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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX‑SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 mai 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama,
(Procédure accélérée)
PAR Mme Éléonore CAROIT
Députée
——
AVEC
EN ANNEXE
LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Voir le numéro :
Assemblée nationale : 1028.
SOMMAIRE
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Pages
A. L’État panaméen à l’épreuve d’enjeux stratégiques en matière économique et migratoire
1. La lutte d’influences entourant le contrôle du canal de Panama
2. La gestion complexe de flux migratoires croissants
B. Des relations franco‑panaméennes qui s’intensifient
1. Le développement de liens étroits entre la France et le Panama
a. Des échanges économiques dynamiques
b. Une préoccupation commune en faveur de la protection de l’environnement
c. Des contacts réguliers en matière éducative et culturelle
2. Les progrès de la coopération judiciaire bilatérale
A. Les stipulations des deux conventions d’entraide et d’extradition
1. La convention d’entraide judiciaire en matière pénale
2. La convention d’extradition
B. Une approbation utile au renforcement de la coopération judiciaire bilatérale
1. Des règles conformes aux standards juridiques internationaux
Annexe 1 : texte de la commission des affaires étrangères
Annexe 2 : liste des personnes auditionnées par la rapporteure
La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi n° 1028, déposé le 5 mars 2025 sur le Bureau de l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation d’une convention d’entraide judiciaire en matière pénale et d’une convention d’extradition conclues avec la République du Panama.
Signées à Panama le 11 juillet 2023 et ratifiées par l’État panaméen le 18 octobre 2024, ces deux conventions déterminent le cadre procédural applicable aux relations qu’entretiennent la France et la Panama en matière pénale. Elles s’inscrivent également dans une perspective plus large, marquée par le renforcement récent de la relation franco‑panaméenne et la volonté de nouer davantage de partenariats bilatéraux favorisant la coopération judiciaire avec les États extra‑européens.
Conformes aux standards juridiques internationaux, ces deux conventions visent à intensifier les efforts conjointement menés par la France et le Panama afin de lutter efficacement contre la délinquance financière et la criminalité organisée, dans un souci légitime de sécurisation et de fluidification des procédures judiciaires.
I. Actuellement confronté à de multiples enjeux stratégiques, le Panama entretient des relations fructueuses avec la France
La position géographique du Panama l’expose à des défis géopolitiques majeurs dont l’actualité récente souligne la dimension stratégique, s’agissant notamment des enjeux économiques et migratoires. Par ailleurs, le renforcement progressif de la relation franco‑panaméenne témoigne d’une coopération bilatérale fructueuse, à l’instar des échanges croissants en matière pénale.
A. L’État panaméen à l’épreuve d’enjeux stratégiques en matière économique et migratoire
À la suite de la réélection de Donald Trump à la présidence des États‑Unis, des tensions sont apparues quant au contrôle du canal de Panama et à la gestion des problématiques migratoires auxquelles l’État panaméen est actuellement confronté.
1. La lutte d’influences entourant le contrôle du canal de Panama
Reliant la mer des Caraïbes à l’océan Pacifique, le canal de Panama ouvert en 1914 permet aux navires d’éviter le contournement du cap Horn, ce qui réduit considérablement la distance et le temps de navigation entre les deux côtes du continent américain. Si seulement 5 % ([1]) du commerce maritime mondial transite par le canal de Panama, celui‑ci revêt une importance stratégique majeure : plus de 70 % des navires qui l’empruntent sont en provenance ou à destination des États‑Unis. Il facilite ainsi le transport de marchandises et la circulation des navires de guerre américains afin de se rendre sur divers théâtres d’opérations depuis ou vers les océans Atlantique ou Pacifique.
Le canal constitue également un pilier fondamental de l’économie panaméenne. En 2024, l’Autorité du canal de Panama (ACP) a annoncé un excédent de 2,4 milliards de dollars issu de son exploitation ([2]). Selon Felipe Argote, professeur d’économie à l’Université interaméricaine du Panama, l’activité du canal engendre des revenus s’élevant entre 6 % et 8 % du produit intérieur brut (PIB) panaméen. Si l’on inclut l’ensemble des activités logistiques liées aux ports et au transport ferroviaire, cette contribution s’élève à environ 30 % du PIB selon le directeur exécutif de l’ACP ([3]). L’activité du canal garantit l’emploi de plus de 8 500 personnes.
Cependant, cette artère vitale n’est pas épargnée par les effets du changement climatique : le canal est en effet confronté à un stress hydrique croissant qui provoque une diminution du niveau des eaux et implique en conséquence une réduction significative du volume de la circulation maritime ([4]).
Cette situation a entraîné une baisse de 29 % du trafic en 2024 : 9 944 navires ont emprunté cette voie maritime, contre 14 080 l’année précédente. Le volume de marchandises transportées a également diminué, passant de 511 millions à 423 millions de tonnes, soit une réduction de 17 % selon les données publiées par l’ACP. Face à cette évolution, celle‑ci a annoncé plusieurs investissements afin de lutter contre la sécheresse qui affecte le niveau des eaux du canal, à l’instar de la construction d’un nouveau bassin de retenue sur la rivière Indio, pour un coût prévisionnel d’environ 1,2 milliard de dollars ([5]).
Au‑delà des seules conséquences économiques induites par ces bouleversements environnementaux, le canal suscite un regain d’intérêt en raison des rivalités commerciales sino‑américaines et des déclarations récentes du président Trump relatives à une reprise de contrôle du canal par les États‑Unis, à rebours des accords Torrijos‑Carter du 8 septembre 1977 ayant acté sa rétrocession aux autorités panaméennes le 31 décembre 1999 ([6]). Le choix du Panama de rompre ses relations diplomatiques avec Taïwan en 2017 et d’adhérer au projet des nouvelles routes de la soie a été perçu comme le signe tangible d’un nouveau partenariat noué avec la Chine ([7]). Les critiques formulées par l’administration Trump à l’encontre du rapprochement sino‑panaméen se conjuguent à des accusations de pratiques tarifaires discriminatoires ciblant les navires américains, bien que l’augmentation des taxes de transit s’explique principalement par la restriction de la circulation maritime et la hausse du tonnage des bateaux.
L’élection en mai 2024 du président conservateur José Mulino semble avoir entraîné un revirement diplomatique au profit de Washington, dans l’optique de restaurer une relation bilatérale privilégiée avec les États‑Unis ([8]). Dans ce contexte, les autorités panaméennes ne se sont pas opposées à la possible acquisition par le fonds américain BlackRock des deux ports stratégiques de Cristobal et Balboa ([9]) actuellement détenus par le conglomérat hongkongais CK Hutchison, pour un montant supérieur à 22 milliards de dollars ([10]). Cependant, la Chine a récemment exprimé son opposition à cette transaction, repoussant ainsi la date de sa conclusion.
2. La gestion complexe de flux migratoires croissants
Située à la frontière entre le Panama et la Colombie, la jungle du Darién constitue l’un des corridors migratoires les plus dangereux du continent américain. Cette région inhospitalière et difficile d’accès est devenue un point de passage incontournable emprunté chaque année par plusieurs centaines de milliers de migrants cherchant à rejoindre les États‑Unis. Les crises politiques et économiques au Venezuela et à Haïti au cours de la dernière décennie ont provoqué une hausse progressive des flux migratoires à travers le Darién. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), environ 248 000 personnes ont traversé cette zone en 2022 et plus de 500 000 migrants ([11]) ont été recensés en 2023. Une part importante de ces flux se compose de ressortissants haïtiens, souvent accompagnés d’enfants, ce qui rend la traversée encore plus périlleuse ([12]).
Un rapport du Haut‑commissariat aux droits de l’Homme de l’Organisation des Nations unies décrit la situation humanitaire dans cette région comme extrêmement préoccupante. Les lacunes du contrôle étatique ont favorisé l’implantation de groupes armés et de réseaux criminels qui exploitent les migrants, les exposant à des violences, à des extorsions, et parfois à des disparitions ([13]).
Face à la dégradation brutale de la situation sécuritaire et humanitaire, le Panama a conclu un accord avec les États‑Unis le 1er juillet 2024 afin de renforcer la gestion migratoire dans la région, en prévoyant notamment un soutien logistique et financier américain grâce à l’organisation de rapatriements vers les pays d’origine des migrants ([14]). Selon les éléments communiqués à la rapporteure par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), la situation tend à s’améliorer depuis le mois de novembre 2024 à la suite des fermetures de voies de passage auxquelles procèdent activement les autorités panaméennes dans la jungle du Darién.
L’entrée en fonction de la nouvelle administration Trump en janvier 2025 fait désormais craindre un renversement des flux migratoires du Nord vers le Sud, en raison des expulsions massives de personnes en situation irrégulière et du durcissement des contrôles à la frontière mexicaine opérés par les États‑Unis ([15]). Dans cette perspective, les nouvelles autorités américaines ont conclu des accords avec plusieurs pays d’Amérique centrale, dont le Panama, afin qu’ils servent de « territoires de transit » pour les migrants expulsés des États‑Unis ([16]). Leurs conditions d’accueil s’avèrent particulièrement difficiles, étant hébergés dans des auberges précaires situées à environ 160 km de la capitale panaméenne et à proximité de la jungle du Darién ([17]).
B. Des relations franco‑panaméennes qui s’intensifient
La France et le Panama ont récemment renforcé leur coopération bilatérale dans les domaines économiques, environnementaux, éducatifs et judiciaires.
1. Le développement de liens étroits entre la France et le Panama
a. Des échanges économiques dynamiques
Le montant des exportations françaises vers le Panama, principalement centrées sur les produits pharmaceutiques, cosmétiques et agroalimentaires ([18]), s’est élevé à 438 millions d’euros en 2023 ([19]). Le Panama représente ainsi le premier partenaire commercial de la France au sein de la région Amérique centrale et Caraïbes ([20]).
La présence économique de la France au Panama s’est consolidée depuis les années 2000 grâce à la participation de grandes entreprises françaises à plusieurs projets d’envergure tels que la gestion de deux réseaux de traitement et d’assainissement des eaux usées ([21]), la construction par Vinci d’un troisième pont sur le canal en 2012, ou encore la maintenance et la gestion des deux premières lignes de métro inaugurées en 2014 ([22]) et en 2019. Véolia gère également le seul site de traitement des déchets ménagers de la capitale, où la société AccorHotels a également ouvert un établissement Sofitel en décembre 2022. En outre, Air France‑KLM opère une liaison aérienne quotidienne entre Paris et la ville de Panama.
