N° 1531 |
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N° 708 |
ASSEMBLÉE NATIONALE |
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SÉNAT |
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE |
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SESSION ORDINAIRE 2024 - 2025 |
Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale |
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Enregistré à la présidence du Sénat |
le 5 juin 2025 |
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le 5 juin 2025 |
RAPPORT
au nom de
L’OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
Protéines et alimentation
par
M. Philippe BOLO, député
et M. Arnaud BAZIN, sénateur
Déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale par M. Pierre HENRIET, Premier vice-président de l’Office |
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Déposé sur le Bureau du Sénat par M. Stéphane PIEDNOIR, Président de l’Office |
Composition de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques
et technologiques
Président
M. Stéphane PIEDNOIR, sénateur
Premier vice-président
M. Pierre HENRIET, député
Vice-présidents
M. Jean-Luc FUGIT, député M. Gérard LESEUL, député M. Alexandre SABATOU, député |
Mme Florence LASSARADE, sénatrice Mme Anne-Catherine LOISIER, sénatrice M. David ROS, sénateur |
DÉputés
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SÉnateurs |
M. Alexandre ALLEGRET-PILOT M. Maxime AMBLARD M. Philippe BOLO M. Éric BOTHOREL M. Joël BRUNEAU M. François-Xavier CECCOLI M. Maxime LAISNEY Mme Mereana REID ARBELOT M. Arnaud SAINT-MARTIN M. Emeric SALMON M. Jean-Philippe TANGUY Mme Mélanie THOMIN M. Stéphane VOJETTA Mme Dominique VOYNET |
M. Arnaud BAZIN Mme Martine BERTHET Mme Alexandra BORCHIO FONTIMP M. Patrick CHAIZE M. André GUIOL M. Ludovic HAYE M. Olivier HENNO Mme Sonia de LA PROVÔTÉ M. Pierre MÉDEVIELLE Mme Corinne NARASSIGUIN M. Pierre OUZOULIAS M. Daniel SALMON M. Bruno SIDO M. Michaël WEBER |
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SOMMAIRE
Pages
A. Des besoins d’apports protéiques dans l’alimentation largement couverts
1. Les protéines, composant essentiel de l’alimentation
a) Définition des protéines et rôle dans l’organisme
b) La place des protéines parmi les autres composants de l’alimentation
2. Les besoins quantitatifs en protéines largement couverts
a) Les recommandations d’apports en protéines dans l’alimentation
(1) Les besoins quantitatifs en population générale
(2) Les besoins quantitatifs de certaines populations
b) Une consommation de protéines qui excède largement les besoins
(1) Des recommandations nutritionnelles largement atteintes
(2) La prépondérance des protéines d’origine animale
(3) Des profils de consommation divergents de par le monde
3. La prise en compte de la dimension qualitative des protéines
a) Les acides aminés essentiels
(1) La notion d’acides aminés essentiels
c) Les limites des indicateurs d’évaluation de la qualité des protéines
(1) Les biais méthodologiques des indicateurs PDCAAS et DIAAS
(2) Des indicateurs de qualité des protéines éloignés des conditions réelles de leur consommation
B. Une multiplicité des sources « utiles » de protéines
1. Le match entre protéines animales et protéines végétales doit-il avoir lieu ?
a) L’enjeu de la teneur des aliments en protéines
(3) La protéine animale est-elle plus qualitative ?
b) Avantages et inconvénients des régimes carnés
(2) Les risques pour la santé de l’excès de consommation de produits issus d’animaux
c) Avantages et inconvénients des protéines végétales
(1) Les atouts des protéines végétales
(2) Les risques d’une alimentation purement végétale peuvent être maîtrisés
2. Pour une approche fine des vertus nutritionnelles des différentes sources de protéines
a) Les enjeux de quantité et de qualité des protéines sont peu dissociables
c) Les régimes végétarien et végétalien sont compatibles avec la bonne santé des individus
II. Les protéines au cœur de l’enjeu de réduction de l’empreinte environnementale de l’alimentation
A. Un contexte de progression de la demande alimentaire
1. Les perspectives de hausse des besoins alimentaires mondiaux
2. Des tensions probables sur l’approvisionnement alimentaire
a) Une difficulté : la stagnation des rendements agricoles
b) La concurrence des productions alimentaires avec d’autres usages
B. La nécessité d’aller vers des systèmes alimentaires plus durables
1. L’impact de la production agricole sur l’environnement
a) La responsabilité de l’agriculture dans le réchauffement climatique
b) Les autres impacts de la production agricole sur l’environnement
(4) Des impacts diffus des différents modes de production agricole
2. Un fort impact sur l’environnement des productions animales
a) Les productions animales, principale source d’émissions de gaz à effet de serre
b) Le poids significatif des productions végétales destinées à l’alimentation animale
(1) Produire des protéines animales nécessite de grandes quantités de protéines végétales
(2) La nécessité de prendre en compte les seules protéines consommables par l’Homme
(3) Une majorité des surfaces agricoles consacrées à l’alimentation animale
c) L’élevage rend aussi des services environnementaux
(1) Un impact positif sur la biodiversité
(2) Une contribution indirecte au stockage de carbone dans le sol et à la santé des sols
3. Une alimentation riche en protéines animales globalement plus impactante sur l’environnement
a) Une comparaison de l’empreinte carbone de l’alimentation ramenée
à la protéine produite
b) Une comparaison de l’empreinte carbone qui doit aller jusqu’à l’assiette du consommateur
C. La végétalisation de l’alimentation, levier de lutte
contre le changement climatique
1. Les avantages attendus d’une végétalisation de l’alimentation
a) La végétalisation, outil de la décarbonation
b) Le rôle des légumineuses dans la transition alimentaire
2. Les scénarios possibles d’une transition alimentaire vertueuse sur le plan environnemental
a) L’action sur l’offre : la réduction du cheptel bovin
b) L’action sur la demande : ajuster nos régimes alimentaires
III. La recherche de protéines alternatives
A. État des lieux des protéines alternatives
1. La fermentation de précision
b) Quels débouchés dans le domaine des protéines alimentaires ?
c) Avantages de la fermentation de précision dans l’alimentation
d) Quelles perspectives pour la fermentation de précision dans l’alimentation ?
2. Les aliments cellulaires ou « viande in vitro »
c) Quels avantages des cultures cellulaires ?
d) Quelles perspectives pour les aliments cellulaires ?
a) Une source intéressante de protéines
(1) L’insecte, un aliment de qualité
(2) Des avantages environnementaux indéniables
b) Une alternative qui peine à décoller
(1) Un développement orienté vers l’alimentation animale
(2) Une filière encore fragile
(1) Panorama de la production et de la consommation d’algues
(2) Les avantages nutritionnels des algues
(3) Des bénéfices de l’algoculture pour l’environnement
B. Les obstacles au développement des protéines alternatives
a) Des objectifs ambitieux mais pas complètement définis
b) Des technologies qui ne sont pas encore stabilisées
a) Des étapes règlementaires qui restent à franchir
(1) Pour les protéines nouvelles, la nécessité d’obtenir une autorisation
de mise sur le marché
(2) La réglementation européenne des nouveaux aliments (« novel food »)
(3) Le sujet de la dénomination des aliments
b) L’enjeu du financement : le nerf de la guerre
IV. La diversification des sources de protéines dans l’alimentation : un chemin ardu
A. Du reflux des protéines animales au défi de la transformation des habitudes alimentaires
1. Le constat d’une modification des habitudes alimentaires des Français
a) L’alimentation, un poste budgétaire en repli
b) Une population sur-nourrie ou mal nourrie ?
c) L’évolution des régimes alimentaires
(1) La remise en cause de la viande comme « aliment supérieur »
(2) Une progression modérée des végétariens et végétaliens
2. Les déterminants complexes des choix alimentaires
a) L’enjeu d’une alimentation saine et durable
(1) La santé, puissant déterminant des choix alimentaires
(2) L’environnement : un argument moral
b) Des facteurs plus triviaux interviennent dans les choix alimentaires
(2) Goûts, habitudes alimentaires et disponibilité de l’offre alimentaire
1. Développer la production de protéines alternatives
a) Un objectif d’autosuffisance en protéines végétales pour le bétail
(1) L’élevage français et européen, dépendant de protéines importées
b) Développer des filières de production de protéines végétales pour l’alimentation humaine
2. Favoriser une diversification des consommations de protéines
a) Les outils de politique publique dans le domaine de l’alimentation
(1) L’incitation non monétaire : encourager les bonnes pratiques alimentaires
(2) L’incitation monétaire : subventionner les bonnes pratiques et sanctionner les mauvaises
(3) La contrainte : interdire et sanctionner
b) Une stratégie de transition vers les protéines alternatives à construire
(1) Développer l’acceptabilité sociale des protéines alternatives
(2) Un levier efficace : les menus végétariens en restauration collective
Conclusions et recommandations
Lettre de saisine de l’Office par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale
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En octobre 2023, le Président de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a saisi l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques d’une demande d’étude consacrée aux protéines dans l’alimentation, visant à éclairer les débats sur les questions de transitions, de souveraineté alimentaire, ainsi que les opportunités et les menaces à connaître pour aider aux prises de décisions législatives.
Ces travaux ont été menés sur une période longue, afin d’entendre une multitude d’interlocuteurs, y compris ceux de l’écosystème des protéines alternatives, qui connaît un foisonnement d’initiatives depuis quelques années.
Les protéines jouent un rôle essentiel dans l’alimentation. Disposer de protéines en quantité et en qualité suffisantes est nécessaire pour nourrir les humains ainsi que les animaux qui entrent dans la chaîne alimentaire globale.
Définir le bon niveau et la bonne manière de fournir des protéines à l’ensemble de la population est une question complexe. D’abord parce que les aliments que nous consommons ne se résument pas à leur composition en protéines. Celles-ci ne sont que l’un de leurs composants avec les lipides, les glucides, mais aussi les minéraux ou encore les vitamines. Ensuite car les enjeux quantitatifs et qualitatifs sont imbriqués : il n’y a pas de « bonne protéine » en soi.
S’intéresser à la question des protéines conduit à s’interroger sur l’impact qu’elles peuvent avoir sur la santé humaine. De ce point de vue, la consommation de protéines dans les pays développés excède les besoins physiologiques et la part des protéines animales est assez élevée puisqu’elles assurent environ deux tiers des apports alors que les recommandations nutritionnelles généralement admises s’établissent à environ 50/50 entre protéines animales et protéines végétales.
Une large part des productions végétales est mobilisée pour les animaux. Selon la FAO, environ 40 % des terres arables mondiales sont utilisées pour produire des aliments pour animaux. En comptant les prairies, ce sont environ 70 % des terres agricoles qui sont directement ou indirectement consacrées à l’élevage. À l’échelle mondiale, une progression même modérée de la consommation de protéines animales combinée à la croissance démographique constitue donc un défi majeur. On peut légitimement douter de la soutenabilité d’une augmentation de la consommation de protéines animales.
En outre, l’impact environnemental de l’élevage constitue une source de préoccupation. Si les ruminants assurent la valorisation des prairies et de vastes territoires peu propices à une mise en culture, l’élevage est aussi un émetteur de gaz à effet de serre (GES). Les multiples formes d’élevage ont des impacts différenciés sur l’environnement, mais globalement, l’enjeu climatique est un second facteur critique de la réflexion sur le bon niveau d’approvisionnement en protéines dans l’alimentation.
La technologie peut venir au secours de la réflexion sur les protéines dans l’alimentation, dans la mesure où l’on peut diversifier les sources d’apport, en recourant à des vecteurs connus, comme les insectes, mais aussi en innovant, à travers la fermentation de précision ou encore la culture cellulaire. La technologie permet aussi d’enrichir les apports nutritionnels des sources végétales de protéines, pour mieux répondre aux besoins des consommateurs.
Il convient enfin de questionner les leviers de transformation des habitudes de consommation alimentaire et la faisabilité d’une transition alimentaire qui rééquilibrerait la part des protéines animales par rapport aux protéines végétales et qui répondrait à la fois à l’objectif d’une alimentation saine et bénéfique à la santé des populations, et à celui d’une moindre pression sur l’environnement et les milieux naturels, tout en étant socialement et économiquement acceptable pour l’ensemble des parties prenantes, y compris les agriculteurs.
Les protéines sont des macromolécules que l’on trouve dans les cellules mais aussi en dehors (les hormones, par exemple, sont excrétées par les cellules pour agir sur d’autres cellules) qui comprennent des chaînes d’acides aminés (structure de type H2N–HC–COOH) dont la séquence en acide aminé est dictée par le gène codant la protéine en question.
Les protéines sont impliquées dans toutes les grandes fonctions physiologiques en raison de leur structure tridimensionnelle. En effet, pour prendre leur forme finale, de nombreuses protéines passent par une phase de « modifications post-transcriptionnelles », pendant laquelle elles subissent des modifications après avoir été synthétisées. Ces modifications leur permettent de se « plier » de la bonne manière pour remplir leurs fonctions.
Celles-ci sont variées au sein de la cellule ou de l’organisme :
- certaines protéines ont des fonctions enzymatiques, c’est-à-dire catalysent des réactions chimiques dans l’organisme (polymérases) ;
- d’autres ont des fonctions structurales (actine, kératine, collagène) ;
- d’autres un rôle hormonal (insuline, hormone de croissance) ;
- d’autres encore un rôle moteur (myosine) ou de transport (hémoglobine, qui transporte l’oxygène).
Les protéines sont indispensables à la croissance, au renouvellement des tissus et au maintien des fonctions des organismes vivants.
Le corps humain rassemble 10 000 types de protéines différents. Les protéines représentent environ 10 kg sur un poids total d’un adulte de 70 kg. Environ 40 % d’entre elles sont stockées dans nos muscles.
Les protéines apportées par l’alimentation sont dégradées en acides aminés (protéolyse) puis synthétisées par l’organisme en recomposant les acides aminés (protéosynthèse) disponibles dans le cadre d’un processus continu représentant de l’ordre de 250 à 300 grammes de protéines par jour, soit un peu plus de 2,5 % de la masse protéique totale.
Ainsi les protéines sont en renouvellement constant dans l’organisme.
Illustration : la trypsine, une enzyme protéolytique
sécrétée par le pancréas pour la digestion
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Source : https://proteopedia.org/wiki/index.php/Trypsin
Les organismes vivants ne disposant pas de stocks d’acides aminés, ceux-ci ne peuvent être apportés que par l’alimentation. Pour que ce processus fonctionne, il convient que l’organisme reçoive une quantité suffisante de protéines à travers l’alimentation. L’apport nutritionnel conseillé (ANC) en protéines est évalué à 0,83 g/kg/jour pour un adulte en bonne santé.
Outre le besoin relevant de la fabrication d’autres protéines, celles-ci ont aussi un rôle en matière d’apport d’énergie à l’organisme, comme les glucides et les lipides.
En raison de leur effet élevé de satiété, les protéines apportées par l’alimentation sont particulièrement bénéfiques pour les personnes souffrant d’obésité ou atteintes de diabète. L’enrichissement de leur régime en protéines permet de limiter les autres catégories d’apports énergétiques.
Les protéines fournies par l’alimentation peuvent être d’origine animale (viande, lait, fromages, beurre, poissons, œufs) ou végétale (légumes secs, pâtes et blé complet, riz complet, soja, fruits secs comme les noisettes et les amandes, levure, légumes).
La couverture des besoins en énergie
L’OMS définit les besoins énergétiques comme « la quantité d’énergie nécessaire pour compenser les dépenses et assurer une taille et une composition corporelle compatibles avec le maintien à long terme d’une bonne santé et d’une activité physique adaptée au contexte économique et social ». Ces besoins sont couverts par les macronutriments : lipides, glucides et protéines.
On considère que les besoins énergétiques exprimés en France sont de l’ordre de 2 500 à 2 700 kcal/jour pour les hommes et 2 000 à 2 200 kcal/jour pour les femmes. Les adolescents ont besoin d’un peu plus d’apports énergétiques, de l’ordre de 3 000 kcal/jour.
Les lipides fournissent 9 kcal par gramme tandis que les glucides et les protéines apportent 4 kcal par gramme.
L’équilibre recommandé entre ces trois macronutriments pour des apports en énergie s’établit ainsi :
- 45-50 % pour les glucides ;
- 35-40 % pour les lipides ;
- 15 % pour les protéines.
Les êtres humains, comme les animaux, ont besoin de s’alimenter pour assurer leur croissance et entretenir leur organisme. Outre les protéines, les nutriments nécessaires pour vivre peuvent être classés dans les catégories suivantes :
Il existe plusieurs types de glucides (anciennement appelés hydrates de carbone du fait de leur composition moléculaire)[1] que nous pouvons trouver dans notre alimentation : la cellulose (présente dans les cellules végétales), l’amidon (présent dans le tapioca, les céréales, les légumineuses, les tubercules, les œufs…), les sucres (présents dans le miel, les fruits frais, les fruits secs, les sucres raffinés tirés de la betterave ou de la canne…). La teneur des aliments en glucides est variable.
Les glucides sont des assemblages de monosaccharides (glucose, fructose…). On retrouve à la fois des monosaccharides et des glucides plus « complexes » dans notre alimentation.
Selon l’Anses, un glucide est un polyalcool comportant une fonction aldéhydique (fonction pseudo-aldéhydique, car l’oxygène de l’aldéhyde est impliqué dans la forme cyclique de l’ose) ou cétonique. À quelques exceptions près, la formule brute des glucides est (CH2O)n avec n ≥ 3[2].
Leur fonction consiste principalement à apporter l’énergie indispensable au bon fonctionnement de l’organisme. Les glucides représentent en général plus de 50 % des apports totaux recommandés en énergie.
L’index glycémique des aliments indique la vitesse à laquelle les monosaccharides contenus dans les glucides passent dans le sang, permettant de distinguer les sucres rapides (chocolat, miel, céréales raffinées) et les sucres lents.
Parmi les glucides, les fibres, provenant de céréales, de légumineuses de légumes ou de fruits, ne sont pas digérées ni absorbées par l’intestin grêle. Contrairement aux glucides digestibles (comme l’amidon et les sucres), les fibres alimentaires ne fournissent pas directement d’énergie à l’organisme. Cependant, leur rôle dans le maintien d’une bonne santé est primordial.
Les lipides regroupent l’ensemble des corps gras.
Du point de vue chimique, les lipides sont principalement composés d’atomes de carbone (C), d’hydrogène (H) et d’oxygène (O), mais certains peuvent également contenir du phosphore (P) ou de l’azote (N).
Les principales sources de lipides sont les huiles et graisses végétales, les fruits oléagineux (amandes, noisettes, arachides, noix), le beurre, la crème, les olives, les œufs, le fromage.
Ils sont considérés comme aliments « réchauffeurs », car ils véhiculent les vitamines liposolubles : A, D, E et K. Mais ils sont aussi une source d’énergie pour l’organisme. Ils sont également un constituant des membranes cellulaires et peuvent jouer un rôle de précurseur d’hormones.
Au sein des lipides, il faut distinguer les acides gras saturés des acides gras insaturés (acide gras linolénique, acide gras alphalinolénique).
- Les acides gras saturés (AGS) ne possèdent aucune double liaison entre leurs atomes de carbone. Ils sont généralement solides à température ambiante et se trouvent principalement dans les graisses animales (beurre, saindoux, viandes grasses) et certaines huiles végétales (huile de coco, huile de palme). Ils sont globalement surconsommés car présents dans de nombreux aliments industriels de type biscuits, huiles de friture, pâtisseries, produits de grignotage.
- Les acides gras insaturés (AGI) possèdent à l’inverse une ou plusieurs doubles liaisons entre leurs atomes de carbone. Ils sont généralement liquides à température ambiante et se trouvent principalement dans les huiles végétales et les poissons. Parmi les AGI, on distingue les acides gras monoinsaturés (AGMI), qui ne possèdent qu’une seule double liaison (acide oléique, que l’on retrouve par exemple dans l’huile d’olive) des acides gras polyinsaturés (AGPI) qui possèdent plusieurs doubles liaisons, et des acides gras trans (AGT), dont la configuration autour de la double liaison est dite « trans ». Ces derniers sont prisés de l’industrie agroalimentaire car leur configuration les rend plus stables, avec une température de fusion élevée.
La consommation d’AGMI permet de réduire le cholestérol LDL (qui est le « mauvais » cholestérol, augmentant les risques cardiovasculaires). Les AGMI peuvent aussi jouer un rôle dans la régulation de la glycémie et l’amélioration de la sensibilité à l’insuline et ont également des propriétés anti-inflammatoires.
Les AGPI oméga-3 et oméga-6 sont dits essentiels. L’organisme étant incapable de les synthétiser, ils doivent être présents dans une alimentation saine. Ils ont un rôle important dans la santé cardiovasculaire, le développement cérébral et la réponse inflammatoire.
En revanche, les AGT, produits naturellement en petites quantités dans l’estomac des ruminants, mais dont la majorité provient de processus industriels d’hydrogénation partielle des huiles végétales, doivent être consommés avec modération car ils ont des effets néfastes sur la santé cardiovasculaire.
Les minéraux sont des éléments chimiques inorganiques essentiels au bon fonctionnement de l’organisme. Contrairement aux macronutriments, ils ne fournissent pas d’énergie, mais ils sont indispensables à de nombreux processus physiologiques vitaux. Ils doivent être apportés par l’alimentation car le corps humain ne peut pas les synthétiser.
Les minéraux jouent des rôles cruciaux : le calcium et le phosphore sont importants pour les os et les dents, le sodium, le potassium et le chlorure pour la pression osmotique et la transmission nerveuse, le magnésium pour l’activité enzymatique, le fer pour le transport de l’oxygène dans le sang, l’iode pour le métabolisme.
Pour chacun d’eux, l’Anses définit des besoins nutritionnels moyens (BNM), des références nutritionnelles pour la population (RNP) ou encore des apports satisfaisants (AS)[3] qui doivent être fournis par l’alimentation pour les différents groupes de population (des nourrissons aux adultes, en passant par les enfants, les adolescents, les femmes enceintes et les personnes âgées).
On peut distinguer les minéraux majeurs (sodium, sélénium, phosphore, calcium, magnésium, potassium, chlorure) qui sont nécessaires en quantité relativement importante[4], des autres minéraux, dont les quantités nécessaires sont plus basses, mais qui sont tout aussi indispensables aux diverses fonctions de l’organisme. Ils sont parfois qualifiés d’oligoéléments : fer, zinc, cuivre, manganèse, fluor, iode, sélénium, chrome, molybdène, cobalt.
Parmi les minéraux, la question du sodium est sensible. Les besoins nutritionnels des adultes sont estimés à 1,5 gramme par jour. Or, 1 gramme de sel apporte près de 0,4 gramme de sodium. Aujourd’hui, la consommation est largement excédentaire puisque l’on est à 7 à 9 grammes de sel ingérés par jour, soit 3,2 grammes de sodium. Or, la surconsommation de sel augmente la tension artérielle et peut favoriser des cancers gastriques. C’est pourquoi les recommandations du programme national nutrition santé (PNNS) visent à réduire la teneur en sel des aliments.
À l’inverse des minéraux, les vitamines sont des substances organiques. Elles sont nécessaires en petites quantités pour le métabolisme de l’organisme, en agissant principalement comme coenzyme ou cofacteurs des réactions métaboliques.
Ne pouvant pas être synthétisées en quantité suffisante par le corps humain (à quelques exceptions près, comme la vitamine D sous l’effet du soleil ou la vitamine K par le microbiote intestinal[5]), elles doivent donc être apportées par l’alimentation.
Les vitamines liposolubles (vitamines A, D, E et K) sont stockées dans les tissus adipeux et le foie, tandis que les vitamines hydrosolubles (vitamines B et C) ne sont généralement pas stockées en grande quantité dans l’organisme. Leur excès est éliminé par les urines.
Comme pour les minéraux, les BNM, RNP ou AS sont définis par l’Anses. Les carences en vitamines peuvent être compensées par des compléments alimentaires.
Il convient de mentionner l’eau parmi les besoins nutritionnels. L’organisme est constitué d’eau aux deux tiers. Véhicule naturel des sels minéraux et des produits d’excrétion, l’eau est indispensable au bon fonctionnement de l’organisme, à la régulation de la température corporelle et à la circulation des minéraux.
Les besoins en eau, qui sont de l’ordre de deux litres par jour, sont couverts sous forme liquide, mais aussi à travers la consommation des aliments solides, notamment les fruits et les légumes.
On a longtemps considéré qu’une alimentation riche en protéines était bénéfique pour la santé. Mais les recommandations nutritionnelles fondées sur des évaluations scientifiques sérieuses ne sont apparues que relativement récemment.
En 1985, la FAO et l’OMS, sous l’égide de l’ONU ont émis des recommandations d’apports en protéines par l’alimentation à 0,75 gramme par kilogramme de poids corporel et par jour pour un adulte en bonne santé, soit bien moins que ce qui était imaginé jusqu’alors.
L’apport nutritionnel recommandé (ANR) a été réévalué par la FAO et l’OMS à 0,83 gramme par kilogramme de poids corporel et par jour, soit 58 grammes de protéines par jour pour un individu de 70 kg pour tenir compte de la variabilité inter-individuelle et des écarts de résultats des différentes études sur lesquelles se fondait cette évaluation.
Les besoins sont les mêmes pour les hommes et les femmes et cette recommandation vaut pour toutes les tranches d’âge adulte en bonne santé.
Ces apports en protéines sont destinés :
1° À assurer le renouvellement des protéines nécessaires aux différentes fonctions du corps, en permettant le renouvellement de 2,5 % environ de la masse protéique chaque jour. Il s’agit là d’une fonction de maintenance.
2° À apporter de l’énergie, en complément des autres macronutriments, lipides et glucides.
En 2007, l’Afssa[6], prédécesseur de l’Anses, puis en 2012, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)[7] ont adopté la même recommandation[8] de 0,83 gramme par kilogramme de poids corporel et par jour. Ce chiffre est donc largement consensuel.
Les besoins d’apports en protéines peuvent différer pour certaines populations par rapport à ceux pour l’adulte en bonne santé de moins de 60 ans, précédemment définis.
Pour les nourrissons, dont les besoins nutritionnels sont destinés à la fois à l’entretien et à la croissance, l’apport nutritionnel conseillé (ANC) en protéines est plus élevé : 1,8 g/kg de poids corporel/jour durant le premier mois, puis 1,1 g/kg de poids corporel/jour jusqu’à 12 mois[9].
Pour les enfants et adolescents, les besoins sont un peu supérieurs aux adultes, de l’ordre de 0,91 g/kg de poids corporel.
Des besoins d’apports en protéines plus élevés sont aussi retenus pour les femmes enceintes et durant l’allaitement, avec des recommandations à 1 g/kg de poids corporel/jour pendant la grossesse et 1,3 g/kg de poids corporel/jour durant l’allaitement.
Des besoins plus importants sont également retenus pour les sportifs avec des recommandations entre 1 et 2 g/kg de poids corporel/jour. L’exercice physique accélère en effet la synthèse protéique, justifiant des apports plus élevés.
Pour les personnes de plus de 65 ans, l’apport nutritionnel conseillé (ANC) de 0,83 g/kg de poids corporel peut s’avérer insuffisant. En effet, l’avancée dans l’âge se caractérise par un déclin de la masse et de la force du tissu musculaire, appelée sarcopénie, qui résulte d’une diminution de la synthèse et d’une augmentation de la dégradation des protéines tissulaires. Il convient donc de relever les apports à 1 à 1,2 g/kg de poids corporel/jour. Un apport protéique supplémentaire peut en outre être bénéfique pour la densité osseuse, qui est un autre problème rencontré par le sujet âgé.
Toutefois, selon Dominique Dardevet[10], chercheur à l’Inrae, la stratégie de retardement de la sarcopénie ne passe pas seulement par une augmentation des quantités de protéines, mais aussi par le choix d’aliments contenant en abondance de la leucine (comme le lactosérum), acide aminé qui stimule la synthèse des protéines musculaires, par l’adoption d’un rythme adapté de repas ou encore par une attention aux autres produits alimentaires consommés en même temps.
Pour des personnes atteintes de certaines maladies (diabète, troubles cataboliques, maladies rénales ou hépatiques), les apports en protéines doivent être modulés, à la hausse ou à la baisse.
La consommation de protéines dans les pays développés excède largement les besoins. En France, on consomme 1,4 g/kg de poids corporel de protéines, soit presque deux fois la recommandation nutritionnelle. 85 % de la population consomme une quantité supérieure à l’apport nutritionnel recommandé.
Il y a une grande hétérogénéité des consommations entre individus, les hommes consommant nettement plus de protéines que les femmes. La distribution des apports protéiques chez les adultes, à poids équivalent, avait été mise en évidence dans le rapport de l’Afssa de 2007 :
Distribution des apports protéiques en g/kg/j chez les adultes
Source : Afssa
Le rapport de l’Afssa de 2007 ne fixait pas de limite supérieure de sécurité pour l’apport protéique. Il indiquait qu’il était difficile de définir un plafond mais que celui-ci pourrait correspondre à la capacité maximale d’adaptation de l’uréogenèse (excrétion de l’ammoniac issu de la dégradation des acides aminés) qui se situe chez l’adulte à environ 22 mg d’azote uréique par heure et par kg de poids corporel. Cette production d’urée correspondrait à une absorption quotidienne de 3,5 g/kg de poids corporel de protéines, au‑delà de laquelle le foie ne pourrait plus synthétiser l’urée. Le rapport indiquait que des apports entre 2,2 et 3,5 g/kg de poids corporel pourraient être considérés comme élevés. Au-delà de 3,5 g/kg, ils seraient très élevés.
Une telle consommation quotidienne (et non exceptionnelle) résulterait probablement d’une surconsommation alimentaire générale, les apports excessifs ne concernant pas que les protéines mais également l’ensemble des autres macronutriments.
Si des quantités de protéines supérieures aux seuils recommandés ne paraissent pas procurer d’avantages pour la santé, des apports bien au-delà des seuils raisonnables peuvent avoir des effets négatifs. La surconsommation de protéines est ainsi associée à une hausse de la prévalence des diabètes de type 2 (les protéines stimulant la sécrétion d’insuline et conduisant à des phénomènes de résistance à l’insuline). La surconsommation de protéines riches en leucine (essentiellement, les protéines animales) favorise également la suractivation du complexe « mTOR » des macrophages, qui est corrélée avec une accélération de la formation de plaques d’athérosclérose et pourrait engendrer une augmentation du risque cardiovasculaire[11].
Cette consommation largement suffisante dans les pays développés pour couvrir les besoins quantitatifs en protéines présente une autre caractéristique : les sources de protéines sont principalement des protéines animales.
En France, les deux tiers de l’apport protéique de notre alimentation sont constitués de protéines animales[12], contre un tiers de protéines végétales, alors que la FAO et l’OMS recommandent un ratio optimal équilibré avec 50 % de protéines animales et 50 % de protéines végétales. Ce ratio 2/3 de protéines animales et 1/3 de protéines végétales s’observe dans la plupart des pays développés hors Asie.
La troisième étude sur les consommations et les habitudes alimentaires de la population française, dite INCA3, réalisée par l’Anses et publiée en 2017, montre que les protéines animales restent prépondérantes mais que la part des aliments d’origine végétale progresse[13].
Les protéines animales que nous consommons proviennent à la fois de la viande rouge – bœuf, porc, agneau (20 à 21 % des apports totaux de protéines) –, de la volaille (11 à 12 %), des produits laitiers (18 à 20 %), des œufs (4 à 5 %) et des poissons et fruits de mer (6 %).
Les protéines végétales que nous consommons proviennent pour leur part essentiellement des céréales (50 à 60 % des protéines végétales consommées), et plus marginalement des fruits et légumes, qui ont une faible teneur en protéines (5 à 10 % des apports), des oléagineux (5 à 10 %) et des légumineuses (un peu plus de 10 %).
Bien que riches en protéines, les légumineuses (appelés aussi légumes secs : lentilles, haricots, fèves, pois chiche…) ont connu une division par quatre de leur consommation entre les années 2000 et les années 2020, s’établissant à 1,7 kg/personne/an contre 3,9 kg/personne/an en moyenne européenne[14].
Le modèle de consommation des protéines n’est pas le même selon les pays : les quantités de protéines et la part des protéines animales sont très disparates. Les habitudes alimentaires varient en effet en fonction des revenus, mais aussi d’une culture à l’autre : la part des protéines végétales dans l’alimentation est bien plus élevée en Inde, en Chine, au Japon mais aussi en Afrique.
Consommations quotidiennes moyennes de protéines dans le monde
en g/kg de poids corporel
Source : FAO – FAOSTAT, données 2020-2022
Les types de protéines animales et végétales consommées varient aussi selon les zones géographiques, et notamment en fonction de la disponibilité alimentaire. L’Asie et l’Océanie consomment davantage de produits de la mer que la moyenne. L’Europe et dans une moindre mesure l’Amérique du Nord consomment pour leur part davantage de produits laitiers, notamment sous forme de fromages, comme le montre l’illustration ci-après[15] :
Chaque protéine est constituée d’un assemblage d’acides aminés, en nombre et dans un ordre qui diffèrent d’une protéine à une autre et qui déterminent ainsi leurs caractéristiques et leurs propriétés.
La taille des protéines est variable, allant d’un assemblage de quelques acides aminés (peptides) à plus d’un millier (comme par exemple l’albumine, composée de 585 acides aminés, fabriquée par le foie, présente dans le sang et les tissus, dont la fonction de transport dans le corps facilite la diffusion des vitamines, hormones et enzymes et qui joue un rôle de régulateur de l’équilibre hydrique du sang).
Il existe environ 500 acides aminés dans la nature, mais seulement 20 d’entre eux sont utilisés par le corps pour fabriquer des protéines. On distingue deux grandes catégories d’acides aminés : les acides aminés dits « essentiels » et ceux dits « non essentiels ».
Les acides aminés « non essentiels » sont ceux que l’organisme peut produire à partir d’autres molécules présentes dans le corps : glucose ou autres acides aminés (ainsi, le foie peut utiliser le pyruvate, dérivé du glucose, auquel il ajoute un groupe amine grâce à l’action d’une enzyme pour former certains acides aminés comme l’alanine).
Les acides aminés « essentiels » appelés aussi acides aminés « indispensables » sont ceux que l’organisme ne peut pas produire de lui‑même et qui doivent impérativement être apportés par l’alimentation. Ils sont au nombre de huit : le tryptophane, la lysine, la méthionine, la phénylalanine, la thréonine, la valine, la leucine, l’isoleucine. Par ailleurs, l’histidine ainsi que l’arginine sont considérées comme indispensables pour les enfants.
Le tableau ci-après dresse la liste des acides aminés en précisant leur classement :
Acides aminés |
Code international |
Code international simplifié |
Caractère essentiel |
Alanine |
ALA |
A |
|
Arginine |
ARG |
R |
E pour les enfants |
Asparagine |
ASN |
N |
|
Acide aspartique |
ASP |
D |
|
Asparagine ou acide aspartique |
ASX |
B |
|
Cystéine |
CYS |
C |
|
Acide glutamique ou glutamate |
GLU |
E |
|
Glutamine |
GLN |
Q |
|
Glutamine ou acide glutamique |
GLX |
Z |
|
Glycine |
GLY |
G |
|
Histidine |
HIS |
H |
E pour les enfants |
Isoleucine |
ILE |
I |
E |
Leucine |
LEU |
L |
E |
Lysine |
LYS |
K |
E |
Méthionine |
MET |
M |
E, à la source des acides aminés soufrés |
Phénylalanine |
PHE |
F |
E, disposant d’un cycle aromatique |
Proline |
PRO |
P |
|
Sérine |
SER |
S |
|
Thréonine |
THR |
T |
E |
Tryptophane |
TRY |
W |
E |
Tyrosine |
TYR |
Y |
|
Valine |
VAL |
V |
E |
L’alimentation doit donc contenir non seulement une quantité suffisante de protéines, mais aussi apporter ces acides aminés essentiels, faute de quoi le corps n’aura pas la possibilité de fabriquer correctement les différentes catégories de protéines indispensables au métabolisme.
Les limites de la distinction entre acides aminés essentiels et non essentiels
Le classement des acides aminés dans ces deux catégories doit être observé avec du recul.
En effet, certains acides aminés classés comme non essentiels, peuvent le devenir dans certaines circonstances et donc nécessiter des apports extérieurs plus importants par l’alimentation si l’organisme n’est plus capable d’en effectuer la synthèse. Ainsi, la glutamine est un acide aminé abondant dans le corps humain. Environ 60 % des acides aminés qui composent les muscles sont de la glutamine et on en trouve dans de nombreux aliments. On considère donc la glutamine comme devant être classée dans les acides aminés non essentiels. Or, en cas d’infection, les apports extérieurs en glutamine par l’alimentation doivent être renforcés car les cellules immunitaires (lymphocytes T et macrophages) en font une très grande consommation pour se multiplier.
Par ailleurs, ce classement ne tient pas compte des interactions métaboliques. Or certains acides aminés dépendent d’autres pour être synthétisés. Une carence en un acide aminé essentiel peut ainsi limiter la synthèse d’acides aminés non essentiels, qui de ce fait le deviennent à leur tour.
Les acides aminés non essentiels ont des fonctions indispensables et il convient de veiller tout autant que pour les acides aminés essentiels, à ce que les apports soient suffisants pour maintenir un bon état de santé.
La teneur des protéines alimentaires en acides aminés (souvent exprimée en mg/g de protéine) est très diverse selon les aliments, qui peuvent donc être classés selon la qualité du profil en acides aminés essentiels qu’ils contiennent.
Un indice chimique (IC) ou score chimique[16] de chaque protéine peut ainsi être calculé pour mesurer la qualité de cette dernière, en le rapportant à un profil de référence qui correspondrait à une protéine « idéale » apportant l’ensemble des acides aminés essentiels en quantité suffisante. Il se présente sous forme d’un ratio :
Établir le profil de référence n’est pas évident. Il a fait l’objet d’évolutions dans le temps.
Il faut en effet d’abord définir des valeurs de besoins en acides aminés. Ces valeurs ont été définies par un groupe d’experts de la FAO et de l’OMS en 1985 et réactualisées en 2007. Le rapport de l’Afssa de 2007 propose de fixer des valeurs cibles de besoins pour chaque acide aminé essentiel.
