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N° 1371

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 mai 2025.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte,

 

 

 

 

Par Mme Estelle Youssouffa,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 1239.

 


–– 1 ––

SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos

I. L’aide médicale de l’État n’est pas applicable à mayotte alors que c’est le département qui en aurait le plus besoin

A. À Mayotte, la dynamique de l’immigration irrégulière est sans égale sur le territoire de la république

1. Une proportion toujours grandissante de la population de Mayotte est étrangère, très largement en situation irrégulière

2. Les facteurs de cette migration sont pluriels

B. les étrangers en situation irrégulière ont accès aux soins dans des conditions dérogatoires

1. Des dispositions ont été adoptées pour exclure Mayotte de l’application de l’aide médicale de l’État

2. L’accès aux soins des étrangers sans papiers est prévu exclusivement dans le cadre de l’hôpital public

II. L’absence d’aide médicale de l’État entraîne des effets délètères sur les plans sanitaire, social et budgétaire

A. une embolie complète du centre hospitalier de mayotte, principal acteur de l’offre de soins

1. Une proportion très importante de l’activité des structures de soins est tournée vers les étrangers en situation irrégulière

2. Une activité essentiellement axée sur les urgences et l’obstétrique, au détriment de tout autre soin

3. Une dotation qui est loin d’incorporer le poids des soins aux nonaffiliés

B. un développement embryonnaire des soins de ville face à une patientèle non solvable

1. Les soignants libéraux prennent en charge gratuitement les étrangers irréguliers avec des moyens très limités

2. L’absence de solvabilité d’une part très importante de la population constitue un frein récurrent au développement des soins de ville

C. un scandaleux effet d’éviction des mahorais, pourtant seuls à cotiser

1. Considérés non prioritaires au regard de leur état de santé pourtant dégradé, les Mahorais n’ont pas accès aux soins

2. Le phénomène des évacuations sanitaires est emblématique de cette éviction

III. il apparaît urgent de faire entrer mayotte dans le droit commun de l’Aide médicale de l’État

A. rendre l’Aide médicale de l’État applicable à mayotte, un impératif de cohérence, de transparence et de justice

1. L’objectif de la proposition de loi : faire entrer Mayotte dans le droit commun de l’aide médicale de l’État

2. Un impératif de cohérence

3. Un impératif de transparence

4. Un impératif de justice pour l’accès aux soins des Mahorais

B. les craintes attisées contre l’application de l’aide médicale de l’État à mayotte doivent être relativisées

1. La théorie de l’appel d’air migratoire apparaît peu crédible

2. L’argument d’une incapacité des structures mahoraises à intégrer ce dispositif doit être résolument combattu

3. Il ne saurait être donné crédit à l’argument de l’insuffisance de l’offre de ville

Commentaire des articles

Article 1er Étendre l’application de l’aide médicale de l’État à Mayotte

Article 2 Gage de recevabilité financière

Travaux de la commission

ANNEXE  1 : Liste des personnes entendues par la rapporteure

ANNEXE n° 2 : note de l’aGENCE rÉGIONALE de sANTÉ (ARS) MAYOTTE – les conséquences de l’absence d’Aide mÉdicale dE l’État à Mayotte

ANNEXE n° 3 : Contribution du centre hospitalier de Mayotte (CHM) et de l’ARS Mayotte

ANNEXE n° 4 : Contribution complémentaire du CHM et de l’ARS Mayotte

ANNEXE n° 5 : Contribution de la direction GÉNÉRALE de l’OFFRE DE SOINS (DGOS) et de la DIRECTION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (DSS)

ANNEXE n° 6 : Contribution de la Direction générale des outre-mer (DGOM)

ANNEXE n° 7 : Contribution N° 1 de Santé publique France

ANNEXE n° 8 : Contribution n° 2 DE Santé publique France

ANNEXE n° 9 : Note de l’ARS MAYOTTE – 5 priorités pour rebâtir le système de Santé à Mayotte

ANNEXE n° 10 : Témoignages d’assurés sociaux mahorais

ANNEXE n°11 : Textes susceptibles d’Être abrogés ou modifiés À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 

 


–– 1 ––

   avant-propos

L’aide médicale de l’État (AME) a été mise en place le 1er janvier 2000 dans le but de permettre aux étrangers en situation irrégulière d’accéder à des soins sous conditions de ressources et de résidence. Face à la réalité de l’immigration clandestine, ce dispositif a été créé avec une quadruple motivation :

– éthique et humanitaire, toute personne malade devant être soignée indépendamment de son statut administratif ;

– sanitaire, afin de lutter contre la propagation des maladies contagieuses ;

– financière, pour solvabiliser une patientèle en besoin de soins primaires auprès de la médecine de ville, des laboratoires d’analyses, des centres d’examens médicaux et des pharmacies d’officine ;

– budgétaire, partant de l’idée que l’absence d’accès aux soins primaires pour ces personnes risquait de conduire la société à devoir assumer des dépenses plus importantes à terme, notamment hospitalières.

Au-delà des critiques émises sur le dispositif tel qu’il existe aujourd’hui, la validité de ces trois motivations n’a jamais été remise en cause. Elles justifient d’ailleurs aussi l’existence de systèmes spécifiques de prise en charge des soins aux étrangers en situation irrégulière chez l’ensemble de nos voisins européens.

Pourtant, dans l’un des territoires de la République française, il n’a pas été jugé nécessaire de prévoir un tel dispositif. À Mayotte, 101ème département français, en vertu de l’article L. 542‑5 du code de l’action sociale et des familles, l’AME n’est pas applicable. Paradoxalement, cette terre, qui est un désert sanitaire, est aussi celle sur laquelle s’exerce la pression migratoire est la plus importante – entre un tiers et la moitié des habitants de Mayotte sont en situation irrégulière. Ce serait donc logiquement le territoire où ce dispositif serait le plus nécessaire.

Pour les mêmes raisons qui ont présidé à la création de l’AME dans le reste du pays, son absence à Mayotte induit des conséquences sanitaires graves et prévisibles : les étrangers en situation irrégulière se tournent massivement vers l’unique centre hospitalier de l’île, souvent dans un état de santé très dégradé, induisant des surcoûts majeurs, une embolie totale du système sanitaire mahorais et une éviction de fait des Français de Mayotte, dont la condition est jugée relativement moins préoccupante – donc non prioritaire.

L’absence d’AME est aussi à l’origine de la survenue, à Mayotte, d’épidémies de maladies importées, disparues depuis longtemps du territoire national : choléra, tuberculose…

Cette situation conduit enfin à « invisibiliser », au niveau comptable, le poids financier des soins prodigués aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte. En effet, le financement de ces soins prodigués aux non assurés sociaux est, en toute opacité, prélevé sur la dotation globale dédiée au Centre Hospitalier de Mayotte. En d’autres termes, les coûts de la santé des étrangers en situation irrégulière soignés à l’hôpital de Mayotte – dont ils représentent 40 % de l’activité – sont directement déduits de l’enveloppe prévue pour la santé des assurés sociaux.

Devant ce constat d’une inégalité de droits dans l’accès aux soins pour les assurés sociaux de Mayotte, la nécessité d’une évolution est reconnue, mais aucune décision n’est prise, aucune action n’est engagée. Lors des auditions qu’elle a menées au cours de ses travaux préparatoires, la rapporteure a dû constater qu’aucune étude d’impact n’avait été conduite ou même envisagée sur les coûts de l’absence d’AME à Mayotte, ou sur les modalités éventuelles de mise en place d’un dispositif de ce type.

Le législateur ne saurait tolérer que le principe d’égalité d’accès aux soins se trouve ainsi réduit à néant dans un territoire de la République. L’immobilisme et l’invisibilisation ne sont pas des solutions acceptables. Lors de son discours de clôture devant le conseil départemental de Mayotte, en avril dernier, le Président de la République a souligné que le processus de convergence sociale de Mayotte devait, au plus vite, devenir une réalité, sans attendre l’échéance établie en 2031.

La présente proposition de loi s’inscrit précisément dans cette perspective en prévoyant d’inscrire Mayotte dans le dispositif de droit commun pour la prise en charge des dépenses de santé des étrangers en situation irrégulière.

I.   L’aide médicale de l’État n’est pas applicable à mayotte alors que c’est le département qui en aurait le plus besoin

A.   À Mayotte, la dynamique de l’immigration irrégulière est sans égale sur le territoire de la république

Depuis plusieurs décennies, Mayotte connaît une pression migratoire sans commune mesure avec le reste du territoire national et toujours croissante, très majoritairement en provenance des Comores.

1.   Une proportion toujours grandissante de la population de Mayotte est étrangère, très largement en situation irrégulière

La pression migratoire très importante à Mayotte est attestée par la détection croissante de kwassa-kwassa, ces embarcations de pêcheurs utilisées par les passeurs pour franchir les 70 kilomètres qui séparent Mayotte de l’île d’Anjouan, territoire de l’Union des Comores. Le rapport déposé par la commission des affaires étrangères en mai 2023 faisait ainsi état d’environ 30 000 détections à l’entrée ou sur le territoire de Mayotte en 2022, avec des flux en hausse en 2023 ([1]).

Les Comoriens constituent, de très loin, la première nationalité détectée (96 %). Le rapport précité relevait néanmoins l’émergence d’une immigration malgache et issue de l’Afrique des grands lacs. Cette composante demeure néanmoins résiduelle par rapport au flux venu des Comores.

S’il n’existe pas de statistiques fiabilisées sur la présence des étrangers en situation irrégulière à Mayotte, il est possible d’en acquérir une vision approximative en rapprochant la population des assurés sociaux de celle des habitants de l’île. D’après les données communiquées par la Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM), le département compte actuellement 218 000 assurés sociaux. Au 1er janvier 2024, L’institut national de la statistique et des études économiques (Insee) estimait la population de Mayotte à 321 000 habitants. Cependant, cette évaluation est, de l’avis des acteurs locaux, probablement assez largement en-deçà de la réalité. En tout état de cause, la population de Mayotte est constituée d’au moins un tiers d’étrangers en situation irrégulière, et ce taux pourrait en réalité être plus proche de 50 %, avec une population totale qui se situerait aux alentours des 450 000 habitants.

2.   Les facteurs de cette migration sont pluriels

● Les flux migratoires à destination de Mayotte sont encouragés par les autorités comoriennes, qui y voient comme un levier au service de la revendication de souveraineté de l’Union des Comores sur Mayotte. Cette instrumentalisation des flux migratoires est classée par l’OTAN comme une menace hybride qui se caractérise, entre autres, par la saturation des services publics. Selon le discours officiel des dirigeants comoriens, les citoyens des Comores « sont chez eux à Mayotte ». On peut ainsi voir dans ces flux une politique de colonisation de peuplement de la part des Comores.

● Omettant la revendication territoriale comorienne sur Mayotte, les gouvernements successifs ont répété que l’immigration clandestine issue des Comores était principalement motivée par la différence importante de niveau de vie avec Mayotte. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant de Mayotte était ainsi estimé près de huit fois supérieur à celui des Comores dans le cadre du rapport de la commission des affaires étrangères précité.

Cet argument a été battu en brèche par les évènements suivant le passage du cyclone Chido, qui a largement détruit Mayotte sans affecter les Comores : les flux migratoires ont alors augmenté, profitant de la destruction des radars de surveillance de la frontière et des moyens nautiques. Alors que plus aucun service public ne fonctionnait normalement à Mayotte et que l’hôpital était largement inopérant, les migrants comoriens, qui ne pouvaient pas ignorer cette situation, ont continué à débarquer sur les rives du département.

● De manière générale, les études sur les causes de la migration clandestine en France tendent à relativiser l’importance du motif sanitaire, sans toutefois le nier. Ainsi, pour la France entière, le motif de séjour pour soins est globalement estimé à 10 % chez les étrangers en situation irrégulière.

À Mayotte, ce motif est également d’ores et déjà présent, même en l’absence d’aide médicale de l’État, comme en atteste le phénomène des kwassa-kwassa sanitaires, chargés de malades et directement pris en charge à l’hôpital à leur arrivée.

B.   les étrangers en situation irrégulière ont accès aux soins dans des conditions dérogatoires

1.   Des dispositions ont été adoptées pour exclure Mayotte de l’application de l’aide médicale de l’État

Mayotte est le seul département de France où l’AME n’est pas applicable. Cette situation résulte de dispositions dérogatoires introduites par l’ordonnance du 31 mai 2012 portant extension et adaptation du code de l’action sociale et des familles à Mayotte ([2]). Cette ordonnance prévoit que les dispositions des livres Ier à IV dudit code sont applicables à Mayotte sous réserve des modifications qu’elle apporte.

Or, l’article L. 5425 du code de l’action sociale et des familles, introduit par ladite ordonnance, dispose que les modalités de prise en charge des soins à destination des étrangers en situation irrégulière sont dérogatoires au droit commun à Mayotte, où elles sont régies non par le livre V relatif à l’aide médicale de l’État, mais par un article spécifique du code de la santé publique : l’article L. 64165.

2.   L’accès aux soins des étrangers sans papiers est prévu exclusivement dans le cadre de l’hôpital public

L’absence d’AME ne signifie pas que les étrangers en situation irrégulière ne sont pas soignés à Mayotte.

● Selon l’article L. 6416‑5 du code de la santé publique, ils sont bien pris en charge, et même gratuitement, au sein de l’hôpital public de Mayotte, dès lors que :

– « le défaut de soins peut entraîner une altération grave et durable de leur état de santé » ;

– ou que leur situation présente un enjeu en termes de lutte contre les maladies transmissibles ;

– ou encore qu’il s’agit de mineurs ou d’enfants à naître.

Théoriquement, le bénéfice de ces soins gratuits est soumis à des conditions de ressources. Celles-ci sont en réalité difficiles à contrôler – et très peu vérifiées.

Il convient de noter qu’en vertu d’une décision de Mme Dominique Voynet, alors directrice générale de l’agence régionale de santé, en 2020, les accouchements sont entièrement gratuits. Dans le contexte de forte natalité étrangère à Mayotte, cette mesure est dénoncée localement par les élus, syndicats et collectifs citoyens pour son effet d’appel d’air.

● Par ailleurs, l’accès aux soins non urgents est en principe conditionné au versement d’une provision financière, de l’ordre de 10 euros pour une consultation. Dans les faits, il appartient aux médecins de juger si l’état de santé de la personne répond aux critères susmentionnés, leur permettant d’être exonérés dudit versement.

En pratique, l’ensemble des interlocuteurs auditionnés par la rapporteure a estimé que toute personne malade se présentant à l’hôpital ou dans l’un de ses dispensaires était prise en charge, indépendamment de sa situation administrative.

Au total, les provisions financières facturées aux patients non assurés sociaux n’ont pas permis de rapporter plus d’un million d’euros à l’hôpital en 2024, bien loin des 123 millions d’euros de coûts estimés en lien avec leur prise en charge.

● Il convient enfin de noter que l’accès aux soins n’est pas conditionné à une durée préalable de résidence sur le territoire français, comme c’est le cas avec l’aide médicale de l’État.

II.   L’absence d’aide médicale de l’État entraîne des effets délètères sur les plans sanitaire, social et budgétaire

L’absence d’aide médicale de l’État produit des conséquences systémiques à Mayotte, qui vont bien au-delà de la question de l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière.

Une note du directeur général de l’agence régionale de santé, annexée au présent rapport, souligne ainsi que l’absence d’AME « génère une situation structurellement déséquilibrée qui met en péril la pérennité du système de santé local, limite son développement et compromet l’égalité d’accès aux soins » des Français de Mayotte.

A.   une embolie complète du centre hospitalier de mayotte, principal acteur de l’offre de soins

En vertu de l’article L. 6416‑5 précité, les étrangers en situation irrégulière ne peuvent être pris en charge qu’au sein du centre hospitalier de Mayotte. Seul établissement de l’île, cet hôpital se répartit entre un site principal situé à Mamoudzou, quatre centres médicaux de référence qui assurent la permanence des soins médicaux et une activité d’obstétrique, et dix centres de consultation périphériques – les anciens dispensaires.

Cet établissement, qui assure 72 % de l’offre de soins à Mayotte, est en réalité complètement saturé par la prise en charge non programmée des étrangers en situation irrégulière qui se présentent souvent dans un état de santé dégradé. Dans un contexte de très faible développement de la médecine de ville, cette surcharge de l’hôpital conduit à faire de l’île un désert médical pour le reste de la population.

1.   Une proportion très importante de l’activité des structures de soins est tournée vers les étrangers en situation irrégulière

● D’après les informations communiquées par le centre hospitalier et l’agence régionale de santé, au moins 40 % de l’activité du centre hospitalier de Mayotte concerne les soins aux non affiliés sociaux – c’est-à-dire aux étrangers en situation irrégulière – pour un montant estimé à 123 millions d’euros en 2023, sur une dotation annuelle de fonctionnement de 321 millions d’euros (cf. tableau ci-après).

Cette estimation repose sur une comptabilité analytique ; elle est effectuée en rapprochant les fiches des patients ne comportant pas de numéro de sécurité sociale du coût moyen estimé d’une journée d’hospitalisation dans un service donné. Elle n’englobe pas le coût des médicaments distribués gratuitement par le centre hospitalier de Mayotte et, s’agissant de la protection maternelle et infantile (PMI), le conseil départemental. En effet, en l’absence d’AME, les étrangers en situation irrégulière ne peuvent pas s’approvisionner directement auprès des officines de ville.

estimation des dépenses effectuées
en faveur des non‑assurés sociaux à l’hôpital de mayotte

Libellé

Nature de l’unité

Total

 

 

Chirurgies autres

Journée d’hospitalisation

7 140 165,88 €

 

Gynéco-obstétrique

Journée d’hospitalisation

26 798 468,50 €

 

Médecine pédiatrique

Journée d’hospitalisation

5 279 497,36 €

 

Médecines autres

Journée d’hospitalisation

9 397 981,67 €

 

Réanimation adulte

Journée d’hospitalisation

4 317 982,73 €

 

Réanimation néonatale/pédiatrique

Journée d’hospitalisation

4 620 709,04 €

 

Soins intensifs en néonatologie

Journée d’hospitalisation

1 540 884,37 €

 

Soins surveillance continue adulte

Journée d’hospitalisation

2 057 331,36 €

 

Soins surveillance continue en néonatologie

Journée d’hospitalisation

3 572 949,98 €

 

Soins surveillance continue pédiatrique

Journée d’hospitalisation

621 157,16 €

 

UHCD Adulte

Journée d’hospitalisation

2 364 276,54 €

 

CONSULTATION_MCO

Consultation

27 645 408,60 €

 

Accueil et Traitement des Urgences - Structure des Urgences Décret 2006-577

Passage

8 208 299,24 €

 

Total par champ : MCO

 

103 565 112,43 €

 

Hospitalisation à temps plein (hors UMD, UHSA) adultes

Journée d’hospitalisation

1 422 387,10 €

 

Centre médico-psychologique (CMP)

Journée d’hospitalisation

3 076 152,55 €

 

Total par champ : PSY

 

4 498 539,65 €

 

Soins de suite et de réadaptation indifférenciés ou polyvalents: Adulte, âge supérieur ou égal à 18 ans

Journée d’hospitalisation

4 441 039,06 €

 

Ateliers d’appareillage et de confection

Nb actes

244 127,60 €

 

Total par champ : SSR

 

4 685 166,66 €

 

HAD

Journée d’hospitalisation

1 112 274,98 €

 

Total par champ : HAD

 

1 112 274,98 €

 

SMUR terrestre et aérien

nb sorties

8 625 258,80 €

 

Dialyse

 

1 104 836,85 €

 

Total autres

 

9 730 095,65 €

 

Total Général

 

123 591 189,36 €

 

Source : données transmises par le centre hospitalier de Mayotte.

● Il convient d’ajouter à ces montants les crédits mobilisés par la PMI dont l’activité est tournée à 78 % vers des nonassurés sociaux. Plus de 90 % des consultations en PMI concernent ainsi des femmes qui ne sont pas assurées, et 85 % des enfants dans cette même situation, dans un contexte où la fécondité des mères nées à l’étranger est près de deux fois supérieure à celle des mères nées à Mayotte (6 enfants par femme contre 3,5). Au total, le coût de la prise en charge des étrangers en situation irrégulière au sein des PMI est estimé à 21 millions d’euros. Alors que la PMI relève en principe de la compétence du département, il convient de noter qu’à Mayotte, l’État compense, en partie, ce coût exorbitant.

● S’y ajoutent les montants mobilisés par l’agence régionale de santé (ARS= dans le cadre du fonds d’intervention régional (FIR), notamment pour la vaccination des enfants non affiliés (1,5 million d’euros par an) et les transports sanitaires (près d’un million d’euros par an).

2.   Une activité essentiellement axée sur les urgences et l’obstétrique, au détriment de tout autre soin

La prise en charge quasi exclusive à l’hôpital d’une population non assurée nombreuse entraîne un engorgement de la structure hospitalière de Mayotte et une déformation de son activité au profit des urgences médicales et obstétricales ainsi que du soin de premier recours, au détriment de toute autre forme de soin programmé et spécialisé.

En effet, le centre hospitalier est prestataire de premier recours pour les étrangers en situation irrégulière, qui ne peuvent se tourner vers la médecine de ville. Lors de son audition, le préfet de Mayotte, M. François-Xavier Bieuville, a souligné que l’hôpital de campagne mis en place pour soulager les structures hospitalières après le cyclone Chido avait essentiellement accueilli des étrangers en situation irrégulière pour des soins de premier recours, mettant en évidence la prééminence de ce besoin.

Par ailleurs, les interlocuteurs auditionnés par la rapporteure ont décrit des patients étrangers arrivant à Mayotte avec un état de santé général souvent dégradé, des pathologies plus lourdes et plus avancées faute de prévention, de dépistage précoce ou de soins. De fait, ces étrangers se présentent donc souvent au centre hospitalier de Mayotte dans un état grave qui impose une prise en charge en urgence complexe et longue, parfois une évacuation sanitaire, monopolisant ainsi les lits et les soignants.

Enfin, la maternité de l’hôpital de Mayotte – sur le site principal de Mamoudzou, mais aussi sur les quatre centres périphériques – connaît une activité hypertrophiée au regard de la dimension de la structure. Avec environ 10 000 accouchements par an, il s’agit de la plus grosse maternité d’Europe, dans le contexte d’une natalité très dynamique à Mayotte (4,5 enfants par femme en moyenne), particulièrement chez la population comorienne.

Une enquête de l’Insee parue en 2024 révélait ainsi que, sur 10 280 naissances enregistrées cette année à Mayotte, 6 880 étaient issues de mères de nationalité comorienne et seulement 2 580 étaient de mères françaises ([3]).

3.   Une dotation qui est loin d’incorporer le poids des soins aux non‑affiliés

Le directeur général du centre hospitalier de Mayotte, M. Jean-Mathieu Defour, a estimé lors de son audition que le coût des soins aux étrangers en situation irrégulière était, de fait, intégré dans la dotation annuelle de fonctionnement de l’hôpital, prenant comme argument à l’appui de ce constat l’augmentation régulière de son montant au cours des dernières années.

Évolution de la dotation annuelle de financement
du centre hospitalier de mayotte

Source : contribution écrite DGOS-DSS

En l’absence de toute facturation séparée des actes réalisés à destination des patients non assurés sociaux, cette dotation annuelle, qui est destinée aux soins des assurés sociaux, se trouve en réalité amputée par cette charge. De facto, les assurés sociaux de Mayotte se voient privés de 40% des montants qui leur sont alloués, au bénéfice des étrangers en situation irrégulière. Pour mémoire, en octobre 2017, M. Xavier Montserrat, alors directeur de la délégation mahoraise de l’agence régionale de santé (ARS) Océan Indien, avait indiqué que le coût annuel des dépenses de santé par habitant à Mayotte s’élevait à 900 euros, contre 3 000 euros à La Réunion et 3 300 euros en métropole ([4]).

De fait, l’hôpital de Mayotte accuse, depuis une décennie, un déficit qui se creuse et qui atteint 14 millions d’euros dans l’état prévisionnel des dépenses et des recettes (EPRD) pour 2024. Comme le souligne le document établi pour 2025, « cette situation limite considérablement les marges de manœuvre pour répondre à la demande croissante de soins et l’entretien régulier de certaines infrastructures ».

B.   un développement embryonnaire des soins de ville face à une patientèle non solvable

L’absence d’AME entretient l’hypertrophie de l’hôpital public au sein du système de santé mahorais au détriment des soins de ville, qui ne peuvent se développer faute de patients solvables.

1.   Les soignants libéraux prennent en charge gratuitement les étrangers irréguliers avec des moyens très limités

Bien que la prise en charge des étrangers en situation irrégulière à Mayotte ne soit prévue qu’au sein de l’hôpital public, les soignants de ville peuvent être conduits à suivre, de manière résiduelle, cette patientèle en demande de soins. Ils le font dans ce cas sans moyens dédiés, à titre gratuit.

Lors de leur audition, les docteurs Jean-Marc Roussin et Mohamed Sophian Jaouadi, représentants de l’union régionale des professionnels de santé pour les médecins à Mayotte, ont estimé que les médecins généralistes libéraux mahorais suivaient entre 3 % et 15 % de leur patientèle à titre gratuit. Outre la perte financière que cela implique, le docteur Jaoudi a souligné les limites très importantes du suivi possible dans cette situation, dans la mesure où « une partie de la patientèle a souvent des maladies chroniques, qui nécessitent le recours à des examens complémentaires » que le patient n’est pas en mesure de financer. En conséquence, l’absence d’AME induit des ruptures de soins pour ces patients, qui finissent aux urgences, faute d’avoir été pris en charge suffisamment tôt.

