N° 1430

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 mai 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 1111),
DE MME MARIETTA KARAMANLI ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,


visant à soutenir une politique ambitieuse
et ouverte de la recherche scientifique de l’Union européenne,

 

 

PAR Mme Marietta KARAMANLI,

Députée

 

 

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, M. Thierry SOTHER, vice‑présidents ; MM. Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, secrétaires ; MM. Henri ALFANDARI, Gabriel AMARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Nicolas BONNET, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, Éléonore CAROIT, M. François-Xavier CECCOLI, Mme Sophia CHIKIROU, M. Roger CHUDEAU, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Mickaël COSSON, Jocelyn DESSIGNY, Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Mme Olga GIVERNET, M. Michel HERBILLON, Mme Mathilde HIGNET, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, M. Bastien LACHAUD, Mmes Hélène LAPORTE, Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Matthieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Éric MARTINEAU, Emmanuel MAUREL, Mmes Yaël MENACHÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, Anna PIC, M. Pierre PRIBETICH, Mme Isabelle RAUCH, MM. Alexandre SABATOU, Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLÉ‑POLIAN, Liliana TANGUY, Estelle YOUSSOUFFA.

 

 


SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : La politique europÉenne de recherche s’est structurÉe depuis plusieurs cycles budgÉtaires : la France s’y est progressivement adaptÉe et présente des succÈs certains en matiÈre d’utilisation des fonds

A. la politique europÉenne de la recherche s’est rÉorganisÉe a de multiples reprises afin d’afficher comme prioritÉ politique la connaissance et l’innovation

1. Les prémisses de la politique européenne de la recherche

2. Horizon 2020 : le programme-cadre de recherche et développement devient un cadre stratégique commun

3. Horizon Europe : la maturité du programme-cadre pour la recherche ?

B. la participation francaise aux programmes-cadres européens pour la recherche

C. le fonctionnement et le financement de la recherche en France Determinent les conditions de la participation du pays aux programmes-cadres

DeuxiÈme partie : la proposition de résolution européenne présente des préconisations pour améliorer et renforcer le financement de la recherche au niveau européen ainsi qu’au niveau français

A. le modèle de financement européen de la recherche est confronté à plusieurs défis

1. Les propositions des rapports Draghi et Letta dessinent les contours d’une politique européenne de la recherche et de l’innovation résolument ambitieuse

2. L’évaluation à mi-parcours du programme Horizon Europe souligne la nécessité d’accélérer les efforts en faveur de la recherche et de l’innovation

3. Un grand fonds pour la compétitivité : la Commission européenne formule une nouvelle piste

B. la FRANCE POURRAIT tirer un meilleur PARTI DES aides EUROPÉENNES CONSACRÉES À la recherche et dÉvelopper une place mondiale dans lA recherche

1. Les préconisations des rapports des missions interministérielles formulent des pistes d’optimisation de la participation française

2. La France peut occuper une position de premier plan en attirant les scientifiques étrangers

ConclusioN

EXAMEN EN COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

ANNEXE 1 : Liste des personnes auditionnÉes par LA RAPPORTEURE

Annexe 2 : LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 


   Introduction

Mesdames, Messieurs,

La politique de recherche et d’innovation constitue un élément phare de la politique de l’Union européenne depuis plus de quarante ans. Conçue sous la forme de programme-cadre pour la recherche et le développement, cette politique bénéficiait initialement de montants relativement modestes et de formes limitées de coopération.

Avec l’approfondissement de l’intégration européenne, le programme européen pour la recherche a pris une forte consistance et atteint désormais près de 100 milliards d’euros - contre 3 milliards d’euros à ses origines.

La structuration de cette politique s’est inscrite dans le temps du budget européen à partir des années 1990 jusqu’à prendre sa forme actuelle. Horizon 2020 (2013-2020) et Horizon Europe (2021-2027) ont parachevé l’ambition européenne et donné à cette politique une construction spécifique et des financements divers.

La France y a pris sa part dès les débuts et présente des performances contrastées sur laquelle votre rapporteure a souhaité s’arrêter pour en retracer l’évolution. La participation française au programme européen est à rattacher à la structure de la politique de recherche nationale. Cette dernière contient des lignes fortes mais aussi certaines faiblesses.

La pandémie survenue en 2020 a bouleversé les équilibres financiers européens et joué un rôle de catalyseur pour repenser la structure du programme-cadre.

Les rapports de MM. Enrico Letta et Mario Draghi, remis en 2024, dressent les contours du futur de la politique européenne de recherche. Ils sont également une source d’inspiration pour la Commission européenne qui devrait présenter à l’été 2025 le prochain cadre budgétaire et donc la structuration des fonds dédiés à la recherche.

La France s’interroge elle-même sur les moyens de maximiser sa participation au programme européen en tenant compte de ses forces et de ses faiblesses grâce à plusieurs évaluations effectuées ces dix dernières années.

La réflexion française se nourrit également du contexte international avec l’offensive antiscience de la nouvelle administration américaine qui est susceptible de perturber l’écosystème de la connaissance.

C’est une opportunité que la France pourrait saisir pour attirer des scientifiques de renom. Elle devra pour cela s’en donner les moyens financiers et inscrire aussi son action dans un cadre européen lui-même en cours de réinvention.


   PREMIÈRE PARTIE : La politique europÉenne de recherche s’est structurÉe depuis plusieurs cycles budgÉtaires : la France s’y est progressivement adaptÉe et présente des succÈs certains en matiÈre d’utilisation des fonds

A.   la politique europÉenne de la recherche s’est rÉorganisÉe a de multiples reprises afin d’afficher comme prioritÉ politique la connaissance et l’innovation

1.   Les prémisses de la politique européenne de la recherche

La participation de l’Union européenne aux activités de recherche est un acquis relativement récent puisque dans les années 1970 ce sujet n’était pas investi.

Aux débuts de la construction communautaire – la mise en œuvre de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA)le financement de la recherche à travers des fonds dédiés était prévu par l’article 55 du Traité. La mission incombait à la Haute autorité, c’est-à-dire l’entité prédécesseure de la Commission européenne.

Néanmoins, cette question demeurait au second plan puisque le traité instituant la Communauté économique européenne (CEE) ne mentionnait pas la recherche parmi les compétences communautaires.

Pour autant, il existait des initiatives relevant de l’intergouvernemental à l’image du Centre européen pour la recherche nucléaire (CERN). C’est le fossé technologique grandissant entre les États-Unis et l’Europe qui a poussé cette dernière à questionner son investissement dans la recherche.

De ce débat est née la Coopération européenne en science et en technologie (COST) instituée en 1971 relevant une fois encore d’une logique intergouvernementale.

Une communication d’Altiero Spinelli publiée en 1971 a donné une nouvelle impulsion à l’investissement dans la recherche au niveau européen. La communication envisageait le recours à la clause de flexibilité prévue à l’article 235 du traité CEE et autorisant cette dernière à intervenir dans des domaines non prévus par le traité si le Conseil en est d’accord à l’unanimité, pour mener et financer des programmes de recherche.

Les années 1970 voient la création de plusieurs programmes de recherche pas nécessairement rattachés à la construction communautaire, à l’instar de l’Agence spatiale européenne (ASE) en 1975 dont la logique est intergouvernementale.

 Il faut attendre le début des années 1980 pour que soit institué un instrument stratégique spécifique pour la recherche communautaire. Le commissaire Etienne Davignon fait adopter en octobre 1981 une communication traçant les contours du premier programme-cadre général de recherche et de développement (PCRD) communautaire.

Il s’agit d’un mécanisme de concertation révisé régulièrement qui définit les secteurs à aider en priorité et qui met en œuvre des actions horizontales afin de stimuler l’efficacité de la recherche communautaire. Un processus d’évaluation du PCRD est également mis en place.

Le PCRD constitue un instrument à la fois de programmation et de financement. Il vise à moderniser les structures de recherche publiques et à limiter le double emploi des activités de recherche communautaires ainsi que la concurrence intracommunautaire. Sa mise en œuvre nécessite de trancher entre action nationale, action internationale et action communautaire.

Dès les débuts des programmes-cadres, l’organisation se construit autour de plusieurs priorités thématiques avec une dimension transversale. Le premier PCRD couvre la période 1984-1987 et son budget - indicatif – est de 3 750 millions d’ECU (panier de monnaies européennes en vigueur avant l’euro).

À partir du milieu des années 1980, la Communauté cherche à mettre en place le marché unique et ses quatre libertés (libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes). Cet objectif sera réalisé via l’Acte unique européen de 1986 qui modifie les traités alors en vigueur.

L’Acte unique donne à la Communauté des compétences en matière de recherche dans le but de soutenir son développement économique et industriel ainsi que sa compétitivité globale.

La politique de cohésion contribue aussi à l’amélioration des capacités de recherche au sein des régions les moins développées via les fonds structurels

Le deuxième PCRD (1987-1991) prévoit un budget de 5.4 milliards d’ECU illustrant ainsi la montée en force du champ de la recherche au sein du budget européen.

Le troisième PCRD (1990-1994) prend en compte l’importance croissante des nouvelles technologies (techniques de l’information et de la communication, biotechnologies). Le budget initialement prévu sera majoré suite à un affrontement entre le Conseil et le Parlement européen aboutissant à 6.6 milliards d’ECU. Ce programme-cadre introduit la pluridisciplinarité qui sera conservée par la suite.

Le Traité de Maastricht entré en vigueur en 1993 élargit la portée de la politique de la Communauté dans le domaine de la recherche qui devient horizontale et couvre la recherche fondamentale.

Le quatrième PCRD (1994-1998) prévoit un budget de 13.1 milliards d’ECU. Il contient également des dispositions plus strictes dans la sélection des programmes financés par la Communauté aux fins de rationalisation des choix publics.

Le cinquième PCRD (1998-2002) fut le dernier adopté selon la règle de l’unanimité du Conseil.

Le changement majeur dans l’approche européenne de la recherche survient en 2000 avec l’adoption de la communication orientant le sixième PCRD. En effet, un an plus tôt le commissaire chargé de la recherche développait le concept d’espace européen de la recherche (EER) qui fit florès et s’imposa. Le concept d’EER fait partie de la stratégie dite de Lisbonne – adoptée en mars 2000 – visant à faire de l’Union européenne « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde. »

Ce sixième PCRD présente une conception profondément renouvelée qui tient compte de la fragmentation du paysage européen de la recherche et veut se donner les moyens d’y remédier. Il contient le financement d’activités de mise en réseau de programmes nationaux, la création de réseaux d’excellence et l’élaboration de dispositions pour les projets de recherche finalisés à grande échelle. Ce PCRD disposait d’un budget de 17.9 milliards d’euros.

Il rend possible la création de partenariats public-privé pour financer les réseaux de l’EER (ERA-NET).

En mars 2002, le Conseil européen avait fixé un objectif d’effort de recherche atteignant 3 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici 2010. C’est sur la base de cet objectif que fut construit le septième PCRD.

Le septième PCRD prévoit des pôles d’excellence européenne, des initiatives technologiques communes (ITC) et la création d’un Conseil européen de la recherche (CER) – effective en 2007.

Ce nouveau programme-cadre vise à améliorer le degré de réussite des programmes de recherche jugé insuffisant (20 % des propositions financées).

Le budget du septième PCRD est porté à 50 milliards d’euros. Les activités de recherche et d’innovation sont également soutenues par les fonds structurels et le programme européen pour l’innovation et la compétitivité. Un nouvel organe européen est mis sur pied en 2008 à l’initiative du président de la Commission pour soutenir la recherche et l’innovation : l’Institut européen d’innovation et de technologie (IET). Cette entité est cependant prévue en dehors du programme-cadre et financée de manière indépendante.

Le Traité de Lisbonne vient préciser les compétences de l’Union en matière de recherche (qui relèvent du domaine des compétences partagées), élargit les objectifs de la politique européenne et fait de la réalisation d’un espace européen de la recherche une obligation juridique.

L’Union de l’innovation est introduite dans le cadre de la stratégie dite Europe 2020 et reprogramme l’objectif de 3 % du PIB investi dans la recherche – non atteint pour 2020. C’est dans ce cadre que le huitième PCRD entre en application en 2013 sous le nom d’« Horizon Europe ». Les PCRD deviennent alors des programmes de programmes couvrant tous les aspects de l’innovation et mettant en œuvre diverses politiques de l’Union. La gestion complexe de ces programmes a conduit à un nouveau degré de fragmentation au niveau de l’Union en ce qui concerne le financement des activités liées à l’innovation.

Évolution du budget du programme-cadre européen pour la recherche

(en millions d’ECU ou d’euros)

Source des données : EPRS, sur la base d’EUR-Lex.

2.   Horizon 2020 : le programme-cadre de recherche et développement devient un cadre stratégique commun

Le programme Horizon 2020 entre en application dans un contexte d’écart grandissant entre l’Union européenne et les États-Unis au cours des années 1990.

L’Union conserve cependant une excellence scientifique relative qui doit être mise en comparaison avec la montée en force de puissances telles que la Chine et l’Inde. C’est ce qui explique notamment la diminution de la part de l’Europe en termes de publications (24 % en 2010 et 18 % en 2022) a souligné M. Jean-Luc Moullet, directeur général de la recherche et de l’innovation du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche au cours de son audition.

Si les universités européennes restent présentes dans les classements internationaux (par exemple celui de Shanghai), elles ne figurent que faiblement parmi les cinquante premières alors même que la part de chercheurs européens représente 18 % du total mondial (22 % pour la Chine).

En matière de dépôts de brevets, l’Union occupe la troisième place avec 17 % des brevets mondiaux déposés derrière la Chine (21 %) et les États-Unis (25 %). De plus, l’Europe représente 20 % des publications scientifiques mondiales.

L’absence d’échelle et de coordination dans les investissements produit ainsi une situation contrastée, inégale et partiellement inopérante.

Adoptée en juin 2010, la Stratégie Europe 2020 visant une « croissance intelligente, durable et inclusive » s’organise autour de trois axes : l’innovation, l’accroissement du taux d’emploi et la durabilité de la croissance.

Doté d’un budget de plus de 80 milliards d’euros, il s’agit du troisième poste de dépense de l’Union européenne derrière la politique agricole commune et la politique régionale.

Il apparaît que la faiblesse de l’Union en matière de recherche et développement provient surtout du secteur privé. Ainsi, en France, les entreprises financent 51 % de l’effort de recherche alors que ce pourcentage monte à 73 % en Corée du Sud et même 78 % au Japon. Il s’agit donc d’incorporer dans les programmes communs l’ensemble des acteurs de la chaîne de l’innovation.

Une autre faiblesse relevée a été l’insuffisante coordination entre l’Union, les États et les régions en matière de politique de recherche.

La nouvelle mouture du programme-cadre de la recherche avec Horizon 2020 formalise la mise en application du concept d’innovation. Un institut a été créé à cet effet en 2008 dont l’objectif est de tracer un lien entre la recherche et le secteur marchand. Pour autant, la recherche ne doit pas être délaissée et la logique descendante dite « top-down » continue de prévaloir pour les programmes européens.

Cette logique découle de la lettre des traités puisque l’article 182 du TFUE énonce : « Le programme-cadre fixe les objectifs scientifiques et technologiques à réaliser (…) et les priorités qui s’y attachent. »

Ceci étant dit, les chercheurs ne sont pas des prestataires de l’Union et le Conseil européen de la recherche, qui choisit et subventionne les projets, doit maintenir une logique ascendante dite « bottom-up » dans le mode d’attribution des subventions.

Cette même logique prévaut pour la participation européenne à des projets européens qui doivent uniquement être consacrés à la recherche à l’image des programmes adoptés au titre de l’article 185 du TFUE ([1]).

Horizon 2020 concrétise également l’engagement de la Commission européenne en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes. Puisque c’est le secteur privé qui manque au financement de la recherche, c’est vers lui que les efforts doivent être dirigés. L’objectif de 15 % des financements d’Horizon 2020 à destination des PME est énoncé.

Ce soutien pour les PME va nécessiter la simplification des règles d’accès aux financements dont la complexité est une des causes de la position de retrait du secteur marchand dans le domaine de la recherche. Est également posé le sujet du brevet européen dont le coût doit être abaissé pour pouvoir être pleinement utilisé par les acteurs concernés.

L’IET, mentionné précédemment, doit permettre de renforcer la capacité d’innovation. Son champ d’application est élargi avec ce nouveau PCRD et son budget multiplié par 10 (309 millions pour la période 2008-2013 contre 3 194 Md€ ([2]) pour 2014-2020).

L’utilité de l’institut d’innovation fait l’objet d’interrogations notamment quant à la plus-value apportée. La jeune structure se voit reprocher son manque d’agilité dans les relations qu’elle noue avec les entreprises.

La simplification annoncée pour Horizon 2020 se voit décliner en trois intitulés constituant autant de priorités/piliers : excellence scientifique, primauté industrielle et défis sociétaux.

Le pilier n° 1 - excellence scientifique - représente la recherche fondamentale et la priorité telle qu’énoncée à l’article 179 du TFUE (réalisation d’un espace européen de la recherche). L’enjeu majeur est de renforcer la base scientifique européenne avec comme objectifs le progrès des connaissances et la compréhension des phénomènes quelles que soient leurs applications potentielles.

