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N° 1590

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 juin 2025.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, Adoptée par le sénat, visant à mettre en place un registre national des cancers,

 

 

Par M. Michel LAUZZANA,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir les numéros :

 Sénat : 546, 703, 704 et T.A. 137 (2023‑2024).

 Assemblée nationale : 119.

 

 


 

 

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

Commentaire de l’article unique

Article unique Création d’un registre national des cancers à la gestion confiée à l’Institut national du cancer

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE N°1 : LISTE DES PERSONNES entendues PAR Le RAPPORTEUR

ANNEXE N°2 : LISTE DES contributions écrites reçues par le rapporteur

ANNEXE N°3 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

 

 

 

 


   Introduction

Adoptée par le Sénat à l’unanimité le 15 juin 2023, la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers entend apporter une réponse ambitieuse à un problème majeur de santé publique : les cancers.

  1.   Face aux cancers, les registres épidémiologiques sont un outil indispensable à la recherche et à la santé publique

● Première cause de décès chez l’homme et deuxième chez la femme, les cancers sont un enjeu de santé publique majeur. En 2023, 433 000 nouveaux cas ont été dénombrés en France ; en 2021, 162 000 décès imputés au cancer ont été répertoriés ([1]). En volume, ces deux indicateurs sont en constante augmentation depuis les années 1990.

Le poids prépondérant de cette maladie commande son étude approfondie, tant pour les patients et leurs proches que pour le système de santé :

– pour les patients et leurs proches afin d’améliorer la prévention, le dépistage, les conditions de vie avec la maladie et de traitement, mais également pour ouvrir des perspectives accrues de thérapie et de guérison ;

– pour le système de santé afin que les pouvoirs publics adaptent judicieusement l’offre de soins, partout sur le territoire, au travers de la formation des professionnels, de la mise à disposition de plateaux techniques ou encore du soutien à de nouvelles thérapeutiques. Comme l’indiquait le professeur François Guilhot dans son rapport Les cancers en France : vers un registre national de fonctionnement centralisé ([2]), « estimer les besoins de prise en charge de la population et évaluer les politiques de santé sont des impératifs des pays développés établis à partir des données épidémiologiques telles que l’incidence, la prévalence, la survie et la mortalité ».

● Pour ce faire, en France comme en Europe, le recours à des registres épidémiologiques s’est développé depuis les années 1970. L’arrêté du 6 novembre 1995 relatif au Comité national des registres les définissait comme des « modes de recueil, à visée exhaustive, de données individuelles nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique, par une équipe ayant les compétences appropriées ».

Au sein du rapport précédemment cité, le professeur François Guilhot soulignait que les données populationnelles recueillies permettaient l’évaluation des actions préventives et curatives, la détection de l’évolution des facteurs de risques et des pratiques médicales ainsi que l’information des professionnels de santé et de la population. Ces trois impératifs en matière de lutte contre les cancers rendent l’utilisation de ces registres aussi utile que nécessaire.

Pour autant, si différents types de registre existent – national centralisé, national décentralisé ou régional, avec ou sans estimation nationale –, la France, dont le modèle en la matière correspond au dernier type cité, ne semble plus dotée d’instruments à la hauteur des enjeux.

  1.   Contrairement à d’autres pays européens, la France ne dispose pas d’un registre national des cancers des ADULTES

 Si aucun répertoire national des cancers n’existe en France, divers registres sont néanmoins tenus. Au nombre de 33 en 2025 ([3]), ils se répartissent comme suit :

 19 registres sont généraux, couvrant 24 départements dont 19 sur le continent européen et 5 outre-mer ;

 12 registres sont spécialisés sur des organes spécifiques ;

 2 registres sont nationaux. Il existe notamment un registre national des cancers des enfants et des adolescents.

 Selon le professeur François Guilhot, auditionné par le rapporteur, les registres généraux non spécialisés couvrent aujourd’hui moins d’un quart de la population nationale. De ce fait, les données disponibles sur les cancers en France reposent sur des extrapolations à partir des données des registres existants, dans des délais moyens de cinq ans ([4]), de sorte que le rapporteur s’interroge sur leur fiabilité. À titre d’exemple, la population dont le suivi est assuré par les registres existants est plus rurale que la moyenne. Cette surreprésentation dans les extrapolations des zones rurales, moins susceptibles de provoquer de fortes expositions à diverses sortes de pollutions, pourrait introduire un biais entravant la bonne évaluation, la bonne détection et la bonne information qui sont pourtant les objectifs assignés à ces registres.

Par conséquent, comme l’indiquait la rapporteure de la commission des affaires sociales du Sénat, Mme Nadia Sollogoub, le « panorama actuel fourni par les registres ne permet pas de dénombrer ni de localiser exactement les cas de cancers en France » ([5]).

● À la différence de la France, de nombreux pays européens qui utilisaient dans les années 1990 des registres régionaux se sont depuis engagés dans la constitution d’instruments nationaux, offrant une couverture exhaustive de leur population.

Évolution des zones couvertes par un registre
à l’échelle européenne

Source : Le Monde, 22 janvier 2019.

● Outre le rapport susmentionné du professeur François Guilhot défendant la création d’un registre national centralisé, adopté par l’Académie nationale de médecine en 2021, cette situation a conduit un certain nombre de parties prenantes – parlementaires, associatifs, scientifiques, administratifs – à appeler de leurs vœux, que le rapporteur fait siens, un suivi plus fin et exhaustif des cancers, plus représentatif géographiquement et sociologiquement de la population française.

Alors que les données médico-administratives ne sauraient offrir suffisamment de précision à elles seules et que la multiplication des répertoires locaux ne semble pas non plus satisfaisante, tant au regard des technologies et des enjeux actuels que du coût budgétaire correspondant, la création d’un registre à l’échelle nationale, à la gestion centralisée par un acteur unique, semble s’imposer.

● Si le rapporteur considère qu’il appartiendra au Gouvernement de définir par voie réglementaire les modalités d’application de la présente proposition de loi, il souhaite souligner :

– l’exigence du respect des règles nationales et européennes de protection des données, tout en permettant leur exploitation adaptée à des fins de recherche et de surveillance médicales. D’ores et déjà, les auditions conduites par le rapporteur ont témoigné de ce que la proposition de loi semble pourvoir aux registres existants et au futur registre national une base légale solide, plus satisfaisante que le cadre juridique actuel ;

– la nécessité de prévoir pour ce registre national centralisé l’organisation la plus adaptée. En ce sens, le rapporteur soutient la vision de l’Institut national du cancer (INCa), qui consisterait à alimenter le registre créé par la loi à partir de sources multiples, issues de l’ensemble du territoire et de la population, tout en prenant appui sur des registres locaux existants enrichis, notamment, par la couverture de zones plus urbaines et à la densité de population plus forte, voire accueillant un ou plusieurs établissements classés Seveso ([6]). Selon l’INCa, cette organisation aurait non seulement l’avantage d’un moindre coût et de données fiabilisées ne reposant plus sur des extrapolations, mais elle permettrait également une plus grande célérité dans le recueil, le traitement et la publication desdites données. De nouvelles études plus ambitieuses pourraient ainsi être entreprises, à l’exemple des liens causaux entre environnement et cancers ;