De même, Mme Sidi Madi, présidente du Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux de Mayotte (Sniil 976), a rapporté soigner des étrangers en situation irrégulière avec les médicaments et pansements destinés aux assurés sociaux, de façon à « garantir la continuité des soins, conformément à notre devoir ».

2.   L’absence de solvabilité d’une part très importante de la population constitue un frein récurrent au développement des soins de ville

Étant donnée la proportion considérable d’étrangers en situation irrégulière, les médecins n’ont pas la garantie d’une file active suffisante s’ils s’installent à Mayotte ([5]). La présence massive d’une population non solvabilisée par l’AME constitue ainsi un frein puissant au développement des soins de ville, en même temps qu’elle génère des besoins de traitements très importants pour l’hôpital.

À l’heure actuelle, l’ARS ne dénombre qu’une trentaine de médecins généralistes installés à Mayotte, qui représentent seulement une vingtaine d’équivalents temps plein, et 38 sages-femmes, ainsi qu’une dizaine de médecins spécialistes.

De même, le développement du secteur hospitalier privé et des officines de ville demeure limité et très en-deçà des besoins de santé. Le territoire ne compte actuellement que 25 officines. L’activité hospitalière privée se résume à un centre de dialyse – par ailleurs financé par le centre hospitalier de Mayotte.

C.   un scandaleux effet d’éviction des mahorais, pourtant seuls à cotiser

1.   Considérés non prioritaires au regard de leur état de santé pourtant dégradé, les Mahorais n’ont pas accès aux soins

● Du fait de l’absence d’AME à Mayotte, les soins aux personnes en situation irrégulière sont effectués en prélevant sur l’enveloppe destinée aux assurés sociaux locaux. Le système de soins n’étant pas dimensionné pour prendre en charge une population aussi nombreuse, cette situation entraîne un effet d’éviction des assurés sociaux, dont l’état de santé est jugé relativement moins dégradé ou moins urgent que celui des étrangers irréguliers qui arrivent à l’hôpital.

La rapporteure a reçu le témoignage de nombreux assurés sociaux mahorais qui rapportent une impossibilité d’obtenir des rendez-vous spécialisés, des soins programmés sans cesse reportés du fait de l’engorgement du plateau technique. Ainsi que l’a souligné lors de son audition la docteure Ramlati Ali, médecin et ancienne députée de Mayotte, cette situation est l’un des facteurs majeurs de l’important renoncement aux soins constaté dans le département ([6]).

Il existe ainsi un sentiment très largement partagé à Mayotte : les soins sont plus faciles d’accès aux étrangers en situation irrégulière qu’aux cotisants. Comme le souligne une note de l’ARS communiquée à la rapporteure, l’engorgement des services hospitaliers pour la prise en charge des non assurés « dégrade la qualité ainsi que la sécurité des soins pour l’ensemble de la population mahoraise ».

● Cette situation apparaît particulièrement préjudiciable et injuste alors que l’état de santé des Mahorais est globalement très dégradé par rapport à la moyenne des Français. L’enquête « Unono Wa Maore » conduite par Santé publique France en 2019 a fourni un état des lieux alarmant de la santé publique sur le territoire. Elle révèle notamment :

– la prévalence élevée des maladies chroniques. Le diabète frappe 12,1 % des adultes, dont seuls 40 % ne connaissent pas leur maladie. 38,5 % des Mahorais sont hypertendus. Seuls 20 % d’entre eux ont une tension artérielle maîtrisée ;

– une situation nutritionnelle préoccupante. L’obésité touche près d’un adulte sur deux, et l’on observe en parallèle une insécurité alimentaire structurelle ;

– une forte exposition à des risques infectieux majeurs, liés à la géographie et au climat tropicaux ainsi qu’aux conditions sanitaires souvent précaires, et véhiculés par les flux migratoires importants qui se traduisent par des maladies importées : fièvre typhoïde, hépatite A, leptospirose, diphtérie, tuberculose, virus de l’immunodéficience humaine, choléra…

Près de la moitié des habitants de Mayotte ayant eu besoin d’un soin ont dû le reporter ou y renoncer

« À chaque âge, les habitants de Mayotte déclarent plus souvent une santé dégradée. Ainsi, parmi les jeunes de 15 à 24 ans, 5 % sont dans ce cas contre 1 % dans l’Hexagone. À partir de 65 ans, 47 % des habitants de Mayotte se disent en mauvaise ou très mauvaise santé, soit trois fois plus qu’au niveau national (14 %). À structure de population par âge comparable à celle de la métropole, 21 % des habitants de Mayotte seraient alors concernés. Mayotte serait ainsi le Drom le plus touché.

Cette perception d’un état de santé plus dégradé fait écho à une réalité : à chaque âge, la mortalité est plus élevée que dans l’Hexagone. La différence s’intensifie avec l’avancée en âge. De 20 à 39 ans, il y a ainsi près de deux fois plus de décès pour 1 000 habitants que dans l’Hexagone. Aussi, l’espérance de vie à la naissance est nettement plus faible à Mayotte : elle s’élève à 75 ans en 2019, soit huit ans de moins qu’en métropole.

De plus, 5 % des habitants de Mayotte se trouvent très fortement limités dans leurs activités quotidiennes en raison d’un problème de santé ; c’est moins qu’en métropole (9 %). Mais 15 % des personnes éprouvent aussi des difficultés à marcher, contre 9 % en métropole. »

Source : Enquête Santé DOM en 2019 INSEE ANALYSES MAYOTTE No 29 Paru le : 29/07/2021

espérance de vie à la naissance en 2019 selon le territoire

● Les études décrivant cet état de santé dégradé général à Mayotte ne prennent pas en compte l’impact médical du cyclone Chido sur la population. Les blessures physiques et psychiques immédiates et avec effet retard sont massives et encore difficiles à complètement mesurer. La destruction des services de santé et la continuité des soins assurée « en mode dégradé », sur le mode de la médecine de guerre ou médecine humanitaire, dans des conditions extraordinairement difficiles, ont entrainé des ruptures de soins et des retards de diagnostics.

Ainsi que le souligne l’ARS de Mayotte dans la note annexée au présent rapport, « le passage du cyclone Chido a parachevé la fragilisation du système de santé mahorais » en détériorant une partie importante des structures de soins, en accentuant les retards de prise en charge et en majorant les risques épidémiques.

Dans ce contexte d’une (re)Construction de Mayotte qui n’a pas démarré, cinq mois après le cyclone Chido, les médecins ont, lors de leur audition, rapporté un état inquiétant d’épuisement, de morosité et d’angoisse dans l’ensemble de la population mahoraise, qui survit dans des conditions sanitaires, économiques et quotidiennes particulièrement difficiles.

Les Mahorais supportent de moins en moins la rupture d’égalité vécue au quotidien par les difficultés d’accès à l’eau potable, aux soins, à l’éducation. La cherté de la vie, les pénuries et la suspension partielle de nombreux services publics comme l’école ont poussé de nombreuses familles à s’installer hors de Mayotte : l’éclatement familial et l’adaptation forcée sont autant de facteurs de souffrance, qui se traduisent par une augmentation des burn-outs, dépressions, AVC et maladies liées au stress, observable sur place.

La rapporteure alerte ainsi ses collègues sur la montée en puissance d’un « ras-le-bol » social dans l’île, qui impose au législateur d’apporter des réponses de manière urgente.

2.   Le phénomène des évacuations sanitaires est emblématique de cette éviction

Les évacuations sanitaires sont révélatrices de l’injustice à laquelle sont confrontés les Mahorais dans leur accès aux soins. La saturation du plateau technique et le caractère très limité de l’offre de soins impose de recourir aux évacuations sanitaires dans de nombreuses situations, soit en urgence soit de manière programmée, parfois simplement pour consulter un médecin spécialiste auquel les Mahorais n’ont pas accès sur leur territoire.

Ces évacuations sanitaires ont concerné près de 1 800 patients en 2024, très majoritairement orientés vers La Réunion (environ 1 700 patients). Elles sont effectuées par des vols spécialement affrétés ou par des vols commerciaux. Or, il apparaît que seuls 60 % des patients transférés à La Réunion sont affiliés à la sécurité sociale.

Pour les 40 % restants, des étrangers en situation irrégulière, une organisation a été mise en place entre le centre hospitalier de Mayotte et l’ARS de la Réunion, pour systématiser l’ouverture de droits à l’AME dès l’arrivée sur le sol réunionnais. Il est difficile de comprendre dans quelle mesure l’administration s’assure que ces patients étrangers en situation irrégulière en provenance de Mayotte répondent au critère d’attribution de l’AME, à savoir un séjour minimum de trois mois sur le territoire national. Un bureau particulier a également été mis en place au sein du centre hospitalier de Mayotte, en lien avec la Préfecture, pour la délivrance de laisser passer permettant à ces étrangers en situation irrégulière (ou ceux bénéficiant d’un visa territorialisé spécifique à Mayotte) de circuler sur le reste du territoire national.

À nouveau, l’état de santé relativement plus dégradé des étrangers en situation irrégulière induit un effet d’éviction sur les patients mahorais, dont la situation est jugée moins urgente, et qui se voient souvent opposer l’argument du manque de sièges dans les vols sanitaires. Il arrive fréquemment que, face à des délais qui s’allongent sans cesse, les familles aient à se cotiser pour que leurs proches – assurés sociaux – puissent se rendre à La Réunion à leurs frais recevoir des soins. Ces déplacements donner lieu à indemnisation postérieure des assurés ; celle-ci n’est cependant ni systématique, ni intégrale.

III.   il apparaît urgent de faire entrer mayotte dans le droit commun de l’Aide médicale de l’État

L’ensemble des interlocuteurs auditionnés par la rapporteure s’accordent sur un constat : le statu quo n’est pas tenable. Le système de santé mahorais doit évoluer sur la question de la prise en charge des étrangers en situation irrégulière, toujours plus nombreux. Beaucoup parmi les élus locaux, les médecins, les soignants et les institutions estiment que la mise en place de l’AME à Mayotte serait une mesure de cohérence et de justice, de nature à améliorer l’accès aux soins pour tous.

Pour autant, lors de leurs auditions, les directeurs généraux du centre hospitalier et de l’ARS de Mayotte, de même que les administrations centrales, ont déclaré leur opposition à la mise en place de l’AME à Mayotte, en évoquant le risque d’un appel d’air migratoire et une inadaptation des structures locales. Cette position interroge, à la lecture d’une note datée du 14 avril 2025 (cf. annexe), signée du directeur général de l’ARS de Mayotte, qui souligne que l’absence d’AME « génère une situation structurellement déséquilibrée qui met en péril la pérennité du système de santé local, limite son développement et compromet l’égalité d’accès aux soins » des Français de Mayotte.

A.   rendre l’Aide médicale de l’État applicable à mayotte, un impératif de cohérence, de transparence et de justice

1.   L’objectif de la proposition de loi : faire entrer Mayotte dans le droit commun de l’aide médicale de l’État

La présente proposition de loi n’a pas pour objectif de réclamer un traitement de faveur, une discrimination positive pour les Mahorais, par ailleurs confrontés à des difficultés importantes en raison de leur environnement. Elle vise simplement une égalité des droits avec le reste de la France. Mayotte est le seul département français où l’aide médicale de l’État n’est pas applicable. Cette différence, qui pouvait être conçue comme une solution transitoire à la prise de l’ordonnance précitée du 31 mai 2012, n’a nullement vocation se pérenniser.

Ainsi que l’a rappelé le Président de la République lors de sa venue à Mayotte en avril 2025, la départementalisation de l’île l’a inscrite dans un processus de convergence sociale, dont l’échéance est fixée à 2031, et dont la temporalité doit être accélérée. Il n’y a aucune raison objective pour que l’aide médicale de l’État, qui constitue le droit commun de la prise en charge des étrangers en situation irrégulière en France, ne soit pas applicable à Mayotte. Ces raisons existent d’autant moins que les motivations qui ont justifié la création de l’AME sont encore plus valables à Mayotte, du fait du poids très important de l’immigration irrégulière.

Dès lors, il importe – et c’est l’objectif de l’article 1er de la présente proposition de loi – de supprimer la dérogation qui exclut les habitants de Mayotte du bénéfice de l’aide médicale de l’État.

2.   Un impératif de cohérence

L’application de l’AME à Mayotte est un impératif de cohérence dans la mesure où ce dispositif a précisément été conçu pour éviter des situations comme celle d’aujourd’hui à Mayotte. Lors de leur audition, MM. Claude Évin et Patrick Stefanini, auteurs d’un rapport sur l’aide médicale de l’État ([7]), ont souligné l’utilité reconnue de ce dispositif pour prévenir les risques épidémiques et éviter de faire converger les étrangers en situation irrégulière vers une offre de soins hospitalière plus lourde et plus onéreuse.

Au regard de ces deux ambitions, l’application de l’AME se justifierait pleinement à Mayotte. Elle semble même nécessaire et urgente.

S’agissant du premier objectif, on observe à Mayotte des risques épidémiques persistants, largement véhiculés par la population immigrée. Pour ne citer qu’un exemple, rapporté par Santé publique France, un cas de choléra a été importé des Comores en mars 2024, donnant lieu à une transmission communautaire dans un quartier précaire de la commune de Koungou, confronté à des fortes difficultés d’accès à l’eau potable et à un assainissement défaillant. Dans ce contexte, l’épidémie s’est propagée et 221 cas ont été signalés jusqu’en juillet 2024, date à laquelle elle a pu être jugulée.

Le second objectif consiste à éviter un report des étrangers en situation irrégulière vers une offre de soins plus lourde, hospitalière, du fait de l’aggravation de leur état de santé. Cet écueil est celui que vivent les Mahorais au quotidien. Leurs services hospitaliers sont saturés d’étrangers en situation irrégulière, dont la prise en charge précoce aurait évité l’hospitalisation. Par ailleurs, l’absence de relais possibles en médecine de ville conduit à prolonger les hospitalisations, accentuant d’autant l’engorgement hospitalier. L’hôpital se trouve alors contraint de fonctionner en permanence en mode dégradé, submergé par la gestion des urgences et des maternités.

3.   Un impératif de transparence

L’application de l’AME à Mayotte est aussi un impératif de transparence dans la mesure où les soins actuellement apportés aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte sont « invisibilisés », fondus dans l’enveloppe dédiée aux assurés sociaux qui sont pourtant les seuls à cotiser à la caisse de sécurité sociale.

Au-delà des estimations fournies en première partie, il n’existe aucune traçabilité précise du coût des soins prodigués aux non assurés sociaux. Elle seule permettrait pourtant leur prise en charge, au juste niveau, par l’État.

4.   Un impératif de justice pour l’accès aux soins des Mahorais

Les Mahorais sont citoyens français au même titre que les autres. Rien ne justifie qu’ils ne puissent prétendre à l’égalité d’accès aux soins avec leurs concitoyens des autres départements. Le législateur doit faire exister cette égalité d’accès aux soins, telle que la République l’entend, sur le territoire de Mayotte. Cela ne sera possible qu’en recentrant l’hôpital sur ses missions de second recours et en solvabilisant la population étrangère en situation irrégulière auprès des professionnels de ville.

Il importe ainsi, comme le souligne le directeur général de l’ARS de Mayotte dans une note communiquée à la rapporteure, de « mettre en place le dispositif d’AME ou un équivalent à l’AME, adapté aux réalités locales, tout en permettant une meilleure traçabilité et une équité de traitement à l’échelle nationale ».

B.   les craintes attisées contre l’application de l’aide médicale de l’État à mayotte doivent être relativisées

Certains s’opposent à l’application de l’AME à Mayotte en agitant des craintes qui ne sont pas sérieusement étayées.

1.   La théorie de l’appel d’air migratoire apparaît peu crédible

L’argument le plus souvent mobilisé contre l’application de l’AME à Mayotte est celui de l’appel d’air migratoire. C’est d’ailleurs également un argument utilisé en faveur d’une abolition de l’AME en France. À Mayotte, la rapporteure estime que cet argument peut être invalidé pour deux motifs.

Premièrement, de l’avis de l’ensemble des personnes auditionnées, l’accès aux soins est rarement un facteur déterminant dans la décision de migration. Dans leur rapport précité, Claude Évin et Patrick Stefanini soulignent que « l’AME n’apparaît pas comme un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration », même si elle peut contribuer au maintien en situation de clandestinité une fois sur le territoire français.

En outre, s’il doit y avoir une migration vers Mayotte motivée par les soins, elle existe déjà comme l’illustre le phénomène des kwassa-kwassa sanitaires. Dans l’état actuel des choses, les étrangers en situation irrégulière sont d’ores et déjà pris en charge gratuitement, ou presque, dans les structures hospitalières de l’île. Cette information est connue des candidats à l’émigration et il est plus que vraisemblable que l’introduction de l’AME n’affecterait que marginalement des flux d’ores et déjà très importants. Comme l’ont exprimé les médecins auditionnés, le sentiment dominant est que « l’AME ne changera pas grand-chose », que « les migrants viendront quoi qu’il en soit ».

2.   L’argument d’une incapacité des structures mahoraises à intégrer ce dispositif doit être résolument combattu

L’argument opposé par les administrations centrales contre l’application de l’AME à Mayotte est que les structures mahoraises, principalement l’hôpital et la caisse de sécurité sociale, seraient incapables d’absorber la charge administrative résultant de ce dispositif. En particulier, l’hôpital, actuellement financé par une dotation globale, ne pourrait pas basculer vers la tarification à l’activité (T2A) indispensable à l’introduction de l’AME ; la caisse de sécurité sociale ne parviendrait pas à gérer l’affiliation d’un nombre massif d’étrangers en situation irrégulière.

La rapporteure tient à combattre résolument cet argument pour deux raisons.

D’une part, les structures mahoraises peuvent tout à fait évoluer et monter en compétence – de la même manière que le reste du pays, dont les structures ont bien su s’adapter au passage à la T2A – à condition que la décision soit prise par les autorités nationales, qui doivent fixer un calendrier et donner les moyens financiers et humains pour le mettre en œuvre, en les accompagnant.

D’autre part, des solutions transitoires seraient envisageables pour instituer l’AME à Mayotte selon des modalités adaptées au territoire.

Interrogé sur ce point, le directeur général du centre hospitalier de Mayotte, M. Jean-Mathieu Defour, a estimé qu’un « système transitoire de financement de l’AME » à Mayotte était « tout à fait concevable, en s’appuyant sur l’expérience historique pré-tarification à l’activité et sur les spécificités du territoire ».

En effet, l’AME a été instituée en droit commun à partir de 2000 ([8]), soit plusieurs années avant que la T2A ne soit introduite dans les hôpitaux ([9]). Il serait possible de prendre exemple sur cette expérience pour déterminer, à Mayotte, des forfaits de financement par type de pathologie ou par journée d’hospitalisation, dans l’attente du déploiement de la T2A. Comme l’a souligné M. Defour, l’hôpital de Mayotte ne partirait pas de rien dans la mesure où il est déjà tenu de coder les actes réalisés, y compris dans le cadre d’un financement par dotation annuelle.

3.   Il ne saurait être donné crédit à l’argument de l’insuffisance de l’offre de ville

Lors des auditions, plusieurs interlocuteurs ont souligné qu’en l’état actuel du système de soins mahorais, l’effet de désengorgement de l’hôpital attendu de la mise en place de l’AME serait limité par le faible développement de la médecine de ville.

Si la médecine de ville est si peu développée à Mayotte, c’est aussi parce que près de la moitié de la population ne peut y recourir, faute d’être solvabilisée par l’AME. Il importe donc, en priorité, de lever ce verrou pour ouvrir la porte au développement de la médecine de ville.

Il sera par ailleurs indispensable de renforcer l’attractivité de l’exercice libéral. À cet égard, dans le cadre du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte ([10]), les mesures relatives à la création d’une zone franche d’activité nouvelle génération (ZFANG) sur ce territoire, qui devraient également profiter aux professionnels de santé, sont porteuses d’espoir. Lors de son audition, le docteur Jaouadi a souligné que cette zone franche avait bien fonctionné en Guyane, où elle a permis l’installation de 30 % à 40 % de médecins généralistes supplémentaires.


   Commentaire des articles

Article 1er
Étendre l’application de l’aide médicale de l’État à Mayotte

Rejeté par la commission

L’article 1er étend l’application de l’aide médicale de l’État à Mayotte pour la prise en charge des soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière, supprimant une dérogation introduite après la départementalisation de ce territoire. L’entrée de Mayotte dans le droit commun ouvrira l’accès aux soins de ville pour ces étrangers et permettra une meilleure traçabilité des dépenses qui leur sont consacrées.

  1.   le droit existant
    1.   Lors de la dÉpartementalisation de Mayotte, le choix a ÉtÉ fait de ne pas y appliquer l’aide médicale de l’État
      1.   L’aide médicale de l’État, un dispositif spécifique pour prendre en charge des étrangers en situation irrégulière

● L’aide médicale de l’État (AME) a été créée par la loi du 27 juillet 1999 portant création de la couverture maladie universelle ([11]). Elle assure une protection médicale aux étrangers qui ne peuvent être affiliés à un régime de sécurité sociale en raison de leur situation irrégulière au regard de la réglementation relative au séjour sur le territoire national.

Elle se substitue, à compter du 1er janvier 2000, au dispositif antérieur d’aide médicale à la charge des départements et, par exception, de l’État, destiné à la fois aux Français et aux étrangers sans couverture sociale.

● L’AME est prévue au titre V du livre II de la partie législative du code de l’action sociale et des familles, aux articles L. 251‑1 à L. 254‑2, qui détermine les dispositions applicables aux personnes non bénéficiaires de la couverture maladie universelle.

Elle est applicable à tout étranger en situation irrégulière résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, disposant de ressources inférieures à un certain seuil ([12]), correspondant à celui fixé pour l’éligibilité à la complémentaire santé solidaire (C2S).

Le droit à l’AME est accordé, sur dossier, par la caisse de sécurité sociale, qui en assure l’instruction pour le compte de l’État ([13]). Elle est prise en charge par l’État bien que sa gestion soit déléguée à l’assurance maladie ([14]). L’État alloue son financement dans le cadre du programme 183 Protection maladie de la mission Santé, à hauteur de 1,2 milliard d’euros pour 2025.

● L’AME ouvre droit à un panier de soins et de services similaire à celui ouvert aux bénéficiaires de la C2S, avec prise en charge à 100 % et dispense d’avance de frais, en ville comme à l’hôpital, sous réserve des restrictions suivantes :

– exclusion des médicaments « princeps » ([15]), des médicaments à service médical rendu faible, des actes et produits spécifiques à la procréation médicalement assistée (PMA) et aux cures thermales ;

– restriction partielle pour certains soins et traitements non urgents et pouvant faire l’objet d’une programmation, pris en charge au terme d’un délai de neuf mois après l’admission à l’AME (interventions de la cataracte, du canal carpien, pose de prothèses...) ;

– non éligibilité au dispositif du 100 % santé pour les soins audio, dentaires et optiques.

  1.   ... dont Mayotte a été écartée au moment de la départementalisation

● La départementalisation de Mayotte prévue par la loi du 7 décembre 2010 a fait entrer cette collectivité dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, qui définit le droit applicable aux départements et régions d’outre-mer et aux collectivités territoriales uniques ([16]). En vertu de cet article, c’est le principe d’assimilation, ou identité législative, qui s’applique : les lois et règlements nationaux sont applicables de plein droit. Des adaptations peuvent toutefois être prévues pour mieux répondre aux caractéristiques et contraintes locales.

● Dans cet esprit, l’ordonnance du 31 mai 2012 a défini les modalités d’extension du code de l’action sociale et des familles à Mayotte ([17]).

S’agissant de l’aide médicale de l’État, cette ordonnance introduit dans le code de l’action sociale et des familles un article L. 5425, qui substitue aux dispositions relatives à l’AME les modalités applicables depuis 2004 à Mayotte pour la prise en charge des soins aux étrangers en situation irrégulière ([18]) , telles que définies à l’article L. 64165 du code de la santé publique.

  1.   Les étrangers en situation irrÉgulière sont pris en charge selon des modalitÉs spÉcifiques
    1.   Une prise en charge exclusivement à l’hôpital public

L’article L. 64165 du code de la santé publique précise les modalités applicables à la facturation, par les établissements publics de santé, des soins prodigués à des patients qui ne sont pas affiliés à la sécurité sociale de Mayotte.

L’introduction de ces dispositions au sein de la sixième partie du code de la santé publique relative aux établissements de santé, et non du code de l’action sociale et des familles comme pour l’AME, illustre le périmètre beaucoup plus restreint du mécanisme en vigueur à Mayotte. La prise en charge des étrangers en situation irrégulière y est seulement organisée auprès des établissements publics de santé, et donc du centre hospitalier de Mayotte, unique établissement de l’île, et de ses antennes.

Ce périmètre restreint de la prise en charge a un impact de grande ampleur. Il tend, en fermant l’accès aux soins de ville dispensés par des médecins et infirmiers libéraux ainsi que par des officines, à concentrer les étrangers en situation irrégulière dans une structure hospitalière initialement conçue pour assurer le second recours pour l’ensemble de la population.