Au sein de ce pilier s’impose le Conseil européen de la recherche, créé en 2007, qui constitue un organe indépendant composé d’experts différents et complémentaires. Il définit une stratégie scientifique générale et a compétence pour décider du type de recherches à financer. Il permet l’attribution de bourses à des scientifiques sélectionnés sur la base de critères d’excellence. À ce titre, il fait une place dans le monde de la recherche aux jeunes chercheurs en leur permettant d’obtenir un soutien décisif dans l’accomplissement de leurs travaux. Horizon 2020 est le temps de la montée en force du CER puisque son budget est doublé (2007 : 7.5 Md€, 2013 : 15 Md€) signe de son succès unanimement reconnu.

Un autre outil important du pilier n° 1 est constitué par les actions Marie Curie qui financent historiquement la formation et le développement des carrières des chercheurs. Son budget doit passer de 4.7 à 6.5 Md€ afin d’approfondir les réseaux de formation, les financements individuels et les échanges de personnel.

La mobilité des doctorants européens est insuffisante (7 % suivent une formation dans un autre État membre). En outre, 46 % des ressources humaines en recherche et innovation travaillent en entreprise quand ce chiffre atteint 69 % en Chine, 73 % au Japon et 80 % aux États-Unis.

Dans la continuité du précédent PCRD, les infrastructures européennes de recherche doivent permettre de doter l’Europe d’infrastructures d’envergure mondiale accessibles à tous les chercheurs européens. La dotation budgétaire monte de 1.7 Md€ à 2.7 Md€.

Enfin, un programme intitulé technologies futures et émergentes est créé et doté d’une enveloppe budgétaire de 3.5 Md€. Son objectif est de promouvoir des technologies nouvelles en explorant des idées innovantes et risquées apportant des avantages sur le long terme.

Le deuxième pilier - primauté industrielle - est une novation d’Horizon 2020 et vise à traduire l’intégration de l’innovation au sein du PCRD. Son budget est de 20.3 Md€. Il s’agit d’accroître la compétitivité en renforçant le développement des technologies et des innovations ainsi qu’en soutenant les PME innovantes pour leur permettre de gagner des parts de marché mondiales.

Ce programme comporte trois volets distincts et aux formes différentes. Le premier volet vise à soutenir les investissements stratégiques dans les domaines des technologies génériques et industrielles (TIC, nanotechnologies, matériaux avancés, biotechnologies ou encore espace).

Le deuxième volet vise à favoriser l’accès au financement à risque. Le constat de la Commission est celui d’une possibilité de croissance élevée des PME entravée par des accès restreints aux financements en raison de projets jugés trop risqués. Un mécanisme d’emprunt à l’échelle européenne est indispensable en raison du retrait des banques commerciales frileuses devant les projets à risque.

Le dernier volet constitue un outil à destination des PME innovantes conçu comme un moyen de les accompagner tout au long du processus d’innovation.

Le troisième pilier concerne les défis sociétaux. Cette expression désigne une nouvelle approche cherchant à déterminer des grands enjeux auxquels l’Europe est confrontée nécessitant un effort particulier qu’un État membre ne pourrait réaliser seul. Pour la période couvrant le PCRD Horizon 2020, sept défis ont été identifiés et se voient affecter un budget de 35.9 Md€.

Les défis sociétés sociétaux retenus sont la santé, la sécurité alimentaire, les énergies, les transports, la lutte contre le changement climatique, les sociétés inclusives et la protection des libertés des citoyens.

La simplification a représenté l’enjeu majeur pour ce PCRD. La réunion dans un cadre stratégique commun unique se voulait le moyen d’assurer une meilleure coordination horizontale au niveau européen. La coordination des différentes politiques publiques permet ainsi l’optimisation de l’utilisation des moyens financiers et notamment ceux des fonds de cohésion orientés vers la recherche.

En outre, le programme COSME à destination des PME doit permettre leur développement et faciliter leur accès aux financements. Il est complémentaire du PCRD puisqu’il alimente la croissance des PME qu’Horizon 2020 a aidée lors du processus de création. Les lignes de financements des deux programmes s’ajustent l’une à l’autre afin d’agir chacune à leur niveau et en fonction de leurs compétences.

Horizon 2020 pose également la question de l’organisation verticale, c’est-à-dire l’articulation entre les financements nationaux et les financements européens afin d’éviter la concurrence entre eux. L’objectif est d’assurer une pleine subsidiarité et une complémentarité en matière de recherche.

La simplification pose la question des règles de participation aux programmes. Une simplification maximale verrait un financement reposant sur un taux de cofinancement unique applicable par action et ce quel que soit le bénéficiaire. Pour autant, les activités de recherche et celles proches du marché appliquent un taux différentiel. Ces intentions paraissent louables mais risquent d’écarter des acteurs des programmes alors même que l’objectif poursuivi est leur plus grande implication.

Horizon 2020 a donc constitué un moment charnière dans les programmes européens de la recherche. La constante augmentation des budgets depuis les années 1980 s’est confirmée (cf. graphique précédent). Néanmoins, la structure ayant été largement bouleversée, la comparaison avec le précédent PCRD atteint certaines limites. Le regroupement de certaines structures précédemment hors du budget du PCRD au sein de celui-ci modifie les équilibres financiers globaux.

Le budget proposé reste modeste quand bien même il constitue le troisième poste de dépenses de l’Union (8 % du budget, très loin derrière les deux premiers). La prochaine programmation budgétaire a donc constitué un moment crucial pour constater si le soutien à l’effort engagé en faveur de la recherche et renouvelé avec l’architecture d’Horizon 2020.

Source : Sénat


3.   Horizon Europe : la maturité du programme-cadre pour la recherche ?

Ce nouveau PCRD couvrant la période 2021-2027 – et donc en cours d’exécution – présente des points communs avec le précédent. Il conserve sa place de troisième poste budgétaire avec près de 100 milliards d’euros budgétés. Il porte la trace de la stratégie de Lisbonne ainsi que le lien voulu entre recherche et innovation (plus-value constituée par la mise sur le marché).

La réussite qu’a constituée Horizon 2020 a été constatée par le lien fort entre recherche et secteur privé, la participation des PME au programme (23.9 %) et près de 50 % de nouveaux participants aux programmes. Le nombre de lauréats du prix Nobel a crû de même que le taux de citation des premières publications scientifiques. Enfin, le délai d’octroi des subventions a été considérablement réduit.

Un rapport confié par la Commission européenne à un groupe de haut niveau, présidé par Pascal Lamy, a permis d’évaluer le programme-cadre et de formuler des propositions d’améliorations. Ses conclusions ont été présentées en juillet 2017 et ont servi à orienter les choix de la Commission pour le futur PCRD.

Parmi les préconisations du rapport, il est possible de retenir le primat du lien recherche-innovation, la culture de l’entrepreneuriat, la rationalisation du système de financement européen de la recherche, la simplification, l’articulation entre efforts de recherche national et européen ou encore la coopération internationale.

Au regard du succès d’Horizon 2020, la Commission a fait le choix d’en conserver l’architecture tout en modifiant la nature des piliers. Le 1er pilier désigne la science ouverte (recherche fondamentale) et conserve un rôle majeur au Conseil européen de la recherche. Ce conseil est responsable de l’octroi des bourses. Le premier pilier subventionne également les actions Marie Sklodowska-Curie.

Le deuxième pilier traite des problématiques mondiales et de la compétitivité industrielle. C’est un changement par rapport à la précédente programmation puisqu’il réunit deux piliers précédemment distincts. La logique est descendante : des projets sont financés car ils répondent à des priorités de l’Union. Transdisciplinarité et transversalité sont encouragées.

Cette nouvelle organisation obéit à un choix de rationalisation : Horizon 2020 contenait 13 sections et 69 domaines quand Horizon Europe compte 5 pôles et 39 domaines d’intervention. Les pôles reprennent les domaines d’intervention d’Horizon 2020 en opérant des regroupements thématiques cohérents.

La simplification réalisée obéit à une logique de plus grande accessibilité. Le nombre de partenariats a été divisé par 90 et leurs formes simplifiées.

Le troisième pilier pour l’innovation ouverte constitue la nouveauté de ce PCRD. Il vise à consacrer l’innovation de rupture c’est-à-dire la capacité à changer un marché en y introduisant une innovation substantielle. L’IET déjà intégré au PCRD depuis 2013 voit son budget conforté. Il s’appuie sur des communautés de la connaissance et de l’innovation rassemblant dans un lieu unique une multiplicité d’acteurs autour de projets thématiques. Sa plus-value a été confirmée par M. Lamri Adoui, président de l’Université de Caen et de France Universités, auditionnée par votre rapporteure.

La Commission a intégré un nouvel organe avec l’instauration d’un Conseil européen de l’innovation (CEI) doté de 10Md€, responsable de l’innovation de rupture et comparable, dans une certaine mesure, à la DARPA américaine (Defence Advanced Research Projects Agency) ([3]). Il doit permettre de soutenir des avancées technologiques depuis leurs prémisses jusqu’à leur déploiement final. Ceci permettra d’aider les PME innovantes en butte au manque de capital-risque pour financer leurs projets.

Ce nouveau conseil s’appuie sur deux nouveaux instruments : l’éclaireur destiné aux innovateurs dont la technologie aura une application marchande, et l’accélérateur chargé de fournir à une entreprise des ressources indispensables au déploiement à grande échelle d’une technologie lorsqu’elle n’a pas accès aux marchés financiers.

Une action transversale est envisagée pour renforcer la participation à l’espace européen de la recherche. En effet, un déséquilibre géographique dans l’attribution des fonds de recherche a été observé (60 % des fonds d’Europe 2020 étés attribués à six pays seulement dont la France). Il convient donc d’aider les pays en retard en leur permettant de consolider leur système de recherche et ainsi participer plus activement à l’EER.

L’ambition budgétaire du nouveau PCRD doit être comparée aux préconisations du rapport de M. Lamy qui appelait à doubler le budget d’Horizon 2020 (passant donc de 80 à 160 Md€). Il convient de souligner que nombre de projets n’ont pas pu être financés faute de moyens. C’est un regret puisque, selon les estimations de la Commission elle-même, deux tiers de la croissance économique des dernières décennies proviennent de l’innovation.

Avec 100 Md€ sur sept ans, Horizon Europe est cependant le premier programme de recherche mondial. Au regard des montants attribués à chaque pilier ainsi qu’à l’innovation de rupture dans un contexte de retrait du Royaume-Uni de l’Union, l’augmentation de l’effort budgétaire entre les deux PCRD est de 40 %. C’est considérable et l’effort européen de recherche tutoie désormais les 3 % de PIB qui est l’objectif promu depuis l’année 2000.

Les synergies entre fonds européens sont meilleures qu’auparavant puisque les fonds d’Euratom, par exemple, font partie du PCRD de même que le Fonds européen pour la défense (FED). La capacité à maximiser les effets budgétaires en rassemblant les programmes est le gage de la réussite. L’effet levier est considérable. En outre, la Commission a conçu un label d’excellence pour des projets non financés par Horizon Europe – bien que conforme aux critères – afin qu’ils puissent obtenir des financements au niveau régional via les fonds structurels.

L’effort de simplification continue de prévaloir avec un ensemble unique de règles et des taux de financements maintenus permettant une cohérence dans le temps.

Financer une politique d’innovation de rupture nécessite une participation massive aux appels d’offres, la définition d’une problématique large, une échelle d’intervention importante et une prise de risque. Tous les projets ne mèneront pas au succès et certains n’aboutiront pas. Il s’agit donc d’entériner une nouvelle logique de financement avec un engagement fort au départ, la fin des projets condamnés et le soutien des projets les plus avancés jusqu’à leur déploiement.

Le fonctionnement du deuxième pilier présente l’avantage d’éviter un cloisonnement en opérant par missions, reprenant le concept théorisé par l’économiste Mariana Mazzucato que la Commission avait interrogé à ce sujet. La concentration des moyens sur des sujets à forte valeur ajoutée doit en assurer le succès. C’est un changement de paradigme qui vise une logique de fins plutôt que de moyens.

La participation des pays tiers aux programmes a été posée avec le départ du Royaume-Uni. Le sujet est d’autant plus crucial que le Royaume – Uni se classait deuxième dans l’obtention des financements d’Horizon 2020. La France a donc pu prendre une place « libérée » mais la situation pourrait évoluer avec la signature d’un accord en 2024 marquant le retour du Royaume-Uni dans le programme.


HORIZON EUROPE - AFFECTATION DES CRÉDITS (Mds €)

https://www.senat.fr/rap/r18-154/r18-1541.png

Source : Sénat

B.   la participation francaise aux programmes-cadres européens pour la recherche

La participation de la France aux PCRD est analysable depuis les origines du programme et permet ainsi de retracer son évolution et d’en constater les éléments principaux. La France occupe une position centrale au sein du programme-cadre de l’UE pour la recherche depuis le lancement du premier programme.

Les autorités françaises ont missionné à plusieurs reprises ([4]) des groupes d’experts afin d’objectiver certains ressentis et de comprendre les succès et insuccès. Certains rapports sont directement issus du ministère de l’enseignement supérieur et constituent des évaluations régulières dans un cadre plus global sur les performances françaises ([5]).

Les deux derniers bilans de la participation française aux PCRDI (Horizon 2020 et Horizon Europe à mi-parcours) permettent d’identifier certains traits récurrents et certaines améliorations. Étant donné la programmation encore en cours d’Horizon Europe, il convient d’apprécier avec une certaine réserve les éléments chiffrés sur ce dernier qui se situe à mi-parcours.

Montant des subventions par pilier en Md€, par pays (2014-2023)

Source : Rapport de la Cour des comptes « La mobilisation des fonds européens, op. cit. p. 27.

Alors que la France obtenait 7.68Md€ dans le cadre d’Horizon 2020, elle a reçu 4.8Md€ à mi-parcours pour Horizon Europe ce qui marque une légère amélioration. La France présentait une certaine stabilité en matière de financements reçus entre le 7ème et le 8ème PCRDI (Horizon 2020) bien qu’une hausse soit observable en montants absolus. En effet, le montant annuel capté est en hausse de 51 % mais la hausse du montant global du PCRDI est plus importante encore. S’agissant d’Horizon Europe, la hausse des montants captés est par contre de 44 % quand la hausse du montant global du PCRDI n’est que de 24 %.

Un des traits majeurs d’évolution entre les deux dernières programmations est la position générale française qui passe de la troisième place à la deuxième place, derrière l’Allemagne. Elle tient moins au succès français qu’au retrait britannique de l’Union et la fin provisoire de sa participation au programme. Ainsi, la France percevait 11 % des financements pour la 7e programmation et 11,4 % pour la 8e. L’Allemagne présente une meilleure participation (14,8 % et 15,8 %). Néanmoins, il y a une amélioration française générale car une tendance baissière en matière de participation était observable depuis plusieurs PCRDI.

Répartition des subventions entre les pays bénéficiaires
pour le programme Horizon 2020

(en %)

Source : Rapport de la Cour des comptes « La mobilisation des fonds européens, op. cit. p. 20.

 

Répartition des subventions entre les pays bénéficiaires
pour le programme Horizon Europe

(en %)

Source : Rapport de la Cour des comptes « La mobilisation des fonds européens, op. cit. p. 21.

Le taux de succès (financements obtenus/financements demandés) présente un bilan positif avec un taux passant de 15,9 % à une moyenne située entre 25 % et 30 % pour Horizon Europe. Ceci dit, Horizon 2020 constituait un recul puisque sur la 7ème programmation la France obtenait un taux de 24,7 %.

En matière de financements obtenus, la France présente une position baissière (4ème position pour la 8eme programmation contre 3ème pour la précédente programmation). Néanmoins, la France surperforme puisqu’elle se situait en 5ème position en financements demandés sur Horizon 2020 et qu’elle occupe actuellement la 2ème place sur Horizon Europe.

La faible incitation à se coordonner pour obtenir des financements européens continue de s’observer à travers les trois derniers PCRDI où la France ne présente en moyenne que 8,7 % de projets collaboratifs, soit la 4e place derrière l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne.

La France se distingue particulièrement au sein du Conseil européen de la recherche, dans certains clusters thématiques, tels que le cluster 5 « climat, énergie, mobilité » et 4 « numérique, industrie et espace », et au sein du Conseil européen de l’innovation (CEI). S’agissant du CEI en particulier, la France fait preuve d’un dynamisme exceptionnel, se situant à la 2ème place en termes de participation globale, et à la 1ère place pour l’Accélérateur.

La typologie des bénéficiaires des aides rend compte des particularités du modèle de recherche français sur lequel nous reviendrons ultérieurement. 59 % (Horizon 2020) et 57 % (Horizon Europe) des bénéficiaires sont des laboratoires académiques quand les entreprises ne sont respectivement que 35 % et 34 %. Les entreprises françaises se situent systématiquement derrière les entreprises allemandes.

Les principaux acteurs européens bénéficiaires du programme présentent des résultats particulièrement positifs pour la France avec une position leader inchangé pour le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et excellente pour le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) en 2ème puis 3ème position. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale présente lui aussi un certain succès à travers les programmations (14ème puis 18ème).

Répartition des bénéficiaires
des programmes Horizon 2020 et Horizon Europe

(en %)

Source : Rapport de la Cour des comptes « La mobilisation des fonds européens, op. cit. p. 31.