– l’accompagnement de la mise en œuvre de ce registre national des cancers par des moyens budgétaires adaptés et pérennes, qui resteraient certes contenus mais s’avèrent particulièrement nécessaires, le cas échéant aux fins de la rémunération de personnels. En ce sens, le rapporteur fait sienne l’hypothèse formulée dans une tribune publiée dans le journal Le Monde : « À terme, ces dépenses devraient se révéler un investissement rentable en santé publique, compte tenu du poids économique de la prise en charge actuelle des cancers : 22,5 milliards d’euros de dépenses sont liés au traitement ou au suivi des malades du cancer en 2021, soit 12 % du budget de la Sécurité sociale » ([7]).

 


   Commentaire de l’article unique

Article unique
Création d’un registre national des cancers à la gestion confiée
à l’Institut national du cancer

Adopté à l’unanimité par la commission sans modification

L’article unique, modifié en commission au Sénat, crée un registre national des cancers et en attribue la gestion à l’Institut national du cancer (INCa). Ce registre national a pour objet de centraliser les données populationnelles relatives à l’épidémiologie et aux soins des cancers pour améliorer la prévention, le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des patients.

  1.   L’ÉTAT DU DROIT

Au sein de la partie législative du code de la santé publique, le titre Ier du livre IV de la première partie comporte un chapitre V‑1 relatif à la lutte contre le cancer. En son sein, la section 1 traite de l’Institut national du cancer (INCa) chargé, aux termes de l’article L. 1415‑2, de « coordonner les actions de lutte contre le cancer ». Cet article définit, de façon non exhaustive, les missions de l’INCa parmi lesquelles, en son 1°, celle d’assurer une « observation et [une] évaluation du dispositif de lutte contre le cancer, en s’appuyant notamment sur les professionnels et les industriels de santé ainsi que sur les représentants des usagers ».

En l’état du droit, si aucune mention des registres des cancers, généraux ou spécialisés, nationaux comme régionaux, n’apparaît au sein de ladite section 1, l’article R. 4113‑1 du code de la santé publique dispose que l’Agence nationale de santé publique, aussi connue sous le nom de Santé publique France, « assure, conjointement avec l’Institut national du cancer, et dans le cadre de leurs missions respectives, le pilotage et le financement des registres des pathologies cancéreuses ».

  1.   Le dispositif proposé
    1.   Le dispositif initial de la proposition de loi

La proposition de loi déposée par Mme Sonia de La Provôté et plusieurs de ses collègues modifie la section 1 du chapitre V‑1 du titre Ier du livre IV de la première partie du code de la santé publique.

● Le insérait à l’article L. 1415‑2 un 3° bis afin d’ajouter aux missions de l’INCa la « mise en œuvre d’un registre national des cancers ».

● Le créait après l’article L. 1415‑2 un nouvel article L. 1415‑2‑1 portant sur ledit registre national des cancers, qui « centralise les données relatives aux cancers de l’enfant et de l’adulte sur l’ensemble du territoire national ».

L’objectif de la collecte et du traitement de ces données était précisé : l’amélioration de la prévention, du dépistage, du diagnostic et de la prise en charge thérapeutique des cancers, la constitution d’un outil de suivi et d’alerte épidémiologique tout comme la diminution de la morbidité, la mortalité, l’incidence et la prévalence des cancers.

Enfin, un décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, devait déterminer les conditions d’application, notamment en matière de collecte et de traitement des données à caractère personnel.

  1.   Les modifications apportées par le Sénat

Au cours de l’examen en première lecture au Sénat, plusieurs modifications ont été apportées à la proposition de loi.

● La commission des affaires sociales a adopté à l’initiative de la rapporteure Mme Nadia Sollogoub un amendement ([8]), sous-amendé par Mmes Raymonde Poncet Monge et Mélanie Vogel (groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ° ([9]), portant nouvelle rédaction de l’article unique.

Le  a modifie désormais le 1° de l’article L. 1415‑2 du code la santé publique. Par conséquent, pour observer et évaluer le dispositif de lutte contre le cancer, l’INCa s’appuie désormais, notamment, sur le registre national des cancers prévu à l’article L. 1415‑2‑1.

En outre, l’amendement modifie la rédaction des trois alinéas du . Il précise que l’INCa est responsable du traitement des données et retire la référence aux « cancers de l’enfant et de l’adulte ». De plus, il clarifie l’objet de la collecte et du traitement des données, ainsi que celui du décret en Conseil d’État afin qu’il précise « le rôle des entités et des organisations de recherche en cancérologie labellisées dans la collecte des données et les modalités de leur appariement avec d’autres jeux de données de santé ». Sur ce point, la rapporteure, Mme Nadia Sollogoub, précise que « les entités de recherche alimentant les registres existants [...] n’ont pas vocation à disparaître mais à constituer des composantes du système de collecte des données à l’échelle nationale » ([10]).

L’amendement introduit enfin un nouvel alinéa précisant le rôle de l’INCa, qui « collecte et traite à ces fins les données à caractère personnel strictement nécessaires à la réalisation de ses missions. Il les met à la disposition des organismes publics ou privés pour la réalisation de recherches, études ou évaluations dans le domaine de la cancérologie, et à la disposition de l’agence nationale de santé publique pour la réalisation des missions mentionnées à l’article L. 1413‑1. »

● Par ailleurs, à l’initiative de la rapporteure, un amendement ([11]) a été adopté par la commission insérant au un b et un c. Ils modifient respectivement le 5° et le 6° de l’article L. 1415‑2 :

– le  b permet à l’INCa de labelliser des entités ;

– le  c lui permet de développer et d’héberger des systèmes d’information dans divers champs d’application de la cancérologie.

● En séance publique, le Sénat a unanimement adopté le texte de la commission sans modification.


   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 18 juin 2025, la commission examine la proposition de loi adoptée par le sénat, visant à mettre en place un registre national des cancers (n° 119) (M. Michel Lauzzana, rapporteur) ([12]).

M. Michel Lauzzana, rapporteur. Je suis ravi que nous examinions aujourd’hui la proposition de loi visant à créer un registre national des cancers. Alors que nos collègues du Sénat l’ont adoptée en 2023, voilà deux ans que son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale était en souffrance. À la faveur d’une question que notre collègue Aurélien Rousseau a posée au Gouvernement le 3 juin et d’une réponse du ministre Yannick Neuder, c’est désormais chose faite.