  1.   Une prise en charge à titre gratuit dans de nombreuses situations

Le principe général posé à l’article L. 6416‑5 est que les frais d’hospitalisation, de consultations et d’actes externes sont acquittés directement par les patients non affiliés à la sécurité sociale de Mayotte.

Cependant, si les ressources du patient sont inférieures à un certain plafond, ces frais peuvent être pris en charge par l’État dans les situations suivantes :

– le défaut de soins pourrait entraîner une altération grave et durable de l’état de santé du patient ;

– les soins s’intègrent dans la lutte contre les maladies transmissibles ;

– ils concernent les mineurs ou sont destinés à préserver la santé de l’enfant à naître.

  1.   Le versement théorique d’une provision financière

L’alinéa 9 de l’article L. 6416‑5 dispose qu’en dehors des situations susmentionnées, les patients non affiliés sont en principe tenus de verser une provision financière pour accéder aux soins. Le montant de cette provision est déterminé par le directeur général de l’ARS, par catégorie de soins. À titre d’exemple, la provision est actuellement de 10 euros pour une consultation de médecin généraliste et de 15 euros pour une consultation de spécialiste.

Dans les faits, cette règle a longtemps été très largement contournée, les patients se rendant directement auprès des médecins sans passer par le bureau des entrées. Le directeur général du centre hospitalier de Mayotte, M. Jean-Mathieu Defour, a cependant rapporté avoir rendu obligatoire l’obtention d’un document de circulation délivré par la régie, attestant le versement de la provision, pour accéder aux soins.

À l’heure actuelle, un patient qui ne peut verser la provision financière demandée est envoyé auprès d’un médecin chargé d’évaluer son état de santé afin de déterminer s’il s’agit d’une urgence ou non. La rapporteure estime anormal de demander aux médecins de trier les patients ; c’est contraire à leur serment qui impose de délivrer des soins à quiconque les demandera. Dans les faits, rares sont d’ailleurs les médecins qui refusent de soigner pour ce motif financier.

  1.   le droit proposé
    1.   faire entrer mayotte dans le droit commun de l’aide médicale de l’État

L’article 1er fait entrer Mayotte dans le droit commun de la prise en charge des soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière, en y rendant l’aide médicale de l’État applicable.

À cette fin, le I abroge l’article L. 542‑5 du code de l’action sociale et des familles qui avait, avec l’ordonnance précitée du 31 mai 2012, introduit une dérogation à Mayotte. Cette seule disposition conduit à rendre l’AME applicable de plein droit dans le Département.

Par mesure de cohérence, le II modifie l’article L. 6416‑5 du code de la santé publique pour exclure les bénéficiaires de l’AME des non assurés sociaux pouvant se voir facturer directement les soins ou être contraints au versement d’une provision financière pour leur prise en charge à l’hôpital public.

  1.   des adaptations nÉcessaires

L’article 1er a pour seul objectif d’appliquer le droit commun à Mayotte dans une optique d’égalité des droits entre citoyens des différents départements français, en cohérence avec le principe d’identité législative.

La situation particulière de Mayotte impliquera néanmoins des aménagements dans la mise en place de l’AME, qui pourront être prévus par voie réglementaire. En effet, l’essentiel des modalités régissant ce dispositif sont définis par décret en Conseil d’État.

Ces aménagements viseront notamment à :

– permettre l’application de l’AME dans un système de financement hospitalier par dotation globale, la tarification à l’activité (T2A) étant étrangère à Mayotte. Cette difficulté n’est pas rédhibitoire quand on considère que l’AME a initialement fonctionné avec des hôpitaux en dotation globale en droit commun, la T2A n’étant apparue qu’à partir de 2004 ;

– prévoir des modalités spécifiques et probablement simplifiées pour l’affiliation massive d’un nombre important d’étrangers en situation irrégulière à Mayotte. Cela impliquera également de renforcer substantiellement les ressources humaines de la caisse de sécurité sociale de Mayotte.

*

*     *

Article 2
Gage de recevabilité financière

Rejeté par la commission

La présente proposition de loi étend le bénéfice d’une prestation sociale, l’aide médicale de l’État, à Mayotte. Ce faisant, elle génère une charge au titre de l’article 40 de la Constitution.

Cette charge pourrait néanmoins être plus que compensée par une réduction des surcoûts liés à la prise en charge trop tardive des étrangers en situation irrégulière, alors que leur état s’est aggravé, ainsi que des surcoûts dus à l’utilisation inadaptée du plateau technique hospitalier et au recours croissant aux évacuations sanitaires, du fait des déséquilibres induits dans le système de soins.

Néanmoins, pour satisfaire aux règles de la recevabilité financière, le présent article gage cette proposition de loi en prévoyant que les charges induites pour l’État et la sécurité sociale seront compensées, à due concurrence, par une majoration de l’accise sur les tabacs.



–– 1 ––

   Travaux de la commission

Lors de sa première réunion du mercredi 7 mai 2025, la commission examine la proposition de loi visant à étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte (n° 1239) ([19]).

Mme Estelle Youssouffa, rapporteure. Française depuis 1841, Mayotte a obtenu de haute lutte et par le vote, en 2011, la départementalisation, marquant ainsi son ancrage dans la République. En vertu du régime de l’identité législative, le droit commun français doit s’appliquer dans l’archipel, sauf lorsque des adaptations sont nécessaires pour tenir compte des spécificités locales. Pourtant, c’est plutôt par immobilisme que Mayotte est tenue à l’écart de ce droit commun, et ce en dépit des besoins locaux.

À Mayotte, l’aide médicale de l’État (AME), qui organise la prise en charge des soins aux étrangers en situation irrégulière partout en France, n’est pas applicable. Une dérogation a été adoptée par ordonnance en 2012 pour exclure Mayotte de l’AME. Or notre département subit une pression migratoire extraordinaire, essentiellement en provenance des Comores : entre un tiers et la moitié des habitants de Mayotte sont des étrangers, le plus souvent en situation irrégulière. Mayotte est donc, paradoxalement, le territoire où l’AME serait le plus nécessaire.

L’AME n’a pas été créée pour des raisons philanthropiques mais parce qu’il est apparu indispensable, dans l’intérêt général, de garantir l’accès aux soins des étrangers en situation irrégulière. La raison en est triple : sanitaire, afin d’éviter la propagation d’épidémies ; financière, afin de solvabiliser une population en besoin de soins auprès de la médecine de ville, des officines et des laboratoires d’analyse ; et budgétaire, afin d’éviter des prises en charge beaucoup plus lourdes si les étrangers se présentaient à l’hôpital dans un état dégradé faute de soins.

Il n’y a donc aucune raison objective et rationnelle de ne pas appliquer ce dispositif à Mayotte. Ce que l’on cherche à éviter avec l’AME, c’est justement ce que les Français de Mayotte subissent au quotidien : les épidémies – l’île a été touchée par le choléra en 2024 –, la saturation de l’hôpital public et les surcoûts liés à des prises en charge lourdes.

À Mayotte, l’unique hôpital public fonctionne dans un état de crise permanent, parce qu’il est complètement engorgé par la prise en charge des étrangers en situation irrégulière. L’activité de l’hôpital se résume pour l’essentiel à la gestion des urgences et de plus de 10 000 accouchements par an, concernant à 75 % des femmes comoriennes. Au moins 40 % de l’activité de l’hôpital est consacrée à ces étrangers sans papiers, pour un coût annuel d’au moins 123 millions d’euros sur une dotation de 320 millions – sans compter le coût des médicaments distribués gratuitement ni celui de la protection maternelle et infantile liée à 80 % aux étrangères en situation irrégulière.

C’est un fait, Mayotte paye très cher le fait de ne pas avoir l’AME. Ce ne sont pas les étrangers en situation irrégulière qui en paient le prix – eux sont majoritairement pris en charge gratuitement à l’hôpital – mais les assurés sociaux français de Mayotte. Ils le paient même doublement, d’une part à travers leurs cotisations, qui financent la dotation de l’hôpital et dont 40 % sont utilisées pour soigner ces étrangers, et d’autre part par le sacrifice de leur santé.

L’engorgement de l’hôpital pour la prise en charge des étrangers sans papiers entraîne un effet d’éviction scandaleux pour les assurés sociaux. Pour dire les choses simplement, notre unique hôpital est devenu celui des étrangers ; pour nous, Mahoraises et Mahorais, quasiment rien. Notre hôpital étant saturé par des étrangers en situation irrégulière en très grande détresse médicale – personne ne le conteste – et les moyens investis dans la santé publique étant réduits, les assurés sociaux de Mayotte sont invités à se débrouiller par eux‑mêmes pour se soigner à leur frais. Totalement concentré sur les accouchements et les urgences, avec seulement dix blocs opératoires pour 450 000 habitants, notre seul hôpital n’a ni la place, ni les ressources humaines pour de la chirurgie programmée ou toute autre forme de soins spécialisés.

Le ministère de la santé a donc organisé une externalisation en règle de la santé des Mahorais à La Réunion et dans l’Hexagone : pour tout soin plus complexe qu’un accouchement ou une urgence vitale, nous devons accéder à une évacuation sanitaire (Evasan). Cela implique d’avoir suffisamment de chances de survie pour être sélectionné par un comité médical pour prendre une ambulance, puis un bateau, puis l’avion pour trois heures de vol jusqu’à La Réunion. Le nombre de places étant limité et les étrangers en situation irrégulière occupant 40 % des places des évacuations sanitaires en provenance de Mayotte, les familles mahoraises doivent se saigner aux quatre veines pour envoyer, sans assistance médicale et à leurs propres frais, un assuré social se faire soigner à l’extérieur. Voilà la réalité du phénomène d’éviction dans le plus désert de tous les déserts médicaux de France : la population la plus pauvre de France, à la plus faible espérance de vie, au plus mauvais état de santé, la plus éloignée de toute technologie médicale normale, qui cotise à la sécurité sociale, doit payer de sa poche pour aller se soigner au minimum à 1 420 kilomètres, voire 10 000 kilomètres quand il faut se rendre dans l’Hexagone.

Les Mahorais ne peuvent se faire soigner ni à l’hôpital, ni en ville. Il y a dans l’archipel, pour quelque 400 000 habitants, seulement une vingtaine d’équivalents temps plein pour les médecins généralistes libéraux, et une petite dizaine de spécialistes. Inciter un médecin à s’installer à Mayotte est une mission quasi impossible car il n’a aucune garantie d’avoir une file active solvable suffisante. Avec la moitié de la population en situation irrégulière et sans AME, la médecine de ville n’est pas solvabilisée et ne peut pas se développer à Mayotte, non plus que les officines et les cabinets d’infirmiers libéraux.

On aura beau prévoir des mesures incitatives, il n’y a aucune chance que cela change tant qu’on n’aura pas levé ce verrou. Il faut permettre aux étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire d’être pris en charge en ville. Pour cela, il nous faut l’AME. Tous les acteurs locaux s’accordent sur ce point, y compris le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), dont j’ai publié une note en annexe de mon rapport.

Face à ce constat, que font les responsables politiques nationaux ? Que fait la haute administration ? Rien. Ils se bornent à répéter qu’il n’est pas possible de mettre en place l’AME à Mayotte, parce que cela créerait un appel d’air pour l’immigration clandestine. Or l’appel d’air est déjà là : 30 000 entrées irrégulières sont détectées chaque année. L’Union des Comores a mis en place une politique de colonisation de peuplement de Mayotte pour assurer sa revendication territoriale sur notre département. Les Comoriens ne viennent pas à Mayotte seulement pour se faire soigner ou aller à l’école, mais aussi et surtout pour accéder au droit du sol, parce que leur gouvernement les y encourage et leur dit qu’ils sont chez eux.

Le discours sur la pauvreté comme principal moteur de l’immigration comorienne a été battu en brèche par le passage du cyclone Chido, qui a épargné les Comores mais a totalement détruit Mayotte. Profitant de la destruction des radars, les Comores ont envoyé et continuent d’envoyer quotidiennement des migrants en masse sur notre île, alors que le système de santé, les écoles et l’économie de Mayotte ont été réduits à néant. Pourtant, la situation est inchangée aux Comores : ils ont de l’eau au robinet tous les jours, de l’électricité, des écoles, ainsi que des hôpitaux qui fonctionnent – certes de manière aléatoire mais la comparaison ne saurait être favorable à Mayotte. L’AME ne changera donc rien à des flux migratoires qui sont déjà massifs.

Le second argument du Gouvernement, c’est que les structures mahoraises – l’hôpital et la caisse de sécurité sociale de Mayotte – ne seraient pas capables d’absorber le déploiement de l’AME. Celui-ci impliquerait en effet la mise en place de la tarification à l’activité (T2A) à l’hôpital et l’affiliation d’un stock énorme d’étrangers, ce qui serait trop compliqué. Cet argument est inacceptable. Les hôpitaux de l’Hexagone sont tous passés à la T2A parce qu’on leur a laissé du temps et qu’on les a accompagnés. Pourquoi en irait-il autrement à Mayotte ? Il faut se fixer des objectifs et un calendrier, en se donnant les moyens d’y parvenir ; cela s’appelle une politique publique. C’est trop facile de dire qu’on n’y arrivera pas si on n’essaie pas.

Je n’ai toujours pas réussi à obtenir des administrations centrales ou de l’ARS une quelconque étude d’impact ou même de faisabilité sur la mise en place de l’AME à Mayotte. Personne ne travaille sur le sujet ; cela n’a même pas été envisagé.

Quelques jours après la visite du Président de la République à Mayotte, qui a estimé qu’il fallait accélérer le processus de convergence sociale, je constate que l’immobilisme est toujours de mise. Je ne peux que faire ce constat amer : les Français de Mayotte ne sont pas égaux en droits avec les Français de l’Hexagone. L’égalité d’accès aux soins est vide de sens dans notre département, et il y a une rupture d’égalité manifeste dans l’accès à la santé de vos compatriotes.

La représentation nationale ne peut pas accepter cette situation. Il faut agir, et il y a urgence. L’état de santé de nos concitoyens de Mayotte, qui était déjà très dégradé avant le passage du cyclone Chido, est désormais alarmant. Nous avons huit ans d’espérance de vie en moins que vous, des maladies chroniques, et des épidémies curables ici qui sont mortelles à Mayotte. Selon les médecins, la population vit dans un état d’anxiété et une souffrance psychique inédits. On voit se manifester à Mayotte tous les signes traumatiques consécutifs au passage du cyclone, dans un territoire en pleine désertification médicale. C’est pire qu’avant, alors que c’était déjà l’enfer médical.

Au fond, ma proposition de loi vise à faire en sorte que le droit commun, applicable partout ailleurs dans l’Hexagone et en outre-mer, s’applique enfin à Mayotte. La promesse républicaine nous y engage. L’AME permettra à l’hôpital de jouer son rôle et à la médecine de ville de se développer ; elle permettra que les Français assurés sociaux de Mayotte accèdent aux soins pour lesquels ils cotisent.

Je ne demande pas de traitement de faveur, ni de discrimination positive. Je demande simplement que l’AME joue dans ce département le rôle pour lequel elle a été créée en France. Je refuse absolument le phénomène de détresse médicale vécu par les Mahorais, leur calvaire quotidien pour accéder au droit fondamental qu’est l’accès à la santé.

Pour vous faire comprendre le sujet, j’ai lancé un appel à témoignages. Je vais vous en lire quelques-uns car je souhaite que résonne ici la voix de vos compatriotes de Mayotte, pour que vous compreniez ce que signifie de vivre dans le plus grand désert médical de France.

« Lors de la crise des urgences du centre hospitalier de Mayotte (CHM), un enfant de 2 ans est décédé des suites d’une erreur médicale évitable. L’enfant, souffrant d’une gastro-entérite aiguë, était dans un état de déshydratation critique nécessitant une réhydratation urgente et adaptée. Malheureusement, le médecin en charge était un médecin de la réserve sanitaire, sans formation ni compétence en pédiatrie. Il a alors administré par méconnaissance un produit de réhydratation totalement inapproprié pour les enfants et toxique. Dans ce contexte, ce traitement inadéquat a provoqué un arrêt cardiaque chez l’enfant, qui n’a pu être réanimé. L’événement indésirable a été officiellement signalé à la hiérarchie mais, à ce jour, aucune mesure correctrice structurelle n’a été mise en place. Malheureusement, ce drame n’est pas un cas isolé : la crise des urgences a causé dans l’ombre de nombreux préjudices graves, dont certains mortels. »

« Une patiente âgée d’environ 60 ans a été conduite aux urgences pour des symptômes évocateurs d’un accident vasculaire cérébral. Sur les recommandations les plus élémentaires, il lui fallait la réalisation en urgence d’une imagerie par résonance magnétique afin de confirmer ou d’écarter le diagnostic. Ce soir-là, le service des urgences fonctionnait en sous-effectif chronique, avec un personnel médical débordé, manquant de temps et de lits d’hospitalisation. Dans ce contexte, le médecin urgentiste, faute de ressources disponibles, a renvoyé la patiente à son domicile sans avoir pu effectuer les examens nécessaires. Deux jours plus tard, la fille a dû reconduire sa mère aux urgences, l’état neurologique s’étant aggravé, mais il était trop tard : la patiente présentait une paralysie complète de la moitié de son corps, conséquence irréversible du délai de prise en charge. Elle souffre aujourd’hui de séquelles lourdes nécessitant notamment l’installation et l’alimentation avec une poche dans son ventre reliée à son estomac. »

« Agression par une pierre qui a atteint mon œil gauche. Aucun acte médical au CHM à part un antidouleur car zéro spécialiste. Même pas droit à une chambre individuelle. Évacuation sanitaire quatre jours plus tard à La Réunion. Perte totale de la vue de l’œil gauche. »

« J’ai passé deux jours à jeun à attendre pour passer au bloc pour une intervention bénigne car je n’avais pas une urgence vitale. J’ai vu une femme accoucher par terre dans le couloir sans que personne ne s’en rende compte. J’ai entendu une soignante s’effondrer en disant qu’elle venait de voir une patiente en attente avec 7 de tension et 35 de température. Il pleuvait dans le couloir de l’hôpital. »

« Je connais quelqu’un d’une cinquantaine d’années à qui on a mis une sonde urinaire sans avoir eu de diagnostic. Sa famille a voulu l’“évasaner”, c’est-à-dire l’envoyer se faire soigner hors du territoire, mais cela a été refusé. Au bout de presque six mois à attendre son évacuation sanitaire, après avoir fait pression auprès du préfet et demandé l’aide d’un député, ce patient a été envoyé à La Réunion et on lui a expliqué que le cancer avait eu le temps de se généraliser. Il est devenu tétraplégique et a fini par décéder. »

« Je suis Mahoraise, insérée, je travaille dans le service public de l’État, mon conjoint est enseignant et nous payons nos impôts. Pourtant, quand nous avons besoin de nous soigner et de soigner notre famille, nous sommes obligés de payer un billet d’avion et un Airbnb. C’est un véritable gouffre financier. Nous avons eu six ans de parcours de procréation médicalement assistée (PMA), plusieurs allers-retours et plusieurs locations Airbnb mais les règles d’Evasan sont complètement arbitraires : nous avons réussi à obtenir le remboursement de seulement deux séjours sur six. Actuellement, nous sommes en train d’anticiper l’accès aux soins en tant que futurs parents puisque nous avons réussi, Dieu merci, à aboutir dans notre projet de PMA. Nous serons obligés d’investir dans une résidence secondaire à La Réunion afin de faciliter nos futurs séjours médicaux.

« Je pourrais citer d’autres exemples de parents qui ont dû évasaner à leurs propres frais car ils n’ont pas pu faire confiance au système de santé mahorais. Je peux vous parler du cas de notre mère, qui a retrouvé une seconde jeunesse grâce au shikowa – un système de cotisation familiale – que nous avons mis en place avec mes frères et mes sœurs pour l’envoyer subir presque deux mois de soins médicaux à Toulouse. Elle a dû faire deux séjours médicaux ; le premier, en 2022, a duré trois mois. Pour ce séjour, nous avions un budget de base de 4 000 euros pour le seul billet d’avion. Pour les dépenses sur place, chacun des enfants a dû envoyer un peu d’argent pour lui permettre de vivre dignement et de poursuivre les soins. Puis, une fois à Mayotte, on a dû la faire repartir dans la même clinique car des complications sont apparues. Cette fois-ci, elle est restée six mois dans l’Hexagone à ses frais. Au total, nous avons atteint la barre de 10 000 euros alors que nous n’étions que trois enfants à pouvoir payer les soins de notre maman. »

Chers collègues, je tiens à votre disposition des dizaines de témoignages de Mahorais qui subissent dans leur chair la réalité du désert médical de Mayotte. Ils sont la raison d’être de cette proposition de loi.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Yoann Gillet (RN). Mayotte est confrontée à de nombreux défis majeurs, dont celui de l’immigration massive, qui fait imploser les services publics, la sécurité, l’éducation et, bien sûr, le système de santé. Oui, l’immigration pèse lourdement sur Mayotte et oui, elle coûte cher à l’État, aux Français et donc aux Mahorais.

Les Mahorais sont à bout. Nous comprenons votre ras-le-bol, madame la rapporteure et, au Rassemblement national, nous le partageons. Comme vous, nous aimons Mayotte et comme vous, nous refusons qu’elle soit submergée.

Toutefois, étendre l’aide médicale de l’État à Mayotte ne fera qu’aggraver la situation. L’AME n’est pas une réponse : c’est un appel d’air amplifié. Instaurer l’AME à Mayotte, c’est accepter la submersion migratoire. L’urgence n’est pas de prendre en charge les soins des clandestins alors que tant de Français n’ont pas cette chance, mais de stopper les arrivées de clandestins, de reprendre le contrôle de nos frontières et de procéder aux expulsions.

Pour sauver Mayotte, il faut du courage, celui d’en finir avec la complaisance migratoire, de tenir un discours de vérité et de ne pas avoir la main qui tremble à l’heure de prendre des décisions.

Madame la rapporteure, vous nous trouverez toujours aux côtés des Mahorais et c’est justement parce que nous voulons sauver Mayotte que nous voterons contre cette proposition de loi. C’est parce que nous voulons sauver la France que, au Rassemblement national, nous souhaitons supprimer l’aide médicale de l’État au profit d’une aide médicale d’urgence sur l’ensemble du territoire national.

Madame la rapporteure, nous avons entendu les témoignages que vous nous avez lus. Nous en recevons également de nombreux et nous partageons la douleur et la colère des Mahorais. Malheureusement, il n’y a qu’une seule solution pour sauver Mayotte : mettre des moyens pour stopper la submersion migratoire.

Mme Mathilde Hignet (LFI-NFP). Notre devise, Liberté, Égalité, Fraternité, est loin de résonner dans le cent unième département français. Aide médicale de l’État, droit des étrangers, prestations sociales : rien ne justifie des règles dérogatoires. Pour ses détracteurs, rappelons que l’AME ne représente que 0,4 % des dépenses de santé du pays. Au-delà de son aspect humain, elle est une nécessité pour protéger l’ensemble de la population des maladies infectieuses.

Madame la rapporteure, nous voterons pour cette proposition de loi même si nous sommes en désaccord avec vos motivations. Le 27 avril, vous indiquiez dans une interview que la mise en place de l’AME à Mayotte permettrait de chiffrer le coût des soins offerts aux migrants et probablement de diminuer le panier de soins. Selon vous, les étrangers seraient la principale raison du manque d’accès aux soins dans l’archipel. Selon nous, c’est le manque d’investissement chronique de l’État dans les infrastructures qui pénalise le plus les Mahorais et les Mahoraises.

Mayotte ne compte que 260 médecins pour plus de 320 000 habitants, soit 81 médecins pour 100 000 personnes, contre 353 en moyenne en France hexagonale. Pour améliorer l’accès aux soins des Mahorais et des Mahoraises, vous auriez dû voter pour la régulation de l’installation des médecins examinée en séance le 2 avril dernier. Or vous vous êtes abstenue et Mme Bamana, du Rassemblement national, a voté contre.

Madame la rapporteure, vous souhaitez que Mayotte bénéficie du droit commun concernant l’AME, alors pourquoi vouloir instaurer un régime particulier pour le droit du sol ? L’extension de l’AME à Mayotte sera loin de résoudre le problème structurel d’accès aux soins de l’archipel. Le Président de la République a annoncé une augmentation du personnel de l’unique centre hospitalier de Mayotte, le CHM, qui est complètement saturé et ne peut répondre aux besoins de prise en charge. Les chambres sont triples pour accueillir tous les patients. Les travaux n’ont toujours pas débuté après les dégâts causés par Chido. Malgré les beaux mots, l’égalité réelle à Mayotte n’avance pas et Chido a aggravé les inégalités. L’État n’est pas à la hauteur de son devoir envers les Mahorais et les Mahorais.

M. Philippe Naillet (SOC). Je souhaite en premier lieu avoir une pensée renouvelée au nom de mon groupe pour les Mahoraises et les Mahorais qui subissent encore les répercussions violentes du cyclone Chido six mois après son passage. Le bilan humain et matériel de cette catastrophe a été aggravé par une situation très dégradée et un retard structurel important par rapport à l’Hexagone.

Le secteur sanitaire ne fait malheureusement pas exception, comme j’ai pu le constater en visitant le CHM il y a quelques jours. Ce département, français depuis 2011, constitue une exception au pacte républicain puisque l’AME ne s’y applique pas. Ce statut à part est à l’origine de préjudices considérables pour les personnes concernées – retards d’accès aux soins, reste à charge très élevé – et pour la population mahoraise, dont les services d’urgence sont engorgés.