Propositions de l’Afssa
concernant les besoins en acides aminés indispensables chez l’adulte
Les travaux du comité conjoint FAO/OMS de 2007 retiennent des valeurs légèrement différentes mais finalement assez proches des besoins en acides aminés définis par l’Afssa[17] :
L’exercice de classement de la qualité des protéines se poursuit par l’identification d’une protéine idéale, qui apporterait la totalité des acides aminés indispensables nécessaires. Or, la proportion de chaque acide aminé au sein des protéines est très différente d’un aliment à l’autre.
Pour chaque aliment, il faut donc identifier l’acide aminé indispensable limitant, qui sera le premier à manquer au cours des réactions métaboliques.
L’acide aminé limitant est celui dont le ratio est le plus faible par rapport à la valeur de référence. Ce ratio est le score chimique. Un score chimique d’au moins 1 (ou 100 %) signifie que la protéine contient tous les acides aminés essentiels en quantité suffisante selon le profil de référence. Un score inférieur à 1 indique qu’au moins un acide aminé est présent en quantité insuffisante, ce qui limite la valeur nutritionnelle de la protéine.
On peut appliquer cette méthode à chaque protéine spécifique. Si l’on évalue un aliment source de plusieurs types de protéines, le score chimique prend en compte l’ensemble des protéines présentes dans l’aliment. La lysine et la méthionine sont les deux acides aminés limitants principaux des aliments végétaux, la première étant en très faible quantité dans les céréales, graines oléagineuses et fruits à coque et la seconde en très faible quantité dans les légumineuses. En revanche, le soja a un profil plus complet.
La teneur en acide aminé n’est pas le seul facteur à prendre en compte pour mesurer la qualité d’une protéine. L’efficacité de l’assimilation des protéines doit en effet entrer dans l’équation car elle détermine la quantité des acides aminés qui pourront effectivement être disponibles pour la synthèse protéique chez l’individu. Il convient de prendre en compte la digestibilité des protéines.
C’est pourquoi la FAO et l’OMS ont mis en œuvre à partir de 1991 une mesure de la qualité nutritionnelle de l’apport protéique à travers un indicateur dénommé PDCAAS (Protein Digestibility Corrected Amino Acid Score). Le PDCAAS s’appuie sur l’indice chimique (IC) défini précédemment, corrigé de la digestibilité.
La digestibilité est mesurée en déterminant la proportion de protéines ingérées qui est absorbée par le corps. Elle est mesurée au niveau fécal. Elle est exprimée en pourcentage et peut être mesurée par des études in vivo chez l’animal (comme le rat) ou chez l’humain. Cela décrit la quantité de protéines d’un aliment réellement utilisable par l’organisme selon la formule suivante :
Le PDCAAS est un pourcentage. Si ce pourcentage est supérieur à 100 %, il est ramené à 100 %. Son interprétation est la même que celle de l’indice chimique (IC).
Il a été reproché à l’indicateur PDCAAS de mal prendre en compte l’absorption des acides aminés des protéines dans la digestion. En effet, les acides aminés qui migrent par le tractus gastro-intestinal au-delà de l’intestin grêle (dépassant l’iléon) seront en grande partie perdus pour la synthèse des protéines. Or, ces pertes digestives ne sont pas prises en compte par le PDCAAS.
Par ailleurs, certains acides aminés peuvent être perdus du fait de facteurs antinutritionnels présents dans les aliments. Par exemple, les phytates (ou acide phytique) présents dans les céréales complètes ou les légumineuses peuvent inhiber l’activité des enzymes protéolytiques, ce qui limitera l’absorption de la lysine.
Enfin, le PDCAAS fournit un score global pour chaque protéine : tout déficit dans l’un des acides aminés essentiels, même si les autres sont surabondants, pénalise le classement de la protéine.
Cela a conduit la FAO à proposer en 2013 un nouvel indicateur de la qualité nutritionnelle des apports protéique, le DIAAS (Digestible Indispensable Amino Acid Score).
La méthode de calcul de ce score est similaire à celle du PDCAAS. Le coefficient de digestibilité de la protéine est remplacé par un coefficient spécifique pour chaque acide aminé. Pour chaque acide aminé essentiel, on calcule la valeur du DIAAS selon la formule suivante :
Le DIAAS est alors la valeur minimale obtenue pour chaque acide aminé de la protéine.
L’utilisation des indicateurs PDCAAS et DIAAS permet de classer les différentes sources de protéines selon la qualité et non pas seulement la quantité des apports en acides aminés essentiels, mais cette approche rencontre certaines limites.
Un article paru dans les cahiers de nutrition et de diététique en 2021[18] les décrit de manière pertinente :
- d’abord, les résultats obtenus sont sensibles au profil de référence retenu. Les experts de la FAO retiennent trois profils pour lesquels les besoins en acides aminés essentiels sont différents : les nourrissons (moins de 6 mois), les enfants de 6 mois à 3 ans, et les personnes de 3 ans et plus (enfants, adolescents, adultes). Or, les besoins sont bien plus importants pour les deux premières catégories, ce qui conduit à dégrader les scores des légumineuses (lupin, pois, soja) mais aussi des protéines de lactosérum, qui sont d’origine animale ;
- ensuite, le calcul des indicateurs PDCAAS et DIAAS nécessite, outre l’identification de la quantité de protéines présentes dans l’aliment, ce qui est assez facile, celle de la quantité de chaque acide aminé par protéine. Cela passe par l’application d’un facteur de conversion de l’azote en protéines et l’évaluation du poids moléculaire des acides aminés. Comme les protéines contiennent 16 % d’azote, on peut procéder simplement en appliquant un facteur de conversion de 6,25. Or, toutes les protéines n’ont pas le même pourcentage d’azote puisque leur profil en acides aminés est variable et que tous les acides aminés n’ont pas le même nombre d’atomes d’azote. En outre, les aliments contiennent aussi de l’azote non inclus dans les protéines. Une méthode plus précise consiste à peser chaque acide aminé présent dans les protéines de l’aliment examiné mais elle est rarement mise en pratique. Il y a donc une incertitude sur les quantités de chaque acide aminé présentes dans chaque protéine ;
- enfin, les modèles, qui reposent beaucoup sur des études chez l’animal, et les méthodes pour calculer la digestibilité sont également questionnés, la méthode du double traceur, récente, apportant cependant davantage de fiabilité et facilitant les études chez l’Homme[19].
Une autre limite des indicateurs d’évaluation de la qualité des protéines PDCAAS et DIAAS tient au caractère très théorique de l’exercice.
Il conduit à analyser les protéines de manière isolée, sans prendre en compte la diversité des apports par la combinaison d’aliments et les compensations pouvant être apportées par l’existence d’acides aminés essentiels en quantité plus que suffisante dans les aliments contenus dans cette combinaison.
Concrètement, le score DIAAS du blé utilisé dans les farines à pain est très faible sur la lysine (score de 0,43 soit largement inférieur à 1 dans la protéine de référence définie par l’OMS en 2007), mais bien supérieur à 1 sur les acides aminés soufrés (méthionine, avec un score de 1,76). Ce score est également supérieur à 1 pour tous les autres acides aminés essentiels. En sens inverse, le score DIAAS d’une légumineuse comme les lentilles vertes sera inférieur à 1 sur la méthionine mais largement supérieur à 1 (1,55) sur la lysine. Ainsi, en combinant blé et lentilles, on est très largement au-dessus des besoins en acides aminés essentiels.
Une autre difficulté tient à la teneur en protéines d’un aliment qui peut changer selon la variété utilisée en ce qui concerne les végétaux, ou encore selon le mode de transformation (cuisson, raffinage). La préparation des aliments n’est pas neutre du point de vue des apports nutritionnels. À titre d’exemple, on peut noter que la glycation de la lysine (dite réaction de Maillard) peut intervenir lors d’une cuisson des aliments à haute température : la lysine contenue dans les aliments cuits réagit avec les sucres réducteurs et forme de la lysinoalanine ou de la fructoselysine, qui ne sont pas digestibles, rendant la lysine indisponible pour l’organisme.
Les aliments d’origine végétale contiennent fréquemment des substances comme des tannins, des phytates ou des inhibiteurs de la trypsine qui limitent la biodisponibilité de leurs protéines. La biodisponibilité désigne la part d’un nutriment présent dans un aliment réellement assimilé par l’organisme. Plus les pertes sont importantes, plus la biodisponibilité est faible. Il existe des techniques pour contourner cette difficulté et améliorer la digestibilité des protéines végétales : trempage long pour les légumineuses et céréales complètes, cuisson, mais aussi fermentation longue ou germination.
Il existe de nombreuses sources possibles de protéines dans l’alimentation, la distinction principale étant faite entre protéines d’origine animale (viande, lait, œufs, poisson) et protéines végétales. La teneur des aliments en protéines, la composition en acides aminés des protéines, mais aussi les apports des autres macronutriments et micronutriments, diffèrent fortement d’un aliment à l’autre, si bien qu’il existe une multiplicité de manière de répondre aux besoins nutritionnels d’un individu.
En France, la base Ciqual[20] fournit des données très complètes sur la teneur en protéines et autres nutriments présents dans les aliments. Ces données sont exprimées en g/100 grammes de produit.
Aux États-Unis, c’est le département de l’agriculture qui gère une base de données, l’USDA FoodData Central (anciennement appelée USDA National Nutrient Database for Standard Reference)[21] qui fournit des informations détaillées sur la teneur en nutriments, y compris les protéines, pour une très large gamme d’aliments génériques et de marques commerciales américaines. Elle est l’une des bases les plus complètes au monde, avec un grand nombre d’aliments et de nutriments analysés. Elle est mise à jour régulièrement. Logiquement, elle est davantage axée sur les aliments consommés aux États‑Unis.
La Food Standards Australia New Zealand (FSANZ) est une autre base de données qui fournit des informations nutritionnelles sur les aliments consommés en Australie et en Nouvelle-Zélande. Elle est reconnue pour sa qualité et sa rigueur scientifique, mais son champ d’application géographique est limité. De nombreux autres pays disposent de leurs propres bases de données nutritionnelles (par exemple, au Royaume-Uni, au Canada, dans les pays nordiques…), adaptées aux spécificités de leur consommation alimentaire.
À l’échelle européenne, l’EuroFIR (European Food Information Resource Network) vise à harmoniser et à améliorer la qualité et la disponibilité des données sur la composition des aliments en Europe.
Toutes les données sont compilées à l’échelle de la FAO dans le cadre du réseau international des systèmes de données sur l’alimentation (bases FAO-INFOODS)[22] avec des déclinaisons régionales.
Il existe des nuances dans les quantifications proposées par les différentes bases de données, qui s’expliquent par la variabilité des conditions de production des aliments, notamment en fonction des zones géographiques. La teneur en protéines des farines de blé servant à faire du pain est sensible au cultivar sélectionné, aux conditions climatiques ou à la présente d’azote dans le sol. On utilisera ainsi volontiers des blés avec une teneur en protéine supérieure à 12 % pour la pâte à pain et autour de 10 % pour fabriquer des biscuits. Des blés à forte teneur en protéines auront une teneur moindre en amidon et réciproquement.
La description des protéines apportées par l’alimentation reste un exercice incomplet et évolutif. Le niveau de détail et la couverture des aliments peuvent varier considérablement d’une base de données à l’autre. Pour des analyses comparatives précises, il est préférable d’utiliser une seule base de données. La base Ciqual, qui bénéficie d’une forte reconnaissance scientifique au-delà même de la France, peut être considérée comme une source fiable et très complète.
Au-delà de la teneur en protéines des aliments, il convient aussi de quantifier les caractéristiques de celles-ci, et notamment la biodisponibilité des acides aminés contenus dans ces protéines. À travers la technique de double marquage isotopique mentionnée précédemment, la FAO et l’AIEA envisagent de mettre en place une base de données pouvant prendre en compte la biodisponibilité pour l’organisme des différentes sources de protéines[23]. Ce projet de base de référence n’a pas encore abouti.
La base Ciqual de l’Anses
La connaissance des apports en macronutriments et micronutriments des aliments consommés passe par la collecte d’informations sur les principaux produits alimentaires proposés aux ménages en magasin.
L’Anses a été chargée, à travers l’Observatoire des aliments, de collecter, d’évaluer et de rendre disponibles des données de composition nutritionnelle relatives aux aliments consommés en France.
Ces données figurent au sein de la table Ciqual, qui fournit les données pour 67 constituants. En 2020 la table Ciqual décrivait la composition de 3 185 aliments, les teneurs dans les différents constituants étant fournies pour 100 grammes de la partie comestible de l’aliment, c’est-à-dire sans les os pour la viande, sans le trognon pour la pomme…
La base Ciqual est mise à jour régulièrement pour intégrer de nouveaux aliments, de nouvelles données analytiques et tenir compte des évolutions des pratiques alimentaires et des réglementations. Des réévaluations sont effectuées sur les aliments tous les deux à quatre ans.
Cette base est publique et librement accessible pour le grand public.
Elle est reconnue comme étant une source d’information de grande qualité, mais elle a aussi ses limites. Certaines tiennent à la variabilité naturelle des aliments : leur composition nutritionnelle peut varier en fonction de nombreux facteurs tels que la variété, les conditions de culture ou d’élevage, la saison, la zone géographique. Une autre limite tient à la complexité des aliments transformés : leur composition peut varier considérablement en fonction des recettes et des procédés de fabrication.
Il peut être difficile de disposer de données exhaustives pour tous les produits disponibles sur le marché. Les modes de préparation des aliments peuvent aussi altérer les apports nutritionnels (par exemple, perte de vitamines à la cuisson).
C’est pourquoi il peut être utile de croiser les données de la base Ciqual avec celles venant d’autres bases quand elles existent, comme l’USDA FoodData Central.
La viande contient entre 20 et 25 % de protéines, le lait et les œufs entre 8 et 12 %. Le fromage a également une forte teneur en protéines, de l’ordre de 22 %, avec une forte variation selon les types de fromages et les modes de production.
La teneur en protéines des produits végétaux est globalement plus faible que celle des produits animaux. Les fruits, légumes et champignons en contiennent des quantités minimes. Les légumineuses, les fruits secs oléagineux, certaines céréales et certaines graines en sont mieux dotés sans toutefois atteindre les teneurs de la viande.
Des fourchettes peuvent être établies en se basant sur la base Ciqual :
Source alimentaire |
Quantité de protéines |
Viande de volaille |
25 grammes |
Viande de bœuf |
24 grammes |
Viande de porc |
22 grammes |
Poisson |
22 grammes |
Lait |
8 grammes |
Fromage |
22 grammes (mais forte variabilité) |
Œufs |
12 grammes |
Fruits |
1 à 3 grammes |
Légumes |
1 à 3 grammes |
Champignons |
1 à 3 grammes |
Céréales (blé, seigle, orge, avoine, riz, sorgho, maïs) |
De 3 grammes (riz) à plus de 15 grammes |
Légumineuses (soja, haricot blanc, haricot rouge, lentille, pois chiche) |
Environ 20 grammes, et parfois plus (soja : 35 grammes) |
Fruits secs (amande, noix, noisette, pistache, cacahuète) |
Jusqu’à 20 grammes |
Graines oléagineuses (lin, sésame, pignon de pin, chia) |
Jusqu’à 30 grammes |
Si les quantités de protéines présentes dans les aliments carnés sont assez homogènes selon les catégories, les apports en protéines présentent un profil plus disparate au sein de chaque catégorie d’aliments végétaux, comme le montre un document de vulgarisation du département de la Gironde déclinant les plats proposés en restauration collective :
L’intérêt nutritionnel des légumineuses
Les légumineuses sont les plantes appartenant à la famille des Fabaceae. Les fruits de ces plantes sont protégés par des gousses contenant les graines. Ce sont ces graines, matures et séchées, que nous consommons le plus souvent sous le nom de légumes secs mais parfois aussi sous forme de légumes frais.
Les légumineuses les plus courantes sont les lentilles, pois chiches, haricots secs, pois cassés, fèves, soja, lupin (consommés en légumes secs), les petits pois, haricots verts, fèves (consommés en légumes frais), les cacahuètes, ou encore le trèfle et la luzerne (consommés uniquement en alimentation animale).
Les légumineuses présentent plusieurs atouts du point de vue nutritionnel :
- elles ont une teneur en protéines plus élevée que les céréales ;
- elles sont une source importante de fibres alimentaires, solubles et insolubles, bénéfiques pour la régularité intestinale, la gestion de la glycémie et du cholestérol, et la satiété (les fibres représentent dans les lentilles environ 11 à 15 g/100 g de produit, 10 à 17 pour les pois chiches ou encore 15 à 25 g pour les haricots secs) ;
- elles sont riches en minéraux et oligo-éléments. En particulier, elles contiennent des quantités intéressantes de fer (non héminique[24], dont l’absorption est améliorée par la vitamine C), de magnésium, de potassium, de zinc, de phosphore et de calcium ;
- elles apportent des vitamines du groupe B (notamment B9 ou folates), importantes pour le métabolisme cellulaire et la prévention de certaines malformations congénitales ;
- elles sont pauvres en lipides ;
- elles sont un index glycémique (IG) modéré à bas : grâce à leur richesse en fibres et en protéines, elles entraînent une libération plus lente du glucose dans le sang, contribuant à une meilleure gestion de la glycémie ;
- elles apportent aussi des composés bioactifs. En effet, elles renferment des antioxydants (polyphénols), des phytostérols et d’autres composés bénéfiques pour la santé et la prévention de certaines maladies chroniques.
Au-delà des enjeux de quantités de protéines présentes dans chaque aliment, se pose la question de la qualité des protéines qui s’apprécie à travers l’équilibre en acides aminés ou encore leur bonne digestibilité.
Là encore, les protéines d’origine animale présentent un avantage par rapport aux protéines végétales en ayant des profils équilibrés en acides aminés, avec des indices chimiques de 1 ou proches de 1 et des scores PDCAAS et DIAS élevés. On qualifie les protéines animales de « protéines complètes ».
La protéine de référence est celle de l’œuf, qui est parfaitement équilibrée et contient tous les acides aminés dans des proportions idéales.
Mais globalement l’ensemble des protéines animales ont des valeurs biologiques élevées avec des profils en acides aminés qui couvrent les apports nutritionnels conseillés. Il en va de même des protéines issues de poissons.
En revanche, dans les protéines végétales, il y a souvent un ou plusieurs acides aminés essentiels limitants, car présents en trop faible quantité par rapport à une protéine idéale, voire absents.
La lysine est l’acide aminé le moins abondant dans les céréales. En outre, le tryptophane est lui aussi limitant dans le cas du maïs.
Ce sont les acides aminés sulfurés (méthionine et cystéine) qui constituent l’acide aminé limitant des légumineuses.
Pour la pomme de terre, les deux acides aminés limitants sont la leucine et l’histidine.
La plupart des protéines végétales sont des « protéines incomplètes » car manquant en quantité suffisante d’un ou plusieurs acides aminés essentiels.
Le tableau ci-contre indique les quantités de chaque acide aminé indispensable présent dans les différentes catégories d’aliments, qu’il faut comparer avec la protéine de référence définie par l’OMS en 2007. Les cases pour lesquelles les acides aminés présents dans les protéines de l’aliment sont en quantité inférieure à la protéine de référence sont grisées pour faciliter la lecture du tableau.
Les résultats peuvent être assez divergents selon les sources, ce qui nécessite de prendre les chiffres fournis avec prudence.
Composition en acides aminés d’une sélection d’aliments (en g/100g de protéines) |
||||||||||
Protéine de référence OMS 2007 |
d |
1,5 |
3,0 |
5,9 |
4,5 |
2,2 |
3,8 |
2,3 |
0,6 |
3,9 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Lait entier |
d |
3,0 |
5,2 |
9,5 |
8,4 |
3,2 |
10,2 |
4,3 |
1,3 |
6,6 |
Lactosérum |
a |
1,8 |
4,9 |
11,0 |
9,1 |
2,3 |
3,2 |
6,9 |
- |
4,5 |
Caséine |
a |
2,3 |
3,2 |
8,0 |
6,3 |
2,2 |
4,3 |
3,6 |
- |
4,1 |
Œuf |
a |
1,8 |
3,1 |
7,1 |
5,3 |
2,7 |
4,5 |
3,9 |
- |
3,9 |
c |
2,4 |
6,6 |
8,8 |
5,3 |
3,2 |
5,8 |
5,0 |
1,7 |
7,2 |
|
d |
2,4 |
5,5 |
8,6 |
7,2 |
5,4 |
9,4 |
4,8 |
1,2 |
6,1 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Bœuf |
b |
2,9 |
5,1 |
8,4 |
8,4 |
2,3 |
4,0 |
4,0 |
1,1 |
5,7 |
d |
3,3 |
4,4 |
7,8 |
8,3 |
3,5 |
7,0 |
3,9 |
0,5 |
4,9 |
|
Poulet |
d |
3,1 |
5,3 |
7,5 |
8,5 |
4,0 |
7,3 |
4,2 |
1,2 |
5,0 |
Poissons blancs |
d |
3,0 |
4,6 |
8,1 |
9,2 |
4,0 |
7,3 |
4,4 |
1,1 |
5,1 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Blé |
a |
1,7 |
2,5 |
6,2 |
1,4 |
0,9 |
4,6 |
2,2 |
- |
2,8 |
d |
2,1 |
3,7 |
6,9 |
1,9 |
3,9 |
7,7 |
2,7 |
1,2 |
4,2 |
|
Riz |
a |
1,9 |
2,5 |
7,3 |
2,4 |
2,5 |
4,7 |
2,9 |
- |
3,5 |
d |
2,4 |
4,3 |
8,3 |
3,6 |
4,4 |
8,7 |
3,6 |
1,2 |
6,1 |
|
Maïs |
a |
1,7 |
2,6 |
13,5 |
1,5 |
1,7 |
5,2 |
2,8 |
- |
3,2 |
d |
2,7 |
3,9 |
10,5 |
4,1 |
2,8 |
8,2 |
3,9 |
0,7 |
5,6 |
|
Lentilles |
d |
2,8 |
4,3 |
7,6 |
7,0 |
2,2 |
7,6 |
3,6 |
0,9 |
5,0 |
Soja |
c |
2,6 |
5,3 |
7,7 |
6,4 |
1,3 |
5,0 |
4,0 |
1,4 |
5,3 |
d |
2,7 |
5,4 |
8,8 |
5,6 |
1,7 |
9,7 |
5,0 |
1,5 |
5,5 |
|
Pois chiche |
d |
2,7 |
4,3 |
7,1 |
6,7 |
2,6 |
7,8 |
3,7 |
1,0 |
4,2 |
Sources : [a] Protein content and amino acid composition of commercially available plant-based protein isolates, 2018 (https://doi.org/10.1007/s00726-018-2640-5)
[b] Goat products: Meeting the challenges of human health and nutrition, 2010 (https://dx.doi.org/10.5251/abjna.2010.1.6.1231.1236)
[c] Micro-algae as a source of protein, 2007 (https://doi.org/10.1016/j.biotechadv.2006.11.002)
[d] Position de l’Onav relative à l’appréciation de la qualité nutritionnelle des protéines végétales, 2022, (https://onav.fr/wp-content/uploads/2022/06/Position-de-lOnav-relative-a-lappreciation-de-la-qualite-nutritionnelle-des-proteines-vegetales.pdf)
L’appréciation de la qualité des protéines d’origine végétale est par ailleurs pénalisée par leur moins bonne digestibilité. Alors que la digestibilité des protéines animales est de l’ordre de 90 à 99 %[25], celle des protéines végétales est en général bien plus faible. Pour les légumineuses et le blé entier, la digestibilité de la protéine est de l’ordre de 80 %. Pour les lentilles et les haricots secs, elle est inférieure à 70 %. Pour de nombreux autres végétaux, elle se situe aux alentours de 40 %.
Ce phénomène est dû à la présence dans les végétaux de certaines molécules (tannins, lectine saponine, polyphénols, acide phytique ou des inhibiteurs de trypsine) qui limitent la digestion des protéines. Toutefois, la préparation des aliments peut améliorer leur digestibilité : ainsi, la protéine de blé est plus digeste une fois le blé transformé en farine que s’il est consommé sous forme de grain. L’assimilation de la protéine d’origine animale est donc globalement meilleure que celle de la protéine végétale.
Les protéines animales proviennent de sources multiples : bœuf, porc, mouton, agneau, poulet, mais aussi œufs, produits laitiers et poissons et crustacés.
La viande rouge, qui regroupe les viandes de bœuf, de mouton ou d’agneau ou encore de porc, est consommée de manière très disparate dans le monde, allant de 3 g/jour en Asie du Sud à 30 g/jour dans les pays développés, avec une moyenne mondiale autour de 17 g/jour[26]. Les catégories de viande rouge consommées varient aussi selon les régions : on consomme majoritairement de la viande de porc en Chine ou en Espagne, presque autant de porc que de bœuf aux États-Unis et majoritairement du bœuf en Amérique du Sud.
La viande rouge présente l’avantage d’être riche en vitamines et minéraux facilement absorbés par l’organisme, en particulier en fer héminique (crucial pour le transport de l’oxygène dans le sang et la prévention de l’anémie), en zinc, en sélénium, et en vitamines du groupe B, notamment la vitamine B12 ou cobalamine (essentielle au fonctionnement du système nerveux, à la formation des globules rouges et à la synthèse de l’ADN), qui n’existe pas dans les aliments d’origine végétale, mais aussi la vitamine B2 (riboflavine), la vitamine B3 (niacine) ou B6 (pyridoxine). Le porc est également riche en vitamine B1 (thiamine) et en phosphore.
La qualité nutritionnelle de la viande rouge est cependant sensible aux conditions d’élevage : ainsi la viande issue de bétail nourri à l’herbe est trois fois plus riche en oméga-3 (acides gras polyinsaturés aux effets bénéfiques pour la santé) que celle issue d’animaux nourris au grain.
La viande blanche, qui comprend principalement la volaille (poulet, dinde, canard) et le lapin, est également une source importante de minéraux comme le zinc, le sélénium ou le phosphore et de vitamines du groupe B.
Par rapport à la viande rouge, la viande blanche présente l’avantage de plus faibles teneurs en matières grasses saturées.
Rappel sur les matières grasses saturées
Les matières grasses saturées sont un type d’acide gras dont les atomes de carbones sont liés par des liaisons simples, chaque carbone de la chaîne étant lié au maximum d’atomes d’hydrogène possible. Cette structure dite « saturée » les rend plus stables et solides à température ambiante.
On trouve des matières grasses saturées dans les graisses animales, en particulier la viande rouge, la peau du poulet, les produits laitiers entiers (lait entier, beurre, crème, fromage), les huiles de coco ou de palme, et les produits transformés préparés avec des graisses saturées ou hydrogénées.
La consommation de matières grasses saturées favorise l’augmentation du taux de cholestérol LDL dans le sang, qui accroît les risques de maladies cardiovasculaires.
Les produits laitiers présentent des avantages nutritionnels différents de la viande. Comme la viande, ils sont riches en vitamines B. Mais ils sont riches également en vitamine A (importante pour les fonctions immunitaires et la croissance cellulaire). Ils contiennent aussi des quantités importantes de minéraux indispensables comme la calcium (essentiel à la santé des os et des dents, à la transmission nerveuse, à la contraction musculaire et à la coagulation sanguine), le potassium (essentiel à la régulation de la pression artérielle et à l’équilibre hydrique) ou encore le phosphore.
En outre, les protéines du lait présentent des intérêts spécifiques. Le lait comporte deux catégories de protéines : les caséines (80 % des protéines du lait) et le lactosérum (20 % des protéines du lait) :
- Les caséines, que l’on concentre dans les fromages, favorisent une digestion lente des acides aminés qui sont ainsi libérés dans le sang de manière prolongée, facilitant la récupération musculaire. Elles ont des effets antihypertensifs, antimicrobiens, antioxydants et immunomodulateurs.
- Le lactosérum (appelé aussi « petit lait »), contrairement aux caséines, est digéré et absorbé très rapidement par l’organisme, entraînant un pic rapide d’acides aminés dans le sang. Cela le rend particulièrement intéressant après l’exercice pour stimuler la synthèse des protéines musculaires et favoriser la récupération.
Les œufs sont parfois qualifiés de « super aliment » en raison de leur richesse en vitamines A, D et E, en minéraux et de leur profil équilibré en acides aminés essentiels. L’œuf est l’une des rares sources alimentaires naturelles de vitamine D.
L’œuf est aussi une source importante de choline, essentielle à la fonction cérébrale et au transport des lipides dans le corps. Le fer contenu dans l’œuf est moins bien absorbé que le fer héminique de la viande, mais il est présent dans des quantités satisfaisantes. L’œuf contient aussi du zinc, du sélénium et de l’iode.
Il convient cependant de distinguer les apports des parties blanches et jaunes de l’œuf. Le blanc d’œuf est principalement composé d’eau et de protéines, notamment d’albumine. Il est faible en calories et matières grasses. C’est le jaune d’œuf qui contient l’essentiel des vitamines et minéraux de l’œuf ainsi que des graisses monoinsaturées et polyinsaturées, bénéfiques pour la santé cardiovasculaire, et des acides gras essentiels comme les oméga‑3.
Le poisson, enfin, est une protéine animale elle aussi complète du point de vue de son profil en acides aminés, dont la consommation apporte d’importants bénéfices nutritionnels du fait des acides gras, vitamines et minéraux qu’il comporte. Les poissons sont un aliment riche en vitamines B et D et en minéraux, notamment l’iode.
Surtout, les poissons, en particulier les poissons gras (saumon, maquereau, sardine, hareng) et les fruits de mer sont des sources quasi exclusives des lipides essentiels que sont les acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI-LC). Les poissons sont également une source importante d’acide arachidonique (ARA) qui appartient à la famille des oméga‑6 à longue chaîne, mais ils n’en sont pas une source quasi exclusive puisqu’on retrouve aussi de l’ARA dans les viandes et produits laitiers, et du fait que l’organisme peut en produire en transformant l’acide linoléique (LA) présent dans de nombreuses sources végétales.
Les protéines marines, source essentielle
des acides gras polyinsaturés à longue chaîne
Les poissons ne sont pas la seule source d’acides gras polyinsaturés à longue chaîne (AGPI‑LC), mais ils en sont la plus directe et la plus efficace, en particulier pour l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA), qui sont des acides gras de la famille des Omega et jouent un rôle protecteur de la santé cardiovasculaire (notamment en réduisant les triglycérides ou en prévenant la formation de caillots sanguins), favorisent le développement cérébral chez l’enfant et la fonction cognitive et la mémoire, et ont une fonction anti-inflammatoire.
La concentration d’EPA et de DHA est forte dans la chair des poissons, sous des formes directement utilisables par l’organisme.
Certaines huiles végétales (lin, colza, noix), graines (lin, chia, noix) et légumes à feuilles contiennent de l’acide alpha-linolénique (ALA), qui est un oméga 3 à courte chaîne, que l’organisme peut transformer en EPA et DHA. L’ALA est donc un précurseur de l’EPA et du DHA. Mais le taux de conversion est faible (inférieur à 10 %). Par ailleurs, lorsqu’elles sont chauffées, les huiles végétales se dégradent et ne peuvent plus jouer ce rôle de précurseur des AGPI-LC.
La couverture des besoins physiologiques d’apports en EPA et DHA doit donc souvent passer par la consommation de poissons, de fruits de mer ou d’algues.
Si les aliments d’origine animale présentent des atouts nutritionnels, leur surconsommation présente aussi des risques significatifs.
D’une manière générale, les aliments d’origine animale comme le beurre, le fromage ou la viande sont riches en graisses saturées. Or, une très grande consommation de ces graisses augmente le niveau de cholestérol LDL dans le sang, ce qui pourrait être un facteur aggravant du risque de maladies coronariennes.
Les risques liés à la consommation de viande rouge avaient été mis en évidence dans la note scientifique n° 26 de l’OPECST adoptée en avril 2021 sur les enjeux sanitaires et environnementaux de la viande rouge[27]. Cette note pointait deux effets délétères sur la santé d’une consommation excessive :
- une augmentation des cas de cancers colorectaux est associée à une consommation élevée de viande rouge. La note de l’OPECST en explique le mécanisme : « Le fer héminique produit en effet, au cours de la digestion, une réaction enzymatique qui catalyse l’oxydation des lipides pour former des alcénals. Ces alcénals sont à la fois cytotoxiques et génotoxiques, c’est-à-dire qu’ils lysent les cellules coliques et provoquent des cassures de leur ADN. »
En 2018, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a décidé de classer la viande rouge comme cancérogène probable pour l’Homme (groupe 2A) et les viandes transformées (après salaison, maturation, fermentation…) comme cancérogène pour l’homme (groupe 1). Le Circ indique en effet que « les processus de transformation, comme la maturation et la fumaison peuvent aboutir à la formation de substances chimiques cancérogènes, tels que les composés N-nitrosés (CNO) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). La cuisson améliore la digestibilité et l’appétence de la viande, mais elle peut également produire des agents cancérogènes connus ou présumés, comme les amines aromatiques hétérocycliques (AAH) et les HAP. »[28]
Pour limiter ce risque, le programme national nutrition santé (PNNS) recommande de ne pas consommer plus de 500 grammes de viande rouge par semaine. Pour la part éventuellement consommée sous forme de charcuterie, la limite maximale est fixée à 150 grammes par semaine (PNNS 2019-2023) ;
- une consommation importante de viande rouge est également associée à augmentation des risques cardiovasculaires. La note de l’OPECST rappelait ainsi qu’augmenter « de 50 g la consommation de viande transformée majore de 42 % le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) ».
La note précisait toutefois que certains modes de préparation de la viande rouge en boucherie (comme la marinade) pouvaient réduire les risques liés à sa consommation, en prévenant la peroxydation lipidique au cours de l’ingestion.
La consommation de viandes blanches (non grillées) ne présente pas les mêmes risques.
Pour les produits laitiers, les risques sont liés à leur teneur en matières grasses, qui varie considérablement selon les catégories (lait entier, demi-écrémé, écrémé, fromages gras, allégés). Pour les fromages, les risques pour la santé seraient plutôt liés à la présence en quantité importante de sodium. L’intolérance au lactose peut aussi limiter la capacité à consommer du lait de vache.
La consommation d’œufs a longtemps été limitée en raison de leur teneur en cholestérol. Cependant, les études récentes montrent que pour la majorité des personnes, le cholestérol alimentaire a un impact limité sur le cholestérol sanguin.
Enfin, le risque associé à la consommation de poissons tient à la présence dans certaines espèces, en particulier le thon, de métaux lourds comme le mercure et parfois d’autres contaminants. Ces métaux lourds sont accumulés par leur alimentation. Le thon étant un grand poisson prédateur situé en haut de la chaîne alimentaire, il ingère de plus petits poissons qui ont eux-mêmes accumulé des métaux lourds.
Les poissons et crustacés suscitent par ailleurs des cas assez fréquents d’allergies, ce qui limite la consommation de protéines qui en sont issus.
Les aliments d’origine végétale apportent certes globalement moins de protéines et moins de protéines complètes que les aliments d’origine animale, à portion égale, mais l’augmentation de la part des aliments végétaux dans les repas présente des avantages.
Certes, un raisonnement trop général est difficile à mener en raison de la grande diversité des aliments d’origine végétale et de la grande diversité des habitudes de consommation et des cultures alimentaires. Mais globalement, on reconnaît plusieurs atouts aux régimes alimentaires privilégiant les protéines végétales par rapport aux protéines animales.
D’abord, ils contribuent à améliorer la santé cardiovasculaire, les aliments d’origine végétale ayant des apports bien plus faibles que les aliments d’origine animale en graisses saturées et ne contenant pas de cholestérol. À l’inverse, les protéines végétales contiennent souvent des graisses insaturées, bénéfiques pour le système cardiovasculaire.
Ensuite, ils ont un effet favorable sur la digestion et le métabolisme. Ils contiennent souvent une quantité importante de fibres, ce qui facilite la digestion. La combinaison des fibres et protéines ralentit également la digestion, favorisant une libération de l’énergie plus progressive dans le temps et un métabolisme plus efficace. En particulier, une alimentation riche en végétaux a montré des effets bénéfiques sur la sensibilité à l’insuline et la régulation de la glycémie.
Les légumineuses, les céréales complètes, les noix et graines, peuvent apporter des polyphénols, des flavonoïdes ou encore des lignanes qui sont des antioxydants. Une alimentation privilégiant les protéines végétales expose donc moins le consommateur aux substances cancérigènes.
D’autres avantages sont parfois mis en avant, comme le maintien d’un équilibre acido-basique de l’organisme, mesuré par l’indice PRAL (potential renal acid load ou « charge potentielle d’acide rénal »), favorisé par certaines protéines végétales. Mais il n’existe pas de consensus scientifique sur l’impact sur la santé lié aux différentes valeurs que prend cet indice.
Si l’alimentation végétale présente des vertus, le basculement vers un régime végétarien voire végétalien, basé sur la consommation exclusive de protéines végétales, présente des risques de carences et déséquilibres, dus à une insuffisance de certains nutriments ou à des facteurs antinutritionnels qui limitent la capacité d’absorption de ceux-ci par l’organisme.
Les apports en fer peuvent être insuffisants, car le fer héminique n’est présent que dans les produits animaux. Le fer présent dans les végétaux est cinq fois moins bien assimilé par l’organisme que celui présent dans les aliments d’origine animale[29]. Selon l’Inrae, « il y a plus de fer dans 100 g de haricots rouges que dans 100 g de steak de bœuf. Seulement l’organisme assimile mieux celui de la viande (il s’agit de fer héminique, 25 % du fer est assimilable) que celui du haricot rouge, dont seulement 5 % est assimilé et peut passer dans le sang ». Or le manque de fer conduit à des anémies, qui touchent davantage les femmes.
Les phytates présentes dans les céréales complètes et les légumineuses réduisent l’absorption du zinc présent dans les produits d’origine végétale, fragilisant le système immunitaire. Les phytates et les oxalates contrarient aussi l’absorption du calcium, pourtant présent dans certains végétaux en quantité en apparence suffisante, entraînant des risques au moment du développement osseux de l’enfant et plus tard d’ostéoporose pour les sujets âgés.