Parmi les entités françaises récipiendaires, une certaine stabilité s’observe : CNRS, CEA et INSERM occupent les trois premières places. Les deux premiers captent près d’un quart de tous les financements obtenus par la France. Thales, Safran et Airbus se situent également dans les dix premiers, de même que l’université de la Sorbonne et l’Institut Pasteur. Les montants captés demeurent relativement stables bien qu’une augmentation globale soit sans doute observée à la fin de la programmation actuelle.

Évolution des financements reçus par les acteurs français

(en M€)

Source : Rapport de la Cour des comptes « La mobilisation des fonds européens, op. cit. p. 31.

Les partenaires de la France dans les projets communs sont relativement inchangés avec l’Allemagne comme premier partenaire, l’Espagne et l’Italie présentent également une forte position ainsi que le Royaume-Uni avant sa sortie de l’Union.

En conclusion, la participation française demeure importante avec une amélioration en trompe-l’œil (3e puis 2e position) du fait de la sortie du Royaume-Uni. Le retour de ce dernier dans le programme à compter du 1er janvier 2024, suite à la signature d’un accord d’association, devrait conduire la France à retrouver sa position précédente.

La France présente un taux de succès relativement important dans un univers de plus en plus compétitif. Elle est effectivement au-dessus de la moyenne. Néanmoins, cette situation ne saurait compenser la faiblesse relative observée en matière de dépôts de projets et donc de financements demandés.

La coordination des projets constitue également un domaine dans lequel la France peut améliorer sa position dès lors que les conditions propices à l’émergence de projets collaboratifs seront offertes aux acteurs concernés (incitations RH, aides financières, accompagnement personnalisé).

Si le secteur privé participe relativement bien au programme, la position du secteur académique est décevante et pourrait être renforcée compte tenu de son potentiel (dialogue contractuel, structuration de l’accompagnement via le programme d’investissement avenir, renforcement des compétences pour l’accompagnement national, régional et local sur l’influence, montage et le suivi).

Un rôle tout particulier peut être occupé par les régions du fait des compétences qui leur sont octroyées. Les actions qu’elles mènent peuvent dès lors être renforcées et la mutualisation des compétences entre acteurs régionaux et locaux doit être soutenue.

Ces éléments d’analyse ont été confirmés par Clément Beaune, hautcommissaire au Plan, auditionné par votre rapporteure. La France dispose d’un potentiel qu’elle doit mieux exploiter.

C.    le fonctionnement et le financement de la recherche en France Determinent les conditions de la participation du pays aux programmes-cadres

La recherche française constitue un des atouts majeurs de son système éducatif. Avec 496 000 chercheurs et personnels de soutien, elle constitue l’une des plus importantes d’Europe. 61 % d’entre eux travaillent au sein des entreprises, 20 % dans les établissements d’enseignement supérieur et 17 % dans les organismes nationaux de recherche (ONR).

L’investissement financier reste cependant en deçà de l’objectif de la stratégie de Lisbonne (2,2 %) même si une amélioration est perceptible depuis plusieurs années. Ce chiffre représente une dépense intérieure de recherche et de développement (DIRD) de 57,4Md€ dont près des deux tiers est réalisée au sein des entreprises (1,4 %) ([6]).

Sur ce montant, la puissance publique apporte 19,6 Md€ en 2022 et il a vocation à croître d’ici 2030 en raison d’une priorité accordée à la recherche. Cette priorité découle de la loi de programmation de la recherche (LPR) prévoyant une augmentation des crédits à hauteur de 5,1 Md€ par an supplémentaires jusqu’en 2030 par rapport à 2020. France 2030 apporte également des crédits supplémentaires.

 

Cette dynamique affirmée devra être analysée et évaluée à l’aune des économies annoncées pour les prochains budgets 2026, 2027 et 2028. Les budgets ministériels devraient en effet s’afficher globalement en baisse en regard de la loi de finances pour 2025 et il est demandé aux ministères de proposer « des mesures d’économies ambitieuses, fondées sur une interrogation systématique de la pertinence des interventions de l’État » ([7]).

L’organisation spécifique du modèle de la recherche français et des politiques d’innovation mises en œuvre ont fait l’objet d’un long rapport détaillé ([8]) par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) en 2014. Il conserve toute sa pertinence en dépit des dix années depuis écoulées.

Tout d’abord, il convient de relever le rôle essentiel joué par l’État dans le système français de recherche et d’innovation (SFRI). La part de la puissance publique dans le financement de l’ensemble des dépenses du SFRI s’élève à 37 % et même 50 % compte tenu du crédit impôt recherche (CIR). C’est un pourcentage élevé de plus de 10 points comparé aux autres pays de l’OCDE.

Un autre distinctif est le faible poids des universités au sein de la recherche publique puisque celle-ci est exécutée pour l’essentiel dans les organismes publics de recherche (OPR) tels que le CNRS et le CEA.

Cependant, l’apport des enseignants-chercheurs n’est pas anecdotique. Le manque de valorisation de leur travail invisibilise leur apport. La part de l’apport des universités est donc plus importante que ce que l’analyse générale tend à laisser penser.

L’État présente une proximité importante avec le secteur privé et plus spécifiquement les grandes entreprises qui réalisent une part importante de la recherche et de l’innovation.

Ce système français a été structuré au cours des années 1950-1970 et n’a depuis évolué qu’assez marginalement demeurant un système administré et centré sur l’État.

Plusieurs reproches lui sont faits. Il est trop segmenté et certaines de ses composantes sont rigides et peu réactives à la demande sociale et économique. Les OPR réunissent les rôles de programmation, de financement, d’exécution et d’évaluation de la recherche alors que les universités demeurent trop faibles. Le système de transfert de connaissances public-privé est peu efficace. Le système d’aides publiques continue d’être excessivement complexe. La fiscalité à destination des entreprises est encore trop peu incitative pour qu’elles investissent.

Pour autant, ce système présente certaines particularités à l’image du PIA précédemment évoqué mis en place en 2009. Il s’agit d’un programme visant à préparer la France aux enjeux de demain et d’augmenter son potentiel de croissance en investissant à hauteur de 35 Md€ dans l’enseignement supérieur et la formation, la recherche, les filières industrielles et les PME, le développement durable et le numérique. Au regard de l’effet levier attendu – notamment les cofinancements privés – le programme d’investissement espéré dépasse les 60 Md€. Cette structure est particulièrement intéressante puisqu’elle préfigurait la forme des deux derniers PCRD s’agissant des groupes thématiques.

De façon plus générale, l’absence d’une évaluation robuste et consolidée de l’ensemble des projets, dispositifs et processus de suivi et de gestion, ne permet pas de renforcer l’action publique et d’optimiser les investissements ([9]).

Des acteurs déplorent l’insuffisance d’une vision globale de l’efficience des financements alloués par le SGPI, de l’utilité de ces centaines voire milliers ou millions de documents engendrés par ces projets dont les orientations et les évaluations échappent à une vision consolidée

Les problématiques économiques de la France ne peuvent être écartées et expliquent aussi en partie les faiblesses de l’innovation. Si la France est le deuxième PIB de l’Union, la croissance de son PIB par habitant a cru moins vite que dans la plupart des pays de l’OCDE. Ce déficit de croissance s’est accru à compter du mitan des années 2000. Si la France a moins été touchée par la « grande récession » de 2008-2009, sa reprise a été beaucoup plus poussive.

Sa compétitivité s’est dégradée comme l’illustrent le recul de ses exportations et la hausse de ses importations aboutissant à dégrader sa balance des paiements et son déficit commercial.

La situation financière de ses entreprises s’est dégradée comme l’illustre le nombre record de faillites observé en 2024.

Enfin, l’innovation requière un investissement important dans la formation professionnelle qui bien qu’important en France demeure trop inefficace avec une inégalité d’accès selon les catégories d’âge et professionnelles très marquée.

S’agissant de la recherche publique, nous observions précédemment la place prépondérante des grands organismes publics de recherche cumulant les rôles d’un système recherche (programmation, financement exécution, évaluation).

Certaines évolutions sont intervenues à l’image de la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU) de 2007, la création de l’Agence nationale de la recherche (ANR) en 2005 et de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) ([10]) en 2007 ou encore les PIA en 2009.

Néanmoins, la performance scientifique de la recherche française demeure moyenne en termes de publication. La contribution de la France aux publications mondiales s’établit autour de 2,3 % et la part des copublications atteint 63 % (semblable au Royaume-Uni et à l’Allemagne). L’indice d’impact normalisé des publications françaises se situe à la moyenne mondiale mais 10 % en dessous de celui de l’Allemagne et l’indice d’impact de copublications est 30 % en dessous de son indice moyen.

La position française en recul tient aussi à la montée en puissance d’autres pays tels que la Chine et l’Inde. Sa part mondiale dans les publications est passée de 4,8 % en 2002 à 3,6 % en 2012 pour se dégrader encore (2,3 % en 2024).

La concentration institutionnelle française aboutit ainsi à 189 000 publications par le CNRS seul entre 2007 et 2011. Pour autant, la part des bourses du Conseil européen de la recherche (CER) correspondant à des propositions libres émanant de chercheurs français reconnus comme excellents n’atteint que 12 à 13 % parmi les lauréats entre 2007 et 2012.

Le financement demeure insuffisant comparé à l’échelle internationale : d’où l’utilité de la création de l’ANR dont le processus d’allocation concurrentielle des ressources est reconnu comme utile pour l’innovation.

Ainsi, le système français public de la recherche française apparaît comme composite. Il demeure un modèle administré traditionnel fondé sur des grandes structures autonomes avec un contrôle fort sur leurs activités. Ce modèle classique cohabite avec un nouveau modèle fondé sur une programmation maîtrisée par l’État (LRU), une part de financements concurrentiels par projets et une évaluation indépendante.

Les OPR ont fait évoluer leur fonctionnement en donnant une place au transfert de connaissance, en encourageant l’excellence scientifique et en favorisant une coordination accrue avec les universités via des « alliances ».

La cohabitation entre ces deux modèles est source de tensions et nuit à son efficacité globale. Il convient donc que l’État poursuive son investissement financier (rôle de la LPR) tout en jouant un rôle moteur en termes d’évolution de gouvernance. Seule une restructuration achevée permettra une innovation renforcée et aussi une participation française accrue au PCRD compte tenu de son potentiel.

En définitive, il convient de mentionner l’action de la Banque publique d’investissement (BPI). Créée en 2012, elle est le résultat de la fusion de plusieurs organismes qui opéraient indépendamment les uns des autres. La Caisse des dépôts et des consignations (CDC) la préside et lui apporte ainsi son expertise ainsi qu’une gestion de ses ressources provenant des marchés financiers et d’investisseurs privés.

Cette structure joue un rôle d’intermédiaires financiers entre l’État et les régions – pour la partie publique – et l’État et les entreprises de taille moyenne et intermédiaire (PME et ETI), pour la partie privée.

Le rôle de la BPI est de soutenir les PME et ETI innovantes en appui des actions des politiques publiques menées par l’État et les régions. Si elle ne traite pas de la recherche académique que nous évoquions précédemment, elle occupe une place de choix dans le domaine de l’innovation.

Elle met à disposition des entreprises des dispositifs de financement et d’accompagnement pour mener à bien leurs projets. Elle permet également aux start-up d’accéder à des programmes d’aides décloisonnant ainsi l’innovation.


À travers son action, la BPI est donc un rouage important en matière de recherche et d’innovation en apportant une aide et un accès aux financements qui constitue une part essentielle de la chaîne logistique de la recherche. Les résultats financiers rendus publics montrent un résultat net dépassant le milliard d’euros. À l’échelle des masses budgétaires mobilisées par l’État, un tel montant est modeste. Cependant, c’est un atout indispensable dans l’accompagnement d’entreprises pour un secteur de l’innovation particulièrement compétitif.

 


   DeuxiÈme partie : la proposition de résolution européenne présente des préconisations pour améliorer et renforcer le financement de la recherche au niveau européen ainsi qu’au niveau français

A.   le modèle de financement européen de la recherche est confronté à plusieurs défis

1.   Les propositions des rapports Draghi et Letta dessinent les contours d’une politique européenne de la recherche et de l’innovation résolument ambitieuse

Les questionnements sur la politique européenne de la recherche s’inscrivent dans un temps particulier avec la présentation successive de deux rapports déjà considérés comme faisant date.

Il s’agit du rapport d’Enrico Letta, ancien président du gouvernement italien, dont le contenu a été révélé à l’occasion du Conseil européen extraordinaire des 17 et 18 avril 2024. Le deuxième rapport a été remis à la Commission européenne par Mario Draghi, ancien président du gouvernement italien et ancien président de la Banque centrale européenne, le 9 septembre 2024.

Si les constats différents sur certains points, les deux personnalités présentent un bilan assez comparable en matière de recherche et d’innovation et se rejoignent sur les préconisations.

MM. Letta et Draghi soulignent ainsi que la compétitivité européenne fait face à un déclin certain que certaines données économiques illustrent. Alors qu’en 1993 l’Union et les États-Unis présentaient un PIB comparable, l’écart s’est considérablement creusé depuis. En 2022 le PIB par tête américain a crû de presque 60 % contre moins de 30 % au sein de l’Union européenne.

M. Draghi insiste sur le déficit d’innovation caractérisant l’Union européenne avec une productivité du travail de 80 % par rapport à celle des États-Unis alors même que ce pourcentage atteignait 95 % en 1995 rejoignant le diagnostic de M. Letta.

M. Draghi met en avant le retard concernant la technologie de l’intelligence artificielle (IA) dont 70 % des modèles se trouvent aux États-Unis. L’investissement européen s’est concentré sur des technologies matures au risque de ne pas anticiper les défis et les opportunités de demain. L’écart d’investissement dans le domaine de l’innovation atteint ainsi 270 milliards d’euros entre les deux puissances.

Cette situation revêt un danger pour le futur économique de l’Union d’autant plus grand que sa population est vieillissante et que les objectifs à atteindre en matière technologique nécessitent une augmentation de la productivité actuelle.

M. Draghi formule des pistes d’explications pour expliquer le retard européen. Il mentionne ainsi une « structure industrielle statique » rendant l’Europe prisonnière d’une surspécialisation dans les technologies moyennes (middle technology trap).

M. Moullet, directeur général de la recherche et de l’innovation au ministère chargée de la recherche, a confirmé ce constat au cours de son audition et souligné que la recherche européenne s’était trop focalisée sur des domaines technologiques qu’elles maitrisaient sans investir suffisamment sur les technologies de demain.

Aucune société européenne à la capitalisation boursière supérieure à 100Md€ n’a été créée au cours des dernières décennies. Aux États-Unis, six sociétés avec une telle capitalisation ont été créées dans le même temps.

Plus inquiétant encore, la Chine fait figure de concurrent particulièrement redoutable entrant en concurrence dans 40 % des secteurs (2023) alors que ce chiffre était vingt ans plus tôt de 25 %.

Il existe également un ensemble de freins réglementaires rendant le marché intérieur trop fragmenté pour accélérer l’adoption de technologies de pointe (processus de dépôts des brevets très contraignant, application différenciée du principe de précaution, lois nationales hétérogènes).

Le rapport de M. Draghi souligne que le financement de l’innovation au sein des vingt-sept États membres est trop fragmenté. Cette situation agit négativement sur les écosystèmes européens d’innovation. Quand l’Union dépense 256 M€ pour le Conseil européen de l’innovation, la DARPA américaine monte à 4Md de dollars.

S’agissant de la DARPA, elle bénéficie d’un lien entre son action et l’utilisateur futur qui s’avère être le ministère de la défense américain. C’est une des raisons qui a assuré son succès. C’est aussi par ce biais que Space X, l’entreprise d’Elon Musk, a pu se financer et donner corps à son projet de lanceur réutilisable quand l’Europe jugeait le projet irréaliste.

Le financement de l’innovation en Europe repose encore très largement sur des emprunts bancaires auprès d’institutions réticentes au risque. À l’inverse, les entreprises américaines recourent aux marchés financiers. De plus, les marchés de capitaux européens sont beaucoup moins développés que leurs équivalents américains, de même que le capital-risque. Le volume de ce dernier est ainsi six fois inférieur à celui des États-Unis. Sur les 147 licornes créées dans l’Union (2008-2021), 40 d’entre elles ont déménagé leur siège hors du territoire européen.

Dans la contribution écrite qu’elle a remise à votre rapporteure, la Direction générale de la recherche de la Commission européenne rappelle que 60 % des scale-up (starts-up à un stade de croissance plus élevé) sont acquises par des acheteurs non européens –principalement américains – en raison du manque de financements en phase avancée et de repreneurs stratégiques sur le continent. Cette forte dépendance au capital-risque étranger et l’insuffisance des marchés de capitaux entraînent des délocalisations et des cotations à l’étranger.

Les clusters d’innovation restent absents de l’Union alors même les États‑Unis et la Chine en ont chacun plusieurs. Cette situation rend l’exploitation des brevets plus difficile et un phénomène de pénuries de compétences s’observe du fait de fuite des cerveaux.

M. Draghi a souligné que l’investissement privé demeurait faible en Europe alors même que le continent dispose d’une épargne très abondante (1 390 Md€ contre 840 Md€ aux États-Unis). Il y a ici un gisement à exploiter pour aider le financement de l’innovation.