Vous le savez, les cancers sont un fléau : 433 000 nouveaux cas ont été recensés en France pour la seule année 2023. Ils sont la première cause de décès chez les hommes et la deuxième chez les femmes. Ils entraînent 162 000 décès annuels, soit environ un décès sur quatre en France. Nous ne pouvons pas nous habituer à ces chiffres. Face à eux, nos outils sont connus : prévention, surveillance, dépistage ou traitements précoces. Tous impliquent de mieux connaître la maladie et de cerner ses déterminismes. Pour ce faire, nous disposons de registres épidémiologiques qui consistent à recueillir au sein d’une population géographiquement définie des données individuelles nominatives sur un ou plusieurs événements de santé tels que les cancers. Au nombre de trente-trois en 2025, ces registres sont de nature différente : dix-neuf sont généraux, douze sont spécialisés et deux sont nationaux – centrés sur les cancers de l’enfant, l’un sur les tumeurs solides et l’autre sur les hémopathies.

Pourquoi souhaitons-nous faire évoluer cette organisation ? Le constat est clair : comme les données médico-administratives ne peuvent apporter à elles seules suffisamment de précisions, les registres dont nous disposons ne nous permettent pas de disposer d’éléments sur l’ensemble de la population française, à la différence de la plupart de nos voisins européens. Au contraire, les nôtres sont établis à partir d’extrapolations tirées des registres généraux existants, lesquels couvrent moins d’un quart de la population nationale. Cela nous empêche de disposer d’une connaissance fine et exhaustive des cancers, lacune qui réduit notre capacité à les combattre. La population suivie par les registres est plus rurale que la moyenne française. Or les zones rurales sont moins exposées aux pollutions que les zones urbaines. Ce type de biais dessine un panorama biaisé des cancers en France, lequel grève nos efforts de surveillance, de prévention, de dépistage et de traitement partout dans le pays. Nous sommes nombreux à avoir posé ce constat, de l’Académie nationale de médecine à l’Inspection générale des affaires sociales, en passant par de nombreux acteurs associatifs, administratifs et scientifiques.

Quelles évolutions la proposition apporte-t-elle ? En modifiant l’article L. 1415-2 du code de la santé publique et en insérant un nouvel article L. 1415-2-1, l’article unique crée un registre national des cancers et en attribue la gestion à l’Institut national du cancer (Inca). Ce registre national a pour objet de centraliser les données populationnelles relatives à l’épidémiologie et aux soins des cancers, afin d’améliorer la prévention, le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des patients. À ces fins, il est prévu que l’Inca mette les données à la disposition d’organismes publics ou privés pour la réalisation de recherches, d’études ou d’évaluations en cancérologie. L’article unique permet en outre à l’Inca de labéliser des entités ainsi que de développer et d’héberger des systèmes d’information dans divers champs d’application de la cancérologie. Il renvoie enfin à un décret en Conseil d’État le soin de préciser l’organisation concrète du registre national des cancers, notamment le rôle de chaque entité et les modalités d’interopérabilité entre elles. En somme, la proposition de loi nous dote enfin d’un système, qui, reposant sur des données nationales, soit à la hauteur de l’enjeu que représentent les cancers en France.

Pour autant, ce registre ambitieux n’atteindra ses objectifs qu’à deux conditions. La première dépend du pouvoir réglementaire, lequel doit choisir une organisation adaptée, devant à mon sens reposer sur des sources diverses et multiples de données provenant de la totalité du territoire et de la population. La seconde est que le Gouvernement accompagne le déploiement du registre des moyens nécessaires : l’effort budgétaire devra certes être contenu, mais il devra également être adapté aux besoins et pérenne.

Vous l’aurez compris, cette proposition de loi est indispensable dans notre combat contre les cancers. Il est nécessaire qu’elle entre au plus vite en application. Des amendements avaient été déposés, mais ils ont été retirés, ce que je salue. Je souhaite que nous votions le même texte que celui adopté par le Sénat : nous avons déjà pris deux ans de retard, il est temps d’agir.

M. le président Frédéric Valletoux. Je partage totalement vos propos et tiens à remercier l’ensemble des collègues de tous les groupes d’avoir retiré les amendements déposés pour adopter rapidement un texte conforme à celui du Sénat.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Thierry Frappé (RN). Le groupe Rassemblement National soutient bien évidemment cette proposition de loi visant à créer un registre national des cancers. Nous souhaitons faciliter son adoption rapide, tant l’enjeu est majeur et urgent.

En 2023, on dénombrait 433 136 nouveaux cas de cancer en France et 162 000 décès liés à cette maladie. Ces chiffres ne sont qu’une extrapolation de données issues des registres existants. Il s’agit d’une première anomalie, que la proposition de loi entend corriger. Il existe trente-trois registres à ce jour : dix-neuf sont généraux et couvrent vingt-quatre départements, douze sont spécialisés selon les localisations des cancers et deux sont nationaux – ils concernent les enfants et les adolescents. Si les cinq départements et régions d’outre-mer sont intégralement couverts, les registres généraux n’englobent qu’environ 25 % de la population nationale.

Ces inégalités d’informations dessinent une cartographie épidémiologique partielle et inadaptée à la conduite d’une politique de santé publique ambitieuse. En outre, la collecte des données est perfectible. La création du registre national des cancers est donc nécessaire. Celui-ci améliorera la prévention, le dépistage, la précocité du diagnostic, l’efficacité de la recherche et l’équité de la prise en charge.

Nous aimerions obtenir certaines garanties quant à la création de ce registre, notamment sur sa couverture dans l’ensemble des territoires et sur l’hébergement souverain de ses données sur le sol français ou européen.

Le registre national est un outil indispensable de transparence, d’efficacité et de justice sanitaire. Notre groupe votera en faveur de la proposition de loi.

Mme Nicole Dubré-Chirat (EPR). Le cancer demeure la première cause de mortalité en France. Chaque année, plus de 430 000 nouveaux cas sont diagnostiqués : ce constat exige que nous nous dotions des meilleurs outils pour comprendre, prévenir et traiter cette maladie. En effet, le taux de dépistage ne peut que s’améliorer au vu des chiffres actuels.

C’est dans cet esprit que nous nous sommes emparés du sujet dès le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, en faisant de la lutte contre le cancer une priorité nationale. Nous avons lancé la stratégie décennale de lutte contre les cancers 2021-2030 : cette feuille de route s’accompagne d’un investissement de 1,74 milliard d’euros, preuve de notre détermination à agir dans ce domaine.

Pourtant, notre pays peut encore progresser sur un point, celui de la collecte des données. Celles-ci sont indispensables pour la recherche et elles permettent de détecter les tendances, d’évaluer les politiques publiques et d’affiner les stratégies de prévention comme le dépistage. Actuellement, les registres généraux des cancers ne couvrent que 24 % de la population, soit environ 14 millions de personnes. À titre de comparaison, vingt-deux pays européens disposent déjà d’un registre englobant l’ensemble du territoire.