Près d’une centaine d’entreprises françaises développent une activité au Panama, dont une trentaine de filiales de grands groupes et de petites et moyennes entreprises. Les opportunités se concentrent essentiellement dans le secteur des transports et du développement urbain durable, à la faveur des investissements réalisés par les pouvoirs publics panaméens dans les infrastructures ([23]).
b. Une préoccupation commune en faveur de la protection de l’environnement
Le Panama se mobilise fortement en faveur de la protection de la biodiversité et des océans, comme le souligne sa participation au corridor marin de conservation du Pacifique tropical (CMAR) ([24]), que la France a rejoint en mars 2023. La France a par ailleurs apporté son soutien au gouvernement panaméen grâce à l’affectation, depuis septembre 2024, d’un expert technique international (ETI) auprès du ministère de l’environnement du Panama et à la conclusion d’un protocole d’accord entre l’Office français de la biodiversité (OFB) et le parc national panaméen de Coiba.
Élu membre non‑permanent au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies pour la période 2025‑2026, le Panama participera à la conférence des Nations unies sur l’Océan (UNOC 3), organisée à Nice en juin 2025, après avoir rejoint le Pacte de Paris pour les Peuples et la planète (4P) à la fin de l’année 2024.
c. Des contacts réguliers en matière éducative et culturelle
Implanté à San José (Mexique), le service de coopération et d’action culturelle pour l’Amérique centrale (SCAC) a développé des liens privilégiés avec le Panama en matière éducative et culturelle.
Un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes et des périodes d’études de l’enseignement supérieur a été conclu en septembre 2016 entre les conférences d’établissements publics d’enseignement supérieur français et le Conseil des recteurs du Panama. En octobre 2021, le Haut conseil pour l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) a ainsi salué la qualité de la coopération avec l’Université technologique de Panama (UTP).
Le réseau culturel français se compose d’un établissement scolaire, le lycée français international, et de deux Alliances françaises situées dans les villes de Panama et de David. Les nouveaux locaux du lycée français ont été inaugurés en février 2022, ce qui lui a permis de doubler sa capacité d’accueil ([25]).
En 2019, une convention de coopération éducative a été signée entre, d’une part, le Secrétariat national des sciences et de la technologie (SENACYT) ainsi que l’Institut pour la formation et les ressources humaines (IFARHU) et, d’autre part, l’ambassade de France au Panama. Cet accord a créé un programme de bourses en faveur des étudiants panaméens désireux de poursuivre une formation académique scientifique ou technologique au sein d’une université française ([26]) ; 87 étudiants panaméens étaient inscrits dans des établissements français d’enseignement supérieur au cours de l’année universitaire 2021‑2022.
2. Les progrès de la coopération judiciaire bilatérale
Le champ de compétence du magistrat de liaison français ([27]) dont le poste a été récemment créé en Colombie s’étend au Panama ([28]), ce qui vise à faciliter le suivi des demandes d’entraide pénale présentées par la France. En outre, l’École nationale de la magistrature française (ENM) et l’Institut supérieur de la magistrature du Panama (ISJUP) ont signé en mars 2017 une convention sur la formation des magistrats qui prévoit l’organisation de missions d’experts, le développement de formations communes, l’échange de documentation et la promotion de séminaires au bénéfice des magistrats panaméens.
Le Panama a rejoint en 2024 le projet ALCORCA 2 ([29]) mis en place en 2016 par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du MEAE afin de renforcer la lutte internationale contre la criminalité transfrontalière et le trafic de drogue dans les Caraïbes.
Le programme ALCORCA 2 du MEAE
Le projet ALCORCA 2 de la DCSD (appui à la lutte contre le crime organisé dans la région des Caraïbes) cible plus particulièrement la lutte contre le trafic de cocaïne et les infractions qui lui sont liées (trafic d’armes, blanchiment et corruption…), en apportant un soutien capacitaire aux États insulaires caribéens, zone de rebond vers l’Amérique du Nord et l’Europe. Financé par la DCSD à hauteur de 180 000 euros en 2024 et porté par un ETI régional, ALCORCA a permis d’organiser une quarantaine de formations et séminaires et de former ainsi plus de 1 200 membres des forces de lutte anti‑drogue au sein des neuf pays partenaires du programme, que le Panama et le Costa Rica ont rejoint en 2024.
L’objectif à court terme est de donner à ce programme plébiscité par les pays bénéficiaires un effet plus impactant en recherchant des synergies avec les programmes européens sur la zone Amérique latine et en travaillant à la préfiguration d’une future académie régionale en charge de la lutte contre la criminalité organisée et le trafic de stupéfiants pour les Caraïbes, avec le concours de la République dominicaine. Pour ce faire, des contacts ont été noués avec la direction générale des partenariats internationaux de l’Union européenne et une recherche de partenaires est lancée au niveau européen.
Source : Document de politique transversale « Politique de lutte contre les drogues et les conduites addictives » annexé au projet de loi de finances pour 2025, p. 45.
Suivant le même objectif, la France et le Panama participent conjointement au programme EL PAcCTO 2 ([30]) développé par l’Union européenne (UE) et dix‑huit États latino‑américains depuis 2017.
Le programme EL PAcCTO 2 de l’UE
Lancé en novembre 2023 à la suite du programme El PAcCTO 1 (2017‑2022) et doté de près de 59 millions d’euros, le programme EL PAcCTO 2 vise à soutenir le renforcement des institutions et des politiques en matière de justice et de sécurité en Amérique latine et dans les Caraïbes, en promouvant un partenariat efficace avec l’Union européenne (UE). Grâce à une intervention sur l’ensemble de la chaîne pénale et à la collaboration avec les institutions nationales et régionales chargées de la justice et de la sécurité, le programme contribue à la lutte contre la criminalité transnationale organisée, en renforçant l’État de droit et la sécurité des citoyens.
EL PAcCTO 2 se concentre principalement sur la mise en place de dialogues stratégiques de haut niveau entre les institutions régionales et nationales des États latino‑américains et l’UE, le renforcement capacitaire et réglementaire en matière policière, douanière et judiciaire, ainsi que la coopération opérationnelle contre les organisations criminelles organisées, en lien avec EUROJUST ([31]) et EUROPOL ([32]).
Source : https://www.expertisefrance.fr/fiche‑projet?id=902668.
Bien que n’étant liés par aucun accord bilatéral avant la signature le 11 juillet 2023 des deux conventions d’entraide judiciaire et d’extradition, la France et le Panama ont ratifié de nombreuses conventions multilatérales sous l’égide des Nations unies ([33]) et du Conseil de l’Europe ([34]). Respectueux des principes fondamentaux propres à tout État de droit, le système judiciaire panaméen présente plusieurs similitudes avec le droit français ([35]), s’agissant par exemple de la codification des règles de droit applicable, du rôle du ministère public ([36]), de l’indépendance des magistrats, du double degré de juridiction ou du contrôle de constitutionnalité des lois assuré par la Cour suprême panaméenne.
En l’absence de cadre procédural commun, l’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition s’effectue donc jusqu’à présent au cas par cas, selon le principe de réciprocité.
Depuis le 1er janvier 2014, quarante‑neuf sollicitations ([37]) ont été émises par les autorités judiciaires françaises à l’attention des autorités panaméennes, prenant la forme de commissions rogatoires ([38]), de demandes d’entraide ([39]) et de dénonciations officielles ([40]). Sur la même période, le Panama a adressé dix sollicitations à la France ([41]). Ces échanges ont transité par la voie diplomatique ou directement par l’intermédiaire des autorités centrales du ministère de la justice désignées dans le cadre des conventions multilatérales auxquelles la France et le Panama sont parties.
Depuis 2016 et l’éclatement de l’affaire d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent dite des « Panama papers », les demandes d’entraide présentées par les autorités françaises émanent majoritairement du Parquet national financier (PNF). Selon les éléments communiqués à la rapporteure par le MEAE, les échanges avec le Panama étaient considérés comme peu fluides jusqu’à 2018, au regard des délais excessifs de traitement aboutissant à l’inexécution fréquente des demandes. Cependant, une nette amélioration a été constatée au cours des dernières années, ce qui a notamment permis au Panama d’être retiré de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI) le 27 octobre 2023 ainsi que de la liste française des États et territoires non‑coopératifs (ETNC) le 16 février 2024 ([42]).
Depuis le 1er janvier 2014, seules trois demandes d’extradition ([43]) et une demande d’extension d’extradition ([44]) ont été échangées entre la France et le Panama, émanant exclusivement des autorités françaises.
II. Deux accords d’entraide et d’extradition nécessaires au renforcement de la relation bilatérale en matière pénale
Initiées par la France en septembre 2012, les négociations menées avec le Panama ont abouti à la conclusion le 11 juillet 2023 des deux conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition. Après plusieurs d’années d’inertie, la volonté récemment manifestée par les autorités panaméennes de lutter plus activement contre les infractions fiscales et financières a finalement favorisé l’aboutissement des négociations. Déjà signataire d’accords bilatéraux similaires ([45]), le Panama a procédé à la ratification de ces deux conventions le 18 octobre 2024.
Leurs stipulations ne présentent pas de spécificités au regard du contenu des conventions bilatérales précédemment signées par la France, notamment celles conclues avec de nombreux États latino‑américains ([46]). Elles témoignent d’une volonté réciproque d’établir un cadre procédural commun visant à faciliter la coopération judiciaire pour renforcer efficacement la lutte contre la délinquance financière et la criminalité organisée.
Les deux conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition comportent respectivement trente‑six et vingt‑sept articles.
L’article 1er consacre l’engagement des parties à mettre en œuvre l’entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la répression relève, au moment où l’entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante ([47]). Il y est notamment précisé que le secret bancaire ne peut être invoqué comme motif pour rejeter la demande d’entraide. De manière classique, la convention ne s’applique pas aux mesures d’exécution des condamnations pénales, sous réserve des mesures de confiscation, ni aux infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.
Si l’article 2 prévoit que les infractions fiscales entrent dans le champ de la convention, celui‑ci ne s’étend pas aux infractions considérées comme politiques ([48]). En outre, l’entraide peut être refusée si elle a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l’origine de la requête ne constituent pas une infraction permettant cette confiscation au regard de la législation de la partie requise. L’entraide peut aussi être différée dans l’hypothèse où l’exécution de la demande est susceptible d’entraver une enquête ou des poursuites en cours.
Les articles 3 à 7 identifient les autorités nationales compétentes afin de mettre en œuvre les demandes d’entraide, précisent le format et le contenu de celles‑ci ([49]), imposent l’obligation de les traduire dans la langue officielle de la partie requise et prévoient l’absence de légalisation ou d’authentification des pièces ayant fait l’objet d’une transmission.
L’article 8 précise les règles applicables à l’éventuelle confidentialité, d’une part, des demandes d’entraide présentées par la partie requérante, et d’autre part, aux informations ou éléments de preuve fournis par la partie requise. La partie requérante est tenue d’obtenir l’accord préalable de la partie requise pour divulguer ou utiliser une information ou un élément de preuve fourni et obtenu à des fins autres que celles qui auront été stipulées dans la demande.