Les végétaliens peuvent aussi manquer d’iode, quasi absente des aliments d’origine végétale, à l’inverse des végétariens dont les apports nutritionnels en iode peuvent être fournis par les produits laitiers.
Les apports en vitamines peuvent aussi être insuffisants. Ainsi, la vitamine A (rétinol) se trouve dans les produits animaux. Pour leur part, les végétaux contiennent du bêta-carotène, que le corps peut convertir en vitamine A, mais cette conversion peut être inefficace et conduire à des carences. La vitamine B2 et surtout la vitamine B12, que l’on retrouve principalement dans les produits animaux, peut manquer pour les végétaliens (moins pour les végétariens qui consomment du lait et des œufs). Enfin, les aliments végétaux riches en vitamine D sont peu nombreux, ce qui peut conduire là aussi à une insuffisance des apports.
Les acides gras oméga-3 (EPA et DHA) évoqués plus haut peuvent aussi être fournis en quantité insuffisante dans le cadre d’une alimentation exclusivement végétale excluant le poisson.
Ces risques de carences ou d’insuffisance ne sont cependant pas insurmontables.
Ainsi, la recherche d’une diversité d’aliments d’origine végétale peut permettre d’améliorer la couverture des besoins quantitatifs en macro et micronutriments. Certaines associations d’aliments peuvent aussi réduire les facteurs antinutritionnels : ainsi, la prise d’aliments riches en vitamine C en même temps que d’aliments végétaux riches en fer permet d’améliorer le taux d’absorption du fer par l’organisme.
En outre, une supplémentation alimentaire est possible pour faire face aux situations où l’organisation du repas et la composition des menus laisseraient subsister des impasses ou des taux de couverture trop faibles : ainsi, les végétaliens et végétariens sont incités à compléter leur ration alimentaire en sources d’oméga‑3 à longue chaîne ou en vitamine B12.
Pour disposer d’une quantité suffisante de protéines, le remplacement de protéines animales dans l’alimentation par des protéines végétales passe par la consommation de sources végétales riches en protéines. Le soja est l’une d’entre elles, mais les quantités ingérées doivent être maîtrisées pour éviter les risques sanitaires liés aux isoflavones.
Les risques sanitaires liés aux isoflavones contenues dans le soja
1. Que sont les isoflavones ?
Les molécules désignées par le terme « isoflavones » sont des composés polyphénoliques de la famille des flavonoïdes, que l’on retrouve dans de nombreuses plantes.
Ils sont présents en quantité importante dans les légumineuses, en particulier dans la graine de soja. La graine de soja contient environ 2 à 4 mg d’isoflavones par gramme de protéine[30].
La structure chimique des isoflavones est similaire aux œstrogènes. Ils ont donc une capacité à activer chez l’humain les récepteurs aux œstrogènes, ce qui peut les conduire à jouer un rôle de perturbateur endocrinien.
2. Des risques sanitaires potentiels liés aux isoflavones conduisent l’Anses à recommander une limitation de la consommation de soja
En mars 2025, l’Anses a rendu publics les résultats d’une expertise lancée fin 2022 et portant sur l’évaluation du risque sanitaire lié à la consommation d’aliments contenant des isoflavones[31], en se concentrant sur deux molécules de la famille des isoflavones : la génistéine et la daïdzéine.
S’appuyant sur la littérature scientifique existante, l’expertise conclut qu’il n’existe pas de toxicité aiguë des isoflavones et qu’il n’y a pas de mise en évidence claire d’une toxicité chronique. Certaines études montrent même un impact positif de la consommation de phytoœstrogènes sur les risques de cancer.
Néanmoins, l’expertise de l’Anses identifie des populations sensibles chez qui la consommation d’isoflavones pourrait avoir des effets négatifs :
- les jeunes enfants, en particulier les petites filles, dont l’exposition précoce et prolongée aux isoflavones peut entraîner plus tard une puberté précoce ;
- les femmes pré-ménopausées qui sont plus sensibles à l’effet proliférateur des isoflavones sur les cellules mammaires en raison de la densité des récepteurs aux œstrogènes ;
- les femmes ayant des cellules prolifératives de la glande mammaire sensibles aux œstrogènes. Celles-ci ont un risque accru de développer un cancer du sein lié à la consommation d’isoflavones ;
- les femmes enceintes ne constituent pas une population sensible en tant que telle, mais au regard de certaines études expérimentales menées chez l’animal indiquant un effet délétère possible sur la descendance, elles peuvent être considérées comme une population sensible pour protéger les enfants à naître.
S’appuyant sur une étude évaluée par le programme national de toxicologie américain (NTP) en 2008 l’expertise de l’Anses constate que la génistéine exerce des effets reprotoxiques de type œstrogénique ou anti-androgénique dans des tests effectués sur des rats. Elle estime donc, à l’instar d’autres agences sanitaires (italienne, japonaise et norvégienne) qu’il convient de limiter les apports alimentaires en isoflavones.
Une limite maximale d’apport avait été déjà définie en 2005 par l’Afssa, prédécesseur de l’Anses, à hauteur de 1 mg/kg de poids corporel par jour. Pour limiter le potentiel risque reprotoxique lié aux isoflavones, l’expertise de l’Anses propose de définir désormais deux valeurs toxiques de référence (VTR) :
- une VTR de 0,02 mg/kg de poids corporel par jour pour la population générale ;
- une VTR de 0,01 mg/kg de poids corporel par jour pour les femmes enceintes, les femmes en âge de procréer et les enfants pré-pubères.
L’avis formulé par l’Anses sur la base de l’expertise scientifique rappelle que 76 % des enfants de 3 à 5 ans consommant du soja dépassent la VTR recommandée, de même que 53 % des filles de 11 à 17 ans, 47 % des hommes de 18 ans et plus ainsi que des femmes de 18 à 50 ans.
En conséquence, l’Anses recommande d’éviter de servir des aliments à base de soja en restauration collective pour éviter une consommation qui conduise à dépasser la VTR et invite les industriels à diminuer la teneur en isoflavones des aliments, ce qui est techniquement possible.
3. Une excessive prudence ?
L’Observatoire national des alimentations végétales (Onav) a produit une analyse critique de l’avis de l’Anses[32], qui s’appuie sur plusieurs arguments :
- d’abord, l’Onav estime que les données scientifiques sur lesquelles les experts se sont fondés sont fragiles, en particulier car les estimations d’effets délétères de la consommation de phytoœstrogènes sont extrapolées à partir d’études sur des animaux et non sur des humains, et ne sont pas corroborées par des études épidémiologiques. Au contraire, certaines études épidémiologiques mettent en évidence les effets positifs de la consommation de soja sur la réduction des risques de décès par cancer ou par maladie cardiovasculaire ;
- ensuite, l’Onav estime que la définition à un niveau très bas des VTR est insuffisamment étayée et qu’il est « très peu probable que les régimes alimentaires normaux à base de plantes contiennent des isoflavones en quantité suffisante pour induire des effets indésirables graves ».
On peut noter par ailleurs que les techniques de préparation alimentaire peuvent réduire la teneur en isoflavones du soja : le trempage peut constituer une solution puisque les isoflavones sont solubles dans l’eau[33]. La fourniture de produits à base de soja appauvris en isoflavones permettrait ainsi de contourner le problème lié à leur consommation en forte quantité.
Enfin, les variétés de soja utilisées et les conditions de production (ensoleillement, période de récolte) peuvent moduler significativement la teneur en isoflavones.
Évaluer la qualité des protéines de manière isolée est une approche étroite et peu pertinente eu égard aux enjeux d’équilibre alimentaire. Si l’évaluation de la qualité des protéines, basée sur la digestibilité et le profil en acides aminés essentiels et reposant sur les indices PDCAAS et DIAAS, est un concept biochimiquement pertinent, son application isolée pour juger de l’équilibre alimentaire global est insuffisante et de faible utilité pratique.
D’abord, dans les pays développés, les questions de qualité des protéines ne se posent pas réellement. La consommation de protéines excède les recommandations nutritionnelles. Par ailleurs, les protéines animales dominent. Elles apportent donc largement les acides aminés essentiels requis.
Pour les individus ayant un apport calorique suffisant, l’atteinte de l’apport total recommandé en protéines est le facteur le plus critique pour assurer les fonctions physiologiques (synthèse musculaire, enzymes, hormones…). La quantité de protéines apportera mécaniquement la qualité de protéines souhaitée.
Notons que l’obsession de la « qualité optimale » des protéines pourrait conduire à des recommandations alimentaires coûteuses et difficilement accessibles pour certaines populations, alors qu’un apport suffisant en protéines à travers des sources plus abordables serait plus pertinent pour la santé de l’individu.
En outre, la pertinence d’une approche par la qualité des protéines varie selon les populations et les contextes physiologiques. La recherche de protéines de qualité peut être justifiée pour des populations ayant des besoins accrus comme les sportifs ou pour des individus ayant des carences ou souffrant de diverses pathologies, ou encore pour le sujet âgé susceptible de souffrir de sarcopénie du fait d’une insuffisance des apports globaux pour le renouvellement musculaire. Mais cette approche est rarement pertinente pour la population générale.
Il faudrait en réalité juger de la qualité des apports protéiques à l’échelle individuelle plutôt qu’à celle des populations, car il existe une variabilité individuelle non négligeable dans la capacité à absorber et à digérer les protéines.
Enfin, les différentes catégories d’aliments apportant des protéines au cours d’un repas peuvent être combinées du point de vue de l’optimisation des apports protéiques. Ainsi, dans un régime alimentaire diversifié, notamment végétarien ou végétalien, la consommation de différentes sources de protéines permet de compenser les éventuels profils d’acides aminés limitants de chaque aliment considéré isolément. Cette complémentarité assure un apport suffisant de tous les acides aminés essentiels sans nécessiter une focalisation excessive sur la « qualité » intrinsèque de chaque source isolée.
Se focaliser sur les seules protéines pour juger de l’adéquation des apports alimentaires aux besoins constitue une approche restreinte et largement biaisée.
En effet, nous ne consommons pas des protéines mais des aliments. Avec les protéines, viennent dans les repas les autres nutriments : lipides, glucides, minéraux, vitamines. La qualité de la source de protéines doit être combinée à celle des autres composantes de l’alimentation consommées dans le même temps. Les conditions de préparation des aliments jouent aussi de manière significative. Bref, chaque aliment a une matrice complexe, et ne peut pas être analysé en prenant en compte ses composants de manière isolée.
Les différents nutriments présents dans un aliment ont ainsi des interactions les uns avec les autres : ils peuvent avoir des effets synergiques ou antagonistes. Par exemple, la présence de fibres peut modifier la vitesse de digestion et d’absorption des acides aminés. Notons également, à titre d’exemple, que la consommation de glucides en quantité suffisante est essentielle pour épargner la consommation de protéines à des fins énergétiques, ce qui optimise leur utilisation pour la synthèse protéique.
La prise en compte de ces paramètres permet d’expliquer les différences entre effet nutritionnel théorique (calculé à partir des nutriments isolés) et effet réel sur la santé.
La préparation des aliments, notamment leur transformation industrielle, a tendance à déstructurer les matrices alimentaires naturelles, mais peut créer des matrices alimentaires plus favorables pour la santé.
La matrice alimentaire
La matrice alimentaire désigne la structure physique et chimique d’un aliment. La manière dont les nutriments (protéines, lipides, glucides, fibres, minéraux…) sont organisés et interagissent est en effet décisive pour expliquer leur absorption par l’organisme.
Un aliment n’est en effet pas juste la somme de ses nutriments, mais un système complexe où la structure compte autant que le contenu. Doivent ainsi être pris en compte la biodisponibilité des nutriments, les mécanismes de digestion, les effets métaboliques ou encore les effets sur le microbiote intestinal.
La littérature scientifique fournit de nombreux exemples des effets de la matrice alimentaire : ainsi, à quantité et qualité égale, les lipides présents dans une noix entière ne seront pas absorbés de la même manière que les lipides extraits sous forme d’huile.
Les études épidémiologiques suggèrent que les aliments entiers ont des effets protecteurs sur la santé qui ne peuvent pas être entièrement expliqués par leurs nutriments isolés, soulignant le rôle de la matrice. Par exemple, la consommation de fruits entiers est plus bénéfique que la consommation de jus de fruits ayant une teneur en sucre similaire.
À titre d’illustration, on observe que la matrice des céréales complètes, riche en fibres, en son et en germe, a un impact sur la vitesse de digestion des glucides et la biodisponibilité des micronutriments, contrairement aux céréales raffinées pour lesquelles cette matrice est largement éliminée.
La structure physique des aliments, leur teneur en fibres et en eau, ainsi que la combinaison des macronutriments, jouent un rôle majeur dans la satiété et la régulation de l’appétit. Un aliment riche en protéines de haute qualité mais pauvre en fibres et peu rassasiant pourrait conduire à une surconsommation calorique globale et à un déséquilibre alimentaire.
Au-delà de la nature de chaque aliment, il convient donc d’évaluer la qualité des apports alimentaires de manière combinée, en prenant en compte l’ensemble des éléments du repas, voire la combinaison de repas sur une journée. Les quantités et qualités de protéines ingérées doivent ainsi se regarder en additionnant les différentes prises et en veillant à une certaine régularité de celles-ci. En particulier, les déficits de certains acides aminés dans certains aliments végétaux peuvent être compensés par la consommation d’autres aliments végétaux qui comportent ces acides aminés en quantité excédentaire, contribuant à rétablir l’équilibre des apports globaux.
Compte tenu de la teneur moins élevée en protéines des végétaux et de l’insuffisance d’acides aminés essentiels dans certains d’entre eux, mais également de la moindre biodisponibilité de minéraux tels le fer ou le zinc, du risque d’insuffisances en vitamines telles la vitamine B12 ou la vitamine D, ou encore en iode, les régimes végétaliens et végétariens, sans apports alimentaires de produits d’origine animale ou de chair d’animaux, font l’objet d’une attention particulière des autorités sanitaires.
Dans le contexte de la loi Égalim[34], l’Anses avait été interrogée fin 2019 sur la possibilité d’offrir des menus végétariens suffisamment équilibrés aux enfants scolarisés en école primaire. Elle avait conclu[35] qu’un menu végétarien hebdomadaire peut contribuer à la couverture de l’ensemble des besoins nutritionnels des enfants, dès lors qu’il est équilibré. L’Anses soulignait alors qu’il n’y avait « pas de risque d’insuffisance d’apport d’un acide aminé indispensable quand il n’y a pas d’insuffisance d’apport en protéines, car un apport protéique suffisant permet de couvrir l’ensemble des besoins en acides aminés indispensables ». L’Agence ajoutait que « si l’apport protéique est suffisant, la complémentarité des protéines dans le repas végétarien proposé dans les cantines scolaires ne devrait donc pas constituer un problème majeur. En effet, la couverture de l’ensemble des besoins en acides aminés essentiels devrait être apportée par la diversité des sources de protéines végétales. Compte tenu du très faible besoin protéique chez les enfants (7 % du besoin énergétique), de leur consommation actuelle (15 % de l’apport énergétique), et de la diversité de l’apport protéique, il est très peu probable que l’introduction de repas végétariens puisse conduire à une inadéquation d’apport en protéines et acides aminés indispensables, même en l’absence d’association entre les céréales et les légumineuses ».
En juin 2024 puis en février 2025, l’Anses a publié deux nouvelles expertises[36] sur les régimes végétariens. L’expertise basée sur des données épidémiologiques montre que le régime végétarien est associé à un risque plus faible de développer un diabète de type 2, comparé à un régime non végétarien. Avec un niveau de preuve scientifique qu’elle qualifie elle-même de « faible », l’Anses note que « les végétariens comparés aux non végétariens ont un risque plus faible de développer certaines pathologies : cardiopathies ischémiques, troubles ovulatoires, certains cancers (prostate, estomac, sang) et certaines maladies ophtalmologiques et gastro-intestinales. En revanche, ils présentent un risque plus élevé de fractures osseuses et d’hypospadias ». Elle ajoute que « les études épidémiologiques montrent enfin que les végétariens ont un statut nutritionnel en fer, iode, vitamines B12 et D et un équilibre phosphocalcique moins favorables que les non‑végétariens ».
L’expertise établissant des repères nutritionnels pour les personnes suivant un régime d’exclusion de tout ou partie des aliments d’origine animale met en évidence « les difficultés à couvrir les besoins nutritionnels en certains acides gras oméga-3 (EPA, DHA) et vitamine D pour les végétariens en général, à laquelle s’ajoute, pour les végétaliens, la difficulté à couvrir les besoins nutritionnels en vitamine B12 et en zinc chez les hommes » mais estime que ces besoins peuvent être satisfaits par une supplémentation adéquate. Elle définit en outre les quantités d’aliments qu’il convient de consommer chaque jour pour éviter les déséquilibres alimentaires :
- fruits et légumes : 700 g/j ;
- légumes secs : 75 g/j (pour les lacto-ovovégétariens) ou 120 g/j (végétaliens) ;
- féculents et pains : 170 g/j dont au moins 120 g/j complets ou source de fibres (lacto-ovovégétariens) – /250 g/j dont au moins 120 g/j complets ou source de fibres (végétaliens) ;
- oléagineux : 65 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 50 g/j (végétaliens) ;
- analogues de produits laitiers frais : 350 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 270 g/j (végétaliens) ;
- levure de bière : 10 g/j (lacto-ovovégétariens) ou 15 g/j (végétaliens) ;
- lait 450 ml/j, œufs 30 g/j, fromage 50 g/j (lacto-ovovégétariens).
Ces conclusions, qui mettent en évidence la possibilité de se passer de protéines d’origine animale, rejoignent celles d’autres agences sanitaires dans le monde. Ainsi, le comité consultatif sur les repères nutritionnels des États‑Unis avait conclu, en 2015, que les trois régimes types caractérisant la population américaine, incluant un régime « végétarien équilibré », permettaient bien de répondre aux besoins nutritionnels de la population, incluant les enfants de 2 à 5 ans[37].
Conclusions de la partie I
Une alimentation saine, bénéfique à la santé passe par une consommation d’une quantité suffisante de protéines issues de sources variées (animales et végétales). Cette variété permet de compenser les déficits en acides aminés essentiels de chaque catégorie d’aliment considéré isolément, notamment les aliments végétaux.
La surconsommation de protéines animales peut conduire à des déséquilibres alimentaires néfastes à la santé, non pas à cause des protéines elles-mêmes mais du fait des excès d’apports d’autres nutriments.
Une approche holistique de l’alimentation est nécessaire, car l’apport total en protéines doit être mis en regard des autres besoins alimentaires, en micronutriments ou encore en fibres.
Dans ce cadre, adopter un régime végétarien voire végétalien est possible, dès lors que les consommateurs, bien informés, varient les aliments végétaux sélectionnés et veillent à maîtriser les risques potentiels de carences en micronutriments.
La réflexion sur les protéines dans l’alimentation est indissociable de celle sur les quantités de nourriture nécessaires pour nourrir l’ensemble des habitants de la planète. Les craintes de pénuries alimentaires se cristallisent sur la question des protéines, l’enrichissement des régimes en protéines animales mettant en tension le système de production alimentaire à l’échelle mondiale dans un contexte de croissance démographique.
La demande mondiale de nourriture est en augmentation constante, même si le rythme de cette augmentation tend à se ralentir. Le dernier rapport conjoint de la FAO et de l’OCDE sur les perspectives de l’agriculture pour la période 2023-2032[38] prévoit une hausse de la production agricole de l’ordre de 1,4 % par an pour répondre à cette demande, soit 15 % sur la prochaine décennie.
Une étude de l’Inrae menée en collaboration avec l’université du Minnesota[39] retient pour sa part une estimation d’augmentation des besoins alimentaires mondiaux de l’ordre de + 35 à 60 % d’ici à 2050.
Plusieurs facteurs expliquent cette tendance à la hausse de la demande alimentaire :
- la croissance démographique mondiale est l’un d’entre eux, la population mondiale devant passer de 7,9 milliards d’habitants en 2022 à 8,6 milliards d’habitants en 2032, soit une hausse de 0,8 % par an (contre 1,1 % par an durant la précédente décennie) et pouvant atteindre 9 milliards d’habitants en 2050 ;
- la progression du niveau de vie moyen mondial devrait aussi jouer en faveur d’une demande alimentaire croissante. Le revenu par habitant devrait progresser à un rythme annuel de 1,7 %. Cette augmentation sera plus rapide dans les pays à revenu intermédiaire, notamment en Asie, où l’élévation du niveau de vie pourrait pousser vers le haut la demande alimentaire.
La progression de la demande globale s’inscrit dans un contexte de transformation des catégories de denrées recherchées par les consommateurs. La demande devrait ainsi être plus forte pour les denrées davantage valorisées comme la viande, le lait et le poisson, dessinant une convergence vers les modèles alimentaires des pays à revenus élevés, où la protéine animale est dominante dans les rations alimentaires.
Le rapport de la FAO et de l’OCDE estime ainsi que la consommation de protéines par habitant devrait augmenter à l’échelle mondiale pour atteindre 88,4 grammes par jour en 2032, au lieu de 83,9 grammes par jour durant la décennie précédente.
Des différences régionales dans la composition des sources de protéines persisteront : l’Afrique subsaharienne, le Proche‑Orient et l’Afrique du Nord devraient rester fortement tributaires des protéines d’origine végétale. À l’inverse, les protéines d’origine animale continueront de représenter l’essentiel de la consommation de protéines dans les régions à revenu élevé d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie centrale.
Environ les deux tiers de la viande devraient être consommés par un tiers de la population mondiale en 2032. La croissance de la consommation de protéines animales devrait être particulièrement prononcée en Asie et en Amérique latine et Caraïbes, où la disponibilité quotidienne de viande et de poisson par habitant devrait augmenter respectivement de 11 à 13 % et de 6 à 14 %. Le rapport prévoit aussi une augmentation à l’horizon 2032 de la consommation par habitant en Chine de 12 % pour la viande et de 14 % pour le poisson.
Globalement, la consommation mondiale moyenne de viande devrait augmenter de 2,5 % en une décennie, soit une hausse de 0,7 kg/habitant/an pour atteindre 29,5 kg/an d’ici 2032.
L’essentiel de cette hausse se situera dans les pays à revenu intermédiaire.
Face à cette hausse de la demande, les capacités de production pourraient ne pas suivre, entraînant une inflation des prix des matières premières agricoles. Les gains de productivité en agriculture tendent en effet à se tasser, les rendements sont affectés par le changement climatique, et il est difficile de mobiliser de nouvelles surfaces pouvant être mises en culture. Une alimentation abondante, riche en protéines animales pourrait ainsi n’être tout simplement pas possible à l’échelle de la planète.
La pression sur le système agricole pour produire suffisamment de nourriture est accentuée par la stagnation globale des rendements agricoles. La « révolution verte » engagée après la Seconde Guerre mondiale, marquée par la mécanisation, l’utilisation d’engrais et de pesticides et l’amélioration variétale a permis des hausses spectaculaires de rendements. Mais cette progression est désormais terminée. On assiste dans certaines régions et pour certaines cultures à une stagnation voire une baisse des rendements.
Il n’existe pas de chiffres consolidés à l’échelle mondiale permettant de quantifier précisément ce phénomène.
En France, on constate depuis 10 ans une stagnation des rendements du blé, comme le montrent les chiffres publiés chaque année par l’institut technique agricole du végétal Arvalis et l’interprofession Intercéréales[40] :
Il en va de même pour d’autres productions végétales. Les régions intensives voient leur production stagner. Une analyse des tendances mondiales et régionales des rendements réalisée par l’Université de l’Illinois[41] montre que certaines régions commencent à connaître un déclin de production à l’hectare et que la plupart des productions voient une baisse du taux d’augmentation de leurs rendements, les orientant vers un « plateau de rendement ».
Plusieurs raisons peuvent être avancées. Le réchauffement climatique et les sécheresses pèsent négativement sur les rendements (alors que l’augmentation du taux de CO2, à l’inverse, favorise la photosynthèse). Il en va de même de l’érosion des sols, liée à leur texture, à l’insuffisance des couverts végétaux, à la pente et aux effets de l’eau et du vent. Les nouvelles terres mises en culture sont bien souvent moins fertiles que celles déjà exploitées, ce qui contribue certainement à la baisse des rendements moyens.
La recherche génétique pour faire émerger de nouvelles variétés a peut-être elle aussi atteint ses limites sur les espèces les plus cultivées. L’utilisation d’engrais de synthèse et de produits phytopharmaceutiques permet aujourd’hui plutôt de maintenir les rendements que de les augmenter.
S’il est difficilement envisageable de compter sur des augmentations massives de rendements pour augmenter la production végétale, des marges de progrès existent cependant dans les pays qui n’ont pas achevé leur « révolution verte ». L’étude de l’Inrae menée en collaboration avec l’université du Minnesota indique ainsi que les cultures de maïs, manioc et sorgho ont des rendements réels très inférieurs à ce qu’ils pourraient atteindre en améliorant les conditions d’exploitation.
La même étude souligne en revanche que pour le riz, une céréale cruciale dans l’alimentation mondiale et dont les conditions de production sont à maturité un peu partout, plus de 80 % des surfaces cultivées actuellement « pourraient connaître une stagnation des rendements, principalement en Asie ».
La crainte de pénuries alimentaires est renforcée par la crainte de voir les capacités de production en agriculture réduites par une utilisation plus rentable des terres à des fins autres que la production de nourriture.
À l’échelle mondiale, environ 4 % des terres agricoles sont d’ores et déjà utilisées pour des cultures non alimentaires, telles que les biocarburants ou les textiles (coton, lin).
La demande croissante en énergie renouvelable fait peser une pression supplémentaire sur l’usage des terres. La progression de la demande en matériaux biosourcés conduit aux mêmes conséquences.
Par ailleurs, l’urbanisation empiète sur les terres agricoles, souvent des terres arables très productives à proximité des espaces déjà urbanisés, réduisant le potentiel de production alimentaire ou poussant à grignoter sur la forêt pour compenser la perte de surfaces agricoles.
Le gaspillage alimentaire accentue le déséquilibre entre l’offre et la demande alimentaire. À l’échelle mondiale, il est massif.
Selon le rapport conjoint de la FAO et de l’OCDE, le gaspillage alimentaire serait de 14 % entre la récolte et l’arrivée des produits en magasin. Une perte additionnelle de 17 % interviendrait en magasin ou à l’échelle des ménages : près d’un tiers de la nourriture produite n’est donc pas consommée.
Les fruits et légumes contribuent pour plus de la moitié aux pertes à l’étape de la distribution (en magasin)[42]. Mais les produits riches en protéines comme les produits laitiers, la viande et le poisson, périssables et donc sensibles aux conditions de conservation, sont susceptibles de ne pas aller eux aussi jusqu’à l’étape de la consommation finale.
Le coût économique de ce gaspillage avoisine les 1 000 milliards de dollars par an.
En France, les déchets alimentaires représentent 9,4 millions de tonnes, dont 4 millions de tonnes correspondant au gâchis alimentaire[43]. Celui-ci a été défini par la loi Agec du 10 février 2020 comme « toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire est perdue, jetée ou dégradée ».
La loi fixe comme objectif une réduction de 50 % du gaspillage alimentaire dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale.
Une partie de la réponse à la hausse de la demande de produits alimentaires pourrait donc passer par l’optimisation de l’utilisation de ce qui est déjà produit, en réduisant le gaspillage à chacune des étapes : collecte, stockage, transformation, distribution et conservation par la restauration commerciale et par les ménages.
Source : Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
La production agricole et les activités forestières ont un impact important sur les émissions de gaz à effet de serre (GES). Le sixième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec),[44] dont les différents volets ont été publiée entre 2021 et 2023, estime que l’agriculture contribue à 22 % des émissions anthropiques.
Selon les données de la FAO, celles-ci représentent à l’échelle mondiale environ 8 milliards de tonnes équivalent carbone (GtCO2eq).
Ces résultats dépendent des valeurs du pouvoir réchauffant global (PRG) des différentes sources d’émission et de l’horizon de temps retenu pour évaluer le réchauffement climatique.
En effet, contrairement aux autres secteurs, notamment celui des transports ou de l’industrie, les émissions agricoles se font peu sous la forme d’émissions directes de CO2.
Elles résultent principalement des émissions de méthane (produit par la fermentation entérique des élevages de ruminants[45]) et de protoxyde d’azote (provenant de la fertilisation azotée des cultures).
Les émissions de protoxyde d’azote peuvent être réduites par un moindre recours aux engrais minéraux de synthèse et des changements agronomiques.
Les émissions de méthane peuvent être réduites principalement à travers une réduction des cheptels de ruminants, même si des pratiques zootechniques modifiant les émissions lors de la fermentation entérique peuvent aussi y aider.
Au-delà des émissions directes, il convient de prendre en compte les émissions liées au changement d’affectation des sols et à la déforestation, qui pèsent à l’échelle mondiale pour un tiers à la moitié des émissions totales du secteur agricole et forestier.
À l’échelle européenne, l’Agence européenne de l’environnement[46] estime que les émissions de GES d’origine agricole représentent 11 % des émissions totales de l’Union européenne, soit 373 millions de tCO2eq.
Le méthane (provenant de la fermentation entérique) et le protoxyde d’azote (provenant des sols) pèsent pour respectivement 49 % et 30 % des émissions totales du secteur agricole[47].
Les émissions liées aux fertilisants organiques représentent 17 % du total. L’ensemble des émissions du secteur agricole n’ont baissé que de 5 % entre 2005 et 2022 et les perspectives pour les prochaines années sont au mieux une légère réduction.
Le calcul du pouvoir réchauffant global (PRG) des GES
Afin de pouvoir calculer la contribution de l’ensemble des émissions de GES au réchauffement climatique, on ramène les différentes sources d’émission à un référentiel unique, basé sur le pouvoir réchauffant du CO2.
Le PRG d’un GES se définit comme sa contribution sur un horizon temporel donné au forçage radiatif résultant de l’émission d’une masse unitaire de ce gaz par rapport à celui d’une masse unitaire de dioxyde de carbone (CO₂). Le choix de cet horizon temporel influence considérablement le PRG relatif des différents gaz. Les horizons les plus couramment utilisés sont 20 ans et 100 ans.
Les gaz à courte durée de vie atmosphérique, comme le méthane (CH₄), ont un PRG beaucoup plus élevé sur un horizon de 20 ans que sur 100 ans, car leur impact est plus concentré dans les premières décennies après l’émission. Sur 20 ans, le PRG du méthane est estimé entre 84 et 87 fois celui du CO₂, tandis que sur 100 ans, il se situe entre 28 et 36 fois.
À l’inverse, les gaz à longue durée de vie, comme le protoxyde d’azote (N₂O), ont un PRG relativement plus stable sur différents horizons temporels.
L’horizon à 100 ans est celui retenu pour les projections climatiques à long terme.
Le calcul du PRG ne s’appuie pas uniquement sur la capacité intrinsèque d’une molécule de gaz à absorber le rayonnement infrarouge (forçage radiatif direct). Il prend également en compte les effets indirects, qui sont plus complexes à modéliser et peuvent varier selon les gaz et les conditions atmosphériques.
Par exemple, la dégradation du méthane dans l’atmosphère produit du CO₂ et de l’ozone troposphérique (un autre gaz à effet de serre), ce qui contribue indirectement au réchauffement climatique. Ces effets indirects sont inclus dans les valeurs de PRG publiées par le Giec.
Les interactions chimiques entre les différents gaz dans l’atmosphère peuvent également influencer leur durée de vie et leur forçage radiatif.
Des différences dans le choix des modes de calcul du PRG reflètent la complexité du système climatique, l’importance de l’horizon temporel considéré pour l’évaluation des impacts, l’évolution des connaissances scientifiques et les besoins spécifiques des différentes applications et politiques.
En France[48], les émissions directes du secteur agricole s’élèvent à 73 millions de tCO2eq en 2023, soit près de 20 % des émissions totales nationales, ce qui en fait le deuxième secteur le plus émetteur après les transports. Ces émissions ont baissé de 18 % depuis les années 1990.
Comme à l’échelle mondiale, l’agriculture en France se distingue des autres secteurs d’activité économique par la faible part d’émissions dues à la combustion d’énergie fossile. Les sources principales d’émissions sont le méthane et le protoxyde d’azote, liées aux processus biologiques sur les exploitations agricoles
A l’inverse des émissions dues au secteur résidentiel, à la production d’énergie ou aux transports, celles du secteur agricole sont diffuses sur le territoire et non concentrées autour de quelques installations industrielles ou dans les grands centres urbains.
La croissance observée depuis plusieurs années des surfaces boisées compense en partie les émissions liées à l’accroissement des terres cultivées ou à l’artificialisation des sols et réduit l’empreinte carbone globale liée au changement d’affectation des sols de 18,5 tCO2eq.
La tendance est plutôt à la baisse des émissions du secteur agricole, mais celle-ci est assez lente. Les émissions sont aujourd’hui seulement 20 % en dessous de leur niveau de 1990.
Dans le cadre de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) adoptée en 2015 puis révisée en 2019, la France s’est fixée comme objectif de réduire davantage les émissions agricoles : de 18 % en 2030 et de 46 % en 2050, en développant les pratiques agroécologiques, l’agriculture de précision, mais aussi en renforçant le stockage de carbone dans les sols par un accroissement de la matière organique du sol.
L’impact environnemental de la production agricole ne se résume pas à la seule quantification de l’effet produit sur le changement climatique. Une appréhension complète de la question nécessite de regarder d’autres paramètres.
L’activité agricole a évidemment un impact sur la ressource en eau.
D’abord, la production alimentaire nécessite de mobiliser d’importantes quantités d’eau pour les besoins des plantes cultivées ou pour abreuver le bétail. De ce point de vue, la production de lait ou de viande s’avère assez gourmande puisqu’on considère qu’il faut 15 000 litres d’eau pour produire 1 kg de bœuf alors que 1 300 à 1 800 litres suffisent pour 1 kg de blé. « L’empreinte eau » de l’alimentation peut donc être considérable.
Le raisonnement sur la consommation d’eau doit être pris avec du recul. Utiliser des masses importantes d’eau n’est pas un problème en soi. Comme l’indiquait le rapport de la délégation à la prospective du Sénat de 2022 « Éviter la panne sèche, huit questions sur l’avenir de l’eau »[49] : « Le concept d’empreinte eau présente l’intérêt de faire prendre conscience de notre dépendance à l’eau pour notre consommation courante, mais il ne dit rien des conditions dans lesquelles cette eau a été captée : des produits à faible empreinte eau mais fabriqués à un endroit ou à une période où existe un fort stress hydrique posent davantage de problèmes que des produits à forte empreinte eau issus de secteurs géographiques disposant de ressources abondantes ».
Les préoccupations sont plus fortes concernant les atteintes à la qualité de l’eau générées par la production agricole et agro-alimentaire.
D’abord, l’utilisation d’engrais azotés ou phosphatés pour les cultures végétales peut conduire à polluer les eaux de surface et les eaux souterraines, provoquant l’eutrophisation des écosystèmes aquatiques. L’épandage excessif des déjections animales (lisier, fumier) peut aussi avoir le même effet de pollution aux nitrates, comme cela se constate avec le phénomène récurrent des algues vertes en Bretagne.
En outre, les agents pathogènes (bactéries, virus, parasites) provenant des lisiers peuvent contaminer les eaux. Celles-ci peuvent aussi contenir les résidus médicamenteux excrétés par le bétail, notamment des substances antibiotiques, contribuant à la progression du phénomène d’antibiorésistance.
Par ailleurs, les produits phytosanitaires (herbicides, fongicides et insecticides) utilisés pour protéger les cultures végétales peuvent contaminer les eaux de surface et souterraines par dérive d’application sous l’effet du vent, ruissellement ou infiltration.
Enfin, les processus de préparation industrielle des aliments sont consommateurs d’eau et peuvent causer des rejets polluants. La réglementation (notamment celle des installations classées) vise précisément à réduire au minimum les pollutions d’origine industrielle.
La production agricole a aussi un impact sur la qualité de l’air à travers plusieurs mécanismes.
D’après l’Ademe, les activités agricoles sont ainsi à l’origine de 94 % des émissions d’ammoniac (NH3) dans l’air. Ces émissions agricoles proviennent aux deux cinquièmes des effluents d’élevage et aux trois cinquièmes des fertilisants azotés. Or l’ammoniac émis dans l’air entraîne une dégradation de sa qualité.
L’agriculture contribue également à 24 % des émissions d’oxydes d’azote (NOx), à travers les rejets des tracteurs ou des serres, à 19 % des émissions de particules fines (PM10) et à 6 % des particules ultrafines (PM2,5)[50].
Les pratiques agricoles intensives (labour profond, utilisation répétée de pesticides et d’engrais de synthèse, monoculture) peuvent réduire la diversité et l’activité des organismes vivants dans le sol, nuisant à sa fertilité.
A l’inverse, les productions animales extensives sont favorables au bon état des sols, puisque les animaux au pâturage peuvent aider à aérer le sol avec leurs sabots et à incorporer la matière végétale, améliorant la structure du sol et l’infiltration de l’eau. Le surpâturage en revanche est un risque réel, et conduit à réduire la couverture végétale du sol, favorisant son érosion.
Les cultures végétales peuvent aussi être vertueuses du point de vue de la préservation des sols, en adoptant des pratiques durables telles que la diversification des assolements, l’introduction de légumineuses dans les rotations ou encore la lutte biologique contre les ravageurs.
Il est difficile de quantifier précisément la contribution des productions alimentaires à l’ensemble des atteintes à l’environnement. Les méthodologies de calcul et les données sont encore largement à construire.
Beaucoup dépend des conditions de production, des choix techniques faits par les agriculteurs et les filières.
L’intensification des pratiques agricoles, qui a pour effet d’accroître la productivité, implique en contrepartie de forts effets négatifs sur l’environnement et notamment des atteintes à la biodiversité.
Pour autant, cela doit s’étudier de manière précise et détaillée en rapportant les effets des choix de production à la quantité d’aliments produite. Dit autrement, un système intensif peut être globalement plus impactant qu’un système extensif, mais les deux systèmes peuvent converger lorsque l’on examine les impacts à quantité identique d’aliments produits.