C’est pour combler ce retard que la proposition de loi vise à créer un registre national des cancers. Centralisé et piloté par l’Inca, il rassemblera les données épidémiologiques sur les soins et les parcours des patients. Il complétera les registres actuels fragmentés : certains sont généraux et couvrent une zone géographique quand d’autres, spécialisés par type de cancer, souffrent de lacunes en matière de couverture et de cohérence. Le texte confie à l’Inca la mission de piloter la collecte à travers la labellisation de structures. Je profite de l’examen de ce texte pour saluer le travail de recherche et de prévention réalisé par cet organisme.

Nous sommes bien conscients des enjeux liés à la gestion des données sensibles que sont les données de santé, c’est pourquoi la loi encadre rigoureusement leur usage en limitant la collecte aux seules données strictement nécessaires.

Le groupe Ensemble pour la République soutient pleinement ce texte, parce qu’il répond à une urgence de santé publique et qu’il renforce notre capacité à prévenir et à soigner. Nous espérons qu’il sera adopté dans une version conforme à celle du Sénat, afin que cette avancée attendue de longue date entre en vigueur au plus vite.

M. Hadrien Clouet (LFI-NFP). Notre société est cancérogène : la maladie nous atteint par l’eau, la nourriture, les cosmétiques, les véhicules, les casseroles, les engrais, les peintures et même par des fleurs en boutique. Le nombre de cancers a doublé depuis 1990 : il faudra bien diminuer l’incidence de cette maladie, ce qui nécessitera d’affronter certains grands groupes capitalistes dont la pollution environnementale qu’ils émettent tue.

En dépit de cette épidémie industrielle, la France n’a toujours pas de registre national des cancers pour adultes : elle et l’Espagne sont les seuls pays d’Europe dans ce cas. Un tel registre nous permettrait pourtant de compter combien de personnes sont atteintes et de savoir où elles vivent. À l’heure où nous parlons, à peine un quart du territoire national est couvert par des registres et aucune des grandes métropoles ne l’est. Il est par conséquent impossible de mesurer les effets environnementaux des cancers. Y en a-t-il plus à Toulouse ou dans le reste de la Haute-Garonne, moins dans l’Ariège ou dans le Gers ? Quel type de cancer se retrouve plutôt ici que là ? Voilà les questions auxquelles nous ne pouvons actuellement pas répondre faute de données.

Dans ma région, l’Occitanie, composée de treize départements, seuls le Tarn et l’Hérault disposent de chiffres. Comment peut-on mener dans ces conditions une politique sérieuse de prévention, d’accès aux soins et de structuration de l’offre de soins dans notre territoire ? C’est impossible !

Le Parlement va enfin décider de la création d’un registre national des cancers. Si nous examinons aujourd’hui cette proposition de loi, c’est notamment grâce à l’action déterminée et continue de l’association Jeune & Rose, que nous devrions toutes et tous remercier pour l’obstination dont ses membres ont fait preuve pour surmonter les obstacles administratifs et politiques qu’ils ont rencontrés. Le Sénat a adopté le texte il y a maintenant deux ans. Une partie de la Macronie a louvoyé pendant cette période, en empêchant notamment l’inscription de la proposition de loi à l’ordre du jour de la semaine transpartisane. Pendant ces deux années, 800 000 nouveaux cas de cancer ont été détectés : nous avons pris du retard dans l’analyse épidémiologique, donc faisons vite et adoptons le texte à l’unanimité.

M. Aurélien Rousseau (SOC). À mon corps défendant, au sens strict du terme, je suis « heureux » d’avoir contribué à accélérer l’examen de ce texte défendu par Sonia de La Provôté au Sénat.

Nous nous trouvons dans un moment clef et inédit pour les traitements, les moyens de dépistage et d’interception du cancer. Les perspectives sont fascinantes même si elles créent un vertige éthique. Dans le même temps, subsiste un continent enfoui de causalités des cancers, qu’évoquait à l’instant Hadrien Clouet et que nous ne parvenons pas à totalement comprendre ni à débusquer.

Ce registre n’arrive pas dans un désert. Les projections et les extrapolations sont aujourd’hui de très haute qualité. En revanche, sur des causalités comme les perturbateurs endocriniens ou le réchauffement climatique, les évolutions concernent quelques centaines d’unités. Plus nous disposerons de données, plus nous saurons ce qu’il se passe. Le texte n’est pas une mise en cause de l’existant : un travail épidémiologique de projection absolument remarquable est mené. Le registre national nous apportera plus de finesse et d’anticipation, donc d’éventuelles avancées majeures en matière de prévention et de dépistage.

Le sujet principal reste celui des inégalités sociales dans le domaine de la santé, car celles-ci resteront durablement le principal déterminant du cancer comme des autres pathologies.

M. Thibault Bazin (DR). La France souffre d’un défaut dans le recensement des cancers. Certes, une trentaine de registres en cancérologie existent, mais ils sont soit disséminés un peu partout dans le pays, soit, pour une quinzaine d’entre eux, spécialisés dans certaines formes de cancers. Cette lourdeur complexifie la recherche et empêche les pouvoirs publics de disposer d’une base de données interopérable pour l’ensemble du territoire. On peut s’étonner qu’un registre national n’ait pas encore été créé. La proposition de loi est donc bienvenue.

Depuis trente ans, le nombre de nouveaux cas de cancer ne cesse d’augmenter en France. Un nombre croissant d’entre eux sont même dits précoces, c’est-à-dire qu’ils touchent des personnes âgées de moins de 50 ans. Cette situation exige le lancement de recherches sur les causes scientifiques du phénomène. Avec 157 000 décès annuels, le cancer reste la première cause de mortalité en France. Pour mieux lutter contre cette maladie, il faut des données précises. Là réside toute l’utilité des registres épidémiologiques en cancérologie : cet outil efficace permet de suivre l’évolution des cas, l’impact de l’environnement direct des patients et les différences géographiques. Il sert également à la recherche scientifique pour trouver de nouveaux traitements, plus efficaces.

Il est urgent de combler le vide actuel en créant un registre national des cancers, piloté par un organisme compétent, l’Inca. À cet égard, je salue la détermination de notre ministre chargé de la santé et de l’accès aux soins, Yannick Neuder, qui s’est beaucoup engagé pour que cette proposition de loi, adoptée en 2023 au Sénat, puisse être mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Nous soutenons ce texte et souhaitons l’adoption d’une version conforme à celle du Sénat, afin qu’il puisse être appliqué dans les meilleurs délais. Dans cette optique, je remercie mes collègues qui ont retiré leurs amendements. Sur un sujet aussi consensuel, nous devons aller vite, car nos concitoyens ne comprendraient pas que nous perdions de précieuses années à cause d’une navette supplémentaire.

