une certaine pression.

Mme Justine Gruet (DR). Nous avons perdu beaucoup de temps à discuter du délai, puisque la seconde phrase de l’alinéa 12 permet de l’abréger. Juridiquement, cela signifie qu’il n’y en a plus... C’est écrit noir sur blanc ! Cela me fait peur !

M. Thibault Bazin (DR). La seconde phrase de l’alinéa 12, qui ne figurait pas dans le projet de loi initial, dispose : « Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit. »

Je suis désolé, mais la dignité de la personne est inaliénable. Il s’agit là d’un principe fondamental, qui devrait tous nous réunir. Le professeur Sicard écrivait d’ailleurs, dans la Lettre de l’Espace éthique de l’Assistant publique  Hôpitaux de Paris : « La dignité n’est pas dans celui qui souffre ou jouit, elle est dans le regard que l’autre lui adresse, dans le regard porté sur celui qui est le plus faible, le plus désespéré, le plus condamné. “Condamné” à mort deux fois : par sa maladie, et par l’autre. »

En introduisant de la sorte la notion de dignité dans cette seconde phrase de l’alinéa 12, vous rendez la définition du délai très subjective. Or la dignité n’est pas subjective : elle doit être respectée pour toute personne, quelle que soit sa vulnérabilité, à tout moment de sa vie. Aussi convient-il de supprimer cette phrase.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Vous rendez-vous compte de ce que nous sommes en train de faire ? Nous allons donner au médecin la responsabilité d’évaluer la dignité de la personne telle que cette dernière la conçoit ; quant à nous, nous nous dédouanons de tout. Voilà pourquoi je souhaite, moi aussi, supprimer la seconde phrase de l’alinéa 12.

M. Christophe Bentz (RN). Vous avez dit, monsieur Vigier, que nos amendements visant à porter le délai de réflexion à trois, quatre, cinq ou dix jours étaient satisfaits. C’est faux, d’autant que la seconde phrase de l’alinéa 12 annule la première.

Le pire, c’est que la possibilité d’abréger le délai de deux jours est justifiée par le respect de la dignité. Or nous avons bien vu qu’il y avait un fossé entre votre conception de la dignité et la nôtre. Ce même écart se retrouve sans doute chez les médecins et au sein de la société. Voilà pourquoi nous demandons par l’amendement AS874 la suppression de cette phrase qui, du reste, paraît totalement floue. Quelqu’un pourrait-il m’expliquer ce qu’elle signifie précisément ?

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Il convient d’éviter la contradiction entre l’instauration d’un délai de réflexion, qui a davantage fait consensus au moment du vote que lors de la discussion des amendements, et la possibilité d’abréger ce délai. Aussi proposons‑nous également par l’amendement AS904 de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 12.

M. Philippe Juvin (DR). Cette phrase signifie qu’en pratique, le délai peut être ramené à zéro. Tant les quinze jours dont dispose le médecin pour répondre à la demande que les quarante-huit heures de réflexion laissées au patient peuvent être réduits à néant. Ainsi, le texte n’interdit pas que le médecin accepte immédiatement la demande d’aide à mourir formulée par le patient et, considérant que la dignité de ce dernier est altérée, décide de procéder sur-le-champ à l’administration du produit létal.

Je rejoins l’analyse de M. Isaac-Sibille concernant la responsabilité que nous faisons peser sur les médecins. L’article 1er de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, applicable en France, affirme clairement le caractère inviolable de la dignité humaine ; dès lors, on ne peut pas demander au médecin de préserver la dignité de la personne malade telle que cette dernière la conçoit.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Monsieur Bentz, je rejette votre accusation d’incohérence : je défends une loi d’autonomie. La règle générale est bien le respect d’un délai minimal de quarante-huit heures – certains le trouvent trop long, d’autres trop court, mais le patient a toujours la possibilité de prendre davantage de temps. Toutefois, la seconde phrase de l’alinéa 12 vise à permettre une dérogation, à la demande du malade lui-même. Si la personne en fin de vie considère que ce délai doit être raccourci, pour les raisons que nous avons évoquées, et que le médecin confirme le risque d’une atteinte à la dignité du patient telle que ce dernier la conçoit, alors il est possible de faire une exception. En réalité, la réflexion a lieu avant, à chaque étape du processus : pendant l’évaluation, au moment de la demande, et jusqu’au moment de l’administration de la substance létale. Encore une fois, tout ceci est à la main de la personne qui demande l’aide à mourir.

Avis défavorable, donc.

M. René Pilato (LFI-NFP). À écouter les auteurs de ces amendements, il faudrait presque supprimer les alinéas 12 et 13 ! Pour notre part, nous souhaitons maintenir la seconde phrase de l’alinéa 12, car ses derniers mots sont importants : il y est question de la dignité telle que la conçoit le malade lui-même, et non son médecin ! Dans certains cas concrets que je ne décrirai pas, la personne en fin de vie peut très bien dire au docteur qu’elle est au bout du bout et qu’elle souhaite mettre fin à ses jours au plus vite, sans devoir attendre quarante-huit heures. C’est la personne elle-même qui va juger si elle est digne ou non de continuer à vivre dans l’état où elle se trouve.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les auteurs de ces amendements nient la liberté et la dignité des personnes qui choisissent l’aide active à mourir. Arrêtez de considérer que la dignité ne concerne que ceux qui refuseraient de recourir à ce droit ! Ce n’est pas un défaut de dignité que de demander l’aide active à mourir : cela résulte de la volonté individuelle des malades, qui font leur choix en conscience, ce que ce texte cherche à préserver absolument.

Vous pensez savoir mieux que tout le monde quelle est la dignité individuelle des patients, comment ils se sentent, et ce qui est bon pour leur corps. Non, notre corps nous appartient, et nos derniers jours nous appartiennent !

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). J’irai dans le même sens que M. Pilato et Mme Rousseau. Il ne faut pas laisser croire que c’est le médecin qui jugerait de la dignité des patients, qui assumerait toute la responsabilité de la décision, et que cela serait trop lourd pour lui. Au contraire, ce texte, très précis et très bien rédigé, vise à préserver l’autonomie de la personne malade en se référant à la dignité telle qu’elle la conçoit elle-même.

M. Patrick Hetzel (DR). La seconde phrase de l’alinéa 12 ne figurait pas dans le projet de loi initial. Elle est issue des débats de l’an dernier – nous vous avions alors alertés sur les difficultés soulevées par la façon de concevoir la dignité. En acceptant de raccourcir le délai de quarante-huit heures, vous supprimez tout encadrement procédural, toute nécessité de justifier le recours à l’aide à mourir, et vous faites de cette proposition de loi un texte extrêmement déséquilibré. Vous nous renvoyez à l’intérêt du patient, mais vous semblez oublier que celui-ci peut lui-même fluctuer ; ce faisant, vous niez une partie de la réalité. Il convient donc de trouver un équilibre que vous n’avez absolument pas atteint.

Mme Justine Gruet (DR). Je comprends votre point de vue, madame Rousseau : puisque vous placez la liberté individuelle au-dessus de tout, vous estimez que l’aide active à mourir doit pouvoir être proposée à tout prix et en toute situation, et vous déniez donc à quiconque la possibilité de juger légitime ou non la demande en ce sens formulée par une autre personne. Permettez-moi cependant d’insister sur l’importance de définir des critères objectifs.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Ce débat sur la liberté individuelle et la conception différenciée du principe de dignité est intéressant, mais pourquoi vouloir impliquer le médecin ? Il suffirait de prévoir que le délai de quarante-huit heures peut être abrégé à la demande de la personne en fin de vie si cette dernière considère que sa dignité, telle qu’elle la conçoit, est altérée.

Par ailleurs, j’aimerais que les rapporteurs m’expliquent où se situe l’équilibre qu’ils invoquent en donnant leur avis sur les différents amendements. C’est un faux argument, car chacun a son propre équilibre. Considèrent-ils que l’équilibre a été trouvé dans le texte de M. Falorni ? Dans ce cas, il n’est plus celui qui avait été proposé dans le projet de loi déposé par le Gouvernement il y a un an. J’aimerais que la définition de l’équilibre soit plus collective et que cette notion ne soit pas réservée aux seuls rapporteurs.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Bentz, un délai minimal de deux jours laisse au patient la possibilité de prendre un temps de réflexion plus long. Vous ne pouvez pas le contester.

Monsieur Hetzel, votre appréciation des mots est très chirurgicale : vous admettrez donc que la seconde phrase de l’alinéa 12 ne permet de raccourcir le délai que dans certains cas. Si nous faisons intervenir le médecin, c’est pour éviter que cette possibilité soit utilisée par le malade par convenance personnelle. Vous devriez donc vous satisfaire que nous prévoyions une garantie plutôt que de nous reprocher une trop grande permissivité.

M. Philippe Juvin (DR). Il est faux de dire que le délai minimal est de quarante‑huit heures, puisqu’il peut être ramené à zéro. Tant les quinze jours dont dispose le médecin pour répondre à la demande que les quarante-huit heures de réflexion laissées au patient peuvent être réduits à néant. Cela n’est pas logique, ni raisonnable. Voilà pourquoi nous contestons cette disposition.

M. Christophe Bentz (RN). Madame Rousseau, nous n’avons jamais dit qu’une personne qui demanderait l’aide à mourir perdrait sa dignité. Bien au contraire : une demande de mort est toujours légitime et mérite d’être entendue. Cependant, contrairement à vous, nous considérons qu’un malade doit bénéficier de soins jusqu’à la fin, précisément parce qu’il ne perd jamais sa dignité humaine. Il y a donc une énorme différence entre nous : vous êtes pour un ultime recours, tandis que nous sommes pour un ultime secours.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je considère que ce texte, qui n’est pas le mien mais le résultat de la délibération collective des députés il y a un an, est solide et équilibré. Je ne détiens pas forcément la vérité, et je ne conteste à personne le droit de dire qu’il ne partage pas cet avis, mais si les votes souverains des députés intervenus l’an dernier ne valent pas tripette, alors ne perdons pas notre temps à discuter ici pendant des heures : rentrons chez nous et profitons du week-end du 1er mai ! Du reste, les votes ayant eu lieu il y a un an peuvent très bien être infirmés aujourd’hui.

Il se trouve que je ne suis pas le seul à penser que l’équilibre du texte est conservé, puisque Mme Vautrin, ministre chargée de la santé, avait eu l’honnêteté et la force de reconnaître, sous la précédente législature, que le projet de loi était équilibré. Personne ne détient la vérité.

Je récuse les procès d’intention. Je n’ai pas de modèle à l’étranger ; certaines législations me semblent mêmes complètement inadaptées. Je cherche une voie française.

Vous me prêtez aussi le projet de présenter un autre texte une fois que celui-ci aura été adopté. Je ne doute pas que le Rassemblement national proposera dans son programme pour les élections à venir l’abrogation de la loi que nous aurons votée. Les électeurs trancheront et les députés de la prochaine législature, ainsi que des suivantes, décideront de conserver, de réviser ou d’abroger le texte. C’est ce que l’on appelle la démocratie. Ne me prêtez pas d’intentions cachées. Je défends ce texte et pas un autre.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques AS440 de Mme Sandrine Runel et AS479 de Mme Christine Pirès Beaune

M. Jérôme Guedj (SOC). Je retire l’amendement AS440.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS303 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit de préciser qu’il appartient bien au malade de revenir vers le médecin pour poursuivre la procédure et non l’inverse.

M. Laurent Panifous, rapporteur. La rédaction actuelle laisse penser qu’à l’issue d’un délai de trois mois à compter de la notification de la décision, en l’absence de confirmation du demandeur, le médecin est tenu d’évaluer à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté.

Afin de clarifier cette rédaction, qui ne me satisfait pas non plus, je présenterai à l’alinéa 13 un amendement, AS1138, précisant qu’une nouvelle évaluation est effectuée par le médecin « lorsque la confirmation intervient dans un délai de plus de trois mois ».

L’avis est défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Votre amendement nous garantit-il que le médecin ne se manifestera pas auprès du malade si celui-ci n’a pas confirmé sa démarche ? Pourquoi ne pas le préciser plus clairement encore ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. Cela me semble assez clair dans mon amendement. Ce n’est pas au médecin d’aller vers le malade.

M. Hervé de Lépinau (RN). L’amendement est intéressant car on ne peut pas faire l’économie d’encadrer au maximum une procédure dans laquelle la mort est en jeu.

Monsieur le rapporteur général, j’espère que vous ne voyez pas dans l’évocation des effets de bord d’un texte un procès d’intention.

Mme Annie Vidal (EPR). Je soutiens l’amendement. Dans la rédaction actuelle, le médecin revient bien vers le patient puisqu’il évalue à nouveau le caractère libre et éclairé.

Si, à l’issue d’un délai de trois mois, un patient ne s’est pas manifesté, on peut légitimement penser qu’il a renoncé à sa demande. La nouvelle évaluation relance le processus.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Mon amendement AS1138 propose de modifier le début de l’alinéa 13 afin d’établir clairement que le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté « lorsque la confirmation de la demande intervient dans un délai de plus de trois mois », et non « en l’absence de confirmation de la demande dans un délai de trois mois ». En effet, ce n’est pas au médecin de solliciter la personne sans nouvelles de sa part, c’est à elle de se tourner vers lui.

Mme Annie Vidal (EPR). Votre amendement ne dit pas la même chose. C’est toujours le médecin qui revient vers le patient. Si celui-ci ne se manifeste pas, la procédure devrait s’interrompre. La réévaluation n’a pas lieu d’être si le patient n’a pas confirmé sa demande.

M. Thibault Bazin (DR). Je maintiens l’amendement car une clarification est nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS501 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Prenons l’hypothèse suivante : une personne apprend qu’elle est atteinte d’une affection grave et incurable, qui engage son pronostic vital mais pas à court terme. Elle endure des souffrances psychologiques mais pas physiques. Elle demande à accéder à l’aide à mourir. On lui propose éventuellement des soins palliatifs et l’accompagnement par un psychologue. Elle maintient sa demande mais, avec le temps, son avis peut changer.

Il faut pouvoir prendre en considération les fluctuations de la volonté, en particulier après l’annonce d’un diagnostic déstabilisant. C’est l’objet de l’amendement.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez rendre obligatoire la réitération de la demande d’aide à mourir à trois reprises dans un délai de vingt et un jours. Je ne reviens pas sur les nombreux arguments que j’ai déjà développés sur la conciliation entre l’indispensable délai de réflexion et la célérité de la procédure. Sur le fond, l’amendement complexifie la demande d’accès à l’aide à mourir, sans motif légitime. Sur la forme, il fait coexister deux délais, celui de deux jours suivant la notification et ce nouveau délai de vingt et un jours.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS1042 de M. Philippe Juvin.

Amendement AS1138 de M. Laurent Panifous

M. Laurent Panifous, rapporteur. Nous venons d’évoquer cet amendement, qui concerne l’alinéa 13.

Les termes « en l’absence de confirmation dans un délai de trois mois » laissent entendre qu’il revient au médecin de solliciter la personne, ce qui n’est pas notre intention. Je propose donc de les remplacer par « lorsque la confirmation de la demande intervient dans un délai de plus de trois mois ». Autrement dit, en l’absence de confirmation, la réévaluation n’a pas lieu d’être, le médecin ne contacte en aucun cas la personne.

M. Philippe Vigier (Dem). Ce très bon amendement répond à l’interrogation sagace de M. Bazin et aux inquiétudes des autres : c’est bien le patient qui est au cœur du dispositif.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La rédaction proposée est plus adaptée que celle du texte puisqu’elle précise que sans confirmation de la demande, il n’y a pas de réévaluation.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS136 de Mme Justine Gruet et AS1043 de M. Philippe Juvin

Mme Justine Gruet (DR). Il est proposé d’abaisser à un mois le délai à l’issue duquel le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté dot être réévalué, ceci afin d’éviter les pressions. Le délai de trois mois est trop long.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Le délai de trois mois permet de concilier la nécessité de laisser au demandeur un délai de réflexion et celle de tenir compte des éventuelles évolutions de son état.

Par ailleurs, l’article 10 prévoit que le médecin puisse mettre fin à la procédure si les conditions prévues à l’article 2 « cessent d’être remplies » postérieurement à sa décision.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS384 de Mme Marine Hamelet, AS817 de Mme Marie-France Lorho et AS304 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

Mme Sandrine DogorSuch (RN). L’amendement AS384 est défendu.

M. Christophe Bentz (RN). Je retire l’amendement AS817.

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit d’indiquer qu’en l’absence de confirmation dans un délai de trois mois, il est mis fin à la procédure. Cet amendement, couplé au vôtre, monsieur le rapporteur, clarifie bien la procédure.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Ces amendements me semblent superflus puisque l’alinéa est très clair : le médecin réévalue le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté après trois mois sans confirmation et peut, pour ce faire et si besoin, s’appuyer sur la procédure de l’article 6. En outre, dans tous les cas, l’article 10 prévoit que le médecin pourra mettre fin à la procédure si les conditions prévues à l’article 2 « cessent d’être remplies » postérieurement à sa décision.

L’amendement AS817 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements identiques AS726 de M. Christophe Bentz et AS921 de Mme Christine Loir

Mme Christine Loir (RN). L’amendement vise à supprimer les mots : « si besoin » car la nouvelle évaluation par le médecin doit conserver les mêmes formes que celle de la demande initiale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il est nécessaire de faire confiance au médecin, qui saura apprécier s’il est nécessaire ou non de reprendre la procédure de l’article 6. La procédure doit être claire et protectrice, tout en laissant la souplesse nécessaire au médecin, pour garantir son effectivité.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS738 de M. Hadrien Clouet

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement concerne le cas d’un patient ayant formulé une demande expresse d’aide à mourir et qui viendrait à perdre conscience de manière irréversible au cours de la procédure.

Si la personne a formulé une demande dont le caractère libre et éclairé a été attesté par le médecin et qui a été consignée dans ses directives anticipées et si elle remplit les critères mentionnés à l’article 6, elle reste éligible à l’aide à mourir même si elle subit une perte de conscience irréversible après avoir entamé la procédure.

Il est proposé que le médecin s’appuie sur les directives anticipées modifiées pour déterminer les modalités d’administration de la substance létale ainsi que le professionnel de santé chargé de l’accompagner. Il peut aussi recueillir l’avis de la personne de confiance.

L’amendement garantit ainsi aux personnes ayant engagé une procédure d’aide à mourir que leur choix sera respecté et appliqué, même dans le cas d’une perte de conscience irrémédiable en cours de procédure.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Votre argumentation a été développée à de nombreuses reprises. Je ne reviens pas sur ce que nous avons dit sur les directives anticipées. Je serai à nouveau défavorable.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Malgré les nombreux débats qui ont déjà eu lieu sur les directives anticipées, je souhaite appeler votre attention sur cet amendement important.

Il concerne le cas dans lequel une personne, qui répond à tous les critères, a déjà engagé, de manière libre et éclairée, la démarche pour accéder à l’aide à mourir. Imaginez que la situation s’accélère : la fin est proche et la perte de conscience irrémédiable est possible. La personne modifie ses directives anticipées pour préciser qu’elle a engagé la démarche et pour désigner une personne de confiance. Ainsi, elle saura que si elle perd conscience de manière irrémédiable, sa demande d’aide à mourir sera respectée.

Dans ce cas, le délai entre le dépôt de la demande d’accès à l’aide à mourir et la rédaction des directives anticipées est très court. Je ne suis pas forcément d’accord avec eux mais je comprends les collègues qui s’opposent à ce que des directives anticipées rédigées il y a dix ans puissent s’appliquer. Mais il est question ici de respecter l’ultime liberté d’une personne, qui a, en conscience, demandé à accéder à l’aide à mourir si elle perdait conscience. Cela concerne un nombre limité de cas.

M. Patrick Hetzel (DR). Vous écartez de fait l’éventualité d’une incertitude sur la volonté réelle de la personne au moment décisif.

Vous évoquez le cas d’une personne qui perd toute capacité de communication de ses dernières volontés. Jusqu’à présent, il a été décidé que la demande devait être explicite, répétée, volontaire et éclairée. Or vous faites fi de ces critères. C’est la raison pour laquelle on ne peut que s’opposer à un tel amendement.

M. René Pilato (LFI-NFP). On est vraiment à la frontière de la loi Claeys-Leonetti et de l’aide à mourir. La première a pour objet d’exclure l’acharnement thérapeutique si tel est le souhait du patient. La personne, qui perd conscience de manière irrémédiable après que sa demande d’accès à l’aide à mourir a été validée par le médecin, ne peut-elle pas se voir appliquer la loi Claeys-Leonetti ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1139 de M. Laurent Panifous.

En conséquence, l’amendement AS818 de Mme Marie-France Lorho tombe.

Amendement ²AS727 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement prévoit que le médecin informe la personne des modalités d’administration et d’action de la substance létale avant qu’elle confirme sa volonté, et non lorsqu’elle le fait. Il permet ainsi à la personne de renoncer à sa demande de mort en toute connaissance de cause.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. En vertu de l’article 5, le médecin est tenu d’expliquer à la personne la mise en œuvre de l’aide à mourir lorsqu’elle demande à y accéder. Ensuite, la personne peut renoncer à tout moment à l’aide à mourir, y compris après avoir pris connaissance des modalités d’administration et d’action de la substance létale. Enfin, il me semble important de distinguer les deux moments : d’une part, la confirmation de la décision, d’autre part, l’information sur l’administration de la substance létale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS695 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Cet amendement va faire plaisir à nos adversaires. Il impose au médecin d’informer le patient oralement et par écrit afin de garantir une bonne compréhension des modalités d’administration de la substance létale.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’article 13 renvoie à un décret en Conseil d’État les conditions d’application du chapitre relatif à la procédure. Je comprends néanmoins votre démarche.

Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Christophe Bentz (RN). Bien qu’adversaires sur l’ensemble du texte, pour la première fois, nous souscrivons à cette proposition de M. Pilato, qui prévoit des modalités cumulatives d’information du patient.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS442 de Mme Sandrine Runel et sous-amendement AS1188 de Mme Danielle Simonnet

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement vise à assurer une meilleure cohérence rédactionnelle entre les alinéas 15 et 16. Nous proposons de ne conserver à l’alinéa 15 que la mention des modalités d’action de la substance létale et de préciser à l’alinéa 16 que le médecin détermine, en accord avec la personne, les modalités de l’administration de celle-ci.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Tout à l’heure, j’ai retiré un amendement qui proposait de donner à la personne le choix entre l’administration du produit létal par un professionnel de santé et l’auto‑administration. Je me permets donc de sous-amender celui‑ci pour y introduire les mots : « selon le choix de la personne, par la personne elle-même ou par un professionnel de santé ».

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement propose que le médecin détermine avec la personne le professionnel chargé de l’accompagner, mais également les modalités d’administration de la substance létale. Il est cohérent et placé au bon endroit. C’est pourquoi j’émets un avis favorable.

En revanche, je suis défavorable au sous-amendement de Mme Simonnet car le terme « professionnel de santé » a une acception trop large. Le texte prévoit que seul le médecin ou l’infirmier sera habilité à réaliser ce geste.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je retire mon sous-amendement et je le modifierai en vue de la séance publique.

Le sous-amendement est retiré.

M. Emmanuel Fernandes (LFI-NFP). Nous avions retiré l’amendement de notre collègue Leboucher après avoir reçu la garantie que la personne qui choisit pour elle‑même d’éteindre la lumière, dans le respect des critères cumulatifs – je précise à nouveau que la décision de mettre fin à ses souffrances sera le fruit d’un cheminement et ne pourra en aucun cas être prise sur un coup de tête –, peut décider que la solution létale lui sera administrée par le médecin ou l’infirmier, même si elle est physiquement et psychiquement en état de se l’auto‑administrer. En rendant ce choix explicite, l’amendement garantit la liberté effective de la personne.

M. Thibault Bazin (DR). Je suis inquiet de cette tendance à euphémiser la réalité. Il y a une différence entre « éteindre la lumière » et demander à un soignant d’administrer une substance létale alors que la personne peut le faire elle-même. Ce n’est pas le même degré d’implication et le sujet n’a rien d’anodin.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques AS78 de M. Patrick Hetzel et AS1044 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à indiquer au patient les éventuels risques encourus lors de l’administration d’une substance létale. Contrairement à ce que l’on entend parfois, la littérature montre que le processus ne se déroule pas toujours bien : on constate dans certains cas une réponse incomplète à la substance et des délais variables avant le décès.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Les risques que vous évoquez sont compris dans l’information sur les modalités d’action de la substance létale prévue à l’alinéa 15. L’article 13 renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités d’information de la personne.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS485 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’alinéa 16 prévoit que le médecin « détermine, en accord avec la personne, le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour l’administration de la substance létale ». Cette rédaction prescriptive va à l’encontre de la liberté de conscience. Le refus d’administrer une substance létale peut être général, si le médecin souhaite ne jamais provoquer la mort, ou être signifié au cas par cas en fonction des situations. Je propose donc de supprimer l’alinéa.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable. Dans la logique du texte, il est essentiel qu’un professionnel de santé accompagne la personne.

M. Yannick Monnet (GDR). Cet alinéa est fondamental. Sa suppression aurait pour conséquence de permettre au médecin de choisir l’infirmier ou le médecin accompagnateur sans l’accord du patient.

M. Thibault Bazin (DR). Je suis sensible aux propos de M. Monnet. Il est évident que le choix du professionnel doit se faire avec l’accord de la personne. Je suis prêt à retravailler mon amendement en ce sens. Je tenais seulement à partager mon inquiétude.

L’amendement est retiré.

Amendements AS920 de Mme Christine Loir et AS631 de Mme Geneviève Darrieussecq (discussion commune)

Mme Angélique Ranc (RN). Les soins relationnels forment le cœur du métier d’infirmier. L’amendement de ma collègue Loir vise à préserver la charge mentale de ces professionnels en les excluant du processus d’assistance dans l’administration de la dose létale.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement AS631 est défendu.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement de Mme Loir vise à n’autoriser que le médecin à accompagner la personne, tandis que celui de Mme Darrieussecq rappelle que le médecin ou l’infirmier doit être volontaire. Concernant le second, je vous renvoie à la clause de conscience, inscrite à l’article 14, que les professionnels de santé pourront faire valoir à tout moment, même si nous les incitons à le faire au début de la phase d’évaluation. Quant au premier amendement, il me semble utile que les infirmiers puissent accompagner la personne dans cette phase ultime au même titre que les médecins. L’avis est défavorable sur les deux amendements.

M. Christophe Bentz (RN). Même si de nouveaux textes leur attribuent régulièrement des prérogatives supplémentaires, comme la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dit « loi Rist », et la récente proposition de loi sur la profession d’infirmier, la vocation des soignants est de soigner. L’Ordre national des infirmiers et la plupart des syndicats sont opposés à l’idée qu’un infirmier puisse injecter une substance létale.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS931 de Mme Christine Loir

Mme Angélique Ranc (RN). C’est un amendement rédactionnel. Le processus d’administration de la dose létale relève plus de l’assistance que de l’accompagnement.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Vous souhaitez substituer le mot « assister » au mot « accompagner ». Celui-ci me semble pourtant caractériser le rôle du médecin ou de l’infirmier, qui ne se limite pas à une simple assistance technique : il est chargé de vérifier que la personne confirme qu’elle veut procéder à l’administration et, le cas échéant, la prépare et assure la surveillance de celle-ci.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS502 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je propose de rendre obligatoire la validation préalable de chaque procédure par la commission de contrôle et d’évaluation que l’article 15 instaure. Dans sa rédaction actuelle, le texte ne prévoit qu’un contrôle a posteriori.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’article 15 prévoit un contrôle a posteriori de la régularité de la procédure par une commission de contrôle et d’évaluation ; si celle-ci estime que des faits sont susceptibles de constituer un manquement à la déontologie ou au professionnalisme, elle peut saisir la chambre disciplinaire de l’ordre compétent. Ces dispositions me semblent suffisantes pour assurer le respect scrupuleux de la procédure par les médecins.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS486 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement vise à préciser que la durée de validité de la prescription de la substance létale est de trois mois, en cohérence avec le délai de fin de la procédure.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Cette mesure me semble inutile car la personne n’intervient pas dans le circuit. Pour rappel, aux termes de l’article 8, le médecin traitant transmet sa prescription à la pharmacie à usage intérieur (PUI), laquelle réalise la préparation magistrale létale puis la transmet à la pharmacie d’officine.

Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). La personne devra-t-elle aller chercher la substance létale elle-même ? Comment nous assurer qu’elle ne finira pas dans la nature ?

M. Thibault Bazin (DR). J’ai bien compris que la PUI délivrera la substance à la pharmacie d’officine, puis que celle-ci sera récupérée par le professionnel de santé chargé d’accompagner la personne. Toutefois, si cette dernière souhaite s’administrer elle-même la substance létale mais qu’elle ne le fait pas, que deviendra cette substance ?

M. Laurent Panifous, rapporteur. M. Delautrette a déposé aux articles suivants des amendements qui répondent à votre question. En tout état de cause, le malade ne sera jamais en contact avec la substance létale avant de se l’administrer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS929 de Mme Christine Loir

Mme Angélique Ranc (RN). L’amendement vise à introduire un principe de volontariat pour les pharmaciens, lesquels seront des acteurs clés de l’aide à mourir puisqu’ils prépareront la substance létale. Il est crucial de respecter leur liberté de conscience.

M. Laurent Panifous, rapporteur. Le texte ne prévoit pas de clause de conscience pour les pharmaciens de PUI, considérant qu’ils n’interviennent pas directement dans l’aide à mourir, c’est-à-dire dans la procédure d’accompagnement de la personne. Pour les mêmes raisons, je ne suis pas favorable au principe de volontariat. Ni le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens ni les syndicats n’ont réclamé l’instauration d’une clause de conscience lors des auditions.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS240 de Mme Justine Gruet

Mme Justine Gruet (DR). L’amendement vise à associer davantage le médecin traitant à la procédure.

M. Laurent Panifous, rapporteur. L’amendement demande un rapport au Gouvernement sur l’opportunité de solliciter l’avis du médecin traitant dans le cadre de la procédure collégiale. C’est au législateur d’en décider, et non au Gouvernement, qui plus est dans un rapport qu’il remettrait au Parlement.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

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*     *


9.   Réunion du mercredi 30 avril 2025 à 15 heures (article 7 à après l’article 9)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([244]).

Article 7 : Détermination de la date d’administration de la substance létale et droits de la personne

Amendements de suppression AS79 de M. Patrick Hetzel, AS306 de M. Thibault Bazin, et AS973 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Parce qu’il est insuffisamment précis sur la possibilité pour la personne de changer d’avis, l’encadrement de la présence des tiers et le lieu de l’administration de la substance létale, nous souhaitons supprimer cet article.

M. Thibault Bazin (DR). Cet article suscite plusieurs questions. Son alinéa 2 revient à laisser la personne choisir la date de sa mort. Comment être sûr qu’elle ne change pas d’avis d’ici à cette échéance ? Une fois la date fixée, n’y a-t-il pas un risque qu’elle n’ose plus remettre en question sa décision de peur de nuire à l’organisation des professionnels de santé ? De nombreux soignants travaillant dans des services de soins palliatifs rapportent que les patients changent fréquemment d’avis, même d’un jour à l’autre, selon leur état de santé, la qualité des soins qui leur sont prodigués ou l’affection qu’ils reçoivent.

L’alinéa 5 autorise la présence de proches. Or assister à l’administration d’une substance létale peut se révéler traumatisant. Selon une étude suisse, parmi les endeuillés ayant connu une telle expérience, 13 % présentaient des symptômes de stress post-traumatique total et 16 % étaient en dépression, proportions bien supérieures à celles observées pour une mort naturelle.

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’État ne peut en aucune manière organiser la mort de l’un de ses citoyens. Par ailleurs, comme le rappelait l’ancien ministre Jean Leonetti, « la main qui soigne ne peut être celle qui donne la mort ». Donner la mort ne saurait être considéré comme un soin. L’amendement AS973 vise donc à supprimer l’article 7, qui légalise, comme d’autres dispositions de la loi, le suicide assisté et l’euthanasie.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cet article, en déterminant les modalités selon lesquelles la personne ayant recours à l’aide à mourir choisit la date, le lieu et les personnes qui l’accompagneront lors de l’administration de la substance létale, contribue à rendre effectif le droit à l’aide à mourir. Sans doute pourrait-il être amélioré mais en aucun cas supprimé : il est fondamental.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1001 de M. Philippe Juvin

Mme Sylvie Bonnet (DR). Nous proposons de laisser au patient le choix du moment auquel il souhaite procéder à l’administration de la substance létale. La date ne doit pas être fixée en fonction des seuls impératifs du médecin ou de l’infirmier, au risque de créer une asymétrie en défaveur du malade et de l’exposer à l’aléa d’une échéance anticipée.

M. Stéphane Delautrette. S’il n’est pas précisé que la personne « choisit » la date, vous craignez qu’elle subisse des pressions. La rédaction actuelle traduit pourtant bien ce que nous voulons : la date ne peut être que concertée, la personne en convenant avec le médecin ou l’infirmier. En outre, un principe de réalité s’impose : le professionnel se montrera disponible et dégagera le temps nécessaire pour accompagner le patient dans de bonnes conditions.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS740 de Mme Élise Leboucher, AS739 de Mme Karen Erodi et AS534 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Je retire mon amendement.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). La tristesse étreint les proches quand ils ne savent pas précisément combien de temps il leur reste à partager avec la personne qui leur est chère. Laissons à celle-ci la possibilité de convenir non seulement du jour mais aussi de l’heure de la procédure, en concertation avec les professionnels de santé, afin de permettre à son entourage d’anticiper au mieux ces ultimes moments – occasion d’un dernier verre, d’une dernière balade, de derniers échanges – et de se préparer sereinement, loin de tout cadre trop rigide.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS534 est défendu.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je comprends que vous vouliez réunir les meilleures conditions pour ces moments difficiles pour la personne et son entourage. Je demanderai seulement à Mme Erodi de bien vouloir retirer son amendement au profit de celui de Mme Lebon, qui me paraît mieux répondre à cette préoccupation et sur lequel j’émets un avis de sagesse.

L’amendement AS740 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendement AS80 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit de préciser que la substance létale « n’a pas de but thérapeutique » afin d’éviter toute assimilation de l’euthanasie à un soin.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nulle part dans la proposition de loi il n’est indiqué que cette substance aurait un tel but. Préservons-nous de débats sémantiques qui n’apportent rien. Qui pourrait imaginer qu’une substance létale soit administrée à des fins thérapeutiques ?

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Certes, cela ne figure pas explicitement dans le texte mais je tiens à écarter tout risque de confusion pour éviter de laisser prospérer la rhétorique selon laquelle le suicide assisté ou l’euthanasie constituerait un soin ultime.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Par définition, une substance létale ne peut pas avoir de but thérapeutique. Cet ajout, plutôt que de contribuer à l’intelligibilité du texte, me semble de nature à faire peur et à dissuader les personnes de recourir à l’aide à mourir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS307 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Pour des raisons de sécurité, il importe de préciser que « la préparation magistrale ne peut faire l’objet d’une fabrication à l’avance ».

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Sachez que l’article 16 prévoit les conditions de sécurité nécessaires pour la préparation magistrale elle-même ainsi que pour son transport et son circuit global. Par ailleurs, toute préparation magistrale est nécessairement fabriquée suffisamment à l’avance pour être transmise à la pharmacie d’officine. Selon l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, elle doit être comprise comme « tout médicament préparé selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé lorsqu’il n’existe pas de spécialité pharmaceutique adaptée ou disponible ».

L’avis est défavorable à cet ajout, source de confusion.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS535 de M. Yannick Monnet est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS876 de Mme Lisette Pollet.

Amendements AS974 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS975 de M. Philippe Juvin et AS1103 de M. Frédéric Valletoux, amendements AS81 de M. Patrick Hetzel et AS819 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

Mme Sylvie Bonnet (DR). Nous proposons que soit réévalué le caractère libre et éclairé de la demande lorsque la date retenue pour l’administration de la substance létale est postérieure à la notification de la décision non pas de plus d’un an, comme le propose le texte, mais, par l’amendement AS974, de plus de six mois, ou bien, par l’amendement AS975, de plus de trois mois, délai prévu dans la version initiale du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Il s’agit de protéger un principe fondamental, celui d’un consentement libre, éclairé et actualisé. Le fait que l’état physique et psychologique d’un patient est susceptible d’évoluer rapidement justifie des vérifications fréquentes.

M. le président Frédéric Valletoux. Mon amendement, travaillé avec le Conseil national de l’Ordre des médecins, retient également un délai de trois mois. Il s’agit de mieux encadrer le processus de vérification du consentement.

M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement fixe également le délai à trois mois.

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS819 est défendu.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Pour des raisons déjà évoquées, je ne crois pas nécessaire de procéder à une réévaluation, que le délai soit de six, trois ou un mois. L’évaluation prévue à l’article 6 aura en effet été conduite suffisamment récemment. Par ailleurs, l’article 10 autorise le médecin à mettre fin à la procédure à tout moment, s’il prend connaissance, postérieurement à sa décision sur la demande d’aide à mourir, d’éléments le conduisant à considérer que les conditions mentionnées à l’article 2 cessent d’être remplies.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons contre ces amendements qui me semblent contradictoires avec la volonté exprimée par notre commission lors de l’examen du projet de loi l’année dernière. Le délai avait en effet été porté de trois mois à un an afin d’inviter les personnes à prendre leur temps et à éventuellement revenir sur leur décision. Cette solution équilibrée laisse une liberté bénéfique aux patients comme aux praticiens, qui n’existe pas en cas de vérifications trop fréquentes.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1078 de M. Théo Bernhardt

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS728 de M. Christophe Bentz.

Amendement AS82 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Comme à l’article 6, nous proposons que, s’il a des doutes sur le caractère libre et éclairé de l’expression de la demande du patient, le médecin puisse saisir le juge du contentieux de la protection. Sollicité au sujet de la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite loi Claeys-Leonetti, Robert Badinter rappelait que, constitutionnellement, la magistrature était la gardienne de la liberté individuelle. Il est resté constant dans sa position consistant à séparer ce qui relève du médecin et ce qui relève du juge. Vous qui êtes si soucieux du libre choix, vous devriez être sensibles au rôle de garant que remplit le magistrat dans ce domaine.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cette évaluation ne saurait être judiciaire : elle est de nature purement médicale, je le répète à la suite de Laurent Panifous. Le texte est clair : à l’approche de la date d’administration de la substance létale, le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté, lorsque la date est postérieure d’un an à la notification de la décision. Il se conforme pour cela à la procédure prévue au IV de l’article 6, si besoin, en appliquant la procédure définie au II du même article, c’est-à-dire la procédure collégiale. En cas de doute, il reviendra donc à cette procédure et n’aura pas besoin de saisir un juge.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de réfuter votre argumentation. Il ne s’agit pas pour moi de remettre en cause la primauté de l’avis médical mais simplement d’apporter une garantie supplémentaire. Un peu comme le prévoit la procédure de l’article 40 du code de procédure pénale, le médecin pourrait saisir la justice. En cas de doute, il s’appuierait sur l’avis de celui qui est garant des libertés individuelles, c’est-à-dire le juge.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS976 de M. Philippe Juvin, AS536 de M. Yannick Monnet, AS905 de M. Thomas Ménagé et AS509 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

Mme Sylvie Bonnet (DR). La mission des établissements de soins médico-sociaux n’est pas de provoquer la mort. La réalisation d’un acte d’euthanasie dans ces lieux aurait un effet désastreux sur les équipes soignantes et altérerait la confiance des patients et des familles à leur égard. C’est pourquoi par l’amendement AS976, nous proposons qu’il soit pratiqué dans un lieu dédié.

M. Yannick Monnet (GDR). Nous avons évoqué plusieurs craintes, notamment celle de la mise en place d’un business et d’un marketing de la mort – quand il s’agit de gagner de l’argent, le cynisme n’a pas de limites. Nous proposons donc que les établissements de santé publics ou privés où la substance létale est administrée soient des structures à but non lucratif.

M. Gaëtan Dussausaye (RN). Notre amendement AS905 va dans le même sens que l’amendement de M. Monnet, que nous estimons, après réflexion, mieux rédigé. Toutefois nous le maintenons dans l’espoir qu’il soit adopté et complété par l’amendement AS1040 de M. Juvin qui exclut les établissements du secteur hospitalier privé à but lucratif.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 7 donne la possibilité à la personne de choisir, outre la date, un lieu en dehors de son domicile où elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale. Pour ce geste qui n’a rien d’anodin, ne faudrait-il pas prévoir un établissement habilité et exclusivement dédié à ce geste ? Cela renforcerait le nécessaire encadrement de ce dernier.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Ces amendements sont motivés par une volonté de mieux définir les lieux autorisés afin d’éviter d’éventuelles dérives. Toutefois, j’y serai défavorable pour des raisons diverses.

S’agissant de la création de lieux dédiés à l’administration de la substance létale, je ne peux que dire combien je peine à imaginer leur existence. Concernant l’interdiction de l’aide à mourir au sein d’établissements hospitaliers ou médico-sociaux, je rappelle que plus de moitié des décès en France ont lieu dans de telles structures. J’ajoute que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) étant considérés comme les domiciles des personnes qui y résident, on ne saurait les exclure du dispositif qui comprend bien sûr la possibilité de choisir son domicile pour mourir. Cet argument vaut également pour l’amendement AS905. Quant à l’amendement de M. Monnet, je crains que sa formulation actuelle n’exclue les établissements médico-sociaux ou tout autre lieu, comme le domicile d’un proche.

M. Yannick Monnet (GDR). L’administration d’une substance létale, si elle n’est pas un soin, est un acte médical, raison pour laquelle nous avons retenu les établissements de santé. Cela dit, j’accepte de retirer mon amendement pour le retravailler d’ici à la séance publique.

L’amendement AS536 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements AS249 de M. Jean-Pierre Taite, AS443 de Mme Sandrine Runel et AS83 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement AS249 est défendu.

M. Arnaud Simion (SOC). L’amendement AS443 est défendu.

M. Patrick Hetzel (DR). Comme Thibault Bazin, je considère qu’il importe que l’administration de la substance létale ait lieu dans un lieu dédié.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS19 de M. Alexandre Portier, AS84 de M. Patrick Hetzel, AS1062 de M. Eddy Casterman et AS1040 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

Mme Sylvie Bonnet (DR). Par l’amendement AS19, il s’agit, là encore, d’interdire que la substance létale soit administrée dans les établissements de santé, publics et privés, ou dans les établissements médico-sociaux.

M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement vise à exclure les services de soins palliatifs, les Ehpad ou les maisons d’accompagnement. Nombreux sont les professionnels de soins palliatifs à avoir insisté sur le fait que leur rôle consistait à accompagner et non à donner la mort.

M. Christophe Bentz (RN). Nous n’avons cessé d’insister sur la porosité entre la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement et la présente proposition de loi relative à la fin de vie : en refusant d’exclure les établissements de santé et médico-sociaux, vous nous donnez raison, monsieur le rapporteur, et je vous remercie pour l’aveu que vous venez de faire. L’amendement de notre collègue Casterman, qui vise à interdire l’administration de la substance létale dans les unités de soins palliatifs et les maisons d’accompagnement, est l’occasion pour vous de clarifier votre position. Si, comme vous le prétendez, il y a une étanchéité entre les deux textes, émettez un avis favorable pour distinguer clairement ce qui relève du soin et de la vie de ce qui renvoie à la mort.

M. Philippe Juvin (DR). On ne devrait pas pouvoir organiser un suicide assisté ou une euthanasie dans un lieu consacré au soin. Mon amendement de repli tend à les interdire au moins dans le secteur hospitalier à but lucratif : il ne faudrait pas que l’euthanasie devienne un business.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Mon argumentaire n’a pas davantage changé que notre position, monsieur Bentz. L’avis est défavorable sur tous les amendements en discussion commune.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Un jour, il faudra que nous ayons un vrai débat sur la nécessité d’en finir avec les établissements de santé privés lucratifs. Il n’est pas possible de faire de l’argent sur la santé ou sur les soins aux personnes âgées.

Toutefois, je ne soutiens pas votre amendement, monsieur Juvin. Vous évoquez sans cesse la nécessité de s’assurer que la décision du patient est libre et éclairée, prise hors de toute pression. Si votre amendement est adopté, un patient entré dans un établissement à but lucratif faute de place en établissement à but non lucratif n’aura pas accès à l’aide à mourir. Si vous ne voulez pas que votre parent obtienne une aide à mourir, vous pourrez le placer dans un établissement à but lucratif et – disons-le – non laïque, avec un avis déterminé sur le sujet : il ne pourra en bénéficier. Il est essentiel de garantir la liberté de demander l’aide à mourir, où que l’on soit. Par ailleurs, il faudra veiller à empêcher qu’un business ne se crée dans ce domaine. La meilleure garantie, c’est qu’on puisse y accéder chez soi ou dans un établissement public, afin d’éviter que les établissements privés ne s’en prévalent pour attirer des patients.

M. Christophe Bentz (RN). Merci, monsieur le rapporteur : en émettant un avis défavorable, vous affirmez clairement que vous êtes de l’école Falorni – que je combats. Vous êtes donc défavorable à l’interdiction d’administrer la substance létale dans une unité de soins palliatifs et d’accompagnement. Au moins, c’est clair, mais, je vous en supplie, ne dites plus jamais que les deux textes sont étanches.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis défavorable aux amendements en discussion commune ; on doit pouvoir accéder à l’aide à mourir où que l’on se trouve.

Je suis un fervent défenseur du service public. Néanmoins, on voit sur le terrain que certains établissements privés fournissent un service de qualité. Il ne faut pas opposer les uns aux autres ; chacun a sa place et participe à l’action publique.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je suis favorable à permettre l’aide à mourir en dehors du domicile, comme le prévoit l’alinéa 4. De plus, si ces amendements étaient adoptés, les personnes domiciliées dans les établissements qui y sont nommés ne pourraient pas bénéficier de l’aide à mourir.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS903 de M. Thomas Ménagé

M. Gaëtan Dussausaye (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1144 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. L’alinéa 5 dispose que la personne « peut être accompagnée par les personnes de son choix ». Le présent amendement, rédactionnel, tend à substituer « entourée » à « accompagnée ». Nous avons beaucoup parlé d’accompagnement ; il faut éviter toute confusion.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS729 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). La commission a fort heureusement rejeté la possibilité pour les mineurs d’accéder à l’aide à mourir, position qui sera, je l’espère, confirmée en séance publique. Cet amendement vise à empêcher les mineurs d’assister à l’administration de la substance létale.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La perte d’un proche constitue un moment difficile pour un mineur, comme pour toute personne, mais la loi n’a pas à intervenir dans ce domaine : il appartient à chaque famille de déterminer si le mineur peut assister à ce moment. Comme sa présence aux obsèques, c’est une décision personnelle prise dans le cadre familial.

M. Christophe Bentz (RN). Je suis en désaccord total avec vous, monsieur le rapporteur. Nous parlons de l’éventualité que des enfants puissent participer à l’euthanasie ou au suicide assisté de leur parent. Imaginez quels ravages psychologiques pourraient en résulter !

M. Yannick Monnet (GDR). Le rapport que les personnes entretiennent avec la mort ne relève pas de la loi. C’est très personnel : il est faux d’affirmer que cela provoquera des ravages psychologiques. À la campagne, traditionnellement, on veille les morts ; les enfants participent à ce moment : le rapport à la mort est différent. Autoriser la présence des enfants pour accompagner une personne à la mort constitue un choix éducatif ; il faut laisser aux familles l’entière liberté d’en décider, et non en faire une question de morale.

Mme Justine Gruet (DR). Chaque famille a un rapport différent à la mort. Certes, assister à cette scène peut provoquer un choc traumatique, mais il revient aux parents d’apprécier la maturité de leur enfant et sa capacité à y être confronté.

Plus largement, l’alinéa 5 est-il nécessaire ? Puisque le texte n’interdit pas la présence de proches, celle-ci serait autorisée par défaut.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Pour un enfant, il peut être bien plus dévastateur de voir son parent déchoir, devenir physiquement et mentalement différent, que d’assister à une cérémonie voulue et paisible.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Vous évoquez des ravages psychologiques, mais le proche de l’enfant va mourir : ce dernier sera en deuil. Respecter le choix de la personne concernée, anticiper ce qui va se passer, être présent pour l’accompagner peuvent apaiser l’entourage, alors qu’une mort brutale peut être dévastatrice. De plus, la présence n’est pas obligatoire : c’est un choix. Dans le cas de la sédation profonde et continue, la question ne se pose pas.

M. Thibault Bazin (DR). Il est différent d’assister à l’administration volontaire d’une substance létale et de rendre visite à une personne qui va décéder naturellement, de voir une personne décédée ou d’assister à des obsèques. Parfois, l’administration ne se passe pas idéalement. Une étude menée en Suisse montre que cet événement peut se révéler traumatisant. Je suis incapable de dire quels seront les effets sur les personnes présentes : peut-être devons‑nous, par prudence, porter aux mineurs une attention particulière.

M. Patrick Hetzel (DR). Le contexte qui nous occupe est empreint de violence symbolique. L’étude que Thibault Bazin cite montre que même chez des adultes, une mort provoquée a une incidence psychologique bien plus forte qu’une mort naturelle. On ne peut considérer que tout se vaudrait.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). À ma connaissance, aucune loi n’interdit aux mineurs de visiter des personnes hospitalisées, même lorsque ces dernières sont atteintes de maladie grave et risquent de décéder pendant la visite. C’est une bonne chose d’en laisser la décision à l’appréciation des familles, comme celle de laisser les enfants assister à l’ultime cérémonie que sera la fin de vie choisie. Ni la communauté hospitalière ni les professionnels de l’enfance n’ont demandé une intervention du législateur dans ce domaine : ce ne serait pas pertinent. En revanche, nous devrions nous demander comment donner à l’hôpital public les moyens d’embaucher des psychologues pour accompagner les familles dans les moments de deuil.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Personne ne nie que ce moment soit dur pour les proches, majeurs comme mineurs. Nous ne devons pas nous immiscer dans une décision qui touche à l’intime : elle doit revenir à la famille. Les proches ont déjà accompagné la personne pendant sa maladie. Nous avons souhaité la présence d’un médecin ou d’un infirmier, même en cas d’autoadministration à domicile : c’est aussi pour prendre en charge ceux qui resteront après le décès, justement parce que la mort est brutale et difficile à surmonter. Vous soulevez la question de notre rapport à la mort et de l’accompagnement du deuil : nous devons y réfléchir ; de très belles expériences sont menées dans les unités de soins palliatifs. Mais on ne peut influencer dans la loi le rapport à la mort des familles.

M. Christophe Bentz (RN). La mort fait partie de la vie, elle en est la fin. Il faut respecter le choix des familles. Parfois, les enfants sont au contact de la mort, par exemple lorsqu’ils veillent un proche en fin de vie. C’est naturel, parce que cela advient dans le cadre d’une mort naturelle. Mais, ici, la mort est délibérée, intentionnellement provoquée, et le mineur ne l’ignore pas : la différence est fondamentale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS934 de Mme Christine Loir

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Après l’article 7

Amendement AS305 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Le présent amendement vise à maintenir une étanchéité entre les deux propositions de loi, en précisant que l’euthanasie et le suicide assisté ne peuvent être pratiqués ni dans les unités de soins palliatifs, ni par les équipes mobiles. Encore la semaine dernière, des professionnels de ce domaine me disaient qu’ils ne voulaient pas de ce texte et, surtout, qu’ils refusaient, s’il était adopté, que l’aide à mourir interfère avec leurs pratiques. La philosophie qui sous-tend cette proposition de loi est contraire à la vocation des unités de soins palliatifs. Nous risquons de perdre des effectifs dans ces unités, qui ont déjà du mal à recruter : malgré la stratégie décennale, nous n’avons pas atteint le nombre de lits prévu, par manque de personnel. Plusieurs personnes m’ont annoncé leur intention de quitter les soins palliatifs si le dispositif était déployé dans leur établissement.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Chaque jour, des personnes meurent dans des structures de soins palliatifs : il n’y a pas de raison de les traiter différemment des services d’oncologie et de gériatrie. Nous avons déjà défini quels acteurs devaient intervenir aux articles 5 et 6 ; nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 14, consacré à la clause de conscience. Celle-ci permettra aux soignants qui le veulent de ne pas participer à l’aide à mourir.

Avis défavorable.

Mme Annie Vidal (EPR). Les professionnels des soins palliatifs ne sont généralement pas enclins à pratiquer l’aide à mourir. Cependant, si le texte est voté, on ne pourra pas refuser ce droit aux personnes concernées qui rempliront les critères – souvent, les patients en fin de vie hospitalisés en soins palliatifs ne sont pas déplaçables. Les professionnels pourront opposer la clause de conscience. Reste à savoir si d’autres accepteront de se rendre en unité de soins palliatifs pour répondre à une demande.