Une limite de la comparaison des systèmes tient au caractère différencié du produit final : peut-on considérer qu’un steak de 120 g d’un bovin élevé principalement à l’herbe est le même produit qu’un steak de 120 g d’un bovin élevé au grain en « feed-lot » ?
À l’échelle mondiale, environ les deux tiers des émissions de GES de l’agriculture seraient liés à l’élevage. Les émissions de GES des élevages ont trois origines principales : la fermentation entérique, les déjections, et l’alimentation du bétail.
Une expertise scientifique collective (ESCo) a été menée par l’Inra en 2016 pour évaluer l’impact sur l’environnement des différents types d’élevage[51]. Elle montre qu’on ne peut considérer l’élevage comme un tout homogène, car il existe d’importantes différences d’impact en matière d’émissions de GES selon les types d’animaux ou les modes d’élevage.
Les animaux se distinguent selon leur espèce, mais aussi par leur mode d’alimentation qui détermine l’usage des terres dédiées à l’élevage. Ainsi, les porcins et volailles sont des monogastriques granivores qui s’alimentent essentiellement de grains et de tourteaux provenant de terres arables, tandis que les bovins, ovins et caprins sont des ruminants herbivores qui peuvent se nourrir d’herbe et valorisent ainsi les prairies.
Les niveaux d’émissions varient considérablement entre agriculteurs, en particulier pour les ruminants, reflétant des conditions de production variables selon les lieux, mais aussi les pratiques agricoles, en particulier en matière d’alimentation du bétail et de gestion des effluents d’élevage.
Au total, l’élevage bovin représente 62 % des émissions du secteur de l’élevage. Les monogastriques sont moins émetteurs : les élevages porcins représentent 14 % des émissions de l’élevage et les volailles 9 %.
L’ESCo de l’Inra de 2016 montrait cette différence à travers une infographie quantifiant la contribution de chaque espèce dans le monde aux émissions de GES et le potentiel d’atténuation de ces émissions au niveau mondial (bulle en ciseau) :
En 2023, dans le cadre de la COP28, la FAO a produit une évaluation des émissions de GES provenant du bétail et des moyens de limiter celles-ci[52] qui fournissait des données agrégées au niveau mondial. Cette évaluation confirme le poids de l’élevage bovin dans les émissions totales.
La fermentation entérique est une source massive d’émissions de GES par les bovins et les ovins. Elle varie selon le type d’animal, son âge, son poids ou encore son alimentation. L’ajout dans l’alimentation des bovins de certains lipides (colza, tournesol, lin) réduit le nombre de bactéries cellulolytiques et de protozoaires, ce qui diminue la production de méthane. L’introduction de légumineuses dans la ration alimentaire permet aussi de réduire les émissions de méthane des bovins. On peut estimer que les émissions entériques d’une vache laitière sont de l’ordre de 3 tCO2eq par an.
Les émissions liées à la fermentation entérique des ruminants peuvent être réduites en jouant sur plusieurs paramètres. Un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) paru en juillet 2024[53] en dresse la liste. La sélection génétique pourrait réduire les émissions de 15 %, à taille identique du troupeau. L’utilisation du complément alimentaire 3-nitrooxypropanol, autorisé par l’EFSA depuis 2022 pour les vaches laitières dans l’Union européenne, pourrait réduire de 25 % les émissions, ce qui est considérable.
Les déjections des animaux sont une seconde source d’émissions de GES. À l’échelle mondiale, ce sont les porcins qui sont les plus gros contributeurs aux émissions de méthane correspondantes. La part des aliments à teneur élevée en protéines que les animaux d’élevage ne valorisent pas se traduit également par des émissions d’azote par les urines et par les déjections. L’azote urinaire, principalement composé d’urée, est converti en azote ammoniacal, qui émet alors de l’ammoniac (NH3) et du protoxyde d’azote (N2O). Une partie de l’ammoniac est aussi transformée en protoxyde d’azote lors de l’épandage.
Des mesures de gestion des lisiers (évacuation gravitaire régulière vers des fosses) et des traitements après récupération (biométhanisation, aération et acidification) peuvent contribuer à réduire les émissions.
Enfin, les surfaces de terres à mobiliser pour nourrir les animaux sont à prendre en compte, puisque toute augmentation du cheptel peut conduire à la recherche de terres arables supplémentaires pour produire de la nourriture pour animaux. Le défrichage des forêts et la mise en culture des parcelles correspondantes, dont une grande partie est consacrée à l’alimentation du bétail, contribue ainsi à réduire le stockage du carbone et constitue une source indirecte du réchauffement climatique.
Volumes des émissions entériques de méthane (CH4)
Source : FAO, Pathways towards lower emissions - A global assessment of the greenhouse gas emissions and mitigation options from livestock agrifood systems, 2023
Les animaux ont besoin de consommer davantage de nourriture qu’ils n’en produisent sous forme de lait, œufs ou viande.
Les besoins nutritionnels des ruminants et des monogastriques sont très différents. Les ruminants se nourrissent en effet essentiellement de fourrages, tandis que les monogastriques se nourrissent surtout d’aliments concentrés (céréales, tourteaux). L’alimentation des vaches laitières combine également fourrages et tourteaux de soja, de colza ou de tournesol.
Volumes de consommation alimentaire des animaux de ferme
Une vache laitière peut consommer entre 4 et 6 tonnes de matière sèche par an, contre 3 à 5 tonnes pour une vache allaitante.
Un porc charcutier consomme 350 à 400 kg d’aliments jusqu’à son abattage (à environ 6 mois), tandis qu’une truie consommera à l’année 1,4 à 1,7 tonne d’aliments.
Un poulet consomme 3 à 5 kg d’aliments jusqu’à son abattage (6 à 8 semaines), mais une poule pondeuse aura besoin de 40 à 45 kg d’aliments par an pour produire 240 œufs.
Le rapport entre la production d’aliments par les animaux et les quantités qu’ils doivent ingérer est le taux de conversion alimentaire (TCA), ramené au kilogramme. Plus le taux est bas, plus l’efficience de production est forte.
Le rapport d’expertise de l’Inra de 2016, montre qu’il existe de grandes différences en matière de taux de conversion entre les espèces, les ruminants ayant les taux de conversion les plus défavorables. Il existe aussi des écarts importants pour une même espère selon les systèmes d’élevage :
La même analyse peut être menée en comparant la quantité d’énergie ingérée par les animaux d’élevage et la quantité d’énergie restituée par la consommation des aliments issus de ces animaux. De ce point de vue, la FAO estime qu’il faut en moyenne 7 kilocalories (kcal) végétales pour 1 kcal de produits animaux, avec de grandes disparités, allant de 3 kcal pour les poulets de chair à 16 kcal pour la production de bovins viande.
On peut mener également cette analyse du TCA sur les protéines, en notant au passage que les coefficients de digestibilité et rendements métaboliques forcément inférieurs à 1 entraînent des pertes de protéines.
On considère que pour produire 1 kg de protéine animale, il faut apporter en moyenne (pondérée par le poids des différentes espèces animales) 4,9 kg de protéines végétales[54]. Encore une fois, cette moyenne masque des disparités.
Le bœuf et les petits ruminants ont le TCA le moins efficient au regard des protéines : il faut en effet de 6 à 20 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéine de bœuf. Certaines sources donnent des chiffres encore plus élevés, allant jusqu’à 25 kg. La durée de vie de l’animal et le type racial influent grandement sur ce ratio.
Les porcs convertissent les protéines plus efficacement que les bovins, avec 4 à 9 kg de protéines végétales nécessaires pour produire 1 kg de protéines de porc.
Les poulets sont encore plus efficients, nécessitant de 2 à 4 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de protéines de poulet.
Concernant les œufs, le besoin serait de l’ordre de 3 à 4 kg de protéines végétales pour 1 kg de protéines d’œufs.
Concernant les produits laitiers, le taux de conversion serait de l’ordre de 5 kg, l’efficacité de la conversion des protéines pouvant varier en fonction du type racial bovin, du stade de lactation, de la composition de l’alimentation de l’animal et de son niveau de production laitière.
Le TCA des poissons est variable selon les espèces et se situe entre 1,7 et 2,4 kg de protéines. Par exemple, le tilapia ne nécessite que 1,5 à 2 kg de protéines alimentaires par kg de protéines produite.
Le raisonnement en TCA brut est cependant trompeur. En effet, une faible part des matières premières végétales consommées par les animaux d’élevage (fourrages, herbes) sont consommables par l’Homme. En outre, les animaux consomment des coproduits d’autres productions alimentaires (par exemple des tourteaux de colza ou les drèches de betteraves) qui ne peuvent pas être valorisés autrement qu’en alimentation animale. Il convient donc d’effectuer un calcul d’efficience de la conversion des aliments par les animaux d’élevage, qui distingue la part des aliments qui aurait pu être valorisée directement en alimentation humaine de celle qui ne le pourrait pas.
Ce TCA net est très différent du TCA brut. Une étude publiée en 2019 par un groupe de chercheurs[55] conclue que « les résultats d’efficience protéique nette sont très supérieurs à ceux de l’efficience brute ce qui traduit de fait, le rôle de recycleur de biomasse des animaux. Certains élevages de ruminants comme de monogastriques peuvent même s’avérer producteurs nets de protéines pour l’Homme lorsque leur alimentation est basée principalement sur des matières premières non consommables par l’Homme. »
L’étude conclut que les systèmes d’élevage de bovins laitiers qui reposent sur une alimentation à l’herbe produisent deux fois plus de protéines animales (lait et viande en fin de carrière laitière de la vache) qu’ils ne mobilisent de protéines végétales consommables par l’Homme.
Les systèmes porcins et de volailles peuvent atteindre des efficiences protéiques nettes proches ou supérieures à 1. Les ruminants spécialisés en production de viande peuvent présenter une efficience protéique nette plus faible du fait d’une croissance lente des animaux et de l’importance du cinquième quartier (partie non consommée de l’animal une fois abattu), mais tout dépend du système de production choisi par les éleveurs.
En effet, le TCA net est très sensible à l’alimentation des animaux d’élevage et à la concurrence entre les sources d’alimentation pour les animaux et pour l’alimentation humaine. Une publication de l’Institut de l’élevage de 2022[56] rappelle que la très large majorité des protéines consommées par les ruminants ne sont pas consommables par l’Homme : 86 % en caprins laitiers, 89 % en bovins laitiers, 89 % en ovins laitiers, 93 % en bovins viande et 90 % en ovins viande.
Il en résulte que le TCA net peut devenir inférieur à 1, comme le montrent les deux graphiques suivants :
Une autre approche pour calculer l’impact environnemental de l’élevage consiste à s’intéresser aux surfaces nécessaires à mobiliser par type de protéine produite.
Il est difficile de fournir un chiffre unique pour les surfaces agricoles nécessaires à l’élevage au niveau mondial en raison de la diversité des systèmes d’élevage, du régime alimentaire des animaux ou encore des types d’animaux élevés ainsi que des différences de productivité des terres agricoles selon les régions et des espèces cultivées.
La FAO estime qu’environ 70 à 75 % des terres agricoles dans le monde sont utilisées pour l’élevage. Une bonne partie de ces terres sont des pâturages qui ne pourraient pas être utilisés pour des cultures végétales[57].
Mais un tiers environ des terres arables dans le monde sont consacrées à la culture de végétaux destinés à l’alimentation du bétail.
En France, ce sont environ les deux tiers de la surface agricole utile (SAU) qui sont fléchés vers l’alimentation animale : les presque 14 millions d’hectares de prairies, cultures fourragères et de parcours mais aussi environ un tiers – c’est le même ratio qu’à l’échelle mondiale – des 12,6 millions d’hectares de surfaces agricoles consacrées aux autres cultures (céréales, oléagineux, protéagineux…).
Une étude de l’Ademe publiée en 2020[58] indique que les surfaces mobilisées pour nourrir chaque individu en France varient fortement selon les régimes alimentaires suivis : il faudrait 5 200 m² par personne et par an pour une personne consommant 170 g de viande par jour (70 % de plus que la consommation moyenne des Français) contre 1 200 m² pour une personne ayant un régime végétalien, soit un rapport de plus de 1 à 4.
Une étude menée à l’échelle mondiale, qui ramène les besoins en surface aux 100 grammes de protéines produites[59] montre même des écarts encore plus importants entre les différents aliments : sans surprise, les ruminants (bœuf, mouton) sont très fortement consommateurs d’espace, compte tenu des quantités qu’ils doivent ingérer sur l’ensemble de leur cycle de vie. Les monogastriques (porcs et poulet) ont une empreinte au sol plus de 10 fois plus faible que le bœuf et les protéines végétales ont une empreinte 50 à 100 fois inférieure, comme le montre le graphique ci-après[60] :
De telles comparaisons sont cependant assez artificielles, en particulier car toutes les surfaces ne se valent pas.
L’Inrae rappelle ainsi[61] que « l’élevage occupe majoritairement des terres non cultivables (prairies, montagnes, steppes, savane) », ajoutant que « si tout le monde adoptait un régime végétalien, il faudrait plus de terres pour nourrir l’humanité » car il faudrait mobiliser des « bonnes terres », suffisamment productives.
S’appuyant sur des travaux menés aux Pays-Bas, l’Inrae estime qu’en dessous de 20 à 25 % de protéines animales dans l’alimentation, les coproduits des cultures ne seront pas valorisés par les animaux, alors qu’ils représentent aujourd’hui à l’échelle mondiale près de 20 % de leur ration. Les protéines et calories de substitution se traduiront donc nécessairement par un surplus de culture.
Il existe donc une « courbe en U » avec un minimum des consommations de terres correspondant à une consommation par l’Homme de 9 et 20 g/j de protéines d’origine animale dans l’alimentation (soit 20 % à 30 % des apports quotidiens recommandés). Au-delà de 20 g, il faut mobiliser plus de terres cultivées pour nourrir les animaux, ce qui vient en concurrence avec l’alimentation humaine.
L’élevage joue un rôle reconnu dans le maintien voire la création d’habitats. Le pâturage extensif par les bovins, les ovins voire les équins préserve l’existence de prairies et pâturages qui jouent un rôle précieux pour la biodiversité. Cet entretien des prairies et pâturages, qui abritent des espèces végétales et animales spécifiques et parfois rares (insectes pollinisateurs, oiseaux nicheurs, orchidées sauvages), empêche la fermeture des milieux par la prolifération des arbustes et des forêts.
L’abandon des activités d’élevage serait de ce point de vue problématique. En effet, comme le rappelle un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux de 2019 consacré à la diversification de la ressource protéique en alimentation humaine et animale[62] : « Au plan planétaire, deux tiers des surfaces agricoles du globe sont des zones où il est impossible de faire de la culture (savane, zones arides, semi-désertiques…), et sont utilisées pour l’élevage. L’élevage pastoral est indispensable à des millions de paysans à travers le monde, entre autres dans les pays du Sahel. En Europe, les élevages herbagers dans les zones géographiques de montagne ou de semi-montagne permettent la valorisation de la biomasse fourragère avec des impacts environnementaux limités (production extensive), alors même que d’autres activités agricoles seraient à faibles rendements ou non envisageables. »
L’élevage extensif contribue également à la gestion et à la conservation des zones humides, en limitant le développement excessif de la végétation et en favorisant la diversité des espèces végétales et animales adaptées à ces milieux (oiseaux d’eau, amphibiens, insectes).
Les activités des animaux d’élevage (piétinement, broutement sélectif, déjections) créent une mosaïque d’habitats à petite échelle, favorisant une plus grande diversité d’espèces. Les ornières peuvent retenir l’eau et devenir des lieux de reproduction pour les amphibiens, tandis que les déjections enrichissent le sol localement et favorisent certaines plantes et insectes coprophages, en particulier dans les alpages.
Enfin, l’élevage contribue au maintien des haies : on estime qu’un hectare de prairie dispose de 160 mètres linéaires de haies environ contre seulement 56 mètres pour les terres labourables.
Si l’élevage s’est standardisé, avec une réduction de la diversité génétique et une sélection centrée sur les animaux les plus productifs (expliquant le développement de la race Prim’Hosltein dans le lait, qui représente 63 % des vaches laitières en France[63]), les spécificités de certains territoires ont conduit au maintien de races locales, parfois mieux adaptées aux écosystèmes dans lesquels elles évoluent. La biodiversité animale est donc dépendante du maintien d’une certaine vitalité de l’activité d’élevage.
L’ESCo de l’Inra de 2016 soulignait l’importance de l’élevage pour la biodiversité, à travers l’utilisation des prairies. Elle indiquait « nous pouvons donc conclure des connaissances actuelles que les prairies augmentent la richesse en habitats des paysages de polyculture-élevage et des paysages sylvo-pastoraux et que de ce fait elles influencent positivement la biodiversité à l’échelle du territoire ».
Ces avantages de l’élevage en matière de biodiversité ne valent cependant que pour l’élevage extensif, avec un fort lien au milieu naturel et un chargement à l’hectare limité. Les élevages intensifs de monogastriques, moins émetteurs de GES, sont aussi bien moins utiles à la biodiversité.
En outre, la densification de la présence d’animaux à l’hectare, même en système extensif, pourrait favoriser le surpâturage et la dégradation des sols et des milieux.
Les prairies jouent un rôle clé dans la séquestration du carbone atmosphérique, apportant une contribution à la lutte contre le changement climatique.
Le carbone atmosphérique est absorbé par les plantes, les herbes et autres végétaux présents dans les prairies. Mais il fait aussi l’objet d’un stockage souterrain.
En effet, la particularité des prairies réside dans leur importante biomasse racinaire. Un réseau dense et profond de racines se développe sous la surface du sol, stockant une quantité considérable de carbone organique.
Ce carbone souterrain est moins susceptible d’être libéré dans l’atmosphère que le carbone stocké dans la biomasse aérienne, qui peut être sujette à la décomposition rapide ou aux incendies. Ensuite, la décomposition lente des racines et des parties aériennes des plantes contribue à la formation de matière organique stable dans le sol.
Quand les prairies ne sont pas labourées (prairies permanentes), elles accumulent dans le temps la matière organique.
La préservation des prairies contribue ainsi à l’initiative dite « 4 pour 1 000 », lancée lors du Sommet de Paris pour le climat en 2015 (COP21).
L’initiative 4 pour 1 000
Cette initiative repose sur l’idée d’augmenter de 0,4 % le stockage de carbone organique dans les 30 à 40 cm supérieurs du sol, à l’échelle mondiale. Si un tel taux pouvait être atteint, ce stockage dans le sol contribuerait à faire baisser fortement les émissions nettes de CO2.
On considère que l’on stocke en moyenne en France 74 tonnes de carbone par hectare (soit 274 tCO2eq par hectare) dans le sol superficiel des prairies. Le stock de carbone dans les 30 à 40 premiers centimètres du sol représente trois fois le stock de carbone des bois et forêts en surface.
L’enjeu est donc considérable : une augmentation même légère de la séquestration du carbone dans le sol pourrait aider à réduire les émissions nettes.
Par ailleurs, des sols plus riches en matière organique sont plus fertiles, ont une meilleure structure, retiennent mieux l’eau et les nutriments, ce qui se traduit par une productivité agricole accrue et une plus grande résilience face aux aléas climatiques
Les leviers pour atteindre cet objectif sont multiples. D’abord, il s’agit de réduire l’artificialisation des sols (car l’artificialisation libère le carbone du sol). La séquestration accrue du carbone dans le sol peut aussi passer par le développement de l’agroforesterie. Mais d’autres actions peuvent concerner plus directement l’agriculture, comme la fertilisation organique, le non‑labour, l’adoption de pratiques agroécologiques ou encore la protection des pâturages.
D’après le Cerema, les prairies font partie des espaces ayant la capacité de stockage au sol la plus forte :
Estimation du stock de carbone dans les 30 premiers centimètres du sol
Source : GIS Sol/Ademe, Carbone organique des sols, l’énergie de l’agro-écologie, une solution pour le climat
L’institut de l’élevage estime qu’environ 30 % des émissions de GES dues aux ruminants (dont principalement les émissions de méthane) peuvent être compensées par le stockage de carbone dans les prairies[64].
Le remplacement des protéines animales par des protéines végétales impliquant un changement de l’usage des sols, les économies d’émissions brutes liées au méthane résultant de la réduction des cheptels de ruminants pourraient donc se traduire par un gain net réduit du même ordre, du fait d’un moindre stockage du carbone dans le sol.
En outre, le remplacement des prairies par des cultures végétales, quand elle est possible, contribue à réduire la qualité des sols en favorisant leur acidification.
L’analyse des émissions de GES peut être ramenée à plusieurs grandeurs : celle du nombre d’animaux, celle du kilogramme de viande, ou encore celle du nombre d’hectares nécessaires pour les engraisser jusqu’à leur consommation. Une autre mesure consiste à ramener les émissions aux apports énergétiques ou en protéines.
S’appuyant sur les données du Giec, l’ONU fournit des données qui rapportent les émissions de GES au kilogramme de nourriture, aux 100 grammes de protéines ou encore à 1 000 kilocalories[65] :
L’ESCo de l’Inra de 2016 ne donne pas les mêmes chiffres mais retient la même hiérarchie : les protéines animales, en particulier celles du bœuf, ont un impact environnemental élevé.
Au-delà des évaluations de l’impact direct des productions agricoles, il convient d’évaluer les effets sur le climat de l’alimentation dans son ensemble, en intégrant, au-delà de la production agricole, les activités de transport, stockage, transformation, ainsi que la part liée à la cuisson des aliments ou encore à la gestion des déchets.
Le Giec estime ainsi que le système alimentaire dans son ensemble émet environ 15 GtCO2eq, soit près de 30 % des émissions mondiales de GES, en incluant les émissions directes de l’agriculture, mais aussi les émissions liées aux changements d’affectation des terres dus à l’agriculture, ainsi que celles de l’ensemble de la chaîne (intrants, transformation, transports).
Fin 2022, le Commissariat général au développement durable (CGDD) a produit pour la France une étude décomposant l’empreinte carbone de la demande finale par poste de consommation[66]. Cette étude estimait les émissions de GES liées à l’alimentation à 2,096 tCO2eq/personne/an. Elle précisait en outre que seulement un peu plus de la moitié des GES relevant du poste alimentation sont émis sur le territoire national (émission directe des ménages et émissions de la production alimentaire intérieure, hors exportation). Les 46 % restant proviennent des importations de biens directement auprès du consommateur (24 %) et des importations de matières premières, produits semi-finis, combustibles et équipements nécessaires aux activités économiques impliquées dans le système alimentaire.
L’agriculture elle-même ne représente que 60 % des émissions de GES, devant la transformation par l’industrie agroalimentaire (18 %), le transport (6 %) et le commerce ou encore la restauration hors domicile.
Décomposition de l’empreinte du poste « alimentation »
par branches d’activité des sources d’émissions
Source : CGDD, 2022
Gérée par l’Ademe, la base Agribalyse[67] est une base de données publique, lancée en 2013, qui fournit une appréciation de l’impact environnemental de plus de 200 productions agricoles et 2 500 aliments prêts à être consommés.
Cette base est destinée à fournir une évaluation complète fondée sur la méthode de l’analyse du cycle de vie (ACV). Il s’agit de quantifier l’impact de chaque aliment depuis l’extraction des matières premières qui le constituent jusqu’à son élimination en fin de vie, en passant par les phases de distribution et de consommation.
Cette méthode évite d’imputer les impacts aux mauvais acteurs, et prend en compte les transferts d’impact.
Les données d’Agribalyse ainsi que les méthodes comptables font l’objet d’un contrôle dans le cadre du groupement d’intérêt scientifique (GIS) Revalim.
La nomenclature de la base Agribalyse est alignée sur la base Ciqual de l’Anses, afin de faciliter les analyses couplées sur les données de santé et environnementales.
Le résultat donne un score environnemental dénommé « PEF » par kilogramme d’aliment.
La consultation de la base Agribalyse montre que les viandes ont des scores très élevés, mais également les poissons ou encore le chocolat et le café. Pour ces produits, la phase de la production agricole reste le principal poste d’impact, le transport ayant un poids réduit, y compris pour des produits principalement importés.
La base de données doit cependant encore évoluer, notamment pour prendre en compte les externalités positives de l’activité agricole sur les émissions nettes de carbone, grâce au stockage du carbone dans les sols.
La lutte contre le gaspillage alimentaire et la préservation des terres destinées à l’alimentation seront nécessaires pour nourrir une population croissante, qui, en outre, déformerait la structure de sa consommation au profit des protéines animales. La capacité à produire plus de protéines animales pourrait cependant se heurter à une insuffisance de terres disponibles pour cela. Dès lors, la clef d’un approvisionnement suffisant en protéines avec un impact le plus limité possible sur l’environnement passe par la réorientation de la consommation de protéines au profit des protéines végétales.
Une alimentation davantage tournée vers des protéines végétales présente des avantages inverses des impacts environnementaux négatifs de la production de protéines animales. Ainsi, le premier bénéfice d’une végétalisation accrue résiderait dans une réduction des émissions de GES, auquel l’élevage de ruminants contribue nettement.
Une étude menée aux États-Unis[68] analysant l’impact carbone des différents régimes alimentaires suivis par la population atteste de grandes différences de résultats.
Tous les régimes ont été analysés en rapportant les émissions à une même quantité de calories ingérées :
- l’étude estime que le régime omnivore émet 2,23 kgCO2eq pour 1 000 kilocalories ;
- un régime pesco-végétarien émet pour sa part 1,66 kgCO2eq pour 1 000 kilocalories ;
- un régime végétarien émet presque deux fois moins, soit 1,16 kgCO2eq pour 1 000 kilocalories ;
- un régime végétalien est encore moins émetteur avec 0,69 kgCO2eq pour 1 000 kilocalories ;
- les régimes cétogènes (riches en protéines et en lipides, et supprimant les glucides) et paléolithiques (riches en protéines et lipides, excluant les produits transformés) sont pour leur part peu vertueux, émettant respectivement 2,91 et 2,62 kgCO2eq pour 1 000 kilocalories.
Les personnes suivant des régimes riches en viande ayant tendance à ingérer en moyenne plus de calories que la moyenne, l’écart en termes d’émissions de CO2 des repas peut être encore plus important.
Une étude plus ancienne publiée en 2017, menée par l’ONG WWF[69] et analysant la consommation des Français sur la base de l’étude INCA3, c’est‑à‑dire sur des données réelles, donnait des résultats différents mais allant dans le même sens.
Elle constatait qu’un panier alimentaire végétalien émettait environ 65 % de moins de CO₂ qu’un panier alimentaire français moyen. Un panier végétarien émettait pour sa part environ 51 % en moins. Un panier flexitarien, c’est-à-dire avec une composition alimentaire comportant une réduction significative de la viande, montrait également une réduction de 36 %.
Globalement, la réduction de la part de la viande dans l’alimentation constitue l’un des axes de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France[70], qui vise à atteindre une neutralité carbone en 2050.
Stratégie nationale bas carbone et alimentation
Adoptée depuis 2015, la SNBC est la feuille de route de la France pour atteindre les objectifs de neutralité carbone fixés par l’Accord de Paris sur le climat.
Elle définit des trajectoires de réduction des émissions de GES pour chaque secteur d’activité (énergie, transport, bâtiment, industrie, agriculture, forêts et usage des terres) et fixe des objectifs à moyen terme (budgets carbone). Elle est révisée tous les 5 ans.
La SNBC met en évidence le potentiel de réduction des émissions de GES lié à une diminution de la consommation de produits animaux, en particulier la viande rouge et les produits laitiers. Elle fixe l’objectif d’une substitution des protéines animales par des protéines végétales dans l’alimentation mais ne définit pas d’objectifs chiffrés en la matière.
Les actions visant à encourager cette transformation des habitudes alimentaires relèvent de l’information et la sensibilisation du consommateur, de la promotion des repas végétariens en restauration collective et du soutien à la production de protéines végétales.
La SNBC insiste aussi sur la lutte contre le gaspillage alimentaire et la nécessité de favoriser les approvisionnements en circuits courts et produits de saison.
Les légumineuses ont des teneurs élevées en protéines, si bien que des quantités raisonnables d’aliments à base de légumineuses peuvent remplacer la viande, elle-même à forte teneur en protéines.
Les légumineuses présentent une autre caractéristique : leur capacité à fixer l’azote de l’air dans le sol. La culture de légumineuses permet donc de réduire les apports d’engrais azotés, qui sont eux-mêmes fortement émetteurs de GES sous la forme d’oxyde nitreux (N2O).
Une étude de l’Inra de 2013[71], avait simulé l’introduction de légumineuses à graines en grande culture, au détriment de l’orge (2/3), du blé tendre (1/6) et du colza (1/6). L’utilisation d’engrais n’est alors plus nécessaire pendant la culture de la légumineuse et lors de la culture suivante, qui bénéficie de l’azote stocké, ce qui conduit globalement à une réduction des apports d’engrais minéraux de 33 kgN/ha. À l’échelle de la France, cela représente une économie d’engrais de 155 640 tN. Il en résulterait une réduction des émissions de GES de 0,91 MtCO2eq/an.
La même étude simule les effets de l’introduction de légumineuses dans les prairies, qui pourrait conduire aussi à une réduction des émissions de GES de 0,48 MtCO2eq/an.
Les légumineuses présentent par ailleurs des avantages significatifs pour les systèmes agricoles et l’environnement :
- elles ont une faculté de fixation de l’azote atmosphérique (elles convertissent l’azote de l’air en une forme assimilable par la plante, alors que les céréales doivent aller chercher l’azote dans le sol), grâce au phénomène de symbiose avec les bactéries du sol (rhizobium) présentes dans leurs nodosités racinaires. Cela réduit considérablement le besoin d’engrais azotés de synthèse, dont la production et l’utilisation ont un impact environnemental important ;
- elles améliorent la structure du sol grâce à leur système racinaire pivotant qui contribue à aérer et à décompacter le sol, améliorant sa structure et sa perméabilité à l’eau et à l’air ;
- elles favorisent aussi la biodiversité et la richesse biologique des sols ;
- introduites dans une rotation de cultures sur une même parcelle, elles peuvent contribuer à réduire l’exposition des cultures aux maladies et ravageurs ;
- elles sont globalement peu demandeuses d’eau : certaines légumineuses sont résistantes à la sécheresse, ce qui les rend intéressantes dans un contexte de changement climatique.
La culture de légumineuses présente aussi un intérêt économique pour les agriculteurs, car l’azote fixé et accumulé par les légumineuses peut être restitué à la culture suivante via la décomposition des parties aériennes et souterraines de la plante, suivant des vitesses de minéralisation différentes (les feuilles et les tiges peu ligneuses seront les premières à être décomposées suivies des autres tiges et des racines).
Le surplus d’azote apporté à une culture par une culture de légumineuse l’ayant précédé sur une même parcelle s’élève à 30 kg N/ha par rapport à un précédent céréales mais peut aller jusqu’à à 80 kg N/ha, soit plus de la moitié des besoins moyens en France (ces besoins sont toutefois très différents selon les cultures pratiquées). Les légumineuses permettent donc aux agriculteurs de limiter leurs achats d’engrais azotés.
Le mécanisme de fixation de l’azote dans le sol par les légumineuses
L’azote est l’un des éléments essentiels de la croissance des végétaux. Toutefois, les plantes ne peuvent assimiler directement le diazote moléculaire (N2), constituant majeur de l’atmosphère. Aussi leur fournit‐on l’azote nécessaire à leur croissance sous forme d’apports d’engrais dans les sols constitués de nitrates ou d’ammoniac. Pour limiter cette fertilisation azotée, consommatrice d’énergie et source potentielle de pollution pour les eaux, les légumineuses constituent une alternative.
Le diazote N2 est une molécule très stable dans laquelle les deux atomes d’azote sont unis par une triple liaison. Aucun organisme supérieur (eucaryote) n’est capable de briser cette triple liaison. Seules des bactéries (procaryotes) disposent du complexe enzymatique, la nitrogénase, capable de « fixer l’azote » c’est‐à‐dire de réduire N2 en ammoniac NH3. La fixation de l’azote est un processus nécessitant beaucoup d’énergie, et ce sont les bactéries « fixatrices d’azote » qui le réalisent le plus efficacement lorsqu’elles sont en symbiose avec des organismes photosynthétiques, comme les plantes.
Les plantes de la famille des légumineuses forment ainsi une symbiose avec des bactéries fixatrices du sol appelées Rhizobium qui induisent la formation de nodosités sur les racines, dans lesquelles les bactéries peuvent se multiplier. Les nodosités ainsi formées sont de véritables organes permettant des échanges métaboliques entre les deux partenaires. La plante fournit des composés carbonés et de l’énergie aux bactéries qui en échange transforment l’azote de l’air en ammoniac qui est fourni à la plante‐hôte pour sa nutrition azotée. Divers Rhizobium s’associent spécifiquement avec des légumineuses d’intérêt agronomique comme le soja, les haricots, la fèverole, le pois, l’arachide, la luzerne et le trèfle. L’assimilation de l’ammoniac fixé permet aux plantes hôtes de croître dans des sols pauvres en azote et réduit leurs besoins en engrais azotés. À l’échelon planétaire, les symbioses Rhizobium‐légumineuses produisent autant d’ammoniac que toute l’industrie des engrais.
Le taux de fixation symbiotique (i.e. la part d’azote provenant de l’air par rapport à l’azote prélevé dans le sol) est très variable selon les espèces de légumineuses. Ainsi le haricot a un faible taux de 40 %, là où les légumineuses fourragères ont un taux de 90 %.
L’acidité des sols a aussi un impact important, les nodosités se développant mieux dans des sols neutres ou basiques.
De plus les légumineuses ont des besoins importants en phosphore et en potassium. Il faut donc veiller à la teneur de ces éléments dans le sol.
La France est un pays d’élevage, avec un cheptel qui s’élève selon les données de la statistique agricole[72] de 2024 à 16,4 millions de bovins, 6,5 millions d’ovins et 1,35 million de caprins, ainsi que 11,9 millions de porcs et 250 millions de volailles et lapins.
Pour permettre des comparaisons inter-espèces et ne pas compter de la même manière un même animal à l’âge adulte ou en phase de croissance, les différents animaux de ferme sont ramenés à une unité de comptage commune, l’Unité Gros bétail (UGB).
Les bovins représentent près des deux tiers des effectifs ramenés à l’UGB, soit 15,7 millions d’UGB sur un total de 24,7 millions d’UGB pour l’ensemble de la ferme France d’après le recensement agricole de 2020, répartis dans les près de 200 000 exploitations spécialisées en élevage ou en polyculture-élevage[73].
Mais les bovins ne sont pas tous « productifs ». Une vache met deux ans avant de produire du lait, et les bovins destinés à la production de viande mettent un an avant d’arriver à une taille adulte.
Le cheptel bovin français connaît une lente décroissance, qu’il s’agisse du cheptel laitier ou du cheptel allaitant. Il se décompose en un élevage laitier de 3,5 millions de vaches laitières en 2020, soit 200 000 de moins qu’en 2010, et un troupeau pour la production de viande de 3,8 millions de vaches allaitantes, 300 000 de moins qu’en 2010. Dans le secteur laitier, les gains de productivité ont permis jusqu’à présent de compenser partiellement les baisses d’effectif, puisque les livraisons de lait sont passées de 23 278 millions de litres en 2013 à 22 735 millions de litres en 2023, soit une baisse d’à peine 2 %[74], plus faible que la baisse des effectifs laitiers de 6 %.
Répartition du cheptel français en UGB
Source : Insee d’après Agreste
Dans son rapport sur les soutiens publics aux éleveurs de bovins remis en 2023[75], la Cour des Comptes souligne que la « baisse du cheptel bovin observée ces dernières années demeure limitée et, à rythme constant, ne permettra pas à la France d’atteindre les objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est elle-même fixée ». Le rapport recommande de définir une stratégie de réduction cohérente avec ces objectifs.
Il rappelle que l’élevage bovin est fortement émetteur de méthane. Si l’élevage extensif à l’herbe est moins émetteur net que l’élevage intensif, dans la mesure où les prairies stockent du carbone, le bilan global reste défavorable.
La Cour des comptes indique par ailleurs que « bien qu’il existe des recherches en génétique et en nutrition animale visant à réduire le processus de synthèse du méthane lors de la fermentation entérique, les perspectives de réduction de ces émissions sont limitées à 10 ou 20 % ». Il y aurait donc peu à espérer pour réduire les émissions à cheptel constant.
Les calculs de la Cour se fondent sur des émissions par fermentation entérique de 3 tCO2eq pour une vache laitière et 2 tCO2eq pour une vache allaitante.
Le rapport fournit l’exemple d’une vache laitière : si elle disparaît, ses émissions disparaissent aussi. Si elle était exclusivement nourrie à l’herbe en prairie, la conversion de la prairie en culture conduit à un déstockage de carbone de l’ordre de 500 kg à 1,2 tonne par an et par hectare soit, en retenant un taux de chargement français de 1,3 UGB/hectare, entre 380 et 920 kg par hectare.
Au total, la Cour estime que « la séquestration de carbone dans les sols des prairies, si elle réduit ces émissions d’environ un quart – ce chiffre moyen étant sujet à variations selon les conditions pédoclimatiques –, est de toute façon loin de compenser les émissions principales ».
Au demeurant, si la prairie n’était pas cultivable et était progressivement boisée, l’effet sur les émissions nettes de GES serait encore accru, puisque les bois et forêts sont capables de stocker, avec des variations selon les espèces et selon les degrés de maturité des arbres, de l’ordre de 18 à 20 tCO2eq par an et par hectare.
La réduction du cheptel bovin et donc des protéines animales semble ainsi constituer une voie nécessaire pour réduire les émissions de GES du secteur agricole. Sa mise en œuvre est toutefois extrêmement délicate sur le plan économique et social, impliquant la disparition d’exploitations, et sur le plan territorial, faisant craindre une déprise agricole susceptible de toucher durement le dynamisme et l’attractivité des territoires ruraux concernés[76].
