N° 1462
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail,
Par M. Pierre CORDIER,
Député.
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Voir le numéro : 732.
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SOMMAIRE
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Pages
1. Le don du sang, un enjeu de souveraineté sanitaire
3. Alléger les contraintes pour faciliter le don de produits sanguins
ANNEXE N° 1 : LISTE DES PERSONNES entendues PAR Le RAPPORTEUR
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Le don du sang et de produits sanguins constitue un impératif sanitaire, mais aussi un acte profondément civique. À l’image de l’apprentissage des gestes de premiers secours, il exprime un engagement concret des citoyens au service de l’intérêt général et fondé sur des valeurs d’entraide, de responsabilité partagée et de fraternité.
En France, le don de produits sanguins présente un caractère volontaire, anonyme et non rémunéré. Ce modèle bénévole est largement diffusé en Europe, à l’exception de quelques pays qui proposent aux donneurs une compensation d’un faible montant ([1]). À l’inverse, d’autres pays comme les États-Unis proposent une rémunération beaucoup plus conséquente : environ 50 euros par don pour le plasma, qui peut être prélevé jusqu’à 104 fois par an – contre une limite de 24 dons de plasma par an en France ([2]).
Si le débat sur la gratuité et la rétribution du don réapparaît régulièrement lorsque des tensions sur les stocks de produits sanguins sont constatées, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, dans un avis de décembre 2024, reprenait à son compte les travaux du chercheur en politiques publiques Richard Titmuss en faveur d’un modèle du don de sang « gratuit et anonyme », « vecteur d’organisation des relations sociales, scellée par le principe de solidarité », et opposable au modèle américain ([3]). Selon le Comité, le système américain « repose sur la sollicitation fréquente d’un nombre restreint de donneurs qui présente un risque d’exploiter [leur] insécurité financière et [leur] vulnérabilité ». Ces donneurs sont donc exposés à des risques pour leur santé, en raison de la fréquence des dons. En outre, du fait de leur condition socio-économique, ces personnes, vulnérables, « sont moins enclines à dévoiler d’éventuels problèmes de santé pouvant entraver leur don » ([4]), ce qui peut susciter des risques importants pour les bénéficiaires.
Pour prévenir ces dérives, le rapporteur souhaite réaffirmer son attachement au modèle français du don du sang, fondé sur le bénévolat. Pour garantir sa pérennité, il convient de procéder à des aménagements pour faciliter les démarches des donneurs, notamment en ce qui concerne leur organisation personnelle et professionnelle. C’est l’objet de la présente proposition de loi.
1. Le don du sang, un enjeu de souveraineté sanitaire
La collecte de produits sanguins sur l’ensemble du territoire national vise l’autosuffisance française en globules rouges, plaquettes et plasma. Elle implique la recherche permanente d’un équilibre entre les besoins en produits sanguins et les dons effectués afin d’éviter un recours à des importations coûteuses pour l’assurance-maladie.
● Le sang est constitué de trois éléments majeurs : les érythrocytes, les plaquettes et le plasma. Les érythrocytes sont les globules rouges, qui assurent le transport des gaz respiratoires entre les poumons et les tissus, grâce à l’hémoglobine. Ils peuvent être conservés jusqu’à quarante‑deux jours. Le plasma correspond à la partie liquide du sang, dans laquelle circulent les cellules sanguines. Il contient des protéines qui présentent un intérêt thérapeutique majeur pour les patients, en particulier pour le traitement des déficits immunitaires, des maladies auto-immunes, des insuffisances hépatiques aiguës ou encore de l’hémophilie. Il peut être utilisé directement sous forme liquide par transfusion, mais aussi indirectement, après extraction de ses protéines constitutives, pour la fabrication de médicaments dérivés du plasma. Le plasma frais congelé et sécurisé peut être conservé un an à compter de la date de prélèvement. Enfin, les plaquettes sont de petites cellules sanguines qui jouent un rôle significatif dans le processus de coagulation. Produites dans la moelle osseuse, elles offrent un remède précieux aux hémorragies, aux leucémies ou encore aux lymphomes. Leur durée de vie très courte, entre sept et douze jours, rend indispensables des dons réguliers afin de maintenir les réserves.
Le don du sang dit « total » correspond à la forme la plus courante de don : il permet de prélever en même temps tous les composants du sang – globules rouges, plasma et plaquettes – qui sont ensuite isolés. Le sang des donneurs est recueilli dans des poches filtrées, une fois testées pour dépister toute anomalie éventuelle. Les globules blancs en sont retirés, puis la poche est centrifugée afin de séparer les autres composants.
Le don de plasma et le don de plaquettes sont effectués par aphérèse. Cette méthode consiste à prélever le sang total, à le faire circuler dans un automate en circuit fermé qui sépare les différents composants du sang et n’extrait que le plasma ou les plaquettes. À l’issue du cycle, la machine restitue au donneur les composants ne faisant pas l’objet du don – globules rouges et blancs, et plaquettes ou plasma le cas échéant. Par rapport à un don de sang classique, cette technique permet de récupérer deux à quatre fois plus de plasma ou de récolter un nombre triple de plaquettes. Comme ils nécessitent un appareil d’aphérèse difficile à déplacer, le don de plasma et le don de plaquettes ne donnent pas lieu à des collectes mobiles ; ils se déroulent dans les maisons du don de l’Établissement français du sang.
● Aujourd’hui, les besoins en produits sanguins demeurent relativement élevés avec environ 10 000 dons requis chaque jour à l’échelon national, dont 1 700 dons pour la seule région Île-de-France ([5]). En 2024, près de 2,7 millions de dons ont été effectués par 1,5 million de donneurs. Selon le rapport national d’hémovigilance publié par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en janvier 2025, 2,6 millions de produits sanguins labiles ont été transfusés en 2023 pour un peu plus de 500 000 patients ([6]). En comptant les personnes soignées par des médicaments dérivés du plasma, le don de produits sanguins rend possible chaque année le traitement de 1 million de personnes, dont 47 % sont atteintes d’une pathologie hématologique ou d’un cancer et 35 % subissent une intervention chirurgicale ([7]).
Les besoins en produits sanguins décroissent tendanciellement sur le temps long. En 2024, les cessions de concentrés de globules rouges entre l’Établissement français du sang et les établissements de santé ont ainsi diminué de 4,5 % par rapport à 2023 ([8]).
COURBES DE STOCKS DE CONCENTRÉS DE GLOBULES ROUGES en 2023 et 2024
Source : rapport d’activité 2024 de l’Établissement français du sang.
Cette évolution s’explique par le perfectionnement des pratiques médicales sous l’impulsion notamment de la Haute Autorité de santé qui formulait, en 2022, une série de recommandations sur la « gestion du capital sanguin ». Parmi celles-ci figuraient la réduction des saignements en cas d’opération chirurgicale et le traitement préopératoire de l’anémie, afin de limiter le recours aux transfusions ([9]). Dans ce contexte, la pression sur les réserves décroît et le seuil d’alerte a été abaissé temporairement. Cette diminution sensible de l’utilisation des concentrés de globules rouges s’observe également à l’échelle internationale. Aux États-Unis, leur distribution est passée de près de 14 millions d’unités en 2010 à un peu plus de 11 millions en 2015, soit une baisse d’environ 18 %. De même, en Allemagne, un recul de plus de 20 % est enregistré entre 2010 et 2016 ([10]).
● Toutefois, la collecte et la distribution de produits sanguins s’inscrivent dans un contexte de tensions permanentes, compte tenu de la durée de conservation des substances d’origine humaine. La fréquence et le volume des dons doivent dès lors permettre de répondre aux aléas sanitaires et aux pics d’activité hospitalière, qui entraînent d’importantes variations de la demande de manière souvent imprévisible. En outre, la rareté du groupe sanguin ne doit jamais devenir un facteur discriminatoire dans l’accès à la transfusion : les personnes au groupe sanguin dit « rare », c’est-à-dire présent chez moins de 0,4 % de la population française, dont le nombre est estimé entre 700 000 et 1 million ([11]), doivent se voir garantir un égal accès aux soins par rapport à l’ensemble des receveurs.
En conséquence, l’Établissement français du sang assure une surveillance étroite et quotidienne des stocks de produits sanguins, et lance régulièrement des appels ciblés pour mobiliser les donneurs, comme ce fut le cas à l’été 2024 afin de compléter des réserves jugées trop faibles à la veille des jeux Olympiques et des départs en vacances. Des actions ponctuelles particulièrement efficaces sont ainsi organisées, avec des initiatives telles que le Marathon du don du 28 novembre au 1er décembre 2024, ou encore la Journée mondiale des donneurs de sang ([12]).
À l’image des besoins en produits sanguins, le nombre de dons de sang diminue également tendanciellement. En 2023, une baisse de 2,9 % du nombre total de donneurs a été enregistrée avec 1,55 million contre près d’1,6 million l’année précédente ([13]). Cette régression s’est poursuivie en 2024, avec 2,68 millions de dons consentis par 1,5 million de donneurs ([14]). La réduction du nombre de dons annuels n’entraîne pas, à ce jour, de difficulté notable pour le système de collecte français. Les stocks de globules rouges et de plaquettes ne connaissent pas de tension majeure, en dehors de celles inhérentes à la durée de conservation de ces produits.
Évolution du nombre de dons de sang total et de cessions de globules auprès des établissements de santé entre 2015 et 2024
Source : Établissement français du sang.
En matière de plasma en revanche, le besoin augmente depuis plusieurs années, et la collecte nationale seule ne permet pas de le satisfaire. Elle ne couvre en effet que 30 % à 35 % des quantités nécessaires ([15]). En conséquence, la France dépend largement de l’importation des médicaments dérivés du plasma, notamment depuis les États-Unis. Trois multinationales concentrent près de 80 % du marché mondial des médicaments dérivés du sang : les entreprises américaines Shire et CSL Behring, ainsi que la manufacture espagnole Grifols ([16]). Dans un contexte géopolitique et économique incertain, notre pays est de fait exposé à des risques de ruptures d’approvisionnement en cas de tensions sur le marché international ou de restrictions commerciales.
En outre, sous l’effet du vieillissement de la population, de l’augmentation de la prévalence des maladies chroniques et de l’évolution des pratiques médicales, les besoins en plasma sanguin devraient considérablement progresser dans les prochaines années. Dès lors, afin d’assurer la souveraineté sanitaire de la France en matière de produits sanguins, tout en garantissant une collecte éthique et sûre pour les donneurs et les receveurs, l’Établissement français du sang a mis en œuvre en 2024 le plan « Ambition plasma ». L’objectif assigné est d’être capable de livrer, d’ici 2028, 1,4 million de litres de plasma par an contre moins de 900 000 litres en 2024. Pour y parvenir, l’Établissement français du sang doit convaincre chaque année, à partir de 2028, 330 000 personnes de donner leur plasma de façon régulière. Elles sont seulement 150 000 aujourd’hui.
L’accent ainsi mis sur la collecte de plasma ne doit néanmoins pas aboutir à réduire les efforts pour constituer et maintenir dans le temps un vivier de donneurs réguliers de sang total. D’une part, les besoins en globules rouges restent élevés et ils doivent toujours trouver une réponse. D’autre part, les dons de plasma et de plaquettes sanguines ne peuvent être complètement isolés du don de globules rouges. Au contraire, le don de sang est souvent le point d’entrée vers le don de plasma ou de plaquettes. Il paraît donc indispensable, à l’échelle nationale, de poursuivre la mobilisation autour du don de produits sanguins afin d’assurer un approvisionnement régulier, équitable et sûr pour l’ensemble des patients et pour toutes les catégories de produits.
2. Un potentiel de donneurs important malgré les contraintes inhérentes à la collecte de produits sanguins
● En France, la procédure de don de sang, de plaquettes ou de plasma s’inscrit dans un cadre éthique et réglementaire rigoureux, fondé sur les principes de volontariat, d’anonymat et de non-rémunération.
Afin d’assurer la sécurité transfusionnelle, des critères médicaux stricts encadrent l’accès au don. L’éligibilité repose sur plusieurs conditions générales : être en bonne santé, être âgé de 18 à 70 ans selon le type de don, et peser au minimum 50 kilogrammes. Un entretien médical confidentiel, avant chaque don, permet de s’assurer de l’absence de contre-indication et du respect des délais minimaux entre deux prélèvements. Dans certaines situations, le don du sang est exclu de manière temporaire ou définitive : c’est le cas des individus ayant reçu une transfusion sanguine ou une greffe d’organe, ou encore de ceux susceptibles de transmettre des infections par le sang, telles que le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). D’autres facteurs, comme une infection, une fièvre, une intervention chirurgicale récente ou un voyage dans une zone à risque épidémique, entraînent une inéligibilité temporaire. Le don de sang est également exclu pendant la grossesse, et les femmes doivent respecter un délai post-partum minimal avant toute reprise du don ([17]).
Au cours de la période récente, diverses mesures sont intervenues pour élargir le vivier de donneurs. L’arrêté du 5 avril 2016 a ainsi modifié les critères d’éligibilité en ouvrant la possibilité de donner son sang aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ([18]).
La fréquence des dons est également encadrée afin de préserver la santé du donneur et de garantir la qualité des produits sanguins. Au cours d’une année civile, un donneur ne peut pas effectuer plus de vingt‑quatre prélèvements, tous types de dons confondus ([19]). Des délais stricts, variant de deux à seize semaines selon les prélèvements, doivent être respectés entre deux dons de nature différente. Sous réserve de l’absence de contre-indication médicale, la fréquence maximale de don de sang total est de six fois par an pour un homme et quatre fois par an pour une femme.
La durée nécessaire à la réalisation d’un don varie en fonction du type de prélèvement, mais elle demeure en général inférieure ou égale à deux heures. Le prélèvement de sang total dure en moyenne 8 à 10 minutes. Mais il implique une présence sur le lieu de prélèvement d’une durée comprise entre 45 minutes et une heure, pour l’entretien médical préalable et afin de bénéficier du temps de repos et de la collation prévenant la grande majorité des malaises consécutifs à l’opération. Le don de plasma nécessite quant à lui jusqu’à une heure de prélèvement, et donc environ 90 minutes de présence sur les lieux. Enfin, le don de plaquettes suppose un prélèvement d’une durée d’environ 90 minutes, soit deux heures de présence ([20]).
Le système français de collecte du sang repose donc sur l’existence d’un nombre suffisant de donneurs potentiels correspondant aux critères de sélection et sur leur disponibilité, à échéances régulières, pour la durée du prélèvement.
● Les donneurs de sang représentaient, en 2024, 3,5 % de la population en âge de donner. 17 % d’entre eux avaient donné pour la première fois. Si toutes les tranches d’âge sont représentées, les moins de 30 ans sont particulièrement impliqués : alors même qu’ils ne représentent que 21 % de la population en âge de donner, ils comptent pour près de 30 % de l’ensemble des dons. La répartition par sexe est relativement équilibrée – 53 % de femmes et 47 % d’hommes en 2023 ([21]).
RÉpartition des donneurs par tranches d’âge en 2024
Source : rapport d’activité 2024 de l’Établissement français du sang.
En moyenne, chaque donneur consent à 1,8 don par an. Ce chiffre varie toutefois selon les produits prélevés : 1,5 don par an pour le sang total, mais 2,4 dons par an pour le plasma et 2,2 dons par an pour les plaquettes.
Répartition des dons selon les produits sanguins récoltés en 2024
Source : rapport d’activité 2024 de l’Établissement français du sang.
La collecte des produits sanguins a lieu au sein des 107 maisons du don et à l’occasion des plus de 30 000 collectes mobiles animées par l’Établissement français du sang, qui permettent de solliciter une grande partie du territoire ([22]).
Répartition des collectes mobiles par type de collecte
Source : rapport d’activité 2024 de l’Établissement français du sang.
Afin d’optimiser la collecte, l’Établissement français du sang a créé une cellule interne dédiée à la géomatique. Cette structure spécialisée produit des cartes virtuelles dynamiques, mises à jour en temps réel, donnant ainsi de chaque région une vision claire et instantanée de la performance en matière de collecte. Cet outil est un levier stratégique essentiel à l’anticipation des besoins, à la détection rapide d’éventuelles tensions sur les réserves, et à l’adaptation des collectes de manière réactive et ciblée.
Cette carte met en exergue une répartition contrastée du don en France. L’est du pays se caractérise par un taux de dons élevé malgré un faible potentiel – en lien avec le nombre de donneurs. À l’inverse, le nord, l’Île-de-France et la Côte d’Azur, de même que les départements d’outre-mer, présentent un potentiel élevé mais largement inexploité. Ces disparités régionales suggèrent l’existence de marges de progression importantes dans certaines zones, où les leviers de mobilisation pourraient être renforcés.
INDICE DE GÉNÉROSITÉ SANG TOTAL ET DENSITÉ DE POPULATION
Source : rapport d’activité 2024 de l’Établissement français du sang.
Au regard de ces possibilités inexploitées, toutes les mesures permettant d’accroître le nombre de donneurs réguliers au sein de la population sont bienvenues pour renforcer la souveraineté sanitaire de la France.
3. Alléger les contraintes pour faciliter le don de produits sanguins
● L’objet de la présente proposition de loi consiste à faciliter l’accès au don de produits sanguins en réservant aux salariés et aux agents publics un temps dédié à cet acte solidaire, sans désorganiser le fonctionnement des entreprises et des administrations. Cette mesure lève un des principaux freins au don : le manque de temps, en lien avec les contraintes d’accès : lieu de collecte éloigné, horaires inadaptés, durée du prélèvement et des opérations – préalables et postérieures ([23]).
Afin de préserver le principe de gratuité du don, et dans un contexte où les critères de sélection des donneurs ont été largement assouplis, l’aménagement du temps de travail pour amener les salariés et les agents publics à participer à des collectes est une mesure simple pour aplanir les obstacles tenant aux obligations familiales et professionnelles. En effet, donner son sang, son plasma ou ses plaquettes nécessite du temps, une ressource souvent rare dans le cadre d’une activité professionnelle et d’une vie personnelle bien remplies. Cette initiative constitue un point d’équilibre entre l’incitation au don d’une part, la continuité du service public et de l’activité économique d’autre part.
D’autres pays ont mis en place de tels dispositifs à l’image de la Slovénie, où les salariés peuvent quitter le travail le jour du don sans perte de rémunération, leur absence étant indemnisée par l’assurance maladie ([24]). Ce modèle témoigne d’une reconnaissance institutionnelle de l’importance du don et d’une volonté de l’encourager par des mécanismes de compensation adaptés, en conciliant engagement solidaire et respect du cadre professionnel.
● La proposition de loi accorde le bénéfice d’autorisations d’absence rémunérées aux salariés ou aux agents publics participant à une collecte de sang sur leur temps de travail. Le rapporteur souligne toutefois qu’il ne s’agit aucunement de désorganiser le fonctionnement des entreprises ou des administrations. La participation des salariés et des agents publics restera nécessairement ponctuelle, en lien avec les délais minimaux à respecter entre deux dons, mais aussi au regard du nombre de dons moyen par an, situé entre 1,5 et 2,4 dons par donneur.
Afin de prévenir toute forme d’abus, le rapporteur entend proposer en séance publique, par voie d’amendement, un encadrement du dispositif, notamment en limitant le nombre d’absences à une par mois, en ajoutant que le salarié ou l’agent public doit se rendre vers le lieu de prélèvement le plus proche du lieu de travail, en imposant au salarié ou à l’agent public un délai de préavis de 48 heures, ou encore en permettant à l’employeur de ne pas autoriser l’absence pour des motifs tenant à l’organisation et à la continuité du service ou de l’activité.
Le rapporteur souhaite également garantir aux donneurs une meilleure protection de leur vie privée. Dès lors, il juge nécessaire de limiter le justificatif que l’employeur peut exiger à l’acte de candidature au don, qui ne précise pas si le don du sang a effectivement eu lieu ou si des contre‑indications médicales l’ont empêché.
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Adopté par la commission avec modifications
L’article 1er insère un article L. 1211‑4‑1 dans le code de la santé publique afin de créer des autorisations d’absence au bénéfice des salariés et des agents publics souhaitant se rendre à des collectes de sang. Ces autorisations d’absence sont de droit, et la rémunération du salarié ou de l’agent public se trouve maintenue.
La commission a encadré le dispositif en instaurant un délai de préavis de deux jours pour informer l’employeur, et en permettant à ce dernier de ne pas délivrer l’autorisation d’absence lorsqu’elle pourrait perturber l’organisation du service ou de l’activité économique. En outre, l’employeur peut solliciter un justificatif de candidature au don.
Le don de produits sanguins – sang, plaquettes ou plasma – est une cession de produits du corps humain au sens du livre II de la première partie du code de la santé publique et du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code civil.
● L’article 16‑1 du code civil affirme l’inviolabilité et l’indisponibilité du corps humain. Il en résulte, d’une part, qu’il « ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui » ([25]). D’autre part, « les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont nulles » ([26]) et « aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci » ([27]). À ce titre, le don de produits sanguins repose sur les principes de volontariat et de bénévolat.
Ces principes sont réaffirmés à l’article L. 1221‑1 du code de la santé publique aux termes duquel « la transfusion sanguine s’effectue dans l’intérêt du receveur et relève des principes éthiques du bénévolat et de l’anonymat du don, et de l’absence de profit ».
L’article L. 1221‑3 dudit code exige en conséquence le consentement du donneur avant tout prélèvement de sang, et précise qu’aucune « rémunération ne peut être allouée au donneur, sans préjudice du remboursement des frais exposés ».
● L’article L. 1211‑6‑1 du même code de la santé publique dispose que « nul ne peut être exclu du don du sang en dehors de contre-indications médicales » et notamment « en raison de son orientation sexuelle ». L’arrêté du 17 décembre 2019 détermine les conditions à remplir par les donneurs de sang :
– avoir entre 18 ans ([28]) et 70 ans ([29]) sans faire l’objet d’une mesure de protection juridique ;
– respecter l’intervalle minimal entre deux dons ([30]) ;
– respecter le nombre maximal de dons par an ([31]) ;
– respecter la limite de volume sanguin prélevé ([32]) ;
– respecter les caractéristiques cliniques et biologiques nécessaires comme l’absence de contre-indication, un poids minimum de 50 kilogrammes, un volume de sang total estimé égal ou supérieur à 5 litres, ou encore un taux d’hémoglobine minimal.
Parmi les principales contre-indications temporaires ou absolues, on trouve le fait d’avoir subi une transfusion sanguine ou une greffe au cours de sa vie, le fait d’avoir séjourné au Royaume-Uni pendant au moins un an entre 1980 et 1996, la grossesse, ou encore les risques associés à la transmission par la voie du sang d’une bactérie, d’un virus ou d’un parasite.
En application de l’article L. 1221‑2 du code de la santé publique, seuls l’Établissement français du sang et le centre de transfusion sanguine des armées sont autorisés à procéder à la collecte du sang humain.
● Aujourd’hui, ni le code du travail, ni le code général de la fonction publique, ni le code de la santé publique ne prévoient d’aménagements horaires ou d’autorisations d’absence pour permettre aux salariés ou aux agents publics de se présenter à une collecte de sang.
Les articles D. 1221‑1 à D. 1221‑4 du code de la santé publique indiquent simplement que, si le don du sang ne peut faire l’objet d’aucune rémunération directe ou indirecte, l’employeur d’un donneur qui participe à une collecte sur son temps de travail peut néanmoins maintenir sa rémunération au titre de l’activité professionnelle, sans que celle-ci ne soit considérée comme une contrepartie du don.
L’article unique crée un nouvel article L. 1211‑4‑1 au sein du code de la santé publique afin de faciliter la participation des salariés et des agents publics à des collectes de sang.
Le I autorise les salariés et les agents publics à s’absenter de leur lieu de travail en vue de participer à une collecte de produits sanguins.
Le premier alinéa du II prévoit le maintien de la rémunération du salarié ou de l’agent public pendant le don, bien qu’il soit alors absent de son lieu de travail, à condition que la durée totale de cette absence n’excède pas le temps nécessaire au déplacement vers le lieu de collecte, au prélèvement et aux opérations préalables – entretiens, examens médicaux – et postérieures – repos, surveillance, collation – à celui-ci.
Le second alinéa du II oblige, à la demande de l’employeur, le salarié ou l’agent public à présenter un justificatif de don, ou de déplacement vers le lieu de collecte dans l’hypothèse où celui-ci se serait présenté mais n’aurait pas pu donner en raison d’une contre-indication.
La commission a adopté l’article 1er dans une rédaction modifiée par différents amendements.
● À l’initiative du rapporteur, la commission a adopté deux amendements précisant que l’autorisation d’absence est de droit, de même que le maintien de la rémunération du salarié ou de l’agent public pendant son absence. Dans la rédaction initiale, ce dernier élément restait facultatif, ce qui pouvait constituer un frein à l’usage du dispositif.
● La commission a également adopté un amendement du rapporteur relatif aux relations de l’employeur et du salarié ou de l’agent public qui sollicite une autorisation d’absence.
Le salarié ou l’agent public doit désormais informer son employeur de son intention de s’absenter pour un don de sang dans le respect d’un préavis minimal de deux jours. En outre, il est expressément prévu que l’employeur puisse refuser l’autorisation d’absence, dès lors que l’organisation ou la continuité du service ou de l’activité économique s’en trouveraient significativement perturbée. Cet encadrement du dispositif, qui reste très souple, est de nature à dissiper la crainte d’une désorganisation des entreprises et des administrations, tout en préservant l’objectif fondamental de la proposition de loi : promouvoir efficacement le don de sang, de plaquettes et de plasma par une démarche incitative.
En outre, l’amendement réécrit la disposition relative au justificatif que peut réclamer l’employeur. C’est désormais l’acte de candidature au don, et non le don ou le déplacement vers le lieu de prélèvement, qui sera attesté. Cette nouvelle rédaction préserve la vie privée du salarié ou de l’agent public vis‑à‑vis de l’employeur, dans la mesure où elle ne dévoile aucune éventuelle contre-indication médicale dont le donneur n’a aucune obligation de faire état dans son activité professionnelle.
● Enfin, la commission a adopté divers amendements rédactionnels du rapporteur.
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Introduit par la commission
L’article 2 ordonne la remise d’un rapport au Parlement, dans un délai de deux ans, afin d’évaluer l’effet des autorisations d’absence crées à l’article 1er sur la sensibilisation des citoyens au don du sang et sur la fréquentation des lieux de collecte.
Le présent article est issu d’un amendement du rapporteur adopté par la commission. Il prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur les effets de la présente proposition de loi afin de mesurer la hausse attendue de la fréquentation des collectes de sang grâce aux autorisations d’absence accordées aux salariés et aux agents publics.
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Lors de sa première réunion du mardi 27 mai 2025, la commission examine la proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail (n° 732) (M. Pierre Cordier, rapporteur) ([33]).
M. le président Frédéric Valletoux. Je rappelle que la Conférence des présidents a souhaité que la proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail, que nous allons examiner, soit inscrite parmi les textes à caractère transpartisan qui seront discutés en séance publique à partir du mardi 3 juin.
M. Pierre Cordier, rapporteur. Cette proposition de loi a reçu, en Conférence des présidents, le soutien de neuf groupes sur les onze qui composent notre assemblée et a été placée en troisième position dans l’ordre d’examen des textes à caractère transpartisan en séance publique. Il est vrai que le don du sang est, par essence, un sujet qui transcende les clivages. Faire don de son sang est un acte profondément civique, un geste volontaire, anonyme et gratuit, qui traduit des valeurs de fraternité et de solidarité vis-à-vis de ses concitoyens.
Le don de sang soulève des enjeux majeurs de santé publique. Chaque année, 500 000 patients bénéficient d’une transfusion sanguine. Si l’on prend en compte les traitements utilisant des médicaments dérivés du plasma sanguin, ce sont près de 1 million de patients qui sont soignés annuellement par des produits sanguins. Le sang soigne les pathologies hématologiques, les cancers et sauve des vies grâce aux opérations chirurgicales. Il est donc essentiel d’assurer notre autosuffisance dans ce domaine et de ne pas dépendre de produits sanguins importés d’autres pays, notamment des États-Unis. Il y va de notre souveraineté sanitaire.
Au-delà de la dimension économique, dans un contexte marqué par la menace d’une guerre commerciale, cette question comporte des enjeux liés à l’éthique et à la qualité des produits sanguins que nous utilisons. Aux États-Unis, les donneurs de plasma sont rémunérés et encouragés à donner bien plus fréquemment qu’en France. Cette situation fait courir le risque d’une exploitation de la vulnérabilité économique d’une population qui, par nécessité financière, peut ne pas déclarer d’éventuels problèmes de santé, mettant ainsi en danger donneurs et receveurs. C’est la raison pour laquelle je souhaite réaffirmer notre attachement au modèle français du don du sang, fondé sur le bénévolat.
Sur le temps long, nos besoins en sang total diminuent tendanciellement. En revanche, nos besoins en plasma sanguin vont en s’accroissant ; la collecte nationale ne permet d’en couvrir qu’un tiers, les deux tiers restants faisant l’objet d’une importation en provenance des États-Unis, pour un coût annuel de plus de 400 millions d’euros pour la sécurité sociale.
Dans le cadre du plan Ambition plasma, l’Établissement français du sang (EFS) s’assigne l’objectif de pouvoir livrer 1 400 000 litres de plasma par an à partir de 2028, contre 900 000 litres aujourd’hui. Cela suppose de disposer de donneurs réguliers, sensibilisés à la question, tout en conservant un vivier de donneurs de sang total. En effet, la durée de conservation des produits sanguins est source de tensions permanentes, que l’EFS est chargé de gérer au quotidien. De plus, le don de sang total est souvent le point d’entrée vers le don de plasma ou de plaquettes.
Le don de sang est un acte contraignant, qui demande du temps : c’est le cas, en particulier, du don de plasma ou de plaquettes, qui nécessite au moins une heure. Les critères de sélection des donneurs sont en outre relativement stricts. La fréquence des dons ainsi que les délais minimaux à respecter sont très encadrés. Si le don de sang total peut être effectué dans le cadre des collectes mobiles organisées par l’EFS, le don de plaquettes ou de plasma doit être réalisé en maison du don, ce qui implique de se déplacer aux horaires d’ouverture.
Il faut améliorer l’accès de nos compatriotes aux collectes de sang et encourager la régularité du don, en particulier chez les jeunes et les actifs. Or il n’est pas toujours facile de trouver le temps nécessaire, entre les journées de travail et les contraintes personnelles.
L’EFS s’emploie déjà à améliorer le maillage territorial en lieux de prélèvement et à élargir les horaires d’ouverture des maisons du don. Nous devons toutefois compléter le dispositif en imaginant des solutions simples de nature à faciliter l’accès de nos concitoyens au don de sang. Tel est l’objet de la proposition de loi, qui vise à faciliter le don du sang sur le temps de travail grâce à des autorisations d’absence rémunérées par l’employeur.
Il ne faut pas imaginer qu’une partie des salariés ou des agents publics pourraient s’absenter une fois par semaine ; il s’agit plutôt de prévoir trois ou quatre absences par an, d’une durée d’environ une heure trente à deux heures – pas davantage. C’est un effort que l’on demande aux entreprises et aux services publics de consentir au nom de la souveraineté sanitaire de notre pays.
Cet aménagement simple, peu coûteux, pourrait grandement contribuer à améliorer nos stocks de produits sanguins et à encourager l’émergence d’une filière française de plasma.
Soucieux d’éviter tout abus susceptible de noircir le bel objectif de cette proposition de loi, je vous présenterai plusieurs amendements visant notamment à limiter la fréquence des autorisations d’absence à une par mois, à encadrer la distance maximale entre le lieu de prélèvement et le lieu de travail, à garantir l’information préalable de l’employeur grâce à un délai de préavis, à permettre à l’employeur de refuser d’accorder l’autorisation d’absence pour des motifs précis tenant à la continuité du service ou de l’activité économique et, enfin, à garantir le respect de la vie privée du salarié en lui évitant d’avoir à justifier d’éventuels problèmes de santé auprès de son employeur.
Nous ferons preuve d’un esprit d’ouverture concernant les autres amendements, tout en nous efforçant de tenir compte des impératifs du monde économique, dont nous connaissons les difficultés.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
M. Théo Bernhardt (RN). Le Rassemblement national souscrit sans réserve à l’ambition de ce texte, qui vise à faciliter l’accès des salariés au don du sang en leur permettant de s’absenter durant leurs heures de travail. La générosité n’exclut toutefois pas la lucidité. Une loi efficace doit concilier solidarité nationale et responsabilité économique. Or, dans sa rédaction actuelle, le texte ouvre un droit sans réellement prévoir les garde-fous qui devraient l’encadrer. Pour un employeur, en particulier dans une très petite, petite ou moyenne entreprise, deux ou trois absences imprévues le même jour peuvent désorganiser l’ensemble d’un service.
Nous ne soupçonnons pas nos concitoyens de vouloir abuser du dispositif mais nous estimons qu’il est du devoir du législateur d’anticiper d’éventuelles dérives pour que la mesure soit acceptée et donc pérennisée. Nous souhaitons introduire, à cet effet, un mécanisme de prévenance de soixante-douze heures qui laisserait à chaque employeur, y compris dans les petites structures, le temps minimal nécessaire pour ajuster ses équipes. Nous proposons également d’instaurer un plafond d’une autorisation d’absence par mois civil, tous types de prélèvements confondus, afin que l’organisation de l’entreprise ne soit jamais fragilisée. Enfin, nous souhaitons offrir à l’employeur, en cas de nécessité liée au fonctionnement de l’entreprise, la possibilité de reporter le don de sang par une décision écrite et motivée, dans une limite stricte de trente jours, afin d’éviter la survenue de tensions internes.
Nous regrettons que deux de nos amendements aient été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. L’un visait à protéger le salarié contre toute discrimination, l’autre à encourager les grandes entreprises à organiser chaque année une collecte de sang en concertation avec l’EFS. Nous espérons que l’esprit constructif qui inspire nos autres amendements retiendra votre attention. Le don du sang est l’affaire de tous : du salarié qui tend les bras, de l’employeur qui s’adapte et du législateur qui veille à l’équilibre. Grâce à ces ajustements, nous ferons de ce texte une loi réellement applicable et durable.
Mme Camille Gaillard-Minier (EPR). Cette proposition de loi vise à permettre aux salariés des secteurs public et privé de donner leur sang, leurs plaquettes ou leur plasma durant leur temps de travail. Par-delà son apparente simplicité, elle traite de questions cruciales liées à la santé publique, à la solidarité nationale et à la souveraineté sanitaire. Le don de sang n’est pas une question technique ni purement logistique : c’est un acte profondément humain, un geste de fraternité que notre République doit encourager, faciliter et valoriser.
Alors que notre système de collecte, bien que solide, est sous tension permanente, en particulier concernant le plasma, cette proposition de loi répond au besoin urgent de renouveler et de fidéliser le vivier de donneurs, de sécuriser notre approvisionnement en produits sanguins et d’adapter notre modèle aux évolutions de la société et du monde du travail. À l’approche de la journée de remerciement des donneurs de sang du 14 juin, ce texte est l’occasion de rappeler l’importance vitale de cet engagement motivé par la solidarité.
Cette proposition de loi ne bouleverse pas les équilibres existants. Elle ne crée pas de nouveaux droits exorbitants mais prévoit simplement que les salariés et les agents publics puissent bénéficier, à leur demande et en bonne intelligence avec leur employeur, d’une autorisation d’absence rémunérée pour se rendre sur un lieu de collecte de sang, de plasma ou de plaquettes. Permettre aux actifs de participer à cet effort, c’est reconnaître leur engagement citoyen, ancrer la solidarité dans le quotidien et faire de la fraternité un principe actif.
En inscrivant le droit au don dans le temps de travail, cette proposition de loi ouvre la voie à une culture du don dans la vie professionnelle et est de nature à favoriser l’émergence de nouveaux donneurs réguliers, fidèles et informés, qui assureront la pérennité de notre modèle. En facilitant le don, nous affirmons une République du soin et de la fraternité.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Ensemble pour la République soutiendra la proposition de loi.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Chaque année, 1 million de malades sont sauvés grâce au don de sang. Une heure de notre temps suffit à sauver trois vies. Le don de sang est donc un sujet majeur autant qu’une réalité fragile. Malgré un bilan financier positif en 2024, l’Établissement français du sang fonctionne à perte, ce qui l’empêche d’investir.
L’EFS souffre par ailleurs d’un déficit chronique de donneurs, si bien que la France n’est plus souveraine en matière de plasma. Près de 65 % du plasma utilisé dans notre pays provient des États-Unis, où il est prélevé sur des miséreux rémunérés, ce qui pose des problèmes éthiques.
Il est plus que temps de favoriser le don de produits sanguins sans que le patronat y mette un frein. Nous soutiendrons donc ce texte qui nous paraît aller dans le bon sens, car il vise à trouver de nouveaux donneurs.
Cela étant, cette proposition de loi manque d’ambition et comporte des angles morts. Ainsi, aucune sanction n’est prévue à l’encontre des employeurs qui ne respecteraient pas leurs obligations. Cela ouvre la porte à des discriminations à l’égard des salariés, d’autant plus que l’on attend toujours un renforcement des moyens de l’inspection du travail.
L’EFS n’a pas les moyens de recruter de nouveaux salariés pour effectuer les prélèvements, ce qui constitue un frein supplémentaire au développement des collectes. Lors des débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), nous avions proposé de revaloriser l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de 150 millions d’euros au bénéfice de l’EFS, mais vous avez préféré soutenir et voter le budget le plus austéritaire que l’on ait connu depuis des années.
Vous avez de même largement contribué à l’état de délabrement de nos hôpitaux, en particulier des services d’urgences comme celui de l’hôpital de Jossigny, où l’on peut être un patient prioritaire âgé de 79 ans et attendre cinq heures sur un brancard pour finir par mourir faute de soins. C’est dans ce même hôpital qu’a été battu le record de la plus longue attente aux urgences : en 2023, une personne a dû patienter vingt-trois heures cinquante. Sans urgences qui fonctionnent, à quoi servent les dons de sang ? La prochaine fois que nous voterons le projet de loi de finances ou le PLFSS, ne jouez pas les pique-sous et faites vos choix en partant des besoins !
M. Pierrick Courbon (SOC). Alors que la France a besoin de 10 000 dons de sang par jour pour répondre aux besoins de près de 1 million de patients par an, nous constatons, depuis 2015, une tendance à la baisse du nombre de donneurs parallèlement à une hausse de la demande, ce qui fragilise notre système de santé et met en péril de nombreuses vies. Cette crise silencieuse a pour conséquence directe et préoccupante de contraindre notre pays à importer 65 % de son plasma thérapeutique pour couvrir la demande, ce qui remet grandement en cause notre souveraineté sanitaire.
L’examen d’un texte relatif au don du sang est l’occasion pour les députés socialistes de rappeler leur attachement au modèle français et à son éthique fondée sur le triptyque « bénévolat, anonymat et gratuité ». Préserver ce modèle et tendre vers l’autosuffisance en matière de sang et de produits dérivés du sang suppose de tout faire pour inciter au don, faciliter la démarche de générosité et fidéliser les donneurs. Ce texte, bien que d’ambition modeste, y contribue.
Nous soutiendrons donc cette proposition de loi, que plusieurs de mes collègues et moi-même avons cosignée, tout en soulignant son insuffisance en l’état. L’article unique du texte ne garantit en effet ni l’égalité entre agents du public et salariés du privé, ni l’obligation de maintien de la rémunération pendant le temps du don, ni la simplification des démarches pour les donneurs, autant de points que nous proposerons de corriger par voie d’amendement.
Si ce texte va dans le bon sens, il est loin de répondre à l’Himalaya des besoins, notamment à ceux exprimés dans le cadre du plan Ambition plasma piloté par l’EFS. Pour assurer la bonne application de ce dernier, il faut que le Gouvernement et ses soutiens engagent d’importants moyens immobiliers, matériels et humains – il convient en particulier de créer de nouveaux centres de don. Lors de l’examen du dernier PLFSS, nous avions proposé d’octroyer à l’EFS les moyens nécessaires mais nos amendements avaient hélas été rejetés par le bloc central. Nous espérons qu’il en ira autrement dans quelques mois.
Mme Josiane Corneloup (DR). Le groupe Droite Républicaine soutient avec conviction cette proposition de loi qui vise à répondre à un impératif de santé publique en garantissant la souveraineté sanitaire de notre pays en matière de produits sanguins. Le texte réaffirme également les valeurs fondatrices de notre modèle du don que sont le volontariat, l’anonymat et la gratuité. Ces principes, qui reposent sur la solidarité, confèrent au modèle français un caractère éthique tout en assurant son efficacité. Il constitue un véritable choix de société que cette proposition de loi renforce.
Chaque jour, 10 000 dons sont nécessaires pour sauver des vies, accompagner les traitements de milliers de malades et répondre à des urgences chirurgicales ou hématologiques. Les besoins en produits sanguins décroissent tendanciellement avec le temps : en 2024, les cessions de concentrés de globules rouges entre l’EFS et les établissements de santé ont ainsi diminué de 4,5 % par rapport à 2023. Cette tendance ne doit toutefois pas masquer une réalité : le besoin de dons demeure constant et vital, notamment en matière de plasma et de plaquettes.
Seuls 3,52 % des Français en âge de le faire donnent leur sang. Trop souvent, les contraintes professionnelles empêchent nos concitoyens d’effectuer ce geste civique essentiel. Cette proposition de loi vise à les sensibiliser au don et à permettre aux salariés et aux agents publics de s’absenter pour faire don de leur sang, de leur plasma ou de leurs plaquettes.
Ce texte est équilibré. Il confère un droit qui doit être exercé en responsabilité ; il encadre strictement les absences, en les limitant à une par mois. Il prévoit un préavis, un justificatif et la possibilité pour l’employeur de s’opposer à une absence en cas de nécessité de service. Il protège également la vie privée du donneur sans porter atteinte à la bonne marche des entreprises et des administrations.
Nous vous proposerons, par nos amendements, d’aller plus loin, en associant à cette démarche les associations locales, qui effectuent un travail remarquable, les services de santé au travail et les comités sociaux et économiques, pour informer, sensibiliser et coordonner efficacement les collectes. Surtout, nous souhaitons assurer une reconnaissance pleine et entière de l’engagement des bénévoles, qui œuvrent chaque jour pour l’EFS.
Permettre, encourager, encadrer : telle est notre ambition. Donner son sang, c’est sauver des vies, mais aussi affirmer un choix de société fondé sur la solidarité et la fraternité. Nous appelons donc à une adoption large et unanime du texte.
M. Hendrik Davi (EcoS). Le don du sang est un acte vital. En 2024, quelque 2 700 000 dons ont été effectués, qui ont permis de soigner près de 1 million de personnes en France, parmi lesquels des patients soignés par des médicaments dérivés du plasma. Pourtant, le nombre de donneurs a baissé de 2,9 % en 2023, et la tendance s’est poursuivie en 2024.
Cette situation est surtout préoccupante pour le plasma, dont les usages thérapeutiques sont essentiels, en particulier en cas de déficit immunitaire, d’hémophilie, de maladie auto-immune et dans le cadre des nouveaux traitements contre le cancer. La collecte nationale de plasma ne couvre que 35 % des besoins. La France dépend donc fortement des importations de produits sanguins en provenance, notamment, des États-Unis. L’EFS a lancé en 2024 le plan Ambition plasma dans le but de collecter 1 400 000 litres de plasma chaque année d’ici à 2028, ce qui suppose de multiplier le nombre de donneurs réguliers par plus de deux.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. En permettant aux salariés de disposer de temps dédiés pour donner leur sang, elle remet en valeur un acte de solidarité essentiel trop souvent invisibilisé.
Cette avancée concrète ne constitue toutefois qu’un premier pas. De nombreux défis restent à relever. Nous devons tout d’abord veiller à garantir une plus grande diversité de donneurs ; à Marseille, par exemple, certaines personnes porteuses de groupes sanguins rares peinent à trouver des produits compatibles.
Il convient par ailleurs de rajeunir le vivier des donneurs. L’un des amendements que j’ai déposés vise ainsi à ce que les étudiants puissent également justifier de leur absence lorsqu’ils vont donner leur sang.
Le soutien aux bénévoles constitue un autre enjeu majeur car, sans eux, aucune collecte ne serait possible. Je présenterai un amendement qui vise à accorder cinq jours de congés rémunérés aux salariés souhaitant s’impliquer dans les associations de don du sang.
Il faut enfin financer l’Établissement français du sang. Le prélèvement de plasma coûte en effet plus cher que ce que l’EFS peut facturer et les dotations de l’État sont insuffisantes.
Il est essentiel de préserver ce modèle unique, fondé sur le bénévolat, l’anonymat, l’absence de profit et le consentement éclairé. Cela doit être une priorité de santé publique.
M. Nicolas Turquois (Dem). Le don de sang constitue un acte de solidarité indispensable. Cette forme d’engagement sauve des vies et doit être encouragée autant que possible. Force est pourtant de constater que la participation des actifs reste limitée. Les tensions sur les réserves persistent. Selon l’EFS, 10 000 dons sont nécessaires chaque jour, alors que moins de 4 % des Français en âge de donner effectuent un don chaque année. Notre groupe partage donc pleinement l’objectif de la proposition de loi.
Nous émettons toutefois des réserves quant à son efficacité et à ses éventuelles conséquences. Pour renforcer la collecte, l’EFS applique déjà une stratégie reposant sur l’élargissement des horaires, des campagnes de sensibilisation et la multiplication des collectes mobiles dans les entreprises. Ces efforts ont porté leurs fruits, comme l’attestent, notamment, la hausse significative du nombre de dons et l’engagement de nouveaux donneurs au cours des dernières années.
Il nous semble souhaitable d’améliorer les possibilités de don en privilégiant le développement de l’offre plutôt qu’en agissant sur la demande : en effet, créer un droit à l’absence généralisé ferait peser une contrainte importante sur les employeurs, sans concertation et sans garantie d’augmentation substantielle des dons. Il nous paraît préférable de miser sur des solutions plus souples et adaptées aux réalités du terrain, comme la signature de conventions entre les entreprises et l’EFS, l’organisation de collectes sur site pendant les temps de pause ou la valorisation du don volontaire. Soutenir la mobilisation des donneurs doit rester une priorité mais cela passe avant tout, à nos yeux, par des incitations et des partenariats plutôt que par une obligation généralisée sur le temps de travail.
En conséquence, notre groupe ne soutiendra pas ce texte en l’état.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). La France fait face à une pénurie de sang préoccupante. Selon l’EFS, 10 000 dons sont nécessaires chaque jour. Au cours des deux dernières années, seules 80 000 poches de sang étaient disponibles, ce qui est largement inférieur au seuil de sécurité recommandé. Ces dons permettent de sauver 1 million de malades par an. Ils sont utilisés notamment en cas d’hémorragie, d’accident, pour des opérations chirurgicales et des accouchements. Ils permettent également de soigner des patients aux besoins chroniques, atteints d’une maladie du sang ou d’un cancer. Or la France importe près de 40 % de ses produits sanguins, lesquels proviennent notamment de pays dans lesquels les prélèvements sont rémunérés, ce qui pose un réel problème éthique.
Cela met en lumière l’importance d’une mobilisation continue des donneurs pour maintenir un niveau de réserves suffisant et assurer les soins nécessaires à de nombreux patients. La proposition de loi, que j’ai cosignée, vise à faciliter l’accès au don de sang, de plaquettes ou de plasma en permettant aux salariés de s’absenter de leur entreprise pour effectuer un don. Elle constitue à ce titre une avancée essentielle.
En 2023, j’ai été l’auteure, en tant que députée européenne, du rapport sur la révision du cadre réglementaire relatif aux substances d’origine humaine, qui incluent le sang, le plasma, les tissus et les cellules. Dans ce texte, qui réaffirmait le principe fondamental du don volontaire et non rémunéré, je proposais de mieux communiquer et de faciliter les dons sur le temps de travail.
Cette proposition de loi s’inspire de la même philosophie. En effet, elle prévoit que les travailleurs ne sont pas rémunérés pour leur geste mais simplement protégés ; ils pourront accomplir cet acte solidaire sans subir de pénalité financière et sans devoir poser de congé. Il s’agit d’une reconnaissance concrète de la valeur du don, qui n’en altère pas la gratuité.
Les entreprises de plus de 500 salariés peuvent déjà organiser ponctuellement des collectes internes mais moins d’un salarié sur huit participe à ces initiatives, qui demeurent facultatives. Il est donc indispensable de créer un dispositif plus structurant, qui facilite réellement l’accès des salariés au don.
Le groupe Horizons & Indépendants soutient pleinement cette proposition de loi, dont le coût budgétaire pour l’État est quasiment nul et qui permettrait de couvrir les besoins des patients ainsi que de renforcer notre souveraineté sanitaire en sécurisant l’approvisionnement en sang, en plaquettes et en plasma.
M. le rapporteur. Monsieur Bernhardt, vous avez insisté sur la nécessité de prendre en compte les réalités du monde économique : c’est une préoccupation que nous partageons pleinement. Nous n’avons nullement l’intention de désorganiser les entreprises. Je présenterai plusieurs amendements visant à éviter toute dérive au sein de la sphère économique.
Madame Galliard-Minier, vous avez raison, cette proposition de loi se caractérise par sa simplicité – mais encore fallait-il penser à proposer ce dispositif. Les enjeux en matière de santé publique, de fidélisation des donneurs et de fraternité sont essentiels. Les personnes que nous avons auditionnées, qu’il s’agisse des représentants de l’EFS ou de donneurs de sang bénévoles – tels Jacques Allegra –, ont toutes témoigné de l’importance de ce texte, notamment pour les bénévoles qui se mobilisent au quotidien dans les territoires urbains comme ruraux. Comme vous l’avez souligné, les droits que nous proposons d’accorder ne sont pas exorbitants.
Madame Soudais, vous avez raison de rappeler qu’en donnant seulement une heure de son temps, on peut sauver trois vies. Par ailleurs, la souveraineté et l’indépendance de la France en matière de produits sanguins sont en effet essentielles. Nous souhaiterions, comme vous, que le texte aille plus loin ; il ne s’agit là que d’une première étape. Peut-être la situation évoluera-t-elle. Nous aurons par ailleurs la possibilité de déposer d’autres amendements d’ici à la discussion du texte en séance publique.
La question du recrutement, que nous avons soulevée lors de l’audition du président de l’EFS, se pose principalement dans les maisons du don mais aussi pour les collectes mobiles. La rotation des effectifs est élevée, car travailler dans une maison du don exige des agents des hôpitaux et de l’EFS une grande rigueur et, pour les collectes mobiles, une capacité d’adaptation à des horaires qui ne sont pas toujours simples.
Monsieur Courbon, vous avez rappelé que le don, dans le modèle français, repose sur la gratuité, l’anonymat et le bénévolat. Nous nous sommes fondés sur ces principes auxquels nous sommes très attachés. Nous ne souhaitons pas que le don de sang soit rémunéré, comme cela se fait dans quatre pays européens.
Madame Corneloup, les bénévoles jouent en effet un rôle essentiel dans les territoires. Chaque année, le don de sang total recule de 1 à 2 %, ce qui s’explique en partie par la baisse de la natalité, qui réduit la demande en poches de sang pour les accouchements. La proposition de loi se focalise notamment sur le don de plasma et de plaquettes.
Monsieur Davi, vous avez insisté, à juste raison, sur le fait que le plasma ne sert pas uniquement aux transfusions mais est également nécessaire à la fabrication de médicaments. Je suis conscient du fait que la proposition de loi ne réglera pas toutes les difficultés ; elle comporte sans doute des imperfections mais il faut la considérer comme une première étape. Elle aidera notamment à encourager le premier don, ce qui est un élément essentiel de la communication des équipes de bénévoles dans les territoires et de l’EFS.
Monsieur Turquois, le risque de désorganisation du monde économique ne m’a pas échappé. Nous avons sollicité les contributions de l’Union des entreprises de proximité, du Mouvement des entreprises de France (Medef= et de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Nous n’en avons obtenu, malgré les relances, qu’une seule, de la part du Medef, qui a appelé à la vigilance sur ce point.
Il ne s’agit pas de permettre aux salariés de dire à leur patron le matin, en arrivant sur leur lieu de travail, qu’ils partiront à 16 heures pour aller donner leur sang. Les amendements que je présenterai visent à introduire des garde-fous, destinés notamment aux petites et moyennes industries et entreprises (PMI-PME) et aux entreprises commerciales, dont l’activité peut être désorganisée en cas de notification tardive d’une absence. Aucune contrainte ne pèsera sur les entreprises, les commerçants et les artisans.
Faire de la politique, c’est faire des choix. Comme rien n’est tout blanc ni tout noir, il faut essayer de trouver le meilleur équilibre possible entre le besoin de plasma et de plaquettes, d’une part, et la nécessité de ne pas désorganiser le monde économique, d’autre part – nous sommes tous très conscients de cet impératif. Je ne désespère pas, chers collègues du groupe Les Démocrates, de vous faire changer d’avis lors de la présentation de mes amendements, ce qui permettrait d’adopter le texte à l’unanimité. Chacun pourrait ainsi se prévaloir, notamment lors des assemblées générales, de l’avoir soutenu.
Madame Colin-Oesterlé, il importe de renforcer les partenariats pour améliorer la communication dans les territoires. Les organisations et comités de bénévoles ne peuvent pas tout faire seuls. Ils consentent de gros efforts, avec l’aide des municipalités qui, souvent, prêtent une salle ou un support d’affichage à l’entrée de la commune. La circonscription que j’ai l’honneur de représenter compte une dizaine de ces comités de bénévoles, qui se donnent énormément de mal.
M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des autres orateurs.
M. Damien Maudet (LFI-NFP). Chaque année, 1 million de malades sont sauvés grâce à un don de sang. La proposition de loi, qui prévoit un congé pour donner son sang, va dans le bon sens. Comme me l’a indiqué Marie-José Robert, présidente de l’Union départementale des donneurs de sang bénévoles de la Haute-Vienne, de nombreuses antennes de l’EFS ne sont ouvertes que pendant les horaires de travail. Créer un congé offre aux salariés une protection. Mme Robert m’a raconté avoir été appelée par une responsable des ressources humaines souhaitant savoir combien de temps un employé de son atelier était resté pour faire son don du sang, ce à quoi elle n’a pas su répondre. Bénéficier d’un congé pour donner son sang, c’est permettre de le faire sans devoir rendre compte du temps qu’on y a passé.
Par ailleurs, il serait intéressant de travailler avec les entreprises pour qu’elles ouvrent davantage de locaux lors d’opérations de don de sang. À Limoges, certaines grandes sociétés, qui mettaient à disposition tous leurs sites, n’en ouvrent plus désormais que quelques‑uns.
Enfin, la question du manque de personnel et de financement se pose. On dénombre 200 postes non pourvus à l’EFS. Au Palais-sur-Vienne, on m’explique que l’EFS fonctionne à flux tendus et qu’il suffit qu’un chauffeur soit malade pour que la collecte soit annulée. En 2022, 2 174 collectes ont été annulées faute de personnel, ce qui représente 100 000 poches de sang.
Quelle réponse vous a été fournie à ce sujet ? Quelles sont les perspectives pour faire en sorte que l’EFS recrute davantage ? Il est ubuesque que des collectes de sang soient annulées en raison d’un manque de moyens lorsqu’il y a suffisamment de donneurs.
Mme Sylvie Bonnet (DR). Monsieur le rapporteur, votre travail approfondi a mis en lumière la pénurie importante de plasma, que nous étions nombreux à ne pas soupçonner. J’entends dire dans les collectes de la Loire que les salariés ont de plus en plus de mal à se libérer pour donner leur sang. Les donneurs bénévoles m’ont écrit il y a quelques jours pour me faire part de leur soutien unanime à la présente proposition de loi.
J’allais vous interroger sur les craintes éventuelles des employeurs mais les garde‑fous que vous venez de présenter sont tout à fait rassurants : ils garantissent en effet que la proposition de loi ne désorganisera pas les administrations et les entreprises. J’espère que nous l’adopterons à l’unanimité.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Monsieur le rapporteur, je salue votre implication sur la question du don du sang. Comme vous, je mesure l’engagement des bénévoles au sein des comités locaux. Sans le dévouement dont ils font preuve pour assurer le bon accueil des donneurs, la collecte n’aurait pas lieu. Je suis aussi attaché que vous au modèle français du don du sang, fondé sur le volontariat, l’anonymat et l’absence de rémunération, qui repose sur la générosité des donneurs et le dévouement des bénévoles.
Avez-vous eu des échanges préparatoires avec le Gouvernement sur l’encadrement de ce modèle dans la proposition de loi ? Comme vous l’indiquez page 14 de votre rapport, dans certains pays, l’assurance maladie compense les temps d’absence. Dans votre proposition de loi, ce temps est offert par les entreprises aux salariés, qui ne perdent aucune rémunération. Pourront-elles valoriser cette dépense auprès de l’État au titre du mécénat ? Comment conjuguez-vous le beau principe de la disponibilité pour donner son sang et l’attachement à notre modèle, qui est fondé sur la gratuité ? J’espère que nos débats nous rassureront sur cette exigence éthique à laquelle nous tenons, qui renvoie à la responsabilité sociale des entreprises.
M. le rapporteur. Monsieur Maudet, je vous précise que l’EFS a conclu des conventions avec des entreprises nationales – telles que la RATP, La Poste, la SNCF ou ADP. Il a également signé des accords, à l’échelon local, avec des sociétés relativement importantes qui permettent à l’antenne départementale de l’EFS de se rendre dans leurs locaux, sous réserve d’un nombre suffisant d’employés. En effet, les opérations de don du sang exigent la mobilisation d’une lourde logistique mais aussi la présence d’un certain nombre de personnels, chaque donneur étant interrogé sur ses antécédents médicaux.
Je suis très conscient qu’il faudrait davantage encourager ces partenariats sur le terrain, mais cela suppose des moyens. Le président de l’EFS nous a garanti que des recrutements auront lieu dans les prochains mois ou les prochaines années. Toutefois, il ne suffit pas de créer des postes et de les financer, il faut aussi les pourvoir. Or il n’est pas facile de trouver des personnels ayant envie de travailler à l’EFS.
Avec Sylvie Bonnet, je rends hommage au formidable travail des bénévoles, sans lesquels rien ne serait possible sur le terrain. Ils ne comptent pas leurs heures pour aménager les salles et disposer les indispensables collations pour les donneurs, avec lesquels ils partagent des moments de convivialité.
Comme moi, Thibault Bazin est élu dans un département au revenu par habitant modeste, où les personnes en difficulté représentent une part importante de la population. Il sait que ce sont souvent ces personnes-là – les cartes et les statistiques présentées dans mon rapport l’illustrent – qui font preuve de générosité lorsqu’il s’agit de donner son sang – même si, naturellement, elles ne sont pas les seules.
Il est possible d’offrir une contrepartie au monde économique par le biais du mécénat mais il faut veiller à ne pas bifurquer vers un système où l’on donnerait de l’argent aux entreprises pour qu’elles laissent partir leurs salariés ; en effet, cela pourrait remettre en cause le principe fondamental de la gratuité. Plusieurs options sont envisageables. Nous pourrions nous pencher sur la question au cours d’une prochaine étape ou examiner le sujet en séance publique si des amendements étaient déposés sur ce point. À l’heure actuelle, les donneurs sont éligibles à une compensation plafonnée à 7 euros mais j’imagine que très peu de ces personnes, qui ont la générosité dans le sang, en font la demande.
Article unique : Autoriser les salariés à participer à des collectes de produits sanguins sur leur temps de travail
Amendement AS30 de M. Pierre Cordier
M. le rapporteur. Cet amendement de précision rédactionnelle vise, au début de l’alinéa 2, à substituer aux mots « Chaque salarié privé et public peut s’absenter de son entreprise » les mots « Les salariés et les agents publics bénéficient d’une autorisation d’absence ».
M. Nicolas Turquois (Dem). Très attaché au don du sang, je suis gêné par la rédaction proposée. À titre d’exemple, comment des enseignants pourraient-ils s’absenter une heure dans une école rurale, où il est très difficile de se faire remplacer ? Je préfère l’organisation inverse, à savoir que l’on facilite les dons de sang à proximité du lieu de travail.
M. le rapporteur. Je défendrai un amendement mentionnant la continuité du service. Votre objection est recevable à l’aune du droit en vigueur, mais vous constaterez que mes amendements permettront de limiter les absences pour don de sang.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, l’amendement AS1 de M. Pierrick Courbon tombe.
La commission adopte l’amendement rédactionnel AS31 de M. Pierre Cordier.
Amendements AS32 de M. Pierre Cordier et AS7 de M. Théo Bernhardt (discussion commune)
M. le rapporteur. Mon amendement vise à encadrer le régime des autorisations d’absence en limitant leur nombre à une par mois et en précisant que le lieu de prélèvement doit se situer à une distance maximale – qui sera définie par décret – du lieu de travail. Cet encadrement du dispositif, qui reste très souple, permet de sécuriser les employeurs sans limiter trop fortement la possibilité offerte aux salariés de s’absenter pour donner leur sang. Rappelons qu’un donneur effectue en moyenne 1,5 don par an pour les globules rouges et 2,4 dons pour le plasma ; les hommes peuvent donner 6 fois par an et les femmes, 4 fois.
M. Théo Bernhardt (RN). Mon amendement vise à préciser que le salarié effectue son don dans le site de collecte le plus proche de son lieu de travail ou de son domicile. Cette garantie de bon sens est de nature à éviter les détours injustifiés, à limiter la durée de l’absence et à rassurer les petites entreprises, qui craignent que des demi-journées entières soient passées hors site. Le donneur conserverait une vraie liberté ; il pourrait choisir le centre le plus pratique, notamment un site mobile. De son côté, l’employeur serait tranquillisé par l’obligation de proximité. Nous conjuguerions ainsi efficacité sanitaire et responsabilité économique.
M. le rapporteur. L’amendement AS7 est satisfait par mon amendement. Demande de retrait.
M. Théo Bernhardt (RN). Mon amendement renvoie la définition de la distance maximale du lieu de travail à un décret. Je ne suis pas favorable au recours systématique au décret. En outre, la distance à un centre varie grandement selon que l’on se trouve en ville ou en zone rurale.
M. Hendrik Davi (EcoS). Notre groupe est opposé aux deux amendements, qui procèdent de la même logique. Leurs auteurs ont une vision du travail et des employeurs assez délétère. Les salariés ne cherchent pas à quitter leur poste à tout prix, surtout s’ils donnent leur sang. En outre, on ne donne pas son sang tous les jours.
Fixer un plafond d’une absence par mois enverrait un mauvais signal, d’autant que nous avons des difficultés à ouvrir des maisons du don et à aller vers les donneurs en zone rurale. Je comprends que l’on veuille rassurer les entreprises mais les donneurs de sang ou de plasma ne sont pas des lycéens qui demandent à aller à l’infirmerie pour louper le cours. Cette vision du salariat me pose problème.
M. Pierrick Courbon (SOC). Notre groupe est également opposé aux deux amendements, qui sont contraires à l’objectif de la proposition de loi. Celle-ci repose sur le constat d’une carence, notamment en dons de plasma, que la loi limite à vingt-quatre par aphérèse par an, espacés chacun de deux semaines au moins. Pourquoi interdire aux donneurs les plus assidus d’atteindre ce plafond alors même que nous manquons de plasma ?
S’agissant de la distance maximale, les amendements procèdent d’une défiance a priori vis-à-vis des salariés, considérés comme des personnes cherchant à tricher et à éviter de travailler sous couvert d’un don de sang, ce qui n’est pas exactement l’état d’esprit des personnes qui donnent leur sang. Surtout, nous sommes farouchement opposés à sa définition par décret, lequel pourrait exclure certains donneurs du périmètre de la proposition de loi, d’autant que certains d’entre eux, faute de maison du don à proximité, doivent parcourir plusieurs dizaines de kilomètres – à titre d’exemple, le nord du département de la Loire est distant de 80 kilomètres de Saint-Étienne.
M. Gabriel Amard (LFI-NFP). Si l’objectif de la proposition de loi est d’accroître les dons pour faire face aux besoins, il me semble logique que ce droit puisse s’exercer à l’identique dans l’entreprise et hors de celle-ci. La loi limitant le nombre de dons à vingt‑quatre par an, je ne vois pas où est le risque de dérive.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). L’amendement du rapporteur soulève deux questions. Premièrement, il sera difficile de définir la distance maximale. Cela doit se faire en bonne intelligence entre le salarié et l’employeur ; en outre, il faut nécessairement distinguer les zones rurales et urbaines. De surcroît, cela implique une forme de flicage n’augurant rien de bon de l’application de cette nouvelle disposition dans le monde de l’entreprise.
Deuxièmement, s’agissant du nombre de dons, il faut concilier, dans ce texte, la nécessité de collecter davantage de sang et de plasma, d’une part, et la bonne organisation de l’entreprise, d’autre part. Un don de plasma nécessite une heure et demie, soit environ une demi‑journée si l’on inclut le déplacement. Il est donc souhaitable de limiter le nombre de dons, d’autant que la personne peut en faire d’autres pendant son temps libre – tel est l’objet de l’amendement AS23, que je défendrai ultérieurement.
M. le rapporteur. On dénombre, en moyenne, 1,5 don de sang total et 2,4 dons de plasma par an. La proposition de loi permettrait d’en réaliser un par mois, soit douze par an, ce qui augmenterait significativement la moyenne.
Par ailleurs, rien n’empêche un salarié de donner son sang une fois sa journée terminée ou le samedi matin. J’ai sous les yeux les horaires d’ouverture de la maison du don de Charleville-Mézières et de la collecte mobile : ils permettent d’accueillir une personne à l’issue de sa journée ou de sa semaine de travail.
Recourir au décret permet de s’adapter à la diversité des territoires sans énumérer fidèlement les caractéristiques de la géographie française dans la proposition de loi. Je fais confiance au pouvoir réglementaire pour définir la bonne distance. Tout ce qui peut augmenter les moyennes précitées est bon à prendre.
Il ne s’agit pas de restreindre la possibilité offerte aux salariés, mais d’encadrer un peu les choses. Cela étant, nous ne souhaitons pas réduire la portée du texte en l’assortissant de conditions trop nombreuses. Les présidents de l’EFS et de la Fédération française pour le don de sang bénévole se sont montrés satisfaits des modalités du texte et des amendements que je défends.
Ce texte ne restreint pas la liberté, au contraire. Qui peut le plus peut le moins ; même si le texte n’est pas parfait et n’établit pas de distinction entre les plaquettes, le plasma et le don total, c’est une première marche pour encourager au don.
M. Théo Bernhardt (RN). En relisant votre amendement, monsieur le rapporteur, je vois qu’il autorise une absence par mois civil. Par cohérence avec les règles de l’EFS, ne serait-il pas préférable de prévoir trente jours glissants ?
M. le rapporteur. Nous aviserons d’ici à la séance.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements AS11 de M. Théo Bernhardt et AS23 de Mme Camille Galliard‑Minier, sous-amendement AS43 de M. Pierre Cordier (discussion commune)
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il est important de concilier la générosité du salarié et l’organisation du travail en entreprise. En audition, il a été rappelé qu’un donneur donnait son sang, en moyenne, 1,5 fois par an, ses plaquettes, 2,2 fois et son plasma, 2,4 fois. Je propose de limiter le nombre d’absences à quatre par an, ce qui permettrait de donner son sang à une fréquence deux fois supérieure à la moyenne actuellement constatée.
M. le rapporteur. Il faut laisser de la souplesse à chaque donneur. La limite de quatre par an est tout à fait insuffisante au vu des besoins estimés par le président de l’EFS et par la Fédération française pour le don de sang bénévole. J’ai déposé un sous-amendement qui vise à revenir à douze absences par an, soit une par mois, comme je l’avais proposé initialement. Nous verrons ensuite s’il est préférable de fixer ce quota sur trente jours glissants.
Avis défavorable sur l’amendement AS11 et avis favorable sur l’amendement AS23, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
M. Hendrik Davi (EcoS). Vous allez nous faire regretter d’avoir rejeté l’amendement précédent ! Quatre absences par an, cela ne paraît pas dramatique eu égard à la limite annuelle au don de sang – six pour les hommes, quatre pour les femmes –, mais le problème concerne les dons de plasma. Actuellement, celui-ci est importé des États-Unis, où les donneurs sont rémunérés – il s’agit, pour l’essentiel, de Mexicains sous-alimentés qui traversent la frontière pour donner leur sang afin de survivre ; au-delà de la dimension éthique, les conditions dans lesquels le plasma est recueilli sont donc loin d’être idéales. Nous avons à Arras une usine de traitement de plasma qui a coûté près de 1 milliard d’euros : utilisons-la ! Quatre dons de plasma par an, cela ne va pas.
M. Nicolas Turquois (Dem). Monsieur le rapporteur, je porte cette démarche à votre crédit, mais, chez moi, les PME vont encore se dire qu’on leur complique la vie. L’un de nos collègues a demandé pourquoi on limitait le nombre d’absences puisqu’on peut faire vingt‑quatre dons de plasma par an. Trouvez-moi un seul donneur en France qui ait fait vingt‑quatre dons de plasma dans l’année ! Je connais bien le don du sang, personne ne va jusque-là. La proposition de Mme Galliard-Minier constitue un bon équilibre, dans un premier temps, entre la prise en compte des interrogations des chefs d’entreprise – que je partage, pour en être un moi-même – et la nécessité de remédier au manque de plasma en France.
Mme Stéphanie Rist (EPR). Nous souhaitons tous qu’il y ait plus de donneurs pour sauver des vies. Le fait que l’entreprise prenne en charge une demi-journée d’absence incitera peut-être certaines personnes à aller donner leur sang ou leur plasma. Néanmoins, cela reviendrait à accorder six jours d’absence par an, ce qui n’est pas anodin pour une PME. Il faut inciter les gens à donner sur leur temps personnel une fois qu’ils en auront pris l’habitude.
Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Il y a un juste équilibre à trouver entre l’incitation au don et les contraintes des entreprises. Soyons optimistes : pour les personnes qui n’ont jamais donné leur sang, ce texte jouera peut-être le rôle d’un déclencheur. Cependant, on peut aussi donner les jours où l’on ne travaille pas. Ces journées de don sur le temps des entreprises sont un moyen d’inciter et de communiquer, pas une fin en soi.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Je ne comprends pas cette suspicion à l’égard des salariés. On parle, au pire, de six absences, soit trois jours dans l’année : ce n’est quasiment rien ! On veut surveiller les salariés à tous les niveaux mais on ne se soucie absolument pas de l’application effective des obligations des employeurs. Alors que l’on a besoin de dons réguliers, notamment de plaquettes, dont la durée de vie est courte, pour traiter des malades du cancer, nous devrions plutôt nous concentrer sur la protection des salariés contre les discriminations auxquelles ils peuvent être confrontés lorsqu’ils veulent aider la société.
M. le rapporteur. Je remarque qu’au début de la réunion, tout le monde trouvait le texte formidable, puis qu’à présent, on veut tout détricoter.
La philosophie du texte n’est pas d’obliger le salarié à prendre sur son temps de travail pour aller donner son sang douze fois par an. Monsieur Turquois, vous qui connaissez bien le don du sang, savez-vous combien il y a de donneurs, en moyenne, lors d’une collecte mobile dans un territoire comme le mien – les Ardennes –, où les bassins de vie oscillent entre 10 000 et 15 000 habitants ?
M. Nicolas Turquois (Dem). Je dirais entre cinquante et soixante.
M. le rapporteur. C’est cela. Une fois que l’on a retiré les jeunes et les retraités – je rappelle que l’âge limite pour donner son sang a été relevé à 70 ans –, combien de salariés cela va-t-il concerner ? Très peu. Il faut relativiser : comme l’a dit le président de l’EFS, il s’agit d’un encouragement au premier don. Il n’est pas question de donner exclusivement sur son temps de travail.
Mme Galliard-Minier propose d’abaisser le plafond de douze à quatre absences : j’aurais aimé en être informé plus tôt. Ce n’est pas un bon compromis car il n’est pas certain que cela fasse beaucoup augmenter les dons. Je rappelle que la moyenne annuelle est de 1,5 don de sang et de 2,4 dons pour le plasma. Nous avons posé clairement la question au président de l’EFS ; c’est lui qui a évoqué le nombre de douze. Je vous demande de faire preuve d’un peu de souplesse. Les patrons de PMI-PME étaient inquiets au départ, mais j’ai rassuré le président du Medef local en évoquant les dispositions contenues dans mes amendements.
M. Théo Bernhardt (RN). Madame Soudais, nous ne faisons preuve d’aucune suspicion générale envers les salariés : au contraire, nous les incitons à donner jusqu’à douze fois par an, contre une à trois fois actuellement. Il s’agit simplement d’éviter les dérives, certes rares, qui accompagnent tout dispositif.
M. le rapporteur. Afin de préciser les choses, je propose de sous-amender l’amendement de Mme Galliard-Minier afin de substituer au mot « quatre » le mot « douze ».
L’amendement AS11 est retiré.
La commission adopte le sous-amendement puis rejette l’amendement AS23 sous‑amendé.
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Lors de sa seconde réunion du mardi 27 mai 2025, la commission poursuit l’examen de la proposition de loi permettant aux salariés de participer aux collectes de sang, de plaquettes ou de plasma sur leur temps de travail (n° 732) (M. Pierre Cordier, rapporteur) ([34]).
Article unique (suite) : Autoriser les salariés à participer à des collectes de produits sanguins sur leur temps de travail
Amendement AS33 de M. Pierre Cordier, sous-amendements AS42 de M. Théo Bernhardt et AS44 de M. Pierrick Courbon, et amendements AS8 et AS9 de M. Théo Bernhardt (discussion commune)
M. Pierre Cordier, rapporteur. Mon amendement ajoute un alinéa après l’alinéa 2 afin d’apporter trois précisions.
Il prévoit que le salarié ou l’agent public devra informer son employeur de sa volonté de se rendre à une collecte de sang au moins quarante-huit heures à l’avance.
Il offre à l’employeur la possibilité de refuser l’octroi de l’autorisation d’absence, mais uniquement pour des motifs liés à l’organisation ou à la continuité de l’activité économique ou du service. Il s’agit d’éviter que les absences ne se concentrent au même moment ou que le déplacement ait lieu lors d’une journée particulièrement chargée.
Enfin, il réécrit l’alinéa 4 de l’article unique selon lequel le salarié « fournit un justificatif de son don ou de son déplacement » pour ne conserver qu’une référence à la candidature au don, conformément à une proposition de la Fédération française pour le don de sang bénévole visant à mieux garantir le respect de la vie privée du salarié. Ainsi, l’employeur ne pourra pas savoir si des problèmes médicaux ou des contre-indications ont éventuellement fait obstacle au don. Seul serait pris en compte le fait que salarié s’est présenté à l’accueil et a passé l’entretien préalable.
M. Théo Bernhardt (RN). Mon sous-amendement vise à étendre le délai dont dispose le salarié pour prévenir son employeur de deux jours à trois jours ouvrés, afin de prendre en compte les week-ends et les jours fériés ; mon amendement AS8 propose de le fixer à soixante-douze heures. Quant à mon amendement AS9, il permet à l’employeur de reporter l’autorisation d’absence dans les trente jours suivant la demande émise par le salarié.
M. Pierrick Courbon (SOC). Mon sous-amendement vise à supprimer la troisième phrase de l’amendement car les termes de « justificatif de candidature au don », nous paraissent ambigus : l’un fait référence à la phase qui se situe après le don – le justificatif concerne le bon accomplissement d’une démarche – et, l’autre, celle qui se situe avant – la candidature désigne le fait de déposer une demande en amont. Par ailleurs, on ne saurait être candidat à un don : on se présente à un centre de collecte en vue du don. Il faudra donc trouver une autre rédaction d’ici à la séance. Cela dit, je suis prêt à le retirer car je suis d’accord avec la logique qui a motivé la reformulation proposée par le rapporteur.
M. le rapporteur. Monsieur Courbon, je suis d’accord pour qu’on revoie cette formulation d’ici à la séance et vous remercie pour le retrait de votre sous-amendement.
Sur votre sous-amendement, monsieur Bernhardt : sagesse. Si le salarié fait sa demande un vendredi, il peut en effet être difficile à employeur de s’organiser pour le lundi. Quant à vos amendements AS8 et AS9, je vous demanderai de les retirer.
M. Pierrick Courbon (SOC). Je suis défavorable aux propositions de notre collègue Bernhardt : deux jours semblent un délai raisonnable. Introduire trop de critères viendrait limiter l’effet incitatif que nous recherchons.
M. Théo Bernhardt (RN). Il faut prendre en compte le caractère ouvré des jours pour faciliter l’organisation de l’employeur.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Peut-être pourra-t-on ajouter en vue de la séance le mot « ouvrés » mais restons-en à un délai de deux jours.
Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir pris en compte la proposition faite lors des auditions s’agissant du justificatif : ainsi, le salarié ne risque pas d’avoir à expliquer les raisons pour lesquelles il n’a pas pu donner son sang. Par ailleurs, pour éviter le mot « candidature », je vous signale qu’ont été proposés les termes d’« attestation de présentation au don ».
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Je trouve gênant que l’amendement ne prévoie pas de moyens coercitifs pour obliger l’employeur à motiver sa décision alors que pour le salarié, il n’y a que des contraintes supplémentaires sans possibilité de recours. Comment parviendra-t-on, dans ces conditions, à atteindre les objectifs de cette proposition de loi ?
M. Théo Bernhardt (RN). Pourquoi la logique de la suspicion que vous refusez de voir appliquée aux salariés vaudrait-elle pour les employeurs ? Ils sont capables de s’organiser correctement, à condition d’être notifiés des absences par avance.
M. le rapporteur. Je ne comprends pas votre remarque, madame Soudais, puisque l’amendement prévoit que « l’employeur peut s’y opposer pour des motifs tenant à l’organisation et à la continuité du service ou de l’activité économique ». La nécessité d’une justification est bien prise en compte. Faire entrer des considérations de philosophie politique dans ce débat me gêne : n’allons pas voir dans les relations entre salariés et employeurs une lutte des classes entre ouvriers et patrons. Ce n’est pas donner un spectacle agréable à celles et ceux qui nous regardent. Comptons sur le sens des responsabilités des chefs d’entreprise et sur la conscience professionnelle des salariés, qui ont aussi la possibilité d’aller donner leur sang en dehors de leurs heures travail. Restons-en à l’idée que ce texte appelle simplement quelques aménagements.
M. Pierrick Courbon (SOC). Monsieur le rapporteur, nous défendons nos points de vue dans un esprit constructif et nous pouvons assumer nos divergences. Quelle que soit la bonne volonté manifestée par les uns et par les autres dans une entreprise, employeur et employé ne sont, par définition, pas sur un pied d’égalité puisque le contrat de travail suppose un lien de subordination – ce n’est ni un gros mot, ni une manifestation de la lutte des classes. Le travail du dimanche, par exemple, fait l’objet de fortes incitations de la part de certains employeurs alors qu’aux termes de la loi, il n’est qu’une possibilité. Il me semble donc nécessaire à moi aussi de prévoir que les employeurs justifient leur refus. Si l’on pose pour condition pour les salariés de ne pas se rendre dans un centre situé dans un rayon de plus tant de kilomètres, pourquoi les employeurs n’auraient-ils qu’à invoquer des « motifs impérieux » sans avoir à les justifier ? Le dialogue social dans une entreprise peut appeler des explications complémentaires.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Si tout était si rose dans le monde de l’entreprise, nous pourrions nous passer de la justice prud’homale et nous n’aurions pas non plus à légiférer pour encadrer le don de sang des salariés. Prévoir que l’employeur ait à justifier son refus est essentiel, je le sais d’expérience.
Le sous-amendement AS44 ayant été retiré, la commission rejette le sous‑amendement AS42 puis adopte l’amendement AS33.
En conséquence, les amendements AS8 et AS9 tombent.
Amendements AS35 de M. Pierre Cordier et AS2 M. Pierrick Courbon (discussion commune)
M. le rapporteur. Mon amendement est rédactionnel.
M. Pierrick Courbon (SOC). L’amendement du rapporteur est loin d’être simplement rédactionnel. Il touche au cœur de cette proposition de loi, la rémunération du salarié pendant la durée consacrée au don, en prévoyant qu’elle soit maintenue alors que, selon la rédaction actuelle, elle peut seulement l’être. Notre amendement va dans le même sens.
M. le rapporteur. Votre amendement est en effet satisfait par mon amendement, qui impose bien une obligation de maintien de la rémunération en remplaçant « peut être » par « être ».
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Il est bon que cette garantie de maintien soit introduite : il faut que la rémunération ne soit pas seulement possible, mais obligatoire.
La commission adopte l’amendement AS35.
En conséquence, l’amendement AS2 tombe.
La commission adopte ensuite les amendements rédactionnels AS38, AS34, AS39 et AS36 de M. Pierre Cordier.
L’amendement AS40 de M. Pierre Cordier, rapporteur, est retiré.
Amendement AS24 de Mme Camille Galliard-Minier
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Vous venez de retirer l’amendement AS40 qui visait à supprimer l’alinéa 4, ce qui paraissait logique compte tenu des modifications apportées par l’amendement AS33 qui fait porter le justificatif non sur le don mais sur la candidature du salarié au don. Mais dès lors que cet alinéa est maintenu, je vais défendre mon amendement qui supprime les termes « de son don » pour limiter l’objet du justificatif au déplacement.
M. le rapporteur. L’adoption de l’amendement AS33 rend votre amendement sans objet.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Le problème, c’est que l’alinéa 4, qui fait référence au justificatif de don, est maintenu alors que vous avez dit vouloir supprimer cette formulation.
M. le rapporteur. En effet. J’aimerais que l’amendement AS40 soit à nouveau soumis à notre discussion, monsieur le président.
M. le président Frédéric Valletoux. Je vais accéder à votre demande, monsieur le rapporteur, car il me semble en effet qu’il a été trop vite retiré.
Amendement AS40 de M. Pierre Cordier
M. Pierrick Courbon (SOC). L’erreur originelle vient de la troisième phrase de l’amendement AS33 qui a introduit la notion de « justificatif de la candidature au don fourni par le salarié ». Mon sous-amendement proposait de la supprimer, car elle revenait à faire de ce quatrième alinéa un doublon maladroit. En séance, je proposerai à nouveau cette suppression : il serait bon de réserver les modifications concernant le justificatif à cet alinéa 4, ce qui nous permettrait d’ailleurs d’introduire les termes d’« attestation de présentation ».
M. Nicolas Turquois (Dem). Qu’une candidature fasse l’objet d’un justificatif pose problème en effet : pourquoi le salarié devrait-il apporter la preuve à son employeur qu’il demande à faire un don ? Ce justificatif ne doit pas non plus porter sur le don en tant que tel car il peut être in fine refusé. Il serait plus pertinent que ce soit la présentation effective du salarié au centre qui fasse l’objet d’une justification auprès de l’employeur.
M. le rapporteur. Il nous faudra utiliser un autre mot que « candidature », qui ne me semble pas approprié à un don de sang ; nous y reviendrons en séance.
M. Pierrick Courbon (SOC). Il me semble que M. Turquois introduit une nouvelle condition. Le salarié devrait d’abord – si j’ai bien compris son propos – attester l’organisation d’une collecte à l’appui de sa demande d’autorisation d’absence, puis produire la preuve qu’il s’est bien présenté au don. Un tel dispositif serait très restrictif.
M. Nicolas Turquois (Dem). Non, dans mon esprit, le salarié ferait part oralement à son employeur de sa volonté de se rendre à la collecte et produirait, après le don, un justificatif prouvant qu’il s’y est bien rendu.
M. Pierre Cordier (DR). Voilà : il justifierait a posteriori qu’il s’est présenté à la collecte.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements AS24 de Mme Camille Galliard-Minier, AS5, AS4 et AS6 de M. Pierrick Courbon et AS19 de Mme Ersilia Soudais tombent.
Amendement AS26 de Mme Sylvie Dezarnaud
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur. L’amendement, qui tend à préciser que l’organisation des collectes est coordonnée avec les associations locales de donneurs de sang bénévoles, est satisfait, comme cela est d’ailleurs indiqué dans l’exposé sommaire. En effet, l’Établissement français du sang (EFS) s’appuie beaucoup sur les associations locales, surtout dans les zones rurales, où il est nécessaire de mobiliser la population en amont de la collecte.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS25 de Mme Sylvie Dezarnaud
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est défendu.
M. le rapporteur. Il s’agit de préciser que l’EFS doit faciliter l’organisation de collectes mobiles de sang dans les territoires ruraux, insulaires ou montagneux. Je souscris à cet objectif, mais il convient de tenir compte des contraintes techniques et financières qui s’imposent à l’EFS. Celui-ci organise des collectes de sang dans les endroits où le vivier de donneurs potentiels est suffisamment important, faute de quoi le coût du déplacement et de l’organisation de la collecte dépasserait le gain qui en résulte.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS27 de Mme Sylvie Dezarnaud
Mme Josiane Corneloup (DR). L’amendement est défendu.
Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement AS15 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Compte tenu de la nécessité de rajeunir la population des donneurs, nous proposons d’étendre le dispositif de l’article unique aux étudiants en leur accordant des autorisations d’absence pour don de sang. Cette mesure symbolique – son coût serait nul – est néanmoins importante en ce qu’elle favoriserait la constitution d’un nouveau vivier de donneurs.
M. le rapporteur. Je comprends votre objectif, mais la situation des étudiants n’est pas la même que celle des salariés et des agents publics, auxquels est circonscrit l’objet de la proposition de loi.
Même si les études sont prenantes et ne se limitent pas aux cours en amphithéâtre, un étudiant n’a pas les mêmes contraintes horaires qu’un salarié ou un agent public. De plus, des collectes mobiles sont très souvent organisées sur les campus universitaires – comme récemment à Charleville-Mézières –, ce qui encourage beaucoup de jeunes à donner leur sang : 30 % des donneurs annuels ont moins de 30 ans.
La population qu’il est le plus difficile à encourager à donner son sang est celle des actifs, en raison des contraintes professionnelles et personnelles auxquelles ils sont soumis. C’est pourquoi c’est le public visé par la proposition de loi.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
M. Hendrik Davi (EcoS). Le symbole est important : je maintiens l’amendement.
M. Nicolas Turquois (Dem). Certes, de nombreuses initiatives sont prises sur les campus pour encourager le don de sang. Mais si la mesure proposée peut inciter des étudiants à faire le premier don, qui est le plus dur, et favoriser une émulation, j’y suis plutôt favorable – moyennant une modification rédactionnelle pour remplacer le justificatif « de don » par un justificatif de présentation au don.
M. Thibault Bazin, rapporteur général. Je comprends l’idée. Il est vrai que le renouvellement des donneurs est un enjeu. Toutefois, il ne me paraît pas nécessaire d’adopter ce dispositif pour inciter les jeunes à donner : ils le font déjà, comme on peut le constater dans les comités locaux. Dans ma circonscription, l’un de ces comités est même présidé par une donneuse de 20 ans.
Par ailleurs, les horaires des étudiants ne sont pas aussi contraignants que ceux des salariés et des collectes sont souvent organisées aux abords des universités afin que les étudiants puissent s’y rendre pendant les pauses, avant ou après leurs cours. Il ne me semble donc pas opportun de leur permettre de s’absenter des activités obligatoires.
Enfin, si l’on veut que la navette aboutisse, mieux vaut éviter d’adopter des mesures telles que celle-là, qui sortent du périmètre du texte.
M. Théo Bernhardt (RN). L’idée est louable et nous pouvons tous nous accorder sur la nécessité d’un rajeunissement des donneurs. Mais cet amendement ne correspond pas à l’objet du texte. Je me demande du reste pourquoi il n’a pas été déclaré irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution, alors que certains des miens, qui avaient pourtant un lien avec la proposition de loi, l’ont été – mais c’est un autre débat.
Au demeurant, les établissements d’éducation – universités, lycées, centres de formation d’apprentis... – organisent déjà très régulièrement des collectes de produits sanguins, et les étudiants, notamment à l’université, ont des horaires qui leur permettent d’y participer.
La commission rejette l’amendement.
Amendement AS20 de M. Bérenger Cernon
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Les travailleurs des services essentiels – soignants, cheminots, professeurs… – font tourner le pays. Sans eux, pas de services publics. Or leurs contraintes horaires rendent très difficile, voire impossible, leur participation à cet acte très important qu’est le don du sang. Nous proposons donc qu’ils bénéficient du droit de s’absenter pour faire un don ou d’un temps de récupération si ce don est effectué en dehors de leurs horaires de travail, à raison d’une demi-journée pour un don de sang ou de plasma et d’une journée pour un don de plaquettes. C’est bien peu, au regard de ce qu’ils donnent au pays par leur travail. Ce serait non seulement une mesure de justice, mais aussi une mesure d’intérêt général.
M. le rapporteur. Vous proposez de créer un congé don du sang, en quelque sorte, pour les personnes qui travaillent pour des opérateurs fournissant un service essentiel, c’est‑à‑dire, dans votre esprit, ceux pour qui il est difficile de s’absenter de leur poste de travail en journée, même avec l’accord de leur employeur.
Je comprends l’esprit de votre amendement, mais il créerait une distorsion majeure entre ces salariés et les autres travailleurs. De plus, quelle différence y a-t-il entre une autorisation d’absence sur temps de travail et une demi-journée de congé supplémentaire si la personne ne peut pas se permettre de ne pas se rendre au travail en raison du caractère essentiel de son emploi ?