D’après les éléments communiqués à la rapporteure par les représentants du MEAE et du ministère de la justice à l’issue de leur audition, la confidentialité est sollicitée afin de ne pas dévoiler l’identité des personnes faisant l’objet de la demande d’entraide. Cette situation concerne principalement des investigations financières ou d’entourage, ou lorsque l’individu n’a pas encore été interpellé, dans le but d’éviter toute déperdition des preuves ou la fuite de l’intéressé.
Selon les représentants du MEAE et du ministère de la justice, cette stipulation ne fragilise pas la portée opérationnelle de la coopération et peut même faciliter les échanges entre les parties dès lors que des garanties sont apportées à la partie requise quant à la confidentialité des informations qu’elle aura transmises.
L’article 9 énonce que les demandes d’entraide sont exécutées conformément à la législation de la partie requise, tout en réservant la possibilité pour la partie requérante de demander expressément l’application de formalités ou procédures particulières, pour autant que ces formalités et procédures ne réduisent pas les droits des parties ou les garanties procédurales prévues par la législation de la partie requise ([50]).
Les articles 10 et 11 traitent respectivement des demandes complémentaires d’entraide judiciaire susceptibles d’être entreprises par la partie requise ou demandées par la partie requérante, ainsi que des conditions relatives à la notification des actes judiciaires.
L’article 12 prévoit qu’à la demande de la partie requérante, les autorités compétentes de la partie requise adoptent toutes les mesures prévues dans leur législation pour localiser et identifier les personnes et objets indiqués dans la demande.
L’article 13 rappelle que le témoin ou l’expert dont la comparution est sollicitée par la partie requérante sur le territoire de celle‑ci est libre de déférer ou non à l’invitation qui lui est adressée.
L’article 14 précise qu’aucune personne qui, à la suite d’une citation, comparaît devant les autorités judiciaires de la partie requérante, ne peut être poursuivie, détenue, soumise à aucune restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cette partie pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise ([51]).
Les articles 15 à 17 fixent les règles applicables aux transfèrements temporaires de personnes détenues aux fins d’entraide ou d’instruction. Ainsi, toute personne détenue sur le territoire de la partie requise dont la comparution personnelle en qualité de témoin ou aux fins de confrontation est demandée par la partie requérante est transférée temporairement sur le territoire de celle‑ci, sous condition de son consentement écrit et de son renvoi dans le délai indiqué par la partie requise.
L’article 18 traite des mesures de localisation, perquisition, saisie et confiscation. La partie requise exécute de telles demandes, dans la mesure où sa législation le lui permet, et informe la partie requérante du résultat de leur exécution. La partie requérante se conforme aux règles de procédure imposées par la partie requise quant aux biens saisis ou confisqués.
L’article 19 détermine les règles encadrant la restitution à la partie requérante des produits et instruments de l’infraction détenus par la partie requise ([52]).
L’article 20 encadre les modalités d’audition par visioconférence des personnes entendues comme expert ou témoin et des personnes faisant l’objet de poursuites pénales ([53]).
L’article 21 précise les conditions d’information des parties en matière bancaire. La partie requise est tenue de fournir dans les meilleurs délais les renseignements relatifs aux comptes de toute nature, détenus ou contrôlés, dans une banque située sur son territoire, par une personne physique ou morale faisant l’objet d’une enquête pénale dans la partie requérante ([54]).
L’article 22 régit la mise en œuvre des livraisons surveillées qui correspondent à la méthode consistant à permettre le passage par le territoire d’un État de marchandises illicites ou suspectées de l’être, au su et sous le contrôle des autorités compétentes de l’État précité, en vue d’enquêter sur une infraction et d’identifier les personnes impliquées dans sa commission ([55]).
L’article 23 ouvre la possibilité de réaliser des opérations d’infiltration menées par des agents des deux parties afin d’identifier les auteurs d’infractions relevant de la criminalité organisée, conformément à leur législation nationale.
Les articles 24 et 25 prévoient les règles applicables à la responsabilité pénale et civile des fonctionnaires mobilisés dans le cadre des opérations visées aux deux articles précédents ([56]).
L’article 26 traite des demandes d’interception de télécommunications selon que la personne faisant l’objet d’une demande d’entraide se trouve sur le territoire de la partie requérante ([57]) ou sur celui de la partie requise.
Les articles 27 et 28 régissent la communication des extraits de casier judiciaire et l’échange d’avis de condamnation à l’encontre des ressortissants entre les autorités centrales.
L’article 29 encadre la procédure de dénonciation aux fins de poursuites, chacune des parties pouvant dénoncer à l’autre des faits susceptibles de constituer une infraction pénale relevant de sa compétence afin que des poursuites pénales puissent être diligentées sur son territoire.
L’article 30 prévoit la possibilité pour les autorités compétentes des deux parties, dans la limite de leur droit national, de procéder à un échange spontané d’informations concernant les faits pénalement répréhensibles dont la sanction ou le traitement relève de la compétence de l’autorité destinatrice au moment où l’information est fournie.
L’article 31 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel communiquées au titre de la convention du 11 juillet 2023 peuvent être utilisées par la partie à laquelle elles ont été transmises ([58]).
L’article 32 règle la question des frais liés à l’exécution des demandes d’entraide qui ne donnent en principe lieu à aucun remboursement, à l’exception de ceux occasionnés par l’intervention de témoins ou d’experts sur le territoire de la partie requise et par le transfèrement des personnes détenues en application des articles 13 et 15, ainsi que les frais occasionnés par la présence des autorités et personnes compétentes de la partie requérante conformément à l’article 9.
Les articles 33 à 36 précisent enfin les conditions de consultation, de règlement des différends ([59]), de modification, d’application dans le temps, d’entrée en vigueur ([60]) et de dénonciation de la convention.
L’article 1er énonce l’engagement réciproque des parties à se livrer toute personne qui, se trouvant sur le territoire de l’une des parties, fait l’objet d’un mandat d’arrêt ou est recherchée aux fins d’exécution d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté par les autorités compétentes.
L’article 2 prévoit que les demandes d’extradition sont adressées par la voie diplomatique.
L’article 3 précise que les infractions pouvant donner lieu à extradition sont celles punies d’une peine privative de liberté d’au moins deux ans. En outre, dans le cas d’une extradition sollicitée aux fins d’exécution d’une peine, la durée de la peine restant à subir doit être au minimum de six mois. Les infractions en matière fiscale, douanière ou de change sont expressément incluses dans le champ de la convention.
L’article 4 énumère les motifs obligatoires de refus d’extradition. L’extradition n’est pas envisageable pour les infractions considérées par la partie requise comme des infractions de nature militaire, des infractions politiques ou comme des faits connexes à des infractions politiques ([61]). Cet article précise aussi que l’extradition est refusée si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations ethniques, de sexe, d’orientation sexuelle, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une de ces raisons. L’extradition n’est pas davantage accordée si la personne concernée a fait l’objet, dans la partie requise, d’un jugement définitif de condamnation, de relaxe ou d’acquittement, d’une mesure de grâce ou d’amnistie pour l’infraction à l’origine de la demande d’extradition ou encore si l’action publique ou la peine prononcée à raison de ces faits est couverte par la prescription ([62]) au regard de la législation de l’une ou l’autre des parties.
Enfin, dans le but de préserver les droits de la défense, l’extradition est également refusée lorsque la personne a vocation à être jugée dans la partie requérante par un tribunal d’exception ou pour exécuter une peine prononcée par un tel tribunal.
L’article 5 liste les motifs facultatifs de refus d’extradition. La remise peut ainsi être refusée lorsque, conformément à la législation de la partie requise, ses autorités judiciaires ont compétence pour connaître de l’infraction à l’origine de la demande d’extradition, ou lorsque la personne concernée fait l’objet dans la partie requise de poursuites pour la ou les infractions pour lesquelles l’extradition est demandée ou lorsque les autorités compétentes de la partie requise ont décidé de ne pas engager de poursuites ou de mettre fin aux poursuites qu’elles ont exercées.
De même, l’extradition peut être refusée lorsque l’infraction a été commise hors du territoire de la partie requérante et que la législation de la partie requise n’autorise pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire ([63]). À titre humanitaire, l’extradition est également susceptible d’être refusée lorsque la remise de la personne l’expose à des conséquences d’une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.
De manière classique, l’article 6 précise que l’extradition est refusée lorsque l’infraction à l’origine de la demande d’extradition est punie de la peine capitale ([64]) par la législation de la partie requérante ([65]).
L’article 7 énonce que l’extradition n’est pas accordée lorsque la personne détient la nationalité de la partie requise. En cas de refus exclusivement fondé sur la nationalité, la partie requise doit, sur demande de la partie requérante, soumettre l’affaire à ses autorités compétentes pour que des poursuites soient éventuellement exercées.
Les articles 8 à 10 déterminent les règles applicables aux questions de procédure, de transmission des demandes et des pièces à produire ([66]). Sauf stipulation contraire de la convention, les procédures d’arrestation provisoire, d’extradition et de transit sont exclusivement régies par la législation de la partie requise.
L’article 11 précise que la demande et les pièces à produire doivent être traduites dans la langue officielle de la partie requise.
L’article 12 impose à la partie requise d’informer dans les meilleurs délais la partie requérante des suites qu’elle entend réserver à la demande d’extradition. Tout refus, même partiel, doit être motivé. Lorsqu’il est fait droit à la demande, les parties fixent d’un commun accord la date et le lieu de la remise qui doit, sauf cas de force majeure, intervenir dans un délai maximal de trente jours à compter de la date de la notification de la décision de remise ([67]).
L’article 13 prévoit la possibilité d’ajourner la remise lorsqu’il existe des procédures en cours à l’encontre de la personne réclamée sur le territoire de la partie requise ou lorsqu’elle y exécute une peine pour une autre infraction ([68]).
L’article 14 énonce que la partie requise saisit et remet à la demande de la partie requérante les objets, valeurs ou documents pouvant servir de pièces à conviction ou qui, provenant de l’infraction, ont été trouvés en la possession de la personne réclamée au moment de son arrestation ou ont été découverts ultérieurement ([69]).
Conformément à la règle dite de spécialité, les articles 15 et 16 rappellent que la partie requérante ne peut tirer profit de la présence de la personne extradée sur son territoire pour la poursuivre, la juger, la détenir ou restreindre sa liberté individuelle pour des faits distincts de ceux ayant motivé son extradition et commis antérieurement à sa remise, ou encore pour la réextrader vers un État tiers ([70]).
En amont de l’envoi d’une demande d’extradition et en cas d’urgence, l’article 17 précise qu’une demande d’arrestation provisoire peut être adressée à la partie requise ([71]).
L’article 18 prévoit que la partie requérante, à la demande de la partie requise, l’informe des résultats des poursuites pénales engagées contre la personne extradée, en lui adressant copie de la décision finale définitive de l’exécution de sa peine ou de son éventuelle réextradition vers un État tiers ([72]).
L’article 19 ouvre la possibilité d’une procédure plus rapide dès lors que la personne dont l’extradition est sollicitée consent à être remise à la partie requérante.
