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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 juin 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 1381),
DE MME EMMANUELLE HOFFMAN,
pour un féminisme universel,
PAR Mme Emmanuelle HOFFMAN,
Députée
La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Laurent MAZAURY, Mmes Manon BOUQUIN, M. Thierry SOTHER, vice‑présidents ; M. Maxime MICHELET, secrétaire ; MM. Henri ALFANDARI, Gabriel AMARD, David AMIEL, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Benoît BITEAU, Nicolas BONNET, Mme Céline CALVEZ, M. François-Xavier CECCOLI, Mmes Sophia CHIKIROU, Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Jocelyn DESSIGNY, Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Mmes Clémence GUETTÉ, Ayda HADIZADEH, M. Michel HERBILLON, Mmes Mathilde HIGNET, Emmanuelle HOFFMAN, M. Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, Hélène LAPORTE, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Constance LE GRIP, MM. Pascal LECAMP, Matthieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Emmanuel MAUREL, Mmes Yaël MENACHÉ, Danièle OBONO, Nathalie OZIOL, M. Frédéric PETIT, Mme Anna PIC, M. Pierre PRIBETICH, Mmes Isabelle RAUCH, Sandrine ROUSSEAU, MM. Alexandre SABATOU, Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sabine THILLAYE, Estelle YOUSSOUFFA.
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Pages
a. La mesure des discriminations par l’European Institute for Gender Equality (EIGE)
i. La stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015 ()
ii. La stratégie en faveur de l'égalité hommes femmes 2020-2025 ()
2. L’introduction du concept d’« intersectionnalité» dans les textes normatifs
1. Des financements inappropriés sans une définition juridique du « féminisme universel »
2. Renforcer la transparence des fonds dédiés à la protection des droits des femmes
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE
aMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
annexe 1 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure
Annexe n° 2 : HISTOIRE DES MOUVEMENTS FÉMINISTES EN EUROPE
Mesdames, Messieurs,
Promouvoir une défense des droits des femmes, fondée sur un « féminisme universel » ([1]) peut sembler paradoxal, tant la notion de féminisme ne semble pas souffrir de qualificatif.
Le féminisme, entendu comme un mouvement de libération des femmes de la domination masculine,([2]) luttant pour imposer une égalité de droits entre les femmes et les hommes – ce qui dans une démocratie respectant l’État de droit relève de l’évidence –, est par définition universel.
Pourtant, l’évidence, avec la montée de revendications communautaristes, a laissé place au doute et à la suspicion lorsque des groupes de femmes, supposés partager les mêmes engagements, choisissent d’exclure une partie de leurs semblables, au nom justement de supposées valeurs féministes.
Justement parce que cette évidence a disparu, votre rapporteure choisit de refonder le rapport à l’égalité entre les femmes et les hommes par une définition juridique du féminisme universel sans ambiguïté.
Si l’égalité entre les femmes et les hommes trouve sa place dès l’origine au nombre des valeurs défendues et protégées par l’Union européenne (UE), l’introduction récente dans le corpus juridique d’une approche intersectionnelle de la défense des droits des femmes interroge.
Pour votre rapporteure, cette approche présente les prémisses d’une possible dérive pouvant conduire à une protection des droits des femmes, moindre. Les récents exemples de financements indus d’associations prônant des valeurs contraires au droit de l’UE sont là pour en témoigner. Sous couvert d’une représentation différentialiste du féminisme, elles cherchent à imposer des représentations patriarcales et archaïques de la femme, contraires aux valeurs de l’UE.
Fonder la défense des droits des femmes sur la définition juridique d’un féminisme universel, qui prend en compte les différences sans les opposer, pour mieux les transcender, permettra donc d’assurer une protection effective des droits des femmes, sans exception.
I. La protection des droits des femmes au sein de l’union europÉenne est progressivement passÉe d’une approche fondÉe sur l’ÉgalitÉ de droit entre les femmes et les hommes À une reconnaissance de l’intersectionnalitÉ
D’un point de vue purement sémantique, aucune occurrence du terme « féminisme » ne se trouve dans le corpus juridique de l’Union européenne (UE). Toutefois, si par « féminisme » on entend « la doctrine qui préconise l'égalité entre l'homme et la femme, et l'extension du rôle de la femme dans la société », ([3]) ce concept se trouve bien au cœur des valeurs que promeut l’Union.
En effet, autant les textes de droit primaire que ceux de droit dérivé cherchent à instaurer une égalité entre les hommes et les femmes pour empêcher toute forme de discrimination qui reposerait sur le sexe. ([4])
Pourtant, depuis une dizaine d’années, on observe un glissement sémantique important, la notion juridique « d’égalité entre les hommes et les femmes » étant systématiquement remplacée par celle d’« égalité de genre ». Plus qu’une simple traduction de l’expression « Gender Equality » – l’anglais supplantant l’utilisation du français comme langue de travail dans les institutions européennes – parler de genre au lieu d’égalité entre les femmes et les hommes a eu pour corollaire d’introduire la notion complexe d’« intersectionnalité » dans le corpus juridique européen.
Si l’utilisation de ce concept vise à mieux mesurer et objectiver l’ensemble des discriminations que subissent les femmes pour mieux les combattre, celle-ci n’est pas sans conséquences sur les risques d’une approche fragmentée de la question féminine là où une approche globale serait plus fructueuse.
A. la promotion de l’Égalité de droits entre les hommes et les femmes est reconnue par les traitÉs et mise en œuvre par les actes législatifs de l’union europÉenne
1. L’égalité de droits entre les hommes et les femmes est reconnue dans le droit primaire de l’Union européenne
Le principe de non-discrimination en fonction du « sexe » ainsi que la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes se trouvent consacrés aux articles 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union.
L’article 2 du traité sur l’Union européenne (TUE) définit les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée : « ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes ». L’UE promeut ses valeurs dans ses politiques (article 3 §3).
Le non-respect par un État membre de ces valeurs, au nombre desquelles se trouve l’égalité entre les femmes et les hommes, est susceptible d’entraîner la suspension de « certains des droits découlant de l'application des traités à l’État membre en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil », en vertu de l’article 7 du TUE.
L’article 8 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) définit la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes comme une action transversale de l’UE dans l’ensemble de ces actions.
Les articles 153 et 157 du TFUE promeuvent une égalité salariale et une égalité des chances dans le domaine du travail.
Quant à l’article 19, il autorise le Conseil à prendre directement des actes législatifs pour lutter contre toutes les formes de discriminations sexistes.
2. L’égalité de droits entre les femmes et les hommes est mise en œuvre par les actes de droit dérivé de l’Union européenne
Afin de rendre l’égalité entre les femmes et les hommes effective, l’UE a pris un nombre important d’actes législatifs, essentiellement sous la forme de directives, texte juridique contraignant laissant toutefois aux États membres une certaine souplesse pour sa transposition en droit interne.
Principales directives promouvant l’égalité entre les hommes et les femmes
directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale ;
directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre 1992 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail ;
directive 97/81/CE du Conseil du 15 décembre 1997 concernant l’accord-cadre sur le travail à temps partiel conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES ;
directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (directive sur l’égalité raciale), qui interdit la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique dans un large éventail de domaines, notamment l’emploi, la protection sociale et les avantages sociaux, l’éducation, ainsi que les biens et services mis à la disposition du public, tels que le logement ;
directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ;
directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail;
directive 2010/18/UE du Conseil du 8 mars 2010 portant application de l’accord-cadre révisé sur le congé parental et abrogeant la directive 96/34/CE ;
directive 2010/41/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 concernant l’application du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, et abrogeant la directive 86/613/CEE du Conseil ;
directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes et remplaçant la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil ;
directive 2011/99/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 relative à la décision de protection européenne ;
directive 2012/29/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité et remplaçant la décision-cadre 2001/220/JAI du Conseil;
directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil ;
directive (UE) 2022/2381 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 relative à un meilleur équilibre entre les femmes et les hommes parmi les administrateurs des sociétés cotées et à des mesures connexes ;
directive (UE) 2023/970 du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit ;
directive (UE) 2024/1385 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
Source : site du Parlement européen.
Ces directives concernent essentiellement une mise en œuvre de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes dans le monde du travail.
Toutefois, la directive relative à la transparence des rémunérations ainsi que celle relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes adoptent une approche plus transversale de la lutte contre les discriminations, en introduisant la notion d’« intersectionnalité », à savoir la prise en compte des différents groupes de femmes discriminées pour rendre la lutte contre les discriminations plus efficace.
Ce changement de paradigme et de sémantique dans la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, s’observe également dans les derniers textes publiés par la Commission européenne. Fruit de diverses influences, dont l’utilisation du terme anglais « gender » et de sa traduction française « genre », cette nouvelle approche introduit une conception plus anglo-saxonne de la lutte contre les discriminations.
Pour votre rapporteure, par définition, le « féminisme » englobe la lutte contre toutes les formes de discrimination envers les femmes, quelle que soit leur différence. Néanmoins, considérer les femmes en fonction de leurs différences en sous-groupes discriminés, outre une forme d’essentialisation contraire à toute forme d’universalisme, peut avoir des conséquences délétères sur l’objectif final : lutter contre la domination masculine et promouvoir une véritable égalité entre les femmes et les hommes.
B. La notion d’ÉgalitÉ de genre reprend une approche intersectionnelle de la notion d’ÉgalitÉ de droits entre les femmes et les hommes
Alors que les textes fondateurs, et le droit dérivé de l’Union européenne, employaient les termes classiques d’« égalité entre les femmes et les hommes », cette notion a été remplacée par la traduction française de l’expression anglaise « Gender Equality », soit « égalité de genre », avec pour corollaire l’introduction du concept d’« intersectionnalité ».
Le concept d’« intersectionnalité » apparaît pour la première fois, en 1989,([5]) sous la plume de la juriste afro-américaine Kimberlé Williams Crenshaw, pour dénoncer la lecture partiale faite par les juges américains des discriminations subies par les femmes. En effet, au lieu de prendre en compte l’ensemble des discriminations, les tribunaux américains préféraient une application du droit, soit en fonction du sexe, soit en fonction de la couleur de peau, au détriment d’une prise en compte globale de la protection des droits des femmes. ([6])
Cette analyse de la jurisprudence américaine, effectuée dans un contexte historique particulier, celui de la privation des droits civiques des Noirs Américains, conduit Kimberlé Williams Crenshaw à forger un concept consistant à considérer les effets croisés des différents types de discrimination subie pour mieux les combattre.
Toutefois cette approche féministe, intrinsèquement liée à un contexte américain particulier, totalement étrangère à la conception universaliste du féminisme français ou européen, a fini par s’imposer tant dans les textes proposés par la Commission que dans les outils statistiques mis en œuvre pour mesurer les différentes formes de discrimination subies.
1. L’approche par « le genre » inclut une « dimension intersectionnelle » pour mesurer les discriminations subies par les femmes
a. La mesure des discriminations par l’European Institute for Gender Equality (EIGE)
L’European Institute for Gender Equality (EIGE), ([7]) l’agence européenne en charge de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, a construit des outils statistiques prenant en compte le concept d’intersectionnalité pour mesurer les différentes formes de discriminations subies.
Pour l’Institut, l’intersectionnalité est un « outil d’analyse permettant d’étudier et de comprendre comment le sexe et le genre, d’une part, et d’autres caractéristiques/identités personnelles, d’autre part, se croisent et comment ces intersections contribuent à des expériences de discrimination uniques, ainsi que de prendre des mesures à cet égard ». ([8])
Sur ce fondement, EIGE a développé un « Indice d’égalité des genres » en agrégeant les données concernant les différents types d’inégalités (« intersecting inequalities »).
En 2024, sur une échelle où 100 % indique une égalité complète entre les femmes et les hommes, l’Union européenne affiche un indice de 71 %, et la France, 76,1 %. ([9])
Source: EIGE, Gender Equality Index, 2024 ([10])
Le tableau ci-dessous représente les disparités entre États membres mesurées par cet indice.
Sans surprise, les pays nordiques apparaissent comme les plus vertueux, les pays le plus en retard étant ceux de l’est de l’Europe.
La portée de législations discriminatoires en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, notamment en Italie, où le gouvernement de Georgia Meloni a pris diverses mesures pour restreindre l’accès des femmes au droit à l’avortement ([11]) n’est pas toujours visible, les données agrégées datant de 2022.