M. Damien Girard (EcoS). En 2023, 433 000 nouveaux cas de cancer ont été diagnostiqués dans notre pays : il s’agit en réalité d’une estimation projetée à partir de données incomplètes. La majorité des facteurs de cancer reste mal identifiée, en particulier lorsqu’une exposition professionnelle ou environnementale est en jeu. Cette absence d’informations exhaustives constitue un frein majeur à une politique de santé efficace, qu’il s’agisse de prévention, de recherche ou de prise en charge. Les facteurs déclencheurs du cancer du sein sont encore sous-documentés. Je veux saluer le travail essentiel de l’association Jeune & Rose, notamment celui de Nelly Mathieu et Fanny Thauvin à Lorient, qui promeuvent le diagnostic précoce et œuvrent à rendre visibles des gestes simples comme l’autoexamen mammaire. La création d’un registre national des cancers répond à l’une de leurs revendications principales. Je me réjouis de cette avancée, qui améliorera la compréhension de dynamiques préoccupantes, comme celle de la hausse alarmante du nombre de cancers chez les jeunes adultes.

Je veux également insister sur un point crucial : pour être véritablement utile, ce registre doit s’inscrire dans une politique globale de connaissance de l’exposome, à savoir l’ensemble des expositions subies au cours de la vie. Cela suppose des moyens renforcés pour documenter l’effet cocktail, encore trop peu étudié, constitué des interactions entre l’alcool, les contraceptifs hormonaux, la pollution de l’air et les résidus chimiques. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous alerte : l’augmentation de ce phénomène est en partie liée à la dégradation de nos écosystèmes naturels. C’est pourquoi je tiens à rappeler, en tant que fils d’agriculteur, que si le groupe Écologiste et Social votera en faveur de l’adoption du texte, il continuera de s’opposer avec détermination à la « loi Duplomb », qui prévoit de réintroduire des substances aussi dangereuses que les néonicotinoïdes. Il y a là une profonde incohérence : on ne peut pas d’un côté vouloir mieux détecter les cancers et de l’autre favoriser des politiques qui augmentent l’exposition de nos concitoyens à des agents cancérigènes. La santé environnementale ne peut pas être le parent pauvre de la lutte contre le cancer : il y va de notre responsabilité envers les générations présentes et futures.

Mme Sandrine Josso (Dem). Nous ne débattons pas ce matin d’une simple proposition de loi, défendue sans relâche par notre collègue sénatrice Sonia de La Provôté et par l’association Jeune & Rose, nous rattrapons un retard. En 2025, la France fait encore partie des rares pays européens à ne pas disposer d’un registre national des cancers. Résultat, notre pays souffre d’une absence de vision claire sur des territoires entiers, laissés dans l’ombre et plongés dans un profond silence statistique. Chaque année, nous recensons 400 000 nouveaux cas et 150 000 décès, pourtant nous naviguons à vue avec des registres régionaux couvrant à peine un quart de la population. Cette situation n’est plus acceptable !

J’ai préconisé il y a maintenant cinq ans, dans la seizième recommandation de mon rapport sur l’évaluation des politiques publiques de santé environnementale, la création de ce registre. Cela fait cinq années que les associations, les familles et les professionnels de santé réclament cet outil vital. Dans mon département de Loire-Atlantique, le collectif Stop aux cancers de nos enfants a tiré la sonnette d’alarme sur un cluster de cancers pédiatriques. Dans le bassin de vie de Saint-Nazaire, la surmortalité due aux cancers est supérieure de 40 % à la moyenne nationale, selon l’agence régionale de santé. Des adultes tombent malades, des enfants meurent et nous ne disposons pas de données nationales consolidées permettant d’ouvrir les yeux sur ces situations. Ce registre, thermomètre sanitaire, constituera un atout de santé publique : grâce à lui, nous pourrons agir rapidement, repérer les foyers à risque, corriger les inégalités et renforcer la recherche. Il ne s’agit pas d’un luxe, mais d’un impératif républicain. La France ne peut plus être à la traîne dans ce domaine, elle doit se montrer efficace, novatrice et porteuse de projets. Soyons à la hauteur et ne laissons plus l’ignorance perdurer !

Mme Nathalie Colin-Oesterlé (HOR). Le groupe Horizons & Indépendants soutient résolument la proposition de loi visant à créer un registre national des cancers, défendue par la sénatrice Sonia de La Provôté et adoptée à l’unanimité par la Chambre haute en juin 2023. Face à un enjeu de santé publique de première importance – l’estimation des nouveaux cas de cancer en 2023 dépasse 430 000 et cette maladie est la première cause de décès chez l’homme et la deuxième chez la femme –, nous considérons que la France ne peut plus se contenter d’une surveillance partielle.

La création d’un registre national répond à une nécessité épidémiologique évidente : notre pays ne dispose que d’un système fragmenté de trente-trois registres régionaux et départementaux, lesquels ne couvrent que 22 % de la population française. Cette situation génère une méconnaissance du nombre exact de cancers en France : notre pays accuse un retard certain par rapport aux vingt-deux pays européens qui disposent déjà d’une couverture complète de leur population par des registres nationaux.

Notre groupe salue le choix de confier le déploiement de ce registre national à l’Inca, créé par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et placé sous la double tutelle des ministères chargés de la santé et de la recherche. L’institut dispose déjà de l’expertise nécessaire à la coordination des actions de lutte contre le cancer.

La création d’un registre national des cancers apportera des bénéfices concrets et mesurables. Cet outil améliorera la prévention, le dépistage, le diagnostic, le suivi et le traitement des cancers tout en constituant une base de données précieuse pour la recherche. Il facilitera la détection d’agrégats spatio-temporels de cancers – clusters –, essentielle pour identifier d’éventuelles expositions environnementales et répondre aux préoccupations croissantes de nos concitoyens sur l’impact des facteurs environnementaux sur la santé.

Au-delà de ces aspects techniques, le registre permettra à la France de participer pleinement aux études comparatives européennes, de contribuer à l’harmonisation des données à l’échelle européenne et de renforcer la recherche. Notre position sur ce texte s’inscrit donc dans la continuité de notre engagement sur les questions de santé publique et traduit notre volonté d’élaborer et de soutenir des réformes structurelles dans le domaine sanitaire. Notre groupe votera bien évidemment en faveur du texte.

M. Laurent Panifous (LIOT). Je me réjouis que cette proposition de loi soit enfin inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée, deux ans après son adoption au Sénat. Elle reprend les recommandations de nombreux scientifiques et sociétés savantes comme l’Académie nationale de médecine. Patients et médecins nous demandent de ne plus perdre de temps, aussi le groupe Libertés, Indépendants, Outremer et Territoires souhaite-t-il une entrée en vigueur rapide du texte.

Le registre national améliorera les connaissances, le suivi épidémiologique des cancers et notre réponse à l’augmentation de ces derniers. Le nombre de cas diagnostiqués a doublé depuis 1990 et l’OMS s’attend à une augmentation de 77 % d’ici à 2050, et ce malgré la prévention et les progrès thérapeutiques.