M. Christophe Bentz (RN). Nous voterons cet amendement. Pourquoi y êtes-vous défavorable, monsieur le rapporteur ? Vous niez que l’aide à mourir soit une euthanasie ou un suicide assisté : il n’y a aucune raison de ne pas écrire que ces dernières sont interdites dans les unités de soins palliatifs !

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Lors de l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, vous avez refusé des amendements visant à exclure l’aide à mourir des soins palliatifs en arguant que le texte concernait les soins palliatifs, et nullement l’aide à mourir. Maintenant, vous soutenez qu’on doit y autoriser l’aide à mourir. Il faut être honnête et clair.

Mme Justine Gruet (DR). Les soins palliatifs sont notamment encadrés par la loi Claeys-Leonetti, que les professionnels du secteur appliquent au quotidien. Elle est adaptée à la situation des personnes qui vont mourir, mais pas à celle des personnes qui veulent mourir. Dans les unités de soins palliatifs, les places sont limitées. Le rapport au temps n’est pas le même que celui de l’euthanasie. L’engagement des professionnels de santé est spécifique. On peut demander l’euthanasie sans avoir reçu de soins palliatifs : il est compliqué de demander à ceux qui accompagnent les personnes en soins palliatifs d’accepter cet acte dans leur service.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Le principe d’égalité empêche d’interdire l’aide à mourir dans certains établissements, dans la mesure où la clause de conscience existe. J’ajoute que, grâce à l’excellente prise en charge des malades dans les unités de soins palliatifs, la demande d’aide à mourir y est presque nulle. Lorsque la loi a autorisé la sédation profonde et continue jusqu’au décès, les professionnels des unités de soins palliatifs n’étaient pas enclins à la laisser pratiquer dans leurs services – d’ailleurs, on n’y recourt pas partout de la même manière.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous progressons : après avoir expliqué qu’on ne pouvait limiter l’aide à mourir au domicile en excluant les établissements médico-sociaux puis les établissements de santé, parce que ceux-ci sont parfois le domicile, nous en venons aux unités de soins palliatifs – soins qui peuvent être dispensés à domicile. Bientôt, nous aurons épuisé la liste des institutions médico-sociales !

M. Thibault Bazin (DR). Les soins palliatifs fonctionnent ; le plus souvent, ceux qui les reçoivent renoncent à demander la mort. Cette loi, si elle est votée, risque de provoquer un conflit de valeurs, de créer une confusion angoissante pour les soignants : elle modifiera le dialogue que les membres de l’équipe entretiennent avec le patient. Celui-ci ne les interrogera plus sur ses besoins mais leur demandera comment, et quand. L’intention ne sera plus la même. J’entends les remarques des professionnels : si demain nous rencontrons une crise des vocations en soins palliatifs, le premier texte perdra de son effectivité.

M. Patrick Hetzel (DR). Les derniers amendements examinés soulèvent la question de la possibilité d’une clause de conscience d’un établissement. En Suisse, dans certains cantons, les établissements peuvent s’opposer à l’acte létal parce qu’il est contraire à leur éthique. Jean Leonetti l’a dit : « La main qui soigne ne peut pas être celle qui donne la mort. » La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs le souligne : nous détournons l’objet même de certains établissements, dont ce n’est pas la mission première.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Les unités de soins palliatifs reçoivent des patients atteints de maladies incurables en phase avancée voire terminale. Tous les soignants qui y travaillent ne sont pas opposés à l’aide à mourir. On y pratique la sédation profonde, même l’aide à mourir : nous n’avons pas pu recenser les sédations parce que les personnes répondent qu’elles en font un peu, peut-être, qu’elles ne savent pas – aussi avons-nous prévu leur traçabilité dans la première proposition de loi. Enfin, un patient qui demande l’aide à mourir peut ne pas aller au bout de la démarche. Mais savoir qu’il peut la solliciter, et être accompagné, le rassure.

M. Jean-François Rousset (EPR). Pour en avoir discuté avec des professionnels travaillant dans des services de soins palliatifs, je peux dire que leur malaise est lié à une certaine forme d’ambiguïté. On sait tous que les patients entrant en soins palliatifs n’en sortent qu’exceptionnellement, et qu’ils y sont accompagnés jusqu’à leur décès. Le mal-être ressenti et exprimé par les personnes que je connais vient du fait qu’on ne dit pas exactement ce qui se passe dans ces services.

Il faut bien admettre qu’une partie des soignants refusent de prendre part à cet acte que je qualifie, pour ma part, de médical, parce qu’il fait partie des soins. Nous devons les respecter et leur accorder un droit de retrait, en vertu de la clause de conscience. Les autres doivent voir leur activité sécurisée et encadrée par la loi, pour ne pas être mis en danger. C’est ainsi que nous pourrons répondre à la demande des 80 % de Français favorables à l’adoption de ce texte.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Monsieur Hetzel, il ne saurait y avoir de clause de conscience collective, d’établissement. Cette clause ne peut être qu’individuelle. C’est ce que m’ont dit, lors des auditions, le président du Conseil national de l’Ordre des médecins et la présidente du Conseil national de l’Ordre des infirmiers, à qui j’ai posé la question à dessein.

La commission rejette l’amendement.

Article 8 : Circuit de préparation et de délivrance de la substance létale

Amendements de suppression AS85 de M. Patrick Hetzel, AS308 de M. Thibault Bazin et AS971 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). La clause de conscience doit s’appliquer aussi aux pharmaciens. Du point de vue déontologique, la question est très simple : peut-on demander à quelqu’un de préparer une substance létale si cela est susceptible de heurter sa conscience ? Pour ma part, je pense que non. Voilà pourquoi je demande la suppression de l’article 8.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 8 porte sur la préparation de la substance létale par les pharmacies à usage intérieur (PUI) et sa transmission aux pharmacies d’officine. Or, en l’état, il ne prévoit aucune clause de conscience pour les pharmaciens.

Pour justifier cette absence, le Conseil d’État a considéré, dans son avis sur le projet de loi déposé l’an dernier par le Gouvernement, que « les missions de réalisation de la préparation magistrale létale et de délivrance de la substance létale ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens ». Une telle analyse semble sophistique. En effet, si le lien entre la préparation et l’administration de la substance létale est indirect, il n’en est pas moins certain, ladite substance ne pouvant servir qu’à donner la mort. Par ailleurs, un avocat auditionné l’an dernier par la commission spéciale rappelait qu’en droit pénal, les individus ayant concouru de près ou de loin à l’organisation d’un crime sont aussi passibles de poursuites.

Refuser d’accorder une clause de conscience aux pharmaciens travaillant dans les PUI et les officines reviendrait à obliger certaines personnes à préparer des substances dont l’unique usage serait en contradiction avec leur conscience. Une loi se voulant « de liberté » aboutirait donc à contraindre certains professionnels et à créer de la souffrance pour eux. C’est pourquoi il convient de supprimer l’article 8.

M. Philippe Juvin (DR). Nous souhaitons que les pharmaciens et toutes les personnes exerçant dans une officine ou dans une PUI puissent bénéficier de la même clause de conscience que les médecins.

Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, que l’instauration de clauses de conscience d’établissement était absolument inimaginable. Ce n’est pas tout à fait exact, car de telles dispositions existent, avec des exceptions. Ainsi, en vertu de l’article L. 2212-8 du code de la santé publique, un établissement de santé privé a la possibilité de refuser que des interruptions volontaires de grossesse soient pratiquées dans ses locaux.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous avancez deux arguments principaux pour demander la suppression de cet article.

D’une part, vous mettez en avant l’absence de clause de conscience des pharmaciens. Or il ne me semble pas que l’article 8 traite de la clause de conscience. C’est à l’article 14 que nous pourrons avoir ce débat.

D’autre part, vous arguez d’une incohérence supposée entre l’autodétermination de la personne en fin de vie et le fait qu’elle ne retire pas elle-même le produit létal. Or ce circuit s’explique par les conditions de sécurité que nous souhaitons garantir eu égard aux particularités de cette substance. En définitive, supprimer cet article reviendrait donc à fragiliser la sécurité du circuit du produit, ce que personne ne souhaite ici.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS972 de M. Philippe Juvin et AS137 de Mme Justine Gruet (discussion commune)

Mme Justine Gruet (DR). L’expression « préparation magistrale » relève d’une terminologie spécifique au domaine pharmaceutique : elle peut donc être mal comprise en dehors de ce cadre. Aussi conviendrait-il de la remplacer par les mots « substance létale », plus clairs et précis. Cela permettrait de mieux définir la finalité du produit, une « préparation magistrale » pouvant être élaborée dans un autre but que celui de donner la mort.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Alors que vous prétendez clarifier la rédaction de l’article 8, la suppression des mots « préparation magistrale » créerait de la confusion. Cette expression désigne en effet, aux termes de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, « tout médicament préparé selon une prescription médicale destinée à un malade déterminé lorsqu’il n’existe pas de spécialité pharmaceutique adaptée ou disponible ».

Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). Vous admettez donc qu’une préparation magistrale n’est pas forcément une substance létale. Le terme est plus large, plus générique. Or nous parlons ici d’un produit dont la finalité est de donner la mort : aussi l’adjectif « létal » me paraît‑il plus précis et plus clair.

Mme Camille Galliard-Minier. L’alinéa 2 précise pourtant bien que la pharmacie hospitalière à usage intérieur « réalise la préparation magistrale létale ». L’adoption de l’amendement de Mme Gruet conduirait ainsi à une répétition de l’adjectif « létal » dans la loi.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Merci, ma chère collègue, d’avoir relevé cette incohérence que j’avais omis de vous signaler.

L’amendement AS137 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS972.

Amendements AS446 de M. Jérôme Guedj et AS1146 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Je retire mon amendement au profit de celui du rapporteur, mieux rédigé.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Mon amendement rédactionnel vise à supprimer, à la première phrase de l’alinéa 2, le mot « hospitalière », car l’expression « pharmacie hospitalière à usage intérieur » n’existe pas dans le code de la santé publique.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Soyons vigilants : si l’on supprime le mot « hospitalière », l’article 8 parlera de « pharmacie à usage intérieur ». Or ce genre de pharmacie existe aussi dans certains Ehpad.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cela ne pose pas de problème, car l’article 8 indique que les PUI en question sont celles « mentionnées au second alinéa du VI de l’article L. 1111-12-4 » du code de la santé publique, tel qu’il résulte de l’article 6, alinéa 18, de la présente proposition de loi. Du reste, l’article 16, alinéa 5, précise que sont qualifiées de létales les préparations magistrales élaborées « par l’une des pharmacies à usage intérieur des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire désignées par arrêté du ministre chargé de la santé ».

M. le président Frédéric Valletoux. À ce moment-là, il aurait presque fallu supprimer les mots « hospitalière à usage intérieur ».

M. Jérôme Guedj (SOC). J’ai tenté de clarifier ce point dans l’exposé sommaire de mon amendement.

Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : nous considérons que toutes les PUI doivent être en mesure de préparer la substance létale, qu’elles soient hospitalières ou qu’elles appartiennent à des établissements sociaux ou médico-sociaux comme les Ehpad.

L’an dernier, la commission spéciale avait adopté des amendements visant à exclure les PUI des Ehpad du champ d’application de cette disposition. J’y suis opposé : puisque nous disons depuis le début de l’examen de ce texte que l’aide à mourir doit pouvoir être pratiquée dans un Ehpad, comme dans tout lieu de vie – domicile, établissement de santé ou établissement médico-social –, il serait paradoxal que la PUI de l’établissement concerné n’ait pas le droit de fournir la substance létale.

Mme Justine Gruet (DR). Sauf erreur de ma part, les services départementaux d’incendie et de secours sont aussi parfois dotés de PUI. Ne donnons pas à ces pharmacies des compétences inappropriées !

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous avions effectivement débattu de cette question l’année dernière : nous avions alors adopté des amendements interdisant aux PUI des Ehpad de préparer la substance létale. J’espère que nous ne reviendrons pas en arrière, car la circulation du produit au sein de ces établissements m’inquiéterait. Je ne dis pas qu’il ne faut attribuer cette compétence qu’à une seule PUI, mais les Ehpad ne sont pas des lieux adaptés.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Nous parlons ici d’une préparation magistrale, qui ne peut donc être élaborée que par un pharmacien ou un préparateur d’officine. Or il n’y en a pas dans les PUI des Ehpad.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). L’alinéa 3 de l’article 8 apporte des précisions très claires à ce sujet.

M. Jérôme Guedj (SOC). Effectivement, l’alinéa 3 règle la question : si la personne est hébergée dans un Ehpad doté d’une PUI, cette dernière remplit les missions de la pharmacie d’officine.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Des précisions sont également apportées à l’article 16, qui qualifie de létale une préparation magistrale élaborée « par l’une des pharmacies à usage intérieur des établissements de santé ou des groupements de coopération sanitaire désignées par arrêté du ministre chargé de la santé et délivrée dans les conditions mentionnées à l’article L. 5132-8 » du code de la santé publique.

L’an dernier, l’adjectif « hospitalière » avait été inséré pour rassurer les uns et les autres, mais quand on écrit la loi, il faut essayer d’utiliser la terminologie législative en vigueur dans le code de la santé publique. Or il s’avère que cette précision n’a pas à être apportée, puisqu’elle est déjà satisfaite par les dispositions existantes du code. Nous pourrons réaborder ce sujet, si vous le souhaitez, à l’article 16.

L’amendement AS446 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS1146.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1147 de M. Stéphane Delautrette.

Amendement AS444 de Mme Sandrine Runel

Mme Océane Godard (SOC). Alors que le texte ne prévoit aucun délai, il convient que la substance létale soit préparée, par la pharmacie à usage intérieur, et délivrée, par la pharmacie d’officine, « dès réception de la demande ». Il s’agit de répondre à des situations dans lesquelles le décès du patient est proche ou sa volonté susceptible de s’altérer rapidement.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends bien votre intention, mais la rédaction que vous proposez pourrait poser problème. Si la demande intervient très en amont, il peut se révéler impossible de réaliser ou de délivrer aussitôt la préparation magistrale, pour des raisons tenant à la conservation de cette dernière. Stéphane Delautrette a toutefois déposé un excellent amendement, AS1145, visant à garantir que la préparation et la délivrance de la substance létale sont compatibles avec la date d’administration retenue. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement au profit de celui du rapporteur.

L’amendement est retiré.

Amendements AS894 de Mme Danielle Simonnet et AS445 de Mme Océane Godard (discussion commune)

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Mon amendement vise à préciser le délai dans lequel la potion létale doit être préparée et à garantir sa conformité avec le délai imposé par la loi pour l’ensemble de la procédure d’aide à mourir. Il s’agit d’éviter que le temps nécessaire à la préparation de la potion létale entraîne un report de la date fixée par le patient, en lien avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, pour l’administration de la substance, ce qui viendrait restreindre le droit des personnes à accéder à l’aide à mourir dans les délais prévus par la loi.

Mme Océane Godard (SOC). Je retire mon amendement.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends votre intention, mais votre amendement semble concerner uniquement la transmission de la substance à l’officine, en faisant fi de sa délivrance par l’officine au professionnel de santé. Je vous propose donc, une nouvelle fois, de le retirer au profit de l’amendement AS1145 de M. Delautrette, qui me semble beaucoup plus exhaustif.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS932 de Mme Christine Loir

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens s’est inquiété des modalités d’entrée, dans les officines, des produits nécessaires à l’élaboration de la préparation magistrale, alors que les pharmaciens doivent déjà respecter un cahier des charges très strict en matière de stupéfiants. Avez-vous quelques éléments d’explication à m’apporter, monsieur le rapporteur ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous aurons l’occasion d’aborder cette question à l’article 9.

Je donne un avis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS309 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il apparaît nécessaire de préciser que la substance létale sera délivrée à l’unité.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS314 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Selon que le produit doit être administré par voie digestive ou intraveineuse, le conditionnement de la substance létale sera nécessairement différent. Si le produit est contenu dans une seringue, cette dernière devra être transportée dans un emballage scellé. Aussi convient-il de préciser que la pharmacie d’officine délivre la préparation magistrale au médecin ou à l’infirmier « selon un circuit du médicament prédéfini et sécurisé ».

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il n’est pas utile de le préciser à cet endroit. En effet, l’article 16 de la proposition de loi prévoit déjà que la définition de la substance létale relève des compétences de la Haute Autorité de santé (HAS), que la préparation magistrale doit être élaborée dans le respect des recommandations formulées par cette autorité, et qu’elle doit être délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 5132-8 du code de la santé publique relatif aux préparations vénéneuses. En outre, l’article 9 dispose que la substance doit être détruite dans les conditions prévues à l’article L. 4211-2 du même code. De la préparation à la destruction du produit létal, en passant par sa délivrance, l’ensemble du circuit du médicament est donc bien défini par la proposition de loi.

Votre amendement étant d’ores et déjà satisfait, je lui donne un avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Peut-être ces modalités correspondent-elles au droit commun régissant le transport et la transmission de substances entre une PUI et une pharmacie d’officine. Cependant, nous parlons ici d’un produit létal, qui nécessite peut-être des précautions supplémentaires. Je ne vois pas, à l’article 16, la notion de circuit « prédéfini et sécurisé ». J’ai le sentiment que nous devons quand même apporter cette précision, d’autant que je ne suis pas sûr que la HAS le fera.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Mme Leboucher, rapporteure pour l’article 16, apportera toutes les précisions nécessaires lorsque nous en viendrons à cet article. Le texte ne crée pas de circuit spécifique, puisque le parcours de la substance létale s’inscrit dans un circuit existant, qui est celui des préparations vénéneuses.

M. Nicolas Turquois (Dem). Ce niveau de précision relève du domaine réglementaire. Il serait dommage d’évoquer ces questions dans la loi, car cela enlèverait quelque chose de la vérité de ce texte, qui doit se limiter aux principes relatifs aux conditions d’accès au nouveau droit et au mode d’administration de la substance létale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS86 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Nous souhaitons compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « Le patient peut, à tout moment, par tout moyen et sans justification, décider de modifier sa décision et restituer le produit létal autorisé au médecin qui lui a fourni le produit. » Ainsi, nous pourrons être sûrs que des doses létales non utilisées ne se retrouvent pas à des endroits non appropriés.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

À aucun moment le patient ne détient le produit létal : la substance est délivrée par la pharmacie au médecin ou à l’infirmier, qui en dispose jusqu’au jour de l’administration, laquelle est réalisée par un professionnel de santé ou sous la surveillance de ce dernier. Si le patient renonce à demander l’aide à mourir, c’est évidemment ce professionnel de santé qui récupérera le produit non utilisé, ou ce qu’il en reste.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1113 de M. Julien Odoul

M. Julien Odoul (RN). L’an dernier, lors d’une audition organisée par la commission spéciale, le professeur Sadek Beloucif, référent pour les questions de fin de vie à la grande mosquée de Paris, avait expliqué qu’une substance létale mettait parfois plusieurs heures pour provoquer la mort. Aussi avons-nous déposé cet amendement de clarification, essentiel, visant à compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « La préparation magistrale létale est une préparation qui provoque la mort rapidement et sans souffrance. »

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

Cette précision me paraît inutile, car je pense que la HAS, chargée de définir la substance létale, mettra tout en œuvre pour que cela soit le cas. Personne n’a l’intention de faire souffrir qui que ce soit, ni de faire durer les choses.

M. Philippe Juvin (DR). Monsieur Odoul, nous ne pouvons que partager votre intention, mais aucune combinaison chimique ne peut nous garantir qu’aucun patient ne convulsera, ne sera pris de vomissements ou ne restera éveillé – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle une dose de secours est prévue. Nous savons qu’il y a des échecs. En tant qu’anesthésiste, j’ai déjà vu des patients qui ne s’endormaient pas. Malheureusement, aucun cocktail ne permet à coup sûr de vous endormir, puis de vous tuer, sans aucun risque de complication. Le document élaboré par l’Oregon comporte d’ailleurs un catalogue peu réjouissant de toutes les complications possibles.

M. René Pilato (LFI-NFP). C’est l’intention qui compte : lorsqu’un patient a des douleurs réfractaires et qu’il veut y mettre fin, on va évidemment tout faire pour que sa mort arrive rapidement et sans souffrance. Toutefois, comme l’a dit M. Juvin, on ne peut pas garantir ce résultat à 100 %, parce que nous n’avons pas tous la même constitution physique et que nous réagissons différemment aux substances pharmaceutiques. Dans dix ou vingt ans, lorsque la recherche aura progressé, on aura peut-être trouvé une substance qui réponde à votre souhait, à moins qu’une solution médicamenteuse permette de soulager toutes les douleurs, ce qui rendra ce texte inutile.

M. Patrick Hetzel (DR). Quoi que l’on dise, il se pourra que la mort n’intervienne ni rapidement ni sans douleur, alors même que l’objectif assigné au suicide assisté est d’abréger la souffrance. Aussi serait-il pertinent d’alerter les patients, en amont, sur les complications possibles.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Je tiens d’abord à rappeler que « létal » signifie « mortel ».

Par ailleurs, l’élaboration d’une préparation magistrale, plutôt que l’utilisation d’un médicament unique, permet d’adapter la posologie au poids du patient.

Enfin, comme je l’ai dit tout à l’heure lorsque nous avons discuté de la présence de mineurs aux côtés du malade, notamment en cas de décès programmé à domicile, la présence d’un médecin ou d’une infirmière au moment de l’administration de la substance létale permet précisément d’accompagner, si je puis dire, les complications éventuelles, telles que les convulsions ou les vomissements.

M. Christophe Bentz (RN). Nous ne comprenons pas votre position, monsieur le rapporteur.

L’aide à mourir est censée permettre une mort rapide et sans souffrance. Vous venez de confirmer que des complications pouvaient survenir, comme une agonie si le corps résiste à la dose létale, pourtant le texte ne prévoit aucune procédure de sécurité. Comme toujours dans cette proposition de loi, aucun garde-fou n’existe.

M. Jean-François Rousset (EPR). Les complications ou l’échec de l’acte découlent souvent de problèmes techniques liés à la voie d’administration – un cathéter bouché, par exemple –, et non à la substance létale en elle-même. Par exemple, on ne choisit pas l’administration par voie orale pour un malade dont la pathologie fait vomir.

M. Julien Odoul (RN). Je vous remercie de m’avoir appris la définition du mot « létal », madame Firmin Le Bodo ; permettez-moi de vous répondre qu’une simple fourchette peut avoir un effet létal.

M. Juvin a rappelé la gravité des éventuelles complications, qui peuvent conduire les patients à mourir dans de plus grandes souffrances que si on ne leur avait pas administré la dose létale. Il me paraît donc nécessaire de préciser que l’objectif de l’aide à mourir est de donner la mort en un minimum de temps, avec le moins de souffrance possible – d’où mon amendement.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je pense que nous mesurons tous la gravité du sujet.

Effectivement, monsieur Bentz, nous ne sommes absolument pas d’accord. Si l’article 9 prévoit la présence d’un médecin ou d’un infirmier aux côtés de la personne qui doit recevoir la dose létale, c’est justement pour pouvoir intervenir en cas de complications, même si nous espérons que celles-ci restent exceptionnelles.

Ne préjugez pas de la nature de la substance qui sera utilisée : je rappelle qu’il reviendra à la HAS de définir sa composition et son protocole d’administration. Je ne doute pas qu’elle proposera un produit et un protocole efficaces.

Je maintiens mon avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Je pensais que la HAS n’avait été saisie que sur les notions de phase avancée et terminale. L’a-t-elle été également s’agissant des modalités d’administration ?

Par ailleurs il me semblait que les auteurs du texte tenaient à ce que le malade soit libre de choisir la voie d’administration – voie orale ou intraveineuse, par exemple –, toutes n’emportant pas les mêmes conséquences – dans certains cas, la présence d’un tiers soignant est nécessaire. La HAS sera-t-elle finalement décisionnaire ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le patient sera libre de choisir entre l’auto‑administration et l’administration par un professionnel de santé, mais il reviendra à la HAS de déterminer la voie d’administration de la substance létale et sa composition – je vous renvoie à l’article 16. Le mode d’administration ne prédétermine pas la voie d’administration qui sera retenue.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1080 et AS1081 de M. Théo Bernhardt (discussion commune)

Mme Lisette Pollet (RN). Les amendements sont défendus.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS310 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement tend à préciser que seules les pharmacies d’officine volontaires et inscrites auprès de la commission nationale de contrôle et d’évaluation prévue par le texte sont habilitées à manipuler et à délivrer la substance létale. Identifier des pharmacies référentes permettra à la fois de respecter la liberté des pharmaciens et préparateurs en pharmacie qui ne souhaitent pas participer à la fabrication de la substance létale et de mieux tracer et circonscrire la manipulation et la délivrance de la substance létale qui, si elle passait en d’autres mains, pourrait avoir des conséquences non maîtrisées absolument désastreuses.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

Dans son avis sur le projet de loi de 2024, le Conseil d’État se déclarait défavorable à l’instauration d’une clause de conscience pour les pharmaciens, estimant que « les missions de réalisation de la préparation magistrale létale et de délivrance de la substance létale qui interviennent après la prise de décision et avant la mise en œuvre de l’administration de la substance létale, ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à la liberté de conscience des pharmaciens et des personnes qui travaillent auprès d’eux ».

M. Thibault Bazin (DR). Cette analyse est un peu sophistique. Personnellement, je comprendrais qu’un pharmacien ou un préparateur en pharmacie, sachant l’usage qui sera fait de la substance, décide, en conscience, de ne pas la préparer ou de la délivrer. Je ne comprends pas votre blocage.

M. Nicolas Turquois (Dem). Si l’on crée une clause de conscience, des pharmaciens pourraient, demain, refuser de délivrer d’autres médicaments, comme la pilule abortive. Je suis fermement opposé à cet amendement très dangereux.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La différence, monsieur Turquois, c’est que les contraceptifs sont prescrits par un médecin, et les pharmaciens n’ont pas le droit de refuser une ordonnance. Pour ma part, je ne suis a priori pas opposée à l’amendement de M. Bazin.

Permettez-moi de rectifier un point : un préparateur ne peut pas manipuler et délivrer des stupéfiants, et encore moins une préparation magistrale contenant une dose létale. Seul le pharmacien d’officine y est autorisé : c’est une question de responsabilité et d’éthique. Reste qu’il ne sera pas facile, pour les pharmaciens, de délivrer la dose létale à des patients qu’ils connaissent bien, comme c’est notamment le cas dans les zones rurales. Nous devons y réfléchir.

Mme Justine Gruet (DR). Pour produire la substance létale, suffira-t-il de mélanger les bons produits avec le bon dosage, ou les pharmaciens devront-ils suivre une formation particulière ? Le cas échéant, celle-ci sera-t-elle dispensée en formation continue ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La substance létale est une préparation magistrale, qui sera préparée dans les pharmacies hospitalières à usage intérieur, car celles‑ci disposent des compétences et des outils techniques permettant de respecter la forme galénique recommandée par la HAS. Elle sera ensuite acheminée dans la pharmacie d’officine dans des conditions sécurisées pour s’assurer que la substance reste bien active – cette procédure entre pharmacies hospitalières et pharmacies d’officine existe déjà.

Ensuite, je rappelle que les pharmaciens n’ont pas de clause de conscience, car ils n’ont pas à juger la prescription d’un médecin.

Enfin, le législateur a déjà refusé il y a quelques années d’accorder aux pharmaciens une clause de conscience – c’était à l’occasion des débats sur la pilule abortive.

M. Patrick Hetzel (DR). Je souhaite avancer quelques arguments supplémentaires d’ordre juridique en faveur de l’instauration d’une clause de conscience, réclamée par 80 % des membres du Syndicat national des pharmaciens des établissements de santé.

L’absence de clause de conscience est contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui considère que « la liberté de conscience est l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », et à la directive européenne reconnaissant l’objection de conscience à l’ensemble des personnels et établissements de santé. Notons qu’une telle clause a été accordée aux pharmaciens en Autriche, en Belgique, en Espagne, en Australie ou encore dans le Colorado.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS87 de M. Patrick Hetzel.

Amendement AS845 de Mme Sandrine Dogor-Such

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pour protéger le pharmacien et prévenir tout conflit d’intérêts entre le médecin prescripteur et la pharmacie d’officine, cet amendement tend à préciser que le pharmacien chargé de la délivrance de la préparation magistrale n’est ni un parent, ni un allié, ni le conjoint, ni le concubin ou le partenaire lié par un pacte de solidarité civile, ni un ayant droit du médecin prescripteur.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Pourquoi ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je ne comprends pas le dispositif, car il n’y a aucun lien direct entre le médecin prescripteur, qui adresse son ordonnance à la PUI, et la pharmacie d’officine chargée de délivrer la préparation létale, qui sera désignée par le médecin ou l’infirmier accompagnant le patient, en accord avec ce dernier, et non pas par le médecin prescripteur. Cette disposition répond également à votre inquiétude concernant les pharmaciens qui connaissent bien le patient demandant l’aide à mourir.

M. Hervé de Lépinau (RN). Nous savons tous ce que recouvre la notion de conflit d’intérêts – je vous rappelle que, par déontologie, nous n’avons pas le droit d’embaucher nos proches comme collaborateurs parlementaires.

S’agissant de la préparation et de la délivrance d’une solution létale, nous devons évidemment être les plus précis possible. Ce n’est pas au médecin de déceler un éventuel conflit d’intérêts, mais bien au pharmacien de le signaler le cas échéant. Grâce à cet amendement, ce dernier aura le droit de refuser de délivrer la substance létale si l’ordonnance concerne un proche. Cet amendement est frappé au coin du bon sens, et si vous n’en voyez réellement pas l’intérêt, alors je suis très inquiet pour la suite de nos débats.

Mme Justine Gruet (DR). On pourrait s’interroger sur un éventuel lien entre la personne qui prépare la substance et le patient auquel elle est destinée, mais l’amendement concerne un lien entre le pharmacien et le médecin prescripteur, ce qui est très différent.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). J’insiste : le pharmacien d’officine peut être pris entre le médecin prescripteur et le patient, si celui-ci est l’un des membres de sa famille. On pourrait lui reprocher d’avoir délivré la substance, même pour répondre à la demande d’un patient. Cela n’a rien à voir avec le cas que j’évoquais précédemment, celui d’un pharmacien d’officine qui risque de devoir délivrer la dose létale à un patient qu’il connaît depuis des années. Cela peut être difficile psychologiquement, mais cela ne relève pas d’un conflit d’intérêts.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je crois qu’il y a un problème de rédaction de l’amendement : on pourrait légitimement s’interroger sur le cas du pharmacien d’officine qui serait chargé de délivrer la dose létale à un proche ; mais en l’état, ce n’est pas ce que l’amendement prévoit.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Ce n’est pas parce qu’un pharmacien connaît bien le patient qu’il a un intérêt – quelque chose à gagner ou à perdre – dans la délivrance de la substance létale.

Et sans vouloir manquer de respect à la profession, les pharmaciens n’ont pas leur mot à dire sur la prescription établie par le médecin ou la composition de la substance létale ; ils doivent seulement s’assurer qu’il n’y a pas d’interactions avec d’autres médicaments pris par le patient et vérifier que ce dernier a bien compris la posologie. Ne mélangeons pas tout : le pharmacien obéira à la consigne du médecin, délivrera le médicament prescrit et laissera le patient faire ce qu’il a à faire.

Mme Annie Vidal (EPR). Je ne veux pas avoir l’air d’être une donneuse de leçon, mais ce que j’entends me laisse quelque peu interdite.

Nous avons tous des approches différentes, c’est bien normal, et nous aurons l’occasion de les formaliser à la fin des débats en votant pour ou contre le texte. Mais il y va de notre responsabilité de législateur de s’assurer que le texte est clair et bien écrit, pour garantir sa bonne application s’il venait à être adopté. Or certains amendements en feront un texte très bavard et inaudible.

C’est malheureusement le triste lot de tous les professionnels de santé – médecins, infirmiers, pharmaciens, aides-soignants – de risquer, un jour ou l’autre, d’avoir à prendre en charge un proche. Par exemple, un ami urgentiste a perdu son fils, décédé dans son service à la suite d’un accident de moto. C’est douloureux, mais la loi ne peut pas encadrer toutes les situations.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). J’ai bien entendu toutes les remarques. Je retire l’amendement, que je retravaillerai en vue de la séance publique.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je vous suggère de bien faire la distinction entre tous les acteurs de la procédure : le médecin prescripteur, la PUI de l’hôpital, qui prépare la substance à la demande du médecin prescripteur, la pharmacie d’officine et le professionnel de santé qui accompagne le patient dans la procédure. Chacun a un rôle bien défini et l’article suivant nous offrira l’occasion de clarifier les choses.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1145 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cet amendement est très attendu, puisque plusieurs d’entre vous ont retiré un amendement à son profit. Il prévoit que « la pharmacie à usage intérieur et la pharmacie d’officine réalisent leur mission dans un délai permettant l’administration de la substance létale à la date fixée ». Prévoir un délai de préparation et d’acheminement de la substance compatible avec la date d’administration fixée nous dispense de la difficile tâche d’arrêter un nombre de jours précis.

M. Christophe Bentz (RN). Je vous trouve dur avec les pharmaciens, hospitaliers comme officinaux. Vous leur déniez le droit d’avoir une conviction en leur refusant l’objection de conscience, vous ne voulez pas les protéger d’éventuels conflits d’intérêts et, maintenant, vous leur ajoutez une contrainte liée à la date prévue pour l’administration de la substance.

Je considère que toute personne doit avoir le droit, à tout moment, de refuser de participer, de près ou de loin, à la préparation ou à l’administration de la substance létale – j’y reviendrai à l’article 14.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

 

La réunion est suspendue de dix-sept heures dix à dix-sept heures trente.

 

Article 9 : Accompagnement de la personne pendant l’administration, modalités de cette administration et devenir de la substance létale non utilisée

Amendements de suppression AS88 de M. Patrick Hetzel, AS311 de M. Thibault Bazin et AS930 de Mme Christine Loir

M. Patrick Hetzel (DR). Cet article donne tout pouvoir au médecin pour arrêter une nouvelle date pour le suicide assisté et réintroduit, par une voie détournée, ce qui était qualifié dans l’avant-projet de loi de « secourisme à l’envers ». Mesure-t-on vraiment les conséquences de cette procédure sur les équipes médicales ?

Dans son avis 121, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) alertait sur ce sujet de déontologie médicale aussi grave que sensible, en arguant qu’il fallait « désamorcer l’illusion qui voudrait que l’euthanasie soit simple pour le médecin à qui il est demandé de prêter son concours ».

M. Thibault Bazin (DR). Cet article pose question, en particulier les alinéas 6 et 7.

L’alinéa 7 prévoit que le professionnel de santé reste à proximité du patient en cas de besoin, même s’il n’a pas administré la substance létale. C’est très flou : quelles difficultés peuvent survenir ? Que doit faire le soignant si les choses ne se passent pas comme prévu ? L’étude d’impact du projet de loi de 2024 précisait que le soignant pouvait injecter une dose supplémentaire de sécurité, mais cette possibilité ne répond peut-être pas à toutes les complications éventuelles. S’il décide d’interrompre la procédure, le patient risque-t-il de se retrouver dans un état de déficience sévère ? Si le corps rejette la substance, doit-on prévoir une deuxième dose à proximité et continuer la procédure ? Quelle est la responsabilité du médecin dans chacun de ces cas ? Et je ne parle pas de la présence des tiers si les choses se passent mal. Loin d’être exhaustives, ces interrogations sont déjà révélatrices des carences du texte.

En outre, aux termes de l’alinéa 6, si la personne qui a confirmé sa volonté de bénéficier de l’aide à mourir demande finalement un report de la date d’administration, le professionnel suspend la procédure et convient d’une nouvelle date. À aucun moment cette demande de report n’est analysée comme un signe implicite de doute. Faut-il systématiquement proposer une nouvelle date, au risque d’enfermer le patient dans une relation administrative laissant peu de place à l’écoute ?

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement AS930 est défendu.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Cet article, qui porte sur l’administration de la substance létale, est au cœur du dispositif d’aide à mourir. Je serai donc évidemment défavorable à sa suppression.

À l’image du texte, et dans la continuité des articles que nous avons adoptés jusqu’à présent, il traduit bien notre volonté de concilier célérité, responsabilité et réalité. Son équilibre repose notamment sur la confirmation de la volonté du patient, particulièrement importante, le rôle du professionnel, le choix laissé au patient entre auto‑administration et administration par le médecin ou l’infirmier – j’insiste sur cette précision, qui a conduit à rejeter une proposition de Danielle Simonnet – et la possibilité de demander un report de la date d’administration. Il prévoit également la traçabilité des actes et la destruction du produit létal.

Tout équilibré qu’il soit, cet article reste perfectible : avec Stéphane Delautrette, nous vous proposerons plusieurs amendements de précision ou de clarification. Le supprimer reviendrait à renoncer au droit à l’aide à mourir : j’appelle donc tous ceux qui soutiennent la création de ce droit à rejeter ces amendements de suppression.

M. René Pilato (LFI-NFP). L’article 9, qui cadre et sécurise la mise en œuvre de l’aide à mourir, répond précisément à toutes vos inquiétudes. Je vous invite donc à retirer vos amendements ; à défaut, nous voterons contre.

M. Thibault Bazin (DR). Proposer la suppression d’un article avec lequel on est en désaccord est un moyen d’expression parlementaire – chacun a pu le faire sur d’autres textes.

La suppression de l’article 9 viderait effectivement la proposition de loi de sa substance. Je ne suis pas opposé par principe à l’instauration de procédures. Cela étant, celle prévue à cet article suscite des interrogations de ma part, notamment les modalités fixées aux alinéas 6 et 7.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS820 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS993 de M. Philippe Juvin et AS89 de M. Patrick Hetzel (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Mon amendement vise à préciser que le professionnel de santé vérifie « jusqu’à la perte de conscience » que la personne souhaite procéder à l’administration de la substance létale.

Il s’agit d’appliquer la même procédure que lors de la sédation profonde et continue jusqu’à la mort, où l’on demande une ultime fois à la personne, en la regardant, au moment d’appuyer sur le bouton de la seringue électrique, si elle souhaite bien s’endormir définitivement.

M. Patrick Hetzel (DR). La formulation de mon amendement est légèrement différente : je propose que le médecin ou l’infirmer vérifie « jusqu’au dernier moment » le consentement de la personne.

Cet ajout souligne l’importance de faire preuve d’une vigilance éthique continue jusqu’à la dernière étape du processus. L’objectif de cette précision rédactionnelle est de rappeler que la personne concernée doit être pleinement informée de sa décision et avoir la possibilité, jusqu’au dernier moment, de revenir sur son choix. Cela garantirait le respect absolu de son autonomie et de sa liberté de décision.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La vérification du consentement est bien précisée dans le texte. Il est également prévu que le professionnel de santé assure la surveillance de l’administration de la substance. D’ailleurs, je défendrai des amendements de précision du rôle du médecin ou de l’infirmier afin qu’il soit clair que cette administration s’effectue sous sa surveillance quelles que soient ses modalités.

Avis défavorable sur ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS821 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). C’est un amendement de clarification.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS913 de M. Thomas Ménagé

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1143 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cet amendement de coordination avec l’article 2, tel que notamment modifié par l’amendement AS676 de Mme Élise Leboucher, vise à permettre à la personne de faire procéder à l’administration de la substance létale.

M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement, qui n’est pas vraiment de coordination, montre bien l’évolution du texte. Tant la proposition de loi, dans sa version initiale, que le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie étaient des textes encadrant le suicide assisté ; l’euthanasie constituait l’exception. Or article après article, amendement après amendement, le recours à l’euthanasie est élargi : ce n’est plus une exception.

M. Thibault Bazin (DR). En effet, votre amendement est cohérent avec celui adopté à l’article 2. Il reste qu’il traduit une évolution majeure : on va ainsi demander à un professionnel de santé de procéder à l’administration de la substance létale alors que la personne pourrait elle-même le faire. Jusqu’à présent, le principe était que la personne procédait à cette administration et que le professionnel n’intervenait que si elle n’était pas en mesure de le faire.

Avec cet amendement, l’implication du tiers soignant va être bien plus importante. Or c’était une ligne rouge pour certains collègues. Dans un souci de cohérence avec mon vote à l’article 2, je m’opposerai également à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS138 de Mme Justine Gruet

M. Philippe Juvin (DR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS994 de M. Philippe Juvin et AS537 de M. Yannick Monnet.

Amendement AS538 de Mme Karine Lebon

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1011 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Certes, nous avons introduit une clause de conscience pour le médecin. Mais d’autres professionnels de santé vont participer à la procédure. Cet amendement vise donc à créer une clause de conscience pour toute personne qui participerait à ces actes, notamment les aides-soignants qui procèdent à la toilette mortuaire. Personne ne semble se préoccuper des effets de ces actes sur eux. Ils ont appelé mon attention sur ce point.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous débattrons de ce sujet lors de l’examen du chapitre IV, consacré à la clause de conscience. Avis défavorable.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’aide-soignante concernée n’est pas obligée d’être présente lors de l’administration de la substance létale. Lorsqu’elle réalise la toilette mortuaire, qui est un acte ordinaire indépendant de l’aide à mourir, elle intervient a posteriori, comme les professionnels des pompes funèbres.

Cet amendement élargirait la clause de conscience à tous les professionnels qui ne participent pas directement à l’acte d’aide à mourir. Il faut rester vigilant sur ce que nous proposons.

M. Philippe Juvin (DR). Je m’y attache au moins autant que vous. Je m’appuie sur les retours du terrain des professionnels, notamment des aides-soignants, qui souffrent d’un manque de considération dans ce type de texte ; ce sont les invisibles. Ceux qui feront la toilette mortuaire peuvent être affectés par cet acte, notamment s’ils ont noué des liens de proximité avec un patient qu’ils ont suivi pendant plusieurs mois ou plusieurs années. Aujourd’hui, aucune clause de conscience ne les protège. Je souhaitais porter la voix des aides-soignants.

M. Christophe Bentz (RN). C’est un amendement de bon sens. Il est indispensable que la clause de conscience protège toutes les personnes – pharmaciens, infirmiers, médecins, etc. – qui participent de près ou de loin à cet acte. La clause de conscience doit être absolue et universelle.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il faudrait donc introduire une clause de conscience pour les personnes réalisant les actes prévus par la loi Claeys-Leonetti et qui y seraient opposées. Or vous ne l’avez jamais réclamée.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS1096 et AS997 de M. Philippe Juvin et AS139 de Mme Justine Gruet.

Amendement AS999 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS312 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Une personne malade qui demande un report de la date de son euthanasie ou du suicide assisté ne le fait pas de façon anodine. Cette demande ne doit pas être prise à la légère, comme semble le faire l’alinéa 6, qui prévoit qu’une nouvelle date sera fixée de manière systématique.

Ne conviendrait-il pas de réexaminer en profondeur la situation afin de creuser les raisons pour lesquelles le patient demande un report ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

Il existe deux cas de figure. Soit la personne souhaite renoncer à l’administration de la substance létale ou à l’aide à mourir et, dans ce cas, il est mis fin à la procédure, conformément à l’article 10. Soit la personne souhaite un report et, dans ce cas, il me semble nécessaire qu’une nouvelle date soit arrêtée selon les mêmes modalités que celles prévues à l’article 7.

Si le médecin a un doute sur la volonté libre et éclairée de la personne, il peut, à tout moment de la procédure, remettre en cause la décision collégiale. Toutes les précautions sont prises. Il s’agit de prendre en compte la volonté de la personne telle qu’elle l’exprime.

M. Thibault Bazin (DR). Pourquoi ne pas introduire à l’article 9, et non à l’article 10, la possibilité de mettre fin à la procédure ? Plutôt que de prévoir que le professionnel convient d’une nouvelle date, cet article pourrait donner la possibilité de convenir d’une nouvelle date. La rédaction actuelle est trop prescriptive.

Encore une fois, le fait qu’une personne demande à reporter l’administration de la substance n’est pas anodin. Si cela traduit la volonté de renoncer à l’acte, il pourra alors être mis fin à la procédure à ce stade. Et si elle souhaite effectivement reporter la date, elle pourra toujours le faire.

M. Patrick Hetzel (DR). Eu égard à la rédaction actuelle de l’alinéa 6, on peut considérer qu’une pression s’exercerait sur la personne pour qu’elle maintienne sa demande initiale. Certes, elle vise à s’assurer que les droits du patient sont respectés, mais l’ambivalence de la personne n’est pas prise en compte. La démarche du soignant devient en quelque sorte incitative, ce qui peut enfermer le patient dans sa demande initiale, alors même qu’il serait hésitant. Faire marche arrière et changer d’avis sera d’autant plus difficile à mesure que l’état du patient s’aggrave. Alors que ses forces diminuent, la procédure risque fort de contraindre l’expression de sa volonté. Un tel dispositif n’existe pas dans la loi belge relative à l’euthanasie bien que ce soit l’une des lois les plus coercitives en la matière.

Mme Annie Vidal (EPR). À ce stade de la procédure, la question n’est pas de fixer une nouvelle date mais de s’interroger sur la demande de report ; elle signifie forcément quelque chose dans le cheminement du patient. Ce n’est pas en lui proposant une nouvelle date qu’on l’aidera à poursuivre ce cheminement dans un sens ou dans un autre. Je suis favorable à cet amendement.

Mme Justine Gruet (DR). Je suis favorable à cet amendement, mesuré. Il permet de s’interroger sur les raisons qui poussent la personne à vouloir interrompre cette procédure. La rédaction actuelle est indélicate : si, à ce stade, le patient exprime la volonté d’arrêter la procédure, il serait malvenu que le médecin lui demande immédiatement de fixer une nouvelle date. Le fait de prévoir que la demande de report met fin à la procédure n’empêchera pas de convenir d’une autre date et de respecter la volonté de la personne.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Si le patient demande un report, il faut essayer d’en comprendre les raisons ; à ce stade, convenir d’une nouvelle date n’est pas essentiel. Ne serait-il pas plus judicieux de recommencer la procédure afin d’être sûr que la décision du malade est formelle ?

M. Yannick Monnet (GDR). J’ai bien compris la stratégie d’entrave – cette expression n’a rien de péjoratif dans ma bouche – car vous êtes opposés à ce texte. Néanmoins, cet amendement pourrait précisément aller à l’encontre des objectifs que vous visez : le patient pourrait renoncer à demander un report, découragé à l’idée de devoir recommencer la procédure depuis le début. Vous enfermerez le patient dans une logique qui le conduira à aller au bout de la démarche sans demander de report.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS822 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS91 de M. Patrick Hetzel et AS606 de Mme Annie Vidal

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement poursuit le même but que les amendements précédents.

Mme Annie Vidal (EPR). Il s’agit de supprimer la mention portant sur la fixation d’une nouvelle date. Cela reviendra en effet à enfermer le patient dans une procédure dont il aura peut-être du mal à sortir en raison de son épuisement ou de la contrainte qui s’exercerait ainsi sur lui. On peut y voir une forme d’incitation à faire une nouvelle demande. À ce stade de la procédure, j’ai du mal à concevoir que le médecin demande de convenir d’une nouvelle date ; je l’imagine plutôt faire preuve d’écoute à l’égard du patient.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Pour les mêmes raisons, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS315 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement de repli vise à prévoir que le professionnel de santé « peut convenir » et non pas « convient » d’une nouvelle date si la personne le demande. Il devrait vous satisfaire, monsieur le rapporteur, car il répond aux cas de figure que vous avez exposés, monsieur le rapporteur : soit la personne renonce, soit elle peut reporter l’administration. Cet amendement vise à respecter le patient en s’assurant de son consentement libre et éclairé, sans incitation.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

L’argument selon lequel la rédaction actuelle inciterait la personne à aller au bout de la démarche pourrait s’appliquer à votre amendement. En effet, la personne pourrait ne pas renoncer le jour J de peur de ne plus pouvoir aller au bout de la procédure ensuite alors même qu’elle aurait souhaité reporter l’échéance.

En cas de report, la personne devra de nouveau choisir la date, le lieu et les personnes qui l’accompagneront lors de l’administration de la substance létale, conformément à l’article 7. La procédure fait l’objet de garanties maximales pour préserver la personne et s’assurer de son consentement libre et éclairé.

Mme Justine Gruet (DR). Monsieur Monnet, c’est la rédaction actuelle qui enferme le patient sans tenir compte de l’appel qu’il lance. Mettre fin à la procédure n’annulerait pas la demande car la procédure est plutôt rapide.

À partir du moment où le professionnel de santé « convient d’une nouvelle date », il n’est pas tenu compte de la volonté du patient. À défaut de mettre fin à la procédure, il importe d’introduire la possibilité de convenir d’une nouvelle date.

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement de M. Bazin met le patient au cœur de la procédure ; cet objectif doit nous réunir. La possibilité de convenir d’une nouvelle date à la demande expresse du patient lèverait toute ambiguïté sur le rôle de chacun.

Cette formulation bienveillante à l’égard du patient garantirait que sa volonté expresse soit prise en compte.

Mme Annie Vidal (EPR). En donnant un avis défavorable à cette série d’amendements, vous faites preuve d’une extrême froideur. Le patient qui répond aux cinq critères qui ont été fixés – il est donc gravement malade – ayant suivi une procédure lourde, convenir d’une nouvelle date lorsqu’il souhaite l’interrompre au dernier moment est presque inhumain ; cela me heurte profondément. Il faut entendre cette personne qui veut tout arrêter. Pourquoi ? Que se passe-t-il ? A-t-elle des doutes ? Des angoisses ? Peut-être a-t-elle besoin de parler et doit-elle être orientée vers quelqu’un.

M. Thibault Bazin (DR). Je ne remets pas en cause le droit que vous souhaitez créer ; je donne seulement la possibilité de convenir d’une date si la personne le demande. Cette formulation est cohérente avec votre philosophie, monsieur le rapporteur.

Nous sommes en train de modifier le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique qui concerne la protection, les droits, l’information et l’expression de la volonté des malades. Si la personne demande un report, n’est-ce pas là le signe d’une fluctuation de sa volonté ?

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Nous nous rejoignons sur la nécessité de tenir compte de la volonté de la personne. L’alinéa 6 va précisément dans ce sens : « Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report [...] le professionnel de santé suspend la procédure et convient d’une nouvelle date ». Demander un report – soit demander une nouvelle date – ce n’est pas renoncer. En tout état de cause, la personne a toujours la possibilité de renoncer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS741 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous retirons cet amendement dont nous souhaitons retravailler la rédaction pour la séance.

L’amendement est retiré.

Amendements AS448 de Mme Sandrine Runel et AS746 de M. Hadrien Clouet (discussion commune)

M. Jérôme Guedj (SOC). Par l’amendement AS448, il s’agit de ciseler la rédaction de l’alinéa 7 qui prévoit que « lorsqu’il n’administre pas la substance létale, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est pas obligatoire ».

Nous estimons au contraire que, lors du suicide assisté, il est souhaitable qu’un professionnel de santé soit présent pour superviser et sécuriser l’ensemble de la procédure. Il nous semble nécessaire d’éviter par exemple des scénarios catastrophe, comme un pacte suicidaire avec le reste de la famille.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par l’amendement AS746, nous proposons également de modifier l’alinéa 7 afin d’imposer la présence systématique, aux côtés du patient, du professionnel de santé, même si celui-ci n’administre pas la substance létale. Nous éviterons ainsi tout scénario catastrophe de mauvais usage de la substance létale. Cela permettra de rassurer, d’accompagner et, si le patient le demande, d’interrompre le processus.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je suis d’accord avec vous, le professionnel de santé doit se trouver aux côtés du patient, même lorsqu’il n’administre pas la substance létale. Nous avons proposé un amendement de clarification à l’alinéa 5. Le rapporteur en présentera un second à l’alinéa 7, l’amendement AS1142, afin de distinguer deux phases.

Durant la phase d’administration elle-même, le professionnel sera présent aux côtés du malade, qu’il administre ou non la substance, par souci de sécurité. Durant la phase qui suit l’administration, en revanche, la présence du professionnel aux côtés du malade ne sera pas obligatoire, permettant un moment d’intimité entre le malade et ses proches, si le malade le souhaite. Le professionnel devra toutefois se trouver à une proximité suffisante afin d’intervenir en cas de difficultés.

Vos amendements ont l’inconvénient de ne pas aborder cette seconde phase. Je vous demande donc de les retirer, au profit de l’amendement AS1142.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Je retire mon amendement.

M. Jérôme Guedj (SOC). Dès lors que les bonnes pratiques concernant la seconde phase seront précisées pour les établissements, je retire mon amendement.

Les amendements sont retirés.

Amendements AS656 de M. Charles de Courson et AS539 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Charles de Courson (LIOT). Votre distinction entre les deux phases ne tient pas. Après l’administration du produit, le malade peut mal réagir, des complications sont possibles. Le médecin doit obligatoirement rester présent à ses côtés jusqu’au décès. Mon amendement prévoit cette précaution nécessaire.

