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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI, adoptée par le Sénat, expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer (n° 1034)
PAR M. Frédéric MAILLOT
Député
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Voir le numéro : 1034.
SOMMAIRE
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Pages
Article 1er Expérimentation de l’encadrement des loyers dans les départements et régions d’outre-mer
Liste des personnes auditionnÉes
Il n’est plus besoin de documenter le problème structurel et multifactoriel de la vie chère dans les outre-mer ([1]). En la matière, le logement ne fait pas exception.
Aujourd’hui, 38 communes dans les départements et régions ultramarins sont classées en zone tendue depuis le 1er janvier 2024, à la suite de la publication du décret n° 2023-822 du 25 août 2023 ([2]) modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 modifiant le champ d’application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l’article 232 du code général des impôts.
Dans les communes de Saint-Pierre et de Saint-Denis à l’Île de La Réunion, les loyers atteignent 16 euros du mètre carré, ce qui représente une augmentation de plus de 30 % des loyers en cinq ans. Les raisons sont connues : à l’attribution du parc locatif du fait des locations saisonnières de courte durée s’ajoute l’effondrement de la production de logements neufs (moins de deux mille logements construits en 2024 sur l’Île de La Réunion, alors que les besoins sont estimés à près de sept mille logements). La destruction et l’endommagement des logements liés aux évènements climatiques extrêmes (passage du cyclone Garance) renforcent les tensions.
Le nombre de demandeurs de logements social a dépassé le seuil des cinquante mille sur l’Île de La Réunion. Alors que le taux de pauvreté est sensiblement plus élevé dans les territoires ultramarins que dans l’hexagone (16 % à la Réunion, 21 % à la Martinique, 34 % à la Guadeloupe, 42 % à Mayotte et 53 % en Guyane contre 15 % dans l’hexagone), la Fondation pour le logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre) a estimé à trois personnes sur dix le nombre de personnes mal logées dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) en 2023. Pour la seule Île de La Réunion, 143 000 personnes sont mal logées, soit plus de 15 % de la population, dont 18 000 vivent dans des logements indignes et 3 000 sont sans domicile. 15 % des résidences principales sont indignes en Guadeloupe et 83 % des demandeurs de logement social sont éligibles au logement très social en Guyane.
Dans ce contexte, il est légitime et nécessaire de corriger l’anomalie que représente l’exclusion des territoires ultramarins de l’expérimentation de l’encadrement des loyers (article 1). Les acteurs auditionnés ont confirmé la pertinence de ce dispositif là où il a pu être déployé. Selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme intitulée Les effets de l’encadrement des loyers à Paris ([3]), cet encadrement a permis que les loyers y soient inférieurs de 4,2 % entre 2019 et 2023 par rapport au niveau qui aurait été constaté sans un tel encadrement : cela représente une économie de 768 euros par an en moyenne. Dans le cadre des signalements de dépassement du loyer plafond effectués auprès de la ville de Paris, les locataires ont bénéficié d’une baisse de loyer atteignant en moyenne près de 160 euros par mois. Évidemment, l’encadrement des loyers ne peut, à lui seul, résoudre la crise du logement qui sévit dans les territoires ultramarins, mais il constitue un instrument indispensable qui permet d’éviter que ne continue l’envolée aujourd’hui constatée.
Le coût du logement, c’est aussi le coût de construction. Le deuxième objectif de la présente proposition de loi (article 3 bis) est d’inscrire dans la loi la possibilité d’exempter certains matériaux du marquage « CE », comme l’autorise le nouveau règlement (UE) 2024/3110 établissant des règles harmonisées de commercialisation pour les produits de construction du 27 novembre 2024, tout en créant des « comités référentiels construction » afin de contribuer à l’élaboration de référentiels propres aux territoires ultramarins.
Le caractère inadapté de l’application de certaines normes obligatoires (normes européennes et nationales) ou d’application volontaire (normes professionnelles) dans le secteur de la construction est un enjeu majeur pour les territoires ultramarins : ces normes engendrent des surcoûts, alors que les coûts de construction ont explosé ces dernières années (+ 19 % à Mayotte en 2020, + 17 % en Guyane et + 19 % à la Guadeloupe en 2023). La présence du marquage « CE » impose une obligation de transit par l’Hexagone, coûteuse et absurde en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Elle limite le sourcing auprès de partenaires régionaux dont les matériaux sont tout à fait sûrs : à titre d’exemple, les acteurs du bâtiment de La Réunion évoquent le fibrociment de Nouvelle-Zélande qui doit passer par l’Hexagone, alors qu’il existe des fournisseurs de qualité en Afrique du Sud ou en Thaïlande.
Au-delà du coût, les normes professionnelles et les matériaux utilisés peuvent être inadaptés à l’environnement et au climat locaux (hydrométrie, risques cycloniques ou sismiques, etc.), alors même que des techniques ou des matériaux vernaculaires, plus respectueux de l’environnement et plus adaptés aux caractéristiques locales, pourraient être utilisés au sein même de ces territoires. À La Réunion, on pense évidemment à l’utilisation des bananiers ou du bambou.
La volonté de votre rapporteur est claire : en reprenant cette proposition de loi déposée par notre collègue sénatrice Audrey Bélim et adoptée à l’unanimité par le Sénat, votre rapporteur souhaite que celle-ci fasse l’objet d’une adoption conforme à l’Assemblée nationale pour une promulgation rapide de la loi. Les territoires ultramarins pourront ainsi rapidement, dès 2026, bénéficier de la disposition relative à l’encadrement des loyers et avancer vers la mise en œuvre de référentiels locaux dans le secteur de la construction.
Évidemment, un enrichissement de la proposition de loi aurait été possible et même souhaitable, par exemple en décidant de prolonger l’expérimentation de l’encadrement des loyers dans l’hexagone comme la proposition de loi le visait initialement ; mais le mieux étant l’ennemi du bien et par respect pour le travail transpartisan de nos collègues sénateurs, il ne faut pas attendre.
Article adopté sans modification.
Cet article propose une expérimentation de l’encadrement des loyers spécifique aux départements et régions d’outre-mer, sur le modèle de l’expérimentation créée par l’article 140 de la loi « Elan » ([4]) pour les territoires de l’hexagone.
Après le dispositif d’encadrement des loyers prévu par la loi « Alur » ([5]), l’article 140 de la loi « Elan » prévoit une expérimentation ouverte aux collectivités éligibles. Initialement prévue pour une durée de cinq ans jusqu’en novembre 2023, la durée a été portée à huit ans par la loi « 3DS » ([6]) : l’expérimentation arrive ainsi à échéance le 23 novembre 2026.
Un décret autorise l’encadrement des loyers sur un périmètre défini après candidature des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’habitat et de certaines collectivités (commune de Paris, établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, métropole de Lyon et métropole d’Aix-Marseille-Provence) éligibles au dispositif. L’expérimentation ne s’applique pas obligatoirement sur la totalité du territoire de la collectivité.
La publication du décret autorisant l’encadrement des loyers sur un périmètre défini est subordonnée au respect des quatre conditions suivantes :
– un écart important entre le niveau moyen de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social ;
– un niveau de loyer médian élevé ;
– un faible taux de logements commencés rapportés aux logements existants sur les cinq dernières années ;
– des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements inscrites dans le programme local de l’habitat et de faibles perspectives d’évolution de celles-ci.
Neuf décrets ouvrant le droit à l’expérimentation ont ainsi été publiés depuis 2019 et concernent les territoires suivants : Lyon et Villeurbanne, Paris, la métropole de Lille (incluant les communes de Hellemmes et de Lomme), les communes du territoire de l’établissement public territorial Est ensemble (Romainville, Bagnolet, Bobigny, Bondy, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Le Pré-Saint-Gervais et Pantin), Montpellier, Bordeaux, les communes de la communauté d’agglomération du Pays basque, une partie de la ville de Grenoble et de son agglomération.