Le premier désert médical de France se trouve à Mayotte, avec 83 médecins pour 100 000 habitants en 2022, contre 330 pour 100 000 habitants dans l’Hexagone. Contrairement à ce que certains prétendent, c’est le CHM qui en subit les conséquences puisque 50 % des séjours hospitaliers sont le fait de personnes non affiliées à la protection sociale, et même 90 % des consultations en protection maternelle et infantile.

Les promoteurs de cette exception au droit commun la justifient par la nécessité d’éviter toute forme d’appel d’air ; compte tenu des faits que je viens de rappeler, on voit que cela n’a pas de sens. De nombreux travaux concluent à la nécessité d’appliquer l’AME à Mayotte. Dans le rapport commandé par le Gouvernement dans le cadre des débats de la dernière loi « immigration », Patrick Stefanini décrivait le cas de Mayotte comme une sorte de laboratoire de ce qui se passerait en France si on supprimait l’AME ou si on réduisait de manière importante le panier de soins. Cette aide médicale d’urgence que réclament la droite et l’extrême droite, nous n’en voulons pas. Nous voterons donc pour l’extension de l’AME à Mayotte.

M. Fabien Di Filippo (DR). Madame la rapporteure, nous comprenons parfaitement votre volonté de trouver des solutions d’urgence compte tenu de la situation de l’île de Mayotte. Je voudrais malgré tout rappeler le contexte, avec d’un côté un budget de la sécurité sociale largement déficitaire, dont toutes les branches le seront structurellement à l’avenir, en particulier pour la santé, et de l’autre côté la situation migratoire de l’île, qui compte 50 % d’étrangers ou de clandestins.

Le budget de l’AME, sous-évalué dès l’origine, a dérivé année après année en même temps que l’immigration clandestine, dépassant le milliard d’euros. Le préalable à toute question sur l’AME, ce serait l’instauration d’une aide médicale d’urgence ne prenant plus en charge que les besoins de santé urgents et permettant de facturer tous les soins non urgents. Étendre l’AME à Mayotte ne fera pas apparaître comme par magie des médecins généralistes ou spécialistes. En outre, on constate, en métropole et ailleurs, que l’AME fait exploser et embolise le système hospitalier, notamment les urgences.

Avec un déficit structurel de toutes les branches et, cette année, un minimum de 22 milliards d’euros à trouver pour le budget de la sécurité sociale, il faut prendre le problème autrement. Instaurer l’AME, c’est-à-dire la prise en charge totale des soins pour les clandestins à Mayotte, enverrait un signal délétère au moment où il y a enfin une prise de conscience sur la dérive migratoire incontrôlable à l’œuvre depuis des années dans ce département.

Plutôt que de traiter les conséquences, il faudrait s’attaquer aux causes. Les difficultés de Mayotte tiennent certes au cyclone Chido, mais aussi à la submersion migratoire. Il convient d’empêcher, avec des moyens policiers et militaires plus importants, les arrivées et d’éloigner les illégaux. C’est seulement à ce prix que l’on commencera à retrouver dans toutes les dimensions du service public – la santé dont vous parlez, mais également l’éducation et bien d’autres domaines –un peu d’oxygène dans le département de Mayotte.

Mme Dominique Voynet (EcoS). L’AME représente 0,5 % des dépenses de santé. Elle procure aux étrangers en situation irrégulière pouvant justifier d’une résidence suffisante sur le territoire national un panier de soins limité. Un excellent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2017, dont vous n’avez pas cité les auteurs, madame la rapporteure, mais aussi des rapports plus récents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ont préconisé sa mise en place pour éviter les épidémies et la prise en charge coûteuse de personnes ayant renoncé aux soins.

Cela permettrait aussi une transparence des coûts. Vous nous avez dit que l’argent nécessaire venait des Français de Mayotte : ce n’est que très imparfaitement vrai. S’il est exact que la caisse de sécurité sociale de Mayotte contribue au financement du CHM, c’est aussi le cas des régimes d’assurance maladie de métropole, pour des sommes bien supérieures, ainsi que de l’ARS pour toutes les missions de santé publique. La transparence des coûts et le report d’une partie de l’activité du CHM vers des médecins libéraux, dont les décisions d’installation ou non ne sont pas seulement liées à cette mesure, sont tout à fait essentielles.

Notre groupe votera pour le déploiement de l’AME à Mayotte malgré la virulence, les inexactitudes et les biais de votre argumentation. Je plaide en outre pour que vous corrigiez les erreurs manifestes qui figurent dans le projet de rapport qui nous a été transmis hier soir. En effet, contrairement à ce que vous affirmez, ce n’est pas en 2020, sur la base d’une décision de l’ARS, que les accouchements sont devenus gratuits à Mayotte. Il s’agit simplement de mettre en œuvre l’article L. 6416-5 du code de la santé publique, qui dispose que « les frais concernant les mineurs et les soins visant à préserver la santé de l’enfant à naître sont pris en charge en totalité lorsque les ressources des personnes concernées sont inférieures » à un montant fixé par le représentant de l’État. Vous conviendrez avec moi que cette disposition existe depuis 2012 et n’a rien à voir avec la création de l’ARS.

M. Philippe Vigier (Dem). Madame la rapporteure, vous connaissez mon engagement constant pour Mayotte. J’entends votre message concernant l’AME mais il me paraît plus important encore d’adopter la future loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Celle-ci aura quatre piliers : la convergence des droits sociaux – Mayotte est en effet le seul territoire français qui n’en bénéficie pas ; l’immigration – la moitié de la population est en situation irrégulière ; les infrastructures dont Mayotte doit pouvoir bénéficier – hôpitaux, routes, écoles, universités ; et enfin l’évolution statutaire – la collectivité a fait plus de 180 propositions afin d’être traitée comme tous les départements français.

J’entends que nombre de Mahoraises et de Mahorais ont recours à des évacuations sanitaires vers La Réunion parce qu’ils ne sont pas pris en charge par le CHM. Le 8 décembre 2023, avec la Première ministre, nous avons confirmé la construction d’un deuxième hôpital à Mayotte, attendu depuis plus de dix ans – cela permet de mesurer l’ampleur du retard existant dans ce territoire.

Généraliser l’AME à Mayotte provoquera un appel d’air mais n’apportera pas de véritable solution. Nous connaissons les obstacles, à commencer par le nombre de médecins – ils sont 49 pour 100 000 habitants, et non quelque 80 comme certains l’ont indiqué. Oui, Mayotte est le plus grand désert médical de France. À défaut d’une loi puissante, financée et pluriannuelle sur les quatre points que j’ai évoqués, il n’y aura pas de solution – le drame de l’eau en est l’illustration.

Vous avez raison de souligner la situation sanitaire, mais les dispositifs de droit commun existent. Un enfant ou une femme enceinte présentant un véritable problème ou souffrant d’une maladie grave sont pris en charge dans ce cadre. C’est insuffisant, je vous l’accorde, même si les crédits de l’hôpital ont augmenté de plus de 70 millions d’euros depuis 2019.

À ce stade, étendre l’AME à Mayotte n’est pas la bonne réponse. En revanche, la nécessité d’apporter une solution nous engage collectivement : lorsque le projet de loi pour la refondation de Mayotte sera examiné, j’espère que l’unanimité sera au rendez-vous pour répondre aux attentes légitimes des Mahoraises et des Mahorais.

M. François Gernigon (HOR). Le groupe Horizons & Indépendants est attaché, pour des raisons tant sanitaires que morales, au principe de l’accès aux soins pour toute personne présente sur le territoire, quelle que soit sa situation administrative.

Nous ne pouvons ignorer la réalité dramatique de Mayotte : la densité démographique la plus forte de France – à l’exception de l’Île-de-France – et une population composée pour moitié d’étrangers, dont une part significative vit en situation irrégulière, le tout conjugué à un déficit sanitaire criant puisque l’on y compte seulement 89 médecins pour 100 000 habitants, contre 338 en métropole. Une telle situation impose une approche pragmatique.

L’offre de soins à Mayotte est concentrée presque exclusivement sur l’hôpital de Mamoudzou, qui est saturé et sera incapable d’absorber davantage de demandes sans investissements structurels majeurs. Dans ce contexte, une extension immédiate de l’AME constituerait, hélas, une promesse politique irréaliste. Notre groupe estime indispensable de mener, au préalable, une réforme globale de l’AME en France, conformément aux préconisations du rapport de Claude Évin et Patrick Stefanini.

Les priorités doivent être clairement établies : l’urgence absolue est d’améliorer radicalement la situation sanitaire de l’archipel. Les annonces du ministre des outre-mer, ainsi que le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, contribueront à la corriger progressivement.

Si l’objectif est, à moyen terme, de faire converger l’offre de soins à Mayotte avec celle de l’Hexagone, la situation de l’archipel est profondément différente de celle du reste du pays et nécessite, en l’état, un droit adapté aux circonstances locales. Par conséquent, si l’application de l’AME est souhaitable à terme, elle ne constitue pour l’instant qu’une promesse purement politique, qui n’améliorera en rien la santé des habitants ni l’offre de soins sur place.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). L’instauration de l’AME en France répondait à un impératif humanitaire et éthique : protéger la santé individuelle et collective de toute la population résidant en France. À ce titre, l’exclusion de Mayotte du dispositif est une anomalie qui limite le recours aux soins des personnes sans affiliation sociale, les éloigne de la médecine de ville et conduit à concentrer les soins à l’hôpital public, déjà sous pression, au détriment de l’ensemble de la population.

Sur le plan budgétaire, l’extension de l’AME à Mayotte pourrait aussi constituer une mesure rationnelle et efficiente : le CHM reçoit actuellement une dotation de 321 millions d’euros, dont 123 sont consacrés à la prise en charge de personnes hors de toute couverture sociale ou mécanisme de compensation. Étendre l’AME, c’est donc rendre ce financement davantage prévisible et transparent, constat d’ailleurs partagé par Mme Anchya Bamana, députée mahoraise du Rassemblement national.

Enfin, l’idée selon laquelle l’AME produirait un appel d’air migratoire est démentie par le simple fait que Mayotte est déjà le département français le plus touché par l’immigration irrégulière alors même que l’AME n’y est pas appliquée. Les études démontrent d’ailleurs que la santé est rarement un facteur déclenchant de la migration – elle représente seulement 10 % des cas – et que la moitié des personnes éligibles au dispositif ne le sollicitent pas.

Notre groupe a conscience que l’extension de l’AME à Mayotte doit s’inscrire dans une réforme plus globale afin de développer l’accès aux soins sur l’île, réforme d’autant plus urgente qu’elle s’adresse à la population qui réside dans le plus grand désert médical de France. D’ici là, la convergence sociale des droits promise à Mayotte depuis sa départementalisation passe par l’extension de l’AME, dans un objectif d’égalité d’accès aux soins : nous ne pouvons prétendre reconstruire Mayotte sans lui accorder les mêmes outils que partout ailleurs.

M. Olivier Fayssat (UDR). Il n’est pas question de contester le caractère insupportable et inadmissible de la situation à Mayotte, ni de nier la détresse des Mahorais. Nous sommes cependant convaincus que, comme en métropole, les intérêts des Mahorais seront mieux défendus avec une politique migratoire stricte, incluant des expulsions, et un plus large investissement dans les infrastructures de santé. Si l’expression de « submersion migratoire » en irrite certains, elle signifie simplement que l’on a à faire face à des volumes que l’on ne sait pas gérer, ce qui est clairement le cas à Mayotte. C’est pourquoi nous nous opposerons à une mesure qui constituerait une forme de pompe aspirante et ne nous mènerait pas dans la bonne direction.

Mme Marie Lebec (EPR). Comme les autres enjeux auxquels le département de Mayotte est confronté, la sécurité sanitaire des Mahorais mérite toute notre attention et personne ne conteste la nécessité d’agir. Toutefois, l’extension de l’AME à Mayotte, telle que proposée, soulève plusieurs interrogations quant à sa pertinence et à sa faisabilité au vu du contexte local.

Le problème posé n’est pas tant celui de l’AME que celui du sous-financement structurel du CHM. Cet établissement, qui assume à lui seul 72 % de l’offre de soins dans l’île, fonctionne avec une dotation de 240 millions d’euros, dont près de 100 millions sont consacrés aux soins des personnes non assurées. Une telle situation plaide en faveur d’un véritable plan d’investissement, qui dépasse le simple élargissement des droits. Il est indiqué, dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, que l’AME permettrait de désengorger l’hôpital, en réorientant les patients vers la médecine de ville. Cela semble difficilement réalisable compte tenu du nombre restreint de médecins libéraux présents dans l’île : une quarantaine, pour une population de 270 000 habitants. Dans ce contexte, il paraît risqué d’ouvrir un droit nouveau sans s’assurer au préalable que les capacités d’accueil seront suffisantes. Nous risquerions de nourrir la frustration et d’aggraver la défiance à l’égard de la parole publique.

Il est essentiel de tenir compte des dynamiques démographiques et sociales propres à Mayotte. L’île connaît une densité élevée et une croissance rapide de sa population, qui reste d’ailleurs difficile à recenser. Ces facteurs exercent une pression considérable sur les services publics et les dispositifs de solidarité. Toute réforme sociale, aussi légitime soit elle, doit donc être pensée à l’aune de cette réalité, dans un souci de progressivité, d’encadrement et de cohérence territoriale. Le Président de la République, qui s’est rendu dernièrement à Mayotte, a fixé une feuille de route claire sur la convergence progressive des droits sociaux qui sera amorcée dès 2026, en respectant des étapes structurées et sans opérer de bascule brutale. C’est cette logique de responsabilité et de construction dans le temps que nous voulons appliquer.

Si nous ne remettons pas en cause la nécessité d’améliorer l’accès aux soins à Mayotte pour l’ensemble des Mahorais, nous considérons que cela doit se faire dans un cadre cohérent, durable et soutenable. En l’état, la proposition de loi ne répond pas à ces critères. C’est pourquoi nous émettons des réserves et ne voterons pas en sa faveur.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Joëlle Mélin (RN). Vous savez l’affection particulière que je porte à Mayotte et aux Mahorais. Toutefois, nous ne partageons pas les objectifs de la proposition de loi. D’abord, il existe déjà un dispositif d’AME pour Mayotte, un petit crédit de 1 million d’euros destiné à prendre en charge les évacuations sanitaires depuis l’île vers La Réunion et d’autres hôpitaux – y compris les îles du Vanuatu.

Ensuite, les Comoriens ont mis en place un vaste système de migration, directement depuis les Comores mais aussi depuis la région des Grands Lacs, avec une filière qui passe par la Tanzanie et opère un double transfert. Nous souscrivons bien volontiers à votre objectif de désengorger le centre hospitalier de Mamoudzou, mais l’état de santé des futures parturientes et des personnes en provenance des Grands Lacs, notamment des grands brûlés, est difficile à prendre en charge en ville, d’autant plus dans le contexte de manque de soignants libéraux.

Certes, pour garantir une meilleure lisibilité financière et une plus grande maîtrise des coûts, on peut se tourner vers les conventions internationales, mais aucune n’a été signée avec les pays dont sont originaires les personnes qui sollicitent des soins. Si c’était le cas, il n’y aurait pas plus de compensation d’ailleurs, puisque ces pays n’ont pas un système de protection de santé suffisant pour prendre en charge la totalité des coûts.

C’est vrai, on peut considérer que l’AME constitue un pare-feu face au risque infectieux. Néanmoins, le véritable pare-feu, c’est l’arrêt total de l’immigration irrégulière et de l’activité des passeurs, qui est particulièrement importante dans votre région.

Pour toutes ces raisons, nous ne vous suivrons pas sur cette proposition de loi.

M. Laurent Panifous (LIOT). J’ai écouté attentivement les déclarations des groupes opposés à l’extension de l’AME à Mayotte. Pourtant, l’objet du texte présenté par Estelle Youssouffa n’est que de faire en sorte que les Mahorais soient considérés comme tous les autres Français. Ce n’est qu’une question de moyens financiers.

J’ai entendu deux arguments assez extraordinaires. Le premier est qu’étendre l’AME à Mayotte serait inopérant, dans la mesure où les médecins n’y sont pas suffisamment nombreux – quatre fois moins que la moyenne nationale. Quel argument ! La présence des médecins dépend de l’attractivité des territoires. Pour rendre le département de Mayotte plus attractif, il faut lui accorder avant tout des moyens financiers, afin d’améliorer les conditions de travail.

Le second argument a trait au déficit de la sécurité sociale : pourtant, l’AME ne représente qu’environ 0,4 % du budget de l’État ! Comment dire cela, alors qu’il est question de la santé des Mahoraises et des Mahorais, c’est-à-dire des habitants d’un département français ?

Tout cela n’est qu’une question de moyens, et le seul objectif de ce texte est d’accorder aux Mahorais les mêmes droits qu’aux Parisiens.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Je ne suis pas souvent d’accord avec Estelle Youssouffa, mais je soutiens avec force, détermination et motivation sa proposition de loi.

Il y a une contradiction : le département qui aurait le plus besoin de l’AME en est privé. Beaucoup remettent en cause la pertinence du dispositif à l’échelon national, mais il n’empêche que le fait que Mayotte en soit exclue entraîne des effets particulièrement négatifs, non seulement sur la santé des Comoriens – certains peuvent s’en moquer – mais également sur celle des Mahorais. Les arguties présentées par les opposants au texte, qui n’a qu’une visée de justice sociale, relèvent de l’hypocrisie pure et dure. Pour reprendre les mots qu’Aimé Césaire a prononcés dans l’hémicycle il y a soixante ans, Mayotte est-elle française à part entière ou entièrement à part ? Cette question reste d’actualité et c’est triste pour la France.

M. Thibault Bazin, rapporteur général. Je voudrais savoir, madame la rapporteure, si vous avez obtenu, lors des auditions préparatoires, des estimations de la direction de la sécurité sociale pour évaluer la mesure que vous envisagez.

Mme la rapporteure. Non, monsieur le rapporteur général, aucune étude d’impact ni de faisabilité ne nous a été transmise lors des auditions.

Ce qui m’amène directement aux propos de Mme Voynet, dont je rappelle qu’elle a été directrice de l’ARS Mayotte. Madame, vous avez évoqué un rapport de l’Igas de 2017. J’aurais adoré l’inclure dans les contributions, mais il ne m’a malheureusement pas été transmis. Si un rapport de l’Igas sur la santé à Mayotte n’a pas été porté à la connaissance du public, ni même de la représentation nationale, et que vous en disposez, je serai ravie de l’ajouter aux éléments qui alimenteront notre réflexion afin d’améliorer la politique de santé dans notre département.

Vous avez précisé que la gratuité des accouchements à Mayotte a été instaurée en 2012. J’en prends note, mais je ne peux que me référer aux informations qui m’ont été communiquées par votre successeur à la tête de l’ARS Mayotte, M. Albarello, selon lesquelles celle-ci a été mise en place en 2020. Ce n’est d’ailleurs pas la seule incohérence du ministère de la santé ni la seule information complètement fantaisiste qui nous ait été transmise. Ainsi, les chiffres communiqués par l’ARS Mayotte concernant le nombre de patients qui font l’objet d’une évacuation sanitaire pour être soignés à La Réunion divergent de ceux de l’ARS La Réunion. Y a-t-il évaporation ou multiplication des patients, je l’ignore, mais les agences n’arrivent même pas à se mettre d’accord sur ce chiffre. N’hésitez pas à nous transmettre vos informations, madame Voynet : elles seront précieuses pour notre travail et il est encore temps de mettre à jour notre rapport, d’ici à vendredi. À défaut, nous nous satisferons de la parole de l’État et des informations qui nous ont été transmises officiellement.

Je précise qu’à Mayotte, tous les partis politiques sont favorables à la mesure que je propose – à part peut-être le groupe Horizons & Indépendants, qui n’a pas de représentants sur place. Le MoDem, les LR par la voix de Mansour Kamardine, le Rassemblement national par celle d’Anchya Bamana, qui a également travaillé à l’ARS, le groupe Ensemble pour la République, dont l’ancienne députée de Mayotte, Ramlati Ali, a témoigné auprès de cette commission, les Insoumis, les socialistes, tous réclament l’AME. Je suis donc, non pas surprise, mais consternée de constater que les 10 000 kilomètres qui nous séparent éloignent aussi les visions de la réalité de la situation sanitaire à Mayotte.

Le sujet n’est pas tant la santé des étrangers à Mayotte, puisqu’ils y sont soignés, que le fait qu’ils le soient aux frais des cotisants mahorais, c’est-à-dire de vos compatriotes assurés sociaux. Cela produit un phénomène d’éviction qui ne peut attendre l’aboutissement des projets fantaisistes de l’État, les énièmes promesses de construire un deuxième hôpital, l’hypothétique garantie d’une égalité sociale qui ne vient pas – alors que le département de Mayotte est français depuis 1841. On ne répond pas à un patient atteint d’un cancer qu’on est en train de réfléchir à l’égalité sociale, ni à ceux qui se cotisent pour financer le billet d’avion qui va emmener quelqu’un se faire opérer ailleurs qu’on est en train de tracer un chemin vers la convergence sociale. Pourtant, c’est cela que vous me répondez ! Vos compatriotes à Mayotte ont huit ans de moins d’espérance de vie et un état de santé catastrophique, indigne de notre pays, et votre réponse est que vous réfléchissez !

Enfin, vous soulignez, madame Voynet, que la caisse de sécurité sociale de Mayotte ne contribue qu’en partie au financement du CHM, le reste étant pris en charge par la Caisse nationale de l’assurance maladie... On est vraiment dans la différenciation maximale ! Faut-il vraiment rappeler au territoire le plus pauvre que la solidarité nationale joue ? C’est pourtant l’un des principes de la République ! C’est formidable, d’entendre cela d’une ancienne directrice de l’ARS. Sous-entendez-vous que Mayotte doit recevoir au prorata de sa contribution, que notre petit niveau de vie nous condamne à avoir un tout petit hôpital ? J’ai dû mal comprendre. J’espère que le compte rendu sera très précis sur ce point. Je n’ai jamais entendu parler, dans l’Hexagone, de minimiser les dépenses de santé pour un territoire en fonction de la contribution de ses habitants. Il y a un pacte républicain pour l’accès à la santé, et Mayotte en est exclue. (Exclamations.) Pardon, mais j’ai beaucoup de mal à apaiser les débats lorsqu’il s’agit de la vie humaine de vos compatriotes. Je ne suis pas capable de tout entendre sur ce plan.

M. le président Frédéric Valletoux. Revenons au calme et restons-en à l’extension de l’AME à Mayotte.

Mme la rapporteure. Pour répondre sur un autre point, je n’ai aucune difficulté à réaffirmer ici que j’attends de l’État qu’il prenne ses responsabilités et qu’il protège Mayotte et nos frontières. Mais en attendant, que faisons-nous ? L’important, c’est l’accès à la santé de vos compatriotes, qui, bien qu’ils soient des assurés sociaux, doivent payer de leur poche leur billet d’avion pour se faire soigner à l’extérieur. Le territoire de Mayotte est celui qui connaît la plus grave crise migratoire et il est exclu de l’AME, qui est justement le dispositif national censé répondre à la question migratoire.

Le sujet n’est pas de savoir si l’AME est un dispositif pertinent ou non : puisqu’il existe, je ne vois pas pourquoi Mayotte en serait exclue. Ceux qui ici sont des adversaires de l’AME ne peuvent pas en tirer argument pour s’opposer à son extension à Mayotte, sachant qu’elle n’a été suspendue nulle part ailleurs. Ils ne peuvent pas continuer à déplorer les conséquences de la situation et à ne rien faire.

De même, la dépense en matière de santé publique pour les Mahoraises et les Mahorais est inférieure à celle constatée dans l’Hexagone ou dans les autres territoires ultramarins. Il y a une inégalité dans l’accès à la santé : là encore, on constate, mais on ne fait rien.

Pour construire une politique publique, il faut des éléments chiffrés. Les éléments fantaisistes et divers qui ont été évoqués, selon les intervenants, concernant le nombre de médecins par habitant à Mayotte devraient vous interpeller. On compte 43 médecins de ville à Mayotte pour, non pas 320 000 habitants comme l’indique l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), mais 450 000 au bas mot – le Premier ministre, le Chef de l’État et tous les élus locaux eux-mêmes ont repris ce chiffre. Et même en se fondant sur le nombre de 320 000 habitants, le nombre de médecins par habitant serait à Mayotte bien en deçà de la moyenne nationale.

Notre département est le plus grand désert médical. Il connaît une situation sanitaire catastrophique, la propagation d’épidémies éradiquées ailleurs, des pathologies qui tuent alors qu’on peut en guérir dans l’Hexagone. L’accès aux soins y est très difficile, mais la haute administration ne produit aucune étude d’impact ni de faisabilité concernant la convergence sociale et l’AME. Dernier rappel à ce propos, la convergence sociale, ce n’est pas seulement l’accession aux prestations sociales : l’AME en fait aussi partie.

