N° 1602

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 juin 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE
SUR LA RECEVABILITÉ DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION


tendant à la création d’une commission d’enquête
sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques
et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste
ou propageant l’idéologie islamiste

PAR M. Pouria AMIRSHAHI

Député

——

 

 

 Voir le numéro : 1524.


SOMMAIRE

___

Pages

Examen de la recevabilité de la proposition de résolution........ 5

Compte rendu des débats

Lettre du garde des Sceaux

 


 

MESDAMES, MESSIEURS,

Le 12 mai 2025, M. Laurent Wauquiez et les membres du groupe Droite Républicaine (DR) ont déposé la proposition de résolution (PPR) n °1382 tendant à la création d’une commission d’enquête « sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste ». Lors de la Conférence des Présidents du 13 mai 2025 ([1]), M. Wauquiez avait indiqué faire usage du « droit de tirage » qui lui est conféré par l’article 141, alinéa 2, du Règlement de l’Assemblée nationale (RAN), pour la création de cette commission d’enquête.

Saisie de cette PPR lors de sa réunion du 3 juin 2025, la commission des Lois a considéré que cette demande ne respectait pas les critères de recevabilité d’une commission d’enquête, au regard de l’imprécision des faits visés et du risque d’interférence avec des procédures judiciaires en cours. La Conférence des présidents n’a pas pu, dès lors, acter la création de cette commission d’enquête.

Le 4 juin 2025, M. Laurent Wauquiez et les membres de son groupe ont déposé la PPR n° 1524 tendant, une nouvelle fois, à la création d’une commission d’enquête « sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste ».

Lors de la Conférence des Présidents du 10 juin 2025 ([2]), le président du groupe DR a indiqué faire usage de son « droit de tirage » pour la création de cette commission d’enquête. Il revient donc à la commission des Lois de se prononcer sur la recevabilité de cette demande.

  1.   Éléments de cadrage juridique
    1.   Le « droit de tirage » des groupes minoritaires et d’opposition

Aux termes du deuxième alinéa de l’article 141 du RAN, chaque président de groupe d’opposition ou minoritaire obtient de droit, une fois par session ordinaire à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête. Dans ce cas, par dérogation à l’alinéa 1er de l’article 141, la Conférence des présidents prend acte de la création de la commission d’enquête si les conditions requises pour cette création sont réunies.

L’examen de ces conditions échoit à la commission permanente à laquelle la proposition de résolution est renvoyée. Celle-ci est alors uniquement chargée de vérifier si les conditions requises pour la création d’une commission d’enquête sont réunies : conformément à l’article 140, alinéa 2, elle ne se prononce pas sur l’opportunité d’une telle création.

De même, il n’y a pas lieu de soumettre la PPR au vote de l’Assemblée nationale. En effet, en application du deuxième alinéa de l’article 141 précité, la Conférence des présidents « prend acte de la création de la commission d’enquête » dès lors que celle-ci répond aux exigences de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et du chapitre IV de la première partie du titre III du Règlement.

  1.   Les commissions d’enquête doivent respecter un certain nombre de conditions

Les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête doivent satisfaire aux exigences de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 et aux critères fixés par les articles 137 à 139 du Règlement.

DISPOSITIONS ENCADRANT LA CRÉATION DES COMMISSIONS DENQUÊTE

1.      Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

Article 6 (extraits)

Les commissions d’enquête sont formées pour recueillir des éléments d’information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l’assemblée qui les a créées.

Il ne peut être créé de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission d’enquête a déjà été créée, sa mission prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter.

2.      Règlement de l’Assemblée nationale

Article 137

Les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont déposées sur le bureau de l’Assemblée. Elles doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. Elles sont examinées et discutées dans les conditions fixées par le présent Règlement.

Article 138

1. Est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre.

2. L’irrecevabilité est déclarée par le Président de l’Assemblée. En cas de doute, le Président statue après avis du Bureau de l’Assemblée.

Article 139

1. Le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête est notifié par le Président de l’Assemblée au garde des sceaux, ministre de la justice.

2. Si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue.

3. Lorsqu’une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le Président de l’Assemblée, saisi par le garde des sceaux, en informe le président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux.

  1.   Examen de la recevabilité de la proposition de résolution

Le rapporteur note, avant toute chose, que cette nouvelle PPR diffère très peu de la précédente qui a été déclarée irrecevable par la commission des Lois. Il soulignera donc, d’abord, les quelques différences entre les deux textes, avant de rappeler les arguments déjà exposés, qui demeurent, mutatis mutandis, valables.

  1.   Des diffÉrences mineures avec la prÉcÉdente proposition de rÉsolution

La proposition de résolution n° 1524 diffère très peu de la précédente. Le premier alinéa de son article unique reprend ainsi textuellement l’article unique de la proposition de résolution n° 1382. Elle précise néanmoins le champ des faits soumis à la commission d’enquête, qui porterait donc sur :

– « le soutien affiché par des élus et représentants de mouvements politiques à des individus ou organisations liés à des réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste » ;

– « la participation d’élus et représentants de mouvements politiques à des événements, rencontres ou manifestations en commun avec des individus ou organisations liés à des réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste » ;

– « le recours à des pratiques clientélistes par des mouvements politiques » ;

– « le risque d’entrisme lors des prochaines échéances électorales de la part d’individus, d’organisations ou réseaux ayant pour objectif de saper les fondements de la République et de la laïcité ».

L’exposé des motifs a également été modifié. La principale différence est, ainsi, la disparition des sept mentions du parti « La France insoumise » au profit de celle, plus générale, de « mouvements politiques ».

La nouvelle PPR mentionne également, cette fois, d’autres tendances de l’islam politique, comme le mouvement Tabligh ou les courants « d’inspiration wahhabo-salafiste ».

Le rapporteur ne note pas d’autres modifications significatives du périmètre ou des motivations par rapport à la précédente PPR.

  1.   De fortes interrogations demeurent sur la recevabilité de cette proposition
    1.   La précision des faits donnant lieu à enquête est incertaine

En premier lieu, la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête doit déterminer de façon précise les faits donnant lieu à enquête. Le rapporteur relève que, malgré les précisions apportées, de forts doutes peuvent être soulevés à ce propos.

  1.   L’obsession vis-à-vis d’un parti politique en particulier

L’article unique de la proposition de résolution vise, de façon générale, les « représentants de mouvements politiques », les « élus » ou les « mouvements politiques ». Une comparaison de l’exposé des motifs avec celui de la précédente PPR laisse, néanmoins, peu de doute sur l’intention des auteurs.