Une fois le décret pris et pour permettre à l’encadrement des loyers d’être effectif, le représentant de l’État dans le département doit fixer chaque année, par arrêté, un loyer de référence (loyer médian), un loyer de référence majoré (120 % du loyer de référence) et un loyer de référence minoré (70 % du loyer de référence) exprimés en euros par mètre carré de surface habitable. Ces loyers de référence varient selon la date de construction du logement, la catégorie du logement (nombre de pièces), le secteur géographique et si le logement est loué nu ou meublé.
Le loyer simple (hors charges) d’un logement au moment de la signature du bail, de son renouvellement ou de sa reconduction tacite doit ainsi être inférieur au loyer de référence majoré.
Un complément de loyer peut être appliqué pour des logements « présentant des caractéristiques de localisation ou de confort le justifiant » par comparaison avec des logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique.
L’article 140 de la loi Élan a ouvert l’expérimentation de l’encadrement des loyers aux communes en « zone tendue » au sens de l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989 ([7]), à savoir les communes situées dans les zones d'urbanisation continue de plus de cinquante mille habitants où existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements : la liste en est actuellement fixée par le décret n° 2023-822 du 25 août 2023 modifiant le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts.
Aucune commune ultramarine n’était incluse dans la liste des zones tendues fixée par le décret du 10 mai 2013 précité. L’exclusion de cette liste était alors justifiée par l’impossibilité d’évaluer la tension des marchés immobiliers dans les territoires ultramarins avec une méthodologie aussi robuste que celle qui existe dans l’Hexagone.
Le décret du 25 août 2023 a permis de corriger cette anomalie en intégrant 38 communes ultramarines à la liste des communes en zone tendue. Ces communes sont situées dans l’ensemble des départements et régions d’outre-mer (DROM), à l’exception de Mayotte : en Martinique (Case-Pilote, Fort-de-France, Saint-Joseph, Schloelcher, Ducos, Le François, Gros-Morne, Le Marin, Rivière-Pilote, Rivière-Salée, Le Robert et Saint-Esprit), en Guadeloupe (Sainte-Anne, Sainte-Luce, Le Vauclin, Les Abymes, Baie-Mahault, Le Gosier, Lamentin, Morne-à-l’Eau, Le Moule, Petit-Bourg, Petit-Canal, Pointe-à-Pitre, Saint-François et Sainte-Anne), à La Réunion (Sainte-Marie, Saint-Louis, Saint-Denis, Le Port, La Possession, Saint-Paul, Entre-Deux, Saint-Pierre et Le Tampon) et en Guyane (Cayenne, Matoury et Remire-Montjoly).
Or l’article 140 de la loi Elan prévoyait un délai de quatre ans (jusqu’en novembre 2022) pour que les territoires concernés transmettent leur demande de mise en œuvre du dispositif d’encadrement des loyers. Bien qu’aujourd’hui situées en zone tendue, les communes d’outre-mer ne pouvaient donc plus prétendre à l’expérimentation dès fin novembre 2022.
L’article 1er de la proposition de loi visait à rouvrir le délai de candidature des territoires d’outre-mer jusqu’en novembre 2026, tout en prolongeant l’expérimentation pour l’ensemble des communes du territoire national pour une année supplémentaire (jusqu’en novembre 2027).
En commission des affaires économiques et à l’initiative de la rapporteure Micheline Jacques, la prolongation de l’expérimentation pour l’ensemble du territoire national a été supprimée. En revanche, un dispositif d’encadrement des loyers ad hoc pour les DROM dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article 140 de la loi Élan est créé pour une durée de cinq ans à compter de la promulgation de la loi.
Les territoires ultramarins auraient deux ans à compter de la promulgation pour candidater. Au plus tard six mois avant son terme, l’amendement prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d’évaluation de cette expérimentation.
Cette rédaction, bien que « moins-disante » pour le territoire hexagonal en ce qu’elle ne repousse pas l’échéance de l’expérimentation prévue le 23 novembre 2026, a le mérite de sécuriser le dispositif d’expérimentation spécifique aux DROM, en proposant une durée de candidature et d’expérimentation dans son ensemble sensiblement plus longue.
Deux territoires, La Réunion depuis 2013 et la Guadeloupe depuis 2019, ont mis en place des observatoires locaux des loyers, condition indispensable pour permettre d’évaluer le niveau des loyers pratiqués sur le territoire et fixer le niveau des loyers de référence. L’agence d’urbanisme locale à l’Île de La Réunion, chargée de l’observatoire des loyers (Agorah), dispose de références sur 11 % du parc privé.
Le B du III de l’article 140 de la loi précitée exige des conditions renforcées pour permettre au propriétaire d’appliquer un complément de loyer. Le logement ne peut pas présenter les caractéristiques suivantes :
– des sanitaires sur le palier ;
– des signes d’humidité sur certains murs ;
– un niveau de performance énergétique de classe F ou de classe G ;
– des fenêtres laissant anormalement passer l’air (hors grille de ventilation) ;
– un vis-à-vis à moins de dix mètres ;
– des infiltrations ou des inondations provenant de l’extérieur du logement ou des problèmes d’évacuation d'eau au cours des trois derniers mois ;
– une installation électrique dégradée ou une mauvaise exposition de la pièce principale.
Ces obligations ne sont pas nécessairement adaptées aux caractéristiques des logements dans les territoires ultramarins, notamment en raison de la forte prégnance de la ventilation naturelle, qui doit être encouragée. Elles ne tiennent pas compte l’application différée des obligations de performance énergétique dans les territoires ultramarins ([8]), ainsi que des caractéristiques climatiques propres à ces territoires, comme le haut niveau d’humidité.
À l’initiative de l’auteure de la proposition de loi, notre collègue Audrey Bélim, le Sénat a ainsi adopté un amendement précisant qu’aucun complément de loyer ne pourra être appliqué lorsque le logement n’est pas décent conformément à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989. Le critère de décence se substitue ainsi aux dispositions prévues au B du III de l’article 140 de la loi Élan.
Les critères de décence sont fixés par le décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Un logement décent doit présenter les caractéristiques suivantes : clôture et couverture, protection contre les infiltrations d’air parasites, sécurisation des dispositifs de retenue des personnes, état correct de conservation des canalisations, des matériaux et des revêtements, aération suffisante, éclairement naturel suffisant. Contrairement aux logements de l’Hexagone, l’installation d’un système de chauffage, tout comme l’alimentation en eau chaude dans les logements, n’est pas obligatoire dans les DROM.
L’article a été adopté sans modification.
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Article 2
(art. 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine)
Nouvelle délimitation des quartiers prioritaires de la politique de la ville en outre-mer
Article dont la suppression a été maintenue par la commission.
Cet article modifie les critères de délimitation des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les Outre-mer.
Il a été supprimé par le Sénat.
La loi du 21 février 2014, dite loi « Lamy » ([9]), a opéré une refonte du zonage prioritaire de la ville par la création des « quartiers prioritaires de la politique de la ville » (QPV).
Ces QPV répondent aux caractéristiques fixées par l’article 5 de la loi précitée :
– un nombre minimal d’habitants ;
– un écart de développement économique et social apprécié par un critère de revenu des habitants. Cet écart est défini par rapport, d'une part, au territoire national et, d'autre part, à l'unité urbaine dans laquelle se situe chacun de ces quartiers.
Pour les QPV des départements et collectivités d’outre-mer, l’article prévoyait que « ces quartiers peuvent être caractérisés par des critères sociaux, démographiques, économiques ou relatifs à l'habitat, tenant compte des spécificités de chacun de ces territoires ».