Avis défavorable.
M. Bérenger Cernon (LFI-NFP). Je n’invente rien. J’ai été conducteur de train pendant dix-sept ans à la SNCF : vous vous doutez bien que je ne pouvais pas arrêter mon train pendant deux heures pour aller donner mon sang. Notre accord d’entreprise prévoyait donc une demi-journée de récupération pour les salariés qui effectuait un don de sang ou de plaquettes. Si l’objectif de la proposition de loi est d’inciter les salariés à donner leur sang ; elle doit donc comporter un dispositif pour les travailleurs des services essentiels, qui ne peuvent pas s’absenter de leur poste de travail. Ce n’est pas grand-chose : ce sont bien d’autres facteurs qui ruinent notre service public.
M. Pierre Cordier (DR). Vous faites sans doute référence à une convention conclue entre l’Établissement français du sang et certaines grandes entreprises, comme La Poste, la RATP, la SNCF ou Aéroports de Paris. Par ailleurs, et je vous le dis en toute amitié, car j’ai beaucoup d’amis qui exercent le même métier que vous, les conducteurs de train de la SNCF ont le temps d’aller donner leur sang en dehors de leurs heures de travail.
Il ne faut pas trop tirer sur la corde, car on risque de dévoyer l’esprit de la proposition de loi. Si l’on vous suivait, un salarié qui donnerait son plasma vingt-quatre fois par an bénéficierait d’autant de demi-journées de récupération. Nous risquerions d’avoir sur le dos de nombreux chefs d’entreprise, de commerçants et d’artisans.
La commission rejette l’amendement.
Puis elle adopte l’article unique modifié.
Après l’article unique
Amendement AS17 de M. Hendrik Davi
M. Hendrik Davi (EcoS). Nous proposons que, parmi les missions de l’Établissement français du sang, figure celle d’informer les salariés du public et du privé qu’ils peuvent bénéficier d’une autorisation d’absence rémunérée pour donner leur sang.
M. le rapporteur. Je suis plutôt favorable à votre amendement sur le fond. Toutefois, la rédaction proposée me semble devoir être intégrée directement dans le 2° de l’article L. 1222-1 du code de la santé publique. Si vous en êtes d’accord, nous pourrions y retravailler en vue de la séance. À ce stade, je vous propose donc de retirer votre amendement.
L’amendement est retiré.
Amendements AS14 de M. Hendrik Davi et AS 18 de M. Nicolas Ray (discussion commune)
M. Hendrik Davi (EcoS). Il s’agit d’instaurer, à l’instar de ce que faisaient autrefois les grandes entreprises publiques, une autorisation d’absence rémunérée pour les salariés qui participent bénévolement aux activités d’une association de don du sang afin qu’ils puissent consacrer du temps à cet engagement fondamental pour le fonctionnement du système de collecte du don du sang.
M. Nicolas Ray (DR). Nous proposons d’étendre l’autorisation d’absence accordée aux donneurs aux bénévoles d’associations de don du sang. Ces dernières, on le sait, contribuent fortement à l’organisation des collectes, à l’accueil des donneurs et à la préparation de la collation. Or certains présidents d’association sont contraints de prendre des congés pour participer à l’organisation de la collecte. Bien entendu, cette autorisation d’absence serait encadrée par un décret, afin de ne pas désorganiser les entreprises.
Le droit actuel prévoit un congé pour les membres du bureau d’associations d’intérêt général, catégorie à laquelle n’appartiennent pas les associations locales de don du sang. Ce ne sont pourtant pas des associations comme les autres : elles ont une véritable utilité publique dans le domaine de la santé.
M. le rapporteur. Je comprends évidemment l’objectif de ces amendements : je suis le premier à rappeler l’importance du rôle de ces bénévoles au quotidien, qui facilitent grandement le travail de l’EFS, surtout lors des collectes mobiles. Néanmoins, mon avis sera défavorable car, si l’on autorise les bénévoles de ces associations à s’absenter, pourquoi le refuserait-on aux bénévoles membres d’autres associations d’intérêt général ? Je souhaite bien entendu soutenir l’engagement citoyen et associatif, mais ce n’est pas aux entreprises de le financer. L’effort qu’on leur demande en matière de don du sang me semble suffisamment important.
Notre intention est d’autoriser, chaque année, un nombre raisonnable d’absences d’une à deux heures. Or une collecte commence généralement vers 11 heures et se termine vers 19 heures 30 et il y en a, selon les territoires, cinq à dix par an. Cela ferait beaucoup de demi‑journées d’absence ! Je comprends que l’on veuille toujours plus, mais une telle mesure risquerait de décourager les employeurs à autoriser des absences et de désorganiser fortement les entreprises. Les bénévoles font un travail formidable, mais il faut savoir raison garder.
M. le rapporteur général. Si nous voulons que le texte prospère, il nous faut, en effet, faire preuve de prudence dans la définition de son périmètre. Or nous irions trop loin en adoptant cet amendement.
De même, l’intention de confier à l’EFS la mission d’informer les salariés de ce nouveau droit est louable, mais cet établissement est en difficulté et les dotations supplémentaires qui lui ont été allouées doivent être consacrées en priorité à ses missions actuelles. Il faut que les missions qu’on lui confie soient cohérentes avec les moyens dont il dispose.
Même si j’ai, comme vous tous, beaucoup de considération pour les bénévoles, restons raisonnables.
M. Pierrick Courbon (SOC). Pour encourager le don de sang, nous avons besoin des associations, qui ont elles-mêmes besoin de bénévoles. Il nous faudra d’ailleurs traiter de l’engagement bénévole, notamment des actifs – peut-être en aurons-nous l’occasion si nous sommes amenés à reparler des retraites. Toujours est-il que la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a créé un congé d’engagement bénévole qui répond en partie à la demande de notre collègue.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Si l’on revenait sur la réforme des retraites, si l’on fixait l’âge de départ à 60 ans, si l’on instaurait la semaine de 32 heures et si l’on portait à six le nombre de semaines de congés payés, l’amendement de M. Davi ne serait peut-être pas nécessaire.
M. le président Frédéric Valletoux. Cela fait beaucoup de « si » pour une petite proposition de loi.
Mme Ersilia Soudais (LFI-NFP). Vous sacralisez le travail rémunéré, mais le bénévolat est aussi un travail, accompli dans l’intérêt général. Il faut donc le valoriser. C’est pourquoi je suis favorable à l’amendement de M. Davi.
M. Hendrik Davi (EcoS). Une fois n’est pas coutume, je suis entièrement d’accord avec M. Bazin : lorsqu’on décide d’une politique publique, il faut y mettre les moyens. Si l’on permet aux salariés d’être rémunérés lorsqu’ils s’absentent de leur poste de travail pour donner leur sang, il est important qu’ils en soient informés. Cette mission d’information revient, me semble-t-il, à l’EFS, auquel nous devons donner les moyens de l’exercer.
Il en va de même pour les bénévoles. Des gens qui donnent de leur temps – en participant à une banque alimentaire, par exemple – ne le pourront plus demain. Comme on part à la retraite de plus en plus tard, il n’y a plus de bénévoles. C’est pourquoi on aura besoin que les salariés qui ont une activité bénévole puissent s’absenter de leur travail. Il n’y a pas de raison qu’ils ne soient pas rémunérés : cela fait partie de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. Elles en profitent, d’ailleurs, car le jour où il n’y aura plus de bénévoles pour faire le travail, elles seront obligées de recourir à des services payants.
Certes, la mesure que je propose est un peu éloignée de la proposition de loi, mais elle est utile.
Mme Camille Galliard-Minier (EPR). Le droit prévoit déjà une solution : le mécénat de compétences. Les responsables des entreprises connaissent ce dispositif qui leur offre un avantage fiscal s’ils libèrent leurs salariés pour que ces derniers exercent des activités bénévoles pendant leur temps de travail.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 2 (nouveau) : Rapport d’évaluation sur l’effet de la proposition de loi sur la sensibilisation des citoyens et la fréquentation des lieux de collecte
Amendement AS41 de M. Pierre Cordier
M. le rapporteur. Le présent amendement tend à obtenir, dans un délai de deux ans, un rapport évaluant l’effet du texte sur la fréquentation des lieux de collecte.
La commission adopte l’amendement. L’article 2 est ainsi rédigé.
Après l’article unique
Amendement AS13 de M. Théo Bernhardt
M. Théo Bernhardt (RN). Je propose de demander au Gouvernement de remettre un rapport d’évaluation, dans les trois ans qui suivront la promulgation de la loi.
M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait par l’adoption du précédent.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
M. le rapporteur. Merci pour ce débat. Je ne désespère pas que nous trouvions un accord sur le nombre d’absences lors de l’examen en séance publique, afin d’aboutir à un texte qui satisfasse les salariés sans handicaper les chefs d’entreprise.
*
* *
En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la proposition de loi figurant dans le document annexé au présent rapport.
– Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/GtFd4k
– Texte comparatif : https://assnat.fr/4N3NTx
– 1 –
ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES entendues PAR Le RAPPORTEUR
(Par ordre chronologique)
Direction générale de la santé (DGS) – M. Laurent Butor, sous-directeur adjoint Politiques des produits de santé, qualité des pratiques et des soins, et Mme Ursula Nicolai, cheffe du bureau Bioéthique, éléments et produits du corps humain, et Mme Laure Descamps, chargée de mission tutelle EFS/ABM
Fédération française pour le don de sang bénévole (FFDSB) – M. Jacques Allegra, président, et M. Bernard Bironneau, secrétaire général
Établissement français du sang – M. Frédéric Pacoud, président, M. Jean‑Pierre Lebaudy, directeur Marketing, et M. Hervé Meinrad, directeur Collecte et production
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ANNEXE N° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi
Proposition de loi |
Dispositions en vigueur modifiées |
|
Article |
Codes et lois |
Numéro d’article |
1er |
Code de la santé publique |
L. 1211‑4‑1 [nouveau] |
([1]) C’est le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, de la Hongrie et de la République tchèque, qui proposent une compensation d’un montant situé aux environs de 25 euros par don.
([2]) Comité consultatif national d’éthique, « Enjeux éthiques relatifs au don de plasma et aux médicaments dérivés du plasma en période de pénurie », avis 146 voté en comité plénier le 19 décembre 2024.
([3]) Ibid.
([4]) Ibid.
([5]) Ville de Paris, « Où donner son sang à Paris en juin », mis à jour le 19 mai 2025.
([6]) Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, 21ème rapport national d’hémovigilance, janvier 2025.
([7]) Établissement français du sang, « Répondre aux urgences et soigner les malades quotidiennement », 22 juillet 2021.
([8]) Établissement français du sang, rapport d’activité 2023.
([9]) Haute Autorité de santé, « Gestion du capital sanguin en pré, per et post opératoire et en obstétrique - Recommandation de bonne pratique de la HAS », 12 septembre 2022.
([10]) Cour des comptes, « La filière du sang en France : un modèle économique fragilisé, une exigence de transformation », 2019.
([11]) Établissement français du sang, rapport d’activité 2024.
([12]) Ibid.
([13]) Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, 21ème rapport national d’hémovigilance, janvier 2025.
([14]) Établissement français du sang, rapport d’activité 2024.
([15]) Établissement français du sang, rapport d’activité 2024.
([16]) Cour des comptes, op. cit.
([17]) Arrêté du 17 décembre 2019 fixant les critères de sélection des donneurs de sang.
([18]) Arrêté du 5 avril 2016 fixant les critères de sélection des donneurs de sang.
([19]) Arrêté du 17 décembre 2019 fixant les critères de sélection des donneurs de sang.
([20]) Ibid.
([21]) Établissement français du sang, rapport d’activité 2024.
([22]) Établissement français du sang, rapport d’activité 2024.
([23]) Enquête Viavoice pour l’Établissement français du sang, « Synthèse des observatoires des donneurs de sang », mars 2019.
([24]) Commission européenne, rapport au Conseil et au Parlement européen sur la promotion par les États membres des dons de sang volontaires et non rémunérés, 17 mai 2006.
([25]) Article 16‑3 du code civil.
([26]) Article 16‑5 du code civil.
([27]) Article 16‑6 du code civil.
([28]) L’article L. 1221‑5 du code de la santé publique prévoit que les mineurs peuvent faire l’objet d’un prélèvement sanguin à titre exceptionnel, lorsque des motifs tirés de l’urgence thérapeutique l’exigent ou lorsqu’il n’a pu être trouvé de donneur majeur immunologiquement compatible.
([29]) Tout type de don est possible jusqu’à 65 ans révolus, sauf don de granulocytes. À partir de 65 ans, seul le don de sang total est autorisé.
([30]) Celui-ci varie selon le type de don réalisé (plasma, plaquettes, sang total).
([31]) Le nombre de prélèvements de sang total est limité à six dons par an pour les hommes, et à quatre par an pour les femmes.
([32]) 13 % du volume sanguin total, dans la limite de 500 millilitres, pour le don de sang total.