M. Yannick Monnet (GDR). Je pense également que le médecin doit rester présent jusqu’au bout. L’aide à mourir est un acte, non pas de soins, mais médical, dont les conséquences doivent être surveillées. Je comprends le besoin d’intimité, mais je sais que dans ces moments‑là, les professionnels de santé sont capables de se mettre en retrait, tout en restant dans la même pièce. Il ne faut pas qu’ils puissent se trouver dans une pièce adjacente, comme semble le permettre l’amendement AS1142.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Non, l’amendement AS1142 ne prévoit nullement que le médecin change de pièce après l’administration. Durant la première phase, d’administration, le médecin se trouvera « aux côtés de la personne », c’est-à-dire à proximité immédiate du malade, dans une surveillance active. Durant la phase du décès, le professionnel de santé sera toujours présent, mais, si le malade le souhaite, il sera simplement « suffisamment » proche pour intervenir en cas de difficultés – autrement dit, au fond de la pièce. J’y tiens, il doit rester présent jusqu’au décès, pour intervenir en cas de problème.

Je vous demande donc de retirer vos amendements.

L’amendement AS539 est retiré.

M. Charles de Courson (LIOT). Je ne partage pas votre analyse de l’amendement AS1142. Le médecin devra être présent jusqu’au bout. Je maintiens mon amendement. L’intervalle de temps entre l’injection et le décès effectif variera selon les personnes – il pourra durer quinze ou vingt minutes, par exemple.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Non ! Cela ne durera pas quinze ou vingt minutes !

Mme Annie Vidal (EPR). Monsieur Monnet, l’administration de la substance ne sera pas un acte médical. Ce sera un droit inscrit dans le code pénal et non dans le code de la santé publique. Aux termes de l’article 2, « l’aide à mourir [sera] un acte autorisé par la loi au sens de l’article 122-4 du code pénal ».

M. Thibault Bazin (DR). Pour définir la notion de proximité suffisante, l’alinéa 7 de l’article 9 fait référence « aux recommandations prévues aux 23° de l’article L. 161-37 » du code de la sécurité sociale. Or cet article, qui fait référence à la HAS, ne comprend pas de 23°. Outre que la rédaction n’est pas claire, elle fait référence à un alinéa qui n’existe pas.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le 23° de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale sera créé par le présent texte.

M. Thibault Bazin (DR). C’est le serpent qui se mord la queue. On nous demande de nous fonder sur une disposition qui n’est pas encore adoptée !

M. René Pilato (LFI-NFP). Monsieur de Courson, l’adoption de votre amendement conduirait à rédiger ainsi l’alinéa 7 : « La présence du professionnel de santé aux côtés de la personne est obligatoire, afin de pouvoir, lorsqu’il n’administre pas la substance létale, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est pas obligatoire. » Cette phrase n’a pas de sens. Vous devriez retirer l’amendement pour le réécrire en vue de la séance publique. Sachez en tout cas que mon amendement AS744 répondra à votre préoccupation.

La commission rejette l’amendement AS656.

Amendement AS1142 de M. Stéphane Delautrette

M. Thibault Bazin (DR). La nuance entre présence et proximité est de taille. Par ailleurs, le présent article ne tend pas à créer le 23° de l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, qui doit fixer les recommandations en la matière.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. C’est l’article 16 du présent texte qui créera cet alinéa. Monsieur Bazin, ne cherchez pas à créer la confusion. Vous avez très bien compris le sens de cet amendement, qui distingue une phase d’administration de la substance durant laquelle le professionnel de santé devra être aux côtés du malade, et la phase du décès, qui nécessite la surveillance du professionnel de santé. Celui-ci sera alors suffisamment proche pour intervenir en cas de difficultés – même s’il pourra se tenir en retrait, si le patient souhaite se trouver dans l’intimité de sa famille dans ce moment difficile. Nous garantirons ainsi la sécurité et le respect de l’intimité, dans un moment grave. Tout le monde peut comprendre que la personne qui décède préfère être avec ses proches, qui l’entourent.

M. Jean-François Rousset (EPR). Monsieur Bazin, à certains moments vous déplorez l’absence d’humanité du texte ; à d’autres, vous la réclamez.

Cet amendement fait appel à l’humanité des médecins. Ils savent qu’à certains moments, il faut se retirer.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement et les précédents auraient dû faire partie de la même discussion commune. L’amendement AS744 de M. Pilato me semble meilleur que l’amendement AS 1142 du rapporteur.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 16 du présent texte vise effectivement à créer un 23° à l’article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, afin de compléter les missions de la HAS. Mais si cet alinéa évoque bien la préparation des substances létales, il ne confie pas à cette autorité la mission de définir la proximité des professionnels de santé. Ce sera un problème à l’article 16.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS744 de M. René Pilato et AS745 de Mme Karen Erodi, amendements identiques AS742 de M. Hadrien Clouet et AS743 de Mme Élise Leboucher, amendements AS449 de Mme Sandrine Runel, AS153 de M. Patrick Hetzel et AS1000 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous proposons la rédaction suivante : « le professionnel de santé demeure aux côtés de la personne, afin de veiller à ce qu’aucune difficulté ne survienne et d’être en mesure d’intervenir si nécessaire. » Voilà qui permettra de rassurer tout le monde.

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Le droit à disposer de sa propre fin de vie doit s’exercer dans un cadre serein et sûr, avec l’accompagnement médical, professionnel et personnel que chacun peut légitimement attendre au moment ultime.

J’appelle votre attention sur la vigilance que requiert la préparation létale, sa remise, son usage et son éventuel retour. Ces questions ne sont pas mentionnées concernant l’auto‑administration du produit. Comment assurer une intervention rapide en cas d’incident ? Comment assurer la bonne administration du produit létal si le professionnel de santé n’est pas physiquement présent dans la pièce ? Nous proposons qu’il se tienne obligatoirement aux côtés du malade, y compris dans le cas d’auto-administration du produit, afin d’assurer la traçabilité du produit, la sécurité de chacun et chacune et l’accompagnement nécessaire.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La liberté que nous créons requiert un cadre pour garantir la sûreté de la chaîne d’utilisation du produit. Le malade et ses proches ne peuvent être laissés seuls avec un produit létal.

Les amendements AS743 et AS449 sont retirés.

M. Patrick Hetzel (DR). Vous le savez, nous n’étions pas favorables à l’exception d’euthanasie, mais puisque la commission l’a permise, nous nous adaptons. Même l’auto‑administration peut poser des difficultés. Le professionnel doit donc toujours être présent. C’est l’objet de cet amendement.

L’amendement AS1000 est défendu.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La légistique a encore des mystères pour moi. Je ne comprends pas que l’adoption de mon amendement n’ait pas fait tomber ceux‑ci, puisqu’il les satisfait.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1012 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1141 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cet amendement rédactionnel vise à substituer aux mots « doit toutefois se trouver à une proximité suffisante » les mots « est toutefois suffisamment près ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS747 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Il faut préciser que le professionnel de santé « veille[ra] à ce que la personne ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou pour renoncer à l’administration de la substance létale », afin de garantir que le patient décidera en âme et conscience.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

Le jour J, dans un premier temps, le médecin vérifiera que le patient confirme sa demande d’aide à mourir. Il n’est pas prévu qu’il le fasse devant des tiers susceptibles d’exercer des pressions. La précision demandée n’est donc pas nécessaire. Le professionnel de santé devra s’assurer de la volonté libre et éclairée du patient tout au long du processus.

M. René Pilato (LFI-NFP). Il faut vraiment que le professionnel de santé s’assure que le patient exerce librement son droit à choisir sa fin de vie, et que son entourage n’exerce pas de pression, quel que soit son choix. Ce n’est pas anodin.

M. Julien Odoul (RN). Nous voulons également garantir que le patient en fin de vie ne subira aucune pression, de quelque ordre et à quelque moment que ce soit. Toutefois, la précision « ou pour renoncer à l’administration » prévue par l’amendement nous gêne.

Nous avons évoqué la possibilité que l’entourage familial, par intérêt financier notamment, pousse le patient à recourir à l’aide à mourir. À l’inverse, il faut préciser de nouveau que jusqu’au dernier moment, le patient en fin de vie doit pouvoir se rétracter.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement vise à garantir le droit du malade à décider librement – qu’il maintienne son choix, ou se rétracte.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1111 de M. Julien Odoul et AS163 de Mme Natalia Pouzyreff (discussion commune)

M. Julien Odoul (RN). Les mots « proximité suffisante » à l’alinéa 7 créent un grand flou quant à la distance à laquelle devra se tenir le professionnel de santé. Par souci de clarification, mon amendement vise à leur substituer les mots « dans un lieu accessible en moins de quinze minutes en véhicule terrestre à moteur ». Nous protégerons ainsi les patients en fin de vie, car l’administration de la substance létale peut entraîner des réactions et des complications.

Mme Annie Vidal (EPR). L’amendement AS163 vise également à préciser la notion de « proximité suffisante ». Pour ma part, je propose que celle-ci implique « la vision directe ». Ainsi, le professionnel pourra se retirer de l’espace intime du patient. Il se trouvera toutefois dans la même pièce, avec la discrétion qui s’impose. Il pourra voir ce qui se passe et intervenir rapidement.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable à l’amendement AS1111. Il n’est pas question de permettre au professionnel de santé de quitter les lieux. Il doit rester présent jusqu’au décès du malade.

En revanche, avis favorable à l’amendement AS163.

Mme Justine Gruet (DR). Je m’interroge sur le délai entre l’injection létale et le décès du patient. En Oregon, celui-ci a pu durer jusqu’à 104 heures – quasiment cinq jours ! Si la durée excède plusieurs heures, un médecin sera-t-il être mobilisé jusqu’au bout ?

M. Thibault Bazin (DR). L’article 16 du présent texte prévoit que la HAS élaborera « des recommandations de bonne pratique portant sur [l]es substances [létales] et sur les conditions de leur utilisation » – cela inclut-il la proximité des professionnels de santé avec le patient ? Il faudra clarifier ce point.

Même si le professionnel de santé dispose d’une vision directe sur le patient, que se passera-t-il si l’administration du produit ne se déroule pas comme prévu ?

Mme Karen Erodi (LFI-NFP). Monsieur Odoul, l’exposé sommaire de votre amendement prévoit qu’en cas d’« arrêt cardiaque », le demandeur de l’aide à mourir devra « être secouru par le professionnel de santé ». Puisque vous vous proposez de nous éclairer, expliquez-moi : voulez-vous que le patient soit secouru pour lui accorder un délai supplémentaire de réflexion après l’injection ?

M. Christophe Bentz (RN). Ces deux amendements montrent le flou de votre texte. L’expression « proximité suffisante » ne veut rien dire.

Je déposerai un amendement pour la séance publique afin que la proximité du professionnel de santé avec le patient soit également garantie dans les établissements de santé. Vous n’avez pas prévu de cadre, au cas où l’injection ne fonctionne pas, pour protéger le patient. S’il résiste et ne meurt pas, faut-il le secourir ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Monsieur Bentz, vous souhaitiez interdire les injections à l’hôpital. Soyez cohérent !

Monsieur Bazin, l’alinéa 7 du présent article renvoie aux recommandations qui seront inscrites dans la loi aux termes de l’article 16. Ainsi, la HAS pourra préciser la préparation et l’utilisation des substances.

M. Julien Odoul (RN). Si la substance létale entraîne de graves complications et des souffrances pour le patient, il est du devoir du professionnel de santé de le réanimer. On ne peut pas laisser la personne agoniser pendant plusieurs heures au prétexte qu’elle a demandé l’aide à mourir. Cette question met en lumière la gravité de l’acte et le flou qui entoure les dispositions que vous nous appelez à voter. Il faut apporter une précision dans la loi au sujet de la notion de proximité.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Qu’on soit pour ou contre le texte, on doit déterminer la conduite à tenir dans un tel cas de figure. Faut-il réanimer la personne et entamer une nouvelle procédure ? Il convient de cadrer les choses.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). La présence d’un professionnel de santé aux côtés du patient, lorsque celui-ci a souhaité mourir à son domicile, a pour objet de l’accompagner jusqu’au décès. En cas de convulsions ou de vomissements, le professionnel de santé serait là pour le soulager. En revanche, il n’a pas pour rôle de réanimer la personne qui a demandé à mourir, car cela constituerait une forme d’obstination déraisonnable. Il est prévu que le professionnel dispose d’une dose de secours si la première dose ne suffisait pas.

M. Hervé de Lépinau (RN). Nous devons penser aux effets de bord. Nous savons que la solution létale ne produira pas toujours l’effet escompté. Le mouvement abolitionniste, aux États-Unis, a précisément fait état de cas dans lesquels l’agonie du condamné auquel on avait administré la substance létale avait duré plusieurs heures. En outre, je vous rappelle un cas dramatique qui avait défrayé la chronique aux Pays-Bas : un médecin, témoin d’une injection létale qui ne fonctionnait pas, a dû achever le patient en l’étouffant à l’aide d’un oreiller.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Vous mélangez tout, cher collègue, puisque vous évoquez l’exécution de détenus aux États-Unis, qui sont souvent en pleine santé – on s’assure d’ailleurs qu’ils le soient avant de les exécuter. Dans le cadre de ce texte, nous parlons de personnes en fin de vie. En outre, le professionnel de santé disposera d’une dose supplémentaire en cas de besoin. Il n’est absolument pas nécessaire de réanimer quelqu’un qui demande à mourir – car tel est, rappelons-le, l’objectif poursuivi. Je vous invite à relire le texte.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). On ne peut que se réjouir que nos collègues du Rassemblement national critiquent la peine de mort et son exécution, ce qui marque l’abandon d’une ligne idéologique qu’ils ont suivie pendant des décennies – ce châtiment cruel faisait en effet partie de leurs objectifs politiques. Vous avez eu l’occasion de voter deux amendements qui prévoyaient la présence de la soignante ou du soignant dans la pièce où se déroule l’aide à mourir, à quelques mètres de la personne malade, mais vous les avez rejetés. À présent, vous proposez que le professionnel se trouve dans un lieu accessible en moins de quinze minutes en véhicule à moteur. Le critère retenu me surprend eu égard à l’objectif visé, qui est de permettre l’intervention rapide du soignant. Pour ces différentes raisons, il convient de rejeter l’amendement.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je veux dire à nos collègues du Rassemblement national que la comparaison qui a été suggérée avec la peine de mort aux États-Unis est totalement odieuse. Vous avez parfaitement le droit de vous opposer au texte mais ne dressez pas un tel parallélisme, qui est inacceptable.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Nous débattons d’un sujet de société : il n’est donc pas utile de détailler les visions politiques de chaque parti. Il est loisible aux députés de poser des questions. Il faut faire preuve d’un peu de respect : on ne peut pas s’exprimer comme l’a fait M. Clouet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS317 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Si l’on ne craignait pas la survenue de difficultés, la présence d’un professionnel de santé à proximité du malade ne serait pas nécessaire. Si le mode d’administration – par exemple par la voie digestive ou intraveineuse – se révélait inadapté, la dose de secours n’aurait pas plus d’effet que la première. Il faut s’interroger sur la conduite que doit adopter le professionnel dans un tel cas de figure.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Si l’on ne traite pas les difficultés potentielles, on fera peser une responsabilité considérable sur le professionnel de santé, ce qui pourrait faire réfléchir les personnes envisageant de se porter volontaires. La question est de savoir si le professionnel peut, à un certain moment, mettre fin à la procédure.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS318 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je propose que l’on précise par un décret en Conseil d’État, pris après avis de la HAS et du CCNE, les caractéristiques, les conditions et les modalités de la possible intervention du professionnel de santé en cas de survenance des difficultés mentionnées à l’article 9.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je vous renvoie à nouveau à l’article 16. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 16 évoque les conditions d’utilisation du produit létal et non les conditions et les modalités de la possible intervention du professionnel. Il convient de préciser cet aspect des choses.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS332 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Cet amendement vise à renforcer la transparence de la procédure en précisant que le certificat de décès légal ne peut être rédigé que par le médecin qui a personnellement aidé et accompagné la personne en fin de vie.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

Votre amendement n’est pas cohérent avec le texte et le droit en vigueur : d’une part, un infirmier peut, aussi bien qu’un médecin, accompagner la personne ; d’autre part, depuis de récentes expérimentations et leur généralisation dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, les infirmiers formés – et eux seuls – peuvent également établir un certificat de décès. L’infirmier qui a accompagné le malade pourrait ne pas être en mesure d’établir le certificat s’il ne remplissait pas les conditions de formation.

M. Thibault Bazin (DR). Il conviendrait de renforcer la transparence et la traçabilité de la procédure. Peut-on travailler sur cette question d’ici à la séance ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous sommes prêts à y travailler.

J’ajoute que l’article 9 contient des dispositions en matière de traçabilité : son alinéa 11 prévoit en effet que « Le professionnel de santé mentionné au premier alinéa du I du présent article dresse un compte rendu de la mise en œuvre des actes prévus aux I à III. » Le certificat de décès ne sera donc pas la seule preuve de la réalisation des actes.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS586 de Mme Nicole Dubré-Chirat et AS895 de Mme Danielle Simonnet

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). L’amendement vise à préciser que la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir est réputée décédée de mort naturelle, en lien avec l’affection dont elle souffre. C’est bien la maladie, en effet, qui va conduire à la mort, tandis que l’aide à mourir accompagne la personne. Il s’agit d’épargner aux familles des difficultés liées aux assurances, aux banques ou aux mutuelles.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Il est essentiel que la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir soit réputée décédée de mort naturelle. En effet, elle est bien décédée des suites de son affection. Le recours à l’aide à mourir est une conséquence directe de l’affection dont elle souffre. Cette précision est fondamentale pour préserver les droits des héritiers et des ayants droit.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je comprends tout à fait vos arguments. Je rappelle, comme la ministre l’a fait lors de la discussion générale, qu’il n’y a pas d’enjeu assurantiel lié à la cause de la mort, compte tenu des dispositions de l’article 19. Il me semble que le décret en Conseil d’État prévu à l’article 13 pourrait utilement apporter la précision que vous souhaitez introduire dans la loi. En effet, cette disposition relève davantage, à mon sens, du domaine réglementaire. Nous pourrions obtenir un engagement de la ministre en séance.

Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Christophe Bentz (RN). Je suis stupéfait que vous donniez un avis de sagesse sur des amendements tels que ceux-ci, qui n’ont aucun sens et poussent le mensonge sémantique encore plus loin. Non seulement on n’emploie pas les bons termes, mais on irait jusqu’à dire que la mort résultant de l’administration d’une substance létale est réputée naturelle et découle de la maladie. La réalité est inverse puisque c’est la dose létale qui, comme son nom l’indique, donne la mort. Ce ne peut donc pas être une mort naturelle.

M. Thibault Bazin (DR). Depuis le début de l’examen de ce texte, on a recours à de doux euphémismes. En l’occurrence, on voudrait dire qu’il s’agit d’une mort naturelle alors qu’on a administré une substance à la personne avec l’intention de provoquer la mort. Ces amendements me mettent mal à l’aise. Je ne souhaite pas que la ministre s’engage à ce que l’on affirme quelque chose qui ne correspond pas à la réalité. On ne cesse de nous dire que la loi concerne les personnes qui vont mourir très vite. Or elle peut s’appliquer à des malades qui ne sont pas en fin de vie, pour lesquels le pronostic vital n’est pas engagé à court terme et qui pourraient continuer à vivre plusieurs mois ou plusieurs années. Il est inexact de prétendre que leur mort sera naturelle. Cela étant, chacun a conscience des enjeux patrimoniaux qui s’attachent à cette question.

M. Philippe Juvin (DR). Il s’agit d’une demande de longue date de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, dont la proposition de loi de 2018 affirmait, en son article 3 : « Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide active à mourir. »

Je partage les avis qui ont été exprimés : on est en train de prétendre quelque chose qui n’existe pas. La mort naturelle est, selon la définition que l’on utilise aujourd’hui, celle qui n’implique pas l’intervention d’un tiers. Elle se distingue de la mort accidentelle et de l’homicide. En réalité, on va créer une catégorie nouvelle de mort, qui se différenciera de la mort naturelle.

Quant à la sédation profonde et continue, dont nous parlons depuis des mois, je suis sidéré que certains persistent à affirmer que cela consiste à donner la mort. Si vous n’en avez jamais vu, je vous invite à passer quelques jours dans un établissement où on la pratique : vous y constaterez qu’on n’y tue pas les gens. Je sais malheureusement de quoi je parle, pour avoir endormi mon père.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous voterons ces amendements, qui s’inscrivent dans un mouvement historique dont l’origine remonte à la Révolution française, époque à laquelle ont été supprimées les sanctions pénales à l’encontre des proches d’un individu s’étant suicidé. Reconnaître le droit de la personne d’éteindre la lumière pour elle-même implique d’éliminer les conséquences matérielles préjudiciables pour ses proches et ses ayants droit.

Monsieur le rapporteur, la discussion que vous aurez avec M. Bazin, concernant son amendement AS332, portera-t-elle sur la place occupée par les infirmiers diplômés d’État volontaires dans l’établissement du certificat de décès ?

M. le président Frédéric Valletoux. La discussion portait en effet sur ce sujet.

M. Julien Odoul (RN). Ces amendements révèlent votre volonté d’atténuer la portée de l’acte, d’euphémiser la définition de la mort. Vous employez des mots doux, comme « éteindre la lumière » alors qu’il s’agit d’administrer une substance létale. La mort administrée, par définition, n’est pas la mort naturelle. Certains disent que, de toute façon, la personne va mourir. Or il n’existe aucune certitude, quel que soit le pronostic vital engagé, que le patient en fin de vie décède de son mal. Il n’y a pas de calendrier. Ce qui provoque la mort est, évidemment, la substance létale et non la maladie.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je voudrais dire à nos collègues qu’ils occultent quelque chose de fondamental, qui est au cœur du texte : je veux parler de la souffrance insupportable réfractaire. Vous la taisez systématiquement. Une personne demande à mettre fin à ses jours parce qu’elle remplit les cinq critères, parmi lesquels figure cette souffrance insupportable. Les amendements visent à ce que la personne soit « réputée » décédée de mort naturelle. Tout votre verbiage consiste à retirer des mots, à occulter des critères pour bâtir un récit qui ne correspond pas à la réalité. Ces amendements ont pour objet de permettre aux ayants droit de bénéficier des mêmes droits que ceux auxquels ils auraient pu prétendre si la personne était morte, dans la souffrance, deux ou trois semaines plus tard.

M. Nicolas Turquois (Dem). Bien que très favorable au texte, je n’approuve pas ces amendements. Il me paraît important d’employer des mots dépourvus d’ambiguïté. En l’occurrence, la personne ne décédera pas de mort naturelle : elle connaîtra une mort d’une nature particulière – au demeurant, tout à fait respectable. Cela étant, il est important que cela n’emporte pas de conséquences sur la succession et les assurances. Ce type d’amendements peut contribuer à creuser le fossé entre les partisans et les adversaires de la loi. En effet, nombreux sont ceux à avoir une position intermédiaire, à percevoir la nécessité d’avancer sur le sujet tout en étant gênés par certains aspects.

M. Arnaud Simion (SOC). Les membres du groupe socialiste voteront les amendements. Monsieur Juvin, nous comprenons parfaitement votre émotion mais je voudrais vous dire que nous n’inventons rien. Avant mon élection, j’ai mené un travail sur la santé mentale des agricultrices et des agriculteurs. Lorsque survient un suicide dans le monde agricole, on affirme que le décès a pour origine un accident du travail, pour protéger les ayants droit.

J’ajoute que les mots ont un sens : en l’occurrence, l’emploi du terme « réputée » est très éclairant.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS1004 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Un certificat de décès comporte deux parties : la première est à visée administrative – on peut y signaler, par exemple, un obstacle médico-légal ; la seconde partie est destinée à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui renseigne, sur cette base, un fichier nommé Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès. Ce document, qui recense l’ensemble des décès, sert uniquement à réaliser des statistiques sur leurs causes ; les informations communiquées n’emportent aucune conséquence médico-légale ou patrimoniale. Une rubrique concerne les circonstances apparentes du décès, qui comprend huit catégories : faits de guerre, mort naturelle, accident, suicide, atteinte volontaire à la vie, complications de soins médicaux, investigations en cours ou circonstances indéterminées. Je propose de créer une neuvième catégorie, à des fins purement statistiques, pour les décès résultant de l’application de la loi – sa dénomination exacte pourra être précisée. Je précise que j’ai discuté de l’amendement avec des collègues de l’Inserm.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La précision que vous souhaitez apporter me paraît relever du domaine réglementaire. La ministre, qui avait évoqué ce sujet à l’ouverture de nos travaux, devra nous apporter des éléments de réponse. Je note que votre amendement emploie les termes « suicide assisté » et « euthanasie », mais je ne reviendrai pas sur le débat sémantique.

Avis défavorable.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’article 12 prévoit déjà un enregistrement de chacun des actes de la procédure d’aide à mourir. L’article 15, quant à lui, confie à la commission de contrôle et d’évaluation la responsabilité du système d’information mentionné à l’article 11. Parmi les missions de la commission figurent notamment le suivi et l’évaluation de l’application de l’aide à mourir sur la base de données agrégées anonymisées ainsi que l’information annuelle du Parlement et du Gouvernement. Votre amendement me paraît donc satisfait.

Mme Annie Vidal (EPR). Lorsque nous avons évalué l’application de la loi Claeys-Leonetti, nous avons constaté que nous étions incapables de produire des chiffres. C’est pourquoi, depuis le 1er janvier, deux codes sont utilisés, l’un concernant les sédations effectuées dans le cadre d’un traitement, l’autre relatif aux sédations profondes et continues maintenues jusqu’au décès. L’un comme l’autre alimentent le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Cet amendement est intéressant car il permettrait d’avoir des statistiques sur les décès issus de ce nouveau droit, à des fins d’évaluation.

M. Philippe Juvin (DR). Il me semble que le contenu de la partie inférieure, autrement dit statistique, du certificat de décès est défini par le code de la santé publique, dans sa partie législative.

Mme Justine Gruet (DR). Il ne fait aucun doute que le décès issu de l’aide à mourir ne constitue pas une mort naturelle. Dès lors, si vous ne souhaitez pas qu’il soit fait mention du suicide assisté ni de l’euthanasie, on pourrait créer une nouvelle catégorie intitulée « décès par aide active à mourir ».

M. Patrick Hetzel (DR). Il est important que l’on dispose d’une information spécifique aux décès résultant de l’application de la loi. La mort issue de ce droit nouveau ne sera en aucun cas naturelle puisqu’elle sera provoquée. Il n’y a pas d’euphémisation possible : cette mort doit être identifiée en tant que telle. Dans le cas contraire, nous ne serions plus en mesure d’observer les choses ; en outre, les dispositions relatives au contrôle, que nous examinerons un peu plus loin, seraient vidées de leur sens. Cet amendement est donc particulièrement pertinent.

M. Jean-François Rousset (EPR). Cela fait des années que la rédaction des certificats de décès est problématique, puisque, la plupart du temps, on inscrit l’arrêt cardiaque comme cause de la mort, sans mentionner les comorbidités. Cela pose le problème, qui excède notre débat, de la formation des médecins à l’élaboration de certificats de décès cohérents. Nous avons perdu des millions de données qui auraient permis de faire évoluer la science médicale. Dans ce cas précis, « mort naturelle » est le plus simple et n’est pas incohérent par rapport à ce qui se fait dans les services hospitaliers.

M. Thibault Bazin (DR). Je pense aux personnes qui se suicident à cause d’une dépression, une maladie très dure. Inscrire « mort naturelle » ne permet pas de rendre compte que le suicide est la conséquence d’une maladie. En modifiant la loi pour des personnes qui souffrent d’une affection grave et incurable, nous risquons de créer des effets de bord. Il faut améliorer ce système pour des raisons de suivi et d’évaluation.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cette question de la traçabilité est très importante.

Monsieur Juvin, votre précision relève bien du domaine réglementaire, puisque c’est un arrêté du ministère de la santé qui détermine le modèle du certificat de décès. Nous pourrons interpeller la ministre à ce sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1002 de M. Philippe Juvin et AS141 de Mme Justine Gruet (discussion commune)

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1140 de M. Stéphane Delautrette.

Amendement AS823 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement vise à prévoir une sanction de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende pour tout manquement à la destruction de la préparation létale restante ou non utilisée. Dans la mesure où il s’agit d’un garde-fou, j’imagine que vous allez m’opposer un avis défavorable.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable, en effet, mais pas pour cette raison, au contraire. Le présent à l’alinéa 10 a valeur d’obligation. Qui plus est, l’article 9 fait référence à l’article L. 4211-2 du code de la santé publique, qui dispose que « toute distribution et toute mise à disposition des médicaments non utilisés sont interdites ». Prévoir une sanction dédiée ne me semble donc pas nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1003 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Il nous semble utile que le compte rendu soit exhaustif et comprenne les déclarations et les faits marquants observés lors de la procédure d’administration de la substance létale, comme dans l’Oregon. Combien de temps les personnes mettent‑elles à perdre conscience ? À mourir ? Quand on sait que, dans l’Oregon, le maximum en 2024 a été de 137 heures, on voit bien les problèmes que peut poser la procédure, si un infirmier doit rester plus de cinq jours au chevet du patient... Si tout cela n’est pas consigné, on fera semblant que rien ne se passe.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Pour évaluer le dispositif, il faudra en effet connaître ces éléments. C’est pourquoi l’article 13 prévoit un décret en Conseil d’État pour définir les modalités d’établissement du compte rendu.

M. Philippe Juvin (DR). Cela fait plusieurs fois que vous nous renvoyez à l’article 13. Or il ne prévoit rien de tout cela ! Il y est question des modalités d’information de la personne qui demande l’aide à mourir, de la forme et du contenu de sa demande ainsi que de la procédure de vérification des conditions et de recueil des avis. En aucune manière, il ne prévoit de consigner le déroulé réel de ce qui se passe. Le patient ferme-t-il les yeux en une minute, en vingt minutes ou en une heure ? Meurt-il en une minute, en un jour ou en six ? Y a‑t‑il des vomissements ? La voie veineuse a-t-elle sauté ?

Mme Justine Gruet (DR). Cela n’ajouterait pas de lourdeurs administratives, étant donné qu’il s’agit d’une loi d’exception. Dans une volonté de contrôle et pour faire évoluer la loi dans un sens ou dans l’autre, il est important de disposer de données factuelles et chiffrées. C’est la même chose pour le certificat de décès. Un médecin ou un interne acceptera-t-il d’écrire « mort naturelle », alors qu’elle ne l’est pas ? Nous sommes en train d’inscrire un mensonge dans une loi.

M. Patrick Hetzel (DR). Le recueil de telles données est en effet important pour la recherche, ainsi que pour améliorer le dispositif. C’est dans l’intérêt du patient.

M. Julien Odoul (RN). Vous devriez être favorable à cet amendement qui permettrait d’améliorer votre dispositif.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je ne dis pas que la collecte de ces données n’est pas utile pour le suivi et l’évaluation ; je dis que ce n’est pas à cet article que ce sujet se traite. Je vous renvoie aux termes de l’alinéa 2 de l’article 13 : « un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent chapitre, notamment [...] » – ce que vous avez mentionné. De même, une sous-section est dédiée à cette question à l’article 15. C’est là qu’il faudra faire intervenir vos précisions.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Je retire donc mon amendement, avec l’engagement du rapporteur que nous complétions l’article 13 en ce sens.

L’amendement est retiré.

Amendement AS571 de M. Charles de Courson

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS90 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’objectif est de disposer d’un registre des euthanasies et suicides assistés dans chaque établissement de soins les pratiquant.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Votre amendement est satisfait. L’article 11 prévoit l’enregistrement de chacun des actes dans le système d’information. L’article 15 prévoit, quant à lui, l’évaluation des données agrégées et anonymisées afin d’informer annuellement le Gouvernement et le Parlement.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Je retire mon amendement afin de préciser, pour la séance, à l’article 11, qu’il est possible d’accéder aux données établissement par établissement.

M. le président Frédéric Valletoux. Le relevé des actes établissement par établissement est déjà accessible par le biais de la sécurité sociale, grâce aux données du PMSI. On sait où sont faites les appendicites, par exemple.

L’amendement est retiré.

Amendement AS320 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je souhaitais me pencher sur un impensé de la proposition de loi. À l’article 2, alinéa 7, vous avez dépénalisé l’acte de l’aide à mourir. Imaginons que la personne chargée de l’administration aille chercher la substance létale à la pharmacie puis la perde, son irresponsabilité pénale est-elle totale ? Pour les manquements relatifs aux opérations impliquant des substances vénéneuses, le code pénal prévoit des sanctions.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le livre IV de la cinquième partie du code de la santé publique porte sur des sanctions pénales et financières. Son titre II concerne les médicaments à usage humain. Il ne me semble donc pas nécessaire de définir un cadre pénal spécifique. On n’imagine pas un professionnel commettre une telle infraction sans que sa responsabilité soit engagée. La loi prévoit déjà des sanctions.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Si je vous suis, monsieur le rapporteur, la dépénalisation à l’alinéa 7 de l’article 2 est limitée – je voulais savoir jusqu’où elle allait. La responsabilité d’une personne qui perd la préparation létale peut donc être engagée.

Mme Justine Gruet (DR). J’imagine qu’il y a d’autres situations où le professionnel de santé est en possession de substances qui peuvent provoquer la mort. Cela me semble utile d’aborder cette question, puisque cela permettra, le cas échéant, de se référer au compte rendu de nos débats, pour savoir à qui revient la responsabilité de la substance létale.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Peut-être cela vous rassurera-t-il, monsieur Bazin, de savoir que j’ai déposé un amendement AS1177 à l’article 15, où je propose de suivre l’avis du 4 avril 2024 du Conseil d’État, qui indique que la commission de contrôle et d’évaluation, créée à cet article, devra être regardée comme une « autorité constituée » au sens de l’article 40 du code de procédure pénale. Lorsque la commission estimera que des faits commis à l’occasion de la mise en œuvre des dispositions précédemment citées sont susceptibles de constituer un crime ou un délit, elle le signalera au procureur de la République. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Après l’article 9

Amendement AS749 de Mme Karen Erodi

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous proposons que la personne volontaire désignée par le patient puisse bénéficier du congé pour décès prévu à l’article L. 3142‑4 du code du travail, actuellement réservé aux membres de la famille proche, pendant trois jours fractionnables.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. La personne volontaire n’apparaît plus dans le texte...

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS750 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). C’est le même amendement que l’AS749 pour la personne de confiance.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il n’y a pas de directives anticipées donc il n’y a pas de personne de confiance.

Avis défavorable.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous nous fondons sur l’article L. 1111-6 du code de la santé publique pour considérer qu’une personne de confiance sera bien présente au cours de la procédure, même si elle n’est pas explicitement citée dans le texte.

Mme Justine Gruet (DR). Je suis surprise que ces amendements aient franchi la barrière de la recevabilité à deux titres : d’une part, ils semblent hors-sujet ; d’autre part, ils imposent une charge financière pour ce qui concerne les agents publics. En outre, cela risque de créer un biais pour tout décès, dès lors qu’une personne de confiance a été désignée.

M. René Pilato (LFI-NFP). Ces congés ne représentent pas forcément une charge, puisqu’ils sont payés par les entreprises. Par ailleurs, nous estimons que la personne de confiance, même si elle n’entre pas dans le processus stricto sensu, doit pouvoir assister à cet instant ultime.

M. le président Frédéric Valletoux. Le principe de recevabilité financière ne s’applique pas dans le cas où les employeurs privés sont tout autant concernés que l’employeur public.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Il s’applique d’autant moins que les congés ne sont pas indemnisés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS92 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Nous souhaitons que les ayants droit définis à l’article 731 du code civil soient informés par le médecin du décès, après l’euthanasie ou le suicide assisté.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.

Il est à supposer que, dans la grande majorité des cas, ces ayants droit seront informés du recours à l’aide à mourir par la personne elle-même. Si ce n’est pas le cas, il n’y a pas lieu de prévoir un circuit d’information différent de celui qui s’applique pour tout décès.

M. Patrick Hetzel (DR). La procédure est tout de même assez inhabituelle. Il ne me semble pas adéquat que la famille soit informée par le commissariat de police, le maire ou la gendarmerie. C’est au médecin que cette annonce incombe, ne serait-ce que pour « amortir » le choc.

Mme Annie Vidal (EPR). Cela serait aussi une manière de protéger le médecin. Imaginons que la famille d’un malade souffrant d’une pathologie à un stade avancé mais non terminal ne soit pas informée de son recours à l’aide à mourir, elle pourrait s’interroger sur les raisons de ce décès inattendu. Cela permettrait également d’éviter que, laissée sans réponse à ses questions, elle n’entame une procédure pour obtenir une information ou une médiation.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Frédéric Valletoux. Chers collègues, nous reprendrons l’examen du texte ce soir, à vingt et une heures. Dans la mesure où il nous reste 304 amendements à examiner, nous savons déjà que nous nous reverrons vendredi.

*

*     *


10.   Réunion du mercredi 30 avril 2025 à 21 heures (article 10 à après l’article 13)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([245]).

Article 10 : Arrêt des procédures

Amendement de suppression AS324 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’article 10 laisse en suspens plusieurs questions qui justifieraient de l’amender, même si nous commençons logiquement par examiner l’amendement tendant à le supprimer. Outre le fait que la commission de contrôle et d’évaluation ne devrait pas intervenir uniquement a posteriori mais aussi exercer un contrôle a priori, j’ai ainsi déposé des amendements en vue de mieux prendre en compte les doutes susceptibles d’être émis et de remédier à certaines imprécisions.

Surtout, je voudrais savoir si un patient pourra mettre fin à la procédure en en exprimant le souhait à tout professionnel de santé, et non uniquement à celui qui a instruit la demande.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous jugez que l’article 10 est trop restrictif et ne prévoit qu’une partie des cas devant entraîner l’arrêt de la procédure. J’estime au contraire que sa rédaction est suffisamment large pour embrasser l’ensemble des situations dans lesquelles une personne pourrait renoncer au bénéfice de l’aide à mourir, renoncement qui serait susceptible d’intervenir à chaque stade de la procédure et pour tout motif.

Les dispositions que nous avons adoptées garantissent que la volonté de la personne sera confirmée à plusieurs étapes : lors de la présentation de la demande initiale, prévue à l’article 5 ; après la notification de la décision du médecin chargé de se prononcer sur la demande, comme le prévoit l’article 6 ; et le jour de l’administration de la substance létale, l’article 9 imposant au soignant de vérifier que la personne veut toujours procéder à l’administration. La formulation retenue à l’article 10 constitue une garantie supplémentaire de respect de la volonté du malade, dans la mesure où elle couvre l’ensemble de la procédure.

Il me semble par ailleurs légitime de s’assurer que le médecin qui a engagé la procédure d’aide à mourir soit averti du renoncement du patient : il y va de la continuité de l’accompagnement. Cela paraît d’autant plus important que la personne pourrait ensuite formuler une nouvelle demande auprès du médecin. L’absence d’information de ce dernier n’impliquerait évidemment pas que la procédure aille à son terme contre la volonté du patient, puisque l’article prévoit qu’il y est mis fin « si la personne refuse l’administration de la substance létale ». Il est en outre très peu vraisemblable que le professionnel de santé à qui la personne aurait fait part de son renoncement n’en avertisse pas, si le malade le demande, le médecin qui s’est prononcé sur la demande d’aide à mourir.

Quant à l’effet suspensif d’un éventuel recours formé contre la décision d’un médecin ayant conclu que la personne remplit les conditions pour bénéficier de l’aide à mourir, cette question est dépourvue d’objet. L’article 12 prévoit que seule la personne qui demande à bénéficier de l’aide peut former un recours. Pourquoi demanderait-elle à un juge d’annuler la décision favorable du médecin ? Si elle souhaite renoncer à cette aide, elle lui suffit d’en faire part au médecin qui s’est prononcé sur sa demande ou au professionnel de santé qui l’accompagne lors de l’administration.

La crainte qu’une personne puisse se faire administrer une substance létale contre sa volonté est donc infondée.

Pour toutes ces raisons, il est impossible de supprimer cet article. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Je retire mon amendement, afin que nous puissions aborder plus précisément les différents points que vous avez soulevés.

L’amendement est retiré.

Amendements AS325 de M. Thibault Bazin et AS824 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Je propose de préciser que, si une des conditions prévues est satisfaite, il sera « immédiatement » mis fin à la procédure.

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement AS824 est défendu.

M. Stéphane Delautrette. Cette précision paraît superfétatoire. Il va de soi que la procédure ne pourra pas se poursuivre dès lors que la personne aura renoncé à l’aide à mourir ou que le médecin chargé de se prononcer sur sa demande aura pris connaissance d’éléments nouveaux le conduisant à revenir sur sa décision initiale.

Avis défavorable aux deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS1108 de M. Frédéric Valletoux

M. le président Frédéric Valletoux. Il s’agit de rétablir le caractère collégial de la décision, en cohérence avec les amendements que j’avais déposés sur l’article 6.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous souhaitez que le renoncement de la personne soit exprimé auprès du collège pluriprofessionnel consulté par le médecin qui se prononce sur la demande d’aide à mourir. Cette proposition est effectivement le corollaire d’amendements que vous aviez déposés précédemment, mais que vous aviez choisi de retravailler d’ici à l’examen du texte en séance publique. Je vous demande donc de bien vouloir retirer celui-ci également.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1158 de M. Stéphane Delautrette.

Amendement AS326 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Vous estimez, monsieur le rapporteur général, que si la personne indique à un autre professionnel de santé qu’elle souhaite renoncer à la démarche, ce dernier en informera nécessairement le médecin ayant instruit la demande. Cela suppose néanmoins qu’il connaisse ce médecin, alors même que nous n’avons pas adopté les amendements qui auraient garanti la traçabilité du dossier.

Je souhaite que donc que, le cas échéant, tout professionnel de santé côtoyé par la personne puisse mettre fin à la procédure, et non uniquement le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il me semble légitime de s’assurer que le médecin qui a engagé la procédure à la demande de la personne, et auprès de qui celle-ci a confirmé sa volonté à plusieurs reprises, soit averti de son renoncement : il y va de la continuité du suivi du malade. Par ailleurs, l’absence d’information de ce médecin n’impliquerait évidemment pas que la procédure aille à son terme contre la volonté de la personne : l’article prévoit qu’il y est mis fin « si la personne refuse l’administration de la substance létale ».

La rédaction que vous proposez – « tout professionnel de santé qu’elle côtoie » – est particulièrement floue : désigne-t-elle son médecin traitant, ou pourrait-il aussi s’agir d’une connaissance personnelle ? En outre, il paraît peu vraisemblable qu’un professionnel de santé à qui la personne aurait fait part de son renoncement n’en avertisse pas le médecin qui s’est prononcé sur la demande d’aide à mourir si le malade lui demande de le faire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS846 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS327 de M. Thibault Bazin, AS1120 de M. Julien Odoul et AS607 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Je reste intimement persuadée que les choses doivent être dites clairement. L’aide à mourir est une mort programmée, puisqu’elle suppose de fixer un jour et une heure, et c’est ainsi qu’il faut l’appeler. Dans les autres pays, les mots « euthanasie » et « suicide assisté » sont d’ailleurs utilisés sans détour.

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement vise à assurer une cohérence rédactionnelle avec ce que nous défendons depuis le début de l’examen du texte.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS1120 est défendu.

L’amendement AS607 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les trois autres amendements.

Amendement AS751 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous souhaitons que le médecin qui déciderait d’interrompre la procédure soit tenu d’en notifier la personne par écrit, mais aussi de manière orale, par souci de cohérence avec l’amendement que nous avons adopté sur l’article 6.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La motivation écrite me semble suffisante, l’important étant que la personne puisse prendre connaissance des éléments invoqués par le médecin à l’appui de sa décision. Le choix d’une motivation écrite garantit un formalisme adapté. Au demeurant, il semble peu plausible, en pratique, que le médecin qui accompagne le patient ne lui présente pas aussi oralement les motifs de sa décision.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS977 de M. Philippe Juvin.

Amendement AS328 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement précédent, qui visait à prendre en compte le cas où la personne manifesterait une hésitation, mériterait d’être examiné avec intérêt lors de la séance publique.

Je propose, pour ma part, de préciser que la personne peut refuser l’administration de la substance létale « à n’importe quelle étape de la procédure ».

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS730 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Je souhaite que soient pris en compte les cas d’échec – faute d’un meilleur terme – de l’administration de la substance létale. Comment la procédure serait-elle alors encadrée ? Le médecin ou l’infirmier seraient-ils autorisés à se livrer à une forme d’acharnement euthanasique ? Une deuxième dose létale serait-elle délivrée, ou la personne serait-elle au contraire secourue ?

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Alors que j’avais jusqu’à présent eu tendance à souligner la répétitivité de vos arguments, je ne peux, en l’espèce, que saluer votre créativité lexicale, puisque vous venez de créer le concept d’acharnement euthanasique. Vous connaissez ma position quant à l’usage du terme « euthanasie », je n’y reviendrai pas. Quant à la notion d’acharnement euthanasique, elle m’est totalement étrangère.

Avis défavorable.

M. Christophe Bentz (RN). Merci pour le compliment. Vous aurez compris que cette expression est construite en miroir du fameux « acharnement thérapeutique », mais la question reste entière : que prévoyez-vous dans les cas où l’administration de la substance létale échoue ? Le soignant s’acharnera-t-il à administrer une dose létale quoi qu’il arrive ?

M. Thibault Bazin (DR). La question mérite d’être posée : doit-on mettre fin à la procédure si l’administration ou l’action de la substance létale a manifestement échoué ? J’avais déposé un amendement comparable sur l’article 9, prévoyant qu’il serait mis fin à la procédure si le professionnel de santé se voyait obligé d’intervenir du fait d’une difficulté. L’état de la personne peut par exemple entraîner des échecs répétés d’administration par voie digestive, ou empêcher l’injection par voie intraveineuse. Que fera-t-on s’il est impossible de procéder comme convenu initialement par le patient et le médecin ? Au vu des retours qui nous proviennent d’autres pays, la question se pose.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS329 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Nous avons oublié de préciser qu’il sera mis fin à la procédure si un recours est engagé contre la décision d’aide à mourir octroyée par le médecin. Je sais que les cas de recours ne seront traités qu’à l’article 12, mais si nous prévoyons d’ouvrir cette possibilité – je ne veux pas préjuger de l’issue de nos débats sur ce point –, elle doit être mentionnée parmi les motifs d’interruption de la procédure.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je ne comprends pas très bien dans quel débat vous cherchez à nous engager. Seule la personne qui a formulé la demande pourrait engager un recours contre le médecin, si ce dernier lui refusait l’aide à mourir. Je ne vois pas dans quelle configuration une personne ayant reçu une suite favorable à sa demande d’aide à mourir attaquerait le médecin décisionnaire, sachant qu’elle pourrait par ailleurs changer d’avis tout au long de la procédure, jusqu’à l’administration de la substance létale.

Avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Très bonne réponse du rapporteur.

M. Philippe Juvin (DR). Vous affirmez qu’une seule personne pourra faire le recours, mais nous n’avons pas encore déterminé qui sera capable d’ester en justice. Ce débat n’ayant pas encore eu lieu, il ne faut pas fermer cette porte.

Nous ne pouvons pas non plus exclure l’hypothèse d’un signalement au procureur de la République, auprès de qui toute personne peut se manifester si une situation lui semble anormale. Tant que cet éventuel signalement n’est pas classé, les opérations doivent être suspendues.

M. Patrick Hetzel (DR). Imaginons, en effet, qu’un tiers ait connaissance d’un risque d’abus de faiblesse. Même s’il ne peut pas lui-même agir en justice, il peut faire un signalement au procureur de la République, signalement qui devra être instruit – et peut‑être classé sans suite, mais il est difficile d’en préjuger. Il nous faut envisager ces situations, qui sont loin d’être neutres : un tel signalement interromprait-il la procédure ?

Mme Justine Gruet (DR). Je crois comprendre que, dans votre conception des choses, le recours ne serait possible qu’en cas de refus du médecin. Toutefois, si, dans une famille, un proche était témoin d’un abus de faiblesse et souhaitait interpeller a priori sur le non‑respect du cinquième critère d’éligibilité – l’aptitude à manifester sa volonté de façon libre et éclairée –, ne devrait-il pas avoir la capacité de le faire, non pour entraver la démarche, mais pour s’assurer du respect de tous les critères ? Dans ce cas, la procédure devrait être mise en pause.

Mme Annie Vidal (EPR). Une telle disposition servirait sans doute très peu souvent – et c’est tant mieux –, mais elle constituerait effectivement une protection pour les plus vulnérables. On sait par exemple que, dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les personnes maltraitées n’osent pas se manifester de peur d’aggraver encore leur situation. De la même manière, certaines personnes pourraient demander un report de la procédure parce qu’elles n’osent pas annoncer qu’elles ne veulent plus y recourir.

On sait que le médecin, qui est un sachant, une figure d’autorité, peut inspirer une certaine timidité, notamment à des personnes vulnérables. Certaines pourraient donc hésiter à dire qu’elles ont changé d’avis, par crainte d’être considérées comme inaptes à exprimer leur volonté – d’autant que les personnes âgées peuvent être rapidement cataloguées comme étant diminuées sur le plan cognitif. Peut-être serait-il bon de conserver une possibilité de recours, pour protéger les plus fragiles.

M. Yannick Monnet (GDR). Je comprends votre volonté d’envisager tous les scénarios, mais cela revient à ne pas faire confiance au personnel soignant. Dans la relation entre un patient et son médecin, la première préoccupation de ce dernier, surtout dans un tel contexte, sera précisément de vérifier l’absence de contrainte de l’expression de la volonté du malade. Faisons confiance au personnel chargé d’accompagner les personnes concernées – sinon, autant remettre en cause tout le dispositif.

M. Thibault Bazin (DR). Les délais que vous avez prévus sont tout de même très courts. La commission de contrôle et d’évaluation n’interviendra qu’a posteriori. La décision ne sera pas prise de façon collégiale, alors que l’acte en question est par nature irréversible. Vous expliquez maintenant que la procédure ne sera susceptible de recours qu’en cas de refus, de sorte que même une personne désignée dans le cadre d’une mesure de protection juridique ou un médecin ayant participé à l’expertise ne pourraient pas intervenir. Comment peut-on défendre une procédure aussi unilatérale ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1072 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Monsieur le rapporteur, je vais faire preuve de répétitivité plutôt que de créativité. Nous sommes à la fin de la procédure et la substance létale a été administrée mais le corps résiste – cela arrive, vous le savez. Comment doit réagir le praticien, médecin ou infirmier ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous revenez sur un amendement antérieur. Avis défavorable à celui que nous sommes en train d’examiner mais que vous n’avez pas présenté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS330 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit de prendre en compte le cas où la personne émet un doute explicite, à n’importe quelle étape de la procédure.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous en avons déjà débattu à de multiples reprises et la rédaction est claire. Au début de la procédure, le médecin demande à la personne de confirmer sa volonté et il n’y a pas de doute possible : c’est oui ou non. Par la suite, c’est tout aussi clair. Et la personne peut exprimer le souhait, sans interrompre la procédure, de reporter la date prévue – nous en avons déjà parlé. Votre amendement n’apportera rien de nouveau ni d’éclairant.

Par conséquent, avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Si je comprends bien, en cas de doute, c’est non. Alors écrivons-le !

M. Patrick Hetzel (DR). Si nous insistons autant, c’est parce que nous considérons que la formulation actuelle n’est pas suffisamment protectrice. Le complément proposé permettra d’y remédier.

Mme Justine Gruet (DR). Lorsqu’il existe une possibilité de changement d’avis, les délais sont importants. Or, dans votre texte, il n’y en a pas. L’avis du médecin doit être rendu dans les quinze jours, mais rien n’empêche dans la rédaction actuelle qu’il se prononce dans la demi‑heure. Et le délai de réflexion de quarante-huit heures peut être porté à zéro à la demande de la personne, si le médecin estime qu’elle est privée de dignité. Tout peut donc aller très vite, sans qu’il y ait de possibilité d’émettre un doute qui stopperait la procédure. Je ne comprends pas que vous soyez à ce point fermé à l’égard des leviers qui permettraient de protéger les personnes, notamment vulnérables.

M. Christophe Bentz (RN). Lorsque la personne a reçu une dose létale mais que celle‑ci ne fonctionne pas, si je puis dire, un doute peut voir le jour. Or il est possible de renoncer tant que la mort n’est pas intervenue. Je repose donc ma question, monsieur le rapporteur : en pareil cas, que devront faire les praticiens ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous revenez systématiquement sur les mesures à prendre en cas de dysfonctionnement de la substance létale. Je rappelle que les modalités de préparation et de mise en œuvre seront définies par la Haute Autorité de santé (HAS), qui déterminera les substances utilisées, les modes d’administration, les processus opératoires. En l’état donc, je ne peux pas vous répondre précisément, mais des réponses seront apportées à toutes les questions que vous soulevez. Les protocoles et les modes opératoires qu’établira la HAS tiendront compte notamment de l’expérience acquise dans d’autres pays quant aux difficultés rencontrées selon les substances utilisées pour éviter précisément les situations que vous évoquez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS331 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je vous propose de prévoir un autre cas dans lequel il pourrait être mis fin à la procédure : à la demande de la commission de contrôle et d’évaluation que crée la proposition de loi. Mme Leboucher m’a dit que nous en parlerions à l’article 15, dont elle est la rapporteure, mais il serait bon d’harmoniser et de rendre cohérentes les différentes étapes de la procédure. Les prérogatives de cette commission restent floues en l’état, notamment ses capacités d’intervention a priori.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Puisque M. Bazin a déjà commencé à en discuter avec la collègue rapporteure qui est concernée, je propose de reprendre cet échange lorsque nous aborderons l’article approprié.