En effet, les critères de définition de droit commun (notamment le critère de revenu des habitants considéré comme le revenu médian par unité de consommation ([10])) n’étaient pas adaptés aux territoires ultramarins en l’absence d’indicateurs statistiques robustes. Il a donc été préféré une approche différenciée.
L’adaptation de la méthode du « carroyage » à La Réunion et en Martinique pour délimiter les QPV a conduit à une réduction substantielle de la population concernée par la politique de la ville, tandis qu’à l’inverse les méthodes ad hoc utilisées ont conduit à une extension de la population couverte par les QPV. La Guadeloupe a également été fortement désavantagée par la nouvelle méthode.
Le décret du 27 décembre 2024 ([11]) a permis d’harmoniser les critères de délimitation des QPV dans les DROM (à l’exception de Mayotte) afin de garantir l’équité entre les différents territoires ultramarins et de ne pas les défavoriser par rapport à l’Hexagone : 247 QPV ont ainsi été délimités (contre 218 QPV jusqu’au 31 décembre 2024), couvrant ainsi 28,8 % de la population ultramarine (contre 25 % dans le précédent zonage).
Par ailleurs, l’article 23 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte prévoit que tout le territoire de Mayotte soit « zoné » en QPV, de façon exceptionnelle et transitoire jusqu'au 31 décembre 2029, pour prendre en compte la catastrophe résultant du passage du cyclone Chido (14 décembre 2024).
La réforme de la loi Lamy ayant conduit à une baisse du nombre de QPV et de la part de la population y résidant, notamment à La Réunion, en Guadeloupe et en Martinique, l’article 2 de la proposition de loi visait à préciser que l’adaptation des critères pour délimiter les QPV en outre-mer, telle qu’énoncée à l’article 5 de la loi précitée, ne pouvait être « restrictive en termes d’accès ».
Prenant en compte le rééquilibrage permis par le décret du 27 décembre 2024, publié après le dépôt de la proposition de loi, et en accord avec l’auteure de la proposition de loi, la commission des affaires économiques du Sénat a supprimé cet article.
La commission des affaires économiques a confirmé la suppression de l’article.
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Article 3
(art. L. 121-4-1 du code de la construction et de l’habitation)
Création de centres scientifiques et techniques du bâtiment dans les DROM
Article dont la suppression a été maintenue par la commission.
Cet article prévoit la création de centres scientifiques et techniques du bâtiment dans les DROM.
Il a été supprimé par la commission des affaires économiques du Sénat.
Deux types de normes doivent être distinguées : les normes réglementaires (imposées par l’autorité européenne ou nationale) et les normes professionnelles qui ne sont pas, en théorie, obligatoires, mais le sont en pratique notamment en raison des règles d’assurance.
Le règlement (UE) n° 305/2011, puis le règlement (UE) 2024/3110 du 27 novembre 2024 établissant des règles harmonisées de commercialisation pour les produits de construction (qui abroge le règlement de 2011), imposent une déclaration de performance pour tous les produits de construction : un marquage « CE », qui atteste la conformité du produit à la réglementation européenne, doit être apposé sur tout matériau et appareil de construction mis sur le marché dans l’espace économique européen.
L’article 2.3 du nouveau règlement 2024/3110 autorise, pour la première fois, les États membres à exempter de la réglementation européenne les matériaux et produits de construction mis sur le marché dans les régions ultrapériphériques de l’Union européenne (RUP) reconnues à l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), après notification à la Commission européenne et aux autres États membres des règlements prévoyant de telles dérogations.
En complément des normes réglementaires, les normes professionnelles d’application volontaire permettent de créer un consensus entre tous les professionnels (entrepreneurs, maîtres d’ouvrage, fabricants, maîtres d’œuvre, architectes, bureaux de contrôle) et participent de la poursuite d’un intérêt général ([12]). Elles prennent le plus souvent la forme de « documents techniques unifiés » (DTU) qui concernent aussi bien les matériaux que la bonne exécution des ouvrages. Ces normes procèdent en partie de la volonté des assureurs d’asseoir l’analyse des offres et le contrôle de la sinistralité sur le respect de ces normes ou avis techniques, en sus des normes réglementaires.
Plusieurs acteurs français sont engagés dans la production de normes : conformément au décret du 16 juin 2009, l’Association française de normalisation (Afnor) a la mission d’animer et de coordonner le système français de normalisation. Elle représente les intérêts français dans les instances européennes ou internationales de normalisation et a en charge l’élaboration et la diffusion des normes. Le bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction du bâtiment (BNTEC), financé par la Fédération française du bâtiment (FFB), agit par délégation de l’Afnor dans le champ des techniques et des équipements de la construction du bâtiment pour l’élaboration des normes françaises de travaux de bâtiments (NF DTU) et est aussi en charge de normes de spécification des produits du bâtiment et de dimensionnement des ouvrages dont l’élaboration est mise en œuvre au niveau international (ISO) ou européen (CEN).
Une commission locale de normalisation, antenne du BNTEC, a été créée à La Réunion en vue d'adapter certains DTU (couverture, façades, isolation, menuiseries, équipements techniques, gros œuvre) aux réalités des territoires français de l’Océan Indien. Plusieurs DTU auraient déjà adaptés à La Réunion. En Guadeloupe et en Martinique, des cellules économiques régionales de construction (CERC) permettent de fédérer les différents acteurs de la filière sur l’enjeu de l’adaptation des règles de l’art à la spécificité de leur territoire.
Depuis de nombreuses années, les acteurs de la construction dans les outre-mer plaident pour une adaptation des normes de construction (réglementaires ou professionnelles) en vigueur dans les outre-mer. Plusieurs rapports, dont ceux de la Cour des comptes ([13]) et de la délégation sénatoriale aux outre-mer ([14]), l’ont rappelé. Le « Livre blanc de la construction durable en outre-mer », fort de trois cents contributions réunies sur une période de onze mois, a permis de dégager plusieurs pistes de travail. Il souligne notamment la nécessité de soutenir l’innovation et d’en assurer l’évaluation dans une approche régionale afin d’identifier et d’établir des référentiels de techniques et matériaux novateurs et adaptés.
Le Gouvernement a d’ores et déjà fait part de son souhait d’appliquer le marquage RUP pour faciliter les importations régionales de matériaux : différents travaux sont actuellement menés par la direction de l’hébergement, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) et la direction générale des outre-mer (DGOM), mais les acteurs professionnels rappellent aussi la nécessité de ne pas sacrifier l’économie ultramarine au profit de l’importation de matériaux étrangers dans l’unique but de diminuer les coûts de production.
L’article 2 visait à créer des « centres scientifiques et techniques du bâtiment » dans les DROM. Sur le modèle du CSTB, établissement public à caractère industriel et commercial qui apporte son expertise technique dans l’élaboration des normes, rend des avis, participe à la recherche et à l’innovation et exerce l’activité de certification (vérification de la conformité aux normes), ces centres auraient eu pour mission de « procéder à l'homologation et à l'agrément des matériaux de construction développés ou utilisés dans les territoires ultramarins en vue :
1° d’évaluer et certifier les performances techniques des matériaux au regard des contraintes climatiques et géographiques locales ;
2° d'établir des référentiels normatifs adaptés aux spécificités constructives ultramarines ;
3° de garantir la sécurité et la résilience des constructions dans ces territoires. »
La commission des affaires économiques du Sénat a supprimé cet article en raison des travaux actuellement menés par les ministères (et encore inaboutis) pour l’application de l’exemption « RUP », du coût que représenteraient ces nouvelles structures, de leur objet restreint aux normes réglementaires et de la possibilité de créer de telles structures par voie réglementaire.
La suppression de l’article a été confirmée par la commission des affaires économiques.
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Article 3 bis
Création de « comités référentiels constructions » et mise en œuvre de l’exemption « RUP »
Article adopté sans modification.