Prévue par la loi dite « Climat et Résilience » de 2021, la stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (Snanc) a été publiée début avril 2025[77]. Elle fixe un objectif général de réduction des protéines animales au profit des protéines végétales, en indiquant que « la limitation de la consommation de viandes et de charcuterie, en particulier importées, doit se faire en faveur de celle de protéines végétales dans une logique de rééquilibrage des sources de protéines dans les régimes alimentaires ». L’une des orientations de cette stratégie est celle d’une « augmentation de la consommation de fruits et légumes frais, de légumineuses et de céréales complètes ; une consommation suffisante et limitée de poisson et de produits laitiers et une limitation de la consommation de viandes et de charcuterie, en particulier importées ». Mais cet objectif n’est pas chiffré et les moyens d’agir reposent principalement sur l’incitation et la communication.
Plusieurs travaux montrent que cela est possible. L’Ademe a ainsi mené une étude de prospective intitulée « Transition 2050. Choisir maintenant. Agir pour le climat »[78], pour identifier les manières de répondre aux objectifs de l’accord de Paris. Les premiers résultats ont été publiés en 2021. Ils identifient quatre scénarios :
Scénario 1 : « Génération frugale », qui mise sur une forte évolution des modes de vie vers plus de sobriété, une économie circulaire développée et une forte baisse de la consommation ;
Scénario 2 : « Coopérations territoriales », qui repose sur une décentralisation poussée de la production d’énergie renouvelable et une organisation des territoires privilégiant les circuits courts et la coopération locale ;
Scénario 3 : « Technologies vertes », qui compte sur un déploiement massif de technologies innovantes, notamment numériques, pour décarboner l’économie, avec un recours important à l’hydrogène et aux biocarburants avancés ;
Scénario 4 : « Pari réparateur », qui fait reposer la transition non pas sur une modification de nos modes de vie et une baisse des émissions anthropiques de GES mais sur le développement et le déploiement à grande échelle de technologies de capture et de stockage du carbone.
Le volet alimentaire des scénarios a son importance. Le premier scénario envisage une division par trois de la consommation de viande et le deuxième une division par deux. Le scénario 3 prévoit une baisse de 30 % et le scénario 4 une baisse légère de 10 %.
Ces baisses résulteraient à la fois d’une réduction des quantités d’aliments ingérés par rapport à l’existant (le consommateur français étant globalement suralimenté aujourd’hui en calories) et d’un remplacement des protéines animales par des protéines végétales.
Globalement, seuls les deux premiers scénarios sont considérés comme compatibles avec l’objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport à 1990. Sur le volet alimentaire, le scénario 4 n’améliore en rien l’impact environnemental de l’alimentation par rapport à un scénario tendanciel. Seul le scénario 1, très exigeant, serait susceptible d’avoir des effets massifs.
D’autres travaux ont été menés pour identifier des régimes compatibles avec une réduction drastique des émissions de GES à travers l’alimentation[79]. L’étude conjointe « Comment concilier nutrition et climat » du Réseau Action Climat et de la Société française de nutrition[80] les a passés en revue et constate que, pour obtenir des résultats environnementaux significatifs, ils envisagent tous une diminution de la consommation de viande (pas uniquement de viande rouge) d’au moins 50 %, une baisse de la consommation de produits laitiers de 21 à 51 % et une forte hausse de la consommation de fruits et de légumes ainsi que de sources végétales de protéines.
L’étude RAC-SFN va plus loin en identifiant plusieurs régimes capables de répondre aux apports nutritionnels recommandés et aux objectifs de réduction des émissions de GES. Elle en a sélectionné deux (régime n° 10 et régime n° 14) qui réduisent les quantités de viande et de lait par rapport à un régime moyen apportant suffisamment de nutriments et correspondant à une consommation actuelle équilibrée. Les adopter permettrait de réduire les émissions de GES de 35 %.
Les auteurs de l’étude RAC-SFN en concluent qu’il est « tout à fait possible d’améliorer la couverture des apports nutritionnels avec une consommation de viande réduite de 50 % par rapport au niveau actuel, en augmentant par ailleurs la consommation de fruits et légumes, de légumineuses, de produits céréaliers complets et de fruits à coque, et une réduction importante des produits gras, sucrés et/ou salés ». Ils proposent de faire évoluer le PNNS en abaissant la recommandation de consommation de viande (de 500 à 450 grammes, sachant que la consommation réelle moyenne est bien plus élevée) et d’augmenter la recommandation de consommation quotidienne de légumineuses (de 65 à 100 g/jour) ainsi que de fruits à coque (25 à 30 g/jour).
Variation en g/j par rapport au régime de référence
Pour un régime avec 60 grammes de viande et 3 produits laitiers par jour, réduisant l’impact carbone du repas de 35 % (modèle n°10) |
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Pour un régime avec 60 grammes de viande et 2 produits laitiers par jour, réduisant l’impact carbone du repas de 35 % (modèle n°14) |
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Conclusions de la partie II
L’élevage de ruminants a un impact élevé sur les émissions de GES, en partie compensé par le rôle positif en élevage extensif des prairies qui assurent un stockage du carbone dans le sol.
L’alimentation des animaux de ferme nécessite la mobilisation de surfaces considérables, mais dont l’écrasante majorité ne pourrait pas être utilisée pour l’alimentation humaine. Néanmoins, cette production végétale, indispensable pour les élevages intensifs et dont une part est importée du fait du déficit protéique de l’Europe, a des impacts environnementaux négatifs, contribuant à l’émission de GES à travers les engrais minéraux azotés.
La végétalisation de l’alimentation permettrait de réduire son empreinte environnementale globale, à condition qu’elle soit massive.
La réflexion sur l’introduction de protéines alternatives à celles prédominantes aujourd’hui en alimentation humaine s’est intensifiée depuis quelques années. Les préoccupations quantitatives (nourrir plus d’habitants), de santé (trouver des alternatives aux régimes trop carnés) ou encore environnementales (réduire les émissions de GES) se rejoignent.
Parmi les travaux récents sur cette question, on peut citer notamment :
- un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) sur la diversification de la ressource protéique en alimentation humaine et animale d’avril 2019[81] ;
- un rapport de l’Académie des technologies sur l’avenir des protéines alternatives[82] de juillet 2023 ;
- une étude de l’Unité de prospective scientifique (STOA) du service de recherche du Parlement européen (EPRS) sur les sources alternatives de protéines pour la nourriture et les aliments pour animaux, d’avril 2024[83].
Les modes alternatifs de production de protéines pour l’alimentation se situent à des degrés de maturité différents. Certaines technologies sont connues depuis longtemps, d’autres émergent. Les perspectives d’adoption de nouvelles sources de protéines dans l’alimentation dépendent de très nombreux facteurs :
- la sécurité sanitaire évidemment, qui passe par le respect de normes et procédures de mise sur le marché ;
- la capacité à répondre à l’impératif d’une nourriture produite à un coût abordable ;
- enfin la levée de certaines barrières psychologiques ou pratiques qui empêchent les consommateurs de transformer leurs habitudes.
Les alternatives végétales aux protéines animales ayant déjà été évoquées, cette partie sera consacrée aux alternatives non basées sur des plantes terrestres : la fermentation de précision, les cultures cellulaires (parfois appelée viande in vitro), les insectes et l’algoculture.
Quels sont les avantages et inconvénients pour la santé et l’environnement de ces protéines alternatives ? Les perspectives qu’elles offrent sont-elles réalistes ? Peuvent-elles constituer une alternative aux sources actuelles de protéines dans l’alimentation humaine et animale ou n’ont-elles pour vocation que d’être des sources d’appoint ou complémentaires ?
La fermentation est un processus ancien et bien connu, qui permet de produire des aliments (yaourts, tofu, tempeh…) ou encore des boissons (bière). Elle se produit grâce à l’action de micro-organismes (bactéries, levures, champignons filamenteux) qui, par la sécrétion d’enzymes, transforment la matière organique avec laquelle ils sont en contact, dans des conditions dites anaérobies (c’est-à-dire dans un milieu ne recevant pas d’apports d’oxygène extérieur, par exemple dans une cuve fermée).
À côté de la fermentation traditionnelle, les progrès de la biologie de synthèse permettent désormais de développer des techniques de fermentation de précision. Il s’agit d’utiliser les différentes catégories de micro-organismes précités pour produire en environnement contrôlé des protéines identiques à celles issues d’animaux, voire d’autres constituants cellulaires.
La fermentation de précision comprend trois étapes essentielles :
- la première phase (dite de sélection) consiste en une réécriture du génome de micro-organismes pour leur conférer la capacité de synthétiser une nouvelle protéine (par exemple la caséine ou la lactalbumine du lait, ou encore l’ovalbumine des œufs) ;
- la deuxième phase (dite de culture) consiste à faire croître et se multiplier les micro-organismes dans des bioréacteurs ;
- la troisième phase (de purification) consiste en l’isolement puis l’extraction et la purification des protéines, pour retirer le substrat et ne conserver que les protéines-cibles.
La croissance et la multiplication des micro-organismes s’effectuent dans un fermenteur grâce à un substrat alimentaire, qui doit être riche en sucres, pour apporter le carbone et l’énergie aux réactions métaboliques nécessaires à la synthèse des protéines. Ce substrat peut provenir de cultures spécifiques mais aussi utiliser des co-produits agricoles et des résidus agro-alimentaires. Ce substrat doit aussi contenir de l’azote qui doit être apporté de l’extérieur.
Les micro-organismes présents dans le fermenteur interagissent avec le substrat alimentaire. Des gènes d’autres organismes ont été introduits dans l’ADN de ces micro-organismes pour leur permettre de synthétiser les molécules souhaitées, en l’occurrence des protéines. Mais la fermentation de précision permet de créer de nombreuses catégories de molécules, comme des molécules organoleptiques destinées à donner un arôme à un produit alimentaire.
Plusieurs méthodes existent pour réaliser une fermentation de précision. La plus utilisée est celle du batch dans lequel on introduit le substrat et les micro-organismes au début puis, après épuisement du substrat, le produit est récupéré. Toutefois, il existe aussi des procédés dits de chemostats où le substrat et le produit circulent de telle sorte qu’ils conservent la même composition chimique tout au long du procédé. Il est ainsi possible de produire en continu. Il existe également des procédés hybrides où un flux de substrat est apporté au bioréacteur mais le produit n’est récupéré qu’à la fin.
Dans tous les cas, les paramètres du bioréacteur doivent être contrôlés pour que la fermentation soit un succès. Il s’agit par exemple de la température, du pH ou du taux d’oxygénation (qui est régulé avec un apport de dioxygène gazeux). Un autre paramètre à prendre en compte est la stœchiométrie du substrat et des microorganismes[84] afin de maximiser le rendement mais aussi de contrôler la fermentation avec la présence d’un nutriment limitant. Le choix de la valeur de ces paramètres dépend largement de la souche microbienne utilisée et des produits visés.
Le produit récupéré en sortie des fermenteurs doit ensuite être purifié. Il faut séparer les molécules valorisables des résidus par des procédés de filtration et de purification (charbon actif, filtration membranaire, chromatographie, précipitation…).
La fermentation de précision permet de produire potentiellement toutes les protéines. Elle peut donc être utilisée dans beaucoup de domaines.
Elle est déployée depuis les années 1980 dans l’industrie pharmaceutique pour la production d’insuline, ce qui a permis de s’affranchir de la nécessité d’en chercher dans la nature. Pour que l’industrie pharmaceutique produise un kilogramme d’insuline destiné à traiter des patients diabétiques, il était nécessaire de récupérer le pancréas de pas moins de 50 000 porcs ou vaches, ce qui posait d’importants problèmes d’approvisionnement et de traitement, ainsi que des problèmes d’allergie et de pureté. En 1982, en injectant une séquence d’ADN d’insuline humaine dans une bactérie E.Coli, celle-ci a été capable de produire des molécules d’insuline humaine de synthèse, surmontant ainsi les limitations liées à l’utilisation d’animaux. En 2000, 99 % de l’insuline était produite par ce procédé biotechnologique[85].
Mais la fermentation de précision peut aussi viser la fabrication d’aliments riches en protéines.
Elle est ainsi utilisée depuis longtemps dans l’industrie fromagère pour produire de la chymosine, en remplacement de la présure prélevée dans l’estomac des veaux, pour faire cailler le fromage.
Les progrès des technologies génétiques, notamment le développement de l’outil CRISPR-Cas9 (ciseau moléculaire), permettent aujourd’hui d’éditer le génome des levures et de leur faire produire des molécules d’intérêt pour la supplémentation alimentaire, par exemple la production de vitamine B12 non animale pour les régimes végétariens et végétaliens[86].
Aujourd’hui, la fermentation de précision est une voie suivie pour la production de protéines destinées à l’alimentation humaine. Plusieurs start‑up se sont lancées en France dans des projets ambitieux :
- Standing Ovation produit des caséines destinées aux fabricants de fromages, de glace, de crème et même de barre chocolatée. L’objectif est de fournir un ingrédient alternatif à une caséine d’origine animale à l’industrie agroalimentaire ;
- Verley (anciennement Bon vivant) propose une alternative au lactosérum d’origine animale, en visant à remplacer cette protéine laitière conventionnelle par des protéines présentant des caractéristiques intéressantes pour l’industrie agroalimentaire, par exemple ayant une plus grande stabilité thermique ;
- Nutropy vise la fabrication de fromages sans lait de vache, à partir de protéines fabriquées dans des bioréacteurs.
Dans le monde, de nombreuses start‑up se lancent dans la même course, en particulier dans le domaine des alternatives au lait, aux États‑Unis (Perfect Day, New Culture), en Israël (Remilk, Imagindairy), en Allemagne (Formo), aux Pays-Bas (Those Vegan Cowboys) ou encore en Australie (Change Foods).
La fermentation de précision s’étend à d’autres domaines, comme la recherche d’alternatives aux protéines issues des œufs (Clara Foods, devenue The Every Company) : la production d’ovalbumine par fermentation de précision vise ainsi à fournir l’industrie agroalimentaire d’alternatives pour fabriquer des pâtisseries ou des sauces.
La production de gélatine est aussi possible par la fermentation de précision (Geltor).
La fermentation de précision présente des avantages environnementaux.
Elle permet une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à des protéines animales produites naturellement, en particulier celles issues du lait, du fait de l’importance des rejets de méthane liés à la fermentation entérique des ruminants.
Cette réduction est en partie contrebalancée par des émissions supplémentaires résultant des besoins en énergie des installations de fermentation de précision, qui pourraient être du même ordre de grandeur que ceux nécessaires pour des productions conventionnelles. Mais les émissions dépendent du choix de la source d’énergie, qui peut être décarbonée.
Les études montrent un potentiel de réduction des émissions de GES de 80 à 99 %. Une étude ACV réalisée pour Bon Vivant montre que les émissions de GES sont plus faibles de 72 % par rapport à la production naturelle de protéines de lait.
La fermentation de précision permet aussi une utilisation minimale des terres par rapport à une production animale : elle se déroule dans des installations compactes, réduisant considérablement l’empreinte foncière nécessaire pour produire une quantité équivalente de protéines. La même étude ACV précitée estimait l’économie d’utilisation des terres à 99 %.
La fermentation de précision consomme également moins d’eau que des productions de protéines issues de l’élevage d’animaux. Là encore, l’étude ACV précitée avançait une baisse de 81 %.
La fermentation de précision présente aussi un intérêt au regard d’enjeux éthiques liés au bien-être animal : elle permet de produire des protéines animales (comme la caséine du lait ou l’ovalbumine de l’œuf) sans nécessiter l’élevage, l’abattage ou l’exploitation des animaux.
La fermentation de précision offre la possibilité de produire des protéines très spécifiques, avec certaines propriétés fonctionnelles (solubilité, texture, capacité moussante, gélifiante) ou nutritionnelles (profil d’acides aminés équilibré, enrichissement en certains nutriments), et en obtenant une grande homogénéité du produit fini, qui serait difficile à atteindre par un procédé traditionnel.
La fermentation de précision permet par ailleurs d’éliminer des substances allergènes ou encore de créer des aliments enrichis.
Elle permet de massifier la production de protéines qui seraient rares au sein de des sources classiques ou encore de s’affranchir des incertitudes liées à des soucis d’approvisionnement liés à des évènements climatiques (sécheresse), ou des maladies animales, et de s’affranchir du cycle des saisons qui contraint les productions végétales.
Enfin, la fermentation de précision constitue un processus rapide de production de protéines : les levures ou bactéries utilisées ont des cycles de vie courts et se reproduisent en quelques heures ou quelques jours au sein des bioréacteurs. Le processus de production suit une courbe exponentielle et le facteur limitant de la production est la taille des fermenteurs.
La réussite de la fermentation de précision suppose toutefois de maîtriser certains risques, au premier rang les risques sanitaires. Un rapport de la FAO publié début 2025[87] insiste sur la nécessité de définir un cadre règlementaire strict pour garantir la sécurité sanitaire du processus industriel de production, notamment concernant le choix des micro-organismes, l’élimination des résidus chimiques et coproduits, les risques de contamination microbienne ou encore l’existence d’allergènes ou toxines accompagnant les protéines produites.
La fermentation de précision a le potentiel de permettre une production massive de protéines alimentaires, et c’est d’ailleurs l’un des objectifs de son développement.
Mais la production à grande échelle suppose de mettre en service des bioréacteurs de grande capacité capables de contenir des dizaines, voire des centaines de milliers de litres, permettant de cultiver de grandes quantités de micro-organismes.
L’adoption des techniques de fermentation de précision suppose aussi d’atteindre des coûts de production compétitifs. Actuellement, le coût de production des protéines par fermentation de précision peut être plus élevé que celui des protéines animales traditionnelles ou de certaines protéines végétales produites à très grande échelle. La réduction de ces coûts est un enjeu majeur pour atteindre une production massive compétitive.
En France, aujourd’hui, la fermentation reste cantonnée à des petites installations et à des preuves de concept. Le passage à l’échelle industrielle (scale-up) nécessite des investissements importants. Par ailleurs, la mise sur le marché pour l’alimentation humaine des protéines alternatives obtenues par fermentation de précision nécessite de passer par un long processus règlementaire sur chacun des marchés concernés.
Néanmoins, le potentiel de développement de cette technologie paraît important[88], car elle n’offre pas seulement une possibilité de substitution à des ingrédients existants de manière traditionnelle, mais elle élargit la gamme des produits pouvant être utilisés pour fabriquer des aliments, en modifiant les apports nutritionnels, mais aussi le goût ou la texture, et en offrant aux industriels un potentiel d’innovation culinaire.
L’idée de cultiver en laboratoire des tissus vivants existe depuis au moins un siècle, avec des applications envisagées prioritairement en médecine régénérative. Mais les premières applications alimentaires n’ont qu’une vingtaine d’années et le premier « steak » cultivé en laboratoire a été présenté au public en 2013 aux Pays-Bas.
Une note d’analyse du centre d’études et de prospective du ministère de l’agriculture et de l’alimentation de mai 2021 insistait sur la nécessité de s’intéresser à ce sujet[89].
Le Sénat a examiné cette nouvelle technologie dans un rapport d’information très complet publié en avril 2023[90], appelant à une grande vigilance sanitaire et dans l’information du consommateur, mais insistant aussi sur la nécessité de poursuivre les recherches scientifiques et technologiques.
La fabrication d’aliments cellulaires est plus complexe que la fermentation de précision. Il existe de multiples manières de procéder, mais quatre étapes sont essentielles :
- la première étape est celle de la sélection et du prélèvement des cellules sources animales, soit grâce à une biopsie sur un animal vivant, soit en allant chercher des cellules embryonnaires ou des cellules en catalogue dans une banque de cellules. Les cellules souches sélectionnées doivent avoir la possibilité de se différencier en cellules musculaires, l’objectif étant d’obtenir in fine un tissu musculaire similaire à celui de la viande ;
- la deuxième étape est celle de la prolifération cellulaire réalisée dans un environnement de culture contrôlé, en environnement stérile et à une température optimale de 37 °C avec 5 % de CO2 pour maintenir un pH similaire à celui du sang de mammifère, en immergeant les cellules dans un milieu de culture, au sein d’un bioréacteur. Le milieu de culture fournit les nutriments nécessaires à la croissance et la division des cellules (sucres acides aminés, vitamines, minéraux, facteurs de croissance).
Historiquement, le milieu de culture requis était du sérum de veau fœtal (SVF ou FBS en anglais). Ce liquide est issu du sang des fœtus extraits des carcasses de vaches gestantes abattues. Il est extrêmement riche avec entre 200 et 400 protéines différentes ainsi que des milliers de molécules (dont des facteurs de croissance) dans des concentrations diverses. Cette diversité lui donne une grande versatilité et permet de cultiver une grande variété de cellules.
Toutefois, la disponibilité de SVF nécessite l’abattage de vaches gestantes et n’est donc pas économiquement et éthiquement viable. C’est pourquoi la culture cellulaire s’effectue aujourd’hui grâce à des milieux de culture synthétiques alternatifs au SVF. Il est en effet possible de produire un milieu de culture cellulaire plus pauvre mais spécifique au type de cellule visée ;
- la troisième étape est celle de la différenciation cellulaire. Le milieu de culture est modifié pour que les cellules souches puissent se différencier en trois composants principaux de la viande : le muscle, la graisse et le tissu conjonctif. Les cellules musculaires commencent à s’aligner et à fusionner pour former des structures allongées appelées myotubes, qui s’organisent ensuite en fibres musculaires.
Cette étape peut être suivie d’une phase de structuration permettant de texturer la viande de culture, en empilant les fibres musculaires ;
- enfin, la quatrième et dernière étape consiste à récolter le produit en sortie de bioréacteur, le nettoyer (en retirant les résidus du milieu de culture) et éventuellement l’assembler avec d’autres ingrédients (graisses, arômes, colorants).
La technologie de la culture de cellules peut potentiellement concerner une grande variété d’applications dans le domaine de l’alimentation : on peut vouloir fabriquer des équivalents à la viande de bœuf, mais aussi de porc, de poulet ou encore des équivalents de la chair du poisson.
Contrairement à la fermentation de précision, l’objectif n’est pas de produire uniquement une protéine, mais un aliment plus complexe qui ressemble dans sa composition à un produit issu de l’abattage d’un animal.
Pour autant, on peut douter qu’il s’agisse d’un substitut à la viande. Le rapport du CGAAER de 2019 souligne que la recherche d’équivalence entre viande naturelle et viande de synthèse peut rencontrer une importante limite dans la mesure où « la maturation de la viande qui s’opère naturellement après l’abattage grâce à la présence d’acide lactique issu de la dégradation du glycogène, permettant in fine d’attendrir la fibre musculaire » n’existe pas pour la viande de synthèse.
La culture cellulaire pourrait en revanche permettre d’innover par rapport aux produits traditionnels existants : elle ouvre la voie à la possibilité de mettre sur le marché des produits carnés avec des profils nutritionnels spécifiques (par exemple, contenant moins de graisses saturées, enrichis en certains nutriments) ou des textures innovantes.
La culture cellulaire pourrait permettre par ailleurs de fournir au consommateur des produits alimentaires dont les processus de production traditionnels sont menacés d’interdiction, en particulier au nom du bien-être animal. Ainsi, le foie gras, réalisé grâce à une technique de gavage, est interdit à la commercialisation par la loi californienne qui considère le gavage comme un acte de cruauté envers les animaux. Dans ce contexte, la start‑up française Gourmey cultive des cellules de canard pour fabriquer un aliment proche du foie gras de canard sur les plans nutritionnel, structurel et gustatif.
La culture cellulaire se positionne davantage comme un complément que comme une alternative à la viande traditionnelle. Mais on ne peut exclure que son développement réduise à due concurrence les volumes de production de l’élevage traditionnel. C’est d’ailleurs là que réside l’un des arguments majeurs portés par les promoteurs de la viande de culture.
Les défenseurs de la culture cellulaire mettent en avant de nombreux arguments.
Le premier avantage serait lié à des considérations éthiques et de bien-être animal. La culture cellulaire évite d’abattre des animaux pour produire de la viande. Par ailleurs, les techniques de prélèvements de cellules sont peu invasives et donc posent peu de problèmes éthiques.
Le second avantage serait environnemental : la viande in vitro réduisant le nombre d’animaux de ferme élevés, elle conduit à la fois à abaisser les rejets directs de méthane (pour les ruminants) et la consommation de terres destinées à produire l’alimentation animale.
Il est cependant difficile d’établir une évaluation fiable de l’impact environnemental que pourrait avoir ce procédé s’il était industrialisé[91]. Le rapport du Sénat estime que « sous certaines conditions, les aliments cellulaires permettraient un allègement de l’empreinte environnementale de l’alimentation ». Mais ces conditions sont loin d’être toutes remplies.
En effet, pour la fabrication des milieux de culture et pour le chauffage des incubateurs, la viande de culture consommerait davantage d’énergie que la production de viande de porc ou de poulet et peut-être même plus que pour la viande de bœuf.
Tout dépend alors des sources d’énergie utilisées pour la culture cellulaire.
Deux études (certes un peu anciennes, datant de 2011 et 2015) mettent en évidence des besoins en énergie plus importants pour la viande artificielle.
Comparaison de la consommation d’énergie de la viande in vitro,
de la viande de volaille, de porc et de bœuf (modèle feed-lot)
dans l’étude de 2015 et celle de 2011
Source : Hocquette, 2021
Il pourrait aussi y avoir des avantages sanitaires à développer la culture cellulaire. En effet, produite dans un environnement contrôlé et stérile, la viande de culture pourrait présenter moins de risques de contamination par des bactéries pathogènes comme la salmonelle ou l’Escherichia coli. Par ailleurs, elle contribuerait moins à la diffusion de résidus médicamenteux dans l’environnement, une partie de ceux-ci résultant des traitements des troupeaux. Cela n’exclut pas de rester vigilants sur les risques sanitaires, car les productions industrielles peuvent aussi connaître des échecs sur ce plan et générer des pollutions dans leur environnement immédiat.
Enfin, la culture cellulaire peut permettre une production plus rapide, mais le rythme de multiplication des cellules n’est pas comparable à celui de la fermentation de précision. Le développement des cellules prend davantage de temps. Selon l’association Agriculture Cellulaire France[92], qui fédère les acteurs de ce nouveau secteur, il faut environ cinq à sept semaines pour produire de la « viande cultivée ». C’est une durée comparable à celle de l’élevage d’un poulet. Les avantages en termes de durée de production pourraient davantage concerner des cultures cellulaires alternatives à des produits animaux à longue durée de croissance, comme le bœuf.
La technologie est encore loin d’être totalement mature. Le développement de la « viande de culture » est encore largement une démarche expérimentale, un pari, porté par des start‑up.
Le rapport du Sénat identifie 110 entreprises dans le monde travaillant à produire des aliments cellulaires.
Il note que le développement de ces alternatives à la viande se heurte à quelques obstacles importants.
Le premier obstacle réside dans les qualités du produit fini : les fabricants ont encore du mal à reproduire la texture complexe et le goût de la viande traditionnelle, qui est composée de différents types de tissus (muscle, graisse, tissu conjonctif). Les premières applications pourraient donc se cantonner à la fabrication d’ingrédients de substitution à des préparations industrielles carnées. Le rapport du Sénat indique ainsi que « les rares entreprises qui souhaitent imiter des pièces de viande entières – en particulier Mosa Meat et Aleph Farms – admettent qu’il leur faudra encore de nombreuses années avant d’envisager la production à grande échelle d’une entrecôte, d’une cuisse de poulet ou d’une côte de porc ».
Le second obstacle est celui du coût de production. La viande artificielle est encore loin d’être compétitive par rapport à la viande issue d’animaux d’élevage. Une partie importante des charges d’exploitation correspond à la phase de croissance des cellules dans les milieux de culture. Une manière de réduire les coûts serait que les cellules musculaires bovines produisent leurs propres facteurs de croissance, plutôt que d’avoir à les prévoir initialement dans le milieu de culture. Dès lors qu’il n’y a pas encore d’industrialisation de la production à grande échelle, il est difficile d’anticiper ce que seront les coûts de production demain.
Un autre obstacle relève des préférences du consommateur : celui-ci serait-il prêt à faire des aliments cellulaires une des composantes de ses repas ? Comme le remarque le rapport du Sénat, « les aliments cellulaires ne pourront répondre, par définition, aux attentes de naturalité ». Une étude menée en 2020 par AgroSud Dijon, l’université de Bath au Royaume-Uni et l’Ifop montrait que 44 % des Français étaient prêts à goûter de la viande « in vitro » et 34 % des consommateurs de viande étaient même prêts à remplacer la viande « classique » par sa version alternative cellulaire. Les Allemands étaient encore plus favorables avec des taux de réponses aux mêmes questions de respectivement 58 % et 53 %. Globalement, l’incertitude prédomine sur l’adoption par le consommateur, de produits issus de la culture cellulaire.
Enfin, l’accès au marché des aliments issus de culture cellulaire passe aussi par un processus règlementaire, qui est exigeant et peut être long. En Europe, ce sont les règles dites « Novel Food » qui s’appliquent et supposent une évaluation des risques par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).
Malgré les obstacles, plusieurs acteurs poursuivent leur plan de développement des aliments cellulaires. Ainsi, la société Vital Meat, qui a pour actionnaire principal le groupe spécialiste de génétique animale Grimaud a mis au point une technologie de production de cellules souches issues de poulet, pour fabriquer des nuggets.
Les aliments cellulaires connaissent un début de commercialisation. À Singapour, de la viande cellulaire de poulet est autorisée à la vente aux consommateurs depuis 2020. Aux États-Unis, les sociétés Upside Foods et Good Meat ont aussi obtenu de l’USDA en 2023 une autorisation de mise sur le marché de viande de poulet cultivée en laboratoire. Au Royaume-Uni, la start‑up Meatly a obtenu en 2024 de la part des autorités sanitaires britanniques l’autorisation de commercialiser sa viande de poulet cultivée en laboratoire à destination des animaux de compagnie.
Les insectes sont consommés en alimentation humaine depuis des siècles dans plusieurs régions du monde, en particulier en Asie, en Afrique ou en Amérique latine.
En 2013, la FAO a publié un rapport intitulé « insectes comestibles, perspectives pour la sécurité alimentaire et l’alimentation animale »[93] qui envisage le développement de la consommation d’insectes comme une voie intéressante de diversification des apports en protéines, tant en alimentation humaine qu’animale.
Certains insectes ont en effet une valeur nutritionnelle élevée. S’appuyant sur une étude scientifique compilant la valeur nutritionnelle de 236 insectes comestibles, le rapport de la FAO estime que « de nombreux insectes comestibles fournissent des quantités satisfaisantes d’énergie et de protéines, satisfont les besoins humains en acides aminés, sont riches en acides gras mono et polyinsaturés, et sont riches en micronutriments tels que le cuivre, le fer, le magnésium, le manganèse, le phosphore, le sélénium et le zinc, ainsi qu’en vitamines comme la riboflavine (B2), l’acide pantothénique (B5), la biotine (B8) et, dans certains cas, l’acide folique (B9) ».
Les teneurs en protéines des insectes peuvent ainsi être particulièrement élevées, plus même que pour la viande. En outre, les protéines d’insectes sont généralement considérées comme étant « de bonne qualité » car elles ne présentent aucune carence en acides aminés limitants.
Teneurs en protéines brutes des insectes
Source : Xiaoming et al., 2010
Cependant, la consommation d’insectes comporte certains risques sanitaires qu’il convient de maîtriser, comme l’a rappelé l’Anses dans un avis de 2015[94] :
- certains insectes comportent des substances toxiques qu’ils ont fabriquées eux-mêmes pour se défendre ou qu’ils ont accumulées dans leur environnement ou par leur alimentation, par exemple des venins. Il convient de retirer ces substances toxiques ou de ne consommer que des larves d’insectes, qui n’ont pas encore eu le temps de sécréter ces substances toxiques ;
- des substances anti-nutritionnelles sont également présentes chez certaines espèces d’insectes : acide phytique, acide cyanhydrique, oxalates, tannins. L’avis de l’Anses note également que la chitine, qui est un constituant de l’exosquelette des insectes et l’un de ses dérivés, le chitosan, sont difficilement digestibles ;
- surtout, la consommation d’insectes expose à des risques élevés d’allergies. Il existe en effet des allergènes communs à l’ensemble des arthropodes, c’est-à-dire aux mollusques, crustacés, acariens et insectes ;
- enfin, comme pour toute production industrielle, il existe des risques microbiologiques qu’il convient de maîtriser en veillant à de bonnes conditions sanitaires d’élevage.
L’ensemble de ces risques sanitaires est encore mal connu. La mise sur le marché de produits alimentaires à base d’insectes pour l’alimentation humaine doit donc être envisagée avec prudence.
L’avis de l’Anses précise que « compte tenu du métabolisme très particulier des insectes, l’élevage, la préparation et la commercialisation d’insectes pour l’alimentation devraient être entourés de précautions spécifiques, et en particulier faire l’objet de recherches analytiques des éventuelles substances toxiques dans les produits finis, au cas par cas », ce que prévoit au demeurant la règlementation européenne.
Un des atouts de la production d’insectes est leur faible impact sur l’environnement.
La FAO estime que les élevages d’insectes émettent moins de GES que la plupart des autres sources de protéines animales et nécessitent moins d’eau. La littérature scientifique récente ne donne cependant pas un avantage décisif aux insectes sur ce point. Ainsi, une étude de 2021[95] estime que la production de protéine d’insecte n’est pas forcément moins émettrice que la production de protéine de poulet de chair. La vitesse de croissance des insectes est en effet dépendante de la chaleur, ce qui nécessite des consommations énergétiques si les élevages d’insectes ne disposent pas naturellement d’un environnement chaud.
Un autre avantage environnemental de la production d’insecte réside dans son moindre besoin en eau que les productions animales et végétales, même s’il est difficile de disposer de chiffres indiscutables.
Toujours selon la FAO, les superficies requises pour élever des insectes sont nettement moins importantes que celles nécessaires à la production animale. Selon la société Mutatec[96], il suffit d’1,5 hectare pour produire l’équivalent en protéines de 800 hectares de soja.
Les insectes présentent un très bon rendement de conversion des intrants alimentaires en protéines. Les grillons, par exemple, ont besoin de 12 fois moins d’intrants alimentaires que les bovins pour produire la même quantité de protéines. Le rapport du CGAAER précité met en avant pour les insectes un taux de conversion protéique aussi bas que celui des poissons d’élevage (proche de 1), trois à cinq fois supérieur à celui des vertébrés. Concrètement, ils ont besoin de peu d’aliments pour croître, avec une vitesse de croissance qui dépend de l’espèce choisie et du degré de maturité-cible (les récoltes de larves peuvent se faire après quelques semaines).
Les élevages d’insectes sont nourris avec des sous-produits non consommables par l’homme (par exemple le son du blé), et peuvent venir utiliser la chaleur résiduelle d’installations industrielles. Ils peuvent donc facilement s’intégrer dans des systèmes d’économie circulaire.
La production de déchets est également beaucoup plus réduite par unité d’aliment ingéré du fait du caractère poïkilotherme des insectes (leur température corporelle s’ajuste à celle du milieu) et les excréments des insectes, que l’on nomme « frass », peuvent ensuite être utilisés comme fertilisants.
Enfin, l’exploitation d’élevages d’insectes est industrialisable à toutes les phases : ponte d’œufs et éclosion, croissance, abattage et transformation. L’abattage est simple, par congélation à – 18 °C pendant 24 heures ou par ébouillantage, qui assure la pasteurisation du produit mais peut dégrader certains nutriments. La transformation pour les conserver prend ensuite la forme d’une déshydratation, d’une friture, d’un toastage, d’une lyophilisation ou encore d’une fermentation lactique.
Malgré ses atouts, la production d’insectes reste limitée en France et en Europe.
L’étude du Parlement européen précitée rappelle que seulement quatre espèces d’insectes ont été autorisées en Europe pour l’alimentation humaine : le grillon domestique (Acheta domesticus) ; le petit ténébrion meunier (Alphitobius diaperinus) ; le criquet migrateur (Locusta migratoria) ; et le ténébrion meunier jaune (Tenebrio molitor). Sept espèces ont été autorisées en alimentation animale. Ce sont essentiellement le ténébrion meunier jaune et la mouche soldat noire (Hermetia illucens) qui sont utilisés sous forme de protéines animales transformées (PAT), c’est-à-dire de farines, pour nourrir les poissons d’élevage, les porcs ou les volailles.
Les quantités produites en Europe sont très faibles pour l’alimentation humaine : à peine 500 tonnes en 2019.
En réalité, le principal débouché des protéines d’insectes est le marché de l’alimentation animale avec une production en 2022 d’un peu moins de 10 000 tonnes, dont la moitié sont à destination de l’aquaculture et des animaux domestiques (pet food).
L’élevage d’insectes sert donc principalement à produire des farines en remplacement de celles issues de poissons et des tourteaux de soja dans la nourriture animale. S’il est éventuellement question du remplacement de la viande dans l’alimentation humaine, ce n’est pas le cœur de cible du secteur.
L’étude du Parlement européen table sur une production en forte hausse, avançant le chiffre de 260 000 tonnes d’insectes en 2030. Elle indique que « le potentiel futur des insectes comme aliment devrait être bien supérieur à celui des aliments pour animaux. Une étude des sources alternatives de protéines suggère que, selon l’espèce de poisson, la farine de poisson dans les aliments aquacoles peut être partiellement remplacée par 25 à 30 % de farine d’insectes ; pour le saumon de l’Atlantique, ce remplacement peut même atteindre 100 % sans compromettre la qualité. Pour les porcs et la volaille, 10 % des protéines conventionnelles peuvent être remplacées par de la farine d’insectes. La production d’aliments à base d’insectes devrait ainsi croître d’au moins 2,7 millions de tonnes d’ici 2030. Durant cette période, la part des insectes destinés à l’aquaculture et à l’alimentation animale devrait augmenter, passant de 50 % actuellement à plus de 80 % de la production européenne d’insectes destinés à l’alimentation animale. » La production d’insectes serait donc très dépendante du développement de fermes aquacoles, qui remplaceraient les farines de poisson par des farines d’insectes.
La viabilité du développement des protéines d’insectes en alimentation animale par rapport aux autres sources de protéines dépend cependant de paramètres économiques.
En particulier, le remplacement de farines de poissons par des farines d’insectes dans les élevages aquacoles ne se fera que si le coût de production des insectes baisse. En effet, le prix de la farine d’insectes est aujourd’hui de 1 500 à 1 800 euros par tonne, là où la farine de poisson s’échange entre 1 000 et 1 200 euros par tonne.