La fragmentation des marchés de capitaux est aussi un frein et pourrait être dépassée si une harmonisation de la réglementation était réalisée. Le projet européen d’union des marchés de capitaux a été lancé par la Commission européenne en 2015, presque à la veille du retrait britannique de l’Union. Au regard de la force de frappe financière des marchés financiers britannique cela a constitué une perte.

Les fonds de pension sont également sous-développés. Du côté de la puissance publique, les investissements restent limités étant donné le budget européen et en dépit d’un discours volontariste depuis la stratégie de Lisbonne.

En ciblant plus efficacement l’allocation de ressources, l’Union pourrait se donner les moyens de financer ses priorités. Surtout, elle viendrait combler le manque de financement qui touche les entreprises innovantes.

En outre, M. Draghi souligne la nécessité d’intensifier la valorisation des résultats de la recherche. Seul un tiers des inventions brevetées enregistrées par les universités ou les instituts de recherche européens est exploité commercialement.

Il convient toutefois d’observer que le nombre de demandes de droits de propriété intellectuelle pour le programme Horizon Europe dépasse d’ores et déjà – à mi-parcours – celui du programme précédent (Horizon 2020) au même stade de mise en œuvre.

M. Letta rejoint le constat en matière de fragmentation fiscale et de produits d’épargne insuffisamment développés vers l’innovation. Il propose la création d’une bourse européenne pour les start-up de la deep tech et la mise en place d’un euro numérique.

La réussite de l’innovation en Europe nécessite de réaliser plusieurs choix en matière de recherche rappelle M. Draghi. Ainsi, il propose la mise en place d’une Union de la recherche et de l’innovation pour coordonner les dépenses nationales et européennes.

De même, il appelle à opérer un effort financier significatif en donnant au successeur du programme Horizon Europe des moyens à hauteur de 200 Md€ contre 100 Md€ actuellement.

Le Conseil européen de l’innovation devrait être réformé pour évoluer vers une instance aussi agile que la DARPA américaine, moins réticente aux risques, moins bureaucratique et couvrant l’ensemble des innovations. Le Fonds du CEI, a investi plus de 1 milliards d’euros dans les jeunes entreprises (start up) et les PME sélectionnées dans le cadre du processus d’évaluation de l’Accélérateur du CEI. Le Fonds constitue le bras d’investissement de l’accélérateur du CEI et représente une importante source de financement pour les entreprises.

Avec son expertise et son capital patient, il catalyse des tours d’investissements intégrant des fonds spécialisés et généralistes et a, à ce jour, mobilisé plus de 2,6 milliards d’euros d’investissements privés supplémentaires depuis le lancement du Fonds du CEI en 2020.

Cela correspond à plus de 3 € d’investissements en fonds propres supplémentaires mobilisés pour chaque euro d’investissement par le Fonds du CEI. À ce jour, les co-investisseurs comprennent près de 500 investisseurs de capital-risque, plus de 30 fonds publics et souverains et 120 investisseurs d’entreprises/stratégiques, ainsi que plusieurs des réseaux d'investisseurs individuels et de fondateurs, entre autres.

Selon le résultat, plus de 80 % des opérations catalysées par le CEI, impliquant au moins un investisseur étranger, et une majorité d’entre elles (environ 70 %) impliquant des flux d’investissement transfrontaliers au sein de l’Europe/des pays associés au programme. Cela représente près du double (43,4 %) de la moyenne européenne pour ces flux de capitaux.

De plus, le réseau des investisseurs de confiance (« Trusted Investors Network -TIN- ») crée le noyau d’un écosystème d’investisseurs CEI et un point de référence pour les investissements deep tech en Europe. Le réseau rassemble désormais 111 investisseurs de toute l’Europe, y compris des fonds de capital-risque, des banques publiques d’investissement, des fondations et des bras de capital-risque d’entreprises. Tous les membres ont signé la charte des investisseurs de confiance, s’engageant à soutenir les start-up et entreprises en expansion de haute technologie les plus prometteuses en Europe.

Ces investisseurs réunis représentent plus de 300 Md€ d’euros d’actifs en gestion (AUM), créant ainsi le réseau des investisseurs de confiance en tant qu’initiative centrale visant à mobiliser des capitaux privés à grande échelle pour soutenir les ambitions de l’Europe en matière d’innovation.

Compte tenu de l’importante épargne privée disponible sur le continent et des besoins massifs de financement nécessaires pour permettre à l’Union d’atteindre ses objectifs, les investissements productifs du secteur privé doivent augmenter de manière significative.

Pour relever ce défi et, plus précisément, mobiliser le capital-risque du secteur privé – indispensable pour soutenir les efforts de recherche de l’Europe ainsi que les projets et entreprises innovants –, il est essentiel que :

-           le secteur public joue un rôle de catalyseur, en libérant les investissements privés grâce aux instruments de financement public de l’Union. Une intervention publique est nécessaire pour réduire les risques associés aux investissements privés dans la recherche et l’innovation, en particulier dans les domaines d’intérêt stratégique pour l’Union, ainsi que pour les projets et entreprises innovants qui n’ont pas accès aux sources de financement traditionnelles (comme les prêts bancaires). Le programme InvestEU constitue un bon exemple de cette approche, en permettant de mobiliser des investissements privés grâce à une garantie financière du budget de l’Union.

-           l’Union des marchés des capitaux soit complétée, afin de permettre aux acteurs des marchés financiers privés d’investir dans toute l’UE sans entrave. La récente communication de la Commission européenne sur une Union de l’épargne et de l’investissement s’inscrit dans cette logique, en proposant diverses actions visant à renforcer la capacité du système financier européen à relier l’épargne à l’investissement productif.

Le CEI doit par ailleurs prendre de l’élan financier face à une DARPA américaine dont la force de frappe financière est vingt fois plus grande que celle de l’EIC, comme le rappelait M. Adoui lors de son audition.

Le budget de la recherche fondamentale doit également être augmenté dans le cadre du Conseil européen de la recherche ainsi que le nombre de bénéficiaires de ses programmes. L’Union possède une excellence académique certaine qu’elle exploite insuffisamment alors même qu’elle lui donne des atouts pour attirer des chercheurs étrangers brillants.

Le financement de l’innovation a fait l’objet d’un chiffrage précis par M. Draghi aboutissant à investir chaque année 750 à 800 Md€ de plus pour rattraper le retard. Cette proposition est d’une ambition telle qu’elle devra faire l’objet d’un consensus largement partagé pour pouvoir se matérialiser.

Enfin, M. Letta formule une proposition originale : la création d’une cinquième liberté qui se verrait consacrée dans les traités européens. Cette liberté de la recherche, de l’innovation et de l’éducation marquerait la priorité européenne en faveur de la recherche et de l’innovation.

2.   L’évaluation à mi-parcours du programme Horizon Europe souligne la nécessité d’accélérer les efforts en faveur de la recherche et de l’innovation

Missionné par la Commission européenne, un groupe d’experts de haut niveau a présenté une évaluation à mi-parcours du programme Horizon Europe le 16 octobre 2024. Le rapport intitulé « Align Act Accelerate – Research, Techonology and Innovation to boost European Competitiveness » (Aligner, Agior, Accélerer – Recherche, technologie et innovation pour stimuler la compétitivité européenne).

La présentation de ce rapport s’inscrit dans une temporalité spécifique puisqu’il s’agit d’influer le contenu de la négociation du prochain cadre financier pluriannuel ainsi que sur l’agenda de la nouvelle Commission européenne dont le mandat court de 2024 à 2029.

Les observations rejoignent nombre de constats déjà réalisés tout en proposant de nouvelles pistes destinées à renforcer la politique européenne en matière de recherche et d’innovation.

Le rapport appelle de ses vœux une approche dynamique en matière de recherche et fait sienne les propositions de Draghi et Letta (cinquième liberté, union de la recherche et de l’innovation). Cette priorité nécessite d’augmenter les moyens financiers, de favoriser la coordination, de renforcer les institutions académiques et les universités et enfin la mise en place d’une gouvernance cohérente en matière de recherche à l’échelle de la Commission.

Le renforcement du programme-cadre renouvelé s’appuie sur un ensemble de données indiquant le décrochage européen (nombre de citations de publications scientifiques, nombre de brevets déposés, entreprises positionnées sur les technologies de pointe).

Le rapport propose une budgétisation du programme-cadre à hauteur de 220 Md€ se rapprochant ainsi de la proposition formulée par M. Draghi. Il appelle également à financer toutes les candidatures jugées excellentes en utilisant les fonds structurels par exemple. En effet, Horizon 2020 aurait dû être doublé pour pouvoir donner une concrétisation à toutes les candidatures excellentes. Le rapport souligne que 71 % des projets de haute qualité ne sont pas financés (Horizon Europe).

S’agissant des structures européennes en charge de l’innovation (ERC, CEI, programme MSCA), il constate leur utilité et leur efficacité. Il constate que le fonds du CEI gagnerait à attirer les capitaux privés. Il dessine également les contours d’une DARPA européenne sous la forme d’un Conseil de la compétitivité industrielle et de la technologie.

Pour relever les défis sociétaux, le rapport recommande de créer un Conseil des défis pour maintenir une approche transversale multidisciplinaire à l’échelle européenne et profiter de l’apport de la recherche académique européenne.

La création d’un écosystème favorable à la recherche et le développement devront permettre d’enrayer la fuite des cerveaux vers les États-Unis qui a été constatée. Outre les moyens financiers, cet écosystème ne pourra voir le jour sans une mise en œuvre claire de programmes de cofinancement et de promotion des infrastructures de recherche et technologiques. Une harmonisation des systèmes éducatifs des États membres sera également indispensable pour une meilleure coordination.

Le rapport ne fait pas l’impasse sur les difficultés constatées et notamment les lourdeurs administratives. Le temps de préparation des candidatures pour le CEI est encore très élevé (36-45 jours) et sa complexité nécessite l’intervention d’une aide extérieure dans près de 70 % des candidatures. De même, la durée du processus de sélection (clôture de l’appel et signature de la convention) est de 278 jours pour Horizon Europe soit 78 jours de plus que sous Horizon 2020.

La proposition de nouvelles ressources propres est formulée afin de financer l’innovation. Le fonds pour la reprise et la résilience (FRR) – après la pandémie – devrait être utilisé. La taxe sur les déchets plastiques non recyclés, le système d’émissions de quota carbone et une taxation sur le résultat brut d’exploitation des sociétés sont de nouvelles pistes de financement à envisager.

Ces différentes ressources représenteraient 23 Md€ à partir de 2024 par an et même 36.5 Md€ à partir de 2028. Le rapport formule l’idée d’un système d’échange de connaissances – sur le modèle du système des quotas carbone dit SEQE – basé sur des enchères pour les grandes et moyennes entreprises dans le but d’accroître leurs dépenses en recherche et développement.

3.   Un grand fonds pour la compétitivité : la Commission européenne formule une nouvelle piste

À l’automne 2024, la Commission européenne a publié une communication ([11]) pour dresser un bilan de la mise en œuvre de l’espace européen de la recherche.

La communication réaffirme les ambitions européennes (3 % du PIB) et rappelle le retard européen alors même que l’espace européen dispose de compétences et d’un réseau académique dense.

Rappelant les entraves que les rapports Draghi et Letta ont soulignées, la communication souligne la nécessité d’approfondir l’EER en se saisissant des opportunités que le numérique offre (proposition d’un nuage européen).

Cependant une autre communication confidentielle, et rendue publique par certains médias, offre un aperçu de la piste envisagée par la Commission. La proposition s’inscrit dans le cadre de la préparation du prochain cadre budgétaire pluriannuel 2028-2034.

L’innovation, la recherche et les dépenses stratégiques seraient réunies dans un grand fonds pour la compétitivité. Ce grand fonds consolidé serait régi par un ensemble de règles uniques mettant ainsi à bas les rigidités jusqu’alors constatées.

L’ensemble de la communication est tourné vers la question budgétaire tout en abordant de front le financement de la recherche et de l’innovation.

Il est rappelé que les nouvelles priorités politiques ont fait l’objet de dépenses importantes. De même, la survenue d’une crise inédite avec la pandémie de Covid_19 a donné lieu à une réponse rapide, efficace et majeure sous la forme d’un emprunt commun concrétisé dans le plan NextGenerationEU.

Néanmoins, la communication souligne que de nouveaux besoins et de nouvelles urgences ont rendu nécessaires une révision à mi-parcours en 2024 (par exemple, les technologies critiques). La volatilité des taux d’intérêt et la hausse des coûts de financement ont donné lieu à des solutions ad hoc et des facilités accrues. Des redéploiements de crédits ont été opérés et de nouveaux instruments créés.

Mais le remboursement des emprunts contractés avec NextGenerationEU débutera en 2028 et la situation géopolitique actuelle (conjoncture économique altérée par le comportement erratique de l’administration américaine) nécessite de réformer le budget européen.

Il s’agit d’une « quadrature du cercle » à résoudre car si les ambitions européennes ne baissent pas, les contributions financières nationales restent stables et l’introduction de nouvelles ressources propres dans un contexte budgétaire contraint paraît complexe.

Votre rapporteure souhaite d’ailleurs rappeler la nécessité de poursuivre le financement de la recherche fondamentale qui est souvent mal appréhendée dans l’imaginaire. Elle n’a pas de déclinaisons précises sur l’objectif final a rappelé M. Moullet.

Elle est pourtant déterminante car sans investissement sur le vaccin à ARN messager – exemple présenté par M. Moullet lors de son audition – le monde n’aurait pu faire face à la pandémie de Covid et utiliser une nouvelle méthode révolutionnaire. Son constat rejoint pleinement celui de votre rapporteure.

Compte tenu des faiblesses européennes en matière de compétitivité – rappelées par la communication - les défis sont immenses pour dépasser les barrières à l’investissement, les obstacles réglementaires et un environnement des affaires morne.

Pour rendre le budget plus agile, l’Union ne peut recourir en permanence à la réaffectation des crédits des fonds existants au terme de longues procédures et au risque du dispersement des financements européens.

Structurer le budget européen par dépenses plutôt que par politiques n’est pas une méthode efficace et aboutit à des chevauchements de programmes. Dès lors, la coordination globale des politiques et le budget de l’Union peuvent être renforcés via un nouveau mécanisme de pilotage.

La complexité actuelle avec un budget comptant 50 programmes de dépenses auquel s’ajoute une multiplicité de règles, de critères et de points d’entrée peut être dépassée par une rationalisation et le soutien de projets jugés stratégiques.

La Commission fait également le choix de rouvrir le dossier de nouvelles ressources propres en invitant le Conseil à étudier de nouveau la question.

Si la communication reste silencieuse sur le détail du fonctionnement du Fonds européen pour la compétitivité, elle pose les débats d’un débat renouvelé et annonce son ambition de présenter le prochain cadre financier en juillet 2025 permettant son entrée en vigueur en janvier 2028.

M. Adoui (France Universités) souligne « le besoin de prévisibilité et de stabilité pour le financement de la recherche et de l’innovation ». Il a également insisté sur le continuum entre recherche et innovation qui permettra de fonder la recherche de demain et d’après-demain. La capacité à financer recherche fondamentale et recherche appliquée est le gage de la réussite du financement de la recherche.

Il indique également que la piste poursuivie par la Commission pour le Fonds de la compétitivité pourrait ressembler au Strategic Technologies in Europe Platform (STEP), la plateforme européenne pour les technologies stratégiques en français.

La Plateforme des Technologies Stratégiques a été proposée par Ursula von der Leyen en juin 2023 et établie par un règlement spécifique en février 2024 par l’UE pour soutenir l’industrie européenne et encourager les investissements dans les technologies clés. STEP vise à promouvoir la recherche, le développement et la mise en œuvre de technologies essentielles à la compétitivité et à la souveraineté technologique de l’Europe. Il ne s’agit pas d’un nouveau programme de financement, mais d’une initiative qui coordonne, renforce et oriente jusqu’à 11 différentes sources de financement au niveau européen.

L’objectif général de STEP est de soutenir le développement et la fabrication de technologies critiques en Europe, en protégeant et renforçant leurs chaînes de valeur respectives, tout en répondant à la pénurie de main-d’œuvre et de compétences. Pour cela, trois objectifs spécifiques sont fixés :

-          Améliorer la flexibilité des programmes de financement actuels ;

-          Renforcer les capacités des instruments existants ;

-          Favoriser les synergies entre les programmes et instruments précédents.

L’objectif de STEP est de faciliter le financement de projets innovants portés par des entreprises européennes de toutes tailles (des start-up aux grandes entreprises) actives dans trois domaines prioritaires :

-          les technologies numériques et deep tech ;

-          les technologies « propres » liées à la production d’énergies et d’hydrogène renouvelables, au stockage de l’énergie, au captage et stockage du carbone, etc. ;

-          les biotechnologies innovantes (des produits pharmaceutiques aux biotechnologies agricoles).

STEP n’est pas un nouveau programme de financement, mais une initiative qui coordonne, renforce et dirige jusqu’à 11 différentes sources de financement au niveau européen. Ces actions sont structurées en trois grands domaines.

Programmes gérés par la Commission européenne

-          Renforcement et réorientation des budgets existants vers des thématiques STEP, comme le Fonds européen de la défense (avec 1,5 milliard d’euros supplémentaires pour des actions de recherche et développement), le Innovation Fund (avec 5 Md€ supplémentaires) ou Horizon Europe (avec 500 M€ supplémentaires pour l’EIC, qui s’ajoutent à 2,13 Md€ provenant de fonds antérieurs non utilisés).