Source: EIGE, Gender Equality Index, 2024 ([12])
b. La prise en compte progressive de l’intersectionnalité dans les stratégies de l’Union européenne en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes
La Commission a publié plusieurs communications sans valeur juridique contraignante pour promouvoir une politique transversale en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Après la Stratégie-cadre pour l’égalité entre les femmes et les hommes de 2001-2005, la Commission publie une Feuille de route pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2006-2010), à laquelle succède la Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes (2010-2015), ([13]) puis l’Engagement stratégique pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2016-2020, ([14]) et enfin Une Union de l’égalité : stratégie en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes 2020-2025. Une nouvelle stratégie est en préparation, pour les années 2026-2030, ouverte aux consultations des États membres jusqu’à ma mi-août, qui devrait s’intituler « Stratégie européenne pour l’égalité des genres 2026-2030 ». ([15])
i. La stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2010-2015 ([16])
La première stratégie globale de l’Union européenne en matière de lutte pour la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, pour la période 2010-2015, s’intitule Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes (COM (2010) 491 final).
Feuille de route politique sans valeur juridique contraignante, cette stratégie prolonge les orientations fixées par la feuille de route 2006-2010, à savoir promouvoir l’égalité entre les sexes dans l’ensemble des politiques de l’Union européenne, tout en poursuivant des actions ciblées dans des domaines clés.
Six grandes priorités sont définies : l’égalité dans l’accès à l’emploi et à l’indépendance économique, la réduction des écarts de rémunération et de pension entre les sexes, la promotion de l’égalité dans la prise de décision, la lutte contre les violences faites aux femmes, la promotion de l’égalité dans les relations extérieures de l’UE, et l’amélioration de la gouvernance grâce à l’intégration du genre dans toutes les politiques publiques (« gender mainstreaming »).
L’Engagement stratégique pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2016-2020 poursuit les actions engagées par la feuille de route précédente de la Commission.
ii. La stratégie en faveur de l'égalité hommes femmes 2020-2025 ([17])
Adoptée le 5 mars 2020, la stratégie Une Union de l’égalité : stratégie en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes 2020-2025 (COM (2020) 152 final) marque un tournant politique et juridique. L’approche se veut plus transversale, avec une priorité affirmée donnée à l’intégration du genre dans toutes les politiques de l’UE et au développement d’une approche intersectionnelle.
La stratégie repose sur une double démarche : d’une part, des actions ciblées visant à corriger les inégalités persistantes entre les sexes, et d’autre part, l’intégration systématique de la dimension de genre (gender mainstreaming). Elle met en avant plusieurs axes majeurs : la lutte contre les violences sexistes, la promotion de l’égalité économique et salariale, le soutien à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, la représentation équilibrée dans les sphères politique et économique, et la lutte contre les stéréotypes.
Cette communication est la première à intégrer explicitement l’intersectionnalité comme principe d’action.
La Stratégie définit le concept d’intersectionnalité ainsi : « le recoupement entre le genre et d’autres motifs de discrimination ». […] Les femmes constituent un groupe hétérogène et peuvent être confrontées à des discriminations intersectionnelles fondées sur plusieurs caractéristiques personnelles. Par exemple, une femme migrante présentant un handicap peut faire l’objet d’une discrimination fondée sur trois motifs ou plus. La législation et les politiques de l’Union, ainsi que leur mise en œuvre, devraient donc répondre aux besoins et à la situation spécifique des femmes et des filles appartenant à des groupes différents. Le futur plan d’action sur l’intégration et l’inclusion et les cadres stratégiques de l’UE sur le handicap, les personnes LGBTI+, l'inclusion des Roms et les droits de l’enfant seront liés à cette stratégie et liés entre eux. En outre, la perspective intersectionnelle sera toujours à la base des politiques en matière d'égalité entre les femmes et les hommes ». ([18])
2. L’introduction du concept d’« intersectionnalité» dans les textes normatifs
La directive 2023/970 sur l’égalité et la transparence des rémunérations entre les femmes et les hommes précise qu’« une approche intersectionnelle est importante pour comprendre l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes et y remédier ». ([19])
Quant à la directive (UE) 2024/1385 sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, elle indique la nécessité d’un « soutien ciblé aux victimes ayant des besoins intersectionnels ». ([20])
Autrement dit, des formes de discrimination positive sont possibles pour aider les personnes qui seraient plusieurs fois discriminées, notamment en raison de leur sexe, de leur âge, de leur religion, de leur handicap ou de leur ethnie.
3. L’influence du Conseil de l’Europe dans la prise en compte d’une dimension « intersectionnelle » dans la lutte contre les discriminations
Le Conseil de l’Europe est une organisation intergouvernementale, comprenant 46 États membres, dont les 27 États membres de l’Union européenne sont parties.
Outre ce lien organique, le Conseil de l’Europe influence les politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, en tant qu’institution première et pionnière, à l’origine de l’édiction de la convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales et, plus récemment de la convention dite d’Istanbul contre les violences faites aux femmes.
Institution avant-gardiste concernant les débats relatifs au respect des droits de l’Homme, à la sauvegarde de la démocratie et de l’État de droit, le Conseil de l’Europe a joué un rôle non négligeable dans la prise en compte du concept d’intersectionnalité dans la mise en œuvre des politiques publiques.
a. La déclaration de Reykjavik ([21]) pour « renouveler la conscience de l’Europe » des 16 et 17 mai 2023 fait explicitement référence à la notion d’intersectionnalité
Le 4eme Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l'Europe s'est tenu, à Reykjavík, les 16 et 17 mai 2023.
Dans cette déclaration, les chefs d’État ont rappelé l’importance de l’égalité et de la dignité, « fondement des sociétés européennes modernes » ainsi que la nécessité d’« une approche intersectionnelle dans les travaux du Conseil de l’Europe pour lutter contre les discriminations multiples auxquelles sont confrontées les personnes et les groupes en situation de vulnérabilité et de marginalisation » pour les mettre en œuvre.
Ils ont également souligné que « l’égalité de genre et la participation pleine, égale et effective des femmes aux processus décisionnels publics et privés sont essentielles à l’État de droit, à la démocratie et au développement durable [ainsi que] le rôle pionnier du Conseil de l’Europe, y compris au travers de la Convention d’Istanbul, dans la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. »
b. La troisième stratégie du Conseil de l’Europe pour l’égalité de genre (2024-2029) s’appuie expressément sur une approche intersectionnelle de l’égalité de genre
Après l’adoption à l’unanimité, par le Comité des ministres, d’une première Stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2014-2017, la dimension intersectionnelle de l’égalité de genre est introduite dans la stratégie 2018-2023 car « la garantie de l’égalité de genre doit être considérée comme une composante clé d’une lutte plus large pour protéger les droits humains et garantir la justice sociale »
Quant à la troisième stratégie (2024-2029), elle considère que « dans le contexte des politiques d’égalité de genre, une approche intersectionnelle peut être utilisée pour comprendre, prendre en compte et traiter les interactions entre le genre et le sexe et d’autres caractéristiques/statuts personnels listés ci-dessus, ainsi que les formes aggravées de discrimination qui en résultent ». Ainsi « l’expression « l’ensemble des femmes et des hommes, des filles et des garçons » inclut les personnes dans toute leur diversité avec leurs différentes caractéristiques/ statuts listés ci-dessus. Cela confirme l’engagement de ne laisser personne de côté et de parvenir à une Europe égale pour toutes et tous. »
Les six objectifs stratégiques de la Stratégie du Conseil de l’Europe
pour l’égalité de genre 2024-2029
La prise en compte de l’intersectionnalité dans les politiques de l’UE visant à promouvoir l’égalité de genre n’est pas sans conséquences sur le financement par l’UE et le Conseil de l’Europe d’associations féministes « différentialistes », à savoir regroupant des femmes en fonction d’une discrimination particulière, réelle ou supposée, alors même que ces groupes de femmes peuvent promouvoir des valeurs contraires à l’égalité entre les femmes et les hommes.
II. adopter une dÉfinition du fÉminisme universel au sein des politiques de l’Union europÉenne permettrait une meilleure prise en compte des droits des femmes et un meilleur contrÔle des financements des politiques publiques les mettant en œuvre
La récente campagne publicitaire, financée par des fonds européens en provenance du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, promouvant le port du « hijab », comme instrument de libération de la femme, en est un exemple flagrant. ([23])
Sans approche intersectionnelle de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes, une telle campagne publicitaire n’aurait certainement pas pu voir le jour. En effet, le croisement de deux critères de discrimination, le genre associé à la religion, a pu conduire les institutions européennes et le Conseil de l’Europe à financer des associations promouvant des valeurs contraires à l’égalité de droit entre les femmes et les hommes.
Adopter une définition juridique du « féminisme universel » permettrait d’éviter cet écueil.
A. Adopter une dÉfinition juridique du fÉminisme universel pour une meilleure protection du droit des femmes
Plusieurs associations ou organisations non gouvernementales (ONG) promouvant des valeurs contraires à l’égalité entre les femmes et les hommes ont fait l’objet de financements inappropriés par des fonds européens dédiés à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour votre rapporteure, une approche intersectionnelle de la protection des droits peut expliquer en partie cette dérive. En effet, opposer des groupes de femmes, les répartir en sous-groupes en fonction d’une identité reposant sur la spécificité de leur discrimination, augmente clairement le risque d’avoir une vision partielle et biaisée de la protection des droits des femmes.
Seule une définition juridique du « féminisme universel » permettrait de dépasser ces clivages en considérant que la protection des droits des femmes s’entend comme un tout. En effet, l’analyse de la jurisprudence des tribunaux américains ayant conduit à développer une approche intersectionnelle pour une meilleure protection des droits des femmes n’est pas pertinente, transposée en Europe.
Pour des raisons tant culturelles qu’historiques, la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ne prend pas en compte une approche intersectionnelle des discriminations pour protéger les droits des femmes.
Adopter une approche intersectionnelle de la protection des droits ne paraît donc ni juridiquement pertinent ni juridiquement efficace pour assurer une protection effective des droits des femmes.
1. Des financements inappropriés sans une définition juridique du « féminisme universel »
Pour votre rapporteure, deux exemples récents montrent que l’absence d’une protection des droits, fondée sur un féminisme universel, a pu conduire à des dérives dans l’utilisation des fonds européens.
L’Union européenne a ainsi financé, via le programme CERV, l’association FEMYSO (Forum des organisations européennes musulmanes de jeunes et étudiants) à hauteur de 210 000 euros. Cette association, réputée proche des Frères musulmans, est à l’origine d’une campagne de communication « pro‑voile islamique ». En 2021, cette campagne a pris la forme de publication d’affiches portant des slogans en faveur du port du voile islamique : « La beauté se trouve dans la diversité comme la liberté dans le hidjab» ou « Apportez de la joie, acceptez le hidjab », campagne clairement contraire à la protection des droits des femmes.
Autre exemple, l’arrivée au pouvoir de gouvernements d’extrême-droite dans certains États membres, en Hongrie ([24]) et en Italie pour ne pas les citer, a eu pour conséquences d’utiliser des fonds européens, co-gérés par les États membres, pour financer des associations en faveur de la lutte contre l’avortement. ([25])
2. Définir juridiquement le féminisme universel pour rendre la protection du droit des femmes, effective dans tous les États membres
Définir juridiquement un féminisme universel apparaît donc bien un préalable pour assurer une protection effective des droits des femmes. Par féminisme universel, on entendra sur le plan doctrinal, un dépassement des particularismes, des contingences et de toute forme de relativité culturelle.
En effet, Olympe de Gouges, avec la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, en 1791, n’avait-elle pas précisément questionné la dimension universaliste d’une déclaration universaliste des droits de l’Homme ne mentionnant pas le Deuxième sexe ?([26])
Toutefois, pour votre rapporteure, le féminisme universel n’est pas un féminisme « universaliste », car cette acception est par trop militante et frontalement opposée au féminisme « intersectionnel » ou « différentialiste ». ([27])
Le féminisme universel s’entend comme un dépassement qui ne nie pas la particularité de certaines discriminations ou de leur possible cumul. Le féminisme universel, parce qu’il est universel, et cette définition peut sembler tautologique, transcende les différences pour mieux les protéger.
Par féminisme universel, on entendra donc, en droit, le principe visant à garantir l’égalité effective des droits et de la dignité entre les femmes et les hommes. Le féminisme universel reconnaît et embrasse la diversité des expériences et des identités féminines, sans distinction d’origine, d’opinion ou d’engagement, et proscrit toute hiérarchisation ou exclusion entre les luttes féministes. Toute mesure, action ou organisation qui exclut un groupe de femmes en raison de leur appartenance, de leur combat ou de leurs convictions contreviendrait à ce principe.
Ainsi entendu, le féminisme universel permet une protection effective des droits des femmes.
Sur son fondement, une activation du mécanisme prévu à l’article 7 du TUE pour sanctionner un État membre ne respectant pas les droits des femmes, même si un blocage au sein du Conseil reste possible, paraît plus facile.
B. renforcer le financement et la transparence des fonds dédiÉs à la protection des droits des femmes
Le financement des actions en faveur du droit des femmes rencontre un triple écueil : un financement partagé avec les États membres, un manque de transparence et de contrôle de l’octroi des fonds dédiés, une insuffisance des fonds mobilisés.