Avis défavorable.

M. Philippe Vigier (Dem). Je voudrais demander à Thibault Bazin, qui aime bien que les choses soient claires, de ne pas mélanger l’article 10 et l’article 15. Évitons des enchevêtrements qui mènent souvent à des incompréhensions.

Je comprends bien pourquoi notre collègue souhaite des contrôles a priori, car nous connaissons le cheminement de sa pensée : il s’agit d’allonger les délais. Mais nous savons que c’est techniquement impossible. S’agissant de l’application de la loi Claeys-Leonetti, nous n’avons pas encore de traçabilité complète – nous y reviendrons à l’article 15, car nous avons besoin d’un suivi parfait pour chaque procédure, ce qui n’est pas encore le cas, comme l’a reconnu le président du Conseil national de l’Ordre des médecins lui-même. Par ailleurs, je rappelle que c’est la HAS qui établira tous les protocoles, par exemple les quantités de produit en fonction du poids des personnes.

Si nous commençons à instaurer de tels contrôles a priori, nous en viendrons bientôt à faire de même pour tous les actes médicaux et, croyez-moi, nous aurons vite à en reparler !

M. Thibault Bazin (DR). Pour rassurer Philippe Vigier, ce n’est pas une question de délais : il s’agit de protéger les personnes vulnérables et surtout de prendre en compte une réalité, qui est la volonté fluctuante des patients. Lorsque nous examinions les articles 2 et 4, on nous a dit qu’il faudrait aborder nos propositions aux articles 5 et 6 – mais nos amendements n’ont pas été adoptés à ces deux occasions. Maintenant, on nous demande d’attendre l’article 15 pour proposer que la commission puisse demander qu’on mette fin à la procédure, mais si on adoptait un amendement en ce sens à l’article 15, il faudrait modifier en séance l’article 10 pour en tirer les conséquences ! Il faudrait être cohérent.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’inverse fonctionne aussi, monsieur Bazin. Imaginons que le rapport de force fasse que nous adoptions maintenant votre amendement, mais que nous ne décidions pas, à l’article 15, de demander à cette commission d’effectuer des contrôles a priori : ce ne serait pas plus cohérent. Parlons plutôt de la question lorsque nous en viendrons à la création de la commission et à ses missions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS752 de M. Hadrien Clouet

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement permettra d’assurer une traçabilité de toutes les décisions de mettre fin à la procédure, quel qu’en soit le motif. La commission de contrôle et d’évaluation pourra ainsi effectuer le suivi et les apprentissages nécessaires a posteriori.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La commission de contrôle et d’évaluation aura déjà accès aux décisions, puisque celles-ci seront enregistrées dans le système d’information dont elle-même aura la responsabilité. Votre demande étant satisfaite, je vous invite à retirer l’amendement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 10 modifié.

Article 11 : Création d’un système d’information dédié au suivi de la procédure

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1160 de M. Stéphane Delautrette.

Amendement AS978 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Le texte prévoit que « chacun des actes mentionnés au présent chapitre est enregistré ». Je vous propose d’aller plus loin en précisant que « chacune des demandes du patient ainsi que chacune de ses déclarations en rapport avec l’acte sont enregistrées dans un système d’information ». Ces éléments sont très importants pour l’analyse des procédures, dans la perspective d’une éventuelle modification, qui a eu lieu d’ailleurs dans beaucoup de pays. Il faudra travailler sur les réactions des patients, leurs éventuels doutes et les questions qu’ils posent si nous voulons améliorer le système et l’adapter à la réalité.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il est déjà prévu d’enregistrer, vous l’avez souligné, l’ensemble des actes qui se dérouleront dans le cadre de la procédure, y compris la demande initiale de la personne, la déclaration par laquelle elle confirme sa volonté et l’attestation du médecin quant au maintien du discernement. Cela me semble tout à fait suffisant. Le risque d’une extension des éléments devant figurer dans le système d’information serait de rendre le dispositif inapplicable. Par ailleurs, vous ne précisez pas s’il s’agit uniquement des propos tenus dans le cadre des échanges de la personne avec son médecin ou également avec des proches, ni qui collecterait et intégrerait de telles informations.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Puisque nous nous engageons sur une voie tout à fait nouvelle, la logique commande d’enregistrer tout ce qui va se passer. Monsieur le rapporteur, s’il y a un risque dans ce texte, ce n’est pas de noter ce que dit le patient ! Je vous trouve bien pusillanime sur ce point : il n’y a pas de risque – à moins de ne pas vouloir comprendre, de ne pas souhaiter savoir ce que le patient a dit.

Mme Justine Gruet (DR). La commission chargée de gérer les données se verra aussi confier le contrôle l’application du dispositif. Elle sera donc juge et partie, ce qui interpelle.

L’amendement de Philippe Juvin permettrait de rattraper un peu l’absence de traçabilité écrite au début de la procédure. Il est important que les proches, pour faire face au choc post-traumatique, accepter ce qui s’est passé et faire leur deuil, puissent comprendre ce qui a motivé le geste, ce qui s’est passé et pourquoi la personne n’en avait pas parlé. Ce qui nous est proposé favorisera la traçabilité et le respect de la procédure.

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement n’est pas dénué d’intérêt. Ma seule crainte est liée à la lourdeur que cela représentera pour les professionnels de santé, qui se disent accablés par leurs charges administratives. Comme l’accompagnement se fera constamment dans le cadre d’un échange, la quantité de travail requise par cet amendement me paraît disproportionnée par rapport au résultat escompté. Ce qui est en l’état demandé me semble suffisant.

M. Nicolas Turquois (Dem). Cet amendement pousse en effet à s’interroger. La démarche étant nouvelle, il faut une évaluation, des retours reposant sur des éléments qualitatifs. Le texte représente une telle rupture que cela paraît nécessaire – en anonymisant néanmoins certaines données. Je ne sais pas si la rédaction proposée est la bonne, mais la question me semble pertinente. Il faut dépasser les données techniques pour disposer d’éléments de ressenti.

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Il me semble très important, parce que la démarche est nouvelle, d’avoir un retour sur la manière dont les choses se passent. Monsieur Monnet, je suis très inquiète de voir que vous vous attendez à une application à grande échelle : cette procédure reste un ultime recours, un médecin n’aura pas trente cas par jour ! Ce que nous envisageons constituera effectivement une charge, mais plutôt exceptionnelle.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de disposer d’informations pour assurer un suivi. À vous entendre, on pourrait pourtant en douter.

L’étude d’impact accompagnant le projet de loi de 2024 comprend une liste de deux pages des informations à collecter pour qu’une évaluation exhaustive et un suivi puissent être menés. Si vous considérez que ces informations ne sont pas suffisantes, nous pourrons y revenir en séance mais, comme je l’ai dit, je trouve le présent amendement insuffisamment précis.

Nous pouvons diverger sur les données à collecter, mais ne laissez pas entendre que nous ne partageons pas le même objectif en matière d’évaluation. Tout le monde a tiré les enseignements des difficultés d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti : nous souhaitons tous ne pas nous retrouver dans la même situation pour le suivi des sédations profondes et continues jusqu’au décès, lorsqu’il sera possible d’y recourir.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous avons, en tant que législateurs, à formaliser un certain nombre de choses. S’il faut les recadrer, pour une raison ou pour une autre, ce sera le rôle du pouvoir exécutif de le faire, mais ce que nous souhaitons doit figurer explicitement dans un texte. Je m’étonne, monsieur le rapporteur, que vous vous disiez d’accord tout en donnant in fine un avis défavorable. L’objectif est de faire en sorte que des travaux de recherche sérieux puissent être conduits. On déplore assez régulièrement que des données n’existent pas : nous sommes en train de faire en sorte qu’elles soient disponibles. Tout ce qui permet d’aller dans le bon sens devrait être accepté.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je redis que nous partageons la même préoccupation en matière d’évaluation. Mon avis est que votre proposition ne permettra pas de rendre l’évaluation opérante mais alourdira inutilement la procédure. Ne laissez pas entendre, pour autant, que nous n’avons pas en commun la volonté qu’une évaluation et un suivi aient lieu.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS540 de Mme Karine Lebon, AS754 de M. René Pilato et AS1073 de M. Christophe Bentz

M. Yannick Monnet (GDR). Face à la grande quantité d’informations qui seront recueillies, il est impératif que le système soit sécurisé. Tel est l’objet de l’amendement AS540.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Un système d’information éminemment complexe sera instauré pour récolter des données très hétérogènes, y compris sur le plan qualitatif. Par l’amendement AS754, il nous paraît donc utile de fixer dans la loi un cadrage, une norme en matière de sécurité pour la conception du système, l’accès aux informations, leur diffusion, leur protection et leur stockage.

M. Christophe Bentz (RN). Notre amendement vise, dans le même esprit, à sécuriser les informations pour protéger les données et les choix personnels.

M. le président Frédéric Valletoux. À titre personnel, je ne connais pas de système d’information non sécurisé : il peut ne pas l’être assez, mais c’est une autre question.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’étude d’impact du projet de loi initial précisait que les garanties de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et celles du règlement général sur la protection des données s’appliqueraient bien entendu à ce système d’information.

Par ailleurs, les modalités de mise en œuvre seront déterminées par un décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), ce qui permettra d’assurer un degré élevé de protection des données. Si l’on souhaite apporter des garanties supplémentaires, il me semble qu’il serait plus opportun de préciser quels standards de sécurité doivent être adoptés que de se borner à faire état de la nécessité d’une sécurisation du système d’information, ce qui serait purement déclaratoire.

De ce point de vue, l’amendement AS465 que nous allons examiner a le mérite de définir les standards qui devront s’appliquer en se référant à l’article 31 de la loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (« Sren »), ce qui est juridiquement plus solide. J’invite donc à retirer les présents amendements au profit de celui que je viens d’évoquer.

Les amendements sont retirés.

Mme Annie Vidal (EPR). J’ai une question à propos du système d’information visé par cet article. Existe-t-il déjà ou sera-t-il créé, et dans ce cas, quand ? Par ailleurs, avons‑nous la certitude qu’il permettra d’atteindre la finalité attendue par le Conseil d’État, à savoir « un contrôle des procédures d’aide à mourir en vue d’identifier, le cas échéant, des anomalies susceptibles de révéler l’existence d’un délit ou d’un crime ou de donner lieu à des actions en responsabilité » ? Je n’en suis pas sûre, car la liste des actes concernés montre qu’il s’agira en fait d’un contrôle des étapes de la procédure, mais quelque chose m’a sans doute échappé.

M. Philippe Juvin (DR). Le fichier des directives anticipées créé par l’article L. 1111-11 du code de la santé publique, adopté par l’Assemblée nationale, n’a jamais vu le jour. Nous ne voudrions pas que le registre dont nous débattons connaisse le même sort. La question du délai posée par Mme Vidal est donc fondamentale.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Contrôler l’action du Gouvernement fait partie de notre travail, et il faudra un marquage à la culotte pour faire en sorte que les décisions prévues soient prises. Madame Vidal, il s’agira d’une création ex nihilo, par décret en Conseil d’État, après avis de la Cnil.

Amendements AS450 et AS451 de Mme Sandrine Runel, amendement AS1159 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)

Mme Océane Godard (SOC). Je retire l’amendement AS450 pour ne conserver que l’amendement AS451, qui vise à fixer un délai maximal de vingt-quatre heures au professionnel de santé pour enregistrer les actes dans le système d’information.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Afin de garantir l’effectivité de l’enregistrement, je vous propose de préciser qu’il doit intervenir dans les vingt-quatre heures. Ce délai raisonnable permettra d’éviter une éventuelle perte d’informations sans imposer une charge disproportionnée au professionnel de santé.

J’invite Mme Godard à retirer l’amendement AS451 au profit du mien.

M. Philippe Juvin (DR). À partir de quel moment ce délai est-il décompté : à partir de la demande, de son acceptation, de l’injection, du décès ? S’il est décompté à partir du décès, aucune information ne sera jamais versée dans le système au sujet des patients qui auraient décidé d’arrêter le processus. Et de façon générale, si l’on ne remplit pas un dossier tout de suite, on prend le risque d’oublier ou de confondre les patients. La bonne méthode consiste à remplir le dossier immédiatement à chacune des étapes.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Si nous fixons un délai, il est indispensable de fixer également un point de départ. Ce peut être la fin du processus, qu’il s’agisse du décès, du renoncement ou de tout autre événement.

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Notre discussion soulève une interrogation : l’enregistrement dans le système de santé par les professionnels concernés exclut-il de fait la délégation d’acte à leur secrétariat médical ?

Mme Justine Gruet (DR). Certains semblent trouver futile la question de la traçabilité, alors qu’elle est à mes yeux très importante. Pour garantir que tous les actes sont bien versés dans le système, sans doute devrions-nous fixer un délai pour l’enregistrement de chacune des étapes, du début à la fin de la procédure.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). L’absence d’un tel processus de traçabilité nous a empêchés d’évaluer la loi Claeys-Leonetti à sa juste mesure : de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, rien n’est inscrit. Chaque décision doit donc être enregistrée au moment où elle est prise, au fil de l’eau – d’autant plus que, contrairement à ce qu’a indiqué M. Bazin, les recours ne concernent pas uniquement les cas où l’aide à mourir a été mise en œuvre, mais aussi ceux où elle a été refusée. Sans doute faut-il simplement amender le texte en ce sens.

Mme Océane Godard (SOC). L’alinéa 2 me semble déjà très clair : « Chacun des actes mentionnés au présent chapitre est enregistré, par les professionnels concernés, dans un système d’information » – et même « dans un délai de vingt-quatre heures » si l’amendement de notre collègue Delautrette était adopté.

M. Thibault Bazin (DR). Je parlais effectivement des recours portant sur des demandes d’aide à mourir qui auront été satisfaites.

Quant à la traçabilité à chaque étape, nous y avons intérêt – mais nous avons déjà prévu par le passé des registres qui n’ont jamais été remplis. Regardez le dossier médical partagé : les professionnels de santé commencent tout juste à y avoir accès ! Pour la présente loi, la mise en œuvre du système d’information va être un vrai sujet, sur lequel il nous faut interroger le Gouvernement.

M. Philippe Vigier (Dem). Je trouve moi aussi que l’alinéa 2 est très complet. Tous les actes seront enregistrés : on ne peut pas faire plus ! Quant au point de départ, collègue Juvin, il est connu, puisque la rédaction insère bien l’enregistrement dans le cadre d’un chapitre bien déterminé.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous avons besoin de ces informations pour les travaux de recherche, mais aussi pour que des recours puissent être engagés, notamment par les patients, avant la fin de la procédure. Mais la fixation d’un délai ne me semble pas être la bonne formule. Il me semblerait plus pertinent de rédiger ainsi l’alinéa 2 : « Chacun des actes mentionnés au présent chapitre est enregistré au fil de l’eau par les professionnels concernés, dans un système d’information. »

M. le président Frédéric Valletoux. La séance est suspendue quelques minutes afin de laisser le temps à M. le rapporteur de rédiger un nouvel amendement.

 

La réunion est suspendue de vingt-deux heures dix à vingt-deux heures quinze.

 

Amendement AS1189 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. À la suite de nos discussions, je retire l’amendement qui visait à fixer un délai de vingt-quatre heures et je vous en propose un nouveau, l’AS1189, qui précise que l’enregistrement doit se faire au fur et à mesure dans le système d’information.

Les amendements AS450, AS451 et AS1159 sont retirés.

La commission adopte l’amendement AS1189.

Amendement AS465 de Mme Anne Le Hénanff

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Dans la mesure où des données très sensibles seront enregistrées, cet amendement vise à recourir, pour la mise en œuvre du système d’information, à un cloud sécurisé et souverain tel que mentionné à l’article 31 de la loi Sren.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je vous propose d’adopter cet amendement, qui adapte le texte aux standards de la loi Sren.

M. Philippe Juvin (DR). Cet amendement précise simplement que la mise en œuvre du système d’information doit respecter la loi – très bien !

J’imagine, monsieur le rapporteur général, que le financement de ce système d’information ne se fera pas sur les crédits alloués à la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Pouvez-vous me rassurer sur ce point ?

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous me posez une colle. Je ne le crois pas. En tout cas, nous sommes nombreux à estimer que cela ne doit pas être le cas.

M. Philippe Vigier (Dem). Philippe Juvin pose une très bonne question. Il me semble que la mise en œuvre de ce système d’information devra être confiée à l’Agence du numérique en santé. Ni les soins palliatifs ni l’aide à mourir ne seront ainsi privés de crédits.

M. Patrick Hetzel (DR). Plusieurs de nos collègues ont défendu tout à l’heure des amendements visant à préciser que le système d’information devra être sécurisé ; ils ont été invités à les retirer au profit de celui de Mme Colin-Oesterlé. Celui-ci ne pose pas de problème en tant que tel, mais il y a des angles morts : qui aura accès au système, et selon quelles modalités ?

M. Thibault Bazin (DR). Les crédits sont un véritable enjeu. Nous avons adopté une programmation, mais le Gouvernement n’a pas créé de sous-objectif. J’appelle votre attention sur le fait que lorsque l’on a accru les moyens alloués aux maisons de retraite, on en a enlevé au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé.

La mise en œuvre des systèmes d’information est toujours difficile. Avez-vous interrogé le Gouvernement, messieurs les rapporteurs, au sujet de la date à laquelle celui‑ci serait opérationnel ? Ainsi, le registre prévu par la loi « bien‑vieillir », adoptée l’année dernière, n’est pas encore mis en œuvre.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS755 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). Cet amendement vise à garantir une codification spécifique et harmonisée des données enregistrées dans le système d’information afin qu’elles soient exploitables par la commission de contrôle et d’évaluation.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Votre intention me semble satisfaite par l’article 18. Il nous appartiendra évidemment de contrôler la bonne mise en œuvre d’un codage spécifique de ces actes – il est vrai que cela a pris du temps pour la sédation profonde et continue – mais il ne me semble pas nécessaire de faire figurer cette précision dans la loi.

Je vous invite donc à retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). L’expérience, en particulier de la loi Claeys-Leonetti, montre qu’en l’absence de cotation, il n’y a pas de suivi. Vous dites que l’amendement est satisfait par l’article 18 mais si notre collègue, qui en sera la rapporteure, le maintient, c’est que ce n’est peut-être pas le cas. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons qu’être favorables à une codification spécifique et harmonisée et soutiendrons cet amendement.

M. Philippe Juvin (DR). Je ne vois pas, à l’article 18, de référence à la classification commune des actes médicaux. Votre réponse ne me semble donc pas adaptée, monsieur le rapporteur.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous m’interrogez sans cesse sur des sujets qui ne relèvent pas de l’article en cours d’examen : ne me reprochez pas de vous renvoyer aux articles appropriés.

S’agissant de l’accès au système d’information, au sujet duquel M. Hetzel nous a interpellés, je vous renvoie à l’alinéa 10 de l’article 15, dans le chapitre V : « Nonobstant l’article L. 11104, les données enregistrées dans ce système d’information sont traitées et partagées dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, aux seules fins d’assurer le suivi, le contrôle et l’évaluation des dispositions prévues à la présente section. » L’alinéa 11 dispose ensuite : « Nonobstant l’article L. 11104, les médecins membres de la commission peuvent accéder, dans la mesure strictement nécessaire à leur mission, au dossier médical de la personne ayant procédé ou fait procéder à l’administration de la substance létale. »

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS1166 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je propose que soit reconnu à la personne souhaitant recourir à l’aide à mourir le droit de se faire communiquer les actes la concernant qui sont enregistrés dans le système d’information. Ils pourront lui être transmis par la commission de contrôle et d’évaluation. La seule limite à ce droit concerne l’ordonnance par laquelle le médecin prescrit la substance létale, cette exception étant justifiée par l’insertion de cette substance dans un circuit sécurisé, de son élaboration à sa destruction.

M. Philippe Juvin (DR). D’abord, il est normal que le patient ait accès à ces actes puisque la loi dispose qu’il a accès à toutes les données médicales le concernant ! Ensuite, pourquoi le patient ne pourrait-il pas se voir communiquer l’ordonnance, alors qu’elle est l’élément le plus important ? Il ne s’agit pas qu’il puisse obtenir la molécule, mais qu’il sache quel produit va lui être administré et à quelle dose. Je suis très surpris par cet amendement.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis moi aussi favorable à ce que le patient puisse avoir accès à l’ordonnance.

M. Thibault Bazin (DR). Pourriez-vous rectifier votre amendement, monsieur le rapporteur ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. J’entends vos arguments. Je retire mon amendement le temps de faire quelques vérifications, sans exclure de le déposer de nouveau en séance le cas échéant.

L’amendement est retiré.

Amendement AS979 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Le recueil des données médicales a trois objectifs : le contrôle, la recherche et l’information des familles. Je souhaiterais que, comme cela se fait déjà dans de nombreux pays, les données enregistrées dans le système d’information soient disponibles en open source, de façon anonymisée évidemment, afin que nous puissions les utiliser pour des travaux de recherche. Le fait que les données soient de façon générale complètement cadenassées est un problème important de la recherche, en médecine comme dans d’autres sciences.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Ces données seront consultées à des fins de contrôle par la commission instituée par l’article 15, qui lui confère la responsabilité d’évaluer le dispositif, à partir des données agrégées et anonymisées, et de formuler des recommandations concernant l’aide à mourir. Les modalités de contrôle et d’évaluation me semblent donc pleinement satisfaites.

L’amendement induit la reconnaissance d’un droit de consultation dont il ne définit ni les bénéficiaires, ni les conditions d’exercice. Il me semble fondamental de respecter la volonté de la personne concernant la façon dont elle entend faire part de sa démarche à ses proches. Au demeurant, les informations personnelles enregistrées dans le système seront couvertes par le secret médical.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). L’alinéa 10 de l’article 15 prévoit dans l’ordre le suivi, le contrôle et l’évaluation. Il ne prévoit rien s’agissant de l’information des familles ni surtout de la recherche – j’insiste sur ce point, car nous passons là à côté de quelque chose. Je suis prêt à retirer l’amendement si M. le rapporteur accepte d’amender en ce sens l’article 15 lors de l’examen du texte en séance publique.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je ne puis prendre d’engagement s’agissant de l’article 15, car la rapporteure Mme Leboucher proposera des amendements.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Les rapporteurs forment une équipe et j’ai l’honneur d’être rapporteur général. Nous avions identifié la question soulevée à raison par M. Juvin et Mme Leboucher proposera des amendements qui devraient lui convenir.

L’amendement est retiré.

Amendement AS576 de M. Paul-André Colombani

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement vise, afin d’assurer la traçabilité des procédures et l’information des personnes, à inscrire la procédure non seulement dans le système d’information mais aussi dans le dossier médical du patient.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Justine Gruet (DR). L’alinéa 11 de l’article 15 mentionne uniquement le dossier médical du patient. Dès lors, qui aura accès au système d’information ? La caisse primaire d’assurance maladie travaille à une analyse anonymisée des données à grande échelle. Le texte ne précise pas qui a le droit d’accéder à quelles informations et dans quels délais au sein du système d’information.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. L’alinéa 10 de l’article 15 mentionne le système d’information. Je propose que nous ayons ce débat lors de l’examen de l’article 15.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je comprends qu’on veuille vérifier qu’une procédure est bien appliquée, mais j’aimerais qu’on m’explique ce qu’est la traçabilité d’une procédure écrite.

L’amendement est retiré.

Amendement AS753 de Mme Karen Erodi

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’amendement vise à compléter l’article 11 par un alinéa ainsi rédigé : « Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, détermine les modalités d’enregistrement et de consultation du présent système d’information ». Une telle disposition est prévue pour la consultation du registre recensant les déclarations des professionnels de santé volontaires pour participer aux procédures d’aide à mourir, mais il n’y a rien concernant le système d’information recensant les actes réalisés. Dès lors que ces données comportent des détails privés et sensibles, il nous semble important d’appliquer la même protection pour l’un et pour l’autre.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous aurons ce débat lors de l’examen de l’article 15. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 11 modifié.

Après l’article 11

Amendements AS473, AS474 et AS472 de Mme Anne Le Hénanff

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Les données relatives aux actes enregistrées dans le système d’information sont sensibles. Elles doivent donc faire l’objet d’une attention particulière s’agissant de leur stockage. Il convient de prévoir que le cloud choisi pour les héberger satisfait aux critères les plus exigeants en matière de sécurité et de souveraineté.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Ces amendements sont satisfaits par l’adoption de votre amendement AS465 à l’article 11, qui couvre tout le champ de la procédure. Il y a une limite au degré de précision de la rédaction de la loi, si importants soient les sujets dont elle traite. Il n’est pas utile de pratiquer la surenchère rédactionnelle sur le mode « ceinture, bretelles et parapluie ».

Les amendements sont retirés.

Article 12 : Recours devant le juge administratif

Amendements de suppression AS94 de M. Patrick Hetzel, AS334 de M. Thibault Bazin et AS980 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Selon l’article 12, « la décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ne peut être contestée que par la personne ayant formé cette demande, devant la juridiction administrative, selon les dispositions de droit commun ». Les éventuelles autres parties prenantes, notamment le conjoint ou les enfants de la personne demandant l’aide à mourir – nous avons déjà évoqué l’arrêt Mortier c. Belgique de la Cour européenne des droits de l’homme –, doivent avoir la possibilité de former des recours.

M. Thibault Bazin (DR). Aux termes de la disposition citée par Patrick Hetzel, si le médecin donne son accord, nul ne peut former un recours – le demandeur étant décédé. Ce dispositif est déséquilibré et très restrictif, d’autant que le médecin se prononce seul – même si c’est après avoir pris les avis de ses confrères – et qu’il n’est pas infaillible.

L’absence de possibilité, pour un tiers tel qu’un proche du patient ou un professionnel de santé chargé de son suivi, de contester une décision favorable du médecin ne va pas de soi. La sédation profonde et continue, qui, elle, ne provoque pas la mort intentionnellement ni de façon accélérée, peut être contestée par la famille devant le juge des référés si elle l’estime injustifiée ou contraire à la volonté du patient. Par ailleurs, il faudrait préciser que le recours peut aussi être porté devant la juridiction de l’ordre judiciaire.

M. Philippe Juvin (DR). En cas de suspicion d’irrégularités dans la procédure et une fois la personne décédée, l’article 12 interdit d’agir en justice, quand bien même l’on estime en souffrir ou en subir un préjudice. Mais si je souffre d’un préjudice en raison de la disparition d’un parent ayant bénéficié de façon irrégulière de l’aide à mourir, il faut que je puisse me pourvoir devant les tribunaux compétents. Tel qu’il est rédigé, l’article 12 crée une quasi‑irresponsabilité, civile si l’intervention est pratiquée dans le secteur privé, administrative si elle l’est dans le secteur public, et pénale dans tous les cas, ce qui est contraire aux principes généraux du droit.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’article 12 prévoit que seule la personne demandant à bénéficier de l’aide à mourir peut former un recours contre la décision du médecin qui se prononce sur celle-ci, et réserve ce contentieux aux juridictions de l’ordre administratif. Les auteurs des amendements contestent cette fermeture du prétoire qui me semble pleinement justifiée.

D’une part, il ne me semble pas opportun de permettre à des tiers d’introduire un recours contre une décision répondant à la volonté libre et éclairée de la personne.

Il y va d’abord du respect de son autonomie et de la décision prise par le médecin à la lumière de sa situation médicale. Cette décision est d’une nature très différente de celle portant sur l’arrêt des traitements ou sur la mise en œuvre d’une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, car seule la personne concernée pourra demander à recourir à l’aide à mourir – et devra, pour en bénéficier, être apte à manifester sa volonté libre et éclairée. Cette condition n’existe pas dans le cas de la mise sous sédation, ce qui justifie que des tiers puissent former un recours.

Ensuite, les dispositions de l’article 12 ne font pas obstacle à la saisine du juge pénal par des tiers estimant que des manquements susceptibles de constituer des crimes ou des délits ont été commis pendant la procédure d’aide à mourir.

Enfin, l’adoption à l’article 5 de l’amendement AS512 de M. Monnet offre aux personnes protégées la possibilité de saisir le juge des tutelles ou le conseil de famille. Il s’agit d’une garantie supplémentaire, qu’il conviendra peut-être de modifier en séance publique afin d’améliorer son articulation avec les dispositions de l’article 12.

D’autre part, la dérogation aux règles de répartition des litiges entre les ordres administratif et judiciaire est selon moi justifiée par trois éléments : l’existence de procédures d’urgence devant le juge administratif ayant fait la preuve de leur efficacité, notamment le référé-liberté ; la nécessité d’éviter les jurisprudences divergentes entre ordres juridictionnels dans une matière contentieuse qui ne concernera qu’un nombre limité de cas ; la simplification des procédures pour le justiciable, qui n’aura pas à rechercher l’ordre de juridiction compétent en fonction de sa situation et à attendre plusieurs jours, voire plusieurs mois, la transmission de son recours au bon ordre de juridiction en cas d’erreur de sa part.

Pour toutes ces raisons, je donne un avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. Philippe Juvin (DR). Monsieur le rapporteur général, je ne suis pas d’accord avec vous sur deux points.

D’abord, ce n’est pas parce que le patient aura exprimé librement et de façon éclairée sa décision que les procédures sont exclues. Si par exemple je me fais opérer demain, en y ayant consenti de façon libre et éclairée, et meurs au cours de l’intervention, mes ayants droit peuvent tout à fait saisir un juge du tribunal de grande instance pour demander compensation financière du préjudice. Mon accord libre et éclairé n’exonère pas, ce qui est heureux, le médecin de sa responsabilité.

Ensuite, si l’intervention a lieu dans un établissement privé à but lucratif, la juridiction administrative n’a tout simplement rien à dire, ce qui rend inconstitutionnel l’article 12. La distinction est absolue.

Nous sommes donc en train de créer la seule activité humaine que je connaisse privée de toute possibilité de recours en cas de préjudice. C’est très surprenant.

M. Patrick Hetzel (DR). Outre le fait que les médecins libéraux ne relèvent pas de la justice administrative, d’autres éléments sont très troublants. Ainsi, ouvert aux seuls mourants, susceptible d’être formé devant la seule juridiction administrative et uniquement contre les refus, le droit de recours est privé d’effet. Or des tiers – parents ou professionnels de santé – peuvent avoir des doutes et souhaiter agir contre une autorisation d’aide à mourir. La nécessité d’expertiser les conditions de la demande, quand bien même elle a été considérée comme libre et éclairée, peut se faire sentir. Un tiers peut être amené à s’en préoccuper.

M. Thibault Bazin (DR). L’article 12 limite fortement le droit de recours. Il laisse un vide immense et prive les tiers d’une partie de leurs droits. Aucune demande écrite n’est prévue, aucun examen clinique par le second médecin, pas davantage de consultation des proches, et la question de l’accès aux données n’est pas tranchée. Que se passe-t-il si la volonté du patient s’avère ne pas être libre ni éclairée ? Que se passe-t-il si les pouvoirs de la commission de contrôle, qu’il nous reste à préciser, sont réduits ? Cet article m’inquiète, et ouvre la voie à la suspicion.

Mme Justine Gruet (DR). On ne peut défendre la liberté individuelle en faisant abstraction des conséquences des choix individuels sur la société et sur l’entourage du patient, dont les interrogations ne peuvent être considérées d’emblée comme illégitimes. Déposer un recours ne signifie pas nécessairement que l’on nourrit une suspicion. Il peut s’agir de s’assurer que tout a été bien été réalisé comme il le fallait. Par ailleurs, le recours ne peut porter que sur un refus et non sur un avis favorable, ce qui constitue un profond déséquilibre, à rebours du texte équilibré que l’on nous a tant vanté.

Ce qui m’inquiète encore plus, c’est que les choses pourront aller très vite. Une fois la décision prise, le délai pourra être de quelques heures. Je me mets à la place des proches, qui comprendront d’autant moins la décision si le pronostic vital n’est pas engagé à court terme. Si l’aide à mourir est ouverte à une personne atteinte d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, dans des délais très courts et sans que les proches en soient informés, le risque de suspicion est élevé. Pour le réduire, il faut prévoir la possibilité de former un recours.

Mme Danielle Simonnet (EcoS). Je suis très choquée par certains aspects des interventions qui précèdent. Que des proches puissent porter plainte pour demander réparation ou simplement comprendre pourquoi une opération a mal tourné, cela va de soi. Mais comment admettre que des proches opposés à une décision prise en conscience, de façon libre et éclairée, entravent cette démarche personnelle et tentent de gagner du temps par le biais d’une action en justice, alors même que le patient endure des souffrances réfractaires à tout traitement ?

Voilà la porte que les auteurs des amendements veulent ouvrir en supprimant l’article 12. Cela m’effraie profondément, sans me surprendre, la logique de M. Hetzel consistant à remettre en cause le principe même de la liberté individuelle, en vertu duquel chacun est maître de son corps, de sa vie et de sa mort, à l’exclusion de quiconque.

M. Yannick Monnet (GDR). En quoi l’impossibilité de former un recours une fois la personne décédée pose-t-elle problème, dès lors qu’elle a exprimé son consentement libre et éclairé ? Dès lors que son choix ne peut être contesté, le seul argument susceptible de fonder un recours serait le fait qu’elle ait été manipulée par le médecin, ce dont il faut se prémunir avant le décès et qu’on voit mal comment démontrer. Au reste, rien dans le texte n’empêche les ayants droit d’introduire un recours.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Monsieur Juvin, votre argumentation est cohérente, mais il est inexact de parler de quasi-irresponsabilité pénale.

S’agissant des juridictions, je rappelle que le Conseil constitutionnel admet des dérogations aux règles habituelles de répartition des compétences entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire, dans un souci de bonne administration de la justice.

S’agissant de la responsabilité pénale du médecin, elle demeure, sans préjudice de la saisine de l’ordre des médecins par un confrère estimant qu’il a commis une faute déontologique, et du procureur par la commission de contrôle ou par toute personne estimant qu’il y a suspicion de crime ou de délit. Aucune irresponsabilité pénale n’est à déplorer.

M. Philippe Juvin (DR). À côté de la question pénale, il y a la question civile.

Imaginons que je meure lors de l’intervention chirurgicale à laquelle j’avais librement consenti. Ma famille est démunie financièrement : elle fait un recours – devant le tribunal administratif si j’ai été opéré à l’hôpital public, devant le tribunal judiciaire si j’ai été opéré dans une clinique privée à but lucratif – pour demander des dommages et intérêts au médecin.

C’est la même chose ici : si une faute a été commise durant le processus, quelqu’un doit pouvoir saisir soit le tribunal judiciaire, soit le tribunal administratif. Sauf que le texte indique que ce n’est pas possible ! En effet, « la décision du médecin [...] ne peut être contestée que par la personne ayant formé cette demande ». Donc les ayants droit n’ont aucun recours.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1045 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Cet amendement de repli ne mentionne que la juridiction administrative, pour me conformer à votre volonté de réunir sous l’égide de l’ordre administratif tous les contentieux éventuels, y compris d’ordre civil. Mais la décision peut être contestée, a posteriori, par toute personne physique ou morale, considérant qu’en tant qu’acte médical cette décision crée un préjudice. Je n’empêche pas les gens de bénéficier de l’aide à mourir, mais un fils, par exemple, peut demander réparation s’il considère avoir été lésé par cette décision.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Votre amendement ne rend pas compte de la procédure prévue par les articles précédents : s’il doit recueillir l’avis d’autres professionnels de santé, le médecin est le seul auteur de la décision concernant la demande d’aide à mourir. Ce n’est pas une décision collégiale.

Je ne suis pas favorable à ce que cette décision puisse être contestée par des tiers.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Si l’on a le sentiment d’être lésé, rien n’interdit de faire un courrier au procureur !

M. Patrick Hetzel (DR). Je n’ai aucun problème avec le principe de consentement libre et éclairé. Mais que se passe-t-il lorsqu’un tiers nourrit un doute sur le fait que le consentement était vraiment libre et éclairé ? Ce tiers doit pouvoir agir en urgence, avant que l’irrémédiable ne soit commis.

Ce que nous demandons, c’est une possibilité de recours dans ce cas précis d’un doute sur le fait que les conditions soient effectivement remplies. La rédaction actuelle ne semble pas apporter cette garantie.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). L’amendement évoque en effet une décision prise collégialement ; or ce n’est pas le cas.

Seule la personne destinataire de la décision peut former un recours devant le juge administratif. S’il y a ensuite une procédure pénale, il faut prouver un acte, un préjudice, un lien de causalité : le droit commun prévoit tout cela.

Cet amendement n’a donc pas lieu d’être.

M. Philippe Juvin (DR). Je vous relis l’alinéa 2 : « La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ne peut être contestée que par la personne ayant formé cette demande. » C’est écrit. Je voudrais être rassuré et qu’on écrive quelque part qu’après le décès, les recours des tiers sont possibles. J’ai peur que la rédaction actuelle n’empêche l’application du droit commun.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS1109 de M. Frédéric Valletoux est retiré.

Amendements AS826 de Mme Marie-France Lorho, AS847 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS339 de M. Thibault Bazin et AS608 de Mme Annie Vidal (discussion commune)

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS826 est sémantique. Nous avons toujours le même problème. M. Turquois disait tout à l’heure qu’il ne devait pas y avoir d’ambiguïté dans le texte : alors il faut le réécrire entièrement ! Nous contestons les mots employés du début à la fin.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). « Mal nommer les choses contribue au malheur du monde. »

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement est rédactionnel.

L’amendement AS608 est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements AS95 de M. Patrick Hetzel, AS1046 de M. Philippe Juvin, AS335, AS336 et AS337 de M. Thibault Bazin, AS453 de Mme Océane Godard, AS338 de M. Thibault Bazin, AS896 de Mme Danielle Simonnet et AS545 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). Encore une fois, le recours par des tiers doit être possible avant que le décès n’ait lieu. C’est peut-être un point de divergence entre nous.

M. Philippe Juvin (DR). Mon amendement vise également à ouvrir la possibilité de recours à toute personne, physique ou morale, ayant intérêt à agir devant la juridiction. M. Hetzel propose que ce recours soit possible avant l’acte, je défends plutôt l’ouverture d’une possibilité de recours après le décès. Mais je constate que ma proposition est incomplète : je retire l’amendement et je le réécrirai en vue de la séance publique.

M. Thibault Bazin (DR). Par l’amendement AS335, je propose de préciser que le droit commun s’applique complètement, donc de rétablir toutes les possibilités de recours, afin qu’une action soit possible avant et après le décès devant la juridiction administrative mais aussi judiciaire. Cette dernière traite des contentieux relatifs aux libertés fondamentales et me paraît donc préférable en l’occurrence.

L’amendement AS336 est un amendement de repli qui ouvre la contestation aux personnes autres que celle ayant formé la demande.

L’amendement AS337 est un autre amendement de repli qui ouvre la contestation à certains tiers seulement : parent, allié, conjoint, concubin, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou ayant droit de la personne. Cela écarte les professionnels de santé, ce qui me paraît dommage.

L’amendement AS338 limite cette fois la contestation à la personne concernée et à la personne de confiance.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS545 est défendu.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Pour les raisons que j’ai déjà indiquées, je suis défavorable aux amendements qui tendent à supprimer l’attribution de ce contentieux aux juridictions administratives. Je ne suis pas non plus favorable à l’ouverture à des tiers de la possibilité de former un recours contre la décision du médecin.

Les amendements de Mme Godard et de Mme Simonnet visent à permettre à la personne de confiance de former un recours contre la décision du médecin. Je comprends que ces amendements sont, contrairement à d’autres, inspirés par la volonté de permettre la contestation d’une décision de refus. Toutefois, cela pourrait aussi donner lieu à des recours visant à faire obstacle à la démarche de la personne qui demande l’aide à mourir. C’est pour moi un point de vigilance. Je vous invite donc à retirer ces amendements ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). Je retire également l’amendement AS545, mais je continue à considérer que l’idée d’une médiation serait judicieuse pour apaiser les conflits. Rien n’empêchera quelqu’un de mener des procédures s’il le veut vraiment.

M. Thibault Bazin (DR). Pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, celui de mes amendements qui porte sur la personne de confiance ne concerne pas que la décision de refus du médecin, comme les autres amendements similaires, mais aussi la décision positive.

Les amendements AS1046, AS453, AS896 et AS545 étant retirés, la commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements AS756 de M. Hadrien Clouet, AS577 de M. Paul-André Colombani, AS1161 de M. Stéphane Delautrette et AS544 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Mon amendement est presque rédactionnel : c’est de la pure logique, dans la suite de notre débat. Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il est légitime que la personne qui demande une aide à mourir puisse former un recours si le médecin lui refuse cette procédure. Mais ce n’est pas le seul moment où il peut y avoir un désaccord : la procédure peut être interrompue par la suite, par exemple si le praticien prend connaissance de nouveaux éléments ou si la situation change – ce qui est tout à fait légitime. Il conviendrait donc d’ouvrir le droit au recours également pour les cas d’interruption de la procédure.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement AS577 est défendu.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. J’ai le même objectif : la décision du médecin de mettre fin à la procédure doit pouvoir être contestée dans les mêmes conditions que la décision initiale du médecin sur la demande d’aide à mourir.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Parmi ces amendements qui disent peu ou prou la même chose, je vous propose d’adopter celui de M. Delautrette. Il est plus précis, puisqu’il est le seul à mentionner exactement le 2° de l’article L. 1111‑12‑8. En outre, il répète à dessein le mot « décision », alors que le mot « celle » des autres amendements soulève une ambiguïté entre la décision et la demande d’aide à mourir.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Cet amendement couvre-t-il bien l’ensemble des motifs d’interruption ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Oui. Je précise qu’on parle bien de ce qui concerne le médecin.

Mme Justine Gruet (DR). La possibilité de recours n’est pas une fin en soi. Le recours ne sera en rien automatique : nous demandons seulement qu’il soit autorisé. Il s’agit de se donner la possibilité d’une meilleure expertise des critères, et peut-être de conforter le choix et d’alléger la responsabilité. Mais ce recours est à sens unique, puisqu’il n’est possible qu’en cas de refus. Vous parlez d’un texte équilibré, mais il n’y a ni transparence, ni collégialité, ni recours, ni contrôle. Des garde-fous supplémentaires me paraissent nécessaires.

Les amendements AS756, AS577 et AS544 sont retirés.

L’amendement AS1161 est adopté.

Amendements AS909 de M. Thomas Ménagé et AS541 de M. Yannick Monnet (discussion commune)

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS909 est défendu.

M. Yannick Monnet (GDR). Cet amendement vise à ajouter la juridiction judiciaire à la procédure, afin de respecter au mieux l’avis rendu par le Conseil d’État le 4 avril 2024.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Avis défavorable aux deux amendements.

La dérogation aux règles de répartition des litiges entre les ordres administratif et judiciaire est justifiée par plusieurs éléments : l’existence de procédures d’urgence devant le juge administratif qui ont fait la preuve de leur efficacité, notamment le référé-liberté ; la nécessité d’éviter les jurisprudences divergentes entre ordres juridictionnels, dans une matière contentieuse qui ne concernera qu’un nombre limité de cas ; la simplification des procédures pour le justiciable, qui n’aura pas à rechercher l’ordre de juridiction compétent en fonction de sa situation et à attendre plusieurs jours, voire plusieurs mois, la transmission de son recours au bon ordre de juridiction en cas d’erreur de sa part.

Enfin, la majorité des décisions d’aides à mourir devraient intervenir dans des établissements de santé publics, dont les relations avec les usagers du service public hospitalier sont régies par le droit administratif. Plus précisément, le Gouvernement avait fait valoir qu’il était probable qu’une part importante des demandes d’aide à mourir soient formulées par des personnes hospitalisées dans les services de soins palliatifs des établissements de santé publics. Il est vrai que le Conseil d’État a relevé que l’étude d’impact du projet de loi ne comportait pas de données quantitatives à l’appui de cette dernière affirmation. Il ne s’est toutefois pas prononcé sur les autres éléments qui justifient la dérogation aux règles habituelles de répartition des litiges entre les deux ordres de juridiction.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS757 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Il peut être compliqué pour une personne fatiguée, en fin de vie, vulnérable, de faire un recours devant le tribunal administratif. Je propose donc qu’elle puisse contester la décision du médecin en faisant recours à la médiation. Le malade pourrait ainsi mieux comprendre la décision du médecin, ou faire prendre conscience au médecin qu’il remplit tous les critères. Ce serait un juste milieu qui éviterait à des personnes à bout de forces d’avoir recours à la grosse machine administrative.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je comprends votre intention de soulager des personnes qui se trouvent dans des situations difficiles. Néanmoins, les procédures de médiation ne sont pas forcément plus rapides que les procédures judiciaires – elles sont même quelquefois plus longues. L’existence de procédures d’urgence est justement ce qui nous a conduits à choisir l’ordre administratif, pour pouvoir obtenir une réponse rapide. De plus, l’usage de la médiation n’empêcherait pas forcément le recours ultérieur au juge.

La médiation me semble donc peu adaptée. Avis défavorable.

M. René Pilato (LFI-NFP). Pour une fois, je ne partage pas votre analyse : ce n’est pas une question d’urgence, mais de compréhension du refus du médecin. La personne pense remplir les critères, mais elle ne se sent pas capable d’affronter une procédure administrative en cas de refus. Elle a besoin d’être conseillée, éclairée, d’où le recours à la médiation.

Mme Justine Gruet (DR). Nous n’aurions pas besoin de tout cela si le texte instaurait une procédure très transparente et très collégiale, qui rendait l’échange plus facile et éclairait la décision du point de vue éthique.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

Après l’article 12

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement AS889 de Mme Lisette Pollet.

Article 13 : Mesures réglementaires d’application

Amendements de suppression AS96 de M. Patrick Hetzel et AS981 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Légiférer sur l’aide à mourir, c’est légiférer sur la vie humaine et la liberté personnelle, qui relèvent de l’article 34 de la Constitution. Il appartient donc au législateur et à lui seul de déterminer les modalités de sa mise en œuvre.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Les dispositions que nous avons adoptées détaillent chacune des étapes de la procédure. La plupart des lois n’ont pas la même exhaustivité. On ne peut donc pas dire que le législateur s’est dessaisi de sa compétence au profit du pouvoir réglementaire en renvoyant dans cet article à un décret en Conseil d’État.

De toute façon, il n’est pas du tout anormal de laisser au pouvoir réglementaire le soin de préciser les conditions d’application de la loi. Ainsi, la procédure collégiale qui peut aboutir à l’arrêt des traitements et à la mise sous sédation du patient est organisée par des dispositions réglementaires. En l’occurrence, l’article 13 traite d’aspects très procéduraux, qui n’appellent pas d’intervention du législateur.

Enfin, je rappelle que le pouvoir réglementaire peut toujours déterminer les conditions d’exécution de la loi en application de l’article 21 de la Constitution. La suppression de l’article 13 ne priverait pas le Gouvernement de cette faculté, mais abaisserait le niveau de formalisme des dispositions d’application de la loi, ainsi que leur place au sein de la hiérarchie des normes, en supprimant l’obligation de recourir à un décret en Conseil d’État.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Vous nous dites avoir réduit au minimum le poids du pouvoir réglementaire pour en donner davantage au pouvoir législatif, mais j’ai perdu le compte du nombre d’amendements que vous avez refusés au motif qu’ils relevaient du domaine réglementaire !

M. Patrick Hetzel (DR). Nous ne devons pas renvoyer à un décret des questions aussi importantes que l’information de la personne, la formation de la demande et la vérification des conditions.

Vous vous êtes souvent référé à la procédure de sédation profonde et continue de la loi Claeys-Leonetti, dont de nombreux collègues ont souligné la perfectibilité. Il ne suffit pas de dire que vous avez fait un petit peu mieux : nous devons faire sérieusement mieux.

La commission rejette les amendements.

Amendements AS758 de Mme Élise Leboucher et AS542 de Mme Karine Lebon (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous sommes d’accord avec le rapporteur : il n’y a pas de dessaisissement au profit du pouvoir réglementaire, seuls quelques éléments ont été renvoyés à un décret.

Nous proposons que le décret mentionné à l’article 13 soit pris après avis de la HAS. Eu égard aux trois missions qu’elle mène, en matière de prise en charge collective de la santé par l’État et les collectivités, de diffusion des bonnes pratiques aux praticiennes et praticiens et d’information des usagères et des usagers, cet avis de la HAS serait très enrichissant.

M. Yannick Monnet (GDR). L’amendement AS542 est défendu.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La HAS sera amenée à jouer un rôle central en matière d’efficacité de la substance létale et de sécurité de la procédure, qui relèvent pleinement de sa compétence, ce qui ne me semble pas être le cas de la procédure de demande d’aide à mourir. Évitons d’alourdir la procédure, surtout quand on connaît les délais avec lesquels la HAS rend ses avis. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Il existe plusieurs opérateurs financés par l’assurance maladie qui publient des guides de bonne pratique et des indicateurs. Sans harmonisation, il est vain de demander à la HAS de remplir de nouvelles missions, surtout sans moyens supplémentaires. Nous devons nous y atteler.

M. le président Frédéric Valletoux. L’audition du directeur général de la HAS nous a rappelé que ses missions relèvent du domaine de la santé stricto sensu plutôt que des procédures administratives entourant les soins.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Un avis de la HAS permettrait justement d’envisager la procédure du point de vue de la santé.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1162 de M. Stéphane Delautrette.

Amendements AS731 de M. Christophe Bentz, AS848 de Mme Sandrine DogorSuch et AS609 de Mme Annie Vidal

M. Philippe Juvin (DR). L’amendement AS609 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette l’amendement AS1075 de M. Christophe Bentz.

Amendement AS667 de Mme Angélique Ranc

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS667 est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 13 modifié.

Après l’article 13

Amendement AS991 de M. Philippe Juvin.

M. Philippe Juvin (DR). Je propose de limiter la part de l’activité consacrée à l’aide à mourir à 10 % – on peut discuter du chiffre – de l’activité totale d’un médecin. Il faut éviter qu’un médecin devienne, comme dans certains pays, un technicien supérieur de l’aide à mourir : pour évaluer la volonté de ne plus vivre, il faut bien qu’il continue à voir des patients qui souhaitent vivre.

De façon plus générale, l’aide à mourir ne doit pas devenir un business. J’avais d’ailleurs déposé un amendement proposant d’interdire cette activité aux cliniques privées à but lucratif.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il est peu probable qu’un médecin puisse arriver à 10 % de son activité consacrée à l’aide à mourir. Surtout, cette disposition pourrait compromettre l’accès à l’aide à mourir, déjà limité dans les zones sous-denses ou en raison de la clause de conscience.

Mme Justine Gruet (DR). J’ignore quel sera le volume de médecins prêts à pratiquer l’aide active à mourir. Je proposerai d’ailleurs à l’article 14 l’établissement d’une liste de médecins volontaires. Certes, il faut éviter la spécialisation, y compris afin de préserver la santé mentale des médecins et le sens de la thérapeutique. Mais il ne faudrait pas non plus se priver de ce droit nouveau avec un plafond de volume d’activité.

M. Yannick Monnet (GDR). Je n’aime pas cet amendement, car il sous-entend que l’aide à mourir représentera une activité importante. Or le texte n’ouvre pas les vannes, l’aide à mourir ne pourra représenter une activité à part entière ! Je vous le dis sans méchanceté : je trouve votre amendement intellectuellement malhonnête ; il distille une idée fausse de ce qu’est cette proposition de loi.

M. Philippe Juvin (DR). Ne vous méprenez pas sur ma motivation : je veux simplement éviter que l’aide à mourir devienne un business, comme en Belgique pour ce médecin français bien connu, qui ne fait que cela.

Une limitation à 10 % ne pèserait pas sur l’accès à l’aide à mourir. Sur une patientèle moyenne, soit 850 patients, cela représenterait 85 patients par an : je ne pense pas que ce serait restrictif. Je suis très preneur d’un travail commun sur ce sujet.

M. Jean-François Rousset (EPR). Il faut laisser les médecins décider de leurs activités. Prenons l’exemple des médecins de recours, spécialisés dans le conseil aux patients sur les procédures à engager contre les hôpitaux et cliniques. Ils n’exercent pas une activité que je trouve très honorable. Pour autant, ils ont le droit d’exercer et je pense qu’il faut les laisser tranquilles.