Comparaison des mentions entre les deux propositions de rÉsolution

Exposé des motifs de la PPR n° 1524

Exposé des motifs de la PPR n° 1382

Or de nombreux faits constatés forment un faisceau d’indices dessinant de potentiels liens de complaisance et de soutien entre des représentants de mouvements politiques et des réseaux islamistes voire terroristes.

Or, jour après jour, se forme un faisceau d’indices dessinant des liens de complaisance et de soutien entre des élus de la République, essentiellement issus de la France insoumise, et des réseaux islamistes voire terroristes.

Dès novembre 2019, plusieurs membres et responsables de mouvements politiques ont ainsi signé un appel à une « marche contre l’islamophobie » dont l’un des initiateurs était le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF).

Dès novembre 2019, des élus, notamment de la France insoumise, ont signé un appel à une « marche contre l’islamophobie » dont l’un des initiateurs était le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF).

Plus récemment, d’autres manifestations ont réuni des représentants de mouvements politiques et des individus ou organisations de la mouvance islamiste.

Plus récemment, d’autres manifestations ont réuni des membres de la France insoumise et des individus ou organisations de la mouvance islamiste.

Le 3 novembre 2024, plusieurs représentants de mouvements politiques étaient présents à une autre manifestation de soutien à la Palestine et au Liban.

Le 3 novembre 2024, des élus de la France insoumise étaient présents à une manifestation de soutien à la Palestine et au Liban à Paris

Au‑delà de ces manifestations publiques, toute la lumière doit être faite sur les relations nouées et les rencontres avérées entre des représentants de mouvements politiques et des individus ou organisations impliqués dans la diffusion de propagande islamiste ou liés à des réseaux terroristes.

Au‑delà de ces manifestations publiques, toute la lumière doit être faite sur les relations nouées et les rencontres avérées entre des représentants de la France insoumise et des individus ou organisations impliqués dans la diffusion de propagande islamiste ou liés à des réseaux terroristes.

Aussi, des faits tels que la présentation d’une liste à une élection municipale sur laquelle figurait un individu ayant soutenu publiquement l’action du Hamas et l’investiture de candidats liés à des organisations « fréristes » ou ayant soutenu de telles organisations, nécessitent le recueil d’éléments d’information complémentaires quant aux liens existants entre des mouvements politiques et des réseaux islamistes dans le cadre d’élections passées ou à venir.

À ce titre, tant la présentation par un député de la France insoumise d’une liste à l’élection municipale de Villeneuve‑Saint‑Georges sur laquelle figurait un individu ayant soutenu publiquement l’action du Hamas, que l’investiture par la France insoumise, aux élections législatives de juin 2024, d’un ancien responsable de la section locale des Jeunes Musulmans de France (organisation réputée proche de la mouvance des Frères Musulmans), nécessitent le recueil d’éléments d’information complémentaires quant aux liens existants entre un mouvement politique et des réseaux islamistes dans le cadre d’élections passées ou à venir.

De fait, les allusions restent transparentes sur le parti qui est effectivement visé par la présente proposition de résolution, à savoir La France insoumise. Or, il convient de rappeler que l’article 4 de la Constitution prévoit que les partis et groupements politiques « se forment et exercent leur activité librement ». Cette exigence empêche de mobiliser un outil de contrôle parlementaire comme les commissions d’enquête aux fins de mise en cause des prises de position d’un parti politique.

Par ailleurs, les allusions contenues dans l’exposé des motifs sont transparences et certains parlementaires restent aisément identifiables. Le rapporteur rappelle que, selon l’article 26 de la Constitution, « Aucun membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions ». Dès lors, une commission d’enquête, au regard des pouvoirs étendus dont elle dispose et des contraintes qu’elle est susceptible de faire peser sur les personnes interrogées, apparaît incompatible avec la protection dont bénéficient les parlementaires.

La commission d’enquête sollicitée apparaît, dès lors, difficilement compatible avec les exigences constitutionnelles relatives à la libre activité des partis et à la protection des prises de position politiques des parlementaires.

Par ailleurs, cette commission d’enquête serait nécessairement composée de membre du parti en question et même, potentiellement, de députés indirectement visés par l’exposé des motifs de la PPR. Il ne semble pas possible, dans ces conditions, de respecter la sérénité nécessaire aux travaux d’une commission d’enquête.

  1.   La référence à « l’idéologie islamiste » reste le prétexte à des manœuvres politiciennes

Ensuite, la proposition de résolution évoque les « organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste ». Or, la référence à ces deux notions peut poser problème pour la définition du champ de la commission d’enquête.

● La notion d’« action terroriste » peut être rapprochée de celle d’« actes de terrorisme » réprimés par le chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal. Ils incluent notamment les entreprises individuelles ou collectives ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur conduisant à la commission d’un certain nombre d’infractions (article 421-1) ou encore le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes (article 421-2-5).

Or, la référence à cette notion pose problème au regard du troisième critère de recevabilité de la proposition de résolution (voir infra), à savoir l’absence de procédures judiciaires sur les faits visés par la commission d’enquête. En effet, la commission d’enquête ne pourra mener de travaux sur de tels faits et, si elle est amenée à évoquer des faits ne faisant pas l’objet de procédures judiciaires mais qui peuvent relever des actes de terrorisme, elle sera contrainte d’interrompre ses travaux en cas d’ouverture d’une information judiciaire.

● Par ailleurs, la notion « d’idéologie islamiste » apparaît toujours ambiguë. L’exposé des motifs a diversifié les références mobilisées au-delà des seuls Frères musulmans, pour inclure le mouvement Tabligh et le « wahhabo-salafisme », conformément aux remarques émises par la rapporteure de la PPR n° 1382.

Ces ajouts ne suffisent pas, cependant, pour circonscrire ce périmètre à une enquête sur l’influence de l’islam politique en France. Afin de respecter le critère de précision des faits visés ainsi que les exigences constitutionnelles relatives à la libre activité des partis et la protection des prises de position des parlementaires, le rapporteur considère qu’il aurait fallu :

– s’abstenir de faire référence, dans l’exposé des motifs, à des faits permettant d’identifier des partis ou des acteurs politiques en particulier ;

– diversifier les sources administratives et universitaires mobilisées, afin de mieux déterminer le périmètre de l’enquête. En particulier, le rapporteur note qu’aucun des pays reconnus aujourd’hui comme promoteurs et financeurs de l’islam politique en France n’est cité.

Dès lors, les compléments apportés à la PPR n° 1524 ne peuvent suffire à rassurer la commission des Lois sur le risque de manœuvres politiciennes à l’occasion des travaux d’une telle commission d’enquête. Eu égard aux exemples mobilisés par l’exposé des motifs et rappelés supra, l’objectif reste celui de fournir au groupe DR une tribune politique à l’encontre de certains de nos collègues.

Le rapporteur considère donc que la présente PPR ne détermine pas avec précision le périmètre des faits qui seraient soumis à enquête.

  1.   L’absence de travaux d’enquête ayant le même objet au cours de l’année écoulée

En deuxième lieu, est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission d’information investie des prérogatives d’une commission d’enquête ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre.

Or, le recensement des commissions d’enquête créées depuis plus d’un an à l’Assemblée nationale indique qu’aucune de celles ayant rendu leurs conclusions dans les douze derniers mois n’a porté sur le même objet ([3]).

Aussi, ce deuxième critère de recevabilité apparaît respecté, de même que pour la précédente proposition de résolution.

  1.   Des poursuites judiciaires en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition de résolution

● Enfin, l’article 139 impose la notification, par le Président de l’Assemblée, du garde des sceaux, ministre de la justice. Si ce dernier « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue ». Il s’agit d’une contrainte évidente liée au principe de séparation des pouvoirs.

Sollicité par la Présidente de l’Assemblée nationale sur la précédente PPR, le garde des sceaux, ministre de la justice, a répondu par un courrier en date du 20 mai 2025. Il y indiquait que « le périmètre de la commission d’enquête parlementaire envisagée est susceptible de recouvrir des procédures en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition » et appelle l’attention « sur l’articulation de l’enquête parlementaire avec ces procédures judiciaires ou tout autre procédure, celle-ci ne devant pas donner lieu à des investigations sur des aspects relevant de la compétence exclusive de l’institution judiciaire ».

Au moment de la rédaction du présent document, la réponse du garde des sceaux, ministre de la justice, n’avait pas été reçue. Néanmoins, au regard de la très grande proximité, dans la rédaction et dans les motivations, entre les PPR n° 1382 et n° 1524, il est raisonnable de considérer que cette réponse devrait être similaire à la précédente.

Aussi, le rapporteur appelle à la prudence au moment d’examiner la recevabilité de cette proposition de résolution. En effet, la commission d’enquête ne pourra pas enquêter sur des faits faisant l’objet de procédures judiciaires et, comme rappelé supra, elle devra cesser ses travaux en cas d’ouverture d’une information judiciaire.

● Le rapporteur relève par ailleurs que les précisions apportées au périmètre de cette nouvelle commission d’enquête apparaissent difficilement conciliables avec ce troisième critère de recevabilité :

– le « soutien affiché par des élus et représentants de mouvements politiques à des individus ou organisations liés à des réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste » relève assez naturellement du délit d’apologie du terrorisme. La commission d’enquête ne pourra donc porter sur de tels faits sans risquer d’interférer avec les compétences de l’autorité judiciaire ;

– la « participation d’élus et de représentants de mouvements politiques à des événements, rencontres ou manifestations en commun avec des individus ou organisations liés à des réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste » peut également relever de l’apologie du terrorisme, si cette participation s’apparente à un soutien. En dehors de ce cas précis, la simple participation à des événements ne peut relever de faits soumis à une commission d’enquête ;

– le « recours à des pratiques clientélistes par des mouvements politiques » constitue également un axe d’enquête incompatible avec le troisième critère de recevabilité, dès lors que ce clientélisme se traduit par des infractions à la loi pénale. Pour le reste, il apparaît complexe d’objectiver ce qui pourrait relever de pratiques clientélistes ;

– la référence au « risque d’entrisme lors des prochaines échéances électorales » mobilise un concept peu défini également, toute personne pouvant être éligible dès lors qu’elle remplit les conditions déterminées par le code électoral.

Il semble donc délicat, pour les travaux d’une telle commission d’enquête, de respecter le troisième critère de recevabilité tenant à l’absence de procédures judiciaires en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition.

*

Le rapporteur considère, au regard des éléments développés supra, que cette proposition de résolution ne respecte toujours pas les critères de recevabilité des commissions d’enquête.

La référence à « l’idéologie islamiste » constitue un prétexte : il ne s’agit pas de mener un travail sérieux sur l’influence de l’islam politique en France mais d’enquêter sur un parti politique en particulier et même sur certains de nos collègues. Une telle commission d’enquête représenterait de graves entorses aux principes constitutionnels de liberté de l’activité des partis et d’immunité des parlementaires pour les opinions qu’ils expriment.

Enfin, le rapporteur rappelle, de nouveau, qu’une telle commission d’enquête associerait des membres appartenant au parti visé par les auteurs de la proposition de résolution. Il semble délicat, dans ces conditions, de procéder à une enquête portant sur un tel sujet avec la sérénité requise pour des travaux parlementaires.

 

*

*     *

 

 


   Compte rendu des débats

Lors de sa deuxième réunion du mercredi 18 juin 2025, la Commission examine la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste (n° 1524) (M. Pouria Amirshahi, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/LmCPxy

M. le président Florent Boudié. Mes chers collègues, l’ordre du jour appelle l’examen de la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste, à la demande du groupe Droite républicaine dans le cadre de son droit de tirage. L’article 141 du règlement de l’Assemblée dispose : « Chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête satisfaisant aux conditions fixées par les articles 137 à 139 ».

M. Pouria Amirshahi, rapporteur. Voilà un peu plus de deux semaines, le 3 juin dernier, que notre commission s’est déjà opposée à la recevabilité d’une commission d’enquête demandée par le groupe Droite républicaine sur « les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste ». La clarté étant de mise, car nous avons déjà eu cette discussion, nous pouvons convenir qu’elle peut aussi s’appeler, plus explicitement, « anti-LFI », puisqu’il s’agit sans doute de son objet. Conformément à l’article 141 du règlement de l’Assemblée nationale, la Conférence des présidents n’a pas pu avaliser la création de cette commission d’enquête, en dépit du fait qu’elle était sollicitée par le président du groupe, M. Wauquiez, dans le cadre de son droit de tirage.

La commission des lois est saisie d’une nouvelle proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête au titre identique à la précédente. M. Wauquiez a de nouveau indiqué à la Conférence des présidents, le 10 juin, qu’il souhaite faire usage du droit de tirage de son groupe pour cette session – perserverare diabolicum, comme dit l’adage. Il appartient à la commission des lois, commission permanente compétente, de se prononcer sur la recevabilité de cette demande.

Si le titre de la proposition de résolution est rigoureusement identique à celui de la précédente, son contenu présente quelques différences, qui justifient notre mobilisation une partie de cet après-midi. J’espère que, renseignés pas notre réunion sur le même sujet, nous saurons avancer avec esprit de synthèse.

La commission doit apprécier la recevabilité de la commission d’enquête sur la base de trois critères : la détermination précise soit des faits donnant lieu à enquête, soit des services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ; l’absence de travaux d’enquête ayant le même objet et dont les conclusions auraient été rendues dans les douze mois précédents ; l’absence de poursuites judiciaires en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition. C’est à l’aune de ces trois critères que je livrerai des éléments de conclusion.

Le périmètre de cette commission d’enquête soulève toujours des questions. J’ai recensé dans l’état d’avancement des travaux, qui vous a été envoyé hier, les différences limitées entre les deux propositions de résolution. Ainsi, les auteurs ont remplacé les sept mentions du parti La France insoumise au sein de l’exposé des motifs par des formules plus générales telles que « représentants de mouvements politiques », « élus » et « mouvements politiques ». Cependant, les allusions restent transparentes et permettent toujours d’identifier un parti et des parlementaires. Par exemple, si le précédent exposé des motifs faisait référence à « des manifestations qui ont réuni des membres de La France insoumise et des individus ou organisations de la mouvance islamiste », la nouvelle proposition de résolution fait référence à « des manifestations qui ont réuni des représentants de mouvements politiques et des individus ou organisations de la mouvance islamiste ».

La commission des lois ne peut être dupe. L’intention des auteurs est toujours la même : exploiter cette commission d’enquête à l’encontre d’un parti en particulier et de certains parlementaires. Je rappelle que l’article 4 de la Constitution protège la libre activité des partis, ce qui vaut pour tous les partis, et que son article 26 prévoit l’immunité des parlementaires à l’occasion des opinions émises dans l’exercice de leurs fonctions. La proposition du groupe Droite républicaine me semble, de ce point de vue, radicalement incompatible avec ces exigences.

Par ailleurs, la référence à l’idéologie islamiste constitue sans doute un prétexte, une fois encore, pour détourner une commission d’enquête en une forme – pardonnez-moi l’expression – de tribunal politique à l’encontre de certains de nos collègues. En effet, le phénomène sur lequel il conviendrait d’enquêter est très peu documenté. Les principaux pays reconnus comme financeurs de l’islam politique en France ne sont même pas mentionnés. L’exposé des motifs, quant à lui, ne cite que des exemples limités d’éléments qui seraient soumis à enquête, tels que la participation à des manifestations ou la publication de tribunes. Il ne s’agit certainement pas, vous en conviendrez, de faits pouvant donner lieu à enquête.

Le deuxième critère soulève moins de difficultés. Je n’ai identifié aucun travail d’enquête ayant rendu ses conclusions dans les douze derniers mois qui aurait porté sur le même sujet – mais dans le cas contraire, n’hésitez pas à le signaler ou taisez-vous à jamais, selon la formule usuelle.

Le troisième critère, en revanche, peut difficilement être considéré comme respecté. Sollicité par la présidente de l’Assemblée nationale sur la précédente proposition de résolution, le garde des sceaux a répondu que le périmètre de la commission d’enquête était susceptible de recouvrir des procédures en cours et appelé l’attention sur l’articulation nécessaire de ses travaux potentiels avec des procédures judiciaires ou toute autre procédure. Il a aussi rappelé que l’enquête parlementaire ne doit pas donner lieu à des investigations sur les aspects relevant de la compétence exclusive de l’institution judiciaire, selon une règle consacrée parfaitement connue de chaque membre de notre commission.

Sollicité sur la nouvelle proposition de résolution, le garde des sceaux a répondu par courrier en date du 17 juin. Sa réponse n’ayant pas tardé, je vous la livre avec la même diligence : elle est rigoureusement identique à la précédente, ce qui illustre la très grande proximité entre les deux propositions de résolution.

À l’aune de sa réponse, la commission des lois ne peut qu’être circonspecte. Si les faits visés par les auteurs de la proposition de résolution sont constitutifs d’infractions pénales, alors c’est à l’autorité judiciaire qu’il revient d’enquêter. S’ils ne le sont pas, ils relèvent de prises de position politiques du parti et des parlementaires en question, qui sont protégés par les articles 4 et 26 de la Constitution.

Les quelques précisions apportées au champ de la commission d’enquête par rapport à la précédente proposition de résolution ne sont pas de nature à nous rassurer. Premièrement, le soutien affiché par des élus et représentants de mouvements politiques à des individus ou organisations liées à des réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste relève assez naturellement du délit d’apologie du terrorisme. La commission d’enquête ne pourra donc porter sur de tels faits sans risquer d’interférer avec les compétences de l’autorité judiciaire.

Deuxièmement, la participation d’élus et de représentants de mouvements politiques à des événements, rencontres ou manifestations en commun avec des individus ou organisations liées à des réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste peut également relever de l’apologie du terrorisme si cette participation est assimilable à un soutien. Hormis ce cas précis, la simple participation à des événements sur la voie publique n’est pas constitutive de faits susceptibles d’être soumis à une commission d’enquête.

Troisièmement, le recours à « des pratiques clientélistes par des mouvements politiques » constitue également un axe d’enquête incompatible avec le troisième critère de recevabilité d’une demande de création de commission d’enquête, dès lors que ce clientélisme donne lieu à des infractions à la loi pénale. Au reste, il semble complexe d’objectiver ce qui pourrait relever de pratiques clientélistes

Quatrièmement, la référence au « risque d’entrisme dans les prochaines échéances électorales » mobilise un concept peu défini légalement. Toute personne pouvant être éligible dès lors qu’elle remplit les conditions déterminées par le code électoral, elle pourrait être ainsi incriminée. Je rappelle que le concept d’entrisme a été théorisé par Léon Trotski dans un autre contexte, vous en conviendrez, et qu’en l’espèce il me semble peu adapté aux préoccupations soulevées par le groupe Droite républicaine. Nous pourrons digresser sur la tradition d’entrisme, d’une autre époque, mais plutôt hors du cadre de nos travaux, car elle ne me semble pas relever de nos considérations réglementaires et législatives.

En conclusion, je considère que la nouvelle proposition de résolution du groupe Droite républicaine ne respecte toujours pas les critères de recevabilité d’une commission d’enquête. D’abord, il pourrait s’agir de mener une vendetta politique contre un parti en particulier, détournant ainsi l’objet d’une commission d’enquête. Ensuite, les faits qui seraient soumis à enquête relèvent soit d’infractions pénales et donc de la compétence de l’autorité judiciaire, ce qui nous empêche de nous pencher dessus plus avant, soit de principes constitutionnels protégeant la libre activité des partis et l’immunité des parlementaires dans l’expression de leurs opinions, ce qui rend sans objet leur mise en accusation. Enfin, la commission d’enquête concernée associerait nécessairement des membres du parti dont il est question, ce qui, de toute évidence, nuirait à la nécessaire sérénité des travaux.

Dès lors, la commission des lois ne peut, selon moi, valider la recevabilité de cette initiative auprès de la Conférence des présidents.

M. le président Florent Boudié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jonathan Gery (RN). Nous sommes appelés à nous prononcer sur la recevabilité d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête, proposée par nos collègues du groupe Droite républicaine dont la famille politique a une responsabilité dans le développement de l’idéologie islamiste sur notre territoire. En dépit des arrière-pensées politiciennes qui la sous-tendent, le Rassemblement national se réjouit que, après tant d’années de cécité, de mutisme et de stratégie électoraliste, pour ne pas dire clientéliste, la droite républicaine envisage de s’attaquer à l’obscurantisme islamiste.

Sur la forme, nous considérons que la proposition de résolution est légitime et recevable. Sur le fond, le groupe Droite républicaine a l’habitude de s’allier avec toute la classe politique lors des élections, de l’extrême-gauche au centre, et de reprendre à son compte le programme du Rassemblement national à chaque fait d’actualité.

Cette proposition de résolution soulève une question essentielle : les liens possibles, directs ou indirects, entre des représentants politiques et des associations, des réseaux et des organisations relayant ou soutenant l’idéologie islamiste. Nous l’avons dit et répété : l’islamisme n’est pas seulement une menace extérieure. Il avance masqué au sein de notre société, dans certains quartiers, dans certaines associations, dans certains discours. Il infiltre, influence, agit.

Cette lucidité, nous l’avons, nous, depuis longtemps Le Rassemblement national n’a jamais détourné le regard. En février 2021, Marine Le Pen déposait une proposition de loi visant à combattre les idéologies islamistes. Ce que nous demandons, ce ne sont pas des constats supplémentaires. Ce sont des décisions, des actes. Les Français, dans leur immense majorité, sont inquiets : 88 % d’entre eux souhaitent l’interdiction des Frères musulmans ; 75 % estiment que la France est trop laxiste face à l’islamisme. Le Rassemblement national est prêt. Il est constant et déterminé à mener cette bataille.

M. Sébastien Huyghe (EPR). La commission des lois est de nouveau saisie de la recevabilité de la proposition de résolution de nos collègues du groupe Droite républicaine tendant à la création d’une commission d’enquête sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et d’organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste. Je tiens à souligner les évolutions rédactionnelles apportées à la proposition de résolution, dont l’orientation est plus neutre et davantage conforme aux objectifs réels d’une commission d’enquête que la précédente.

Son article unique a été précisé. Il dresse une liste plus structurée des thèmes sur lesquels la commission concentrera ses travaux, ce qui en clarifie la portée et en renforce la légitimité. Malgré ces évolutions, le sujet peut susciter des réactions vives au sein de notre commission. Je veillerai donc, comme la dernière fois, à m’en tenir autant que possible au cadre qui nous est fixé.

La question des éventuels soutiens ou complicités entre certains élus de la République et des réseaux islamistes nourrit le débat public depuis plusieurs années, plus encore depuis l’attaque terroriste du 7 octobre 2023, qui a déclenché un conflit ininterrompu depuis lors. Mais ce qui nous occupe aujourd’hui, c’est la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête. Sur ce point précis, les conditions de recevabilité, telles qu’elles sont inscrites dans le règlement de l’Assemblée nationale, sont remplies.

Une commission d’enquête est proposée au titre du droit de tirage, conformément aux principes de notre démocratie parlementaire et dans le respect du règlement de l’Assemblée. Nous prenons acte de cette initiative. Le groupe Ensemble pour la République sera favorable à la création de cette commission d’enquête. Sans préjuger des conclusions auxquelles elle pourrait aboutir, il nous semble qu’un tel sujet mérite d’être abordé dans un cadre institutionnel clair avec les outils d’investigation que le Parlement peut mobiliser.

Sur le fond, les travaux préalables semblent s’intéresser beaucoup aux Frères musulmans et à des associations en lien avec cette mouvance. Pourtant, le rapport intitulé Frères musulmans et islamisme politique en France remis au ministre de l’intérieur le 21 mai dernier indique que cette mouvance est en déclin et vieillissante. La progression de l’islamisme que nous observons en France ne peut se résumer à l’action d’une seule organisation. Nous espérons donc que la commission d’enquête s’intéressera à toutes les structures actives dans la diffusion de l’idéologie islamiste.

Par ailleurs, la question se pose d’une éventuelle interférence entre les travaux de la future commission d’enquête et certaines procédures en cours, administratives – notamment en vue de la dissolution d’associations – ou judiciaires. Nous espérons que ce point sera pris en compte dans les futurs travaux. Enfin, nous appelons à faire en sorte que les travaux menés dans ce cadre soient rigoureux, méthodiques et impartiaux. Si cette commission d’enquête est créée, elle devra s’appuyer sur des faits établis, conduire des auditions pertinentes et suivre une démarche exigeante, ce dont nous ne doutons pas.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Il y a deux semaines, nous examinions la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste. Demandée par M. Wauquiez, la création d’une telle commission a été rejetée par notre commission. Il récidive – sûrement se pense-t-il intelligent de renouveler ce triste spectacle.

Nous examinons donc la même proposition de résolution, avec le même titre et le même contenu outrancier. Subtilité procédurale de taille : cette commission d’enquête est toujours destinée à s’attaquer à La France insoumise, mais notre mouvement n’est plus mentionné dans le texte de M. Wauquiez, ce qui le rend peut-être beaucoup plus subtil à ses yeux, mais non moins attentatoire au règlement de notre assemblée et par conséquent irrecevable.

Ce pénible remake et cet excès de zèle ne peuvent que nous surprendre. M. Wauquiez sait-il que son congrès est toujours perdu ? Qu’il n’y a pas de nouveau vote ? Que les plateaux de CNews n’ont toujours pas remplacé notre commission des lois ? Il y a deux semaines, je proposais plutôt une commission d’enquête visant à éclairer les raisons pour lesquelles le parti Les Républicains s’est effondré à moins de 5 % aux dernières élections présidentielles, mais d’autres interrogations subsistent et méritent elles aussi que nous enquêtions.

Pourquoi un parti prétendument républicain ne s’inquiète-t-il pas lorsqu’une députée du Rassemblement national se félicite que cette commission d’enquête reprenne à son compte leur programme ? Pourquoi ce même parti, si intéressé par la lutte contre le terrorisme islamiste, est-il prêt à diffamer ses adversaires politiques de la pire des manières ? Ne balaye-t-il jamais devant sa porte ? A-t-il déjà analysé les conséquences de la guerre en Libye lancée par Nicolas Sarkozy sur la déstabilisation de la zone sahélo-saharienne et sur la prolifération de mouvements terroristes islamistes dans cette région ?