 

-          Orientation des priorités vers les technologies STEP comme dans le cas du programme Digital Europe ou du programme EU4Health.

Programmes gérés par les autorités nationales :

-          les fonds de la politique de cohésion (y compris le Fonds de Cohésion, le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds pour une Transition Juste), ainsi que les Plans de Relance et de Résilience.

-          les fonds liés à la politique de cohésion, un taux de cofinancement de 100 % est offert pour les priorités STEP pendant la période de programmation 2021-2027, avec une option unique de préfinancement de 30 %, ainsi qu’un soutien aux investissements productifs dans les grandes entreprises des régions les moins développées et en transition.

 

-          le Mécanisme de Relance et de Résilience, les États membres auront la possibilité d’allouer jusqu’à 10 % de leur dotation nationale à des instruments pertinents pour STEP dans le cadre d’Invest EU.

STEP renforcera la garantie de l’Union européenne avec 7,5 milliards d’euros supplémentaires via divers instruments financiers d’Invest EU, qui sont gérés par la Banque européenne d’investissement (BEI) et ses partenaires de mise en œuvre, tels que l’Institut de Crédit Officiel (ICO). Un complément financier de 3 milliards d’euros sera nécessaire, avec un taux de provision de 40 %. Cette garantie supplémentaire sera exclusivement destinée aux projets soutenant les priorités de STEP.

-          500 M€ pour le Conseil européen de l’innovation (EIC), le volet d’Horizon Europe qui soutient la croissance d’entreprises innovantes via des subventions et des fonds propres (l’enveloppe supplémentaire ne sera ici versée que via des fonds propres).

La Commission annonce également le lancement d’un « label de souveraineté » pour les projets candidats aux appels des programmes européens contribuant à STEP mais qui ne seraient pas retenus faute de financements suffisants. Les autorités nationales et régionales seraient alors encouragées à soutenir ces projets avec les fonds dont elles ont la gestion, comme le FEDER. Enfin, la Commission s’appuiera sur un « portail de la souveraineté » conçu comme un guichet unique pour les entreprises souhaitant bénéficier du soutien de la plateforme STEP et des financements liés.

La Commission européenne attribuera le label STEP aux projets ayant obtenu un score élevé lors du processus de sélection dans les programmes Innovation Fund, Horizon Europe, Digital Europe, EU4Health ou le Fonds Européen de Défense.

Si STEP est une préfiguration du futur fonds le programme-cadre serait fongible avec les autres instruments de financement ou bien autonome au sein du fonds.

Cette situation amènerait à faire un choix :

- soit soutenir la proposition d’un budget sanctuarisé, au sein du fonds de compétitivité ou non, en mettant en avant les risques que ferait courir la fongibilité des crédits avec ceux d’autres budgets et en soulignant que la communauté des chercheurs en recherche et innovation a effectivement besoin de cadres clairs qui ne se modifient pas au gré des urgences ;

- soit construire une position soutenant tout le spectre de la recherche fondamentale à l’innovation, mais reconnaissant que la recherche et l’innovation doivent être mieux alignées avec les priorités de l’Union européenne, notamment dans une période historique inédite, celle d’un programme-cadre qui pour la première fois en quarante ans d’existence doit exister dans un contexte de mobilisation de financements en faveur de la défense et pour prévenir un conflit armé à ses portes.

La première option prend les allures d’un statu quo quand la seconde se rapproche des propositions formulées par MM. Draghi et Letta dans leurs rapports respectifs.

Selon l’architecture retenue, l’objectif sera soit la sanctuarisation de la recherche et de l’innovation au sein d’un grand fonds (1ere option), soit la mise en cohérence stricte des priorités de l’Union avec les programmes de recherche (2ème option).

La question de la fongibilité des crédits se verrait posée dans la première option mais le risque le plus grand serait de voir les urgences décider de l’utilisation des crédits avec la deuxième option. Pour reprendre les termes de M. Adoui, dans un cas il s’agit de « recherche libre » et dans l’autre de « recherche dirigée ».

Votre rapporteure formule le souhait d’atteindre une voie médiane entre ces deux options afin de garantir un équilibre général et une cohérence de la politique de recherche et d’innovation européenne.

Il est indispensable de préserver une visibilité aux objectifs de la recherche : thématique, alignement avec les priorités de l’Union et programme blanc.

S’il faut attendre le mois de juillet pour connaître la position définitive de la Commission, la commissaire en charge de la politique de recherche Ekaterina Zaharieva a rappelé plusieurs fois son attachement à un programme-cadre solide.

Il conviendra également de prêter attention à la proposition législative sur l’espace européen de la recherche (« ERA Act ») dont l’objectif est d’aligner les priorités en matière de recherche et d’innovation, de réduire la fragmentation et de soutenir l’objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche et le développement.

Par ailleurs, la rapporteure souhaite appeler l’attention sur la nécessité de ne pas négliger la recherche qui s’intéresse aux domaines et effets sociaux des découvertes scientifiques et des technologies qu’elles permettent, que ce soit dans des domaines aussi divers que l’Intelligence artificielle, la santé et la médecine, ou encore l’éducation et / ou les inégalités pouvant en résulter.

Le présent rapport évoque la nécessité de faire prévaloir le principe de liberté académique ce qui suppose une approche aussi de ces enjeux par des sciences humaines et sociales.

B.   la FRANCE POURRAIT tirer un meilleur PARTI DES aides EUROPÉENNES CONSACRÉES À la recherche et dÉvelopper une place mondiale dans lA recherche

1.   Les préconisations des rapports des missions interministérielles formulent des pistes d’optimisation de la participation française

Les autorités françaises s’interrogent depuis plusieurs années sur les moyens de renforcer la participation française aux activités du programme-cadre afin d’en maximiser les effets et les retours positifs. Avec 10.6 % des financements captés, la France se classe deuxième derrière l’Allemagne.

Et sur la part des financements captés, le constat est « amer », a indiqué M. Moullet, car la France reste en deçà de son potentiel.

L’exercice d’analyse de la participation française a été conduit dans le cadre de la mission d’évaluation de février 2016 précédemment citée. Celle-ci contient nombre de préconisations qui gardent toute leur pertinence.

Le rapport de la Cour des comptes sur la mobilisation des fonds européens a poursuivi l’analyse : « Depuis Horizon 2020, le dispositif de pilotage national a été amélioré, sous l’égide de la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour le pilier 1 d’Horizon Europe avec le renforcement du réseau des points de contact nationaux (PCN), qui diffusent bien l’information auprès des chercheurs des organismes publics.

Pour autant, les administrations centrales n’ont pas tiré tous les enseignements de l’évaluation réalisée en février 2016 par une mission interministérielle d’évaluation de la participation française à ce programme. Elles doivent mieux piloter le dispositif de financement européen de la recherche, notamment en renforçant la coordination interministérielle au niveau du secrétariat général des affaires européennes (SGAE) pour mieux intégrer les domaines de recherche qui ne relèvent pas de la tutelle de la DGRI et veiller à une meilleure cohérence entre la politique nationale de recherche et la politique européenne. Il est nécessaire à cet égard de mettre en place un nouveau plan d’action national d’amélioration de la participation française aux dispositifs européens de financement de la recherche (PAPFE), en tenant compte des résultats du plan précédent de 2018, dont la mise en œuvre a été tardive et le suivi lacunaire. » ([12])

Cette évaluation rejoint celle que le rapport interministériel de 2016 soulignait déjà alors. Ainsi, le niveau de participation française était déjà jugé en deçà du potentiel français. Même si la structure du programme de recherche était alors différente – il s’agissait d’Horizon 2020 – les grands équilibres du programme étaient déjà posés avec son système de piliers multidisciplinaires et transversaux.

Le rapport insistait, par ailleurs, sur le « nombre insuffisant de candidatures, alors même que le taux de succès des projets déposés est le meilleur d’Europe » ([13]). Il était souligné que les financements européens opéraient dans le « paysage national riche, peu lisible et insuffisamment articulé avec les aides européennes ([14])».

Cette situation « n’incite pas à la prise de risque engendrée par la sélectivité élevée du programme-cadre européen. […] l’accompagnement proposé aux porteurs de projets, confrontés à des procédures européennes complexes, nécessitant un investissement important et l’insertion dans des réseaux de recherche internationaux, est morcelé et ne répond qu’imparfaitement aux attentes de ceux-ci, particulièrement des PME([15])»

Une mobilisation à la hauteur du potentiel français permettrait des gains significatifs. Le rapport avançait des gains potentiels de 100 M€ - performance moyenne – à 600 M€ - dans le cas où la participation atteint le potentiel estimé de la recherche française.

La pertinence du rapport de 2016 par rapport à celui de 2025 – outre qu’il permet de réaliser un exercice comparatif à dix années d’intervalle – est qu’il reposait notamment sur l’interrogation des acteurs publics et privés. Or, les deux types d’acteurs indiquaient respectivement des difficultés à financer les projets de recherche à hauteur de 75 % et 60 %.

Dès lors, il apparaissait que la France disposait de plusieurs leviers pour améliorer significativement sa participation. L’augmentation du nombre de candidatures nécessitait une information sur les dispositifs susceptibles de financer les recherches ainsi que des mesures spécifiques pour les acteurs publics (mesures relevant des ressources humaines, visibilité des institutions et des lauréats).

De plus, les institutions de recherche publiques et les organismes soutenus par l’État devaient se voir fixer des objectifs à atteindre dans l’exercice de la tutelle et dans la contractualisation.

La fragmentation du soutien public à la recherche n’était pas de nature à inciter les porteurs de projets à candidater, de même que les incohérences existant avec l’intervention européenne. Il apparaissait dès lors nécessaire de clarifier le dispositif national pour le faire coïncider avec le programme-cadre. L’encouragement à la prise de risque était une des pistes avancées par le rapport.

Le maintien d’un haut niveau de qualité des candidatures ne pouvait s’opérer qu’à travers un accompagnement de proximité plus proactif et plus efficace.

Une cartographie des activités pour les laboratoires publics paraissait une piste prometteuse. Un dispositif similaire pour les entreprises innovantes serait adapté aux acteurs privés.

La mutualisation des moyens d’appui entre les acteurs publics était inévitable de même qu’une action sur appel à projets pour soutenir les efforts de structuration. Dans le cadre privé, l’aide à la recherche de partenaires était une option à envisager de même qu’une offre de prestation de conseil.

L’évolution du réseau des points de contacts nationaux, établi à la demande la Commission européenne, devait permettre d’anticiper les appels à projets. La coordination de l’État dans ses différents départements ministériels était également indispensable.

Enfin, le niveau régional constituait un niveau d’action pertinent et adéquat devait devenir moteur dans la mobilisation rendant inévitable une socialisation des acteurs régionaux à la question.

Ces différentes préconisations ont connu des réalisations inégales que le contenu du rapport de 2025 permet d’illustrer. Le rapport présente ainsi un panorama complet de la performance française par pilier. Si les OPR conservent une force de frappe importante, leur participation demeure en deçà de leur capacité.

Dans les domaines où la recherche publique n’a pas l’habitude de travailler avec le secteur privé les performances restent insuffisantes. « Cela s’explique par le manque de liens entre les deux mondes et l’insuffisance des structures d’appui au montage et à la gestion de telles candidatures » ([16]).

Pour construire des passerelles entre les deux secteurs, le rôle de Bpifrance et des pôles de compétitivité est essentiel. Le dispositif de pilotage doit avoir une déclinaison territoriale bien identifiée en reposant sur les agences régionales d’innovation, les pôles universitaires d’innovation et les pôles de compétitivité européenne.

Les pôles de compétitivité ont été créés en 2004 par l’État pour donner un label aux liens créés entre les acteurs de l’innovation dans les territoires (entreprises de toutes tailles, centres de recherche et de formation). Ils permettent de faire émerger des projets technologiques innovants. Ces outils ont été reconnus pour leur efficacité comme l’a souligné M. Adoui. Les collectivités s’en sont emparés.

Les dispositifs de financement demeurent, en comparaison de 2016, toujours aussi abondants n’incitant pas les chercheurs à candidater au niveau européen. La Cour des comptes met en avant l’apport permis par la loi de programmation ainsi que par le programme France 2030. Pour inverser la logique et encourager à recourir d’abord aux financements européens, il apparaît indispensable de créer une obligation de principe à candidater aux financements européens avant de solliciter l’échelle nationale.

La Cour rappelle que quand la France maintient un montant presque identique au financement de la recherche entre 2014 et 2021 (respectivement 65Md$ et 65.97Md$), la Chine le multiplie par deux et les États-Unis par 1.7. À l’échelle européenne l’augmentation générale est de 1.2 – tout comme pour l’Allemagne. La France figure ainsi au huitième rang de l’Union et en dessous de la moyenne.

La réorganisation du dispositif français de pilotage demeure un impératif aussi bien valable pour 2016 que pour 2025. La complexité du grand nombre d’acteurs aux cultures différentes rend le dispositif complexe et illisible.

Les grandes entreprises familières de l’État savent se repérer au sein de ce paysage, de même que les grands acteurs publics à l’image des CNRS, Inserm et CEA. Cette situation est sans doute différente pour bien d’autres acteurs.

Le ministère de l’enseignement et de la recherche doit composer avec une palette d’acteurs pour déployer sa politique et certains d’entre eux ont une culture d’autonomie qui les rend peu réceptifs à la collaboration.

Le pilotage interministériel doit être plus proactif pour atteindre une ambition, rappelée dans le rapport de la Cour des comptes, qu’appelait déjà de ses vœux le rapport de la mission de 2016. Il s’agit de mobiliser 17.5 % des financements d’Horizon Europe c’est-à-dire la part du budget européen à laquelle la France contribue. Ce gain financier représenterait 626 M€ supplémentaires ([17]).

Les différentes mesurées proposées par le PAPFE de 2018 dressent des perspectives d’amélioration sur lesquelles la Cour des comptes a porté une appréciation ([18]) :

La Cour des comptes appelle le SGAE à renforcer son rôle de coordination pour qu’il mobilise les ministères dans la mise en place de plans d’action pour améliorer la mobilisation des fonds européens.

La donne budgétaire particulièrement contrainte pour la France a poussé le Premier ministre à publier une circulaire ([19]) fixant un cadre au gouvernement pour améliorer la mobilisation des financements de l’UE et réduire les doublons avec les dépenses de l’État.

Avant toute création ou renouvellement de dépense, les ministères doivent rechercher systématiquement la possibilité d’un financement européen, y compris auprès des collectivités locales. Par ailleurs, il leur faudra établir une stratégie d’articulation des différents financements pour éviter les doublons. Des objectifs précis de mobilisation des fonds européens devront également être fixés pour les opérateurs. Le SGAE se voit confier un rôle d’appui auprès des ministères.

Par ailleurs, la Cour des comptes rappelle que le rapport de la mission de 2016 formulait des propositions en matière de coordination des actions d’accompagnement des chercheurs sur le plan régional. Le rapport de la Cour promeut l’idée d’agences régionales d’innovation pour matérialiser le lien entre les niveaux régional, national et européen.

La Loi du 7 août 2015 dite Notre ([20]) a fait des régions des acteurs clés de la politique de recherche en France. Elles sont désormais des financeurs aussi importants que l’Union en matière de recherche. Ce sont elles qui organisent, en outre, la gestion de la majorité des fonds européens structurels d’investissement (FESI). Elles apparaissent ainsi comme des acteurs incontournables pour réaliser une synergie des fonds européens au service de la recherche.

Enfin, l’amélioration de l’influence française à Bruxelles constitue une des étapes clés de la réussite de la participation française. Cette dernière dépendra aussi de la capacité de simplification des projets. La difficulté relevée précédemment des processus et des procédures obéissant à des règles différentes nécessite un effort de rationalisation de la part de la Commission européenne.

Cette simplification est une demande des candidats mais aussi des États membres. Cette simplification administrative est le gage de la réussite d’une politique de recherche que ne soit pas absorbée par des tâches chronophages et financièrement coûteuses.

Dès lors qu’il est difficile de candidater avec des chances de succès importantes sans accompagnement, ce dernier constitue une charge supplémentaire. La Cour des comptes souligne que 5 % des fonds du programme Horizon Europe sont consommés par la gestion administrative (conception du programme, sélection des candidats et suivi de l’exécution des projets.

La direction de la Commission en charge de la recherche a elle-même eu recours à de la sous-traitance auprès de trois agences exécutives pour gérer les dossiers de candidatures.

Ce travail de simplification va nécessiter une attention des autorités françaises en lien avec leurs partenaires des autres États et la Commission pour aboutir à des processus de candidature aux financements nationaux se rapprochant de ceux du Conseil européen de la recherche (ERC).

En définitive, le rapport pays 2024 pour la France, publié dans le cadre du cycle annuel du Semestre européen, souligne que la France est un innovateur de premier rang, doté d’une base scientifique robuste. Cependant, l’intensité de recherche et de développement, qui se situe au niveau de la moyenne de l’Union européenne (2.2 % du PIB), reste encore loin de l’objectif de 3 % du PIB.

En particulier, l’effort privé de recherche et de développement est resté stagnant, autour de 1.4 % du PIB sur la dernière décennie, en contraste notable avec les niveaux d’investissements et les tendances observées dans d’autres pays européens à la pointe de l’innovation tels que l’Allemagne (2.1 %), la Belgique (2,5 %) ou la Suède (2.6 %).