M. Nicolas Turquois (Dem). Les profils de médecins tels que celui décrit par M. Juvin risqueraient effectivement d’abîmer la cause et il a raison de soulever le problème, mais je ne pense pas que limiter l’activité soit la solution. Les ordres pourraient peut-être se saisir de la question.

M. René Pilato (LFI-NFP). Je rappelle que 3 000 personnes se rendent à l’étranger pour recevoir l’aide à mourir, soit 30 personnes par département. Réparties entre tous les médecins, cela ne représente pas grand-chose. Une fois la loi votée, il n’y aura plus besoin qu’un médecin frontalier se spécialise, comme cela peut exister aujourd’hui.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Cet amendement laisse entendre que pratiquer l’aide à mourir serait un acte honteux alors que nous avons tout fait dans ce texte pour encadrer cette pratique et en faire un acte réalisé dans l’intérêt et le respect de la dignité des patients.

M. Philippe Juvin (DR). Il n’y a là effectivement rien de honteux. Je rappelle que l’idée est d’éviter d’en faire un business, mais j’entends les arguments de mes collègues et je retire mon amendement, quitte à y retravailler avec certains avant la séance.

L’amendement est retiré.

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11.   Réunion du vendredi 2 mai 2025 à 9 heures (article 14 à article 16)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([246]).

Chapitre IV

Clause de conscience

Article 14 : Clause de conscience, responsabilité du chef d’établissement sanitaire ou médico-social et déclaration de professionnels auprès de la commission

Amendement AS97 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à introduire une clause de conscience spécifique, que les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et les auxiliaires médicaux pourraient faire valoir. La clause de conscience générale n’est pas totalement satisfaisante : elle ne s’applique pas en cas d’urgence ; elle est de nature réglementaire et non législative ; elle n’est pas valable pour tous les personnels soignants.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Votre intention est pleinement satisfaite par l’article 14, en vertu duquel la clause de conscience bénéficie au médecin qui se prononce sur la demande d’aide à mourir ; à l’ensemble des professionnels de santé dont l’avis est sollicité par ce médecin, y compris les auxiliaires médicaux et les aides-soignants ; au médecin ou à l’infirmier sollicité pour accompagner la personne pendant l’administration de la substance létale.

Votre amendement est même moins‑disant que la rédaction actuelle, puisqu’il exclut les professionnels qui ne sont ni médecin, ni infirmier, ni auxiliaire médical, ni aide-soignant. Or l’alinéa 8 de l’article 6 prévoit que d’autres professionnels peuvent être consultés par le médecin chargé de se prononcer sur la demande d’aide à mourir, notamment un psychologue.

Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. Philippe Juvin (DR). L’amendement énumère un nombre important de professionnels. Je ne vois pas lesquels pourraient ne pas être couverts.

L’amendement concerne non seulement la décision du médecin, mais aussi l’acte et ses conséquences. Je reprends l’exemple de la toilette mortuaire. Pour les aides-soignants ou les agents hospitaliers qui en sont chargés, cela représente un poids psychologique réel. Je ne sais pas si vous avez déjà fait une toilette mortuaire, mais c’est difficile. Or le texte n’ouvre pas la clause de conscience à ceux qui l’effectuent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS341 de M. Thibault Bazin

M. Patrick Hetzel (DR). Il s’agit d’étendre la clause de conscience à « toute autre personne susceptible de concourir, par ses fonctions, à la mise en œuvre des procédures » de suicide assisté ou d’euthanasie.

Contrairement à ce qu’a affirmé le rapporteur général, le précédent amendement n’excluait personne.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. L’ensemble des professionnels de santé susceptibles d’intervenir dans la procédure d’aide à mourir pourront invoquer la clause de conscience prévue par l’article 14.

Je rappelle que, dans son avis sur le projet de loi initial, le Conseil d’État avait estimé que « les missions [des pharmaciens] ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à [leur] liberté de conscience ». Par ailleurs, lors de son audition par la commission spéciale l’année dernière, la présidente du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, le docteur Carine Wolf‑Thal, n’avait pas demandé que les pharmaciens disposent d’une clause de conscience.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). La donne a changé depuis l’année dernière : le principal syndicat de pharmaciens hospitaliers s’est récemment prononcé à plus de 80 % en faveur d’une clause de conscience.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS386 de Mme Marine Hamelet, AS1017 et AS1007 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS638 de Mme Michèle Tabarot et AS1018 de M. Philippe Juvin, amendement AS850 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)

Mme Marine Hamelet (RN). Notre amendement a pour objet d’étendre la clause de conscience aux pharmaciens, qui sont les seuls à ne pas en bénéficier. Il répare ainsi une injustice.

M. Philippe Juvin (DR). Deux raisons justifient l’extension de la clause de conscience aux pharmaciens, proposée par les amendements AS1017 et AS1007 : d’une part, un syndicat de pharmaciens hospitaliers très représentatif la réclame ; d’autre part, le code de la santé publique permet au pharmacien de refuser de délivrer un médicament pour des raisons financières ou morales. Ce que nous demandons n’a donc rien d’extraordinaire.

Pourquoi les pharmaciens ne pourraient-ils pas dire non alors que les médecins en auraient le droit ? Sur quelle base juridique ?

L’amendement AS1018 concerne les professionnels de santé – les préparateurs en pharmacie – exerçant dans les pharmacies à usage intérieur. On a tendance à ne penser qu’aux pharmaciens et aux médecins, en oubliant les préparateurs et les aides-soignants. Il ne faut pas négliger les sans-grade.

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement AS638 est défendu.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Le pharmacien exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il est anormal qu’il soit privé de la clause de conscience. Ce n’est pas un simple exécutant. Il a une conscience, comme les autres professionnels de santé.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. La base juridique sur laquelle nous nous appuyons, monsieur Juvin, est l’avis du Conseil d’État aux termes duquel « les missions [des pharmaciens] ne concourent pas de manière suffisamment directe à l’aide à mourir pour risquer de porter atteinte à leur liberté de conscience ». Par ailleurs, vous, vous citez un syndicat important ; nous, nous nous référons à l’Ordre des pharmaciens.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, suivant l’avis du rapporteur, elle rejette successivement les amendements AS1006 et AS1005 de M. Philippe Juvin.

Amendement AS1163 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. Philippe Juvin (DR). Je conteste le qualificatif. Le texte devrait faire référence aux actes, pas seulement aux procédures. La rédaction que vous proposez me semble réductrice. Est-ce bien votre intention ?

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Les actes font partie des procédures. Il n’y a pas de doute à avoir sur ce point.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS340 de M. Thibault Bazin

M. Patrick Hetzel (DR). L’article 14 garantit aux professionnels de santé susceptibles de participer à une euthanasie ou à un suicide assisté la possibilité de faire valoir leur clause de conscience et de se retirer de la procédure.

Néanmoins, les alinéas 5 à 8 posent problème. Il est donc proposé de les supprimer.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ces dispositions sont indispensables pour garantir l’effectivité de l’accès à l’aide à mourir et l’égalité entre les personnes susceptibles d’y avoir recours, quels que soient leur lieu de résidence ou les modalités de leur prise en charge.

J’émets un avis défavorable à cet amendement, dont l’adoption priverait l’accès à l’aide à mourir de garantie légale.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS98 de M. Patrick Hetzel et AS1014 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Il est proposé de rédiger ainsi l’alinéa 5 : « Les professionnels de santé qui veulent participer, délivrer ou administrer une préparation létale à une personne en fin de vie qui demande à mourir le font sur la base du volontariat. Ils s’enregistrent sur un registre public dédié à cet effet. » Cette rédaction garantit à la fois la transparence et l’accès à des praticiens volontaires pour les patients.

M. Philippe Juvin (DR). Dans un souci de bonne administration pour les établissements de santé et de clarté pour les patients, il serait préférable que les médecins volontaires soient inscrits sur un registre public. Cela faciliterait aussi la tâche du médecin qui ne souhaite pas participer à la procédure et doit adresser le patient à un confrère. Les partisans du texte auraient intérêt à la création d’un tel registre.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. L’information et le réadressage de la personne conditionnent l’effectivité de l’accès à l’aide à mourir et ne portent pas atteinte à la liberté de conscience des professionnels de santé, qui ne seront pas tenus de concourir à la procédure d’aide à mourir.

Le texte est parfaitement limpide sur le principe du volontariat. Quant au registre, il est prévu et sera accessible aux médecins pour qu’ils puissent procéder au réadressage de la personne lorsqu’ils font jouer leur clause de conscience.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Vous parlez d’un registre réservé aux médecins ; nous proposons un registre public.

M. Philippe Juvin (DR). La publicité du registre sert l’intérêt des patients – ils savent où aller. Je m’étonne de l’opposition à cette disposition de la part des partisans du texte.

M. Nicolas Turquois (Dem). Nous sommes interpellés par des associations très militantes, d’un côté comme de l’autre. Dans quelques années, le sujet ne suscitera peut-être plus de telles passions, mais aujourd’hui, des personnes très excessives dans leur militantisme pourraient être tentés de cibler les médecins volontaires et de les empêcher d’accomplir leur mission. Il me semble que la tenue du registre par les ordres permet de concilier protection des médecins et accessibilité aux patients. La publicité expose les professionnels de santé à un risque majeur pour leur intégrité physique et morale.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je suis pleinement d’accord avec ce qui vient d’être dit.

De plus, la clause de conscience est invoquée pour un cas, un moment, un patient. Elle ne vaut pas pour l’ensemble de l’exercice professionnel. Il faut conserver de la souplesse pour pouvoir s’adapter aux évolutions.

M. Thibault Bazin (DR). J’avoue ne pas comprendre. Puisque vous créez un délit d’entrave, vous n’avez rien à craindre d’un registre public.

Il est vrai que certains professionnels pourront être volontaires ou non au gré des cas, mais d’autres pourront systématiquement ne pas l’être. Ceux qui seront inscrits dans le registre pourront à tout moment faire valoir la clause de conscience.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). La protection des soignants doit être garantie, que leur décision soit temporaire ou définitive. Il est normal que le réadressage incombe au médecin qui a invoqué sa clause de conscience. Ce n’est pas au patient de chercher un nouveau médecin pour l’accompagner. La tenue de la liste par les ordres est donc absolument nécessaire.

M. Julien Odoul (RN). Je ne vois pas ce qui pose problème dans la publication de la liste. Cette solution est favorable au patient en fin de vie, qui sait en amont vers quel professionnel se tourner. Je pensais que les partisans du texte préféreraient éviter au patient d’avoir à essuyer un ou plusieurs refus.

La publicité de la liste est aussi favorable au médecin, qui n’est pas obligé d’orienter le patient en fin de vie vers un confrère, mais peut l’inviter à consulter la liste.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur Bazin, vous mettez en avant le délit d’entrave pour contrebalancer la publicité de la liste. Est-ce à dire que vous retirez vos amendements tendant à supprimer ce délit ? Ce serait un signe de cohérence.

L’argument du parallélisme entre les soignants ne me semble pas recevable. Dans le cas de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la clause de conscience n’existe pas non plus pour les pharmaciens. Le fait de laisser une personne disposer de son corps suppose de reconnaître la souveraineté de la personne sur elle-même, mais aussi la liberté des praticiens qui interviennent directement sur ce corps, non de ceux qui produisent un matériau dont ils ignorent l’usage futur.

Pour toutes ces raisons, ces amendements et tous les suivants qui sont de même inspiration méritent d’être rejetés.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1165 de M. Stéphane Delautrette.

Amendements AS455 de M. Jérôme Guedj, AS759 de Mme Karen Erodi, AS1164 de M. Stéphane Delautrette, AS851 de Mme Sandrine Dogor-Such et AS760 de Mme Karen Erodi, amendements identiques AS761 de Mme Karen Erodi et AS897 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)

Mme Élise Leboucher (LFI-NFP). L’amendement AS759 vise à substituer aux mots « informer sans délai » les mots « immédiatement informer ». Cette rédaction moins floue garantit au patient de pouvoir s’adresser au plus vite à un autre professionnel si celui qu’il a sollicité a usé de la clause de conscience.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Je partage la volonté de tous les autres auteurs d’amendements de garantir l’effectivité et la célérité du réadressage de la personne par le professionnel de santé qui invoque la clause de conscience. Je les invite à retirer leurs amendements au profit du mien.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Il est proposé de remplacer « sans délai » par « au cours de la première consultation ». Toute personne a le droit de savoir pourquoi un professionnel de santé décide de ne pas concourir à la mise en œuvre des dispositions relatives au suicide assisté ou à l’euthanasie.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur le rapporteur, nous ne partageons pas votre analyse : l’expression « sans délai » porte sur la notification de la décision du médecin et non sur l’orientation ultérieure.

Pour dissiper le flou de la rédaction actuelle, l’amendement AS760 vise à fixer un délai de vingt-quatre heures avant la notification et l’orientation.

S’agissant d’un sujet éthique, le praticien sait s’il est favorable ou non. Sa décision peut être rendue immédiatement.

En outre, savoir que sa décision est encadrée par ce délai lui ôtera un stress potentiel lié à d’éventuels recours, à une conflictualité qui n’a pas lieu d’être, et permet aussi d’éviter des attentes asymétriques des deux parties.

Enfin, le patient n’aura pas à s’interroger sur le moment auquel relancer le praticien ni sur l’opportunité de revenir à la charge.

En résumé, la fixation d’un délai permet de sécuriser l’ensemble de la procédure et des parties prenantes.

M. René Pilato (LFI-NFP). L’amendement AS761 est de repli. Il prévoit un délai de 48 heures. Un patricien peut avoir besoin d’un peu plus de temps s’agissant d’un cas difficile.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). L’amendement AS897 vise à empêcher d’éventuelles entraves à la procédure d’aide à mourir en imposant un délai au médecin pour proposer une solution alternative s’il fait valoir la clause de conscience.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous sommes d’accord sur la nécessité d’écarter tout délai tant lors de l’invocation de la clause de conscience qu’avant la réorientation vers un autre professionnel susceptible d’accompagner le patient. Mon amendement vise à modifier la place de « sans délai » dans la phrase pour qu’il couvre bien ces deux situations. Je suis opposé à tous les amendements qui fixent un délai.

M. Laurent Panifous (LIOT). L’esprit du texte veut que le patient soit informé immédiatement, donc sans délai, du fait que le professionnel de santé oppose la clause de conscience. Je suis donc favorable à l’amendement AS759 et à l’amendement du rapporteur.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement de Mme Dogor-Such me semble pertinent. Le médecin qui invoque la clause de conscience n’a pas besoin d’y réfléchir ; il peut le faire au cours de la consultation. Un délai de vingt-quatre ou de quarante-huit heures ne pourrait-il pas être considéré comme une forme d’entrave ?

M. Philippe Juvin (DR). Vous proposez de substituer aux mots : « informer sans délai » les mots : « , sans délai, informer ». « Belle marquise, vos beaux yeux me font mourir d’amour. Ou bien : d’amour mourir me font, belle marquise, vos beaux yeux. Ou bien : vos yeux beaux d’amour me font, belle marquise, mourir. Ou bien : mourir vos beaux yeux, belle marquise, d’amour me font. Ou bien : me font vos yeux beaux mourir, belle marquise, d’amour. »

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). La remarque est infondée. Le fait de placer « sans délai » avant ou après « informer » change tout. S’il est placé avant, il s’applique à la fois au fait d’informer et de communiquer le nom du professionnel.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Grâce à l’amendement du rapporteur, « sans délai » se rapporte aux deux éléments de la phrase et non plus à un seul. La comparaison avec Le Bourgeois gentilhomme n’a pas de sens.

M. Thibault Bazin (DR). La question de la portée de la clause de conscience se pose. Est-ce une clause de conscience partielle ou totale ?

En droit pénal, une personne peut être reconnue coupable non seulement du fait d’agir, mais également de celui de contribuer à l’acte en aidant la personne qui agit ou en lui donnant des informations. Faut-il obliger les professionnels de santé que la procédure met vraiment mal à l’aise à communiquer au patient le nom des professionnels disposés à y participer ? S’il existait un registre public, la question ne se poserait pas.

M. Patrick Hetzel (DR). La rédaction actuelle n’est pas ambiguë : la conjonction de coordination « et » suppose que l’expression « sans délai » s’applique tant à « informer » qu’à « communiquer ».

Si on veut aller au bout de la logique, la personne devrait être informée de l’exercice de la clause de conscience dès la première consultation.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Substituer « dès la première consultation » à « sans délai » lèverait toute équivoque.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Bazin, il ne faut pas essayer de troubler les esprits : il n’existe pas de clause de conscience partielle. Le médecin a un droit absolu de l’invoquer et quand il le fait, c’est pleinement.

Vous revenez à votre proposition de registre, mais vous n’avez pas répondu aux objections : la clause de conscience doit pouvoir être activée de manière indépendante pour chaque cas et pour chaque personne, alors qu’un professionnel de santé inscrit sur un registre serait tenu par un engagement écrit. C’est réduire la portée de la clause de conscience et compliquer la procédure, alors qu’il convient de respecter les professionnels en leur laissant une liberté totale.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous ne voulons pas nous limiter au moment de la première consultation, car il n’est pas exclu que le second professionnel consulté, celui vers lequel le patient aura été réorienté, exerce également sa clause de conscience. En effet, comme l’a dit Mme Rousseau, la clause de conscience peut très bien être invoquée pour un cas particulier et pas pour un autre. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à la création d’un registre public.

L’information dès la première consultation réduirait la portée de la clause de conscience, que, pourtant, vous défendez. Je ne comprends pas cette position.

Mme Annie Vidal (EPR). C’est dès la première consultation, lorsque le médecin reçoit la demande du patient, qu’il doit indiquer qu’il fera valoir sa clause de conscience. C’est à ce stade que le médecin doit réorienter le patient vers un confrère qui le prendra en charge du début jusqu’à la fin.

La commission rejette successivement les amendements AS455 et AS759.

Puis elle adopte l’amendement AS1164.

En conséquence, les amendements AS851, AS760, AS761 et AS897 tombent.

Amendement AS763 de M. Hadrien Clouet

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). L’article ne mentionne que l’information du patient. Il ne prévoit pas le cas où le praticien serait sollicité par un confrère ou une consœur. Il s’agit donc de préciser que le médecin informera rapidement de son refus le professionnel qui le sollicite, afin que celui-ci puisse trouver rapidement un autre praticien pour le remplacer.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Cette modification contribue à renforcer l’effectivité de la procédure. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS343 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). La rédaction du début de l’alinéa mériterait d’être clarifiée afin de viser le professionnel de santé qui ne souhaite « pas ou plus » participer, puisqu’il est possible de faire jouer sa clause de conscience à n’importe quelle étape.

Mon amendement vise à rendre facultative la communication à la personne du nom d’un professionnel disposé à participer à la procédure. Certains professionnels considèrent qu’en vertu de la clause de conscience, ils peuvent refuser de contribuer, même indirectement, à la réalisation de l’acte ; d’ici à la séance, nous devrons réfléchir à la portée de cette clause. Néanmoins, en raison de l’adoption de l’amendement AS1164, mon amendement poserait un problème de nature légistique. Je le retire donc.

L’amendement est retiré.

Amendements AS587 de Mme Nicole Dubré-Chirat et AS762 de Mme Karen Erodi (discussion commune)

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je retire mon amendement en raison de l’adoption de l’amendement AS1164.

M. René Pilato (LFI-NFP). L’amendement AS762, qui vise à prévoir que le professionnel de santé communique le nom d’un autre professionnel de façon concomitante à l’expression de son refus, va dans le même sens que l’amendement AS1164.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’adoption de ce dernier, l’expression « sans délai » impliquant ce caractère concomitant. Je vous invite à le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Les amendements sont successivement retirés.

Amendement AS849 de Mme Sandrine Dogor-Such

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Dans les zones rurales, et même dans les zones urbaines, il sera plus facile pour un praticien qui fait jouer la clause de conscience d’indiquer un établissement à son patient pour que sa demande de mort programmée soit satisfaite.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Vous souhaitez permettre le réadressage vers un établissement plutôt que vers des professionnels.

Ce n’est toutefois pas l’établissement qui participe à l’aide à mourir, mais bien les professionnels. Ce sont également ces derniers qui seront inscrits sur le registre. Il s’agit ainsi d’éviter un réadressage vers un établissement où aucun professionnel n’est disposé à ou disponible pour accompagner une demande d’aide à mourir. Je souhaite conserver le dispositif actuel.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement AS342 de M. Thibault Bazin est retiré.

Amendement AS578 de M. PaulAndré Colombani

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS454 de M. Arnaud Simion

M. Arnaud Simion (SOC). Afin de garantir l’effectivité du droit à mourir, l’amendement vise à prévoir que le professionnel de santé refusant d’accompagner un patient dans sa demande d’aide à mourir transfère son dossier à un médecin disponible.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends votre intention et partage l’objectif de simplifier autant que possible les démarches que devront accomplir les personnes qui souhaitent avoir recours à l’aide à mourir.

Cependant, je suis convaincu que la modification que vous proposez contreviendrait au secret médical : il faut que la personne consente à une telle transmission d’informations.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS250 de M. Jean-Pierre Taite

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’amendement vise à étendre la clause de conscience aux pharmaciens qui pourraient ainsi refuser de préparer la substance létale.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Nous avons débattu de ce sujet à plusieurs reprises. Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Nous voulons dire avec la plus grande force que nous regrettons infiniment que les pharmaciens ne bénéficient pas de la clause de conscience. C’est un problème majeur qui aura des conséquences abyssales.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS880 de Mme Lisette Pollet

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement vise à exclure l’obligation pour les responsables d’établissement de santé d’accueillir une personne souhaitant recourir à l’euthanasie. L’euthanasie n’étant pas un soin, la clause de conscience doit s’appliquer à l’ensemble des établissements, dont le but est d’améliorer ou de préserver la santé des patients et qui ne doivent pas devenir des mouroirs.

C’est d’autant plus vrai que la mort provoquée de malades serait de nature à perturber les autres patients, alors même que l’élément psychologique est important dans le combat contre n’importe quelle maladie.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.

L’adoption de cet amendement priverait l’accès à l’aide à mourir de garantie légale. En outre, il supprime l’alinéa qui prévoit que les professionnels de santé disposés à mettre en œuvre l’aide à mourir se déclarent à la commission de contrôle et d’évaluation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS982 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). L’irruption de personnes venues pratiquer l’euthanasie alors qu’elles n’appartiennent pas à l’équipe de soins est de nature à considérablement gêner cette équipe, et même à la disloquer.

L’équipe de soins regroupe des personnes qui travaillent ensemble et qui ont les mêmes réflexes techniques, professionnels et humains. L’arrivée dans un service hospitalier de ces étrangers – « bonjour, je viens pour l’aide à mourir de M. ou Mme X, c’est quelle chambre ? » – serait dévastatrice ; on n’a pas pris la mesure des conséquences humaines d’une telle pratique.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Arnaud Simion (SOC). Monsieur Juvin, vous parlez de collègues ! À vous entendre, on aurait l’impression qu’ils vont arriver vêtus d’un habit noir et armés d’une faux.

M. Jean-François Rousset (EPR). Certaines équipes qui fonctionnent bien ont n néanmoins besoin de l’assistance de professionnels extérieurs ayant une compétence particulière, notamment à l’occasion d’opérations chirurgicales. Leur intervention pourrait, au contraire, répondre à une demande de l’équipe de soignants.

M. Philippe Juvin (DR). Certes, des chirurgiens peuvent prêter main‑forte à certaines équipes. Néanmoins, nous débattons d’un tout autre sujet. Vous ne pouvez prétendre que ces actes sont exactement de même nature.

Par ailleurs, ces personnes n’interviendraient que pour réaliser l’euthanasie, puis repartiraient, laissant le soin à l’équipe d’effectuer la toilette mortuaire. Vous n’avez jamais assisté à cet acte, vous ne savez pas ce que c’est. Je ne vous juge pas. Simplement, je l’ai déjà fait, et ce n’est pas simple, il ne s’agit pas d’un geste technique ; ce qui est en jeu, ce n’est pas de la matière mais de l’épaisseur humaine.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Cessons de caricaturer. Dans de nombreux domaines, les équipes médicales ont besoin d’un apport extérieur. Ici, ce serait dans l’intérêt du patient : si aucune personne de l’équipe qui suit le malade ne souhaite procéder au geste, il faudra le transférer.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je m’étonne des propos tenus. Les soignants ont une éthique, ils assurent une continuité des soins et ont l’habitude de travailler avec des personnes appartenant à d’autres services que le leur.

Il est hallucinant de penser qu’une personne viendrait délivrer la substance létale puis s’en irait. Selon un directeur d’établissement qui m’a adressé un courrier, si l’intervention de professionnels extérieurs était proscrite, les personnes résidant dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) depuis plusieurs années devraient quitter l’établissement pour avoir recours à l’aide à mourir. Celle-ci serait alors mise en œuvre par une autre équipe. Cette prise en charge des patients dépasserait l’entendement.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement me surprend. Notre collègue Juvin sait très bien que 10 000 praticiens à diplôme hors Union européenne travaillent dans les hôpitaux français et ils font partie des équipes soignantes, qu’ils n’ont absolument pas désorganisées.

Mon cher collègue, vous sous-entendez que la possibilité de faire intervenir des équipes extérieures permettrait de créer une véritable filière organisée qui viendrait procéder à l’aide à mourir dans les hôpitaux. Cela m’étonne de vous. J’ai bien compris que vous essayiez par tous les moyens de faire obstacle à ce texte. Vous avez la liberté de dire ce que vous voulez ; quant à moi, j’ai la liberté de vous répondre. Du reste, je me suis montré très respectueux.

M. Patrick Hetzel (DR). Ce débat est intéressant, car il pose la question fondamentale de la continuité des soins. Nous ne souhaitons pas que l’acte de donner la mort soit considéré comme un soin. Pour nous, il traduit en réalité une discontinuité, une rupture fondamentale de nature anthropologique. Le fait que vous considériez que cet acte s’inscrit dans la continuité des soins nous pose un problème. Certains d’entre vous utilisent l’expression « soin ultime » ; nous la réfutons. Le soin ultime ne peut être le fait de donner la mort. C’est un point de divergence, entendez-le.

M. Laurent Panifous (LIOT). Monsieur Juvin, l’exemple de la toilette mortuaire n’est pas pertinent. Vous n’êtes pas le seul à en avoir réalisé, je l’ai fait à titre personnel et je vous confirme que c’est très lourd. Une personne à qui un professionnel aurait opposé  comme c’est son droit – la clause de conscience doit-elle pour autant quitter l’établissement ? Non.

M. Julien Odoul (RN). Les réflexions qui s’expriment révèlent beaucoup de légèreté et dénaturent complètement l’acte. L’administration de la mort n’est pas et ne sera jamais un soin.

Intégrer d’autres éléments – certes, des soignants, mais qui ont pour objectif d’interrompre la vie – au sein d’équipes médicales qui n’ont d’autre souci que de préserver la vie, de prodiguer des soins, d’améliorer l’état des personnes et de leur apporter du réconfort peut susciter du trouble. Nous parlons d’un acte qui, dans l’univers médical et la communauté des soignants, est anormal. Vous voulez donc y introduire de l’anormalité. Cet amendement est pertinent.

Mme Océane Godard (SOC). J’écoute ce que vous dites depuis de nombreuses heures, monsieur Juvin. Vous ne parlez jamais du patient. Vous cherchez des facteurs extérieurs qui pourraient justifier le refus d’accéder à la demande du patient. Vous n’avez jamais parlé des souffrances réfractaires. Mme Chantal Sébire, qui a été très malade et souhaitait accéder à l’aide à mourir, a parlé d’un « acte ultime d’amour » ; c’est bien de cela qu’il s’agit lorsque la souffrance est extrême. J’aimerais l’entendre dans vos propos.

Enfin, ne préjugez pas de ce que nous avons vécu. Qu’en savez-vous, que savez‑vous de nos métiers ? Vous n’avez pas le monopole de ces situations très difficiles.

M. René Pilato (LFI-NFP). Nous sommes au cœur d’un sujet profond. Certaines personnes ne veulent pas que l’on puisse disposer de son corps comme on le souhaiterait – je respecte cette opinion. Ces mêmes personnes peuvent également être opposées à l’IVG ou à la prise en compte du consentement.

Monsieur Odoul, il n’est pas anormal de mettre fin à des souffrances réfractaires et insupportables à la demande du patient. Pour ma part, je trouve cela salutaire. Accéder à l’ultime demande d’une personne qui souffre l’enfer et qui veut que cela cesse est un geste humaniste.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Votre morale et la nôtre, c’est l’enjeu de ce débat. Il faut savoir faire la différence entre une morale publique et une morale privée. On peut souhaiter, à titre personnel, recourir à tel ou tel dispositif social, médical, sanitaire. Mais vous voulez, au nom de votre morale personnelle, interdire à une partie de la population de disposer de son corps. En notre qualité de législateur, devons-nous imposer nos choix personnels ou bien créer le cadre permettant à toutes et tous d’exercer des libertés fondamentales, parmi lesquelles figure l’aide à mourir ?

L’amendement ne fait pas ce qu’il dit et ne dit pas ce qu’il fait. Vous avez évoqué le fait d’empêcher d’accéder à ce droit des personnes prises en charge dans des établissements de santé, mais – répétons-le – les personnes peuvent être domiciliées là où elles sont prises en charge. Il s’agit donc de leur domicile privé. Par conséquent, l’amendement reviendrait à refuser à ces personnes le droit de bénéficier de l’aide à mourir à leur domicile. Concrètement, les sortirez-vous de leur lit pour que cet acte soit réalisé dans la rue ?

Enfin, dans l’exposé sommaire – très sommaire – de l’amendement, il est indiqué que l’intervention de professionnels extérieurs est de nature à « désorganiser gravement les équipes soignantes ». Ce qui désorganise une équipe, c’est de ne pouvoir soulager une personne qui souffre abominablement et qui demande à partir.

M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur Odoul, la mort n’est pas anormale. La prise en compte de la mort en médecine est parfaitement intégrée, c’est un point de passage pour chaque professionnel de santé.

La vocation du milieu médical est de prodiguer des soins. Or, dans la situation actuelle, la souffrance des personnes dont nous parlons peut-être telle qu’elles en viennent parfois à se suicider.

J’entends que certains sont totalement opposés à ce droit. Néanmoins, il ne s’imposera pas à eux. Il s’agit d’un choix, ce n’est pas une liberté que l’on retire à certains mais une liberté que l’on donne à ceux qui souhaitent l’exercer. L’équilibre trouvé est le bon. Par conséquent, cet amendement n’est pas pertinent.

M. Philippe Juvin (DR). Madame Godard, ces attaques personnelles ne sont pas dignes. Vous ne pouvez pas me faire ce procès. Je suis médecin ; j’ai toujours considéré que la médecine n’était pas un simple exercice technique. Un patient ne se résume pas à un symptôme ou à un acte qu’il faut ou non réaliser. Malgré mes défauts et mes insuffisances, j’essaie de considérer l’être humain comme un tout. Nous pouvons être en désaccord sur des points techniques. En revanche, ne venez pas me donner des leçons sur ce qu’est la souffrance ou sur l’être humain dans sa globalité. Je ne sais pas quel métier vous exercez – du reste, je m’en moque. Ma vie a été consacrée à la prise en charge de la souffrance des gens.

Ce que je voulais absolument éviter, c’est une désorganisation des équipes causée par l’irruption de personnes extérieures qui pratiqueraient l’euthanasie. Or M. Clouet a très justement – et de manière très modérée – fait remarquer que le dispositif de l’amendement n’était pas correctement rédigé, car il inclut le domicile du patient. Je le retire donc pour le retravailler d’ici à la séance.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Non, monsieur Odoul, nous ne parlons pas de l’aide à mourir avec légèreté. Cela fait quinze ans que je suis engagé sur ce sujet : je n’ai jamais parlé de la mort avec légèreté. Vous pouvez être en désaccord avec ce que nous défendons, c’est votre droit le plus légitime, mais ne dites pas que nous en parlons avec légèreté, s’il vous plaît.

Monsieur Juvin, je ne sais pas pourquoi vous avez fait référence, à plusieurs reprises, à la toilette mortuaire. Je suis habitué à écouter les arguments des opposants, peu de choses me choquent, mais je suis choqué par cet exemple, car il s’agit de gestes et de soins prodigués à une personne défunte. Y aurait-il plusieurs catégories de personnes défuntes ? La personne est décédée, peu importe la cause – accident, suicide, aide à mourir. La toilette mortuaire est un soin dont tout le monde doit pouvoir bénéficier. Cette question ne relève pas de notre débat ; restons-en au sujet philosophique et éthique de l’aide à mourir.

L’amendement est retiré.

Amendement AS345 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je souhaite que soit modifié l’alinéa 6. Il impose en effet aux responsables des établissements de santé refusant, pour des raisons éthiques, de pratiquer l’euthanasie ou le suicide assisté de laisser pénétrer dans leur établissement les personnes procédant à ces actes. Cette disposition me semble en contradiction avec la directive européenne 2000/78/CE du 27 novembre 2000, au nom de laquelle une entreprise dite de conviction peut imposer à ses employés d’exercer leurs activités en cohérence avec son éthique et ses principes.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Le II de l’article 14 n’impose pas au personnel de ces établissements de concourir à l’aide à mourir ; il se borne à interdire au directeur de la structure de s’opposer à l’intervention de professionnels de santé venus de l’extérieur, dans le cas où le personnel invoquerait la clause de conscience. Cette solution me paraissant parfaitement équilibrée et respectueuse des convictions de chacun, j’émets un avis défavorable à votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS346 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je propose de réglementer plus strictement les conditions d’accès aux établissements des personnes physiques et des représentants de personnes morales en précisant, à l’alinéa 8, qu’elles sont définies par un décret en Conseil d’État.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. L’alinéa que vous proposez de modifier concerne les proches dont la personne a choisi de s’entourer pour ses derniers instants. Je comprends mal en quoi il serait nécessaire de réglementer leur accès plus strictement que celui des autres visiteurs.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS20 de M. Alexandre Portier, AS100 de M. Patrick Hetzel, AS988 et AS1009 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

M. Alexandre Portier (DR). Je propose que chaque établissement de santé ou structure médico-sociale puisse refuser de développer des pratiques d’aide à mourir. Cette clause de conscience collective, en quelque sorte, leur permettrait d’agir en cohérence avec leurs valeurs fondamentales. Une distinction claire serait maintenue entre les soins palliatifs d’une part et l’euthanasie active d’autre part.

M. Patrick Hetzel (DR). Considérant que l’aide à mourir n’est pas un soin, nous souhaitons qu’un établissement de santé puisse refuser que cet acte soit pratiqué en son sein.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Par l’amendement AS988, nous proposons d’insérer un nouvel alinéa permettant aux établissements ou aux services sociaux et médicaux-sociaux, s’ils le prévoient dans leur projet d’établissement ou de service, de ne pas participer à la mise en œuvre des dispositions relatives à l’aide à mourir. À défaut, les établissements dans lesquels tous les médecins et infirmiers feraient jouer leur clause de conscience seraient contraints de faire appel à des professionnels de santé spécialisés, en quelque sorte, dans ce type d’acte.

M. Philippe Juvin (DR). Je rappelle que l’article L. 2212-8 du code de la santé publique prévoit une clause de conscience collective pour l’IVG, laquelle a été admise dans la directive européenne du 27 novembre 2000. Elle est bien sûr soumise à des restrictions, en particulier pour les établissements participant au service public, mais elle existe.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Une clause de conscience est individuelle ; il n’en existe pas de collective. Je rappelle que, contrairement à ce qui se passe pour l’IVG, les personnes souhaitant bénéficier de l’aide à mourir peuvent être domiciliées dans l’établissement où celle-ci sera mise en œuvre. Les situations étant très différentes, l’application des mêmes règles ne se justifie pas. De surcroît, les dispositions que vous proposez d’insérer pourraient restreindre l’accès à l’aide à mourir.

J’émets donc un avis défavorable à ces amendements.

M. Patrick Hetzel (DR). Le droit européen reconnaît l’existence d’entreprises de conviction et fait bien référence à une éthique des organisations. Je ne comprends pas l’avis défavorable du rapporteur à l’amendement de repli AS1009, puisqu’un établissement habilité à assurer le service public ne pourrait refuser de pratiquer à l’aide à mourir qu’à condition que d’autres établissements soient en mesure de répondre aux besoins locaux : l’accès à l’aide à mourir ne serait pas restreint.

M. Philippe Juvin (DR). On ne peut pas dire qu’il n’existe pas de clause de conscience collective : il en existe bien une pour les établissements privés refusant de pratiquer l’IVG.

Il est vrai, monsieur le rapporteur, que les Ehpad doivent être exclus des dispositions que nous proposons afin de ne pas empêcher les résidents qui y sont domiciliés d’y bénéficier de l’aide à mourir. Mais mon amendement AS1009 ne les concerne pas, puisqu’il vise les établissements de santé privés.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Les établissements de santé privés sont souvent des sociétés anonymes ou des sociétés à responsabilité limitée : elles n’ont pas de conscience ! L’ensemble des médecins d’un établissement peuvent faire valoir leur clause de conscience à titre individuel, mais l’établissement lui-même ne le peut pas.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Je ne pense pas qu’il existe de clause de conscience collective pour l’IVG. Dans sa décision du 27 juin 2001, le Conseil constitutionnel a en effet jugé que la clause de conscience avait un caractère individuel et qu’un chef de service ne pouvait s’opposer à ce que l’IVG soit pratiquée au sein de son service.

Contrairement aux personnes recourant à l’IVG, celles qui demanderont l’aide à mourir seront souvent immobilisées et ne pourront être transportées qu’au prix de souffrances considérables : il serait contradictoire de les leur imposer pour leur en éviter d’autres à venir. Nous sommes tous d’accord, je crois, pour minimiser les souffrances.

Ces raisons plaident pour le rejet des amendements.

M. Thibault Bazin (DR). La question induite est celle des projets d’établissement. Dans certains établissements spécialisés en soins palliatifs, où les professionnels auront choisi d’exercer pour des raisons éthiques, ils risquent de refuser tous de provoquer intentionnellement la mort. Il est dans l’intérêt des patients de le savoir à l’avance.

M. Philippe Vigier (Dem). Si un patient hospitalisé dans un établissement de soins palliatifs souhaite bénéficier de l’aide à mourir, il serait inhumain de le sortir de son établissement pour l’emmener mourir dans un autre.

Ensuite, je suis persuadé que l’avis des soignants a évolué et que certains préféreront que les choses se passent au sein de l’établissement où ils ont accueilli le patient en soins palliatifs.

Enfin, on peut penser que de nouveaux praticiens acceptant l’aide à mourir rejoindront ces établissements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS487 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je vous propose de modifier l’alinéa 9 de sorte que les professionnels de santé disposés à pratiquer l’aide à mourir se déclarent auprès de l’agence régionale de santé (ARS) et non auprès de la commission de contrôle et d’évaluation – qui n’est pas l’instance la plus pertinente pour cela.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. Il ne semble pas souhaitable de confier cette mission supplémentaire aux ARS, qui ne sont pas outillées à cette fin et qui, le plus souvent, ne sont pas connues des citoyens. L’ajout d’une étape préalable pourrait rendre plus difficile la mise en relation avec un professionnel de santé disposé à mettre en œuvre l’aide à mourir. Il me paraît plus pertinent de prévoir un registre unique consultable en chaque point du territoire.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Il ne me semble pas efficace de demander à la commission en charge du contrôle a posteriori de veiller à ce que l’organisation des soins permette l’accès à l’aide à mourir – d’autant qu’elle risque de ne pas être davantage connue du citoyen que l’ARS.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS347 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Je vous propose de préciser que les professionnels de santé s’étant déclarés disposés à pratiquer l’aide à mourir peuvent à tout moment demander le retrait de leur inscription dans le registre. Cela va dans le sens de ce que disait Philippe Vigier à propos de l’activation de la clause de conscience.

M. Stéphane Delautrette, rapporteur. La précision que vous souhaitez introduire n’est que le corollaire du principe du volontariat qui prévaut à l’inscription dans le registre : on ne peut douter que le retrait se fera selon ce même principe. J’ajoute que les conditions d’enregistrement feront l’objet d’un décret en Conseil d’État et qu’en pratique, un professionnel peut à tout moment invoquer sa clause de conscience.

Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y suis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 14 modifié.

 

La réunion est suspendue de dix heures trente à dix heures quarante.

 

Chapitre V

Contrôle et évaluation

Article 15 : Création d’une commission de contrôle et d’évaluation

Amendements de suppression AS101 de M. Patrick Hetzel et AS983 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). Nous sommes en désaccord avec le fait que le dispositif de l’aide à mourir, porteur d’une rupture anthropologique majeure, ne soit contrôlé qu’a posteriori alors qu’il mériterait de l’être a priori.

M. Philippe Juvin (DR). La création de cette commission est évidemment une bonne chose. On peut regretter cependant que le contrôle d’un acte consistant à donner la mort ne se fasse qu’a posteriori, et non a priori : vous conviendrez que les voies de recours seront limitées.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Le Conseil d’État comme la Cour européenne des droits de l’homme reconnaissent qu’un contrôle a posteriori apporte toutes les garanties nécessaires. La Cour a ainsi admis, s’agissant du système belge, un contrôle a posteriori uniquement dès lors que les actes sont soumis à des conditions strictement réglementées par la loi et que la composition et le fonctionnement de la commission chargée de ce contrôle garantissent son indépendance. Le dispositif prévu à l’article 15 apporte justement ces garanties ; j’espère que les amendements de ma collègue Élise Leboucher visant à les conforter seront adoptés. En outre, le contrôle s’exercera sans préjudice des recours devant l’autorité judiciaire ou devant les chambres disciplinaires des ordres professionnels que pourraient introduire des tiers.

La commission assurera également le suivi et l’évaluation de l’aide à mourir par une information annuelle du Gouvernement et du Parlement et par des recommandations, grâce notamment à l’exploitation des données agrégées et anonymisées. Elle assurera aussi la gestion du registre des professionnels de santé disposés à participer à l’aide à mourir.

Nous pouvons débattre de cet article, mais en aucun cas le supprimer. Je vous invite donc à repousser ces amendements.

M. Patrick Hetzel (DR). En Belgique, le contrôle ne s’effectue pas uniquement a posteriori, mais aussi a priori. Il est tout à fait paradoxal, par ailleurs, que seule la personne décédée soit susceptible d’introduire un recours. À cet argument, vous n’avez d’ailleurs rien à opposer.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1056 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Le contrôle a priori nous semble absolument indispensable. Je propose d’en instituer un qui serait réalisé par le président du tribunal judiciaire ou par le magistrat qu’il désignerait. Dans la version actuelle du texte, le seul contrôle réalisé a priori est effectué par le demandeur lui-même et le médecin qui accepte sa demande. Personne n’entre dans ce colloque singulier pour vérifier que la procédure a été respectée, alors que ce serait la moindre des choses.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Il me paraît superfétatoire d’imposer un recours systématique à l’autorité judiciaire afin qu’elle confirme le caractère libre et éclairé du consentement, dans la mesure où le médecin chargé de se prononcer aura déjà vérifié le respect de cette condition. De surcroît, l’amendement AS512 de notre collègue Monnet, adopté à l’article 5, a ouvert une voie de saisine du juge des tutelles ou du conseil de famille par le médecin chargé de se prononcer sur la demande d’aide à mourir.

Un tel contrôle me semblerait en outre trop contraignant et alourdirait la procédure. J’émets donc un avis défavorable.

M. Thibault Bazin (DR). Ce qui est prévu, c’est une procédure allégée. Le médecin qui instruit la demande ne sera pas tenu de suivre l’avis de l’autre médecin et sera donc seul à décider. S’il décide de ne pas saisir le juge des tutelles, qui d’autre pourra vérifier que le consentement est bien libre et éclairé ? Que se passera-t-il s’il se trompe ? J’ajoute que les délais prévus sont très courts et pourraient même être quasiment réduits à néant. Tout cela est inquiétant – d’autant plus que les amendements de Mme la rapporteure me semblent essentiellement rédactionnels, en réalité.

M. Patrick Hetzel (DR). Il existe pour les dons d’organe une procédure telle que celle que nous proposons, que les magistrats eux-mêmes jugent tout à fait opérationnelle. Dites clairement que vous refusez d’en voir une similaire s’appliquer dans le cas présent, plutôt que de considérer qu’elle serait trop contraignante.

M. Philippe Juvin (DR). Nous souhaitons qu’avant la mise en œuvre de l’aide à mourir, une personne indépendante vérifie le respect des conditions : nous estimons que c’est une garantie de justice, de prudence et de respect de la volonté authentique du patient, et que cela préviendra les abus de faiblesse – y compris de la part de médecins. Si celui qui met en œuvre l’aide à mourir effectue lui-même le contrôle, il sera juge et partie. Vous lui demandez de s’autocontrôler – c’est-à-dire qu’en réalité, vous ne voulez pas de contrôle.

M. Julien Odoul (RN). Il est très important que cet acte soit contrôlé, car il dépasse le cadre de la relation entre le médecin et son patient en fin de vie. C’est en effet l’État qui légalise l’administration de la mort, qui lui attribue les moyens nécessaires et qui l’encadre. Certains médecins commettent des erreurs ; d’autres sont faillibles ou corrompus. Il y a aussi des entourages familiaux peu scrupuleux, qui pourraient faire pression sur les personnes fragiles. Un contrôle est donc nécessaire.

M. Yannick Monnet (GDR). L’administration de la substance létale est un acte médical et non un soin, certes, mais pourquoi serait-ce le seul à devoir faire l’objet d’un contrôle ? Les médecins donnent chaque jour des produits très dangereux à des patients et sont susceptibles de commettre des erreurs fatales. Faisons confiance aux professionnels de santé, sinon on ne s’en sortira jamais.

M. Philippe Vigier (Dem). S’il est normal qu’un contrôle a posteriori s’exerce, on peut s’interroger sur la nécessité d’en effectuer un a priori. Souhaiteriez-vous, monsieur Juvin, que des vérifications de ce type soient étendues à l’anesthésie-réanimation, pour prendre l’exemple d’une spécialité que vous connaissez admirablement bien ? Cette procédure fera l’objet d’une traçabilité exemplaire, à l’inverse de la sédation profonde sur laquelle il existe très peu de données, comme le soulignait ici même le président du Conseil national de l’Ordre des médecins. Selon vous, le médecin serait juge et partie. Or il se prononce après une procédure collégiale et doit se conformer à des délais précis. Il n’y a aucune raison qu’il ne respecte pas ce que le législateur aura décidé. La judiciarisation de la médecine qui a pris tant d’ampleur aux États-Unis est en train de gagner la France ; n’alimentons pas ce phénomène : ce contrôle en amont risque d’avoir un effet miroir sur d’autres actes, ce qui exposerait les professionnels à un grand danger.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Le médecin, en tant qu’expert, est appelé à donner un avis, mais il n’a pas à décider. Vous lui laissez l’entière responsabilité de cet acte alors même que la traçabilité n’est pas garantie puisque la personne ne demande pas par écrit l’aide à mourir. Comme pour les mesures de protection, il faut laisser la société décider, en l’occurrence par l’intermédiaire du tribunal judiciaire.

M. Philippe Juvin (DR). Si le législateur a estimé nécessaire d’inscrire dans le code civil l’interdiction pour les médecins d’hériter de leurs patients, c’est bien parce qu’il y a eu des abus. Pour éviter tout risque, nous proposons donc cette forme de contrôle.

Quant aux actes d’anesthésie-réanimation, monsieur Vigier, ils ne s’apparentent pas à l’administration d’une substance létale : quand j’endors un patient, j’espère qu’il va se réveiller !

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS610 de Mme Annie Vidal, AS1117 de M. Julien Odoul et AS852 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)

L’amendement AS610 est retiré.

M. Julien Odoul (RN). Monsieur Falorni, si j’ai pu parler de légèreté, c’est à propos de votre conception de l’euthanasie comme d’un soin. Même si je ne le partage pas, je respecte pleinement votre engagement que je sais assez ancien et profond pour que votre crédibilité soit incontestable. À nos yeux, seule la sédation profonde et continue jusqu’au décès constitue un soin de nature à soulager les souffrances du patient en fin de vie : la loi Claeys-Leonetti a marqué à cet égard une avancée législative formidable. Notre amendement vise à appeler un chat un chat : plutôt que d’« aide à mourir », parlons de « suicide assisté ou d’euthanasie ».

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Nous avons déjà eu ce débat. Les termes « aide à mourir » sont les plus appropriés : ils englobent l’autoadministration de la substance létale et l’administration par un médecin ou un infirmier. L’adjectif « active » n’est pas opportun, car aucune démarche proactive d’un tiers n’est prévue : c’est le malade, au cœur du texte, qui choisit et confirme son choix.

Quant aux termes de « mort programmée », je les rejette totalement, madame DogorSuch. L’aide à mourir ne provoque pas la mort ; celle-ci est déjà là quand l’affection grave et incurable en phase avancée engage le pronostic vital. Il ne s’agit pas de tuer, mais de permettre à des personnes en fin de vie, condamnées par la médecine, d’entrer dans la mort avec dignité, c’est-à-dire conformément à leur volonté et selon leurs capacités à surmonter la souffrance.

M. Christophe Bentz (RN). Nous savons pertinemment que vous en avez marre de ce débat sémantique, raison pour laquelle nous le poursuivons. Et je remercie Mme la rapporteure pour l’aveu qu’elle vient de nous faire : l’aide à mourir recouvrirait le suicide assisté et l’euthanasie, termes que vous vous refusez à inscrire dans la loi.

M. Philippe Juvin (DR). Madame la rapporteure, nous devons nous interroger sur la temporalité. Je vous ai donné plusieurs exemples concrets de patients répondant à tous les critères d’éligibilité à l’aide à mourir auxquels il reste plusieurs années à vivre. Sont‑ils vraiment en fin de vie ? Peut-on parler dans ce cas d’ultime recours ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS766 de Mme Élise Leboucher

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). La commission de contrôle et d’évaluation sera chargée d’enregistrer les déclarations des professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de l’aide à mourir, mais elle n’aura pas à recueillir d’informations sur les professionnels invoquant la clause de conscience et la manière dont ils se conforment à leurs obligations. Nous voulons corriger cette asymétrie afin que la commission ait la capacité de saisir la chambre disciplinaire du conseil de l’ordre compétent si elle constate des manquements.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement est adopté.

Amendement AS767 de M. René Pilato

M. René Pilato (LFI-NFP). Dans leur rapport d’évaluation de la loi Claeys-Leonetti remis en mars 2023, Caroline Fiat et Olivier Falorni avaient déploré le peu de connaissances disponibles sur son application, confirmant le constat dressé par des acteurs engagés au sujet des enjeux de la fin de vie. Nous proposons d’étendre les missions de la commission de contrôle et d’évaluation aux procédures de sédation profonde et continue, qui, n’en déplaise à certains, appartient au continuum de l’aide à mourir. Ce contrôle serait exercé de manière bénévole.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Lors des travaux de la mission d’évaluation de cette loi, nous nous étions en effet heurtés à la difficulté de connaître le nombre de sédations profondes et continues pratiquées en France. Toutefois, depuis le début de l’année, les choses ont évolué, puisque cet acte fait désormais l’objet d’un codage. Je serai défavorable à votre amendement. D’une part, je considère que cette sédation n’entre pas dans le champ du texte, car elle se distingue de l’aide à mourir – évitons toute confusion. D’autre part, je ne souhaite pas alourdir les missions de cette commission sur la composition de laquelle Mme la rapporteure va proposer un amendement très important. Je vous invite donc à retirer le vôtre.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS1178 de Mme Élise Leboucher.

Amendement AS1184 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Il s’agit d’inclure dans la méthode de travail de la commission une approche sociologique et éthique, complémentaire de son approche médicale et juridique.

M. Philippe Juvin (DR). Je suis favorable à cet amendement, qui fait écho à l’un de mes amendements défendus hier, qui aurait d’ailleurs permis, s’il avait été adopté, de préciser les conditions pratiques de cette orientation.

Dans votre exposé sommaire, vous soulignez que les actes relatifs à chaque procédure d’aide à mourir ne pourront être consultés que par les médecins en raison des exigences inhérentes au respect du secret médical. Or, si ces données sont anonymisées, tout chercheur en sciences humaines devrait pouvoir les étudier et j’espère bien que ce sera le cas, sinon, on est mal partis !

M. Thibault Bazin (DR). Je suis également favorable à cet amendement. Seulement, il faudra en séance prévoir des modifications pour donner à la commission des outils propices à la mise en œuvre de cette approche sociologique et éthique. Pour cela, des traces écrites seront nécessaires.