 

 

Article 1er : Étendre l’application de l’aide médicale de l’État à Mayotte

Amendement de suppression AS6 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet (RN). Je comprends vos arguments, madame la rapporteure, ainsi que votre ras-le-bol. Toutefois, étendre l’AME à Mayotte constituerait une erreur grave et lourde de conséquences, qui ne résoudrait aucunement le problème du système de santé et ne garantirait pas aux Mahorais un meilleur accès aux soins. La seule solution pour que les Mahorais puissent avoir accès à ce qu’ils appellent « l’hôpital des étrangers » est d’appliquer une politique migratoire stricte.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : près de la moitié de la population mahoraise est étrangère ; plus d’un habitant sur deux n’est pas né à Mayotte ; 51 % des naissances concernent des mères en situation irrégulière. Instaurer l’AME à Mayotte, ce serait institutionnaliser la clandestinité et admettre que l’on peut se rendre sur le territoire national sans avoir l’accord de la France. Pour protéger les Mahorais, nous proposons donc purement et simplement de supprimer l’article 1er, comme nous souhaitons d’ailleurs supprimer l’AME dans l’ensemble du territoire national. Nous proposons d’instituer à la place une aide médicale d’urgence, qui s’applique à tout le territoire, y compris évidemment à Mayotte – puisque, contrairement à beaucoup ici, nous ne faisons pas de différence entre les territoires français.

Mme la rapporteure. Vous voulez supprimer l’article 1er, autrement dit supprimer ma proposition de loi. Vous rejetez l’idée d’étendre l’AME à Mayotte parce que vous souscrivez à la théorie selon laquelle elle constituerait un appel d’air migratoire, ce à quoi personne ne croit dans l’archipel, quelle que soit son appartenance politique. En effet, nous avons devant les yeux la réalité de l’immigration illégale, que vous et moi dénonçons. : nous savons qu’elle résulte essentiellement d’une politique de colonisation et de peuplement voulue par l’Union des Comores, qui instrumentalise les flux migratoires pour marquer sa revendication de souveraineté sur Mayotte.

Certains pensent que, afin de freiner le flux des migrants qui viennent se soigner à Mayotte, il faudrait aider les Comores à développer leur propre offre médicale. Je leur rappelle que la Chine a construit un hôpital à Bambao. Cet hôpital flambant neuf et livré avec tout son matériel est devenu l’annexe des chèvres et des zébus, laissé complètement à l’abandon par les autorités comoriennes. Paradis de la mauvaise gouvernance et de la corruption, les Comores ont décidé de sous-traiter leur santé à Mayotte. C’est la réalité. Le problème est que cette sous‑traitance se fait aux frais de l’assuré social mahorais, c’est-à-dire aux frais du contribuable français. Pour ceux que cela préoccuperait, les étrangers n’ont aucun problème d’accès à la santé. En revanche, les assurés sociaux mahorais, eux, n’y ont plus accès, parce que le nombre de lits et de médecins est limité et que tout est déjà au maximum. Comme cela a été souligné lors des auditions, l’élargissement de l’AME à Mayotte n’aurait aucun impact, sinon marginal, sur les flux, qui sont déjà massifs – et qui invitent effectivement à protéger davantage la frontière.

Il faut bien réaliser qu’à Mayotte, il y a des kwassa-kwassa sanitaires. Cela se passe ainsi : les hôpitaux de Moroni et de Domoni, aux Comores, envoient un petit fax à l’hôpital de Mayotte, disant qu’un bateau clandestin arrivera sur telle plage, merci d’envoyer votre seul hélicoptère médical ou l’une de vos quelques ambulances pour prendre en charge les patients, voici leurs dossiers ! Nous sommes déjà le pire désert médical de France et nous devons prendre soin de patients étrangers, qui arrivent dans une détresse médicale que personne ne conteste par ailleurs. Mais comprenez que les assurés sociaux mahorais vivent dans leur chair le choix opéré, par défaut, par la puissance publique. Il faut que tout le monde assume le fait que la dotation globale de l’hôpital de Mayotte est ponctionnée à 40 % pour garantir la santé des étrangers en situation irrégulière. L’instauration de l’AME permettrait donc d’augmenter mécaniquement d’autant le budget dédié à la santé des Mahorais – car j’ai du mal à imaginer que le Gouvernement, s’il élargissait le dispositif à Mayotte, diminuerait d’autant la dotation globale attribuée à l’hôpital de Mayotte. Et, franchement, 40 %, ce ne serait pas du luxe.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur votre amendement de suppression.

Mme Stéphanie Rist (EPR). En matière d’accès aux soins et de désert médical, il faut rester très pragmatique et éviter les postures idéologiques. Je vous rejoins sur les difficultés d’accès aux soins et sur l’exception mahoraise en matière migratoire. Étendre l’AME à Mayotte aurait pour conséquence – et c’est déjà un argument en soi – de permettre à l’hôpital d’être remboursé des frais engagés pour les personnes en situation irrégulière – que vous avez chiffrés à 40 % du budget total. Néanmoins, c’est davantage l’hôpital qui en profiterait que les Mahorais, puisque le nombre de soignants en ville est trop faible pour rendre le dispositif de l’AME opérant – rappelons que son utilité est de permettre aux personnes en situation irrégulière de recevoir des soins primaires avant d’être prises en charge à l’hôpital, ce qui amoindrit le coût pour la société.

L’élargissement de l’AME à Mayotte ne rendrait donc service qu’aux comptes de l’hôpital. C’est important, mais je ne suis donc pas sûre que ce soit en instaurant une mesure dont nous connaissons la portée symbolique et politique que nous améliorerons l’offre de soins dans l’archipel.

Mme la rapporteure. Nous avons auditionné le syndicat des médecins de ville de Mayotte : ils soignent entre 5 % et 15 % de leur patientèle gratuitement, alors que celle-ci aurait droit à l’AME. Étendre l’AME permettrait également, selon eux, d’augmenter l’attractivité de leur profession. C’est un peu la question de la poule et de l’œuf : vous considérez que l’AME n’aurait aucun impact à Mayotte en raison du manque de médecins ; ils estiment qu’elle permettrait de rendre solvable une partie de leur patientèle. Surtout, elle permettrait d’assurer de véritables soins, en donnant aussi accès aux pharmacies et aux laboratoires. Le développement de la médecine de ville à Mayotte est lié à l’extension de l’AME.

Mme Dominique Voynet (EcoS). Parallèlement à l’extension de l’AME à Mayotte, il serait très intéressant d’instaurer la T2A afin d’obtenir une meilleure lisibilité de l’activité de l’hôpital. Cela est préconisé depuis des années et des études d’impact ont été menées sur le sujet – je suis stupéfaite de constater qu’elles n’ont pas été communiquées à la rapporteure, qui ne les a peut-être pas demandées de manière précise. Néanmoins, n’inversez pas la charge de la preuve : ce n’est pas à moi de vous transmettre des rapports que vous n’avez pas sollicités – ou, alors, admettez que vous avez écrit des sottises dans votre rapport. À vous de poser les bonnes questions. Je note d’ailleurs que vous aviez connaissance du rapport de l’Igas de 2017, puisque vous le citez dans l’exposé des motifs et que les autres commissions parlementaires, que ce soit au Sénat ou à l’Assemblée nationale, l’ont trouvé. Je vous le transmettrai et vous suggère de l’étudier attentivement durant le week-end.

Vous ne pouvez pas non plus me répondre que vous vous satisferez de la parole de l’État puisque ce sont les seules informations qui vous ont été transmises. La note de l’ARS jointe à votre rapport n’indique pas que la gratuité des accouchements date de 2020. Une loi a été adoptée, en la matière, en 2012 et cela n’a rien à voir avec l’ARS. Je vous invite aussi à consulter les rapports successifs des Défenseurs des droits, Jacques Toubon – un gauchiste, comme chacun sait ! – puis Claire Hédon : ils insistent sur les freins à l’accès aux soins, en soulignant que ces dispositions auraient dû être généralisées depuis 2012.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NFP). Même si la rapporteure a parfois tendance à dire une chose et son contraire et même si son avant-dernier plaidoyer cautionne l’amendement de ses amis d’extrême droite qu’elle prétend combattre, nous voterons contre la suppression de l’article et soutiendrons la proposition de loi. En substance, cet amendement prouve que vous méconnaissez, malgré toutes les démonstrations, les avantages que procurerait l’extension de l’AME à Mayotte encore plus qu’ailleurs. Car s’il y a un endroit dans lequel l’AME peut être salutaire pour la santé publique de toute la population – et non pas seulement des étrangers –, c’est bien à Mayotte. Un tel amendement traduit, avec le mépris que l’on vous connaît, l’idée selon laquelle il n’y a pas d’argent pour les étrangers, encore moins ceux de Mayotte.

M. Fabien Di Filippo (DR). Vous nous reprochez, madame la rapporteure, de ne pas entendre vos arguments ; nous pourrions vous rendre la pareille. Les faits que vous soulevez, en particulier la solvabilité des patients, concernent avant tout les médecins qui sont sur place. Il n’existe aucun chiffrage pour évaluer l’élargissement du dispositif ni aucune étude d’impact. Adopter cette mesure pourrait avoir plus d’effets pervers que d’avantages : elle garantirait peut-être un meilleur revenu pour les médecins, mais elle ne changerait rien à l’attractivité de la profession, puisque la désertification médicale s’accentue partout dans le territoire, pour des raisons qui relèvent non seulement de la démographie mais aussi, ne l’oublions pas, d’une volonté de réduire le temps de travail. Il faut donc aborder la situation de Mayotte avec lucidité – et je constate qu’une majorité de collègues se rallient à une position que nous défendons depuis longtemps. En adoptant cet article, nous enverrions un signal contradictoire par rapport à toutes les dérives, en particulier sécuritaires et migratoires, qui sont à l’œuvre sur l’île.

Mme Sandrine Runel (SOC). Nous savons que vous êtes opposé à l’AME, monsieur Gillet : il n’est donc pas surprenant que vous ne vouliez pas l’étendre à Mayotte. Vous avancez l’argument fallacieux selon lequel un habitant sur deux de Mayotte n’y est pas né, mais il en est de même à Paris, où tout le monde est soigné ! Et vous voudriez-vous aussi supprimer l’AME dans le Gard, peut-être ?

Vous évoquez les difficultés d’accès aux soins et à l’hôpital, mais là n’est pas la question : nous parlons de justice et d’égalité des droits pour tous. Mayotte étant un territoire français, pourquoi l’AME n’y existerait-elle pas comme partout ailleurs en France ? Les personnes de nationalité étrangère ou en situation irrégulière ont aussi des droits, même si vous aimez les combattre. Elles doivent pouvoir se faire soigner dans les meilleures conditions dans l’ensemble du pays.

J’adresserai la même réponse à Mme Rist, pour qui l’extension de l’AME à Mayotte ne rendrait service qu’aux comptes de l’hôpital : une fois encore, nous parlons d’accès aux droits pour des populations en difficulté. La proposition de loi n’est pas là pour résoudre les problèmes d’attractivité et de désertification médicales, mais pour faire en sorte que l’ensemble des habitants, Français ou non, soient soignés dans les mêmes conditions dans tous les territoires de la République. Il est de notre devoir et de notre honneur de la voter.

M. Philippe Vigier (Dem). Je connais votre engagement, madame la rapporteure, et je me suis toujours mobilisé à vos côtés sur des sujets majeurs. Or la convergence des droits sociaux concerne les Mahorais, qui sont des Français ; l’AME n’entre pas dans le même cadre.

Comme cela a été dit, il faut appliquer la T2A à Mayotte, et il est anormal que nous n’ayons pas d’étude d’impact à ce sujet. Toutefois, le vrai problème réside dans le manque de praticiens. Si l’hôpital de Mayotte n’avait pas recouru à la réserve sanitaire à moult reprises, il n’aurait pas été capable d’assurer ne serait-ce que les accouchements – et je ne parle même pas des pharmacies ou des laboratoires. Le projet de loi de programmation pour Mayotte est prêt. Inscrivons-le à l’ordre du jour de l’Assemblée et du Sénat avant l’été : nous disposerons alors d’un outil puissant pour renforcer l’attractivité des métiers de la santé à Mayotte, qui est l’urgence absolue. De toute évidence, l’extension de l’AME produira un appel d’air – ayons le courage de dire qu’un habitant sur deux de Mayotte est étranger ou en situation irrégulière.

M. Laurent Panifous (LIOT). Toutes les personnes qui vivent sur le territoire national ont le droit d’être soignées, qu’elles soient françaises, étrangères ou en situation irrégulière : c’est un des principes et des droits fondamentaux de notre République. Ceci étant acquis, la proposition de loi vise à assurer une justice entre les territoires. Les Mahorais sont‑ils des Français comme les autres ? Mayotte est-il un département comme les autres ? La réponse est oui. Les Mahorais ont droit à des moyens équivalents à ceux des autres Français pour être soignés, et par conséquent à l’AME. Il ne s’agit que de cela.

Le rejet de la proposition de loi enverrait un message extrêmement négatif à tous ceux qui considèrent que notre territoire national est unique. Nous pouvons toujours discuter du bien-fondé de l’AME et de l’opportunité de la faire évoluer, il n’en reste pas moins que Mayotte est un département français. Il serait plus que discutable de refuser aux Mahorais des moyens supplémentaires qui les hisseraient simplement au niveau des autres Français.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NFP). Chassez les démons, ils reviennent au galop ! L’outre-mer s’est battu pendant des décennies pour l’égalité sociale, pour l’égalité d’accès aux soins, aux services publics, à l’éducation – pour l’égalité tout court. Il y a eu des mobilisations de rue. Des responsables politiques – Aimé Césaire, Paul Vergès et d’autres – ont exigé la départementalisation de l’outre-mer et sa pleine application. Il a fallu du temps pour réussir, et des carences persistent. La droite s’est toujours opposée à cette évolution, tout comme le Front national de l’époque.

La proposition de loi ne vise à rien d’autre qu’appliquer les mêmes droits en outre‑mer et en France continentale. Face à cela, l’hypocrisie est grande : cette même droite qui versait des larmes après le passage du cyclone Chido refuse désormais l’égalité des droits pour Mayotte. Comment l’interpréter ? Comment faire confiance à ceux qui, un jour, demandent l’égalité et l’équité de traitement pour les populations d’outre-mer et le lendemain, quand il s’agit de voter, disent « pas question, vous êtes différents » ?

J’ai été plusieurs fois en désaccord avec la députée Estelle Youssouffa, mais comme mon groupe, je soutiens pleinement ce texte car je suis pour l’égalité des droits entre le territoire de Mayotte et les autres territoires français.

Mme Joëlle Mélin (RN). Mme la rapportrice a évoqué le problème majeur de l’externalisation par certains pays de leur système de santé – les rapports annuels de l’Office français de l’immigration et de l’intégration en témoignent. Oui, les Comores externalisent leur système de santé vers Mayotte.

Il a aussi été question de l’égalité entre les territoires ultramarins et métropolitain. Là n’est pas le problème : ce que les Mahorais déplorent, c’est l’inégalité de traitement entre les habitants français, qui cotisent et sont remboursés à 75 % – davantage s’ils ont une assurance complémentaire – et les personnes en situation irrégulière, qui sont prises en charge à 100 % et le resteront puisque l’AME, qui couvre la totalité des soins sauf les cures thermales, les dispense de tout reste à charge. En particulier certains soins complexes ne sont pas accordés facilement sur le territoire mahorais aux personnes qui cotisent. Voilà où réside l’inégalité.

La départementalisation de Mayotte lui a donné tous les droits et tous les devoirs, mais les Mahorais ne sont pas obligés de subir un dispositif qui, en tout état de cause, devra être remis en cause dans notre pays. Notez enfin que sans étude d’impact, il est difficile de savoir si le coût du dispositif sera assumé par la sécurité sociale ou par l’État.

M. Yoann Gillet (RN). Qui paie pour les soins des clandestins que la France et son gouvernement laissent entrer sur le territoire de Mayotte ? Les Français, avec leurs impôts. Voilà la vraie question que soulève la proposition de loi, dont je crains qu’elle n’aggrave la situation. Je comprends votre détresse et votre colère, madame la rapporteure, mais votre texte ne crée pas de nouveaux lits pour le CHM et ne renforce pas l’attractivité de Mayotte pour les soignants. Quand je me suis rendu dans cet hôpital en novembre dernier avec ma collègue Anchya Bamana, il n’y avait que deux médecins urgentistes. L’hôpital ne tient pas et n’est pas attractif ; la proposition de loi n’y changera rien. Pire, j’ai peur que l’extension de l’AME à Mayotte ne fasse baisser la dotation globale du CHM – qui n’applique pas la T2A –, puisqu’une partie de cette dotation sert à financer les soins des clandestins. La solution réside dans l’arrêt total de l’immigration et la reprise en main de notre territoire national.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement AS7 de Mme Estelle Youssouffa

Mme la rapporteure. Cet amendement est essentiellement rédactionnel. L’article L. 542-5 du code de l’action sociale et des familles prévoit une dérogation qui exclut Mayotte de l’AME. Le I de la proposition de loi l’abroge. Mayotte étant régie par le principe d’identité législative, en l’absence de dérogation explicite, le droit commun s’y applique et l’AME prend automatiquement effet.

Dans le II de l’article 1er, la proposition de loi adapte l’article L. 6416-5 du code de la santé publique qui organise la prise en charge des étrangers en situation irrégulière exclusivement à l’hôpital de Mayotte. Elle prévoit que les dispositions relatives à l’AME sont applicables pour la prise en charge de ces personnes. Cette précision me paraît superflue, puisqu’en l’absence de dérogation, le droit commun s’applique à Mayotte.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement AS3 de M. Philippe Naillet

M. Philippe Naillet (SOC). L’essentiel étant de voter sur le fond, je retire cet amendement qui demande un rapport, de même que celui que j’ai déposé après l’article 2.

L’amendement est retiré.

 

La commission rejette l’article 1er.

 

M. le président Frédéric Valletoux. Sur le vote de l’ensemble de la proposition de loi, j’ai été saisi, en application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, d’une demande de scrutin par plus d’un dixième des membres de la commission.

 

 

Article 2 : Gage de recevabilité financière

 

La commission rejette l’article 2.

 

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejetée.

 

 

 

 

 


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   ANNEXE  1 : Liste des personnes
entendues par la rapporteur
e

(par ordre chronologique)

      Table-ronde :

 Union régionale des professionnels de santé de Mayotte – Dr Jean-Marc Roussin, représentant URPS, et Dr Mohamed Sophian Jaouadi, représentant URPS, médecin suppléant

 Syndicat national des infirmiers et infirmières libéraux (Sniil) 976 – Mme Sidi Madi, présidente

        Table ronde :

 Centre hospitalier de Mayotte (CHM)M. Jean-Mathieu Defour, directeur général, M. Mahafourou Saidali, directeur des finances, et Dr AnneMarie de Montera, médecin responsable de l’information médicale

 Agence régionale de santé (ARS) Mayotte – M. Sergio Albarello, directeur général

        Audition conjointe :

 Caisse de sécurité sociale de Mayotte (CSSM)  M. Ali Nizary, premier vice-président, et M. Abdoul Hamidi Keldi, directeur général adjoint

 Conseil départemental de Mayotte  M. Mohamed Moindjié, directeur général adjoint en charge de la santé et de la solidarité, Dr PierreAlain Sauves, directeur de la protection maternelle et infantile (PMI), et M. Madi Moussa Velou, conseiller départemental de Dembeni, septième vice-président en charge de l’action sociale, de la solidarité et de la santé, président de la commission sociale du conseil départemental et président délégué de la maison départementale des personnes handicapées

 France Assos santé Mayotte* – Mme Antufatu Hafidhou, présidente

        Table ronde :

 Observatoire régional de la santé (ORS) Mayotte – M. Achim Aboudou, directeur

 Santé publique France  M. Youssouf Hassani, délégué régional à Mayotte

        Table ronde :

 Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) – M. Didier Leschi, directeur général, et Dr Bénédicte Beaupère, directrice du service médical

 M. Patrick Stefanini, conseiller d’État honoraire, et M. Claude Évin, ancien ministre, auteurs d’un rapport sur l’aide médicale de l’État

        Table ronde :

 Direction de la sécurité sociale (DSS)  Mme Maroussia Perehinec, adjointe à la sous-directrice de l’accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail, Mme Cécile Sache, adjointe à la cheffe du bureau Accès aux soins et prestations de santé, Mme Sara Donati, chargée de mission

 Direction générale de l’offre de soins (DGOS)  M. Arnauld Gauthier, sous-directeur en charge de l’appui au pilotage et des ressources, Mme Gaëlle Papin, cheffe du bureau des territoires, de l’Europe et de l’international, et M. Bastien Morvan, adjoint à la cheffe du bureau des territoires, de l’Europe et de l’international

– Direction générale des outre-mer  Mme Sandrine Jaumier, sous-directrice adjointe des politiques internationales, sociales et agricoles, M. Pierre Emmanuel Barthier, chef du bureau de la cohésion sociale, de la santé et de l’enseignement, et Mme Aurore Bourdenx, chargée de mission Protection sociale

        ARS La Réunion – M. Étienne Billot, directeur général adjoint

        Préfecture de Mayotte – M. François-Xavier Bieuville, préfet, et Mme Clémence Lecoeur, administratrice de l’État, chargée de mission auprès du préfet

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


   ANNEXE n° 2 : note de l’aGENCE rÉGIONALE de sANTÉ (ARS) MAYOTTE – les conséquences de l’absence d’Aide mÉdicale dE l’État à Mayotte

 

 

  

 

 

 

 


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   ANNEXE n° 3 : Contribution du centre hospitalier de Mayotte (CHM) et de l’ARS Mayotte

 

  1.          Pouvez-vous nous fournir des données actualisées sur la situation sanitaire à Mayotte ? En particulier, quel est à ce jour le bilan sanitaire de Chido ?

 

Rappel – Bilan hospitalier arrêté au 28 décembre

Le bilan hospitalier a été arrêté au 28 décembre 2024 à 24 DCD, 124 UA et 4532 UR.

L’offre de soins hospitalière a été fortement impactée dans les premiers jours du cyclone, imposant :

- L’arrivée massive de réservistes sanitaires, très rapidement logés à la base vie ;

- Le déclenchement de l’ESCRIM.

Les principaux motifs de recours aux soins dans les premiers jours et semaines suivant le passage du cyclone ont été :

- Les traumatismes, pour 40 à 50% des prises en charge ;

- Les pathologies digestives, pour 10 à 20 % des prises en charge ;

- Les infections cutanées, pour 5 à 10 % des prises en charge.

 

Reprise d’activité au CHM, : où en est-on (reprise des service, RH, bâtimentaire) ?

Depuis 3 mois, le CHM poursuit sa reconstruction et sa réorganisation grâce au soutien de l’ARS et des renforts nationaux.

Capacitaire du Centre Hospitalier de Mayotte :

-                Au 21/02/2025 : 82% de l’’activité a repris au CHM ; les 18% manquants sont compensés actuellement par l’installation de l’USM* (consultations de soins courants).

 

Capacitaire des CMR

-                L’ensemble des CMR sont ouverts (4 CMR)

-                100% de reprise d’activité concernant la permanence des soins, 75% concernant la maternité (12 lits sur 20 ouverts à Kahani, 12 lits sur 12 ouverts à PT).

 

Capacitaire des dispensaires :

-                Réouverture progressive des dispensaires à partir du 20 janvier 2025

-                Sur 8 dispensaires, 7 sont actuellement ouverts (Jacaranda, Mtsapéré, Mtsamboro, Koungou, Dembeni, Boueni, Mtsangamouji) ; seul le dispensaire de SADA reste fermé.

-                87.5% de reprise d’activité à date au sein de chacun des dispensaires

 

Une USM* (Unité Sanitaire Mobile) a été positionnée au niveau du CHM. Son objectif initial était de prendre le relai sur le service de réanimation du CHM qui a été lourdement impactée, mais au regard des dégâts dans les bâtiments de consultations, l’USM propose aujourd’hui des consultations de soins courants pour la population.

Combien de temps la présence de l’EMT1 est-il resté en place pour soulager l’activité du CHM post CHIDO ?

Présent sur le territoire depuis le 4 février 2025 (suite au désarmement de l’ESCRIM), l’EMT 1 (et non hôpital de campagne) sera resté 2 mois à Mayotte.

Après le passage du cyclone, l’ARS a appuyé le CHM en mobilisant l’ESCRIM qui a essuyé une activité très soutenue. Une fois cette activité soutenue estompée, l’ESCRIM a laissé place à l’EMT 1 toujours sous l’impulsion de l’ARS. Aujourd’hui, et au vu de l’absence d’activité en lien avec CHIDO et à la diminution progressive de l’activité de l’EMT 1, l’ARS avait donné son accord pour une reconduction d’1 mois complémentaire mi-février avec une activité hybride fixe (EMT1 à Cavani) et mobile (rattrapage vaccinal en milieu scolaire notamment). Aujourd’hui, l'ARS juge que l'absorption de l'activité par le CHM se déroule de manière fluide ; l'EMT 1 quittera donc le territoire à la fin du mois de mars 2025.

bilan d’activité de l’EMT 1 :

              Dans les premiers jours post crise, l’ESCRIM a pris en charge une activité importante allant jusqu’à 400 consultations/jour et 20 prises en charge chirurgicales (désengorgement des urgences du CHM).

              L’EMT 1 a arrêté son activité jeudi 27 mars. Il avait une capacité de consultation de soins courants de l’ordre de 50 passages par jour.

transition avec le CHM

L’activité de l’EMT 1 ne fera pas l’objet d’un report de patient auprès du Centre Hospitalier de Mayotte une fois fermée.