Comment un parti anciennement républicain, dont les dirigeants se sont honorés en s’opposant à une guerre préventive en Irak, a-t-il pu devenir un parti atlantiste avalisant une guerre préventive en Iran contraire au droit international ? Pourquoi ce parti si déterminé à lutter contre toutes les formes de délinquance et de criminalité ne dit-il jamais rien sur la violence d’extrême-droite sinon pour préserver Mme Le Pen et son entourage ?

M. Wauquiez a l’air d’oublier que la violence d’extrême-droite est un danger majeur pour la France, que les services de renseignement s’inquiètent de la montée en puissance de cette menace et que, depuis 2017, près de vingt projets d’attentats d’extrême-droite auraient été déjoués dans notre pays. Il ne dit pas que l’extrême-droite tue, qu’elle a tué Hichem Miraoui, assassiné par un admirateur du Rassemblement national.

Pourquoi ce parti si prompt à commenter le moindre fait divers ne dit-il rien lorsque Disclose révèle que 215 gendarmes et policiers ont harcelé, agressé et violé plus de 400 femmes et enfants qu’ils étaient censés protéger en utilisant en leurs armes de service pour les menacer, en utilisant des fichiers internes pour récupérer les coordonnées de leurs cibles, en simulant des perquisitions et en usant de leur statut pour imposer le silence ? Sûrement parce que, comme Mme Le Pen, les violences faites aux femmes et aux enfants n’intéressent M. Wauquiez que lorsqu’elles sont perpétrées par des étrangers ou des personnes racisées ; lorsqu’elles sont commises par des hommes blancs en uniforme ou surveillants d’école privée catholique, autant les ignorer. M. Wauquiez sait-il que les violences sexuelles sont des violences systémiques avant tout commises par des hommes ?

Notre conclusion est toujours la même : le programme des Républicains et l’attitude de ses dirigeants n’ont rien à envier au Rassemblement national. La candidature commune avec lui en 2027 est donc sur de très bons rails. La baisse du pouvoir d’achat, les inégalités qui augmentent, la destruction de l’hôpital public et de l’éducation, le recul de la démocratie, l’inaction climatique, la lutte contre les violences faites aux femmes, la corruption au sommet de l’État, la relégation de la France à l’international, la multiplication des actes racistes, autrement dit les préoccupations principales des Français qui, elles, mériteraient des commissions d’enquête, peuvent toujours attendre ! Le temps où Les Républicains se souciaient des préoccupations quotidiennes de nos concitoyens est si lointain que les Français ne s’en souviennent même plus.

M. Paul Christophle (SOC). Le 3 juin dernier, notre commission a souverainement décidé de rejeter la commission d’enquête demandée par le groupe Droite républicaine visant à enquêter sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste, que j’appelle, comme notre rapporteur, « commission d’enquête anti-LFI ». Il me semble que la décence et le respect du fonctionnement de notre assemblée auraient dû conduire le groupe Droite républicaine à prendre acte de ce rejet plutôt que chercher à le contourner en provoquant un nouveau vote. Je crois même qu’il s’agit d’une triste première. Malgré les quelques ajustements cosmétiques apportés, cette commission d’enquête reste la même sur le fond et les arguments que nous avions opposés à sa création demeurent.

Nous répétons qu’elle est triplement indigne : de notre assemblée, du débat démocratique et d’un parti politique qui n’a plus de républicain que le nom et dont les dérives répétées et incontrôlées tiennent désormais lieu de ligne politique. La lutte contre les séparatismes sectaires et religieux ne doit faire l’objet d’aucune hésitation, d’aucun atermoiement, mais elle ne doit pas être instrumentalisée à des fins politiques.

La suppression de toute référence à un parti politique dans l’exposé des motifs ne dupe personne : cette commission d’enquête a pour seule finalité de viser spécifiquement les élus d’un parti politique. Pas plus qu’il y a deux semaines vous ne précisez les faits illustrant les liens de ce parti avec des organisations terroristes. Ce seul constat devrait suffire à prononcer l’irrecevabilité de votre demande.

Plutôt que d’admettre que votre commission d’enquête est irrecevable, vous persistez à vouloir dévoyer un outil de contrôle parlementaire précieux et sérieux pour enquêter sur un adversaire politique, alimentant une confusion des genres qui ne peut que renforcer la défiance envers nos institutions et abîmer la séparation des pouvoirs. Accepter cette commission d’enquête crée un précédent dangereux.

Nous aurions espéré de votre part un sursaut républicain ; il n’est pas venu. Aussi, peut-on encore parler de droite républicaine quand on observe la dérive idéologique totale de ce groupe, incarnée par son président, Laurent Wauquiez ? Pour notre part, nous considérons que vous êtes un danger pour la République et pour son unité.

M. Vincent Jeanbrun (DR). Je le disais la dernière fois : l’islamisme radical a déclaré la guerre à notre pays. Il l’a déclaré d’abord par la violence, en commettant les attentats terroristes qui ont endeuillé notre pays et fait tant de morts et tant de victimes. Désormais, cette guerre avance également par les mots, par une idéologie rampante qui fait de l’entrisme à divers niveaux de notre société, comme l’ont démontré la chercheuse du CNRS, Florence Bergeaud-Backler, dans son ouvrage Le frérisme et ses réseaux, et le récent rapport du ministère de l’intérieur sur l’infiltration des organisations de notre pays et des institutions européennes.

L’islamisme radical représente désormais une menace pour notre République et pour notre nation. Son but est clairement de défier les valeurs qui constituent notre République, de combattre l’universalisme républicain et d’imposer une vision religieuse et radicale à notre pays. Ce qui est plus grave, c’est que certains responsables politiques aient participé à des événements avec des islamistes radicaux, parfois même avec des fichés S.

En 2019, des élus de notre Parlement ont signé un appel lancé par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), organisation désormais dissoute en raison de ses liens avec l’islam radical. En 2024, des manifestations ont fait des appels à l’intifada dans les rues de Paris, rendu hommage à des chefs terroristes et fait des références abjectes au massacre du 7 octobre. Durant ces manifestations, le leader du collectif Urgence Palestine faisait fièrement référence au « déluge d’al-Aqsa », qui est l’appellation par le Hamas du massacre antisémite perpétré le 7 octobre 2023. Ces faits ne sont pas isolés. Mis bout à bout, ils montrent qu’il peut exister des relations troubles entre certains partis politiques et des réseaux islamistes.

Face à tout cela, notre responsabilité est claire. Nous avons le droit, constitutionnel, de faire la lumière sur ces relations troubles. Nous avons surtout le devoir de mettre en lumière s’il y a ou non des liens coupables entre certains élus de cette assemblée et des formations politiques ou religieuses cherchant à abattre la République.