La France ne dispose que de données fragmentées : trente-trois registres couvrent à peine un quart de la population. Les grandes agglomérations – Paris, Marseille, Lyon, Toulouse et Nice – sont absentes du dispositif. Cette couverture partielle limite notre capacité à identifier les facteurs environnementaux, sociaux ou professionnels à l’origine de ces cancers et empêche le déploiement d’une action de santé publique ciblée et efficace. La France fait d’ailleurs figure de mauvaise élève en Europe.

La création d’un registre national des cancers suppose toutefois un financement pérenne et ambitieux, aspect sur lequel nous devons nous montrer vigilants. Mieux prévenir, c’est aussi mieux dépenser. Au-delà des chiffres, il y a la vie des patients : face au poids de la maladie, nous devons concrétiser l’espoir d’un parcours de soins plus humain, plus efficace et plus juste.

M. Yannick Monnet (GDR). En 2023, l’Inca a estimé le nombre de nouveaux cas de cancer à plus de 433 000 en France. Cette maladie représente la première cause de décès prématuré chez l’homme et la seconde chez la femme. Depuis trente ans, le nombre global de nouveaux cas augmente chaque année en France : cette hausse s’explique principalement par le vieillissement de la population et l’amélioration des méthodes de diagnostic, laquelle permet de déceler plus tôt les cancers. L’incidence des cancers a crû de 65 % chez les hommes et de 93 % chez les femmes depuis 1990, une poussée qui pour 6 % des cas masculins et 45 % des cas féminins n’est pas attribuable à la démographie.

Dans ce contexte, la création d’un registre national des cancers, plébiscitée par les personnels soignants, les chercheurs et les associations de patients, est très utile. Le registre apportera des réponses sur les nouvelles causes des cancers, à l’image des conséquences environnementales, encore trop peu étudiées alors que le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) classifie la pollution atmosphérique comme cancérigène pour l’homme depuis 2013. Le registre constituera également un appui précieux pour mieux identifier et prévenir les cancers d’origine professionnelle. On estime à près de 12 000 le nombre de cancers par an d’origine professionnelle, mais moins de 1 % d’entre eux sont reconnus comme une maladie professionnelle : il est urgent d’accomplir des progrès dans ce domaine.

Le registre est un investissement nécessaire et sûr pour la santé publique. Le coût de la prise en charge du cancer est élevé, cette pathologie étant la plus onéreuse pour l’assurance maladie. Selon la Cour des comptes, elle représentait 22,5 milliards d’euros en 2021, soit 12,1 % des dépenses d’assurance maladie.

L’adoption de ce texte fera entrer la France dans le mouvement de création et d’harmonisation des registres des cancers, déjà disponibles dans vingt-deux pays européens. Le groupe Gauche démocrate et républicaine est très favorable à l’adoption de la proposition de loi.

M. le président Frédéric Valletoux. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Justine Gruet (DR). Le cancer est un défi de santé publique colossal. Avec 433 000 nouveaux cas en 2023 et 162 000 décès en 2021 – chiffres en constante hausse depuis les années 1990 –, nous devons agir avec ambition. Pour cela, une photographie médicale précise et en temps réel de la situation est indispensable. Actuellement, nos données proviennent de trente-trois registres fragmentés, lesquels couvrent moins d’un quart de la population, fournissent des chiffres vieux de cinq ans et souffrent de biais importants. Ces lacunes nous empêchent de quantifier et de localiser précisément les cancers, ainsi que d’objectiver les besoins, les causes et l’accès aux soins.

C’est pourquoi l’établissement d’un registre national des cancers constitue une avancée majeure. Ce registre centralisé sera l’outil clef d’une véritable coordination de la prévention et de la prise en charge. Il améliorera le dépistage, le diagnostic et le suivi, permettant ainsi d’adapter l’offre de soins dans tout le territoire et de former les professionnels en soutenant la recherche.

Je salue le travail formidable des associations et des soignants : le registre sera un atout précieux pour eux. Nous passerons de la simple distribution de tracts à des actions de prévention ciblées et évaluées, fondées sur des données fiables. Il est notamment crucial de renforcer la prévention auprès des jeunes, car la recrudescence des cancers, en particulier digestifs, est alarmante : dans ce domaine, les chiffres sont préoccupants.

Dans ma circonscription, des structures comme l’Institut régional fédératif du cancer de Franche-Comté (IRFC) jouent un rôle essentiel. L’IRFC assure la coordination de la prévention et de la prise en charge à l’échelle régionale : elle travaille avec les acteurs locaux pour optimiser les parcours de soins des patients et déployer des actions de prévention ciblées.

Enfin, j’adresse tout mon courage aux personnes atteintes d’un cancer : votre combat est le nôtre et il ne doit pas rester vain. La bataille est collective et le registre national est l’outil indispensable pour la mener efficacement, révéler les besoins, identifier les causes et garantir un accès équitable aux soins. C’est un investissement essentiel pour la santé publique face aux 22,5 milliards d’euros de dépenses liés au cancer en 2021.

Mme Marie-Charlotte Garin (EcoS). Je me joins évidemment aux remerciements des associations, notamment Jeune & Rose, qui se sont mobilisées pour que ce registre voie le jour.

Chers collègues, vous dites que l’apparition de cancers précoces vous alarme, que ce registre est nécessaire, que pour lutter contre cette maladie, il faut des données précises ; soit. Mais il faut aussi prévenir et couper le robinet des polluants, donc ne pas voter la proposition de loi Duplomb. Je le dis avec un peu de colère : votre inaptitude à considérer la santé environnementale de manière systémique et le fait que vous souhaitiez à la fois lutter contre le cancer et accorder des faveurs aux industriels dépendant des produits toxiques, cela vous rend responsables. Le cancer, c’est politique. Ce n’est pas quelque chose qui arrive par magie, mais le fruit de politiques publiques qui ne protègent ni les agriculteurs, ni les enfants, ni l’ensemble de la population.

S’agissant des liens entre pesticides et cancer, une grande étude réalisée sur plusieurs centaines de rats et publiée ce mois-ci montre que le glyphosate, même à des doses considérées comme sûres par l’Union européenne, entraîne une hausse des tumeurs bénignes et malignes, aussi bien chez les mâles que chez les femelles. Cette étude confirme donc les corrélations déjà observées chez les humains. Or le glyphosate n’est pas un produit nouveau : depuis 2015, il est classé comme probablement cancérigène pour l’homme par le Circ.

En France, l’étude Agrican, menée sur 180 agriculteurs, a montré une surincidence des cancers chez les utilisateurs de pesticides, sachant que l’exposition précoce à ces substances augmente le risque de leucémie infantile et de tumeurs cérébrales. Dans ce beau paysage, ce sont donc les populations rurales et riveraines des zones agricoles qui sont les plus exposées, ce qui crée de très fortes inégalités sanitaires sur le territoire.