En effet, plusieurs organisations non gouvernementales (ONG), en se déclarant « féministes » alors même que les valeurs qu’elles défendaient étaient orthogonales à la protection de l’égalité entre les femmes et les hommes, ont pu être financées par des fonds européens.
Votre rapporteure considère que pour éviter ce triple écueil, renforcer le financement et la transparence des fonds dédiés à la protection des droits des femmes, s’avère nécessaire.
1. Garantir la stabilité des financements européens pour sécuriser les programmes en faveur de la protection des droits des femmes
Deux fonds de l’Union européenne sont plus spécifiquement dédiés au financement des actions en faveur de la protection du droit des femmes, le programme CERV (« Citoyenneté, Égalité, Droits et Valeurs »), ainsi que le fonds social européen (FSE). La Commission (DG Just) gère directement le programme CERV, doté de 641,71 millions d’euros, pour la période 2021‑2027 ([28]) .
Ce programme soutient des projets portés par la société civile via deux appels d’offres :
- un appel à projets pour promouvoir des actions en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes ;
- un appel à projets spécifiquement dédié à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences domestiques.
Quant aux actions financées par le FSE, elles se trouvent en gestion partagée avec les États membres, ce qui rend le contrôle des fonds alloués plus difficile pour la Commission européenne, en particulier dans les États membres ne partageant pas totalement les valeurs relatives à l’égalité femmes-hommes.
Le projet de réforme du cadre financier pluriannuel (CFP) pour les années 2027-2035 n’est pas sans poser de sérieuses inquiétudes. En effet, le choix porté par la Commission de proposer un fonds unique fait craindre une diminution des montants directement alloués aux actions en faveur des droits des femmes. Même si la Commission travaille à une intégration horizontale de l’approche de genre, à savoir que l’ensemble des fonds devrait prendre en compte cet objectif, le risque d’un saupoudrage des politiques en faveur de l’égalité femmes-hommes n’est pas absent.
Pour votre rapporteure, renforcer les volumes financiers en faveur des actions de protection des droits des femmes s’avère être un préalable, au regard des enjeux soulevés. Il importe également que ces financements soient directement attribués par les services de la Commission, afin que les États membres dont les régimes politiques ne soutiennent pas les politiques d’égalité femmes-hommes ne puissent résorber les crédits alloués à ces actions.
Toutefois, garantir la stabilité des fonds européens et renforcer les volumes financiers a pour nécessaire corollaire un contrôle certain de la transparence des financements.
2. Renforcer la transparence des fonds dédiés à la protection des droits des femmes
Dans son rapport spécial 11/2025, intitulé « Transparence des financements accordés par l’Union européenne à des ONG : malgré des progrès, la vue d’ensemble n’est toujours pas fiable », la Cour des comptes européenne (CCE) s’interroge sur la capacité de l’Union à garantir un suivi transparent et cohérent des subventions octroyées aux organisations non gouvernementales (ONG).
Le rapport analyse les fonds alloués sur l’exercice 2021-2023 lors duquel la Commission européenne déclare avoir engagé 4,8 milliards d’euros en faveur d’ONG dans le cadre des politiques internes, les subventions représentant la principale forme de soutien.
La Cour des comptes européenne (CCE) dresse un triple constat pour expliquer le financement d’associations promouvant des valeurs totalement contraires aux valeurs de l’UE : une définition incertaine de la notion d’ONG, un suivi incomplet et des failles dans le contrôle de la traçabilité des fonds, un contrôle lacunaire du respect des valeurs de l’Union.
Il n’existe pas de définition harmonisée des ONG susceptibles de recevoir des fonds. Le système de transparence financière, principal outil de suivi des bénéficiaires de fonds européens en gestion directe ou indirecte, repose sur des déclarations sur l’honneur.
Le règlement financier de 2024, bien qu’il fournisse une définition de principe, ne résout pas ces imprécisions, car les aspects opérationnels de la notion d’ONG restent sujets à interprétation.
En outre, le respect des valeurs fondamentales de l’UE par les bénéficiaires, y compris les ONG, n’est pas activement contrôlé. Les gestionnaires de fonds s’appuient largement sur des déclarations sur l’honneur, sans recourir aux données disponibles permettant de vérifier la conformité effective. Par exemple, aucune vérification des sources de financement n’est effectuée pour identifier d’éventuelles influences problématiques ou un non-respect des principes de l’Union.
Pour votre rapporteure, les gestionnaires de fonds devraient pouvoir mettre en place une « procédure de filtrage » afin de vérifier l’identité et les antécédents des personnes associées aux entités bénéficiaires de subventions.
Cette procédure de filtrage pourrait s’appuyer sur la définition juridique d’un féminisme universel.
Votre rapporteure recommande également que les associations ne respectant pas les valeurs de l’Union européenne, et ayant déjà reçu des financements européens, en l’absence de la mise en place d’un tel système de filtrage, soient dans l’obligation de rembourser ces financements indus.
La Commission s’est réunie le 24 juin 2025, sous la présidence de M. Pieyre‑Alexandre Anglade, Président, pour examiner la présente résolution européenne.
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution européenne (PPRE) de Mme Emmanuelle Hoffman et plusieurs de ses collègues, intitulée pour un féminisme universel.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. L’objectif de cette proposition de résolution européenne, transpartisane, est de chercher à définir juridiquement le féminisme universel. D’aucuns s’étonnent : le féminisme n’est-il pas, par essence, universel ? Pourquoi vouloir, dès lors, en préciser les contours ? Parce que cette évidence n’en est plus une !
L’histoire récente, en Europe comme ailleurs, nous rappelle que les droits des femmes ne sont jamais définitivement acquis. Il existe, aujourd’hui, des offensives directes mais aussi insidieuses contre l’universalité du combat féministe. La clarté du droit est la meilleure arme contre l’ambiguïté, la récupération et la remise en cause de nos droits fondamentaux.
Regardons la réalité en face : le revirement de la Cour suprême américaine sur le droit à l’avortement, le recul des droits des femmes en Pologne, en Hongrie, en Italie, la résurgence des discours identitaires, les tentatives de fragmentation du mouvement féministe, doivent nous alerter. Sans parler, et je le dis avec une gravité toute particulière, des violences subies par les femmes iraniennes, afghanes ou syriennes.
Des associations, parfois financées par des fonds publics européens, promeuvent des valeurs contraires à l’égalité femmes-hommes. Je pense à la campagne en faveur du voile islamique, cofinancée par des fonds européens, qui a suscité l’indignation de nombreuses femmes, en France, en Iran, en Afghanistan, pour lesquelles le port du voile n’est ni neutre ni un symbole d’émancipation.
Cette remise en cause du droit des femmes, au nom du droit à la différence, s’est accélérée au cours des dix dernières années, y compris au sein des institutions européennes. La prise en compte progressive des différences catégorielles, la montée en puissance du concept d’« intersectionnalité », la traduction de « gender equality » en « égalité de genre » : tout cela a conduit à une approche plus anglo-saxonne qui tend parfois à fragmenter le combat féministe et à hiérarchiser les discriminations.
Ce contexte exige de nous une réponse claire, ferme et cohérente. C’est l’objet de cette proposition qui appelle à réaffirmer avec force les principes fondamentaux du féminisme universel : égalité, laïcité, justice et émancipation pour toutes les femmes sans distinction d’origine, de culture ou de condition.
La laïcité est au cœur de cette vision : elle garantit que les lois et les politiques publiques restent indépendantes de toute influence religieuse ou communautaire susceptible de limiter les droits des femmes. Lorsque la laïcité recule, ce sont les femmes qui en subissent les premières conséquences. La laïcité n’est pas une option, mais une garantie pour toutes celles qui refusent de voir leur liberté conditionnée à des prescriptions religieuses ou à des traditions patriarcales.
Si l’intersectionnalité comme outil d’analyse permet de mieux comprendre la complexité des discriminations, son instrumentalisation peut conduire à diviser plutôt qu’à unir. Le féminisme doit rester un vecteur d’unité, d’universalité et de solidarité, capable de défendre toutes les femmes, partout, sans distinction.
Le féminisme universel tel que je le défends est un principe visant à garantir l’égalité effective des droits et la dignité entre les femmes et les hommes. Il s’agit d’une doctrine qui reconnaît et embrasse la diversité des expériences féminines mais refuse que cette diversité soit un prétexte à une relativisation des droits fondamentaux.
C’est la conviction que toute mesure, action ou organisation qui exclut un groupe de femmes, en raison de leur appartenance, de leur combat ou de leurs convictions contrevient à ce principe. Finalement, c’est un cadre de cohésion, une réponse au risque de morcellement du combat féministe. Le féminisme universel propose un socle de valeurs non négociables, applicable à toutes les femmes, partout dans le monde.
Cette définition juridique est nécessaire pour corriger les dysfonctionnements relatifs à l’attribution de certains financements européens. En ayant des critères objectifs sur lesquels se fonder, on pourra mettre en place un système de filtrage pour garantir que des associations ou organisations supposément féministes respectent bien l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Cette définition apportera aux institutions européennes un outil clair et objectif pour défendre les droits des femmes contre toutes les formes de remises en cause d’où qu’elles viennent.
Enfin, il s’agit de lutter contre les stéréotypes, notamment à l’heure où le développement de l’intelligence artificielle peut reproduire voire amplifier les biais sexistes si nous n’y prenons pas garde.
Revenons à l’Europe : les traités fondateurs protègent le droit des femmes ! Ce corpus juridique est complété par une dizaine de directives. La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a elle aussi constamment consacré l’égalité femmes-hommes comme un principe fondamental du droit communautaire.
Aujourd’hui, l’Europe doit franchir une nouvelle étape : faire du féminisme universel une priorité politique, juridique et budgétaire. Cela implique d’inscrire explicitement ce principe dans la prochaine Stratégie européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes, de soutenir les associations qui défendent un féminisme universel et de refuser l’octroi de financements aux groupes qui promeuvent le séparatisme, la fragmentation ou la remise en cause des droits fondamentaux des femmes.
La France doit être un exemple pour l’Europe : notre pays a une tradition universaliste, laïque, républicaine, qui a toujours placé l’égalité au cœur de son projet politique. Le féminisme universel n’est pas un féminisme abstrait, désincarné, déconnecté des réalités. Il s’ancre dans la vie quotidienne des femmes, dans leur lutte, leur espoir, leurs aspirations. Il se nourrit de la diversité des parcours mais il refuse que cette diversité ne devienne un prétexte pour relativiser les droits fondamentaux. Il affirme que la dignité humaine ne se divise pas, que l’égalité n’est pas négociable et que la liberté ne se partage pas.
Je veux aussi rendre hommage à toutes celles et ceux qui, chaque jour, portent ce combat sur le terrain : les associations, les militants, les bénévoles, les anonymes. Leur engagement est la clé de notre succès. Leur détermination est notre meilleure garantie contre le recul de la protection des droits. Leur créativité, leur énergie, leur courage sont une source d’inspiration pour nous toutes et nous tous.
Je veux alerter sur les dangers qui nous guettent : la montée des discours identitaires, le retour du relativisme culturel, la tentation de la hiérarchisation des discriminations, la fragmentation du mouvement féministe. Tout cela affaiblit la cohésion, la force et l’efficacité du combat pour l’égalité. Il est important de réaffirmer aujourd’hui l’universalité du féminisme, son refus de toute exclusion, de toute division, de toute instrumentalisation.
Notre proposition de résolution s’inscrit dans une longue histoire. Elle s’appuie sur les principes universels et laïcs qui ont toujours guidé le combat féministe en France et en Europe. Notre démarche a également une dimension internationale : l’Europe ne peut pas se contenter d’être exemplaire à l’intérieur de ses frontières. Elle doit porter ce message partout où les droits des femmes sont menacés. Elle doit soutenir les mouvements féministes en Iran, en Afghanistan, en Afrique, partout où des femmes se battent, souvent au péril de leur vie, pour leur liberté et leur dignité. L’égalité n’est pas seulement une question de justice, c’est une question de sécurité, de stabilité et de paix.
Soutenir cette proposition de résolution revient à choisir l’unité contre la division, l’égalité contre la discrimination, l’émancipation contre la résignation. Je vous invite à soutenir ce texte avec force et conviction, ayant la certitude que nous faisons œuvre utile.
Mme Constance Le Grip (EPR). Je vous remercie d’avoir initié, écrit et présenté cette proposition de résolution européenne qui vise à affirmer avec force et clarté l’attachement de la France à porter, au sein de l’Union européenne et partout dans le monde, la voix d’un féminisme universel fondé sur l’égalité, la justice, la laïcité, l’émancipation de toutes les femmes sans distinction d’origine, de culture, et de religion.
Votre résolution vise aussi à réaffirmer que l’Union européenne doit faire de la lutte pour un féminisme universel une priorité stratégique. Dans un contexte européen marqué par des reculs démocratiques, la montée des intégrismes religieux, le séparatisme islamiste qui gangrène certaines sociétés, le retour de politiques conservatrices voire réactionnaires, il nous appartient de réaffirmer que les droits des femmes sont inaliénables, indivisibles et ne sauraient jamais constituer une variable d’ajustements politique ou social.
Le texte que vous proposez présente une ligne claire, exigeante et cohérente. Il refuse la hiérarchisation des luttes féministes, le relativisme culturel, les logiques identitaires et fragmentaires, qui trop souvent peuvent servir de prétexte à des atteintes aux libertés et aux droits fondamentaux des femmes. Il rappelle que le combat féministe ne saurait être instrumentalisé au nom de préceptes culturels, religieux, de traditions ou encore d’idéologies qui enferment les femmes dans des rôles stéréotypés, voire les asservissent.
Cette résolution s’inscrit dans la continuité de la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020-2025, et de nombreux autres textes ou documents d’orientation européens. Le féminisme universel que nous défendons, à savoir le principe garantissant l’égalité effective des droits et la dignité entre les femmes et les hommes pose un socle commun et érige un rempart contre toutes les dérives actuelles et à venir.
Vous avez raison d’insister sur une affaire suscitant beaucoup de colère : l’attribution de montants importants de subventions européennes à des associations et organisations ne respectant pas les valeurs européennes fondamentales, à commencer par l’égalité hommes-femmes et le respect de la dignité humaine.
Le groupe Ensemble pour la République soutiendra et votera en faveur de cette proposition de résolution européenne car pour nous le féminisme est un humanisme.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Je vous remercie pour votre soutien, Madame Constance Le Grip. Vous avez justement rappelé que pour faire face à des réactions contre-nature, aux dérives du féminisme, et à la perte de l’évidence de l’universalité, il faut inscrire le principe dans le marbre de la loi.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Il est vrai que les attaques contre les droits fondamentaux des femmes se multiplient. Dans notre pays comme dans plusieurs États membres de l’Union européenne (UE), ces menaces viennent de l’extérieur, mais également de l’intérieur, sous la pression de l’extrême-droite. Le groupe socialiste tient à le rappeler. Il nous faut alors réaffirmer le principe même du féminisme, à savoir un combat commun pour l’égalité femmes-hommes inscrite tant dans les droits que la réalité.
Votre proposition de résolution européenne vise à faire de la lutte pour un féminisme universel une priorité stratégique, en renforçant la coopération entre les États membres et en agissant fermement contre les limitations et les violations des droits des femmes. Notre groupe s’associe évidemment à cet objectif pour rendre effective l’égalité femmes-hommes, et en faire une priorité réelle à l’échelle de l’UE. Toutefois, nous constatons que la notion de « féminisme universel » reste insuffisamment définie et risque paradoxalement d’exclure certaines luttes féministes.
Nous avons le sentiment que le cadrage proposé, avant nos propositions d’amendements, pourrait exclure certaines femmes de ce combat si l’on considère qu’elles se situent dans une démarche considérée comme trop intersectionnelle. Les ambiguïtés relevées portent également sur un risque élevé d’arbitraire politique que nos propositions d’amendements visent à lever pour ne pas tomber dans ce piège.
Nous déplorons enfin plusieurs lacunes importantes dans ce texte sur des terrains majeurs du combat féministe contemporain, notamment la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains, la précarité des femmes, la prise en compte des femmes réfugiées et immigrées, des femmes sans-abri, et des femmes victimes de discrimination raciale.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Je vous ai écouté avec attention. Je porte moi-même certains amendements, dont une définition juridique du féminisme universel pour combler certains manques présents dans le texte initial.
Mme Isabelle Rauch (HOR). Dans un contexte européen où l’égalité entre les femmes et les hommes est tantôt fragilisée, tantôt reléguée derrière d’autres priorités, cette proposition de résolution prend acte d’un impératif politique : réaffirmer que le féminisme n’est pas une opinion parmi d’autres. Il est un principe structurant de notre démocratie, que nous affirmons ici dans sa forme la plus exigeante : un féminisme universel. Il refuse les assignations identitaires, les concessions à des traditions patriarcales, le relativisme culturel et proclame que les droits des femmes ne se négocient pas selon les contextes, ni en Afghanistan sous les Talibans, ni en Pologne où l’avortement est presque interdit, ni en Hongrie où la convention d’Istanbul est rejetée, ni en France où, même lors d’une marche pour les droits des femmes, certaines militantes peuvent être exclues parce que juives, kurdes, ou perçues comme non conformes à une ligne politique.
Le féminisme universel n’est pas une abstraction, c’est une ligne de crête : celle qui refuse de hiérarchiser les oppressions, qui n’exclut pas certaines femmes de la cause au motif qu’elles n’entreraient pas dans les cases. C’est un féminisme n’ayant pas peur d’affirmer que l’universel n’est pas un masque, mais un outil d’émancipation, car il n’y a pas d’égalité sans laïcité, pas de justice sans universalité.
Mais cette résolution va au-delà des principes, elle est une résolution de combat puisqu’elle vise aussi l’efficacité. Elle appelle à conditionner les financements européens au respect de l’égalité réelle, au soutien des associations s’inscrivant dans une démarche inclusive, au refus de toute complaisance avec des mouvements reproduisant des logiques d’exclusion sous couvert de progressisme.
Cette cohérence doit aussi s’appliquer à notre politique économique, car nous ne pouvons pas défendre l’égalité en droit, sans prendre en compte l’inégalité en fait. Les femmes sont plus diplômées que les hommes, mais toujours moins promues, moins bien payées, moins bien pensionnées. Les écarts salariaux, les carrières hachées à cause de la maternité, les retraites inférieures de 39 % en moyenne : tout cela forme une charge invisible, supportée par les femmes mais aussi par notre économie.
Alors que la France cherche des leviers de croissance et veut renforcer son attractivité, que nous nous interrogeons sur notre modèle social et démographique, ne laissons pas de côté la moitié de nos forces vives ! L’égalité économique des femmes n’est pas un supplément d’âme, c’est un levier de puissance ! C’est aussi une garantie d’indépendance pour les femmes et donc une protection contre les violences, les emprises, la précarité, le divorce.
Ce que nous affirmons aujourd’hui c’est que le féminisme universel ne peut pas rester cantonné à des discours. Il doit irriguer notre droit, nos politiques publiques, notre diplomatie et nos financements. C’est une question de cohérence, de dignité mais également de lucidité. Il ne s’agit pas d’une posture idéologique, mais d’un choix politique dans un monde qui tente parfois de nous convaincre que les droits fondamentaux seraient relatifs voire optionnels. Nous disons clairement que l’égalité est non-négociable pour toutes. Nous apportons donc un entier soutien à cette proposition de résolution.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Je vous en remercie. L’objectif de cette résolution n’est effectivement pas d’être une énième déclaration, sinon rappeler ces principes reviendrait seulement à écrire des articles dans la presse. Si nous présentons cette résolution, c’est pour nous donner les moyens effectifs d’agir, notamment sur la question du financement et des aides afin de les intégrer dans le plus grand nombre de textes juridiques tant en Europe qu’au-delà de ses frontières.
Vous avez également rappelé, à raison, les récentes manifestations ayant exclues certaines femmes, attitude absolument contraire au féminisme universel !
M. Laurent Mazaury (LIOT). Il est insupportable de voir ce qui se passe aujourd’hui, par exemple en Afghanistan, où les Talibans exercent des persécutions liées au genre, reprochant aux femmes d’être femmes. Malheureusement, l’Afghanistan n’est pas le seul endroit où l’on peut observer une dégradation du respect des droits des femmes dans le monde. Comme vous l’indiquiez à juste titre dans votre proposition de résolution européenne, des gouvernements de pays européens contribuent également à ce recul de la protection du droit des femmes.
Je soutiens donc votre proposition parce qu’il est nécessaire de rappeler que le féminisme est universel : il concerne toutes les femmes sans exclusion. Je souhaite toutefois préciser qu’il doit aussi concerner tous les hommes, parce qu’il s’oppose au relativisme culturel et parce que ce principe doit protéger des luttes internes et des risques d’instrumentalisation politique.
C’est parce que le féminisme est un combat universel que j’ai déposé un amendement visant à rappeler que l’égalité entre les femmes et les hommes était déjà inscrite dans le préambule de la Charte des Nations Unies. Si de grands progrès ont été réalisés concernant les droits des femmes dans le monde, selon le dernier rapport de l’Organisation des Nations Unies, (ONU), ONU Femmes, en 2024, près d’un quart des gouvernements du monde entier faisait état d’un recul réel de ces droits. Le chemin d’émancipation des femmes est long, et dans de nombreux pays, malheureusement il s’allonge encore.
La problématique de l’éducation est réelle : en France, les médias et les réseaux sociaux continuent de diffuser massivement des propos sexistes, parce que les contrôles sont insuffisants. C’est notamment ce que déplore le dernier rapport du Haut conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes. Il est autant insupportable de lire, sur les réseaux sociaux, certains commentaires postés par exemple dans le contexte du procès des viols de Mazan, qu’il était insupportable d’entendre les arguments présentés, en défense, par les accusés.
Par ailleurs, certains individus comptabilisent un grand nombre d’abonnés pour lesquels ils déversent des contenus ouvertement misogynes, tandis que d’autres promeuvent un mode de vie tradwife où le modèle patriarcal est romantisé, dans lequel la femme a pour unique rôle de s’occuper du ménage, des enfants et de la cuisine, pendant que son mari exerce une activité professionnelle et assure la stabilité financière de la famille.
Enfin, il est inutile de rappeler que le rôle des religions et de bon nombre de ceux qui les prêchent a pour effet de continuer à rabaisser la femme et de tenter, en manipulant les esprits, de la ramener des siècles en arrière.
Votre proposition de résolution européenne va donc bien sûr dans le bon sens, et c’est la raison pour laquelle je la voterai.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Vous avez rappelé un point fondamental, les hommes sont évidemment partie intégrante des luttes féministes pour atteindre un véritable féminisme universel. Cette PPRE, transpartisane, l’illustre bien, puisque nous atteignons la parité femmes-hommes dans le nombre des cosignataires. Le combat pour le féminisme universel se fera donc bien ensemble !
Mme Yaël Ménaché (RN). Cette PPRE entend affirmer un engagement fort en faveur de l’égalité, à l’échelle de l’Union européenne. Elle appelle notamment à lutter contre les écarts salariaux et professionnels entre les femmes et les hommes, à éradiquer les violences sexuelles, physiques ou économiques, à garantir le droit fondamental à disposer de son corps librement, à renforcer la portée internationale d’un féminisme solidaire en soutenant les femmes victimes de violences ou de répression à travers le monde, ainsi qu’à défendre leurs droits au niveau global.
Cette proposition souhaite intégrer systématiquement l’égalité femmes-hommes dans l’ensemble des politiques européennes, avec des objectifs chiffrés, des indicateurs et un suivi. Cette PPRE souhaite également encourager la coopération européenne, via des mesures telles que le financement de programmes, l’échange de bonnes pratiques entre États membres, et le soutien institutionnel aux organisations non gouvernementales (ONG) féministes.
Si les objectifs affichés de cette résolution envers la défense des droits fondamentaux peuvent sembler louables, la PPRE ne constitue en réalité qu’un énième acte de communication sans réelle conséquence. Celle-ci s’inscrit dans une logique de déclaration de principes, déconnectée des problématiques concrètes sur le terrain : la progression de l’islamisation dans certains quartiers européens, la montée des idéologies woke qui déconstruisent les fondements d’une égalité véritable, le financement par l’Union européenne d’associations controversées comme FEMYSO (Forum of European Muslim Youth and Student Organisations), liée aux frères musulmans, ou encore les menaces que certaines formes d’immigration font peser sur le droit des femmes.
À cela s’ajoute l’échec de la diplomatie féministe européenne, illustrée par le cas de la Syrie, où nos diplomates européens se sont montrés complaisants avec le djihadiste Abou Mohammed Al-Joulani. Plutôt que de lancer des appels grandiloquents pour sauver la moitié de l’humanité, il serait temps de se concentrer sur la situation réelle dans laquelle se trouvent les citoyens français.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Je vous remercie d’avoir rappelé l’importance du combat féministe contre les violences. Cette résolution n’est en rien déclarative ! L’objectif à atteindre est de mettre en place un système de filtrage pour contrôler l’attribution des financements. La PPRE l’énonce très clairement. Pour faire des déclarations, nous avons la presse, pour changer les faits, nous avons besoin de lois ! Le texte vise à donner un cadre juridique plus précis pour mieux contrôler l’octroi des financements européens.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Ce texte est l’inverse de ce qu’il prétend être. Il se prétend universaliste mais ne dit rien de la réalité concrète et du vécu d’une immense partie des femmes.
Il ne dit rien de l’excision, cette opération barbare consistant à couper le clitoris, dont l’équivalent, serait, chez les hommes, l’ablation du gland du pénis. Il ne dit rien des avortements sélectifs se pratiquant notamment en Inde et en Chine, qui font perdre à l’humanité 30 millions de femmes. Il ne dit rien non plus de la « mysogynoir », ce concept forgé par Moyà Bailey désignant une sexualisation à outrance des femmes noires issues directement de l’esclavage et de la colonisation.
Il ne dit bien sûr rien de la misogynie spécifique que subissent les femmes asiatiques supposément dévouées et discrètes. Il n’en dit rien parce qu’il y a le mot « universalisme » ! Il ne dit rien des femmes handicapées dont les taux d’agressions sexuelles, de viol et de violences conjugales sont un scandale absolu, ni des femmes étrangères qui, parce qu'étrangères, ne peuvent quitter leur foyer, les enfermant ainsi dans le lieu où elles risquent leur vie.
Il ne parle pas non plus des femmes travailleuses du sexe, qui ont les pires difficultés à déposer plainte lorsqu’elles sont violées ou encore des femmes trans, en première ligne des violences, ni davantage des femmes lesbiennes, ni des viols de correction que beaucoup d’entre elles ont subi. Il ne dit rien des violences islamophobes visant spécifiquement les femmes, subissant des arrachages de voile ou des licenciements uniquement au regard de leur tenue vestimentaire.
Pour vous, toutes ces situations n’entrent pas dans votre définition de l'universalisme. Parler des spécificités, des « sur discriminations » en fonction de la couleur de la peau ou de la situation sociale n’a pas d’importance. Pris à la lettre, ce texte empêcherait d’apposer le mot féminicide de masse pour qualifier l’attaque du 7 octobre, invisibilisant ainsi le fait que des femmes aient pu subir lors d’une attaque terroriste une surviolence, un procédé d’overkill parce que juives et femmes. Il invisibilise tout autant des femmes palestiniennes, en première ligne des bombardements, parce que dernière le mot universalisme, on n’identifie pas les différences.
Ce texte porte, sans le dire, uniquement sur le voile et donc sur les femmes musulmanes. Il porte uniquement, et sans le dire, sur les féministes, qui défendent la liberté de le porter ou non. Que ne comprenez-vous pas dans les mots « liberté » ou « choix » ? Ce texte est l’héritier des cérémonies d’arrachage du voile des femmes algériennes, tunisiennes, ou marocaines sur la place publique !
Permettez-moi de faire un rêve, celui d’une autre France, d’une France où une réfugiée afghane, handicapées, sportive de haut niveau ne soit pas obligée d’enlever son voile pour participer aux Jeux Olympiques (JO), pour se conformer aux dispositions du règlement ! Cette femme, je l’ai reçue dans mon bureau, elle s’appelle Zakia Khudadadi, elle a obtenu la médaille de bronze. Elle a quitté un pays où on l’obligeait à porter le voile, pour en rejoindre un autre où on l’a obligé à le retirer pour pratiquer son sport !
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. C’est dommage, que vous n’ayez pas été présente pour écouter le début de mon intervention. Je parle d’universel, et pas d’universalisme. L’objectif de cette PPRE est de proposer une vision transversale, englobante, pour ne pas avoir à hiérarchiser les combats ! La résolution porte justement sur la définition d’une égalité des droits, qui soit effective pour toutes les femmes. C’est une pour toutes, et toutes pour une ! Les témoignages dont vous nous faites part sont entièrement inclus dans la définition du féminisme universel !
M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. Nous passons à la discussion des amendements.
Amendement n° 1 de M. Laurent Mazaury
M. Laurent Mazaury (LIOT). Cet amendement vise à compléter l’alinéa 4 en mentionnant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) aujourd’hui inscrite dans la Constitution.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Je vous remercie pour cette précision s’agissant de ce sujet fondamental. La France peut être fière d’avoir inscrit l’IVG dans sa Constitution. Nous pouvons servir d’exemple en Europe, en particulier dans les pays où ce droit est fréquemment contesté. Avis favorable.
L'amendement n° 1 est adopté.
Amendement n° 5 de Mme Ayda Hadizadeh
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Cet amendement vise à compléter la référence faite aux textes législatifs fondateurs en matière d’égalité pour y inclure celle relative aux femmes victimes d’exploitation sexuelle.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Il va de soi que la lutte contre l’exploitation du corps des femmes et des filles notamment dans le cadre de la prostitution est essentielle. Avis favorable.
L’amendement n° 5 est adopté.
Amendement n° 8 de la rapporteure
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à mentionner explicitement l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux pour renforcer la clarté de la portée du texte.
L’amendement n° 8 est adopté.
Amendement n° 9 de la rapporteure
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Cet amendement, également rédactionnel, vise les articles 2, 3 et 7 du traité sur l’Union européenne (TUE) pour renforcer la cohérence et la sécurité juridique du texte.
L’amendement n° 9 est adopté.
Amendement n° 2 de M. Laurent Mazaury
M. Laurent Mazaury (LIOT). Cet amendement fait une mention explicite du préambule de la Charte des Nations Unies, qui dispose que les peuples des Nations Unies sont résolus à proclamer leur foi dans l’égalité des droits, et en particulier dans celle entre les hommes et les femmes.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Je vous remercie pour cette précision : mentionner la Charte des Nations Unies concourt à renforcer la portée et la légitimité juridique de la PPRE. Avis favorable.
L’amendement n° 2 est adopté.
Amendement n° 3 de Mme Ayda Hadizadeh
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Par cet amendement, nous souhaiterions ajouter à l’expression « le mouvement féministe contemporain » les mots « dans toute sa diversité ». Cela permettrait de conserver le singulier, tout en reconnaissant la pluralité des mouvements féministes à travers le monde. Ces mouvements ne peuvent être réduits à un bloc monolithique ni à un point de vue uniformément européo-centré.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. J’entends ici le mouvement féministe contemporain justement dans toute sa diversité et sa richesse. Je ne voyais pas nécessairement l’intérêt de le préciser dans le texte, mais je ne m’y opposerai évidemment pas. Il est pertinent de refléter au mieux la diversité des mouvements féministes contemporains. L’universel ne doit pas exclure, mais au contraire embrasser les diversités. Par ailleurs, comme vous l’avez rappelé dans votre exposé, la proposition de résolution repose sur un point fondamental : « tout en refusant toute hiérarchisation et invisibilisation de certaines voix féministes ». Je serai donc favorable à cet amendement.
L’amendement n °3 est adopté.
Amendement n° 10 de Mme Emmanuelle Hoffman
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Après les auditions, il m’est apparu nécessaire de définir précisément, dans le texte, ce que recouvre la notion de féminisme universel. Il s’agit du principe visant à garantir l’égalité effective des droits et de la dignité entre les femmes et les hommes. Le féminisme universel reconnaît et embrasse la diversité des expériences et des identités féministes, sans distinction d’origine, d’opinion ou d’engagement, et proscrit toute hiérarchisation ou exclusion entre les luttes féministes. Cette clarification permettra de mieux encadrer les stratégies ainsi que la communication et les travaux législatifs au niveau de l’Union européenne tout en assurant un meilleur suivi de l’attribution des financements.
L’amendement n° 10 est adopté.
Amendement n° 11 de la rapporteure
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Amendement rédactionnel.
L’amendement n° 11 est adopté.
Amendement n° 12 de la rapporteure
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Amendement rédactionnel.
L’amendement n° 12 est adopté.
Amendement n° 13 de la rapporteure
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Étant également co‑rapporteure d’une mission d’information sur les effets de l’intelligence artificielle sur les entreprises françaises, j’ai été particulièrement sensibilisée aux enjeux de diversité, d’éthique, de représentativité et aux risques de biais induits par l’utilisation des algorithmes et, plus particulièrement, dans le domaine du numérique.
Je propose donc par cet amendement de limiter autant que possible les risques de biais notamment sexistes. Ce sujet préoccupe d’ailleurs un grand nombre de nos collègues, et je tiens à saluer, à ce titre, les travaux menés par Mme Céline Calvez.
L’amendement n° 13 est adopté
Amendement n° 4 de Mme Ayda Hadizadeh et amendement n° 15 de la rapporteure
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 26 à 28. Nous estimons que leur rédaction, en particulier celle de l’alinéa 27, comporte un risque important de discrimination envers certains groupes féministes. En effet, lorsqu’il est écrit que « le gouvernement français et l’Union européenne pourraient accorder ou retirer des subventions aux associations ou groupes qui, par leur combat, peuvent volontairement ou non stigmatiser, inférioriser, ou appeler à la haine », nous entrons dans un domaine relevant de l’arbitraire. Qu’entendez-vous par « volontairement ou non » ? Ce terme est trop flou. En outre, laisser décider des gouvernements, qui ont un agenda politique pouvant changer en fonction de la majorité paraît dangereux. Il est préférable que ces situations relèvent de la justice. Il conviendrait donc plutôt de renforcer ses moyens pour sanctionner.
Cette rédaction est trop floue. Si ces alinéas ne sont pas supprimés, notre groupe ne pourra pas voter pour cette proposition de résolution européenne.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Vous avez raison d’exprimer une crainte. C’est précisément pour cette raison que nous avons souhaité intégrer dans le texte une définition plus précise du féminisme universel. En avril dernier, la Cour des comptes européenne déplorait le manque de transparence et de fiabilité dans l’utilisation des fonds européens, estimant qu’il n’existe aucune vue d’ensemble fiable sur ces financements. L’attribution des fonds par les États membres peut d’ailleurs déjà, et malheureusement, être soumise à la volonté parfois négative des gouvernements.
Les alinéas 26 à 28, la nouvelle définition du féminisme universel ainsi que la procédure de filtrage proposée vont donc dans le sens d’un meilleur encadrement et d’un fléchage plus rigoureux des fonds européens, notamment en ce qui concerne les actions féministes. Compte tenu de la définition que nous venons d’adopter, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Ce n’est pas une question de transparence. Nous devons évidemment tous nous améliorer sur ce point, notamment en renforçant les moyens de contrôle de l’utilisation des fonds. Le problème concerne les termes « peuvent retirer des subventions aux associations qui peuvent volontairement ou non ». Avec cette formulation, nous entrons dans le domaine de l’arbitraire, ce qui ouvre la porte à toutes les dérives. Nous ne transigerons pas sur ce point. Si ces alinéas ne sont pas retirés, nous ne pourrons pas voter la résolution.
Mme Sandrine Rousseau (EcoS). Nous traversons une période où les subventions accordées à certaines associations sont largement menacées. C’est notamment le cas du Planning familial, qui a pourtant joué un rôle historique dans la défense des droits des femmes, et qui voit ses financements diminuer dans de nombreux départements et régions. Je pense également aux Centres d'Information sur les Droits des Femmes et des Familles (CIDFF), dont les subventions ont été réduites. Partout, nous constatons une attaque contre les financements des associations féministes, en particulier celles qui défendent les droits sexuels. Nous voterons donc contre cet amendement.
M. Charles Sitzenstuhl (EPR). J’ai entendu les arguments de nos deux collègues, mais il y a un point que je ne comprends pas complètement. L’amendement évoque que les trois alinéas posent problème. Pourtant, dans votre intervention orale, vous vous focalisez surtout sur une partie de l’alinéa 27. On peut comprendre votre remarque lorsqu’il s’agit de la formulation « le cas échéant à retirer des subventions (…) volontairement ou non », qui peut paraître un peu floue. Un compromis pourrait consister à raccourcir cet alinéa 27 en supprimant tous les adjectifs et adverbes susceptibles de prêter à confusion. Vos points d’alerte sont ici pris en considération.
Mme Anna Pic (SOC). Je soutiens l’amendement. Lorsqu’on regarde de plus près, on s’aperçoit que ce texte va bien au-delà de la seule question du féminisme, puisqu’il est question de « notamment un combat féministe ». Cet alinéa ouvre donc très largement la porte aux discriminations. D’un côté, il est question du retrait des subventions, de l’autre, seulement de leur attribution prioritaire. Dans mon département, par exemple, le Planning familial s’est vu retirer une subvention par le préfet parce qu’un de ses membres avait pris la parole lors d’une manifestation qui n’avait rien à voir avec le combat féministe. Nous risquons donc d’être très contre-productifs sur les questions d’égalité femmes-hommes et d’éducation à la vie affective et sexuelle. Ces alinéas nous posent problème. Entre les alinéas 26 et 27, nous avons même l’impression qu’ils se contredisent, car ils élargissent la notion de combat féministe à d’autres combats, avec la formule « notamment du combat féministe ». Ces dispositions ne clarifient pas le débat et, en l’état, ne nous permettront pas de voter ce texte.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. L’objectif de cette proposition de résolution n’est pas déclaratif, elle vise plutôt à n’exclure personne. Je suis d’accord pour apporter une modification à l’alinéa 27. Néanmoins, concernant l’alinéa 26, l’objectif est que les subventions prennent en compte l’aspect universel. C’est un point important au regard des financements.
Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Même avec une définition précise du féminisme universel, le fait qu’il y ait la mention « volontairement ou non » et l’expression « en priorité » posent problème.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Je vous propose donc d’amender la proposition ainsi, supprimer à l’alinéa 27 les mots « volontairement ou non, » et à l’alinéa 26 les mots « en priorité ».
L’amendement n° 4 est rejeté.
L’amendement n° 15 est adopté.
Amendement n° 14 de la rapporteure
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. C’est un amendement rédactionnel, je propose de substituer au mot « appelle » les mots « Invite » et « Demande à ».
L’amendement n° 14 est adopté.
Amendement n° 7 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip (EPR). Cet amendement se justifie par son texte même : il propose de compléter l’alinéa 28 par les mots « et infériorisation de la femme sur l’homme » pour que les choses soient dites explicitement.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. J’y suis favorable.
L’amendement n° 7 est adopté.
Amendement n° 6 de Mme Constance Le Grip
Mme Constance Le Grip (EPR). Cet amendement propose de compléter l’alinéa 28, par la mise en œuvre d’une procédure de filtrage systématique des financements européens. Cela fait écho à ce que propose la rapporteure dans sa résolution ainsi qu’à la page 22 de son rapport d’information. Le ministre chargé de l’Europe, M. Benjamin Haddad, porte une initiative franco-autrichienne pour que l’ensemble des subventions accordées par la Commission européenne soit examiné à travers une procédure de filtrage permettant de s’assurer que les organismes candidats, en l’occurrence les associations féministes, soient bien conformes à leurs objets et promeuvent bien les valeurs et les droits fondamentaux des femmes.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. Cette procédure de filtrage est effectivement nécessaire pour la bonne gestion des fonds européens, et elle se trouve dans la droite ligne de ce que propose le ministre délégué, chargé de l’Europe, M. Benjamin Haddad, j’y suis donc favorable.
Mme Anna Pic (SOC). Il y a quelques mois, nous avons voté une PPRE sur les sanctions vis-à-vis de la Hongrie, qui incluait une liste de valeurs européennes à respecter. Or votre groupe, avait supprimé, par amendement, la mention à l’égalité femme-homme que j’y avais introduite. Je m’étonne d’une vigilance à géométrie variable concernant les valeurs européennes, vous demeurez extrêmement vigilants lorsqu’il s’agit de filtrer l’attribution de subventions aux associations, et plus globalement lorsqu’il a s’agit de parler des sanctions – y compris envers la Hongrie – vous supprimez le respect de l’égalité femmes-hommes. J’avais voté néanmoins la proposition de résolution parce qu’elle comportait un certain nombre de points extrêmement importants, mais je reste très étonnée, qu’en quelques mois, vous puissiez faire une telle différence de traitements.
L’amendement n° 6 est adopté.
L’article unique de la proposition de résolution européenne est adopté.
La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est par conséquent adoptée.
Mme Emmanuelle Hoffman, rapporteure. L’objectif de cette proposition est vraiment « une pour toutes et toutes pour une » ! Je suis désolée que sur ce texte le vote n’ait pas été unanime, alors qu’il me paraissait fondamental qu’il le fût, d’autant plus que j’ai accepté une partie de vos amendements.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑1 du règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la Constitution française, notamment son Préambule de 1946 qui garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme, et son article premier qui dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales »,
Vu la loi du 13 juillet 1965 sur la capacité juridique des femmes mariées, la loi du 22 décembre 1972 sur l’égalité de rémunération, la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, la loi du 13 juillet 1983 sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la loi du 27 mai 2008 portant adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, et la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique ouvrant la procréation médicalement assistée à toutes les femmes,
Vu la ratification par la France de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, entrée en vigueur en 2014, et la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail,
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000, notamment son article 23 qui consacre le principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération,
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 8, 19, 153 et 157 qui assignent à l’Union la mission d’éliminer les inégalités et de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, autorisent l’adoption d’actes législatifs pour lutter contre toutes les formes de discrimination, et permettent des actions positives pour renforcer la position des femmes,
Vu la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services, la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010 sur le congé parental, et la directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit,
Vu la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020‑2025 de la Commission européenne, la feuille de route 2025 pour renforcer les droits des femmes, la directive européenne sur la transparence des rémunérations adoptée en 2023, la directive sur l’équilibre hommes‑femmes dans les conseils d’administration, la première loi européenne pour lutter contre les violences faites aux femmes adoptée en mai 2024, ainsi que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul entrée en vigueur le 1er octobre 2023,
Vu la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne qui consacre l’égalité entre femmes et hommes comme un principe fondamental du droit communautaire,
Considérant que l’histoire du combat féministe universel s’inscrit dans une longue lutte pour l’émancipation des femmes, marquée par la conquête des droits civils, des libertés fondamentales et l’accès à l’indépendance économique, et que ce combat s’est historiquement fondé sur des principes universalistes et laïques, visant à libérer toutes les femmes, sans distinction d’origine ou de culture ;
Considérant que le féminisme universel refuse toute instrumentalisation politique ou relativisme culturel, et s’oppose à toutes les formes d’oppression sexiste, qu’elles soient issues d’intégrismes religieux, de traditions patriarcales ou de systèmes politiques autoritaires, en affirmant que la laïcité et l’égalité sont les garantes de la liberté des femmes ;
Considérant que le mouvement féministe contemporain, tout en s’enrichissant de la « libération de la parole » et de la dénonciation de nouvelles formes d’oppression, doit préserver sa vocation à défendre les droits de toutes les femmes, partout dans le monde, sans céder aux dérives identitaires ou sectaires qui menacent son universalité et risquent d’enfermer la cause féministe dans des logiques de division ou de hiérarchisation des luttes ;
Considérant enfin que l’histoire du féminisme est celle d’un combat sans cesse renouvelé contre toutes les formes de patriarcat, qu’il soit religieux, culturel ou politique, et que sa force réside dans son exigence d’égalité, de justice et d’universalité, au service de l’émancipation de toutes les femmes, sans exception ;
Considérant l’exclusion du collectif Nous vivrons de la manifestation féministe du 8 mars 2025 place de la République en France par d’autres féministes ;
Considérant la remise en cause des droits des femmes notamment dans les démocraties occidentales ;
Considérant la fragilité des acquis des combats féministes notamment dans les périodes de crise ;
Considérant l’interdiction quasi totale de l’avortement en Pologne et les violations diverses des droits des femmes en Hongrie ou en Italie ;
Considérant la conflictualisation du débat public et les détournements opportunistes du combat féministe universel depuis plusieurs années ;
Appelle les institutions européennes à reconnaitre la portée universelle du combat pour les droits des femmes ;
Encourage la Commission européenne à introduire la notion de féminisme universel dans les consultations visant à rédiger la nouvelle stratégie pour l’égalité de genre post‑2025 en se basant sur la feuille de route de l’Union européenne pour les droits des femmes présentée le 8 mars 2025 ;
Demande que l’Union européenne fasse respecter les acquis de la stratégie pour l’égalité de genre 2020‑2025 ainsi que les futurs objectifs de la stratégie post‑2025 à tous les États membres ;
Insiste sur l’importance de l’éducation et de l’histoire des luttes pour les droits des femmes, en appelant à promouvoir l’égalité entre toutes les femmes dans le combat féministe ;
Demande à la Commission européenne de conditionner les accords internationaux qu’elle signe au nom de l’Union européenne au respect des droits des femmes ;
Appelle la Commission européenne à soutenir en priorité les associations ou mouvements qui promeuvent le combat universel pour l’égalité ;
Appelle le Gouvernement français et l’Union européenne à ne pas accorder ou, le cas échéant, à retirer des subventions aux associations ou groupes qui par leur combat peuvent, volontairement ou non, stigmatiser, inférioriser ou appeler à la haine d’un autre groupe remettant ainsi en cause l’universalité notamment du combat féministe ;
Appelle l’Union européenne à conditionner les subventions qu’elle accorde aux associations prônant l’égalité plutôt que l’identité, l’universel plutôt que le séparatisme ;
Appelle l’Union européenne à tirer toutes les conséquences de l’arrêt du 16 janvier 2024 de la Cour de Justice de l’Union européenne qui reconnait que la violence à l’encontre des femmes fondées sur le genre est une forme de persécution pouvant donner lieu en tant que telle à une protection.
aMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 1 |
présenté par |
M. Laurent Mazaury |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 4, supprimer la première occurrence du mot « et », et insérer à la fin de l’alinéa les mots « et son article 34 qui dispose notamment que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse, » »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement vise à compléter l’alinéa 4 sur les différentes dispositions de la Constitution qui garantissent l’égalité entre les femmes et les hommes. Il précise en effet que le Parlement français a inscrit dans la Constitution la liberté de recourir à l’IVG.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 5 |
présenté par |
Mmes Ayda HADIZADEH, Marietta KARAMANLI, M. Karim BENBRAHIM, Mmes Colette CAPDEVIELLE, Anna PIC, MM. Thierry SOTHER, Pierre PRIBETICH |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 5 :
Après « la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, » ajouter « la loi 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Le présent amendement vise à compléter les références aux textes législatifs fondateurs en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, en y ajoutant la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées. Cette loi constitue une avancée majeure dans la reconnaissance des violences systémiques faites aux femmes, en particulier à travers l’exploitation sexuelle.
Alors que le texte initial omet toute mention de la prostitution ou de la traite des êtres humains, il est impératif de rappeler que l’exploitation du corps des femmes et des filles, notamment des adolescentes, représente aujourd’hui un enjeu central dans la lutte contre les inégalités et les violences sexistes. Cet amendement vise ainsi à intégrer pleinement cette dimension dans les visas du texte, en cohérence avec les engagements français et internationaux en matière de droits des femmes.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 8 |
présenté par |
Mme Emmanuelle HOFFMAN |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 7, après le mot « notamment » substituer aux mots « son article 23 », les mots ses articles 21 et 23 ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Amendement rédactionnel de précision. L’article 21 de la Charte des droits fondamentaux dispose que toute discrimination fondée notamment sur le sexe est interdite.
Article 21 de la Charte des droits fondamentaux
1. Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle.
2. Dans le domaine d'application des traités et sans préjudice de leurs dispositions particulières, toute discrimination exercée en raison de la nationalité est interdite.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 9 |
présenté par |
Mme Emmanuelle HOFFMAN |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 7, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Vu les articles 2, 3 et 7 du traité sur l’Union européenne ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Amendement rédactionnel de précision. L’article 2 du traité sur l’Union européenne (TUE) précise quelles sont les valeurs sur lesquelles l’Union européenne est fondée parmi lesquelles figure « l’égalité entre les femmes et les hommes ». L’article 3 alinéa 3 rappelle que l’UE promeut ces valeurs dans ces politiques.
Quant à l’article 7, il ouvre la possibilité au Conseil de suspendre les droits d’un État membre (EM) lorsque celui-ci « peut constater l’existence d’une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l’article 2, après avoir invité cet EM à présenter toute observation en la matière ».
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 2 |
présenté par |
M. Laurent Mazaury |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 11, insérer l’alinéa suivant :
« Vu le préambule de la Charte des Nations unies qui dispose notamment que les peuples des nations unies sont résolus à proclamer leur foi dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Le présent amendement vise à rappeler que la Charte des Nations unies, dans son préambule, dispose que tous les peuples des Nations unies sont notamment résolus à proclamer leur foi dans l’égalité de droits des hommes et des femmes, exprimant alors l’universalité de ce droit fondamental.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 3 |
présenté par |
Mmes Ayda HADIZADEH, Marietta KARAMANLI, M. Karim BENBRAHIM, Mmes Colette CAPDEVIELLE, Anna PIC, MM. Thierry SOTHER, Pierre PRIBETICH |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 14 :
Substituer aux mots « le mouvement féministe contemporain », les mots « le mouvement féministe contemporain dans toute sa diversité ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à substituer la formulation « le mouvement féministe contemporain » par « le mouvement féministe contemporain dans toute sa diversité », afin de mieux refléter la réalité du féminisme aujourd’hui.
Cette formulation permet d’insister sur la diversité des approches qui composent le féminisme contemporain. Le féminisme n’est pas un bloc monolithique : il s’exprime à travers une pluralité de collectifs, de pratiques et de revendications, dans différents contextes sociaux, culturels ou même géographiques.
En reconnaissant cette pluralité, l’amendement renforce l’esprit d’universalité porté par la PPRE, tout en refusant toute hiérarchisation ou invisibilisation de certaines voix féministes.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 10 |
présenté par |
Mme Emmanuelle HOFFMAN |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 21, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Invite les institutions européennes à intégrer une définition du féminisme universel opposable notamment aux autorités gestionnaires en charge des financements européens : le féminisme universel est défini comme le principe visant à garantir l’égalité effective des droits et de la dignité entre les femmes et les hommes. Le féminisme universel reconnaît et embrasse la diversité des expériences et des identités féminines, sans distinction d’origine, d’opinion ou d’engagement, et proscrit toute hiérarchisation ou exclusion entre les luttes féministes. Toute mesure, action ou organisation qui exclut un groupe de femmes en raison de leur appartenance, de leur combat ou de leurs convictions contreviendrait à ce principe. »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Amendement visant à donner une définition du féminisme universel. Il est nécessaire de donner une définition du féminisme universel :
- pour que cette définition juridique soit opposable en droit aux autorités gestionnaires en charge des financements par l’Union européenne ;
- pour que cette définition juridique permette la mise en œuvre d’un système de « filtrage » des financements accordés aux associations ou organisation. Toute association ou organisation qui ne respecterait pas cette définition du féminisme universel ne pourrait pas être éligible aux fonds européens.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 11 |
présenté par |
Mme Emmanuelle HOFFMAN |
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ARTICLE UNIQUE
Aux alinéas 22 et 23 substituer aux mots « de genre », les mots « entre les femmes et les hommes ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Amendement rédactionnel. La stratégie pour 2020-2025 a été traduite en français par « stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes ».
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 12 |
présenté par |
Mme Emmanuelle HOFFMAN |
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ARTICLE UNIQUE
Rédiger ainsi l’alinéa 24 :
« Invite la Commission européenne à prendre en compte dans la rédaction des objectifs de la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes, post-2025, l’importance de l’éducation et de l’histoire des luttes pour les droits des femmes, ainsi qu’à promouvoir l’égalité entre toutes les femmes dans le combat féministe »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Amendement rédactionnel.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
N° 13 |
présenté par |
Mme Emmanuelle HOFFMAN |
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ARTICLE UNIQUE
Après l’alinéa 24, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Appelle la Commission européenne, dans l’ensemble de ses communications et de ses propositions de législation en matière numérique, à lutter contre tout type de stéréotypes qui pourraient s’avérer contraire à une définition du féminisme universel ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Les entraînements des intelligence artificielles (IA) notamment, dans la mesure où ils puisent l’ensemble des données disponibles sur l’internet, sans hiérarchisation de celles-ci, peuvent donner lieu à des créations de stéréotypes contraire à l’égalité entre les hommes et les femmes, ainsi qu’à une définition juridique du féminisme universel. Pour éviter ce biais, la Commission doit prendre en compte, dans l’ensemble de sa législation et de ses communications dans le domaine du numérique, une définition du féminisme universel.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 4 |
présenté par |
Mmes Ayda HADIZADEH, Marietta KARAMANLI, M. Karim BENBRAHIM, Mmes Colette CAPDEVIELLE, Anna PIC, MM. Thierry SOTHER, Pierre PRIBETICH |
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ARTICLE UNIQUE
Supprimer les alinéas 26 à 28
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés vise à supprimer les alinéas 26 à 28, qui portent sur la priorisation, le retrait ou la conditionnalisation du versement des subventions en fonction de critères insuffisamment précis. Si l’objectif de défendre un féminisme universaliste est légitime, ces alinéas soulèvent plusieurs inquiétudes importantes, tant sur le plan politique que démocratique.
En effet, confier à la Commission européenne ou aux États membres la mission de juger ce qui relève ou non de l’universel, sans garantie ni cadrage démocratique clair, c’est ouvrir la voie à des dérives politiques. Selon le gouvernement en place, certaines associations pourraient se voir privées de financement pour des raisons purement idéologiques, alors même qu’elles luttent contre les inégalités, les violences et les discriminations, et œuvrent à l’atteinte de l’objectif partagé de l’égalité femmes-hommes.
Le féminisme ne sera véritablement universel que s’il s’adresse à toutes et tous, et que s’il regroupe les luttes portées par toutes. Il ne peut – par définition – reconfigurer l’espace féministe en excluant – de manière arbitraire – certaines femmes ou luttes dont le combat commun est celui de l’égalité femmes-homme, dans les droits et dans l’existence.
Cet amendement a été rejeté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 15 |
présenté par |
Mme Emmanuelle HOFFMAN, rapporteure |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 26, supprimer le mot « en priorité » ;
À l’alinéa 27, supprimer les mots «, volontairement ou non, ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Amendement rédactionnel visant à éviter les ambiguïtés de formulation.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 14 |
présenté par |
Mme Emmanuelle HOFFMAN |
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ARTICLE UNIQUE
Au début de l’alinéa 27, substituer au mot « Appelle » le mot : « Invite » ;
Au début de l’alinéa 29, substituer au mot « Appelle » les mots « Demande à » et au mot « à » le mot « de ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Amendement rédactionnel pour éviter les répétitions.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 7 |
présenté par |
Mme Constance LE GRIP |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 28, après le mot « identité » :
Ajouter les mots suivants : « et l’infériorisation de la femme sur l’homme, »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement se justifie par son texte-même.
Cet amendement a été adopté.
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
24 juin 2025
Proposition de rÉsolution europÉenne
pour un fÉminisme universel (n° 1381)
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AMENDEMENT |
No 6 |
présenté par |
Mme Constance LE GRIP |
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ARTICLE UNIQUE
À l’alinéa 28, ajouter les mots suivants :
« et à mettre en place une procédure de « filtrage » systématique ; »
EXPOSÉ SOMMAIRE
Le présent amendement vise à dénoncer, au sein de cette proposition de résolution européenne, l’attribution de financements européens à des entités promouvant des idéologies contraires aux valeurs fondamentales de l’Union, en particulier celles relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la laïcité et aux droits fondamentaux.
Conscient de ces dérives, le Gouvernement français, par la voix du ministre délégué chargé de l’Europe, M. Benjamin Haddad, a transmis à la Commission européenne une note diplomatique appelant à une réforme des procédures de subvention. Cette initiative, à laquelle s’associe déjà l’Autriche, propose notamment la mise en place d’un filtrage systématique des bénéficiaires, ainsi que la vérification des antécédents des personnes associées aux entités subventionnées.
Il s’agit d’une démarche salutaire pour garantir que les fonds publics européens ne servent jamais à affaiblir les droits fondamentaux, en particulier les droits des femmes, ni à soutenir des structures contraires aux principes fondateurs de l’Union.
Cet amendement a été adopté.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION
Article unique
Vu l’article 88‑4 de la Constitution,
Vu l’article 151‑1 du règlement de l’Assemblée nationale,
Vu la Constitution française, notamment son Préambule de 1946 qui garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme, son article premier qui dispose que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales », et son article 34 qui dispose notamment que « la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse »,
Vu la loi du 13 juillet 1965 sur la capacité juridique des femmes mariées, la loi du 22 décembre 1972 sur l’égalité de rémunération, la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse, la loi du 13 juillet 1983 sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la loi du 27 mai 2008 portant adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées, la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, et la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique ouvrant la procréation médicalement assistée à toutes les femmes,
Vu la ratification par la France de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite Convention d’Istanbul, entrée en vigueur en 2014, et la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail,
Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée à Nice le 7 décembre 2000, notamment ses articles 21 et 23 qui consacrent le principe d’égalité entre les hommes et les femmes dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération,
Vu les articles 2, 3 et 7 du traité sur l’Union européenne,
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 8, 19, 153 et 157 qui assignent à l’Union la mission d’éliminer les inégalités et de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, autorisent l’adoption d’actes législatifs pour lutter contre toutes les formes de discrimination, et permettent des actions positives pour renforcer la position des femmes,
Vu la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services, la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, la directive 2010/18/UE du 8 mars 2010 sur le congé parental, et la directive (UE) 2023/970 du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes pour un même travail ou un travail de même valeur par la transparence des rémunérations et les mécanismes d’application du droit,
Vu la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020‑2025 de la Commission européenne, la feuille de route 2025 pour renforcer les droits des femmes, la directive européenne sur la transparence des rémunérations adoptée en 2023, la directive sur l’équilibre hommes‑femmes dans les conseils d’administration, la première loi européenne pour lutter contre les violences faites aux femmes adoptée en mai 2024, ainsi que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention d’Istanbul entrée en vigueur le 1er octobre 2023,
Vu la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne qui consacre l’égalité entre femmes et hommes comme un principe fondamental du droit communautaire,
Vu le préambule de la Charte des Nations Unies qui dispose notamment que les peuples des Nations Unies sont résolus à proclamer leur foi dans l’égalité de droits des hommes et des femmes,
Considérant que l’histoire du combat féministe universel s’inscrit dans une longue lutte pour l’émancipation des femmes, marquée par la conquête des droits civils, des libertés fondamentales et l’accès à l’indépendance économique, et que ce combat s’est historiquement fondé sur des principes universalistes et laïques, visant à libérer toutes les femmes, sans distinction d’origine ou de culture ;
Considérant que le féminisme universel refuse toute instrumentalisation politique ou relativisme culturel, et s’oppose à toutes les formes d’oppression sexiste, qu’elles soient issues d’intégrismes religieux, de traditions patriarcales ou de systèmes politiques autoritaires, en affirmant que la laïcité et l’égalité sont les garantes de la liberté des femmes ;
Considérant que le mouvement féministe contemporain dans toute sa diversité, tout en s’enrichissant de la « libération de la parole » et de la dénonciation de nouvelles formes d’oppression, doit préserver sa vocation à défendre les droits de toutes les femmes, partout dans le monde, sans céder aux dérives identitaires ou sectaires qui menacent son universalité et risquent d’enfermer la cause féministe dans des logiques de division ou de hiérarchisation des luttes ;
Considérant enfin que l’histoire du féminisme est celle d’un combat sans cesse renouvelé contre toutes les formes de patriarcat, qu’il soit religieux, culturel ou politique, et que sa force réside dans son exigence d’égalité, de justice et d’universalité, au service de l’émancipation de toutes les femmes, sans exception ;
Considérant l’exclusion du collectif Nous vivrons de la manifestation féministe du 8 mars 2025 place de la République en France par d’autres féministes ;
Considérant la remise en cause des droits des femmes notamment dans les démocraties occidentales ;
Considérant la fragilité des acquis des combats féministes notamment dans les périodes de crise ;
Considérant l’interdiction quasi totale de l’avortement en Pologne et les violations diverses des droits des femmes en Hongrie ou en Italie ;
Considérant la conflictualisation du débat public et les détournements opportunistes du combat féministe universel depuis plusieurs années ;
Appelle les institutions européennes à reconnaitre la portée universelle du combat pour les droits des femmes ;
Invite les institutions européennes à intégrer une définition du féminisme universel opposable notamment aux autorités gestionnaires en charge des financements européens ; le féminisme universel est défini comme le principe visant à garantir l’égalité effective des droits et de la dignité entre les femmes et les hommes. Le féminisme universel reconnaît et embrasse la diversité des expériences et des identités féminines, sans distinction d’origine, d’opinion ou d’engagement, et proscrit toute hiérarchisation ou exclusion entre les luttes féministes. Toute mesure, action ou organisation qui exclut un groupe de femmes en raison de leur appartenance, de leur combat ou de leurs convictions contreviendrait à ce principe ;
Encourage la Commission européenne à introduire la notion de féminisme universel dans les consultations visant à rédiger la nouvelle stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes post‑2025 en se basant sur la feuille de route de l’Union européenne pour les droits des femmes présentée le 8 mars 2025 ;
Demande que l’Union européenne fasse respecter les acquis de la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2020‑2025 ainsi que les futurs objectifs de la stratégie post‑2025 à tous les États membres ;
Invite la Commission européenne à prendre en compte dans la rédaction des objectifs de la stratégie pour l’égalité entre les femmes et les hommes, post-2025, l’importance de l’éducation et de l’histoire des luttes pour les droits des femmes, ainsi qu’à promouvoir l’égalité entre toutes les femmes dans le combat féministe ;
Appelle la Commission européenne, dans l’ensemble de ses communications et de ses propositions de législation en matière numérique, à lutter contre tout type de stéréotypes qui pourraient s’avérer contraire à une définition du féminisme universel ;
Demande à la Commission européenne de conditionner les accords internationaux qu’elle signe au nom de l’Union européenne au respect des droits des femmes ;
Appelle la Commission européenne à soutenir les associations ou mouvements qui promeuvent le combat universel pour l’égalité ;
Invite le Gouvernement français et l’Union européenne à ne pas accorder ou, le cas échéant, à retirer des subventions aux associations ou groupes qui par leur combat peuvent stigmatiser, inférioriser ou appeler à la haine d’un autre groupe remettant ainsi en cause l’universalité notamment du combat féministe ;
Appelle l’Union européenne à conditionner les subventions qu’elle accorde aux associations prônant l’égalité plutôt que l’identité et l’infériorisation de la femme sur l’homme, l’universel plutôt que le séparatisme, et à mettre en place une procédure de « filtrage » systématique ;
Demande à l’Union européenne de tirer toutes les conséquences de l’arrêt du 16 janvier 2024 de la Cour de Justice de l’Union européenne qui reconnaît que la violence à l’encontre des femmes fondées sur le genre est une forme de persécution pouvant donner lieu en tant que telle à une protection.
annexe 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure
- Mme Agnès Hubert, membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes
- Mme Anna Carla Pereira, DG Just, directrice « Égalité et non-discrimination »
- Mme Émilie Marquis-Samari, conseillère Travail, emploi, inclusion sociale, égalité femmes-hommes
Annexe n° 2 :
HISTOIRE DES MOUVEMENTS FÉMINISTES EN EUROPE
Le terme « féminisme » est employé pour la première fois dans son sens actuel par la journaliste et militante Hubertine Auclert (1848-1914). Il fait le tour de l’Europe pour désigner, dans son acceptation large, une pensée critique de l’inégalité entre les sexes et diverses formes de contestation de celle-ci. L’histoire des mouvements féministe peut être décomposée en plusieurs vagues : celle des droits des femmes (milieu XIXe-milieu XXe siècle), celle de leur libération (années 1970-1980) et leurs identités multiples (années 1990 à nos jours).
I. Première vague : pour l’accès aux droits civiques et politiques
a) Les prémices (1789-1848)
La Révolution française catalyse le débat sur l’émancipation des femmes : malgré la participation des femmes aux journées révolutionnaires, les assemblées leur refusent l’égalité politique, réclamée entre autres par Olympe de Gouges. La Première République se révèle antiféministe, cantonnant les femmes à la sphère domestique et les privant de droits fondamentaux. Ce paradoxe suscite des critiques à l’étranger : la philosophe anglaise Mary Wollstoncraft répond dès 1792 au rapport de Talleyrand qui affirme que les femmes ne devraient recevoir d’une éducation à caractère domestique, et dénonce le caractère injuste et incohérent de la soumission des femmes. Des revendications émergent dans plusieurs pays dans les années 1790. En 1804, Napoléon dote la France du Code civil, qui entérine la soumission de la femme mariée à son époux. À la faveur des conquêtes napoléoniennes, celui-ci devient le modèle dans la majeure partie de l’Europe.
Les révolutions du « printemps des peuples » en 1848 dans les villes européennes sont l’occasion pour les femmes de reprendre à leur compte les revendications de droit et d’égalité. Elles réclament le droit de participer aux affaires de l’État, à l’instruction, à la liberté dans le mariage et au divorce. Jeanne Deroin, en France, et Karoline Perin, à Vienne, appellent au suffrage féminin et fondent des clubs démocratiques de femmes. Pendant la Restauration, les gouvernements européens excluent les femmes de l’espace public et ferment les associations féminines. À partir de 1850, dans les Etats allemands et l’empire d’Autriche, les femmes sont ainsi interdites par la loi de toute activité à caractère politique.
b) Les premiers mouvements féministes
À partir des années 1950, de nouvelles initiatives féministes apparaissent en Angleterre et dans les pays scandinaves sur le droit conjugal, l’enseignement et l’emploi féminin. Avec le soutien de députés au Parlement britannique, elles obtiennent le vote d’une loi facilitant le divorce (Matrimonial Causes Act, 1857).
Des mouvements féministes se forment en Europe occidentale et centrale : en France, à l’initiative de la journaliste André Léo ; dans les États allemands, par Louise Otto-Peters et Auguste Schmidt. Des associations féministes naissent également en Bohême, Bulgarie, Ukraine, Moldavie, puis en Europe du Sud, autour de deux questions centrales : le mariage et la réforme de l’éducation des filles. Au début du XXe siècle, le droit de vote devient la revendication dominante. Plusieurs courants s’affrontent : majoritairement légalistes, les féministes recourent aux pétitions et à la presse d’idée, cherchant à obtenir le soutien des hommes politiques. Une minorité, telles les suffragettes britanniques, a recours à la violence. Beaucoup s’engagent dans d’autres mouvements sociaux : anti-esclavagiste, religieux, hygiénistes, syndicalistes, libéraux, pacifistes… et se retrouvent lors de congrès internationaux. Les deux plus grandes internationales féministes sont le Conseil international des femmes (CIF) et l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes (AISF). Le mouvement suffragiste met en avant le caractère universel des droits des femmes et se présente comme un mouvement pour les droits humains.
La Première Guerre mondiale suspend les revendications, les femmes étant mobilisées dans l’effort de guerre. Toutefois, le conflit se prolongeant, la contestation continue pour obtenir de meilleures conditions de travail. En raison des bouleversements politiques, les femmes bénéficient du droit de vote dans plusieurs pays européens à la fin de la guerre (Russie en 1917, Allemagne, Autriche, Lettonie, Estonie, Pologne et Royaume-Uni en 1918, Pays-Bas et Luxembourg en 1919) et s’engagent en politique.
Malgré la libération des « années folles », les rapports de sexe ne changent pas et les sociétés aspirent à un retour à la normale. Sous l’impulsion d’Alexandra Kollontaï, membre du gouvernement communiste et Inessa Armand, membre du parti, la Russie devient le pays accordant le plus de droits aux femmes. Cependant, le modèle stalinien qui s’impose marque un pas en arrière, au profit d’une politique familialiste et nataliste.
La montée des régimes totalitaires se traduit par la suppression des associations féministes (1933 en Allemagne, 1938 en Italie). Pendant la guerre, la sexualité est soumise à un contrôle accru et la violence sexuelle est utilisée comme arme de guerre. Si la mobilisation suffragiste se maintient, les féministes rencontrent de vives résistances. Les droits politiques sont accordés aux femmes dans plusieurs pays au sortir du conflit (France en 1944, Italie, Croatie et Slovénie en 1945, Albanie en 1946, Yougoslavie en 1947, Belgique en 1948). L’égalité des sexes est inscrite dans plusieurs constitutions (France en 1946, Italie en 1947, République fédérale d’Allemagne en 1949).
II. La deuxième vague, contre la domination masculine et le sexisme
Dans les pays communistes à l’est du rideau de fer, l’égalité entre les sexes fait partie de l’idéologie de l’État, qui favorise la conciliation entre travail et famille et libéralise l’avortement (1955 en URSS, 1956 en Bulgarie, Pologne Hongrie et Roumanie, 1957 en Tchécoslovaquie, 1960 en Yougoslavie, 1972 en République démocratique d’Allemagne), tout en stigmatisant le féminisme comme une déviance « bourgeoise ».
Dans les démocraties occidentales, les mouvements de la fin des années 1960 font émerger le féminisme dit de la deuxième vague (Women’s Lib aux États-Unis). Il s’agit de réaliser une égalité effective, y compris dans la sphère privée (famille, mariage, sexualité), et d’opérer une libération culturelle et matérielle. Simone de Beauvoir, Gloria Steinem, Simone Veil, Alice Walker luttent pour le droit à l’avortement et à la contraception, critiquent les normes sociales genrées et le patriarcat. Les féministes s’organisent à l’échelle locale autour de projets : campagnes pour le droit à la maîtrise de la reproduction, création d’organes de presse, d’universités et de foyers. Les médias couvrent les actions des mouvements : en 1971, le « Manifeste des 343 salopes » qui paraît dans le Nouvel Observateur, est repris par des Allemandes, dont Carola Stern et Romy Schneider, qui lancent en RFA la campagne de presse « Wir haben abgetrieben » (Nous nous sommes fait avorter) dans le magazine Stern.
En 1979, l’ONU adopte la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Elle y affirme la responsabilité de l’État dans la protection des droits liés au genre, sans exceptions liées à la culture ou à la religion. L’influence politique du féminisme se traduit par l’adoption de réformes législatives en faveur de l’égalité dans les années 1970 et 1980. En 1970, le Parlement italien approuve ainsi une loi sur le divorce, et décriminalise partiellement l’avortement en 1978. En Espagne, la transition démocratique permet une renaissance des luttes. L’égalité des droits se codifie et s’institutionnalise, en politique (instauration de quotas, attribution de ministères dédiés) et en recherche (création de chaires).
III. La troisième vague
A l’est de l’Europe, l’effondrement du bloc communiste remet en cause un certain nombre de droits et avantages pour les femmes : avortement, protection contre les violences conjugales, garde d’enfants, accès aux métiers qualifiés. Par ailleurs, de nouvelles questions sont mises en avant. Après la question du corps, centrale dans les années 1970, la place des femmes dans la prise de décision politique conduit à des lois de quotas ou de parité (2000 en France, 2003 puis 2017 en Italie…).
En réponse au féminisme existentialiste de la deuxième vague, les mouvements récents prennent leur fondement idéologique dans la diversité, l’inclusivité et la notion d’intersectionnalité, afin de révéler comment différentes oppressions, telles que le genre, la race, l’orientation sexuelle, la classe, s’enchevêtrent. Les figures comptent notamment les porteuses des féminismes noirs, postcoloniaux et la théorie queer, comme Kimberlé Crenshaw, Judith Butler, Bell Hooks et Angela Davis. Le féminisme est traversé par de nombreux débats : l’identité de genre et sa fluidité, la symbolique du port du voile, la prostitution… Les modes d’action évoluent également. Un renouveau militant a vu surgir de petits groupes (ex : les Pussy Riot), des réseaux transnationaux (ex : les Femen), des mobilisations via les réseaux sociaux (ex : Me Too).
Source : ENHE, Encyclopédie numérique de l’Histoire de l’Europe, Féminismes et mouvements féministes en Europe, XIXe et XXIe siècles, Anne-Laure Briatte.
([1]) Martine Storti, Pour un féminisme universel, La République des idées, Seuil, 2020.
([2]) Pierre Bourdieu, La domination masculine, Seuil, 1998.
([3]) Définition donnée par le dictionnaire Le Robert, entrée « Féminisme ».
([4]) Article 21 de la Charte des droits fondamentaux : « Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe » et article 23 de la Charte des droits fondamentaux, « Égalité entre hommes et femmes ». L’ordre hommes/ femmes est celui présent dans le texte juridique européen.
([5]) Kimberlé W. Crenshaw, Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics, University of Chicago, 1989.
([6]) « Dépasser le clivage entre féminisme intersectionnel et féminisme universaliste », Catherine Bloch-London, Christiane Marty, Josette Trat, Les Possibles, n°32, Été 2022.
([7]) Créée en 2010, le siège de EIGE est situé à Vilnius. https://eige.europa.eu/
([8]) https://eige.europa.eu/publications-resources/thesaurus/terms/1050
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=COM%3A2020%3A152%3AFIN
([9]) Sur des données de 2022.
([11]) https://www.politis.fr/articles/2024/03/italie-dans-les-regions-giorgia-meloni-et-ses-allies-mettent-en-danger-livg/
([13]) https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/df872518-6587-47ec-bdfd-0bfc00d30fbb/language-fr
([14]) https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/24968221-eb81-11e5-8a81-01aa75ed71a1
([15]) Audition de Mme Émilie Marquis-Samari, conseillère Travail, emploi, inclusion sociale, égalité femmes-hommes, auprès de la Représentation permanente de la France auprès des institutions européennes.
([19]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32023L0970 considérant n° 25.
([21])https://edoc.coe.int/fr/le-conseil-de-l-europe-en-bref/11618-unis-autour-de-nos-valeurs-declaration-de-reykjavik.html
([22]) https://rm.coe.int/prems-080324-fra-2573-gender-equality-strategy-2024-29-txt-web-a5-1-27/1680afc66c
([23]) https://www.lefigaro.fr/actualite-france/comment-l-ue-et-le-conseil-de-l-europe-ont-finance-une-campagne-celebrant-la-liberte-dans-le-hijab-20211104
([24]) La Hongrie avait fait l’objet d’une demande de remboursement des fonds européens, en 2011, pour avoir utilisé ces fonds pour promouvoir une campagne anti-avortement. https://www.euractiv.fr/section/politique/news/une-campagne-anti-avortement-hongroise-cofinancee-par-bruxelles/
([25])https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/19/italie-le-parti-de-giorgia-meloni-ouvre-la-voie-aux-anti-ivg-dans-les-hopitaux_6228728_3210.html
([26]) Le Deuxième sexe, Simone de Beauvoir, 1949.
([27])Le féminisme, un universalisme ?Fabienne Messica, Droits &Libertés, n°200, janvier 2023.