L'ouverture d'une offre de soins (EMT1) génère une demande de soins en raison de sa proximité géographique avec des quartiers plus éloignés du CHM, tels que Cavani et Mtsapéré.

Il est donc probable que les 80 passages journaliers actuels de l'EMT 1 ne se traduisent pas par 80 passages supplémentaires aux urgences du CHM une fois l'EMT 1 aura fermé.

 

  1.     Pouvez-vous nous donner des indications actualisées concernant l’offre de soins à Mayotte (nombre de médecins généralistes et de spécialistes, offre de soins au sein des différentes structures publiques et privées, évolution tendancielle…) ?

 

La situation actualisée est celle-ci :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1.     Pouvez-vous nous fournir des données actualisées sur l’emploi de médecins Padhue à Mayotte, avec l’entrée en vigueur du régime spécifique Padhue-Outre-mer en 2024 ?

 

Pour ce qui concerne ls PADHUE OM, Il y a actuellement :

-                4 PADHUE OM employés au CHM (médecine générale).

-                1 PADHUE OM employé dans le centre de santé ONAKIA (en ville -médecine générale).)

-                1 PADHUEOM employé au CD/PMI (médecine générale).

 

-                Pour ce qui concerne les PADHUE nationaux, Il y a actuellement 7 PADHUE nationaux (médecine générale, chirurgie général, gynécologie-obstétrique)

 

  1.     Pouvez-vous nous donner des informations actualisées sur les conséquences des problématiques migratoires sur le fonctionnement du système de santé à Mayotte, et en particulier du centre hospitalier ?

 

Données non disponibles

 

  1.     Disposez-vous d’indications actualisées sur le coût des soins dispensés aux personnes non affiliées à la sécurité sociale ?

Données non disponibles

  1.     Pouvez-vous nous donner des indications sur la proportion de ressortissants comoriens parmi les personnes soignées sur les différents sites ainsi que sur le nombre de naissances issues de mères comoriennes ? Quelles sont les autres principales nationalités représentées ?

Données non disponibles

  1.     Pouvez-vous nous fournir des données actualisées sur le coût, le nombre et les difficultés suscitées par les évacuations sanitaires en provenance de Mayotte vers la Réunion ou l’Hexagone ? 

 

Chiffres ÉVASAN

2022

2023

2024

Nb de vols Amélia : La Réunion

1492

1556

1747

Vols commerciaux : Métropole

100

186

50

Nb de patients affiliés

978

1154

1323

Nb de patients non-affiliés

614

588

825

Départs urgents

444

755

891

Nb de civière

394

430

448

Mineurs

464

499

496

Néonat (service)

95

76

52

Mineurs accompagnés

329

336

351

Mineurs Non-Accompagnés

135

163

145

 

Les difficultés rencontrées sont diverses : Mauvaise compréhension de la part de la population et des professionnels de santé sur les procédures des demandes d’Evasan, Multiplication des interlocuteurs au départ, Manque d’accompagnement du service social pour la validation des hébergements entrainant des annulations des départs, Suspension des vols pour diverses raisons (panne, fermeture aéroport), Changement de circuit évasan qui rallonge le trajet, Changement des patients en urgence le  matin du départ, Problématique pour la réception des laissez-passer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur l’ensemble des patients bénéficiant de ces EVASAN, pouvez-vous nous indiquer combien sont pris en charge en AME à leur arrivée ?  Données chiffrées non disponibles 

 

  1.     Quels sont les services et spécialités les plus en tension au CHM et quelles en sont les raisons ?

La quasi-totalité des services sont en forte tension, en raison d’une activité soutenue, d’un manque de ressources humaines (médecins, sages-femmes, infirmiers) et d’une insuffisance d’espace de travail. Certains services sont toutefois particulièrement impactés, notamment la maternité, la néonatologie, le bloc-opératoire et la chirurgie, les urgences, le Medico-tech (labo, imagerie),  la médecine ainsi que la psychiatrie.


 

  1.     Sur quelles spécialités ou services se sont principalement portés les investissements au cours des cinq dernières années et à quelle hauteur (coût) ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  1.  Les accouchements se font gratuitement à Mayotte : pouvez-vous nous repréciser pour quelles raisons ? Quel bilan faites-vous de cette gratuité ?

En effet, les accouchements sont gratuits. Cette mesure a été décidée à la demande de Mme Dominique Voynet, alors Directrice Générale de l’ARS. Elle partait du principe que l’accouchement constitue une urgence médicale, notamment en raison des risques élevés de mortalité maternelle et infantile, mais aussi de la fréquence des grossesses non suivies sur le territoire. L’objectif était de garantir un accès aux soins à un moment critique, afin de limiter les complications graves, tant pour les mères que pour les nouveau-nés.

  1. Y-a-t-il eu une étude d’impact des coûts – budgétaires, sanitaires – liés à l’absence d’aide médicale d’Etat à Mayotte ? A l’inverse, disposez-vous de données sur les coûts qu’impliquerait la mise en place de l’AME à Mayotte ?

 

Données chiffrées non disponibles 

 

  1. Pouvez-vous nous expliquer en quoi l’absence de tarification à l’activité serait un obstacle à la mise en place de l’AME à Mayotte ?

 

Si l’AME se met en place, le CHM devra tarifer ses actes. L’AM distinguera alors les actes remboursés par le/les régimes d’AM et ceux relevant de l’Etat. Ainsi, l’évolution vers une T2A au CHM est une obligation qui doit suivre la mise en place de l’AME.

le déploiement de l’AME risque d’entrainer un impact économique non mesuré du fait du changement de mode de financement. Cette évolution, doit être préparée, anticipée, expliquée, mise en œuvre de façon progressive pour que le CHM ne soit pas mis en difficulté de recouvrement de frais qui ne pourraient être facturés (alourdirait sa situation comptable).

Le cas échéant, quels moyens aurions-nous de surmonter cet obstacle ? 

Le projet de déploiement de la Protection Maladie Universelle Maladie (PUMa) peut permettre d’améliorer le système actuel pour toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière d’obtenir le droit à la prise en charge de ses frais de santé à titre personnel et de manière continue tout au long de sa vie (perspective de déploiement au cours de l’exercice 2026).

(La PUMa permet à l’assuré de rester affilié au régime d’assurance maladie, quelle que soit l’évolution de sa situation personnelle ou professionnelle. Les éventuelles périodes de rupture de droits sont ainsi évitées. Ce dispositif réglementaire a vocation à étendre l’accès aux droits et potentiellement aux soins. Toute personne perdant son statut de résidence régulière sur le territoire conservera toutefois ses droits pendant une période de 6 mois à compter de la date de son changement de situation, permettant ainsi la régularisation de sa situation.)


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   ANNEXE n° 4 : Contribution complémentaire du CHM et de l’ARS Mayotte

  1. Pouvez-vous nous communiquer la décomposition précise de l’estimation de 123 millions d’euros dévolus aux soins aux étrangers en situation irrégulière à Mayotte que vous avez transmise au ministère ?

L’estimation de 123 millions d’euros consacrés aux soins des Non assurés sociaux en 2023, repose sur le RTC (Retraitement Comptable), qui correspond à la comptabilité analytique obligatoire dans l’ensemble des établissements de santé. Cette méthode permet notamment de calculer le coût moyen d’une journée d’hospitalisation dans un service donné, à condition que l’affectation des dépenses soit correctement réalisée en amont.

Au CHM, cette comptabilité est encore récente, sa mise en place ne datant que de 2022. Néanmoins, elle constitue à ce jour le seul outil permettant d’accéder à des données détaillées sur les coûts liés à l’activité hospitalière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2. Pouvez-vous revenir plus précisément sur le taux de 40% évoqué pour le poids de la prise en charge des personnes non affiliées au sein du CHM : s’agit-il de 40% des coûts pour l’hôpital, de 40% des patients qui s’y présentent ? Sur quelle base cette estimation est-elle établie ?

Il s’agit d’environ 40 % de la patientèle du CHM. Toutefois, il reste très difficile d’établir ce taux avec une certitude absolue. Pourquoi ?

D’une part, lorsqu’un patient se présente au CHM, qu’il soit assuré social ou non, il ne dispose le plus souvent pas des justificatifs nécessaires pour compléter son dossier administratif. Par la suite, deux situations peuvent se produire : soit une régularisation intervient a posteriori, soit le patient ne fournit jamais les documents requis, et le CHM n’a alors aucun moyen de vérifier sa situation.

D’autre part, ce chiffre de 40 % correspond à une moyenne mouvante, qui évolue constamment.

Cela étant, une société mandatée par le CHM, en lien avec l’ARS dans le cadre du Ségur numérique, travaille actuellement sur la question de l’identitovigilance — c’est-à-dire l’ensemble des mesures visant à fiabiliser l’identification des usagers afin de sécuriser leurs données de santé tout au long de leur prise en charge. L’exploitation des données issues des dossiers patients, selon la présence ou l’absence d’un numéro de sécurité sociale, permet aujourd’hui d’établir cette estimation.

Pouvez-vous nous donner des indications sur la proportion de ressortissants étrangers parmi les personnes soignées sur les différents sites ainsi que sur le nombre de naissances issues de mères étrangères ?

Les chiffres que nous communiquons concernant les consultations sur les différents sites, sont issus de l’exercice 2024, en cours de finalisation. Ils demeurent donc provisoires et susceptibles d’évoluer. Nous ne manquerons pas de vous transmettre les données consolidées dès qu’elles seront disponibles. 


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   ANNEXE n° 5 : Contribution de la direction GÉNÉRALE de l’OFFRE DE SOINS (DGOS) et de la DIRECTION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE (DSS)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 






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   ANNEXE n° 6 : Contribution de la Direction générale des outre-mer (DGOM)

  1.     En préambule, pouvez-vous nous dire quel regard vos administrations centrales portent sur cette proposition de loi, en lien avec la problématique des nécessaires soins à apporter à une population sans papier toujours plus nombreuse à Mayotte ?

Le sujet structurant est l’offre de soins à Mayotte. Il ressort que la proposition de loi a pour objectif de permettre la prise en charge d’étrangers en situation irrégulière par la médecine de ville.

Or, à ce stade, la médecine de ville est très peu développée à Mayotte et n’est ainsi pas en mesure de répondre à la demande complémentaire éventuelle. En tout état de cause, il y a fort à parier que le réflexe des personnes sans affiliation consistera encore, et pour une durée significative, à se rendre au centre hospitalier de Mayotte.

Ainsi, il paraît peu probable que la proposition de loi puisse atteindre son double objectif symétrique : permettre la prise en charge des étrangers en situation irrégulière et désengorger le centre hospitalier de Mayotte.

 

  1.     Pouvez-vous nous fournir des données actualisées sur la situation sanitaire à Mayotte ? En particulier, quel est à ce jour le bilan sanitaire de Chido ?

Le cyclone tropical intense Chido a touché Mayotte le 14 décembre 2024 en causant de très lourds dégâts, d’abord humains avec, 40 décès, 41 disparus et plusieurs milliers de blessés puis matériels, avec, sur le volet sanitaire, des dégâts majeurs sur les structures de soins et médicosociales. En plus de l’acheminement des renforts humains et matériels pour appuyer le système de santé (plus de 1 000 professionnels de santé envoyés en renfort dans les trois mois qui ont suivi le cyclone et 152 tonnes de fret sanitaire), près de 40 000 personnes ont été vues lors d’actions d’aller-vers les populations.

Au regard des conséquences du cyclone, des analyses de risques sanitaires ont été réalisées par Santé publique France sur la base des remontées des dispositifs de surveillance, mais également de l’expérience tirée d’autres catastrophes naturelles ; plusieurs risques sanitaires ont été identifiés, au premier rang desquels les traumatismes et les troubles psychologiques, les risques infectieux (notamment les maladies hydriques liées à la dégradation du réseau d’eau, les maladies vectorielles favorisées par la saison des pluies et la prolifération de gîtes larvaires…), mais également en lien avec les difficultés d’accès aux soins  (plaies infectées, décompensation de maladies chroniques par exemple).. La fièvre typhoïde a fait l’objet d’une circulation active après le passage du cyclone, avec une incidence élevée rapportée, bien que la maladie soit endémique à Mayotte. Du 1er janvier au 14 avril 2025, 72 cas de fièvre typhoïde ont ainsi été confirmés par le centre hospitalier de Mayotte (CHM). Parmi ces cas, 2 ont été hospitalisés en réanimation. Aucun décès n’a été rapporté. Près de 3 000 personnes ont été vaccinées contre la fièvre typhoïde depuis le début de l’année 2025 dans le cadre d’une campagne de vaccination organisée par l’ARS de Mayotte autour des cas et foyers actifs détectés. Concernant le choléra, 1 seul cas – importé – a été détecté depuis le cyclone. Pour faire face à l’ensemble de ces risques sanitaires, les autorités sanitaires locales et nationales se sont attachées à mettre en œuvre dans les meilleurs délais les moyens et mesures permettant d’appuyer la reconstruction du système de santé et la continuité de l’offre de soins (source : Direction générale de la santé).

Les enjeux de santé mentale, dans les suites du cyclone, sont également importants et la consolidation de l’offre de soins médico-psychologique est en cours.

  1.     Pouvez-vous nous fournir des données actualisées sur l’emploi de médecins Padhue à Mayotte, avec l’entrée en vigueur du régime spécifique Padhue-Outre-mer en 2024 ?

La DGOM peut indiquer, à titre d’information complémentaire aux ministères sociaux, que le dispositif spécifique concernant les praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) s’est avéré pertinent et a fait ses preuves dans les territoires d’outre-mer où il a été instauré. Créé par la loi dite « OTSS » du 24 juillet 2019 pour répondre aux enjeux majeurs d’attractivité pour les professions médicales des territoires de Guyane, Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Martinique et Saint-Pierre et Miquelon, ce dispositif expérimental a permis le recrutement de 1 320 praticiens dans des structures de santé et de pourvoir la grande majorité des postes publiés dans les spécialités en tension (médecine d’urgence, psychiatrie, pédiatrie, gynécologie-obstétrique, médecine générale et anesthésie-réanimation). Le premier bilan réalisé avec les agences régionales de santé (ARS) des Antilles et de Guyane montre un très net renforcement des effectifs médicaux des établissements de santé de ces territoires. Ce dispositif a été étendu à Mayotte et prolongé jusqu’en 2030 par la loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels dite « Valletoux » de décembre 2023 (cf. décret du 3 juillet 2024).

  1.     Pouvez-vous nous donner des informations actualisées sur les conséquences des problématiques migratoires sur le fonctionnement du système de santé à Mayotte, et en particulier du centre hospitalier ?

La proximité géographique de Mayotte avec des territoires en crise (guerre, crise économique, sanitaire, etc.) et/ou dont le PIB est inférieur au sien engendre d’importants flux migratoires, avec des conséquences en matière démographique, de pauvreté, sécuritaire et sanitaire. En matière sanitaire, ces territoires, notamment d’Afrique de l’Est, connaissent une recrudescence d’épidémies, dont des maladies évitables par la vaccination. Le paludisme continue de faire des ravages sur la quasi-totalité du continent africain. La tuberculose et le VIH sont particulièrement prévalents en Afrique australe, la typhoïde, la rougeole ou le choléra sont endémiques dans de nombreuses régions. Concernant le choléra, le nombre de cas est en forte hausse au niveau mondial avec un fort impact sur le continent africain. Il convient par ailleurs de noter que la plupart de ces régions ont du mal à faire face à la situation en raison de la fragilité de leur système de santé.

C’est pourquoi, à Mayotte, il est mis en place un haut niveau de vigilance épidémiologique.

  1.     Pouvez-vous nous fournir des données actualisées sur le coût, le nombre et les difficultés suscitées par les évacuations sanitaires en provenance de Mayotte vers la Réunion ou l’Hexagone ?  Sur l’ensemble des patients bénéficiant de ces EVASAN, pouvez-vous nous indiquer combien sont pris en charge en AME à leur arrivée ?

La DGOM peut indiquer, à titre d’information complémentaire, que les EVASAN sont à l’origine de grandes difficultés et de coûts indirects pour les familles. En effet, en plus des conséquences de la maladie, l’éloignement créé des difficultés matérielles, administratives, financières ainsi que psychologiques pour le patient et son entourage.

  1.     Avez-vous des améliorations/propositions à nous suggérer, dans le cadre de l’examen de cette PPL ?

L’extension de l’AME à Mayotte représente un moyen en vue d’une prise en charge des patients concernés par la médecine de ville. Le texte gagnerait à envisager globalement le développement de la médecine de ville à Mayotte. Sinon, il risque de ne pas atteindre son objectif.


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   ANNEXE n° 7 : Contribution N° 1 de Santé publique France

  1.     Pouvez-vous nous fournir des données actualisées sur la situation sanitaire à Mayotte ? En particulier, quel est à ce jour le bilan sanitaire de Chido ?

 

Maladies chroniques

Mayotte, 101e département français, est confronté à d’importants défis sanitaires aggravés par une situation socioéconomique précaire : 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et Le système de santé est sous tension, dans un contexte de croissance démographique rapide et de forte immigration, notamment en provenance des Comores.

L’enquête Unono Wa Maore (2019), menée par Santé publique France, fournit un état des lieux alarmant de la santé publique sur le territoire. Elle révèle une prévalence élevée des maladies chroniques, en particulier le diabète et l’hypertension artérielle. Le diabète touche 12,1 % des adultes (18-69 ans), dont près de 40 % ne connaissent pas leur maladie. Les femmes, les personnes obèses ou en situation sociale défavorisée sont les plus touchées. Une majorité des personnes identifiées avec un diabète connu ou non connu est d’origine étrangère majoritairement comorienne.

L’hypertension artérielle, quant à elle, atteint 38,5 % de la population, avec une méconnaissance du diagnostic chez plus de la moitié des personnes concernées. Le contrôle de la maladie est très insuffisant : parmi les personnes traitées, seul un hypertendu sur 5 a une tension artérielle maitrisée. Le manque de suivi médical, les obstacles financiers, et la faible littéraire en santé sont des freins majeurs à la prévention et à la prise en charge.

Le territoire est aussi confronté à une situation nutritionnelle préoccupante. L’obésité touche près d’un adulte sur deux, avec des habitudes alimentaires déséquilibrées et une sédentarité croissante. Un déficit en thiamine (vitamine B1) persiste, témoignant d’une insécurité alimentaire structurelle.

 

Maladies infectieuses

Outre une forte prévalence de maladies chroniques, Mayotte est exposée à plusieurs risques infectieux majeurs. Cette vulnérabilité s’explique par sa situation en zone tropicale, des conditions sanitaires souvent précaires, un accès limité aux soins, ainsi que sa proximité avec les Comores, Madagascar et l’Afrique de l’Est, où le risque infectieux reste mal maîtrisé et d’où proviennent d’importants flux migratoires vers l’île.

Les principales pathologies infectieuses identifiées sont les maladies hydriques telles que la fièvre typhoïde et l'hépatite A, mais également la leptospirose, diphtérie, la tuberculose, ainsi que les infections sexuellement transmissibles, dont le VIH. Concernant le paludisme, le dernier cas autochtone a été signalé en juillet 2020, tandis que le nombre de cas importés est en augmentation (voir PPT audition).

Focus sur le choléra

Après l’importation du premier cas de choléra en provenance des Comores, le 18 mars 2024, une transmission communautaire s’est installée dans un quartier précaire de la commune de Koungou, à la suite de l’identification d’un premier cas autochtone le 23 avril 2024. Ce quartier précaire confronté à de fortes difficultés d’accès à l’eau potable et à un assainissement défaillant, ce qui augmentait considérablement le risque de propagation de la maladie. Une partie de la population y utilisait d’ailleurs de l’eau de rivière pour les besoins quotidiens.

Cette situation se retrouvait également dans plusieurs autres quartiers informels de certaines communes de Mayotte, où l’on observait l’absence de raccordement des foyers à l’eau potable, le défaut d’évacuation des eaux usées et l’usage collectif de latrines.

Au total, 221 cas de choléra ont été signalés à Mayotte entre le 18 mars et le 12 juillet 2024, date de la fin de l’épidémie. Parmi eux, 14 cas graves ont nécessité une prise en charge en réanimation, et 7 décès ont été recensés. La grande majorité de ces cas (83 %) étaient localisés dans les communes de Mamoudzou et de Koungou, le plus souvent dans des quartiers précaires où l’accès à l’eau potable et à un assainissement adéquat restait insuffisant.

L’ensemble des productions sur cette crise sont disponible ici, rubrique « consulter les bulletins régionaux ».

Crise de l’eau à Mayotte

Par ailleurs, Mayotte a été confrontée, en 2023, à une sécheresse sans précédent, avec un déficit de pluviométrie inédit depuis 1997. La conséquence directe a été un niveau exceptionnellement bas de remplissage des retenues collinaires et des nappes phréatiques, ce qui a conduit le comité de suivi de la ressource en eau à instaurer des coupures d’eau plus sévères que les années précédentes.

Cette rupture potentielle d’approvisionnement exposait la population à divers risques sanitaires : recours à une eau impropre à la consommation lors des remises en eau, utilisation d’eaux de surface contaminées pendant les coupures pour l’alimentation et l’hygiène, hydratation insuffisante, dégradation de l’hygiène de base (notamment le lavage des mains), défaut d’assainissement, impossibilité d’évacuer les excrétas, et utilisation de réservoirs de stockage d’eau inadaptés à la consommation ou susceptibles de devenir des gîtes larvaires pour les vecteurs d’arboviroses.

L’ensemble de ces facteurs représentait une menace sanitaire majeure pour la population mahoraise, dont une grande partie vit dans une situation de précarité. Par ailleurs, comme cela avait déjà été observé lors de la crise de 2016-2017, l’absence d’eau (ou la mise en place prolongée de coupures) pourrait entraîner des flambées épidémiques : infections gastro-intestinales et maladies hydriques endémiques à Mayotte, telles que la fièvre typhoïde ou les hépatites A, dont des foyers de contamination sont régulièrement détectés sur le territoire.

Dans ce contexte, Santé publique France a mis en place une surveillance sanitaire renforcée afin d’évaluer l’impact de cette crise sur la santé de la population. L’ensemble des productions sur cette crise sont disponible ici, rubrique « consulter les points épidémiologiques ».

Bilan du cyclone chido à Mayotte

Le 14 décembre 2024, le cyclone Chido a provoqué d’importants dégâts aux infrastructures et aux réseaux essentiels, détruisant également les habitations de nombreuses personnes vivant à Mayotte. Au-delà des pertes matérielles, de nombreuses personnes blessées ou décédées ont été recensées à la suite de cet événement climatique majeur.

Les systèmes de surveillance de Santé publique France, fortement affectés par le cyclone, ont dû être adaptés afin d’évaluer l’impact sanitaire de cette crise. Santé publique France a mis en place un système de surveillance d’urgence afin de recueillir directement sur le terrain l’information concernant l’état de santé de la population auprès des acteurs locaux. L’agence a ainsi adapté sa démarche d’« Aller-vers » impliquant une surveillance  dite « à base communautaire », avec l’aide des acteurs de terrain dont de nombreuses associations et le renfort de réservistes sanitaires dont les rotations ont été multipliées.

Ainsi, entre le 14 décembre 2024 et le 5 janvier 2025, l’hôpital de Mayotte a enregistré 4 043 passages aux urgences, principalement pour des traumatismes (plaies, fractures, etc.) et des troubles gastro-intestinaux. Deux des quatre centres médicaux locaux ont signalé des cas similaires. L’hôpital de campagne, opérationnel depuis le 24 décembre 2024, a pris en charge 2 403 patients, avec une moyenne de 185 consultations par jour au cours de la première semaine de janvier.

Une recrudescence des troubles gastro-intestinaux a été constatée, avec un taux global de positivité des prélèvements de selles supérieur à 80 % pour les agents pathogènes entériques pendant deux semaines consécutives.

Pour plus de détails sur le bilan du cyclone Chido, un article consacré à la situation dans les premiers jours suivant l’événement est joint aux documents transmis. Ces documents contiennent également des informations détaillées sur la situation épidémiologique à Mayotte.

 

  1.     Quel regard portez-vous sur cette proposition de loi, en lien avec l’ensemble des questions soulevées ci-avant ? Pensez-vous qu’elle serait une solution pour répondre aux difficultés évoquées ? Avez-vous des améliorations, modifications ou compléments à nous proposer ?  

Mayotte présente des enjeux sanitaires majeurs et persistants, comme en témoignent les données épidémiologiques exposées lors de l’audition. Aux pathologies chroniques déjà fortement présentes (diabète, hypertension artérielle, obésité, malnutrition), s’ajoutent une couverture vaccinale insuffisante et la persistance de maladies infectieuses. La transmission de ces dernières est largement favorisée par les conditions de vie précaires dans lesquelles vit une part importante de la population, en particulier les personnes d’origine étrangère en situation administrative irrégulière.

En effet, comme l’indiquait le document présenté lors de l’audition, les personnes nées à l’étranger sont plus fortement touchées par les pathologies chroniques que celles d’origine française. Par ailleurs, les difficultés d’accès à l’eau potable et les insuffisances en matière d’assainissement dans les quartiers précaires, où vit une proportion importante de personnes d’origine étrangère, souvent en situation irrégulière et avec un accès limité aux soins, représentent des facteurs de risque épidémique majeurs. Ces conditions sanitaires dégradées peuvent favoriser la survenue de foyers infectieux susceptibles de s’étendre à l’ensemble de la population.