La science confirme et reconfirme la dangerosité des produits que vous voulez autoriser avec la proposition de loi Duplomb ; pourtant, vous l’ignorez. Pendant ce temps, des personnes tombent malades et parfois meurent. Je suis ravie de vous entendre souhaiter du courage aux victimes du cancer, mais ces personnes ont plutôt besoin que vous vous retroussiez les manches, que vous fassiez face aux industriels et que vous interdisiez les produits dangereux pour la santé.

M. Hendrik Davi (EcoS). On ne peut évidemment que se féliciter de la création d’un registre national des cancers, destiné, entre autres, à mieux documenter leurs causes environnementales. Dans ma région, le cas de Fos-sur-Mer est typique : une surmortalité liée au cancer est constatée, mais les salariés et la population peinent à démontrer le lien avec l’exposition à des polluants, aussi bien sur les lieux de travail qu’à domicile. On peut donc espérer que le registre nous permettra d’avancer s’agissant des cancers d’origine environnementale.

Je ferai part de deux inquiétudes.

D’abord, les salariés de Santé publique France, dont il faut saluer le travail – je connais sa qualité pour siéger au sein de son conseil d’administration – craignent, à l’instar des agents de l’Office français de la biodiversité, de disparaître dans le cadre de la réforme de l’État voulue par Amélie de Montchalin. Je souhaiterais donc avoir une réaction sur ce point, y compris de votre part, monsieur le président.

Ensuite, et Marie-Charlotte Garin l’a bien rappelé, ceirtaines causes de cancer sont bien documentées. Je ne reviendrai pas ce sur ce qui vient d’être dit, mais l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a conduit plusieurs études démontrant les effets cancérigènes de l’usage de pesticides. La dernière, publiée en 2021, est très claire : les pesticides sont dangereux, notamment pour les salariés agricoles et les enfants vivant en zone agricole.

Par ailleurs, je tenais à rappeler que l’alcool, au même titre que le tabac, constitue l’un des premiers cancérigènes. Or le lobby de l’alcool est très puissant. Alors qu’un paquet « vin » est en discussion à la Commission européenne, de nombreux acteurs travaillant dans le domaine de l’addiction s’inquiètent du possible développement de la consommation de vin à faible teneur d’alcool. Il s’agit d’une fausse bonne idée étant donné qu’une telle orientation risquerait de faciliter la consommation d’alcool chez les plus jeunes : des vins à 7 ou 8 degrés d’alcool pourraient être assimilés aux bières.

S’il est bon de créer un registre des cancers, il conviendrait donc de mener aussi une véritable politique de santé publique pour éviter l’exposition aux produits pouvant en être la cause.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je me félicite de cette initiative importante, qui permettra d’objectiver les choses : elle était attendue par de nombreux acteurs.

Je rappelle qu’il existe déjà des registres régionaux, qui se caractérisent par leur hétérogénéité. Les professionnels de santé préfèrent en effet parfois consacrer leur temps à leurs patients plutôt qu’à enregistrer les informations relatives aux cancers. L’homogénéité des méthodes d’enregistrement sera donc essentielle.

De plus, il existe aussi déjà des acteurs pour animer ces registres territoriaux, à l’instar du réseau Francim. Il faudra donc que la gouvernance de l’Inca, qui sera à la manœuvre, intègre ces acteurs – même si je sais que cet élément relève plutôt du décret.

Enfin, je tenais à réagir aux propos de Marie-Charlotte Garin et Hendrik Davi. En tant qu’agriculteur, je suis très sensible à la question des perturbateurs et des produits utilisés. Certains éléments ont été démontrés et il faut les considérer. Cela étant, d’autres recherches, comme l’étude Agrican, menée par la Mutuelle sociale agricole, montrent que les agriculteurs peuvent aussi avoir une espérance de vie supérieure à la moyenne. S’il existe bien sûr des facteurs de risque environnementaux majeurs, il y a aussi des éléments comportementaux comme l’activité physique dont il faut tenir compte. Il faut voir les choses dans leur ensemble et objectiver tous les aspects.

M. le rapporteur. Je vous remercie tous par avance pour le vote de la proposition de loi, qui devrait être conforme à celui du Sénat. Mais avant cela, je tenais à vous donner certaines précisions.

Monsieur Frappé, oui, le registre sera bien hébergé en France. J’avais vu l’amendement que vous aviez déposé sur ce point et l’Inca m’a confirmé que les données seraient stockées sur un cloud souverain administré par la société OVH. C’était une question importante.

Par ailleurs, vous avez demandé que le registre soit équitable sur le plan territorial. Vous avez raison et c’est justement son objectif, eu égard aux inégalités de représentation constatées. Jusqu’à présent, les éléments que nous tirions des registres n’étaient que des extrapolations. Couvrir l’ensemble du pays permettra une analyse précise, territoire par territoire, géographie par géographie, car les situations ne sont pas homogènes.

En ce qui concerne les zones denses, évoquées, entre autres, par M. Clouet, deux choses sont prévues. D’abord, nous nous appuierons sur les registres existants – cela répondra aussi à M. Turquois –, qui sont assez hétérogènes, mais qui serviront de référence pour toutes les remontées que collectera l’Inca. Ces registres sont précieux et permettront de faire des comparaisons et de nous assurer que la démarche est efficace et complète. D’ailleurs, il y a environ quatre ans, l’Inca avait déjà consacré 600 000 euros à la mise à niveau des registres. Ensuite, afin de compenser la surreprésentation rurale, l’Inca travaille à une analyse plus fine des zones denses, où l’exposition aux produits toxiques et dangereux peut être plus importante. La Seine-Saint-Denis pourrait être prise en exemple.

Monsieur Rousseau, le registre national permettra le croisement des données existantes. L’Inca y travaille, notamment en lien avec la direction générale des finances publiques, afin d’obtenir des éléments sociologiques plus précis. Le registre national ne sera pas une multiplication des registres, mais cumulera les sources. De cette manière, nous irons plus loin, par exemple dans l’étude des inégalités sociologiques.

J’ajoute, cette fois en réponse à M. le rapporteur général, que le registre national doit aussi apporter une vision nouvelle. Certes, nous avons du retard, mais je crois que le travail mené par l’Inca depuis quelque temps nous conduira à la pointe. Au fond, les registres actuels sont les héritiers de la pensée du XXe siècle. Ils ont été créés en réponse à certains problèmes et l’ambition est désormais de réunir ces sources pour procéder à une analyse beaucoup plus fine sur le plan épidémiologique, mais aussi s’agissant des traitements et de l’évolution des cancers. C’est toute la chaîne, prévention comprise, qui bénéficiera des enseignements de ce nouveau registre.

Comme je le disais, nous pourrions même être en avance sur les autres registres nationaux, car nous pourrons désormais tenir compte des très importantes avancées, comme dans le domaine des anomalies génétiques ou encore des nouveaux traitements. Par exemple, les données relatives aux cellules CAR‑T, nouvelles thérapeutiques nécessitant des analyses spécifiques, seront intégrées au registre national. Et je précise que l’Inca réfléchit aussi beaucoup à l’interopérabilité, autre enjeu majeur.

Nombre d’entre vous ont mentionné l’association Jeune & Rose. Je n’ai pas eu l’occasion de m’entretenir directement avec ses représentants, mais ils ont fourni une contribution.

J’y insiste, le premier objectif est de constituer un registre épidémiologique étendu nous permettant de mieux identifier les clusters et les facteurs de risques grâce à la détection des signaux faibles, que nous avons actuellement du mal à saisir car seul un quart de la population est couvert. Non seulement les territoires ruraux seront concernés, mais aussi ceux exposés à des polluants, ainsi que les zones denses – je sais que Sandrine Josso, qui a beaucoup travaillé sur cette question, y sera sensible. Et je précise qu’outre l’identification des clusters, des enquêtes de terrain seront menées dès qu’un doute émergera. Nous pouvons vraiment espérer avoir un outil beaucoup plus précis.

Autre point important, sur lequel a insisté Mme Colin-Oesterlé : la vision européenne. Certes, nous communiquons déjà nos fichiers à l’OMS et à des organismes européens, mais leur homogénéisation au travers du registre national permettra un meilleur recoupement avec les analyses européennes et donc l’émergence d’une vue plus globale. Il est vrai que nous ne répondions pas aux standards européens ; ce sera le cas. Nous pourrons ainsi mieux analyser notre système de santé, en vue de l’adapter en fonction de l’émergence de certains types de cancer selon les territoires. Les centres anti-cancéreux seront orientés sur telle ou telle pathologie précise suivant les besoins.

Monsieur Panifous, outre la question des grandes agglomérations, à laquelle j’ai déjà répondu, vous avez évoqué le sujet important du financement, que j’avais moi-même abordé dans mon propos liminaire. Le fonctionnement actuel coûte entre 10 et 12 millions d’euros ; le nouveau nécessitera une augmentation modérée des crédits. Le registre national ne sera pas une duplication des registres territoriaux et l’Inca estime que la collecte numérique et l’homogénéisation des données coûteront entre 6 et 8 millions d’euros, ce qui me semble être un chiffre raisonnable au regard des bénéfices que nous en tirerons en matière épidémiologique, de prévention et de recherche. Les attentes des chercheurs sont très élevées.

Monsieur Monnet, je l’ai dit, le premier objectif est de constituer un registre épidémiologique, sachant qu’il permettra une vision et des comparaisons européennes beaucoup plus fines.

Un autre point intéressant a été abordé par Mme Gruet : la rapidité. Les Hospices civils de Lyon ont besoin de trois à cinq ans pour exploiter les données issues des registres et communiquer leurs résultats à l’échelon national, ce qui est trop long. Grâce au nouveau registre national, les remontées seront quasi automatiques et informatisées, permettant une exploitation beaucoup plus rapide et beaucoup plus fine des données. Il s’agira d’ailleurs d’un critère d’évaluation de ce nouveau dispositif.

Madame Garin, j’ai répondu au sujet de la meilleure détection des signaux faibles que doit permettre le registre. Je ne m’exprimerai pas sur la proposition de loi Duplomb, car ce n’est pas le lieu, mais peut-être que le registre vous donnera des éléments encore plus précis !

Monsieur Davi, comme je l’ai dit, deux nouveaux registres spécifiques doivent être créés, concernant les zones denses et les zones Seveso 2. L’Inca choisira une de ces dernières pour mener des analyses plus poussées, ce qui pourra conduire à des enquêtes de terrain. L’Inserm, organe majeur lié à presque tous les registres existants, y sera associé.

Quant à la santé publique, je ne m’exprimerai pas sur l’alcool, mais vous connaissez mon combat contre le tabac. C’est un tout que nous devons prendre en compte.

Enfin, monsieur Turquois, je l’ai dit, les registres existants demeureront et serviront de référence pour s’assurer que la démarche nationale répond à tous les besoins et évite les biais. Au moins à moyen terme, ces registres sont donc confortés. Certains sont nés en réponses à des problèmes locaux, par exemple la prévalence de cancers digestifs, aussi ont-ils une certaine hétérogénéité, y compris en matière d’informatisation. Le nouveau registre doit remédier à cela également.

M. le président Frédéric Valletoux. Avant de procéder au vote, qui devrait donc être unanime, sachez, puisque la question a été soulevée, que nous devrions organiser en juillet des auditions autour de la lutte contre le tabagisme.

La commission adopte à l’unanimité l’article unique non modifié.

En conséquence, la proposition de loi est ainsi adoptée. (Applaudissements.)

M. le président Frédéric Valletoux. Je rappelle que, le texte étant soumis à la procédure de législation en commission, aucun amendement ne pourra être déposé lors de son examen en séance.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

– Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/frvM8e

– Texte comparatif : https://assnat.fr/rKxwNk

 


   ANNEXE N°1 :
LISTE DES PERSONNES entendues
PAR Le RAPPORTEUR

(Par ordre chronologique)

        Pr François Guilhot, membre de l’Académie nationale de médecine, auteur du rapport Les cancers en France : vers un registre national de fonctionnement centralisé

        Institut national du cancer (INCa)  Pr Norbert Ifrah, président, et M. Nicolas Scotté, directeur général

 


   ANNEXE N°2 :
LISTE DES contributions écrites
reçues par le rapporteur

        Mme Fanny Thauvin, ambassadrice bénévole de l’association « Jeune & Rose »

        Unicancer


   ANNEXE N°3 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

Unique

Code de la santé publique

L. 1415-2 et L. 1415‑2‑1 [nouveau]

 


([1]) Institut national du cancer, Panorama des cancers, septembre 2024.

([2]) Académie nationale de médecine, Pr François Guilhot, Les cancers en France : vers un registre national de fonctionnement centralisé, décembre 2021.

([3]) Réponse écrite du professeur François Guilhot, membre de l’Académie nationale de médecine, datée du 12 juin 2025.

([4]) Ibid.

([5]) Rapport n° 703 (20222023) fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de la loi visant à mettre en place un registre national des cancers par Mme Nadia Sollogoub, 7 juin 2023.

([6]) Au sein de l’Union européenne, la directive Seveso impose aux États membres d’identifier les sites industriels à risque.

([7]) Le Monde du 6 mai 2025.

([8]) Amendement n° COM-3.

([9]) Sous-amendement n° COM-5.

([10]) Rapport n° 703 (20222023) fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de la loi visant à mettre en place un registre national des cancers par Mme Nadia Sollogoub, 7 juin 2023.

([11]) Amendement n° COM-4.

([12]) https://assnat.fr/hSErD6