L’article 20 fixe les règles applicables au transit d’une personne extradée par un État tiers vers l’une des parties à travers le territoire de l’autre partie, en précisant les spécificités relatives au transit par la voie aérienne.
Dans l’hypothèse d’un concours de demandes d’extradition formulées par la partie requérante et par des États tiers, l’article 21 précise que la décision de la partie requise doit notamment tenir compte de la gravité relative et du lieu de commission des infractions, des dates respectives de présentation des demandes, de la nationalité de la personne concernée et de la possibilité d’une extradition ultérieure vers un autre État.
L’article 22 détermine les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel communiquées au titre de la convention peuvent être utilisées par la partie à laquelle elles ont été transmises. L’article 23 régit les conditions de prise en charge et de la répartition des frais occasionnés par les opérations d’extradition ou de transit.
L’article 24 énonce le principe selon lequel la convention ne porte pas atteinte aux droits et engagements résultant pour chaque partie de tout autre traité, convention ou accord.
Les articles 25 à 27 fixent enfin les modalités de règlement des différends ([73]), d’application dans le temps, d’entrée en vigueur ([74]) et de dénonciation de la convention.
B. Une approbation utile au renforcement de la coopération judiciaire bilatérale
Les deux conventions du 11 juillet 2023 contiennent des stipulations conformes aux standards juridiques internationaux, ce qui permettra de faciliter les échanges bilatéraux afin de lutter plus efficacement contre la délinquance financière et la criminalité organisée.
1. Des règles conformes aux standards juridiques internationaux
Applicable aussi bien aux personnes physiques que morales, la convention d’entraide judiciaire s’inscrit pleinement dans le cadre conventionnel européen tel qu’il découle du protocole additionnel du 16 octobre 2001 à la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’UE du 29 mai 2000 et du protocole additionnel du 17 mars 1978 à la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.
L’ensemble de ces règles ayant déjà fait l’objet d’une transposition complète en droit français, la convention d’entraide judiciaire du 11 juillet 2023 n’implique donc aucune modification des dispositions législatives ou réglementaires actuellement en vigueur.
De façon analogue, la convention d’extradition se conforme à l’ensemble des principes du droit pénal français tels que garantis à l’échelle constitutionnelle ([75]), conventionnelle ([76]), législative ([77]) ou jurisprudentielle ([78]).
2. Faciliter les échanges afin de renforcer la lutte conjointement menée contre la délinquance financière et la criminalité organisée
Compte tenu de la nature en partie fiscale et financière des infractions donnant lieu à des demandes d’entraide et d’extradition formulées par la France à l’attention du Panama ([79]), l’inclusion explicite de ces infractions dans le champ des deux conventions ainsi que l’interdiction de se prévaloir du secret bancaire pour rejeter une demande constituent des avancées majeures. Leur entrée en vigueur facilitera ainsi les investigations menées par le parquet national financier en matière de lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment de capitaux.
Dans une perspective plus large, ces deux conventions d’entraide et d’extradition visent à renforcer l’efficacité de la répression de la criminalité organisée qui constitue en effet l’objet de plusieurs demandes d’entraide ou d’extradition sollicitées par la France, s’agissant notamment des infractions d’homicide volontaire, de meurtre en bande organisée ou de trafic de stupéfiants. La détermination dont font actuellement preuve les pouvoirs publics panaméens contre le narco‑banditisme rejoint celle affichée par le gouvernement français, ce qui témoigne d’une véritable convergence de vues en la matière.
La lutte contre le trafic de stupéfiants menée au Panama
Le Panama est la principale porte d’entrée en Amérique centrale de la drogue en provenance d’Amérique du Sud. Il fait partie des cinq premiers pays de provenance de la cocaïne saisie en Europe. La cocaïne est principalement importée par les ports belges, espagnols et néerlandais.
Depuis l’arrivée au pouvoir de José Mulino, ancien ministre de la sécurité sous le mandat de l’ancien président Ricardo Martinelli, de nombreuses opérations de démantèlement de réseaux de trafic de drogue et de saisie ont été menées par les forces de sécurité. Considérés comme un adepte de la « mano dura », les aspects sécuritaires constituent une priorité majeure affichée par le président Mulino. La coopération entre les douanes françaises et le service national aéronautique du Panama a permis une saisie record de 5,6 tonnes de cocaïne dans un conteneur au Panama le 24 février 2024.
Source : réponses écrites du MEAE et du ministère de la justice au questionnaire de la rapporteure.
En outre, les articles 22, 23 et 26 de la convention d’entraide autorisent explicitement le recours à des interceptions de télécommunications, à des livraisons surveillées ou à des opérations d’infiltration. Ces stipulations visent à doter la France et le Panama de moyens juridiques et opérationnels solides et adaptés à l’envergure et aux spécificités de la délinquance financière et de la criminalité organisée, ce qui justifie d’autant le renforcement de la coopération judiciaire bilatérale.
Le mercredi 14 mai 2025, à 10 heures, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama.
M. le président Bruno Fuchs. Le Panama compte 4 millions d’habitants. Sa position géographique est stratégique, à tel point que le président Trump voit un intérêt essentiel à y étendre son influence. Notre relation bilatérale avec ce pays connaît un renouveau depuis 2023. Son président est venu à Paris cet automne ; je l’ai rencontré à cette occasion, comme d’autres responsables français.
La coopération franco‑panaméenne s’articule autour de deux grandes priorités : la diplomatie économique ; la coopération dans les domaines de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur. Sur le plan économique, une centaine d’entreprises françaises, dont une trentaine de filiales de grands groupes et de petites et moyennes entreprises (PME), sont implantées au Panama et participent à de grands projets d’infrastructures.
Si nos deux Etats sont liés par d’importants traités et accords internationaux en matière de coopération judiciaire et pénale, il n’en va pas de même à titre bilatéral. L’objet du projet de loi qui nous est soumis est d’établir un cadre de coopération judiciaire et pénale franco‑panaméen. Les deux conventions de 2023 dont il nous est demandé d’autoriser l’approbation visent à poser des bases bilatérales à la coopération judiciaire entre la France et le Panama afin de lutter au mieux contre la délinquance et la criminalité transnationales, notamment en matière de trafic de stupéfiants, qui ne cessent de s’amplifier, et d’infractions économiques et financières.
S’agissant du nombre de cas potentiellement concernés, quarante‑neuf demandes d’entraide françaises ont été adressées aux autorités panaméennes depuis 2014 et dix ont été formulées par les autorités du Panama. Seules trois demandes d’extradition ont été échangées entre la France et le Panama, toutes émanant des autorités françaises.
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. Ce projet de loi vise à autoriser l’approbation de deux conventions bilatérales conclues avec le Panama. L’une porte sur l’entraide judiciaire en matière pénale ; l’autre est relative à l’extradition.
Après une dizaine d’années de négociations, ces accords ont été signés le 11 juillet 2023. Ils s’inscrivent dans la double perspective de la poursuite du renforcement de la relation franco‑panaméenne, notamment en matière de lutte contre la délinquance financière et contre la criminalité organisée, et de la volonté de nouer davantage de partenariats bilatéraux en vue de favoriser une coopération judiciaire avec des États extra‑européens.
Au cours des dernières années, notre commission a examiné des textes de même nature, notamment des conventions avec le Cambodge, l’île Maurice, le Kazakhstan et le Sénégal. Le Panama, qui est un petit pays, est un carrefour important. Il dispose de deux façades maritimes, sur l’océan Atlantique et sur l’océan Pacifique, jointes par le fameux canal qui a récemment dominé l’actualité. Avec ce pays stratégique, nous devons, me semble‑t‑il, renforcer notre relation.
Le Panama revêt un véritable enjeu stratégique. J’y étais récemment, ce pays faisant partie de ma circonscription. J’y ai rencontré le président de la République, M. José Raúl Mulino, et échangé avec lui sur ce qui est en train de se passer, qui constitue un véritable bouleversement pour le pays. Mettez‑vous un instant à la place des Panaméennes et des Panaméens : Donald Trump décide, du jour au lendemain, que le canal du Panama n’est pas panaméen. C’est un vrai choc !
En atterrissant à l’aéroport de Panama‑Tocumen, on voit des drapeaux du Panama partout. J’y vois l’expression du sentiment de fragilité et de vulnérabilité d’un tout petit pays, au demeurant très dépendant des États‑Unis, qui se sent un peu à la merci de certaines décisions qui peuvent être erratiques.
Le contrôle du canal reliant les océans Pacifique et Atlantique représente un enjeu stratégique majeur. Si le Panama dispose d’une pleine souveraineté en la matière depuis le 31 décembre 1999, lorsque les États‑Unis ont consenti à la rétrocession du canal en vertu des accords Torrijos‑Carter de 1977, ce dernier suscite des convoitises croissantes parce qu’il est un point de passage incontournable. Il a certes été question d’en construire un autre ailleurs mais rien de tel n’a été fait à ce jour ; le canal de Panama est donc le seul passage permettant de relier facilement les deux océans.
Le canal a été confronté aux conséquences du changement climatique. Je vous engage à cet égard à visiter le musée du canal interocéanique, où l’on prend la mesure de l’impact de la baisse du niveau des eaux sur les infrastructures, où il arrive que de grands navires soient bloqués plusieurs heures. Il s’agit d’une conséquence économique concrète du changement climatique et de ce qui est en train d’arriver à nos océans.
Le canal de Panama est le lieu d’une intense lutte d’influence entre la Chine et les États‑Unis. À l’heure de la guerre commerciale provoquée par le président Trump, dans un contexte de rapprochement diplomatique entre le gouvernement panaméen et la nouvelle administration américaine, si surprenant que cela puisse paraître, le fonds BlackRock a manifesté son souhait d’acquérir les ports de Cristóbal et de Balboa pour 22 milliards de dollars, ce qui a logiquement suscité l’opposition de la Chine. Cet exemple illustre le jeu triangulaire dont le canal est l’enjeu. Si l’issue de la transaction demeure incertaine, elle témoigne des tensions traversant actuellement la gestion de cette infrastructure stratégique.
Les Français qui vivent au Panama attendent de la représentation nationale, et de notre commission en particulier, qu’elle montre un intérêt pour ce pays, avec lequel nos échanges sont dynamiques. En 2023, le montant des exportations françaises au Panama s’élevait à près de 438 millions d’euros, soit une hausse de 24 % par rapport à 2022. Une soixantaine d’entreprises françaises sont implantées dans le pays, dont trente filiales de grandes entreprises telles que Vinci, Alstom, Thales et Veolia, qui jouent un rôle très important dans le secteur du développement urbain durable, en assurant notamment la maintenance des lignes de métro ainsi que le traitement et l’assainissement des eaux usées.
Par ailleurs, la France et le Panama se rejoignent dans un engagement sincère au service du multilatéralisme. Le Panama est très engagé en ce sens et vote comme nous dans les instances multilatérales. Notre pays partage avec le Panama le souci de préserver la biodiversité. Ce pays a une législation importante en la matière.
Il fait partie du Corridor marin de conservation du Pacifique tropical (Cmar), qui vise, non sans ambition, à rassembler les zones marines protégées du Pacifique. L’Office français de la biodiversité (OFB) a signé un protocole d’accord avec le magnifique parc national de Coiba. Le Panama sera présent à la troisième conférence des Nations unies sur l’océan (UNOC 3), où il enverra une délégation de très haut niveau comprenant notamment le ministre de l’environnement et peut‑être le président de la République, francophone et francophile.
L’objet des deux conventions dont il nous est demandé d’autoriser l’approbation est simple : déterminer un cadre procédural commun aux mesures d’entraide et d’extradition de ressortissants. Il s’agit d’un cadre classique de coopération judiciaire. Faute de règles déterminées par un traité bilatéral, la coopération judiciaire s’effectue jusqu’à présent au cas par cas, ce qui provoque des lourdeurs et une forme d’insécurité. Afin de sécuriser et de fluidifier cette coopération, il faut fixer un cadre juridique stable, qui fournira aux autorités des deux pays les moyens de lutter pleinement et efficacement contre toutes les formes de délinquance financière et de criminalité organisée.
En matière de délinquance financière, on a beaucoup parlé des listes sur lesquelles figurait le Panama et de son rôle dans le blanchiment d’argent. Sachez qu’ils ont fait énormément de progrès en la matière, au point d’être retirés de certaines listes. Le pays demeure un point de passage de la criminalité organisée, notamment du narcotrafic, dont est chargé, pour la région, un magistrat de liaison. L’intérêt de la France, en la matière, est de coopérer encore davantage avec le Panama et avec ses voisins.
Depuis le 1er janvier 2014, quarante‑neuf sollicitations ont été émises par les autorités judiciaires françaises à l’attention de leurs homologues panaméennes ; vingt‑trois sont en cours d’exécution. Autoriser l’approbation de ces conventions permettra d’accélérer les choses. Ces demandes prennent la forme de commissions rogatoires émises par des juges d’instruction et de demandes d’entraide formulées par le parquet, essentiellement par le parquet national financier (PNF). Par ailleurs, trois demandes d’extradition ont été adressées par la France au Panama.
Les infractions délictuelles et criminelles ciblées par ces demandes relèvent principalement de deux catégories : la délinquance financière, soit pour l’essentiel la fraude fiscale et le blanchiment d’argent ; la criminalité organisée avec son cortège d’homicides volontaires, de délits en bande organisée et de trafics, notamment de stupéfiants.
Grâce aux progrès accomplis au cours des dernières années par le gouvernement panaméen dans la lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux, le Panama a été retiré de la liste grise du Groupe d’action financière (Gafi). Ce pays fait toujours l’objet de préjugés tenaces, dus à une situation qu’il a corrigée. La France l’a retiré de la liste des États et territoires non coopératifs en matière fiscale. À l’heure actuelle, notre relation est pleinement normalisée et la coopération fonctionne très bien.
Il importe d’autant plus de l’inscrire dans un cadre stable. Les deux conventions fournissent les outils nécessaires au renforcement de la coopération bilatérale en matière fiscale et financière. L’inclusion explicite des infractions dans le champ des textes et l’interdiction de se prévaloir du secret bancaire pour rejeter une demande constituent des avancées majeures qui, j’en suis convaincue, faciliteront les échanges entre les autorités compétentes.
Les articles 22, 23 et 26 de la convention d’entraide judiciaire autorisent explicitement le recours à des interceptions de communications, à des livraisons surveillées et à des opérations d’infiltration. Ces stipulations permettent à la France et au Panama de se doter de moyens juridiques et opérationnels solides et adaptés à l’envergure et aux spécificités de la délinquance financière et de la criminalité organisée, notamment en matière de lutte contre le narcotrafic. Cet objectif réunit nos deux pays.
Elles bénéficieront de surcroît à la coopération multilatérale aux échelles européenne et latino‑américaine, dans le cadre notamment du programme d’appui à la lutte contre la criminalité organisée en région Caraïbe (ALCORCA) et du programme Europe‑Amérique latine d’assistance contre la criminalité transnationale organisée (EL PACCTO), et à la coopération bilatérale en matière douanière, qu’illustre la saisie record de 5,6 tonnes de cocaïne réalisée l’an dernier au Panama par nos douaniers et par la police panaméenne.
Les accords d’entraide judiciaire et d’extradition sont conformes aux standards juridiques internationaux et s’inscrivent dans le strict respect de nos exigences constitutionnelles et conventionnelles. Leurs stipulations s’articulent pleinement avec les dispositions de notre code pénal et de notre code de procédure pénale.
L’approbation des deux conventions avec le Panama me paraît tout à fait opportune, sinon absolument nécessaire. Je vous invite donc à adopter le projet de loi qui l’autorise.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Nadège Abomangoli (LFI‑NFP). Les députés Insoumis s’abstiendront. Nous considérons que le système judiciaire du Panama, malgré les progrès récents réalisés dans de nombreux secteurs, pose encore des problèmes sérieux que l’approbation des conventions pourrait occulter. En février dernier, lors de manifestations dans le pays contre le projet du gouvernement de relever l’âge légal de départ à la retraite, 450 manifestants ont été arrêtés. Le chef de l’État les a qualifiés de « terroristes », usant d’un procédé connu pour disqualifier un mouvement social, le criminaliser et le réprimer. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur de tels agissements.
De plus, nous sommes inquiets des déclarations du chef de l’État panaméen concernant sa volonté de mettre en œuvre une politique répressive contre les migrants à leur sortie de la terrible région du Darién. Dans cette crise migratoire agissent de nombreuses associations catholiques, aux côtés de l’Organisation des Nations unies (ONU). La coopération en la matière nous semble poser problème. Ses déclarations selon lesquelles il souhaite les refouler à leur sortie de la jungle sont tout simplement inhumaines et rappellent trop directement les fantasmes anti‑migrants de son lointain voisin états‑unien.
Nous avons des désaccords sur les bases juridiques sur lesquelles pourrait s’appuyer le Panama pour agir en justice. L’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Panama existe d’ores et déjà, au cas par cas. À la lumière des éléments précités, nous pensons qu’il n’est pas opportun d’aller plus loin tant que la situation ne connaît pas, politiquement en tout cas, une amélioration significative.
Toutefois, nous reconnaissons les progrès réalisés en matière de lutte contre la fraude fiscale et nous savons que le Panama est très désireux de sortir de la liste de l’Union européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales. C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce texte. Nous n’y sommes pas opposés mais nous avons des doutes sérieux.
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. Toutes les critiques que vous formulez sont recevables. L’exemple du mouvement social contre le report de l’âge de la retraite m’offre l’occasion de faire observer que, contrairement à ce qu’ont dit de nombreux Insoumis, nous ne sommes pas en France dans une dictature, à l’aune du traitement des manifestants lors de la réforme initiée en 2022.
Mme Nadège Abomangoli (LFI‑NFP). J’ai parlé de régime autoritaire, pas de dictature !
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. Certains Insoumis avaient parlé de dictature. Quoi qu’il en soit, signer une convention de coopération et d’entraide en matière judiciaire ne signifie pas que l’on endosse tous les actes d’un gouvernement donné, surtout s’ils revêtent une signification politique. Le Panama a des institutions solides, garantissant des procès équitables où les droits de la défense sont assurés. Plusieurs organisations internationales évaluant les pays sur ce point l’ont reconnu.
Je prends note de vos réserves et regrette que vous vous absteniez. Ratifier les deux conventions ne signifie pas que l’on donne un blanc‑seing au Panama mais que l’on veut fixer un cadre juridique dans lequel la coopération s’exerce. Au demeurant, les magistrats examinent les dossiers de manière individuelle. Aucune forme d’automaticité n’est induite.
S’agissant des listes de pays non coopératifs, le Panama ne figure sur la liste française mais figure toujours sur la liste de l’Union européenne. Il importe d’envoyer des signaux positifs aux pays qui font des progrès et mettent en œuvre des dispositifs qui fonctionnent, comme vous le reconnaissez vous‑même.
S’agissant de la terrible jungle du Darién, qui ne fait plus la « Une » des médias français, elle fait partie de ces lieux auxquels on cesse tragiquement de s’intéresser. Véritable zone tampon, elle concentre de nombreuses routes migratoires, où circulent notamment des Haïtiens et des Vénézuéliens, victimes d’un régime dictatorial. Gérer ces flux migratoires qui convergent est difficile pour les autorités panaméennes.
La mise en œuvre de plusieurs politiques a permis de réduire le flux de migrants et d’améliorer leur condition. Le Darién n’en est pas moins une zone aux marges de la légalité, où il serait souhaitable qu’une délégation parlementaire française se rende pour observer ce qui s’y passe. En tout état de cause, on ne peut pas juger l’action du Panama à l’aune de cette seule tragédie du Darién.
Mme Nadège Abomangoli (LFI‑NFP). Je tiens à préciser que nous nous abstenons sur le texte ; nous ne nous y opposons pas. Nous avons pris note des avancées.
Je rappelle que lorsque nous avons examiné un texte visant à ratifier une convention similaire avec le Sénégal, nous avions voté contre. Les faits, en l’espèce la répression par Macky Sall des manifestants et des Sénégalais installés en France, nous ont donné raison par la suite.
M. Julien Gokel (SOC). Voici dix ans que l’affaire des Panama Papers a mis en lumière l’étendue des réseaux criminels internationaux et l’utilisation de montages financiers par des citoyens français afin de déroger à leurs obligations fiscales en profitant du manque de coopération entre les autorités françaises et panaméennes. Jusqu’à présent, la France et le Panama ne disposaient d’aucun accord bilatéral de coopération judiciaire en matière pénale en sus des cadres multilatéraux, ce qui a restreint l’entraide entre nos deux pays à des échanges au cas par cas, sur la base de la courtoisie internationale et du principe de réciprocité. Cette situation est insatisfaisante, alors même que les demandes du PNF se sont multipliées dans les affaires de fraude et d’évasion fiscale.
Il aura donc fallu presque une décennie pour que cette onde de choc internationale donne lieu à une réponse concrète. La conclusion des deux conventions, respectivement relatives à l’entraide judiciaire en matière pénale et à l’extradition, constitue un pas important vers une coopération plus efficace dans la lutte contre la criminalité transnationale, du trafic de stupéfiants à la corruption en passant par les infractions économiques et financières. Au nom de cette lutte, le groupe Socialistes et apparentés votera le projet de loi. Nous y voyons un instrument utile pour notre justice et pour nos services d’enquête.
En revanche, nous ne pouvons que dénoncer les insuffisants progrès du Panama en matière fiscale. Ce pays de 4 millions d’habitants figurait de manière récurrente sur la liste des États non coopératifs en matière fiscale et de lutte contre le blanchiment jusqu’à sa sortie en 2024. Les propos de son président qualifiant les Panama Papers de simple « manipulation médiatique » et son soutien à la relaxe d’une trentaine de personnes mises en cause dans des infractions financières ne sont pas de nature à nous rassurer.
En dépit des félicitations adressées par le président Macron au Panama et du soutien qu’il lui offre, il faut rappeler que ce pays figure toujours sur la liste noire des paradis fiscaux établie par l’Union européenne. À l’heure où la fraude et l’évasion fiscales privent nos États de ressources précieuses, espérons que l’adoption du projet de loi permettra de rendre plus effectives les investigations et de recouvrer les sommes ayant fait l’objet de fraude pendant toutes ces années. Je rappelle que l’évasion fiscale représente de 60 à 100 milliards de pertes par an pour la puissance publique française, soit au moins l’équivalent du budget du ministère de l’éducation nationale.
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. Je remercie votre groupe de soutenir le texte. Comme vous, je suis convaincue que le cadre juridique offert par les deux conventions permettra de renforcer encore davantage la coopération, qui est absolument nécessaire.
En dix ans, le Panama a fait énormément de progrès. Il n’en est pas moins un petit pays, qui est aussi la proie des réseaux internationaux, notamment les réseaux du narcotrafic, inséparables de la question du blanchiment. Les Panama Papers ont été une onde de choc et véritablement une prise de conscience pour tous les gouvernements : celui du président Hollande avait réagi avec force, compte tenu de la présence de ressortissants français dans les documents.
Il me semble utile de rappeler deux choses. D’abord, le Panama a énormément progressé. Il faut l’aider à se doter des instruments qui lui permettront de ne pas être à la merci des réseaux et des actions criminels. Ensuite – c’est la députée des Français établis hors de France qui parle –, on fait trop souvent l’amalgame entre les Français qui résident à l’étranger et les évadés fiscaux. La communauté française du Panama est tout sauf une communauté d’évadés fiscaux. Il existe entre nos deux pays des liens culturels de toute nature.
Mme Clémentine Autain (EcoS). Ces conventions, conformes aux standards internationaux, portent sur l’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la République du Panama. Elles sont importantes car, depuis les Panama Papers, nous mesurons l’ampleur du problème à résoudre. Le PNF est d’ailleurs demandeur pour que ces logiques d’entraide se développent. En outre, le Panama est la principale porte d’entrée en Amérique centrale de la drogue, notamment de la cocaïne, en provenance d’Amérique du Sud qui, de là, arrive en France.
Notre groupe souhaite alerter le gouvernement – et vous‑même, madame la rapporteure, puisque vous n’en avez pas parlé – sur les risques que font peser sur les droits humains les politiques ultrarépressives du président conservateur José Raúl Mulino, élu en mai 2024. Sa chasse aux migrants est en cause, mais aussi ses actions de répression particulièrement musclées et violentes à l’égard des mouvements sociaux. Il est par ailleurs soupçonné de corruption et de complicité avec l’ancien président Martinelli qui, après avoir été condamné à dix ans de prison pour détournement d’argent public et blanchiment d’argent, a fui le pays.
Ne soyons pas naïfs : ces conventions d’entraide pour lutter notamment contre le blanchiment d’argent et la corruption sont conclues avec un pays dont le président a des politiques contraires aux principes au nom desquels nous menons cette lutte.
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. Vous avez raison d’alerter sur ces sujets. Toutefois, il faut bien distinguer entre les institutions et la politique du pays.
Le système institutionnel a fait l’objet d’une réforme au cours de la dernière décennie. Il n’est pas parfait mais il fonctionne tant bien que mal. Nous pouvons avoir une réelle coopération avec le système judiciaire, qui est efficace. Établir un cadre juridique avec ce pays lui permettra sans doute d’avancer encore davantage dans des réformes nécessaires.
Je représente la communauté française de la zone et c’est à dessein que je n’ai pas parlé de politique. Vous avez cependant raison de rappeler certains faits. Je prends note de vos réserves.
M. Laurent Mazaury (LIOT). Je me ferai un plaisir de vous rejoindre, madame la rapporteure, pour visiter la côte pacifique du Panama. Merci de nous avoir fait rêver. J’en ai d’autant plus besoin que, venant de la banlieue parisienne, je subis chaque jour la débilité profonde de la mise en place du couloir réservé au covoiturage.
Ce projet de loi nous engage dans une coopération judiciaire plus ambitieuse, plus structurée et surtout plus opérationnelle. Dans un monde où les formes de criminalité se mondialisent à grande vitesse – trafics en tous genres, y compris d’êtres humains, fraudes, corruption, cybercriminalité –, il est essentiel de doter nos magistrats d’instruments fiables, efficaces et sécurisés pour agir au‑delà de nos frontières. La relation avec le Panama, pays stratégique entre deux océans et carrefour logistique mondial, prend une importance particulière.
Jusqu’à présent, l’absence de cadres bilatéraux contraignants rendait notre coopération fragile, incertaine, voire inefficace. Nous espérons que ce texte changera la donne. Il permet l’entraide directe et rapide, tout en respectant nos garanties fondamentales, notamment le refus de toute extradition en cas de peine de mort, d’infraction politique ou de risque de traitement discriminatoire.
Par‑delà cet objectif global, il est une dimension à laquelle notre groupe est particulièrement attentif : la justice fiscale. Le Panama a longtemps symbolisé les zones d’ombre de la finance mondiale. Les révélations des Panama Papers ont illustré à quel point les circuits opaques peuvent nourrir l’impunité de certains au détriment de l’intérêt général.
Depuis lors, le pays a évolué. Il est sorti de la liste grise du Gafi. Il a renforcé son droit interne et affiche sa volonté de coopérer. La France se devait d’exiger un cadre clair permettant aux autorités judiciaires d’enquêter, de lever le secret bancaire et de poursuivre les auteurs de fraudes fiscales massives. Ce texte va dans ce sens. Notre groupe y est favorable, au nom d’une justice qui n’oublie pas que la fraude fiscale est une rupture du pacte républicain.
Je profite de cette discussion pour affirmer au Panama notre soutien, comme nous l’avons fait récemment pour le Groenland il y a quelques jours, face aux actions impérialistes d’un certain président. Le canal du Panama est et doit rester une partie intégrante du territoire souverain de ce pays.
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. Je vous remercie pour votre soutien à ces deux conventions. Vous avez rappelé les progrès réalisés en matière de coopération et d’entraide et la nécessité d’établir un cadre clair.
Il importe de soutenir explicitement les pays dont le territoire est désigné par une sorte de main invisible comme devant faire partie des États‑Unis. Il faut aussi rappeler que la France a énormément contribué à la construction du canal du Panama, notamment avec nos ressortissants des Antilles.
Il existe au Panama un cimetière français où reposent de nombreux compatriotes ayant perdu la vie dans la construction du canal. La Plaza de Francia, dans le quartier du Casco Viejo, est une des plus importantes de la ville de Panama. Elle rend hommage à l’implication de la France dans la construction du canal.
M. Michel Guiniot (RN). Les conventions qui nous sont soumises visent à renforcer les liens de coopération entre la France et le Panama, ainsi que les bases juridiques de l’entraide judiciaire en matière pénale, notamment grâce à des procédures d’extradition, afin de lutter contre la criminalité et d’éviter l’impunité internationale.
La convention d’entraide judiciaire peut s’appliquer aux infractions fiscales sans possibilité de s’y opposer, ce qui est une bonne chose compte tenu de la fiscalité avantageuse du Panama. Son article 21 prévoit que les données bancaires peuvent être divulguées dans le cadre de cette coopération après un suivi méthodique et complet sur une période donnée. Dans le cadre de l’affaire des documents panaméens, le PNF a ouvert une enquête pour blanchiment de fraude fiscale aggravée à l’encontre d’une dizaine de personnes sur les 500 suspects cités.
En 2023, la direction générale des finances publiques (DGFiP) indiquait avoir redressé 219 contribuables, soit moins de la moitié des suspects. L’étude d’impact précise que seules quarante‑neuf demandes d’entraide françaises ont été formulées depuis 2014, avant l’affaire des documents panaméens, pour dix demandes d’entraide émanant des autorités panaméennes. Pensez‑vous que cet accord pourra relancer les procédures pour redresser ou disculper les Français mis en cause dans cette affaire ?
L’article 9 de la convention d’entraide judiciaire précise que la demande d’entraide doit être traitée dès que possible en tenant compte des échanges de procédures. Toutefois, l’étude d’impact souligne que cette disposition pourrait contrevenir à la convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui oblige à accorder un délai raisonnable au défenseur. Les engagements internationaux de la France ne risquent‑ils pas de nous pénaliser dans la lutte contre la criminalité organisée ?
Son article 3 autorise la présence d’autorités étrangères sur le sol de l’autre État pour mener des interrogatoires. Ce point ne contrevient‑il pas à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui pose le principe que seules les autorités françaises peuvent souverainement exercer leur autorité sur le sol national ? Comment cette disposition s’articule‑t‑elle avec notre droit ?
Pour satisfaire ma curiosité, sauriez‑vous me dire pourquoi c’est le ministère des affaires étrangères qui traite des questions d’entraide judiciaire et d’extradition pour le Panama, alors que pour les autres pays l’autorité compétente est le ministère de la justice ?
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. Ces deux conventions sont soumises à un contrôle de la constitutionnalité et de la conformité à notre droit pénal. Le cadre juridique qu’elles fixent n’enlève aucun de ses attributs à la justice française, qui rend ses décisions au cas par cas et de manière souveraine.
Vous avez évoqué les Panama Papers. Je rappelle que des proches de Marine Le Pen et des personnalités du Rassemblement national ont été impliqués dans cette affaire, notamment Frédéric Chatillon et Nicolas Crochet, qui ont monté un système offshore très complexe au Panama. Je me permets de le rappeler car votre question laisse entendre qu’il n’y avait pas eu de poursuites.
Toutes les personnes impliquées dans ce système ont bien été poursuivies mais il est très difficile de punir des crimes par nature opaques. La lutte contre la fraude fiscale est une priorité du gouvernement. La coopération avec le Panama et la bonne santé de notre relation bilatérale en sont la preuve. Ces conventions témoignent d’une véritable volonté de doter notre pays des instruments nécessaires pour renforcer cette lutte au niveau international.
M. Vincent Ledoux (EPR). Ces conventions sont importantes car elles témoignent de l’approfondissement du partenariat entre la France et le Panama. Elles s’inscrivent dans un cadre de coopération plus large, marqué par des échanges économiques dynamiques, une collaboration universitaire et culturelle renforcée et un dialogue diplomatique soutenu. Le Panama, premier partenaire commercial de la France en Amérique centrale, partage nos engagements multilatéraux en matière de justice, de lutte contre la criminalité et de protection de l’environnement.