M. Patrick Hetzel (DR). Les données qu’il est prévu de collecter sont essentiellement quantitatives. Il importe que la commission se penche aussi sur des éléments qualitatifs. Les expériences étrangères montrent que, du fait de nombreuses défaillances, le contrôle a posteriori ne contribue pas à améliorer les procédures.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS154 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). Un amendement précédent a supprimé l’exception euthanasique ; il serait bon que les données exploitées par la commission distinguent euthanasie et suicide assisté si nous voulons qu’elle exerce un contrôle effectif.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Rappelons que nous avons fait le choix de ne pas employer les termes « suicide assisté » et « euthanasie ». Par cohérence avec la terminologie retenue dans les articles précédents, il serait plus juste d’utiliser les notions d’auto‑administration de la substance létale et d’administration par un tiers. Sur le fond, il n’est pas opportun de détailler dans la loi le contenu des données exploitées par la commission. Il est clair que le mode d’administration fera partie des éléments qu’elle prendra en compte dans le contrôle de chaque procédure.

M. Thibault Bazin (DR). L’approche éthique impose de faire une distinction selon qu’un tiers est impliqué ou pas, à l’instar du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1024 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). À des fins de recherche, nous souhaitons que la commission mette à la disposition du public, en libre accès, la totalité des données individuelles anonymisées relatives aux procédures d’aide. Cela ne va pas dans le sens des usages en France, où l’on n’aime pas rendre publiques de telles données. Travailler à partir des données de l’assurance maladie reste d’une complexité absolue : pour étudier la mort subite du nourrisson, il nous a ainsi fallu trois ans de demandes administratives réitérées pour accéder à un jeu de données couvrant seulement une année et remontant à une décennie.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Une telle publication serait tout à fait malvenue compte tenu de l’exigence de respect du secret médical et de protection des données personnelles. Quand bien même les données individuelles seraient anonymisées, le recoupement de plusieurs informations – âge, région de résidence, pathologie – permettrait d’identifier les personnes ayant recouru à l’aide à mourir. Cette mise à disposition serait d’ailleurs sans équivalent dans le domaine médical. L’information annuelle du Gouvernement et du Parlement, prévue par l’alinéa 6, suffit à assurer une évaluation adéquate de l’aide à mourir.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Les données fournies dans le cadre de cette information annuelle ne seront pas de même nature que celles dont ont besoin les chercheurs pour leurs travaux, c’est-à-dire les données brutes, les raw data. Dans tous les domaines, dès qu’on veut nous cacher des informations, on invoque le respect de l’anonymat. Or il est parfaitement possible d’anonymiser les données, sinon aucune recherche ne serait lancée.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. J’ajoute que, dans votre amendement, vous ne prévoyez nullement d’encadrer cette ouverture en faisant intervenir la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

M. Julien Odoul (RN). J’invite les défenseurs du texte à prendre garde aux conséquences de cette restriction dans la diffusion des données. Ce manque de transparence alimentera des soupçons qui seront entretenus par certaines associations, voire nourrira le complotisme. Nous nous dirigeons vers une procédure inconnue ; la moindre des choses serait de disposer d’informations fiables sur le nombre respectif d’euthanasies et de suicides assistés.

M. Philippe Vigier (Dem). Je ne suis pas insensible aux arguments de Philippe Juvin sur les besoins de la recherche, mais la disposition qu’il propose me semble inapplicable. Pourquoi ne profiterions-nous pas de l’occasion offerte par l’information annuelle du Parlement pour déterminer quelles données sont susceptibles d’être exploitées ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS624 de Mme Geneviève Darrieussecq

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit d’expliciter le caractère volontaire de l’inscription au registre des professionnels de santé disposés à mettre en œuvre l’aide à mourir.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Défavorable. Votre amendement est satisfait par le dernier alinéa de l’article 14.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS459 de M. Arnaud Simion

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Avis défavorable : la disposition proposée relève davantage du domaine règlementaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1025 de M. Philippe Juvin, AS827 de Mme Marie-France Lorho et AS768 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Je propose que le registre des professionnels de santé disposés à mettre en œuvre l’aide à mourir, à défaut d’être public, soit accessible non seulement aux médecins, mais aussi aux magistrats et aux avocats, pour prévoir les cas de contestation en justice.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Notre amendement AS827 vise une extension à l’autorité judiciaire.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Par cohérence avec les modifications proposées dans l’ensemble du texte, il s’agit de substituer le terme « professionnels de santé » au mot « médecins ». Les médecins ne seront pas seuls habilités à administrer la substance létale et à accompagner les patients tout au long de la procédure. Il importe donc que l’ensemble des membres de l’équipe pluridisciplinaire concernés aient la possibilité d’accéder à ce registre.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. En effet, madame Amiot, des professionnels de santé autres que les médecins interviennent aussi dans cette procédure. Il est donc parfaitement légitime de leur ouvrir l’accès au registre afin qu’ils orientent au mieux la personne dans ses démarches. Concrètement, un infirmier qui aurait invoqué la clause de conscience pourra orienter un patient en lui communiquant le nom d’un autre infirmier ou d’un médecin acceptant de se tenir auprès de lui lors de ses derniers instants. Je suis donc favorable à cet amendement et défavorable aux deux autres.

Monsieur Juvin, les éventuelles procédures judiciaires concerneront les professionnels disposés à mettre en œuvre l’aide à mourir, non les actes eux-mêmes, et je ne vois pas en quoi ces renseignements seraient utiles dans le cadre d’une information judiciaire ou d’un procès.

Quant à votre amendement, madame Dogor-Such, je pense que son exposé sommaire, en évoquant le « registre dans lequel les procédures de suicide assisté et d’euthanasie sont consignées », opère une confusion avec le système d’information dans lequel sont enregistrés les actes.

M. Philippe Juvin (DR). Les partisans du texte insistent sur l’idée que les médecins ne sont pas seuls à décider dans cette procédure, ce qui me convient tout à fait. Or, il me semble qu’à chaque étape, au contraire, le médecin est seul à décider et que l’accès aux informations est verrouillé au sein du monde médical. L’intérêt du patient doit être au cœur de nos préoccupations et j’estime que les avocats et les magistrats contribuent à le défendre.

M. Thibault Bazin (DR). Ne faudrait-il pas rendre ce registre accessible également aux responsables d’établissement, dans la mesure où, aux termes de l’article 14, ils sont tenus de permettre l’intervention et l’accès des professionnels disposés à participer à la mise en œuvre de l’aide à mourir ?

M. Yannick Monnet (GDR). Je ne suis pas opposé à l’extension suggérée par M. Juvin, mais elle nécessiterait une autre proposition de loi, organisée différemment. En revanche, je ne suis pas d’accord avec lui quand il dit que le médecin décide seul : c’est le patient qui décide ; le médecin vérifie simplement s’il satisfait aux critères.

Mme Camille Galliard-Minier. Revenons à l’esprit qui a guidé la disposition concernant le registre : les médecins et les autres professionnels de santé ne souhaitant pas participer doivent pouvoir trouver une liste de leurs confrères et consœurs disposés à le faire. Il est bon de le rappeler alors qu’une petite musique se fait entendre depuis tout à l’heure selon laquelle il n’y aurait pas de transparence.

La commission rejette successivement les amendements AS1025 et AS827 puis adopte l’amendement AS768.

Amendement AS460 de M. Arnaud Simion

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Votre amendement fait uniquement référence aux médecins alors qu’il faudrait mentionner l’ensemble des professionnels de santé.

Retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS1122 de Mme Geneviève Darrieussecq

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Nous prévoyons de décliner le registre national en registres départementaux accessibles à l’échelon de chaque ordre des médecins.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Par souci de clarté et de simplicité dans la mise en œuvre du dispositif, il ne me semble pas opportun de multiplier les registres. Cela impliquerait d’organiser des échanges d’informations permanents entre la commission et les conseils départementaux des ordres afin d’éviter que des discordances apparaissent entre les listes, à chaque inscription ou à chaque retrait d’un professionnel de santé.

Recourir à un registre national est aussi plus opportun pour faciliter le réadressage vers un professionnel de santé exerçant à proximité du lieu de résidence ou de prise en charge de la personne, lorsque cette dernière se trouve à la limite de deux départements.

M. Philippe Juvin (DR). Franchement, madame la rapporteure, le risque que vous évoquez me paraît faible. Le fait qu’un professionnel de santé soit inscrit au conseil de l’ordre d’un département et exerce aussi dans un département limitrophe ne constitue pas un problème. La modification suggérée dans l’amendement me paraît au contraire source d’une meilleure lisibilité. En 2025, synchroniser deux fichiers ne relève quand même pas de l’impossible !

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il ne s’agit pas de créer un nouveau registre mais d’en avoir des déclinaisons départementales qui permettraient précisément de répondre à votre souci de proximité. Votre réponse est en contradiction avec votre avis.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je vous rassure : le registre est national mais les données seront bien présentées par département. Votre amendement est satisfait et je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS732 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Nous proposons que soit publié chaque année un rapport présentant des données objectives et chiffrées relatives aux personnes ayant recouru à l’aide à mourir – voyez, je reprends même votre terme !

Mme Élise Leboucher, rapporteure. L’intention sous-jacente à votre amendement me semble satisfaite par l’alinéa 6 qui prévoit que la commission « exploit[e] des données agrégées et anonymisées afin d’en informer annuellement le Gouvernement et le Parlement et de [formuler] des recommandations ». Rien n’interdit au Gouvernement ni au Parlement de rendre publiques ces informations. Je ne doute pas d’ailleurs que notre commission sera amenée à s’en saisir sous une forme ou sous une autre.

Cependant, certaines des données auxquelles vous faites référence me semblent poser des problèmes de confidentialité. C’est le cas de la liste des communes dans lesquelles résidaient les personnes qui ont eu recours à l’aide à mourir, car ce qui ne poserait pas problème dans une grande ville pourrait en poser dans un petit village.

Pour ces raisons, je suis défavorable à votre amendement, dont je comprends toutefois l’esprit.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Selon le principe du secret statistique, toute donnée permettant une réidentification est présentée d’une manière spécifique, parfois en supprimant les caractéristiques qui s’appliquent à de petits échantillons. Ainsi, le site de l’Institut national de la statistique et des études économiques ne publie pas les revenus des habitants des petites communes. En imposant des précisions excessives, vous risquez de rendre le rapport inutilisable, étant donné qu’il violera ce secret statistique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS567 de M. Cyrille Isaac-Sibille, amendements identiques AS103 de M. Patrick Hetzel, AS733 de M. Christophe Bentz et AS1026 de M. Philippe Juvin, amendement AS351 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il faut rendre obligatoire la saisine du procureur de la République – et non de la chambre disciplinaire de l’ordre compétent – en cas de manquement aux règles déontologiques ou professionnelles lors de la procédure d’aide à mourir.

M. Patrick Hetzel (DR). En effet, la saisine de la chambre disciplinaire doit être automatique.

M. Philippe Juvin (DR). En l’absence de contrôle a priori, il faut d’autant plus rendre obligatoire la saisine du procureur de la République ou de la chambre disciplinaire de l’ordre compétent si la moindre anomalie est constatée.

M. Thibault Bazin (DR). Je propose également de passer d’une saisine possible à une saisine obligatoire, en cas de manquement aux règles déontologiques ou professionnelles. Nous parlons tout de même de vie ou de mort !

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Monsieur Isaac-Sibille, je partage votre souhait de préciser que la commission devra, comme le prévoit l’article 40 du code de procédure pénale, signaler au procureur les faits dont elle aurait connaissance et qui seraient susceptibles de constituer un crime ou un délit. Je présenterai d’ailleurs un amendement en ce sens. En revanche, je ne vous suis pas lorsque vous voulez supprimer la possibilité pour cette commission de saisir la chambre disciplinaire de l’ordre auquel appartient le professionnel mis en cause. Enfin, votre amendement s’insère mal dans le dispositif puisqu’il prévoit que la commission saisisse le procureur de la République en cas de manquement aux règles déontologiques ou professionnelles.

Les autres amendements comportent un risque juridique eu égard au principe constitutionnel d’individualisation des peines et des poursuites, lequel s’applique non seulement aux sanctions pénales mais plus largement à l’ensemble des sanctions ayant le caractère d’une punition. En rendant obligatoire l’engagement d’une procédure disciplinaire devant une juridiction ordinale, quelles que soient les circonstances de l’espèce, vos amendements pourraient entraîner la censure de l’alinéa par le juge constitutionnel.

Qui plus est, une telle modification ne changerait sans doute rien en pratique car je ne doute pas que la commission mette en œuvre cette faculté. Il appartiendra au ministre chargé de la santé auprès de qui sera placée la commission de lui demander d’y recourir aussi largement que possible. Pour conclure, ces amendements nous font courir un risque de censure alors même que leur intérêt pratique serait à mon sens très limité.

M. Patrick Hetzel (DR). Je ne pense pas que l’on coure un risque constitutionnel. Le principe d’individualisation des peines vaut au moment où une juridiction prononce une peine. Or il ne s’agit ici que d’engager une procédure. Chacun est présumé innocent jusqu’à sa condamnation, comme le garantit la Constitution. Sauf votre respect, votre argument juridique ne tient pas.

M. Philippe Vigier (Dem). J’ai une sainte horreur de ces allusions au juge constitutionnel – chacun son travail. Inscrire une obligation de saisine permet de conforter le contrôle a posteriori. Nous verrons ensuite ce qu’en dira le juge constitutionnel.

M. Philippe Juvin (DR). L’obligation de dénonciation existe et elle n’a rien à voir avec l’individualisation des peines. Il est donc inexact de prétendre qu’il y a un problème de fond.

Mme Camille Galliard-Minier. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec ces amendements : si la commission estime que des manquements ont eu lieu, il faut prévoir qu’elle saisisse la chambre disciplinaire – « peut saisir » est inutile et « doit saisir » trop fort.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Ma collègue et moi-même avons entendu vos arguments. En réalité, nous sommes d’accord avec vos amendements sur le fond, à l’exception de celui de M. Isaac-Sibille, mais nous craignons une censure de tout l’article. La discussion en séance nous permettra peut-être de sécuriser constitutionnellement le dispositif.

Avis défavorable pour l’instant.

M. Patrick Hetzel (DR). Le risque est faible, à mon sens, d’autant que le Conseil constitutionnel peut émettre des alertes sans pour autant censurer. Ce n’est pas pour rien qu’on les appelle les « sages de la rue de Montpensier » : ce point sera très certainement étudié au cordeau, sous l’éclairage, qui plus est, de nos débats.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Nous ne voterons pas les amendements, à cause du risque constitutionnel. Ceux qui le partagent pourraient se retrouver d’ici à la séance pour concevoir un article additionnel levant ces préventions.

L’amendement AS567 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendements AS734 de M. Christophe Bentz et AS1177 de Mme Élise Leboucher (discussion commune)

M. Christophe Bentz (RN). Nous pouvons au moins nous accorder sur une chose : si ce texte est voté, ce que je ne souhaite pas, l’administration d’une substance létale ne sera plus illégale. Par crainte des détournements de son utilisation, nous souhaitons que la commission puisse saisir le procureur de la République si elle a connaissance d’un crime ou d’un délit intervenu dans le cadre de la procédure d’aide à mourir.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je propose d’expliciter ce que le Conseil d’État avait déjà souligné dans son avis sur le projet de loi initial, à savoir que la commission doit être regardée comme une « autorité constituée » au sens de l’article 40 du code de procédure pénale, qui dispose que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». L’amendement prévoit ainsi que, lorsque la commission estime que des faits commis à l’occasion de la mise en œuvre de la procédure d’aide à mourir sont susceptibles de constituer un crime ou un délit, elle le signale au procureur de la République dans les conditions prévues à l’article 40 du code de procédure pénale.

Votre amendement, monsieur Bentz, vise le même objectif avec une rédaction un peu différente. Son champ d’application est plus restreint, puisqu’il porte sur les crimes et les délits dont la commission aurait connaissance, tandis que le mien s’applique à l’ensemble des faits susceptibles de constituer un crime ou un délit. Mon amendement cite explicitement l’article 40 du code de procédure pénale, qui définit précisément les obligations qui pèsent sur les auteurs de signalement. Il prévoit notamment la transmission au procureur de tous les renseignements, procès-verbaux et actes relatifs à l’infraction. Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien.

M. Christophe Bentz (RN). Vos arguments m’ont convaincu.

L’amendement AS734 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS1177.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, l’amendement AS881 de Mme Lisette Pollet est retiré.

Amendement AS1185 de Mme Élise Leboucher et sous-amendement AS1191 de M. Arnaud Simion

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je propose de préciser la composition de la commission de contrôle et d’évaluation. Le texte renvoie la définition de la composition de la commission à un décret en Conseil d’État. L’année dernière, la commission spéciale, sans remettre en cause le renvoi à un décret, avait choisi de préciser que la commission devrait comprendre au moins deux médecins.

Tout en confirmant cet acquis, je propose, dans le même esprit, de compléter la liste des catégories d’acteurs qui prendront part aux travaux de la commission, en prévoyant la participation : de juristes – un conseiller d’État et un conseiller à la Cour de cassation ; de représentants d’associations agréées d’usagers du système de santé ; de chercheurs en sciences humaines et sociales, qui pourraient être des sociologues et des spécialistes de l’éthique.

J’ai voulu mettre l’accent sur plusieurs catégories d’acteurs dont la présence me semble nécessaire pour assurer la complémentarité des expertises au sein de la commission. Je propose de laisser le soin au pouvoir réglementaire de compléter cette liste.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Par le sous-amendement, nous souhaitons préciser que les membres de la commission n’exercent pas leur clause de conscience par ailleurs, afin d’éviter toute opposition de principe et de favoriser la réflexion.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Votre sous-amendement me semble difficilement applicable. Vous-même disiez que la clause de conscience avait un caractère mouvant.

M. le président Frédéric Valletoux. En effet, vous nous avez dit que l’on faisait valoir une clause de conscience pour un patient ou pour une situation.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous allons le retirer pour le retravailler. L’idée est qu’il n’y ait pas d’obstacle interne à la commission.

M. Philippe Vigier (Dem). C’est un moment important du débat, après l’amendement précédent, adopté à l’unanimité, qui devrait rassurer nos collègues de la Droite républicaine. L’équilibre que vous définissez ici offre la garantie d’une forme d’impartialité et de neutralité. Avec ces deux amendements, la chaîne de sécurisation a posteriori me paraît satisfaite.

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement est intéressant. Néanmoins, il est inscrit dans notre texte que la composition de la commission sera déterminée par un décret en Conseil d’État. En pratique, qui aura le dernier mot ?

En cas d’adoption, plusieurs amendements tomberont alors qu’ils posent des questions importantes. Qui choisira les médecins ? Y aura-t-il des représentants des infirmiers ? Comment s’assurer qu’il n’y ait pas de prises d’intérêts contradictoires avec la neutralité requise ?

Mme Annie Vidal (EPR). Je suis également gênée par ce principe de la liste, contraignante à l’excès ou lacunaire, et par l’incohérence de l’amendement – est-ce le Conseil d’État ou nous qui fixons la composition de la commission ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo (HOR). Au-delà de l’incohérence notable, faire une liste, c’est forcément oublier des professionnels. Il y a quelque chose qui ne va pas.

M. Patrick Hetzel (DR). Le décret a un but double : décider de la composition – mais la liste semble définitive – et définir les règles de fonctionnement de la commission. Sans doute faudrait-il en rester à une liste minimale, comprenant les deux médecins sur lesquels nous nous étions accordés, avant un décret en Conseil d’État.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Il y a en effet un problème de cohérence. Ne faudrait-il pas proposer plutôt que déterminer ? Je souhaitais, pour ma part, intégrer les infirmières. Je trouve bizarre que l’article précise la présence d’au moins deux médecins. Soit on ne met rien, soit on met tous les professionnels juridiques et médicaux.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Même si les prochains amendements témoignent d’une grande variété dans la composition de la commission, nous oublierons forcément des professionnels. Par exemple, il faut à mon sens qu’il y ait des représentants du paramédical et des personnes de la société civile. Laisser la désignation au Conseil d’État me semble sage.

M. Philippe Juvin (DR). De même, il ne me semble pas inintéressant d’intégrer trois catégories de personnes : un représentant des associations de personnes âgées et un autre des associations de personnes en situation de handicap, qui sont d’ailleurs vice-présidents de droit du conseil d’administration de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, ainsi qu’un représentant du CCNE.

Mme Céline Calvez (EPR). Je ne vois pas de contradiction entre la proposition de la rapporteure, qui n’est pas exhaustive, et le fait que la composition définitive soit arrêtée par le Conseil d’État. En revanche, il me semble que préciser « un conseiller d’État » et « un conseiller à la Cour de cassation » sans la mention « au moins » est trop prescriptif, ce qui n’enlève rien à la nécessité de présenter une liste.

Mme Camille Galliard-Minier. Toute la question est de donner à cette liste un caractère purement indicatif. Nous pourrions préciser que la commission est composée d’au moins telles et telles personnalités, afin de donner une orientation au Conseil d’État.

M. le président Frédéric Valletoux. Je suspends notre séance, le temps que la rapporteure modifie la rédaction de son amendement pour tenir compte de vos remarques.

Le sous-amendement AS1191 est retiré.

 

La réunion est suspendue de douze heures à douze heures dix.

 

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Avec le rapporteur général, nous avons entendu vos arguments et vous proposons, dans un souci de coconstruction, un amendement AS1185 rectifié précisant que la commission « comprend au moins » deux médecins, un conseiller d’État, un conseiller à la Cour de cassation, deux membres d’associations agréées représentant les usagers du système de santé dans les instances hospitalières ou de santé publique et deux personnalités désignées en raison de leurs compétences dans le domaine des sciences humaines et sociales. S’agissant de la présence du conseiller d’État, les situations de déport sont courantes. La liste n’est pas figée ; ce n’est qu’une proposition qu’il me semblait important de faire en tant que législateur.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS1179 de Mme Élise Leboucher, AS353 de M. Thibault Bazin, AS566 de M. Cyrille IsaacSibille, AS1028 de M. Philippe Juvin, AS356 et AS352 de M. Thibault Bazin, AS588 de Mme Nicole DubréChirat, AS461 de M. Arnaud Simion, AS898 de Mme Danielle Simonnet, AS543 de M. Yannick Monnet et AS1083 de M. Théo Bernhardt tombent.

Amendement AS996 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Nous souhaitons que la commission de contrôle et d’évaluation intègre dans son rapport les coûts engagés par l’aide à mourir ainsi que les économies générées pour le système de santé.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Sur la forme, il ne me semble pas que la commission de contrôle et d’évaluation ait vocation à mettre en œuvre une approche budgétaire. Au demeurant, si vous tenez à ce qu’une discussion ait lieu sur le coût des différents modes d’accompagnement de la fin de vie, ce débat devrait dépasser le seul cas de l’aide à mourir qui constitue l’objet des évaluations menées par cette commission.

Sur le fond, il me semble que l’évaluation de la loi doit être menée en fonction de ses objectifs : conforter l’autonomie des malades en leur donnant le choix, sous certaines conditions strictes, de définir le moment de leur mort. Contrairement à ce que d’aucuns ont pu sous-entendre, il n’est pas question de rechercher des économies budgétaires.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Je demande simplement que le Parlement exerce sa mission de contrôle. Il n’y a rien d’extraordinaire à cela.

Par ailleurs, les économies du système de santé sont certaines dans la mesure où la dernière année de soins coûte très cher. Il est légitime de disposer d’informations à ce sujet. Il n’y a de rien de scandaleux à rappeler une évidence.

M. Philippe Vigier (Dem). Il faut vraiment voter contre cet amendement, pour au moins une raison, très importante à mes yeux : de nombreux articles ont été publiés dans la presse pour affirmer, sans craindre l’indécence, notamment pour les patients, que l’adoption de la présente proposition de loi sera source d’économies. C’est innommable.

Sans vous faire ce procès, cher collègue Juvin, j’imagine que, lors de l’examen en séance publique de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement, vous demanderez l’évaluation des coûts et des économies de l’interdiction de l’obstination déraisonnable de la loi Claeys-Leonetti.

M. René Pilato (LFI-NFP). Monsieur Juvin, nous ne vous avons pas entendu, ni même n’osons imaginer vous entendre, faire ce genre de demande sur les soins palliatifs et sur la sédation profonde et continue jusqu’à la mort. Vous nous servez cela par idéologie, parce que vous êtes contre le texte. Ce n’est pas très sérieux.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). Cet amendement est inapplicable. Personne n’a une boule de cristal permettant de dire combien il reste de jours à vivre à chacun d’entre nous. Faute de pouvoir quantifier le nombre de jours de vie qu’il reste à tout un chacun, il est impossible de calculer les coûts résultant du simple fait de continuer à vivre. Cet amendement est non seulement profondément choquant mais aussi parfaitement inapplicable.

M. Yannick Monnet (GDR). Monsieur Juvin, l’intention qui sous-tend cet amendement n’est pas honorable. L’objet d’un système de santé n’est pas de faire des économies. Il est cynique de sous-entendre que l’on faciliterait la mort de certains patients pour que la sécurité sociale fasse des économies. Vous êtes libre de le penser, mais nos travaux, qui depuis deux semaines n’ont jamais abordé la question des économies du système de santé, ont démontré que nous sommes très éloignés d’une telle perspective.

M. Thibault Bazin (DR). Il ne s’agit certes pas d’une intention collective, mais l’incidence sur le système de santé est bien réelle. Toute disposition fait normalement l’objet d’une évaluation multidimensionnelle, qui peut avoir une dimension économique et budgétaire.

Mme la rapporteure a rappelé à raison que la commission de contrôle et d’évaluation n’aura pas les éléments nécessaires. C’est pourquoi je défendrai l’amendement AS390 prévoyant que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur le nombre de personnes éligibles à l’aide à mourir ainsi que sur les économies et les coûts liés à ce nouveau dispositif. Ne nous racontons pas d’histoires : il y a aura des effets sur notre système de santé.

Ce qui nous inquiète, c’est que des personnes éligibles soient privées d’accès aux soins et optent pour la solution de facilité. Au demeurant, même les membres du CCNE favorables à l’ouverture de ce nouveau droit ont évoqué ce risque.

Quant à l’évaluation des conséquences budgétaires des soins palliatifs, je l’ai demandée. Monsieur Pilato, je vous invite à consulter mon amendement, qui n’a pas été adopté, visant à obtenir un rapport à ce sujet tous les deux ans.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Jusqu’à présent, le débat a été correct. Là, nous franchissons la limite de ce qui est acceptable. Nous avons des convictions différentes, comme l’ont montré nos débats. Soulever la question des économies d’argent public est indigne et choquant. Le débat démocratique s’honore de faire place à des conceptions distinctes de la fin de vie. Y évoquer l’argent n’est pas à la hauteur.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Les seules économies que permettra le texte seront de souffrance, de douleur, de détresse et de malheur. Elles valent le coup d’être faites.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). La loi visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs a été adoptée en 1999, la loi relative aux droits des malades et à la fin de vie en 2005 et la loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie en 2016. Les soins palliatifs ont toujours manqué de moyens humains et financiers. Il importe donc de savoir ce qu’il en est, d’autant que les restrictions budgétaires ont entravé, pendant plusieurs années, l’application de ces lois.

Il ne s’agit pas de soupçonner l’intention de faire des économies au détriment des patients, mais de formuler une demande, qui n’a rien de grave. Les moyens supplémentaires alloués aux soins palliatifs ne produiront pas leurs effets avant longtemps. Comme Mme Vidal a eu l’occasion de le rappeler, les premières unités n’ouvriront que l’an prochain.

Dans tous les pays ayant légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté, le recours aux soins palliatifs et d’accompagnement ont diminué. Il importe donc de réfléchir à la question. Je soutiens l’amendement, qui vise à déterminer si la présente proposition de loi, qui risque d’être adoptée, aura pour effet de réduire les coûts de la sécurité sociale.

M. Patrick Hetzel (DR). Cette interrogation doit être abordée avec sang-froid. Nous débattons souvent des moyens financiers et humains du système de santé. Il importe d’en avoir une approche objective, d’autant que nous avons eu beaucoup de mal à dégager des moyens pour les soins palliatifs. Il importe d’avoir de la fin de vie et de son financement une vision à 360 degrés, d’autant que, comme le rappellent régulièrement, dans le débat public, les économistes de la santé, les douze derniers mois de la vie sont ceux qui coûtent le plus cher.

Je suis très heureux de constater que nos collègues considèrent que cela ne doit pas être un sujet de préoccupation. Pour ce faire, il faut tout faire pour disposer durablement de moyens. Dans cette perspective, la volonté de clarification qui anime notre collègue Juvin est tout à fait légitime.

M. Julien Odoul (RN). Il est assez paradoxal d’entendre ceux qui considèrent que l’euthanasie est un acte médical lambda, un soin comme un autre, voire une mort naturelle, dire qu’elle doit être exemptée de tout contrôle, de toute analyse et de tout suivi économique. Le système de santé, qu’on le déplore ou qu’on s’en félicite, a un coût, même si la santé ne devrait jamais être soumise aux politiques de rentabilité que nous dénonçons.

Il est clair que la présente proposition de loi induira des économies pour le système de santé. Il importe que nos concitoyens en soient informés. Pourquoi faudrait-il se satisfaire de l’absence d’information, d’analyse et de suivi ? Faut-il en déduire que vous voulez, vous qui soutenez le texte, susciter la défiance et le complotisme partout en France ? Mieux vaut que tout soit transparent, à tous les niveaux.

M. Laurent Panifous (LIOT). Il est parfaitement déplacé d’évaluer les éventuelles économies réalisées par la sécurité sociale consécutivement à l’adoption de la présente proposition de loi. Il est de surcroît paradoxal que celles et ceux qui soutiennent cet amendement de près ou de loin aient souvent et fortement reproché à celles et ceux qui défendent le texte qu’il a pour objet de réaliser des économies, ce qui est absolument ignoble. J’espère, lorsque nous aurons rejeté massivement cet amendement, ne plus jamais entendre dire dans cette maison que ce texte obéit à des motivations budgétaires.

M. Nicolas Turquois (Dem). Globalement, l’examen du texte en commission, qui touche à sa fin, a été de très bon niveau et très respectueux des positions des uns des autres. Toutefois, il a parfois dépassé – tel est le cas en l’occurrence – les bornes de l’indécence. Suggérer, en s’abritant derrière des motifs apparemment de bon aloi tels que procéder à des vérifications et obtenir des informations à 360 degrés, que ceux qui soutiennent le texte le font pour des raisons budgétaires est indécent et ignominieux.

Parler de l’euthanasie comme d’une mort lambda, comme vient de le faire M. Odoul, est absolument inacceptable. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Il faut d’autant plus passer à autre chose sans tarder que ces insupportables allégations nourrissent des publications adressées aux parlementaires qui sont favorables, à des degrés divers, au texte. Cet amendement me scandalise.

M. Christophe Bentz (RN). Cet amendement frappé au coin du bon sens lève un tabou. Il traite d’un sujet dont il importe que nous puissions débattre calmement et sérieusement, sans accuser personne. Il s’agit d’obtenir des informations. La fin de vie coûte cher à l’État. La prise en charge en soins palliatifs coûte beaucoup plus cher qu’une euthanasie. C’est un fait objectif.

Chacun a sur ce texte sa conviction chevillée au corps, mais il n’y a pas de tabou. Pour ma part, je considère que la France doit dépenser davantage pour prendre en charge les soins palliatifs. Tel est l’objet de la stratégie décennale des soins d’accompagnement et de la proposition de loi sur les soins palliatifs et d’accompagnement.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Injecter une substance létale n’est pas un acte lambda. Je ne connais aucun soignant, favorable ou non à l’aide à mourir, qui le considère comme tel.

L’amendement de M. Juvin diffuse une petite musique qui répand la défiance, en suggérant que, dès lors que les vieux et les handicapés coûtent cher, on pourrait être tenté de les supprimer pour réduire les coûts. Jamais exprimée, cette idée a été suggérée article après article.

Que vous ne soyez pas d’accord avec le texte, soit. Insinuer sans discontinuer qu’il sert à faire des économies, c’est indécent. Je suis favorable à l’évaluation des coûts de la santé, mais dans tous les domaines. Au demeurant, ce qui coûte cher, ce ne sont pas les personnes âgées ni l’aide à mourir, mais les maladies chroniques dont elles souffrent.

M. Philippe Juvin (DR). D’abord, je n’ai jamais dit ni écrit, ni même suggéré, que certains députés pourraient voter en faveur de la légalisation de l’aide à mourir pour des raisons financières, pour la simple et bonne raison que je ne le pense pas. Je souhaite que l’on m’épargne ce procès d’intention.

Ensuite, ce que je dis est, au Canada, une évidence. Les économies du système de santé induites par la légalisation de l’aide à mourir y ont été estimées à 80 millions de dollars en 2023. Il s’agit d’une donnée économique. Je souhaite que nous en disposions.

Troisièmement, si l’on démontre qu’au contraire l’aide à mourir a un coût, personne ne jugerait scandaleux qu’on le dise, dès lors que nous l’assumerions. Je demande que nous assumions à l’identique une éventuelle économie, comme c’est le cas au Canada.

Quatrièmement, j’informe ceux qui l’ignorent qu’il existe des malades privés de traitement parce que la société, conformément aux lois que nous votons, décide de ne pas les traiter pour des raisons économiques. Une dose de Zolgensma, qui permet de traiter l’amyotrophie spinale infantile, coûte 2 millions d’euros. Certains pays, dont la France, ont décidé de ne pas rembourser ce médicament. Le coût des systèmes de santé modernes est tel que la question économique, qu’on le veuille ou non, se pose systématiquement et impose des choix.

Je répète mon premier point, qui est le plus important : je n’ai jamais dit, car je ne le pense pas, que quiconque ici votera le texte pour des raisons budgétaires.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Certains de nos collègues s’étant déclarés choqués, voire blessés que l’on puisse insinuer que des députés sont susceptibles de défendre ce nouveau droit pour des raisons budgétaires, je remercie Philippe Juvin d’avoir très clairement dit le contraire, dissipant un malaise inconnu dans nos débats jusqu’à présent. J’espère vraiment que personne ici ne pense que certains de leurs collègues soutiennent le texte à des fins d’économie.

Par ailleurs, dans aucun pays ayant légalisé l’aide à mourir, sous quelque forme que ce soit, le recours aux soins palliatifs n’a diminué. Nulle part le nombre de lits alloués aux soins palliatifs, en effet trop bas dans la plupart des pays, n’a diminué après l’adoption d’une loi légalisant l’aide à mourir. Sur ce point, nous ne voulons surtout pas faire d’économies, au contraire : nous voulons dépenser encore plus d’argent pour les soins palliatifs.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

Après l’article 15

Amendement AS93 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement vise à prévoir un registre par établissement. Nos débats ayant démontré qu’une codification est prévue, je retire l’amendement dans l’attente de nos débats dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements AS333 et AS390 de M. Thibault Bazin.

Amendement AS1100 de M. Julien Odoul

M. Julien Odoul (RN). Au bénéfice de la transparence et de l’information de nos concitoyens, il me semble nécessaire que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la répartition sociologique des personnes ayant eu recours à l’euthanasie ou au suicide assisté. Dans l’Oregon, premier État américain ayant légalisé l’euthanasie, 80 % des personnes ayant demandé le recours au suicide assisté appartenaient aux catégories les plus pauvres de la population.

Ces populations risquent, faute d’accès aux soins palliatifs, d’être dirigées plus facilement que les autres vers l’euthanasie. Le rapport demandé permettrait de détecter les éventuelles disparités en la matière et d’envisager un rééquilibrage.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Un exemple en vaut un autre : certaines études démontrent que les personnes appartenant aux catégories socioprofessionnelles supérieures recourent à l’aide à mourir plus que les personnes défavorisées. L’amendement est satisfait dans la mesure où la commission d’évaluation et de contrôle transmettra les informations demandées.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS1119 de M. Julien Odoul.

Amendement AS769 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur les éventuelles aides à mourir clandestines et les poursuites pénales afférentes visant les professionnels de santé les ayant pratiquées. Le malaise à ce sujet résulte du fait que les magistrats, lorsqu’ils doivent se prononcer sur cette pratique, prononcent des peines très légères, tant il est vrai que l’on ne considère pas qu’aider quelqu’un à mourir n’est pas un homicide, surtout dans les circonstances retenues par la proposition de loi que nous nous apprêtons à voter.

Le rapport demandé vise à savoir ce qu’il en est, pour ne pas laisser seuls les professionnels de santé, solder les situations entrant dans le cadre de la législation que nous nous apprêtons à voter et ne pas abandonner les professionnels qui en ont épousé l’esprit après avoir été plongés dans des dilemmes cornéliens.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je comprends l’esprit de l’amendement mais juge inopportune la prolifération des rapports. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Avant l’article 16

Amendement AS1030 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). C’est un amendement rédactionnel.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Il est un peu plus que rédactionnel... Vous souhaitez introduire une nouvelle division dans le texte en créant un chapitre intitulé « Substance létale » comprenant l’article 16. Celui-ci modifie les missions de la Haute autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et fait partie, avec l’article 15, du chapitre V intitulé « Contrôle et évaluation ». La modification proposée n’a pas la force de l’évidence, dans la mesure où les dispositions de l’article 16 relèvent du contrôle et de l’évaluation de plusieurs actions en lien avec la procédure.

En outre, le circuit d’utilisation des préparations magistrales létales est pour partie défini au sein d’autres articles, notamment l’article 9, dont l’alinéa 10 définit ses modalités de destruction. L’article 16 n’est donc pas le seul article portant sur les substances létales.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 16 : Évolution des missions de la Haute Autorité de santé et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, et insertion des produits destinés à l’aide à mourir dans un circuit spécifique et sécurisé

Amendements de suppression AS104 de M. Patrick Hetzel, AS357 de M. Thibault Bazin et AS985 de M. Philippe Juvin

M. Patrick Hetzel (DR). L’article 16 détaille les caractéristiques ainsi que les modalités de préparation et de délivrance de la substance létale, à laquelle je suis opposé. Je propose de supprimer cet article.

M. Thibault Bazin (DR). Proposer de supprimer l’article 16 est cohérent avec mes positions précédentes, notamment sur le refus de prévoir une clause de conscience pour toute personne participant à la délivrance de la substance létale en vue de provoquer la mort. L’article 16 détaille les caractéristiques ainsi que les modalités de préparation et de délivrance de la substance létale sans offrir aux personnes impliquées, qu’elles la préparent ou qu’elles la délivrent, la possibilité d’invoquer une clause de conscience.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Par l’amendement AS985, il s’agit de supprimer l’article 16. L’État français ne peut en aucune manière organiser la mort de l’un de ses citoyens. Ne pas supprimer cet article équivaut à accepter la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie tels qu’ils sont définis à l’article 2.

M. Olivier Falorni (Dem). Au contraire, l’article 16 est indispensable. Le supprimer, c’est supprimer l’encadrement rigoureux de la préparation, de la délivrance et de l’utilisation de la substance létale. C’est supprimer l’élaboration, par la HAS, de recommandations relatives aux conditions de son utilisation. C’est supprimer l’évaluation, par l’ANSM, des produits de santé destinés à l’aide à mourir.

C’est, en somme, supprimer les conditions encadrant l’élaboration et la délivrance des préparations magistrales létales. Je vous invite à ne pas supprimer ces garanties très strictes assurant la sécurité de la fabrication, de la délivrance et de l’utilisation de la substance létale.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). Nous opposons à l’article 16 un autre argument. La substance létale n’est pas à proprement parler un médicament. À ce titre, il serait préférable, compte tenu de la jurisprudence constitutionnelle, que le législateur décide de la façon dont les choses sont définies. Le texte nous dessaisit au profit d’une autorité administrative.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Imaginons que l’article soit supprimé et la proposition de loi adoptée sans lui. Le processus qu’il prévoit s’en trouverait fragilisé, ce qui est contraire au souhait souvent exprimé des auteurs de l’amendement que la proposition de loi, si elle doit être adoptée, soit aussi encadrée et sécurisée que possible. La cohérence de leur position m’échappe. La suppression d’articles est contraire à l’objectif des opposants au texte.

M. Thibault Bazin (DR). Vous savez bien que les amendements visant à supprimer un article ne valent pas nécessairement désaccord avec celui-ci dans son ensemble. Nous ne sommes en désaccord ni avec les recommandations ni avec l’encadrement des dispositions. Nous estimons qu’elles ne sont pas suffisamment encadrées.

Précédemment, on a tenté de nous rassurer en nous disant que l’article 16 encadrerait le processus. L’expérience des quinze précédents articles prouve qu’aucun de nos amendements structurants n’a été adopté.

J’estime que les conditions d’utilisation et de délivrance de la substance létale n’offrent pas une sécurité suffisante. La présence à proximité d’un professionnel de santé est‑elle suffisante ? L’administration de la substance, sous forme d’injection ou d’ingestion, peut poser des problèmes, même avec une sécurité supplémentaire.

M. Philippe Vigier (Dem). Si les amendements sont adoptés, le texte sera encore plus bancal. Vous qui vous inquiétez de sécurité et de protection, vous devez être conscients que, si nous supprimons l’article 16, le texte ne fonctionne pas. Je vous invite à utiliser votre droit d’amendement pour améliorer, s’il y a lieu, la sécurisation du processus.

Quant à la clause de conscience, un pharmacien délivrant, sur ordonnance et sans les administrer lui-même, des produits inscrits au tableau B n’en bénéficie pas. Si tel était le cas, aucune pharmacie, notamment les pharmacies à usage intérieur, ne délivrerait ces produits, donc certains sont létaux.

M. Philippe Juvin (DR). Monsieur Vigier, vous avez dit craindre que, si nous supprimons l’article 16, le texte soit « encore plus bancal ». Je vous laisse la responsabilité de cette observation.

Si les pharmaciens ne peuvent invoquer une clause de conscience, sur laquelle au demeurant le débat est clos, s’agissant des produits inscrits au tableau B, c’est parce qu’ils ne délivrent pas des médicaments susceptibles de tuer les gens.

S’agissant de la proposition de supprimer l’article, vous l’avez tous fait au cours de votre vie de parlementaire et vous le ferez encore, dès lors que vous êtes opposés à un texte.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS1029 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Il s’agit de remplacer, à chacune de ses occurrences, le mot « substance » par le mot « produit ». Une substance est une matière pure d’origine naturelle ou synthétique, dont la composition chimique définie n’est pas transformée ou minimalement traitée. Un produit est une préparation finie ou intermédiaire. Un médicament étant un type particulier de produit, il me semble logique de préférer le mot « produit » au mot « substance ».

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Juridiquement, la préparation d’une substance létale destinée à l’aide à mourir relève bien de la préparation magistrale au sens de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique. Il s’agit d’élaborer un produit sur prescription nominative, dans des conditions strictes de qualité et de sécurité, adapté au patient concerné.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS1115 de M. Julien Odoul, AS358 de M. Thibault Bazin et AS853 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)

M. Julien Odoul (RN). Si le débat sémantique est important, c’est aussi pour une raison peu évoquée jusqu’à présent : les Français n’y comprennent rien. D’après un sondage dont j’ai les résultats sous les yeux, à la question « Pouvez-vous expliquer les différences entre l’aide à mourir, l’euthanasie et le suicide assisté ? », 49 % des Français répondent « non », 40 % « approximativement » et 11 % seulement des Français « oui ».

Il y a donc des Français qui pensent que l’aide à mourir est l’euthanasie et le suicide assisté, d’autres que l’aide à mourir est l’euthanasie mais pas le suicide assisté, d’autres encore qu’elle est le suicide assisté mais pas l’euthanasie ou qu’elle n’est ni l’un ni l’autre. Cet état de fait pose problème en matière de pédagogie. En réalité, les Français ne savent pas sur quoi nous légiférons.

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement est un amendement rédactionnel de cohérence avec nos positions.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’article 16 ne prévoit pas une aide, mais la réalisation d’un geste létal.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Avis défavorable. Nous avons eu ce débat.

M. Philippe Vigier (Dem). Depuis le début de notre discussion, j’ai expliqué que le texte me paraissait équilibré et solide, et qu’il s’était renforcé au fil de nos travaux. Il faut éviter de s’engager sur d’autres voies.

Tout à l’heure, M. Bentz lui-même a employé l’expression « aide à mourir » : peut‑être les innombrables mises au point du rapporteur général ont-elles fini par porter leurs fruits...

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1180 de Mme Élise Leboucher.

Amendements AS366 de Mme Marine Hamelet et AS828 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS366 est défendu.

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS828 est défendu.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Si votre volonté de sécuriser la gestion des substances létales est légitime, vos amendements ne me paraissent pas nécessaires car l’article 9 prévoit la destruction de la substance létale conformément à la réglementation existante.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS364 de Mme Marine Hamelet

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS735 de M. Christophe Bentz.

Amendement AS992 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). L’Oregon a mis longtemps à élaborer une préparation magistrale satisfaisante : sept modifications y sont intervenues depuis l’entrée en vigueur de la loi, comme on peut le constater à la lecture des rapports de son autorité sanitaire. Je souhaite que l’on en tire les enseignements en inscrivant dans la loi que la préparation magistrale doit provoquer la mort « rapidement, avec certitude, sans douleur et sans souffrance ». Cela nous éviterait de commettre les mêmes erreurs.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. La volonté de garantir l’efficacité de la substance létale et l’absence de souffrance liée à son administration est légitime. Toutefois, cette précision ne paraît ni nécessaire, ni opportune car l’alinéa 2 confie le soin à la HAS de définir les substances létales qui seront utilisées. Il ne fait aucun doute qu’elle les choisira avec justesse, dans le but de provoquer la mort de manière certaine, rapide et sans souffrance.

Avis défavorable.

M. Patrick Hetzel (DR). L’Oregon souhaitait évidemment parvenir à ce résultat, ce qui n’a pas empêché la survenance d’un certain nombre de difficultés. Il me paraît donc utile d’écrire clairement dans la loi, d’emblée, l’objectif qui, d’un point de vue opérationnel, doit être visé.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Pensez-vous sérieusement que la HAS ne va pas tenir compte des retours d’expérience – parfois malheureux – provenant d’autres pays ? Avez‑vous si peu confiance dans la capacité de cette instance à aboutir à une préparation de nature à éviter ces écueils ?

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Monsieur Hetzel, à quoi bon inscrire dans la loi le même objectif que celui qui avait été fixé par le législateur dans l’Oregon ? La science évolue, les technologies se perfectionnent. Nous partageons tous la même intention, mais son inscription dans le texte ne changerait absolument rien : chacun s’efforce d’utiliser au mieux les connaissances existantes à un moment donné pour abréger les souffrances des personnes.

M. Thibault Bazin (DR). La concrétisation d’une intention peut se heurter à un certain nombre de contraintes. Il est des substances que l’on ne peut pas utiliser de la même manière dans tous les pays. Les pratiques diffèrent d’un État à l’autre. La HAS peut faire des recommandations qui ne produiront pas le résultat escompté. On pense que la substance aura un effet rapide mais l’expérience montre que le corps humain réagit parfois de façon imprévisible, surtout lorsque la personne n’est pas en fin de vie ou lorsqu’un mode d’administration se révèle inadapté. Il me paraît nécessaire que le législateur précise l’objectif, tant pour la HAS que pour le professionnel de santé qui accompagnera le malade. Cela permettra de faire évoluer les pratiques au fur et à mesure.

M. Philippe Juvin (DR). L’année dernière, lors des travaux de la commission spéciale, j’avais demandé à des représentants de la HAS quels produits ils comptaient sélectionner et quel dosage serait nécessaire : ils n’ont pu m’apporter aucune réponse. Je me suis alors dit qu’il serait utile que la loi fixe un objectif politique. L’expérience de l’Oregon montre en effet qu’en pratique, les choses ne sont pas si évidentes. Par ailleurs, il ne faut pas penser que l’on va facilement inventer des produits moins douloureux : voilà trente ans que l’on n’a pas mis au point un médicament anesthésique nouveau. On fera avec ce qu’on a.

M. Philippe Vigier (Dem). Je fais confiance à la HAS pour examiner les pratiques qui ont cours dans d’autres pays et établir un protocole. Lors de la pandémie de covid, elle a pu définir les règles de vaccination par tranche d’âge à partir des données consolidées résultant des analyses réalisées dans un grand nombre de pays – notamment les pays européens.

Monsieur Juvin, vous affirmez que la préparation doit provoquer la mort « rapidement », mais cette notion est sujette à interprétation : parle-t-on de quelques secondes, quelques minutes, quelques heures, voire quelques jours ? Votre amendement pèche par une certaine imprécision.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1181 de Mme Élise Leboucher.

L’amendement AS986 de M. Philippe Juvin est retiré.

Amendements AS829 de Mme Marie-France Lorho et AS1114 de M. Julien Odoul (discussion commune)

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement AS829 est défendu.

M. Julien Odoul (RN). Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé que, dans tous les pays qui ont légalisé l’euthanasie, les soins palliatifs demeuraient. Vous avez raison, mais il faut regarder les choses de plus près. En Belgique, en 2024, l’euthanasie a concerné 4 000 personnes – chiffre en augmentation de près de 17 % : elle y est devenue, en réalité, un soin palliatif. La situation se caractérise donc par un grand flou. Concernant ce que nous appelons, nous, Français, les soins palliatifs et l’accompagnement, les budgets diminuent, à l’instar du nombre de malades concernés puisqu’on oriente directement les personnes vers l’euthanasie.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS370 de Mme Marine Hamelet

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. L’ANSM est une autorité de régulation et de contrôle des produits de santé dont l’action s’inscrit à l’échelon national : elle n’a pas vocation à intervenir dans la gestion opérationnelle et quotidienne des flux de produits dans les établissements de santé ou dans les officines.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS372 de Mme Marine Hamelet

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette amendement AS926 de Mme Christine Loir.

Elle adopte ensuite l’article 16 modifié.

*

*     *


12.   Réunion du vendredi 2 mai 2025 à 14 heures (article 17 à après l’article 19, titre et vote sur l’ensemble du texte)

La commission poursuit l’examen de la proposition de loi relative à la fin de vie (n° 1100) ([247]).

Chapitre VI

Dispositions pénales

Article 17 : Délit d’entrave à l’aide à mourir

Amendements de suppression AS21 de M. Alexandre Portier, AS106 de M. Patrick Hetzel, AS165 de Mme Sylvie Bonnet, AS360 de M. Thibault Bazin, AS612 de Mme Annie Vidal, AS882 de Mme Lisette Pollet et AS987 de M. Philippe Juvin

M. Alexandre Portier (DR). L’article 17 instaure un délit d’entrave à l’aide à mourir. Nous demandons sa suppression car sa rédaction trop radicale empiète de façon excessive sur la liberté d’expression des tiers.

En criminalisant toute forme d’opposition et de conseil, vous créez un climat de censure et de répression contraire aux principes fondamentaux de la démocratie et de la liberté d’expression. Il est essentiel que le débat sur ces sujets soit ouvert et pluraliste : les citoyens, les professionnels de santé et les organisations doivent pouvoir exprimer leurs opinions, leurs doutes et leurs convictions sans craindre des sanctions pénales.

M. Patrick Hetzel (DR). Cet article prévoit des dispositions pénales, ce qui serait une innovation : le code de la santé publique n’en prévoit pas jusqu’ici.

Il est aussi étrange qu’aucune disposition pénale ne réprime l’incitation au recours à l’aide à mourir. Pourtant, certaines associations qui militent pour une totale liberté du suicide sont proches de cette position.

Se pose enfin une question d’éthique : que se passera-t-il pour les proches des personnes malades ? Il paraît naturel de chercher à manifester son attachement à des parents, y compris en les incitant à ne pas recourir à ce dispositif, à leur dire qu’ils tiennent à leur présence.

Mme Sylvie Bonnet (DR). Ce délit se heurte frontalement à la prévention du suicide et à la non-assistance à personne en danger. Il convient de supprimer cet article.

M. Thibault Bazin (DR). Les pays qui ont légalisé l’administration d’une substance létale en vue d’accélérer la mort n’ont pas prévu un tel délit d’entrave. N’y aurait-il pas là une atteinte à la liberté d’expression ? Ne pénalise-t-on pas des comportements qui peuvent traduire seulement une volonté sincère de préserver la vie d’autrui par le dialogue et l’accompagnement ? Ne risque-t-on pas de rendre plus difficile la prévention du suicide ou la non-assistance à personne en danger, et de modifier le rapport entre soignant et soigné ?

Ceux qui sont très investis dans les soins palliatifs et dans la santé mentale s’inquiètent. Et les associations de prévention du suicide pourront-elles toujours exercer leur activité comme aujourd’hui ?

Mme Annie Vidal (EPR). Cette disposition soulève des questions tant éthiques que juridiques. Pénaliser des comportements qui visent à protéger, ou qui traduisent simplement l’attachement à un proche, est problématique : pourrait-on se voir reprocher la volonté d’accompagner quelqu’un dans une démarche de réflexion profonde, nourrie, sur un choix irréversible ? Cet article me choque profondément.

Cet article me semble d’autant plus inutile que la personne qui demande l’aide à mourir exprime un consentement libre et éclairé – c’est l’un des critères pour y avoir accès.

Il y a enfin un déséquilibre : le délit d’incitation à l’aide à mourir a été refusé.