Fondée en 2011 pour valoriser le ténébrion meunier jaune, la start‑up française Ÿnsect a mobilisé des financements privés et a bénéficié du soutien de BPIFrance et du programme d’investissements d’avenir (PIA). Son objectif est de développer la production d’insectes pour les animaux de compagnie et de s’attaquer au marché de l’alimentation humaine. La mise à l’échelle industrielle se révèle cependant délicate. L’entreprise doit encore surmonter des obstacles pour atteindre une production rentable. Face à ces difficultés, Ÿnsect a été placée en procédure de sauvegarde en septembre 2024, puis en redressement judiciaire en mars 2025. Elle se concentre sur le marché des aliments pour animaux de compagnie, plus rémunérateur.
Fondée en 2016, la société Innovafeed a choisi plutôt de valoriser la mouche-soldat noire, dont la croissance est rapide et les débouchés sont en alimentation animale. La valorisation des co-produits agricoles locaux pour nourrir les insectes et l’utilisation de la chaleur résiduelle d’installations industrielles voisines fait de la production d’insectes une sorte de co-produit industriel.
Les algues sont des organismes aquatiques qui se développent par photosynthèse dans l’eau, en utilisant le dioxyde de carbone et les sels minéraux de leur milieu, ainsi que l’eau et la lumière.
Les algues ont d’abord été utilisées à des fins de phytothérapie. Mais, historiquement, elles ont aussi fait l’objet d’une consommation alimentaire dans les espaces côtiers, notamment au Japon.
Selon le Centre d’études et de valorisation des algues (Ceva)[97], qui s’appuie sur les données de la FAO, la production mondiale d’algues, en progression depuis 30 ans, est aujourd’hui de l’ordre de 35 millions de tonnes par an. Elle est réalisée pour moitié en Chine.
La production d’algues en Europe est marginale au regard de la production mondiale : selon la FAO, elle s’élevait à 310 000 tonnes en 2033, dont 60 à 70 000 tonnes en France.
Il existe une très grande diversité d’algues. La principale distinction est entre les macro-algues, qui représentent 99 % du tonnage mondial, et les micro-algues, souvent produites à terre dans des bassins d’algoculture.
En Europe, les algues sont collectées essentiellement à travers des récoltes en mer (pêche embarquée), sur les rives ou par ramassage des algues épaves qui arrivent à terre, contrairement aux pays d’Asie qui pratiquent l’algoculture dans des parcs dédiés.
L’alimentation humaine n’est pas le seul débouché des algues, même si elle en représente environ les trois quarts. Les macro-algues peuvent être consommées sans grande transformation, comme des légumes, mais le sont le plus souvent après transformation. L’industrie agroalimentaire les utilise notamment comme épaississants et comme gélifiants. Les autres utilisations des algues sont dans le domaine de l’alimentation animale, mais aussi en cosmétique, pharmacie, ou comme engrais. Face à la croissance de ces utilisations, l’Europe et la France ne sont pas autosuffisants et doivent importer plus du double des algues qu’elles produisent.
Les algues sont parfois qualifiées de « trésors marins de nutriments ». Elles concentrent des minéraux et oligo-éléments, sont riches en vitamines, notamment la vitamine B12 et en acides gras polyinsaturés à longue chaîne (EPA et DHA).
Une communication de la Commission européenne de 2022 intitulée « vers un secteur des algues de l’UE fort et durable »[98], résume ainsi leurs nombreuses vertus : « Pauvres en matières grasses et riches en fibres alimentaires, en oligo-éléments et en composés bioactifs, les algues sont souvent présentées comme des aliments sains et peu caloriques ; certaines espèces sont connues pour avoir une teneur particulièrement élevée en protéines. Grâce à leurs composés et propriétés biochimiques, les algues constituent une matière précieuse pour un nombre croissant d’autres applications commerciales, par exemple les aliments pour animaux/poissons et les additifs pour l’alimentation animale. »
La teneur en protéines des algues marines est variable. Les algues brunes disposent d’un contenu protéique restreint (les protéines représentent 5 à 15 % de la matière sèche), mais les algues vertes peuvent monter à 20 % et certaines algues rouges jusqu’à 30 à 40 %, soit des teneurs similaires au soja.
La plupart des algues contiennent tous les acides aminés essentiels et sont une source importante d’acides aminés acides (acides aspartique et acide glutamique).
Cependant, la digestibilité des algues sous leur forme brute n’est pas toujours bonne, nécessitant des phases de transformation pour en tirer le maximum de bénéfices nutritionnels.
La consommation d’algues semble avoir des effets positifs sur la santé, notamment en termes de maladies cardiovasculaires.
Une certaine vigilance doit cependant être observée au regard de leur teneur en iode et de leur capacité à retenir des métaux lourds (du fait que les fibres algales sont des puissants échangeurs de cations) :
- en 2018, un avis de l’Anses[99] a déconseillé la consommation d’aliments ou compléments alimentaires contenant des algues aux personnes présentant un dysfonctionnement thyroïdien, une cardiopathie, une insuffisance rénale, ou suivant un traitement par un médicament contenant de l’iode ou du lithium, pour ne pas dépasser les doses d’iode quotidiennes ;
- en 2020, un autre avis de l’Anses[100], sans aller jusqu’à une recommandation quantitative de consommation d’algues, soulignait les risques liés aux teneurs élevées en cadmium des algues, en particulier les algues rouges et brunes.
Si la consommation alimentaire d’algues est globalement bénéfique pour la santé, elle doit donc faire l’objet de mesures de surveillance appropriées.
Publiée en 2021, une étude de la FAO intitulée « Algues et microalgues : un aperçu pour exploiter leur potentiel dans le développement de l’aquaculture mondiale »[101] indique que le développement de l’algoculture est susceptible de générer toute une série d’effets environnementaux positifs.
L’étude note d’abord qu’un des avantages de la culture d’algues et microalgues est la non-compétition sur l’usage des surfaces de culture. La culture d’algues marines ne nécessite pas d’eau douce, de semences ou d’engrais.
Comme les algues extraient leurs nutriments du milieu marin environnant dont elles absorbent le dioxyde de carbone, la photosynthèse des algues permet d’atténuer l’eutrophisation, de traiter les eaux usées, de réduire l’acidification des océans et de séquestrer du carbone.
Les algues destinées à l’alimentation ont globalement un bilan carbone bas. Il existe cependant des coûts énergétiques liées à l’exploitation des algues : aux phases de récolte (carburant des navires) mais aussi de transformation en produits alimentaires consommables ou en ingrédients (séchage, conditionnement).
Enfin, selon la FAO, l’algoculture peut avoir des effets positifs en matière de création d’habitats pour les poissons et autres organismes marins ou encore de protection du littoral contre les fortes vagues.
Elle offre la possibilité de réduire la surpêche en offrant des moyens de subsistance alternatifs aux communautés de pêcheurs et d’amélioration des sols et de réduction potentielle de l’utilisation de pesticides agricoles grâce à des biofertilisants ou des biostimulants à base d’algues.
Les effets positifs sur l’environnement de l’algoculture ne seront maximaux que si des précautions sont prises dans les conditions d’exploitation, notamment pour éviter d’introduire dans les milieux des espèces invasives, au détriment des espères autochtones,
Le terme de micro-algues désigne des organismes très divers, généralement de petite taille (par exemple, la chlorelle). Ce sont les premiers maillons de la chaîne alimentaire en milieu aquatique. À l’inverse des macro-algues, les micro-algues ne sont pas récoltées en mer ou sur le rivage. Pour pouvoir les exploiter, il faut un processus contrôlé de production en eau douce, marine ou saumâtre, en bassin ou en photobioréacteur.
Selon un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) publié en 2022[102], « les micro-algues offrent potentiellement de grandes possibilités de valorisation mais à ce jour une dizaine d’espèces seulement sont cultivées. Initialement produites pour nourrir les larves de poissons et de coquillages, les micro-algues connaissent d’ores et déjà des applications dans les secteurs de la cosmétique, des compléments alimentaires (huiles riches en acides gras de type oméga‑3), de l’alimentation et de la nutrition animale. Toutefois la plupart des marchés sont encore en émergence. » Par ailleurs, les micro-algues ont bien souvent une meilleure digestibilité que les végétaux, car elles sont dépourvues de paroi ligneuse.
La spiruline, qui est une cyanobactérie, est classée parmi les micro-algues. Elle est l’une des principales espèces produites en France depuis le début des années 2000. Comme le note le rapport précité du CGAAER : « L’intérêt alimentaire des spirulines tient à leur composition : 60 à 70 % de protéines (d’où leur utilisation en complémentation pour des enfants dénutris), toutes les vitamines B12, vitamines A, E et K, des acides gras essentiels, 8 acides aminés essentiels et des minéraux. Sous certaines conditions de culture on peut enrichir leur contenu en oligoéléments, par exemple en sélénium. »
La production de spiruline en bassins nécessite assez peu d’eau, mais ne peut se faire que dans un environnement bénéficiant d’ensoleillement.
Par ailleurs, si le bilan environnemental des micro-algues n’est pas facile à établir précisément, il doit intégrer aujourd’hui la consommation d’énergie nécessaire à toutes les étapes : culture, traitement de l’eau, récolte, lavage, pasteurisation et emballage. Une étude présentée lors d’une conférence Algaeurope fin 2021 estimait que pour 1 kg de spiruline sèche produite, on émettait 15 kg de CO2 (soit plus que pour produire 1 kg de tomates)[103].
Outre les débouchés alimentaires, les micro-algues font l’objet de recherches pour en faire une source de biocarburants ou encore dans la chimie organique. Le potentiel des micro-algues est encore largement à découvrir et à exploiter.
Le potentiel de développement des algues comme source de protéines dans l’alimentation est identifié au niveau européen comme au niveau français.
Dans sa communication de novembre 2022 précitée, la Commission européenne indique que « les algues marines peuvent potentiellement satisfaire la demande supplémentaire de biomasse de plus de 100 millions de tonnes prévue pour l’alimentation humaine au cours des 20 prochaines années ». L’étude du Parlement européen d’avril 2024 sur les sources alternatives de protéines dans l’alimentation humaine et animale va dans le même sens, en estimant que « les algues pourraient contribuer encore plus que ce que représente la hausse de la demande totale en protéines projetée d’ici 2050 », faisant des algues un levier pouvant couvrir à lui seul la progression de la demande alimentaire mondiale. Cette étude indique en outre que « les algues pourraient potentiellement remplacer jusqu’à un tiers du tourteau de soja dans l’alimentation des porcs et des volailles ».
À l’échelle européenne, le programme-cadre de recherche et d’innovation Horizon Europe, couvrant la période 2021-2027, ainsi que le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, soutiennent plusieurs projets visant à développer la production d’algues et à les valoriser, comme le projet Alehoop[104] visant à récupérer des protéines alimentaires bon marché à partir de la biomasse d’algues et de plantes pour les intégrer dans des denrées alimentaires ou produits pour animaux.
À l’échelle nationale, une feuille de route nationale pour le développement des filières algales françaises a été établie par le Gouvernement début 2024[105]. Elle s’appuie sur les travaux précités du CGAAER et confirme l’ambition de développer la production et la consommation d’algues.
Bien qu’encore limité au regard de l’ensemble des marchés alimentaires mondiaux, qui sont de l’ordre de 7 000 milliards de dollars, le marché des protéines alternatives est en croissance continue.
Selon le cabinet spécialisé dans les analyses de marché Grand View Research, le marché qui s’élevait à 20,4 milliards de dollars en 2023, soit à peine 0,3 % des achats alimentaires mondiaux, et 22,9 milliards de dollars en 2024, devrait croître de 14 % par an entre 2025 et 2030.
L’étude précitée du Parlement européen sur les protéines alternatives indique que ce marché, incluant les alternatives végétales à la viande, pourrait représenter 11 % du marché total des protéines utilisées dans l’alimentation humaine en 2035, et atteindre 22 % à terme, d’abord aux États-Unis et en Europe, mais avec aussi un potentiel de développement considérable dans la zone Asie-Pacifique.
La production européenne pourrait atteindre 15 millions de tonnes de protéines alternatives en 2035, voire 33 millions de tonnes dans les scénarios les plus favorables.
Ces projections de développement de l’offre de protéines alternatives dans l’alimentation se fondent sur des bases solides :
- la première repose sur la progression de la demande alimentaire, tirée par la croissance démographique, nécessitant d’augmenter les quantités produites. Or, les capacités de production des protéines animales sont quasiment à saturation, en tout cas si l’on prend en compte les contraintes environnementales, ce qui conduit à s’intéresser à d’autres sources alimentaires ;
- la deuxième tient à l’impératif de limitation des émissions de GES : les technologies des protéines alternatives portent la promesse d’une empreinte environnementale de l’alimentation fortement réduite par rapport aux productions traditionnelles ;
- enfin, la dernière raison du développement des protéines alternatives, qui s’inscrit dans le long terme, est celle d’une alimentation saine mais surtout économiquement abordable pour le consommateur, alors que le prix des denrées alimentaires traditionnelles tend à s’apprécier depuis le début des années 2000.
Pour autant, les objectifs du développement des protéines alternatives demeurent encore assez flous. Plusieurs questions se posent en effet :
- les protéines alternatives doivent-elles venir en complément des sources actuelles de protéines ou les remplacer ? Il paraît difficile de faire progresser la production de protéines alternatives de manière extrêmement rapide, si bien que l’objectif de substitution aux sources actuelles, notamment aux protéines animales, ne peut être que très partiel. Les protéines alternatives sont donc plutôt à envisager, au moins dans une première phase, comme un complément et non une véritable alternative ;
- les protéines alternatives ont-elles pour but d’entrer dans le domaine de l’alimentation humaine ou est-ce plutôt une technologie dédiée à l’alimentation animale ? Si les développements de la fermentation de précision, de la culture cellulaire ou de l’algoculture visent directement l’alimentation humaine, la production d’insectes est aujourd’hui plutôt destinée à l’alimentation animale et à des marchés de niche comme le « pet-food » ;
- quelle sera la place des protéines alternatives par rapport à une stratégie mieux balisée de végétalisation de l’alimentation ? les alternatives végétales à la viande constituent en effet un marché plus prometteur, car plus simple et plus mature. Les autres alternatives aux protéines animales devront prouver leurs avantages nutritionnels et économiques pour prendre place sur un marché dans lequel des produits à base de protéines végétales auront trouvé leur place.
La mise au point de protéines alternatives utilisables dans l’alimentation nécessite encore d’importants investissements de recherche et développement.
Comme le notent les auteurs d’un récent article publié dans la revue Nature dressant le panorama des défis à relever, les protéines alternatives « présentent intrinsèquement des propriétés fonctionnelles différentes, dites propriétés techno-fonctionnelles, qui jouent un rôle important dans les technologies de transformation des aliments. Il est donc difficile de formuler des produits alimentaires présentant des propriétés et une qualité similaires à celles des produits conventionnels »[106].
Avant la mise à disposition du consommateur, de très nombreuses étapes doivent être franchies, de l’élaboration des méthodes de production (recette), en passant par l’élimination des risques sanitaires, et en allant jusqu’à la transformation en denrée consommable appétissante.
Les auteurs de l’article précité ajoutent que « la plupart des protéines alternatives échouent à pleinement imiter les qualités organoleptiques de leurs équivalents conventionnels ». Il est ainsi difficile d’obtenir des textures, goûts et apparences de produits alimentaires qui leur permettraient d’être consommés de manière brute, si bien que les protéines alternatives ont plutôt pour vocation à constituer des ingrédients pour l’industrie-agroalimentaire plutôt que des aliments à part entière.
La bataille des protéines alternatives est aussi une course aux technologies, dans la mesure où les procédés de fabrication ainsi que les produits intermédiaires ou finaux peuvent faire l’objet de brevets, qui sont la condition d’une exploitation exclusive par les fournisseurs de ces nouveaux ingrédients alimentaires.
Cette bataille technologique est en cours mais est loin d’être terminée. Les investissements réalisés sont encore largement des paris sur l’avenir, puisque leur rentabilité n’est pas garantie en fin de course. L’enjeu consiste en effet à proposer des protéines alternatives intéressantes d’un point de vue nutritif et sûres d’un point de vue de la sécurité sanitaire, issues d’un processus de production contrôlé, mais à des coûts permettant de concurrencer les protéines traditionnelles sur le marché alimentaire mondial.
De ce point de vue, les technologies ne sont pas encore matures, car les coûts de production sont encore supérieurs à ceux protéines traditionnelles, et la montée à l’échelle industrielle (scale-up) des entreprises qui se sont lancées dans le secteur des protéines alternatives reste complexe.
L’avenir des protéines alternatives dépend donc encore en grande partie des avancées technologiques qui pourront être réalisées par les entreprises, nécessitant la poursuite d’un effort soutenu de recherche et développement.
Au demeurant, les auteurs de l’article précité indiquent que la recherche sur les nouvelles protéines peut aussi améliorer l’ensemble des processus de production dans l’alimentation, même traditionnelle : « la diversification des sources de protéines permet une meilleure extraction et récupération des protéines assistées par la technologie, qui peuvent être développées pour une efficacité de production maximale. Une application de l’extraction par fluide supercritique utilisant du CO2 et de l’éthanol, par exemple, a permis d’éliminer les composés odorants des isolats de protéines de pois. Il a été démontré que le traitement à haute pression améliore la pénétration du solvant d’extraction dans la cellule, augmentant ainsi le rendement sans altérer les fonctionnalités des protéines ». Les protéines alternatives sont donc un accélérateur d’innovation.
À l’inverse des aliments conventionnels ou des préparations alimentaires à base d’aliments traditionnels, y compris des alternatives végétales aux protéines animales, la mise sur le marché de protéines alternatives ne se fait pas de manière libre et non contrôlée. Elle doit passer par une phase d’évaluation des risques sanitaires, centralisée à l’échelle européenne au niveau de l’Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments (EFSA).
Les produits issus de la culture de protéines alternatives sont en effet considérés comme des nouveaux aliments et soumis à la procédure dite « Novel Food », qui est assez similaire à celle relative aux additifs alimentaires.
Des procédures similaires existent dans les autres pays développés. Aux États-Unis, une évaluation sanitaire est menée sous l’autorité de la FDA (Food and Drug Administration) qui traite les nouveaux aliments comme des additifs alimentaires et ne permet leur commercialisation qu’après autorisation. Les aliments ou substances « généralement reconnues comme sûrs » (GRAS)[107] dans les conditions prévues pour leur utilisation ne nécessitent pas d’approbation préalable. Ils peuvent faire l’objet de notification à la FDA si les entreprises le souhaitent. Pour un nouvel additif alimentaire, le fabricant doit soumettre à la FDA un dossier décrivant le produit, sa composition chimique et fournir des études toxicologiques. La procédure d’admission sur le marché prend environ un an.
Le Canada dispose d’une réglementation imposant aussi une analyse des risques sanitaires, effectuée par l’agence Santé Canada, pour les aliments nouveaux qui ne disposent pas d’une antériorité de consommation. Le rôle et les responsabilités des autorités réglementaires sont plus importants au Canada, tandis qu’aux États-Unis, le processus d’évaluation est davantage dirigé par les promoteurs de l’industrie du nouvel aliment ou de l’ingrédient alimentaire.
Singapour dispose également d’une agence d’évaluation qui est réputée évaluer rapidement les dossiers qui lui sont soumis, en moins d’un an, et joue donc un rôle pionnier dans l’accès au marché du consommateur final des nouveaux aliments, en particulier des cultures cellulaires.
Le Brésil, le Japon ou encore l’Australie suivent le même schéma, avec quelques nuances.
Le marché des protéines alternatives étant un marché mondial, les différentes agences seront amenées à faire converger leurs référentiels et leurs méthodes.
Le premier texte encadrant la mise sur le marché des « nouveaux aliments » est le règlement européen n° 258/1997 du 27 janvier 1997, remplacé par le règlement n° 2015/2283 du 25 novembre 2015, entré en application début 2018, actuellement en vigueur.
La règlementation sur les nouveaux aliments ne s’applique pas aux aliments issus d’OGM, aux enzymes alimentaires, aux additifs alimentaires, aux arômes alimentaires ou aux solvants d’extraction utilisés dans la fabrication alimentaire, qui sont tous soumis à des procédures particulières.
Les « nouveaux aliments » se définissent comme toutes les denrées alimentaires (aliment ou ingrédient) qui n’étaient pas habituellement consommées dans les pays d’Union européenne avant le 15 mai 1997.
Le champ d’application de la règlementation européenne des « nouveaux aliments » est assez large. Ont ainsi dû être autorisés au titre des nouveaux aliments, les graines de chia, l’huile de krill, les phytostérols, les fruits du physalis ou du baobab, les poudres de larve du petit ténébrion mat, les concentrés peptidiques de crevettes ou encore les aliments à base d’algues. Les aliments ou ingrédients obtenus à partir de nouveaux procédés, comme le traitement par ultraviolets ou encore leur transformation à l’échelle nanométrique, sont également considérés comme de « nouveaux aliments » et soumis à la procédure européenne d’autorisation.
Les entreprises alimentaires qui souhaitent mettre sur le marché des produits doivent vérifier si ceux-ci sont soumis à la réglementation des « nouveaux aliments ».
Si c’est le cas, la mise sur le marché du nouvel aliment intervient après inscription de celui-ci sur la « liste des nouveaux aliments autorisés » dans l’Union européenne[108]
Depuis 2018, la procédure d’examen des demandes de mise sur le marché est centralisée à l’échelle de l’Union européenne alors qu’auparavant, les responsabilités étaient réparties entre l’Union et les États-membres.
Sur demande du metteur en marché, l’autorisation d’inscription sur la liste des nouveaux aliments admis sur les marchés de l’Union européenne (autorisation de mise sur le marché) est prononcée par la Commission européenne, qui demande au préalable à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) une évaluation des risques de l’aliment ou de l’ingrédient concerné. La Commission européenne prend la décision d’inscription après consultation du Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (SCOPAFF) où sont représentés les États membres (certains comme l’Italie et la Hongrie ayant des positions très hostiles à certains nouveaux aliments, comme la culture cellulaire ou viande cellulaire).
L’article 7 du règlement européen n° 2015/2283 fixe trois conditions cumulatives pour autoriser un nouvel aliment :
- ne présenter aucun risque en matière de sécurité pour la santé humaine, compte tenu des données scientifiques disponibles ;
- ne pas induire le consommateur en erreur (dénomination…) ;
- lorsque le nouvel aliment est destiné à remplacer un ancien aliment, il ne doit pas présenter un profil nutritionnel désavantageux.
Le contenu du dossier de demande de mise sur le marché d’un aliment nouveau est défini par un règlement d’exécution de la Commission européenne (règlement 2017/2469 du 20 décembre 2017[109]).
Les méthodes d’évaluation des risques ont été précisées par l’EFSA dans plusieurs documents d’orientation à destination des demandeurs, l’un présentant les exigences administratives de l’EFSA[110], l’autre ses exigences scientifiques (types de tests, description des milieux de culture...)[111]. Un nouveau guide, destiné à accélérer et clarifier les procédures, est applicable depuis le 1er février 2025.
Le processus d’évaluation par l’EFSA doit se faire dans un délai de 9 mois, mais des demandes d’informations complémentaires peuvent prolonger le délai d’examen. Actuellement, le délai d’autorisation est très variable allant de 18 à 48 mois, contre 12 mois environ à Singapour ou aux États-Unis.
L’existence d’une pratique de dialogue entre l’EFSA et les industriels présentant des dossiers dans le cadre de réunions de pré-soumission est pointée comme un facteur décisif de réussite du processus de mise sur le marché dans des délais raisonnables.
Les aliments traditionnels issus de pays hors de l’UE bénéficient d’une procédure simplifiée, exigeant notamment la preuve de leur innocuité depuis 25 ans, mais doivent néanmoins être inscrits sur la liste européenne pour pouvoir être mis sur le marché par les entreprises.
La liste des « nouveaux aliments » inscrits au catalogue s’allonge avec entre 15 et 30 nouvelles inscriptions par an, en plus de 630 inscriptions qui avaient été effectuées depuis l’entrée en vigueur du règlement européen initial de 1997[112].
L’étiquetage des produits alimentaires fait l’objet en Europe d’une réglementation exigeante : il convient en effet de fournir au consommateur des données sur la composition nutritionnelle des aliments ou encore les allergènes.
La dénomination des aliments est en revanche plus libre, sous réserve de ne pas tromper le consommateur. Les aliments à base de protéines alternatives se construisent comme des homologues à des aliments traditionnels. C’est déjà le cas pour les protéines végétales, avec des appellations comme « steak végétal » ou « nuggets végétal ». La filière viande combat ce type de dénomination mais sans grand succès car la seule restriction est celle de ne pas induire en erreur le consommateur par une dénomination ambiguë voire abusive.
Le développement de nouvelles méthodes de production de protéines alimentaires comme la fermentation de précision ou la culture cellulaire devrait donner lieu à l’invention de nouvelles dénominations.
La question se posera certainement de mieux informer le consommateur sur les conditions de fabrication des produits qu’ils achètent, par exemple d’indiquer que le yaourt ou la crème glacée contient des caséines élevées en laboratoire plutôt qu’issues du lait de vache.
Le développement des technologies de production de protéines alternatives nécessite d’importants efforts de recherche et développement, avant de pouvoir envisager une exploitation commerciale.
Le rapport déjà évoqué de l’Académie des technologies souligne que « des centaines de millions de dollars ou équivalents, d’origines gouvernementales et privées, sont investis aux Pays-Bas, en Israël et aux États-Unis pour soutenir la recherche publique et un nombre régulièrement croissant de start-up font le pari d’un brillant futur pour la fermentation de précision et les “viandes” de culture ». Il avance le chiffre de 14,2 milliards de dollars investis en cumulé dans des start‑up de protéines alternatives entre 2010 et 2022.
Le dernier rapport du Good Food Institute fait état d’un effort d’investissement public significatif dans le monde sur les protéines alternatives, supérieur à 500 millions de dollars par an depuis 2022. Les investissements privés sont estimés par le même Good Food Institute[113] à 1,1 milliard de dollars, dont 309 millions pour les protéines végétales, 651 millions pour la fermentation de précision et 139 millions pour les cultures cellulaires.
L’Académie des technologies s’inquiète d’une présence insuffisante de la France dans l’accompagnement du développement de la fermentation de précision et des cultures cellulaires, alors que ces nouvelles sources de protéines alternatives pourraient marquer le paysage des protéines destinées à l’alimentation humaine à partir des années 2030 et que notre pays, celui de Pasteur, pionnier de la microbiologie, a une expertise reconnue en fermentation de précision.
La France prend ainsi « le risque d’être absente de ce qui pourrait être demain un secteur industriel majeur au sein du système alimentaire ». Or, dans certains domaines les industriels français ont de l’avance. L’Académie appelle à ne pas relâcher les efforts de soutien financier, constatant que le passage à l’échelle permettant d’aller de la preuve de concept au démonstrateur industriel, demande des efforts financiers très importants.
C’est au moment du passage à l’échelle industrielle que se vérifiera une question essentielle pour assurer le succès des protéines alternatives : celle de leur coût de production au regard de celui des protéines traditionnelles.
Conclusions de la partie III
Fabriquer des aliments riches en protéines par des voies alternatives aux processus traditionnels reposant sur la production de viande ou les alternatives végétales à la viande peut passer par des technologies variées : fermentation de précision, culture cellulaire, insectes, algues.
Ces pistes ne semblent toutefois pas pouvoir assurer à court terme une production massive de protéines qui viendrait remplacer celle des sources alimentaires actuelles. Les protéines alternatives se positionnent donc en complément de ce qui existe.
L’arrivée sur le marché de protéines alternatives doit passer par un processus réglementaire exigeant et la mobilisation de moyens financiers significatifs pour construire un outil industriel performant et compétitif.
Les protéines alternatives constituent une piste sérieuse de transformation de l’alimentation dans les années à venir mais cette transformation s’inscrit sur le temps long, ce qui justifie que des efforts de recherche et développement soient soutenus en France et en Europe.
L’alimentation a longtemps été un poste essentiel de dépense des ménages. La loi d’Engel, formulée au milieu du 19e siècle par le statisticien allemand Ernst Engel, disposait que la part du revenu individuel allouée aux dépenses alimentaires diminue au fur et à mesure que le revenu augmente. Cela est vrai à l’échelle des pays : les pays les plus pauvres sont ceux dans lesquels la population consacre la plus grande part de ses dépenses à son alimentation.
Part des dépenses d’alimentation dans les dépenses totales
Source : USDA – Traitement : OurWorldinData
En Europe, d’après Eurostat, la dépense moyenne pour l’alimentation (hors boissons alcoolisées) s’élève à 14,3 %, allant de 8,3 % pour l’Irlande à 24,8 % pour la Roumanie.
La France se situe dans la moyenne européenne avec 14 % des dépenses des ménages consacrées à l’alimentation. La baisse est spectaculaire depuis les années 1960, au début desquelles on dépensait encore 35 % de son budget pour acheter des denrées alimentaires.
En réalité, la dépense correspondante est restée relativement stable en valeur absolue. L’augmentation du revenu des ménages a surtout permis de dégager des marges de manœuvre pour d’autres postes budgétaires : logement, énergies, loisirs, transports. Les gains de productivité massifs dans l’agriculture et l’essor de la grande distribution ont favorisé une inflation alimentaire faible voire négative, dégageant du pouvoir d’achat pour les ménages dans d’autres domaines que l’alimentation.
Depuis une vingtaine d’années, la part de l’alimentation dans le budget des Français est stable. Le budget alimentaire ne semble pas non plus constituer une variable d’ajustement majeure dans les dépenses des ménages.
Ainsi, le baromètre 2024 de l’observatoire Cetelem[114], qui collecte des données dans plusieurs pays d’Europe, indique que d’autres postes budgétaires (loisirs, vacances, habillement, biens d’équipements, transports) viennent avant l’alimentation dans l’ordre des restrictions et renoncements à consommer des ménages :
Pour autant, dans l’enquête réalisée pour établir le baromètre 2024, 46 % des Européens relevant de la catégorie des ménages à revenus faibles et 27 % des européens relevant de celle des ménages à revenus élevés déclarent avoir restreint ou renoncé à des achats alimentaires. Dans le contexte d’inflation et de contraintes sur le pouvoir d’achat, une part significative des ménages européens déclare manger moins (42 % des ménages à revenus faibles et même 27 % des ménages à revenus élevés).
L’étude de l’Insee sur les transformations de l’agriculture et des consommations alimentaires[115] apporte des précisions sur les tendances de la dernière décennie. Elle confirme que, si les dépenses alimentaires des ménages ont augmenté de 10 % entre 2009 et 2019, le revenu a augmenté dans les mêmes proportions. La part de l’alimentation dans le budget global des ménages est donc restée stable.
En revanche, la répartition du budget alimentaire entre catégories d’aliments évolue lentement. Si les dépenses de produits carnés, notamment de viande de boucherie, demeurent le premier poste de dépenses alimentaires (23 %) devant les produits laitiers (15 %) et les pains et céréales (10 %), elles sont en diminution au profit de celles consacrées aux fruits et aux légumes. Entre 2009 et 2019, la part consacrée aux produits carnés et aux produits laitiers dans le budget alimentaire des ménages français a diminué de respectivement 1,8 et 1,0 point.
La diminution des dépenses en produits carnés au cours de la décennie 2009‑2019 reflète une baisse des volumes achetés. Parmi les différentes viandes, les volumes de viande de boucherie baissent de 17 %. Seules les quantités de charcuterie et de volailles achetées continuent de croître, respectivement de 6 % et de 5 %.
En se concentrant sur les produits alimentaires sources de protéines, l’étude de l’Insee montre que les ménages français privilégient davantage, pour leurs apports en protéines, les œufs, la charcuterie, les volailles, les fromages, ou encore les produits « traiteur de la mer » et les conserves de la mer, au détriment de la viande de boucherie fraîche, du jambon, et même du lait et produits laitiers frais ainsi que des produits aquatiques non surgelés.
Une autre étude réalisée par le service de statistique agricole du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, Agreste, atteste d’une baisse de la consommation de viande par habitant sur longue période. Elle est passée de près de 90 kg par an et par habitant au début des années 2000 à environ 83 kg en 2023. On observe une substitution des viandes rouges par des viandes blanches : la consommation des viandes de boucherie baisse au profit de la volaille. Selon l’Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair (Anvol), la consommation de volaille a en effet augmenté de l’ordre de 25 % en 15 ans, représentant désormais presque 30 kg par an et par habitant.
La consommation de viande par personne diminue sur longue période[116] |
La consommation des viandes de boucherie baisse tandis que la consommation de volailles augmente |
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La connaissance fine des consommations et habitudes alimentaires des Français est apportée par l’étude dite « INCA » (étude individuelle nationale des consommations alimentaires) menée par l’Anses en principe tous les 7 ans. Les résultats de la dernière étude « INCA3 » ont été publiés en 2017[117].
En moyenne, les enfants âgés de 0 à 10 ans consomment environ 1,6 kg d’aliments et de boissons par jour. Cette quantité s’élève à 2,2 kg pour les adolescents âgés de 11 à 17 ans et 2,9 kg pour les adultes âgés de 18 à 79 ans.
En termes d’apports énergétiques, cela correspond à 1 504 kcal/jour pour les enfants de 0 à 10 ans, 1 974 kcal/jour les adolescents et 2 114 kcal/jour pour les adultes.
L’étude INCA3 montre aussi que l’assiette des Français contient une part croissante d’aliments transformés et globalement trop de sel : en moyenne 9 g/j chez les hommes et 7 g/j chez les femmes alors que les recommandations sont respectivement de 8 g/j et 6,5 g/j. Les apports en fibres s’élèvent à 20 g/j en moyenne chez les adultes alors que la recommandation d’apport est de 30 g/j.
Les Français ne sont donc pas « trop nourris » mais plutôt « mal nourris ».
Derrière les moyennes se cachent d’importantes disparités de comportements au sein de la population, notamment en fonction du sexe, de l’âge et de la catégorie socio-économique.
Ainsi, les hommes ont une alimentation bien plus calorique que les femmes, avec une différence de 38 % à l’âge adulte. La contribution à l’alimentation des groupes d’aliments diffère également entre hommes et femmes : chez les adultes, les hommes accordent une part plus importante dans leur ration alimentaire aux légumineuses (+ 84 %), viandes hors volailles (+ 46 %), sandwichs et pâtisseries salées (+ 36 %), charcuteries (+ 35 %), pommes de terre (+ 35 %), fromages (+ 32 %), entremets et crèmes desserts (+ 28 %) et produits céréaliers raffinés (pain, pâtes et autres céréales) (+ 24 %), et les femmes aux compotes et fruits au sirop (+ 77 %), soupes et bouillons (+ 44 %), yaourts et fromages blancs (+ 34 %) et volailles (+ 23 %).
Il existe aussi des disparités sociales : les personnes avec un niveau d’étude ou de revenu plus élevé suivent davantage les recommandations alimentaires (plus de fruits, moins de boissons sucrées), ont un meilleur statut pondéral (moins d’obésité) et pratiquent davantage d’activité physique.
Quelques disparités régionales sont mises en évidence par l’étude INCA3 mais « se limitent le plus souvent à l’échantillon des adultes, laissant supposer une homogénéisation des comportements entre les régions pour les générations les plus jeunes ».
L’étude INCA3 de l’Anses met en avant un autre paramètre lié à la santé alimentaire : l’activité physique, recommandant de promouvoir à la fois l’amélioration de l’alimentation d’un point de vue nutritionnel et la promotion de l’activité physique, en constatant qu’en 2014-2015, 13 % des enfants de 0 à 17 ans et 34 % des adultes de 18 à 79 ans étaient en surpoids et respectivement 4 % et 17 % étaient obèses.
De plus, un tiers des enfants et des adultes présentent un comportement associant inactivité physique et sédentarité.
La culture alimentaire dominante en France fait de la viande un composant essentiel des repas. L’expertise collective de l’Inra de 2016 soulignait ainsi que la viande figurait souvent parmi les « aliments essentiels » aux yeux des consommateurs.
Mais cette perception variait selon les régions, indiquant des « cultures alimentaires régionales ». Par exemple, la viande était l’aliment essentiel le plus cité dans le Sud-Ouest (72 % des répondants) et l’Est (62 %), tandis qu’elle était à égalité avec les fruits et légumes dans le Nord (70 %) et classée deuxième au niveau national (65 % contre 70 % pour les fruits et légumes). Cette hiérarchisation variait aussi selon le sexe, les hommes citant plus souvent la viande en premier (71 %) par rapport aux femmes (59 %). Les produits laitiers étaient les troisièmes plus cités parmi les aliments essentiels au niveau national (48 %).
Plusieurs facteurs viennent remettre en question cette préférence collective pour la protéine animale : la prise de conscience de l’impact environnemental de la consommation de viande, l’impact négatif sur la santé d’une surconsommation de viande, et la sensibilité de plus en plus forte à la condition animale.
Pour autant, une étude menée par l’Ifop pour FranceAgrimer en 2020[118] portant sur un large échantillon de 15 000 personnes, représentatif de la population française, montrait encore un large attachement à la viande comme élément central de la culture culinaire : 79 % des interrogés pensent qu’en manger est nécessaire pour être en bonne santé, 63 % estiment que le repas est plus convivial avec la viande, et 90 % considèrent que le fait de manger de la viande est compatible avec le respect du bien-être animal.
La tendance à la réduction de la consommation de viande rouge est toutefois entamée, comme le montrent les chiffres de la consommation, en cohérence avec d’autres réponses à l’étude de 2020 : 68 % des répondants estiment qu’en France, on consomme trop de viande, 60 % estiment que le poisson est plus sain que la viande et 56 % que la production de la viande a un impact négatif sur l’environnement.
Les régimes végétariens regroupent un ensemble de régimes qui diffèrent selon le degré et le type d’éviction des sources animales. On distingue classiquement cinq catégories de régimes :
• Omnivore : consommation indifférente d’aliments d’origine animale ou végétale ;
• Flexitarien : diminution volontaire de la consommation de viande (pas sous pression économique), sans être exclusivement végétariens ;
• Pescetarien : pas de consommation de viande mais consommation de poisson et autres produits de la mer ;
• Végétarien : pas de consommation de viande, poisson, fruits de mer ;
• Végan ou végétalien : pas de consommation de produit d’origine animale (viande, poisson, fruit de mer, œuf, produit laitier, miel).