Grâce à ces textes, notre coopération judiciaire bénéficie d’un cadre solide, structuré et directement applicable. Jusqu’à présent, les demandes d’entraide et d’extradition étaient traitées au cas par cas, sur la base du principe de réciprocité. Désormais, nous disposons d’un socle juridique clair : les échanges seront encadrés, accélérés et assortis de garanties essentielles sur la confidentialité, le respect des droits des personnes concernées et la traçabilité des informations.
Il faut aussi souligner la portée opérationnelle de ces conventions. Elles offrent des outils précieux pour lutter contre les menaces transnationales, la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, la fraude fiscale et la cybercriminalité : levée du secret bancaire ; opérations d’infiltration ; interceptions de télécommunications ; restitution des avoirs criminels. Ces leviers nouveaux sont compatibles avec les standards européens les plus exigeants. Elles ont enfin une portée diplomatique car elles contribuent à consolider la crédibilité internationale du Panama, récemment retiré des listes grises du Gafi, et renforcent la position de la France comme acteur central de la coopération judiciaire internationale.
Le groupe Ensemble pour la République soutient le projet de loi et s’interroge sur un point concret d’application. Ces conventions pourront‑elles s’appliquer à des faits antérieurs à leur entrée en vigueur ? Dans quelle mesure les procédures en cours, notamment celles initiées par le PNF après la publication des Panama Papers, pourront‑elles bénéficier des facilités introduites par ces textes ?
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. Je remercie le groupe Ensemble pour la République de son soutien. Ces conventions permettront d’accélérer les vingt‑trois procédures en cours.
M. Jean‑François Portarrieu (HOR). Déjà, au XVIe siècle, Hernan Cortés rêvait de relier les deux océans au niveau du golfe du Mexique. La mise en service du canal de Panama en 1904 a accompli en partie ce rêve mais le rêve se poursuit.
Il y a quelques années, l’ancien président mexicain, López Obrador, a dévoilé son projet de créer une ligne ferroviaire dans l’isthme de Tehuantepec pour relier en sept ou huit heures les 300 kilomètres séparant la côte pacifique de la côte atlantique. Ce projet colossal, évalué à près de 3 milliards de dollars, ne constitue pas encore une solution alternative au trafic du canal de Panama mais il illustre la concurrence en Amérique latine, où les ambitions se multiplient.
Le Nicaragua ambitionne lui aussi d’avoir son propre canal et la Colombie évoque un canal à sec. Le monopole du canal de Panama, qui est confronté à des difficultés durables d’alimentation en eau douce, tiendra‑t‑il encore longtemps ?
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. Des projets concurrents existent depuis des décennies. J’ajoute à ceux que vous avez cités celui du Guatemala. Certains impliquent le creusement d’un canal, d’autres utiliseraient la voie terrestre. Tous ces projets sont difficiles à réaliser mais les intérêts chinois, de plus en plus présents dans la région, pourraient permettre d’en concrétiser certains. Il n’est pas impossible que des canaux concurrents soient ouverts dans les années à venir.
La multiplication des voies du commerce maritime, qui est l’un des plus polluants au monde, ne serait pas une bonne chose pour la biodiversité, en l’espèce pour les réserves naturelles de la Basse‑Californie du Sud, l’un des endroits les plus spectaculaires du globe. Il me semble donc préférable d’aider le Panama à défendre son canal, qu’il met à la disposition du commerce mondial.
Je rappelle que se tiendra à Nice, le mois prochain, la troisième conférence des Nations unies sur l’océan. Nous y parlerons des océans et de la régulation du commerce maritime.
M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons à présent aux interventions et questions formulées à titre individuel.
M. Alain David (SOC). L’une des conventions précise que le secret bancaire ne peut être invoqué pour refuser une demande d’entraide judiciaire dans le cadre d’une enquête pénale. Pourquoi limiter cette levée du secret bancaire au seul champ pénal ? Ne pourrait‑on envisager une extension de cette disposition à d’autres infractions et à d’autres domaines, notamment fiscaux, afin de renforcer véritablement la lutte contre l’évasion fiscale et les pratiques d’optimisation, qui empruntent des circuits bancaires très opaques ?
Le Panama reste inscrit sur la liste de l’Union européenne des pays et territoires non coopératifs en matière fiscale. Une telle extension a‑t‑elle été évoquée lors de vos auditions ?
Mme Pascale Got (SOC). Quelle est la position du Panama, qui est confronté à des enjeux commerciaux avec les Américains, face aux réalités environnementales que nous aborderons à Nice ?
Mme Eléonore Caroit, rapporteure. La convention en question porte sur la coopération en matière pénale, il est donc normal que le cadre d’application de la levée du secret bancaire soit restreint. Toutefois, il n’est pas exclu que d’autres conventions de coopération en matière civile soient conclues, même si elles sont plus rares dans ce domaine.
Le Panama, qui a été le pays hôte d’une précédente conférence, enverra à Nice une délégation de très haut niveau. Leur législation en matière de protection de la biodiversité est vertueuse et se rapproche de celle du Costa Rica, qui a notamment accordé des droits à la nature. Le ministre de l’environnement panaméen, Juan Carlos Navarro, sera présent à l’UNOC 3. Il est très conscient des enjeux et participera aux décisions prises au niveau multilatéral car son pays croit beaucoup au multilatéralisme.
*
Article 1er (approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Panama, signée à Panama le 11 juillet 2023)
La commission adopte l’article 1er non modifié.
Article 2 (approbation de la convention d’extradition entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Panama, signée à Panama le 11 juillet 2023)
La commission adopte l’article 2 non modifié.
L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
Annexe 1 :
texte de la commission des affaires étrangères
Article 1er
Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama, signée à Panama le 11 juillet 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Article 2
Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama, signée à Panama le 11 juillet 2023, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Annexe 2 :
liste des personnes auditionnées par la rapporteure
Mme Aude de Amorim, ambassadrice de France au Panama ;
Mme Milca Michel‑Gabriel, magistrate, chargée de mission auprès du chef du service des conventions, des affaires civiles et de l’entraide judiciaire de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire ;
M. Nicolas Lafosse, rédacteur en charge du Panama, du Costa Rica et de Cuba au sein de la mission du Mexique, d’Amérique centrale et des Caraïbes de la direction des Amériques et des Caraïbes ;
Mme Claire Giroir, conseillère juridique à la mission des accords et traités de la direction des affaires juridiques.
Mme Marie‑Charlotte Aubry, adjointe à la cheffe de bureau de la négociation pénale européenne et internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces.
([1]) Les Échos, « La Chine contrôle‑t‑elle réellement le canal de Panama ? », 22 janvier 2025.
([2]) Swiss info, « El canal de Panamá entrega un aporte de 2.470,7 millones de dólares al fisco », 2024.
([3]) BBC news info, « Cuánto depende del Canal la economía de Panamá y qué otras industrias explican la riqueza del país que más creció en América Latina en las últimas décadas », 18 décembre 2024.
([4]) Depuis 2023, le phénomène météorologique El Niño s’intensifie, ce qui provoque une hausse des températures de l’eau. Contrairement au canal de Suez, celui du Panama dépend fortement de l’eau douce, les lacs artificiels environnants alimentant les écluses du canal.
([5]) Forbes, « El Canal de Panamá aprueba los recursos para un nuevo embalse, clave en época de sequías », 24 février 2025.
([6]) Ces traités prévoyaient qu’en tant que voie d’eau de transit international, le canal demeurerait neutre. Le droit de maintenir des forces militaires et des bases stratégiques américaines sur le territoire panaméen relève des prérogatives exclusives du Panama. Les navires de l’armée américaine conservent cependant une priorité de passage en reconnaissance de la contribution importante des États‑Unis à la construction du canal au début du XXe siècle.
([7]) La Chine a également procédé à plusieurs investissements au Panama, à l’instar de l’édification d’un quatrième pont sur le Canal, ou de l’installation de 300 caméras de haute sécurité sur la zone franche de Colón.
([8]) Provoquant ainsi le retrait du Panama des nouvelles routes de la soie.
([9]) Dont la propriété appartient au conglomérat hongkongais CK Hutchison.
([10]) Le Figaro, « L’Américain BlackRock prend le contrôle des ports du canal de Panama », 4 mars 2025.
([11]) ONU info, « Un demi‑million de personnes ont traversé la jungle du Darien, l’ONU réclame coopération et solidarité », 7 décembre 2023.
([12]) Ibid.
([13]) Organisation des Nations unies, Haut‑commissariat aux droits de l’Homme, « Darién Gap : a risky path in search of a safer life », 5 septembre 2023.
([14]) Abel Alvarado, « US and Panama sign agreement that aims to close the Darién Gap to ‘illegal migrants’ », CNN, 1er juillet 2024.
([15]) Voir notamment l’article de Diana Roy, « Here’s Where Trump’s Deportations Are Sending Migrants », Council on Foreign Relations, 8 avril 2025.
([16]) À l’occasion de la visite du secrétaire d’État américain Marco Rubio le 2 février 2025, le président panaméen José Mulino a proposé que le Panama accueille temporairement les migrants expulsés des États‑Unis, s’agissant notamment de ressortissants asiatiques, avant de procéder à leur expulsion vers leurs pays d’origine.
([17]) La Nación, « El limbo migratorio que enfrentan los ciudadanos expulsados a Panamá desde Estados Unidos », 6 avril 2025.
([18]) Le montant des importations françaises depuis le Panama a atteint 19 millions d’euros en 2023.
([19]) Soit une hausse d’environ 24 % depuis 2022.
([20]) La France est ainsi le 17e pays fournisseur du Panama en 2023.
([21]) Impliquant l’intervention des sociétés Degremont et Suez.
([22]) Participation d’Alstom, de Thalès Cim, de TSO, de Sofratesa et de Systra.
([23]) Soit 8 % du budget de l’État en 2023.
([24]) En 2004, les gouvernements du Costa Rica, du Panama, de l’Équateur et de la Colombie ont créé le CMAR, dont l’objectif principal est d’établir un cadre international pour la conservation conjointe des écosystèmes de la région. Soutenue par les Nations unies, cette initiative comprend les aires marines protégées des îles Galápagos, Gorgona, Malpelo, Coiba et Cocos. Elle promeut un usage et une gestion durables des ressources marines, le maintien de la connectivité entre les principaux écosystèmes marins de la région, ainsi qu’une collaboration scientifique entre les pays membres.
([25]) Elle atteint désormais 900 élèves.
([26]) Le SENACYT a également décidé de la création d’un institut sur les technologies de l’information et de la communication, dont le projet est soutenu par l’Université Pau Pays de l’Adour.
([27]) Avec 19 magistrats de liaison implantés à l’étranger, dont l’un au Brésil, la France dispose de l’un des réseaux les plus développés au monde.
([28]) Il n’est pas prévu à ce jour d’étendre la compétence de ce poste sur l’ensemble de l’Amérique centrale.
([29]) Appui à la Lutte contre le Crime Organisé dans la Région Caraïbes.
([30]) Programa de Asistencia Contra el Crimen Transnacional Organizado en América Latina.
([31]) Agence de l’UE pour la coopération judiciaire en matière pénale.
([32]) Agence de l’UE pour la coopération policière.
([33]) Convention sur les stupéfiants du 30 mars 1961, convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984, convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 mars 1988, convention contre la criminalité transnationale du 15 novembre 2000, convention contre la corruption du 31 octobre 2003.
([34]) Convention sur le transfèrement des personnes condamnées du 21 mars 1983 et convention sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001.
([35]) Le Panama est considéré comme un pays de droit civil, par opposition au système anglo‑saxon dit de « common law » fondé sur le rôle central de la jurisprudence.
([36]) Bien que le ministère public panaméen soit indépendant du pouvoir exécutif, contrairement au parquet français.
([37]) Dont 23 en cours d’exécution.
([38]) Mission donnée par un juge d’instruction à toute autorité judiciaire relevant d’un autre État de procéder en son nom à des mesures d’instruction ou à d’autres actes judiciaires.
([39]) Demandes d’actes formulées par le ministère public à l’attention de son homologue étranger.
([40]) Acte par lequel les autorités judiciaires transmettent à leurs homologues étrangères les informations et les éléments de procédure nécessaires à la poursuite d’un individu mis en cause sur leur territoire.
([41]) Dont une en cours d’exécution.
([42]) Le Conseil économique et financier (ECOFIN) de l’UE a cependant décidé le 21 février 2025 de maintenir le Panama sur l’annexe I de la liste des juridictions non coopératives en matière fiscale, dite « liste noire », tout en précisant que le Panama s’est engagé d’ici l’été 2026 à satisfaire le critère relatif à l’échange de renseignements fiscaux sur demande et à solliciter une revue par les pairs du Forum mondial de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
([43]) Deux demandes ont déjà été satisfaites et une demande est actuellement en cours d’examen par les autorités panaméennes.
([44]) Lorsque l’État requérant élargit les motifs de sa demande d’extradition à des faits différents de ceux contenus dans sa demande initiale.
([45]) Le Panama a ainsi conclu des conventions d’extradition avec le Paraguay, la Colombie, le Royaume‑Uni, le Mexique, l’Espagne, l’Ukraine, l’Uruguay, le Costa Rica, les États‑Unis, le Pérou, le Brésil, la Russie et la République dominicaine.
([46]) Tels que l’Argentine, le Brésil, la Colombie, le Mexique, le Costa Rica, le Paraguay, le Pérou, Cuba, l’Uruguay, le Suriname, Sainte‑Lucie, le Venezuela et la République dominicaine.
([47]) L’article 1er énumère ainsi de manière non exhaustive les différents types d’entraide judiciaire envisageables et précise que toute autre forme d’entraide conforme aux objectifs de la convention est possible, à condition qu’elle soit conforme à la législation de la partie requise. L’entraide ne peut être refusée au motif que la demande vise une personne morale même si la législation de la partie requise ne comprend pas de dispositions relatives à la responsabilité d’une personne morale.
([48]) La jurisprudence considère comme infraction politique ou connexe à une infraction politique, toute infraction créée pour protéger les droits politiques des citoyens, l’existence, l’organisation et le fonctionnement de l’État ou toute infraction qui restreint une liberté publique. Ainsi, en matière extraditionnelle, les infractions prévues aux articles 410‑1 à 414‑9 du code pénal consistant en des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation sont considérées comme des infractions politiques.
([49]) Il s’agit notamment de la transmission des demandes par voie dématérialisée et des indications (objet, délais…) qui doivent y figurer.
([50]) Suivant l’accord de la partie requise, les autorités de la partie requérante ou les personnes mentionnées dans la demande peuvent assister à l’exécution de celle‑ci ou procéder à l’interrogatoire d’un témoin ou d’un expert. Cependant, dans sa décision n° 98‑408 DC du 22 janvier 1999, le Conseil constitutionnel a jugé qu’une autorité étrangère ne saurait procéder elle‑même à des auditions sur le territoire national mais pourrait uniquement assister à l’exécution de la demande d’entraide. Ainsi, les autorités panaméennes ne disposeront pas du droit de procéder à l’interrogatoire d’un témoin ou d’un expert en France.
([51]) Cette immunité cesse lorsque la personne ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie requérante pendant quinze jours consécutifs après que sa présence n’était plus requise par les autorités judiciaires est néanmoins demeurée sur ce territoire ou y est retournée après l’avoir quitté.
([52]) La partie requise prend ainsi les mesures nécessaires autorisées par sa législation pour empêcher que ces produits fassent l’objet de transactions, soient transférés ou cédés avant qu’un tribunal de la partie requérante n’ait pris une décision définitive à leur égard. La partie requise doit également, dans la mesure où sa législation le permet et sur demande de la partie requérante, envisager à titre prioritaire de restituer à la partie requérante les biens demandés, notamment en vue de l’indemnisation des victimes ou de la restitution au propriétaire légitime, sous réserve des droits des tiers de bonne foi. À la demande de la partie requérante, la partie requise peut exécuter une décision définitive de confiscation prononcée par les autorités judiciaires de la partie requérante.
([53]) Selon ce qu’autorisent la législation propre à chaque partie et le consentement de la personne concernée.
([54]) La partie requise doit également communiquer les renseignements concernant des comptes bancaires déterminés et des opérations bancaires réalisées pendant une période déterminée sur un ou plusieurs comptes spécifiés dans la demande, y compris les renseignements concernant tout émetteur ou récepteur.
([55]) Article 2 alinéa i) de la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000.
([56]) Ces agents sont ainsi assimilés aux fonctionnaires de la partie sur le territoire de laquelle ils opèrent. Dans le domaine civil, la partie dont les fonctionnaires ont causé des dommages à des tiers rembourse à l’autre partie les sommes versées aux victimes ou à leurs ayants‑droits.
([57]) Il s’agit alors d’une demande d’assistance technique adressée à la partie requise.
([58]) Si le Panama n’a pas fait l’objet d’une « décision d’adéquation » de la part de la Commission européenne reconnaissant un niveau de protection adéquate des données personnelles, des garanties pour la protection des données sont néanmoins prévues, telles que la définition de restrictions pour l’utilisation des données personnelles, la subordination de la réutilisation de ces données et de leur transfert ultérieur vers un État tiers ou une organisation internationale au consentement préalable de la France, l’institution d’un droit au recours au bénéfice des personnes concernées et l’obligation de préserver la sécurité des données. Ces mesures instituent des « garanties appropriées » au sens de la directive européenne « Police – Justice », qui autorisent par conséquent le transfert des données personnelles dans le cadre défini par la convention d’entraide. En outre, le Panama a adopté la loi du 26 mars 2019 qui a pour objet de renforcer la protection des données personnelles.
([59]) Exclusivement par négociations diplomatiques entre les parties.
([60]) L’entrée en vigueur a lieu le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière des notifications attestant de l’accomplissement des procédures de ratification propres à chacune des parties.
([61]) Cependant, l’attentat ou la tentative d’attentat contre un chef d’État ou d’un membre de sa famille, le génocide, les crimes de guerre ou les crimes contre l’humanité et les infractions pour lesquelles les deux parties ont l’obligation, en vertu d’un traité multilatéral, de soumettre le cas à leurs autorités compétentes pour décider des poursuites ou d’accorder l’extradition ne sont pas considérés comme des infractions politiques.
([62]) Les actes interruptifs ou suspensifs de prescription intervenus dans la partie requérante doivent cependant être pris en considération par la partie requise, dans la mesure où sa législation le permet.
([63]) La remise peut également être refusée si la personne a été définitivement condamnée ou a bénéficié d’une décision de relaxe ou d’acquittement dans un État tiers pour les infractions objet de la demande d’extradition.
([64]) Le Panama a aboli la peine de mort dès 1903.
([65]) Sauf à ce que la partie requérante donne des assurances suffisantes à la partie requise en s’engageant à ce que la peine de mort ne soit ni prononcée ni exécutée.
([66]) Il s’agit notamment des modalités de transmission des demandes et des indications (objet, qualification des faits infractionnels, peines encourues, règles de prescription…) qui doivent y figurer.
([67]) Dans le cas contraire, la personne concernée est remise en liberté et la partie requise peut par la suite refuser son extradition pour les mêmes faits.
([68]) La remise peut également intervenir à titre temporaire lorsque des circonstances particulières l’exigent ou encore être différée lorsqu’en raison de l’état de santé de la personne concernée, son transfert est susceptible de mettre sa vie en danger ou d’aggraver son état.
([69]) Si les biens sont susceptibles de saisie ou de confiscation sur le territoire de la partie requise, cette demande ne fait pas obstacle à la possibilité d’une remise temporaire ou conditionnelle des biens et la nécessaire préservation des droits de la partie requise ou des tiers sur lesdits objets.
([70]) Des exceptions sont néanmoins prévues à ce principe lorsque la partie requise y consent ou lorsque la personne concernée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie à laquelle elle a été livrée, ne l’a pas quitté dans un délai de soixante jours suivant sa libération définitive ou y est retournée volontairement après l’avoir quitté.
([71]) Elle doit notamment être formée par écrit, mentionner l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée, contenir un exposé des faits ainsi que tous les renseignements disponibles permettant l’identification et la localisation de la personne recherchée et faire part de l’intention exprimée par la partie requérante d’envoyer une demande d’extradition.
([72]) Conformément aux exceptions prévues par l’article 16.
([73]) Exclusivement par négociations diplomatiques entre les parties.
([74]) L’entrée en vigueur a lieu le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière des notifications attestant de l’accomplissement des procédures de ratification propres à chacune des parties.
([75]) À l’instar de l’interdiction de la peine capitale prévue par l’article 66‑1 de la Constitution.
([76]) Dans son arrêt « Soering contre Royaume‑Uni » rendu le 7 juillet 1989, la Cour européenne des droits de l’Homme considère que l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales interdit l’extradition de personnes susceptibles de faire l’objet de traitements inhumains ou dégradants.
([77]) En application du principe de non bis in idem, l’article 694‑4 du code de procédure pénale interdit l’extradition vers la partie requérante si un jugement définitif de condamnation, d’acquittement ou de relaxe a été prononcé par une juridiction de la partie requise à raison de l’infraction pour laquelle la remise est demandée.
([78]) Dans son arrêt « Koné » rendu le 3 juillet 1996, le Conseil d’État érige au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République le refus de procéder à l’extradition d’un ressortissant pour des motifs politiques.
([79]) Les quatre demandes d’extradition ou d’extension d’extradition actuellement adressées par la France au Panama concernent notamment des infractions délictuelles et criminelles relatives à l’escroquerie aggravée, au blanchiment de capitaux, à la détention ou à l’usage de faux, ou encore au vol en bande organisée.