Selon l’enquête EHIS réalisée en 2019 (Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire – spécial Mayotte, 5 mai 2022), près de la moitié de la population mahoraise a déclaré avoir renoncé à des soins médicaux nécessaires ou les avoir reportés. Le facteur financier constitue la principale cause de ce renoncement : 34 % des habitants indiquent avoir déjà dû renoncer à des soins en raison d’un manque de ressources (délai de rendez-vous trop long : 22% des habitants et les difficultés d’accès à l’offre :19%). Ce taux atteint 54 % parmi les personnes en situation de grande précarité, et 60 % chez celles non affiliées à la Sécurité sociale. Les personnes étrangères sans titre de séjour, qui ne peuvent bénéficier d’aucune couverture sociale, sont donc les plus concernées par ce renoncement aux soins.

Dans ce contexte, l’Aide médicale d’État (AME) pourrait représenter un levier pour permettre la prise en charge des patients sans couverture sociale. Elle contribuerait à garantir la continuité des soins et à prévenir les risques épidémiques à l’échelle départementale.


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   ANNEXE n° 8 : Contribution n° 2 DE Santé publique France

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



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   ANNEXE n° 9 : Note de l’ARS MAYOTTE – 5 priorités pour rebâtir le système de Santé à Mayotte

 

 

 


 

 


 

 


 

 

 


 

 


 

 


 


 


 

 


 

 


 


 

 

 


 

 


 

 


 

 


 

 


 

 


 

 


 

 


 

 

 


 

 


 

 


 

 

 


 

 


 

 

 


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   ANNEXE n° 10 : Témoignages d’assurés sociaux mahorais

« L’hôpital de Mayotte est tellement saturé qu’il est quasi impossible d’obtenir un diagnostic sur un malade et s’il y a, sa fiabilité est douteuse. Tu pars à l’hôpital pour des douleurs intenses on te prescrit un Doliprane souvent sans prise de tension ou autre. Combien de nos proches ont-ils perdu la vie car pendant plus d’un an ils ont effectué des aller-retour à l’hôpital pour des Dolipranes. Jamais les soignants n’ont eu le temps de prescrire une simple prise de sang qui dévoile certaines anomalies comme le manque de fer, des reins anormaux ou encore un foie en défaillance. Ces simples prises de sang auraient pu et dû sauver des vies, mais les soignants n’ont pas assez de temps, d’expérience ou de motivation pour s’attarder sur les symptômes d’un patient ? Manque de soignants, de matériel médical ? Va savoir. En tout cas ce qui se dit c’est que la maternité est plus fonctionnelle que les autres services, laissés à l’abandon au profit de la natalité qui rapporte davantage. La prise en charge des malades sans grossesse est quasi inexistante à Mayotte. La plupart des Evasan s’avèrent être des malades dont le diagnostic est posé trop tard, dû à un parcours de soins négligé par les soignants. »

 

« Agression par une pierre qui atteint mon œil gauche - aucun acte médical au CHM à part des anti-douleurs car 0 spécialiste - même pas droit à une chambre individuel - Évasan 4 jours plus tard à la Réunion - perte totale de la vue de l’œil gauche »

 

« Est ce qu’on doit parler de désert médical ou plutôt de surpopulation dans l’île ? Les mahorais n’ont pas accès à la santé car il y a trop d’étrangers à l’hôpital avec des maladies grave car ils vivent dans l’insalubrité. On fait la queue avec des personnes qui ne devraient pas être sur ce territoire […]. »

 

« J’ai passé 2 jours, à jeun, à attendre de passer au bloc pour une intervention bénigne car je n’étais pas une urgence vitale. J’ai vu une femme accoucher par terre dans le couloir sans que personne ne s’en rende compte. J’ai entendu une soignante s’effondrer en disant qu’elle venait de voir un patient en attente avec 7 de tension et 35 de température. Il pleuvait dans un couloir. Je connais quelqu’un d’une cinquantaine d’années à qui on a mis une sonde urinaire sans avoir eu de diagnostic. Sa famille a voulu l’EVASANER mais cela a été refusé. Au bout de presque 6 mois (après avoir fait pression auprès du préfet et demandé de l’aide d’un député) il a été envoyé à La Réunion et on lui a expliqué que le cancer avait eu le temps de se généraliser, il devenu tétraplégique et a fini par décéder... »

 

« Nous souhaitons porter à votre attention les graves dysfonctionnements rencontrés au Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) lors d’une prise en charge médicale au premier semestre 2022, qui ont eu des conséquences dramatiques pour la santé de mon épouse. Au premier semestre 2022, mon épouse a ressenti des douleurs abdominales. Elle a consulté une gynécologue en cabinet privé, qui a diagnostiqué une grossesse de quelques jours, non viable. La gynécologue a prescrit un médicament pour accélérer l’expulsion du fœtus et nous a orientés vers le CHM pour obtenir ce traitement. À notre arrivée au CHM, le personnel a refusé de fournir le médicament, estimant que l’expulsion était déjà en cours, et nous a renvoyés chez nous sans autre suivi ni examen complémentaire. Dans la nuit qui a suivi, mon épouse a souffert de saignements abondants et de pertes de connaissance. Nous avons contacté le SAMU, qui a dépêché une ambulance pour la transférer à l’hôpital de Mramadoudou. Sur place, elle a subi plusieurs pertes de connaissance. Le médecin a alors décidé son transfert aux urgences du CHM à Mamoudzou.

 

À Mamoudzou, mon épouse a été placée dans une chambre, mais n’a bénéficié d’aucun suivi médical pendant environ dix heures. Au bout de ce délai, elle a été autorisée à sortir sans aucun examen supplémentaire, avec pour seule information que le fœtus avait été expulsé.

 

Quelques jours plus tard, nous sommes partis en congé à Madagascar. Environ dix jours après la visite initiale au CHM, mon épouse a de nouveau souffert de douleurs abdominales intenses. Prise en charge en urgence à Madagascar, les médecins ont diagnostiqué une infection grave due à des résidus de la fausse couche non évacués. Un curetage a été réalisé pour nettoyer l’utérus, mais des complications ont nécessité une hystérectomie (ablation de l’utérus). Cette intervention a entraîné une infertilité définitive, avec des conséquences psychologiques et physiques lourdes pour mon épouse et notre famille. ».

 

« Je suis Mahoraise, malgré tous les problèmes de prise en charge médicale à Mayotte, je tenais à accoucher mon premier enfant chez moi, dans mon île. Mais ce que j’ai vécu à l’hôpital de Mamoudzou m’a complètement détruite.

 

J’ai dû subir une césarienne car après avoir perdu les eaux deux jours avant, je n’avais toujours pas de contraction, bébé se fatiguait alors on a dû le faire sortir par une opération. Ce qui m’a touché, c’est qu’après l’accouchement, on m’a mis dans une chambre avec 2 autres personnes. En effet, nous étions 3 femmes dans la chambre avec nos 3 berceaux. Un médecin a ouvert la porte et a crié "vous allez faire couler Mayotte à force de trop accoucher ! c’est une chambre de deux personnes et vous voilà à trois ! On ne peut même pas circuler".

Je me suis senti tellement mal car les deux autres femmes étaient des étrangères. Je me suis senti humiliée, alors que c’était mon premier enfant, à tout juste 28 ans.

 

Je ressentais beaucoup de douleur après la césarienne, mais mon mari n’avait pas le droit de m’assister les nuits. J’avais du mal à m’occuper de mon bébé toute seule. J’avais besoin d’aide. Mais même le personnel ne me donnait pas de l’aide. Elles me disaient être trop débordée. J’ai passé 5 nuits horribles à pleurer toutes les nuits. Je me sentais très malheureuse. Après cela, j’ai fait une longue dépression.

 

Pour mon deuxième accouchement, je m’étais préparée psychologiquement à tout subir. Oui, je comptais encore accoucher chez moi. Mais je n’avais pas réalisé que cela allait avoir un impact sur ma santé.

 

En effet, j’ai subi une autre césarienne, cette fois ci j’avais des contractions mais mon col ne s’ouvrait pas. Alors que je réclamais d’aller en salle d’accouchement après des heures d’attente en douleur de contractions. Le personnel me demandait d’attendre. Attendre parce que d’autres femmes accouchaient. Il n’y avait pas de place pour me recevoir. J’ai attendu des heures à ne plus en pouvoir. Je réclamais la péridurale en pleurant de douleur. Mais je ne pouvais pas aller en salle d’accouchement, car les médecins étaient débordés.

 

Après avoir attendu presque toute la nuit, il était maintenant 5 heures du matin. J’étais à bout de souffle et le cœur de bébé ralentissait. Ils m’ont donc permis d’aller en salle d’accouchement. Les médecins étaient exténués, ils avaient perdu toute leur patience. Lors de la césarienne un médecin a dit "Sors de la sale gosse". Un autre disant "qu’il en pouvait plus, qu’il avait enchainé 6 césariennes". Ça m’a tellement blessé, je me suis mise à pleurer. Encore une fois, je me suis sentie humiliée et blessée. Mais je comprenais leur fatigue.

 

Pour mon 3ème enfant, je n’avais plus le courage d’accoucher à Mayotte. Je suis partie à la Réunion et j’ai une meilleure prise en charge. Pour une fois, j’ai compris ce qu’est le bonheur d’accueillir son nouveau-né.

 

J’ai malheureusement eu une rupture utérine pour cette grossesse, les médecins à la Réunion m’ont expliqué que cela serait dû probablement à la manière dont mes césariennes ont été recousues. De plus, les 2 derniers comptes-rendus d’accouchement que je leur ai donné n’étaient pas « clairs » et « incohérents » pour eux.

 

À cause de cela, les médecins me déconseillent d’avoir un autre enfant.

 

Peut-être que ma volonté de vouloir accoucher à Mayotte pour mes 2 premières grossesses, a détruit mes possibilités d’avoir d’autres enfants aujourd’hui ? »

 

« Je me permets de vous adresser ce mail pour témoigner d’une situation qui est, à mon sens, alarmante et malheureusement minimisée. Je suis une professionnelle dans le médico-social, et j’accompagne des personnes en situation de handicap. Dans le cadre de mon travail, je suis actuellement face à la situation d’une personne qui, en cas de crise, se montre violente envers ses proches et notamment ses deux enfants mineurs. Une prise en charge par le Centre Médico-Psychologique (CMP) est nécessaire pour l’isoler et soulager ses proches.

 

Récemment, en début de soirée, cette personne a fait l’objet d’une intervention de la part des pompiers et de la gendarmerie pour l’amener de force au CHM de Dzoumogné. Une fois sur place, elle a reçu une injection pour la calmer. Dans la foulée, les soignants ont contacté la famille pour venir la récupérer. Alors qu’ils auraient pu là transférer vers Mamoudzou pour une observation plus longue, le temps qu’elle se stabilise réellement et sans l’aide de l’injection qui ne dure que quelques heures. La famille n’ayant pas un moyen de transport a refusé de se déplacer étant donné la distance entre leur domicile et le CHM. Un choix motivé par le contexte quotidien du village de Dzoumogné et surtout par rapport à l’heure de l’appel. Le matin, nous apprenons avec la famille que la patiente a fugué du CHM. Aucune investigation n’a été faite de leur part. Dans nos recherches, nous apprenons par des personnes extérieures le sens de son déplacement. Au final, elle s’est rendue du CHM vers son domicile par ses propres moyens (à pied et en faisant de l’auto-stop). Des jours plus tard, lorsque la personne était dans un état moyennement lucide, elle nous explique la tentative de viol qu’elle a subi lors de son trajet entre le CHM et son domicile. Le CHM n’est pas revenu vers la famille pour connaître l’état de la patiente, aucune démarche n’a été faite. Pour eux, elle est partie en fugue. Ils n’ont plus de responsabilité envers la patiente.

 

Je souhaite dénoncer l’absence de prise en charge adaptée pour les patients avec un profil psychologique non stabilisé. Il suffit de regarder le nombre de personnes concernées dans la seule commune de Mamoudzou, sans parler des 16 autres communes. Le CMP de Mamoudzou est le seul pour toute l’île à disposer d’un accueil avec hébergement, qui malheureusement compte peu de place. De ce fait, les patients sont accueillis dans la limite d’une semaine. Le cas doit être jugé « urgent ». Qu’est-ce qui est urgent ? Une mère qui agresse ses enfants mineurs n’est pas un cas urgent ? Oui, parce que la patiente est très souvent refoulée vers son domicile après moins de deux heures de prise en charge.

 

Les patients qui ont le malheur de faire des crises récurrentes, à l’annonce de leur nom, le Centre Médico-Psychologique de Mamoudzou, dans la discrétion, refuse leur admission. Ils sont automatiquement refoulés vers leur domicile. Il en est de même pour les pompiers et la gendarmerie.

 

Nombreux sont en errance et présentent des profils dangereux de par la violence dont ils peuvent faire preuve.

 

Le manque de professionnels du corps médical et depuis utilisé pour justifier l’absence d’une prise en charge digne et adaptée. Il justifie aussi le comportement de certaines soignantes vis-à-vis des patients ou bien des familles. Une situation qui dure et qui n’aide pas. Oui, lorsque j’entends un soignant dire « Encore elle ? Ou bien « elle fait expert ».

Les profils psy sont des armes. Ils présentent pour certains un comportement dangereux pour eux comme pour les autres. Des cas de meurtre et d’agression ont été recensés. Comment l’Agence Régionale de Santé de Mayotte et le CHM, dont le Centre Médico-Psychologique défaillant, peuvent-ils fermer les yeux sur ce sujet ?

 

Aujourd’hui, nous additionnons chaque mois le nombre de victimes. Souvent des proches aidants qui n’osent pas déposer plainte. Dans quel autre département voyons-nous des profils psychologiques non-stabilisés traîner dans les rues ou bien laissé à l’abandon dans leur seul refuge, le cercle familial ? Pourquoi un appel à projet pour une structure d’accueil de jour et d’hébergement ne fait pas surface à Mayotte ? Quand aura-t-on enfin des mesures concrètes pour soutenir et décharger les familles ? »

 

« Il n’y a pas si longtemps que ça, samedi dernier, je ressentais des fortes douleurs au niveau abdominal ne passaient pas malgré quelques médicaments. Dimanche, j’ai appelé le SAMU : la personne que j’ai eue au bout du fil n’avait pas l’air de s’inquiéter de mon état. J’ai insisté. Finalement elle m’a dit « on va envoyer une ambulance mais ce ne sera pas tout de suite ». Je me suis dit qu’il arriverait dans 1h ou 2h, donc j’ai raccroché. Au bout de 3h, voir 4h toujours rien, j’ai rappelé et là on me sort qu’il n’y a qu’une seule ambulance pour la nuit. Finalement, j’ai cherché quelqu’un pour m’y amener. Arrivé là-bas, sans m’avoir examiné, on me dit que mon cas n’est pas grave, qu’ils prennent en charge des patients qui se sont cassés des bras, jambes… Comment vous dire, j’ai été choqué, personnellement, je pense que les douleurs invisibles sont plus graves que quelqu’un qui s’est « juste » cassé le bras car ça peut être fatal si l’on ne cherche pas le problème qu’a la personne qui souffre avant que ça ne soit trop tard. Aujourd’hui, j’ai pris un billet pour me rendre en métropole pour me soigner et savoir ce que j’ai exactement car ça fait un moment que je ressens ces douleurs mais, plus le temps passe, plus les douleurs s’intensifient. »

 

« Les mésaventures sont nombreuses, mais je me permettrais de vous partager seulement 3 situations marquantes :

 

  1. Décès tragique d’un enfant de 2 ans en raison d’une erreur de soins

 

Lors de la crise des urgences au CHM, un enfant âgé de 2 ans est décédé des suites d’une erreur médicale évitable. L’enfant, souffrant d’une gastro-entérite aiguë sévère, était dans un état de déshydratation critique et nécessitait une réhydratation urgente et adaptée. Malheureusement, le médecin en charge était un médecin de la réserve sanitaire sans formation ni compétence en pédiatrie. Il a alors administré par méconnaissance un produit de réhydratation totalement inapproprié pour les enfants et toxique dans ce contexte. Ce traitement inadéquat a provoqué un arrêt cardiaque chez l’enfant, qui n’a pu être réanimé.

L’événement indésirable a été officiellement signalé à la hiérarchie, mais à ce jour, aucune mesure correctrice structurelle n’a été mise en place. Malheureusement ce drame n’est pas un cas isolé. La crise des urgences a causé, dans l’ombre, de nombreux préjudices graves, dont certains mortels.

 

  1. Handicap lourd chez une femme de 60 ans par absence de prise en charge adéquate d’un AVC

 

Une patiente âgée d’environ 60 ans, dont j’ai encore le contact, a été conduite aux urgences par sa fille pour des symptômes évocateurs d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Selon les recommandations les plus élémentaires, il fallait la réalisation en urgence d’une IRM, afin de confirmer ou d’écarter le diagnostic. Or ce soir-là, le service des urgences fonctionnait en sous-effectif chronique, avec un personnel médical débordé, manquant de temps et de lits d’hospitalisation. Dans ce contexte, la médecin urgentiste, faute de ressources disponibles, a renvoyé la patiente à son domicile sans avoir pu effectuer les examens nécessaires.

 

Deux jours plus tard, la fille a dû reconduire sa mère aux urgences, l’état neurologique s’étant aggravé. Mais il était déjà trop tard : la patiente présentait une paralysie complète d’un hémicorps, conséquence irréversible du délai de prise en charge. Elle souffre aujourd’hui de séquelles lourdes, nécessitant notamment une alimentation par gastrostomie (une poche à son ventre, reliée à son estomac.)

 

  1. Fracture non opérée faute de ressources

 

Un de mes patients médecin traitant, un homme de 40 ans, a souffert d’une fracture déplacée qui aurait dû être opérée selon les standards médicaux. Pourtant, les chirurgiens orthopédiques du CHM ont décidé de ne pas intervenir. Troublé par cette décision, j’ai sollicité deux téléexpertises auprès de spécialistes en métropole, qui ont tous deux confirmé sans équivoque la nécessité d’une opération.

 

Le plus préoccupant, c’est que le chirurgien local lui-même a reconnu qu’il aurait opéré ce patient s’il exerçait en métropole. Cette décision s’explique à priori par un problème structurel : plusieurs blocs opératoires du CHM sont hors service, contraignant les équipes à ne traiter que les urgences vitales.

 

Ce patient, comme d’autres que j’ai suivis, a finalement dû se rendre à La Réunion à ses frais pour recevoir les soins appropriés. Des cas similaires sont fréquents, et les chirurgiens orthopédiques réunionnais sont régulièrement effarés par le niveau de prise en charge observé à Mayotte.

 

Je suis également confronté à des problématiques de prise en charge de patients non affiliés à la CSSM, et sans AME du fait de l’exception mahoraise. Sans couverture, ils ne sont pas soignés à temps, ce qui favorise les complications et les épidémies. C’est une réalité à laquelle les médecins de ville sont quotidiennement confrontés. Il ne faut pas oublier que la prévention est moins coûteuse en temps et en argent, car les patients avec complications finissent en service d’hospitalisation et mettent à mal un système de santé déjà saturé.

 

Enfin, ayant travaillé dans le service de médecine du CHM — seul service d’hospitalisation adulte —, je peux témoigner de la tension permanente. Ce service saturé empêche la programmation d’examens ambulatoires et aggrave la situation aux urgences. Ainsi, des patients restent parfois jusqu’à 10 jours sur un brancard dans les couloirs des urgences. A titre de comparaison, en métropole, 30 heures d’attente suffisent à susciter l’indignation nationale.

 

Sachez que je conseille régulièrement à mes patients de se faire soigner à La Réunion ou en métropole. C’est pour moi un aveu de l’échec de notre système de soin. Ceci n’est pas acceptable. Les Mahorais ont droit à un accès aux soins équivalent à celui de tous les citoyens français.

 

Nous avons urgemment besoin : d’un second hôpital ; de plus de structures de soins de proximité ; d’une gouvernance hospitalière plus cohérente et responsable.

Je ne l’ai pas mentionné mais je n’oublie pas que la mauvaise gestion de l’hôpital a précipité la fuite de médecins urgentistes compétents et dévoués, il y’a 3 ans. »

 

« En 2017, je n’avais que 41 ans et demi. Mon médecin traitant a découvert une ACFA (maladie cardiaque) confirmée par les urgentistes du CHM.

 

On m’a prescrit un traitement temporaire, dans l’attente d’un rdv avec un cardiologue au CHM. Rendez-vous plusieurs fois reporté par le CHM, d’un mois à l’autre. Au final, je n’ai rencontré aucun cardiologue l’année en cours.

 

[Entre temps, je dois éviter tout saignement (éviter tout accident, que ce soit de voiture ou coupure à la campagne ou de jardinage ou autre). Tout saignement peut-être létal, mortel à cause des anticoagulants que je prends régulièrement. Je ne pouvais pas travailler correctement pendant cette période transitoire. J’ai eu le soutien de mon entreprise pendant les 2 premiers mois. Au 3ème mois, j’ai perdu la totalité de mon salaire (0€ au bulletin de salaire) car ma situation s’est dégradée au fil du temps. ]

 

Au 3ème mois, avec le soutien de mon médecin traitant et de toute ma famille (y compris ma femme), j’ai pu partir à Angers pour consulter un cardiologue dans une clinique privée. Tout (transport, billet d’avion, loyer, nourriture, soins) était entièrement pris en charge par ma famille, excepté le pourcentage de soins réservé à la CSSM.

Ce fut une expérience difficile et compliquée, mais je reste une personne chanceuse et peut-être privilégiée dans ce désert médical. »

 

« Je vous écris aujourd’hui car je suis complètement désemparée. Je suis mahoraise, travaillant au CHM.

 

J’ai accouché prématurément de ma fille, cela fait plus d’une semaine qu’on doit être EVASAN à la Réunion. On devait partir jeudi, hier matin : annulation et ce matin, annulation encore une fois.

 

Déjà qu’à la maternité on m’a mis une pression pour quitter les lieux alors que j’ai eu une césarienne d’urgence (donc des agrafes, problèmes de tension artérielle etc.) et sachant que mon enfant est hospitalisé en réanimation néonatale. J’ai demandé pourquoi je devais quitter ma chambre : leur réponse était « car trop de femmes qui ont accouché dorment dans le couloir avec leur bébé ».

 

J’ai refusé de partir car j’estime qu’en tant que mahoraise et citoyenne française payant des impôts c’est mon droit de rester dans cette chambre jusqu’à notre Evasan.

 

J’ai le médecin responsable de l´Evassan qui m’a juste dit « je suis désolé ». Moi énervée, je lui dis « si c’était un petit anjouanais, un mzoungou qui était dans ma position, une solution aurait été trouvée ». Elle me répond avec un ton menaçant « je ne vous permets pas de dire cela sous prétexte que vous soyez mahoraise ». Puis je lui ai raccroché au nez.

De plus, pour que nous puissions être Evasan, on a exigé un hhébergement chez un membre de ma famille. Or, normalement le CHM travaille avec une résidence à Saint-Clotilde qui héberge les gens qui sont en Evasan. Moi, voulant des meilleurs soins pour mon enfant, j’ai contacté un membre de ma famille à Saint-Denis qui a accepté volontiers de m’héberger chez elle.

 

Selon les échanges de mails, c’était bon pour l’hébergement. Une fois sur place je contacte le responsable, pas de réponse. Je la rappelle le lundi vu qu’on était arrivés le dimanche. Après plusieurs appels, il me répond en disant qu’il n’était au courant de la date exacte de ma venue mais qu’il allait me contacter le mardi afin de récupérer les clés. Le mercredi, ne pas voyant son appel, j’appelle et il me sort une autre excuse. Le vendredi, la veille du cyclone il me dit de rester chez ma famille jusqu’à lundi. Le lundi arrivé, toujours pas de nouvelles. Au final, je n’ai pas eu de logement. Pourtant dans la même semaine une mère étrangère avec son enfant que j’ai rencontré à l’hôpital a bénéficié de logement et moi mahorais payant mes impôts je n’ai rien obtenu car moi j’ai des papiers.

 

Jusqu’à quand allons subir ces injustices ? Pourquoi l’étranger qui ne paye rien à Mayotte a plus de bénéfices que nous, Mahorais ? »

 

 « Nous nous permettons de vous adresser ce courrier, afin de témoigner du véritable parcours du combattant que nous vivons depuis l’évacuation sanitaire (EVASAN) de notre fille vers La Réunion.

Notre situation familiale a basculé en juillet 2023. Notre fille, alors âgée de 3 ans, a fait une chute grave d’un balcon à notre domicile vers 15h15, occasionnant un traumatisme crânien sévère. Prise en charge en urgence par les pompiers et le SMUR, elle a été transportée au Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) à Mamoudzou, admise en déchocage et placée dans le coma. Face à un pronostic vital engagé, son évacuation sanitaire vers le CHU Sud de La Réunion à Saint-Pierre a été décidée et effectuée le lendemain. Elle a été admise en réanimation jusqu’à la deuxième quinzaine d’août 2023, puis transférée au service de pédiatrie jusqu’à fin août 2023. Elle a ensuite été orientée vers l’hospitalisation complète à l’Hôpital d’enfant de Saint-Denis pour une suite des soins et une rééducation intensive.