Le rapport de l’Afssa de 2007 sur les besoins en protéines estimait la population végétarienne à 0,9 % et végétalienne à 0,4 %. L’étude INCA3 fournit un chiffre plus élevé : 1,8% des adultes (18-79 ans) déclarent suivre un régime végétarien excluant la viande. Parmi eux, 33 % excluent les produits de la mer, 22 % excluent les œufs, et 15% excluent les produits laitiers.
L’étude de l’Ifop pour FranceAgrimer de 2020 montre que la population végétarienne reste limitée : seulement 2,2 % des Français déclarent ne pas consommer de viande. 74 % se déclarent omnivores et 24 % se considèrent flexitariens :
Le profil sociologique des flexitariens et végétariens doit être regardé avec attention : ces régimes sont plutôt pratiqués par des profils féminins, urbains et de catégories socio-professionnelles supérieures, diplômés au-delà du secondaire. Ils sont également plus sportifs et engagés dans des associations. Les célibataires sont surreprésentés parmi les pratiquants de régimes sans viande, ce qui est en accord avec l’étude de cohorte NutriNet Santé[119].
Les adeptes des régimes sans viande sont plus jeunes que la moyenne des Français, tandis que les flexitariens sont plus âgés. 46 % des végétariens le sont devenus avant 25 ans.
Enfin, végétariens et végans vivent plus probablement seuls et sans enfant. Il est possible que les individus reviennent à une alimentation non végétarienne une fois qu’ils ont eu des enfants.
Les raisons du basculement vers une alimentation qui réduit voire bannit la viande sont certainement multiples. Le profilage de l’étude montre que 40 % des non-omnivores le sont de manière contrainte, soit financièrement (24 %), soit médicalement (16 %).
Une des hypothèses pouvant être avancée pour expliquer le développement certes encore limité, mais sensible, du choix d’une alimentation sans viande ou avec moins de viande, réside dans le fait que la meilleure accessibilité financière de la viande aurait contribué à la perte de sa valeur sociale. Manger de la viande n’affirmerait plus une position sociale supérieure. À l’inverse, un régime frugal en aliments d’origine animale et particulièrement en viande aurait pu devenir un nouveau marqueur de distinction sociale, notamment pour les catégories de population caractérisées par un niveau d’éducation élevé associé à un capital économique limité. Il s’agirait de l’apparition d’une distinction symbolique pour ces catégories. Cela s’inscrirait dans une tendance du « manger moins mais meilleur ».
L’étude de l’Ifop pour FranceAgrimer de 2020 tente de percer les raisons de l’adoption d’un régime végétarien ou flexitarien. Les réponses des personnes interrogées sont éclairantes :
- les pratiquants des régimes sans viande le font avant tout par souci pour la cause animale. Les « conditions d’élevage et d’abattage » et le fait qu’il est « cruel d’élever des animaux pour les tuer » sont évoqués par plus de 60 % de ce groupe. Cette dernière raison étant la principale pour 30 % d’entre eux. C’est le groupe le plus sensible à cet argument ;
- chez les flexitariens, la motivation première avancée est la santé (62 %), même si l’impact sur l’environnement et la condition animale jouent aussi dans l’équation. La part importante de flexitariens au sein de la population montre une volonté des Français d’abaisser leur consommation de viande ;
- toutefois, la proportion des omnivores reste importante, ce qu’atteste la baisse finalement assez modérée sur longue période de la consommation de viande.
Se nourrir est au premier niveau de la pyramide de Maslow. Les enjeux quantitatifs, c’est-à-dire disposer de suffisamment de nourriture, ont longtemps primé sur les enjeux qualitatifs.
L’objectif de manger à sa faim étant désormais le plus souvent atteint, la valeur des choix alimentaires se fonde désormais sur d’autres paramètres. La contribution de l’alimentation à la santé des individus devient un critère majeur de choix. En témoigne le développement de la consommation de produits biologiques. Selon le baromètre des produits biologiques en France en 2024[120], établi par l’Agence bio, 53 % des consommateurs réguliers de produits bio le font pour préserver leur santé. Cette motivation vient devant le goût des produits (37 %) ou la protection de l’environnement (37 %).
Ce souci de la santé par l’alimentation se retrouve dans la réaction des consommateurs à chaque crise sanitaire : ils préfèrent écarter l’achat de produits alimentaires mis en cause dans la crise, en les remplaçant par d’autres jugés plus sûrs.
Mais ce souci de la santé par l’alimentation s’inscrit surtout dans le long terme et pas seulement au moment des crises sanitaires.
La prise de conscience des risques individuels pris en adoptant une alimentation déséquilibrée (obésité, maladies cardiovasculaires, diabète, certains cancers) incite à privilégier des aliments réputés « sains » : fruits, légumes, céréales complètes et à l’inverse à réduire la consommation de produits riches en sucres, sel et graisses saturées. Le thème de la « malbouffe » qui associe des quantités de nourriture excédentaires et des déséquilibres nutritionnels prononcés a pris de l’ampleur. Il conduit à reconsidérer l’intérêt des sources de protéines animales, dont la consommation est globalement considérée comme excessive.
Au-delà de la prévention, l’alimentation est aussi perçue comme un moyen d’améliorer le bien-être général, l’énergie et la concentration, d’où la progression de la consommation de compléments alimentaires, notée dans l’étude INCA3, et le développement du concept d’alicament (aliments qui, au-delà de leurs effets nutritionnels, ont un impact positif sur la santé, comme les produits enrichis en différents nutriments). De ce point de vue, les protéines sont vues positivement, en particulier dans l’alimentation du sportif, mais à condition de ne pas être associées aux autres macronutriments, lipides et glucides, qui sont pourtant présents dans les aliments naturels.
La prise de conscience de l’impact des modes de production de l’alimentation sur l’environnement peut aussi constituer un critère des choix du consommateur.
La motivation environnementale et la motivation liée à la santé peuvent au demeurant se rejoindre, puisque choisir une alimentation moins impactante a pour conséquence de réduire les pollutions diffuses et donc d’améliorer les conditions de la santé environnementale globale.
L’enquête sur les comportements et attitudes alimentaires en France (CAF) menée tous les deux ans par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) atteste d’une aspiration des consommateurs à aller vers une alimentation durable. Une large majorité des personnes interrogées sont sensibles aux garanties écologiques et aux émissions de CO2 des produits alimentaires.
Néanmoins, une comparaison des résultats de l’étude de 2023 avec celle de 2021[121] montre que les pratiques d’achats durables reculent. Par ailleurs, les travaux du Crédoc montrent aussi que l’aspiration à une consommation durable ne se traduit pas forcément dans les faits. Ils identifient en réalité trois catégories d’attitude à l’égard des préoccupations environnementales dans les achats alimentaires :
- les « engagés » sont ceux qui allient aspirations et actions en faveur de la réduction de l’impact environnemental de leur alimentation. Ils représentent 51 % des consommateurs, et ont un profil plutôt plus aisé que la moyenne ;
- les « empêchés » sont ceux qui manifestent une volonté de s’orienter vers une consommation durable, mais que divers obstacles financiers ou logistiques entravent dans la concrétisation de ces aspirations. Ils représentent 35 % des consommateurs ;
- les « éloignés » sont ceux qui restent indifférents aux questions environnementales, que ce soit par choix, par manque d’information ou par contraintes économiques, reléguant les considérations écologiques au second plan. Les hommes, les 45-54 ans, les ouvriers et les ménages les plus modestes sont surreprésentés dans ce groupe. Ils représentent 14 % des consommateurs.
Les travaux du Crédoc mettent aussi en évidence un décalage entre les discours sur l’environnement et les pratiques individuelles de celles et ceux qui les formulent, en rappelant que, selon le baromètre Sobriétés et Modes de vie de l’Ademe, si 83 % des Français estiment que l’on consomme trop, seulement 28 % estiment trop consommer eux-mêmes.
Le souci de l’environnement ne constitue donc pas forcément un facteur majeur de transformation des habitudes alimentaires, alors que les différentes catégories de protéines ont des impacts environnementaux significativement différents.
Le prix reste l’un des premiers critères de choix pour les achats alimentaires. Les promotions et les prix bas constituent d’ailleurs un levier puissant de communication des distributeurs pour attirer et fidéliser la clientèle.
Les choix d’apports en protéines s’inscrivent donc dans une équation économique. De ce point de vue, les protéines animales sont mal positionnées parce que considérées comme chères. Le rapport de la FAO et de l’OCDE sur les perspectives 2023-2032 n’élude pas le sujet. Il constate ainsi que « les dépenses en viande représentent une part importante du panier alimentaire des pays à revenu intermédiaire et élevé. Compte tenu des fortes pressions inflationnistes et de la baisse du pouvoir d’achat, les consommateurs devraient s’orienter de plus en plus vers des viandes et des morceaux de viande moins chers, et potentiellement réduire leur consommation globale et leur consommation hors foyer ». Il ajoute que « la demande de volaille en Afrique subsaharienne sera principalement tirée par son prix plus abordable que celui du bœuf ».
Publiée début 2025, une étude de FranceAgrimer[122] s’est intéressée à l’impact du prix sur les choix de consommations de protéines. Elle montre que le prix est le « principal frein apparent aux achats de viande et de poisson », laissant envisager « un positionnement intéressant pour les alternatives protéinées végétales ».
L’étude souligne que les viandes et poissons proposent une large gamme de produits, du moins cher (œufs, cuisses de poulet, moules) au plus cher (saumon fumé, filet de bœuf, noix de Saint-Jacques) allant de 4 €/kg (œufs, moules) à 30 à 36 €/kg (saumon filet de bœuf). À l’inverse, les protéines végétales proposent des produits sur une gamme de prix plus basse et resserrée, allant de 2,1 €/kg (légumineuses) à 14,1 € le kg (substituts végétaux à la viande). Cette hétérogénéité des prix rend les comparaisons par catégories de sources de protéines difficile.
Néanmoins, l’étude propose, compte tenu de la composition protéique des différentes catégories (31 g pour 100 g pour l’escalope de veau cuite, 17 g pour 100 g pour une galette de soja, 8,4 g pour 100 g pour une légumineuse cuite) de calculer le prix de la protéine, pour chaque aliment. Le résultat montre des écarts de prix importants ramenés à la protéine achetée. Sans surprise, les légumineuses présentent un prix faible, mais la côte de porc ou les moules se situent au même niveau. En réalité, les écarts de prix à la protéine se situent davantage à l’intérieur d’une même famille (viande, produits aquatiques et même produits végétaux) qu’entre les familles.
L’étude souligne par ailleurs que « les alternatives végétales ont un potentiel concurrentiel important en matière de prix moyen à portion équivalente par rapport aux produits d’origine animale ». Or, elles sont encore peu achetées. D’autres facteurs que le prix rentrent donc probablement en ligne de compte dans l’arbitrage des consommateurs. L’étude en cite plusieurs : « le temps de préparation, le manque de savoir-faire, la fonction d’ingrédients accompagnant les plats carnés ».
Ce constat rejoint celui du baromètre consommateurs 2024 établi par Protéines France et Terres Univia[123], qui analyse les connaissances, les perceptions et les pratiques des Français vis-à-vis des protéines végétales et des nouvelles protéines : les légumineuses sont identifiées comme l’une des sources les plus riches en protéines par seulement 35 % des consommateurs. 61 % des Français affirment connaître peu les produits à base de protéines végétales. Et seulement 25 % en consomment chaque semaine, malgré de réels avantages en matière de prix.
Prix des protéines
Source : FranceAgrimer
Les choix des consommateurs de s’orienter vers telle ou telle source de protéines résultent aussi des conditions dans lesquelles ils sont mis en relation avec les produits, de leur disponibilité ou encore de leur facilité d’utilisation.
Professeur des Universités à l’IAE d’Angers et titulaire de la chaire AAPRO (Avantages et acceptabilité des protéines alternatives), Gaëlle Pantin‑Sohier souligne « qu’en France, pays d’une grande richesse gastronomique, le goût reste au cœur des préoccupations ». Les protéines doivent donc se trouver dans des produits qui répondent à des attentes gustatives. L’ingénieur agronome et sociologue Éric Birlouez confirme l’importance de la qualité gustative dans les critères d’appréciation de la qualité des aliments[124]. Mais il souligne que « les préférences et les répulsions (ou simplement les non attirances) alimentaires ont d’abord une origine culturelle. Elles présentent aussi de grandes variations selon les personnes, et sont susceptibles de se modifier avec l’âge. Au sein d’une même culture ou d’un même pays, elles peuvent aussi connaître […] des évolutions au cours du temps. La perception de la qualité gustative d’un aliment n’est donc ni universelle ni figée ».
Or, les préparations alimentaires à base de protéines alternatives aux protéines animales sont souvent considérées comme un peu trop fades, peu appétissantes, alors que les protéines animales et en particulier la viande, surtout quand elle est grillée, apportent des saveurs prisées des consommateurs.
Un premier axe pour favoriser la consommation de protéines alternatives, et notamment de légumineuses, consisterait à élaborer des plats avec des qualités organoleptiques enrichies. Utiliser des épices ou des herbes peut y aider. Les légumineuses peuvent au demeurant être consommées sous diverses formes (grains entiers, purées, soupes, salades, farines pour la pâtisserie). Il faut montrer cette diversité pour éviter la monotonie et toucher un public large
Un autre obstacle à la consommation de protéines alternatives végétales relève des facilités de préparation. Les légumineuses sèches doivent en effet être trempées avant préparation et sont longues à cuire. Proposer des légumineuses déjà trempées, précuites (en conserve, surgelées), des farines de légumineuses, ou des produits transformés à base de légumineuses (pâtes, galettes végétales, houmous…) permet de contourner cette difficulté.
La disponibilité en rayon des produits est aussi un facteur majeur de transformation des habitudes alimentaires. Une offre plus variée et plus complète permettrait de développer la consommation de protéines alternatives. D’importants efforts de marketing et de communication pourraient être nécessaires afin d’attirer de nouveaux consommateurs.
Le poids des habitudes est susceptible de freiner l’adoption de nouveaux aliments. Les protéines alternatives se heurtent à la pesanteur des usages installés dans les familles. La valeur élevée accordée également aux plats traditionnels ou typiques pourrait aussi retarder l’innovation culinaire.
En tout état de cause, le déplacement des sources de protéines vers davantage de protéines végétales est un mouvement qui devrait prendre du temps, la transformation des habitudes alimentaires se faisant plutôt par remplacement d’une génération par une autre, plutôt qu’au sein d’une même génération de consommateurs.
Les productions animales, qu’elles soient issues de ruminants ou de monogastriques, nécessitent de mobiliser des quantités importantes de nourriture. Une partie de celle-ci est fournie sur l’exploitation mais une autre est achetée à l’extérieur. Or, une part significative de ces achats sont effectués hors des frontières de l’Union européenne.
L’UE est en effet dans l’incapacité d’assurer une autosuffisance alimentaire totale de ses élevages. Celle-ci se définit comme le rapport entre les quantités d’aliments nécessaires aux animaux de ferme et les quantités d’aliments destinés à ces animaux produites sur le territoire de l’Union, en neutralisant les imports et exports de matières végétales destinées aux animaux.
La dépendance vis-à-vis de fournisseurs extérieurs est ancienne, liée à l’évolution de la politique agricole commune (PAC). Les États-Unis et l’Europe se sont en effet accordés dès les années 1960 pour faire entrer en Europe des tourteaux oléagineux (notamment le soja) sans droits de douane. Ces tourteaux ont apporté des protéines végétales très compétitives par rapport aux productions européennes. L’embargo américain sur le soja en 1973 a mis en lumière la vulnérabilité de l’Europe, mais n’a pas fondamentalement remis en question cette dépendance, qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui, mais avec un panel de fournisseurs plus diversifié, ouvert notamment à des pays d’Amérique du Sud.
La préoccupation de souveraineté alimentaire et l’impératif de maîtrise des chaînes d’approvisionnement impose cependant de revoir cette stratégie et d’aller vers davantage d’autonomie protéique à l’échelle de l’Union européenne.
La réduction de la taille des cheptels pourrait jouer en faveur d’une réduction de la dépendance aux matières premières importées, mais rien n’est moins sûr, si la production d’aliments pour le bétail est plus compétitive hors d’Europe.
En réalité, la conquête d’une plus grande autonomie protéique devrait passer par le développement de productions végétales adaptées sur les plans quantitatifs et qualitatifs au sein de l’Union européenne.
Une étude publiée par l’Académie d’agriculture et l’Institut de l’élevage en 2022[125] précise qu’en tenant compte des fourrages, le taux d’autonomie protéique dans l’UE atteint 77 %. Mais en ne retenant que les matières riches en protéines (MRP), qui viennent en complément des fourrages (tourteaux, protéagineux, coproduits céréaliers, luzerne déshydratée) ce taux d’autonomie ou d’autosuffisance n’atteint que 45 % pour l’UE et 43 % pour la France.
Cette étude indique qu’en 2018-2019, 16,4 millions de tonnes de tourteaux étaient importées, essentiellement des tourteaux de soja, l’Europe ne comptant pour son approvisionnement local que sur 3,6 millions de tonnes de tourteaux de colza, 1,5 million de tonnes de tourteaux de tournesol et une part négligeable de tourteaux de soja.
Une autre étude sur les stratégies d’alimentation visant à diversifier les sources de protéines utilisées dans différents systèmes de production animale dans l’UE, menée pour le compte de la Commission européenne et rendue publique en décembre 2023[126] fait les mêmes constats.
Elle précise que si « le marché de l’alimentation animale de l’UE est autosuffisant en fourrage grossier » et si « 90 % des aliments pour animaux à base de céréales sont produits dans l’UE », en revanche, seulement « 37 % des coproduits (par exemple, les farines de protéines) sont produits dans l’UE. Le taux d’autosuffisance est de 23 % pour les tourteaux d’oléagineux et de 3 % pour les tourteaux de soja. » L’étude chiffrait à 14,46 millions de tonnes de protéines brutes (sur un volume de besoin total en protéines brutes de 72 millions de tonnes au total dans l’UE) les importations de graines de soja, de colza, de tournesol et de leurs tourteaux lors de la campagne 2021-2022, représentant un total de 18 millions d’hectares importés compte tenu du rendement moyen de chaque culture.
En France, les élevages de ruminants ne sont autonomes en protéines qu’à la hauteur de 75 %. Le rapport d’information de la délégation à la prospective du Sénat sur l’alimentation durable publié en 2020[127] pointait d’ailleurs les vulnérabilités de la France vis-à-vis de l’approvisionnement en protéines et demandait le renforcement de la souveraineté protéique.
Autosuffisance en aliments pour animaux de l’UE
Source : Parlement européen d’après les statistiques de la Commission européenne[128]
L’étude précitée de la Commission européenne suggère de mettre en œuvre une combinaison de mesures adaptées aux différentes régions de l’UE et aux différents types d’exploitations pour améliorer l’autonomie protéique de l’élevage en Europe.
Un premier levier consiste à intégrer des légumineuses fourragères dans les prairies (par exemple la luzerne). Mais ce type d’action n’est pas toujours possible dans les systèmes intensifs laitiers ou lorsque l’on manque de terres disponibles.
Un second levier consiste à développer en Europe une production de protéagineux et oléagineux ainsi que de soja. Celle-ci est cependant freinée par des rendements variables d’une année sur l’autre et, selon l’étude de la Commission européenne, une « faible compétitivité en termes de profil nutritionnel par rapport aux fèves de soja/farine de soja importées ».
Il est donc indispensable de rendre les cultures de diversification (colza, tournesol, soja et autres protéagineux) économiquement intéressantes par rapport aux céréales (blé, maïs) cultivées sur les terres arables.
Votée en octobre 2023, une résolution du Parlement européen[129] invitait la Commission européenne à présenter une stratégie globale et ambitieuse de l’UE en matière de protéines, afin d’atteindre une meilleure autonomie protéique des élevages.
Une des voies possibles serait d’étendre l’aide couplée aux revenus des agriculteurs pour culture d’oléagineux (soja, colza, tournesol) qui concerne 1 million d’hectares aujourd’hui, jusqu’à 7,8 millions d’hectares (plafond prévu par les accords de Blair House). Cela correspondrait à environ la moitié des surfaces mobilisées actuellement par les importations actuelles de l’UE en aliments riches en protéines pour animaux.
À l’échelle nationale, la recherche d’une plus grande autonomie protéique de la France n’est pas une politique nouvelle. En 2014, Stéphane Le Foll lançait déjà un plan « protéines végétales ». En 2020, Julien Denormandie lançait une « stratégie nationale sur les protéines végétales » dotée de 100 millions d’euros de crédits.
Cette stratégie vise à doubler en 10 ans la surface agricole semée avec des espèces riches en protéines végétales, passant d’1 million d’hectares en 2020 à 2 millions d’hectares, soit 8 % de la SAU, en 2030.
Dans le cadre de cette stratégie nationale, un programme de recherche opérationnelle dénommé « Cap Protéines » a été lancé sous le pilotage de deux instituts techniques agricoles, afin de multiplier les initiatives et expérimentations et mobiliser le levier technologique.
Les résultats tardent cependant à arriver. Les surfaces semées en France pour produire des matières riches en protéines ne progressent pas voire régressent. Notre pays demeure donc dépendant d’importations massives pour nourrir le bétail.
Le projet « Cap protéines »
Lancé en 2021 et piloté par l’Institut de l’élevage et Terres Inovia, financé à hauteur de plus de 50 millions d’euros par le plan protéines (crédits du plan de relance) et l’interprofession des huiles et protéines végétales Terres Univia, le projet Cap protéines comporte cinq objectifs :
- évaluer et diffuser de nouvelles variétés de légumineuses et d’oléagineux à haute teneur en protéines ;
- accroître la compétitivité et la durabilité des productions oléoprotéagineuses ;
- répondre à la transition alimentaire par des produits locaux, durables et diversifiés ;
- développer l’autonomie protéique des élevages de ruminants ;
- partager les informations du producteur au consommateur.
Associant 330 fermes pilotes et 18 sites d’expérimentation, le projet a permis de réaliser un peu plus de 800 essais par an.
Sa réussite nécessite l’implication de l’ensemble des acteurs de la filière de la nutrition animale.
Un autre axe pour développer la production de protéines alternatives concerne l’alimentation humaine. Il convient à la fois de produire plus de protéines destinées à entrer dans le circuit de la consommation courante, et de répondre aux attentes du consommateur sur le plan qualitatif.
Les légumineuses à graines (soja, féverole, lentille, fève, haricot, pois, pois-chiche, lupin) constituent un levier essentiel pour végétaliser l’alimentation. L’observatoire du marché des protéines végétales à destination de l’alimentation humaine OléoProtéines[130] constate que la production mondiale de légumineuses n’a cessé de progresser depuis les années 1960, passant de 50 à presque 400 millions de tonnes, surtout sous l’effet de l’augmentation de la production de soja, le reste des légumineuses ayant à peine doublé. Sur ce total, l’Europe ne représente que 6 millions de tonnes et la France 1,1 million de tonnes sur 400 000 hectares, un chiffre resté stable ces cinq dernières années.
La progression de la production correspond essentiellement à des besoins en alimentation animale. Les cultures de légumes secs, destinés à l’alimentation humaine demeurent en effet modestes, comme le constatait une enquête du journal Les Échos publiée en 2020[131], à l’occasion de l’annonce de la nouvelle stratégie nationale des protéines végétales. En France, seulement un quart de la production de légumineuses est destinée à l’alimentation humaine.
Le développement de la production est donc une condition de diversification des apports en protéines, sachant qu’un Français sur deux consomme aujourd’hui des légumineuses et qu’il existe un potentiel de croissance de la demande.
Qu’il s’agisse de viser l’alimentation humaine ou animale, la production de légumineuses se heurte toutefois à des contraintes économiques et techniques.
Ainsi, pour le soja, l’étude de la Commission européenne précitée souligne que l’on est limité « par des conditions pédoclimatiques moins favorables qu’en Amérique du Sud et du Nord, et par un effet d’échelle (taille des parcelles) peu compétitif ». Elle ajoute que « les principaux obstacles restent d’ordre génétique et économique. Pour la question génétique, il serait nécessaire d’investir massivement dans la recherche variétale (cultures orphelines), afin de développer des variétés adaptées au changement climatique et de conquérir de nouveaux territoires. Pour l’enjeu économique, une des solutions pour développer la culture se situerait dans la chaîne de valeur, en indexant son prix sur celui du maïs dans les contrats », ajoutant que « dans l’ouest de la France, par exemple, un rapport soja/maïs de 2,5 serait nécessaire pour offrir aux agriculteurs un prix rémunérateur et attractif et pour protéger les chaînes de valeur d’un abandon de la culture du soja ».
Pour le pois, la féverole et le lupin, utilisables tant en alimentation animale qu’humaine, la même étude constate que la production « peine à décoller malgré les plans protéines successifs. Ces produits ont une composition nutritionnelle intermédiaire en énergie par rapport aux céréales et en protéines par rapport aux tourteaux. Ils manquent donc de polyvalence, qualité essentielle pour les industriels qui ne disposent pas de capacités de stockage illimitées ».
La stratégie de développement de la production de légumineuses pour l’alimentation humaine est peu dissociable de celle pour l’alimentation animale : il convient de leur donner un cadre économique tenable.
Deux leviers complémentaires pourraient aussi être activés pour favoriser la production de légumineuses à destination de la consommation humaine.
Le premier levier est celui du développement des signes d’identification de la qualité et de l’origine (SIQO) : à ce jour, la lentille verte du Puy et le coco de Paimpol possèdent une appellation d’origine contrôlée (AOC), le haricot Tarbais, la lentille verte du Berry, le lingot du Nord et la mogette de Vendée possèdent une indication géographique protégée (IGP). Le développement de productions enracinées dans un territoire et répondant à un cahier des charges qualitatif pourraient être encouragées par la création de nouveaux labels. Les légumineuses ayant peu besoin de pesticides, le développement de la certification biologique pourrait aussi être envisagé. On peut ajouter que les restrictions de l’Union européenne en matière d’OGM pourraient encourager le développement de variétés conventionnelles de légumineuses capables de se distinguer en consommation humaine des légumineuses importées.
Le deuxième levier concerne la transformation des légumineuses : leur production doit être pensée jusqu’au produit final présenté au consommateur, comme ce qui existe pour les céréales. Ainsi, une filière de transformation doit être encouragée, par exemple pour produire des farines de légumineuses qui deviendront des ingrédients de préparations culinaires plus complexes.
La transformation des pratiques alimentaires peut être orientée par la puissance publique à travers une série d’outils d’incitation ou de contrainte.
Le consommateur reste libre de ses choix, mais l’expérience montre qu’il est orienté dans ceux-ci par l’environnement informationnel.
L’éducation et la sensibilisation à une alimentation saine jouent un rôle majeur dans le rapport à l’alimentation. Instaurer les bonnes habitudes alimentaires constitue un enjeu dès le plus jeune âge. Le cadre législatif l’a pris en compte, et le code de l’éducation mentionne qu’une information et une éducation à l’alimentation et au gaspillage doivent être réalisés dans les établissement scolaires[132].
La France s’est par ailleurs dotée en 2001 d’un référentiel nutritionnel, le Programme national nutrition santé (PNNS), qui en est désormais à sa quatrième édition. Le PNNS recommande de ne pas dépasser 500 grammes de viande rouge et 150 grammes de charcuterie par semaine, d’éviter les boissons trop sucrées et les aliments trop salés, de privilégier les huiles de colza ou d’olive, de manger au moins cinq fruits et légumes par jour, de privilégier les céréales complètes, de manger deux fois par semaine du poisson ou des fruits de mer ou encore de remplacer la viande par les légumineuses. Depuis sa troisième édition, le PNNS recommande aussi d’augmenter son activité physique et de réduire la sédentarité par la pratique de la marche et du vélo.
L’étiquetage et l’information nutritionnelle constituent aussi de puissants instruments de sensibilisation. Ainsi, le nutriscore est un dispositif d’information simplifié visant à permettre au consommateur de se retrouver dans la jungle des informations sur la composition des produits et des labels plus ou moins fiables. Instauré en 2017, le nutriscore note les produits alimentaires de A à E en fonction d’une grille de notation qui favorise les produits à forte teneur en fibre et en protéine, mais pénalise ceux à trop fort apport calorique, à trop forte teneur en sucre, en graisses saturées et en sel.
Le nutriscore est valable au-delà des frontières nationales, puisqu’il est commun à l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Espagne et la Suisse. Il reste cependant facultatif et son affichage sur les produits relève d’une décision volontaire des marques. Environ 60 % d’entre elles l’ont adopté. Il semblerait avoir un effet non négligeable sur les choix d’achats des consommateurs. Selon les études, il améliorerait la qualité nutritionnelle des achats de 4 à 9,4 %[133]. Il a aussi un effet indirect en encourageant les industriels de l’agroalimentaire à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs produits pour obtenir un meilleur score.
L’orientation par le prix constitue un levier puissant pour modifier les arbitrages des consommateurs. Deux techniques sont possibles dans le domaine de l’alimentation : la subvention et la taxation.
Des aides financières peuvent améliorer l’accessibilité de certains produits. Des chèques alimentaires ciblés sur les fruits et légumes ou des produits frais pourraient ainsi être envisagés. Ce type d’instrument n’est pas mis en œuvre en France et reste difficile à déployer, même si l’idée d’une sécurité sociale de l’alimentation a pu être mise en avant dans le débat public[134].
La taxation constitue un levier qui en revanche a connu en France une mise en œuvre, à travers l’instauration en 2012 de la taxe sur les boissons sucrées non alcoolisées (BSNA) dite « taxe sodas », qui portait en elle une logique de dénormalisation. Son but était d’orienter les préférences des consommateurs vers des choix de boissons moins sucrées, et conduire les industriels à revoir leurs recettes pour réduire les teneurs en sucre.
Plus complexe que le dispositif existant au Royaume-Uni, cette taxe semble n’avoir eu qu’un effet limité. Un rapport de l’OMS publié en 2015[135] estimait qu’une hausse d’au moins 20% du prix des boissons sucrées était nécessaire pour observer une baisse proportionnelle de consommation. Par ailleurs, il est nécessaire qu’existent des alternatives plus saines et dans les mêmes gammes de prix pour orienter le consommateur dans ses choix.
La politique publique de l’alimentation peut enfin s’appuyer sur des outils coercitifs, dont certains sont d’ores et déjà mis en œuvre en France.
Plus radicale que la taxation, l’interdiction de certains produits alimentaires ou ingrédients se justifie par des considérations de sécurité sanitaire. Ainsi, il peut arriver que des additifs alimentaires soient retirés du marché, comme cela a été le cas pour le dioxyde de titane (E171). Suspendu en France depuis 2020, il a été interdit dans les denrées alimentaires par la Commission européenne en 2022, après une réévaluation de l’EFSA, mettant en évidence sa génotoxicité potentielle.
L’interdiction pourrait-elle aller jusqu’à concerner des aliments non pas pour leur toxicité intrinsèque mais dans un objectif de transformation des habitudes alimentaires ? En réalité, ces interdictions pourraient cibler certains publics, ou certaines techniques de commercialisation : ainsi on peut envisager l’interdiction de vente de boissons énergisantes pour les mineurs ou l’interdiction de vente de « sodas géants », de plus d’un demi-litre, dans les fast food, comme cela se fait à New York.
Plutôt que d’interdire la vente d’un produit alimentaire, une autre voie de contrainte consiste à réguler la publicité alimentaire. Les choix des consommateurs sont en effet très orientés par la publicité, comme l’ont documenté de nombreuses études. Les comportements des jeunes sont en particulier très influencés par la publicité.
Certains pays comme le Canada, ont décidé de réglementer et d’encadrer la publicité alimentaire. La France s’est jusque-là contentée d’intégrer des messages sanitaires dans les publicités alimentaires et d’édicter une interdiction de publicité dans les programmes pour enfants diffusés en journée sur les chaînes du service public. Au Royaume-Uni, l’interdiction des publicités en journée (avant 21 heures) pour la « malbouffe », c’est-à-dire les aliments trop gras, trop sucrés ou trop salés, doit entrer en vigueur le 1er octobre 2025.
Le développement de la consommation de protéines alternatives ne sera possible que si elles gagnent la bataille de leur acceptabilité sociale.
Une revue systématique de la littérature scientifique menée par des chercheurs néerlandais et publiée en 2021[136] visait à identifier les facteurs qui peuvent inciter les consommateurs dans le monde occidental à accepter les protéines alternatives : protéines végétales notamment légumineuses, algues, insectes, cultures cellulaires.
Globalement, les études scientifiques passées en revue montrent que l’acceptabilité sociale des protéines alternatives est bien plus faible que celle de la viande, malgré la prise de conscience des effets négatifs sur la santé des excès de consommation de viande et de l’impact de la production de viande sur l’environnement. Sans surprise, l’acceptation des insectes et de la « viande cultivée » sont les plus basses. À l’inverse, les protéines alternatives végétales sont mieux acceptées que les protéines alternatives relevant des biotechnologies comme la viande de culture, ou relevant de l’élevage d’insectes.
De très nombreux paramètres se combinent. Le goût et la santé constituent des facteurs importants. Mais la familiarité des aliments et à l’inverse, la néophobie alimentaire ont un rôle souvent décisif dans les choix des consommateurs.
La néophobie alimentaire, définie comme le refus de goûter de nouveaux aliments, intervient classiquement comme étape dans le développement de l’enfant à partir de deux ans, mais elle s’estompe ensuite sans toutefois disparaître. Elle explique en partie la stabilité des habitudes alimentaires individuelles.
Enfin, les normes sociales de consommation ne sont pas à négliger dans l’acceptabilité sociale du changement de régime alimentaire : le consommateur est sensible à l’effet de mode et peut être influencé par les leaders d’opinion, qui jouent un rôle de modèle qu’il convient d’imiter.
Une autre étude, plus récente[137] a constaté que l’acceptabilité sociale des protéines alternatives est plus forte dans les pays du Nord de l’Europe que ceux du Sud de l’Europe, tout en restant globalement modérée.
Le rapport de 2019 du CGAAER précité consacré à la diversification de la ressource protéique en alimentation humaine et animale fait le constat que l’acceptabilité sociale des nouvelles sources de protéine est « non encore acquise en Europe ». Celle-ci pourrait cependant être favorisée par la critique des modes actuels d’alimentation : impact environnemental, excès de consommation néfaste à la santé à long terme, et bien-être animal. L’attention croissante à la condition animale constitue en effet un paramètre de choix de certains consommateurs de ne plus consommer de viande.
L’acceptabilité sociale des aliments alternatifs, notamment des aliments à base de protéines végétales, passe donc par une combinaison d’actions :
- les produits doivent faire l’objet d’une communication valorisante, doublée d’efforts d’image. De ce point de vue, les protéines végétales n’ont pas encore acquis une place équivalente à celle de la viande. Les substituts végétaux à la viande, notamment, peuvent être perçus comme moins naturels et davantage transformés, voire issus d’une ultra-transformation qui est globalement peu attractive pour les consommateurs ;
- il faut ensuite que les produits proposés comme alternatives aux protéines animales aient des qualités intrinsèques et offrent une expérience sensorielle satisfaisante (goût, texture, odeurs). Cela peut être le cas pour des laits végétaux, mais des efforts considérables sont encore à faire sur les substituts à la viande ;
- l’enjeu de praticité d’accès est également important : les produits doivent être disponibles dans les rayons, faciles à préparer (par exemple micro-ondables). Ce caractère pratique s’étend à la connaissance des produits et de leur utilisation : des recettes doivent être diffusées auprès des ménages, dont la culture culinaire reste dominée par des plats à base de viande ;
- enfin, il est nécessaire de créer une familiarité avec ces produits, de les banaliser comme un des éléments habituels du panier standard du consommateur. Phénomène bien connu en psychologie du consommateur et en marketing, l’habitude de consommer un aliment renforce fortement le désir de l’acheter. L’habitude crée une confiance dans le produit, limite les risques, crée un sentiment de confort et de sécurité.
L’acceptabilité sociale des protéines alternatives est donc une bataille qui s’inscrit dans le temps long, et qui mobilise une combinaison de paramètres.
Bien-être animal et choix des sources de protéines dans l’alimentation
Le souci du bien-être animal se fonde sur l’idée que les animaux de ferme ne sont pas des objets mais des êtres sensibles. L’objectif est de limiter autant que possible leurs souffrances.
La prise en considération du bien-être animal a conduit à adopter des normes visant à améliorer les conditions d’élevage, de transport ou encore d’abattage des animaux de ferme.
Or, l’élevage des animaux a pour finalité ultime d’en faire une consommation alimentaire directe sous forme de viande, ou indirecte sous forme de lait et d’œufs.
Comme l’explique l’Association végétarienne de France (AVF)[138], le refus de l’exploitation animale qui implique nécessairement de les faire souffrir, même dans de bonnes conditions d’élevage, est une motivation forte des individus choisissant de basculer dans un régime alimentaire végétarien voire végétalien.
Le courant végétarien se fonde largement sur l’idée qu’il n’est pas moralement acceptable de tuer des animaux pour les manger. Le courant végétalien va plus loin. Comme l’explique l’AVF, la production de lait et d’œufs n’est pas anodine pour les animaux. Elle explique que « la production laitière génère une très grande souffrance animale. Les vaches sont inséminées annuellement afin de donner naissance à des petits, ce qui est une condition nécessaire à la production de lait. Les petits sont retirés à la naissance […]. La séparation des petits génère une grande souffrance chez les vaches, qui ont un fort instinct maternel ».
La recherche de protéines alternatives répond donc à une motivation éthique. Dans l’étude de l’Ifop pour FranceAgrimer de 2020, le bien-être animal figure comme première cause d’adoption d’un régime sans viande par les végétariens.