Mme Lisette Pollet (RN). Le délit d’entrave n’est qu’un moyen imaginé par les promoteurs de cette proposition de loi pour faire taire le débat public. La liberté d’expression est en effet garantie par l’État de droit, tout comme le fait de manifester – à moins que le but ne soit d’utiliser les moyens de l’État pour réprimer ceux qui s’opposent aux thèses politiques des défenseurs de l’euthanasie.

L’obtention d’un prétendu droit ne doit pas impliquer la disparition d’un autre droit pour l’ensemble des citoyens de notre pays.

M. Philippe Juvin (DR). Comment cet article sera-t-il appliqué ?

Quand quelqu’un exprime un désir de mourir, comment sera appréhendé le fait de lui donner des conseils pour essayer de prévenir son suicide ? Il y a peu, quelqu’un a annoncé dans une émission de télévision qu’il avait l’intention d’aller bientôt en Belgique pour mettre fin à ses jours : j’ai été frappé par le fait que personne ne pose la question du recours à un psychiatre ou à un psychologue, par exemple, ou ne demande si toutes les voies avaient été explorées – mais comment pouvait-on faire, bien sûr ?

J’ai en tête un autre cas pratique : une personnalité publique d’importance de la Ve République et son épouse décident de se suicider chez eux. La lettre est écrite, il n’y a aucun doute sur leur volonté. Les pompiers arrivent, trouvent l’homme décédé mais sauvent la femme. Elle a par la suite été très en colère qu’on ne l’ait pas laissée mourir. Dans votre esprit, une situation où quelqu’un porte secours à une personne qu’il découvre en train de mourir est-elle concernée par ce délit ?

Vous l’avez compris, je me demande jusqu’où va la définition de ce délit.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je voudrais commencer par lire quatre articles de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, pour vous montrer que l’article 17, comme, du reste, l’ensemble des deux propositions de loi, ne portent aucune atteinte à la liberté d’opinion. Sont simplement prévues les conciliations nécessaires pour que nul de nos compatriotes ne soit empêché dans un choix toujours intime, souvent difficile, pour lui-même et sa famille.

L’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »

Article 5 : « La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas. »

Article 10 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

Article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »

Ce sont là les fondements de notre contrat social. De façon plus personnelle, je considère que l’article 17 est une mesure de justice : on ne peut troubler la paix des morts, on ne pourra pas troubler celle des vivants qui demandent simplement le droit de mourir. On ne force personne à quoi que ce soit, ni à vivre en souffrant, ni à mourir avec une aide, ni à renier ses idées.

Nul n’a le devoir d’adhérer à tout changement de la société, mais nul n’a le droit d’imposer sa vérité aux autres en les empêchant d’être libres.

L’article 17 ne contraint en rien ceux dont la conviction intime s’oppose à l’aide à mourir – si ce n’est qu’ils n’ont pas le droit de faire aux autres ce qu’ils ne voudraient pas qu’on leur fasse : réduire leur liberté.

Je ne conteste pas du tout le fait que vous fassiez valoir des arguments.

Vous vous inquiétez – et je vous donne le bénéfice de votre bonne foi – de la capacité des associations de prévention du suicide à agir ou de la contradiction qui serait introduite avec la très belle obligation de porter assistance à une personne en danger. Mais ces associations n’ont aucun risque d’être inculpées : elles ne troublent pas l’ordre public, elles sauvent des vies ; elles ne diffusent pas de fausses informations, elles sont des adjuvantes de la puissance publique ; elles ne perturbent pas l’accès à des établissements, elles orientent des personnes en détresse ; elles ne dérangent pas des médecins ou des psychologues, elles travaillent avec eux ; elles n’exercent de pression sur personne, elles soulagent !

Dans l’exposé sommaire de vos amendements, vous évoquez une éventuelle ouverture de l’aide à mourir à des personnes qui ne sont pas du tout à un stade de leur maladie qui engagerait leur pronostic vital. Je ne suis ni aveugle ni sourd, je lis les articles. Mais ce qui compte, c’est la loi que nous allons voter, et le texte dont nous avons débattu ne prévoit pas de cas plus large.

Monsieur Bazin, vous soulignez combien la personne malade a « au seuil de la mort, plus que jamais besoin de se sentir entourée, conseillée, rassurée ». Je suis parfaitement d’accord, et je dirais même « aimée » ! Mais quelle espèce de lien voyez-vous avec le délit consistant à troubler les familles par des fake news ou des actions violentes ?

Madame Vidal, vous écrivez : « Il ne peut être reproché à une personne – proche, professionnel de santé ou tiers – de tenter, dans le respect de la dignité de chacun, d’accompagner quelqu’un dans une réflexion approfondie sur son choix, ou de l’encourager à envisager d’autres formes de soutien ou d’accompagnement que l’aide active à mourir, dès lors que cette démarche s’inscrit dans un échange, un dialogue ou un accompagnement. » Je signe volontiers cette phrase, dans laquelle je ne vois aucune opposition avec l’article 17. Celui-ci ne réprime absolument pas le fait d’aider quelqu’un à réfléchir.

Je rappelle aussi que la rédaction de cet article 17 reprend le délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), inscrit dans la loi de Simone Veil. On peut bien dire que ce n’est pas la même chose, mais, pour avoir lu les comptes rendus des débats de 1974, je vous assure que les arguments employés alors étaient les mêmes que ceux que l’on entend aujourd’hui !

Sur tout cela, je crois sincèrement que vous pouvez quitter toute inquiétude.

Ce qui sera prohibé, ce n’est pas une conviction, une prise de parole respectueuse du débat, l’apport de nuances, l’expression, par amour, du fait qu’on préférerait qu’un parent ou un ami reste parmi nous malgré tout. L’interdiction, punie d’un emprisonnement et d’une amende, concernera seulement le fait d’empêcher l’usage du droit nouveau que nous souhaitons ouvrir et de déranger l’entourage personnel et médical.

C’est un article important pour que la loi soit appliquée, conformément à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

M. Christophe Bentz (RN). Cet article est probablement le plus grave parmi tous ceux de ce texte triste.

Pendant ces semaines d’examen, vous n’avez retenu aucun de nos arguments. J’adresse ici une pensée affectueuse à tous les malades, à tous ceux qui souffrent, à tous les soignants, dont la vocation est de soigner jusqu’à la fin de la vie. On voit ici à quel point cette proposition de loi est un texte d’échec, d’abandon, de déni.

Mme Annie Vidal (EPR). J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur général, mais l’alinéa 4 dispose : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer [...] l’aide à mourir [...]. » Quelqu’un qui tenterait, par des propos qui se veulent affectueux, le recours à la substance létale serait concerné par ce texte !

Si je vais voir un ami à l’hôpital et que je lui dis : « Écoute, je comprends ta décision, mais ne crois-tu pas que tu pourrais traiter cela d’une autre manière ? » et qu’il me répond qu’il n’a pas assez d’informations, je lui en enverrai – quelques pièces jointes à un message pour qu’il ait de la lecture. Je lui demanderai s’il est sûr de sa décision. C’est une démarche que je ferai naturellement : je tenterai de le dissuader, de l’empêcher ! Bien sûr, in fine, si c’est sa décision, elle sera respectée.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Quand un patient exprime le souhait de mourir, qu’il soit ou pas en fin de vie, le monde du soin essaye de l’aider, de comprendre pourquoi il formule cette demande, de l’empêcher de mettre fin à ses jours. Votre texte fait naître une immense inquiétude, chez les psychiatres notamment. Aura-t-on le droit de dire à quelqu’un qui veut mettre fin à ses jours qu’il y a peut-être une autre solution, qu’on est là pour l’aider à faire autrement ? C’est inquiétant aussi pour la prise en charge et la prévention du suicide ou pour les acteurs des soins palliatifs.

Même à la fin, la vie peut valoir la peine d’être vécue.

M. Eddy Casterman (RN). Chaque mot de cet article fait froid dans le dos. C’est un concentré de toutes les pires attaques contre les libertés publiques, à commencer par celle du soignant de convaincre le patient en fin de vie d’avoir recours aux soins palliatifs plutôt qu’à la mort.

Rien ne va dans cet article. Sa rédaction n’est en rien conforme à l’impératif de lisibilité de la loi pénale. On y parle de « pressions morales et psychologiques » : comment le juge interprétera-t-il ces mots ? Vous placez une cible dans le dos de tous les professionnels de santé en soins palliatifs, dont la vocation première est de soulager la douleur du patient plutôt que de supprimer une vie.

Pour éviter tout risque, les soignants devront s’autocensurer. C’est là l’expression parfaite d’une procédure bâillon. La liberté d’expression des soignants est menacée. Finir au tribunal pour avoir incité un patient à préférer la vie avec les soins palliatifs à la mort avec l’euthanasie : voilà le risque auquel vous exposez des milliers de professionnels de santé.

Cette proposition de loi orwellienne ouvrira un nouveau cadre de répression pour tous ceux qui s’engagent dans le noble combat de la prévention du suicide. Elle est, de ce fait, inconstitutionnelle.

M. Patrick Hetzel (DR). L’alinéa 4 ne vise pas seulement le fait d’empêcher, mais aussi celui de tenter d’empêcher. Je suis très gêné par cette formulation.

Nous sommes à deux pas d’une magnifique institution, l’Institution nationale des Invalides, qui accueille des militaires âgés et pour certains proches de la fin de leur vie. Certains reçoivent la visite d’aumôniers, ce à quoi ils tiennent. Que se passera-t-il quand un aumônier, parce que c’est sa conviction et que sa présence a été souhaitée par le patient, s’exprimera contre cette option dans ce colloque singulier ? Sera-t-il considéré comme quelqu’un qui a tenté d’empêcher le recours à l’aide à mourir ?

C’est là à mon sens une question éthique fondamentale. La laïcité, c’est de permettre à chacun de croire ou de ne pas croire. Il faut lever ces inquiétudes.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Cet article reprend mot pour mot, le rapporteur général l’a rappelé, celui relatif au délit d’entrave à l’IVG. Ce n’est donc en rien une innovation juridique. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

S’agissant de la tentative, cette rédaction est la même pour toutes les infractions. En droit, tenter, c’est commencer une infraction mais être interrompu par un acte extérieur. Si une personne rédigeait un SMS pour exercer des pressions morales et psychologiques sur un médecin mais que son message ne parvenait pas au destinataire, l’infraction serait constituée : c’est bien une tentative. De la même façon, si vous voulez perturber l’accès à un établissement mais que celui-ci est fermé, l’infraction est constituée. L’ensemble du code pénal est rédigé de cette façon : là encore, il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

M. Pierre Meurin (RN). Monsieur le rapporteur général, j’ai l’intuition que vous ne faites pas de différence profonde entre un suicide assisté et un suicide tout court : vous les considérez, je crois, comme l’expression d’une liberté. Si un suicide, assisté ou pas, reflète la même volonté de mourir, pourquoi n’allez-vous pas au bout de votre logique ? Si je sauve quelqu’un de la défenestration, allez-vous me mettre en prison ? Si je coupe la corde de quelqu’un qui s’est pendu dans sa grange, irai-je en prison ? Est-ce là un délit d’entrave ?

Intellectuellement, cette question est pertinente : la volonté de se suicider, de façon assistée ou pas, est similaire dans les deux cas. Pourquoi alors ne créez-vous pas un délit d’entrave à tous les suicides ? J’aimerais que cette question ne soit pas balayée et reçoive une réponse précise.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Chercher à convaincre quelqu’un de renoncer à accomplir un acte ne revient pas à l’en empêcher. Le texte interdit « d’empêcher » : nous parlons bien d’un délit d’entrave, non d’un débat.

La jurisprudence le confirme : jamais personne n’a été condamné pour avoir argumenté contre l’IVG dans le débat public. J’ajoute que les dérives observées aux États‑Unis, où certains empêchent l’accès aux centres de soins pratiquant l’IVG, justifient l’ajout du délit d’entrave à la loi Veil – heureusement, en France, nous n’en sommes pas là.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). La proposition de loi crée un droit, donc une liberté. Pour qu’un droit soit réel, il faut pouvoir l’exercer sans entrave. Ceux qui veulent empêcher les autres de recourir à l’aide à mourir ne cherchent pas à faire le bien de ces personnes : elles s’opposent à leur volonté. Il faut que tous ceux qui remplissent les critères puissent choisir librement de la demander, ou non – nous n’imposons rien.

On ne peut comparer une personne qui demanderait l’aide à mourir à une autre qui voudrait se jeter par la fenêtre. Certains entretiennent la confusion pour discréditer le texte. Nous élaborons un cadre légal, qui prévoit notamment des critères d’admission, un processus médical et le recueil du consentement de la personne, au cours d’un dialogue. Dans la discussion, des proches pourront exprimer un avis différent, mais vouloir convaincre n’est pas contraindre.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NFP). J’ajoute que la confusion entre convaincre et empêcher est d’autant moins possible que nous avons l’expérience de la législation relative à l’IVG : seuls ceux qui ont tenté d’empêcher des IVG par des actes ont été condamnés. Tout le monde sait à quoi s’en tenir, en particulier les juges.

Lorsqu’on tente de sauver une personne qui cherche à se suicider, celle-ci ne remplit pas les cinq critères que nous avons définis, elle n’est pas arrivée là où elle en est au terme d’un processus d’accompagnement par des soignants qui se sont assurés à plusieurs reprises de sa volonté – on en est même très loin. Nous avons décidé hier que le professionnel de santé chargé d’accompagner le patient resterait à proximité de lui jusqu’au décès. Un autre professionnel de santé qui ignorerait tout de la situation ne pourrait donc en aucun cas tenter de réanimer le patient.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Pour un juste équilibre avec le délit d’entrave, nous pourrions créer un délit d’incitation. En l’état, le texte est asymétrique. Il concerne une décision essentielle, qui doit être libre de toute influence. Vous répétez que nous créons un droit, ce qui est vrai, mais cela n’est pas sans incidence sur les personnes. Si un malade qui remplit toutes les conditions demande l’aide à mourir de manière libre et éclairée, mais en avançant qu’il est une charge pour ses proches ou que sa vie est inutile, que faut-il lui répondre ?

M. Philippe Juvin (DR). Je suis favorable à la création d’un délit d’entrave, mais l’expression « tenter d’empêcher » me gêne car elle englobe trop de cas possibles. Tout le monde est d’accord pour affirmer qu’on ne doit poursuivre ni les psychiatres, ni les aumôniers, ni les proches ; mais la mission des psychiatres est précisément de tenter d’empêcher le suicide : ils y sont formés. Peut-on considérer qu’un psychiatre exerce, dans le cadre d’une consultation, « des pressions morales et psychologiques » ? Je sais que telle n’est pas votre intention, monsieur le rapporteur général, et je suis prêt à voter cet article, mais nous devons clarifier ce point.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous savons bien que la notion de tentative – au regard de tel ou tel acte – est habituelle en droit. Il reviendra donc au juge d’apprécier les faits.

Il faut lire la suite de la phrase. Le premier alinéa prévoit qu’on ne peut « tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir » : madame Vidal, cela répond à votre objection. Le deuxième alinéa précise que l’on peut empêcher ou tenter d’empêcher de pratiquer l’aide à mourir « en perturbant l’accès aux établissements ». La comparaison a été faite à juste titre sur l’IVG – pensez à la Pologne. Nous savons que certains feront tout pour contrevenir à la loi. Nous avons essayé de sécuriser le texte ; nous sommes parvenus à un équilibre.

M. Thibault Bazin (DR). Vous nous assurez, monsieur le rapporteur général, que la rédaction n’empêchera pas les actions tendant à prévenir le suicide, mais ne risque-t-elle pas de les fragiliser ? Le projet de loi initial ne prévoyait pas de délit d’entrave. En ajoutant « tenter d’empêcher », on va très loin. Le premier alinéa précise que cela concerne « notamment » – terme que le professeur de droit de Jérôme Guedj recommandait d’éviter – « [...] la diffusion [...] d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur ». On peut s’interroger sur l’erreur : qui détient la vérité sur les conséquences médicales ? À quelle étape du processus sommes-nous ? Ne risquons-nous pas de participer à une éventuelle judiciarisation ?

Surtout, je m’inquiète des personnes qui travaillent en psychiatrie. Vous affirmez qu’il faut seulement respecter la volonté de la personne mais, en psychiatrie, on tâche précisément de faire évoluer la volonté de la personne qui souhaite mettre fin à ses jours. Cette rédaction ne risque-t-elle pas de fragiliser des associations de prévention du suicide ? Vous affirmez que non, mais je crains que le dispositif ne soit trop large.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Grâce à la loi relative à l’IVG, ces dispositions ont été juridiquement éprouvées. Nous disposons d’un recul suffisant pour dissiper vos craintes. Il faut lire l’article dans son ensemble : on ne peut assimiler les discussions avec un proche ou un psychiatre à « des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation ».

M. René Pilato (LFI-NFP). L’expression de « suicide assisté » vous conduit à confondre des situations bien distinctes. Nous créons un droit : celui de mettre fin aux souffrances, et non pas à la vie. Cela n’a donc rien de comparable avec une tentative d’empêcher un suicide.

M. Thierry Frappé (RN). La rédaction de l’article pose un problème. Où commencera le délit d’entrave ? Le soignant commence par considérer le patient et par discuter avec lui, et ce en écoutant, non ses convictions, mais ses devoirs. La première chose qu’apprend un médecin, c’est qu’il faut éviter les formulations miroir. Que faudra-t-il faire ?

Mme Annie Vidal (EPR). Je ne suis pas rassurée. Même si tenter d’empêcher quelqu’un de s’orienter vers une aide à mourir ou de s’informer à son sujet ne sera pas puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, cela pourra au minimum être considéré comme une tentative de délit d’entrave, ce qui me heurte s’agissant d’une démarche empreinte d’humanité.

M. Patrick Hetzel (DR). Jean-Christophe Crocq, professeur de droit et auteur du Guide pénal publié chez Dalloz, écrit que la formule « tenter d’empêcher » peut être problématique si elle n’est pas strictement encadrée : si les mesures prises ne sont pas proportionnées et justifiées, elle peut conduire à restreindre les libertés fondamentales dans des proportions excessives. Le risque n’est donc pas nul. Puisque tout dépendra de l’interprétation, l’insécurité juridique est réelle.

M. Philippe Juvin (DR). La comparaison avec l’IVG n’est pas opportune : aucun professionnel de santé n’est formé pour empêcher l’IVG alors que les psychiatres sont formés pour tenter d’empêcher le suicide. Par ailleurs, nous nous inquiétons pour les associations de prévention du suicide. Si vos arguments sont de nature à me rassurer, ce n’est toujours pas le cas du texte. Pourrions-nous, d’ici à l’examen en séance, trouver une rédaction qui exclue les poursuites contre les psychiatres, les ministres des cultes et les associations de prévention ?

M. Pierre Meurin (RN). Nous voudrions une réponse circonstanciée aux questions qui ont été posées.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Le rapporteur général a répondu à tout. Nous sommes en désaccord sur le fond, mais c’est un autre problème. Nous en débattrons à nouveau dans l’hémicycle.

La commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’amendement de précision AS1168 de Mme Élise Leboucher.

Amendement AS736 de M. Christophe Bentz

M. Christophe Bentz (RN). Depuis 1991 il est interdit de faire la publicité du tabac car fumer peut entraîner la mort. Le présent amendement vise à interdire la publicité de l’euthanasie ou du suicide assisté, qui provoquent la mort de manière certaine.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je ne souhaite évidemment pas qu’on organise des campagnes de publicité pour l’aide à mourir. Cependant votre amendement vise à appliquer à l’aide à mourir les dispositions pénales relatives au délit de provocation au suicide. Pour ce faire, il faudrait que l’aide à mourir ne soit pas un droit mais une action préjudiciable à un individu ou à la collectivité, et que la mort résultant de l’aide à mourir soit un suicide ; or elle est la conséquence de l’expression répétée de la volonté de ne plus avoir mal. De plus, la procédure de l’aide à mourir est constituée de nombreuses étapes ; à chacune d’entre elles, tout peut s’arrêter : pour que l’infraction soit constituée, il faudrait que l’incitation soit suivie d’effet plusieurs fois – là encore, la situation n’est pas celle d’un suicide.

Avis défavorable.

M. Pierre Meurin (RN). Sur mon paquet de cigarettes, on lit : « Fumer tue. » Si je décide de mourir d’un cancer du poumon, cette inscription ne constitue-t-elle pas un délit d’entrave à ma propre euthanasie ? Si je suis votre logique, dès lors que je décide de mourir, fût-ce sans assistance, c’est-à-dire de commettre un suicide « conventionnel », ce doit être mon choix, mon droit, ma liberté. Ainsi, sauver quelqu’un de la défenestration devrait selon vous constituer un délit d’entrave au suicide.

M. Christophe Bentz (RN). Madame la rapporteure, vous fondez votre avis sur le droit de la personne. Mais fumer est un droit. Il faut partir de la substance administrée. Comptez-vous, dans quelque temps, autoriser la promotion de ce que vous appelez l’« aide à mourir » ?

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS361 de M. Thibault Bazin.

Amendement AS1034 de M. Philippe Juvin, amendements identiques AS771 de Mme Karen Erodi et AS899 de Mme Danielle Simonnet (discussion commune)

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’amendement AS771 vise à aligner les peines sur celles prévues en cas d’entrave à l’IVG puisque, dans les deux cas, il s’agit de protéger le droit à disposer de son corps.

M. Sébastien Peytavie (EcoS). L’amendement AS899 est identique.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. En tant que rapporteure, j’ai décidé de ne pas déposer d’amendement sur le quantum de peine afin de ne pas perturber l’équilibre trouvé l’an dernier. En effet, la ministre ne remet pas en cause l’introduction d’un délit d’entrave.

Je m’en remets à la sagesse de la commission.

L’amendement AS1034 est retiré.

La commission rejette les amendements AS771 et AS899.

Amendements AS1038, AS1039 et AS1037 de M. Philippe Juvin (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). M. Isaac-Sibille a souligné l’importance de parvenir à un équilibre. Les trois amendements visent à ajouter qu’il est également interdit de promouvoir l’aide à mourir ou d’inciter à y recourir. Cela rassurerait les psychiatres et les associations.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Sur le fond, je suis opposée à vos amendements ; sur la forme, leur rédaction est inopérante. Je vous invite à les retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS1033 de M. Philippe Juvin, AS830 de Mme Marie-France Lorho, AS1032 de M. Philippe Juvin et AS854 de Mme Sandrine Dogor-Such (discussion commune)

M. Philippe Juvin (DR). Mon amendement AS1033 vise à étendre le délit d’entrave à « tous les moyens de terminer paisiblement sa vie », dont les soins palliatifs.

M. Christophe Bentz (RN). Je défends l’amendement AS830.

L’amendement de M. Juvin est intéressant car il permet de préciser que, pour nous, l’expression « aide à mourir » désigne les soins palliatifs et exclut donc le suicide assisté ou l’euthanasie.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Monsieur Juvin, avec cet amendement, vous reconnaissez que l’aide à mourir est une pratique légale. Bienvenue parmi nous !

L’entrave aux soins palliatifs est déjà réprimée par la loi, à l’article 223-1-2 du code pénal.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (DR). Je cherche à résoudre le conflit potentiel entre la rédaction actuelle de l’article et l’article du code pénal que vous avez mentionné.

L’amendement AS1032 est retiré.

La commission rejette successivement les autres amendements.

Amendement AS883 de Mme Lisette Pollet

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement vise à empêcher que la simple expression d’une opinion considérée comme divergente par les partisans de l’euthanasie tombe sous le coup du délit d’entrave. Le choix éclairé suppose de pouvoir entendre des avis divergents.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. L’expression d’opinions divergentes, pourvu qu’elle mobilise des arguments scientifiquement ou juridiquement exacts, n’est pas incriminée par le délit puisque celui-ci punit la diffusion d’allégations « de nature à induire intentionnellement en erreur ».

Quant à votre volonté de permettre au malade de faire un choix éclairé, l’article 17 y répond déjà.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS1084 de M. Théo Bernhardt

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1169 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Amendement rédactionnel.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il n’est pas simplement rédactionnel puisqu’il aboutirait à ce que le délit d’entrave à l’aide à mourir soit rédigé différemment de celui concernant l’IVG, alors qu’ils ont le même objectif.

L’amendement est retiré.

Amendement AS831 de Mme Marie-France Lorho

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS614 de Mme Annie Vidal

Mme Annie Vidal (EPR). Il n’existe pas d’« établissements habilités à pratiquer l’aide à mourir » et l’expression « tout lieu où elle peut être régulièrement pratiquée » est trop vague. Je propose donc de supprimer l’alinéa 5, qui y fait référence.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. L’exemple de l’IVG est suffisamment éclairant pour justifier le maintien de cet alinéa qui concerne l’entrave à l’accès aux établissements.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS462 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Océane Godard (SOC). Cet amendement vise à étendre le délit d’entrave à l’ensemble des professionnels qui se sont déclarés disposés à accompagner les personnes ayant demandé l’aide à mourir.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Si l’entrave que vous souhaitez réprimer concerne les perturbations de l’accès aux établissements, les alinéas 5 et 6 semblent déjà répondre à votre préoccupation.

Si vous souhaitez protéger ces professionnels des pressions qu’ils peuvent subir en dehors des établissements, il me semble que l’amendement devrait alors modifier l’alinéa 6, qui mentionne les « menaces » et « tout acte d’intimidation ». C’est ce que je propose avec l’amendement AS770.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Le registre n’est pas public : il ne peut être consulté que par les professionnels de santé. Il n’y a donc pas de risque de menace ou d’intimidation des professionnels que vous mentionnez.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS1170 de Mme Élise Leboucher.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle rejette l’amendement AS1035 de M. Philippe Juvin.

Amendement AS833 de Mme Marie-France Lorho

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS1171 de Mme Élise Leboucher.

Amendement AS1036 de M. Philippe Juvin.

M. Philippe Juvin (DR). Cet amendement vise à élargir le champ du délit d’entrave en y intégrant toutes les manières légales de terminer la vie, en particulier l’accès aux soins palliatifs.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS615 de Mme Annie Vidal

Mme Annie Vidal (EPR). Dans le même esprit que l’amendement défendu précédemment, je propose de supprimer, à l’alinéa 6, la référence aux « établissements habilités ».

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je vous propose de le retirer car l’amendement AS1170, que nous avons adopté, répond à votre préoccupation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS770 de Mme Élise Leboucher

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). L’amendement propose d’élargir le champ du délit d’entrave aux pressions et menaces exercées contre les soignants qui se sont portés volontaires pour pratiquer l’aide à mourir. Même si le registre n’est accessible qu’aux professionnels de santé, on ne peut pas exclure qu’il y ait des fuites ou des abus.

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’amendement AS462 n’était pas satisfait puisqu’il visait à étendre le délit d’entrave aux perturbations à l’accès des professionnels volontaires, alors que le présent amendement concerne l’extension du délit à ces mêmes professionnels, mais pour des pressions et intimidations.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS834 de Mme Marie-France Lorho

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS618 de Mme Annie Vidal, AS367, amendements AS367 et AS368 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

Mme Annie Vidal (EPR). Mon amendement vise à éviter que des paroles, des démarches ou des comportements ayant pour seul objet d’inviter une personne en fin de vie à la prudence et à la réflexion tombent sous le coup du délit d’entrave.

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement AS367 tend à exclure du délit d’entrave les propos tenus par des membres des services d’aumônerie, des ministres du culte ou des proches, pourvu qu’ils invitent seulement à la prudence, à la réflexion et au débat d’idées.

L’amendement AS368 est identique, à la différence qu’il exclut les services d’aumônerie et les ministres du culte.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Vous souhaitez certainement rappeler, plutôt qu’inscrire dans la loi, que l’expression d’un avis contraire à l’aide à mourir ou l’invitation à la réflexion et à la nuance, notamment par des aumôniers, des ministres du culte ou des membres de la famille, ne matérialisent pas le délit d’entrave. Nous sommes bien d’accord.

L’article 17 n’attente ni à la liberté d’opinion ni à la liberté d’expression ou de communication. Il protège la liberté des malades d’accéder au nouveau droit à l’aide à mourir, de leurs proches de les accompagner sereinement et des professionnels de santé de travailler correctement.

Le délit d’entrave n’interdit pas la publication d’une tribune dans tel ou tel journal. Il n’empêche pas l’organisation d’un colloque. Il ne prohibe pas non plus que l’on dise à sa mère qu’on l’aime tellement qu’on aimerait qu’elle choisisse de rester en vie. C’est difficile d’accepter la mort d’un parent ou d’un ami et c’est aussi difficile d’avoir peur de montrer de l’égoïsme quand on voit que ce parent ou cet ami fréquente les limites de la souffrance humaine.

La nouvelle infraction a un objet : la diffusion d’informations spécifiquement formulées pour induire en erreur sur l’aide à mourir, la perturbation des activités d’établissements de santé et l’exercice de pressions morales ou psychologiques sur des personnes, c’est-à-dire le fait de fausser les règles du jeu et de refuser aux autres la jouissance de leur libre arbitre.

Demande de retrait.

M. Thibault Bazin (DR). L’inscrire dans la loi clarifierait les choses et rassurerait tout le monde.

J’ai pu constater, lors de visites dans les hôpitaux, la façon dont les services d’aumônerie participent à répondre aux besoins globaux, notamment spirituels, des personnes. Il me semble utile de le préciser.

M. Yannick Monnet (GDR). Je connais des aumôniers – il y en a même au parti communiste. Ils sont respectueux des autres et les accompagnent dans leur choix. Je n’imagine donc pas un seul instant qu’ils puissent chercher à convaincre une personne de changer son choix de recourir à l’aide à mourir.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS884 de Mme Lisette Pollet

Mme Lisette Pollet (RN). L’amendement vise à supprimer la possibilité, pour une association, d’exercer les droits reconnus à la partie civile et de jouer ainsi un rôle de police de la pensée en poursuivant toute personne défavorable à la légalisation de l’euthanasie.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS835 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination AS1173 de Mme Élise Leboucher, rapporteure.

Amendements AS363 et AS362 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Le délit d’incitation doit aller de pair avec le délit d’entrave, afin de garantir que les personnes soient réellement libres : c’est ce que prévoit l’amendement AS363.

Dans le même esprit, l’amendement AS362 vise à interdire la publicité du dispositif d’aide à mourir.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je comprends que, si l’on crée un droit, on crée aussi un délit d’entrave à l’exercice de ce droit, mais il faut également éviter l’incitation à recourir à l’aide à mourir. Comment faire pour trouver cet équilibre ? Je demande conseil à la rapporteure et au rapporteur général.

M. Thibault Bazin (DR). On imagine bien qu’il n’y aura pas de publicité, mais pourquoi ne pas l’écrire ? C’est une question d’intelligibilité de la loi, mais aussi d’équilibre. Sans cet équilibre, cette liberté n’en sera pas vraiment une.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Qui voudra faire de la publicité pour quelque chose qui ne rapporte pas d’argent ?

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je pense que vous faites référence à la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN), qui gère des unités de soins palliatifs. Il faut faire attention à ne pas leur faire de faux procès, car cette mutuelle, comme d’autres, fait beaucoup pour développer l’offre de soins palliatifs sur le territoire.

M. Patrick Hetzel (DR). La question est celle du parallélisme. Il faut certes veiller à ce que l’exercice du droit ne soit pas entravé, mais il faut envisager les deux facettes, donc veiller également à ce que ne soient pas franchies les limites dans la promotion de l’aide active à mourir.

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis attentif à vos amendements. Beaucoup d’entre eux ont permis d’alimenter le débat et de borner le texte, mais, en l’occurrence, vous soutenez un discours de propagande qui prête de mauvaises intentions aux personnes favorables à l’aide à mourir. Personne ne veut vendre la mort.

M. Philippe Vigier (Dem). Il faut distinguer la communication et l’information. Prenons l’exemple de l’IVG. Les délais ont été rallongés dans certains cas. Avez-vous vu des actions de communication ? J’y ai été attentif et j’ai pu constater que ce cap n’avait pas été franchi. Je vous invite donc à la prudence.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS107 de M. Patrick Hetzel

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement a pour objet de permettre à une association déclarée d’exercer les droits reconnus à la partie civile lorsque des personnes physiques ou morales ont commis des faits visant à dissuader les malades de bénéficier des soins palliatifs en violation de la loi.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Avis défavorable car la loi a déjà prévu de qualifier de délit la dissuasion de recourir à des soins palliatifs.

M. Philippe Vigier (Dem). Cet amendement est satisfait par la rédaction que nous avons retenue, le texte précisant désormais que chaque patient « se voit proposer » des soins.

M. Patrick Hetzel (DR). Il faut veiller à présenter toutes les options, sans se limiter à une seule direction, particulièrement dans certains environnements comme les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). J’ai été très sensible au fait que vous ayez été un certain nombre à véritablement défendre le droit d’accès aux soins palliatifs. Allons jusqu’au bout de cette logique.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS22 de M. Alexandre Portier, AS1031 de M. Philippe Juvin, AS662 de Mme Angélique Ranc et AS1110 de M. Frédéric Valletoux (discussion commune)

M. Alexandre Portier (DR). Mon amendement vise à interdire et à sanctionner toute campagne publicitaire, promotionnelle ou incitative en faveur de l’aide à mourir. La banalisation de cette pratique risque en effet d’exercer une influence indue sur des personnes vulnérables. Notre rôle est de les soutenir, de les protéger, de les défendre, et non de les enfermer dans une situation de détresse. Une telle interdiction garantirait que les informations sur l’aide à mourir restent neutres, factuelles et accessibles à tous les citoyens. Nous avons tous à cœur d’éviter une marchandisation de l’aide à mourir, ce qui serait affreusement triste.

M. Philippe Juvin (DR). Je suis favorable à un délit d’entrave qui serait équilibré par l’existence d’un délit d’incitation : cela rassurerait tout le monde.

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS662 vise à introduire un délit d’incitation à l’aide à mourir et d’entrave aux soins palliatifs, notamment par pression idéologique. L’année dernière, au moment des réunions de la commission spéciale, il y avait des panneaux publicitaires de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) dans tout Paris. On peut avoir des positions différentes sur la fin de vie mais il ne faut pas faire de la publicité, qui serait une forme d’incitation. En Belgique et aux Pays-Bas, où l’euthanasie est légale, des cas d’euthanasie de patients souffrant de dépression ou de maladies non terminales ont été rapportés, à tel point qu’une pétition a été déposée en 2017 par 350 médecins néerlandais pour dénoncer les euthanasies des personnes démentes et la multiplication des cas limites en raison d’une interprétation toujours plus large des conditions requises par leur loi de 2001. Les risques de dérive sont donc bien existants. Il importe que le législateur prenne d’ores et déjà des dispositions afin de pallier ces abus, notamment de la part des associations militantes.

M. le président Frédéric Valletoux. Pour les mêmes raisons que celles exposées par Philippe Juvin, je suis favorable à la création d’un délit d’entrave.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Je veux rappeler un point fondamental : l’aide à mourir concernera une personne atteinte d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale. L’aide à mourir sera demandée par cette personne ; elle réitérera sa demande de manière régulière et procédurale. Je veux rappeler aussi, puisque nous avons écarté tous les amendements relatifs aux directives anticipées, que cette personne devra jusqu’au bout réitérer de manière claire, libre et consentie sa volonté de bénéficier d’une aide à mourir.

J’entends parler de parallélisme des formes et de nécessité d’équilibre. La loi Veil de 1975 sur l’IVG est une loi d’équilibre qui prévoit un délit d’entrave mais pas de délit d’incitation. Je souhaite que l’on parvienne au même résultat, en faisant en sorte que ce droit nouveau soit appliqué de manière sereine, apaisée. Je suis défavorable à ces amendements.

M. René Pilato (LFI-NFP). J’y suis défavorable également. Il y a une grande confusion : il est normal que des personnes ou des associations engagées, comme l’ADMD, se battent et manifestent pour obtenir un nouveau droit. Une fois que celui-ci sera acquis, le combat sera terminé : il n’y aura pas lieu de faire de la propagande.

M. Patrick Hetzel (DR). Non, le combat ne sera pas terminé, comme le prouvent les déclarations de l’ADMD demandant l’adoption de mesures qui ne figurent pas dans le présent texte. Pour notre part, nous sommes sensibles aux alertes de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs, qui relaie les demandes des soignants de pouvoir continuer sereinement à effectuer leurs missions. Nous devons préserver ces fantastiques havres de paix qui existent grâce aux soins palliatifs.

M. Christophe Bentz (RN). Le texte que vous nous soumettez, débarrassé de tous ses verrous et ses garde-fous, est le plus permissif au monde : il n’y a pas d’exemple comparable. C’est pourquoi nous avons déposé l’amendement AS662 : puisque vous souhaitez créer un délit d’entrave à l’euthanasie et au suicide assisté, qui consistent à donner la mort au moyen d’une substance létale, nous proposons de créer un délit d’entrave aux soins palliatifs, qui sont du côté de la vie. Êtes-vous prêts, intellectuellement, à accepter ce nouveau délit ?

M. Yannick Monnet (GDR). Je suis plutôt favorable au délit d’incitation car il permettrait d’éviter certains fantasmes comme celui que vient d’exprimer notre collègue du RN – le texte n’est absolument pas dépourvu de verrous ! Je ne sais pas quelle serait la meilleure façon de définir le délit d’incitation, mais j’en comprends la logique intellectuelle.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je ne comprends pas comment le rapporteur peut donner un avis défavorable à un amendement visant à sanctionner le fait d’exercer une pression, d’user de manœuvres ou d’influencer indûment une personne afin de la pousser à demander une aide à mourir.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Le texte prévoit déjà que les personnes vulnérables n’ont pas accès à l’aide active à mourir. Il ne faut pas confondre le délit d’entrave, qui consiste à empêcher physiquement l’action de donner la substance létale, et le délit d’incitation, qui reviendrait à empêcher de présenter des arguments pour ou contre. Je suis opposée à ce dernier car, si l’entrave physique contrevient à la loi, l’argumentation ne constitue pas un délit.

M. Thibault Bazin (DR). L’entrave, telle qu’elle est définie par le texte, n’est pas seulement physique : elle peut aussi consister à donner des indications. Par ailleurs, à ce stade, rien ne permet de garantir totalement que des personnes vulnérables ne pourraient pas être éligibles à l’aide à mourir.

La création d’un délit d’incitation, symétrique au délit d’entrave, permet de répondre aux risques évoqués par les uns et les autres. Je rejoins le président Valletoux sur ce point : c’est une question d’équilibre.

M. le président Frédéric Valletoux. Si j’ai déposé cet amendement, c’est d’abord en pensant à la protection des personnes concernées et à l’équilibre juridique dans leur accompagnement. De plus, cela répond à une demande forte des soignants, qui ont l’expérience de ce que peut être l’accompagnement dans ce moment de fragilité.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’article 17 modifié.

Après l’article 17

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS 365 de M. Thibault Bazin.

Amendements AS105 de M. Patrick Hetzel et AS1112 de M. Julien Odoul (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). L’objectif est de tout mettre en œuvre pour éviter les risques d’abus de faiblesse.

M. Julien Odoul (RN). Si cette loi est votée, elle fragilisera bon nombre de patients en fin de vie qui, sous l’influence d’un tiers ou d’un entourage familial malveillant, pourraient recourir à ce dispositif. Nous savons que cela existe, malheureusement : certaines familles veulent se débarrasser de leurs aïeux et feront pression pour qu’ils aient recours à l’euthanasie. La loi doit donc protéger les plus faibles en se montrant dissuasive. C’est pourquoi je vous propose de prévoir une peine de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende en cas d’abus de faiblesse.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. L’abus de faiblesse ne peut être constitué que s’il y a une mise en danger de la personne, autrement dit lorsqu’il y a une fraude sur l’ignorance, la faiblesse ou la vulnérabilité d’une personne, soit pour la conduire à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables, soit pour altérer son jugement et ayant pour effet de causer une altération grave de sa santé physique ou mentale. Ce n’est pas le cas avec la procédure de l’aide à mourir.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS836 de Mme Marie-France Lorho et AS5 de Mme Sylvie Bonnet (discussion commune)

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS836 vise à condamner la provocation à l’aide à mourir au même titre que la provocation au suicide d’autrui. Le Gouvernement n’avait pas reconnu l’aide à mourir comme un suicide assisté lors des débats en commission spéciale. Ainsi, les provocations à l’aide à mourir ne peuvent être tenues pour des provocations au suicide assisté. Il convient de corriger ce vide juridique.

Mme Sylvie Bonnet (DR). L’aide à mourir n’étant en aucun cas un soin, la demande ne peut émaner que d’une personne dont le consentement doit être libre et éclairé. Elle ne doit subir aucune pression. Il est souhaitable de prévenir certaines dérives comme celles constatées au Canada, où des personnes se voient proposer l’aide active à mourir en même temps qu’un protocole thérapeutique, en passant sous silence l’apport des soins palliatifs. C’est pourquoi l’incitation à l’aide à mourir doit être sanctionnée.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS2 de Mme Sylvie Bonnet

Mme Sylvie Bonnet (DR). Vu la promotion du suicide assisté et de l’euthanasie qui est faite dans certains pays, en particulier par des associations, il importe d’empêcher de telles dérives.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

Chapitre VII

Dispositions diverses

Article 18 : Prise en charge par l’assurance maladie obligatoire des frais exposés dans le cadre de la mise en œuvre de l’aide à mourir

Amendements de suppression AS373 de M. Thibault Bazin et AS989 de M. Philippe Juvin

M. Thibault Bazin (DR). Il s’agit d’un amendement de cohérence.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il importe que l’on n’exige aucune avance de frais ni aucun reste à charge. C’est une disposition inspirée par l’égalité, pour que le choix d’une aide à mourir soit fait librement, sur la base des critères médicaux et sans considération du coût individuel que cela représenterait pour le malade en fin de vie.

La commission rejette les amendements.

Puis la commission adopte successivement les amendements AS1174, de coordination, et AS1175, rédactionnel, de Mme Élise Leboucher.

Amendement AS990 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin (DR). Il s’agit de supprimer l’alinéa 8, car celui-ci vise notamment les mineurs. Or nous n’avons pas autorisé l’accès à l’aide à mourir aux mineurs. Je souhaite donc que nous supprimions cette mention pour lever toute ambiguïté.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. L’aide à mourir n’est absolument pas ouverte aux mineurs. L’alinéa 8 réécrit l’article du code de la sécurité sociale relatif à la suppression de la participation de l’assuré, de manière générale. Et, en effet, l’ajout de la mention de l’aide à mourir pour le public éligible implique d’y faire une énumération. Cela peut paraître surprenant mais c’est de la légistique banale.

M. Philippe Juvin (DR). Si les mineurs ne sont pas concernés, on les retire de cet article du code de la sécurité sociale, quitte à le réécrire. « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément. » Or, en l’occurrence, je ne comprends pas.

M. Thibault Bazin (DR). Dès lors que vous souhaitez mentionner l’aide à mourir dans un article du code de la sécurité sociale, vous devez prévoir la rédaction adéquate. Habituellement, la Haute Autorité de santé (HAS) se prononce sur les actes. Ne devrait-on pas conserver la procédure habituelle sur les remboursements ?

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). L’article du code de la sécurité sociale modifié par le présent texte se trouve être l’article de référence pour l’ensemble des prestations de protection sociale qui ne nécessitent pas une participation financière de l’assuré, notamment mineur. Supprimer ou réécrire l’alinéa 8 mettrait en péril des remboursements pour d’autres prestations. Il n’est vraiment pas nécessaire de jouer sur les peurs en inventant que l’aide à mourir serait ouverte aux mineurs.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je ne peux pas croire un instant que des parlementaires aussi expérimentés que M. Juvin et M. Bazin n’aient pas vu que cet article du code de la sécurité sociale portait sur le remboursement des frais de soins en général. Ne mélangeons pas tout, parce que cela nous emmènerait dans des débats très malsains.

M. Patrick Hetzel (DR). Il eût sans doute été pertinent de ne pas toucher à cet article. La procédure habituelle aurait évité de faire référence aux mineurs. Nous avons parfaitement compris qu’il s’agissait d’une disposition générale mais, puisque nous examinons des dispositions relatives à l’aide active à mourir, souffrez que l’on vous mette en garde lorsque vous faites référence aux mineurs. La loi doit être intelligible ; or l’alinéa 8 n’y contribue pas.

M. Philippe Juvin (DR). Rien ne nous empêchait d’insérer dans cet article du code de la sécurité sociale une ligne spécifique pour la prise en charge de la fin de vie en excluant les mineurs, au besoin en écrivant une ligne supplémentaire.

Mme Camille Galliard-Minier (EPR). L’article L. 160-15 du code de la sécurité sociale n’apparaît pas exactement dans les termes que vous mentionnez dans la version figurant sur Légifrance. Peut-être faudrait-il le reprendre tel qu’il est rédigé dans le code en vigueur.

M. le président Frédéric Valletoux. Je pense que nous pouvons faire confiance à nos administrateurs. Si, d’ici la séance, il apparaît que nous sommes passés à côté d’une erreur, nous la corrigerons.

L’amendement est retiré.

Amendement AS616 de Mme Annie Vidal

Mme Joséphine Missoffe (EPR). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1183 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Afin d’apporter de la visibilité et une forme de sécurité juridique, cet amendement vise à encadrer le délai prévu pour la prise de l’arrêté. Ainsi, le circuit de préparation et de distribution des substances légales s’organisera en toute connaissance de cause et les caisses pourront adapter leur système au nouveau motif de rémunération des professionnels de santé.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS377 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Un rapide exercice d’archéologie législative montre que les alinéas 7, 8 et 9 ne figuraient pas dans le projet de loi initial du Gouvernement ; le sujet des mineurs a donc été ajouté lors du travail parlementaire. Il conviendrait de réfléchir à une rédaction d’ici à l’examen du présent texte en séance publique.

Pour ma part, c’est la rédaction de l’alinéa 12 qui me semble problématique : l’inscription de l’acte ne devrait-elle pas être effectuée après avis de la HAS ?

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Le montant des traitements ou honoraires des professionnels de santé n’est pas fixé par la loi, mais nécessairement par un règlement. En tant que rapporteur général, vous ne manquerez pas d’utiliser vous-même cet argument lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Avis défavorable.

M. Yannick Monnet (GDR). L’alinéa 12 est certes mal rédigé, mais il précise que les actes liés à l’aide à mourir ne font pas l’objet de dépassement d’honoraires. Je ne comprends pas pourquoi vous voulez le supprimer, alors que vous expliquiez il y a quelques minutes que personne ne devait tirer profit de l’aide à mourir.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement de coordination AS1176 de Mme Élise Leboucher.

Amendement AS772 de Mme Karen Erodi et sous-amendement AS1167 de Mme Élise Leboucher

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). En précisant qu’aucune contrepartie ne peut être allouée en échange d’un service, cet amendement très important vise à prévenir toute activité lucrative ou commerciale liée à la fin de vie d’une personne déjà engagée dans la procédure d’aide à mourir.

Nous sommes favorables au sous-amendement de la rapporteure tendant à replacer le terme « contrepartie » par « rémunération ou gratification en espèces ou en nature ».

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Le sous-amendement qu’a évoqué Mme Hignet est une précision juridique.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Il n’est pas question que se développent des pratiques commerciales autour de l’aide à mourir – la spécialisation d’hôtels, par exemple. Les seules indemnisations doivent concerner les professionnels de santé et la couverture du circuit afférent aux préparations magistrales.

Avis favorable à l’amendement sous réserve de l’adoption du sous-amendement, par souci de légistique.

M. Philippe Juvin (DR). Je suis tout à fait d’accord sur le fond – je voulais même exclure les établissements privés à but lucratif de l’aide à mourir. Toutefois, je ne comprends pas ce que vous entendez par « service ».

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Puis elle adopte l’article 18 modifié.

Article 19 : Neutralisation des dispositions du code des assurances et de la mutualité en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir

Amendements de suppression AS379 de M. Thibault Bazin et AS737 de M. Christophe Bentz

M. Thibault Bazin (DR). L’article 19 neutralise les dispositions législatives du code des assurances et de la mutualité, qui prévoit des exclusions de garanties, notamment en cas de suicide.

Par ailleurs, les assurances demandent fréquemment à leurs clients de remplir des questionnaires de santé. Un assureur pourrait-il alors leur demander si une procédure d’aide à mourir est en cours, pour éventuellement refuser de conclure une police d’assurance ou en augmenter la prime ? Comment garantir qu’une personne souhaitant souscrire un contrat, atteinte d’une maladie grave et incurable, porteuse d’un handicap ou ayant un certain âge, ne soit pas victime de discrimination ou de la disparition du principe d’égalité dans le rapport social ?

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Vous ne voulez pas que les titulaires d’un contrat de prévoyance, parce qu’ils ont recours à un nouveau droit, puissent faire bénéficier leurs proches de leur épargne ? C’est très surprenant, voire incohérent.

Avis défavorable.

L’amendement AS379 est retiré.

La commission rejette l’amendement AS737.

L’amendement AS380 de M. Thibault Bazin est retiré.

Amendement AS837 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1116 de M. Julien Odoul

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS838 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS1118 de M. Julien Odoul

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS381 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement vise à priver du bénéfice de l’assurance, en cas de décès, toute personne ayant participé à l’euthanasie ou au suicide assisté de l’assuré.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Nous sommes libres de désigner le ou les bénéficiaires de notre rente ou de notre capital au titre d’un contrat d’assurance décès. Avoir la possibilité de tout régler de son vivant et de mettre sa famille à l’abri du besoin contribue à une forme d’apaisement pour la personne demandant l’aide à mourir.

Toutefois, je comprends l’intention de cet amendement : éviter qu’une personne malveillante incite quelqu’un à se suicider, soit parce qu’elle sait être le bénéficiaire de son contrat de prévoyance, soit après le lui avoir fait modifier à son profit – ce qui serait abject. Cependant, il n’est pas nécessaire de modifier le texte pour s’en prémunir : les dispositions relatives à l’abus de faiblesse suffisent à cela.

M. Thibault Bazin (DR). Vous avez décrit précisément ce que je veux éviter. Je vérifierai si les dispositions que vous évoquez conviennent d’ici à l’examen en séance publique. En attendant, je retire cet amendement et le suivant.

L’amendement est retiré, de même que l’amendement AS382 de M. Thibault Bazin.

Amendement AS840 de Mme Marie-France Lorho

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS383 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement vise à étendre l’interdiction des donations visant les soignants aux personnes ayant contribué à l’euthanasie ou au suicide assisté des patients.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. J’entends l’intention de cet amendement tout à fait respectable, mais il est satisfait par les dispositions du code pénal relatives à l’abus de faiblesse et par l’article 909 du code civil s’agissant des médecins.

M. Philippe Juvin (DR). Vous avez raison, les médecins et les infirmiers ne peuvent bénéficier d’un héritage de la part de leurs patients. Mais, outre les personnes physiques, cet amendement vise les personnes morales : une association qui aurait accompagné un patient dans la procédure d’aide à mourir ne doit pas pouvoir bénéficier d’une donation.

M. René Pilato (LFI-NFP). Cet amendement est inutile puisque seuls les médecins et les infirmiers peuvent procéder à l’acte létal – sauf dans le cas d’une auto‑administration.

M. Yannick Monnet (GDR). J’entends vos préoccupations, mais j’ai à l’esprit des cas de figure qui ne me semblent pas scandaleux. Ainsi, dans ma circonscription, une personne a fait une donation à l’Ehpad dans lequel elle avait fini sa vie, comme d’autres font des donations aux communes. Ces dons seraient-ils proscrits si les personnes décidaient de recourir à l’aide à mourir ?

M. Philippe Vigier (Dem). En tant que maire, j’ai vu à trois reprises des donations à des Ehpad de la part de personnes qui n’avaient pas de famille. Il est important de maintenir cette possibilité.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 19 non modifié.

Après l’article 19

Amendements AS387 de Mme Marine Hamelet, AS385 de M. Thibault Bazin et AS3 de Mme Sylvie Bonnet (discussion commune)

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS387 est défendu.

M. Thibault Bazin (DR). L’amendement AS385, de repli, vise à étendre le délai de préparation des décrets et des arrêtés.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Avis défavorable.

M. Christophe Bentz (RN). Ces amendements posent la question du temps, qui est fondamentale, a fortiori s’agissant de la fin de vie. L’amendement AS387 renvoie l’entrée en vigueur de la loi à 2030. L’objectif est d’éviter aux patients d’être confrontés à un choix cornélien. Il est impossible de proposer aux près de 200 000 Français qui n’ont pas d’accès effectif aux soins palliatifs de choisir entre continuer à souffrir ou mourir. L’urgence, ce n’est pas de faciliter l’accès à l’aide à mourir, c’est de développer les soins palliatifs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS389 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (DR). Nous avons bien compris, lors des auditions préparatoires, qu’il était indispensable de nous assurer de la bonne application des lois précédentes, notamment la loi Leonetti de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, et la loi Claeys-Leonetti de 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.