Dès notre arrivée à La Réunion, ma compagne (Gestionnaire administrative au Rectorat de Mayotte) et moi-même (Inspecteur des Douanes et Droits Indirects affecté à la Direction Nationale des Statistiques du Commerce Extérieur (DNSCE) à Toulouse depuis 2021, en congé à Mayotte au moment des faits) avons dû nous débrouiller seuls pour trouver un hébergement, jonglant entre hôtels, Airbnb et Booking (le CHU Sud ne proposait pas de logement type "maison parentale”).

Depuis sa sortie d’hospitalisation en janvier 2025, notre fille est suivie en libéral par une psychomotricienne. Elle est inscrite sur liste dattente pour une prise en charge dans un Institut Médico-Éducatif (IME) en ergothérapie et en orthophonie conformément à une notification MDPH. En attendant, elle continue de consulter mensuellement un Neuro-pédiatre de l’hôpital d’enfants. Son état de santé nécessite toujours une prise en charge spécifique et une rééducation renforcée. Or, les structures adaptées à sa prise en charge dans locéan Indien se trouvent principalement à Saint-Denis de La Réunion. Mayotte ne dispose pas dun plateau technique suffisant pour répondre à ses besoins.

Face à cette épreuve, nous avons été confrontés à une succession de difficultés et à un manque criant de soutien et daccompagnement de la part des institutions :

1. Soutien initial et information : Il y a un manquement grave dinformation du CHM envers les familles des patients évasanés sur leurs droits avant les transferts vers dautres départements. En novembre 2023, nous avons été informés de l’existence d’une cellule de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM) au sein du CHU de Bellepierre. Cette cellule est censée venir en aide aux évacués sanitaires. Cependant, en raison de problèmes relatifs au dossier de notre enfant, qui n’a pas été correctement traité par le service EVASAN, ainsi que du non-paiement des factures par la CSSM, ces difficultés ont persisté.

2. Maison de Mayotte à Saint-Denis : Malgré plusieurs démarches auprès de cette structure, que l’assistante sociale de l’Hôpital dEnfants avait recommandé de contacter, nous n’avons pas reçu d’aide de la part de cette entité du département de Mayotte. Celle-ci est pourtant censée assister les Mahorais dans leurs démarches à La Réunion, ce qui nous amène à questionner son utilité réelle.

3. Conseil Départemental de Mayotte : Ma compagne a pris linitiative dalerter les conseillers départementaux afin de leur exposer notre situation. Toutefois, ces démarches nont pas abouti, ce qui nous a laissés avec un sentiment de négligence.

4. Remboursements CSSM : Les demandes de remboursement de nos frais de location et de repas, déposées via la cellule CSSM de Bellepierre, se sont avérées être un véritable parcours du combattant. Chaque mois, je contactais le conseil dadministration de la CSSM de Mayotte, afin de demander son aide pour le traitement de nos remboursements.

5. Transports sanitaires : L’irrégularité des transports sanitaires, qui acceptaient les bons de transport à l’hôpital mais ne se présentaient souvent pas pour nous chercher, nous a contraint à acheter un véhicule en décembre 2023 pour assurer les allers-retours entre notre domicile et l’hôpital d’enfants dès que nous avons eu une permission de sortie de l’hôpital les week-ends.

6. Demandes de mutation : Malgré de multiples demandes de mutation pour La Réunion, motivées par l’état de santé de notre fille et étayées par plusieurs rapports sociaux, ni ma direction (DNSCE) ni la Direction Générale des Douanes et Droits Indirects (DGDDI) n’ont accédé à mes requêtes à ce jour. Un recours hiérarchique auprès de la DGDDI est également resté sans réponse. Ma compagne se heurte aux mêmes difficultés pour obtenir sa mutation du Rectorat de Mayotte vers Le Rectorat de la Réunion.

7. Versement des allocations (CAF) : À la suite de la notification de la MDPH en septembre 2024 nous accordant l’Allocation d’Éducation de l’Enfant Handicapé (AEEH), il a fallu plusieurs mois pour que la CAF de La Réunion accepte le transfert de dossier de ma compagne de la CAF de Mayotte vers la CAF de La Réunion puis procédé au versement. À La Réunion nous avons souvent le sentiment, en tant que Mahorais, de ne pas être reconnus comme des citoyens français à part entière par certaines administrations (Sécurité Sociale, CAF, Hôpital, etc.), qui semble mettre en place des obstacles administratifs décourageants. Par exemple, il nous a été impossible davoir un RDV avec un conseiller de la CAF afin dexpliquer notre situation. Lorsqu’on appelle pour obtenir des informations sur le délai de traitement du dossier, il est indiqué que l’enquête est en cours et qu’un rendez-vous ne peut être accordé, malgré la nature urgente de la situation.

8. Prise en charge médico-sociale (SESSAD/MGEN) : Nous avons dû nous battre pendant trois mois pour que le SESSAD Levavasseur accepte d’accompagner notre fille. L’organisme ne reconnaissait pas l’affiliation de ma compagne à la Mutuelle Générale de l’Éducation Nationale (MGEN) de Mayotte pour la prise en charge des frais socio-médicaux pourtant ordonnés par la MDPH. Il a fallu de nombreux appels et courriels avec la MGEN Métropole pour obtenir l’engagement écrit que notre enfant serait bien couverte à La Réunion, malgré le fait que la MGEN soit nationale.

Aujourd’hui, en mai 2025, nous nous sentons livrés à nous-mêmes. Nous navons plus eu des nouvelles du CSSM depuis que notre fille n’est plus couverte par le protocole d’EVASAN Mayotte-La Réunion car elle n’est plus hospitalisée. Pourtant, son retour à Mayotte est inenvisageable à ce jour, au vu de son état et de la nécessité de poursuivre ses prises en charge thérapeutiques en libéral ici.

Nous continuons à soumettre nos demandes de mutations respectives régulièrement auprès de nos employeurs, sans certitude quant au résultat. Afin dassurer une présence constante auprès de notre fille, je suis en télétravail total depuis La Réunion. Je me rends régulièrement à Toulouse en raison de l’incertitude concernant la pérennité de cette autorisation de télétravail. De plus, ma compagne est en congé maladie de longue durée en raison d’une détresse psychologique.

Cette situation engendre de lourdes conséquences financières : nous devons assumer le loyer de mon logement à Toulouse, nécessaire en raison de l’incertitude concernant mon télétravail, ainsi que le loyer et les charges d’un second logement à Saint-Denis. Nous avons épuisé toutes nos économies, malgré les aides partielles à l’hébergement de la Mutuelle des Douanes et le soutien de l’ODOD (Œuvre des Orphelins et de Développement des Œuvres Sociales des Douanes), qui a pris en compte le handicap de notre fille.

Nous espérons sincèrement que notre témoignage pourra contribuer à une prise de conscience et à une amélioration de la prise en charge et de l’accompagnement des familles mahoraises confrontées à l’épreuve de l’évacuation sanitaire. Le manque de coordination, de communication et de soutien actif des institutions compétentes ne fait qu’ajouter une charge immense à des familles déjà fragilisées. »

 « J’ai une rage de dents qui dure depuis 3 ans et j’ai contacté tous les dentistes de l’île. Tous ne prennent plus de nouveaux patients j’ai passé une journée complète au CHM sans être vue par le dentiste ; je me suis ensuite présenté à l’hôpital de campagne après Chido pas de dentiste non plus. Aujourd’hui, je traîne encore cette dent, je voudrais juste qu’on me débarrasse de cette douleur. »

« Les infirmeries d’établissements surpeuplés (plus gros collèges et lycées d’Europe) tentent, en effectifs réduits et sans médecin scolaire de pallier les défauts de soins de parents démunis face à la peur du gendarme et au manque d’argent. Il devrait y avoir un infirmier pour 1000 élèves environ (secteur collège/primaire) et nous sommes à un infirmier pour 2500 élèves Le soin qui devrait être 10 à 20% de notre activité s’élève à 60/70% de notre temps. Ce qui empiète sur nos missions premières : éducation à la santé, promotion de la santé et prévention. Avec des interventions très compliquées : En métropole on intervient devant un niveau, ce sont 6 ou 7 classes concernées. Ici c’est entre 13 et 18 classes par niveau... Deux à trois fois plus.

 

Quand il faut faire des interventions comme "l’hygiène", "l’EVARS" tant décriée, "les gestes qui sauvent", "lutte contre le harcèlement", etc. en groupe de 12/14 élèves (demi-classes) on passe de 12 séances en métropole à 26 à 36 séances à Mayotte... Intenable car très dur à organiser, avec toujours des aléas qui nous font reporter (profs qui oublient, bus caillassés, cyclone/COVID/choléra/barrages/situations graves à gérer...)

 

Les dépistages infirmiers obligatoires de la 12e année (test la vision de près, de loin, des couleurs, la stéréoscopie, l’audition, les poids et taille, dépistage des affections à éviction scolaire comme la teigne et la gale, le bucco-dentaire, etc.) sont rarement réalisés pour tous. Dans un collège de 1400 élèves ce sont 350 élèves de 6e à voir ; dans un établissement de 1800 élèves, 450. Un entretien individuel dure 20/30mn fonction de l’éducation qu’il y a à faire selon les problèmes relevés. Multiplié par 350 à 450 élèves (l’effectif d’un collège moyen de métropole) c’est compliqué d’en venir à bout en étant sollicités toutes les 2mn pour des maux de ventre, de tête, des maux de dents, des blessures en EPS car la plupart n’ont pas de baskets aux pieds, etc.

 

Sans compter que tout ça est annulé quand on a une situation de coup de couteau/compas/ciseaux, violence familiale, de viol, de rapport non protégé (pilule d’urgence, accompagnement PMI pour les IST et le suivi),

 

La carence de médecins de l’éducation nationale, la carence de dentistes, d’ophtalmos, d’orthophonistes, de manière générale de spécialiste est une barrière.

 

La crise de l’eau nous amène des diarrhées, vomissements, problèmes cutanés à gérer et orienter.

 

Les expulsions des parents font que des gamins se retrouvent chez des tantes et des grands-mères démunies, moins attentionnées, avec des problématiques familiales bien supérieures et de nombreux abus.

 

Il nous est très difficile de joindre les familles et de les faire venir car souvent les numéros sont faux, ont changé, ont été résilié car pas de crédit...

 

Nous n’avons clairement pas le temps ni les moyens humains pour remplir pleinement nos missions de santé publique (prévention, promotion, éducation) parasités par le manque de professionnels sur le territoire, qui conduit parents et enfants à se dire, "j’irai voir l’infirmière ou l’infirmier". Or, nous sommes des établissements d’enseignement et non de soins (à part les soins d’urgence et premiers secours)... Nous ne sommes pas médecins, ne pouvons ni dispenser sans avis médical (rôle prescrit) ni prescrire.

 

Cet état de fait nous laisse passer à côté de bon nombre de situations individuelles comme le mal être adolescent, la surpopulation qui est anxiogène (bruit, agitation, foule, chaleur, fatigue…), l’hypersollicitation, les incivilités des caïds qui viennent crier en plein rush des 10mn de récré qu’ils veulent « des capotes pour baiser » : situation qu’on ne peut gérer devant les 23 élèves de la salle d’attente, aussi démunis que nous.

 

Je ne me plains pas de mon métier, il est formidable. Mais sans Psychologue, sans médecin éducation nationale, sans MDPH pour traiter les dossiers, sans numéros de parents valides, sans moyens humains adaptés, sans moyens matériels dans le premier degré (qui dépendent des mairies), etc.... On traite les situations au jour le jour en faisant ce qu’on peut avec les moyens dont on dispose ... Et on passe à côté de beaucoup de situations, et beaucoup d’élèves ne sont pas dépistés, et beaucoup d’interventions ne peuvent avoir lieu... »

 

« Je partage mon expérience en tant que patiente il y avait quelques mois. J’étais admis aux urgences suite à une luxation du genou. J’étais bien prise en charge aux urgences mais l’attente avec la douleur était insoutenable. Les personnes proches ou accompagnants ne sont pas autorisées à rester avec la personne malade pour la nuit. Le pire s’est produit le lendemain de mon transfert aux services traumatologiques orthopédiques. Étant en incapacité totale de me déplacer par moi-même, je pouvais passer toute une journée sans voir de soignant ce qui est compliqué et déplorable. Les aides-soignants passaient une fois dans la journée et les soirs en cas de besoin je pouvais attendre plusieurs minutes avant de voir quelqu’un venir. Une fois, j’ai failli me faire dessus. »

 

« Je suis mahoraise, insérée, je travaille dans un service public de l’État, mon conjoint est enseignant et nous payons nos impôts. Pourtant quand nous avons besoin de nous soigner et de soigner notre famille, nous sommes obligés de payer un billet d’avion, et un Airbnb pour cela, un véritable gouffre financier.

 

Nous avons eu 6 ans de parcours PMA, plusieurs aller-retours et plusieurs locations Airbnb mais, hélas, les règles d’Evasan de la CSSM étant complètement arbitraires et non facilitantes pour des personnes qui sont déjà en épuisement psychologique, nous avons réussi à obtenir le remboursement de 2 séjours uniquement après un long combat administratif. Au vu des efforts qu’il a fallu déployer pour un soutien minimum de notre département, tout le reste de nos séjours, nous les avons payés nous-mêmes. Aujourd’hui, nous voyons le bout du tunnel : un magnifique bébé est en route et hélas nous le devons qu’à Dieu, nous-même et le centre PMA de Saint Pierre. Mon île, Mayotte, n’y est pour rien.

 

Actuellement nous sommes déjà en train d’anticiper l’accès aux soins en tant que futurs parents et sommes obligés d’investir dans une résidence secondaire à la Réunion afin de faciliter nos futurs séjours médicaux sur l’île.

 

Je pourrais vous citer d’autres exemples de parents et proches qu’on a dû evasassaner par nos propres frais car ils ont voulu faire confiance au système de santé mahorais mais qui ont vu leur état de santé général se dégrader. Aujourd’hui, j’ai l’exemple de ma maman qui a retrouvé une jeunesse grâce au Chikowa qu’on a dû mettre en place mes frères et sœurs et moi pour l’envoyer subir presque deux ans de soins médicaux à Toulouse.

 

Mon bababé quant à lui est actuellement non autonome dans ses gestes quotidiens pour une cataracte, le CHM nous dit depuis plusieurs années ne pas avoir de médecin pour l’opérer sur place et il n’est visiblement pas prioritaire pour une EVASAN car nous avons à plusieurs reprises fait la demande, en vain. Encore un prochain chicowa en devenir......

 

Ma maman a dû faire deux séjours médicaux, le premier en 2022 a duré 3 mois où elle a subi une première intervention chirurgicale. Pour ce premier nous avions un budget de base de 4000 euros pour le billet Mayotte/Paris, Paris/Toulouse, aller-retour avec un peu d’argent pour les dépenses sur place. Mais cela n’a pas suffi car une fois sur place chaque enfant a dû envoyer un peu d’argent pour lui permettre de vivre dignement et poursuivre les soins. Puis, une fois à Mayotte on a dû la faire repartir dans la même clinique car des complications suite à sa première intervention chirurgicale sont apparues. Cette fois elle y reste 6 mois, c’était l’année dernière. Nous n’avons jamais cherché à budgétiser ces deux séjours car tout ce qui comptait pour nous à ce moment-là c’était la santé de notre mère, mais je peux sans hésitation vous dire que nous avons atteint la barre des 10 000 € et nous n’étions que 3/5 enfants à travailler à ce moment-là. »

 

« En mai 2024 j’ai fait un suivi de grossesse chez nous ici [À Mayotte], les rendez-vous sont annulés sans aviser les patients. Obligée d’aller dans un cabinet de sage-femme privé, très bon suivi.

 

Arrive le jour de l’accouchement : ce qui devait être l’un des plus beaux moments de ma vie familiale se transforme en angoisse interminable.

 

Je me rends à l’urgence maternité avec M. vers 7 heures à la suite de contractions.

 

Arrivé là-bas, on me demande d’attendre du fait du nombre de patients compréhensible. Arrivé mon tour, on m’examine, mais elle a été obligée de suspendre, appelée pour une urgence pour cause d’insuffisance de personnel . Donc je reste en attente dans une petite salle sur un brancard et M. est l’attente, le téléphone reste le seul lien. Je sonne et resonne mais à chaque fois on me demande d’attendre du fait des urgences. 1h30 après la sage-femme me donne l’autorisation de sortir de la salle pour enfin rejoindre M. dans la salle d’attente de la maternité.

 

Je pratique les exercices d’avant accouchement.

 

11h40, la faim provoque des vertiges, la fatigue commence à affecter le corps et le mental, mais on me dit qu’on a oublié de m’enregistrer donc pas de repas. M. va acheter à manger, je mange mais toujours pas de reprise de l’examen. Vers 17H30 on me fait rentrer dans la même petite salle pour un examen et on m’explique que bébé est fatigué et qu’il va falloir le faire sortir, donc déclenchement par gel. Je demande à aller marcher dans la salle d’attente mais on me le refuse. Compréhensible. Vers 19h les contractions s’intensifient sur le lit d’accouchement. 20 minutes après bébé vient.

 

Le cauchemar commence : j’ai passé les 2 heures après l’accouchement dans les mêmes draps plein de sang, tous les détritus sortis sont restés-là, sur moi. J’ai demandé à la sage-femme pourquoi il n’y a pas de changement, elle m’a répondu qu’il n’y a pas de serviettes, d’alaise… Le lit est resté bloqué en hauteur après l’accouchement, pas de possibilité de voir bébé qui pleure dans son berceau, J’ai accouché seule car M. avait dû rentrer à la maison pour une urgence. Sortie de la salle, 2 heure 30, je me retrouve sur un brancard, serrée, dans une petite salle à côté dans la salle de naissance avec 3 autres maman.

 

2 jours après, on me trouve une place dans une chambre à la maternité.

 

Chambre à 3 personnes mélangées ,une femme qui a fait une césarienne, une qui n’avait plus son bébé, rentré à la maison avant elle. Les sanitaires noirs de moisissures ,les lits qui craquent, les nourriture immangeable et beaucoup de dysfonctionnements que je passe.

 

Je suis sortie avec des douleurs pires que celles liées à l’accouchement.

 

Je suis une maman de 6 enfants accouchés à La Réunion et ma dernière, la 7ème, que j’avais tant souhaité accoucher chez moi, c’était mon cauchemar. »

 

« Je suis maman d’un enfant en situation d’handicap. Il est suivi au CMP BANDRELE. Ces suivis ne sont pas bien assurés car il y’a pas les professionnels. Pas de psychomotricien ni d’orthophoniste, du coup, son suivi est à l’arrêt. Chez les privés il y’a une liste d’attente très longue et encore, ils ne sont pas beaucoup. Et très chers pour un parent qui ne gagne pas beaucoup d’argent. À la MDPH les dossiers prennent des mois et des mois pour être traités. Situation difficile en tant que parent.»

 

« Je me permets aujourd’hui de t’écrire pour te raconter une histoire, mon histoire, celle d’une maman, d’un couple, d’une famille, et d’un combat pour la vie. En 2016, j’étais enceinte d’une petite princesse. Mais très vite, ce bonheur a été teinté d’épreuves.

 

Lors de mes consultations à Mayotte, une sage-femme s’agaçait parce que mon bébé bougeait trop pendant l’échographie. Elle finissait par perdre patience et a quitté le service. Je suis ensuite tombée sur une autre sage-femme, douce, attentive, humaine. C’est elle qui a détecté une cardiopathie sévère chez mon bébé. Notre monde s’est effondré. La première n’avait rien vu. Nous étions sidérés, désemparés.

 

À partir de là, tout s’est précipité. Le CHM de Mayotte a commencé à me harceler pour que je mette fin à ma grossesse. On m’a dit que je ne pourrais pas accoucher ici. Que ma fille ne survivrait pas. Que notre vie serait un cauchemar. Mais comment pouvais-je ôter la vie d’un bébé que je sentais bouger ? Comment anéantir la joie de mon mari, de mes proches, nos rêves ? À chaque rendez-vous, on me poussait vers l’IVG. J’ai refusé, encore et encore. J’ai demandé une évacuation sanitaire.

 

Chaque visite à l’hôpital devenait un supplice. On m’a dit que mon bébé n’avait aucune chance à Mayotte. Mais rien ne bougeait. C’est seulement après l’intervention courageuse de ma mère, qui leur a dit qu’elle ne resterait pas les bras croisés si quelque chose m’arrivait, qu’ils ont fini par agir.

 

J’ai été évacuée à l’hôpital Necker à Paris, où j’ai accouché. Ma fille a été opérée à une semaine de vie. Deux mois plus tard, nous sommes rentrés à Mayotte.

 

Sans infirmier. Sans aide. Dans l’avion, ma fille désaturait. Personne ne m’a assistée.

 

Arrivées à Mayotte, une ambulance nous attendait dehors. Direction CHM. Ma fille était en état critique. Ils l’ont placée dans un coma artificiel.

 

Un mois et demi plus tard, elle a commencé à souffrir du point de vue respiratoire. Aux urgences, personne ne réalisait la gravité [de la situation]. J’ai dû hurler, supplier, expliquer que ma fille avait un APSO de type 2. C’est moi qui ai dû porter l’urgence de mon enfant pour qu’elle soit prise en charge.

 

Elle a été de nouveau plongée dans le coma. Un dimanche, un soignant n’a pas correctement serré les lunettes d’oxygène. Ma fille a fait un arrêt cardiaque. Les médecins nous ont dit que si elle survivait, elle serait un « légume ».

 

Nous avons attendu dans les couloirs. Sans colère. Juste la peur. Juste la douleur.

Une semaine plus tard, ma fille a commencé à s’éteindre. Une médecin m’a dit, sans détour : « Ventoline… ça passe ou ça casse, madame. »

 

Ces mots résonnent encore aujourd’hui dans ma tête.

Et ce fut la fin.

Je n’ai jamais eu la force de raconter notre histoire

Nous étions brisés.

Aujourd’hui encore, chaque fois que je dois me rendre au CHM de Mayotte, je dois me préparer psychologiquement. Et pourtant, il y a eu des soignantes formidables.

 

Une d’elles est restée à mes côtés jusqu’à ce que ma fille soit emmenée à la morgue.

 

Je ne l’oublierai jamais.

 

Combien de femmes ont perdu leurs enfants par négligence, manque de tact, manque de moyens ? Manque de soignants? Jusqu’à quand serons-nous des cobayes ? Notre douleur ne peut plus rester silencieuse. »

 

« Mes enfants, des jumeaux, sont d’anciens grands prématurés, nés à la Réunion en octobre 2016. J’ai dû quitter Mayotte précipitamment car, à l’hôpital, on m’avait confirmé une fausse couche, qui n’a jamais eu lieu, on s’en est rendu compte 3 mois plus tard, brisant ainsi toute confiance envers le CHM. Aujourd’hui mes jumeaux ont 8 ans et sont suivis pour traitement par hormones de croissance. N’ayant pas de spécialiste à Mayotte, nous devons nous rendre, par nos propres moyens, 2 fois/an à la Réunion pour qu’ils puissent consulter la pédo-endocrinologue. »


–– 1 ––

ANNEXE n°11 : Textes susceptibles d’Être abrogés ou modifiés À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

    

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de l’action sociale
et des familles

L. 542-5

Code de la santé publique

L. 6416-5

 

 

 


([1]) Rapport d’information n° 1295 de Laurent Marcangeli et Estelle Youssouffa à la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale sur les enjeux migratoires aux frontières Sud de l’Union européenne et dans l’océan indien, 31 mai 2023.

([2]) Ordonnance n° 2012‑785 du 31 mai 2012 portant extension et adaptation du code de l’action sociale et des familles au Département de Mayotte.

([3]) « Bilan démographique 2023 à Mayotte, premiers éléments sur 2024 », Insee flash Mayotte n° 182, décembre 2024.

([4]) https://la1ere.francetvinfo.fr/habitant-mayotte-coute-900-euros-depenses-sante-an-contre-3300-euros-hexagone-521087.html

([5]) La file active correspond au nombre de patients différents vus en consultation au moins une fois dans l’année.

([6]) « Près de la moitié des habitants de Mayotte ayant eu besoin d’un soin ont dû le reporter ou y renoncer », Enquête santé Dom en 2019, Insee Analyses Mayotte n° 29, juillet 2021.

([7]) Rapport sur l’aide médicale de l’État établi par Claude Évin et Patrick Stefanini avec l’appui de l’inspection générale de l’administration et de l’inspection générale des affaires sociales, décembre 2023.

([8]) Loi n° 99‑641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle.

([9]) Par la loi n° 2003‑1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004.

([10]) Projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte n° 544, déposé au Sénat le 22 avril 2025.

([11]) Loi n° 99‑641 du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle.

([12]) Article L. 251‑1 du code de l’action sociale et des familles.

([13]) Article L. 252‑1 du même code.

([14]) Article L. 253‑2 du même code.

([15]) Un médicament dit « princeps » ou spécialité de référence est le médicament d’origine à partir duquel sont conçus les médicaments génériques.

([16]) Loi n° 2010‑1487 du 7 décembre 2010 relative au Département de Mayotte.

([17]) Ordonnance n° 2012‑785 du 31 mai 2012 portant extension et adaptation du code de l’action sociale et des familles au Département de Mayotte.

([18]) Ces modalités ont été initialement définies par l’ordonnance n° 2004-688 du 12 juillet 2004 relative à l’adaptation du droit de la santé publique et de la sécurité sociale à Mayotte.

([19]) https://assnat.fr/YknNl