Des menus alternatifs sans viande, sans poissons, crustacés ou fruits de mer sont pratiqués dans les cantines scolaires de plusieurs collectivités depuis quelques années. La loi Égalim de 2018 a donné une base juridique à la mise en œuvre d’une option végétarienne hebdomadaire en restauration scolaire pour les collectivités souhaitant l’expérimenter[139]. Puis la loi Climat et Résilience de 2021 a fait obligation aux cantines scolaires de proposer un menu végétarien au moins une fois par semaine. Cette obligation est même quotidienne pour la restauration universitaire, la restauration collective de l’État et des entreprises publiques.
La restauration scolaire, qui sert 1,1 milliard de repas par an et concerne les trois quarts des près de 13 millions d’élèves scolarisés qui y déjeunent au moins une fois par semaine, est reconnue comme un lieu essentiel d’éducation à l’alimentation.
La mise en place de menus végétariens avait fait l’objet d’une analyse scientifique confiée à l’Anses. Dans sa note d’appui de 2020[140] puis son expertise collective de 2021[141], l’Anses a conclu à la faisabilité des menus végétariens en cantines scolaires, soulignant au passage qui la qualité de l’apport nutritionnel dont bénéficient les enfants dépend aussi grandement des apports hors cantine. Les principales conclusions de l’Anses étaient positives.
Un menu végétarien hebdomadaire en restauration scolaire, dès lors qu’il est équilibré, peut contribuer à la couverture de l’ensemble des besoins nutritionnels des enfants. Il ne peut entraîner, à lui seul du fait de son introduction, de risque de dégradation de la qualité nutritionnelle de leur alimentation.
L’augmentation du nombre de menus sans viande ni poisson ne modifie pas le niveau des apports en nutriments. Il n’est donc pas pertinent de proposer une fréquence maximale de menus sans viande ni poisson.
Les repas végétariens peuvent contenir des œufs, fromages et matières grasses ajoutées et proposer des céréales et des légumineuses qui sont vecteurs de fibres.
La qualité nutritionnelle des protéines repose sur leur composition en acides aminés et leur biodisponibilité. Afin d’assurer la complémentarité protéique, il est c recommandé de mélanger les sources de protéines végétales issues de céréales et de légumineuses afin de compenser les faibles teneurs en lysine des protéines céréalières.
Il n’y a pas de risque d’apports insatisfaisants en acides aminés essentiels si l’apport protéique est suffisant. Compte tenu de l’apport protéique actuel qui est très supérieur aux besoins des enfants, il est très peu probable que l’introduction de repas végétariens puisse conduire à une inadéquation d’apport en protéines et acides aminés indispensables.
La composante « produits laitiers » des menus proposés dans les cantines contient plus fréquemment du fromage. Cela permet des apports en calcium satisfaisants, mais reste nutritionnellement moins intéressant que les yaourts, car les fromages apportent en outre du sodium et des acides gras saturés. La fréquence maximale de composantes à base de fromage devrait être limitée.
Les plats protidiques sans viande ni poisson sont en majorité à base d’œufs (d’après une étude de 2018). Il serait donc nécessaire de limiter les composantes à base d’œufs afin de maintenir la diversité des plats proposés.
La mission d’évaluation de l’option végétarienne dans les collectivités territoriales menée par le CGAAER a conclu en 2023[142] que « l’introduction d’un menu végétarien hebdomadaire obligatoire dans les cantines scolaires a été perçue dans un premier temps par une partie de la population comme une atteinte portée à la tradition gastronomique française. Aujourd’hui, elle semble avoir fait son chemin et le concept de menu végétarien est désormais assez bien accepté ». En revanche, « la mise en œuvre d’une offre quotidienne d’un choix végétarien n’est pas sans poser problème et l’expérimentation a rencontré peu d’adhésion ».
La faisabilité de menus végétariens quotidiens a été confirmée par les responsables de restauration universitaire, en particulier le Crous de Paris, qui s’attache à proposer une offre alternative aux protéines animales qui soit qualitative, en formant ses chefs et en variant les menus. Le taux de prise de repas végétariens est globalement en hausse et peut atteindre 25 à 30 % selon les sites. En s’habituant à manger végétarien, les jeunes générations dessinent les contours d’une transformation assez forte des régimes alimentaires.
Conclusions de la partie IV
La réduction de la consommation de viande rouge est une tendance déjà entamée en France, en partie au profit d’autres viandes mais aussi de sources de protéines alternatives à la viande.
Les pratiques végétariennes voire végétaliennes sont encore très minoritaires, faisant de la perspective d’un approvisionnement équilibré en protéines végétales et animales un horizon lointain.
Malgré des atouts en termes de bien-être animal et d’environnement, les protéines alternatives doivent encore relever le défi de l’acceptabilité sociale.
Des politiques publiques visant à informer, communiquer et familiariser le grand public à de nouvelles habitudes alimentaires, notamment dans le cadre de cantines scolaires, sont nécessaires pour faire évoluer les comportements.
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1. La consommation par l’Homme de protéines d’origine animale nécessite des quantités importantes de protéines végétales.
Toutefois, plus de 80 % des aliments donnés aux animaux ne sont pas consommables en alimentation humaine. Une réduction de la production de protéines animales (viande et lait), en particulier si elle se concentre sur celle issue de ruminants, ne libèrera donc pas d’immenses étendues de terres agricoles pour les productions végétales.
2. La généralisation de régimes alimentaires riches en protéines animales (lait, viande) et en poissons est probablement difficilement soutenable.
Si, dans un contexte de croissance démographique et de progression des niveaux de vie, le modèle d’alimentation riche en protéines animales se diffusait à l’échelle planétaire, on manquerait certainement de terres pour produire suffisamment d’aliments pour les animaux. En outre, l’élevage contribuant à émettre environ 12 % de l’ensemble des gaz à effet de serre sur la planète, principalement à cause des ruminants, toute augmentation du cheptel se traduirait par des hausses significatives des émissions, à rebours des objectifs d’atténuation du réchauffement climatique.
3. Des marges de manœuvre existent pour s’adapter.
Les pays riches ont une alimentation globalement surabondante avec une part de protéines animales élevée puisque celles-ci représentent deux-tiers des apports, alors que les recommandations nutritionnelles sont moindres : 50 % de protéines d’origine animale suffiraient. Une trajectoire de réduction des apports en protéines animales est donc possible.
4. Les technologies liées aux protéines alternatives pourront fournir un appoint dans des scénarios de transition alimentaire.
Les quantités produites grâce à ces technologies alternatives resteront toutefois limitées dans un premier temps, celles-ci n’étant pas totalement matures.
5. Les changements d’habitudes alimentaires sont difficiles à mettre en œuvre.
Il existe une forte inertie des comportements de consommation. Ceux‑ci ne se modifient vraiment que lorsque l’on passe d’une génération à une autre, comme en témoigne le fossé entre les pratiques végétariennes des jeunes et celles de leurs ainés.
6. La prise de conscience de la nécessité de faire évoluer ces comportements est réelle.
La sensibilité accrue aux questions environnementales ou de bien-être animal comme le souci de ne pas mettre en danger sa santé en surconsommant ou en mangeant mal font évoluer les mentalités.
7. La tendance à la réduction de la consommation de viande rouge est amorcée en France depuis plusieurs décennies.
Cette tendance se fait surtout au profit d’autres protéines animales. Le scénario d’une lente décrue, qui prolongerait les tendances actuelles, constitue aujourd’hui une perspective vraisemblable.
8. L’approvisionnement en protéines animales de proximité est devenu nécessaire.
Afin d’éviter de favoriser indirectement la déforestation, d’ajouter des émissions liées aux transports, ou encore de dépendre de conditions d’élevage peu vertueuses, l’approvisionnement en protéines animales de proximité apparait comme une priorité.
9. Une autonomie protéique plus forte pour l’alimentation des animaux de ferme semble prioritaire.
La dépendance aux importations est un facteur de fragilisation des filières d’élevage et agroalimentaires françaises et européennes.
10. Le lien entre production et consommation de protéines est une réalité.
Il est donc possible de diversifier de manière parallèle la production et la consommation de protéines. La progression des alternatives aux protéines animales dépend beaucoup des efforts qui seront faits pour diversifier l’offre alimentaire.
Au terme de ce panorama consacré à la place des protéines dans l’alimentation, plusieurs axes d’action paraissent prioritaires pour encourager en France et en Europe un approvisionnement en protéines à la fois performant et responsable.
1. Affiner la connaissance de l’impact environnemental complet des aliments consommés.
L’impact environnemental complet des aliments que nous consommons doit être mieux connu sur l’ensemble de leur cycle de vie (analyse dite ACV). Des outils existent mais ils doivent être perfectionnés et surtout mis à la disposition du grand public. Les ACV des protéines alternatives devront être établies avec précision pour permettre une comparaison avec les protéines conventionnelles.
2. Fixer un objectif d’autonomie protéique de l’élevage.
Nous devons nous fixer un objectif d’autonomie protéique de l’élevage à l’échelle européenne. Il convient de tirer les leçons de la faible efficacité des plans protéines successifs, en associant le Parlement à l’évaluation de leurs atouts et de leurs faiblesses, prérequis nécessaire à d’éventuelles réorientations permettant de gagner en effectivité et efficacité.
3. Encourager la production de légumineuses.
Les pouvoirs publics doivent encourager plus fortement la production de légumineuses en France et en Europe, à destination de la consommation humaine comme animale. Des efforts de recherche variétale sont indispensables, les légumineuses n’ayant pas bénéficié des mêmes efforts des firmes semencières que les céréales.
4. Favoriser l’écosystème des protéines alternatives.
À rebours de l’idée d’interdire les innovations dans la production d’aliments, il convient de favoriser l’écosystème des protéines alternatives. Les technologies ne menacent ni nos paysages agricoles, ni notre culture culinaire et gastronomique. Elles constituent une autre branche de cette culture, porteuse d’avenir sur des marchés de niche ou des marchés extérieurs, sur lesquels la France doit se positionner, en vue d’un retour sur les investissements consentis pour l’émergence de nombreuses startups.
5. Faire de la pédagogie sur la fermentation de précision.
La fermentation de précision est une technologie qui s’approche de la maturité. Aussi, des efforts de pédagogie doivent être effectués dans la transparence pour que les produits en étant issus deviennent des ingrédients ordinaires capables de s’hybrider avec des produits alimentaires classiques.
6. Poursuivre la recherche sur la culture cellulaire.
Les efforts de recherche et développement en matière de culture cellulaire doivent être poursuivis, en garantissant une information complète et non ambiguë du public, futur consommateur.
7. Préserver le savoir-faire acquis sur la production d’insectes.
Aujourd’hui destinée principalement à l’alimentation animale, la production d’insectes ne doit pas être abandonnée, en dépit du modèle économique encore très fragile de cette filière. Le savoir-faire acquis doit être préservé.
8. Mieux communiquer sur les différents types de protéines.
Les choix alimentaires résultent d’une multitude de décisions individuelles dans lesquelles de nombreux paramètres interviennent : santé, prix, facilité d’utilisation, disponibilité, habitudes… Le rôle des pouvoirs public est de donner les bonnes informations et les bonnes incitations aux consommateurs. De ce point de vue, les différents types de protéines sont encore mal connus et des préjugés tenaces persistent. Une communication plus percutante sur l’importance de la diversité des sources de protéines dans l’alimentation, l’importance de varier les aliments et l’inutilité de la surconsommation de protéines devra être effectuée à l’occasion de la sortie du prochain PNNS.
9. Soutenir les offres alimentaires contenant des protéines d’origine variée.
La diversification des sources de protéines dans l’alimentation passe par l’existence d’offres alternatives sérieuses destinées à acclimater le consommateur. De ce point de vue, l’expérience des menus végétariens dans les cantines scolaires doit être soutenue et poursuivie.
10. Ne pas diaboliser la consommation de viande.
La consommation de viande ne doit pas être diabolisée car elle a ses vertus, notamment en termes d’apports protéiques, et reste un pilier de la gastronomie.
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A |
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AAH |
Amine aromatique hétérocyclique |
AAPRO |
Avantages et acceptabilité des protéines alternatives |
AAS |
Amino Acid Score |
ACV |
Analyse du cycle de vie |
Ademe |
Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Agence de la transition écologique) |
ADN |
Acide désoxyribonucléique |
Afssa |
Agence française de sécurité sanitaire des aliments |
Agec |
Loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire |
AGPI-LC |
Acide gras polyinsaturé à longue chaîne |
Agreste |
Service de statistique agricole du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire |
AL |
Acide linoléique |
AIEA |
Agence internationale de l’énergie atomique |
ANC |
Apports nutritionnels conseillés |
ANR |
Apports nutritionnels recommandés |
Anvol |
Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair |
Anses |
Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail |
AOC |
Appellation d’origine contrôlée |
ARA |
Acide arachidonique |
AS |
Apport satisfaisant |
AVC |
Accident vasculaire cérébral |
AVF |
Association végétarienne de France |
B |
|
BNM |
Besoin nutritionnel moyen |
BSNA |
Boisson sucrée non alcoolisée |
C |
|
C |
Symbole chimique de l’atome de carbone |
CAF |
Comportements et attitudes alimentaires en France |
Cerema |
Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement |
Ceva |
Centre d’étude et de valorisation des algues |
CGAAER |
Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux |
CGDD |
Commissariat général au développement durable |
CIRC |
Centre international de recherche sur le cancer |
CNO |
Composé N-nitrosé |
CO2 |
Symbole chimique de la molécule de dioxyde de carbone |
COP |
Conférence des parties à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques COP21 : 21e conférence COP28 : 28e conférence |
Crédoc |
Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie |
CRISPR-Cas9 |
Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats - Associated Protein 9 |
Crous |
Centre régional des œuvres universitaires et scolaires |
D |
|
DHA |
Acide docosahexaénoïque |
DIAAS |
Digestible Indispensable Amino Acid Score |
E |
|
EFSA |
European Food Safety Authority |
EPA |
Acide eicosapentaénoïque |
Égalim |
Loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous |
EPRS |
Service de recherche du Parlement européen |
ESCo |
Expertise scientifique collective |
EuroFIR |
European Food Information Resource Network |
F |
|
FAO |
Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture |
FBS |
Fetal Bovine Serum |
FDA |
Food and Drug Administration |
FSANZ |
Food Standards Australia New Zealand |
G |
|
GES |
Gaz à effet de serre |
GIEC |
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat |
GIS |
Groupement d’intérêt scientifique |
GRAS |
Generally Recognized As Safe |
H |
|
H |
Symbole chimique de l’atome d’hydrogène |
HAP |
Hydrocarbure aromatique polycyclique |
I |
|
IAE |
Institut d’administration des entreprises |
IC |
Indice chimique |
Idele |
Institut de l’élevage |
Ifop |
Institut français d’opinion publique |
IG |
Index glycémique |
IGP |
Indication géographique protégée |
INCA |
Étude individuelle nationale des consommations alimentaires |
Inra |
Institut national de la recherche agronomique |
Inrae |
Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement |
Insee |
Institut national de la statistique et des études économiques |
L |
|
LA |
Linoleic Acid |
M |
|
MRP |
Matière riche en protéines |
N |
|
N |
Symbole chimique de l’atome d’azote |
N2O |
Symbole chimique de la molécule de protoxyde d’azote |
NH3 |
Symbole chimique de la molécule d’ammoniac |
NOx |
Oxyde d’azote |
O |
|
O |
Symbole chimique de l’atome d’oxygène |
OCDE |
Organisation de coopération et de développement économiques |
OGM |
Organisme génétiquement modifié |
OMS |
Organisation mondiale de la santé |
ONAV |
Observatoire national des alimentations végétales |
ONG |
Organisation non gouvernementale |
ONU |
Organisation des Nations unies |
P |
|
P |
Symbole chimique de l’atome de phosphore |
PAC |
Politique agricole commune |
PAT |
Protéine animale transformée |
PDCAAS |
Protein Digestibility Corrected Amino Acid Score |
PEF |
Product Environmental Footprint |
PIA |
Programme d’investissements d’avenir |
PM2,5 |
Particule atmosphérique de diamètre aérodynamique moyen inférieur ou égal à 2,5 μm |
PM10 |
Particule atmosphérique de diamètre aérodynamique moyen inférieur ou égal à 10 μm |
PNNS |
Programme national nutrition santé |
PRAL |
Potential Renal Acid Load ou « charge potentielle d’acide rénal » |
PRG |
Pouvoir réchauffant global |
R |
|
RNP |
Références nutritionnelles pour la population |
RAC-SFN (étude) |
Étude du réseau Action climat et de la Société française de nutrition |
S |
|
SAU |
Surface agricole utile |
SCOPAFF |
Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux |
SIQO |
Signes d’identification de la qualité et de l’origine |
SNBC |
Stratégie nationale bas-carbone |
Snanc |
Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat |
STOA |
Unité de prospective scientifique du service de recherche du Parlement européen (EPRS) |
SVF |
Sérum de veau fœtal |
T |
|
TCA |
Taux de conversion alimentaire |
U |
|
UE |
Union européenne |
UGB |
Unité Gros bétail |
USDA |
U.S. Department of Agriculture |
V |
|
VTR |
Valeur toxique de référence |
W |
|
WWF |
World Wildlife Fund |
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C |
|
cal |
Unité d’énergie La calorie est définie comme l’énergie nécessaire pour augmenter d’un degré Celsius la température d’un gramme d’eau à pression atmosphérique. Elle équivaut environ à 4,184 joules (unité d’énergie du système international). En diététique, on utilise la kilocalorie (écrite kcal) définie ainsi : 1 kcal = 1 000 cal. |
G |
|
g |
Unité de masse On retrouve aussi le kilogramme (kg) avec 1 kg = 1 000 g. |
K |
|
kgN |
Kilogramme d’azote On peut aussi trouver la variante tN (tonne d’azote). |
T |
|
t |
Unité de masse La tonne est définie ainsi : 1 t = 1 000 kg. |
tCO2eq |
L’équivalent CO2 est la masse de dioxyde de carbone qui aurait le même potentiel de réchauffement climatique qu'une quantité donnée d'un autre gaz à effet de serre. Elle est définie comme le produit de la masse de gaz à effet de serre considéré et du potentiel de réchauffement climatique (aussi appelé pouvoir de réchauffement global – PRG) qui dépend de l’horizon temporel considéré. Le PRG est obtenu en divisant le forçage radiatif (écart entre le rayonnement solaire reçu par une planète et le rayonnement infrarouge qu'elle émet) résultant d'une masse de gaz à effet de serre émis, par celui de la même masse de dioxyde de carbone, les effets de ces gaz étant considérés sur une période identique. Sans précision, l’horizon temporel retenu est de 100 ans. On peut retrouver les variantes ktCO2eq, MtCO2eq ou GtCO2eq, valant respectivement 1 000 tCO2eq, 1 000 000 tCO2eq et 1 000 000 000 tCO2eq. La sous-unité est le kgCO2eq valant un millième d’une tonne équivalent CO2. |
- 1 -
Aymeric Dopter, chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition
Perrine Nadaud, adjointe au chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition
Sarah Aubertie, chargée des relations institutionnelles
Gilles Trystram, membre de l’Académie des technologies, directeur général du Genopole de Grenoble
Olivier Tomat, directeur exécutif du département Entreprises du Genopole
Jérôme Mousset, directeur Bioéconomie et énergies renouvelables
Sarah Martin, cheffe du service Agriculture, forêts et alimentation
Lionel Brétillon, chef du département AlimH (Alimentation humaine)
Keyvan Mostafavi, chargé de campagnes et de plaidoyer
Dr Emmanuelle Kesse-Guyot, directrice de recherche, équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren)
Anne-Sophie Etzol, responsable des relations institutionnelles
Jérôme Guilet, membre du conseil d’administration et de la commission Écologie
Astrid Prévost, nutrithérapeute, chargée des pôles Végécantines et Végépolitique
Dr Sébastien Demange, membre du CA et du conseil scientifique, spécialiste en médecine générale
Fabien Badariotti, PhD en biologie, membre du conseil scientifique
Dominique Pallet, ancien directeur de l’UMR QualiSud
Krishna Naudin, directeur de l’UPR Aïda (Agroécologie et intensification durable des cultures annuelles)
Erwann Durand, scientifique au sein de l’UMR QualiSud
Nicolas Bureau, cofondateur
Pauline Abela, chargée de plaidoyer & levée de fonds
Romain Chayot, co-fondateur, président
Caroline Tanon, directrice Marketing & communication
Sébastien Louvion, directeur Affaires réglementaires
Paul-Joël Derian, président (Groupe Avril)
Marie-Laure Empinet, vice-présidente (Roquette)
Morgane Estève, vice-présidente (Tereos)
Antoine Hubert, membre du conseil d’administration (Ÿnsect)
Valentin Partula, membre du conseil d’administration (Ÿnsect)
Marc Chevrel, membre du conseil d’administration (Arbiom)
Anne-Claire Durand, membre (Happyvore)
Laurence Campion, membre (Lesaffre)
Antoine Peeters, délégué général
Jessy Baudry, chargé de mission
Stéphane Mac Millan, co-fondateur et directeur général
Hélène Briand, co-fondatrice et directrice technique
Nicolas Morin-Forest, co-fondateur et président directeur général
Victor Sayous, co-fondateur et directeur technologique
Anna Handschuh, directrice affaires publiques
Maye Walraven, directrice Impact&RSE
Joël Merceron, directeur général
Boris Duflot, directeur du département Économie
André Le Gall, directeur du département Productions et produits
Ronan Pierre, responsable du pôle Innovation & Produits
José-Luis Zambonino-Infante, directeur de recherche
Régis Baron, responsable Unité de recherche MASAE (Microbiologie, aliment, santé, environnement)
Laurent Rosso, directeur
Élodie Tormo, responsable pôle Valorisation, innovation et veille
Pierre-Marie Aubert, directeur, programme Politiques agricoles et alimentaires
Romain Faroux, directeur des opérations
Antoine Hubert, cofondateur et administrateur
Emma Besnardeau, responsable communication
Cédric Auriol, co-fondateur, directeur général
Déplacement à Angers et Cholet du lundi 3 juin 2024
Gaëlle Pantin-Sohier, professeur des universités, spécialiste des questions d’alimentation, titulaire de la Chaire AAPRO (Avantages et acceptabilité des protéines alternatives)
Isabelle Maître, enseignant-chercheur en agro-alimentaire ESA-USC INRAe–GRAPPE, chef du projet JACK (Just Adopt pulses from Cook to fork)
Guillaume Piva, enseignant-chercheur en agronomie, ESA-USC LEVA-INRAe
Étienne Duthoit, PDG de VitalMeat
Frédéric Grimaud, dirigeant de l’ETI agroalimentaire Groupe Grimaud (actionnaire majoritaire de Vital Meat)
Déplacement du mercredi 13 novembre 2024
Thierry Bégué, directeur général du Crous de Paris
Anne-Sophie Branquart, chargée de mission Innovation-Transition
Déplacement du jeudi 14 novembre 2024
Yvan Chardonnens, président
Romain Chayot, directeur général
Sébastien Louvion, directeur des affaires réglementaires
Philippe Mauberna, directeur administratif et financier
Caroline Tanon, responsable Marketing et communication
Maya Rangel Gewandsznajder, co-responsable Plateforme Formulation et caractérisation
Aude Martin, consultante Affaires publiques (Image7)
- 1 -
[1] La dénomination « hydrate de carbone » est historique, mais inexacte. En effet, ce ne sont pas des hydrates d’une chaîne carbonée, le groupe H2O n’étant pas présent sous cette forme. Les glucides sont maintenant définis comme étant des molécules organiques qui contiennent un groupe carbonyle (un atome de carbone lié à un atome d’oxygène par une double liaison ; =O) et au moins deux groupes hydroxyle (un atome de carbone lié à un couple d’atomes d’oxygène et hydrogène liés par une liaison simple ; C‑OH).
[2] Anses 2016, Actualisation des repères du PNNS : établissement de recommandations d’apport de sucres, https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2012SA0186Ra.pdf
[4] L’Anses recommande des apports de phosphore de 550 mg/jour pour les adultes. Pour le magnésium, les recommandations sont de 300 à 380 mg/jour. En revanche, pour le cuivre, un apport de 1,5 à 1,9 mg/jour est suffisant. Pour le fluor, les apports recommandés pour les adultes vont de 2,9 à 3,4 mg/jour.
[5] Voir la note scientifique de l’OPECST de février 2022 sur le microbiote intestinal : https://www.senat.fr/fileadmin/import/files/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/OPECST_2022_0033_Note_Microbiote_intestinal.pdf
[6] Afssa, Apport en protéines, consommation, qualité, besoins et recommandations, rapport publié en 2007. Accessible sur https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT-Ra-Proteines.pdf (rapport complet) et https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT-Sy-Proteines.pdf (synthèse du rapport).
[8] L’EFSA fixe la recommandation, appelée « population reference intake » (PRI) à 0,83 g/kg de poids corporel en estimant que le besoin moyen en protéines ingérées pour maintenir le bilan azoté d’un adulte est de 0,66 g/kg de poids corporel, en estimant à 47 % l’efficacité de l’utilisation des protéines et en visant à ce que cette recommandation convienne à 97,5 % de la population.
[9] Voir le rapport de l’Afssa de 2007, p. 154 et suivantes.
[11] Voir notamment une étude du Dr Juneau, un cardiologue canadien :
https://observatoireprevention.org/2024/05/30/un-apport-trop-eleve-en-proteines-pourrait-augmenter-le-risque-daccidents-cardiovasculaires/
[12] Voir les travaux du Consortium de valorisation thématique d’AllEnvi de 2015 « Protéines végétales et alimentation » : https://allenvi-solutions.fr/thematique/proteines-vegetales/
[13] https://www.anses.fr/fr/content/inca-3-evolution-des-habitudes-et-modes-de-consommation-de-nouveaux-enjeux-en-mati%C3%A8re-de
Pour plus d’informations sur les apports nutritionnels, voir l’état des lieux figurant à l’annexe n° 2 du PNNS 2019-2023 : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/annexe_pnns4_alimentation.pdf
[14] Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, La stratégie nationale des protéines végétales, 1er décembre 2020 : https://agriculture.gouv.fr/dossier-de-presse-la-strategie-nationale-proteines-vegetales
[16] On parle d’AAS dans la littérature scientifique en langue anglaise (amino acid score).
[18] https://hal.inrae.fr/hal-03295555/document - Romain Tessier, Juliane Calvez, Claire C. Gaudichon, « Les “ dessous ” du PD-CAAS et du DIAAS, deux critères en apparence simples de qualité nutritionnelle des protéines », Cahiers de Nutrition et de Diététique, 2021, 56 (2), pp. 102-110. 10.1016/j.cnd.2021.02.002. hal-03295555.
[23] https://www.iaea.org/fr/newscenter/news/base-de-donnees-sur-la-qualite-des-proteines et https://openknowledge.fao.org/items/96c205a8-fe69-4ed0-9ea3-6a4e9415de36
[24] Contrairement au fer héminique, présent exclusivement dans les aliments d’origine animale car associé à des protéines comme l’hémoglobine, le fer non héminique, présent à la fois dans les aliments végétaux et animaux, est très peu absorbé par l’organisme. Il est stocké et peut être mobilisé pour différents besoins physiologiques en association avec d’autres nutriments, notamment de la vitamine C.
[26] OMS, Red and processed meat in the context of health and the environment: many shades of red and green: information brief, 10 juillet 2023 ;
[27] https://www.senat.fr/fileadmin/cru-1746021083/import/files/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/OPECST_2021_0024_note_viande_rouge.pdf
[28] Voir aussi la monographie n° 114 du Circ : https://publications.iarc.fr/564
[29] https://institut-agro-dijon.fr/recherche/la-recherche-a-linstitut-agro-dijon/le-fer-un-element-indispensable-mais-complexe
[31] https://anses.fr/fr/content/eviter-les-isoflavones-dans-les-menus-des-restaurations-collectives
[33] https://theconversation.com/alimentation-comment-consommer-du-soja-sans-risques-pour-la-sante-152802
[34] Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous
[35] https://www.anses.fr/fr/content/menu-vegetarien-hebdomadaire-lecole-une-premiere-saisine-de-lanses-en-appui-lexperimentation
[36] https://www.anses.fr/fr/content/regimes-vegetariens-effets-sur-la-sante-et-reperes-alimentaires
[37] US Dietary Guidelines Advisory Committee. « Scientific Report of the 2015 Dietary Guidelines Advisory Committee », 2015. https://health.gov/sites/default/files/2019-09/Scientific-Report-of-the-2015-Dietary-Guidelines-Advisory-Committee.pdf ; « Appendix E-3.4: USDA Food Patterns—Adequacy for Young Children ». https://health.gov/sites/default/files/2019-09/Appendix-E-3.4.pdf.
[38] OECD/FAO (2023), OECD-FAO Agricultural Outlook 2023-2032, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/08801ab7-en
[39] Gerber, J.S., Ray, D.K., Makowski, D. et al., « Global spatially explicit yield gap time trends reveal regions at risk of future crop yield stagnation », Nat Food, 2024 ; https://doi.org/10.1038/s43016-023-00913-8 - voir aussi https://www.inrae.fr/actualites/optimiser-rendements-agricoles-lechelle-mondiale-repondre-demande-alimentaire-croissante
[40] https://www.arvalis.fr/infos-techniques/rendement-du-ble-tendre-les-premieres-estimations-en-forte-baisse
[41] Zulauf, C., G. Schnitkey, N. Paulson and J. Colussi, « World and Regional Trend Crop Yields in an Era of Climate Change. », farmdoc daily (13):221, Department of Agricultural and Consumer Economics, University of Illinois at Urbana-Champaign, December 6, 2023 - https://farmdocdaily.illinois.edu/2023/12/world-and-regional-trend-crop-yields-in-an-era-of-climate-change.html
[42] Pour une analyse détaillée sur le gâchis alimentaire, voir le Food Waste Index Report de la FAO : https://www.fao.org/family-farming/detail/fr/c/1681058/
[45] Les ruminants ont la capacité à digérer la cellulose des plantes, qui est un glucide très abondant dans la nature. La digestion de ces glucides dans le rumen s’accompagne de la production de dihydrogène (H2) qui est transformé en CH4 par des microorganismes méthanogènes (comme les bactéries cellulolytiques).
[48] Voir : les chiffres clés du climat, Datalab – édition 2024 : https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat/fr/index
[49] Éviter la panne sèche - Huit questions sur l’avenir de l’eau, rapport d’information n° 142 (2022‑2023), déposé le 24 novembre 2022 - https://www.senat.fr/notice-rapport/2022/r22-142-notice.html
[50] https://librairie.ademe.fr/air/4044-guide-des-bonnes-pratiques-agricoles-pour-l-amelioration-de-la-qualite-de-l-air-9791029714917.html
[53] Parangonnage sur la diminution des émissions de méthane de l’élevage, https://www.vie-publique.fr/rapport/294932-parangonnage-sur-la-diminution-des-emissions-de-methane-de-lelevage
[54] Jacques J. Guéguen, Stéphane Walrand, Oriane Bourgeois, « Les protéines végétales : contexte et potentiels en alimentation humaine », Cahiers de Nutrition et de Diététique, 2016, 51 (4), pp. 177‑185. ⟨10.1016/j.cnd.2016.02.001⟩. ⟨hal-02638834⟩.
[55] Laisse, S., Baumont, R., Dusart, L., Gaudré, D., Rouillé, B., Benoit, M., … Peyraud, J.-L. (2019). L’efficience nette de conversion des aliments par les animaux d’élevage : une nouvelle approche pour évaluer la contribution de l’élevage à l’alimentation humaine. Inrae Productions Animales, 31(3), 269–288. https://doi.org/10.20870/productions-animales.2018.31.3.2355
[56] https://idele.fr/detail-article/lautonomie-proteique-en-elevages-de-ruminants-dossiers-techniques-de-lelevage-n5
[57] En 2021, l’institut Solagro estimait les surfaces agricoles mondiales à 4,9 milliards d’hectares dont 3,3 milliards d’hectares de prairies et 1,6 milliard d’hectares de terres arables, parmi lesquelles 400 millions environ destinés à produire des aliments pour animaux : https://solagro.org/travaux-et-productions/publications/la-place-de-l-elevage-face-aux-enjeux-actuels
[58] https://librairie.ademe.fr/agriculture-alimentation-foret-bioeconomie/4396-empreintes-sol-energie-et-carbone-de-l-alimentation.html
[59] Poore, J., & Nemecek, T. (2018). Reducing food’s environmental impacts through producers and consumers. Science, 360(6392), 987-992. https://science.sciencemag.org/content/360/6392/987
[62] https://agriculture.gouv.fr/diversification-de-la-ressource-proteique-en-alimentation-humaine-et-animale
[65] https://www.un.org/fr/climatechange/science/climate-issues/food, consulté le 12 mai 2025.
[66] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/media/5595/ et https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/notre-alimentation-c-est-combien-de-gaz-a-effet-de-serre-ges
[68] Keelia O’Malley, Amelia Willits-Smith, Donald Rose, « Popular diets as selected by adults in the United States show wide variation in carbon footprints and diet quality », The American Journal of Clinical Nutrition Volume 117, Issue 4, April 2023, Pages 701-708 ;
https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0002916523005117
[71] Pellerin, S., Bamière, L., Angers, D., Béline, F., Benoit, M., Butault, J.-P., Delame, N. (2013). Quelle contribution de l’agriculture française à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ? potentiel d’atténuation et coût de dix actions techniques. Inra. https://hal.science/hal-01186943v1/
[76] Les territoires concernés sont ceux du « bassin allaitant », constitué des régions herbagères du centre de la France : Bourgogne, Auvergne, Limousin, où les caractéristiques du sol et du climat ne permettent pas facilement un autre type d’exploitation que la production de viande bovine.
[77] https://agriculture.gouv.fr/consultation-publique-projet-de-strategie-nationale-pour-lalimentation-la-nutrition-et-le-climat
[78] https://librairie.ademe.fr/agriculture-alimentation-foret-bioeconomie/6421-transitions-2050-l-enjeu-de-l-alimentation-les-scenarios-de-l-ademe-choisir-maintenant-agir-pour-le-climat.html
[79] L’étude « Régime santé planétaire » de la Commission EAT de la revue The Lancet, l’étude Afterres de l’institut Solagro, l’étude « Ten Years For Agroecology » TYFA-GES de lDDRI et l’étude Pulse Fiction du WWF France.
[80] https://reseauactionclimat.org/publications/synthese-comment-concilier-nutrition-et-climat-pour-la-prise-en-compte-des-enjeux-environnementaux-dans-le-programme-national-nutrition-sante/
[81] https://www.vie-publique.fr/rapport/270420-ressource-proteique-en-alimentation-humaine-et-animale
[84] C’est-à-dire la proportion de chaque « ingrédient » de la recette.
[86] Sych, J. M., Lacroix, C., & Stevens, M. J., « Vitamin B12 – Physiology, Production and Application » dans E. J. Vandamme, & J. L. Revuelta, Industrial Biotechnology of Vitamins, Biopigments, and Antioxidants, 2016 (pp. 129-159), Wiley. doi:10.1002/9783527681754.ch6
[88] Voir sur ce point les études du think tank « Good Food Institute » : https://gfi.org/science/the-science-of-fermentation/
[89] https://agriculture.gouv.fr/la-viande-vitro-cultiver-des-cellules-musculaires-destination-alimentaire-analyse-ndeg164
[90] Aliments cellulaires : être vigilant pour mieux encadrer et maîtriser la technologie, rapport d’information n° 504 (2022-2023) de MM. Olivier Rietmann et Henri Cabanel, déposé le 5 avril 2023.
[91] Hocquette, J.-F., « La viande in vitro, une voie exploratoire controversée », INRAE, Intervieweur, Janvier 2021. Récupéré sur https://www.inrae.fr/actualites/viande-vitro-voie-exploratoire-controversee
[93] https://openknowledge.fao.org/server/api/core/bitstreams/94739f50-e6ed-40db-ae7c-2dae11a1fdd6/content
[94] https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-l%E2%80%99anses-relatif-%C3%A0-la-valorisation-des-insectes-dans-l%E2%80%99alimentation-et-l%E2%80%99%C3%A9tat-des
[102] https://www.vie-publique.fr/rapport/286950-presentation-et-developpement-de-l-algoculture-en-france
[103] Source : Pr Jeremy Pruvost, laboratoire Gepea, UMR CNRS 6144.
[107] Generally Recognized As Safe
[114] https://observatoirecetelem.com/barometre-observatoire-cetelem-2024/pour-resister-les-menages-arbitrent-et-renoncent-notamment-sur-lalimentaire
[116] tec : tonnes équivalent carcasse, unité de mesure commune aux viandes.
[117] https://www.anses.fr/fr/content/inca-3-evolution-des-habitudes-et-modes-de-consommation-de-nouveaux-enjeux-en-mati%C3%A8re-de
[118] https://www.franceagrimer.fr/Actualite/Etablissement/2021/VEGETARIENS-ET-FLEXITARIENS-EN-FRANCE-EN-2020
[119] La cohorte Nutrinet Santé est suivie par une l’Équipe de Recherche en Épidémiologie Nutritionnelle (EREN) rattachée à l’Inserm, l’Inrae, le Cnam et l’Université Sorbonne Paris Nord.
[120] https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2024/03/Barometre-consommateur-2024-rapport-complet_Agence-Bio_LObSoCo.pdf
[121] https://www.credoc.fr/publications/achats-alimentaires-les-preoccupations-environnementales-sont-en-recul
[122] https://www.franceagrimer.fr/content/download/76545/document/SYN-MUL-2025-Prix_Viande_Poisson_Vegetal-2021-2023.pdf
[123] http://www.proteinesfrance.fr/sites/default/files/2025-01/cp_barometre_consommateur_2024_vf-1.pdf
[132] Article L. 312-17-3 du code de l’éducation.
[134] Cohen, Sarah, « Pour une sécurité sociale de l’alimentation », L’Économie politique 104, no 4 (27 novembre 2024): 77‑87. https://shs.cairn.info/revue-l-economie-politique-2024-4-page-77
[135] World Health Organization, Report « Fiscal Policies for Diet and Prevention of Noncommunicable Diseases ». Consulté le 24 mars 2025. https://www.who.int/docs/default-source/obesity/fiscal-policies-for-diet-and-the-prevention-of-noncommunicable-diseases-0.pdf?sfvrsn=84ee20c_2
[139] Article L. 230-5-6 du code rural et de la pêche maritime