Cet article, introduit en séance au Sénat par un amendement de l’auteure de la proposition de loi, dispose qu’un décret précise les modalités de l’exemption « RUP » prévue et prévoit la création de « comités référentiels construction ».
L’article 3 bis, introduit par un amendement de la sénatrice Audrey Belim en séance au Sénat, après un avis favorable du Gouvernement, comporte deux dispositions :
– la prévision d’un décret qui précise les modalités de mise en œuvre de l’exemption au règlement (UE) 2024/3110 prévue pour les matériaux mis en vente dans les DROM et à Saint-Martin ;
– la création par le préfet d’un « comité référentiel construction » dans chaque zone géographique ultramarine afin de permettre la mise en œuvre de l’exemption au marquage CE et de contribuer à la définition de référentiels de construction « en tenant compte des besoins de la production, des spécificités et des contraintes locales ». Leur organisation, leur fonctionnement et le contrôle de ces comités seraient fixés par décret. Les comités pourraient bénéficier de financements publics.
Ces comités auraient vocation à intégrer l’ensemble des acteurs locaux : entreprises du bâtiment, scientifiques, architectes, etc. Ils pourraient être mutualisés à l’échelle des bassins océaniques, dans un premier temps. Ils pourraient introduire des règles d’équivalence pour les produits régionaux et vernaculaires.
La commission des affaires économiques a adopté l’article sans modification.
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Article adopté sans modification.
Cet article vise à gager la proposition de loi afin d’assurer sa recevabilité financière.
L’article 4 complète le texte de la proposition de loi par un gage visant à assurer sa recevabilité financière au regard des dispositions de l’article 40 de la Constitution.
L’article a été adopté sans modification.
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Au cours de sa réunion du mercredi 28 mai 2025 matin, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi, adoptée par le Sénat, expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer (n° 1034) (M. Frédéric Maillot, rapporteur).
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons à l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, expérimentant l’encadrement des loyers et améliorant l’habitat dans les outre-mer, pour laquelle notre commission a désigné comme rapporteur M. Frédéric Maillot. Elle est inscrite à l’ordre du jour de la séance du jeudi 5 juin prochain, en deuxième position, dans le cadre de la journée réservée du groupe GDR.
Elle comportait initialement quatre articles, avant son adoption par le Sénat le 5 mars dernier. Elle en compte désormais cinq. La commission n’est saisie que de cinq amendements, aucun n’ayant été déclaré irrecevable.
Sur le fond, la proposition de loi traite d’une question particulièrement sensible pour nos concitoyens des outre-mer : l’accès à un logement à prix abordable, alors que leurs difficultés à se loger sont accentuées par la vie chère et la rareté du foncier disponible. Ce texte tel que déposé au Sénat, prévoit aussi, en complément d’un dispositif d’encadrement des loyers (article 1er), une nouvelle délimitation des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en outre-mer (article 2), ainsi que la création, dans les départements et régions d’outre-mer (Drom), de centres scientifiques et techniques du bâtiment (article 3).
M. Frédéric Maillot, rapporteur. Vous l’avez dit, Madame la présidente, il est ici question de la crise du logement qui sévit et s'intensifie depuis quelques années dans les pays dits d’outre-mer et notamment à La Réunion, ainsi que du pouvoir de vivre – un terme que je préfère à celui de pouvoir d’achat, car nous ne sommes pas condamnés à consommer, mais à vivre. Comment se loger sans que cela coûte plus cher ? Tel est l’objet de cette proposition de loi.
Il est en effet possible de faire de 100 à 160 euros d’économies mensuelles pour les locataires dont les loyers sont les plus élevés, là où l’encadrement du prix du loyer a été expérimenté. Les observatoires anticipent une diminution d’au moins 100 euros à La Réunion, soit 1 200 euros par an : c’est énorme, quand on sait que le loyer est le premier poste de dépenses des ménages français. Depuis plus de dix ans, nous attendons que nos pays d’outre-mer bénéficient du dispositif de la loi Alur. Certes, le décret du 25 août 2023 a intégré de nouvelles villes, dont certaines en outre-mer pour la première fois, en zone tendue : c’est le cas Saint-Denis de la Réunion ; mais le délai pour candidater au dispositif de l’encadrement des loyers prévu par l’article 140 de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi Elan, a expiré avant que nous puissions y prétendre.
Pourtant, tous les voyants sont au rouge. À La Réunion 70 % des ménages sont éligibles au logement social – voire très social – et plus de 50 000 demandeurs de logement social sont en attente, ce chiffre ayant nettement augmenté après le passage des cyclones. Les loyers ont augmenté de 35 % en cinq ans tandis qu’un quart de la population – soit 320 000 Réunionnais – vit en dessous du seuil de pauvreté. Selon la Fondation pour le logement des défavorisés, plus de 143 000 personnes sont en situation de mal-logement ; sur l’ensemble des départements et régions d’outre-mer (Drom), cela représente plus de 600 000 personnes. Or, seuls 1 739 logements ont été livrés en 2024, contre près de 3 000 en 2017.
Ce texte, qui émane du Sénat, est le fruit d’un travail de fond de la sénatrice réunionnaise Audrey Bélim sur l’encadrement du prix du loyer et sur la réflexion pour l’adaptation normative. J’ai pris l’engagement de le faire adopter de façon conforme, pour ne pas ajouter du temps au temps, et il est très important qu’il le soit. Même si je n’aime pas cet adage : le temps, c’est de l’argent. Une adoption conforme permettra en effet une entrée en vigueur dès 2026. Cela signifie que, dès cette date, les familles d’outre-mer pourront faire de réelles économies.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Émeline K/Bidi (GDR). Lorsque l’on évoque la vie chère dans les outre-mer, on pense naturellement au prix de l’alimentation et des billets d’avion, moins au coût que représente le simple fait de pouvoir se loger. Pourtant, les chiffres sont alarmants. La population y est plus pauvre que dans l’Hexagone : l’argent dépensé par un ménage pour se loger peut représenter jusqu’à 80 % du revenu des ultramarins, soit l’équivalent du taux de Réunionnais éligibles à un logement social, dans un territoire où le taux de pauvreté atteint plus de 36 %.
Les logements sociaux ne représentent cependant que 20 % du parc locatif total. Comble de l’injustice, le loyer mensuel moyen au mètre carré y est l’un des plus élevés de France. Il est donc impérieusement nécessaire d’agir sur le prix des loyers. Je remercie mon collègue Frédéric Maillot pour cette initiative transpartisane, consistant à reprendre un texte de la sénatrice réunionnaise et socialiste Audrey Bélim. L’encadrement des loyers est un moyen de lutter contre la vie chère, sans que cela ne coûte un centime à l’État – il me semble utile de le préciser, en cette période de vaches maigres. En revanche, cette mesure permettrait à nos concitoyens d’outre-mer d’économiser jusqu’à 120 euros par mois.
Le texte propose par ailleurs de revoir les normes de construction européennes en outre-mer : souvent inadaptées, elles créent des surcoûts de production. Ainsi, il n’y a aucun intérêt à avoir un toit qui supporte la neige, à La Réunion, en Guyane ou aux Antilles. Certaines normes s’appliquent en dépit du bon sens : nous en appelons à une rationalisation des normes dans nos territoires. J’espère que, comme au Sénat, notre commission puis l’Assemblée adopteront ce texte à l’unanimité, pour qu’il soit effectif dans les plus brefs délais. Il y a urgence pour l’outre-mer. J’espère donc que les amendements qui ont été déposés pourront être retirés et que le vote pourra être conforme.
M. Joseph Rivière (RN). La Fondation Abbé Pierre estime à 140 000 le nombre de Réunionnais qui souffrent de mal-logement, sur une population totale de 885 000 habitants, dont 36 % vivent sous le seuil de pauvreté, soit 320 000 personnes : la misère n’est pas moins forte au soleil, bien au contraire.
Cette proposition de loi, présentée par une sénatrice socialiste et défendue par notre collègue du groupe communiste, n’apporte pas grand-chose et revient à un copier-coller de ce qui se pratique à Paris et dans les grandes métropoles urbaines. Elle propose de créer un comité pour analyser encore et encore les problèmes que nous connaissons déjà : trop de normes, pas assez de logements. Faute de grives, nous allons cependant manger des merles.
En ces temps troublés, et dans la volonté de préserver la stabilité de nos institutions, le Rassemblement national soutiendra ce texte. Il proposera des amendements pour l’améliorer. Les accepterez-vous, mes chers collègues du NFP, ou ferez-vous un barrage républicain pour empêcher leur adoption ? Il faut tout d’abord rappeler que l’État est le seul responsable de l’incurie de la politique du logement des quarante dernières années. Il faut souligner aussi que cette proposition de loi n’évoque pas la nécessité d’une grande politique d’investissement en faveur du logement, qu’il soit public ou privé.
Comme Marine Le Pen l’a indiqué dans le programme du Rassemblement national, les dispositifs de défiscalisation des lois Pons et Girardin, en 1986 et 2003, ont fait leurs preuves et méritent d’être rétablis. Ce texte vise à venir en aide aux locataires, et je m’en réjouis. Mais qu’en est-il des propriétaires, de ceux qui veulent sécuriser leur avenir en investissant dans la pierre ? Rien qu’à La Réunion, plus de la moitié du territoire est inconstructible, en raison des divers plans de prévention des risques imposés par les différents préfets et de l’absence d’endiguement de nos ravines, suite à des transferts de compétences non suivis des fonds structurels correspondants. De plus, un parc national bloque notre développement et génère des contraintes, notamment dans ma circonscription. Enfin, il existe une inégalité juridique entre l’Hexagone et l’outre-mer concernant l’avis conforme de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), qui retire aux maires le faible pouvoir qu’ils ont en matière d’urbanisme. Cette proposition de loi est un pis-aller. Nous la voterons, cependant, pour le bien de la population, de nos outre-mer et de La Réunion.
M. Frédéric Maillot, rapporteur. La Fondation Abbé Pierre, que vous avez mentionnée, est devenue la Fondation pour le logement des défavorisés ; je la connais bien, pour y avoir travaillé pendant treize ans. La référence faite à cette structure suppose d’aller au bout de ses idées et de ne pas s’arrêter à mi-chemin. Mais comme le dit un proverbe africain, quand on sait où on va, on a déjà fait la moitié du chemin. L’Abbé Pierre l’a dit, le logement n’est pas un objet de spéculation et ne saurait être utilisé pour s’enrichir sur le dos d’une famille. Alors qu’il y a une pénurie de logements à La Réunion, nous devons d’abord penser au présent, à ceux qui n’ont pas de toit et non à ceux qui veulent se garantir un avenir sur leur dos.
Mme Annaïg Le Meur (EPR). Le groupe Ensemble pour la République votera cette proposition de loi issue du Sénat, qui entend combler un vide juridique. La loi Elan de 2018 avait instauré une expérimentation d’encadrement des loyers dans les zones tendues. Les communes ultramarines, qui n’étaient alors pas classées en zones tendues, avaient cependant été exclues de ce dispositif. Ce n’est qu’en août 2023 que trente-huit communes ultramarines ont été ajoutées à cette liste. Or, les candidatures à l’expérimentation étaient déjà closes.
La crise du logement dans les outre-mer résulte d’une pluralité de facteurs : la difficulté à accéder au foncier dans un contexte insulaire ou littoral, avec des zones humides ou protégées qui limitent l’espace urbanisable et contribuent à renchérir les prix ; des coûts de construction plus élevés – de 20 % à 30 % en moyenne selon la Cour des comptes ; des normes de construction jusque-là inadaptées ; une situation démographique complexe, avec une pression sur la demande de logements à Mayotte ou en Guyane, où la forte natalité se conjugue avec une pression migratoire, ou, au contraire, la baisse et le début du vieillissement de la population aux Antilles, ce qui implique une adaptation des logements ; une prévalence de l’habitat indigne, avec plus de 110 000 logements concernés ; des logements sociaux en nombre insuffisant, alors que 80 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social et près de 70 % au logement très social, et que seuls 15 % d’entre eux en moyenne résident dans le parc social – un taux très faible, qui s’accompagne d’importantes disparités selon les territoires ultramarins ; des loyers sensiblement plus chers que dans l’Hexagone – supérieurs de 44 % en Guadeloupe et de 9,7 % en Guyane.
Compte tenu de l’urgence, nous espérons que le vote sera conforme.
Mme Sandrine Nosbé (LFI-NFP). La cherté de la vie en outre-mer est une réalité. Les récentes mobilisations, conséquences des inégalités de traitement et des disparités entre la France hexagonale et les territoires ultramarins, l’illustrent. Je rappellerai tout d’abord que les multinationales, qui mettent en place des marges astronomiques, sont l’un des premiers acteurs dans la fabrique de la vie chère. L’empire Hayot en est le parfait exemple, l’entreprise disposant d’un quasi-monopole en outre-mer. Selon l’Autorité de la concurrence, le coût de la vie dans les territoires ultramarins est de 19 % à 38 % plus élevé en moyenne que dans l’Hexagone, alors que la grande pauvreté il y est de cinq à quinze fois plus importante.
La vie chère en outre-mer n’épargne ni le logement, ni le montant des loyers. Ainsi, trois Ultramarins sur dix sont mal logés, 64 % des ménages ultramarins sont éligibles au logement social et le loyer représente une part significative du budget des ménages. À La Réunion, mon île natale, les loyers ont augmenté de 35 % en cinq ans : elle est la quatrième région de France aux loyers les plus élevés, alors que plus de la moitié de la population vit avec moins de 1 100 euros par mois. Cet exemple n’est pas une généralité, mais une réalité commune à tous les outre-mer. Les loyers sont plus élevés dans les Drom que dans l’Hexagone. Cela explique en partie la situation de précarité dans laquelle se trouve une grande partie de nos concitoyens ultramarins. La crise du logement n’a pas épargné les outre-mer, bien au contraire : sous nos yeux, nous avons une bombe sociale à retardement.
Pourtant, depuis sa mise en place à titre expérimental en 2018, l’encadrement des loyers n’a jamais bénéficié aux outre-mer, mais uniquement à des communes de l’Hexagone. Cela doit changer. Les collectivités ultramarines doivent pouvoir bénéficier de ce dispositif d’encadrement des loyers, qui a fait ses preuves. Nous soutenons votre proposition d’étendre à toutes les communes ultramarines la possibilité d’expérimenter l’encadrement des loyers pour une durée de cinq ans. Notre groupe souhaite même aller au-delà, en pérennisant et en généralisant l’encadrement des loyers à l’ensemble du territoire, incluant l’outre-mer. Ce système ne doit pas rester une simple expérimentation. Enfin, nous soutenons également les dispositions visant à améliorer l’habitat dans les outre-mer, permettant notamment de développer les filières locales du secteur du BTP, de réduire les coûts liés à l’importation des matériaux de construction conformes aux normes européennes.
M. Philippe Naillet (SOC). Tout d’abord, je tiens à saluer l’initiative d’Audrey Bélim, sénatrice de La Réunion, dont la proposition de loi a été adoptée à l’unanimité au Sénat. Son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, dans le cadre de la niche parlementaire de nos collègues du groupe GDR, nous offre l’opportunité de confirmer les avancées concrètes contenues dans le texte.
Je le rappelle, la précarité et le mal-logement frappent durement nos populations dans les outre-mer. Si le niveau de vie des foyers ultramarins est plus faible que dans l’Hexagone, la charge du logement est plus lourde : certains ménages consacrent entre 50 % et 80 % de leurs ressources au paiement de leur loyer. À La Réunion, le prix du mètre carré est actuellement de 16 euros tandis que la hausse des loyers a été de 35 % sur cinq ans.
En outre-mer, si plus de 80 % des ménages sont éligibles au logement social, à peine 15 % peuvent en bénéficier : la production du logement social subit un véritable effondrement, avec 124 000 agréments en 2016, mais seulement 82 000 en 2023. Nous, ultramarins, subissons une double peine : la pénurie de logements et le prix prohibitif du loyer lorsque, après un parcours du combattant, on arrive à en obtenir un. Autre injustice, sans doute la plus terrible, il est impossible pour des jeunes ménages ultramarins de devenir propriétaires là où ils sont nés.
La proposition de loi permet aussi l’adaptation des normes de construction et des matériaux dans les outre-mer, avec l’article 3 bis. L’objectif est clair : développer nos filières de construction dans chacun de nos territoires et importer des matériaux de nos bassins océaniques. Il sera ainsi remédié à des situations ubuesques, comme à Mayotte, où le bois nécessaire à la reconstruction de l’après-Chido a dû être importé depuis la Lettonie. Il est temps de mettre fin à cette dépendance et de favoriser l’utilisation de nos ressources locales.
Notre groupe est particulièrement engagé sur la question de l’encadrement des loyers et aura prochainement l’occasion de mener une évaluation de l’expérimentation dans l’Hexagone, dans le cadre d’une mission flash au sein de notre commission. Mieux encadrer les loyers dans les marchés tendus, répondre aux besoins urgents de logements en rendant les habitations plus accessibles, durables et ancrées dans la réalité de nos territoires, tel est l’horizon tracé par ce texte. Je réitère le soutien sans réserve des députés socialistes à cette proposition de loi, qu’il nous faut adopter conforme au vote du Sénat.
M. Jean-Luc Bourgeaux (DR). Ce texte, voté à l’unanimité au Sénat, soulève une problématique juste, souvent ignorée. Alors même que les loyers y figurent parmi les plus élevés de France, les outre-mer étaient jusqu’à présent exclus du dispositif d’encadrement prévu par la loi Elan. L’Insee l’a rappelé, en 2022, les loyers du secteur privé étaient de 3 % plus élevés en Martinique et à La Réunion qu’en métropole, de près de 5 % en Guadeloupe et jusqu’à 10 % en Guyane. Dans des territoires où les revenus sont globalement plus faibles, ce décalage pèse lourdement sur les ménages.
Ce texte permettra aux collectivités ultramarines concernées de mettre en place un encadrement des loyers adapté à leurs besoins, si elles le souhaitent. Disons-le aussi avec lucidité : l’encadrement des loyers ne peut être une fin. Il ne remplace ni une politique de production de logements, ni un plan ambitieux de réhabilitation de l’habitat existant, ni une stratégie d’aménagement adaptée aux défis locaux. Cette proposition de loi ne réglera donc pas tout. Nous la soutiendrons et nous affirmons la nécessité d’une meilleure prise en compte des réalités ultramarines dans les politiques nationales du logement.
M. Frédéric Maillot, rapporteur. Effectivement, ce texte ne réglera pas tout. C’est l’un des leviers à actionner. Vous avez raison de le souligner, il faut continuer à construire du logement et à alléger la pression qui s’exerce sur le seul logement social : faute de pouvoir se tourner vers le logement privé, tout le monde se rabat sur le logement social, déjà en tension. Tout grand projet commence par un petit pas. Ce texte d’Audrey Bélim en est un. C’est le début d’une grande avancée pour l’accès au logement dans les pays d’outre-mer.
M. Boris Tavernier (EcoS). Se loger c’est la galère, à Lyon et jusque dans les outre-mer. Le logement est un bien de première nécessité. Tout le monde doit pouvoir en disposer, sans avoir à se ruiner, sans y passer tout son salaire. Dans les territoires, en Guadeloupe, à La Réunion ou ailleurs, la crise du logement se fait trop violente et vient s’ajouter à un coût de la vie déjà plus élevé – une double peine.
Pourtant, des armes existent. Dans de nombreuses zones dites tendues, un encadrement des loyers a été instauré, pour freiner la hausse des prix et soulager la facture. Il protège les locataires de la voracité du marché et des spéculateurs. Faisons en sorte qu’il puisse protéger aussi nos compatriotes d’outre-mer, comme le propose ce texte. L’encadrement des loyers est une arme précieuse, dont les maires des communes d’outre-mer ne disposent pas actuellement. L’adoption de la proposition de loi corrigera cette injustice. C’est pourquoi le groupe Écologiste et social la soutient. S’il faut étendre l’expérimentation de l’encadrement des loyers en outre-mer, il ne faut cependant pas la perdre dans l’Hexagone. Or, elle arrive à échéance en novembre 2026. Pour ne pas mettre en danger des milliers de locataires, le Gouvernement devra donc anticiper, sur son temps législatif, la prolongation et l’extension de cette expérimentation.
La seconde partie du texte permet de créer des normes de construction adaptées aux territoires ultramarins utilisant des matériaux locaux, en dérogeant au marquage CE. Cela favorisera la construction de filières locales et régionales et permettra d’importer des matériaux de moins loin : notre groupe soutient toujours ces mesures de bon sens. Il faudra néanmoins que ces normes soient d’une qualité équivalente aux normes CE, notamment en matière d’écoresponsabilité.
Au nom de mon groupe, je remercie la sénatrice Audrey Bélim d’avoir rédigé ce texte et obtenu un consensus. Je remercie également le groupe GDR et son rapporteur d’utiliser leur journée réservée pour l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Nous le voterons.
M. Frantz Gumbs (Dem). La crise du logement est profonde et persistante dans les outre-mer. Elle touche l’ensemble de nos territoires, y compris ma circonscription. Les gens ne trouvent pas à se loger, même quand ils en ont les moyens. Les logements manquent, autant dans le parc privé que dans le parc social. Les loyers sont excessifs, eu égard aux moyens d’une grande partie de la population. Cette situation fragilise chaque jour davantage les ménages les plus modestes.
Cette proposition de loi nous donne l’opportunité d’agir concrètement, c’est un levier nécessaire pour mieux encadrer les loyers : le groupe Les Démocrates la soutient pleinement. Ce dispositif, expérimenté dans l’Hexagone depuis 2018, a montré son utilité. Il est urgent de l’adapter et de le déployer dans nos territoires ultramarins, là où les tensions sont parmi les plus fortes.
Je tiens aussi à saluer la création des comités référentiels de construction dans les régions et les départements ainsi qu’à Saint-Martin. Ils joueront un rôle clé, en intégrant nos réalités locales, ainsi que nos contraintes géographiques, climatiques et techniques. J’espère par ailleurs que les modalités du décret, notamment celles applicables à ma région, prendront pleinement en compte les exemptions prévues par le règlement européen sur les produits de construction, ainsi que les réalités géographiques et géopolitiques régionales.
Enfin, cette proposition de loi ne doit pas être isolée. Si l’encadrement des loyers est un outil important, il doit s’inscrire dans une stratégie plus large, une politique ambitieuse de justice sociale, de régulation du marché locatif, et, surtout, de production suffisante de logements accessibles dans les territoires ultramarins. À cet égard, la solidarité nationale sera aussi nécessaire.
M. Henri Alfandari (HOR). L’expérimentation, instaurée par la loi Elan, de l’encadrement des loyers dans les communes situées en zone tendue a exclu les collectivités ultramarines. La proposition de loi prévoit donc une expérimentation, pour une durée de cinq ans, dédiée aux seules collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution. Alors que plusieurs dizaines de communes métropolitaines expérimentent déjà le dispositif, nous saluons l’ouverture de cette faculté aux collectivités d’outre-mer.
S’agissant de l’adaptation des normes, le travail mené au Sénat, en lien avec le Gouvernement, a permis d’aboutir à un dispositif équilibré. La création de comités relatifs aux produits de construction nous semble essentielle pour lever un frein bien identifié, l’inadéquation des normes aux réalités ultramarines, qui renchérit systématiquement les coûts de construction.
Ces mesures ne résoudront pas à elles seules la crise du logement en outre-mer, mais elles peuvent y contribuer utilement, en cohérence avec la stratégie de l’État, que matérialise le nouveau plan logement outre-mer.
Le groupe Horizons et indépendants votera donc en faveur de ce texte, qui s’appuie sur deux principes qu’il défend avec constance : l’adaptation aux spécificités locales et la simplification normative.
Mme la présidente Aurélie Trouvé. La parole est à M. Joseph Rivière.
M. Joseph Rivière (RN). Nous voyons le verre à moitié plein et en matière de logement, tout le monde en a besoin, nous l’entendons tous les jours sur les ondes de Radio Freedom. Il ne s’agit pas d’opposer les propriétaires et les locataires, parce qu’une personne à la recherche d’un logement est bien contente de trouver une personne privée ou publique, qui a pris des risques en investissant. La loi doit être juste et équilibrée pour tout le monde. Ce texte est un premier pas, il faut continuer dans ce sens.
M. Frédéric Maillot, rapporteur. Vous avez raison, la loi doit être juste. Je suis pour la justice, peu importe en faveur de qui elle tranche.
Ce qui est injuste, ce sont les 30 000 logements du parc privé inoccupés à La Réunion. Des leviers existent : je pense à la captation du parc privé, comme le fait l’agence Soleil, agence immobilière à vocation sociale, dans le cadre de l’intermédiation locative. Il existe de nombreux autres dispositifs soutenus par la Fondation pour le logement des défavorisés.
Ni Mme Bélim, ni moi ne cherchons des coupables ; nous cherchons ensemble des solutions.
Article 1er : Expérimentation de l’encadrement des loyers dans les départements et régions d’outre-mer
La commission adopte l’article 1er non modifié.
Article 2 (art. 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine) : Nouvelle délimitation des quartiers prioritaires de la politique de la ville en outre-mer
La commission maintient la suppression de l’article 2.
Article 3 (art. L. 121-4-1 du code de la construction et de l’habitation) : Création de centres scientifiques et techniques du bâtiment dans les DROM
La commission maintient la suppression de l’article 3.
Article 3 bis : Création de « comités référentiels constructions » et mise en œuvre de l’exemption « RUP »
Amendement CE5 de M. Joseph Rivière
M. Joseph Rivière (RN). En imposant aux principaux acteurs de la construction de logements de se mettre autour d’une table, l’amendement cherche à donner la parole aux acteurs locaux et à créer les conditions d’un dialogue franc, à l’instar de ce qui se passe dans les OPMR (observatoire des prix, des marges et des revenus).
L’objectif est double : élaborer des référentiels de construction adaptés aux besoins en privilégiant les filières économiques locales ; s’assurer de la transparence dans la formation des prix dans la construction et la location des logements.
Les professionnels du bâtiment doivent pouvoir donner leur avis et faire connaître leur fonctionnement afin d’assurer une plus grande cohérence des décisions.
M. Frédéric Maillot, rapporteur. Je redis le souhait unanime d’une adoption conforme du texte, ce qui n’interdit pas le débat.
L’exemple des OPMR que vous citez est le plus mauvais qui soit, puisque les citoyens et les professionnels qui en sont membres dénoncent un manque de transparence.
Votre amendement aurait plus sa place dans l’article relatif à l’encadrement des loyers. Il y a peu de logique, à mes yeux, à associer les locataires aux discussions sur l’adaptation des normes. La logique est parfois une manière méthodique de se tromper en toute confiance, je vous l’accorde, mais la « trompaison » est de votre côté cette fois.
M. Joseph Rivière (RN). Le logement constitue une filière, chaque acteur doit pouvoir donner son avis. Au nom de la cohérence, il faut associer tout le monde aux discussions.
M. Philippe Naillet (SOC). L’article 3 bis crée les comités référentiels construction, dont l’objet est de contribuer à la mise en œuvre de l’exemption de marquage CE et à la définition de référentiels de construction. Quel est l’objet de l’OPMR ? Étudier le coût de la vie et le pouvoir d’achat des citoyens. Ce sont deux missions bien différentes, il ne faut pas tout mélanger.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CE6 de M. Joseph Rivière
M. Joseph Rivière (RN). L’amendement tend à limiter la collaboration aux seules instances nationales. Il est inconcevable que des instances internationales se permettent de donner un quelconque avis sur l’usage des deniers publics français ou sur la politique intérieure. Seuls les élus nationaux ou locaux doivent pouvoir s’exprimer sur la politique du logement.
Je pense à ce qui se passe à la Commission de l’océan Indien (COI). C’est la France qui paye, mais ce sont souvent les Comores qui nous imposent leur choix. Considérant que Mayotte n’est pas française, elles refusent que l’île soit membre de la Commission et qu’elle participe aux jeux de l’océan Indien.
M. Frédéric Maillot, rapporteur. Il y a deux semaines, j’ai un peu choqué une classe de lycéens en affirmant qu’il fallait revenir à une logique géographique.
Monsieur Rivière, en tant que Réunionnais, vous et moi, nous ne sommes pas des Européens – M. Naillet non plus –, sur le plan géographique, nous sommes des Sud-Africains, Si nous voulons commercer avec notre environnement naturel, nous sommes obligés d’avoir des échanges internationaux. Madagascar, qui est une île sœur pour La Réunion – 60 % des Réunionnais ont du sang malgache –, représente pourtant l’international. La zone qui nous entoure est internationale. On ne peut donc pas se permettre de tout ramener à du patriotisme à tous crins, en particulier en matière économique.
M. Tavernier a parlé de bon sens. Le fait de discuter de l’adaptation normative avec notre zone géographique naturelle est une question de bon sens écologique, géographique économique, voire culturel. Mon avis est défavorable.
M. Joseph Rivière (RN). Je ramène le débat à la nation parce que nous sommes Français. J’ai du sang indien et breton. Nous appartenons à la zone géographique de l’océan Indien, mais nous sommes Français et c’est la France qui paie.
M. Frédéric Maillot, rapporteur. C’est la France qui paie et qui décide. La Réunion se trouve en France. Elle va décider de ce qui est bon pour elle dans sa zone.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’article 3 bis non modifié.
Article 4 : Création de « comités référentiels construction » et mise en œuvre de l’exemption « RUP »
La commission adopte l’article 4 non modifié.
Après l’article 4
Amendement CE3 de M. Frédéric Falcon
M. Frédéric Falcon (RN). L’amendement vise à revenir sur l’application dans les DOM (départements d’outre-mer) des normes issues de la réglementation européenne 2020. Les contraintes qu’elles imposent sont à l’origine d’importants surcoûts en matière de construction – de 5 à 15 % selon le Gouvernement – et le calendrier de leur mise en œuvre est intenable. Ces normes ne nous semblent pas adaptées aux spécificités des DOM, notamment climatiques. Nous proposons donc de les en exonérer. Les DOM pourront ainsi définir eux-mêmes un cahier des charges et des normes appropriés.
M. Frédéric Maillot, rapporteur. C’est tellement vrai que la réglementation environnementale 2020 ne s’applique pas en outre-mer. Je vous invite donc à retirer l’amendement, à défaut, mon avis sera défavorable.
L’amendement est retiré.
Amendements CE1 et CE2 de M. Frédéric Falcon (discussion commune)
M. Frédéric Falcon (RN). L’amendement CE1 vise à épargner aux DOM les contraintes liées au diagnostic de performance énergétique (DPE). Ils bénéficient déjà d’une dérogation, puisque le calendrier y est décalé de trois ans – l’interdiction des logements classés G entre en vigueur en 2028, et non en 2025.
J’ai déjà eu maintes occasions de l’expliquer, ces contraintes conduisent à un assèchement du marché locatif. Dans un contexte aussi tendu que celui des DOM, il semble important de les exonérer des règles relatives au DPE, diagnostic qui obéit aux mêmes normes qu’en métropole, alors que les réalités climatiques y sont totalement différentes.
L’amendement CE2 est de repli. Il vise à accorder cinq années supplémentaires aux bailleurs dans les DOM pour se mettre en conformité vis-à-vis du DPE.
M. Frédéric Maillot, rapporteur. Je l’ai dit, à La Réunion, 30 000 logements du parc privé ne sont pas loués parce que ce sont des taudis. En supprimant les obligations liées au DPE ou en retardant leur application, on risque d’accroître le nombre, déjà trop grand, de personnes qui vivent dans des logements insalubres. Ayant travaillé pendant treize ans à la Fondation Abbé Pierre, j’ai une certaine culture de la lutte contre le logement insalubre.
Je rappelle que la Martinique et la Guadeloupe travaillent déjà sur des DPE plus adaptés à leurs conditions climatiques et à leurs normes environnementales. Le rapport du Sénat sur la politique du logement dans les outre-mer montre qu’il y a pléthore de normes inadaptées en outre-mer. Ma collègue K/Bidi l’a dit, à La Réunion, on nous demande de construire des immeubles capables de supporter le poids de la neige.
Des adaptations normatives sont indispensables, mais il ne faut pas tout supprimer. Cela peut être dangereux non pas seulement pour le locataire, mais aussi pour le propriétaire.
M. Frédéric Falcon (RN). Je vous invite à ne pas confondre insalubrité et indécence. Les logements classés G sont indécents, ils ne sont pas forcément insalubres. Arrêtons d’entretenir la confusion. Il faut lutter avec force contre l’habitat insalubre et des outils existent pour cela, parmi lesquels le permis de louer et les arrêtés municipaux, mais les passoires thermiques n’entrent pas systématiquement dans cette catégorie.
M. Frédéric Maillot, rapporteur. Vous avez raison d’insister sur la sémantique, mais mon avis reste défavorable.
Je suis le premier à me battre pour faire admettre que le logement traditionnel réunionnais – parfois une maison en bois sous tôle – n’est pas un logement insalubre. Mais pour autant, peut-on accepter de laisser un bébé qui vient de naître dans une maison en bois sous tôle quand il fait 35 degrés ? Il faut regarder aux quatre coins de la planète ce qui peut être adapté et ce qui ne peut pas l’être en matière de logement.
M. Frantz Gumbs (Dem). Je souhaite à mon tour faire une précision sémantique. Vous avez utilisé à de nombreuses reprises l’acronyme DOM, qui signifie départements d’outre-mer. Or, les territoires ultramarins sont des départements, des régions et des collectivités d’outre-mer. Par conséquent, l’acronyme adéquat serait DROM-COM.
M. Frédéric Falcon (RN). Loin de moi la volonté d’écarter les territoires ou collectivités d’outre-mer qui ne seraient pas couvertes par la terminologie DOM. Mon propos visait évidemment tous les territoires.
La commission rejette successivement les amendements.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi non modifiée.
Liste des personnes auditionnÉes
Par ordre chronologique
Fondation pour le logement des défavorisés*
M. Matthieu Hoarau, directeur régional
M. Manuel Domergue, directeur des études
Mme Noria Derdek, responsable des études juridiques
Table-ronde avec les spécialistes de la construction
Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB)
M. Etienne Crépon, président
M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques
Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction du bâtiment (BNTEC)
M. Nawfal Boutahir, directeur
Association française de normalisation (AFNOR)*
M. Jean-Michel Remy, responsable du département « Ingénierie, Construction, Cycle de l’Eau et Matériaux »
M. Thierry Geoffroy, responsable des « Relations Institutionnelles » Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)
Agence Qualité Construction (AQC)
M. Philippe Rozier, directeur général
M. Aurélie Lopes, référent Outre-mer et coordinateur du programme « OMBREE »
Fédération des entreprises d’Outre-mer (Fedom)*
M. Stéphane Brossard, président de la commission technique
M. Samy Chemellali, responsable des affaires économiques, du BTP et de l’énergie
France Assureurs*
M. Bertrand Lotte, directeur des règlements « SMABTP » et président du comité « construction »
M.Christophe Delcamp, directeur « assurances dommages et responsabilité »
Mme Stéphanie Dando, responsable « assurance construction »
CAPEB Réunion*
M. Raymond Vaitilingom, secrétaire général
M. Bruno Mallet-Damour, professeur à l’université de la Réunion
Table-ronde avec les élus des villes de La Réunion :
M. Julien Mouniama-Mounican, responsable de l’Observatoire des Loyers Privés de La Réunion
M. Daniel David, co-directeur de l’AGORAH
M. Benoit Pribat, co-directeur de l’AGORAH
M. Pascal Fouque, directeur de l’ADIL
Mme Mélodie Lherminez, cheffe de projet études et observation de l’ADIL
Mme Jean Vanderzippe, chargée d’études de l’ADIL
* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.
([1]) Rapport d’information n° 514 de la délégation aux outre-mer du Sénat, La lutte contre la vie chère outre-mer : pansements ou vrais remèdes ? avril 2025. Rapport n° 1549 fait au nom de la commission d’enquête sur le coût de la vie dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution de l’Assemblée nationale, juillet 2023.
([2]) Case-Pilote, Fort-de-France, Saint-Joseph, Schloelcher, Ducos, Le François, Gros-Morne, Le Marin, Rivière-Pilote, Rivière-Salée, Le Robert, Saint-Esprit, Sainte-Anne, Sainte-Luce, Le Vauclin, Les Abymes, Baie-Mahault, Le Gosier, Lamentin, Morne-à-l’Eau, Le Moule, Petit-Bourg, Petit-Canal, Pointe-à-Pitre, Saint-François, Sainte-Anne, Sainte-Marie, Saint-Louis, Saint-Denis, Le Port, La Possession, Saint-Paul, Entre-Deux, Saint-Pierre, Le Tampon, Cayenne, Matoury, Remire-Montjoly.
([3]) APUR, Les effets de l’encadrement des loyers à Paris – Première évaluation depuis la mise en œuvre du dispositif en 2019, avril 2024.
([4]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
([5]) Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
([6]) Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.
([7]) Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs.
([8]) Le niveau de performance d’un logement décent doit atteindre au moins la catégorie F au 1er janvier 2028 et la classe E au 1er janvier 2031 dans les territoires ultramarins, alors que, pour l’hexagone, les logements classés G sont frappés d’indécence énergétique depuis le 1er janvier 2025, les logements classés F le seront à partir du 1er janvier 2028 et les logements classés E à partir du 1er janvier 2034.
([9]) Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.
([10]) Décret n° 2014-767 du 3 juillet 2014 relatif à la liste nationale des quartiers prioritaires de la politique de la ville et à ses modalités particulières de détermination dans les départements métropolitains.
([11]) Décret n° 2024-1211 du 27 décembre 2024 relatif aux modalités de détermination des quartiers prioritaires de la politique de la ville particulières aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et à la Polynésie française.
([12]) Voir décret n° 2009-697 du 16 juin 2009 relatif à la normalisation.
([13]) Cour des comptes, Le logement dans les départements et régions d’outre-mer, rapport public thématique, septembre 2020.
([14]) Rapport d'information n° 601 au nom de la délégation aux outre-mer du Sénat, Le BTP outre-mer au pied du mur normatif : Faire d'un obstacle un atout, juin 2017.