M. le rapporteur considère qu’il n’y a rien dans l’exposé des motifs et nous dit, en quelque sorte, « circulez, il n’y a rien à voir », tout en exposant les réserves du garde des sceaux qui laisse entendre qu’il y a matière à qualification pénale et qu’il ne faudrait pas que nous interférions avec des enquêtes potentielles. Il faudrait savoir : soit nul n’a rien à se reprocher, soit la justice est d’ores et déjà saisie de relations troubles entre certains élus de l’hémicycle et des formations politiques islamistes et il faut mener l’enquête.

Mme Catherine Hervieu (EcoS). La proposition de résolution soumise à notre examen vise à créer une commission d’enquête sur les liens supposés entre certains mouvements politiques et des réseaux islamistes. Je tiens à être très claire et ferme : il ne s’agit nullement de nier la réalité de la menace terroriste. La question est de savoir si les conditions juridiques et constitutionnelles de recevabilité de cette résolution sont réunies. La réponse est non, trois fois non.

L’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 est clair : une commission d’enquête ne peut porter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites, à une information judiciaire ou à des décisions juridictionnelles tant que les procédures sont en cours. Or, selon le garde des sceaux, les faits évoqués pourraient entrer en conflit avec des actions déjà menées par les services de son ministère ou être déjà soumis à des procédures administratives ou juridictionnelles. Dès lors, la proposition de résolution est irrecevable, la commission d’enquête risquant d’empiéter sur le travail de l’autorité judiciaire.

Surtout, une commission d’enquête parlementaire doit porter sur des faits précis, circonscrits et vérifiables, et non sur des impressions, des opinions ou des appartenances supposées, voire fantasmées. Or la proposition ne vise aucun fait délimité : il est question, dans l’exposé des motifs, de « faisceau d’indices » ou de « potentiels liens de complaisance ». De telles formulations ne permettent pas de définir un objet d’enquête clair et ouvrent la voie à des investigations à l’aveugle, sans bornes ni critères précis, dont le but semble être moins la recherche de la vérité que la mise en accusation politique de formations concurrentes sur la base d’une réalité fantasmée. J’en veux pour preuve la référence au rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France », dont la méthodologie comme les conclusions sont fortement contestées.

En réalité, cette proposition de résolution installe le soupçon d’une collusion entre une partie de la représentation nationale et le terrorisme. Il ne s’agit pas d’enquêter sur des responsabilités précises, mais de créer un tribunal politique parallèle devant lequel des partis, des élus ou des collectifs seraient convoqués sans réelle procédure contradictoire, en une instrumentalisation du pouvoir d’enquête du Parlement.

Nous devons lutter contre les menaces qui pèsent sur la République, mais pas au mépris du droit, de la séparation des pouvoirs et du respect des libertés individuelles et collectives. Créer une commission d’enquête parlementaire pour désigner des ennemis de l’intérieur parmi les élus de la République sans critère objectif ni délimitation des faits serait contraire à l’esprit de nos institutions.

Nous ne contestons ni la nécessité de protéger la République ni la gravité de la menace islamiste lorsqu’elle s’attaque à nos libertés, mais nous affirmons que la protection de la République passe aussi par la protection de ses principes, qui interdisent de faire du Parlement le bras armé de ce qui s’apparente à une chasse aux sorcières. Cette proposition de résolution, telle qu’elle est formulée, n’est pas recevable juridiquement. Nous nous y opposerons.

Mme Blandine Brocard (Dem). Le groupe Droite républicaine fait usage de son droit de tirage pour proposer la création d’une commission d’enquête « sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste ». Conformément à l’esprit de notre démocratie parlementaire, et dans le respect des prérogatives reconnues aux groupes politiques par le règlement de notre assemblée, notre groupe soutiendra cette proposition de résolution, dont les conditions de recevabilité sont remplies.

Cependant, plusieurs observations importantes s’imposent, tant sur le fond que sur la forme.

Premièrement, les commissions d’enquête se multiplient depuis quelques mois – pas moins de huit sont en cours – et ce phénomène nous interroge. Il est de notre responsabilité de ne pas banaliser ce qui doit rester un outil exceptionnel de contrôle parlementaire. La création en série de ces commissions finit par affaiblir leur portée en diluant leur impact, en accaparant notre temps et en rendant difficile l’exercice normal de notre mandat de législateur. Le travail parlementaire perd ainsi en clarté ce qu’il gagne en apparente réactivité.

Deuxièmement, il faut rappeler avec force ce que doit être et ce que ne doit pas être une commission d’enquête parlementaire. Ces commissions ont vocation à examiner la gestion de services publics, à faire la lumière sur des dysfonctionnements et à permettre au Parlement de mieux jouer son rôle de contrôle de l’exécutif. Ce ne sont pas des juridictions parallèles et elles ne sauraient ni devenir des instruments de règlement de comptes politiques – comme on le constate déjà – ni se substituer à l’autorité judiciaire. La jurisprudence constitutionnelle et le principe de séparation des pouvoirs interdisent d’interférer dans des procédures en cours. À cet égard, nous saluons les précisions apportées à la proposition de résolution et nous serons particulièrement attentifs au respect de cette ligne rouge.

Enfin, nous appelons à une conduite rigoureuse, méthodique et impartiale des travaux qui pourraient être menés dans ce cadre. Si cette commission voit le jour, elle devra s’en tenir à des faits objectivés, à des auditions utiles et à une méthodologie sérieuse. Elle devra préserver l’exigence de neutralité inhérente à notre mandat. Soyons clairs : si l’objectif affiché est de faire la transparence sur de potentiels réseaux d’influence ou de financement liés à l’islamisme radical, nous n’aurons rien à y redire ; mais si cette démarche devait glisser vers une logique de stigmatisation ou de soupçon généralisé, la vigilance s’imposerait.

Nous approuvons le principe de cette commission d’enquête, dans le cadre du droit de tirage reconnu aux groupes politiques, mais nous appelons à la responsabilité, aussi bien dans l’usage de nos outils parlementaires que dans le respect des principes de notre État de droit ou dans la conduite des travaux à venir.

M. Jean Moulliere (HOR). Cette proposition de résolution s’inscrit dans le cadre du droit de tirage annuel, qui permet à chaque groupe de créer la commission d’enquête de son choix. Le groupe Horizons & indépendants prend acte du choix du groupe Droite républicaine de recourir à son droit de tirage et votera en faveur de la recevabilité de cette proposition.

M. Paul Molac (LIOT). Chacun aura bien compris le but ultime de cette proposition de résolution. Apprécions le caractère gaguesque de la situation : nous sommes réunis pour que des politiques puissent incriminer d’autres politiques tout en siégeant dans une commission qui s’efforcera de séparer le bon grain de l’ivraie – on nage un peu dans le n’importe quoi. Je n’étais déjà pas convaincu la première fois ; je ne le suis pas davantage aujourd’hui. Nous nous opposerons à cette proposition.

M. Édouard Bénard (GDR). Visiblement, le trumpisme à la française a de beaux jours devant lui. Je n’ai rien à ajouter aux propos de notre collègue Molac, si ce n’est pour rappeler notre opposition ferme, politique et de principe à une telle instrumentalisation. Le groupe GDR s’opposera à la création de cette commission d’enquête.

Mme Brigitte Barèges (UDR). Comme l’a objectivé le rapport sur les Frères musulmans publiés dans une version expurgée par le gouvernement en mai dernier, l’islam politique déploie une véritable stratégie multifacette pour imposer la charia dans certains territoires. Le document fait notamment état de risques de clientélisme électoral dans le cadre des élections municipales de 2026. Ces faits constituent une véritable menace existentielle pour la République.

Parallèlement, une certaine complaisance, voire une complicité, semble exister entre certains élus et des réseaux islamistes, comme l’établissent plusieurs rencontres et marques de soutien à des organisations liées à l’islam politique, dont les Frères musulmans. Il en va ainsi de l’invitation, par un groupe politique, des Étudiants musulmans de France et du Collectif contre l’islamophobie, organisations controversées proches des Frères musulmans, à une table ronde organisée à l’Assemblée nationale le 12 mars 2025. Le Figaro Magazine a quant à lui mis en lumière la collusion entre un parti et des activistes propalestiniens qualifiés d’islamistes. Tout cela, à quoi s’ajoutent des déclarations perçues comme ambiguës sur le Hamas et le refus de le qualifier d’organisation terroriste en 2023, alimente les soupçons d’électoralisme à l’intention des communautés musulmanes, dont témoigne le vote de 62 % des musulmans aux européennes de 2024.

Dans le même temps, la XVIIe législature est marquée par une polarisation croissante des positions sur la laïcité et l’islamisme, exacerbée par des débats consacrés au séparatisme et à l’immigration. Je songe par exemple à la proposition de création d’une commission d’enquête sur « l’islamophobie d’atmosphère », fondée sur des données du Collectif contre l’islamophobie en Europe, qui a été perçue comme une tentative de minimiser les critiques pouvant être formulées à l’encontre de l’islamisme tout en renforçant son discours auprès de l’électorat musulman.

En réponse, cette proposition de résolution vise, en s’appuyant sur des travaux comme ceux de Florence Bergeaud-Blackler, à débusquer les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et les organisations et réseaux qui soutiennent l’action terroriste en propageant l’idéologie islamiste. Elle révèle une volonté de contrer ce que Laurent Wauquiez qualifie de « privilège rouge », c’est-à-dire une tolérance supposée des dérives de l’extrême gauche, mais aussi de réaffirmer les principes républicains face à une menace jugée croissante.

Le groupe UDR votera pour la création de cette commission d’enquête, qui concerne un sujet vital pour notre pays et la sauvegarde des institutions de la République. Les critères de recevabilité sont satisfaits, puisque son objet est suffisamment précis et qu’aucune enquête judiciaire n’est en cours ce sujet. Nous resterons toutefois attentifs à ce que les commissions d’enquête, qui ne doivent pas être dévoyées sous peine de perdre de leur force, ne soient pas peu à peu détournées de leur objet et transformées en terrain de règlement de comptes politiques.

M. Pouria Amirshahi, rapporteur. De deux choses l’une : soit les faits visés par cette commission d’enquête sont pénalement répréhensibles, donc susceptibles de faire l’objet d’une instruction judiciaire, auquel cas nous n’avons pas à nous en saisir ; soit ils relèvent de la liberté d’agir, d’aller et venir – y compris en se rendant dans des manifestations – des parlementaires, et nous n’avons pas non plus à nous en saisir, ces libertés étant garanties par les articles 4 et 26 de la Constitution.

Soyons attentifs aux dérives que peuvent engendrer ce type de débats. Certains évoquent un rapport sur l’entrisme. De quoi parle-t-on ? De personnes que leur origine rendrait susceptibles de ne pas être pleinement fidèles à la nation française ? Prenons garde : cela a été dit de Blum à une époque. À moins qu’il ne s’agisse de faits qu’on leur reprocherait ? Mais, là encore, soit ces faits relèvent de poursuites judiciaires, soit ils relèvent de l’activité normale d’un parti ; dans les deux cas, nous n’avons pas à nous en préoccuper.

La question pourrait nous occuper longtemps, mais peut-être n’avons-nous pas intérêt à nous y attarder. Les liens ambigus qui peuvent s’établir entre des responsables politiques et des financeurs ou des acteurs du terrorisme sont parfois si opaques et complexes qu’il faut des années d’enquête pour comprendre qui fait quoi. Prenez l’exemple de MM. Kadhafi et Sarkozy : M. Kadhafi a été mis en cause dans le cadre de l’attentat de Lockerbie de 1988. Il a été mis au ban de la communauté internationale et soumis à une série de sanctions. Trente ans plus tard, des enquêtes impliquent à la fois ce même Kadhafi et des responsables politiques français de haut rang – jusqu’à, excusez du peu, un ancien président de la République. Ces questions n’ont pas fait l’objet d’une commission d’enquête, parce qu’elles renvoient à des faits précis qui ont permis, avec le temps, de relier des fils entre eux.

En tant que parlementaires membres de la commission des lois, nous devrions nous en tenir au cadre légal et réglementaire qui s’impose à nous. Je ne doute pas de votre sincérité ni de la nécessité de lutter contre toutes les formes d’intégrisme et de terrorisme, qui font du mal à la société et à la République, mais, de grâce, essayons d’avancer avec sérénité et pas en instrumentalisant nos institutions : nous ferions le bonheur des adversaires de la République.

M. le président Florent Boudié. Je me dois pour ma part de rappeler que le droit de tirage est un droit qui trouve son fondement dans la Constitution et que nous devons nous prononcer sur cette proposition de résolution indépendamment de notre opinion sur son intitulé et sur l’exposé des motifs.

La commission déclare recevable la proposition de résolution.

La commission considère que les conditions requises pour la création de la commission d’enquête sont réunies.


   Lettre du garde des Sceaux

 


([1])  Le relevé de conclusion de cette réunion de la Conférence des Présidents est consultable en suivant ce lien : https://www2.assemblee-nationale.fr/17/la-conference-des-presidents/releve-de-conclusions/reunion-du-mardi-13-mai-2025.

([2]) https://  .assemblee-nationale.fr/17/la-conference-des-presidents/releve-de-conclusions/reunion-du-mardi-10-juin-2025

([3]) Ce recensement est disponible sur la page suivante : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/organes/autres-commissions/commissions-enquete.