Parce que, dans l’immense majorité des cas, la demande de mort disparaît lorsque les dispositions législatives sont mises en œuvre, il est nécessaire de faire en sorte que ces lois s’appliquent pleinement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS391 et AS392 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Thibault Bazin (DR). Les amendements visent à subordonner la mise en œuvre des dispositions des articles 2 à 19 à l’application effective de l’ensemble des mesures prévues par, d’une part, la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et, d’autre part, la loi du 8 avril 204 portant mesures pour bâtir la société du bien‑vieillir et de l’autonomie.

Ainsi, le présent texte fait référence à un registre prévu par la loi « bien‑vieillir », visant à recenser les personnes faisant l’objet de mesures de protection. Or ce registre n’existe pas encore et ne sera opérationnel au plus tard qu’en décembre 2026.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS856 de Mme Sandrine Dogor-Such, AS13 de M. Alexandre Portier et AS388 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). Les lois de 1999, 2005 et 2016 portant sur l’accompagnement de la fin de vie et les soins palliatifs ont permis des évolutions majeures. Cependant, nombre de départements sont encore dépourvus de soins palliatifs et beaucoup de patients demeurent isolés, notamment dans les zones rurales. Il faut parfois plusieurs semaines pour obtenir un rendez-vous médical et un an pour un rendez-vous avec un spécialiste.

Malgré les efforts consentis pour ouvrir des unités de soins palliatifs et former les soignants, nous sommes inquiets : compte tenu de l’état délabré de notre système de santé, les soins palliatifs, qui sont pour nous prioritaires, seront-ils suffisamment accessibles avant l’application du présent texte, qui ne nous semble pas souhaitable ?

M. Alexandre Portier (DR). Avant de légiférer sur l’euthanasie et le suicide assisté, nous aurions dû massivement développer les soins palliatifs. Il est dommage de prendre des décisions avant que les ambitions en la matière aient été remplies.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Les deux textes forment un tout. Le premier, que nous avons voté à l’unanimité et qui affirme une ambition financière renouvelée, permettra d’aller plus loin dans l’accompagnement et les soins palliatifs. Il convient que le droit à l’aide à mourir soit ouvert au même moment, parce que l’objectif poursuivi est le même : apaiser les souffrances et offrir une nouvelle liberté.

M. Philippe Juvin (DR). Nous avons débattu de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et nous recommencerons en séance publique, mais personne n’est dupe : la situation des comptes publics est telle que le financement prévu pour les dix prochaines années n’a rien de certain. Il sera même remis en cause chaque année.

Le développement des soins palliatifs est donc loin d’être garanti. La proposition de loi que nous avons examinée est importante, mais nous savons tous qu’elle risque de ne pas être appliquée comme nous le souhaitons.

M. Christophe Bentz (RN). Nous vous avions prévenus dès le début des débats que nous parlerions beaucoup d’euthanasie pendant l’examen du texte consacré aux soins palliatifs, et beaucoup de soins palliatifs pendant l’examen du texte consacré à l’euthanasie.

Mon département de la Haute-Marne est l’un des vingt et un qui sont dépourvus d’accès permanent aux soins palliatifs : on y décompte trois équipes mobiles de soins palliatifs, cent médecins et aucune unité de soins palliatifs. Je suis sollicité toutes les semaines par des personnes qui sont en grande souffrance. Nous devons nous mettre à leur place et comprendre qu’ils vivent cette situation comme une profonde injustice.

Entendez-nous quand nous disons, quand nous crions que la seule urgence est le développement des soins palliatifs partout et pour tous !

M. Thibault Bazin (DR). Madame la rapporteure, pour nous, ces deux textes ne forment pas un tout, parce que leur intention et leur philosophie ne sont pas les mêmes.

Vous avez parlé à plusieurs reprises de libre choix, mais encore faut-il avoir un choix effectif ! Nombreux sont nos concitoyens qui n’auront le choix qu’entre une solution rapide et facilement accessible – l’aide à mourir – et une solution concrètement inaccessible – les soins palliatifs.

Les auditions préliminaires, même celles de partisans de l’aide à mourir, ont fait émerger un préalable éthique fondamental : l’accès aux soins palliatifs. Nous n’avons pas encore concrétisé la première année de la stratégie décennale ; il ne faudrait pas que ce retard perdure, voire s’aggrave avant la concrétisation du présent texte.

M. Nicolas Turquois (Dem). Philippe Juvin a entièrement raison : le texte portant sur le développement des soins palliatifs n’est qu’une promesse, qui devra être confortée chaque année. Nous mesurons bien que cette promesse suppose un engagement de tous les instants et nous ne doutons pas que le rapporteur général et les rapporteurs se battront chaque année pour qu’elle soit tenue. Sur un texte d’une telle importance, notre responsabilité nous impose d’en faire autant. Je suis favorable au présent texte, mais plus encore au développement des soins palliatifs.

M. Philippe Vigier (Dem). Sur 275 milliards d’euros de dépenses de l’assurance maladie, ne serions-nous pas capables de dégager les 150 ou 200 millions nécessaires ? N’y a‑t‑il aucun endroit où les trouver ? Chaque année, le nombre de patients souffrant d’affections de longue durée augmente de 350 000 : il y a là matière à s’interroger. Ne pouvons-nous pas procéder à quelques économies d’échelle, au nom de l’efficience ?

Mon département aussi est dépourvu d’unités de soins palliatifs. Permettez-moi de rappeler que le présent texte prévoit que les patients demandant d’accéder à l’aide à mourir se verront proposer des soins palliatifs. C’est là la meilleure garantie du développement de ces derniers.

Je n’étais pas favorable à la scission du texte originel. Force est de constater que les deux propositions de loi qui en résultent sont bien distinctes, car les réponses à trouver étaient différentes, mais qu’elles sont aussi complémentaires, comme le montre cette articulation entre l’aide à mourir et les soins palliatifs. La nécessité de dégager 150 à 200 millions d’euros de budget fera certainement consensus ; nous la défendrons avec exigence et nous identifierons, sans démagogie, les économies d’échelle nécessaires.

M. Patrick Hetzel (DR). Le groupe Les Républicains a salué la décision de scinder le texte originel – tout le monde n’y était pas favorable. La raison n’en était pas uniquement sémantique et juridique, mais avant tout éthique. Pour nous, il ne saurait y avoir de continuum entre ce qui relève des soins palliatifs et ce qui relève de l’aide active à mourir. Nous entendons que certains pensent le contraire, mais souffrez que nous ayons une autre vision. Il y a là un débat anthropologique.

Nous voulons nous assurer de ne jamais aboutir à une situation où un patient serait contraint de faire appel à l’aide active à mourir faute de soins palliatifs. Il me semble que cet accès aux soins palliatifs est une préoccupation partagée, et c’est une nécessité que de veiller à l’assurer.

M. Matthias Tavel (LFI-NFP). Il n’y a pas d’opposition entre les soins palliatifs et l’aide à mourir. Nous défendons la liberté pour chacun d’y recourir comme il l’entend. C’est la raison pour laquelle nous voterons en faveur tant du texte sur les soins palliatifs que de celui qui concerne l’aide à mourir – même si nous considérons qu’il aurait été plus cohérent que le Gouvernement permette que nous discutions d’un seul texte.

La loi est ambitieuse. Maintenant, il faut que les moyens suivent et je suis sûr que MM. Juvin et Bazin mettront autant d’énergie à convaincre leur collègue de parti ministre de la santé qu’ils en ont mis à discuter le texte. Il est en effet difficile de se plaindre du manque de moyens pour les soins palliatifs ou la sécurité sociale lorsqu’on mène dans le même temps une politique qui vise à affaiblir le service public hospitalier.

Ma remarque vaut également pour les collègues du Rassemblement national : s’ils ne veulent pas des budgets d’austérité, qu’ils arrêtent de proposer de supprimer des cotisations sociales et qu’ils votent les motions de censure que nous déposons !

M. Yannick Monnet (GDR). J’ai exactement la même inquiétude en ce qui concerne les moyens affectés aux soins palliatifs. C’est d’ailleurs pour cela que j’avais déposé des amendements destinés à sécuriser leur déploiement. Il faut que nous nous battions ensemble pour obtenir un budget de la sécurité sociale différent.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Je rappelle tout de même que nous avons voté pour la mise en place d’une stratégie décennale d’accompagnement et des soins palliatifs.

Même si dix-neuf départements ne disposent pas d’unité de soins palliatifs, il y a des lits de soins palliatifs dans les établissements hospitaliers et il existe des équipes mobiles. Il est également possible d’accompagner les patients à domicile.

Enfin, non, contrairement à ce que disent certains, accéder à l’aide à mourir n’est pas d’une facilité déconcertante. Elle est accordée si le patient en fait la demande de manière réitérée, et seulement si les critères sont remplis.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS580 de M. Paul-André Colombani

M. Laurent Panifous (LIOT). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de M. Olivier Falorni, rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Article 20 : Gage de recevabilité financière

La commission adopte l’article 20 non modifié.

Titre

Amendements AS109 de Mme Justine Gruet, AS393 de M. Thibault Bazin, AS23 de M. Alexandre Portier, AS665 de Mme Angélique Ranc, AS1190 de M. Olivier Falorni, AS108 de Mme Justine Gruet et AS546 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune)

M. Patrick Hetzel (DR). Mon amendement propose le titre suivant : « Proposition de loi visant à légaliser le recours à une substance létale pour permettre aux malades en fin de vie de mourir ».

M. Thibault Bazin (DR). Mon amendement est sémantique, dans la continuité de ce que nous avons défendu tout au long du texte.

M. Alexandre Portier (DR). Mon amendement vise à nommer clairement les choses. La fin de vie est une notion floue, qui peut recouvrir aussi bien les soins palliatifs que l’euthanasie ou le suicide assisté. C’est la raison pour laquelle je propose ce titre : « Proposition de loi relative au développement du suicide assisté en France ».

Mme Sandrine Dogor-Such (RN). L’amendement AS665 est défendu.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. En juillet dernier, j’avais déposé une proposition de loi relative aux soins palliatifs et à l’accompagnement des malades ainsi qu’à l’aide à mourir. En écrivant celle dont nous sommes en train de discuter, j’ai veillé à reprendre scrupuleusement tous les amendements qui avaient été adoptés en 2024, lors des travaux de la commission spéciale et en séance avant la dissolution. Reste à en décider le titre.

Entre-temps donc, la première proposition a été scindée en deux textes. Après avoir adopté celui sur les soins palliatifs, nous nous apprêtons à voter celui qui prévoit un nouveau droit : l’aide à mourir. Je remercie Brigitte Liso, Élise Leboucher, Laurent Panifous et Stéphane Delautrette pour le travail que nous avons mené en commun.

Voici le titre que je vous propose pour ce second texte : « Proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir ».

M. Patrick Hetzel (DR). L’amendement AS108 est défendu.

Mme Élise Leboucher, rapporteure. Je demande le retrait de tous les amendements au profit de l’amendement AS1190, qui précise que l’aide à mourir est un droit.

M. Christophe Bentz (RN). Je ne relance pas le débat sémantique, que nous aurons en séance. Et je dois dire que j’hésite presque à voter votre amendement, monsieur Falorni, puisque nous réclamions des amendements qui permettent de préciser les choses, d’amener de la transparence, de dire la vérité.

Mais il reste un problème : on ne trouve pas de définition de l’aide à mourir dans ce texte. Vous avez refusé les dizaines d’amendements issus de nombreux groupes qui précisaient ce qu’est cette aide. On ne le sait donc toujours pas.

M. Thibault Bazin (DR). Je préférerais que l’on adopte mon amendement mais, à défaut, je voterai pour celui de M. Falorni parce qu’il est le plus cohérent avec le contenu du texte.

Vous êtes sincère et vous voulez créer un droit. Les critères retenus dans la proposition pour obtenir l’aide à mourir font qu’elle ne concerne pas seulement des personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme. Il n’est donc plus pertinent que le titre mentionne la fin de vie.

Cela étant, la notion d’aide à mourir me gêne, car ceux qui procurent des soins palliatifs ont aussi le sentiment qu’ils aident les personnes à mourir, sans pour autant leur administrer une substance létale.

Je vais donc voter pour l’amendement AS1190, mais en espérant améliorer sa rédaction en séance pour qu’il corresponde mieux à la réalité du texte.

M. Patrick Hetzel (DR). La rédaction du rapporteur général Falorni correspond effectivement mieux au texte que le titre originel. Je déplore néanmoins qu’elle choisisse l’euphémisme. En réalité, il ne s’agit pas d’une aide à mourir mais d’une aide active à mourir.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Bentz, vous avez dit que vous ne trouviez pas la définition de l’aide à mourir dans le texte. Pourtant, tout est dit à l’alinéa 6 de l’article 2 : « L’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale. »

Vous avez indiqué que la précision apportée au titre par le rapporteur général vous satisfaisait. Avec celle que je viens de vous donner, votre demande est intégralement satisfaite.

M. Nicolas Turquois (Dem). L’amendement AS1190 est de qualité, comme l’ont été nos débats. Je remercie le rapporteur général, les rapporteurs et le président, qui ont permis que notre discussion se déroule très bien dans l’ensemble. Je suis favorable à l’amendement du rapporteur général.

M. Stéphane Delautrette (SOC). M. Bentz a reconnu que l’amendement du rapporteur général, cosigné par l’ensemble des rapporteurs, permettait d’être transparent. Nous le sommes en effet dans toute la proposition de loi.

Il a également dit que les débats se poursuivraient dans l’hémicycle. Il me semble que nous avons déjà beaucoup discuté en commission, les opposants au texte revenant sans cesse sur les mêmes éléments. Nous avons bien compris leur point de vue et j’espère que l’on nous épargnera désormais d’avoir à examiner encore les mêmes arguments.

J’invite à voter l’amendement du rapporteur général non seulement en raison du titre proposé, mais aussi de l’exposé sommaire, qui résume bien l’esprit du texte.

L’amendement AS546 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AS109, AS393, AS23 et AS665.

Puis elle adopte l’amendement AS1190.

En conséquence, l’amendement AS108 tombe.

M. le président Frédéric Valletoux. En application de l’alinéa 2 de l’article 44 du Règlement, je suis saisi par plus d’un dixième des membres de la commission d’une demande de vote par scrutin sur l’ensemble de la proposition de loi.

Nous en venons aux explications de vote. Dans le même esprit que tout au long de cette discussion, si, au sein d’un même groupe, les opinions divergent, je donnerai la parole à deux orateurs.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Au terme de ces journées de travail, nous avons élargi l’accès aux soins palliatifs et nous avons légalisé une aide à mourir dans la dignité.

Ce faisant, nous réaffirmons des principes qui sont importants.

Tout d’abord, l’être humain s’appartient et son corps lui appartient jusqu’à la dernière minute de son existence. C’est la suite de l’intuition de liberté qui se manifeste dans notre pays depuis des décennies – avec la reconnaissance du droit à l’IVG ou à la stérilisation, ou encore de la liberté pour le patient de choisir ses traitements médicaux.

Ensuite, l’être humain a le droit d’exiger de la société qu’elle l’accompagne dans la lutte contre toutes les souffrances réfractaires. Même si la séparation en deux textes est regrettable, nous voterons en faveur de la présente proposition car elle suit le même fil que la première. Il faut développer les soins d’accompagnement. Il faut rendre effectif l’accès aux soins palliatifs – nous avons défendu le caractère opposable de ce droit et continuerons à nous battre en séance pour qu’il soit effectif, y compris en permettant de saisir le juge en référé. Et enfin, la personne qui ne sait plus quoi faire face à la souffrance et ne veut pas subir le sort qui lui est imposé a le droit d’être accompagnée.

Cette proposition de loi est donc un texte de liberté, car elle accorde aux personnes le droit de décider de ce qui est bon pour elles. C’est un texte d’égalité car elle permet à chacun de demander une aide pour mettre fin à des souffrances, même quand il n’a pas le compte en banque ou les réseaux permettant de le faire à l’étranger. Et c’est un texte de fraternité, parce qu’elle reconnaît le devoir social d’aider celui qui souffre à être entouré d’amour ou d’affection jusqu’à la dernière minute.

Pour toutes ces raisons, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.

Mme Brigitte Liso (EPR). À l’issue de ces longues et fructueuses discussions, je remercie tous les présents pour ce débat de qualité. Même s’il a quelquefois été un peu vif, nous nous sommes écoutés et chacun a pris ses responsabilités. Je remercie mes collègues rapporteurs thématiques et tout particulièrement le rapporteur général, qui défend le droit à mourir depuis longtemps avec conviction et détermination.

Je suis fière d’avoir été la rapporteure des quatre premiers articles de cette proposition. Ils définissent le cadre de l’aide à mourir, accordent la liberté de choix, donnent une véritable définition de l’aide à mourir et fixent les cinq conditions permettant d’y accéder, qui sont très claires et cumulatives.

Un petit bémol : j’ai regretté que l’on ait parfois oublié que la personne, le patient, était au cœur des débats et que sa demande était primordiale.

M. Yannick Monnet (GDR). À mon tour de remercier le rapporteur général et tous les rapporteurs, mais vous aussi, particulièrement, monsieur le président. Vous nous avez permis d’avoir un vrai débat de fond en garantissant à chacun de pouvoir s’exprimer, et c’était fondamental.

Rien n’est évident, en matière de fin de vie. Je voterai en faveur de ce texte, mais j’appelle l’attention sur le fait que nous n’en sommes qu’au début du processus législatif. Il faut continuer à travailler : des oppositions ont été exprimées et il faut y être attentif. Cela nous permettrait peut-être d’encore mieux borner ce texte.

Contrairement à certains de mes collègues, je considère que la séparation en deux propositions est une bonne chose. Les deux sujets sont importants et le fait de voter à la fin de l’examen de chaque texte, sans tout mélanger, a contribué à la sérénité de nos débats en commission. La procédure sera différente dans l’hémicycle, puisque les votes seront séparés mais se suivront. Peut-être est-il encore temps de modifier cette organisation. Quoi qu’il en soit, merci pour ce beau texte.

M. Christophe Bentz (RN). Je souhaite tout d’abord remercier deux personnes : vous-même, monsieur le président, pour le déroulement apaisé des débats, et notre collègue Olivier Falorni, à qui je tiens à dire, comme je l’ai fait au début des discussions, que je respecte ses convictions, même si nos positions sont diamétralement opposées. Il est important que chacun considère l’autre lors d’un débat aussi fondamental.

Pour moi, ce texte n’est pas conforme à la devise nationale, Liberté, Égalité, Fraternité. Quelle est la liberté de ceux qui n’ont pas accès aux soins palliatifs et qui doivent opter entre souffrir ou mourir ? Où est l’égalité alors qu’il n’y a toujours pas d’accès aux soins palliatifs partout et pour tous ? Et qu’est la fraternité, si ce n’est le respect de la dignité humaine jusqu’à la fin de la vie ?

M. Gaëtan Dussausaye (RN). À mon tour de saluer la qualité de ces débats. Ils ont montré que nous sommes capables de discuter de sujets essentiels et parfois difficiles en respectant les convictions de chacun.

Je rappelle à quel point nous sommes attachés à l’examen de deux propositions séparées. Cela a permis d’agir unanimement en faveur des soins palliatifs sans subir la pression qu’aurait exercée la réunion des deux ambitions dans un seul texte.

Je rejoins M. Monnet sur l’intérêt de conserver en séance une distinction claire entre les deux débats, ce que le calendrier retenu pour les votes ne permet malheureusement pas.

Enfin, si nous avons eu pendant quinze jours une discussion à la hauteur de l’enjeu, entre quelques dizaines de parlementaires, je regrette que nous n’ayons pas pu débattre avec l’ensemble du peuple dans le cadre d’un référendum. À mon sens, cela aurait contribué à l’adhésion à ce texte.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Nous saluons nous aussi le travail des rapporteurs, qui a considérablement éclairé l’ensemble des débats.

Cette proposition de loi est l’aboutissement d’un long combat, mené par de nombreux humanistes, de tous horizons politiques. Elle offre une ultime liberté, celle de choisir de partir quand les souffrances sont trop fortes, quand la vie se limite à la survie. Cette proposition ne crée d’obligation pour personne. Les patients ne sont pas tenus de solliciter l’aide à mourir et les professionnels de santé ne sont pas obligés de la pratiquer. Ce texte n’interdit rien non plus, et surtout pas la complémentarité avec le développement des soins palliatifs.

C’est donc une proposition équilibrée, qui a été améliorée sur plusieurs points. Tout d’abord, il n’y a plus de hiérarchie entre suicide assisté et euthanasie, ce qui était l’une de nos demandes. Ensuite, un amendement de notre groupe à l’article 4 est venu préciser que toutes les affections sont éligibles si elles sont graves et incurables, quelle qu’en soit la cause. Enfin, à l’article 6, un amendement de notre groupe a permis de préciser que les médecins déterminent avec la personne demandant l’aide à mourir les modalités d’administration de la substance létale, que ce soit pour une euthanasie ou un suicide assisté.

Dans la mesure où cette proposition fait appel aux convictions les plus intimes, la liberté de vote est laissée aux députés du groupe Socialistes et apparentés, dont une grande majorité va voter pour ce texte.

Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Je m’associe aux remerciements qui vous ont été adressés pour la manière dont vous avez animé nos débats, monsieur le président. Si nous avons eu des désaccords, nous avons réussi à dialoguer. Je remercie aussi le rapporteur général Falorni pour son travail et son écoute.

Encore une fois, le texte que nous allons voter est un compromis. Chacun a dû laisser des éléments de côté et en accepter d’autres. On peut ne pas être d’accord avec la rédaction obtenue, mais il est important de noter qu’elle résulte de l’adoption d’amendements présentés par différents groupes.

Enfin, il ne s’agit pas d’un texte validiste. Il concerne seulement la fin de vie et ne traite pas de questions liées au handicap. Je souligne que nous y avons veillé constamment, car je sais qu’il y a des inquiétudes extrêmement fortes sur ce point.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera très largement pour cette proposition – ce sera le cas de tous nos députés présents ce jour.

J’espère que les débats seront tout aussi respectueux et constructifs dans l’hémicycle.

M. Philippe Juvin (DR). Au sein du groupe Droite Républicaine, certains soutiennent ce texte et d’autres non. Une entière liberté de vote sera évidemment laissée à chacun, comme dans les autres groupes.

Plusieurs de nos membres ont exprimé leurs craintes que ce texte soit trop laxiste, que les contrôles soient insuffisants, que la procédure ne soit pas assez encadrée et que le champ des personnes concernées puisse aller très au-delà de ce que les uns et les autres imaginent – même lorsqu’ils sont en faveur de cette loi. Les débats continueront dans l’hémicycle.

Je vous remercie, monsieur le président, pour la manière dont vous avez conduit les débats, en étant attentif aux avis contraires et au fait qu’ils puissent être exprimés dans la plus grande sérénité.

Je vous remercie aussi, monsieur Falorni, pour avoir défendu un débat juste alors que nous ne sommes vraiment pas d’accord sur de nombreux points, et pour être intervenu plusieurs fois pour réfuter les intentions qui nous étaient prêtées à tort.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis très fier du travail que nous avons accompli ensemble, à un moment où l’on s’interroge sur notre rôle de parlementaire. Il s’agit d’un beau texte. Des avis divergents se sont exprimés sans que l’écoute fasse défaut. Bravo à notre président qui a su animer les débats dans un esprit d’équilibre, et à Olivier Falorni, dont je partage l’engagement depuis quelques années et qui m’a fait comprendre beaucoup de choses.

Comme l’a dit Philippe Juvin, il n’y a pas d’arrière-pensées dans ce texte. Les députés de mon groupe sont partagés, mais une majorité le votera.

J’ai ici une pensée pour Robert Badinter, dont on se souvient qu’il a défendu l’abolition de la peine de mort à la tribune de l’Assemblée. Il est des moments, comme celui‑ci, où l’on est convoqué à reconnaître de nouveaux droits – sans en supprimer d’autres.

Si le texte issu de nos travaux est plus robuste que dans sa version initiale, c’est que nous avons su nous écouter. J’en ressens une grande fierté. Des malades et des soignants nous regardent ; nous ne pouvions mieux leur témoigner notre respect qu’en agissant comme nous l’avons fait.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Je remercie à mon tour le président et les rapporteurs. Nos débats ont été dignes et bien menés, et nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais je ne suis pas certain qu’il y ait eu beaucoup d’écoute : chacun a campé sur ses positions sans s’efforcer de comprendre celles de l’autre pour parvenir à un compromis. L’équilibre n’a pas été trouvé.

On qualifie ce texte de sociétal, mais où est la société ? La responsabilité de la décision est laissée aux médecins : c’est beaucoup leur demander, alors qu’en passant par le tribunal judiciaire, cette responsabilité pourrait être assumée par la société. Inquiets de leur fin de vie, les Français veulent tous être assurés que les choses se passeront bien. Mais habituellement, lorsqu’on souscrit une assurance, c’est avec l’espoir de n’avoir pas à s’en servir. Or, pour certains, le raisonnement ici est inverse. C’est pourquoi je suis réservé sur le texte issu de nos débats.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je remercie le président pour la tenue de nos débats, mes collègues rapporteurs, le rapporteur général et chacun des intervenants. J’ai parfaitement conscience que, sur divers points, certains auraient voulu que nous allions beaucoup plus loin. En tant que rapporteur, gardien du temple en quelque sorte, j’ai le sentiment pour ma part que, tout en modifiant le texte, nous avons maintenu son équilibre. Je crois que nos discussions ont été marquées par une grande écoute et je suis satisfait de la qualité de la rédaction qui en résulte.

Sur la forme, nos débats ont été à la hauteur. Je n’en attendais pas moins de notre commission et je ne doute pas qu’il en ira de même en séance publique. Des opinions divergentes se sont exprimées ; certains ont modéré leur propos, conscients que l’équilibre était précaire. J’ai vu beaucoup de belles choses – quelques caricatures aussi, mais le sujet est si difficile ! Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais je vous remercie toutes et tous.

M. Olivier Falorni, rapporteur général. Que vous soyez pour ou contre le texte, je tiens à tous vous remercier. Nous avons travaillé avec gravité, responsabilité et respect. Je tiens à saluer les interventions de M. Bentz et de M. Juvin, qui témoignent, au-delà de nos profonds désaccords, du respect mutuel qui a présidé à nos échanges. Je remercie bien entendu tous ceux qui ont annoncé qu’ils se prononceraient pour le texte.

Je veux dire à notre président combien j’ai apprécié de travailler avec lui : il a su être à la fois strict quand cela était nécessaire et suffisamment ouvert pour faire vivre le débat, qu’il a ainsi pu canaliser sans le brider.

Le texte est équilibré ; il ressort consolidé de nos travaux. Je forme le vœu que le ton de nos échanges soit le même dans l’hémicycle, mais il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement. Les Français attendent que nous défendions des convictions avec le respect et la hauteur de vue qu’exige un tel enjeu.

Si nous adoptons cette proposition de loi dans quelques instants, nous aurons franchi une première étape importante sur le long chemin qui mènera à ce que je considère, à la différence de M. Bentz, comme une grande loi républicaine. Au-delà de nos choix respectifs, nous pouvons, plus que jamais, être fiers d’être députés, car nos débats ont illustré la quintessence de notre mandat, au service des Français, avec nos convictions respectives et dans le respect de celles des autres.

À l’issue de nos travaux, j’ai le sentiment du devoir accompli : nous avons fait, et de belle manière, œuvre de législateur. (Applaudissements.)

M. le président Frédéric Valletoux. Un mot de ma part également, d’autant que, garant des équilibres et de la qualité de nos débats, je me suis efforcé de défendre mes amendements le plus brièvement possible.

Je veux à mon tour adresser mes remerciements au rapporteur général pour son engagement, son écoute et sa volonté de privilégier la recherche d’une voie de passage plutôt que la défense militante d’une cause. Son travail et celui de la solide équipe de rapporteurs qui l’accompagnait nous ont permis d’avoir un débat fort.

Je suis très fier d’avoir plaidé auprès de la Présidente de l’Assemblée nationale pour que la commission des affaires sociales se saisisse de cette proposition de loi. Les débats ont été denses, respectueux grâce à l’écoute dont chacun a fait montre, responsables et sérieux. Nous y aurons consacré plus de quarante-deux heures, qui s’ajoutent aux vingt-deux heures qu’a duré l’examen de la proposition de loi relative aux soins palliatifs et d’accompagnement. Nous aurons ainsi examiné environ 1 500 amendements, tous de manière approfondie et parfois âpre.

Je vous remercie tous d’avoir participé à ce travail considérable et d’avoir contribué à la qualité d’un débat qui honore notre fonction de parlementaire. Sur un tel sujet, la discussion ne peut pas être consensuelle, mais elle fut, et ce n’était pas acquis, respectueuse. Merci à tous, et à l’ensemble des services de la commission. (Applaudissements.)

Conformément aux dispositions de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, il est procédé au vote, par scrutin public et par appel nominal, de l’ensemble de la proposition de loi.

Votent pour :

Mme Ségolène Amiot, Mme Céline Calvez, M. Hadrien Clouet, M. Arthur Delaporte, M. Stéphane Delautrette, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Gaëtan Dussausaye, M. Romain Eskenazi, M. Olivier Falorni, Mme Camille Galliard-Minier, Mme Zahia Hamdane, Mme Mathilde Hignet, M. Didier Le Gac, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso, M. Éric Martineau, M. Yannick Monnet, M. Laurent Panifous, Mme Mathilde Panot, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Anne-Sophie Ronceret, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, Mme Isabelle Santiago, M. Matthias Tavel, M. Nicolas Turquois et M. Philippe Vigier.

Votent contre :

M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Sylvie Bonnet, M. Eddy Casterman, Mme Sylvie Dezarnaud, Mme Sandrine Dogor-Such, M. Thierry Frappé, M. Patrick Hetzel, M. Cyrille Isaac-Sibille, M. Philippe Juvin, Mme Christine Loir, Mme Joséphine Missoffe, M. Serge Muller, M. Julien Odoul et Mme Lisette Pollet.

S’abstient :

M. Frédéric Valletoux.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 44

Abstention : 1

Nombre de suffrages exprimés : 43

Pour l’adoption : 28

Contre : 15

En conséquence, la commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi figurant dans le document annexé au présent rapport.

– Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/5nYPNr

– Texte comparatif : https://assnat.fr/J8j3eL


  1  —

   ANNEXE  1 :
Liste des personnes ENTENDUEs par lES rapporteur
S

(par ordre chronologique)

 

      Table ronde :

 Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP)  Mme Carine Wolf-Thal, présidente, et Mme Hélène Leblanc, directrice des affaires publiques, européennes et internationales

 Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) *– M. Fabrice Camaioni, membre du bureau, vice-président, et Mme Alexandra Gaertner, membre du bureau, responsable Formation

 Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo) * Mme Marie Augé-Caumon, conseillère, et Mme Lucie-Hélène Pagnat, juriste spécialisée en droit de la santé

– Fédération nationale des syndicats d’internes en pharmacie et biologie médicale (FNSIP-BM) *– M. Honoré Guise, président, et M. Louis Gilliot, porte-parole

– Syndicat national des pharmaciens des établissements de santé (Synprefh)  M. Cyril Boronad, président

 Syndicat national des pharmaciens praticiens hospitaliers et praticiens hospitaliers universitaires (SNPHPU) – M. Nicolas Coste, président, pharmacien hospitalier à l’hôpital de la Timone (Assistance Publique - Hôpitaux de Marseille)

 Conseil national professionnel (CNP) de la pharmacie  Mme Claudine Gard, présidente, pharmacien hospitalier

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


  1  —

Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

 

Intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie

2

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑1 [nouveau]

3

Code de la santé publique

L. 1110‑5

4

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑2 [nouveau]

5

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑3 [nouveau]

6

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑4 [nouveau]

7

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑5 [nouveau]

8

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑6 [nouveau]

9

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑7 [nouveau]

10

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑8 [nouveau]

11

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑9 [nouveau]

12

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑10 [nouveau]

13

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑11 [nouveau]

14

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑12 [nouveau]

15

Code de la santé publique

L. 1111‑12‑13 [nouveau]

16

Code de la sécurité sociale

L. 161‑37

Code de la santé publique

L. 5121‑1, L. 5121‑14‑3, L. 5126‑6 et L. 5311‑1

17

Code de la santé publique

L. 1115‑4 [nouveau]

18

Code de la sécurité sociale

L. 160‑8, L. 160‑14 et L. 160‑15

19

Code des assurances

L. 132‑7

Code de la mutualité

L. 223‑9

 


([1]) Rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, avril 2023. Composée de 184 citoyens tirés au sort, la Convention avait pour mission de répondre à la question suivante : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ».

([2]) CCNE, avis 139, « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité », 13 septembre 2022.

([3]) Assemblée nationale, commission des affaires sociales, rapport (n° 1021) en conclusion des travaux de la mission d’évaluation de la loi n° 2016‑87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (M. Olivier Falorni, président ; Mme Caroline Fiat et M. Didier Martin, rapporteurs), 29 mars 2023.

([4]) Proposition de loi donnant le droit à une fin de vie libre et choisie de M. Olivier Falorni (n° 288). Dans le cadre d’une journée réservée aux textes proposés par le groupe Libertés et Territoires, l’examen de cette proposition de loi n’a jamais été achevé en séance publique. Elle avait été adoptée par la commission des affaires sociales le 31 mars 2021.

([5]) Sur ce sujet, le lecteur peut se référer au tableau figurant dans le commentaire des articles 2 à 4.

([6]) Conseil d’État, avis du 4 avril 2024, point 49.

([7]) Décision n° 99 421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes.

([8]) Amendement CS1953.

([9]) Article L. 1110-2 du code de la santé publique.

([10]) Article L. 1111-4 du code de la santé publique.

([11]) Article L. 1111-6 du code de la santé publique. Depuis la loi Claeys-Leonetti, la personne de confiance émet non plus un « avis » mais un « témoignage » : elle doit exprimer la volonté du malade.

([12]) Article L. 1110-5-1 du code de la santé publique.

([13]) Article L. 1110‑5 du même code.

([14]) Article L. 1110-5-2 du même code.

([15]) Étude d’impact jointe au projet de loi n° 2462 relative à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, XVIème législature, p. 77.

([16]) HAS, Guide du parcours de soins – Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès, 2018.

([17]) Article L. 1111‑4 du code de la santé publique.

([18]) Assemblée nationale, commission des affaires sociales, rapport (n° 1021) en conclusion des travaux de la mission d’évaluation de la loi n° 2016‑87 du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (M. Olivier Falorni, président ; Mme Caroline Fiat et M. Didier Martin, rapporteurs), 29 mars 2023, p. 89.

([19]) Décisions n° 94-343-344 DC du 27 juillet 1994 et n° 2010-71 QPC du 26 novembre 2010.

([20]) Rapport n° 1021 de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale précité.

([21]) CCNE, avis n° 139, Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité, 13 septembre 2022, p. 4.

([22]) Ibid., p. 23.

([23]) Guirimand, F., Dubois, E., Laporte, L. et al. Death wishes and explicit requests for euthanasia in a palliative care hospital: an analysis of patients files. BMC Palliat Care 13, 53 (2014).

([24]) CCNE, op. cit., p. 24.

([25]) Ibid., p. 25.

([26]) Ibid., p. 25.

([27]) CESE, Avis, « Fin de vie : faire évoluer la loi ? », mai 2023.

([28]) Ibid., p. 14.

([29]) Rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie, avril 2023. Composée de 184 citoyens tirés au sort, la Convention avait pour mission de répondre à la question suivante : « le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ».

([30]) Article L. 1110‑5 du code de la santé publique.

([31]) Conseil d’État, op. cit., point 49.

([32]) Entretien de M. Emmanuel Macron accordé à Libération et La Croix, éditions du 10 mars 2024.

([33]) Conseil d’État, op. cit., point 21.

([34]) Ibid.

([35]) Selon l’Académie française, l’euthanasie (du grec euthanasia, « mort douce et facile ») correspond à une « action destinée à donner la mort à un malade incurable qui demande ou a demandé que l’on abrège ses souffrances ou sa déchéance physiologique ». À noter que la demande de mourir n’apparaît pas nécessairement dans la définition de l’euthanasie. Ainsi, selon le Larousse, il s’agit de l’« acte d’un médecin qui provoque la mort d’un malade incurable pour abréger ses souffrances ou son agonie, illégal dans la plupart des pays ».

([36]) Étude d’impact précitée, p. 90-91.

([37]) Ibid., p. 93.

([38]) « Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle. »

([39]) Voir respectivement les articles R. 4127‑38 du code de la santé publique dans le cas des médecins et R. 4312‑21 du même code s’agissant des infirmiers.

([40]) Conseil d’État, op. cit., point 39.

([41]) Op. cit., point 11.

([42]) L’émancipation est l’acte par lequel un mineur est juridiquement assimilé à un majeur et peut accomplir seul les actes nécessitant la majorité légale. Un mineur émancipé n’est plus sous l’autorité de ses parents et a la capacité juridique. Voir les articles 413-1 et suivants du code civil.

([43]) Étude d’impact, p. 91.

([44]) La sécurité sociale « assure, pour toute personne travaillant ou résidant en France de façon stable et régulière, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille et d’autonomie ».

([45]) Étude d’impact du projet de loi, p. 94. En l’absence d’autres précisions, on peut rappeler que, s’agissant par exemple de la protection universelle maladie (Puma), qui garantit à toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière un droit à la prise en charge de ses frais de santé, la régularité de la situation est vérifiée à partir de la présentation d’une pièce d’identité, d’un passeport ou, s’agissant des ressortissants d’un pays n’appartenant pas à l’Espace économique européen et autre que la Suisse, un titre de séjour et un acte d’état civil. La condition de stabilité implique de résider en France depuis au moins trois mois puis au moins six mois par an. Elle peut être attestée par un bail de location datant de plus de trois mois, par trois quittances de loyer successives, par des factures successives d’électricité, de gaz, de téléphone, etc.

([46]) Étude d’impact, p. 91.

([47]) Ibid., pp. 94-95.

([48]) Étude d’impact., p. 91.

([49]) Conseil d’État, op. cit., point 23.

([50]) Contribution écrite adressée à la commission spéciale.

([51]) Conseil d’État, op. cit., point 24.

([52]) HAS, op. cit., p. 11.

([53]) Entretien à Libération et La Croix, éditions du 10 mars 2024.

([54]) Étude d’impact, p. 95.

([55]) Article L. 1111‑4 du code de la santé publique.

([56]) Amendements CS1954 et CS1961. Voir le commentaire de l’article 4 quater.

([57]) Amendement CS934.

([58]) Amendement CS1928.

([59]) Sous-amendement CS2023.

([60]) Sous-amendement CS2018.

([61]) Amendement CS647.

([62]) Amendements CS659 et CS1558.

([63]) Amendement CS2025.

([64]) Rapport n° 2634 fait au nom de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 mai 2024, tome III, comptes rendus de l’examen du projet de loi, p. 381.

([65]) Avis précité, point 24.

([66]) Amendement n° 3308.

([67]) Amendements identiques n° 555, n° 953, n° 986, n° 2308, n° 2788 et n° 3050.

([68]) Amendements n° 715 et n° 1893.

([69]) Amendement n° 1723.

([70]) Amendement n° 1321 et identiques n° 2132, n° 2653, n° 2940, n° 3390.

([71]) Amendement n° 2597.

([72]) Amendement n° 2943.

([73]) Décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés.

([74]) CEDH, 20 janvier 2011, n° 31322/07, Haas c. Suisse, § 54.

([75]) CEDH, 20 janvier 2011, n° 31322/07, Haas c. Suisse, § 54.

([76]) Article 459 du code civil.

([77]) Article R. 4127-37-2 du code de la santé publique.

([78]) Amendement CS2003.

([79]) Amendement CS1105.

([80]) Amendement CS1998.

([81]) Amendement CS1143.

([82]) Amendement CS1999.

([83]) Amendement n° 2634.

([84]) Amendement n° 2050.

([85]) Amendement n° 2643.

([86]) Amendements identiques n° 1865 et n° 2219.

([87]) Amendement AS966.

([88]) Amendement AS1125.

([89]) Amendement AS512.

([90]) Amendement AS1126.

([91]) Amendement AS687 et sous-amendement AS1182.

([92]) Amendements AS1127 et AS1130.

([93]) Article R. 4127-37-2 du code de la santé publique.

([94]) Décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés.

([95]) Amendement CS2004.

([96]) Amendement CS2000.

([97]) Amendement CS2001.

([98]) Amendement CS2017.

([99]) Amendement CS2015.

([100]) Amendement CS2014.

([101]) Amendement CS790.

([102]) Amendement CS2016.

([103]) Amendement CS1082.

([104]) Amendement CS1278.

([105]) Amendement CS1519.

([106]) Amendement AS289 et amendement identique AS632.

([107]) Amendement n° 1121.

([108]) Amendement n°695.

([109]) Amendements AS1124 et AS1132.

([110]) Amendement AS528.

([111]) Amendement AS1138.

([112]) Amendement AS442.

([113]) Amendements AS1131, AS1133, AS1134, AS1135, AS1136 et AS1139.

([114]) Amendement CS2005.

([115]) Amendement CS1778.

([116]) Amendement AS1144.

([117]) Amendement CS2006.

([118]) Amendement CS329.

([119]) Amendement CS1525.

([120]) Amendement CS1706.

([121]) Amendement CS2028.

([122]) Amendement AS1146.

([123]) Amendement AS1145.

([124]) Amendement AS1147.

([125]) Amendement CS2007.

([126]) Amendement CS680.

([127]) Amendement CS977.

([128]) Amendement CS2029.

([129]) Amendement CS1318.

([130]) Amendement CS1316.

([131]) Amendement AS1143.

([132]) Amendement AS1142.

([133]) Amendement AS1140.

([134]) Amendements identiques AS586 et AS895.

([135]) 4° du II de l’article L. 1111‑12‑3 du code de la santé publique dans la rédaction prévue par l’article 5.

([136]) Conseil d’État, avis précité, point n° 26.

([137]) Premier alinéa du I de l’article L. 1111-12-5 du code de la santé publique introduit par l’article 7.

([138]) Amendement CS2008.

([139]) Amendement CS803.

([140]) Amendement AS1158.

([141]) Conseil d’État, 26 octobre 2011, Association pour la Promotion de l’Image, n° 317827.

([142]) Amendement CS2009.

([143]) Amendement AS1160.

([144]) Amendement AS1189.

([145]) Amendement AS465.

([146]) Amendement AS755.

([147]) Décision n° 2012‑268 QPC du 27 juillet 2012, Mme Annie M., cons. n° 4 ; décision n° 2012‑243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012, Société YONNE RÉPUBLICAINE et autre, cons. n° 11.

([148]) Décisions n° 2011‑138 QPC du 17 juin 2011, Association Vivraviry, et n° 2012‑288 QPC du 17 janvier 2013, Consorts M..

([149]) CE, 6 décembre 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC), n° 403944.

([150]) Conseil constitutionnel, décision n° 86‑224 DC du 23 janvier 1987, cons. n° 15 et 16.

([151]) Conseil constitutionnel, décisions n° 89-261 DC du 28 juillet 1989, cons. n° 19 et 20, et n° 2010‑71 QPC du 26 novembre 2010, cons. n° 36.

([152]) Avis n° 408204 du Conseil d’État, p. 14.

([153]) Cass Ass. plén., 28 juin 2019.

([154]) Conseil d’État, op. cit, p. 37.

([155]) Amendement CS2010.

([156]) Amendement AS1161.

([157]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés, § 6, 7 et 8 ; décision n° 2022‑1022 QPC du 10 novembre 2022, Mme Zohra M. et autres, § 6, 7 et 8.

([158]) Décision n° 2017‑632 QPC du 2 juin 2017 précitée.

([159]) Amendement CS2011.

([160]) Amendement AS1162.

([161]) Décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977 sur la loi relative à la liberté d’enseignement, point n° 5 : « Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 "Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi" ; que le Préambule de la Constitution de 1946 rappelle que "Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances" ; que la liberté de conscience doit donc être regardée comme l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

([162]) Décision n° 2013-353 QPC du 18 octobre 2013, M. Franck M. et autres, point n° 7.

([163]) Décision n° 2001‑446 DC du 27 juin 2001 sur la loi relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, point n° 15.

([164]) CEDH, R. R c. Pologne, n° 27617/04, 26 mai 2011, point n° 206.

([165]) CEDH, Pichon et Sajous c. France, n° 49853/99, 2 octobre 2001.

([166]) Article. R. 4127‑47 du code de la santé publique.

([167]) L’article 4 de la loi dite « Veil »  7517 du 17 janvier 1975 dispose par exemple qu’un « établissement d’hospitalisation privé peut refuser que des interruptions volontaires de grossesse soient pratiquées dans ses locaux ».

([168]) Article L. 2212-8 du code de la santé publique.

([169]) Article L. 2123-1 du code de la santé publique.

([170]) Article L. 2151-7-7 du code de la santé publique.

([171]) Article 223-6 du code pénal.

([172]) Conseil d’État, avis sur un projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, n° 408204, 4 avril 2024, point n° 38.

([173]) Article R. 4235‑61 du code de la santé publique : « Lorsque l’intérêt de la santé du patient lui paraît l’exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament. Si ce médicament est prescrit sur une ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement le prescripteur de son refus et le mentionner sur l’ordonnance. »

([174]) Cass. crim., 21 octobre 1998, JCP 1998 II, n° 10163.

([175]) Op. cit., point n° 48 : « ’il convient d’en [le registre] limiter l’accès aux médecins, seuls chargés d’examiner la demande d’aide à mourir et d’accompagner la personne ou de convenir avec elle d’un infirmier ou d’un autre médecin disposé à l’accompagner ».

([176]) La consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés résultant des dispositions du paragraphe 4 de l’article 36 du Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (RGPD).

([177]) Amendements CS1828 et CS1868.

([178]) Amendement CS1725.

([179]) Amendement CS1985.

([180]) Amendements AS1163 et AS1165.

([181]) Amendement AS1164.

([182]) Amendement AS763.

([183]) Article L. 1110-5-1 du code de la santé publique.

([184]) Article L. 1110-5-2 du même code.

([185]) Décision n° 2017-632 QPC du 2 juin 2017, Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés.

([186]) CEDH, Mortier c. Belgique, requête n° 78017/17, 4 octobre 2022.

([187]) Articles 2 et 8 de la CSDH.

([188]) Aux termes duquel « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatif ».

([189]) Amendement CS1973.

([190]) Amendement CS1853.

([191]) Conseil d’État, avis sur un projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, n° 408204, 4 avril 2024, point n° 47.

([192]) Amendement CS697.

([193]) Amendement CS1986.

([194]) Amendement AS1178.

([195]) Amendement AS766.

([196]) Amendement AS1184.

([197]) Amendement AS768.

([198]) Amendement AS1177.

([199]) Amendement AS1185.

([200]) Article L. 4211-1 du code de la santé publique.

([201]) Article L. 5111-1 du code de la santé publique.

([202]) Article 221-5 du code pénal.

([203]) Directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain.

([204]) Voir le commentaire sous l’article 9 de la présente proposition de loi.

([205]) La pharmacie d’officine est définie à l’article L. 5125-1 du code de santé publique comme « l’établissement affecté, d’une part, à la dispensation au détail des médicaments, produits et objets mentionnés aux articles L. 42111 et L. 512524 et, dans les conditions définies par décret, de médicaments expérimentaux ou auxiliaires ainsi qu’à l’exécution des préparations magistrales ou officinales et, d’autre part, au conseil pharmaceutique et à l’exercice des missions prévues à l’article L. 512511 A ».

([206]) Les pharmacies à usage intérieur sont définies à l’article L. 5126-1 du code de santé de publique comme celles qui « répondent aux besoins pharmaceutiques des personnes prises en charge par l’établissement, service ou organisme dont elles relèvent, ou au sein d’un groupement hospitalier de territoire ou d’un groupement de coopération sanitaire dans lequel elles ont été constituées ».

([207]) Créée par la loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, la HAS est une autorité publique indépendante à caractère scientifique.

([208]) Créée par la loi n° 93-5 du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament, elle est un établissement public administratif et l’une des agences françaises de sécurité sanitaire.

([209]) Article L. 161-40-1 du code de la santé publique.

([210]) Articles R. 5125-45 et suivants du code de la santé publique.

([211]) Amendement CS1975.

([212]) Amendements AS1180 et AS1181.

([213]) Articles 52, 52-1 et 706-42 du code de procédure pénale.

([214]) Ce à qui font exception, outre donc celles pour un crime, les plaintes délit prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou par les articles L. 86, L. 87, L. 91 à L. 100, L. 102 à L. 104, L. 106 à L. 108 et L. 113 du code électoral.

([215]) Par dérogation aux articles 221-1 (« Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion criminelle. »), 221-2  Le meurtre qui précède, accompagne ou suit un autre crime est puni de la réclusion criminelle à perpétuité. [...] »), 221-3 (« Le meurtre commis avec préméditation ou guet-apens constitue un assassinat. Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité. »), 221-4 (« Le meurtre est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis : [...] 3° sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur. ») et 221-5 du même code (« Le fait d’attenter à la vie d’autrui par l’emploi ou l’administration de substances de nature à entraîner la mort constitue un empoisonnement. L’empoisonnement est puni de trente ans de réclusion criminelle. Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu’il est commis dans l’une des circonstances prévues aux articles 221-2, 221-3 et 221-4. »).

([216]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017‑747 DC du 16 mars 2017, Loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse, par. nos 14 et 15.

([217]) Sous la réserve, prévue par le premier alinéa du I de l’article L. 161‑52, que ces séances soient « réalisées par un psychologue dans le cadre d’un exercice libéral ou d’un exercice en centre de santé ou en maison de santé […] que le psychologue […] a fait l’objet d’une sélection par l’autorité compétente […] permettant d’attester de sa qualification pour la réalisation de cette prestation, et qu’il est signataire d’une convention avec l’organisme local d’assurance maladie […] ».

([218]) Prise sur le fondement de l’habilitation votée au 2° du III de l’article 32 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 ; un projet de loi de ratification a été déposé sur le bureau du Sénat le 1er juin 2022.

([219]) Dans la mesure où les sociétés mutualistes et leurs unions peuvent pratiquer des opérations d’assurance et de capitalisation, des dispositions analogues – ou connaissant des adaptations n’appelant pas de remarque dans le présent rapport – figurent dans les chapitres Ier et III du titre II du livre II du code de la mutualité.

([220]) Cf. le commentaire de l’article 6 dans le rapport n° 2428 de M. Alexandre Holroyd sur la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l’attractivité de la France, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 avril 2024 – devenu l’article 14 de la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024.

([221]) France assureurs, L’assurance prévoyance en 2023, août 2024.

([222]) Centre technique des institutions de prévoyance, Cahier statistique pour 2023, juillet 2024.

([223]) Article L. 141-1 du code des assurances.

([224]) Dernier alinéa de l’article L. 141-6 du code des assurances.

([225]) Cour supérieure du Québec, 11 septembre 2019, req. n° 500-17-099119-17, M. Truchon et Mme Gladu contre le procureur général du Canada et la procureure générale du Québec, par. 734 et 735.

([226]) Conseil d’État, 1ère et 2ème SSR, 29 décembre 2000, req. nos 212338 et 215243, concl. S. Boissard, pub. au Recueil.

([227]) Conseil constitutionnel, décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, cons. 37.

([228]) Conseil constitutionnel, décision n° 2005-530 DC du 29 décembre 2005, Loi de finances pour 2006, cons. 45.

([229]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-682 DC du 19 décembre 2013, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, cons. 14.

([230]) Conseil constitutionnel, décision n° 2019-812 QPC du 15 novembre 2019, M. Sébastien M. et autre, par. 5.

([231]) Conseil constitutionnel, décision n° 2002-465 DC 13 janvier 2003, Loi relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi, cons. 4 ; décision n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019, Fédération nationale des syndicats du spectacle – Confédération générale du travail, par. 26.

([232]) Conseil constitutionnel, décision n° 2007-550 DC du 27 février 2007, Loi relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, cons. 10.

([233]) Conseil constitutionnel, décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, Société Maflow France, cons. 3.

([234]) Conseil constitutionnel, décision n° 2014-386 QPC du 28 mars 2014, Collectivité de Saint-Barthélemy, cons. 15.

([235]) M. le professeur Jérôme Roux, La jurisprudence du Conseil constitutionnel mise en perspective avec celle de la Cour européenne des droits de l’homme sur les validations législatives et les autres lois rétroactives, in Titre VII (n° 5), octobre 2020.

([236]) https://assnat.fr/bKemRR

([237]) https://assnat.fr/kHycND

([238]) https://assnat.fr/lr4CK4

([239]) https://assnat.fr/zlgdz2

([240]) https://assnat.fr/GQTM2a

([241]) https://assnat.fr/fEigfx

([242]) https://assnat.fr/qyDE7Q

([243]) https://assnat.fr/iKsRaN

([244]) https://assnat.fr/ns3aDl

([245]) https://assnat.fr/sbEhl6

([246]) https://assnat.fr/ELBoyn

([247]) https://assnat.fr/pB9pbG