La performance française en matière d’innovation, telle que mesurée par exemple par les brevets, semble en deçà de ce à quoi l’on pourrait s’attendre au regard du niveau élevé de soutien public à la recherche et le développement des entreprises en France, qui, rapporté au PIB, est le plus important de l’Union. Une Recommandation Pays a été adressée à la France par le Conseil de l’Union européenne en 2024, l’invitant à renforcer l’effort de recherche et de développement des entreprises, en améliorant l’efficacité des dispositifs de soutien public, notamment par un meilleur ciblage.

Au-delà de ce défi spécifique qui fait l’objet d’une Recommandation Pays, le Rapport Pays 2024 attire également l’attention sur la nécessité pour la France de préserver une trajectoire solide en termes de dépenses publiques de recherche et de développement (conformément à et en confortant l’impulsion introduite par la loi de programmation pluriannuelle de la recherche) et de renforcer l’attractivité des carrières dans la recherche.

2.   La France peut occuper une position de premier plan en attirant les scientifiques étrangers

La France a entamé ces dernières années un travail de fond visant à solidifier sa position en matière de recherche dont la loi de programmation est une illustration.

La pertinence de ce renforcement trouve une acuité toute particulière à la lumière du comportement de la nouvelle administration américaine sous l’égide du président Donal Trump. Revenu au pouvoir, le nouveau président a entamé un virage doctrinal particulièrement marqué contre les libertés académiques.

La nouvelle administration arrivée aux responsabilités le 20 janvier dernier a tout d’abord mis en place une structure inédite sous la forme d’un Department of Governement Efficiency (Département de l’efficacité gouvernementale), placé sous la houlette de l’entrepreneur proche du nouveau président Elon Musk.

Cette structure constituée d’acteurs privés entendait venir rétablir un équilibre financier au sein de l’État fédéral jugé dispendieux. Des milliers de fonctionnaires ont ainsi été licenciés et sur des bases juridiques assez fragiles.

Le nouveau gouvernement a également mené une campagne idéologique dans le but de remettre en cause la liberté de la science et du monde académique de façon plus générale.

Cette campagne trouve sa source dans le travail d’un think tank très conservateur, Heritage Foundation, qui n’a jamais caché son intention de convertir la classe politique à sa cause. Juste avant l’élection présidentielle de novembre 2024, il a publié un très long document de 900 pages intitulé Projet 2025. L’objectif est de remodeler l’Amérique sous un jour ultraconservateur et d’affirmer une hégémonie culturelle de droite.

Le document reprend des antiennes classiques du camp conservateur comme la lutte contre l’avortement, les attaques contre les universités ou la mise en cause de certains concepts scientifiques à l’instar du réchauffement climatique.

Originellement confidentiel, le projet a connu une célébrité avec sa publication annoncée à travers un livre préfacé par le nouveau vice-président James David Vance. Sa conception de la liberté, de la démocratie et du débat public inspirée par une vision libertarienne rejoint très clairement les propositions de la Heritage Foundation. L’Europe en a eu l’illustration à travers son discours à Munich en février dernier et ses immixtions répétées dans la vie politique allemande.

Cette vision très idéologiquement marquée a été adoptée par la nouvelle administration qui a banni soudainement des centaines de mots de ses publications officielles (LGBT, réchauffement climatique, par exemple). C’est d’ailleurs cette censure qui a poussé le ministère de la défense à retirer les images de l’avion Enola Gay - responsable des bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki – présentes sur son site internet. Le mot « gay » provient ici du nom d’une des mères des aviateurs sans aucun lien avec l’homosexualité.

Il convient ici de souligner que, si la démarche de la nouvelle administration américaine est caractérisée par une radicalité fulgurante, elle ne vient pas de nulle part. Outre les soubassements idéologiques mis en exergue (Projet 2025), les États-Unis connaissent une histoire tourmentée avec le milieu intellectuel.

Cette thèse est celle développée par Richard Hofstadter dans un article de la revue Harper’s en 1963 et publiée dans un livre en 1964. L’ouvrage rassemble un ensemble d’articles sur la vie intellectuelle américaine : Le style paranoïaque dans la vie politique américaine (The Paranoid Style in American Politics).

Historien et essayiste, Hofstadter a souhaité démontrer l’utilisation pernicieuse de l’anti-intellectualisme dans la vie politique américaine à compter des années 1950 dans le cadre du maccarthysme et du climat de méfiance d’alors dans l’article le plus connu du recueil : L’anti-intellectualisme dans la vie américaine (Anti-Intellectualism in American Life).

L’historien définissait l’anti-intellectualisme comme « un ressentiment et une méfiance envers les choses de l’esprit et ceux qui le représentent ». L’attitude de la première administration Trump se caractérisait déjà par une suspicion envers le monde intellectuel que la deuxième administration n’a fait que renforcer et même conforter.

La thèse de Hostadter prend une acuité particulière à la lumière de l’attitude d’une administration désormais résolument anti-science. Il suffit de mentionner la nomination comme ministre de la santé de Richard Fitzgerald Kennedy dont l’hostilité aux vaccins accroit l’ampleur de l’épidémie de rougeole en cours aux États-Unis et qui n’hésitait pas à formuler des thèses racistes pour expliquer le covid_19.

Au prétexte de combattre certaines dérives dites wokes, le gouvernement a ordonné aux universités bénéficiant de fonds publics de mettre fin à leurs mesures de « DEI » c’est-à-dire Diversity-Equity-Inclusion (Diversité, égalité et inclusion). Il s’agit de programmes existant aux États-Unis depuis plusieurs années visant à créer un environnement plus inclusif en intégrant des minorités raciales, sexuelles ou touchées par des handicaps.

Cette campagne dogmatique a amené le gouvernement à interdire à des scientifiques l’emploi de certains termes et à remettre en cause leurs travaux. Plus grave encore, le gouvernement - avec l’aide du DOGE – a purement et simplement mis fin aux travaux de structures publiques fédérales ou les a placés sous une sorte de surveillance à l’image de l’Environmental Protection Agency (Agence pour la protection de l’environnement).

Cette situation pose la question des garanties juridiques apportées à la liberté académique. Pour reprendre les mots du juriste Olivier Beaud ([21]), cette situation « témoigne d’une hostilité, proprement hallucinante, à l’égard de la science et de la connaissance. » A contrario, la France accorde une garantie constitutionnelle sur ce point ajoute-t-il.

L’attitude de l’administration est d’autant plus inouïe que le premier amendement (liberté d’expression ou free speech) est censé garantir la liberté de parole. Néanmoins, la jurisprudence demeure confuse sur ce point ([22]) et dans les faits la liberté académique n’est que partiellement garantie par le droit constitutionnel américain.

En outre, le gouvernement américain a entrepris de remettre en cause les facilités fiscales des universités qui ne se plieraient pas à ses consignes. Dans une déclaration du 2 mai 2025, M. Trump a ainsi annoncé son intention de révoquer l’exemption fiscale dont bénéficie l’université Harvard et qui favorise l’octroi de dons généreux à l’université la plus riche au monde (fonds de réserve estimé à 50 Md$). L’université a en effet refusé de remettre en cause son programme de DEI.

L’administration Trump a, dans le même temps, procédé à des gels de financements fédéraux auprès des universités pour les contraindre à céder. À la date du 28 avril dernier c’est près de 11 Md$ qui de fonds qui ont déjà été gelés ([23])

Cette attitude est loin d’être neutre pour la coopération mondiale et au regard du rôle moteur des États-Unis en matière de recherche et d’innovation. Une attaque d’une telle ampleur est inédite et met en cause des programmes mondiaux menés parfois depuis plusieurs décennies.

Plus problématique encore est le fait que les États-Unis ont mis en place des bases de données gigantesques dans le cadre des projets collaboratifs – ou non – menés. Plusieurs de ces bases ont été rendues inaccessibles (message d’erreur dit 404 affiché) au nom de la nouvelle orientation idéologique de l’administration. À l’évidence, cette situation ne peut que conforter ceux qui, à l’instar de votre rapporteure, plaident pour un nuage européen souverain permettant de ne plus dépendre des Américains pour le stockage de données.

 

Source : OCDE, Institute of International Education – Infographie : Le Monde

 


Les scientifiques du monde entier se sont inquiétés de cette situation ([24]) à l’instar du président de l’Inserm Didier Samuel, du président du CNRS Antoine Petit ou encore de celui de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) François Houllier.

Les inquiétudes portent sur les données que partageaient les instituts américains comme l’Agence météorologique et océanographique américaine (NOAA) ou les National Institute of Health (Instituts nationaux de la santé). Ces agences constituent les plus importantes en matière de recherche biomédicale et mettent en cause des programmes français et européens qui en dépendent

Le président de l’Ifremer a souligné que 20 % des publications de son organisme sont cosignées avec un partenaire américain. De même, les flotteurs Argo mesurant la température des océans sont financés à 56 % par les États-Unis. L’interdiction de certaines recherches et les coupes massives dans les budgets menacent la pérennité de certaines collaborations.

La situation est encore plus critique en matière de lutte contre le VIH/Sida avec la fermeture de l’agence américaine en charge de l’aide internationale (USAID) et la fin annoncée du programme de distribution des antirétroviraux (Pepfar) qui a contribué à enrayer l’épidémie de VIH dans les pays les plus pauvres. Dès lors que les États-Unis représentent 62 % des efforts financiers contre le VIH, leur retrait met en danger des millions de vies et risque de provoquer une véritable hécatombe.

La Chine voit ainsi sa position confortée comme l’illustre le graphique sur le nombre de publications à l’échelle internationale. Dès lors, l’Union européenne en général et la façon de façon spécifique disposent d’une opportunité pour attirer des scientifiques américains menacés dans leur recherche.

Plusieurs universités françaises se sont positionnées sur la question de la liberté de la recherche à l’instar de l’université d’Aix-Marseille dite AMU. Face à l’interdiction de plus de 120 mots, le président d’AMU Eric Berton a annoncé un programme de 10 à 15 millions euros destinés à accueillir des chercheurs pour une durée de trois ans et à financer leurs travaux.

M. Berton, auditionné par votre rapporteure, est d’ailleurs à l’initiative de la proposition de création d’un statut de réfugié scientifique. Il s’est associé au député François Hollande qui a déposé une proposition de loi sur le sujet que votre rapporteure soutient.

Cette proposition vise à permettre « un traitement plus rapide et efficace, avec des critères d’éligibilité clairs, des passerelles d’intégration professionnelle, un accompagnement ciblé et une continuité de la recherche mondiale. » ([25])

Ce statut « offrirait « un refuge aux chercheurs menacés, tout en leur permettant de développer leur capital intellectuel. » L’apport pour la recherche française et européenne serait une force.

La proposition souhaite donc ouvrir cette possibilité au sein du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Elle sera étudiée par l’Assemblée au cours des prochaines semaines.

Ce programme « Safe Place for Science » a déjà été utilisé à destination de chercheurs issus de pays en guerre comme la Palestine, l’Afghanistan ou le Yémen. Il prend néanmoins une tournure toute particulière s’agissant de scientifiques issus de la première puissance mondiale et donc les normes démocratiques étaient censées la prémunir contre ce genre de situation.

Le CNRS a lui aussi créé un programme similaire intitulé « Choose CNRS ». Ce programme s’inspire de celui que le gouvernement français avait lancé lors du premier mandat de Donald Trump : « Make our planet great again » lancé en juin 2017 et qui avait permis à une quarantaine de chercheurs de venir en France.

« Choose CNRS » se décline en différents niveaux selon le degré de séniorité des candidats : candidats juniors, postdoctorants et scientifiques vedettes.

Le gouvernement français s’est également positionné sur cette question en annonçant le 18 avril dernier le lancement d’une plateforme sur laquelle les organismes de recherche pourront déposer leurs propositions de financement de recherche. Le programme France 2030 pourra être mis à contribution pour financer ces recherches.

Le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Philippe Baptiste a ainsi déclaré : « La France entend se positionner comme un lieu d’accueil pour ceux qui souhaiteraient poursuivre leurs travaux en Europe, en s’appuyant sur l’écosystème et les infrastructures de recherche de notre pays. »

À l’échelle européenne, la réflexion est encore en cours pour financer des chercheurs et des chercheuses qui viendraient de pays extra-européens, par exemple en renforçant les bourses Marie Curie. Par ailleurs, le Conseil européen de la recherche (CER) a doublé, à 2 M€, l’enveloppe d’installation dans l’Union européenne donnée aux scientifiques lauréats d’une bourse CER en provenance d’un pays tiers.

Il s’agit d’une occasion unique pour la France et l’Europe car, comme le rappelait le directeur de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) Romain Huret dans une interview au journal Libération ([26]), si Albert Einstein n’est pas revenu en Europe après la chute du nazisme, c’est parce que les États-Unis lui avaient proposé d’excellentes conditions de travail.

Cette question interroge donc globalement les moyens mis en œuvre pour aider la recherche scientifique. Le maître de conférence Théo Besson rappelle ainsi dans une tribune publiée ([27]) par le journal Le Monde que les États-Unis occupent en tout état de cause une place majeure dans ce domaine (1,5 million de chercheurs et 2ème rang en nombre de publications scientifiques).

L’universitaire souligne le « manque criant d’investissement dans la recherche » et met en comparaison le financement français (2.22 % du PIB) et le financement américain (3.46 % du PIB soit 940 Md€ en 2023). Il fait observer que des pays comme l’Allemagne, la Belgique, la Suède ou la Suisse mettent 3.1 % de leur PIB.

Les moyens matériels français restent insuffisants et M. Besson mentionne un rapport de l’Unesco (Organisation des Nations-unies pour l’éducation, la science et la culture) de 2021 selon lequel la France est le seul pays de l’Union européenne où la productivité scientifique a reculé entre 2015 et 2019.

De même, la question des salaires sera posée. Si leur niveau s’est amélioré avec la loi de programmation de 2020, en France un chercheur âgé de trente-cinq ans touche 3 600 € bruts par mois – d’après les données du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche – contre 6 000 € pour un postdoctorant à l’université américaine de Stanford.

Face à cette situation, il appelle à « augmenter les budgets alloués à la recherche, simplifier les démarches administratives, proposer des salaires compétitifs et garantir un environnement propice. »

C’est dans ce moment spécifique que s’inscrivent les annonces du président de la République aux côtés de la présidente de la Commission européenne ce lundi 5 mai 2025. Le président a annoncé le déblocage de 100 M€ supplémentaires à destination d’universités françaises pour attirer des scientifiques étrangers.

Les réactions du milieu universitaire ont d’ailleurs été mitigées quant à l’annonce du déblocage. Claire Mathieu, informaticienne et mathématicienne, membre de l’Académie des sciences et directrice de recherche au CNRS a déclaré dans le Journal de 18 heures de France Culture, le 5 mai, que l’initiative annoncée ressemblait au « Make our planet great again » qui avait contribué à attirer 43 scientifiques pour un investissement de plusieurs millions d’euros.

Dans le même ordre d’idée, Mme Mathieu a rappelé que, plusieurs jours avant les annonces de la Sorbonne, le gouvernement avait procédé au gel de crédits à destination de l’enseignement supérieur à hauteur de 493 M€ ([28]) - 307 M€ pour le programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 94 M€ pour le programme « Recherche spatiale » - ce qui interroge grandement sur la portée des annonces.

Ce montant pourrait d’ailleurs être augmenté compte tenu de l’annulation concomitante de 225 M€ pour la mission « Investir pour la France de 2030 » dont 207 M€ pour le programme « Financement des investissements stratégiques ».

L’initiative pro-science annoncée par les autorités françaises sous le nom de « Choose France » prend cependant une dimension européenne pour devenir « Choose Europe » avec les annonces de la Sorbonne.

L’européanisation de la démarche a été saluée par Clément Beaune au cours de son audition. Elle envoie un message « d’unité ».

Dans le cadre de l’université de la Sorbonne a ainsi été annoncée l’initiative « Choisir l’Europe pour la Science » avec une nouvelle enveloppe de 500 M€ pour la période 2025-2027 pour faire de l’Union un pôle d’attraction pour les chercheurs. Une nouvelle subvention pour le CER de près de sept ans a été également été annoncée. Actuellement, les financements du CER se limitent à cinq ans pour les subventions individuelles et six ans pour l’appel collaboratif Synergy réunissant quatre à six chercheurs.

Ce nouvel instrument financier suit les principes des subventions du CER sélectionnant les projets sur la base de leur excellence scientifique à destination des chercheurs s’installant dans un pays prenant part au programme-cadre Horizon Europe.

Cet effort vient donc s’ajouter à la décision du mois d’avril dernier du conseil scientifique du CER de doubler le financement supplémentaire disponible pour les chercheurs s’installant en Europe. Le montant maximal de la subvention pour créer un laboratoire ou une équipe de recherche atteint donc désormais les 2 M€.

La présidente von der Leyen a également indiqué son souhait d’inscrire au sein de la législation européenne la liberté académique pour « veiller à ce que la science en Europe reste ouverte et libre ». Cette déclaration fait directement écho à la situation américaine et notamment au chantage aux fonds pratiqué par l’administration auprès des universités récalcitrantes. Des mesures additionnelles concernant la libre circulation des connaissances seront annoncées ultérieurement.

De plus, la présidente a rappelé l’importance de la politique de recherche et d’innovation alors que des annonces seront faites au mois de juillet sur le sujet dans le cadre du cadre financier pluriannuel.

Mme von der Leyen a également appelé à une première loi européenne sur l’innovation ainsi qu’une stratégie en faveur des start-up et des entreprises européennes en expansion.

Au-delà de ces mesures, M. Beaune a appelé l’Europe à étoffer son dispositif d’attractivité pour les chercheurs américains. Il a notamment évoqué le principe d’une green card européenne. Ce dispositif existant aux États-Unis permet d’y résider légalement et d’y travailler pendant plusieurs années. Les États-Unis en ont fait un outil d’attraction des « cerveaux ». Une démarche similaire en Europe pourrait intéresser des scientifiques et maximiser le potentiel de recherche et d’innovation de l’Union.

M. Beaune a également insisté sur la mise en place de dispositifs fiscaux durables et toute autre mesure susceptibles d’inscrire l’Union comme continent de la recherche et de la liberté scientifique.

 


   ConclusioN

 

La politique européenne en matière de recherche dispose désormais de moyens financiers importants, d’une structuration solide pour soutenir les efforts des États membres et d’une cohérence d’ensemble à l’échelle du continent.

Elle fait face à de multiples défis et notamment un certain retard vis-à-vis de puissances tierces comme les États-Unis, la Chine ou même l’Inde. Elle ne pourra relever la compétition internationale qu’en réalisant un fort investissement financier et en mettant en œuvre des programmes clairs, lisibles et attractifs.

La France a su tirer parti de sa participation aux programmes européens en matière de recherche et d’innovation mais dispose encore d’une importante marge de progression. Elle dispose d’atouts forts et d’une réputation d’excellence. La croisade antiscience de l’administration Trump lui ouvre également de nouvelles opportunités.

C’est en présentant une cohérence et une coordination entre l’Union et les États membres que le financement de la politique européenne de recherche sera assuré à l’avenir. Il devra aussi s’appuyer sur des ambitions renouvelées pour pouvoir trouver un plein effet.

 


   EXAMEN EN COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 14 mai 2025, sous la présidence de M. Thierry Sother, Vice-président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

M. le vice-président Thierry Sother. Notre ordre du jour appelle à présent l’étude de la proposition de résolution européenne pour soutenir une politique ambitieuse et ouverte de la recherche scientifique de l’Union européenne.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. C’est un fait assez peu connu : l’Union européenne a une politique de recherche et d’innovation depuis près de quarante ans. Certes, le premier programme-cadre de recherche et développement (PCRD) était modeste dans ses ambitions. C’est dire combien la question de la recherche n’est pas neuve et combien sa place au sein de la construction communautaire a été interrogée de longue date.

La nécessité de favoriser une politique de recherche dont nous savons qu’elle est source de compétitivité, de progrès social et d’avancée technique m’amène à vous présenter aujourd’hui une proposition de résolution en ce sens. Le sujet nécessite d’être replacé dans l’histoire longue de la construction de la politique européenne. Il convient également d’évoquer la participation française à ce programme. Par la suite, j’évoquerai les défis auxquels est confrontée la politique de recherche européenne et la façon dont la France peut elle-même tirer le meilleur parti du programme européen.

Tout d’abord, il est indispensable de rappeler que l’implication communautaire en matière de recherche est presque aussi ancienne que la construction européenne. En effet, le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) prévoyait déjà la possibilité de financer la recherche. L’intégration communautaire progressant, les institutions européennes ont rapidement vu la nécessité de favoriser une politique dédiée à la recherche.

Le constat tient à l’analyse faite dans les années 1970 qui voyait déjà un décrochage européen vis-à-vis des États-Unis. La faiblesse européenne a rendu nécessaire un investissement financier à même de renforcer sa compétitivité et donc la naissance du premier PCRD en 1983. Modeste dans ses montants, ce premier programme comporte déjà certains des traits du programme actuel : instrument de programmation et financement dédiés. Les années 1980 sont aussi le temps de l’Acte unique et vont donner à l’Union une compétence juridique en matière de recherche.

Les programmes qui se succèdent voient les ambitions en matière de recherche grandir permettant au budget dédié d’augmenter, non sans quelques tensions d’ailleurs entre la Commission européenne et le Parlement européen. L’Union a affirmé en mars 2000 une stratégie visant à en faire « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde » dite Stratégie de Lisbonne. Cette dernière consiste à consacrer au moins 3 % de son PIB en dépenses de recherche et de développement.

L’ambition était grande puisque vingt-cinq années plus tard nous n’en sommes encore qu’à 2.2 % du PIB. Et ce chiffre masque des disparités importantes entre les économies des pays nordiques qui dépassent les 3 % du PIB et celles des pays plus au sud ou dans l’ancien bloc soviétique qui dépassent rarement le 1.5 % du PIB.

C’est en partie du fait de ce déséquilibre qu’il a été décidé de relever considérablement les moyens financiers consacrés à l’innovation. Les deux derniers programmes, Horizon 2020 (2013-2020) et Horizon Europe (2021-2027) marquent un saut qualitatif et quantitatif majeur. Le premier programme voit ainsi ses financements bondir de 53 milliards à 80 milliards. Le deuxième, en cours d’exécution, présente une évolution plus modeste avec un budget de 100 milliards.

Au-delà des montants budgétés, ce qui caractérise les deux derniers programmes est une architecture renouvelée avec un fonctionnement par pilier. Ces derniers, relativement stables entre les deux programmations, représentent l’investissement européen sur toute la chaîne de la recherche : recherche fondamentale, recherche appliquée à des thématiques et financement de l’innovation de rupture.

Horizon 2020 et Horizon Europe ont créé des écosystèmes avec des structures dédiées (Institut européen d’innovation et de technologie, Conseil européen de l’innovation) et des passerelles entre recherche fondamentale et recherche appliquée. Ces programmes font face à la difficulté de s’insérer au milieu de systèmes de recherche nationaux hétérogènes avec des financements spécifiques.

De plus, ils s’adressent autant au secteur public qu’au secteur privé. Or ce dernier est très en retrait en termes de participation à l’innovation en comparaison des USA, de la Chine ou du Japon. Malgré tout, ils sont un puissant accélérateur des politiques nationales et poussent à remettre en cause certaines logiques et à favoriser des rapprochements essentiels.

J’en viens à la participation française aux programmes-cadres. Notre pays présente des résultats intéressants mais contrastés. La France a participé au programme en faveur de la recherche depuis ses origines. Elle y a occupé la troisième place en termes de financements reçus avant de devenir le deuxième récipiendaire sous Horizon Europe. Il s’agit d’une amélioration en trompe-l’œil dû au retrait britannique de l’Union et qui a de nouveau rejoint le programme à compter de cette année 2025. Ceci doit être une alerte pour la France pour améliorer sa participation et exploiter son plein potentiel.

Diverses missions interministérielles ont réalisé un bilan exhaustif de la participation française soulignant les succès, la place prééminente occupée par des organismes de recherche comme le CNRS et l’INSERM mais aussi la position en retrait de l’université ainsi que des acteurs privés parfois réticents au partenariat européen.

Cette situation tient pour partie à un système de recherche composite où les organismes publics de recherche (ex : CNRS) emportent l’essentiel des investissements. Ce système rigide et où le transfert de connaissance public-privé est encore insuffisant ne manque pourtant pas d’atouts.

La France a su créer un dispositif d’aides riche, peut-être trop d’ailleurs. C’est parce que les financements français sont si abondants que les acteurs ne recherchent pas les opportunités européennes. Ils sont aussi en butte aux complexités administratives.

Ces dernières années, le système de recherche a connu certaines évolutions et notamment un investissement financier plus important. Il faudra néanmoins que cet engagement financier de l’État soit maintenu et ne fasse pas les frais des baisses annoncées dans les dépenses publiques.

Je souhaiterais évoquer plus précisément le futur de la politique européenne de recherche ainsi que les opportunités que la France pourrait en tirer à l’avenir. La réussite du programme-cadre est incontestable comme le prouve le nombre croissant de demandes de financement.

La question de son avenir financier est cependant posée. Les rapports de MM. Letta et Draghi ont présenté des observations dont nous pourrions nous inspirer. En effet, le financement du programme exploite encore insuffisamment l’épargne pourtant abondante en Europe. De plus, il ne tire pas suffisamment le bénéfice des capitaux qui pourraient pourtant financer des projets à risques. Le système bancaire est beaucoup plus frileux à financer l’innovation. Surtout, le besoin de financement est immense au vu du retard avec nos concurrents internationaux.

Le fonctionnement d’Horizon Europe est performant même si des améliorations peuvent y être apportées comme le rapport que je présente le souligne. Cependant, la plus grande interrogation en matière de financement concerne l’architecture du programme même. Dans le cadre des discussions budgétaires qui vont débuter en juillet prochain, la Commission européenne étudie la possibilité de créer un grand fonds pour la compétitivité rassemblant plusieurs grands ensembles budgétaires aujourd’hui distincts.

Cette proposition nécessite une réflexion approfondie car elle pose la question de l’avenir de l’innovation : allons-nous la sanctuariser dans un budget dédié ou bien la fondre parmi d’autres priorités au risque de l’éparpillement ? Les acteurs que j’ai auditionnés m’ont fait part de leur inquiétude sur le sujet. Notre politique de recherche atteint aujourd’hui un rythme de financement et d’ambitions qui doit être maintenu et ne doit pas être sacrifié pour des raisons budgétaires.

S’agissant de la France, notre pays a progressé en matière de participation au programme-cadre mais nous pouvons aller bien plus loin. Nous contribuons à hauteur de 18.5 % du budget mais ne retirons que 11.3 % des financements du programme. Il existe une marge de progression claire. Les différentes évaluations réalisées ces dernières années nous donnent un mode d’emploi pour remédier aux faiblesses constatées et créer un mouvement d’entraînement parmi les chercheurs, les organismes de recherche ou encore les PME. Le potentiel est immense et les collaborations avec d’autres pays pourraient entraîner des gains conséquents pour notre pays. Ne nous privons pas d’opportunités de financement surtout dans le contexte budgétaire qui est le nôtre. Le réflexe européen peut et doit devenir la norme.

Par ailleurs, nous vivons un moment particulier depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Nous étions habitués à ses foucades et ses décisions erratiques mais nous découvrons un politicien anti-science. La fermeture d’agence fédérales, le licenciement incohérent de fonctionnaires et le bannissement de mots dans les études sont quelques échantillons de cette politique réactionnaire qui ressemble à un mélange de « 1984 » d’Orwell et des « Servantes écarlates » de Margaret Atwood.

Au-delà du caractère insensé de ces décisions, elles menacent la politique de recherche mondiale étant donné la place qu’y occupe les États-Unis et les multiples et fructueuses collaborations que nos chercheurs ont établis depuis des décennies déjà.

Ce comportement contre le savoir et les idées n’est pas nouveau outre-Atlantique. L’historien Richard Hofstadter l’avait brillamment décrypté du temps du maccarthysme. Nous savons quel avenir politique il peut annoncer. Cette situation doit être le moment d’un réveil européen et français. Nous ne pouvons pas dépendre de la versatilité de notre allié américain et devons prendre notre destin en main et poser les bases d’une souveraineté de la recherche. L’attitude américaine doit nous permettre de renforcer notre programme de recherche et même de l’élargir.

Les annonces de la présidente von der Leyen et du président Macron le 5 mai dernier à la Sorbonne comportent des avancées intéressantes : hausse des financements, proposition législative pour préserver la liberté académique et conditions d’accueil facilités pour les chercheurs américains. Sur ce dernier point, j’ai déposé un amendement spécifique.

J’attire également votre attention sur l’apport des sciences sociales dans la recherche. Les annonces de la Sorbonne y font peu ou prou allusion. Nous en avons besoin pour comprendre les mutations de notre monde et y réagir en préservant l’équilibre de celui-ci. Sans ces sciences, comment ferions-nous face au changement climatique brillamment expertisé par le GIEC dont certains au sein de notre hémicycle jugent pourtant les bilans excessifs. Gardons cette curiosité scientifique au cœur de nos recherches et ne nous perdons pas dans un tout-technologique qui sacrifierait des domaines de recherche féconds comme les études sur le genre.

Cependant, les annonces devront se matérialiser aussi bien au niveau européen qu’au niveau français. La préservation des crédits sera la concrétisation de cette ambition. À cet égard, l’annulation récente de crédits pour la recherche en France ne peut que susciter une inquiétude. Nous disposons d’atouts importants et notre pays peut devenir un pôle d’attractivité pour tous les chercheurs. Mais cette ambition doit trouver un chemin et des moyens. Je sais que vous partagez mes préoccupations et vous invite à donner un soutien fort en votant la proposition de résolution européenne.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

Mme Colette Capdevielle (SOC). Malgré la structuration progressive de ses outils et des moyens financiers renforcés, la politique européenne en matière de recherche fait face à de multiples défis. Comme l'ont souligné les rapports de MM. Draghi et Letta, l’Europe décroche. Tandis que d'autres pays montent en puissance, l’écart se creuse considérablement avec les États-Unis en matière de recherche, et l’Europe est confrontée à un déficit d’innovation. Dans la perspective de la négociation du prochain cadre financier pluriannuel 2028-2034, cette proposition de résolution européenne plaide pour une politique européenne de recherche, scientifique et ambitieuse. Dans son rapport, Enrico Letta plaide pour la création d’une cinquième liberté, celle de la recherche, de l’innovation et de l’éducation. Le contexte international que nous connaissons en démontre l’importance.

Le retour de Donald Trump au pouvoir a profondément heurté le monde de la recherche, comme le montre la réduction des effectifs de 10 % et la fermeture de nombreuses agences. Nous aurions tort de croire que cette politique anti-recherche serait contenue au États-Unis. Le jeu des collaborations internationales transmet la crise comme un virus, et particulièrement en France. Si nous n’ignorons pas que la recherche française présente un atout majeur pour notre pays, nous devons poursuivre notre mobilisation dans le cadre du programme Horizon Europe pour obtenir des financements ambitieux. Lors du sommet Choose France For Sciences, Emmanuel Macron a affirmé que “la recherche est une priorité, l’innovation une culture, la science un horizon sans limite”.

Le gouvernement français a pourtant fait le choix d’un budget de rigueur dans le cadre du dernier projet de loi de finance 2025, rappelant que le gouvernement a récemment procédé aussi aux gels de crédits à destination de l’enseignement supérieur à hauteur de 493 millions d’euros, dont 307 pour le programme de recherche technologie et pluridisciplinaire. Ce sont les fameuses subtilités du “en même temps” bien connu chez les macronistes. Nous saluons votre travail Madame la rapporteure, et le groupe Socialistes et apparentés votera pour cette proposition de résolution.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Merci pour votre soutien. Cette résolution souhaite exprimer l’importance du sujet du financement de la recherche. Les défis devant nous sont énormes. Il faut essayer de faire en sorte que le redéploiement des crédits du programme Horizon Europe soit bien pris en compte par notre gouvernement.

Mme Isabelle Rauch (HOR). La recherche et l’innovation sont plus que jamais des leviers essentiels de la croissance et de la compétitivité européenne, et à ce titre, il est important de maintenir et de renforcer les financements qui leur sont consacrés.

C’est un impératif stratégique, et nous partageons en ce sens les constats soulignés par le rapport Draghi : dans une vision de long terme, il convient de bâtir une réelle politique industrielle et d’innovation. Le programme Horizon Europe incarne pleinement cette ambition, en soutenant l’excellence scientifique et en favorisant l’innovation industrielle.               Réduire les crédits qui lui sont alloués reviendrait à réduire notre capacité d’action commune et à reléguer l’Union européenne derrière d’autres puissances mondiales. Nous soutenons cette proposition de résolution européenne, qui vise à améliorer la gouvernance des programmes de recherche, à renforcer leur coordination entre États membres et à garantir une plus grande transparence dans la définition des priorités.

Nous souhaitons souligner toutefois un point de vigilance : la recherche européenne ne doit pas se limiter à l’étude des conséquences sociales des technologies émergentes, elle doit pouvoir conserver une approche ouverte et équilibrée. Cela suppose de distinguer ce qui relève de la recherche fondamentale, nécessaire à la production de connaissance, et ce qui relève de l’innovation productive tournée vers des applications concrètes, utiles à la résilience économique et industrielle de notre continent. Dans cet esprit, la recherche doit rester un moteur libre et structurant pour l’avenir de l’Europe.

Mme Céline Calvez (EPR). Votre proposition de résolution européenne présente une opportunité à saisir pour soutenir une recherche ambitieuse et ouverte au sein de l’Union européenne.

Nous nous trouvons à un moment critique. Vingt-cinq ans après la stratégie de Lisbonne, fixant un objectif de 3 % d’investissement du PIB dans la recherche et le développement, nous sommes loin de l’objectif attendu avec un investissement autour de 2 % du PIB, bien loin des États-Unis ou d’autres puissances émergentes. Un soutien public fragmenté, un investissement privé insuffisant, une gouvernance européenne trop complexe ou peu lisible expliquent en partie ce retard.

Le programme Horizons Europe demeure un fleuron de l’investissement avec une enveloppe avoisinant les 100 milliards d’euros. Toutefois, la menace de coupes sombres de plusieurs millions d’euros représente un signal désastreux. Le président de la République a lancé, le 5 mai dernier, depuis la Sorbonne, l’initiative « Choose Europe for Science », en appelant les chercheurs et les innovateurs à choisir l’Europe comme terre d’accueil et d’ambition scientifique. La France avait déjà entamé une dynamique d’attractivité similaire avec l’adoption dès 2021 de la loi de programmation sur la recherche 2021-2030 garantissant un meilleur investissement ainsi qu’une trajectoire de consolidation durable de la recherche publique. En effet, alors que l’intelligence artificielle, la biotechnologie, la médecine de demain sont au cœur des enjeux des puissances mondiales, l’Europe ne peut pas se permettre ni inaction ni sous financement.

Votre texte appelle à préserver les crédits de la recherche, notamment Horizon Europe, à améliorer la gouvernance des programmes européens et assurer une transparence et une concertation avec les États membres et les parlements nationaux. Pour avoir co-signé cette proposition de résolution européenne, je suis convaincue de son importance au moment où les États-Unis de Donald Trump s’engagent dans une croisade idéologique contre la science, qu’il s’agisse du climat, des droits reproductifs, des données médicales. L’Union européenne dispose, dès lors, d’une opportunité historique, de s’ériger en refuge pour la science libre, éthique, alors que les désinformations, les coupes budgétaires, et les attaques contre les institutions scientifiques menacent directement la recherche outre-Atlantique. Nous devons affirmer notre « leadership » moral et stratégique. Adopter cette proposition de résolution européenne c’est investir dans l’avenir, dans notre souveraineté technologique, notre attractivité académique. Aussi le groupe Ensemble pour la République votera-t-il en faveur de cette proposition de résolution.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je vous remercie, chère collègue, pour votre soutien. Notre parlement doit pouvoir se saisir de chaque occasion pour réaffirmer nos valeurs. Lorsque j’ai commencé à travailler sur ces questions, elles n’avaient pas l’actualité brûlante qui est la nôtre !

M. Roger Chudeau (RN). Je vous remercie de m’accueillir aujourd’hui dans votre commission. Cette proposition de résolution européenne présente une intention louable mais n’est pas exempte de défauts. Nous sommes d’accord avec les conclusions du rapport Draghi : l’effort en matière de recherche & innovation n’est pas à la hauteur des défis auxquels doit faire face l’Europe dans un contexte de concurrence exacerbée et de conflictualisation des relations internationales. Il s’agit d’une priorité stratégique de premier plan.

Nous sommes en accord avec la démarche de cette proposition de résolution européenne : alerter le gouvernement sur la nécessité de ne pas diminuer l’investissement dans les crédits de la recherche.

Toutefois le gouvernement ne devrait pas uniquement s’engager sur un maintien des crédits de recherche, mais en soutenir l’augmentation pour que l’Union rattrape le niveau de nos principaux concurrents. Quel avenir pour le programme Horizon Europe alors que ses crédits ne sont pas entièrement consommés ? Nous sommes favorables à la création d’un fonds de compétitivité regroupant plusieurs lignes budgétaires ainsi qu’à une meilleure gouvernance administrative incluant des scientifiques. Un fonds dédié à la compétitivité européenne par un renforcement des investissements en matière de recherche doit clairement identifier les domaines de nature stratégique : l’intelligence artificielle, le hardware numérique, la santé notamment. Ces domaines de recherche doivent pouvoir bénéficier de moyens concentrés dont l’administration et l’évaluation doivent être simplifiées et rendus plus fluides. Les sciences sociales, et je diverge d’avec vous sur ce point, n’ont pas leur place dans ces programmes : elles leur sont étrangères sur le fond et bénéficient déjà de riches dotations budgétaires dans d’autres programmes européens. En outre, les orientations stratégiques de l’Union en matière de recherche doivent être régulièrement communiquées au parlement afin de respecter le principe de transparence et de responsabilité démocratiques.

Amendement n° 1 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). Nous souhaitons ajouter à l’alinéa 11 une mention relative à l’augmentation des crédits. Le retard pris par l’Union en termes d’investissement, 2 % du PIB, par rapport à ses concurrents, doit être rattrapé.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. La proposition de résolution européenne satisfait votre amendement, mais il n’y a pas d’objection à ce que vous rajoutiez cette mention.

L’amendement n° 1 est rejeté.

Amendement n° 2 de M. Roger Chudeau.

M. Roger Chudeau (RN). Cet amendement vise à supprimer l’amendement n°14 qui prévoit que des crédits de recherche, de compétitivité et d’innovation doivent comporter également un volet portant sur les sciences sociales. Cela ne semble pas opportun. Ces dernières ne sont pas maltraitées par les crédits de l’Union européenne. Elles bénéficient de très nombreux crédits et de programmes importants dans lesquels puise largement le CNRS.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Je m’oppose à cet amendement. Le programme Horizon prévoit déjà des financements pour les sciences sociales. Le deuxième pilier du programme dédié aux problématiques mondiales a représenté une opportunité pour la recherche collaborative et interdisciplinaire dans laquelle les sciences humaines et sociales jouent un rôle central.

Le cluster doté d’un budget de 2,3 milliards d’euros sur sept ans dédié à la recherche multidisciplinaire vise à répondre aux enjeux de la gouvernance démocratique : participation citoyenne, sauvegarde et protection du patrimoine culturel européen, transformation sociale, économique, technologique et culturelle.

Le rappel de la nécessité de penser en appui et complément des sciences dures ne constituent ni une nouveauté, ni une dispersion mais un utile complément pour les problématiques sociales, économiques, culturelles que créent les découvertes. Il est nécessaire d’intégrer cela dans nos travaux et dans notre pensée.

L’amendement n° 2 est rejeté.

Amendement n° 3 de M. Roger Chudeau et n° 5 de Mme Marietta Karamanli, rapporteure.

M. Roger Chudeau (RN). C’est un amendement rédactionnel pour faire mention d’une transmission au parlement.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. J’ai déposé un amendement identique qui propose la même précision.

Les amendements identiques n° 3 et n° 5 sont adoptés.

Amendement n° 4 de Mme Marietta Karamanli, rapporteure.

Mme Marietta Karamanli, rapporteure. Cet amendement vise à prendre en compte les actualités d’outre-Atlantique. Nous souhaitons mettre l’accent sur la nécessité de concevoir un dispositif complet à destinations scientifiques, en particulier des chercheurs américains pour créer les conditions d’un accueil qui devienne durable et fécond. Ce point de vue a été confirmé par les différents acteurs auditionnés, notamment France Stratégie.

L’amendement n° 4 est adopté.

L’article unique de la proposition de résolution européenne est adopté.

La proposition de résolution ainsi modifiée est par conséquent adoptée.

 


   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 179 à 190 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 179 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui dispose que « l’Union a pour objectif de renforcer ses bases scientifiques et technologiques, par la réalisation d’un espace européen de la recherche dans lequel les chercheurs, les connaissances scientifiques et les technologies circulent librement »,

Vu la stratégie de la Commission,

Vu le programme Horizon Europe 2021‑2027,

Vu le second plan stratégique d’Horizon Europe pour la période 2025‑2027, adopté en mars 2024,

Vu les déclarations faites par la Commission,

Invite le Gouvernement de la République française à prendre position pour :

– Le maintien des crédits de la recherche européenne tels que programmés initialement ;

– Le redéploiement des crédits du programme « Horizon Europe » prévus mais non dépensés au sein du programme cadre de recherche et développement et ce en vue de financer des programmes jugés excellents mais non encore financés ;

La détermination d’un financement d’Horizon Europe ambitieux dans la perspective du dixième programme‑cadre ambitieux qui doit entrer en fonction en 2028 ;

– La place à faire à la recherche qui s’intéresse aux domaines et effets sociaux des nouvelles technologies qu’elles concernent l’intelligence artificielle, la santé et la médecine, ou encore l’éducation et les inégalités pouvant en résulter ;

– L’amélioration de la gouvernance des programmes et institutions de la recherche au niveau européen en vue d’en simplifier l’accès et en donnant aux scientifiques et aux personnalités qualifiées par leurs expériences un plus grand poids dans la définition des projets et l’allocation des moyens ;

– Une information rapide, systématique et sans délai des informations, documents et propositions des institutions européennes sur ces réformes essentielles pour l’avenir de l’Europe.

 

 

 


   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 MAI 2025


soutenir une politique ambitieuse et ouverte de la recherche scientifique de l’Union européenne (n° 1111)

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

Roger CHUDEAU

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ARTICLE UNIQUE

Rédiger ainsi l’alinéa 11 « 11- Le rétablissement et l’augmentation des crédits européens affectés à la recherche. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Le rapport Draghi a souligné la faiblesse relative de l’effort de l’Union européenne en matière de recherche et le risque de décrochage vis-à-vis de nos grands partenaires que cela comporte.

Le Gouvernement français est parfaitement fondé à plaider pour une augmentation des crédits européens affectés à la recherche dans la mesure où il augmente encore en 2025 sa contribution nette au budget de l’Union européenne.

Les exemples de grands projets européens comme le CERN illustrent parfaitement les bénéfices que les pays de l’Union peuvent retirer d’une coopération à grande échelle et d’une mutualisation des financements au sein de programmes européens ambitieux.

 

 

 

 

 

Cet amendement a été rejeté.

 

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 MAI 2025


soutenir une politique ambitieuse et ouverte de la recherche scientifique de l’Union européenne (n° 1111)

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Roger CHUDEAU

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Supprimer l’alinéa 14.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Nous considérons que l’introduction des sciences sociales dans une politique de recherche de pointe sur des objets stratégiques tels que l’Intelligence artificielle, la santé, le numérique relève d’une dispersion des efforts.

Il existe au sein des programmes universitaires soutenus par l’Union des crédits déjà dédiés à la recherche en sciences sociales. La recherche en sciences sociales ne relève pas d’un fond dédié à la compétitivité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet amendement a été rejeté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 MAI 2025


soutenir une politique ambitieuse et ouverte de la recherche scientifique de l’Union européenne (n° 1111)

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

Roger CHUDEAU

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ARTICLE UNIQUE

 

À l’alinéa 16 , remplacer le mot « information » par les mots « transmission au parlement ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Amendement rédactionnel.

 

 

 

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 MAI 2025


Soutenir une politique ambitieuse et ouverte de la recherche scientifique de l’union europeenne (n°1111)

 

 

AMENDEMENT

No

présenté par

Marietta KARAMANLI, rapporteure

----------

ARTICLE UNIQUE

A l’alinéa 16, remplacer le mot « information » par les mots « transmission au parlement ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Cet amendement permet de clarifier l’alinéa originel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

14 MAI 2025


soutenir une politique ambitieuse et ouverte de la recherche scientifique de l’union européenne (n°1111)

 

 

AMENDEMENT

No 4

présenté par

Marietta KARAMANLI, rapporteure

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ARTICLE UNIQUE

Après l’alinéa 16, ajouter l’alinéa suivant :

« Souligne l’importance des annonces du 5 mai 2025 à l’Université de la Sorbonne visant à faire de l’Union européenne un espace de recherche, d’innovation et de sauvegarde de la liberté académique ;

Appelle l’Union européenne à élaborer une stratégie et un dispositif pérennes en faveur des scientifiques pour valoriser l’attractivité du système de recherche européen ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

 

Ce nouvel alinéa permet de mettre l’accent sur la nécessité de concevoir un dispositif complet à destination des scientifiques, en particulier des chercheurs américains, pour créer les conditions d’un accueil qui devienne durable et fécond.

    

 

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.


– 1 –

   PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu les articles 179 à 190 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu l’article 179 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui dispose que « l’Union a pour objectif de renforcer ses bases scientifiques et technologiques, par la réalisation d’un espace européen de la recherche dans lequel les chercheurs, les connaissances scientifiques et les technologies circulent librement »,

Vu la stratégie de la Commission,

Vu le programme Horizon Europe 2021‑2027,

Vu le second plan stratégique d’Horizon Europe pour la période 2025‑2027, adopté en mars 2024,

Vu les déclarations faites par la Commission,

Invite le Gouvernement de la République française à prendre position pour :

– Le maintien des crédits de la recherche européenne tels que programmés initialement ;

– Le redéploiement des crédits du programme « Horizon Europe » prévus mais non dépensés au sein du programme cadre de recherche et développement et ce en vue de financer des programmes jugés excellents mais non encore financés ;

– La détermination d’un financement d’Horizon Europe ambitieux dans la perspective du dixième programme‑cadre ambitieux qui doit entrer en fonction en 2028 ;

– La place à faire à la recherche qui s’intéresse aux domaines et effets sociaux des nouvelles technologies qu’elles concernent l’intelligence artificielle, la santé et la médecine, ou encore l’éducation et les inégalités pouvant en résulter ;

– L’amélioration de la gouvernance des programmes et institutions de la recherche au niveau européen en vue d’en simplifier l’accès et en donnant aux scientifiques et aux personnalités qualifiées par leurs expériences un plus grand poids dans la définition des projets et l’allocation des moyens ;

– Une transmission au parlement rapide, systématique et sans délai des informations, documents et propositions des institutions européennes sur ces réformes essentielles pour l’avenir de l’Europe ;

– Souligne l’importance des annonces du 5 mai 2025 à l’Université de la Sorbonne visant à faire de l’Union européenne un espace de recherche, d’innovation et de sauvegarde de la liberté académique ;

– Appelle l’Union européenne à élaborer une stratégie et un dispositif pérennes en faveur des scientifiques pour valoriser l’attractivité du système de recherche européen.

 

    


– 1 –

   ANNEXE 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par
LA RAPPORTEURE

 

-         M. Lamri Adoui, président de France Universités

 

-         M. Jean-Luc Moullet, directeur général de la recherche et de l’innovation

-         M. Donato Giorgi, délégué aux affaires européennes et internationales

 

-         M. Éric Berton, président

 

-         M. Clément Beaune, haut-commissaire au Plan


   Annexe 2 :
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 

 

 

 

 

 


([1]) Participation de plusieurs États membres entre eux à des programmes de recherche et de développement

([2]) Milliards d’euros

([3]) La Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) est une agence indépendante de recherche et de développement au sein du département de la défense des États-Unis (DOD). Elle investit massivement dans les technologies de rupture.

([4]) « La participation française au programme-cadre européen pour la recherche et l’innovation », février 2016, Conseil général de l’économie - Inspection générale de l’éducation nationale et de la recherche - Inspection générale des Finances ;

« Plan d’action nationale pour l’Amélioration de la participation française aux dispositifs européens de financement de la recherche et de l’innovation » dit PAPFE ou plan d’action Europe, 2018 et 2021 ;

« La mobilisation des fonds européens en matière de recherche : les programmes Horizon 2020 et Horizon Europe – Un effort à accentuer 2012-2024 », Cour des comptes, Janvier 2025.

([5]) « L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche en France », exercice annuel du ministère.

([6]) « État de la recherche et de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France en 2024 », Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, juin 2024 (données 2022)

([7])  Source : Circulaire NOR ECOB2510507C relative aux conférences de budgétisation pour les années 2026-2028 (en ligne : https://www.budget.gouv.fr/documentation/circulaires-budgetaires/circulaires-2025)

([8])  Examens de l’OCDE des politiques d’innovation : France 2014 », OCDE, 25 novembre 2014

([9]) Cour des comptes Mission Investir pour la France de 2030, avril 2024.

([10]) Elle a aujourd’hui été refondue au sein du Haut conseil pour l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES).

([11]) « Mise en œuvre de l’espace européen de la recherche (EER) – Renforcer la recherche et l’innovation en Europe : évolution et orientations futures de l’EER », Communication de la Commission européenne, 22 octobre 2024.

([12]) La mobilisation des fonds européens en matière de recherche : les programmes Horizon 2020 et Horizon Europe – Un effort à accentuer 2012-2024 », Cour des comptes, Janvier 2025, pp. 8-9.

([13]) La participation française au programme-cadre européen pour la recherche et l’innovation », février 2016, Conseil général de l’économie - Inspection générale de l’éducation nationale et de la recherche - Inspection générale des Finances, p. 2. 

([14]) La participation française…, op. cit, p. 2

([15]) La participation française, op. cit., p. 2

([16]) La mobilisation des fonds européens, op. cit., p. 8

([17]) Le rapport de 2016 évoquait déjà un gain de 600 M€

([18]) Source : La mobilisation des fonds européens, op. cit., p. 43

([19]) Circulaire du Premier ministre relative à la gestion budgétaire, 24 avril 2025, JORF.

([20]) Nouvelle organisation territoriale de la République.

([21]) Liberté académique aux États-Unis : une liberté qui n’est pas vraiment garantie par le droit, 2 mai 2025, Cercle des Juristes

([22]) David Rabban, Academic freedom : From Professional Norm to First Amendment Right, Harvard University Press, 2024.

([23]) NPR, What happens when the federal governement stops funding university research, 28 avril 2025

([24]) La recherche française touchée par l’onde de choc de la politique antiscience de Donal Trump, 14 avril 2025, Le Monde

([25]) Proposition de loi visant à créer un statut de réfugié scientifique, N° 1338, enregistrée le 17 avril 2025

([26]) « Il y a une crise générale de la recherche dans le monde », Libération, 23 avril 2025.

([27]) Accueillir les chercheurs américains en France, « une ambition louable, mais irréaliste », Le monde, 15 avril 2025.

([28]) Journal officiel de la République française, Décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits.