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N° 1642

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 juin 2025.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION EXERÇANT LES PRÉROGATIVES D’UNE COMMISSION D’ENQUÊTE sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires,

 

 

ET PRÉSENTÉ

 

par Mme Fatiha KELOUA HACHI, Présidente,
et

Mme Violette SPILLEBOUT et M. Paul VANNIER, Rapporteurs.
 

——

 

TOME I

 

RAPPORT

 

 



SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS DE LA PRÉSIDENTE

Introduction

Synthèse thématique des recommandations

PREMiÈre partie : LEs violences faites aux enfants en milieu scolaire : UNE rÉalitÉ largement occultÉe

I. les faits de violences systémiques à l’école : de l’histoire ancienne ?

A. Le point de départ de la réflexion : l’affaire Bétharram

1. Des violences multiformes et systémiques

2. Le silence des enfants ?

3. …ou l’omerta entretenue par des adultes ?

a. Le choix des parents

b. Des personnels au contact des élèves complices ou réduits au silence

4. Un silence bien gardé

a. Le rôle central et plus qu’ambigu de l’association des parents d’élèves

b. Une double tutelle distante mais soucieuse de protéger l’établissement

c. Une communauté de notables au soutien indéfectible

5. Des pouvoirs publics terriblement défaillants

a. Une chaîne judiciaire agissant en silos et pour partie sensible aux influences

b. Des services de l’éducation nationale ou défaillants ou complaisants

b. Un cas loin d’être unique, produit d’une époque révolue ?

1. D’autres « Bétharram »

a. Des violences graves, arbitraires et systémiques

b. Des violences institutionnalisées sous prétexte d’excellence pédagogique

c. Des victimes dont la parole ne pouvait être entendue

d. La loi du silence : les mêmes ressorts

e. Et toujours, la souffrance des victimes

2. Riaumont : un demi-siècle de violences sur fond d’inaction coupable des pouvoirs publics

a. Un établissement violent qui se transforme en école

b. Un État passif face à un établissement scolaire hors de contrôle

3. Les principaux composants du terreau des violences

a. Un contexte de banalisation des violences éducatives, adossée à une conception très verticale de l’autorité

b. Des phénomènes accentués dans l’enseignement catholique

II. PASSÉ ET PRÉSENT : LES VIOLENCES FAITES AUX ENFANTS PERSISTENT EN MILIEU SCOLAIRE COMME DANS LE RESTE DE LA SOCIÉTÉ

A. des avancées cycliques notables, qui laissent néanmoins l’amère impression d’un éternel recommencement

1. Un bannissement très lent des violences éducatives, qui continue de faire l’objet de très fortes résistances

a. La reconnaissance des enfants, et donc des élèves, comme sujets de droit

b. Un enjeu de santé publique

c. Des résistances persistantes à l’interdiction des châtiments corporels

2. Faire face aux violences pédocriminelles à l’école

a. Dans l’enseignement public, une prise de conscience dès les années 1990, freinée par de nombreux obstacles

b. Dans l’Église et l’enseignement catholique : une prise de conscience très récente dont il est trop tôt pour mesurer les effets

c. #MeToo et la contribution décisive de la Ciivise : enfin le dessillement ?

3. Les violences faites aux enfants restent massivement présentes dans la société française

a. Des violences éducatives ordinaires encore très banales

b. Des faits de violences graves contre les enfants qui persistent à un niveau très élevé dans tout la société

c. En milieu institutionnel : une violence bien présente qui touche particulièrement les enfants les plus vulnérables

B. La persistance de violences multiformes dans tous les types d’établissements scolaires

1. Dans l’enseignement scolaire public : des violences encore invisibilisées

a. Des données confidentielles et parcellaires

b. Des statistiques probablement très en-deçà de la réalité

2. La persistance préoccupante de violences dans l’enseignement privé, notamment catholique

a. Une loi du silence toujours solidement ancrée dans de trop nombreux établissements

b. De nombreuses affaires récentes révélées par la presse

3. La persistance voire la résurgence de contextes favorables aux violences systémiques ?

a. Des violences plus insidieuses

b. Des discours discriminatoires devant alerter sur la potentielle existence de violences plus graves

c. Une attention à porter au développement des établissements privés hors contrat

Deuxième partie : un État défaillant

I. Des contrôles quasi inexistants, une prévention lacunaire

A. Un contrôle Insuffisant et à géometrie variable

1. Dans les écoles et établissements scolaires publics, un contrôle permanent qui passe par une tutelle directe

a. Des établissements sous le contrôle direct de l’État, quoique suivant des modalités variables

b. Des vigies externes qui complètent la tutelle de l’État

2. Une absence de contrôle des établissements relevant de l’enseignement privé sous contrat, notamment catholique

a. Pour les établissements sous contrat, des obligations spécifiques dont le respect peut être vérifié par des contrôles

b. L’enseignement catholique : une proximité décisionnelle avec l’éducation nationale défavorable au contrôle ?

3. Un ciblage systématique des établissements du réseau musulman : un « deux poids deux mesures »

a. L’établissement Al Kindi : de multiples contrôles qui ont conduit à une résiliation des contrats immédiate et inédite

b. Le cas Averroès : une procédure très exceptionnelle

4. La mobilisation de prérogatives renforcées à l’égard des établissements privés hors contrat

a. Des contrôles systématiques à l’ouverture et désormais réguliers ensuite

b. Parmi les conséquences éventuelles des contrôles, des possibilités de fermeture accrues elles aussi mises en œuvre

5. Renforcer les contrôles, repenser les contrats

a. Une volonté récente de contrôler davantage les établissements sous contrat

b. Un plan qui ne répond pas à toutes les interrogations, et qui gagnerait à être davantage centré sur la prévention des violences

B. Une prévention insuffisante

1. Des disparités importantes entre le public et le privé en matière de contrôle de la capacité et de l’honorabilité

a. Des contrôles effectifs pour les agents publics…

b. …et insuffisants pour les personnels de droit privé, en particulier dans les établissements sous contrat

2. Des élèves trop peu informés de leurs droits

a. Des séances d’information et de sensibilisation sur l’enfance maltraitée à renforcer sans plus attendre

b. Une volonté qui ne doit pas à nouveau faiblir sur l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars)

3. Plus de personnels, mieux formés, pour lutter contre les violences

a. Des personnels insuffisamment formés, notamment au repérage des violences et à l’accueil de la parole

b. Les personnels médico-sociaux : rôle déterminant, moyens insuffisants

c. Un manque de personnels spécialisés particulièrement marqué dans le premier degré et dans les établissements privés

II. Des procédures de traitement des cas de violences inefficaces pour assurer la protection des enfants

A. malgré DES OBLIGATIONS FORTES, DES SIGNALEMENTS LACUNAIRES ET UNE CULTURE DU SILENCE ENCORE PRÉGNANTE

1. Des obligations de signalement existantes mais qui pourraient être clarifiées

a. Des obligations larges mais qui pourraient être mieux maîtrisées

b. Secret médical, secret de la confession : des obstacles à lever ?

2. Des signalements à la voie hiérarchique : un réflexe, au risque d’étouffer des affaires

a. La voie hiérarchique : une voie utile

b. Une voie qui ne saurait être ni unique, ni obligatoire

c. La nécessité impérieuse d’une cellule centrale de signalement, comme alternative ou complément à la voie hiérarchique

B. Des OUTILS DE SIGNALEMENTS ÉPARS, OPAQUES ET INADAPTÉS, NE PERMETTANT PAS UN SUIVI CORRECT

1. Des outils épars, peu clairs et peu maîtrisés

a. Le 119, un numéro d’urgence efficace mais dont le lien avec l’éducation nationale est perfectible

b. Les informations préoccupantes : une incompréhension mutuelle entre éducation nationale et départements

c. D’autres acteurs dont le rôle demeure mal identifié

2. Des signalements insuffisamment pris en compte, et des sanctions contre certains lanceurs d’alerte

a. Les signalements, des bouteilles à la mer ?

b. Des lanceurs d’alerte trop souvent attaqués, qui font désormais l’objet de protections encore très théoriques

C. face AUX CAS DE VIOLENCES POTENTIELS OU AVÉRÉS, LA NÉCESSITÉ POUR L’ÉDUCATION NATIONALE DE PRENDRE SES RESPONSABILITÉS

1. Les contraintes et délais d’action de la justice impliquent de ne pas se reposer uniquement sur elle pour garantir la protection des enfants en milieu scolaire

a. Des possibilités d’échanges d’informations judiciaires limitées

b. En pratique, des échanges hétérogènes et une réponse judiciaire insuffisante

2. Des mesures conservatoires et disciplinaires qui pourraient gagner en efficacité

a. Les suspensions conservatoires : un moyen de protection immédiate qui se heurte à de nombreuses réticences

b. Les sanctions disciplinaires, des outils parfois mal compris

3. Les enquêtes administratives : un levier à renforcer

a. Les enquêtes administratives sont des outils utiles dont l’utilisation devrait être systématisée

b. La nécessité de conforter les prérogatives des corps d’inspection

c. L’IGESR : une inspection trop dépendante du politique ?

Examen en commission

Contributions des groupes

Annexes

 

 

 

 


   AVANT-PROPOS DE LA PRÉSIDENTE

Cette commission d’enquête fut un travail de fond sur l’impensable : des enfants, partout en France, livrés à des monstruosités. Des violences sexuelles derrière les murs trop épais d’une salle de classe, dans le silence de la nuit dans des internats. Des violences physiques aussi, parfois d’une violence inouïe, d’un sadisme absolu. Des humiliations à répétition, pour montrer l’exemple – celui d’une toute puissance des adultes sur les enfants.

La commission des affaires culturelles et de l’éducation, que j’ai l’honneur de présider, a décidé à l’unanimité de se munir des pouvoirs d’une commission d’enquête. Si ces pouvoirs sont inscrits dans le règlement de l’Assemblée nationale, ils sont en réalité très peu utilisés par les commissions permanentes : au cours de la dernière décennie, cette procédure a été mise en œuvre deux fois, en 2015 et 2018, par la commission des lois ainsi qu’une fois par la commission des finances en automne dernier. Le 19 février, pendant près d’une heure et demie, l’ensemble des députés de la commission ont échangé jusqu’à trouver un compromis sur l’intitulé et le périmètre de ces pouvoirs d’enquête. Nous sommes arrivés à un accord transpartisan et unanime : pendant plusieurs mois, notre commission a enquêté sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, plus particulièrement les violences commises par des personnes ayant autorité sur des enfants.

Il y a des journées qui ne s’oublieront jamais. Celle du jeudi 20 mars 2025 fait partie de celles-ci. C’est le jour où nous avons débuté nos travaux d’enquête. Dans la grande salle Lamartine de l’Assemblée nationale, nous accueillons les représentantes et représentants des collectifs de victimes. Cela fait déjà plusieurs jours que nous nous préparons à entendre ces témoignages, qui sont la genèse de ce travail parlementaire. Entendre la réalité de l’horreur vécue, avant de poursuivre les auditions afin de mettre la lumière sur les dysfonctionnements et d’agir pour que cela n’arrive plus. Le projet est simple, mais la tâche est difficile. Dans la grande maison de l’Éducation nationale, les chaînes de décisions et de responsabilités ne sont pas toujours simples à déchiffrer, encore moins quand il s’agit d’établissements privés. Pourtant, l’État doit protéger de la même façon tous les enfants de la République.

Alors ce jeudi 20 mars 2025, l’audition revêt un caractère particulièrement solennel. Dans cette grande salle, ces femmes et ces hommes, d’âges, de milieux sociaux et de territoires foncièrement différents viennent nous raconter les violences qu’ils ont subies, de la part d’adultes de leurs établissements scolaires, quand ils étaient enfants. Alain Esquerre, à l’origine de la création du collectif de Bétharram, Bernard Lafitte au nom des victimes de Notre-Dame du Sacré-Coeur de Dax, Michel Lavigne pour les victimes de Notre-Dame de Garaison à Monléon-Magnoac, Didier Vinson représentant des victimes du Collège Saint-Pierre de Relecq-Kerhuon, Constance Bertrand pour les victimes de Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine, Éveline Le Bris au nom des victimes du Bon Pasteur d’Angers, Gilles Parent pour les victimes de Saint-François-Xavier d’Ustaritz et Ixchel Delaporte, représentante des victimes de Riaumont à Liévin. Ils sont tous assis côte à côte, solidaires les uns des autres, en face de nous, prêts à nous raconter leurs histoires.

Même préparée, cette audition a été particulièrement dure et émouvante, car ce qui a été raconté était inimaginable. Il est difficile de se préparer à entendre l’inentendable. Je pense encore souvent à Éveline Le Bris nous racontant les larmes aux yeux comment sa camarade a été dévorée par les chiens de l’institution durant une fugue ; à Didier Vinson rappelant l’impasse dans laquelle il se trouvait enfant, ne pouvant solliciter aucune aide auprès de la direction de son établissement car la violence y était systémique :  « À part les femmes qui nous servaient à la cantine, tout le monde était dans la violence ». Je pense à Gilles Parent se désolant que « tout le monde savait au minimum qu’il y avait de la violence physique dans ces établissements et tout le monde a laissé faire » ; à Bernard Lafitte précisant la difficulté pour ces hommes et ces femmes à se livrer à leurs proches sur les horreurs vécues : « Mes parents sont morts et ne l’ont jamais su. La première personne à qui j’en ai parlé est mon épouse, il y a trois semaines, après cinquante ans de mariage ». Ces travaux d’enquête ne devaient pas s’attacher uniquement à la libération de la parole des victimes, car dans chacun de ces établissements, certains ont bien essayé de parler, sans être écoutés : « On parle de libération de la parole, mais beaucoup de gens parlaient ! [...] Ce qui nous unit tous, c’est le manque de courage des adultes qui ont vu et qui n’ont rien fait » rappelait durant l’audition Constance Bertrand, et Ixchel Delaporte de préciser : « Les enfants parlaient. Ils donnaient des petits mots aux assistantes sociales pour les appeler au secours ». Et puis Alain Esquerre, à l’initiative de la création du collectif des victimes de Bétharram, collectif qui en a inspiré beaucoup d’autres, sonnait la fin de l’omerta.

Cette première audition a marqué le départ de notre travail.

Nous avons organisé 40 auditions, pour entendre au total 135 personnes durant 56 heures ([1]). Des collectifs de victimes, des associations de protection de l’enfance, des personnels de l’Éducation nationale, les représentants de l’Église, des collectivités territoriales, des responsables du ministère de la Justice, de l’Intérieur, de l’Éducation nationale, des anciens et actuels ministres concernés. Il fallait entendre toutes les parties prenantes, pour comprendre à la fois comment fonctionne aujourd’hui la prévention des violences, la remontée d’informations et le traitement des situations de violences à l’école, commises sur des enfants par des adultes ayant autorité. Pour comprendre, il fallait aussi remonter le temps et saisir les évolutions liées aux réformes successives.

Ces travaux d’enquête ont permis de mettre en lumière des dysfonctionnements structurels.

Comment certains établissements privés sous contrat ont-ils pu échapper à tout contrôle durant plusieurs décennies ?

Comment l’État a-t-il pu accepter de laisser la vie scolaire et notamment l’internat en dehors des contrôles en raison du caractère propre des établissements privés ?

Pourquoi, lorsqu’un contrôle est organisé, les établissements sont-ils prévenus presque systématiquement en amont de la venue des inspecteurs ?

S’agissant de l’Inspection générale de l’Éducation, du sport et de la recherche (IGESR), pourquoi le déclenchement d’un contrôle est-il forcément un acte politique qui ne peut être décidé que par la ou le ministre de l’Éducation nationale ?

Pourquoi la publication des rapports d’inspection est-elle conditionnée à une décision ministérielle ?

Pourquoi les personnels de l’Éducation nationale qui ont dénoncé et signalé aux autorités ces actes de violences n’ont-ils pas été entendus ?

Évidemment, l’audition de Mme Gullung, lanceuse d’alerte de Bétharram, et plus largement son histoire, restera longtemps dans nos esprits tant elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour arrêter les horreurs commises, bien seule à l’époque à avoir pris ses responsabilités. Il est triste de constater qu’encore aujourd’hui, en 2025, l’acharnement qu’elle a vécu lors de la dénonciation de ces atrocités est encore légitimé par certains, et parmi eux François Bayrou lors de son audition dans le cadre de nos travaux d’enquête. Mme Gullung n’a pas « affabulé », pas plus qu’elle n’est « dérangée » ; elle est un symbole de bravoure. L’utilisation du préjugé sexiste de la femme hystérique dans l’unique but de discréditer la parole d’une femme est insupportable et particulièrement inacceptable de la part du premier ministre de notre pays. Rappelons-nous que Mme Gullung était la seule adulte à dénoncer la maltraitance dans l’établissement à l’époque.

Il y a et il y a eu beaucoup d’autres Mme Gullung, souvent des femmes, dans d’autres établissements scolaires, publics comme privés. Je pense à elles et eux et les remercie pour leur courage.

Enfin, et c’est peut-être les questions les plus importantes : comment permettre aux victimes de se reconstruire ? Comment l’État peut-il reconnaître qu’il n’a pas protégé ces enfants, qu’il a failli à sa mission ?

Pour répondre à ces problématiques et à bien d’autres, les deux co-rapporteurs de nos travaux d’enquête font, dans ce rapport, de nombreuses préconisations. C’est le fruit d’un travail transpartisan particulièrement sérieux, qui je l’espère sera largement suivi par une application rapide des préconisations proposées.

Pour terminer, il y a les auditions de la commission, publiques et filmées, mais il y a aussi les dizaines et dizaines de témoignages de victimes, de parents de victimes, de professionnels de l’éducation, qui ont tous apporté leur pierre à l’édifice par leurs mots, leurs récits, leurs propositions. Alors merci à elles et eux : Béatrice, Christine, Séverine, Adrien, Olivier, Michèle, Gabriel, Jérôme, Jean-Pierre, Patrice, Michaël, Marie Thérèse, Tina, Hélène, Yoann, Gilles, Thierry, Pierre, Bertrand, Olivier, Anne-Flore, Sarah, Blandine, Gilles, Ghislaine, Marie-Pierre, Ralph, Michel, Sébastien, Sylvain, Marcel, Marion, Jeanne, Marie Agnès, Hervé, Éric, Patrice, Marie-Pierre, Éric, Bernard, Francis, Caroline, Jean-François, Stéphane, Jean-Michel, Pascal, Dalila, Dominique, Claire, Fabrice, Sarah, Zoé, Céline, Danielle, Perrine, Fatiha, Marie-Hélène, Marcel, Léo, Marion, Hala, Ely, Audrey, Nicolas, Maryse, Johann, Didier, Rémy, Nicolas, Stéphane, Marie…

 

 


   Introduction

Le vendredi 21 février 2025, la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale s’est vu conférer, en vertu de l’article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, les prérogatives d’une commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires.

Deux jours plus tôt, le principe de cette création, issue d’une initiative du rapporteur Paul Vannier, avait été approuvé après un débat fructueux à l’unanimité des membres de la commission. Cette demande faisait suite à la révélation de nombreux faits de violences commis à l’encontre d’élèves, devenus adultes et constitués en collectif de victimes, au sein de l’établissement Notre-Dame de Bétharram notamment, mais également dans d’autres établissements scolaires de l’enseignement catholique. Considérant que l’ensemble des élèves devait bénéficier des mêmes protections, la commission avait décidé d’élargir le champ de son enquête à l’ensemble des établissements scolaires, publics, privés sous contrat et privés hors contrat ([2]).

Au cours de sa réunion du mercredi 5 mars 2025, la commission des affaires culturelles a désigné Violette Spillebout et Paul Vannier rapporteurs d’enquête.

Les rapporteurs se sont donc attachés à analyser les ressorts des violences de toutes natures commises par des adultes ayant autorité ou avec leur complicité, à l’encontre d’élèves, en milieu scolaire, tâche inédite à leur connaissance. Tâche délicate également, dans un contexte d’inquiétude légitime face aux actes de violence commis par les élèves eux-mêmes, y compris à l’égard des personnels des établissements scolaires, auxquels les rapporteurs souhaitent exprimer toute leur reconnaissance et leur respect, en rappelant qu’ils accomplissent leurs missions, dans leur immense majorité, avec professionnalisme et bienveillance, malgré un climat et des conditions de travail souvent dégradés. Ils mettent également en garde contre l’effet de loupe que pourrait produire la lecture du présent rapport et appellent le lecteur à considérer l’ensemble des faits et données présentés au regard du nombre total d’élèves scolarisés dans notre pays – plus de 12 millions –, encadrés et accompagnés au quotidien par plus d’un million de professionnels au sein d’environ 60 000 établissements.

Ces précautions ne doivent pas pour autant conduire à minimiser, comme cela est trop souvent le cas, la parole des victimes ou les conséquences dramatiques et de long terme de ces violences pour elles, mais aussi pour leur entourage et l’ensemble de la société. Elles ne doivent pas non plus conduire à négliger l’ampleur du phénomène ou à le renvoyer à un passé lointain, le travail d’enquête des rapporteurs ayant permis d’établir que ces violences se perpétuent malheureusement, reflet atténué d’un contexte sociétal plus général dans lequel les violences faites aux enfants demeurent un phénomène massif.

Les rapporteurs se sont donc appliqués à analyser les ressorts de la commission et de la perpétuation de ces violences des adultes en milieu scolaire, identifiant des schémas récurrents, et donc des dysfonctionnements structurels auxquels ils ont tenté d’apporter des solutions, sous la forme de 50 recommandations.

Ces recommandations et l’ensemble du contenu du présent rapport sont le fruit de quarante auditions et tables rondes, ayant regroupé près de 140 personnes, entendues sur une durée totale proche de soixante heures. Elles sont également le fruit de la consultation de milliers de documents, obtenus par les rapporteurs notamment lors de leurs contrôles sur pièces et sur place au sein d’une dizaine d’administrations, établissements et structures au cours de quatre déplacements thématiques. De nombreux documents ont également été transmis aux rapporteurs, à leur demande, notamment par le service des Archives nationales, l’Inspection générale de l’éducation, de la recherche et du sport (IGESR) et les services déconcentrés du ministère de l’éducation nationale, dont ils tiennent à souligner la diligence et le grand professionnalisme. Ils regrettent en revanche qu’après une phase d’ouverture et de coopération, notamment impulsées par le cabinet de la ministre de l’éducation nationale, certaines des demandes de précisions adressées aux directions centrales de ce même ministère soient restées sans réponse ou aient été satisfaites très tardivement.

Surtout, ce rapport doit tout aux témoignages des victimes : les représentants des collectifs ont ainsi été entendus lors de la première audition publique de la commission puis, de manière informelle, par les rapporteurs et la présidente, dans le cadre de leur travail d’élaboration des recommandations ([3]). Chaque déplacement a également été l’occasion de rencontres et d’échanges avec des victimes, ainsi que des lanceurs d’alerte. Enfin, les dizaines de témoignages reçus par courrier, mail ou via leurs réseaux sociaux ont également alimenté en continu la réflexion des rapporteurs et donné lieu, de leur part, à 80 signalements au titre de l’article 40 du code de procédure pénale ([4]), effectués conjointement avec la présidente de la commission.

Par ce rapport, ils espèrent avant tout contribuer à ce que la parole des victimes soit enfin entendue et assurent que leur engagement se poursuivra, au-delà de leur travail d’enquête, pour que leurs recommandations, ainsi que celles des autres acteurs de la défense des droits des enfants et des élèves, se traduisent enfin par des actes à la mesure de l’enjeu.


Synthèse thématique des recommandations

Axe 1 : Reconnaître les victimes de violences commises en milieu scolaire

Recommandation n° 2 : Reconnaître la responsabilité de l’État pour les carences ayant permis la perpétuation de violences commises sur des enfants dans les établissements scolaires et créer en conséquence un fonds d’indemnisation et d’accompagnement de ces victimes.

Recommandation n° 1 : Saisir la conférence des présidents de l’Assemblée nationale afin de constituer une mission transpartisane, chargée d’un travail de réflexion et d’élaboration de propositions sur l’opportunité de rendre imprescriptibles certaines infractions commises sur les mineurs.

Recommandation n° 32 : Prolonger le délai de prescription du délit de non-dénonciation pour les faits de violences volontaires, tels que définis par le code pénal, dès lors qu’ils sont commis sur un mineur.

Recommandation n° 4 : Produire et rendre publiques chaque année des données chiffrées, par académie et type d’établissements (degré et statut) permettant de mesurer les violences commises par des adultes sur des élèves en milieu scolaire, en consolidant les données de la cellule Signal Éduc (voir recommandation n° 36), de Faits établissement et du 119.

 

Axe 2 : Protéger les élèves

Recommandation n° 3 : Inscrire dans le code de l’éducation (article L. 111-1) et le code de l’action sociale et des familles (article L. 119-2) l’interdiction de tout châtiment corporel ou traitement humiliant à l’égard des enfants.

Recommandation n° 25 : Appliquer les séances annuelles d’information et de sensibilisation à l’enfance maltraitée dans tous les établissements scolaires (modification des articles L. 4422 et L. 444-20 du code de l’éducation) et contrôler leur mise en œuvre, notamment à l’occasion du passage sous contrat d’un établissement privé.

Recommandation n° 26 : Étendre le périmètre des séances annuelles d’information et de sensibilisation aux violences commises par des personnes ayant autorité (article L. 542-3 du code de l’éducation). Prendre dans les meilleurs délais le décret prévu à l’article L. 542-4 pour garantir leur mise en œuvre par les établissements publics dans les conditions prévues par la loi, sous l’autorité des recteurs d’académie.

Recommandation n° 27 : Rendre publics les critères de délivrance des agréments nationaux et académiques pour les associations intervenant dans les établissements scolaires pour y effectuer des séances d’information et de sensibilisation aux maltraitances et aux violences sexuelles.


Recommandation n° 28 : Augmenter les subventions versées aux associations œuvrant dans le domaine de la protection de l’enfance et intervenant dans le cadre des séances annuelles d’information et de sensibilisation des élèves et sécuriser les associations disposant d’agréments nationaux par la signature systématique de conventions pluriannuelles d’objectifs.

Recommandation n° 35 : Permettre la reconnaissance de plusieurs associations de parents d’élèves, fédérées ou non à l’échelle nationale, dans les réseaux d’enseignement privé, afin de garantir le pluralisme au sein des établissements.

Recommandation n° 23 : Procéder à un contrôle de l’honorabilité de l’ensemble des membres du personnel et des bénévoles des établissements scolaires publics et privés, au moment de leur recrutement puis tous les trois ans.

Recommandation n° 24 : Permettre aux dirigeants des organismes de gestion de tous les établissements privés de faire procéder par le rectorat, à tout moment et sur simple demande, au contrôle du casier judiciaire et à la vérification du FIJAISV pour les personnels et bénévoles exerçant dans leur établissement.

Recommandation n° 46 : Créer un dossier administratif et en garantir le suivi pour les personnels de droit privé des établissements scolaires, où seraient notamment consignées les sanctions disciplinaires, qu’elles aient été décidées par l’éducation nationale ou par l’employeur.

Recommandation n° 44 : Maintenir dans les dossiers administratifs les sanctions, quel que soit le groupe auquel elles se rattachent, dès lors qu’elles ont été prononcées en raison de violences commises contre des élèves.

Recommandation n° 45 : Veiller à ce que le nouveau système d’information des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale, RenoiRH, permette le suivi d’un dossier individuel, y compris en cas de mobilité interacadémique.

Recommandation n° 42 : Systématiser les échanges d’information entre éducation nationale et justice, en particulier quand une mesure conservatoire a été prise et que se pose la question de sa prolongation.

Recommandation n° 43 : Rappeler aux autorités hiérarchiques que les mesures conservatoires doivent être prises sans attendre le déclenchement ou la conclusion d’une procédure judiciaire, dès lors que les violences signalées apparaissent vraisemblables.

Recommandation n° 34 : Lever systématiquement le secret obtenu dans le cadre de la confession dès lors qu’il porte sur des faits de violences commis sur un mineur de moins de 15 ans, qu’ils soient en cours ou non.


Axe 3 : Soutenir les personnels pour lutter contre les violences
en milieu scolaire et structurer une culture du signalement

Recommandation n° 29 : Garantir, pour l’ensemble des personnels de tous les établissements scolaires une formation initiale et continue dans le domaine de la lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants, dans le cadre intrafamilial et en milieu institutionnel. Établir à cette fin un plan pluriannuel de formation.

Recommandation n° 30 : Établir un plan pluriannuel de recrutement de personnels médico-sociaux permettant la mise en place de lieux d’écoute dans les établissements publics du second degré et de couvrir les besoins constatés dans les écoles publiques, maternelles et primaires.

Recommandation n° 31 : Engager une réflexion au sein des réseaux d’établissements privés sur le renforcement des services sociaux et de santé scolaire.

Recommandation n° 41 : Procéder à un affichage systématique dans toutes les écoles et tous les établissements scolaires publics comme privés de la procédure, commune à l’ensemble des personnels quel que soit leur statut, permettant la protection des lanceurs d’alerte.

Recommandation n° 36 : Mettre en place une cellule nationale, Signal Éduc, de recueil des signalements des violences commises par des adultes au sein de tout établissement scolaire, spécifiquement dédiée aux personnels et représentants de parents d’élèves ne souhaitant ou ne pouvant emprunter la voie hiérarchique. Cette cellule aurait également un rôle de suivi des situations, de conseil de l’administration et d’établissement de données statistiques (voir recommandation n° 4). Elle serait placée au sein du ministère de l’éducation nationale et composée de membres des corps d’inspection, de magistrats et de personnalités qualifiées issues d’associations de protection de l’enfance partenaires du GIP-France enfance protégée et d’associations regroupant des collectifs de victimes.

Recommandation n° 39 : Désigner la cellule Signal Éduc comme autorité pouvant recueillir les signalements des lanceurs d’alerte en matière de violences commises par des adultes sur des élèves en milieu scolaire et recentrer le rôle du collège de déontologie et du médiateur de l’éducation nationale sur le recueil des autres signalements et leurs autres missions.

Recommandation n° 38 : Formaliser un partenariat entre la cellule Signal Éduc et le GIP-France enfance protégée afin que tous les signalements au 119 de violences commises par un membre du personnel d’un établissement scolaire soient transmis à la cellule Signal Éduc.

Recommandation n° 37 : Conforter les moyens du 119 afin de garantir la prise en charge de tous les appels.             

Recommandation n° 40 : Informer toute personne signalant à la justice des faits de violences commis sur un enfant de la bonne réception de son signalement. S’agissant des signalements effectués par la voie hiérarchique à l’éducation nationale, informer la personne ayant signalé les faits des suites données à son signalement (autorité à laquelle le signalement a été transmis et modalités de transmission, ouverture d’une enquête, conclusion de la procédure).

Recommandation n° 33 : Prévoir un rappel annuel par le directeur d’école ou le chef d’établissement, à tous les personnels, au moment de la rentrée scolaire, des conditions de mise en œuvre de l’article 40 du code de procédure pénale et des autres obligations de signalement auxquelles les personnels sont soumis en cas de connaissance de violences commises contre un élève.


Axe 4 : Lever le tabou des contrôles de l’État
sur les établissements privés sous contrat

Recommandation n° 7 : Confier à la direction générale de l’enseignement scolaire les mêmes missions, s’agissant des établissements privés sous contrat, que celles qui lui sont confiées pour les écoles et établissements publics. Recentrer le rôle de la direction des affaires financières sur les seuls domaines financiers.

Recommandation n° 13 : Conforter dans la loi la possibilité pour les inspecteurs de contrôler la vie scolaire et adresser une circulaire à l’ensemble des chefs d’établissement de l’enseignement public et privé sous contrat pour rappeler le périmètre des contrôles et les prérogatives des inspecteurs.

Recommandation n° 10 : Prévoir dans le code de l’éducation au moins un contrôle périodique complet des établissements privés tous les cinq ans au plus. Rendre publique la date du dernier contrôle effectué.

Recommandation n° 17 : Transférer au recteur la compétence de signer et procéder au renouvellement annuel des contrats simples et d’association.

Recommandation n° 18 : Rétablir le dialogue de gestion et le suivi des établissements privés sous contrat, dans l’esprit de la loi Debré, à travers une relation directe entre ces établissements et les services déconcentrés du ministère de l’éducation nationale.

Recommandation n° 19 : Intégrer des mesures de prévention et de lutte contre les violences physiques et sexuelles dans les clauses des contrats liant les établissements privés à l’État, à l’occasion de leur renouvellement annuel.

 

Axe 5 : Refonder les inspections pour garantir la protection des élèves

Recommandation n° 5 : Clarifier et mettre en cohérence les règles régissant l’inspection et le contrôle des établissements : prérogatives des différents acteurs, critères d’intervention, etc. (article L. 241-4 du code de l’éducation notamment).

Recommandation  11 : Revaloriser le corps d’inspecteur académique – inspecteur pédagogique régional et en faciliter l’accès, en assouplissant les conditions de participation au concours et en créant davantage de passerelles entre les corps enseignants, d’inspection et de direction.

Recommandation n° 12 : Systématiser la pluridisciplinarité des missions de contrôle, en associant des psychologues, assistants sociaux, médecins, etc.

Recommandation n° 6 : Dans les établissements dotés d’internats, effectuer des contrôles complets chaque année pour le premier degré, et au maximum tous les trois ans pour le second degré. Distribuer à chaque rentrée à tous les élèves internes une charte des droits de l’élève interne, annexée au règlement intérieur.

Recommandation n° 14 : Garantir que les élèves reçus en entretien individuel par les inspecteurs soient systématiquement sélectionnés de façon aléatoire par la mission d’inspection et non par la direction de l’établissement. Préciser dans la loi que les auditions se tiennent en l’absence de représentants de l’établissement.


Recommandation n° 47 : Établir, au niveau du ministère de l’éducation nationale, un vademecum des enquêtes administratives menées par les corps d’inspection académique.

Recommandation n° 48 : Systématiser le caractère inopiné des enquêtes administratives.

Recommandation n° 49 : Diffuser systématiquement un appel à témoins lors des enquêtes administratives académiques et de l’inspection générale.

Recommandation n° 50 : Conférer à l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche un pouvoir collégial d’autosaisine et lui permettre d’élargir le périmètre de ses contrôles, si nécessaire en faisant appel à d’autres services d’inspection. Constituer en son sein un comité de suivi chargé de suivre la mise en œuvre effective de ses recommandations et de formuler des avis, à l’intention de l’administration, sur d’éventuelles mesures conservatoires et disciplinaires.

Recommandation n° 15 : Procéder à la formalisation systématique, par un courrier du recteur à l’établissement, des mises en demeure résultant des dysfonctionnements constatés à l’occasion des contrôles. Les assortir d’un calendrier de mise en œuvre.

Recommandation n° 16 : Adresser les rapports de contrôle à l’ensemble des membres du conseil d’administration de l’établissement et aux membres des commissions compétentes des conseils élus des collectivités territoriales contributrices.

Recommandation n° 20 : Intégrer au code de l’éducation une gradation des sanctions selon la nature des manquements constatés et en cas de non-respect des mises en demeure : publication du rapport, pénalité financière, suspension de la possibilité d’inscrire de nouveaux élèves, suspension temporaire du contrat jusqu’à régularisation, résiliation du contrat, fermeture administrative.

Recommandation n° 21 : Réunir obligatoirement la commission de concertation dès lors que des mises en demeure concernant des faits de violence, de discrimination ou de violation de la liberté de conscience, après relance, ne sont pas suivies d’effet.

Recommandation n° 22 : Transférer du préfet au recteur la compétence de réunir la commission de concertation chargée de se prononcer sur les propositions de résiliation des contrats d’association et de procéder à cette résiliation (articles L. 442-10 et L. 442-11 du code de l’éducation).

Recommandation n° 8 : Par décret, harmoniser les critères et modalités de déclenchement, d’organisation, de délibération et de vote des commissions de concertation réunies pour statuer sur la résiliation des contrats d’association et prévoir la publication du compte rendu des débats de ces commissions.

Recommandation n° 9 : Ouvrir au recteur la possibilité de proposer au préfet de fermer un établissement, quel que soit le motif invoqué pour cette proposition (article L. 442-2 du code de l’éducation).

 


   PREMiÈre partie :
LEs violences faites aux enfants en milieu scolaire : UNE rÉalitÉ largement occultÉe

L’éclatement de l’affaire « Bétharram » au début de l’année 2025 a entrainé un déferlement de témoignages d’anciens élèves victimes de violences de tous ordres par des personnels encadrants de leur établissement. Lors de son audition par la commission ([5]), la ministre d’État, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche Élisabeth Borne faisait état de l’existence de 80 collectifs de victimes et de 260 établissements concernés par leurs témoignages.

I.   les faits de violences systémiques à l’école : de l’histoire ancienne ?

A.   Le point de départ de la réflexion : l’affaire Bétharram

Le scandale des violences systémiques perpétrées de façon plus ou moins continue pendant au moins un demi-siècle au sein de l’établissement scolaire Notre-Dame de Bétharram, a constitué le point de départ de la demande d’attribution à la commission des pouvoirs d’enquête, ainsi que des travaux des rapporteurs. Il convient d’y revenir en détail, tout d’abord car les contrôles effectués par les rapporteurs ont révélé un certain nombre d’informations et de documents qui doivent être portés à la connaissance du public pour éclairer la réflexion ; ensuite car cette affaire Bétharram concentre à elle seule l’ensemble des caractéristiques et dysfonctionnements, que ce soit en matière de prévention ou de contrôle de l’État, auxquels les rapporteurs ont à cœur d’apporter des solutions.

1.   Des violences multiformes et systémiques

Cet établissement situé à Lestelle-Bétharram, à une trentaine de kilomètres de Pau, jouissait d’une aura toute particulière, du fait de sa localisation au cœur d’un site de pèlerinage remontant au XVIème siècle, de l’identité de son fondateur, Michel Garicoïts, béatifié en 1923 puis sanctifié en 1947, et de sa réputation d’excellence académique fondée sur une discipline très rigoureuse.

Derrière cette façade, des élèves, et plus particulièrement les plus jeunes et donc plus vulnérables d’entre eux, des écoliers de niveau CM1 et CM2 et des collégiens, ont pourtant été victimes pendant des décennies ([6]) d’un véritable déchaînement de violences. Ce type de violences visant spécifiquement les enfants était encore considéré comme un outil éducatif efficace et parfaitement admis en droit comme dans la plupart des familles, au moins jusque dans les années 1970-1980 ([7]). Un tel constat a pu conduire certains commentateurs et parties prenantes à prendre leurs distances avec une démarche qui consisterait à juger des faits commis dans le passé à l’aune des valeurs et standards actuels et à renvoyer ces violences à « une autre époque », comme a pu le faire le premier ministre lors de son audition ([8]).

Le contexte global n’est en effet sans doute pas étranger à la situation observée à Bétharram – cet aspect fera l’objet de développements ultérieurs –, mais il ne peut en aucun cas la résumer, tant il est patent, à travers les très nombreux témoignages rendus publics à ce jour, que Bétharram était le théâtre d’un déchaînement de violences qu’on ne saurait réduire à des débordements ponctuels caractéristiques d’un système éducatif daté. La très longue période durant laquelle ils se sont produits, couvrant aussi bien l’après-guerre que les années 2000, ne permet en outre pas de circonscrire les faits à « une époque ».

Les témoins relatent en premier lieu des violences physiques caractérisées par leur arbitraire, leur gravité et leur systématicité, accompagnées de violences psychologiques intensifiées par l’atmosphère diffuse de silence et de crainte qui régnait dans l’établissement : coups de pied, passages à tabac, coups à la tête occasionnant percements tympaniques et pertes d’audition définitives, humiliations et traitements dégradants, par exemple par l’isolement des élèves des heures entières à genoux, notamment sur le désormais fameux « perron », dehors, en plein hiver et en petite tenue, parfois jusqu’au sang sur une règle carrée, souvent sans que le moindre fait générateur soit identifié par la victime ou les témoins. Des témoignages rapportent également des traitements assimilables à de la torture, tels que des piqûres sous-cutanées à l’eau ou à l’alcool, des coups de batte, des orties frottées contre des parties dénudées du corps ou encore des cheveux et ongles arrachés ([9]). Ces traitements, infligés pour l’essentiel à des élèves âgés de 8 à 14 ans, étaient aussi bien le fait d’encadrants que de lycéens promus aux fonctions d’« élèves-surveillants », une pratique source d’économies pour l’établissement mais proscrite, y compris à l’époque des faits, s’agissant d’élèves mineurs.

De très nombreux élèves ont également subi des violences sexuelles dans l’établissement, qui n’étaient pas davantage tolérées en principe à l’époque des faits qu’à l’époque actuelle, et qui ne relevaient pas non plus de dérives individuelles d’un prédateur isolé. Celles-ci ont été commises sur toute la période, avec une sur‑représentation nette des prêtres directeurs de l’établissement parmi les mis en cause : le porte-parole d’un des collectifs de victimes, Alain Esquerre, souligne ainsi que l’ensemble des prêtres directeurs en poste entre 1961 et 1993 seraient visés par des plaintes de cette nature, lesquelles concernent également des enseignants, surveillants et élèves-surveillants, ces derniers étant au demeurant susceptibles d’avoir reproduit une violence qu’ils avaient eux-mêmes subie.

Les violences sexuelles, souvent ritualisées, impliquant parfois la complicité de plusieurs adultes, se caractérisaient en outre par leur cumul fréquent avec des violences socio-économiques, puisqu’elles visaient tout particulièrement les enfants issus de milieux modestes ou dont les structures familiales étaient fragilisées ou plus éloignées géographiquement. Alain Esquerre résume ainsi que « les notables du coin, ou ceux qui donnent régulièrement des chèques à la congrégation, on ne viole pas leurs gosses » ([10]). En atteste l’histoire de la première victime à s’être manifestée, Jean-Marie Delbos, orphelin recueilli par sa grand-mère très modeste, qui témoigne d’une discrimination permanente, dans les années 1950, au détriment des élèves issus des familles les plus démunies, les « pauvres diables » selon son expression, cibles de prédilection des violences sexuelles perpétrées durant cette décennie. Ce schéma de prédation des élèves fragilisés se retrouve plus tard, dans les années 1970 à 1990, notamment sous l’égide de Pierre Silviet-Carricart, ancien directeur de l’établissement cité dans plus de vingt plaintes pour agressions physiques, sexuelles et viols sur des collégiens de l’établissement. Comme l’a indiqué devant la commission Christian Mirande, juge d’instruction chargé de la première affaire concernant ce religieux, « le jour du décès du père de l’enfant l’institution a prévenu Pierre Carricart que l’enfant devait se rendre à Bordeaux pour les obsèques. Pierre Carricart, chargé de s’occuper de l’enfant, est venu le réveiller et l’a conduit dans sa salle de bain privée où il l’a déshabillé. Il a ensuite tenté de le pénétrer et, n’y parvenant pas, il a alors introduit son sexe dans la bouche de l’enfant, éjaculant dans sa bouche et sur son visage » ([11]).

Au total, au jour de la publication du présent rapport, on dénombre environ 250 plaintes couvrant une période allant de 1957 à 2004 ([12]), qui viseraient au moins vingt-six auteurs présumés. Parmi celles-ci, au moins 90 plaintes concerneraient des violences à caractère sexuel et mettraient en cause une quinzaine au moins d’auteurs présumés ; elles auraient le plus souvent été accompagnées d’autres formes de violences.

Dans une enquête publiée par la cellule investigation de Radio France le 22 mars 2025, le témoignage d’un ancien professeur ayant exercé pendant dix-huit ans dans l’établissement résume ainsi la situation : un « climat de violence généralisé, de système de pression, d’emprise que certains avaient sur les élèves, notamment certains surveillants. [...] C’étaient des violences à tout bout de champ, des humiliations […]. Le système est tellement pervers que les élèves brutalisés devenaient eux-mêmes des brutes. » ([13])

Une interrogation émerge fatalement à la lumière de ce constat : comment de telles violences, qui n’auraient pu être ouvertement admises par quiconque, y compris « à l’époque », ont-elles pu se perpétuer pendant des décennies sans qu’il y soit mis un terme ? Le silence, dont Alain Esquerre a fait le titre de son livre ([14]), revient comme l’hypothèse explicative la plus commune. Mais de quel silence parle-t-on au juste ?

2.   Le silence des enfants ?

Le dépôt massif de plaintes en 2024 et plus encore en 2025 a conduit de nombreux commentateurs et parties prenantes, à commencer par Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, à évoquer une salvatrice « libération de la parole ». La honte, le sentiment d’humiliation et d’isolement ou la volonté de survivre sans affronter l’onde de choc que peut susciter le récit de violences par une victime ont en effet poussé nombre d’entre elles à garder le silence, jusqu’à l’éclatement de l’affaire début 2025 pour certaines, sans doute jusqu’à ce jour pour bien d’autres.

C’est sur cet aspect que le premier ministre François Bayrou, apprenant en avril 2025 que sa fille avait été victime de ces violences, a souhaité concentrer la réflexion, comme l’indiquait sa réaction lors d’une conférence de presse du 23 avril 2025 : « En tant que père de famille, ça me poignarde le cœur. Pourquoi les victimes eux-mêmes n’en disent rien ? C’est cette question-là dont je trouve qu’elle doit nous hanter. » Cette question, qui mérite certes l’attention, passe toutefois sous silence le fait que la parole des victimes s’est bien exprimée – mais sans être (suffisamment ?) entendue et écoutée –, et ce à de nombreuses reprises, et à plusieurs époques.

Les premières paroles de victimes qui ont pu être identifiées sont portées à la connaissance de la direction de l’établissement dès 1961, par le directeur de conscience de l’élève Jean‑Marie Delbos ([15]), auquel celui-ci s’était confié, ainsi que d’autres de ses camarades. Ses paroles n’avaient pas été incomprises, mais sciemment étouffées par des prêtres de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, sous la tutelle de laquelle était placé l’établissement. Ces prêtres avaient été jusqu’à placer l’enfant dans un hôpital psychiatrique avant de menacer sa grand-mère de saisir ses biens si l’affaire venait à s’ébruiter. Le directeur de conscience lui-même aurait été mis à l’écart de la congrégation ([16]).

.S’ensuivirent plus de deux décennies de silence durant lesquelles les éventuelles paroles de victimes qui se seraient ouvertes à leurs parents ou à l’établissement ne sont pas retracées à ce stade par les sources disponibles.

Au milieu des années 1980, Alain Esquerre témoigne pour sa part ([17]) s’être confié au directeur de l’établissement, qui n’était autre que le père Carricart, à la suite d’une double claque puissante sur les oreilles, infligée par son instituteur au prétexte qu’il se serait retourné pour demander un stylo à son voisin. Alors élève de CM2, il était encore en pleurs à la fin de la journée quand il avait croisé le directeur, qu’il considérait alors comme l’adulte le plus aimable de l’établissement. Lui ayant confié les raisons de son état, il s’était vu répondre : « Oh mon petit […], si tu l’as pris c’est que tu l’avais mérité » ; Alain Esquerre ne s’est plus jamais confié à un adulte pendant sa scolarité.

À la fin des années 1980, une mère aurait fortement dénoncé auprès de la direction de l’établissement une agression sexuelle commise sur son fils Christophe, qui s’en était ouvert à elle, par le surveillant général Damien S., mieux connu sous son surnom de « Cheval » ([18]). À titre de sanction, Damien S. fut alors déplacé à l’institution Saint-Dominique de Neuilly‑sur-Seine, et termina sa carrière en 2018 comme adjoint au chef de l’établissement Léon XIII de Châteauroux. Cet homme est aujourd’hui mis en cause par 74 victimes, dont 55 pour violences volontaires, 18 pour agressions sexuelles et une pour viol. Placé en garde à vue le 19 février 2025, il a été remis en liberté, les faits étant prescrits.

À partir du milieu des années 1990, alors que les droits des enfants progressent nettement en France et dans le monde ([19]), les alertes s’enchaînent. Pour la première fois, certaines d’entre elles dépassent la frontière étanche de l’Église et de l’enseignement catholique, et la façade commence à se fissurer.

Le 24 juin 1993, un élève, dont les différentes pièces recueillies par les rapporteurs indiquent que le père était d’ailleurs un membre important de l’association des parents d’élèves de l’établissement, est victime d’un percement tympanique occasionné par un coup porté par un surveillant de dortoir, Serge L. Le rapport du médecin concluait à une « perte auditive de 15 décibels » et à une « incapacité totale de huit jours », qui a conduit le juge des référés du tribunal de grande instance de Pau à ordonner le 19 octobre 1993, le versement par l’établissement d’une provision de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 francs à la victime ([20]). Le juge des référés, statuant de nouveau le 2 décembre 1993, ordonne cette fois-ci le versement d’une provision d’un montant de 5 000 francs ainsi qu’une nouvelle expertise médicale complète ([21]).

En 1995, selon Alain Esquerre ([22]), une plainte est déposée au commissariat de Biarritz par la mère de David, un ancien élève qui a fini par lui révéler les viols qu’il aurait subis de la part de Patrick M., alors surveillant. Cette plainte aurait été classée sans suite à l’issue d’une confrontation, parole contre parole, entre la victime et le mis en cause. Cet homme, qui serait aujourd’hui visé par une trentaine de plaintes et se trouve en détention provisoire, est resté en fonction dans l’établissement Notre-Dame de Bétharram – renommé ensuite Le Beau Rameau – pendant quarante ans, jusqu’en février 2024.

La même année, le jeune Marc Lacoste-Seris informe son père, Jean-François, des violences qu’il a subies. Celui-ci adresse une lettre aux parents de l’établissement, leur demandant de signer une pétition pour que cessent les violences physiques et les traitements humiliants ([23]) : son fils a eu le tympan percé en février 1995 par une « gifle » ayant occasionné la perte définitive de 40 % de ses capacités auditives, avant d’être, en décembre de la même année, isolé dehors durant la nuit en sous-vêtements puis frappé et finalement admis à l’hôpital en hypothermie après avoir réussi à joindre son père. Ce dernier dépose plainte à l’encontre du cadre surveillant Marie-Paul D., faute de réaction appropriée de l’établissement, et décide d’alerter les médias, une première. Ceci provoque en avril 1996 un premier emballement médiatique, à la fois dans la presse locale et les médias nationaux, accru par la présence dans l’établissement, et dans la même classe que la victime, du fils de François Bayrou, alors président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques et ministre de l’éducation nationale.

Au moins une autre plainte pour violences avait été déposée le 3 avril 1996 à la brigade de gendarmerie de Nay, à l’encontre cette fois du directeur de l’établissement et d’un certain Thomas T., sans doute un élève-surveillant, selon un document retrouvé à l’établissement Le Beau Rameau – ex-Bétharram – par les rapporteurs au cours de leur contrôle sur pièces et sur place du 18 mars 2025. Cette plainte ([24]) donnera lieu à un simple « avertissement avant poursuite » adressé au directeur par le procureur, ce dernier ayant décidé de ne pas « lui donner de suite pénale », « compte tenu des circonstances de cette affaire » ([25]).

À cette même époque, la professeure de mathématiques et lanceuse d’alerte (voir c. infra) Françoise Gullung aurait, elle aussi, recueilli la parole d’élèves apeurés.

Toujours en avril 1996, la presse dévoile d’autres faits, ce qui prouve que des élèves ont parlé des violences qu’ils subissaient ([26]). Le retentissement médiatique est tel que des caméras de télévision et des journalistes de la presse écrite – y compris nationale – cernent l’établissement pendant plusieurs jours. Jean-François Lacoste-Seris, accompagné d’anciens élèves eux aussi décidés à s’exprimer, dont Alain Esquerre, tente de créer une association de défense des victimes et distribue des tracts de sensibilisation à destination des parents et des élèves devant l’établissement. En octobre de la même année, des documents retrouvés par les rapporteurs à Bétharram indiquent qu’un surveillant a causé un autre percement tympanique à un élève, Jonathan, dont les parents, informés par leur fils, avaient un temps envisagé de porter plainte ([27]). Les effectifs de l’établissement avaient du reste sensiblement baissé l’année scolaire suivante, peut-être du fait d’un moindre attrait et/ou du départ de certains élèves vers d’autres établissements.

En 1998, à la suite du témoignage d’un ancien élève pour des faits de viol, Pierre Silviet-Carricart, l’ancien prêtre directeur qui reste alors une personnalité majeure de la congrégation – et par conséquent une figure tutélaire pour l’établissement –, est mis en examen et placé en détention provisoire, ce qui provoque une nouvelle effervescence médiatique d’ampleur nationale. Le témoignage d’un élève dans le cadre de la même affaire, confirmé par d’autres élèves, mettait également en cause Damien S. alias Cheval.

Vers la fin des années 1990, toujours selon le livre d’Alain Esquerre précité, le petit Anthony, 8 ans, raconte à sa grand-mère ce que lui a fait subir, à plusieurs reprises, un religieux lui demandant de ne rien révéler à personne. Sa grand-mère, très pieuse, « lui répond que c’est un menteur et qu’il devrait avoir honte » ([28]).

En 2000, toujours dans le cadre de l’instruction de l’affaire dite Carricart, une deuxième plainte aurait été déposée contre celui-ci, de même qu’une, selon Mediapart, contre Patrick M..

En 2003, c’est Adrien H., ancien élève, qui, d’abord victime de violences physiques et d’humiliations de la part « d’élèves à la solde des surveillants, qui en faisaient leurs hommes de main », affirme subir des viols de la part d’élèves plus âgés dans les toilettes de l’établissement ainsi que des agressions sexuelles de la part de prêtres encadrants. Il témoigne aujourd’hui avoir dénoncé ces actes auprès de la direction de l’établissement, avec pour toute réponse des punitions, telles que des colles, et la phrase suivante du directeur : « Je ne te crois pas, je ne crois que les prêtres et les surveillants » ([29]).

En 2005, un ancien élève, qui avait donc là aussi pris la parole, aurait déposé une plainte pour des faits de viol et d’agression sexuelle mettant en cause un laïc membre du personnel de l’établissement, cette plainte étant une fois encore classée sans suite ([30]).

Enfin, entre 2011 et 2013, un autre ancien élève aurait dénoncé des faits de viol et d’agression sexuelle commis par un autre membre de l’établissement, la plainte étant là aussi classée sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée » ([31]).

La longue liste ci-dessus des élèves qui se sont exprimés il y a 20, 30, 40 voire plus de 60 ans sans jamais obtenir réparation en dit long, non sur le silence des victimes, mais sur la chape de plomb imposée par ceux qui étaient pourtant responsables de leur protection et de leur sécurité. Cette question de la responsabilité des adultes se pose de façon particulièrement sensible ou douloureuse s’agissant également des parents ([32]).

En effet, pour parler de violences que l’on a subies, deux conditions sont nécessaires : il faut en premier lieu savoir que l’on est victime de violences, et donc savoir ce qu’est une violence et que toute forme de violence est interdite par la loi ([33]) ; en second lieu, il faut savoir ou, à tout le moins, croire que la parole sera écoutée et prise au sérieux. Dans le cas des enfants, cela implique donc de pouvoir parler en confiance à des adultes de leur environnement immédiat, parents ou personnels scolaires.

« Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour en parler ? »

« Nombreuses sont les victimes qui se sont heurtées à cette question, qui exprime l’incompréhension, peut-être même l’indifférence, de la personne qui la pose. En réalité, la question est mal posée car ce n’est pas à la victime d’y répondre. C’est aux tiers, aux proches, aux professionnels, aux institutions. La question est : "pourquoi attendons-nous si longtemps pour autoriser les victimes à parler ?" »

Extrait du rapport public de la Ciivise, novembre 2023, p. 388.

Cette écoute, le directeur de Notre-Dame de Bétharram ayant succédé à Pierre Carricart, le religieux Vincent Landel, l’avait lui-même promue et en avait exposé la nécessité aux lecteurs de La Croix en avril 1996 ([34]), dans un courrier des lecteurs intitulé « Les violences à l’école », où il écrivait notamment : « Pour relever le défi lancé à l’école, il ne nous faut pas plus de policiers, de magistrats, de personnes qui légifèrent... Il faut seulement plus d’adultes qui, dans le quotidien de ces jeunes, acceptent de prendre le temps de poser sur eux un regard qui aime, qui respecte, qui accompagne en tant qu’éducateur chrétien ; n’est-ce pas suivre la pédagogie du Christ ? Il nous faut seulement plus d’adultes qui acceptent d’être l’oreille attentive. »

Pourtant, manifestement, pour un grand nombre d’élèves, ces conditions n’étaient pas réunies dans le contexte de la célèbre institution, y compris sous la direction de l’intéressé.

3.   …ou l’omerta entretenue par des adultes ?

Au faîte de son prestige au milieu des années 1990, l’établissement, qui s’ouvrait alors tout juste à la mixité, accueillait plus de 600 élèves, dont environ 400 internes. Bien qu’isolé géographiquement, il bénéficiait d’une notoriété bien établie, son bassin de recrutement s’étendant jusqu’aux villes de Toulouse et surtout de Bordeaux, pourtant située à près de 250 kilomètres. En première analyse, on pourrait imaginer qu’une telle notoriété et un tel nombre d’élèves auraient dû constituer un facteur de protection pour les enfants, tant on sait combien les violences peuvent d’ordinaire prospérer dans le secret des huis clos. L’explication à cet apparent paradoxe se trouve probablement dans le simple fait que dans cet établissement bien plus qu’ailleurs, la violence était – pour partie au moins – institutionnalisée et constituait pour ainsi dire l’un des « produits d’appel » de l’institution.

a.   Le choix des parents

Ainsi, comme la presse l’a largement relayé et comme le premier ministre François Bayrou l’a lui-même indiqué lors de la séance de questions au gouvernement du 11 février 2025 devant l’Assemblée nationale, la scolarisation à Bétharram, en particulier à l’internat, faisait notoirement figure de punition, dont les habitants de la région agitaient volontiers la menace lorsque leurs enfants n’avaient pas le comportement ou les résultats scolaires escomptés : « Si tu ne travailles pas ou si tu n’es pas sage, on t’y enverra », précisait ainsi le premier ministre ([35]).

Plus explicitement, Françoise Gullung, qui fut brièvement professeure et lanceuse d’alerte à Notre-Dame de Bétharram, décrivait lors de son audition devant la commission la perception qu’elle avait de l’établissement avant d’y être recrutée dans un contexte de prétendue volonté de changement : « J’ai vécu à Pau et […] aucun de mes collègues n’aurait envisagé d’inscrire ses propres enfants à Bétharram, qui avait la réputation d’être un lieu de violences, voire de torture », ajoutant qu’« entre adultes, nous n’avions pas de preuve formelle, mais les soupçons étaient réels. Il régnait une rumeur persistante, à laquelle chacun prêtait une oreille inquiète, de l’existence d’abus dans cet établissement. » ([36])

Cette réputation se traduisait dans de nombreux aspects parfaitement connus des règles de fonctionnement de l’établissement et dans la configuration même de ses locaux, qu’aucun membre du personnel ou parent d’élève ne pouvait ignorer.

Pour n’en citer que quelques-unes ([37]) :

– des conditions d’hébergement très inadaptées pour préserver l’intimité et l’hygiène des élèves internes, y compris au regard des standards de l’époque : comme l’a indiqué, lors de son audition par la commission, l’inspecteur ayant procédé à une visite de l’établissement en 1996, les élèves dormaient alors encore dans des dortoirs non cloisonnés contenant « plusieurs dizaines de lits chacun », ajoutant, « quand j’ai constaté qu’il n’y avait, par exemple, qu’une toilette, j’ai considéré que ce n’était pas convenable » ([38]). De nombreux témoignages convergent également pour indiquer que les douches se prenaient le plus souvent à l’eau froide et une seule fois par semaine, avec un chronomètre et un allumage de l’eau très bref (de 15 secondes à 1 minute 30 entre le début et la fin de la douche, selon les témoignages), que les dortoirs n’étaient chauffés que 30 minutes avant le coucher et le lever et uniquement durant les mois d’hiver les plus rigoureux ; rappelons qu’il n’est pas seulement question ici des années 1950 ou 1960, mais également des années 1990 et d’une grande partie des années 2000 ;

– des règles et sanctions édictées de façon parfaitement assumée, en décalage certain avec les pratiques généralement observées, à tout le moins dans les années 1990 et 2000, pouvant conduire à priver les élèves de leurs besoins fondamentaux : privation de sommeil en cas d’écart de conduite, interdiction ou limitation drastique des possibilités d’aller aux toilettes pendant la nuit sous peine de sanctions, etc.

– des rythmes éreintants, avec étude de 7 heures à 8 heures du matin avant les cours, un devoir sur table tous les soirs de 17 h 30 à 19 heures, puis de nouveau l’étude après le dîner jusqu’à 20 h 30 au collège et 21 h 45 au lycée ([39]) ;

– l’interdiction de parler dans le dortoir, même avant l’heure du coucher, la confiscation des objets personnels tels que romans et revues, l’usage banalisé, notamment par les surveillants et élèves-surveillants, des châtiments corporels.

Se retrouvaient donc à Notre-Dame de Bétharram essentiellement des élèves dont les parents disposaient d’autres options de scolarisation, plus conformes aux usages du reste de la société, plus proches de leur domicile et moins onéreuses voire gratuites s’agissant des établissements publics de secteur, mais qui souhaitaient, par choix, voir appliquer à leurs enfants de telles méthodes éducatives. Qu’ils se soient senti démunis face à des difficultés scolaires ou comportementales, fragilisés par une situation personnelle difficile, ou qu’ils aient simplement partagé la culture et les valeurs de l’établissement, ces parents avaient opté pour un projet intégrant voire valorisant des pratiques éducatives déjà en décalage avec celles qui étaient normalement observées dans les autres établissements scolaires à la même époque. Ce choix non neutre éclaire sans doute l’accueil pour le moins inamical reçu par M. Lacoste-Seris et les anciens élèves qui ont tenté, en avril 1996, de sensibiliser les parents aux violences physiques faites aux enfants dans l’établissement.

Il permet également de saisir comment la violence éducative ordinaire institutionnalisée a constitué non seulement le terreau, mais aussi le meilleur paravent possible au déchaînement de violences déjà décrit. Dans ce contexte, on ne saurait être surpris du silence de nombreux élèves victimes de violences physiques, ceux-ci n’ayant pas jugé utile de se confier à leurs parents quant aux traitements subis : pour beaucoup d’entre eux, c’était précisément pour se voir appliquer ces méthodes qu’ils pensaient être là. Il est en effet essentiel de souligner combien la frontière entre violences dites « éducatives », perçues comme ordinaires, et violences inacceptables est artificielle, poreuse et impossible à déterminer, a fortiori pour l’enfant qui les subit.

Ces enfants ont également pu juger inutile de parler à leurs parents des violences sexuelles, craignant leur absence de réaction ou leur incrédulité, voire des représailles supplémentaires pour avoir défié ou sali l’institution et ses responsables tant respectés. D’autres enfin s’en sont tout de même ouverts à leurs familles, mais pour la petite dizaine de victimes citées supra, dont les parents les ont suffisamment prises au sérieux pour se manifester auprès de l’établissement ou de la justice, un nombre bien plus important a vu sa parole minimisée, puis étouffée dans le huis clos familial. Une mère d’élève, « choquée par l’agitation médiatique », avait par exemple affirmé au journal Libération après l’affaire Lacoste-Seris : « Mon fils et mon mari ont connu pire. Ils en sont fiers. » ([40]) Une autre indiquait au journal Sud Ouest : « C’est une école virile où l’on fait beaucoup de sport et où l’on n’hésite pas à mettre une baffe à un gamin qui le mérite. Et une baffe, parfois, cela peut faire mal. » ([41]) D’autres témoignages de parents d’élèves de Bétharram de même nature remplissaient les colonnes des journaux de l’époque.

Comme le résume parfaitement Alain Esquerre, « ils voulaient tous conserver cet établissement hors du temps. Ils savaient que les enfants pas sages étaient tabassés. Mais ça arrangeait tout le monde. Nos parents payaient pour ça. Alors, quand on parlait de sévices sexuels, personne ne nous croyait » ([42]).

b.   Des personnels au contact des élèves complices ou réduits au silence

Quant aux personnels de l’établissement, ils n’étaient pour l’essentiel, semble-t-il, pas davantage disposés à accueillir la parole des élèves. Tout d’abord car une partie d’entre eux étaient auteurs ou complices des violences. De ce point de vue, la réaction d’Ange M., ancien cadre surveillant de Bétharram et actuel maire de la petite commune de Jarret dans les Pyrénées-Atlantiques, interviewé le 19 février 2025 pour le magazine télévisé Quotidien, est éloquente. Après avoir admis « oui, j’avais la main lourde ! Quand je frappais, je frappais ! », interrogé sur les violences sexuelles imputées à Pierre Carricart, il s’exprimait en ces termes : « Il était maniéré, certes. Ce n’était pas le premier curé maniéré ! Et ce ne sont pas les premiers gosses maniérés que je vois non plus, et, comme par hasard, ce sont ces gosses maniérés qui subissent ce genre de violences. » Une telle prise de parole face caméra en 2025 permet d’imaginer la qualité de l’écoute et l’empathie qui pouvaient être celles du même homme trente ans plus tôt à l’égard de potentielles victimes.

S’agissant des autres personnels, enseignants ou non, aucun ne semble s’être exprimé à l’époque, à l’exception d’une lanceuse d’alerte, Françoise Gullung, déjà évoquée. Arrivée dans l’établissement à la rentrée 1994 après vingt années de carrière dans un autre établissement privé, Mme Gullung devait en principe devenir directrice adjointe de l’établissement, notamment dans l’objectif d’en « restaurer l’image » ([43]), à l’issue d’une période d’acclimatation d’une année scolaire. Lors de son audition par la commission ([44]), elle indiquait avoir été témoin de violences « très rapidement, à peine deux à trois semaines après la rentrée ». Ces violences flagrantes ne semblaient pas susciter de réactions chez les autres adultes. À titre d’exemple, selon ses dires, « un jour, alors que je cherchais le secrétariat dans les couloirs, j’ai entendu, dans une salle, un adulte hurler sur un élève et le frapper. […] À ce moment précis, j’ai croisé Mme Bayrou ([45]). De manière presque naïve, je lui ai demandé ce que nous pouvions faire face à une telle situation. Elle n’a manifestement pas compris ma préoccupation ».

Toujours lors de son audition, Mme Gullung a indiqué avoir été par la suite frappée par l’état général de ses élèves, « apathiques, épuisés », et avoir fini par comprendre que cette « fatigue inhabituelle » était liée aux conditions de vie à l’internat : « En interrogeant davantage les élèves, j’ai appris qu’il survenait parfois, la nuit, des événements tels que des crises d’asthme, auxquels les surveillants réagissaient en criant et en frappant, ce qui ne faisait qu’aggraver l’état de panique des enfants ». Elle avait alors consulté « l’infirmière de l’établissement, qui [avait] confirmé ces faits et [avait] laissé entendre, avec prudence, qu’il se produisait bien d’autres événements tout aussi préoccupants [et] que des élèves étaient parfois contraints de rester debout, au pied de leur lit, pendant plusieurs heures, pour des motifs dérisoires. Ces punitions pouvaient durer deux à trois heures et les enfants les subissaient dans un silence contraint, en pleine nuit ».

Ayant cherché à interroger ses collègues, elle se voyait répondre que « c’était comme ça » et que « l’établissement fonctionnait de cette façon », tout en ajoutant être convaincue que « tous les enseignants pouvaient constater que les enfants se trouvaient dans une grande détresse ». Mme Gullung expliquait cette indifférence par le fait que « la plupart des enseignants débutent sans expérience préalable et sont souvent d’anciens élèves de l’établissement. À Bétharram, la majorité des enseignants étaient eux-mêmes issus de l’établissement ou étroitement liés à sa direction. Ils y effectuaient l’essentiel, voire la totalité de leur parcours professionnel », ajoutant être convaincue « que les choses auraient pu être différentes s’ils avaient eu davantage de contacts avec l’extérieur. Or à Bétharram, cet isolement [était] beaucoup plus marqué que dans un établissement situé en milieu urbain ». Elle opposait également cette situation à celle de « l’enseignement public, où les inspecteurs rencontrent régulièrement les enseignants pour échanger sur les programmes et les pratiques pédagogiques », alors que les professeurs du privé étaient « souvent ignorés par le rectorat » ([46]).

Cet isolement des enseignants dans un milieu clos, sans autre hiérarchie connue que celle du directeur de l’établissement, constitue sans aucun doute un facteur explicatif important, qui sera analysé plus en détail dans la seconde partie du présent rapport.

Toutefois, il ne faut pas négliger non plus les menaces implicites et explicites qui pesaient sur ces personnels, tous plus ou moins dépendants de la direction de l’établissement. Ainsi, après la sanction du « perron » en plein hiver qui faillit avoir des conséquences dramatiques – une amputation – pour le jeune Marc Lacoste-Seris ([47]), Mme Gullung a rapporté devant la commission que « le père Carricart, qui n’était pas présent dans l’établissement au moment des faits, est revenu accompagné de deux acolytes. Ils ont réuni l’ensemble des enseignants et nous ont formellement mis en garde sur le fait que toute prise de parole publique, que ce soit auprès des journalistes, de la police, de la gendarmerie ou même au sein de nos familles, entraînerait des sanctions. Ils ont ajouté que de telles révélations pourraient aller jusqu’à provoquer la fermeture de l’établissement » ([48]).

Cet épisode ayant suscité un vent de panique chez certains élèves, ceux-ci craignant « de ne pas survivre » si une même sanction leur était infligée, Mme Gullung avait pour sa part « estimé que [sa] priorité devait être de leur offrir une forme de protection, même minime. Je leur ai expliqué qu’ils pouvaient se rendre aux cabines téléphoniques situées dans le village, à l’abri des regards, et y composer le 119, un numéro gratuit ». Cette intervention n’était semble-t-il pas acceptable : « À partir de ce moment-là, je suis devenue, sans la moindre ambiguïté, persona non grata. » Cet ostracisme s’est manifesté par « les mots du surveillant général et du père directeur qui ne se privaient pas de demander ouvertement ma mutation. Le ton était feutré, mais la pression, réelle » ([49]).

Au-delà de ces menaces sur son emploi, Mme Gullung indique également avoir été victime de violentes intimidations : « Un jour, alors que je traversais la cour, j’ai remarqué la présence inhabituelle du surveillant général avec un ballon, entouré d’un groupe d’adolescents. Cette scène ne correspondant à aucun usage ordinaire, j’ai instinctivement gardé un œil sur eux. J’ai vu le surveillant général effectuer un geste et le ballon a été lancé dans ma direction. Le groupe d’adolescents l’a immédiatement suivi. Ils m’ont violemment percutée, je suis tombée au sol, bousculée, écorchée de toutes parts. Je saignais, j’avais mal au visage, et personne ne s’est approché pour m’aider ou simplement me porter assistance. J’ai conduit seule jusqu’à l’hôpital de Pau, situé à environ trente-cinq kilomètres. Après des examens radiologiques, le diagnostic a révélé plusieurs fractures de la face […]. Par la suite, j’étais invectivée dès que je traversais la cour, ma voiture a été endommagée et je recevais des appels téléphoniques menaçants à mon domicile. »

L’isolement de Mme Gullung est bien traduit par une lettre ouverte adressée aux autorités de l’enseignement catholique et de l’éducation nationale, transmise aux rapporteurs par le rectorat de Bordeaux, à l’issue de leur contrôle sur pièces et sur place du 19 mars 2025 ([50]). Dans ce courrier daté du 13 avril 1996, « la direction et l’équipe éducative : professeurs et éducateurs », se disent « profondément choquées par le battage médiatique dont le collège est la cible », constatent que « la plainte déposée par un parent d’élève » et la seconde plainte « déposée par un professeur de mathématiques à la suite d’un accident survenu dans la cour de récréation où elle a été heurtée par un élève », plainte sur laquelle ils « émettent les plus extrêmes réserves », « portent un grave discrédit et un grave préjudice à une institution qui fonctionne depuis plus d’un siècle et demi ».

4.   Un silence bien gardé

Parmi ces parents et personnels, on peut s’interroger plus encore sur la responsabilité de ceux d’entre eux qui exerçaient des fonctions de représentation ou de gouvernance dans l’établissement.

a.   Le rôle central et plus qu’ambigu de l’association des parents d’élèves

Au sein de l’établissement Notre-Dame de Bétharram, les membres de l’association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel) et particulièrement de son conseil d’administration (CA) semblaient jouer un rôle majeur.

Les rapporteurs ont obtenu, lors de leur contrôle sur pièces et sur place à l’établissement Le Beau Rameau ([51]), un certain nombre d’archives datant de mars 1996 à mai 1997, conservées par le père directeur Landel et annotées de sa main. Les documents de ce dossier sont alternativement intitulés « convocations » ou « comptes rendus » de réunion « des membres de l’Apel », « du Conseil d’administration de l’école », « du Conseil de l’Apel », « du Bureau et du Conseil d’administration » ou « de l’Apel », ces organes semblant se recouper très largement et faire office de conseil d’établissement. En effet, la liste des participants indique que ces différentes réunions, quel que soit leur intitulé, semblent toujours regrouper plus ou moins les mêmes participants, à savoir le président de l’Apel, d’autres membres de son CA ou de son bureau, le directeur de l’établissement, un représentant des enseignants ainsi qu’un ou plusieurs « cadres éducatifs » (surveillants-chefs), et évoquer des sujets très variés – vie de l’école, aides financières pour des projets, coût de la scolarité, problèmes relatifs aux locaux, questions de discipline, structuration de la gouvernance de l’établissement, relations avec la tutelle, etc.

Si une partie des archives et des comptes rendus semblent avoir disparu ([52]), ceux qui ont été obtenus permettent notamment de comprendre comment les acteurs de la gouvernance de Bétharram ont traversé les évènements qui ont conduit au dépôt de plainte de M. Lacoste-Seris et au premier emballement médiatique en avril 1996 autour des pratiques de l’établissement. À cette période au moins, les représentants de l’Apel, qui semblaient tout ignorer des violences sexuelles, avaient en revanche connaissance d’une part non négligeable des dérives graves de plusieurs encadrants ([53]). Sans être totalement aveugles ni indifférents – certains échanges houleux, démontrant un réel souhait de mettre fin aux violences –, ils étaient toutefois manifestement tout autant, voire davantage, préoccupés de la réputation de l’établissement et attachés à ne rien laisser filtrer de ce qui s’y déroulait, en évinçant au besoin toute personne ne respectant pas cette règle d’or. Ces archives démontrent également que d’autres violences ont eu lieu après cette plainte, sans que celles-ci soient connues de la presse ou de la justice et sans que cela n’occasionne de véritables changements.

En mars 1996 ([54]) , le sujet de la discipline et de ses dérives est abordé de façon plutôt feutrée, sous l’angle d’une concertation en cours, à la demande de l’Apel, sur une « charte de discipline », que le prêtre directeur Landel souhaite, « suivant les fondements énoncés par Saint Michel Garicoïts, élargir à une charte de vie ». Il est également question lors de cette réunion d’un « règlement des surveillants de dortoirs », remis à la rentrée 1995 et dont l’application donne lieu à « des réunions tous les quinze jours ». À ce sujet, un cadre éducatif, M. M. ([55]), indique que « cette concertation permet petit à petit une responsabilisation des surveillants ». Le directeur indique ensuite à l’assistance « [accepter] l’idée de délégués de dortoirs pour la rentrée 1996 », informe qu’il « va se rendre à Garaison ([56]), internat important, pour voir la vie de l’établissement » et précise avoir « écrit à M. Bayrou afin de savoir quelle pourrait être la place des jeunes effectuant un service militaire civil dans le futur », ajoutant que « M. Bayrou a transmis son courrier au ministre des Armées ».

Après une interruption des réunions – ou des archives – sur près de six semaines, le ton se fait nettement plus inquiet lors de la réunion du conseil d’administration de l’école du 2 mai 1996, postérieure au dépôt de plainte et à la médiatisation qui a suivi. Participent à cette réunion le président de l’Apel de l’établissement, M. Protat, le directeur de l’établissement, M. Landel, et d’autres membres de l’Apel, tels que M. Laguilhon, père d’élève et fils du suppléant de François Bayrou à l’Assemblée nationale, M. Lacoste-Seris, et deux cadres éducatifs, MM. M. et D. ([57]). Il y est notamment donné lecture, sans que ceux-ci soient annexés, de « courriers adressés au directeur de Bétharram, au recteur et à la directrice diocésaine » à propos de Mme Gullung, dont le possible retour le lendemain dans l’établissement semble susciter des réactions unanimement hostiles voire l’indignation ([58]). Il est décidé à l’unanimité que le directeur va à nouveau écrire au recteur à son sujet, « en faisant référence au rapport de l’Inspecteur de vie » ([59]), rapport dont il est également donné lecture. La lettre au recteur qu’il est question d’adresser a effectivement été rédigée le 8 mai 1996 et obtenue par les rapporteurs au rectorat de Bordeaux ([60]). Elle insiste auprès du recteur pour accélérer l’éviction de Mme Gullung, « qui cristallise un esprit qui n’est pas sain dans le corps enseignant ». Un point n’avait en revanche pas été évoqué lors la réunion du 2 mai : le fait que M. Landel profiterait de ce courrier, « en pensant à l’année prochaine », pour demander au recteur « [s’il avait] le droit de refuser légalement la réinscription d’un jeune », lui précisant : « [J]e pense à Marc Lacoste Seris ([61]) ; je n’ai rien directement contre lui, mais je ne peux continuer à travailler avec une famille qui ne nous fait pas confiance. »

Dans la suite du compte rendu de la réunion du 2 mai 1996, M. Protat ainsi que le représentant des enseignants insistent auprès de M. Landel pour qu’avance le projet de charte de vie, que les sanctions prévues par le règlement intérieur soient effectivement mises en œuvre, en prononçant au besoin des renvois définitifs, et que la discipline soit appliquée de manière plus stricte, pour « retrouver la crédibilité, la confiance ». Ici comme dans plusieurs écrits ultérieurs, les protagonistes extérieurs à la direction semblent expliquer les violences – paradoxalement – par l’absence d’une discipline claire et stricte, le maintien dans l’établissement d’élèves qui auraient dû en être exclus et un manque de professionnalisme des surveillants.

Lors de la réunion suivante, le 13 mai 1996, est à nouveau évoquée Mme Gullung, toujours présente dans l’établissement et tenue pour responsable de la dégradation de son climat. Il est décidé qu’elle fera l’objet d’un nouveau courrier, de M. Protat et du directeur, au recteur ([62]). On apprend qu’une réunion portant spécifiquement sur la « discipline » a eu lieu trois jours plus tôt, au terme de laquelle la charte de vie doit être immédiatement transmise aux parents, après quoi doit s’engager une « analyse du fonctionnement de la discipline et de la volonté des éducateurs de l’appliquer », avant d’engager « à long terme des réflexions sur les réfectoires et dortoirs » ([63]), sujet qui sera à nouveau abordé à plusieurs reprises lors de réunions ultérieures, avec de moins en moins de conviction, puis abandonné progressivement.

Les comptes rendus des réunions des semaines suivantes ne figurent pas dans les éléments recueillis par les rapporteurs : seule une convocation pour une réunion du 17 juin a été trouvée par ceux-ci, mentionnant à l’ordre du jour un « compte rendu du courrier du recteur » concernant Mme Gullung et des « échanges sur l’application du règlement intérieur ». Cette convocation est annotée à la main par M. Landel, qui y écrit les mots suivants : « punitions…sévices…certaines pressions psychologiques venant du directeur et de son encadrement. Ces corrections illégales et statutaires dans l’établissement sont punies par le code civil. » Il n’est pas possible d’en savoir davantage. Cette lacune est d’autant plus regrettable que le 11 juin 1996, Marie-Paul D. avait été condamné par le tribunal correctionnel de Pau au paiement de 5 000 francs d’amende avec sursis. Une archive vidéo de France 3 Bordeaux indique que l’établissement « s’est déclaré solidaire de son surveillant général : aucune sanction administrative n’a été prise à son encontre » ([64]).

Une autre archive obtenue par les rapporteurs lors de leurs contrôles sur pièces et sur place semble toutefois établir que M. Protat, président de l’Apel, avait pris fait et cause pour l’établissement et M. D. Dans un courrier qu’il lui adresse et que les rapporteurs ont trouvé au Beau Rameau ([65]), M. Lacoste-Seris déplore notamment « la satisfaction [que M. Protat avait manifestée] sur le jugement rendu par le tribunal correctionnel » et lui écrit : « [C]’est en partie à cause de VOUS que cela a commencé […] Si l’un de vos enfants avait souffert de la même manière, vous auriez certainement souffert aussi […]. Notre action de parents responsables continue, faites-en autant. […] En espérant faire bouger "le monde" pour que nos conditions évoluent, lisez "Famille et éducation" et MÉDITEZ. »

Les comptes rendus reprennent seulement à compter du 7 octobre 1996, date à laquelle les Lacoste-Seris, père et fils, et Mme Gullung ont déjà été définitivement évincés de l’établissement. Il est question de modifier les statuts « à la suite des événements ayant agité l’Apel ». Les cadres éducatifs présents, MM. M., D. et M. ([66]), évoquent le projet, qu’ils semblent soutenir, de proposer aux jeunes « après la Toussaint une soirée récréative par semaine », et demandent l’autorisation de participer à ces « animations ». M. D. intervient pour indiquer, sans lien apparent avec ce qui précède, que « le dortoir le plus difficile est celui des plus jeunes ». Enfin, en toute fin de compte rendu, dans le point « Questions diverses », le père Landel indique « qu’il va falloir mener une réflexion sur la violence, demandée par M. Bayrou ». Il apparaît donc que six mois après le dépôt de plainte et le contrôle conduit dans la foulée par l’inspecteur pédagogique régional Camille Latrubesse ([67]), la question des violences est loin d’être réglée et que François Bayrou, alors ministre de l’éducation nationale, en a conscience.

Et pour cause, la suite des archives contient un courrier adressé le 29 octobre par M. Protat à M. Landel, faisant état de deux faits de violence intervenus le 20 octobre 1996 :

– une nouvelle « gifle », administrée par M. T., surveillant, cette fois à un élève prénommé Jonathan, dont M. Protat précise que les parents, bien que « restés silencieux l’année dernière […] ont eu une réflexion familiale positive et profonde » au terme de laquelle « ils ont remis cette année leur fils à Bétharram, en assurant aussi bien leur soutien à l’école qu’à leur enfant », ce qui peut laisser entendre que cet élève avait déjà subi des violences l’année scolaire précédente, ou que l’affaire Lacoste-Seris avait choqué la famille ; il ajoute à l’intention de M. Landel que les parents de Jonathan « réservent leur position quant à la suite qu’ils donneront en fonction de [sa] décision sur la sanction à prendre » ;

– une « agression manifeste sur un [autre] enfant », de la part d’un autre surveillant, M. Thomas D., dont M. Protat précise que « nous n’osons même pas imaginer les conséquences si le professeur de mathématiques n’était pas intervenue » ([68]), avant de s’interroger : « Faut-il un jour arriver à l’irréparable pour que vos cadres éducatifs vous mettent au courant ? », sous-entendant ainsi que M. Landel n’avait aucun contrôle sur ses équipes de surveillants et que là résidait le problème.

M. Protat évoque ensuite, une fois de plus, le manque de discipline et d’application des sanctions prévues par le règlement intérieur, ajoutant « qu’il est urgent que l’on sache qu’il existe un directeur », exprimant au nom du conseil d’administration son « indignation de voir que le travail des uns et des autres, suite aux événements de l’an dernier ([69]), ne semble pas avoir changé la situation ». Il conclut en demandant au nom du conseil d’administration de l’Apel « d’exclure définitivement les deux surveillants et qu’il soit porté publiquement un blâme à chaque cadre éducatif dont dépendent les deux surveillants », donnant cette fois-ci l’impression de prendre l’affaire très au sérieux.

Un autre courrier est adressé le 2 novembre 1996 par M. Protat aux quatre cadres éducatifs concernés ([70]), dans lequel il écrit : « Nous tenons à vous rappeler que nous vous avons apporté un soutien, et pour certains d’entre nous des prises de position publiques pour défendre, suite aux événements de l’an dernier, l’école de Bétharram et surtout ses qualités pédagogiques, […] il nous semble que cette année nous sommes en droit d’attendre de votre part, en tant que cadre éducatif et donc responsable des surveillants, une prise de conscience et une évolution dans l’organisation et la méthode éducative de nos enfants. Le temps de la concertation, de la coopération et de la confiance est terminé. Nous devons et vous devez passer à l’application. ». Puis, après avoir « solennellement » dénoncé les faits, le président de l’Apel explicite très clairement l’objectif de l’envoi de ce courrier : craignant une plainte des parents de Jonathan, « avant toute médiatisation, […] vous comprendrez que nous sommes malheureusement obligés de vous envoyer ce courrier car nous ne pouvons et ne voulons pas être tenus comme responsables de n’avoir pas officiellement dénoncé de tels agissements, surtout après les événements de l’an dernier ». Un post-scriptum précise : « Lettre qui sera transmise à qui de droit si notre responsabilité devait être mise en cause et si de tels faits devaient se reproduire. » On croit donc comprendre que ces courriers, dont le ton tranche nettement avec celui des réunions, avaient – au moins en partie – pour objectif de dédouaner les membres du conseil d’administration de l’Apel et ses représentants en cas de nouvelle plainte. Pourtant, les parents de Jonathan ne porteront pas plainte, et les auteurs des courriers n’auront jamais « officiellement dénoncé » les agissements qu’ils semblaient condamner si nettement, et dont on sait aujourd’hui qu’ils se sont donc poursuivis.

Lors de la réunion suivante, en date du 19 novembre 1996, les faits sont rappelés, et M. Protat précise que « dans cette affaire, Bétharram se doit de réagir en la personne de son directeur et de son Président d’OGEC ([71]) pour prendre une décision vis-à-vis des surveillants », ce qui indique qu’aucune exclusion ou sanction n’avait encore été décidée. Sont ensuite évoqués les projets d’animations ou temps récréatifs, dont M. M. précise que « dans le temps, ils n’ont pas de caractère systématique » et que « pour les plus petits, il faut davantage d’encadrement, aussi rien n’est mis en place ».

Le compte rendu suivant est relatif à la réunion du conseil d’administration du 10 décembre 1996 : on y donne notamment lecture d’un courrier de l’Union départementale des Apel, dont la commission Jeunes en difficulté (JED) a mis à disposition un « questionnaire sur la violence faisant double emploi avec l’enquête faite par M. Bayrou » ([72]). On s’y rassure ensuite sur le fait que Jonathan, « après une visite de contrôle par un ORL, ne présente pas de séquelle auditive, la cicatrisation s’effectuant normalement », sans que soit plus évoquée ni la question des surveillants, ni celle des cadres éducatifs, ni celle de leurs méthodes ou des sanctions à leur encontre pourtant demandées avec tant de véhémence deux mois plus tôt. Le point suivant de l’ordre du jour concerne en effet l’organisation du loto, présentée par ces mêmes cadres éducatifs, MM. M. et D.. Le sujet ne sera plus abordé dans les comptes rendus ultérieurs dont les rapporteurs disposent.

Il est toutefois intéressant de relever que dans un courrier adressé le 15 mai 1997 à M. Landel, deux membres du conseil d’administration de l’Apel qui l’étaient déjà l’année précédente, faisant référence à la parution quelques jours plus tôt d’un article de Sud Ouest ([73]), au demeurant peu critique, font « part de leur étonnement sur plusieurs points » et notamment « la mise en exergue de l’incident de l’an dernier : la gifle ; les propos mensongers et diffamatoires de l’article […] ; l’insistance regrettable sur l’accueil des enfants difficiles » . Et d’ajouter : « Nous regrettons que tout ce battage médiatique dans un journal à parution locale et régionale ne donne une nouvelle fois une mauvaise image de marque de notre établissement et ne provoque un nouvel "arrivage de cas" […]. Sans vouloir polémiquer, nous tenons à vous faire savoir que nous sommes choquées que de tels propos aient pu être tenus et du manque de réaction que nous constatons. Ces quelques propos pour vous montrer notre attachement à l’établissement et à sa structure. »

Ainsi, après une phase de déni et de solidarité dans l’adversité, qui a consisté notamment à évincer toute personne ayant dérogé à la loi du silence, les violences n’ont été abordées pour ce qu’elles étaient qu’au moment où existait un nouveau risque médiatique voire juridique pour l’établissement et sa direction, à laquelle les membres du conseil d’administration de l’Apel, qui le devenaient par cooptation, étaient consubstantiellement liés. D’après les informations dont les rapporteurs disposent, aucun d’entre eux ne semble jamais avoir ne serait-ce qu’évoqué l’idée de retirer ses enfants de l’établissement, encore moins porté à la connaissance de la justice les nouveaux faits de violences intervenus après la condamnation de M. D.. Enfin, contrairement aux lanceurs d’alerte, aucun des auteurs des violences n’a été évincé.

Dans le courant de 1997, c’est Pierre Barthélémy qui prend la place d’Alain Protat à la tête de l’Apel, dont il était déjà membre l’année précédente. Le 12 mai 2025, interrogé par Sud Ouest sur sa connaissance du caractère systémique des violences, il répondait par ces mots éclairants sur le peu de chemin parcouru depuis par certains des plus éminents protagonistes de cette affaire : « Si je vous disais non, je vous mentirais. Qu’il y ait eu des violences, oui, mais avec toutes les nuances du monde. Je conçois que des gens souffrent d’avoir fait leur scolarité à Bétharram mais est-ce qu’ils ont fait un examen de conscience et un retour sur le comportement qu’ils ont eu ? » S’agissant de la culpabilité de Pierre Carricart, il affirmait : « Si c’était vrai, il y aurait une déception. Je l’ai envisagé. Mais c’est difficile à admettre. » ([74])

b.   Une double tutelle distante mais soucieuse de protéger l’établissement

L’ensemble des établissements scolaires de l’enseignement catholique sont placés sous ce que l’Église dénomme une tutelle. Pour l’essentiel, cette tutelle est diocésaine, c’est-à-dire qu’elle relève directement de l’évêque, à travers le directeur diocésain de l’enseignement catholique qu’il désigne. Une partie des établissements est toutefois placé sous tutelle congréganiste, lorsqu’ils ont été créés par une congrégation et s’inscrivent dans la lignée du « charisme » de son fondateur. Cette tutelle est toutefois toujours exercée par mandatement ou agrément de l’évêque.

Théoriquement, l’établissement Notre-Dame de Bétharram était placé sous la tutelle de la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram, laquelle, étant de droit pontifical, jouissait d’une large autonomie. Toutefois, l’ensemble des archives consultées par les rapporteurs démontre une certaine distance de cette tutelle vis-à-vis de l’établissement, qui illustre le caractère très décentralisé du fonctionnement de l’enseignement catholique, d’ailleurs revendiqué par ses instances.

La tutelle congréganiste semblait en effet bien éloignée de la gestion du quotidien de l’établissement. C’est tout juste si les comptes rendus des années 1996 et 1997 précités font état d’une apparition du père provincial lors d’une réunion, pour évoquer « un projet de rapprochement entre les établissements de la plaine de Nay pour faire face à des réductions de financement décidées par le rectorat », une initiative qui semble d’ailleurs susciter la méfiance des véritables acteurs de la gouvernance de l’établissement.

Pour autant, une telle distance n’a pas empêché cette tutelle de jouer un rôle dans l’omerta qui entourait les pratiques de l’établissement. Ce fut le cas, par exemple, lorsqu’il s’est agi d’étouffer les alertes de Jean-Marie Delbos, dont le présumé violeur, Henri L., vit toujours aujourd’hui à Lestelle-Bétharram, au sein de la maison de retraite de la congrégation. Alain Esquerre rapporte d’ailleurs qu’à sa première rencontre en novembre 2024 avec le vicaire et l’ancien vicaire de la congrégation pour évoquer les dizaines de plaintes déjà déposées, il avait senti qu’ils le « [percevaient] comme un ennemi de Bétharram » et qu’ils lui avaient proposé, pour solde de tout compte, une « messe de réconciliation » ([75]). C’est seulement quatre mois plus tard, à la faveur d’une profonde réflexion – ou du retentissement médiatique – que la congrégation a annoncé une enquête et la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes de violences sexuelles prescrites commises par les laïcs. Néanmoins, la prise de conscience ne semble toujours que partielle au sein de la congrégation. Celui qui en était le supérieur général à Rome dans le contexte de la mise en examen puis du suicide de Pierre Silviet-Carricart intervenu au début de l’année 2000, affirmait encore au printemps 2025 dans un reportage réalisé pour le magazine Complément d’enquête : « Je sais trop de choses, vous savez, parce que j’ai vécu avec lui […] On n’a jamais cru aux accusations […] Pour moi, il ne s’est jamais rien passé, rien. Bon, que Pierre ait eu des manières féminines, c’était son problème. » Un autre père de la congrégation se demandait, dans le même contexte : « Ceux qui accusent sont-ils vraiment victimes ou pas ? » ([76])

Dans les archives obtenues par les rapporteurs, la tutelle diocésaine semble plus lointaine encore, les échanges se faisant essentiellement par courrier, pour évoquer pudiquement le cas de Mme Gullung ou des questions de moyens octroyés ou non par le rectorat. Elle n’est toutefois pas totalement absente, en tout cas pas davantage que la tutelle congréganiste, dans la gestion des difficultés de l’établissement. On constate par exemple que la directrice diocésaine, Mayté Irazoqui, était présente lors de l’inspection effectuée par l’inspecteur pédagogique régional. M. Latrubesse a d’ailleurs déclaré à son propos lors de son audition devant la commission : « Je ne l’ai que très peu vue. Je n’ai pas eu d’entretien intéressant, long, avec elle. Elle m’a expliqué qu’elle exerçait des responsabilités concernant le fonctionnement des établissements privés sous contrat catholiques, mais je n’ai pas eu de plus amples renseignements sur son action ou sa façon d’aider ces établissements. Je ne peux pas dire que j’ai appris d’elle beaucoup de choses. » ([77])

Cette discrète présence diocésaine savait toutefois s’affirmer lorsqu’elle identifiait un risque réputationnel. Ainsi, parmi les alertes lancées par Mme Gullung, seule celle adressée à la direction diocésaine avait, selon elle, suscité une réponse, émanant d’« un représentant de la direction diocésaine. Il m’a convoquée pour un entretien au cours duquel il m’a tenu des propos d’une grande violence symbolique, en affirmant que je déshonorerais ma famille si je poursuivais dans cette voie et en me demandant explicitement, si je souhaitais rester dans l’enseignement catholique, d’oublier ce que je savais » ([78]).

Mme Irazoqui, pour sa part, était également venue au secours de l’établissement en avril 1996, à l’occasion de la journée départementale de l’Union départementale des Apel (Udapel) du Pays basque, après avoir été destinataire de plusieurs courriers de M. Landel au sujet de Mme Gullung. Alors que les participants évoquaient « la forme d’éducation attendue dans les établissements catholiques », la présidente de l’Udapel avait qualifié « d’inadmissibles les mauvais traitements à enfant, ainsi que les violences dont sont victimes les enseignants ». La directrice diocésaine de l’enseignement catholique, qui n’exerçait donc pas en principe de tutelle sur l’établissement, avait alors précisé que « les châtiments corporels ne constituent pas les fondements de la méthode pédagogique utilisée dans cette maison […]. Il y a des élèves qui vivent très bien à Notre-Dame-de-Bétharram mais on peut amorcer une réflexion pour améliorer la vie en internat, diversifier les activités qui sont proposées aux élèves, qui ont au programme des études et des activités sportives. On peut imaginer autre chose. Et aussi modifier l’image d’une institution qui n’est pas aussi rude qu’on veut bien le dire. Ceci s’adresse aussi aux parents qui se trompent parfois sur le style de vie de Bétharram. L’établissement n’est pas plus sévère qu’un autre, il y a dans la maison un potentiel de vie extraordinaire » ([79]). Quoiqu’à distance, la « maison » était donc bien gardée, tant par sa tutelle congréganiste, que par la direction diocésaine.

À l’échelon supérieur, l’évêque Pierre Molères a indiqué récemment avoir téléphoné au supérieur provincial de la congrégation après avoir appris « par la presse » les faits de violences sexuelles imputés à Pierre Carricart ; il avait envisagé une sanction contre le mis en cause, avant de se raviser : « Carricart était déjà parti à Rome, et j’avais tellement de choses à faire… Cette histoire n’a pas pris tout le champ de ma conscience. » ([80])

c.   Une communauté de notables au soutien indéfectible

Cette « tutelle », un terme dont le sens semble ici fort éloigné de sa définition commune ou juridique, à la fois distante et protectrice, laissait donc toute la place à l’influence des soutiens locaux de l’établissement. Parmi eux se trouvaient notamment les membres et anciens membres de l’Apel locale, qui apportaient, comme le montrent les comptes rendus internes précédemment cités, un soutien matériel et financier à l’établissement (ouverture de cagnottes, prêt de matériels ou de véhicules et de chauffeurs pour le transport des élèves, publicité dans la presse pour les événements organisés dans l’établissement). Au-delà, l’établissement pouvait compter sur le soutien d’un important réseau, constitué de notables, souvent anciens élèves de l’établissement, et fonctionnant sur un mode communautaire. Parmi eux, Serge Legrand, maire UDF ([81]) de la commune voisine de Montaut, ancien élève-surveillant de Bétharram, qui fut le condisciple puis, à partir de 1998, l’avocat de Pierre Silviet-Carricart, était déjà avocat de l’établissement et membre fondateur de l’un de ses comités de soutien créés en avril 1996. Son épouse était à la même époque, comme le démontrent les comptes rendus trouvés au Beau Rameau, membre du comité d’administration de l’Apel de l’établissement. Leurs trois enfants ont été élèves à Bétharram et Serge Legrand indiquait lui-même au journal Libération en avril 1996 : « Nous formons une sorte de franc-maçonnerie, […] les anciens de Bétharram s’entraident toute leur vie » ([82]). Le journal Sud Ouest le présentait également en 1996 comme « administrateur du collège et de l’Amicale des anciens élèves », rapportant que le comité de soutien qu’il avait constitué avec sept autres avocats des barreaux de Pau et Bayonne, s’engageait à « défendre les intérêts du collège Notre-Dame de Bétharram dans toute instance où il pourrait être mis en cause » ([83]).

Parmi eux se serait également trouvé le député Pierre Laguilhon, suppléant de François Bayrou et dont on se souvient que le fils était un membre actif de l’Apel de l’établissement ([84]). Le parent d’élève à l’origine de la plainte d’avril 1996, Jean‑François Lacoste-Seris, relatant dans un témoignage récent au journal Sud Ouest ([85]) son dépôt de plainte à la gendarmerie, affirmait ainsi : « C’était un vendredi soir. […] Le maréchal des logis me fait asseoir. Entre alors le député Pierre Laguilhon, le suppléant de François Bayrou qui, devenu ministre, avait dû lui laisser sa place. […] J’entends le gendarme lui expliquer que je suis un parent de Bétharram qui veut déposer plainte pour coups et blessures. Il vient alors vers moi et m’invective. Il me dit : ''Qu’est-ce que tu viens déposer plainte ? Si tu n’es pas content de Bétharram, tu n’as qu’à mettre [ton fils] ailleurs !'' J’ai répondu que j’allais continuer à déposer plainte. »

D’autres comités de soutien à Bétharram avaient également été créés à l’instigation de personnalités nationales ou locales, telles que le couturier Jean‑Charles de Castelbajac, l’ancien gouverneur de la Banque de France et directeur général du Fonds monétaire international Michel Camdessus ou le journaliste et député Michel Péricard. Ces comités multipliaient interventions dans la presse et lettres ouvertes pour défendre l’établissement. Les liens entre ces soutiens et Notre-Dame de Bétharram étaient savamment entretenus, comme le démontrent les archives. La réunion du 13 mai 1996 évoquée supra au cours de laquelle l’instance de gouvernance de l’établissement avait notamment évoqué la nécessité d’évincer Mme Gullung avait en effet commencé sur une note plus gaie, puisqu’il y était question de l’organisation de la fête de l’école. M. M. avait alors indiqué « qu’il a été adressé trois cents invitations à des anciens ayant soutenu par lettre Bétharram lors des derniers événements, en plus des invitations traditionnelles ». Répondant aux interrogations que ces invitations avaient suscitées du fait des « finances actuelles de l’établissement », il avait répondu que « le bénévolat et l’entraide font partie de l’esprit de Bétharram » et qu’il « [serait] proposé la vente de billets de tombola en compensation du non règlement de repas ».

Moins de deux ans plus tard, ces soutiens s’étaient de nouveau mobilisés pour soutenir l’ancien directeur Pierre Silviet-Carricart, allant jusqu’à menacer le gendarme qui gardait à vue ce dernier, ce gendarme l’ayant affirmé durant son audition devant la commission ([86]), et vilipender le juge d’instruction, qui fut selon ses propres dires devant la commission « la cible de l’hostilité du comité de soutien au père Carricart et de certains avocats alignés sur la position de maître Legrand. Je dois reconnaître que j’ai traversé des périodes particulièrement éprouvantes » ([87]). Leur influence se faisait d’ailleurs sentir jusque dans le traitement par une partie de la presse locale des affaires qui entouraient l’établissement. Ainsi, le 13 avril 1996, en plein emballement médiatique après la plainte de M. Lacoste-Seris, un journaliste de Sud Ouest écrivait-il que Notre-Dame de Bétharram était « l’un des derniers bastions (d’aucuns affirment le dernier) d’une éducation "à la dure" capable de tenir tête aux coups de boutoir d’une société permissive triomphante depuis mai 68 » ([88]).

Plus édifiant encore à cet égard est le traitement par le journal télévisé de France 3 Bordeaux du suicide du « père Carricart » à Rome, après sa mise en cause par une deuxième plainte pour viols et agressions sexuelles : un très bref et pudique rappel des faits par la présentatrice y était suivi par un reportage, qui semblait s’inscrire sans la moindre ambiguïté dans une logique de défense de l’accusé. La voix off le décrivait ainsi comme « un homme que l’on disait affecté par des accusations qu’il a toujours réfutées, un fardeau sans doute trop lourd à porter, selon son avocat ». Ce dernier, Serge Legrand, est le premier à intervenir dans le reportage, longuement, pour développer cette position. L’air accablé, il expliquait à propos de feu son client et ami : « Il n’arrivait plus à assumer une espèce de harcèlement et surtout, autre chose, la suspicion, qui touchait encore plus Bétharram, sa famille, plus que lui-même. » Le journaliste, théoriquement extérieur à cette « famille », poursuivait pourtant en expliquant qu’il restait le doute sur une affaire qui avait « coûté deux semaines de prison préventive au prêtre sur la seule foi du témoignage d’un enfant » –  une formulation qui éclaire sur la valeur accordée à la parole des victimes – « une détention jugée excessive et injustifiée à l’époque, y compris par la partie civile, qui évoque aujourd’hui la responsabilité du juge d’instruction ». De tels propos ne peuvent que susciter l’incrédulité à l’idée que l’avocat du plaignant dans une affaire de viol sur mineur de 15 ans puisse rejeter la responsabilité sur le juge d’instruction, qui aurait donc pris l’affaire trop au sérieux.

Et pourtant, dans la séquence suivante, l’avocat des parties civiles, Pierre Blazy, ténor du barreau de Bordeaux d’origine béarnaise, s’exprimait lui‑même devant la caméra, prononçant comme un réquisitoire ces mots sidérants : « On peut rattacher cette mort à la détention provisoire. Je peux vous affirmer que je préfère être à ma place qu’à la place du juge d’instruction. Bon, la chambre d’accusation a ordonné la mise en liberté, très bien. L’institution, on peut dire, a bien fonctionné. Mais quand même, il y a incontestablement, sur ces problèmes de détention, une histoire de responsabilité qui devrait être mise en marche chaque fois qu’il y a un cas grave comme celui-ci. » ([89]) L’avocat de la première victime, pourtant conscient à cette date du dépôt d’une seconde plainte s’ajoutant à celle de son client, ne regrette pas que la justice n’ait pas pu se prononcer, ne demande aucune investigation complémentaire ; il semble au contraire souhaiter que la justice s’intéresse au magistrat instructeur, Christian Mirande, explicitement accusé d’être responsable de la mort de Pierre Silviet-Carricart. Plus encore, il semble appeler de ses vœux la possibilité de faire jouer, « à chaque fois qu’il y a un cas grave », la responsabilité personnelle des magistrats.

Avec un tel avocat des parties civiles, l’avocat de la défense deviendrait presque superflu et l’omerta pouvait être entretenue. Cet avocat s’est d’ailleurs exprimé en février 2025 sur ces propos déontologiquement plus que douteux. Reconnaissant à demi-mot qu’il n’avait alors pas accordé grand crédit à la parole de son client, il expliquait que « le gamin était un peu perturbé. Je ne savais pas si c’était vrai. On ne croit pas nécessairement le client. Je ne vais pas être une espèce de nunuche, si vous voulez, à systématiquement croire ce que me raconte le client. […] Ce n’était pas une époque où, systématiquement, toutes les affaires concernant le sexe étaient prises pour parole d’Évangile quand il y avait une victime qui venait vous la raconter », avant d’ajouter : « C’est vrai que quand je regarde maintenant, peut-être là qu’effectivement, j’aurais dû systématiquement, peut-être le croire. Mais attendez, je connaissais Bétharram ! Je savais que c’était un collège qui était dur, mais je n’imaginais pas une seconde qu’il pouvait se passer ça. » ([90])

Enfin, parmi les notables locaux devenus des personnalités éminentes, Notre-Dame de Bétharram pouvait compter sur le soutien appuyé de membres du gouvernement, matérialisé par la présence, sur place, début mai 1996, de deux ministres, respectivement de la culture et de l’éducation nationale, MM. Douste-Blazy ([91]) et Bayrou, venus « communier dans la piété mariale » et apporter leur soutien à l’établissement. Le journal Sud Ouest relatait les propos tenus, à cette occasion, par le ministre de l’éducation nationale, « [évoquant pour la première fois] l’affaire du collège de Bétharram, où le père d’un élève a porté plainte pour mauvais traitements : "Nombreux sont les Béarnais qui ont ressenti ces attaques avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice, a-t-il dit (...) Ce n’est pas le ministre, ce n’est pas le parent d’élève qui parle, c’est le Béarnais" » ([92]). Là était peut-être, justement, le problème.

5.   Des pouvoirs publics terriblement défaillants

Ce soutien-là, plus encore que les autres, démontre à quel point la parole des enfants avait peu de chances d’être entendue, encore moins de conduire à de réelles actions correctives. C’est ainsi l’ensemble de la chaîne des pouvoirs publics jusqu’au plus haut niveau qui, par ses défaillances voire ses complicités, a laissé les violences de Bétharram se perpétuer, et empêché une quelconque réparation judiciaire pour la plupart des victimes, le temps et donc les délais de prescription étant passés pour l’essentiel des faits.

Pourtant, les pouvoirs publics avaient été avertis, au moins depuis 1993, par de nombreux canaux et à de nombreuses reprises, au-delà de Mme Gullung, qui, selon son témoignage devant la commission, aurait écrit « à François Bayrou, alors ministre de l’éducation nationale, au tribunal [et] contacté le médecin de la protection maternelle et infantile (PMI) ». Les rapporteurs n’ont pas pu consulter ces courriers, dont Mme Gullung a indiqué lors de son audition : « J’ai conservé pendant de nombreuses années les disquettes sur lesquelles figuraient mes écrits. Il y a environ cinq ans, j’ai tenté de les lire à l’aide d’un lecteur multi-disquette, mais le format était devenu obsolète. […] Puis, au début de l’année 2023, à l’âge de 75 ans, j’ai décidé de tourner la page et de me libérer de ce fardeau. J’ai rassemblé ces disquettes ainsi que d’autres documents accumulés, et m’en suis débarrassée. » S’agissant du médecin de la PMI, qui était aussi présidente d’une association de parents d’élèves, Mme Gullung supposait lors de son audition qu’elle avait probablement « dû soutenir [ses] propos » ([93]). Nous ne savons pas si ce médecin avait effectivement relayé l’alerte à sa hiérarchie, relevant du conseil général, mais Mme Gullung a indiqué, toujours au cours de son audition, sous serment, n’avoir jamais obtenu de réponse.

  1.   Une chaîne judiciaire agissant en silos et pour partie sensible aux influences

Mme Gullung a également indiqué durant son audition avoir fait part des faits dont elle avait connaissance à la gendarmerie de Nay, « visiblement informée de la situation ». Et pour cause, en 1996, les gendarmes de Nay avaient, selon les dires de nombreux anciens élèves, coutume de ramener à l’établissement les élèves fugueurs. Alain Esquerre estimait ainsi devant la commission que « la question des fugues est centrale. Les enfants, évidemment, essayaient de fuir », ajoutant qu’il se souvenait « très bien, dans les années 1980 et 1990, de l’estafette de la gendarmerie de Nay qui revenait avec des enfants » ([94]). Les comptes rendus de conseils de discipline trouvés au Beau Rameau, auxquels assistait notamment Patrick M., montrent également que de telles fugues étaient encore d’actualité au début des années 2000, et lourdement sanctionnées. Des fugues si fréquentes auraient pu alerter les forces de l’ordre. Elles auraient d’autant plus dû les alerter que les services de gendarmerie ou de police recueillaient en parallèle les plaintes déposées en 1995, 1996, 1998, 2000, 2005 et 2011 citées supra. Les forces de l’ordre et l’autorité judiciaire auraient-elles dû et pu faire un lien entre ces plaintes, et élargir ou approfondir leurs enquêtes au vu de la répétition des alertes concernant un même établissement, et mentionnant à plusieurs reprises les mêmes méthodes et personnes mises en cause ?

Le percement tympanique de 1993 et la condamnation au civil de l’établissement à verser une provision pour indemnisation qui avait suivi avaient déjà été portés à la connaissance des pouvoirs publics, à tout le moins à celle du préfet des Pyrénées-Atlantiques, par le canal inattendu de Pierre Silviet-Carricart : si Mediapart indiquait début 2025 que celui-ci avait écrit au représentant de l’État pour demander la prise en charge par les deniers publics de l’indemnisation de la victime de perte auditive, au motif que l’établissement était lié par contrat à l’État, le journal n’avait pas pu obtenir d’informations sur les suites qui avaient été réservées à cette demande ([95]).

Or, une autre décision du tribunal de grande instance de Pau, statuant à nouveau en la forme des référés et obtenue par les rapporteurs ([96]) confirme la demande de Pierre Silviet-Carricart, qui n’avait pas seulement pris la forme d’une lettre, mais d’une assignation de l’État devant ce même tribunal, peut-être à la suite d’un refus du préfet. Plus étonnant encore, le magistrat avait énoncé, le 22 décembre 1993, « à la requête du lycée Notre-Dame de Bétharram […] représenté par son directeur, Monsieur Pierre Silviet-Carricart » :

– qu’« attendu […] que ce jour-là, M. Serge L exerçait la surveillance du dortoir, en délégation du surveillant-général, et se trouvait donc à ce moment-là préposé de l’établissement scolaire dont s’agit » ([97]) ;

– que « le collège Notre-Dame de Bétharram est lié à l’État par un contrat d’association, de sorte que s’appliquent aux membres de son personnel les règles issues de la loi du 5 avril 1937 et du décret du 22 avril 1960 » ;

– « qu’en conséquence et par application de ces textes la responsabilité de l’État se substitue à celle d’un membre du personnel enseignant ou de surveillance si la responsabilité de celui-ci se trouve engagée » ;

– « voir dire et juger que […] la responsabilité de l’État doit se substituer à celle de l’établissement […], que l’État devra intervenir dans la présente procédure et que l’expertise ordonnée […] lui sera déclarée opposable ».

Les termes de cette décision ne manquent pas d’étonner. En effet, l’article 2 de loi du 5 avril 1937 ([98]) prévoyait bien la substitution de responsabilité civile de l’État ([99]) « à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis […] à raison de leurs fonctions », mais seulement par « des membres de l’enseignement public », aucune disposition de cette loi, pas plus que du décret du 22 avril 1960 également cité, ne tendant à étendre le bénéfice de ces dispositions à des membres de l’enseignement privé sous contrat, encore moins à des surveillants, a fortiori à des élèves-surveillants. La loi du 5 avril 1937 précisait en outre que cette substitution valait « toutes les fois que dans un but d’éducation morale ou physique non interdit par les règlements, les enfants […] confiés aux membres de l’enseignement public se trouveront sous la surveillance de ces derniers ». Il semble donc particulièrement abusif d’avoir substitué la responsabilité de l’État à celle de cet établissement privé pour les agissements violents d’un élève auquel il avait octroyé, en dehors de tout cadre, un statut de surveillant d’autres élèves plus jeunes ([100]).

On ignore si les faits que révélait cette procédure avaient été portés par le préfet des Pyrénées-Atlantiques à la connaissance des services de l’éducation nationale, déjà placés à l’époque sous l’autorité de François Bayrou, mais ils n’ont en tout état de cause donné lieu à aucun contrôle de l’établissement de la part des services de l’État.

L’absence de lien fait entre les différentes affaires transparaît également cruellement dans les décisions de justice. Par exemple, lors du jugement de MariePaul D. en juin 1996, qui intervient un peu plus de deux ans après la condamnation au civil de 1993, la présidente du tribunal précise que celui-ci « a fait une appréciation bienveillante des faits qui sont reprochés », expliquant qu’il s’agissait d’ « un avertissement pour un événement ponctuel » ([101]), ce qui trahit en outre le caractère probablement très peu approfondi de l’enquête. On ne sait pas non plus dans quelle mesure le classement sans suite pour « infraction insuffisamment caractérisée » des plaintes qui auraient été déposées pour viols et agressions sexuelles dans les années 2000 et 2010 avaient fait l’objet d’enquêtes poussées. Rien ne semble toutefois l’indiquer, alors qu’elles faisaient suite à la retentissante affaire Carricart, pour laquelle plusieurs plaintes et témoignages avaient été recueillis entre 1998 et 2000 et pouvaient faire craindre, comme le mentionne explicitement le courrier adressé le 15 juin 1998 à la ministre de la justice par le procureur général de la cour d’appel de Pau, « d’autres faits susceptibles d’avoir été commis par des enseignants, religieux, sur divers élèves ».

Le traitement même de cette affaire de violences sexuelles, non par les gendarmes instructeurs ou par le juge d’instruction, mais par la chambre d’accusation de la cour d’appel de Pau, a contribué à accentuer l’omerta orchestrée par les protagonistes de l’établissement et leur communauté de soutien : après deux semaines de détention provisoire, le 9 juin 1998, la chambre d’accusation avait décidé, contre l’avis du juge d’instruction mais conformément aux réquisitions du procureur général, la remise en liberté du prévenu ([102]), avant d’accéder le 29 juin 1999 à la demande d’assouplissement de son contrôle judiciaire, afin de lui permettre d’occuper, au siège de sa congrégation au Vatican, le poste d’intendant général ([103]). Cette dernière décision était motivée par le fait que le prévenu « s’était spontanément présenté aux enquêteurs dès le début de cette affaire », « ne s’était pas soustrait aux obligations qui lui avaient été imposées depuis un an dans le cadre de son contrôle judiciaire » et que les « mesures restrictives de liberté [n’étaient] pas absolument indispensables au bon déroulement de l’instruction ». La chambre d’accusation semblait ainsi partager l’analyse de l’avocat de la partie civile précédemment cité, Me Pierre Blazy, selon lequel « on ne pouvait pas penser que le père Carricart allait se soustraire à l’action de la justice en se suicidant. On ne pouvait pas penser qu’il allait se sauver, qu’il allait exercer des pressions sur la victime. Ça semblait impensable à l’époque » ([104]).

Pourtant, ces hypothèses semblaient loin d’être « impensables » pour de nombreux autres protagonistes, à commencer par les enquêteurs et le juge d’instruction. Lors de son audition par la commission, ce dernier, Christian Mirande, a ainsi affirmé que « dans ces conditions, il m’était extrêmement difficile de l’interroger à nouveau, de procéder à une confrontation, d’ordonner les expertises médico-psychologiques et psychiatriques nécessaires ou encore de mener une enquête de personnalité. Toutes ces démarches, pourtant essentielles à l’instruction, ont été rendues inopérantes par la situation ». L’ancien juge d’instruction a indiqué avoir été « profondément révolté » à l’époque par les décisions de la chambre d’accusation, à l’instar « de plusieurs greffiers et membres du tribunal, y compris un certain nombre d’avocats, à l’exception de ceux gravitant autour de maître Legrand ». En conclusion, M. Mirande affirmait ainsi que « la gestion de cette affaire par l’institution judiciaire a été désastreuse. […] Cela est d’autant plus regrettable que j’avais, à mes côtés, les gendarmes Hontangs et Matrassou, des enquêteurs d’une qualité exceptionnelle en qui j’avais, et ai toujours, entièrement confiance. Il est profondément regrettable que nous ayons manqué une telle occasion d’aller jusqu’au bout de cette affaire ». Il y a plus d’un an déjà, le juge Mirande avait affirmé au Monde : « Les doutes que j’avais au départ sur les liens du père Carricart avec la nomenklatura locale se sont confirmés » ([105]).

Les deux gendarmes cités par le juge Mirande ont également témoigné auprès de la commission, Alain Hontangs à l’occasion d’une audition, et Robert Matrassou, par écrit. Le premier a également regretté devant la commission le traitement judiciaire de l’affaire. Selon lui, la remise en liberté de Pierre Carricart, qui l’avait, lui et ses collègues, « profondément surpris, car il est exceptionnel qu’une personne mise en examen pour viol ([106]) soit remise en liberté », a constitué à l’époque un frein majeur à la parole des victimes, celles-ci l’ayant probablement appris par voie de presse. Il s’interrogeait ainsi : « Dans de telles conditions, comment […] espérer que ces victimes puissent s’exprimer, lorsqu’elles constatent que la justice ne semble pas avoir cru la première victime qui a osé le faire ? ». Il exprimait ainsi sa profonde désolation, estimant que sans cela, il aurait peut-être été possible de « recueillir d’autres témoignages » et « d’encourager d’autres victimes à parler », alors que certaines, aujourd’hui, « se heurtent au mur de la prescription ». En conclusion, il indiquait : « Je fais peut-être de la justice-fiction, mais si Pierre Carricart était resté incarcéré à la maison d’arrêt de Pau, il ne se serait peut-être pas suicidé. Il aurait probablement été jugé devant une cour d’assises et nous n’aurions pas perdu dix ou vingt ans. Il est même possible qu’un procès et une condamnation, dès l’année 2000, auraient conduit d’autres victimes à se manifester. Or cela ne s’est pas produit et il a fallu attendre l’année 2020 pour que les choses commencent enfin à se déclencher. C’est trop tard. » ([107])

Pour sa part, Henri Suquet, qui était alors président de la chambre d’accusation, a indiqué dans son témoignage écrit sollicité par les rapporteurs que dans sa rédaction de l’époque, « l’article 137 du code de procédure pénale énonçait que c’est à titre exceptionnel qu’une personne pouvait être placée en détention provisoire et que son article 144 prescrivait que cette détention provisoire exceptionnelle ne pouvait être prononcée que lorsqu’elle était l’unique moyen de prévenir certains risques ou l’unique moyen de mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public », estimant pour sa part que rien n’avait démontré à l’époque que ces conditions fussent réunies. Il concluait ainsi : « Qui a eu raison et qui a eu tort du juge d’instruction qui a placé Pierre Silviet-Carricart en détention provisoire ou de la chambre d’accusation qui l’a remis en liberté sous contrôle judiciaire puis, un an plus tard, a élargi les conditions de ce contrôle judiciaire ? Je serais bien en peine de le dire ni même de savoir selon quels critères cette appréciation devrait être faite. La seule chose qui me parait certaine c’est que chacun des deux, juge d’instruction et chambre d’accusation, a pris en conscience la décision qui lui paraissait la meilleure. »

Les auditions semblent toutefois avoir démontré que le déroulement de la procédure s’était avéré très inhabituel, et même inédit, dès le jour de la présentation de Pierre Silviet-Carricart au juge d’instruction, le 26 mai 1998, dans l’optique de son placement en détention provisoire. Selon le témoignage de Christian Mirande et des deux enquêteurs, cette présentation aurait été différée car le procureur général avait demandé à consulter le dossier, ce qu’aucun des trois n’avait jamais vu auparavant durant sa carrière à ce stade de la procédure. Lors de son audition, Élisabeth Guigou, ancienne garde des sceaux, confirmait qu’une telle demande, « si l’on était au stade de l’information [lui paraissait] très discutable » ([108]).

Bien que les témoignages de MM. Mirande, Hontangs et Matrassou concordent pour indiquer qu’à l’issue de cette consultation le procureur général n’avait donné aucune instruction au magistrat instructeur, ce dernier semble pourtant avoir joué un rôle dans la remise en liberté de l’accusé, une douzaine de jours plus tard. L’ancien gendarme Robert Matrassou, dans son témoignage écrit adressé aux rapporteurs, indiquant que la libération de Carricart avait provoqué « un tollé général chez les enquêteurs » et qu’il l’avait appris « l’ire au ventre », délivrait ainsi l’analyse suivante : « C’est sur sa décision, en tout cas sur la netteté et la réitération de ses réquisitoires péremptoires […] qu’il a infléchi la destinée de l’enquête, favorisant ainsi nettement celle de l’accusé Carricart. Tout au long des débats à la cour d’appel, il n’a cessé de prétendre qu’il était efficient d’attendre que le dossier soit fortifié […] ; il a carrément pris fait et cause pour le criminel tout autant que son conseil lui-même. Il a convaincu les conseils de la partie civile de cette efficience à attendre des éléments probants, un raisonnement bien naïf a minima ; manifestement jamais accusé n’a eu autant de défenseurs. Lorsque l’on connait les avocats concernés dans la défense, en l’occurrence maîtres Blazy et Sagardoytho ([109]), respectivement du barreau de Bordeaux et de Pau, on peut être surpris de leur adhésion aux termes des arrêts portant tant sur la remise en liberté que sur la modification du contrôle judicaire ; il fallait les amadouer ces ténors du barreau. »

Toute la question est donc de savoir ce qui a poussé ce procureur général, aujourd’hui décédé, à agir ainsi. S’agissait-il d’une initiative personnelle ? Sa demande de consultation du dossier de l’intéressé le jour de la présentation de l’accusé au juge d’instruction, trop exceptionnelle pour ne pas être relevée, permet d’en douter. Selon les termes de M. Matrassou, « il apparaît nettement, par le truchement de l’attitude de ce [procureur général], qu’il était impératif qu’il connaisse immédiatement du contenu des pièces de procédure afin d’en rendre compte à une autorité ». Il est donc très probable que cette demande précipitée ait été suscitée par une intervention extérieure. Alain Hontangs a affirmé sous serment que le juge Mirande lui aurait expliqué ce jour-là que le retard dans la présentation et la demande du procureur était lié à une « intervention de M. Bayrou ». M. Matrassou se souvenait « parfaitement de la mention d’une intervention de M. Bayrou », qui lui avait été signalée par M. Hontangs. S’agissant de ce que lui avait indiqué le juge Mirande, il précisait dans son témoignage écrit que le « doute subsistait » en lui et préférait ainsi s’abstenir de l’affirmer « devant une certaine incertitude ». Il craignait en effet que sa mémoire ait pu produire un « amalgame » entre la péripétie de la présentation retardée et le récit que lui avait fait le juge de sa rencontre avec M. Bayrou au sujet de cette affaire. Quant au juge Mirande, il a indiqué durant son audition connaître « parfaitement ces deux gendarmes, en qui [il a] toujours eu une entière confiance » et que « s’ils affirment que ces propos ont été tenus, c’est très certainement qu’ils l’ont été », affirmant toutefois ne pas en avoir de souvenir pour sa part.

Il est également possible, cette hypothèse n’excluant pas la précédente, que cette intervention soit venue de ou via la Chancellerie, à une époque où les interventions de cette dernière dans des cas individuels commençaient tout juste à refluer, conformément aux engagements du gouvernement dirigé par Lionel Jospin.

Comme il a déjà été mentionné, par un courrier du 15 juin 1998 précité, le procureur général avait informé la garde des sceaux, par l’intermédiaire de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) de la Chancellerie, de cette affaire et de son déroulé ([110]). Cette information était justifiée par son auteur par le fait que l’affaire avait été « relevée par les médias » et avait provoqué « localement, une certaine émotion ». Surtout, le courrier faisait mention, dans son en-tête d’un préalable « compte-rendu téléphonique du 26 mai 1998 à M. Le Mesle », qui était alors sous-directeur des affaires pénales de la DACG, elle-même dirigée par Marc Moinard. La date mentionnée, le 26 mai 1998, indique donc qu’un appel téléphonique entre le sous-directeur des affaires pénales et le procureur général de la cour d’appel de Pau a eu lieu le jour même où celui-ci avait demandé à consulter le dossier, différant ainsi la présentation du prévenu Carricart. Qui avait été à l’initiative de l’appel et pour quelles raisons ? Cet appel est-il intervenu avant ou après le déferrement du père Carricart ? Il est impossible de le savoir. Lors de son audition devant la commission ([111]) toutefois, François Bayrou a indiqué, après avoir fait projeter et lu ce courrier : « Ce n’est pas en quoi que ce soit François Bayrou qui est intervenu, c’est Laurent Le Mesle. »

À l’appui de cette hypothèse, on peut relever que MM. Moinard ([112]), originaire de la région de Bordeaux, et Le Mesle ([113]), déjà en poste sous le gouvernement précédent et qualifiés dans la presse de l’époque de « sous-couche géologique de l’ère toubonienne » par un conseiller de la garde des sceaux ([114]), étaient notoirement très proches et tous deux adeptes des interventions et instructions individuelles ([115]) : le premier était surnommé « Supercopter » pour avoir tenté d’interrompre les poursuites contre Xavière Tibéri en dépêchant un hélicoptère dans l’Himalaya à la rencontre du procureur chargé de ce dossier, tandis que le second fut écarté quelques mois plus tard par Élisabeth Guigou pour avoir défendu le principe des instructions individuelles dans un livre, s’opposant ainsi publiquement et frontalement à la ligne défendue par le gouvernement.

Aucune preuve ne permet toutefois d’affirmer que la Chancellerie ou l’un de ses membres ait été à l’initiative de l’appel téléphonique, qui a pu être un appel spontané du procureur général, prenant les devants pour le cas où l’affaire arriverait jusqu’aux médias nationaux. C’est en tout cas l’hypothèse que formulait Élisabeth Guigou durant son audition, estimant qu’il eut été « logique que le procureur général de l’époque, lisant des articles de presse au sujet du père Carricart, […] importante figure du milieu local où tout le monde se connaissait et se fréquentait, ait le jour même alerté son correspondant à la DACG » ([116]).

Les travaux de la commission n’ont donc pas permis d’apporter de preuve conclusive sur l’origine ou les origines de l’intervention qui aurait conduit le procureur, de manière exceptionnelle, à demander à voir le dossier avant la présentation au juge d’instruction, et donc peut-être à la remise en liberté de Pierre Silviet-Carricart, si tant est qu’une telle intervention eût vraiment été nécessaire, tant il ressort des précédents développements que les protagonistes-clés de cette décision, tant du côté du parquet que de la chambre de l’accusation ou des avocats, y compris de la partie civile, semblaient peu enclins à maintenir un si éminent personnage en détention provisoire.

Rappelons enfin, et peut-être surtout, que les noms de surveillants aujourd’hui mis en cause par des dizaines de plaintes, avaient été mentionnés au cours de cette enquête, et que le courrier du procureur général mentionnait « d’autres faits susceptibles d’avoir été commis par des enseignants, religieux, sur divers élèves ». L’action judiciaire n’aurait en conséquence pas dû s’éteindre avec le suicide, le 5 janvier 2000 à Rome, de Pierre Silviet-Carricart. Parmi ces noms figure celui de Patrick M., resté en poste dans l’établissement jusqu’en 2024, et auteur présumé de faits aujourd’hui prescrits.

Si l’action judiciaire avait été éteinte sur le plan pénal, elle s’était toutefois poursuivie au civil, la famille de la première victime ayant décidé de mettre en cause la responsabilité de l’établissement, et obtenu gain de cause en seconde instance, par une décision de la cour d’appel de Pau en date du 25 septembre 2006. À l’appui de sa décision, la cour avait relevé que Pierre Silviet-Carricart, ayant nié les viols, avait toutefois concédé avoir aidé l’enfant à se laver dans une salle de bains réservée aux adultes, sans pouvoir l’expliquer. Elle s’était également appuyée sur les déclarations du deuxième plaignant, agressé lui aussi alors qu’il venait de perdre son père. La cour avait conclu, en s’appuyant sur le dossier d’information judiciaire, que les éléments à sa disposition permettaient de « conclure à la responsabilité du père Silviet-Carricart dans les faits reprochés par le demandeur » ([117]). Cette décision n’avait pourtant pas eu le moindre écho médiatique à l’époque, ni eu pour effet de rouvrir une quelconque action publique ([118]).

  1.   Des services de l’éducation nationale ou défaillants ou complaisants

Les travaux de la commission n’ont pas non plus permis d’établir si les différentes plaintes, ou la mise en examen de Pierre Silviet-Carricart et la possibilité, mentionnée par le procureur général « d’autres faits susceptibles d’avoir été commis par des enseignants, religieux, sur divers élèves » dans l’établissement Notre‑Dame de Bétharram, avaient été portées à la connaissance du ministère de l’éducation nationale. Une information par la justice, toujours très soucieuse de préserver le secret de l’instruction, semble exclue, ce qui a été confirmé par Mme Guigou, en réponse au rapporteur Paul Vannier, lors de son audition : elle affirmait ainsi que le procureur général « était soumis, comme tous les magistrats, au secret de l’instruction, au secret professionnel et au respect de la présomption d’innocence. Comme je l’étais et comme l’étaient tous les membres de mon administration, il était soumis au respect de la loi » ([119]).

  1.   Des services déconcentrés manifestement alertés

Il est toutefois certain que le rectorat de Bordeaux était, au moins depuis la médiatisation des faits de violences commis en 1995 et 1996, fort bien informé de ce qui se passait dans l’établissement, et en lien régulier avec la direction de celuici. Il apparaît également que le rectorat s’estimait tout à fait compétent pour contrôler ces aspects de la vie des établissements scolaires, publics comme privés. Par un courrier du 20 février 1996 obtenu par les rapporteurs au Beau Rameau ([120]), le recteur André Pouille, s’adressant à « Mesdames et Messieurs les chefs d’établissements publics et privés de l’académie », écrivait en effet : « À la suite d’un événement récent, il est apparu que les consignes permanentes relatives à l’information des autorités académiques étaient perdues. Je vous rappelle qu’en cas d’événement grave concernant la vie d’un établissement scolaire et/ou la situation des personnes composant la communauté éducative, il appartient au chef d’établissement en personne de prévenir directement le recteur par l’intermédiaire de son secrétariat particulier et simultanément l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’éducation nationale du département siège de l’établissement. Cette instruction est permanente et ne souffre aucune exception. »

On ne sait si l’« événement récent » dont il est question concerne NotreDame de Bétharram, mais le courrier intervient quelques semaines après la punition de Marc Lacoste-Seris au « perron » et cette lettre a été conservée dans ses archives par le directeur Landel. Le cas échéant, on ne sait pas non plus par quel canal le recteur en avait été informé, la presse n’en ayant pas encore fait état : peut-être s’agissait-il de la remontée de l’une des alertes qu’aurait effectuées Mme Gullung – dont on notera au passage qu’elle aurait averti de nombreux services sans songer à alerter ceux de l’éducation nationale. Toujours est-il que moins de deux mois plus tard, le jeudi 11 avril 1996 soit quelques jours seulement après le dépôt de plainte de M. Lacoste-Seris, l’unique inspecteur académique, inspecteur pédagogique régional, établissement et vie scolaire (IA-IPR-EVS) de l’académie de Bordeaux, Camille Latrubesse, est convoqué de façon tout à fait exceptionnelle par le recteur. Auditionné par la commission, M. Latrubesse a ainsi relaté cette rencontre : « Il avait reçu une plainte d’un parent d’élève de l’établissement privé sous contrat Notre-Dame de Bétharram. Il m’a dit qu’il avait absolument besoin d’un rapport et m’a demandé d’aller très rapidement voir ce qui se passait. Alors que nous étions jeudi, il souhaitait disposer du rapport dès le lundi suivant. » ([121])

Le même jour, l’inspection est annoncée à la presse, qui en fait état dès le lendemain, par l’intermédiaire de Pierre Polikva ([122]), directeur des services départementaux de l’éducation nationale des Pyrénées-Atlantiques et maire UDF d’Aiguillon ([123]).

  1.   Une inspection superficielle, réalisée dans la précipitation

Les délais octroyés à l’IA-IPR-EVS étaient extraordinairement réduits, et l’exercice inhabituel pour un tel inspecteur : M. Latrubesse a indiqué lors de son audition qu’« en réalité, aucun contrôle des établissements privés sous contrat n’était effectué par les inspecteurs chargés des établissements et de la vie scolaire ». Ne disposant que d’un jour ouvré, seul, pour effectuer un tel contrôle et rédiger son rapport, celui-ci se rendit donc dès le lendemain à Notre-Dame de Bétharram, dont il ne savait, selon ses propres dires, « rien du tout ». Pour limiter les conséquences de cette impréparation, il a indiqué lors de son audition avoir téléphoné en amont au directeur de l’établissement, dont il a précisé qu’il ne le connaissait pas, « pour lui demander d’organiser des entretiens avec lui-même, des professeurs, des élèves et des parents. Je ne voulais pas perdre de temps. Il s’en est occupé ».

Sans grande surprise, le résultat de cette inspection, conduite de 9 h 30 à 16 h 30 le vendredi 12 avril 1996, est donc un rapport indigent, comme l’a reconnu lui-même M. Latrubesse, de quatre pages ([124]). Les élèves et adultes entendus par l’inspecteur ayant été sélectionnés par le directeur de l’établissement lui-même, le contenu du rapport correspond très exactement aux éléments de langage de ses défenseurs. L’inspecteur commence par y mentionner « le climat d’inquiétude et de désarroi » occasionné par « les nombreux articles de presse et reportages sur différentes chaînes de télévision », avant de rappeler pudiquement les faits concernant Marc Lacoste-Seris (deux certificats médicaux étant cependant annexés). Par la suite, il décrit les faits ayant conduit à des fractures des os de la face de Mme Gullung, fractures qu’il ne mentionne pas, en des termes très différents de ceux que celle-ci a rapportés, sous serment, devant la commission (voir b. supra). Il écrit ainsi que le 2 avril 1996, un « élève de troisième, Stéphane G., est sorti en courant d’une salle de cours (pendant l’interclasse) et a sauté sur un de ses camarades en s’appuyant sur son épaule. En retombant, son coude a heurté Mme Gullung, qui passait près d’eux ». Il explique ensuite que Mme Gullung, qui a été blessée, a porté plainte, mais qu’elle donne de cet incident « une interprétation qui ne correspond pas à la réalité », ajoutant que celle-ci « connaît de sérieuses difficultés dans ses classes ». Il explique ceci par son « état d’esprit très négatif » depuis son arrivée dans l’établissement : « Elle aurait exprimé son souhait de "détruire Bétharram", considérant que cet établissement utilise des méthodes éducatives d’un autre âge », indique le rapport sans autre précision. Et pour cause, hasard du calendrier ou non, Mme Gullung était encore en arrêt maladie à la suite des blessures reçues, et n’était donc pas dans l’établissement le jour de l’inspection. M. Latrubesse ne l’a jamais entendue.

Le rapport se poursuit avec une courte description des difficultés rencontrées (environ une demi page). Ces difficultés sont au nombre de trois :

– « Les grands dortoirs, qui contiennent plusieurs dizaines de lits chacun, ne permettent pas de maintenir aisément une certaine discipline » : aucune mention n’est faite ici du confort ou de l’intimité des élèves, où encore de l’insuffisance manifeste des installations sanitaires, pourtant relevée sur site par l’inspecteur, comme il en a témoigné devant la commission ;

– la pratique des élèves-surveillants, « le nombre de surveillants étant insuffisant », ne disposant « pas toujours de l’expérience, du recul et de la maîtrise suffisants pour assumer convenablement » cette tâche ;

– la « réputation d’établissement où les élèves sont tenus », attirant des élèves difficiles et expliquant « les problèmes rencontrés en vie scolaire ».

L’inspecteur poursuit sur les « points positifs », estimant que les difficultés « ne doivent pas masquer la vérité : Notre-Dame-de-Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés ». Il note avec satisfaction le souhait des professeurs, « surpris et agacés par le comportement d’une de leurs collègues (Mme Gullung) » de « participer à un renouveau », à travers notamment un « projet de vie » appelé de ses vœux par le directeur, et formule en ce sens quelques recommandations de court terme : demander « à un surveillant de reconsidérer sa conception de la discipline » ; « abandonner le principe des élèves-surveillants » ; « trouver une solution pour que Mme Gullung n’enseigne plus dans l’établissement ». Sur le long terme, il suggère « d’apporter des améliorations aux dortoirs » et « de modifier […] l’image de Bétharram » – et non ses pratiques, donc.

iii. Une proximité néfaste entre les services déconcentrés et l’établissement ?

Le paragraphe conclusif dédouane ainsi l’établissement de toute responsabilité : « Par un malheureux concours de circonstances, cet établissement vient de connaître des moments difficiles. La qualité du travail qui y est effectué, l’ambiance et les relations de confiance qui y règnent et la volonté de changement qui existe à tous les niveaux, sont autant d’éléments positifs et d’atouts pour la réussite de Notre-Dame-de-Bétharram. » On notera au passage la contradiction entre la mention d’une « volonté de changement à tous les niveaux » et le tableau quasi idyllique ainsi brossé.

Le directeur Landel n’avait pas manqué d’exprimer sa gratitude au recteur. Le 8 mai 1996, il lui écrivait ainsi, dans le courrier précité obtenu par les rapporteurs au rectorat de Bordeaux ([125]) : « Encore merci pour tout ce que vous avez fait pour nous dans ce moment difficile que nous traversons », tout en lui demandant conseil sur l’éviction de Mme Gullung et de Marc Lacoste-Seris ([126]). À ces dernières demandes, qui feront l’objet de nombreux échanges, le recteur répondra en proposant à M. Landel « de faire inspecter Mme Gullung, si possible avant la fin de la présente année scolaire » et en l’invitant à lui adresser « tout rapport que vous jugerez utile sur le comportement de Mme Gullung », rapport qui lui sera transmis avec quelques lettres de parents contre l’intéressée. S’agissant de Marc Lacoste-Seris, le recteur répond simplement qu’il relève de l’entière liberté du directeur de ne pas le garder dans l’établissement.

Lors de la table ronde organisée par la commission et réunissant des recteurs et directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen) de différentes académies ([127]), la lecture d’extraits de ces échanges a suscité des réactions de surprise unanimes des recteurs auditionnés. Julie Benetti, rectrice de la région académique Île-de-France et de l’académie de Paris, a indiqué n’avoir « jamais eu connaissance dans [ses] fonctions de courriers de cette teneur, y compris des courriers anciens qui peuvent être conservés et dont les recteurs peuvent être informés », Mme Bisagni-Faure, rectrice de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes et de l’académie de Lyon ayant approuvé cette affirmation tandis qu’Hélène Insel, rectrice de la région académique Bretagne et de l’académie de Rennes, se déclarait simplement « sidérée ».

L’établissement s’était montré tout aussi reconnaissant à l’égard de l’inspecteur, comme l’indique une lettre, obtenue par les rapporteurs au rectorat de Bordeaux ([128]), adressée à M. Latrubesse par le directeur Landel sept mois plus tard, le 5 novembre 1996 ([129]). Avant de le « remercier pour tout ce [qu’il a] fait pour que Bétharram vive », M. Landel y annonce qu’en dépit des « risques de retombées », il vient de licencier le surveillant concerné, ce qui ne lui avait pas été demandé et s’avère faux, puisque Marie-Paul D. continue d’apparaître dans les archives après cette date, notamment dans des réunions de décembre 1996 – où il s’exprime – et janvier 1997 – où il est mentionné, à propos des « préparatifs du loto ». Le directeur Landel annonce également dans ce courrier, « malgré les difficultés financières que cela entraîne », avoir supprimé le principe des élèves-surveillants, ce que les témoignages et archives semblent également démentir. Il se réjouit enfin du départ de Mme Gullung. Aucune trace d’une démarche de suivi sur pièces ou sur place de la mise en œuvre effective des recommandations de l’inspecteur Latrubesse ou de ces mesures annoncées par le directeur Landel n’a pu être retrouvée dans les archives du rectorat de Bordeaux.

Les recteurs de l’académie de Bordeaux ayant succédé à M. Pouille, parti en 1997, ont indiqué n’avoir jamais eu connaissance de ces faits, ni des faits de violences sexuelles mis au jour par l’affaire Carricart – en dépit de leur couverture médiatique – dans les années qui ont suivi ([130]).

iv. Les liens entre le ministre commanditaire et l’établissement ont-ils influencé l’inspection ?

Chacun jugera des motifs de la connivence, ou tout au moins des excellentes relations entre l’administration déconcentrée de l’éducation nationale et l’établissement Notre-Dame de Bétharram. L’hypothèse que la relation très personnelle qu’entretenait le ministre avec l’établissement ait pu y jouer un rôle ne peut toutefois pas être exclue.

Lors d’une conférence de presse, François Bayrou a indiqué « avoir fait organiser une inspection générale de l’établissement » dès qu’il a eu connaissance de la plainte. Si le qualificatif d’inspection générale semble inadéquat s’agissant d’une inspection académique réalisée dans des conditions très éloignées de celles d’une inspection générale, cette déclaration, qu’il a confirmée pendant son audition par la commission le 14 mai 2025, a son importance, et explique peut-être la précipitation dans laquelle le rapport a été effectué, la grande cordialité qui émane des échanges entre les services académiques et la direction de l’établissement et l’absence de lettre de saisine annexée au rapport d’inspection, la consigne ayant dû être passée oralement.

À défaut de lettre de saisine, les rapporteurs ont pu consulter la lettre de transmission du rapport, adressée par le recteur dès le 15 avril au ministre François Bayrou, qui atteste qu’il en était le commanditaire. Les rapporteurs se sont procuré les deux versions de cette lettre de transmission, manuscrite dans l’envoi fait à Pau, mais dactylographiée dans sa version faxée au ministère à Paris ([131]). La version manuscrite mentionne en premier lieu que cette transmission fait suite « à notre conversation téléphonique » – donc celle entre François Bayrou et le recteur – ce que ne mentionne pas la version dactylographiée. Le recteur y rappelle que M. Latrubesse a été envoyé « par [ses] soins » dans l’établissement, « avec l’accord du père Landel et de la direction diocésaine de l’enseignement "libre" » ([132]). Il précise enfin que le rapport « lui semble sage, objectif et favorable à "Notre Dame" », une phrase qui n’apparaît pas dans la version dactylographiée envoyée au ministère à Paris.

Sans prendre en compte la mention des méthodes d’un autre temps, ou la description des faits de violence et de châtiments corporels, le ministre a affirmé publiquement le 5 mai 1996 que « toutes les informations que le ministre pouvait demander, il les a demandées » et que « toutes les vérifications ont été favorables et positives » ([133]).

Le 11 février 2025, en répondant « Je n’ai jamais entendu parler de violences, ou de violences a fortiori sexuelles. Jamais » au député Paul Vannier l’interrogeant sur Notre-Dame de Bétharram lors de la séance des questions au gouvernement à l’Assemblée nationale, François Bayrou a manifesté vingt-neuf ans plus tard le même déni des violences infligées aux élèves de l’établissement du Béarn.

Lors de son audition devant la commission d’enquête le 14 mai 2025, à l’occasion de laquelle il est revenu sur sa connaissance des violences à Bétharram, François Bayrou a fait évoluer sa version pour finalement reconnaître sous serment avoir été informé, dès les années 1990, « par la presse » des violences à Bétharram.

Pour le rapporteur Paul Vannier, le premier ministre a alors révélé avoir préalablement menti à la représentation nationale en niant toute information au sujet de ces violences. Ce mensonge pouvait viser à dissimuler l’inaction de l’ancien ministre de l’éducation nationale (1993-1997), ancien président du conseil général (1992-2001), alors qu’il était informé de faits de violences physiques dès 1996 et de faits de violences sexuelles dès 1998. Connaissance établie par sa commande, en 1996 du rapport de l’inspection qui documente, par exemple, le châtiment du perron ainsi que par sa visite au domicile du juge d’instruction Mirande, en 1998, après la mise en examen du directeur Carricart pour viol sur mineurs, expressément pour l’interroger sur ce sujet. Alors que François Bayrou avait dans un premier temps nié dans la presse cette rencontre, M. Mirande y est revenu, lors de son audition par la commission : « Nous étions alors voisins et il nous arrivait de nous croiser à nos domiciles respectifs [...] et, lorsqu’il est venu me voir, il me semble qu’il cherchait à se renseigner sur les faits en cours. Il exprimait alors une vive inquiétude, notamment au sujet de son fils qui était élève à Bétharram », a-t-il indiqué, avant de préciser que cette discussion avait duré « au moins deux heures ». Au cours de cet entretien, Christian Mirande avait informé François Bayrou aussi largement que possible des faits, « profondément révoltants, voire ignobles » ([134]).

Les rapporteurs constatent qu’à défaut d’action que l’ancien ministre de l’éducation nationale et président du conseil général alors informé avait les moyens d’engager, ces violences physiques et sexuelles sur les élèves de Bétharram ont perduré pendant des années, comme en attestent les nombreuses plaintes déposées par d’anciens élèves pour des faits postérieurs aux années 1990.

En conclusion de ces développements, il convient de redonner la parole au porte-parole de l’un des collectifs de victimes de Bétharram, Alain Esquerre : « Bétharram est le fruit d’une omerta, je ne sais comment nous en sortir tous […]. J’entends trop peu de personnes, sauf peut-être certaines mères, assumer leur part de responsabilité, s’excuser de ne pas avoir prêté attention […] peut-être ont-ils préféré détourner le regard, passer leur chemin, choisi de ne pas savoir, ne pas voir, ne pas entendre, de minimiser. » ([135])

Les avancées récentes

Au cours de leur déplacement dans l’académie de Bordeaux, effectué du 17 au 19 mars 2025, les rapporteurs ont effectué un contrôle sur pièces et sur place à l’établissement Le Beau Rameau le 18 mars 2025.

Leur contrôle a coïncidé avec celui, annoncé quelques semaines plus tôt par la ministre de l’éducation nationale, des inspecteurs académiques.

La consultation des documents sur place ainsi que leurs échanges avec le directeur les ont conduits à procéder à deux signalements au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, concernant des faits de violences sexuelles entre élèves en 2024, qui n’avaient pas fait l’objet d’une information aux services académiques.

Les rapporteurs avaient porté cette information à la connaissance de la rectrice au cours de leur contrôle au rectorat de l’académie de Bordeaux, effectué le 19 mars 2025. Ils avaient également indiqué à la rectrice leur étonnement sur certains points de méthode, les inspecteurs ayant demandé au directeur de l’établissement d’établir lui-même la liste des élèves qu’ils entendraient. La rectrice a immédiatement demandé aux inspecteurs d’élargir le périmètre de ces entretiens.

À la suite de ce contrôle, un certain nombre de manquements constatés par l’inspection académique ont notamment conduit le recteur, par un courrier en date du 10 avril 2025 (1), à mettre l’établissement en demeure de :

              « Mettre en œuvre les enseignements relatifs aux valeurs de la République […] notamment les principes d’égalité filles-garçons, de lutte contre les discriminations et de laïcité » ;

               « Programmer et identifier les enseignements transversaux notamment concernant l’enseignement à la vie affective, sexuelle et relationnelle » ;

               « Faire cesser le caractère obligatoire des temps de célébration [religieuse] » ;

– « Faire cesser sans délai l’interdiction totale faite aux élèves d’aller aux toilettes pendant un cours ou un intercours » ;

               « Systématiser le renouvellement des contrôles d’honorabilité de l’ensemble des personnels employés par l’OGEC, personnels permanents ou intervenants extérieurs, employés au sein de l’ensemble scolaire, dans un souci de protection des élèves » ;

               « Actualiser les affichages relatifs au 119 allô enfance en danger » ;

              « Mettre en cohérence le règlement intérieur et le vademecum personnel de surveillance/enseignant en matière de sanctions disciplinaires afin que les mesures et procédures disciplinaires et punitions ne soient pas prononcées en méconnaissance des principes du droit disciplinaire (base légale, proportionnalité et individuation des sanctions) » ;

              « Mettre en place des temps de sensibilisation à la lutte contre le harcèlement à l’attention des enseignants et des personnels en charge des internats » ;

– « Reprendre intégralement les procédures de fonctionnement de l’internat garçons, avec un accompagnement et une formation du surveillant ([…] procédures de signalement enfance en danger, formation éducative au relationnel avec les adolescents, etc.) »

Une inspection générale a par la suite été diligentée par la ministre de l’éducation nationale. Cette mission n’a pas encore rendu ses conclusions.

              Le directeur de l’établissement a été muté au début du mois de juin 2025 par la direction diocésaine de l’enseignement catholique à l’établissement Saint-Joseph, situé à Oloron-Sainte-Marie.

(1)               Annexe n° 18.

b. Un cas loin d’être unique, produit d’une époque révolue ?

L’affaire Bétharram aurait pu passer pour le fruit amer de la rencontre unique et fortuite d’un contexte géographique, culturel et politique spécifique et d’une accumulation de dysfonctionnements institutionnels. Ce serait ignorer l’apparition, dans son sillage, d’une multitude d’affaires, réparties sur tout le territoire français, qui présentent avec la première de très nombreuses similitudes.

  1.   D’autres « Bétharram »

C’est ainsi que se sont constitués, pour beaucoup depuis le début de l’année 2025, un nombre important de collectifs de victimes d’autres établissements scolaires catholiques sous contrat, ayant tous en commun de dénoncer plusieurs adultes, pour des faits de violences graves et multiformes, s’inscrivant sur une période couvrant plusieurs décennies.

a.   Des violences graves, arbitraires et systémiques

La commission a auditionné le jeudi 20 mars 2025 un certain nombre de représentants de ces collectifs de victimes, des établissements de Notre-Dame-du- Sacré-Cœur de Dax (dit Cendrillon), de Notre-Dame de Garaison à Monléon-Magnoac, du collège Saint-Pierre du RelecqKerhuon, de l’institut Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine, de SaintFrançois-Xavier d’Ustarritz et de l’établissement du Bon Pasteur à Angers. Après cette audition, d’autres collectifs se sont constitués, notamment pour l’école Ozanam de Limoges, le collège-lycée Saint-Joseph de Nay, les établissements Notre-Dame du Kreisker et Sainte-Ursule de Saint‑Pol‑de‑Léon ou le collège-lycée Sainte-Croix-des-Neiges à Abondance, dont la commission a également recueilli les témoignages écrits. Des alertes pouvant révéler le même type de situations ont également été révélées par la presse, qui concernent notamment le collège-lycée Haffreingue de Boulogne-sur-Mer ou l’abbaye-école de Sorèze, dont un ancien directeur a récemment témoigné avoir été « poussé à la démission » car il n’était « d’accord ni avec les méthodes éducatives, ni avec l’idéologie qui y sévissait », dénonçant une « violation permanente des normes » et un climat de « violence extrême. » ([136]) Pour rappel, la ministre de l’éducation nationale a indiqué lors de son audition par la commission le 21 mai 2025 que 80 collectifs avaient déjà été créés.

Des violences systémiques restées dans l’ombre : le cas emblématique du collège Saint-Jean de Pélussin, la passivité reprochée au ministre et l’extraordinaire lucidité des lanceuses d’alerte

Divers documents obtenus par les rapporteurs dans le cadre de l’enquête leur ont permis d’identifier un autre établissement, le collège Saint-Jean de Pélussin, dans la Loire où, à leur connaissance, aucun collectif ne s’est constitué. Des faits présentant toutes les apparences de violences systémiques s’y seraient déroulés, comme en attestent plusieurs courriers consultés par les rapporteurs, notamment adressés au ministre de l’éducation nationale, François Bayrou, par l’association L’Enfant Bleu, et au président de la République Jacques Chirac, par deux lanceuses d’alerte. Ces courriers permettent d’établir un certain nombre de faits (1) : en mars 1995, deux enseignantes de ce collège recueillent la parole d’élèves victimes d’attouchements de la part du directeur de l’établissement, le prêtre Jean Vernet, et saisissent le procureur de la République. Celui-ci ouvre une enquête au terme de laquelle trente-trois élèves confirment les faits. Le directeur est très rapidement mis en examen et placé en détention provisoire, puis condamné en mai 1996.

Les deux enseignantes appellent de nouveau l’attention des autorités, notamment rectorales, le 17 juin 1996, sur des faits de violences physiques et psychologiques commis par d’autres membres du personnel de l’établissement, dont certains avaient également fait l’objet de plaintes, déposées à la gendarmerie. Les documents révèlent qu’une enquête avait ensuite été diligentée par l’inspection académique, laquelle avait conclu à un « climat difficile depuis des faits graves qui avaient conduit à la condamnation de ce collège », noté le changement de directeur, et repris à son compte les préconisations des « assistantes sociales » qui avaient visité l’établissement, à savoir d’effectuer un « audit auprès des adultes » et de mettre en place « un lieu d’écoute pour les élèves », sans que soient évoquées de quelconques mesures conservatoires ou disciplinaires à l’égard des surveillants et enseignants mis en cause.

« Quelle ne sera pas notre surprise, à la rentrée 1996, de retrouver toutes ces personnes bien en poste, l’administration n’ayant pas jugé bon de les suspendre », précisent plus tard les deux lanceuses d’alerte, qui décident alors de ne pas baisser les bras et d’écrire, par l’intermédiaire de l’association L’Enfant bleu notamment, le 20 septembre 1996, au ministre de l’éducation nationale, pour signaler des faits de « d’humiliations, de châtiments corporels abusifs et de violences physiques » mettant en cause trois surveillants et deux enseignants.

N’ayant reçu aucune réponse ni constaté de changements, les deux enseignantes adressent directement, le 8 janvier 1997, un courrier à la présidence de la République, dont certains extraits sont troublants de ressemblance avec les situations décrites par les collectifs de victimes :

 sur le climat de violences régnant dans l’établissement : « un enfant a été violemment frappé par un surveillant, il a le tympan perforé ! » ; « un petit de sixième a été jeté dans les escaliers par un surveillant, il est tombé et a dévalé les marches sur le dos, cet adulte l’a achevé à coups de pied dans le ventre » ; « le [nouveau] directeur est au courant mais se refuse à intervenir » ;

 sur la responsabilité des parents : « à noter aussi, le collège Saint Jean est réputé pour la sévérité de ses méthodes, pour bon nombre de familles, nous sommes l’école de la dernière chance […] combien de fois n’avons-nous pas entendu des parents nous dire : "Je ne peux rien faire de cet enfant, tapez-le s’il le faut !" » ; « à cet égard, un chiffre est édifiant, 33 élèves victimes de Vernet, 6 familles seulement se sont constituées parties civiles ! » ;

 sur le sort réservé aux adultes qui tentaient d’alerter : « Voilà 19 mois que nous nous battons… en prenant ce pari, notre vie a basculé… en soulevant le voile du silence, nous avons connu l’adversité, l’une de nous a été limogée ».

Ce qui surprend davantage, c’est l’extraordinaire lucidité de ces lanceuses d’alerte, que l’ensemble des développements ultérieurs du présent rapport ne fera que confirmer. Une extraordinaire lucidité, ou une simple clairvoyance, qui ne fait que mettre en lumière la méticuleuse application des autres adultes à ne surtout pas bousculer l’ordre établi, dont il apparaît que les violences faites aux enfants étaient considérées comme une inévitable composante.

La fin du courrier qu’elles adressent à Jacques Chirac, et qui dresse l’implacable et encore très actuelle liste des dysfonctionnements qu’elles ont constatés, mérite ainsi d’être quasiment citée in extenso :

 sur l’éducation nationale : « que fait l’éducation nationale pour protéger ses jeunes ? Quand se décidera-t-elle à former ses enseignants pour répondre aux enfants qui se plaignent d’être victimes d’abus ? Nous sommes ignorants des démarches à accomplir quand un élève nous alerte sur ce qu’il vit. Qu’attend cette institution pour suspendre, le temps d’une enquête préliminaire, des adultes réputés violents ? Un ministre qui se dit sensibilisé par la violence à l’école peut-il se contenter de répondre par le silence au cas qui nous occupe ? » ;

 sur l’Église : « comment peut-elle accepter de fermer les yeux sur les agissements troubles de certains de ses membres ? Que signifient ces protections qui sont d’un autre âge et qui mettent en péril l’avenir des enfants ? » ;

 sur la justice : « comment la Justice peut-elle reconnaître quelqu’un coupable sans lui interdire l’exercice de toute profession en contact avec des jeunes ? » ;

 sur le conseil général : « que devient la loi de juillet 1989 qui donne autorité au Conseil général pour se saisir des problèmes de l’enfance maltraitée quand ce dernier s’y refuse ? » ;

 sur les lanceurs d’alerte : « Qu’advient-il de ceux qui dénoncent ? S’ils sont en butte à des représailles, il est à craindre que plus personne ne s’y risque » ; « Des enfants sont en danger, ça se passe en France, en 1997 ».

La présidence de la République demandera immédiatement, à la suite de ce courrier, des éléments de réponse au ministère de l’éducation nationale, lequel s’empressera de transmettre, par l’intermédiaire du chef de cabinet du ministre, les conclusions déjà mentionnées de l’enquête diligentée l’année précédente par le recteur d’académie (nouvelle direction, « audit auprès des adultes », etc.), assurant que les affaires de « pédophilie ou de sévices à l’encontre de mineurs » faisaient l’objet d’enquêtes approfondies, mais qu’en l’espèce, une procédure judiciaire étant en cours, « l’action disciplinaire ne peut intervenir qu’après le jugement pénal ». On ne sait trop à quelle procédure judiciaire il est fait allusion, toutefois ces échanges indiquent que les mesures conservatoires n’étaient en aucun cas envisagées.

Un dernier échange entre la sous-direction de l’enseignement privé et le cabinet du ministre a lieu en mars 1997, redonnant ces éléments de langage dans le contexte de la préparation par France 2 d’un numéro d’Envoyé spécial, intitulé « Le poids du silence » et portant notamment sur cette situation, incluant un témoignage des lanceuses d’alerte (2).

(1)    Annexe n° 19.

(2)    Ce numéro d’Envoyé spécial, très éclairant sur les ambiguïtés des années 1990, peut être consulté sur le site de l’Institut national de l’audiovisuel : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i16074364/la-pedophilie-et-l-institution

La parole des collectifs, constitués de plusieurs dizaines et souvent plusieurs centaines de membres, permet de saisir finement toutes les logiques à l’œuvre dans ces établissements scolaires où ont été identifiés plusieurs mis en cause et dénoncées à la fois des violences physiques et psychologiques, qui excédaient de loin ce qui pouvait être considéré comme acceptable par la société au moment où elles étaient commises, ainsi que des violences sexuelles ([137]).

Comme à Bétharram, les victimes de ces établissements mettent en cause le collectif d’adultes de l’établissement, puisque plusieurs agresseurs y sévissaient et étaient protégés par le silence ou la complaisance des autres adultes, de la direction quand celle-ci n’était pas directement impliquée, ainsi que des autorités de tutelle. Au moins cinq personnes sont ainsi mises en cause à Cendrillon, sept à Saint‑Dominique de Neuilly ([138]), huit à Garaison, outre les élèves-surveillants, et la violence semblait absolument généralisée au Relecq-Kerhuon, comme l’a rapporté le représentant du collectif des victimes, Didier Vinson, évoquant un établissement où « il n’y a pas un seul professeur qui, un jour, n’ait frappé un élève ; ils étaient véritablement recrutés pour cela. Si nous avions eu l’heur de nous plaindre auprès du directeur ou d’un professeur, nous aurions pris d’autres gifles, et il y aurait eu des mesures de rétorsion » ([139]).

Dans la plupart des établissements, tout le spectre des violences est présent et tout d’abord des violences psychologiques, accompagnées de traitements dégradants. Un témoignage concernant Garaison évoque notamment des enfants contraints d’ingérer de la nourriture jetée à la poubelle. À Sainte-Croix-des-Neiges, « un couvert tombé par terre au réfectoire était un couvert confisqué, à charge de finir le repas avec les doigts ou les dents, comme un animal, celui qui prêtait sa fourchette ou son couteau était puni lui aussi ». Plusieurs témoignages évoquent également des enfants enfermés de longues heures dans des placards ou des réduits.

On retrouve également dans les témoignages des victimes de ces établissements les mauvais traitements « à visée éducative », telles que des privations de sommeil dans le but d’effectuer des punitions, au coin, dans le noir, ou pour recopier des lignes, isolé et en pleine nuit, voire, à Sainte-Croix des Neiges, une véritable « quarantaine : repas pris à part à l’isolement, lit sorti du dortoir et placé dans le couloir ». Les témoignages relatent également des punitions collectives : « Je me souviens aussi que certains soirs, tout le dortoir se retrouvait à genoux sur du parquet de 22 heures à minuit passées. Celui qui avait le malheur de s’endormir, le surveillant lui marchait sur le mollet » ([140]), rapportait ainsi une des victimes de Cendrillon. Les violences verbales telles que menaces, insultes, hurlements à quelques centimètres du visage, sont rapportées par l’ensemble des collectifs.

Des violences physiques insoutenables sont également décrites dans ces établissements, qu’il convient de nommer afin de rendre compte de la réalité des situations décrites : coups de pied à la gorge, coups de poing dans le ventre et dans le dos, têtes cognées sur les pupitres jusqu’à ce que les cahiers soient tachés de sang, coups portés avec des nerfs de bœuf, des trousseaux de clés, des cravaches, coups de bottes santiag dans l’anus, tympans déchirés entraînant acouphènes et pertes d’audition, nez cassés, épaules ou mâchoires déboîtés, enfant battu jusque pendant son trajet vers l’hôpital car il ne mangeait plus, atteint d’une appendicite ayant dégénéré en péritonite, etc.

Enfin, la quasi-totalité des collectifs dénoncent des viols et agressions sexuelles, le plus souvent commis sur des élèves de 10 à 14 ans et ayant concerné de multiples victimes et plusieurs mis en cause à Cendrillon – dont le collectif les qualifie de « courantes » –, Sainte-Croix des Neiges, Ustarritz et Saint‑Dominique de Neuilly. Le collectif de Sainte-Croix des Neiges indiquait notamment dans son témoignage écrit que dans plusieurs cas, les viols étaient « répétés quotidiennement sur une longue durée, à l’égard des mêmes victimes ».

Un autre point saillant et commun à la plupart des témoignages de ces collectifs concerne le ciblage prioritaire des élèves les plus fragiles : les plus jeunes, de primaire ou de collège, étaient bien plus concernés que les lycéens, et les enfants physiquement moins forts ou psychologiquement, socialement et scolairement plus fragiles étaient également plus susceptibles d’être visés. Les mauvais traitements qu’ils subissaient, notamment en public, avaient vocation à servir d’exemple aux autres, témoins impuissants des scènes de violence. Cette situation est parfaitement résumée dans le témoignage écrit transmis aux rapporteurs à l’issue de leur audition par le collectif des victimes de Notre-Dame de Garaison : « Il y avait une stratégie pour maximiser l’efficacité de cette terreur infligée aux uns considérés comme des victimes expiatoires afin de terroriser et "montrer l’exemple" aux autres témoins qui devaient ainsi rester dans le rang. Très souvent, les châtiments et punitions concernaient les mêmes personnes et très souvent des élèves vulnérables, peu corpulents, sensibles, perçus comme faibles et ne pouvant pas opposer de résistance face à l’adulte agresseur ». La relative préservation des enfants de notables est également fréquemment soulignée, comme à Sainte-Croix des Neiges, dont une victime estimait que « les victimes étaient choisies ; les enfants dont la famille pesait lourd, je pense qu’ils ont été épargnés » ([141]), ou à Notre-Dame de Garaison, dont le collectif estime que « certains critères protégeaient de la violence :

« – le fait d’être fils de notable, de riche commerçant, d’industriel, d’une personnalité politique et donateur financier à Garaison (en plus du prix de la pension) ;

« – le fait d’avoir des parents plus présents, qui venaient aux réunions de parents d’élèves, qui n’hésitaient pas à contacter l’institution ;

« – le fait d’être impliqué dans le rugby, ce qui donnait une aura de virile considération. »

Le caractère arbitraire des châtiments et maltraitances infligés est également très souvent souligné, de même que l’intériorisation des paroles des adultes qu’il accentuait : « Parfois, on ne savait même pas pourquoi on nous tapait dessus […]. On prenait ça avec fatalisme. C’étaient des adultes. Ils avaient forcément raison et, donc, on était forcément coupables. Il a fallu des années pour se rendre compte que ce n’était pas normal », indiquait également un ancien élève victime de Saint-Pierre ([142]).

Il en résultait ainsi dans la plupart de ces établissements un véritable régime de terreur : « Je partais à l’école le matin, je savais que j’allais être frappé, je savais pas pourquoi mais je savais que j’allais prendre et ceci quasi tous les jours », expliquait ainsi M. Vinson s’agissant du collège Saint-Pierre. « On vivait dans un état d’insécurité permanent », rapportent également les victimes de Garaison.

En effet, comme à Bétharram, outre la violence exercée par les adultes, les plus jeunes subissaient également des violences quotidiennes des plus grands contre les plus petits. Ce phénomène, sans doute lié à la reproduction des violences subies, était accentué par le recours, dans la plupart de ces établissements, au principe des élèves-surveillants, lesquels, selon de nombreux témoignages, étaient à l’origine de violences physiques, de rackets, de vols, d’agressions sexuelles et de viols. Cette violence était parfois même encouragée, comme à Sainte-Croix des Neiges, dont le témoignage écrit transmis par son collectif de victimes évoque des incitations ouvertes à la violence et au harcèlement entre élèves : « Si vos camarades, révoltés par votre attitude, vous cassent la figure, je ne pourrai pas les blâmer. »

Au Relecq-Kerhuon, les verbatims des témoignages transmis aux rapporteurs sont nombreux à indiquer que ce climat « transformait les élèves en bêtes sauvages entre eux », ou que « dans la cour de récréation, l’ambiance était telle que les élèves reproduisaient entre eux le comportement violent des enseignants, les mêmes schémas. » À Garaison, où l’on se souvient que le directeur de Notre-Dame de Bétharram voulait se rendre pour s’y inspirer des bonnes pratiques en matière de tenue d’un internat, des viols et agressions entre élèves furent commis à de nombreuses reprises, selon le témoignage écrit du collectif, « avec la présence complaisante d’un surveillant ».

Le représentant du collectif de cet établissement, Michel Lavigne, indiquait du reste lors de l’audition des collectifs devant la commission que « la fonction d’élèves-surveillants est spécifique à ces établissements. Des élèves de première ou de terminale peuvent être choisis par la direction pour devenir surveillant tout en continuant leurs études. Le choix de ces élèves est largement lié à leur apparence physique : il faut en imposer, il faut une certaine force. Dans notre pays du SudOuest, on aime bien les gens qui pratiquent le rugby, qui sont capables d’exercer cette violence ». Les termes utilisés par le témoignage écrit de ce collectif, qui évoque une « école de la violence », comme on peut parfois l’entendre aujourd’hui à propos du milieu carcéral, sont de ce point de vue particulièrement éloquents.

b.   Des violences institutionnalisées sous prétexte d’excellence pédagogique

Et pour cause, dans la plupart de ces établissements, l’aspect systémique des violences était inscrit clairement dans le projet porté par l’équipe de direction ([143]), laquelle se targuait de « tenir » voire de « redresser » des élèves difficiles pour assurer leur réussite au brevet des collèges ou au baccalauréat. Le témoignage écrit du collectif de Garaison adressé aux rapporteurs indique ainsi que « les sévices physiques et psychologiques étaient institutionnalisés et servaient un modèle pédagogique dans lequel la discipline extrême et la violence étaient considérées comme ayant des vertus éducatives ». Le représentant du collectif du Relecq-Kerhuon précisait pour sa part lors de son audition devant la commission que « c’est ainsi qu’était marketé le collège. On disait aux enfants : "Si tu n’es pas sage, tu vas aller chez les frères quatre-bras" – ou "les frères tapent-dur" ! Je crois que c’est un slogan relativement efficace ».

Cette réputation connue de tous se traduisait par la ritualisation et l’institutionnalisation des violences, présentées comme une méthode éducative à part entière : la punition du « perron » à Bétharram était celle du « téléphone » à Cendrillon ou de « l’estrade » à Saint-Pierre. Cet état d’esprit était particulièrement poussé au collège Saint-Pierre, dont le directeur avait même érigé le concept de « pédoplégie », ou « pédagogie par les coups » en véritable projet pédagogique, comme l’a rapporté le représentant de ce collectif, Didier Vinson, durant l’audition.

Le témoignage très récent dans Le Télégramme d’un ancien professeur de cet établissement, qui y a exercé de 1965 à 2005, résume assez bien cet état d’esprit et le peu de recul dont ses tenants de l’époque font encore preuve aujourd’hui : « Interrogez-les ! On recevait des fils d’avocats, de familles aisées, mais aussi beaucoup d’enfants en échec. Des enfants parfois très très difficiles, avec une charge de travail extrêmement importante pour nous. » Dans le même article, c’est un ancien élu municipal qui tente de justifier a posteriori les méthodes, pourtant d’une rare cruauté, employées dans cet établissement surnommé « le bagne » : « L’enseignement était très dur dans ce collège […]. C’est pour ça que les parents y envoyaient leurs enfants, pour qu’ils soient tenus et qu’ils travaillent. Beaucoup de jeunes ont eu leur bac grâce au père L. », estimait-il encore, début 2025 ([144]).

Cette réputation, donnant des fonctions de ces adultes maltraitants l’image d’un quasi-sacerdoce, servait de blanc-seing aux comportements des adultes au nom de leurs prétendues qualités pédagogiques, en même temps qu’elle alimentait un rabaissement permanent voire une criminalisation des enfants. Sans cesse traités de bons à rien qu’il serait très difficile voire impossible d’éduquer et d’instruire, nombre d’entre eux finissaient par le croire et par intérioriser cette image d’eux-mêmes. De très nombreux témoignages d’anciens élèves du Relecq-Kerhuon, notamment, soulignent ce fait, comme celui de Bernard, transmis aux rapporteurs, qui estime que les adultes « s’[abritaient] derrière l’insulte pour se déculpabiliser. Ce sont des lâches », ajoute-t-il. Cette situation fait là aussi écho à Bétharram, où il était de bon ton de déplorer les « cas » auxquels l’institution aurait eu à faire face, ne pouvant ainsi fonctionner comme un établissement classique.

Selon les réponses écrites transmises aux rapporteurs par le collectif de Garaison, « les parents pour certains étaient en accord avec ces méthodes, et c’était même la raison de leur recours à Garaison. D’autres, même s’ils étaient en désaccord ou ignoraient l’ampleur et la gravité des violences infligées, préféraient fermer les yeux soit parce qu’ils craignaient le pouvoir de l’Église soit parce qu’ils n’avaient pas d’autre solution de scolarisation pour leur enfant ».

c.   Des victimes dont la parole ne pouvait être entendue

Comme dans l’affaire de Notre-Dame de Bétharram, la question de la parole des victimes se pose et est diversement analysée, chaque victime étant aussi le produit d’une époque et d’un milieu social et familial donnés. En effet, les faits les plus anciens relatés par les différents collectifs remontent à la fin des années 1940, tandis que les plus récents auraient eu lieu dans les années 2000 (Saint-Dominique de Neuilly) voire 2010 (Notre-Dame de Garaison).

Au sein des collectifs, plusieurs représentants ont ainsi décrit des enfants pour lesquels la parole était difficile, voire impossible : d’aucuns, en particulier les victimes des années 1950-1960, ne parlaient pas car ce sujet était tout simplement tabou à l’époque ; d’autres étaient déjà victimes de violences dans leur milieu familial et craignaient que le fait de s’ouvrir à leurs parents ou à la direction de l’établissement ne les expose à des sanctions plus dures encore – au surplus, la banalisation de la violence dans leur quotidien les empêchait probablement de saisir, sur le moment, la gravité des maltraitances qu’ils subissaient. « Comment voulez-vous parler de quelque chose qui vous paraît comme normal ? », s’interrogeait ainsi une victime de Notre-Dame du Sacré-Cœur de Dax ([145]). D’autres encore considèrent que leurs parents ne les auraient pas crus, la remise en question de l’autorité des prêtres étant impensable.

Dans son témoignage écrit transmis aux rapporteurs, le collectif de Notre-Dame de Garaison livre sur ce point l’analyse suivante : « Il y avait aussi une certaine résignation au silence. On savait qu’on ne serait pas entendu par nos interlocuteurs, entre la culpabilisation : "c’est que tu l’avais mérité" ; le déni : "tu racontes n’importe quoi" ; ou la dévalorisation : "tu es une mauviette, d’autres sont passés par là et ne s’en plaignent pas". » Le collectif de Sainte-Croix des Neiges rapporte que « certains enfants ont été signalés à leurs parents pour de supposées tendances homosexuelles, ce qui laisse penser que certains faits étaient au moins soupçonnés. Et l’on peut penser que les auteurs ont tenté de se dédouaner, ou tout au moins de se protéger ainsi contre la parole des enfants ».

Un certain nombre de membres des collectifs remettent en cause le caractère absolu du silence ou, tout au moins, en relativisent la portée, estimant que nul ne pouvait ignorer les mauvais traitements qu’ils subissaient, indiquant de plus qu’un certain nombre d’élèves victimes avaient parlé – ou que leurs séquelles physiques avaient parlé pour eux – et même, pour certains, avaient convaincu leurs parents de les laisser quitter l’établissement. Comme à Bétharram, à compter des années 1980 et surtout 1990, le silence semble en effet avoir été de plus en plus difficile à tenir. Comme l’a rapporté Constance Bertrand, représentante du collectif de l’Institut Saint-Dominique Neuilly-sur-Seine où les violences concernent principalement la période allant des années 1980 aux années 2000 : « Des enfants ont parlé. On parle de libération de la parole mais beaucoup de gens parlaient ! » ; « J’ai évoqué des affaires qui remontent à trente ans. Or il y a trente ans, il n’était pas normal de gifler ou d’agresser sexuellement des enfants. Je ne voudrais pas qu’on se limite à l’argument selon lequel "c’était une autre époque" et qu’il était donc "acceptable de se prendre des baffes et de se faire tirer les oreilles". Ce n’est pas normal depuis très longtemps. » ([146])

d.   La loi du silence : les mêmes ressorts

Ici encore, on constate donc que le silence d’une partie importante des victimes ne suffit pas à expliquer la perpétuation de ces violences systémiques pendant des décennies, laquelle n’aurait pas été possible sans le silence complaisant, prudent ou résigné des adultes. Celui des parents, on l’a vu, mais également celui des personnels de l’établissement, « témoins au quotidien » selon l’expression du collectif de Sainte-Croix des Neiges, des autorités religieuses de tutelle et des pouvoirs publics.

Le témoignage écrit transmis aux rapporteurs par le collectif des victimes de Notre-Dame de Garaison est là aussi édifiant. Indiquant que « les faits étaient connus de l’ensemble de la chaîne hiérarchique, sans licenciement de personnel sur des décennies », il pose avec force les questions suivantes : « Comment l’institution peut ignorer qu’un élève a été blessé (tympan, épaule déboîtée, nez cassé, arcade ouverte…) alors qu’il a consulté l’infirmière et qu’un médecin s’est déplacé dans l’établissement pour l’examiner, que des psychologues ont fait état de souffrances psychiques importantes et préoccupantes, quand au moins un élève a quitté prématurément l’établissement suite à une évaluation par des psychologues de son état psychique et de son comportement et par décision de ses parents ? Qu’a fait la direction de ces informations ? Quelles mesures a-t-elle pris ? Comment les professeurs, qui ont mis des élèves à la porte de la classe, ont fait, pour ne pas entendre les cris des élèves qui se faisaient frapper violemment par le surveillant général ? Comment les prêtres qui vivaient dans le bâtiment n’ont pas entendu les cris des enfants battus ? Comment personne ne s’est demandé pourquoi le surveillant général se promenait, nuit et jour, avec un lacet en cuir de 60 cm ? Comment les employés de la cantine ont fait pour ne pas voir les violences physiques infligées aux élèves par les surveillants au réfectoire ? ».

L’inaction de tous ces témoins, silencieux ou complaisants, des violences infligées aux enfants, est dénoncée unanimement par les collectifs : « Ce qui nous unit tous, c’est le manque de courage des adultes qui ont vu et qui n’ont rien fait. J’en veux presque plus à ceux qui étaient là, qui avaient des responsabilités et qui ont vu mais n’ont rien fait, qu’aux bourreaux », affirmait Constance Bertrand, représentante du collectif de l’institut Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine lors de son audition devant la commission. Elle notait par ailleurs : « J’imagine que les hurlements des enfants de Bétharram et des autres écoles ont été entendus par quelqu’un. Mais, s’ils ont parlé, les enfants de Neuilly se sont heurtés à chaque fois à quelque chose – la direction, notamment. » À SaintDominique, justement, ces violences étaient en effet couvertes « successivement par plusieurs directeurs et directrices », mais aussi par un certain cadre surveillant, M. Damien S. dit « Cheval », l’un des principaux mis en cause dans l’affaire Bétharram dont on se souvient qu’il avait été évincé à la toute fin des années 1980 pour des faits de violences sexuelles. Déplacé à Orléans puis à Saint-Dominique, il avait terminé une carrière ascendante comme directeur-adjoint du collège Léon XIII de Châteauroux, où il est resté en poste jusqu’à sa retraite, en 2018.

Plusieurs explications sont avancées par les collectifs pour expliquer cette omerta. L’aura de respectabilité qui entourait, notamment, les prêtres directeurs, en est une. La réputation d’excellence pédagogique et la fréquentation de la plupart de ces établissements par des enfants de notables, entretenant ensuite un réseau des anciens localement influant, en est une autre, de même que l’implication des élèves, une fois plus âgés, dans les violences infligées aux plus jeunes. Michel Lavigne, représentant du collectif de Garaison, a relaté lors de son audition ce témoignage d’un ancien élève : « Un jour, il a récupéré un petit qui venait d’être agressé sexuellement ; il était en pleurs et vomissait. L’autre surveillant, qui n’était pas le violeur, a trouvé normal d’étouffer l’affaire, ça faisait partie du jeu. »

« Tout cela constitue une espèce de famille dans laquelle chacun se couvre », avait indiqué M. Lavigne. Son collectif, à l’instar d’autres, a également mentionné les critères de recrutement des personnels comme facteur explicatif du silence des adultes. Qu’il s’agisse des maîtres délégués ou des personnels placés hors champ du contrat d’association, en particulier les surveillants, ou même des personnels enseignants titulaires du concours, tous devaient ou pensaient devoir leur recrutement au chef d’établissement, dont l’approbation était – et reste à ce jour – nécessaire. En résultait selon M. Lavigne des « recrutements […] au niveau microlocal et par copinage » ([147]) et, selon les réponses écrites transmises par son collectif, « le recrutement aberrant des surveillants parmi des personnes sans formation ».

Enfin, l’omerta semblait également de mise du côté des pouvoirs publics et, en tout état de cause, des forces de l’ordre. Si les signalements et alertes n’ont pas été aussi nombreux, en l’état des connaissances de ces dossiers, qu’ils ont pu l’être en ce qui concerne Bétharram, il semble que les forces de l’ordre, à tout le moins, avaient eu des signaux d’alerte, sans toutefois y donner suite. On citera à titre d’exemples le cas de Frédéric, scolarisé à Saint-Pierre, qui s’était rendu au commissariat de Brest dans les années 1980 après s’être fait agresser par un adulte de l’établissement à coups de tabouret en bois, et dont le commissariat a refusé de prendre la déposition car il était mineur ([148]), ou encore le nombre important de fugues de nuit à Notre-Dame de Garaison, pour lesquelles il était parfois nécessaire de faire intervenir la gendarmerie. Enfin, ce témoignage d’un ancien élève de Sainte-Croix-des-Neiges transmis aux rapporteurs est éclairant : « Mon chef de maison est venu me chercher au commissariat d’Annemasse à deux heures du matin, je me suis pris une rouste comme jamais j’en ai pris dans ma vie, j’ai même pas eu le temps de monter dans la voiture que j’étais déjà assommé. » ([149])

e.   Et toujours, la souffrance des victimes

Les souffrances qu’ils ont vécues ont laissé des traces indélébiles chez l’ensemble des victimes, de Bétharram, comme des autres établissements. Dans son ouvrage ([150]), Alain Esquerre s’interroge ainsi : « Quels adultes serions-nous devenus sans Bétharram ? La question revient souvent chez les victimes. Certains auraient peut-être été des adultes plus ouverts […], il y aurait eu moins de divorces et moins de dépressions. Assurément, plus de bonheur. À la place, je continue de rencontrer de grands gaillards de cinquante ou soixante ans qui fondent en larmes à l’évocation des sévices qu’ils ont subis, comme s’ils étaient restés coincés à l’internat. La plupart ne sont pas parvenus à construire une vie familiale stable. Beaucoup ont traversé des épisodes dépressifs avec un taux élevé de tentatives de suicide », et les violences « n’ont laissé personne indemne ».

Didier Vinson, victime de violences et représentant du collectif du collège Saint-Pierre, indiquait lors de son audition : « Nous, nous nous sommes fait massacrer pendant trente ans. On nous a cassés. Beaucoup ne sont pas là pour témoigner car, du fait notamment de cette ultraviolence, certains sont devenus dépendants à l’alcool, à la drogue, sont morts prématurément de maladies ou se sont suicidés ». Il ajoutait que « tout remonte sur le fil de discussion sur lequel nous échangeons sur nos vies, nos familles et la période d’après qui fut extrêmement dure. Je ne l’ai pas tout de suite vécu ainsi, mais quand j’ai enfin eu mon bac, et que tout ça s’est arrêté, j’ai perdu 16 kg, j’ai fait une anorexie mentale […]. Je n’étais pas guéri. Depuis la création de ce collectif, je sens que tout est en train de se vider, il ne me restait que ça à vider pour être sec. Maintenant, à 61 ans, je vais peut-être réussir à vivre ma vie convenablement, en levant la tête ».

Les violences physiques et psychologiques : des traces très lourdes pour les victimes comme pour les témoins

Grandes oubliées des travaux de la Ciase, qui n’avait reçu mandat que pour traiter des violences sexuelles, et donc de la CRR et de l’Inirr, les victimes de violences physiques et psychologiques ont pourtant décrit les conséquences de long terme désastreuses de ces violences pour les enfants qui les subissent.

Le collectif des victimes du collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon, essentiellement concernées par ces deux formes de violences, a ainsi réalisé une étude sur leurs conséquences, sur la base de questionnaires distribués à ses membres. Il en ressort que 60 % des victimes, dont la moyenne d’âge se situe aujourd’hui à 60 ans, éprouvent des troubles du sommeil, 60 % des troubles anxieux, et 65 % des troubles dépressifs. Près de 60 % déclarent des problèmes d’agressivité, 16 % une dépendance à l’alcool et 12 % une addiction à la drogue. 12 % d’entre eux déclarent également des troubles des conduites alimentaires.

Enfin, une large majorité des répondants indique une attitude d’hypervigilance (56 %), mettre en œuvre des stratégies d’évitement social (70 %), éprouver un sentiment de rejet (51 %) et d’injustice (70 %).

Le manque de reconnaissance des enfants victimes de violences physiques et psychologiques a été souligné par certains membres ou proches de membres de ce collectif dans les témoignages écrits reçus par les rapporteurs.

Constance Bertrand a rappelé pour sa part, outre la souffrance des victimes, celle des témoins, dont beaucoup sont restés traumatisés par les scènes de violence auxquelles ils ont assisté, et qui les plaçaient dans un état de terreur permanent, ce dont de nombreux témoignages émanant de différents collectifs attestent.

Ces témoignages sont également nombreux à mentionner des retards ou arrêts de croissance pendant les années de scolarisation dans l’établissement, des problèmes de développement physique, de troubles du langage. Les victimes doivent également pour beaucoup vivre avec une hypersensibilité et un manque pathologique de confiance en elles, ayant eu des répercussions dans leur vie tant personnelle que professionnelle.

Lors de son audition devant la commission, Antoine Garapon, président de la Commission reconnaissance et réparation (CRR), livrait ce témoignage édifiant : « Je suis magistrat, j’ai longtemps été juge des enfants. Je connais malheureusement les violences faites sur les enfants, mais j’en avais connaissance en temps réel. Désormais, je vois les mêmes quarante ou cinquante ans après. Je vois des vies dévastées, ce que je ne soupçonnais pas lorsque j’étais juge des enfants : je n’imaginais pas l’ampleur de la dévastation, les destins terribles. » ([151])

Enfin, un mot est souvent revenu, ce mot qui s’adressait aux adultes, à l’indifférence, à l’omerta : celui de « colère », une colère d’autant plus forte que les victimes ont subi les souffrances et les cruautés dans l’indifférence ou l’aveuglement général, sans que jamais leurs bourreaux ne soient réellement inquiétés.

Recommandation n° 1 : Saisir la conférence des présidents de l’Assemblée nationale afin de constituer une mission transpartisane chargée d’un travail de réflexion et d’élaboration de propositions sur l’opportunité de rendre imprescriptibles certaines infractions commises sur les mineurs.

Recommandation n° 2 : Reconnaître la responsabilité de l’État pour les carences ayant permis la perpétuation de violences commises sur des enfants dans les établissements scolaires et créer en conséquence un fonds d’indemnisation et d’accompagnement de ces victimes.

2.   Riaumont : un demi-siècle de violences sur fond d’inaction coupable des pouvoirs publics

Le village d’enfants de Riaumont, à Liévin, près de Lens (Pas-de-Calais), puis l’établissement Saint-Jean Bosco qui lui succédera, constituent un autre exemple de violences systémiques, perpétrées dans un cadre plus flou, aux frontières de l’institution de placement et de l’établissement scolaire privé, cette fois-ci hors contrat. Cette structure se caractérisait par la particulière vulnérabilité des enfants qu’elle accueillait ([152]) et par son climat empreint d’intégrisme politico-religieux.

Le projet du village d’enfants de Riaumont remonte à 1957, après qu’un juge des enfants de Béthune en a identifié le besoin pour placer des enfants. Administré par l’association de Riaumont pour la protection de l’enfance et de l’adolescence, sous statut de la loi de 1901 ([153]) mais étroitement lié à l’ordre de l’Institut Sainte-Croix de Riaumont qui sera fondé quelques années plus tard, il est alors dirigé par Albert Revet, décédé en 1986, prêtre du diocèse d’Arras, figure locale à laquelle l’établissement restera longtemps associé. Le pensionnat accueille dans un premier temps des garçons placés, d’une part, par les services de l’aide sociale à l’enfance et, d’autre part, par la justice, en raison de défaillances familiales ou de faits de primo-délinquance. Le site est habilité, à travers le foyer Godefroy de Bouillon, à recevoir des garçons placés sous assistance éducative ou faisant l’objet d’une mesure judiciaire par l’arrêté préfectoral du 11 juillet 1961 ([154]), les enfants étant alors scolarisés à l’école publique de Liévin.

Rapidement, le village accueille de nombreux enfants – jusqu’à cent quarante simultanément –, tout en se plaçant dans une position singulière vis-à-vis des pouvoirs publics, ne rendant que peu de comptes en dépit des fonds publics qu’ils lui attribuent ([155]), et allant jusqu’à fonctionner plusieurs années sans agrément ([156]).

Si Riaumont n’était alors pas un établissement scolaire, cette relative indifférence de l’État à la situation des enfants concernés – qui peut aller jusqu’à placer un enfant de 6 à 8 ans sans qu’aucun suivi ne soit adressé à l’autorité à l’origine du placement ([157]) – fait écho au point aveugle qu’ont pu constituer, pour les pouvoirs publics, les autres établissements scolaires privés déjà évoqués. Or, le site est associé à des actes de violences de tous ordres qui auraient été commis depuis sa fondation, et ont perduré pendant qu’il accueillait un établissement scolaire, au moins jusqu’au début des années 2010.

  1.   Un établissement violent qui se transforme en école
    1.   Des violences systémiques protéiformes dès l’origine

Comme à Bétharram et dans les autres établissements évoqués, les violences commises à Riaumont présentent un caractère systémique : elles concernent plusieurs mis en cause et présentent un caractère institutionnalisé, pour « redresser » des enfants jugés « difficiles ». C’est ce dont ont témoigné le collectif des victimes fondé le 20 mars 2025, et auditionné par la commission, ainsi que Bruno, Alexandre et Adrien, trois victimes que les rapporteurs ont pu rencontrer à l’occasion de leur visite sur place, le 4 avril 2025, en présence de Françoise Lobbedez (anciennement Szulc), professeure retraitée et l’une des premières à avoir lancé l’alerte, et d’Ixchel Delaporte, journaliste ayant largement contribué aux révélations.

Les violences s’apparentent d’abord à des sévices physiques. Mme Delaporte, journaliste et représentante du collectif, situe ainsi le début de ces violences à la création même du village, en 1960, avec des enfants « dès le départ extrêmement maltraités » au sein de ce qui se serait apparenté à un « système carcéral » dont certains des murs auraient été construits par les enfants eux-mêmes, astreints à des travaux physiques particulièrement pénibles. La journaliste décrit un père Revet assumant de mettre les « enfants au pain sec et à l’eau en les enfermant pendant cinq jours, de les placer nus dans des douches pour les frapper à coups de boucle de ceinturon – des anciens en ont gardé des traces sur leur corps » ([158]).

Dans son livre, Les enfants martyrs de Riaumont  Enquête sur un pensionnat intégriste paru en 2022, elle cite le témoignage de Félix, ancien élève aujourd’hui âgé de 73 ans : « C’était comme de l’esclavage, avec le physique et le mental, en nous réduisant, en nous enfermant, en nous frappant. » Alexandre, 41 ans et élève à partir de 1989, raconte quant à lui que « chaque futilité était prétexte à une raclée. On ne portait qu’une culotte de cuir même en plein hiver. Tous ces murs autour de nous, ce sont les enfants qui les ont construits » ([159]). D’une façon générale, les conditions sont volontairement spartiates, le froid revenant par exemple de façon récurrente dans les récits. Dans une lettre transmise par les Archives nationales aux rapporteurs, Chrun H. enfant réfugié du Cambodge, décrit : « À l’école, nous avions tellement froid que nos doigts étaient gelés et qu’il était presque impossible de les faire bouger ». Ces violences décrites par les victimes concernent plusieurs générations successives et auraient en partie perduré jusqu’à très récemment, l’établissement n’ayant jamais amorcé de rupture avec ses méthodes originelles. À titre d’illustration, des élèves n’ayant quitté l’internat qu’en 2014 ont pu décrire le même type de brimades, coups de pied et gifles semblant toujours monnaie courante à cette date ([160]).

Ces violences physiques étaient indissociables de violences d’ordre psychologique, qui s’appuyaient notamment sur les fragilités des enfants du village d’enfants : rabaissement permanent, dénigrement des familles d’origine, chantage à la permission – consistant pour les encadrants à décompter des « minutes » à chaque faute, pouvant conduire à priver les enfants de visites à leur famille. Riaumont se singularise également par une forme de violence psychologique plus insidieuse : celle de l’endoctrinement idéologique. L’engagement politico-religieux d’Albert Revet, qui n’a jamais caché son ambition d’éduquer les pensionnaires selon une éducation traditionnaliste, allait au-delà du simple folklore scout, très présent à Riaumont : chants militaires, jeux guerriers, accoutrements bavarois étaient imposés aux élèves. Un rapport de la Ddass, en 1980, relève que « l’homme fort, en armes, signe de la virilité, de sa force et de son pouvoir de domination, est la norme de référence au foyer » ([161]). Des professeurs y évoquent « un système d’embrigadement complet qui nie complètement l’individu et ne laisse aucune place à l’autonomie » ([162]). Cette idéologie n’était d’ailleurs par étrangère à la rudesse du traitement des enfants, les dysfonctionnements observés à Riaumont étant jugés « plus voulus que subis, plus l’expression d’une conviction que d’une nécessité » ([163]) par un rapport d’inspection. Ce fonctionnement se perpétue à travers le temps. En 2001 encore, le rapport de la Ddass évoque l’« ouverture sur le monde (hors de la communauté religieuse) qui paraît inexistante ». Jusqu’à très récemment, cet endoctrinement semble avoir perduré. Ainsi, le projet de rapport établi par l’inspection académique diligentée par la rectrice de Lille en décembre 2019 et consulté par les rapporteurs fait état d’« indices d’enfermement dans un système de pensée dogmatique se traduisant par une forte croyance chez les élèves que le mode de fonctionnement de l’établissement est le seul pertinent pour eux ».

Si les violences physiques et psychologiques ont été signalées de longue date, c’est plus récemment que les violences sexuelles perpétrées à Riaumont ont pu être dénoncées. Dans son ouvrage, Ixchel Delaporte s’en fait l’écho, après avoir elle-même rassemblé les témoignages de nombreuses victimes y ayant vécu à différentes époques, avant qu’elles ne procèdent progressivement à des dépôts de plaintes. Elle évoque notamment le cas de Soren, qui dénonce des viols qui auraient été commis par quatre encadrants ([164]), deux prêtres et deux laïcs, au cours de l’année 1993-1994, lorsqu’il avait 12 ans. Il est le premier à avoir déposé plainte : « L’arrivée de mon premier enfant en 2013 a déclenché la remontée progressive de souvenirs liés à Riaumont. […] Je ne peux pas compter le nombre de fois où j’ai été violé. » Il précise : « Il y en a où c’étaient des viols pas violents, c’est débile de parler comme ça mais il y en a d’autres… quand vous avez les mains attachées dans le dos, une ceinture autour du cou et les pieds enchaînés à un tuyau, c’est autre chose. Il m’a fallu entre trois et quatre ans pour arriver à en parler sans m’effondrer. » Sur les quatre personnes mises en cause, Soren indique que « deux ont avoué les faits, dont un a été écroué pour des abus sexuels perpétrés à Vannes pendant trente ans. Il sera jugé dans un second temps dans mon affaire. Le deuxième qui a avoué vit toujours à Riaumont. »

La journaliste cite de nombreux autres cas : Bruno, qui dénonce « une longue série » d’agressions sexuelles à partir de ses dix ans, et d’un viol survenu durant l’année 1978 ; Djamal, qui témoigne de fréquentes agressions sexuelles par le directeur de l’établissement et par un éducateur ; Ali, victime lui aussi d’agressions sexuelles par le directeur ; Philémon, qui fait état d’agressions sexuelles par le même directeur et par trois autres personnes, etc.

Dans tous ces cas, les agressions sexuelles auraient eu lieu sur le site du village d’enfants ou de l’établissement scolaire qu’il deviendra, et ont été perpétrées par des encadrants – étant précisé qu’un cas de viol par un mineur a également été signalé à la justice, ce qui a conduit à la mise en cause d’un des prieurs encadrants pour non-dénonciation de crime.

  1.   Des violences en parties connues de longue date

Si les archives témoignent d’une première alerte, sans suites, en 1969 ([165]), c’est à la fin des années 1970 que ce qui est alors caractérisé comme des faits de maltraitances et un endoctrinement idéologique est rendu public.

Comme à Bétharram, c’est une enseignante, Françoise Szulc, qui lance l’alerte. Elle travaille alors au collège d’enseignement secondaire de Liévin, fréquenté par des enfants de Riaumont, dont elle constate le mal-être. Pour obtenir des témoignages d’élèves, elle leur propose, en 1979, de travailler à une rédaction devant porter sur un changement survenu dans leur vie. Les écrits que les rapporteurs ont pu consulter, poignants, témoignent de la souffrance de ces enfants : « À peine entré, on me frappe avec une lanière de cuir de martinet. Il y a une barrière entre le monde et moi, et cette barrière un jour je la briserai, et quand je la briserai je m’enfuirai vers ma vie nouvelle. Si je n’arrive pas à aller vers ma vie nouvelle, je crois que je regretterai d’être né. » Dans une autre, on peut lire : « Je compare toujours cette "caserne" à un rosier plein de fleurs... C’est beau de loin. Mais quand on vit dedans on se pique. » ([166])  Dans un second temps, forte de ces témoignages, la professeure décide de dénoncer les violences observées à Riaumont, s’en prenant principalement à la brutalité des méthodes et à l’endoctrinement des élèves – les faits de violences sexuelles ne sont pas encore identifiés. Elle prépare un document qu’elle envoie à des associations, à la presse, et qu’elle remet à une amie à Paris afin qu’elle le diffuse dans les milieux éducatifs. Les faits sont alors relayés à l’échelle nationale, notamment par des articles parus dans Libération ([167]) et Le Monde ([168]).

Pourtant, comme dans les autres cas étudiés par la commission, la lanceuse d’alerte est aussi confrontée au déni, aux calomnies et aux menaces, qui retardent la prise de conscience de l’ampleur des violences. Elles émanent en premier lieu du directeur lui-même. Ainsi, Albert Revet aurait notamment arrêté d’envoyer les enfants en cours de français, pour éviter qu’ils ne côtoient Mme Szulc. Cet épisode donne lieu à une intervention de l’inspecteur académique, qui ne s’attache qu’à faire revenir les élèves en cours. Déjà, en 1977, lorsqu’un élève avait osé aborder le climat de violences à l’occasion d’une inspection, Albert Revet avait demandé « à quatre grands de le "fracasser" » ([169]). Plus généralement, le fondateur de Riaumont sait s’appuyer sur ses relations, et notamment sur les notables locaux, pour défendre systématiquement l’établissement. C’est ce qu’incarne l’association des Amis de Riaumont, qui exerce une intense pression auprès des acteurs publics impliqués et dont les héritiers sont aujourd’hui encore très actifs. Les pressions à l’égard de la lanceuse d’alerte émanent aussi d’anonymes. Les rapporteurs ont pu prendre connaissance, dans les archives, de lettres de menaces adressées à Mme Szulc : « Pour moi et mes copains vous êtes une salope, n’oubliez pas que moi aussi j’ai des relations […] ». Un autre individu, qui se présente comme ancien élève, l’interroge dans un courrier adressé à la lanceuse d’alerte le 5 juin 1979 : « N’avez-vous pas débordé votre statut d’enseignante dans cette affaire ? », tournant en dérision son « humanisme grandiloquent » et lui souhaitant ironiquement « bon courage, afin que la vérité soit proclamée bien haut ». Si le déni et l’hostilité à l’égard des lanceuses d’alerte se retrouvent dans nombre des cas de violences scolaires, Riaumont se caractérise par un fonctionnement en meute, assimilable à une logique sectaire, aujourd’hui encore attesté par la mention de Riaumont dans le rapport d’activité 2022-2024 de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

  1.   Le non-renouvellement de l’agrément du site à recevoir des enfants placés

Dans un contexte de renouvellement de l’agrément de l’établissement au tournant des années 1980, les archives qu’ont pu consulter les rapporteurs témoignent de la mobilisation de personnalités à la suite des alertes de Mme Françoise Szulc, à l’image de Simone Veil, alors présidente du Parlement européen, qui avise le ministre de la santé, Jacques Barrot ([170]). Au même moment, des juges du tribunal de Béthune remettent en cause le placement d’enfants à Riaumont. Le 16 mai 1980, treize d’entre eux diffusent un texte dans lequel ils affirment refuser, à l’avenir, de continuer à y placer des enfants, tandis que le 18 décembre de la même année, une réunion publique réunissant juges, enseignants (dont Mme Szulc) et psychiatres est organisée à Paris pour dénoncer les pratiques du village.

Là aussi, les alertes sont accueillies avec scepticisme. En témoigne une lettre du préfet du Pas-de-Calais au garde des sceaux ([171]) : le représentant de l’État y relativise la portée des dénonciations, soulignant notamment que seule une enseignante et trois magistrats étaient intervenus, et finit par considérer l’action de l’établissement « globalement positive », s’appuyant notamment sur une note du sous-préfet de Lens qui se permet, quant à lui, de placer sur un pied d’égalité l’endoctrinement idéologique observé à Riaumont à celui qui se pratiquerait dans l’enseignement public. Dans ce contexte, un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection de l’éducation surveillée du ministère de la justice est commandé en février 1981 ([172]). Adressé au secrétaire d’État chargé de la famille en août 1981, il pointe notamment un fonctionnement « autarcique » tout en relativisant un certain nombre d’accusations. S’il envisage un temps la fermeture de l’établissement, le préfet décide finalement de s’en tenir au refus de l’agrément ([173]), pas tant pour prémunir les enfants des violences que parce que les autorités n’y envisagent plus de placement, et que le vivier d’enfants placés devrait donc s’amenuiser, rendant le nouveau projet peu viable ([174]).

Les tergiversations de l’administration peuvent s’expliquer de diverses manières – les pressions systématiques des défenseurs de Riaumont, les complicités dont ils disposaient et le poids des notables locaux, sur lesquels Albert Revet s’est longtemps appuyé –, mais l’une d’entre elles paraît particulièrement marquante au regard de l’objet des travaux d’enquête : le traitement en silos du dossier, avec la nécessité systématique de passer à la fois par la Ddass et par l’Inspection de l’éducation protégée, l’éducation nationale n’étant alors pas encore impliquée. Si Riaumont se caractérise par un fonctionnement hermétique, plusieurs inspections y ont eu lieu contrairement, par exemple, à Bétharram. Mais il ressort des archives que le dialogue entre les administrations compétentes – en particulier, les ministères de la santé et de la justice, dont le premier était plus critique à l’égard du village – a pu fragiliser la position de l’État vis-à-vis de l’établissement, conduisant à ne pas décider de la fermeture chaque fois qu’elle était envisagée, tandis qu’à aucun moment les conditions du recueil de la parole d’enfants n’ont été mises en place.

Le refus de l’agrément n’implique pourtant pas la fermeture du site : la structure administrant le village se contente de changer ([175]). Comme à Bétharram, des petits arrangements permettent donc d’éviter la mise en cause frontale de l’institution, et participent, en définitive, à sa préservation. Pire, c’est à partir de ce moment que l’établissement amorce sa conversion, pour devenir un établissement scolaire.

  1.   La transformation en établissement scolaire de fait

La transformation du village d’enfants en établissement scolaire de fait intervient à la fin des années 1980, dans un contexte où Riaumont ne se voit plus confier d’enfants par l’administration ([176]). Riaumont met en avant, sur son site internet, le fait d’« assumer la scolarité des garçons confiés par leurs parents depuis 1989 ». Les statuts de l’association Notre-Dame de Riaumont, créée en 1982, mentionnent quant à eux « l’organisation d’œuvres scolaires ». De fait, le village développe alors des activités éducatives, d’abord avec les cours par correspondance Hattemer, en accueillant des enfants qui y sont désormais envoyés par leurs familles dans ce qui se présente comme tantôt comme un « regroupement scolaire », tantôt comme un établissement scolaire hors contrat. Or, il semblerait qu’aucune déclaration n’ait autorisé les dirigeants à procéder légalement à ces activités d’enseignement. La table ronde organisée à la préfecture à l’occasion du déplacement des rapporteurs le 4 avril 2025, en présence de l’ensemble des acteurs concernés, pas davantage que les demandes de documents adressées par la suite aux autorités, n’ont permis d’établir la régularité de la transformation du village en établissement d’enseignement à cette époque, étant rappelé que l’ouverture d’un établissement hors contrat était, à l’époque déjà, soumise à déclaration. Néanmoins, certains documents, y compris émanant d’administrations publiques, mentionnent bien Riaumont comme un établissement scolaire hors contrat. Le rapport de la Ddass de 2001 évoque par exemple « une scolarité allant de la 6ème à la 3ème. Un enseignement général ou technique avec filière ébénisterie y est dispensé » ([177]). Ce flou absolu quant au statut juridique de Riaumont est d’autant plus grave que, comme cela a été rappelé, l’administration était alors au fait du passif du village d’enfants en matière de violences.

  1.   Un suicide qui ne remet rien en cause

Le climat de violences à Riaumont est à nouveau mis en lumière au début des années 2000, à la suite du suicide d’un jeune de quatorze ans, Romain, qui y était hébergé, survenu le 21 juin 2001. Ce jeune garçon avait confié son mal-être, entraînant des démarches de sa famille et de l’association pour la défense de la famille et de l’individu, avant que ne survienne sa mort. En février de la même année, il avait notamment alerté sa grand-mère et sa tante sur les brimades qu’il subissait, à l’image du chantage aux permissions précédemment évoqué. Le 18 avril, sa tante avait alerté le procureur, ce qui aurait entraîné, à nouveau, la mobilisation des défenseurs de Riaumont. Certains articles témoignent alors des violences qui avaient encore cours au sein de l’établissement, comme celui publié le 27 juin 2001 dans La Voix du Nord, qui évoque des « coups de fourchette » subis par l’élève lorsqu’il ne mangeait pas correctement. Un article est également publié dans Charlie Hebdo le 10 juillet 2001, donnant lieu à un procès intenté par les responsables de Riaumont, qui s’avérera un moyen inattendu pour révéler les dysfonctionnements de l’établissement.

Une inspection en urgence de la structure est, à la suite de la mort de Romain, confiée à la Ddass par le préfet, « afin de déterminer si la santé, la sécurité ou le bien-être moral et physique des personnes hébergées sont menacés ou compromis par les conditions d’organisation ou de fonctionnement de l’établissement ». À la suite d’une visite effectuée les 27 et 28 juin 2001, un premier rapport est adressé au préfet, sans que les inspecteurs n’aient pu rencontrer d’élèves. Ils renvoient donc la question du climat à un rapport ultérieur, à établir en septembre, une fois les élèves revenus. Si ce second rapport n’établissait pas de lien direct entre les conditions de vie à Riaumont et la mort de l’adolescent, et si l’établissement a bénéficié d’un non-lieu dans cette affaire, une partie de la famille demeure, à l’époque et aujourd’hui encore, convaincue que les dérives de Riaumont ont bien conduit l’adolescent à se suicider.

b.   Un État passif face à un établissement scolaire hors de contrôle

  1.   Une régularisation du statut de l’établissement acceptée par les services de l’État en dépit de son passif et des réserves émises par les inspections

La justice s’intéresse à nouveau à Riaumont dès 2010, après qu’un ancien élève a appelé le numéro d’urgence 119 pour dénoncer des violences. Le 25 octobre 2011, un courrier du procureur de Béthune adressé à l’inspecteur d’académie l’alerte sur une suspicion « d’école de fait », l’interrogeant sur le « respect des règles du hors contrat », la présence d’élèves des classes de sixième, cinquième et quatrième lui ayant été signalée. Le flou absolu qui entoure l’établissement de Riaumont pousse alors le préfet à écrire au directeur de celui-ci pour lui demander des informations… sur le statut juridique de l’établissement. Le préfet, représentant de l’État dans le département, n’était donc pas au fait du statut juridique d’un établissement recevant pourtant de nombreux mineurs et se présentant publiquement, notamment sur son site internet, comme un établissement scolaire. La possibilité pour un tel site, en dépit d’une histoire jalonnée de violences, et quelques années seulement après le suicide d’un de ses élèves, d’exister en dehors de tout contrôle jusqu’au début des années 2010, ne peut que susciter l’incompréhension des rapporteurs.

À la suite de ces échanges, la régularisation est engagée par la direction de l’établissement de fait, qui aspire à en faire un établissement privé technique hors contrat qui prendra le nom de Saint-Jean Bosco. Le 27 juin 2012, un dossier de demande d’ouverture pour trois certificats d’aptitude professionnelle (CAP) – menuisier, maçon, tailleur de pierre – est déposé. Mais ici aussi, l’attitude des services de l’État pose problème. En effet, le contrôle conduit par un inspecteur de l’éducation nationale, qui en rend compte par courrier du 3 septembre 2012 à la déléguée académique à la formation initiale et continue, relève de nombreuses insuffisances : les horaires proposés ne sont pas conformes aux préconisations ; les titres des personnels enseignants ne permettent pas d’attester de leurs compétences professionnelles ; les locaux accueillant les enseignements pratiques ne sont pas suffisamment vastes et trop peu équipés ; aucune délibération d’instances en matière d’hygiène et de sécurité n’est fournie. Parallèlement, l’inspecteur note que la commission de sécurité a elle aussi émis des réserves. Pour autant, il émet un avis favorable, quoiqu’assorti de réserves, à l’ouverture de l’établissement. D’après les intervenants de la direction départementale des services de l’éducation nationale présents lors de la table-ronde réunie à l’occasion du déplacement des rapporteurs dans le Pas-de-Calais, l’avis favorable était, dans l’état du droit, le seul possible. Outre le fait que cet argument ne semble pas recevable, les motifs d’hygiène pouvant par exemple toujours motiver un refus d’ouverture ([178]), cette inspection présente une autre limite : l’inspecteur y admet que « la majorité des personnels enseignants exercent déjà depuis plusieurs années » – conscient, donc, qu’un établissement de fait préexistait, mais sans s’intéresser plus avant à son fonctionnement et au traitement de ses élèves. Le passif de l’établissement, dont l’histoire est pourtant bien connue, ne semble pas non plus faire l’objet d’une attention particulière.

Le 13 septembre 2012, la transformation officielle de Riaumont en établissement scolaire Saint-Jean Bosco est actée : le recteur d’académie de Lille communique au directeur de l’établissement le numéro d’immatriculation au registre académique ([179]), avant de l’informer, le 6 février 2014, de la levée des réserves qui avaient été émises. La facilité avec laquelle le directeur obtient cette levée des réserves, sur le fondement – sauf information que les rapporteurs n’auraient pas obtenue – de seuls échanges électroniques et sans contrôle complémentaire, déconcerte également.

La question du statut de l’établissement n’est par ailleurs pas tout à fait réglée puisque le rapport d’inspection académique établi à la suite d’un contrôle sur place le 20 décembre 2018 conclut à nouveau à l’existence d’un collège de fait : « La demande d’ouverture en date du 5 juillet 2012 fait état d’un établissement d’enseignement technique privé. Or la commission constate sur place, notamment sur les emplois du temps, que des élèves sont scolarisés en classe de 6ème, 5ème 4ème et de 3ème » ([180]). Une mise en demeure par la rectrice et un signalement au procureur en découleront.

Si cette question peut sembler purement formelle, les rapporteurs regrettent que la découverte d’un établissement de fait quelques années auparavant n’ait pas conduit à une attention plus soutenue de la part de l’administration, laquelle aurait peut-être permis de déceler plus rapidement les violences commises dans l’établissement, et ce alors même qu’une procédure judiciaire était en cours.

  1.   Une fermeture tardive finalement engagée par l’établissement lui-même

Quelques mois seulement après la « régularisation » de la situation de l’établissement, le 13 octobre 2014, le procureur de Béthune informe en effet le Dasen de procédures judiciaires en cours à l’encontre de membres du personnel de Riaumont : il s’agit d’ouvertures d’informations judiciaires pour violences sur mineurs de 15 ans, viols, agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans, et non-dénonciation de crime. Ces procédures interviennent après le dépôt de plainte de Soren, qui a déjà été évoqué.

La question de l’articulation entre les interventions de l’administration et celles de la justice est soulevée par un courrier du 21 octobre 2014, par lequel le Dasen donne au recteur d’académie les informations transmises par le parquet et annonce, en conséquence, reporter une inspection prévue au titre du contrôle des établissements hors contrat. Ce choix discutable témoigne d’une forme d’incompréhension, souvent observée par les rapporteurs à l’occasion de l’enquête, des relations que devraient entretenir justice et éducation nationale, comme si l’existence d’une enquête judiciaire devait nécessairement impliquer le gel de toute initiative de l’administration, alors qu’elle justifierait à l’inverse des contrôles renforcés pouvant se tenir dans le respect absolu de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Le 27 avril 2017, le procureur de la République indique au préfet, au recteur et au maire de Liévin que le directeur de l’établissement Saint-Jean Bosco est mis en examen pour détention de fichiers pédopornographiques et consultation habituelle d’un service de communication en ligne mettant à disposition de tels documents, et qu’il fait l’objet d’un contrôle judiciaire incluant l’interdiction d’exercer toute activité le mettant en contact avec des mineurs. Ce n’est que cet élément qui pousse enfin les autorités à agir.

En juin 2017, le recteur d’académie de Lille et le préfet du Pas-de-Calais s’adressent tour à tour, par des courriers ([181]) que les rapporteurs ont pu consulter, au directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale pour évoquer la fermeture préventive de l’établissement, soulignant à la fois le passif de celui-ci, les derniers éléments judiciaires portés à leur connaissance par le parquet, ainsi que les constatations effectuées lors de récentes inspections.

Ne pouvant fermer l’établissement du seul fait des violences et des poursuites judiciaires auxquelles elles donnent lieu – en l’absence de condamnation définitive –, le préfet sollicite l’approbation du ministre pour prononcer la fermeture de l’établissement en s’appuyant sur son pouvoir de police générale, « au titre de la multiplicité des non-conformités » : normes d’hygiène ignorées, manuels scolaires obsolètes, absence de registre des personnels, risque incendie, réalisation de stages en entreprise dès 13 ans, dangerosité des machines de l’enseignement technique, etc.

En dépit de recherches approfondies, les rapporteurs n’ont pas trouvé trace de la réponse du ministre. Interrogé lors de son audition, Jean-Michel Blanquer, qui était alors ministre de l’éducation nationale, a affirmé ne pas se souvenir de ce courrier, invoquant un contexte de surcharge de travail et de constitution de son cabinet : « Pour rappeler d’abord le contexte, la lettre en question a été adressée deux semaines après mon arrivée au ministère. Je vous laisse imaginer la montagne de travail qui se dressait alors face à nous, aussi bien pour préparer la rentrée de septembre 2017 et les différentes réformes que pour constituer le cabinet, qui ne devait d’ailleurs pas encore être au complet. » ([182])

Les documents ou échanges faisant état d’une « fragilité juridique » signalée par les « services centraux juridiques » ([183]) invoquée par le recteur dans son courrier comme étant susceptibles de freiner la fermeture n’ont pas non plus pu être retrouvés par les rapporteurs – le rectorat d’académie de Lille leur ayant indiqué ne pas en avoir gardé trace.

En novembre 2018, une note de la Dasen est adressée à la rectrice pour s’enquérir des suites données à la demande de fermeture du préfet, témoignant d’une tardive prise de conscience. Suivant ce courrier, un contrôle diligenté par la rectrice a lieu le 5 décembre 2018, après une inspection en 2017 dont les conclusions ne sont pas envoyées à l’établissement en raison du signalement effectué par le procureur.

La fermeture de l’établissement n’interviendra qu’après la mise en examen de quatre religieux encadrants supplémentaires, dont le préfet et le recteur sont informés par le procureur de la République le 17 janvier 2019. Elle intervient finalement à l’initiative de l’établissement lui-même : le 22 janvier, son directeur informe la rectrice qu’il a écrit aux parents pour leur demander d’inscrire leurs enfants dans un autre établissement. Le 30 septembre 2019, la rectrice répond par un courrier qu’elle prend acte de la fermeture définitive en radiant l’établissement du registre académique. La fermeture n’aura donc pas été décidée par l’État, mais induite par des mesures judiciaires que la direction de l’établissement n’aura pas pu surmonter ([184]). La fermeture de l’établissement témoigne donc, ici aussi, d’une grande passivité de l’État, qui ne se sera finalement jamais résolu à y procéder lui-même, même après que les possibilités de fermeture des établissements scolaires ont été étendues par la loi dite Gatel ([185]), en avril 2018.

En dépit de la fermeture de l’établissement, le site de Riaumont a continué à accueillir des enfants, notamment dans le cadre de séjours scouts. Ce n’est que début 2025 que des mesures complémentaires ont été prises par le préfet pour interdire l’organisation de l’accueil de mineurs à Riaumont ([186]) sur le fondement de l’article L. 227-5 du code de l’action sociale et des familles, qui soumet les personnes organisant l’accueil collectif de mineurs à un régime de déclaration préalable auprès de l’autorité administrative et qui permet à celle-ci de s’y opposer lorsque « les conditions dans lesquelles elle est envisagée présentent des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs ». En l’espèce, le préfet s’est appuyé sur des contrôles qui lui ont permis d’établir la présence de personnes ayant l’interdiction d’approcher des mineurs. L’extension de cette interdiction à l’ensemble des activités de l’association des scouts et guides de Riaumont ([187]) n’a été décidée qu’en mai 2025 ([188]).

  1.   Des révélations récentes qui soulignent rétrospectivement les défaillances du contrôle de l’État et le déni persistant

Plusieurs procédures judiciaires ont été engagées dans les années 2010, et relancées ces derniers mois dans le sillage de la libération de la parole au sujet des violences solaires. Ainsi, début juin 2025 :

– deux encadrants de Riaumont sont mis en examen pour agressions sexuelles ; deux autres sont sous le statut de témoin assisté dans le même dossier ;

– dans une enquête pour viols et agressions sexuelles commises par un pensionnaire sur plusieurs camarades, un ancien directeur de l’établissement est mis en examen pour non-dénonciation de crimes ;

– six religieux sont renvoyés devant le tribunal correctionnel par le parquet de Béthune pour maltraitances et violences volontaires sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur 44 élèves.

Une première condamnation a été prononcée : le 6 mai 2025, un ancien directeur a été condamné à deux ans de prison avec sursis et cinq ans d’interdiction d’exercice d’une activité professionnelle ou bénévole en contact avec des mineurs, pour des faits de consultation de fichiers à caractère pédopornographique de 2012 à 2017, soit une période où l’établissement était encore en activité ([189]).

Par ailleurs, de nouvelles plaintes ont été déposées, dont une en avril 2025, qui concerne des encadrants accusés de faits d’agression sexuelle et de violences physiques qui auraient été commis de 2007 à 2009 et ne seraient donc pas prescrits, témoignant à la fois de l’existence de nouvelles victimes susceptibles de se manifester et du caractère très récent de certains des faits dénoncés. En mai 2025, trois nouvelles plaintes ont encore été déposées, dont l’une concerne des violences et agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans, par personnes ayant autorité. Les deux autres concernent des violences sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité.

Ces nouveaux éléments soulignent l’ampleur des défaillances du contrôle de l’État, qui a choisi de ne pas agir en dépit des nombreuses alertes. Alors que la fermeture de l’établissement aurait pu être prononcée, il a poursuivi ses activités, longtemps en dehors de tout cadre juridique et surtout largement à l’abri des contrôles, permettant la perpétration de violences jusqu’à récemment. La visite canonique extraordinaire annoncée le 7 mai 2025 par l’évêque d’Arras et le supérieur de l’abbaye de Fontgombault, dont dépend Riaumont, ne saurait masquer ni le caractère tardif de la réaction de l’Église, dans le contexte que l’on connaît, ni le fait qu’il appartient avant tout à l’État d’exercer ce contrôle et de prendre ses responsabilités quand la situation l’exige.

Ces décisions administratives, judiciaires et canoniques n’ont cependant pas conduit la communauté de Riaumont à se remettre en cause, à la différence d’une partie des autorités à l’origine des violences dénoncées plus haut. Ainsi le fonctionnement en meute est-il toujours d’actualité : le contrôle sur pièces et sur place effectué par les rapporteurs à Riaumont s’est en effet déroulé dans un climat de tensions inédit, marqué par la présence d’un bruyant « comité d’accueil » destiné à impressionner, tandis que la parole des victimes continue d’être décrédibilisée par ceux qui se présentent comme amis de l’établissement, faisant systématiquement passer la protection de l’institution avant ceux qui y ont souffert.

Les suites du contrôle sur pièces et sur place des rapporteurs

À la suite de leur déplacement à Riaumont le 4 avril 2025, les rapporteurs ont engagé plusieurs démarches (1).

Ils ont d’abord adressé un courrier à Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative au sujet de l’agrément jeunesse et sport de Riaumont. La ministre leur a indiqué que ce n’était plus le cas depuis 2019.

Ils ont également interrogé Clara Chappaz, ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique, après avoir observé, sur le site internet de l’établissement, un numéro d’agrément laissant supposer une reconnaissance officielle, ainsi que de nombreuses photographies d’enfants et d’élèves laissant penser que les conditions de respect du droit à l’image et de la réglementation sur les données personnelles n’étaient pas respectées.

Les rapporteurs ont par ailleurs interrogé le préfet du Pas-de-Calais, qu’ils tiennent à remercier pour son accueil, sur la question de savoir si des mineurs étaient toujours hébergés sur le site. En réponse, le préfet leur a indiqué que ce n’était plus le cas tout en annonçant renforcer les contrôles pour s’en assurer.

Afin de lever des interrogations sur les ressources de l’établissement, soulevées par la consultation de certains des documents communiqués à l’occasion du contrôle sur pièces et sur place, les rapporteurs ont enfin écrit à Amélie Verdier, directrice générale des finances publiques, et à Jean-Paul Albertini, président de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France.

Au total, les rapporteurs se réjouissent de constater que, toutes les administrations saisies leur ayant répondu, une véritable prise de conscience semble avoir eu lieu.

Dans le sillage de ces démarches, et après que le site de Riaumont a été interdit d’accueillir des mineurs en janvier, c’est l’ensemble de l’Association des scouts (2) et guides de Riaumont (3) qui a été frappée d’une telle interdiction.

Enfin, le 7 mai, l’évêque et l’abbé de l’abbaye Notre-Dame de Fontgombault, dont les religieux de Riaumont sont canoniquement des oblats ont annoncé une « visite canonique extraordinaire ». Par un courrier du 14 mai 2025, Éric de Moulins-Beaufort, alors président de la Conférence des évêques de France, a informé les rapporteurs avoir directement interrogé ces tutelles.

(1)    Annexes nos 23 à 33.

(2)    Arrêté du préfet de la Vienne du 15 mai 2025.

(3)    Mouvement de scoutisme unitaire lié à l’institut Sainte-Croix de Riaumont, qui existe parallèlement au village d’enfants depuis 1960 et s’est constitué en association depuis 1999. Le groupe était présent à Liévin, Fontgombault et Paris.

3.   Les principaux composants du terreau des violences

Au terme de cette présentation non exhaustive de cas de violences systémiques, c’est-à-dire engageant à divers degrés plusieurs auteurs et une communauté d’adultes complaisants, il importe de s’arrêter sur les éléments socio-culturels qui ont pu constituer un terreau favorable à l’émergence de ces situations autant qu’à leur maintien durant des décennies.

  1.   Un contexte de banalisation des violences éducatives, adossée à une conception très verticale de l’autorité
    1.   Des violences physiques longtemps et largement banalisées

Loin d’être consensuelle, la conception de l’éducation et plus largement de la place des enfants – et par extension des élèves –, a fait l’objet de vifs débats dans la société française et de tensions constantes, en droit et en fait, depuis la fin du XVIIIe siècle au moins. Ces tensions opposent, d’une part, une conception traditionnelle, verticale et autoritaire de l’éducation, permettant voire valorisant les châtiments corporels comme des instruments indispensables et efficaces à la formation d’adultes adaptés et résilients et, d’autre part, une conception émancipatrice, fondée sur la proscription de la violence, le consentement à la règle par son explication et sa compréhension, visant à former des citoyens libres et dotés d’esprit critique.

Le code pénal de 1810 réprimait pourtant déjà sans distinction les violences physiques, celles-ci étant punies de la réclusion ([190]) dès lors qu’elles avaient entraîné « une maladie ou une incapacité de travail pendant plus de vingt jours » ([191]), et d’une peine d’emprisonnement de deux mois à deux ans, doublée d’une amende, dans le cas contraire ([192]). À l’école, la circulaire du 15 juillet 1890 prescrivait la « fin des vieilles pénalités physiques », précisant que « le Conseil supérieur de l’instruction publique a nettement manifesté sa préférence pour une discipline libérale et son éloignement d’une discipline répressive. Celle-ci, reposant sur la défiance, n’usant que de la contrainte, se contente d’un ordre apparent et d’une soumission extérieure, sous lesquels se dissimulent les mauvais instincts comprimés, et les sourdes révoltes qui éclateront plus tard ». Ferdinand Buisson, nommé par Jules Ferry directeur de l’enseignement scolaire et qui occupa ce poste de 1879 à 1896, considérait ainsi, lors d’une intervention au congrès du Parti radical de 1903, que « pour faire un républicain, il faut prendre l’être humain si petit et si humble qu’il soit et lui donner l’idée qu’il peut penser par lui-même, qu’il ne doit ni foi ni obéissance à personne, que c’est à lui de chercher la vérité et non pas à la recevoir toute faite d’un maître, d’un directeur, d’un chef quel qu’il soit, temporel ou spirituel ».

La proscription générale des violences par le code pénal et les théories libérales de l’éducation venaient pourtant se heurter aux très larges prérogatives encore pleinement associées à la « puissance paternelle » ([193]). Celle-ci était si étendue que le code civil de 1804 reconnaissait « au père qui aura des sujets de mécontentement très graves sur la conduite d’un enfant » le droit automatique de le faire détenir pour une durée ne pouvant excéder un mois si l’enfant était âgé de moins de 16 ans, et ne pouvant excéder six mois si l’enfant avait entre 16 et 21 ans ([194]). Cette disposition issue de la coutume de l’Ancien Régime, maintenue dans la loi jusqu’en 1935, s’accompagnait de son corollaire de construction purement jurisprudentielle, le « droit de correction », lequel consistait à admettre des violences physiques légères et proportionnées dès lors qu’elles étaient commises sur un enfant par une personne ayant autorité. D’abord reconnu aux pères au début du XIXe siècle ([195]), le droit de correction fut étendu aux enseignants au début du XXe siècle ([196]), soit à peine quelques années après la parution de la circulaire précitée.

L’article « Punitions » du Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, dirigé par Ferdinand Buisson et paru en 1888, illustre parfaitement cette tension au sein de la société française entre conception autoritaire et conception libérale de l’éducation : « Les règlements qui autorisent les châtiments corporels en les limitant ne sont qu’un compromis […] entre des usages traditionnels dont on reconnaît le danger et un idéal que l’on approuve mais que l’on croit irréalisable […]. En éducation, les raisons d’ordre pratique priment toutes les autres. » ([197]) Dans les faits, il apparaît bien en effet que les violences dites « éducatives », pour autant qu’elles respectaient une certaine mesure, étaient très largement admises par de vastes pans de la société durant la plus grande partie du XXe siècle.

Ce contexte de banalisation et de tolérance des violences éducatives « légères » et « proportionnées » a ainsi pu constituer l’un des terreaux de la maltraitance institutionnelle et systémique décrite supra. L’un des courriers reçus par les rapporteurs de la part de Maurice Calvez, professeur émérite de sociologie et témoin de « l’expérience scolaire ordinaire » des années 1960, « dans laquelle la violence était le plus souvent présente à bas bruit » selon lui, formule clairement cette hypothèse. Tout en précisant que les faits qu’il relate sont « sans commune mesure avec ce que les témoignages de Bétharram ou du Relecq-Kerhuon donnent à connaître », il se « demande aussi dans quelle mesure ces situations de violence institutionnelle sont une expression paroxystique d’une conception ordinaire de l’enseignement qui prévalait alors ».

Le recours toléré au droit de correction n’était d’ailleurs pas l’apanage des établissements privés, les figures toute puissantes du père et du prêtre étant relayées si nécessaire par celle de l’instituteur. Ainsi les établissements publics étaient-ils également le théâtre régulier, au moins jusque dans les années 1970-1980, de ces violences éducatives ordinaires. Lors de son audition devant la commission, Éric Debarbieux, professeur émérite de sciences de l’éducation, indiquait en effet que « pour l’enseignement public, de grandes enquêtes ont été menées, comme celle que Bernard Douet a conduite dans les années 1980 dans les écoles primaires, qui montrait la rémanence du châtiment corporel – gifles et fessées. Environ 60 % des élèves disaient avoir vu leur enseignant frapper d’autres élèves ». Il ajoutait avoir lui-même publié en 1996 des « entretiens avec des enseignants de l’école publique des années 1960, 1970 et 1980, qui avouaient avoir eux-mêmes frappé des élèves ». De nombreux courriers et témoignages transmis aux rapporteurs corroborent ces données et font état de punitions et humiliations banalisées, présentées comme des gestes éducatifs, dans des écoles publiques, notamment du premier degré : punitions à genoux dans un coin de la classe, réflexions humiliantes au tableau sur le niveau scolaire, voire claques ou fessées déculottées en public semblaient ainsi relativement courantes.

Comment s’étonner alors que ces violences aient souvent dégénéré en des débordements plus graves, du fait de la personnalité et/ou de la conception de l’autorité de leurs auteurs ? Comme l’indiquait lors de son audition ([198]) Gilles Parent, représentant du collectif des victimes de Saint-François-Xavier d’Ustaritz : « Nous parlons ici des établissements privés catholiques mais, pour moi, les premières violences ont commencé dans une école primaire publique, et pas une école d’un petit village du fond du Pays basque : à Anglet, dans une grande ville », avant de décrire des violences infligées par un instituteur, qui avait « peint en blanc les vitres de sa classe de CM1 » car « il ne voulait pas qu’on voie de l’extérieur ce qu’il nous faisait à l’intérieur » : règles cassées sur la tête, coups de tableau projetant les élèves violemment au sol, etc. M. Parent a également témoigné lors de cette audition que le directeur de cette même école publique « avait une baguette, semblable à un petit fouet, qu’il appelait Caroline. Il nous disait : "Viens, je vais te présenter Caroline !" Il nous faisait nous allonger sur ses genoux, et il nous fouettait avec sa baguette ». M. Parent a d’ailleurs été à l’origine, avec d’autres, de la création en mai 2025 du collectif Victimes de violences dans les écoles publiques, dénonçant des violences commises, notamment dans les années 1970, dans des écoles primaires du Pays basque ([199]).

Dans les établissements privés également, bien des cas de violences, contemporaines de celles décrites supra, ont également été révélées aux rapporteurs par de nombreux courriers et témoignages, ainsi que par la presse, dans le sillage de l’affaire Bétharram et de ce que certains ont désigné comme le #MeToo de l’enseignement catholique. Il est trop tôt, en l’état des connaissances disponibles, pour les qualifier de systémiques, mais elles révèlent un climat de banalisation de la violence. Des violences psychologiques et physiques graves auraient ainsi par exemple été commises entre les années 1960 et 1990 au château de Burthécourt à Salonnes, au collège La Salle L’Aigle à Grenoble ou encore à l’institution Saint-Pierre de Saint-Pé à Bigorre.

  1.   Le tabou autour des violences sexuelles

Les violences sexuelles n’ont en revanche jamais fait l’objet d’une quelconque tolérance dans le droit positif français. Le code pénal ancien prévoyait d’ailleurs dès sa version de 1804, aux articles 332 et 333, que le fait de les commettre « sur la personne d’un enfant au-dessous de l’âge de quinze ans accomplis » était une circonstance aggravante, la peine prévue étant les « travaux forcés à temps », et même « à perpétuité […] si les coupables sont de la classe de ceux qui ont autorité sur la personne envers laquelle ils ont commis l’attentat, s’ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou s’ils sont fonctionnaires publics, ou ministres d’un culte ». Toutefois, là non plus, le contexte social ne peut être totalement écarté pour considérer la manière dont ces faits étaient traités. Le tabou autour des violences sexuelles était en effet tel, particulièrement lorsque les victimes étaient des enfants, qu’il constituait une formidable protection pour l’ensemble des prédateurs, qui pouvaient évoluer en toute impunité, malgré la rumeur, parfois même malgré des aveux.

Ce fut le cas dans l’affaire de l’école publique Paul Bert de Cosne-sur-Loire. Celle-ci fut révélée en 1997 par le suicide de l’une des victimes devenue adulte, un jeune CRS de 27 ans, qui avait dénoncé son agresseur, tout d’abord en portant plainte par courrier, puis quelques semaines plus tard en inscrivant les mots « Mon ennemi : Kaisermertz Jacques, violeur d’enfants » sur son miroir, avant de se donner la mort. L’enquête avait révélé que pendant près de 30 ans, cet instituteur, également moniteur d’éducation physique et dirigeant d’un club de karaté, avait agressé sexuellement ou violé au moins 76 victimes identifiées. Dans cette affaire, plusieurs enfants victimes avaient parlé à leurs parents dès le milieu des années 1970, ce qui contraste avec les situations précédemment évoquées. Leurs parents les avaient entendus, et avaient fait la démarche d’aller se plaindre au directeur de l’établissement. Ici, pas de stratégie d’intimidation ou d’exclusion des familles signalantes de la part du directeur, lequel, dès la deuxième plainte, avait alerté sa hiérarchie, à savoir l’inspecteur de circonscription et l’inspecteur académique.

Mais cette fois encore, l’inertie, la totale incompréhension de la gravité des faits, pour ne pas dire la complaisance de l’éducation nationale, sans qu’elle puisse se prévaloir dans ce cas d’espèce d’une prétendue méconnaissance, difficulté ou impossibilité à agir du fait du statut privé ou du caractère propre de l’établissement, ont permis aux agressions de se poursuivre pendant une vingtaine d’années supplémentaires. Selon un article de La Croix de l’époque relatant le procès aux assises, l’inspecteur avait en effet demandé au directeur d’effectuer lui-même une « rapide enquête ». Cette « enquête » improvisée ayant semblé conclure à la véracité des faits, l’agresseur avait été convoqué et l’instituteur avait admis une partie des faits – dès le milieu des années 1970. Les mesures prises par l’éducation nationale en réponse à ces « incartades » ([200]) laissent pantois : nul signalement à la justice, nulle procédure disciplinaire. En infraction totale avec toutes les règles de droit, ces enquêteurs de fortune avaient simplement décidé de mesures telles qu’obliger « Jacky » à ne plus rester dans sa classe durant les récréations et à démonter le rideau derrière lequel il faisait son spectacle de marionnettes. « De bonne foi, j’ai cru que nous avions obtenu de Jacky Kaisersmertz qu’il se ressaisisse et que les mesures avaient été efficaces », avait répondu à la barre l’ancien directeur de l’école, entendu en 2001 lors du procès aux assises, estimant qu’« à l’époque » – toujours cette fameuse « époque » –  « nous étions plus sceptiques à l’égard de la parole des enfants. Nous estimions qu’il était périlleux de lancer une procédure sur ces seuls témoignages » ([201]).

Un article du Figaro couvrant la même affaire précisait également que « le maître d’école avait la réputation d’être autoritaire, ce qui n’était pas pour déplaire. Peut-être savait-on moins que, sous sa férule, les élèves devaient faire des tours de classe à coups de pied dans le derrière. Une punition surnommée "la course à l’échalote" » ([202]). Une fois de plus, la concomitance très fréquente des différentes formes de violences apparaît.

Dans les établissements privés, de très nombreuses affaires de violences sexuelles couvrant les mêmes périodes (plus ou moins des années 1950-1960 aux années 1990-2000) ont été révélées par la presse dans le sillage de l’affaire Bétharram, par exemple à l’Institution libre de Combrée à Ombrée d’Anjou, au collège Richelieu de La-Roche-Sur-Yon, au centre scolaire Saint-Thomas d’Aquin à Oullins, au collège Saint-Félix Kerlois à Hennebont ou encore au collège-lycée Saint-Michel de Picpus à Paris. Si ces affaires concernent à ce stade des prédateurs isolés, et ne peuvent être qualifiées de systémiques ou d’institutionnelles, le silence qui les a entourées pendant des décennies malgré le fait que, dans bien des cas, de nombreuses victimes étaient concernées, témoigne, là encore, de l’étouffement de la parole des enfants qui prévalait alors particulièrement dans ces établissements.

Seules de très rares affaires concernant des années antérieures aux années 1990 avaient en effet été dévoilées à l’époque des faits, la plupart des autres n’ayant été révélées que bien plus tardivement, essentiellement début 2025. Dans le cas particulièrement révélateur de Saint-Michel de Picpus, où le prédateur, Jean P., aumônier et surveillant général de l’établissement, aurait sévi pendant deux décennies entre 1963 et 1983, les victimes expliquent n’avoir pour l’essentiel parlé qu’entre elles, et à demi-mot, pour se donner des conseils et éviter les agressions, notamment en serrant très fort leurs ceintures. Deux d’entre elles ont parlé à leurs parents sans que cela entraîne la moindre conséquence, l’une ayant même reçu une gifle pour ces propos. L’un de ces anciens élèves témoignait ainsi en mai 2025 dans Le Monde : « Je sais qu’avec le recul ça peut paraître délirant, mais ça passait » ([203]). Il ajoutait : « Quand on y réfléchit un peu, le gars a pris des risques insensés. » Sur cette dernière phrase seulement, il est permis de douter de la parole d’une victime, et le problème est bien là : dans une société qui banalisait les violences physiques et psychologiques prétendument « légères » faites aux enfants, qui refusait de voir ou même de nommer les violences sexuelles, encore moins d’en évaluer les conséquences, s’empressait de les minimiser quand elles étaient sous ses yeux, et où par conséquent ces sujets n’étaient jamais abordés avec les enfants, il apparaît donc bien que les pédocriminels ne prenaient en réalité, que très peu de risques. La parole des enfants, non sollicitée, était rare ; quand elle s’exprimait, elle était souvent mal reçue ; lorsqu’elle était entendue par leurs parents, les responsables des institutions mises en cause s’empressaient de l’étouffer, et dans les rares cas où cette parole parvenait à la justice, l’affaire se concluait par un classement sans suite, plus rarement un non-lieu, et plus rarement encore par une peine légère, souvent précédée par une requalification des faits pour en amoindrir la portée.

Comme l’indiquait le 4 avril 2025 Alice Casagrande, secrétaire générale de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) pour l’émission L’INA éclaire l’actu, « rétrospectivement, nous découvrons à quel point le sort de nos enfants importait peu » ([204]).

  1.   Des phénomènes accentués dans l’enseignement catholique

Outre la banalisation des violences éducatives ordinaires et le tabou des violences sexuelles, d’autres caractéristiques, tant organisationnelles que culturelles, propres à tout le moins à une partie des établissements de l’enseignement catholique, accentuaient le risque de commission de violences, voire de violences systémiques, à l’égard des élèves.

  1.   Un modèle éducatif explicitement plus strict, s’appuyant sur de nombreux internats

En premier lieu, la réputation même de certains de ces établissements, supposés offrir une éducation plus stricte et un encadrement plus étroit des élèves, constituait une vitrine séduisante pour certains parents. Celle-ci, selon le chercheur Éric Debarbieux, trouve ses racines dans « la définition augustinienne de l’enfant, [qui] fonde pour des siècles une pédagogie du redressement dont la hantise du péché originel justifiera tous les débordements » ([205]), et dont les marqueurs se retrouvèrent dans les pratiques pédagogiques des Jésuites et des Frères des écoles chrétiennes, puis dans une partie des établissements scolaires catholiques du XXe siècle.

Comme l’indiquait encore le sociologue Maurice Calvez dans son témoignage écrit transmis aux rapporteurs, la tolérance à l’égard des comportements violents était accrue dès lors qu’il s’agissait de « dresser, sinon de redresser […] des élèves "récalcitrants" que l’on qualifierait à l’heure actuelle d’élèves ayant des difficultés d’apprentissage ou des problèmes de comportement ». Or, ces élèves étaient particulièrement susceptibles d’être placés dans ce type d’établissements, qui étaient en outre très nombreux, au moins jusque dans les années 1970, à proposer des internats.

Si le choix de l’internat pouvait relever de motivations de très nombreux ordres, obéissant initialement dans bien des cas à des contraintes de distance géographique et de mobilité, il a évolué au fil du temps pour constituer pour de nombreuses familles une réponse éducative à une relation parent-enfant dégradée. Un article de Sud Ouest d’avril 1996 relatait ainsi un échange au sein de l’Apel du Pays basque faisant suite « aux derniers incidents survenus au collège de Notre-Dame-de-Bétharram », au sujet de « la forme d’éducation attendue dans les établissements catholiques ». Après y avoir condamné les « mauvais traitements à enfant », les parents avaient réfléchi « sur les conditions d’internat », estimant que « cette forme de scolarité joue un rôle social de plus en plus important pour des enfants en déperdition pour des raisons sociales ou familiales (échec scolaire ou comportement perturbé) », la présidente de l’Apel ayant conclu « qu’il faudra multiplier les internats avec un encadrement d’éducateurs mieux formés à cet exercice » ([206]). Au-delà du cas de Bétharram, la présence d’internats revient dans tous les établissements précités où sont décrites des violences systémiques, à l’exception notable de celui du collège Saint-Pierre au Relecq-Kerhuon.

On comprend de manière assez intuitive que l’internat joue un rôle de facilitateur pour les agresseurs, s’agissant notamment des violences sexuelles. En effet, leurs victimes étaient très largement isolées de potentiels soutiens familiaux puisque, jusqu’à la fin des années 1960, les visites aux familles ne se faisaient pas tous les week-ends mais uniquement durant les vacances scolaires, avant que ce rythme ne devienne bimensuel dans les années 1970. Ensuite, en même temps qu’elle se raréfiait, la solution du recours à l’internat a été plus souvent mobilisée, particulièrement au niveau collège et dans les établissements privés, dans des contextes de ruptures ou de conflits familiaux, que les agresseurs exploitaient volontiers. En favorisant l’isolement des enfants et la promiscuité entre enfants et adultes, l’internat pouvait ainsi constituer un terrain particulièrement propice aux violences, où les agresseurs pouvaient agir plus librement, et le plus souvent en toute impunité.

Lors de son audition devant la commission ([207]), le président Jean‑Marc Sauvé, en rappelant la périodisation effectuée par la Ciase, distinguait « la première période, avant Mai 68 et la césure de 1969-1970 […]. On compte à cette époque de très nombreux internats, en particulier dans l’enseignement privé, notamment à la campagne, peut-être en partie parce que les familles étaient peu motorisées – ce fut le cas pour moi. Dans l’enseignement secondaire existaient par ailleurs les petits séminaires, qui étaient, avant la généralisation du collège et du lycée publics accessibles à tous, la voie ouverte aux enfants des familles catholiques qui ne pouvaient pas assumer financièrement une scolarité dans un établissement d’enseignement privé ». Puis la deuxième période, « à partir de 1970, [où] deux évolutions majeures se produisent. D’abord, le nombre d’internats et leur part dans l’enseignement se réduisent substantiellement. Ensuite, les prêtres et les religieux se retirent des établissements scolaires privés, qui sont confiés à des personnes laïques : leur nombre, très élevé jusque-là, chute verticalement ». Enfin, « la troisième période », caractérisée par un « basculement profond qui s’est opéré à partir des années 1990 », sur laquelle le présent rapport reviendra plus en détail infra.

Et en effet, si la tendance est inversée aujourd’hui, les internats étaient dans le passé près de deux fois plus nombreux dans les établissements privés : les données disponibles font état d’une part d’élèves internes de 11 % dans les établissements publics en 1970-1971, passée en 1983-1984 à 6,1 %, quand, aux mêmes dates, les établissements privés comptaient un taux d’élèves internes respectivement de 22 % et 11,2 % ([208]).

Un mémoire de recherche retrouvé par les rapporteurs dans les archives de l’établissement Le Beau Rameau, ex-Bétharram, portant sur l’internat et rédigé en 1994 par un enseignant récemment arrivé dans l’établissement, indiquait ainsi qu’« on ne peut penser l’internat sans évoquer ses triples racines historiques dans les institutions religieuses, médicales et militaires », évoquant « le rythme de la cloche, l’isolement géographique et les locaux austères » comme « héritages des monastères », la proximité avec la notion « d’internement, synonyme d’enfermement pour regrouper, isoler, soigner, et rééduquer », « héritage du monde médical des siècles passés », ainsi que « les rangs, les grands dortoirs, la hiérarchie et les sanctions graduées », « pierres d’angle du pouvoir disciplinaire militaire utilisées par les institutions religieuses scolaires des deux siècles passés » ([209]). Les similitudes entre le monde religieux et le monde militaire sont en effet nombreuses ([210]) : les notions de vocation et d’idéal et leurs corollaires que sont l’engagement et l’esprit de sacrifice leurs sont communs, de même que l’esprit et la vie communautaires qui les caractérisent, assortis d’une structure très hiérarchisée et de l’omniprésence des figures d’autorité ; enfin, ces deux mondes accordent une place fondamentale à la tradition et à la mémoire du passé.

De telles conditions, appliquées à des enfants ou à de jeunes adolescents, peuvent aisément favoriser une conception de l’obéissance davantage conçue comme une soumission, favorisée par l’isolement, la surveillance et l’annihilation de tout esprit critique et de toute résistance par la sacralisation de l’autorité. Le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) cite ainsi une tribune du père Laurent Stalla Bourdillon, selon lequel « l’image idéalisée du prêtre […] peut conférer aux abuseurs un sentiment de toute puissance et d’impunité : "Le rayonnement de cette image dans l’esprit des fidèles les a conduits souvent à prêter à « l’homme de Dieu » une « perfection » dont l’affirmation neutralise tout esprit critique" » ([211]). Le rapport pointait ainsi « des risques spécifiques à l’Église dus à la position d’autorité des prêtres et religieux, position d’autorité cumulée à leur accès à l’intimité des enfants ou des jeunes, dans un contexte de confiance très forte » ([212]).

  1.   Une loi du silence particulièrement prégnante

Les travaux de la Ciase ont également mis en cause le rôle des dogmes de l’Église catholique, notamment la façon dont sont abordées les questions de sexualité, dans la prégnance des abus sexuels dans l’Église et dans les entités placées sous son autorité. Si la commission n’a pas vocation à s’immiscer dans ces questions d’ordre théologique, elle relèvera toutefois la puissance de la loi du silence qui régnait dans cette institution, résultat de deux phénomènes cumulatifs :

– l’absence ou l’indigence des grilles de lecture données aux victimes potentielles pour comprendre ce que sont les violences sexuelles, et au contraire le sentiment de toute puissance conféré aux agresseurs par l’aura de sacralité qui les entourait, ces deux logiques que la Ciase qualifiait de logiques « d’emprise institutionnelle » renforçant l’asymétrie entre victimes et agresseurs potentiels qui prévalait dans toute la société ;

– des « traits caractéristiques d’une certaine culture au sein de l’Église catholique » : « le déni et l’euphémisation des abus, la culture du secret et du silence, la peur du scandale – cette notion étant dévoyée en protection de l’institution », et donc des agresseurs ([213]).

Si cette protection de l’institution ne caractérise pas, loin s’en faut ([214]), la seule Église catholique, c’est le cumul de ces caractéristiques au sein de cette institution qui a pu contribuer à y renforcer la loi du silence. Il faut ajouter, comme l’indique le rapport de la Ciase et comme les développements précédents sur l’affaire Bétharram tendent à le confirmer, que « des complicités dans la chaîne judiciaire pénale, au sein des services d’enquête ou des autorités de poursuite, ont pu inciter l’Église à persévérer dans cette attitude » ([215]).

Alice Casagrande, secrétaire générale de la Ciivise, considérait ainsi dans l’émission précitée de l’INA, que « la puissance de cette injonction de silence est absolument colossale dans l’Église catholique », ce qui ressort également du témoignage devant la commission de Constance Bertrand, représentante du collectif de victimes de l’Institut Saint-Dominique de Neuilly : « L’omerta est le modus operandi de toutes les écoles privées catholiques. Il ne faut pas attenter à leur réputation : pas de bruit, pas de vague. Comme on me l’a redit récemment, "On lave notre linge sale en famille". »

  1.   Dévoiements et instrumentalisations de l’autorité et de la sacralité

Enfin, comme l’indiquent le rapport de la Ciase mais aussi des personnalités très impliquées dans la lutte contre les violences sexuelles dans l’Église, à l’instar de Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref), « la Parole de Dieu a été tordue pour servir les intentions les plus viles. La Tradition détournée par des théologies hallucinantes. Des manipulateurs ont usé de l’autorité que Dieu leur conférait – disaient-ils – pour fracasser des enfances, des consciences, des confiances » ([216]). Certaines « communautés nouvelles » sont notamment pointées du doigt par le rapport de la Ciase pour le détournement de certains aspects du dogme qu’elles ont pu opérer afin de faciliter des agressions sexuelles de fidèles.

Les différents cas de violences systémiques étudiés par la commission font également apparaître une instrumentalisation de leur position sacrée par plusieurs agresseurs pour la mettre au service d’idéologies ou de concepts étrangers à l’Église catholique et caractérisant un extrémisme propice à la commission de toutes sortes de violences. C’était le cas au Relecq-Kerhuon, où le directeur de l’établissement avait, on l’a vu, repris à son compte le concept de « pédoplégie » et ne cachait pas sa fascination pour le IIIe Reich, à l’instar d’autres adultes de l’établissement, dont l’un se plaisait même à dire que son père avait été le jardinier d’Adolf Hitler. Comme l’indique l’un des témoignages écrits reçus du collectif de victimes de cet établissement, « en cours de catéchisme, le père L. nous parlait de la grandeur du IIIe Reich et de sa nostalgie de la grande Allemagne nazie ; cela resitue le débat dans son contexte ».

Cette fascination pour l’idéologie nazie se retrouvait également, selon l’ouvrage précité d’Ixchel Delaporte, chez l’un des directeurs du Village d’enfants de Riaumont, qui aurait disposé dans son bureau, à la vue de tous, d’une vitrine abritant une collection d’objets, dont certains du IIIe Reich. Plusieurs victimes de Riaumont, de même que des images d’archives, témoignent du fait que cette idéologie, amalgamée à des discours et pratiques visant à transformer les enfants en « soldats du Christ », imprégnait le « projet pédagogique » de ce village-école, où on allait jusqu’à faire effectuer des saluts nazis aux élèves. Cette composante est bien moins présente à Bétharram, où les témoignages mentionnent toutefois un surveillant particulièrement violent qui arborait, de façon visible, des tatouages nazis.

Ces dérives exceptionnelles ne sont en rien représentatives de l’enseignement catholique. Elles indiquent toutefois que certains tenants de pratiques violentes ou d’idéologies d’extrême droite ont pu utiliser cette « vitrine » pour tenter de faire prospérer leurs idées nauséabondes en les inculquant par la violence à des enfants démunis et en profitant de la couverture et de la protection que leur offraient leur statut et leur aura si particuliers.

II.   PASSÉ ET PRÉSENT : LES VIOLENCES FAITES AUX ENFANTS PERSISTENT EN MILIEU SCOLAIRE COMME DANS LE RESTE DE LA SOCIÉTÉ

Le lecteur de ce rapport aura tôt fait, en première analyse, de renvoyer tous ces composants du terreau socio-culturel des violences commises par des adultes sur des enfants en milieu scolaire à un passé révolu. L’argument selon lequel ces situations appartiendraient à une époque circonscrite et désormais passée a cela de commode qu’il permet à la fois d’apporter une forme d’explication, sinon de justification à l’inertie des générations d’adultes qui n’ont pas su ou voulu protéger les enfants, et une réassurance face à un présent et un avenir débarrassés de cette éprouvante question. Cet élément d’explication a tant été avancé, y compris par certaines victimes, qu’il convient de l’examiner, et non de le balayer d’un revers de la main. Il faut aussi lui reconnaître une part de vérité car en effet, sur cette question de la place des enfants comme sur d’autres, des évolutions, voire des révolutions successives sont intervenues. Mais pour quel résultat ?

A.   des avancées cycliques notables, qui laissent néanmoins l’amère impression d’un éternel recommencement

De nombreuses avancées, opérées par à-coups et remettant en cause à la fois les conceptions les plus autoritaires de l’éducation et la loi du silence entourant les violences sexuelles, se sont produites depuis les années 1970 et de manière bien plus importante depuis le début des années 1990, puis dans les années 2020, dans le sillage du mouvement #MeToo et des travaux de la Ciase et de la Ciivise.

1.   Un bannissement très lent des violences éducatives, qui continue de faire l’objet de très fortes résistances

a.   La reconnaissance des enfants, et donc des élèves, comme sujets de droit

Si le mouvement de mai 1968 peut être mentionné, en ce qu’il s’était largement constitué autour de la remise en cause de la figure du pater familias, aboutissant notamment à la loi de 1970 substituant « l’autorité parentale » à la « puissance paternelle », les clivages politiques et donc le rejet qu’il suscita dans une frange importante de la population, de même que les graves errements des années 1970 auxquels il a pu donner lieu s’agissant d’un prétendu consentement des enfants aux relations sexuelles ([217]), ne permettent pas, loin s’en faut, de conclure à une rupture décisive sur les questions qui font l’objet du présent rapport.

La première véritable rupture, aboutissant de façon bien plus directe et bien plus consensuelle à la reconnaissance des enfants comme véritables sujets de droit, intervient à l’aube des années 1990. Le 20 novembre 1989, l’Assemblée générale des Nations unies adopte la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide), traité sur les droits humains le plus largement ratifié de l’histoire, avec 196 États signataires. Ce traité fait émerger la notion d’« intérêt supérieur de l’enfant » et reconnaît notamment à celui-ci « le droit d’être protégé de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation » ainsi que « le droit d’être protégé contre toutes les formes de discriminations ». L’article 19 stipule que les États-membres doivent prendre « toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents […] ou de toute autre personne à qui il est confié ».

La même année, le Parlement français avait adopté, le 10 juillet, la loi relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et à la protection de l’enfance, qui avait notamment conduit à la création du service national d’accueil téléphonique pour l’enfance maltraitée, le 119.

À l’école, la circulaire du 6 juin 1991 proclamait que « tout châtiment corporel est strictement interdit », à l’instar de toute forme de violence éducative, qu’elle soit physique ou psychologique : « Le maître s’interdit tout comportement, geste ou parole qui traduirait indifférence ou mépris à l’égard de l’élève ou de sa famille, ou qui serait susceptible de blesser la sensibilité des enfants. » Elle prévoyait une gradation des sanctions possibles, aucune ne l’étant à l’école maternelle à part l’« isolement pendant un temps très court » et sous surveillance, et rappelait que l’admission des élèves ne peut donner lieu à aucune discrimination. Des circulaires ultérieures rappelleront le principe de gradation des sanctions et du contradictoire lorsque sont prises des mesures disciplinaires à l’égard d’élèves. Parallèlement, deux circulaires, une circulaire interministérielle du 14 mai 1996 portant sur la prévention de l’ensemble des violences en milieu scolaire et une circulaire du ministre François Bayrou du 15 mai 1997 sur la prévention des mauvais traitements à l’égard des élèves, sont prises, la seconde notamment pour « informer et former les adultes en relation avec les enfants pour qu’ils sachent entendre et comprendre les élèves, avertir les autorités compétentes », en l’occurrence « le président du Conseil général ». Si cette circulaire restait assez vague sur le type de violences qu’elle visait, ne citant ni le code pénal, ni les autorités judiciaires, et s’en remettait largement aux acteurs locaux pour les modalités pratiques de sa mise en œuvre, elle préconisait toutefois des partenariats entre éducation nationale et conseils généraux d’une part, pour le traitement que l’on désigne aujourd’hui par l’expression d’« informations préoccupantes », et entre éducation nationale et associations agréées par l’État, d’autre part, pour la sensibilisation des élèves et la formation des personnels.

b.   Un enjeu de santé publique

Ce souci nouveau de protéger les enfants contre toutes les formes de violences répond bien sûr à l’impératif posé par le principe de respect de la dignité humaine, mais pas uniquement. À mesure que sont examinées les conséquences des violences sur le développement des enfants, et des futurs adultes, le bannissement des violences apparaît progressivement comme un enjeu de sécurité, et surtout de santé publique.

Un enjeu de sécurité d’abord, les enfants ayant subi des violences étant plus susceptibles d’en commettre à l’adolescence sur des enfants plus jeunes, ou à l’âge adulte, sur d’autres adultes, mais surtout sur leurs propres enfants, par le phénomène de transmission intergénérationnelle des violences.

Un enjeu de santé publique, surtout. Dès 1984, la philosophe et psychologue Alice Miller écrivait dans son ouvrage C’est pour ton bien ([218]) : « On peut faire de l’enfant une foule de choses […], le plier, disposer de lui, lui enseigner de bonnes habitudes, le corriger et le punir, sans qu’il arrive quoi que ce soit, sans que l’enfant se venge. Il n’empêche qu’il ne parvient à surmonter sans difficulté l’injustice qui lui a été faite qu’à la condition de pouvoir se défendre, autrement dit à la condition de pouvoir donner à sa souffrance et à sa colère une expression structurée. S’il lui est interdit de réagir, parce que les parents ne supportent pas ses réactions (cris, tristesse, colère) et les interdisent […], l’enfant apprend à se taire. Son mutisme garantit certes l’efficacité des principes d’éducation, mais il recouvre […] les foyers d’infection de l’évolution ultérieure. »

Dès les années 1990, de nombreux travaux, surtout de recherches médicales, principalement anglo-saxonnes, établissent en effet une corrélation entre maltraitances subies dans l’enfance et problèmes de santé mentale mais aussi physique à l’âge adulte ([219]). L’étude prospective « ACE » pour Adverse Childhood Experiences, conduite en 1998 sur plus de 17 000 patients par Vincent Felitti, chef du service de médecine préventive de l’établissement du Kaiser Permanente de San Diego, et Robert Anda, épidémiologiste au centre de contrôle et de prévention des maladies d’Atlanta, a notamment conduit à démontrer que l’un des principaux déterminants de la santé à 55 ans était d’avoir subi des violences dans l’enfance, les conséquences étant proportionnelles à la gravité et au degré de répétition des violences subies.

Les violences subies dans l’enfance sont ainsi établies comme un facteur favorisant l’alcoolisme, la toxicomanie, l’obésité sévère, les troubles psychiatriques tels que la dépression, les troubles anxieux et troubles graves de la personnalité, mais aussi les troubles de l’immunité, maladies chroniques invalidantes ou fractures osseuses et les maladies cardiaques et respiratoires, le cancer, et les maladies du foie.

Les travaux de la psychiatre Muriel Salmona et, dans leur continuité, diverses études neuroscientifiques, ont permis de commencer à établir les mécanismes psychologiques et neurobiologiques de cet impact des violences sur le développement de pathologies de toutes natures. L’exposition aux violences et la peur – voire la terreur – qu’elles suscitent, particulièrement chez les enfants et les personnes vulnérables, provoquent une réponse physique, déclenchée par l’amygdale cérébrale pour assurer la continuité de l’alimentation du corps en oxygène et en glucose. Concrètement, cette réponse consiste en la production massive d’adrénaline et de cortisol, hormones de stress, à des taux toxiques pour l’organisme, qui entraînent des risques cardiovasculaires majeurs, voire vitaux dans les cas les plus graves, ainsi que des risques d’atteintes neuronales.

En outre, cette réponse en génère une autre, à l’origine de la mémoire traumatique et des symptômes qui lui sont associés, à savoir une disjonction du circuit émotionnel engendrant un état d’anesthésie physique et émotionnel, mieux connu sous le terme de « sidération ». Selon Muriel Salmona, cette disjonction empêcherait le traitement des événements par l’hippocampe, lequel intègre et transforme normalement la mémoire émotionnelle « en mémoire autobiographique et verbalisable », laissant la place à une mémoire traumatique, véritable « bombe à retardement susceptible d’exploser souvent des mois, voire de nombreuses années après les violences », et contenant « tout ce qui se rapporte aux faits de violences, à leur contexte et à l’agresseur (ses mimiques, ses mises en scène, son excitation, ses cris, ses paroles, son odeur, etc.) ». Afin d’éviter l’explosion, les enfants, et particulièrement les adolescents, développeraient ainsi des stratégies d’évitement, puis, en l’absence de sécurisation, des « conduites à risque dissociantes ». Souvent incomprises par les adultes, ces conduites sont le plus souvent « interprétées comme provenant de l’enfant, de sa nature, de son sexe, de sa personnalité, de sa mauvaise volonté, de ses provocations […] voire par l’influence délétère d’une surprotection » ([220]). Cette incompréhension, qui conduit le plus souvent à l’absence de parole et donc de soin des victimes, amplifierait ainsi les conséquences sur la santé de l’enfant et du futur adulte.

Les connaissances scientifiques ont donc progressivement contribué à jeter le discrédit sur les méthodes pédagogiques fondées sur l’emploi de la violence. Au contraire, il est désormais admis qu’elles peuvent altérer le développement cognitif et les capacités d’apprentissage et favoriser l’absentéisme et le décrochage scolaires. L’Organisation mondiale de la santé considère ainsi que « l’exposition à la violence à un âge précoce peut perturber le développement cérébral, […] affecter le développement cognitif et entraîner des mauvais résultats scolaires ou professionnels » ([221]).

c.   Des résistances persistantes à l’interdiction des châtiments corporels

Malgré ces évolutions, la jurisprudence continuait imperturbablement à faire usage du « droit de correction » pour examiner les affaires de violences envers des enfants ou des élèves, y compris pour prononcer des relaxes. Un arrêt rendu le 4 mai 1998 par la cour d’appel de Caen, considérait ainsi qu’un professeur ayant traîné un élève par le col sur deux étages jusqu’à son bureau n’avait pas excédé les bornes du « droit de correction reconnu à un instituteur », à l’égard d’un élève ayant manifesté de l’insolence et de la provocation, malgré un premier avertissement. Au-delà du fond de l’affaire, c’est bien la persistance de la reconnaissance d’un droit de correction, y compris en milieu institutionnel, qui souligne les contradictions et ambiguïtés de la société française sur la question des violences faites aux enfants.

Ce droit de correction s’était d’ailleurs également invité lors du procès en juin 1996 de Marie-Paul D., surveillant général de Notre-Dame de Bétharram, à la suite de la plainte déposée par Jean-François Lacoste-Seris. L’avocat de la défense avait ainsi indiqué au tribunal qu’il « allait devoir apprécier le droit de correction ». Si le procureur avait admis « la nécessité de faire respecter l’ordre », il avait pourtant jugé, en l’espèce, que la punition était « disproportionnée » et condamné le surveillant général à une peine d’amende avec sursis ([222]). S’il apparaît donc que les graves violences commises à Bétharram ne trouvaient pas justification, y compris à l’époque, la légèreté de la peine, une simple amende avec sursis, traduit tout de même encore une forme d’exception dans l’appréciation des circonstances des violences dès lors et uniquement lorsque celles-ci concernaient des enfants ([223]).

Cette jurisprudence constante, dépourvue de tout fondement légal et en contradiction flagrante avec les obligations conventionnelles de la France, dénotait une très forte résistance d’une partie de la société, et notamment de l’institution judiciaire, au nom de la « coutume », à condamner clairement les violences faites aux enfants par les détenteurs de l’autorité. Dans son observation générale n° 8 publiée le 2 mars 2007, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies soulignait ainsi « qu’éliminer les châtiments violents et humiliants à l’égard des enfants par la voie d’une réforme législative […] constitue une obligation immédiate et inconditionnelle des États parties ». De même, dans son observation générale n° 13 publiée le 18 avril 2011, il réaffirmait que « toutes les formes de violence contre les enfants, aussi légères soient-elles, sont inacceptables ». Par une décision du 12 septembre 2014, le Comité européen des droits sociaux avait pour sa part condamné la France, sur le fondement de l’article 17 de la Charte sociale européenne des droits sociaux révisée, en raison de « l’absence d’interdiction explicite et effective de tous les châtiments corporels envers les enfants en milieu familial, scolaire et autre cadres ».

Cette condamnation avait suscité des débats en France, et un certain nombre de sondages, lesquels révélaient une opinion publique assez largement défavorable à une telle mesure. Un sondage Ifop pour Le Figaro avait ainsi montré que 70 % des Français étaient défavorables à une interdiction des châtiments corporels, avec un effet âge marqué (43 % des 18-24 ans y étaient favorables contre seulement 24 % des 50-64 ans), de même qu’un net effet de la sensibilité politique (entre 35 et 39 % d’électeurs de la gauche et du centre y étaient favorables, contre 25 % des électeurs proches de la droite et 19 % des électeurs du Front national). Enfin, un effet sexe notable, quoique plus modeste, apparaissait, avec 33 % de femmes favorables à cette interdiction contre 27 % d’hommes ([224]).

C’est pourtant à la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale, et à l’unanimité au Sénat, que le Parlement français, pour mettre un terme explicite au droit de correction, a adopté la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction des violences éducatives, dont l’article 1er modifiait l’article 371-1 du code civil pour préciser que « l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Issue d’une proposition de loi à l’initiative de plusieurs députés du groupe Modem, après plusieurs autres textes n’ayant pas abouti, cette loi ne concernait pas explicitement les autres formes d’autorité, et donc le milieu institutionnel, puisqu’elle ne modifiait ni le code de l’éducation ni le code de l’action sociale et des familles.

Recommandation n° 3 : Inscrire dans le code de l’éducation (article L. 111-1) et le code de l’action sociale et des familles (article L. 119-2) l’interdiction de tout châtiment corporel ou traitement humiliant à l’égard des enfants.

Cette intervention sans ambiguïté du législateur n’a pourtant pas suffi à clarifier la situation, de nombreuses résistances et vents contraires continuant de s’exprimer. Un rapport de 2022 du Défenseur des droits estimait ainsi que « malgré la loi du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires […], la société déculpabilise encore trop les adultes lorsqu’ils frappent les enfants au nom de principes éducatifs et les tabous persistent encore en la matière. À titre d’exemple, le Défenseur des droits est régulièrement saisi de situations de violences exercées en milieu scolaire sur des enfants par des enseignants. Il est donc essentiel de rappeler qu’aucune circonstance ne peut justifier un acte de violence, quel qu’il soit, à l’encontre d’un enfant, y compris la volonté de "l’éduquer". Il est également impératif de garantir l’application effective de l’interdiction des châtiments corporels et des traitements humiliants par les professionnels de l’enfance et tous les organismes prenant en charge et accueillant des enfants » ([225]).

La résistance s’invite même dans des paroles publiques de représentants de l’État. Les propos de l’ancien préfet de l’Hérault en 2023, qui conseillait « deux claques et au lit » aux parents dont les enfants s’étaient trouvés mêlés à des émeutes urbaines, avaient par exemple suscité un certain émoi des associations spécialisées.

Plus grave et plus surprenante, une décision de la cour d’appel de Metz de 2024 ([226]), laquelle a fait l’objet de plusieurs recours, du parquet, du Défenseur des droits et d’associations de protection de l’enfance ainsi que des parties civiles, réinstaurait, contra legem, le fameux « droit de correction », à la faveur d’un ancien fonctionnaire de police, pourtant condamné en première instance à 18 mois de prison avec sursis, au retrait total de l’autorité parentale, ainsi qu’à effectuer un stage de responsabilité parentale.

Dans sa décision, la cour reconnaît ainsi que les faits décrits, grosses gifles, fessées, agressivité permanente, étranglements, insultes, constituent bien des « violences », avant de les minorer : l’accusé, qui jouit « d’une personnalité décrite comme entière et forte », n’aurait selon elle pas infligé de « punition humiliante telle que des coups de cravache ou l’obligation de manger au sol ». Cette décision absolument incompréhensible révèle, s’il était besoin, combien les avocats des châtiments corporels demeurent actifs et influents.

Cette idée que, s’agissant des enfants, les violences peuvent être tolérées au nom d’un droit – voire d’un devoir – de correction, transparaissait également dans les propos tenus par François Bayrou, lors de son audition par la commission le 14 mai 2025 à propos de la claque qu’il avait donnée en 2007 à un enfant dont il assurait que celui-ci tentait de subtiliser son portefeuille : « Ce n’était pas du tout une claque violente : c’était une tape, en effet, de père de famille. Si quelqu’un ici pense que jamais il n’a donné une tape à un enfant… Je crois que beaucoup, s’ils sont honnêtes, pourront admettre qu’ils l’ont fait. Pour moi, ça n’est pas de la violence. »

Le droit de correction semble loin de n’être que le vestige d’une histoire ancienne ou la lubie d’une minorité : une étude publiée le 6 juin 2024 par la Fondation de l’enfance démontrait ainsi que, cinq ans après l’interdiction des violences éducatives ordinaires, 60 % des Français considéraient encore que cette loi constituait « une intrusion de l’État dans les affaires privées ». Évoquant l’affaire Bétharram dans un entretien au Monde le 8 mars 2025, la spécialiste des droits de l’enfant Marion Cuerq estimait ainsi que « des parents ont choisi de placer leurs enfants à Bétharram parce qu’ils savaient que la discipline y était dure et que leurs enfants y seraient "tenus" » et que « beaucoup demeurent persuadés que la culture de la punition est une garantie de la réussite de l’enfant, sans avoir bien conscience qu’elle est un terreau propice aux maltraitances. Les silences autour de Bétharram en disent long sur le problème de la France à l’égard des droits de l’enfant. » ([227])

2.   Faire face aux violences pédocriminelles à l’école

a.   Dans l’enseignement public, une prise de conscience dès les années 1990, freinée par de nombreux obstacles

À l’instar des autres formes de violences, et dans la continuité de l’adoption de la Cide et de la loi du 10 juillet 1989 précitée, la décennie 1990 fut celle d’une première véritable prise de conscience de l’ampleur des violences sexuelles faites aux enfants et du silence assourdissant qui les entourait. Le nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er mars 1994, définissait d’ailleurs enfin ces infractions en des termes appropriés. La notion d’« attentat à la pudeur », qui renvoyait à l’idée d’une inconvenance faite à la morale plutôt qu’à une violence faite aux victimes, disparaît, pour être remplacée par trois infractions : le viol, les autres agressions sexuelles et les atteintes sexuelles. La parole se libère et la justice prend davantage ces affaires en considération, si bien qu’entre 1984 et 1993, le nombre de condamnations pour faits de viol sur mineurs est multiplié par six ([228]).

Une première circulaire interministérielle du 3 mai 1995, relative à la prévention des mauvais traitements et des abus sexuels à l’égard des enfants, aborde timidement et prudemment le sujet, essentiellement sous l’angle de la prévention par la sensibilisation et l’information des enfants « et de leurs familles », mais sans faire référence à la loi pénale, à la sanction des agresseurs ou à la justice pour les victimes. Les mots « viol » ou « agression sexuelle », pourtant récemment entrés dans le code pénal, n’y apparaissent pas, et des termes non juridiques tels qu’« abus sexuels » ou « mauvais traitements » leur sont préférés.

En 1996, l’émoi suscité par la retentissante affaire Marc Dutroux, contribue à une sensibilisation inédite de l’opinion publique sur ce qui est encore désigné comme la « pédophilie » et met un terme définitif aux discours des années 1970 et 1980 tendant à minimiser voire à faire l’apologie de ces violences ([229]). La parole des victimes se libère massivement, et fait éclater un nombre important d’affaires pédocriminelles touchant plus ou moins directement l’éducation nationale. En mars 1997, deux proviseurs et des enseignants sont identifiés parmi les 230 personnes interpellées dans le cadre de l’affaire « Ado 71 ». En avril 1997, éclate l’affaire de Cosne-sur-Loire, déjà évoquée plus haut. Le procès aux assises, en juin 2001, ne sera d’ailleurs pas seulement celui de Jacky Kaisermertz, mais aussi celui de l’éducation nationale : dans son réquisitoire, le procureur de la République s’était ému de l’« inertie » de l’administration et de ce « silence extraordinaire ayant valu à Jacques Kaisersmertz une impunité totale pendant près de trente années ». Dans ce cas précis, la justice n’a pas failli, condamnant l’agresseur à 18 ans de réclusion criminelle. En mai 1997, deux directeurs d’écoles primaires des Yvelines et de la Manche sont mis en examen, de même qu’un enseignant dans l’Aude. En juin, le directeur d’une école de Châteaurenard, dans le Loiret, se suicide après avoir été mis en examen pour des faits d’agressions sexuelles. Cette période apparaît rétrospectivement, en se permettant un anachronisme, comme le #MeToo de l’enseignement public.

En pleine alternance politique, la nouvelle ministre déléguée à l’enseignement scolaire, Ségolène Royal, qui a témoigné devant la commission avoir été sensibilisée très tôt sur le sujet en suivant de près des affaires intervenues dans sa circonscription des Deux-Sèvres, prend dès le 26 août 1997 une circulaire portant instruction sur les violences sexuelles. Cette fois-ci, la question est abordée sans fard ni ambiguïtés, dès l’introduction qui précise que « le phénomène des violences sexuelles […] concerne près d’un enfant sur dix », le plus souvent dans la famille, mais « dans 10 % des cas », du fait « d’une personne ayant autorité sur le mineur, tel qu’un enseignant ou un éducateur ». Elle rappelle que « l’actualité récente a mis en lumière de nombreux faits de pédophilie commis au sein de l’institution scolaire ou à l’occasion d’activités extérieures organisées par des établissements ». Elle marque le souhait d’une véritable révolution après « une trop longue période de dénégation de la pédophilie » : « la parole de l’enfant qui a trop longtemps été étouffée doit être entendue et écoutée et sa souffrance prise en compte, car c’est à partir de la sanction du crime ou du délit que peut s’opérer pour la victime, un lent travail de reconstruction. »

La circulaire n° 97-175 du 26 août 1997, dite circulaire « Royal » portant instruction sur les violences sexuelles

La circulaire se compose de dix parties formant un dispositif très complet.

La première rappelle les dispositions pénales applicables à l’ensemble des infractions concernées par la circulaire : viol, autres agressions sexuelles, atteintes sexuelles, corruption de mineurs et exploitation à caractère pornographique de l’image d’un mineur. La circulaire liste ensuite les voies juridiques existantes pour les personnes s’estimant injustement mises en cause.

La troisième partie rappelle les obligations de signalement « s’imposant à tous » et celle qui s’imposent « spécifiquement aux fonctionnaires », avant de préciser dans la quatrième partie les modalités de signalement, selon que la personne qui l’effectue a une connaissance directe des faits ou des soupçons issus de la constatation de « signes de souffrance », d’une rumeur ou de témoignages indirects. La circulaire précise que « concrètement, chacun doit comprendre que les mutations destinées à étouffer les affaires ou à faire taire les familles constituent des délits sévèrement réprimés par la loi ».

La cinquième partie évoque les mesures conservatoires, lesquelles doivent être prises « au plus tard » au stade de la mise en examen de la personne mise en cause. La partie suivante évoque les sanctions disciplinaires, pour lesquelles la circulaire estime qu’il est « préférable d’attendre l’issue du procès pénal ».

La septième partie concerne « l’assistance morale et matérielle de l’enfant et de la famille », l’assistance morale devant être mise en œuvre dans le cadre de partenariats avec les conseils généraux, tandis que l’aide matérielle, consistant notamment dans l’aide apportée pour constituer un dossier en vue de l’obtention d’une aide juridictionnelle, relève des centres de ressources de l’éducation nationale, une aide du rectorat pouvant être sollicitée pour les cas les plus urgents. La partie suivante invite à la mise en place de centres d’écoute au sein des établissements, à destination de la communauté éducative dans son ensemble.

La neuvième partie évoque les relations entre l’éducation nationale et la justice en des termes précis et novateurs : « Il n’est pas indifférent de rappeler que le secret de l’instruction, légitimement opposé par l’autorité judiciaire, ne concerne que le fond de l’enquête en cours. Afin de dissiper tous les malentendus, il convient de mettre en place une collaboration étroite, rapide et constante entre l’éducation nationale et la Justice dont le principe doit être constamment réaffirmé. » La circulaire précise ainsi que « les autorités académiques pourront demander aux procureurs de la République la communication de trois éléments », à savoir « l’identité du fonctionnaire concerné », « la qualification pénale des faits retenus […] mais sans précision sur les circonstances » et les éventuelles mesures privatives de liberté décidées par le juge d’instruction, car « une mesure de suspension pourra être valablement prolongée dès lors qu’il aura été interdit à une personne mise en examen et placée sous contrôle judiciaire de se rendre dans tel ou tel établissement scolaire, voire de n’exercer aucune fonction mettant en contact l’intéressé avec des mineurs ».

Enfin, la dixième partie porte sur l’application de ces dispositions aux établissements privés et à ses personnels.

La publication de cette circulaire s’était accompagnée de mesures de sensibilisation et de prévention, telles que la distribution dans toutes les écoles d’un guide intitulé Mon corps c’est mon corps, j’ai le droit de dire non et de la large diffusion d’un film pédagogique, Mon corps c’est mon corps.

L’ensemble des connaissances utiles à la compréhension de l’ampleur et des modalités de lutte contre les violences sexuelles, ou presque, étaient donc déjà disponibles et largement diffusées, au moins dès 1997, auprès d’un large public d’élèves, de parents, d’éducateurs et de fonctionnaires, de l’éducation nationale, mais aussi de la justice. La loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, défendue par la garde des sceaux Élisabeth Guigou, viendra en effet consacrer l’engagement du gouvernement sur ce sujet en prévoyant, outre le suivi socio-judiciaire des agresseurs, des modalités précises de recueil de la parole des enfants ainsi qu’un certain nombre de mesures de prévention, telles que l’interdiction pour les agresseurs d’exercer auprès de publics mineurs.

Pourtant, des contrefeux furent vites allumés. Le suicide le 10 juin 1997 d’un enseignant à la suite d’une mise en cause avait provoqué l’émotion de sa famille, laquelle avait par la suite tenté de faire annuler la circulaire – non encore publiée au moment des faits – par le Conseil d’État, cette démarche trouvant de nombreux relais. En mai 1998, un collectif de cinq enseignants mis en cause, le collectif Jamac ([230]), s’était également constitué, tandis que le Snep-FSU – à l’inverse des autres syndicats, il faut le préciser – n’eut de cesse de demander une renégociation de la circulaire, qui selon lui ne permettait « pas de respecter suffisamment la présomption d’innocence des enseignants ». Le syndicat entendait ainsi « mettre un coup d’arrêt aux plaintes injustifiées, qui, en se multipliant, risquent de rendre impossible le métier d’éducateur ». Le successeur de Ségolène Royal, Jack Lang, émit lui-même de discrètes mais remarquées réserves sur la circulaire, estimant en février 2001 que « la vigilance doit être dans tous les sens afin d’éviter les dérives. Il faut rester attentif sur les phénomènes de délation » et « garder la tête froide » ([231]).

En 2002, un ouvrage co-écrit par l’avocate Florence Rault et le psychiatre Paul Bensussan ([232]), intitulé La dictature de l’émotion, dénonçait les « effets pervers » de la circulaire Royal, la « sacralisation de la parole des enfants » et l’entrée dans une « ère du soupçon » ([233]). Lors de son audition devant la commission, Ségolène Royal indiquait « que dans l’éducation nationale, il y a encore cette vieille rengaine du film avec Jacques Brel, Les Risques du métier, dans lequel une adolescente accuse un enseignant de faits inexacts. À chaque fois que je regardais des procédures, je constatais systématiquement la même ligne de défense : ʺC’est fauxʺ, ʺSouvenez-vous des Risques du métier  » ([234]).

Dans ce contexte, la désastreuse affaire d’Outreau et le discrédit qu’elle contribua à jeter sur la parole de toutes les victimes de violences sexuelles eurent pour effet d’anéantir en grande partie les efforts réalisés. Le schéma ci-dessous, publié par Le Monde le 14 septembre 2018, illustre bien les conséquences de long terme de cette affaire sur le traitement judiciaire des violences sexuelles, qu’elles soient commises contre des majeurs ou des mineurs, le nombre – en valeur absolue – de condamnations chutant de 40 % en 10 ans, alors que le nombre de plaintes augmentait dans les mêmes proportions.

Comme l’indiquait le rapport public de la Civiise en 2023, « la tournure qu’a pris le traitement judiciaire de cette affaire a eu un effet immédiat : arrêter la pensée, et peut-être même arrêter la possibilité d’en parler. Cet effet fut immédiat et perdure aujourd’hui encore. […] L’un des effets durables […] est la mise en doute a priori de la parole des enfants victimes de violences sexuelles […]. Cela n’a fait que renforcer les injonctions paradoxales envoyées aux enfants victimes et aux adultes qui les protègent : l’injonction à révéler les violences et la certitude de ne pas être cru ».

Ce n’est que plus d’une quinzaine d’années plus tard, une fois encore à l’occasion de l’éclatement successif de plusieurs affaires de pédocriminalité à l’école, que la question de la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants sera à nouveau admise dans le débat public. L’affaire de Villefontaine dévoile en effet en 2015 que l’interpellation d’un professeur pour des faits de viols commis sur deux fillettes de 6 ans a permis d’identifier 48 victimes dans sept écoles différentes. À la suite, éclate une affaire de pédopornographie et d’agressions sexuelles commises par un enseignant en Ille-et-Vilaine, suivie d’une autre affaire concernant la suspension d’un professeur mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur mineurs dans les Yvelines.

La presse, sans sembler consciente de rejouer la partition des années 1990, évoque à nouveau la « libération de la parole » suscitée par ces affaires, que semblait corroborer le ministère de l’éducation nationale, évoquant une augmentation des signalements ([235]). Surtout, les défaillances des pouvoirs publics, éducation nationale et justice, apparaissent à nouveau sous une lumière crue. Si dans l’affaire des Yvelines, la seconde n’avait mis « que » cinq mois à transmettre l’information de la mise en examen du professeur à la première, dans l’affaire de Villefontaine comme dans celle d’Orgère, les deux agresseurs avaient déjà été condamnés par la justice, bien des années plus tôt, pour détention d’images pédopornographiques, sans que les parquets concernés eussent jugé utile d’en informer l’éducation nationale. Les deux prédateurs avaient donc pu poursuivre leurs activités pédocriminelles pendant respectivement sept et neuf années supplémentaires.

Une inspection générale diligentée par la ministre Najat Vallaud-Belkacem débouchera ainsi sur l’adoption, le 14 avril 2016, de la loi n° 2016-457 relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs ([236]). Si les règles de niveau législatif existant auparavant en matière de transmission des informations judiciaires étaient sans doute insuffisantes, il est tout de même permis de s’interroger sur les raisons qui ont pu conduire des procureurs à ne pas penser ou à ne pas souhaiter informer l’éducation nationale alors même que leurs juridictions avaient prononcé des condamnations pour consultation d’images pédopornographiques et, dans l’un des cas, mis en examen pour agressions sexuelles, des personnes exerçant leur profession au quotidien auprès d’enfants. Il est difficile aussi de ne pas conclure qu’une partie au moins de la société de 2014 continuait à protéger les agresseurs, ou à tout le moins à laisser sciemment des enfants en danger. Les violences sexuelles ne resteront pas longtemps absentes du débat public, où elles se réinviteront brutalement, massivement et durablement à compter de 2017 et de la déferlante mondiale du mouvement #MeToo, sans toutefois concerner le milieu scolaire, tout au moins dans un premier temps.

b.   Dans l’Église et l’enseignement catholique : une prise de conscience très récente dont il est trop tôt pour mesurer les effets

Le monde catholique connaît ses premiers scandales en matière de violences sexuelles à la fin des années 1980 et dans les années 1990, notamment aux États-Unis, puis dans les années 2000, en France, avec la mise en examen d’une dizaine de prêtres et de religieux dans des affaires de « pédophilie ».

Aucun lien ne semble être fait à l’époque avec l’enseignement catholique, qui continue, dans les années 1990, à entretenir une parfaite omerta sur ces sujets, comme l’a amplement démontré la partie consacrée aux affaires de violences systémiques supra. Une autre affaire, au collège privé sous contrat Saint-Jacques de Joigny, dans l’Yonne, est particulièrement révélatrice de cette loi du silence ([237]). À la fin de l’année scolaire 1992, le directeur de cet établissement est mis en examen à la suite de deux plaintes déposées par des familles d’élèves pour ce que le code pénal désignait encore sous le terme d’« attentats à la pudeur sur mineur de moins de 15 ans par personne ayant autorité ».

Ce directeur est remplacé par une nouvelle directrice, laquelle reçoit dès le départ de la part des autorités diocésaines la « consigne de vite tourner la page et de ne pas prêter une oreille attentive aux familles » ([238]). Refusant de suivre ces consignes, la directrice accepte des contacts réguliers avec ces dernières. Un an plus tard, lors du déménagement d’une classe, elle découvre dans des cartons des « montages pédopornographiques avec des photos des enfants de l’école collées sur des photos d’adultes dans des poses lascives » ([239]) et décide, contre l’avis du diocèse, de prévenir le juge d’instruction. Cet acte lui vaudra d’être purement et simplement licenciée, malgré une pétition des familles en sa faveur. Comme elle l’indiquait avec ironie dans un reportage du journal télévisé de l’époque, « dans l’enseignement catholique, l’une des premières qualités que doit respecter un chef d’établissement, c’est de respecter la loi du silence » ([240]). Elle décrivait aussi des tentatives d’acheter son silence, puis d’intimidation, son appartement de fonction et sa voiture ayant été saccagés. Elle sera remplacée à son poste par la directrice diocésaine de l’enseignement catholique, soupçonnée d’avoir couvert les agissements de l’ancien directeur ([241]).

Les premières actions notables de l’Église n’interviennent qu’en 2013, avec la mise en place d’une cellule de veille au Vatican et la création de la commission pontificale pour la protection des mineurs, qui seront suivies de diverses prises de positions publiques et textes du pape François sur cette question.

Le véritable sursaut de l’Église de France intervient en 2018, à la suite de nombreuses affaires ayant mis en cause, certes et avant tout des agresseurs sexuels, mais aussi, comme ce fut le cas pour l’éducation nationale et la justice dans les affaires concernant les écoles publiques, l’institution de l’Église elle-même. Dans ce contexte, alors que le mouvement #MeToo se poursuivait, le 20 novembre 2018, le président de la Conférence des évêques de France (CEF) et la présidente de la Corref adressèrent une lettre de mission à l’ancien vice-président du Conseil d’État, M. Jean-Marc Sauvé, le priant de constituer une commission ayant pour objet de faire « la lumière sur les abus sexuels commis sur mineurs et personnes vulnérables au sens où le droit entend ce terme, depuis les années 1950 jusqu’à maintenant » et d’« étudier la manière dont ont été traitées ces affaires ». Pour ce faire, les deux commanditaires laissaient l’ancien vice-président du Conseil d’État libre de choisir les membres de sa commission et lui garantissaient l’accès aux archives des différents diocèses.

Dans le même temps, l’enseignement catholique lançait le « programme de protection des publics fragiles », ou programme 3PF, et diffusait à ses établissements six livrets, portant sur la lutte contre la maltraitance, la bientraitance éducative, les procédures en matière de protection des mineurs, le recueil de la parole, les dispositifs d’écoute et un dernier livret au titre comme au contenu beaucoup plus ambigus dans ce contexte, concernant « le secret professionnel, la discrétion professionnelle, le devoir de réserve et la confidentialité ».

La publication du rapport de la Ciase, initialement demandée dans un délai de 18 mois à deux ans, intervint près de trois ans plus tard, en octobre 2021, et eut un très important retentissement médiatique. Le rapport, qui s’appuyait sur de nombreux témoignages, la consultation des archives de tous les diocèses ([242]) et une vaste étude réalisée par l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) sur un échantillon de 28 000 personnes, faisait ainsi état d’une estimation de 330 000 victimes sur la période considérée, dont 108 000 auraient été agressées dans le cadre de l’enseignement scolaire catholique. Par comparaison, sur la même période, dans l’enseignement public, qui scolarisait 80 % des élèves, on aurait dénombré environ 191 000 victimes, dont 50 000 en internat ([243]).

À la suite de ce rapport, deux instances guidées par les principes de la justice restaurative furent mises en place par l’Église pour la « reconnaissance et la réparation » de ces crimes et délits pour l’essentiel prescrits : la CRR, présidée par Antoine Garapon, pour les faits commis par des membres de congrégations religieuses, et l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), présidée par Marie Derain de Vaucresson, pour les faits commis par des prêtres diocésains.

Si le rapport de la Ciase a globalement fait l’objet d’un accueil positif dans la société française et dans la communauté des catholiques, des vents contraires n’ont toutefois pas manqué de souffler. À peine plus d’un mois après la sortie du rapport Sauvé, huit membres éminents de l’Académie catholique de France, dont son président, adressaient au pape un document de quinze pages dénigrant les travaux et les conclusions de la commission. Remettant en cause les estimations chiffrées du rapport, ce document prêtait notamment à la Ciase un « manque de rigueur scientifique » et « des préjugés de nature idéologique ». Il récusait également l’emploi du qualificatif de « systémique » pour qualifier les violences, considérant que « le choix de cet adjectif emporte des conséquences fatales : les membres de l’Église sont impuissants à y remédier par eux-mêmes », et contestait de même, au terme de longs raisonnements juridiques, la mise en cause de la responsabilité institutionnelle de l’Église ([244]).

Le Figaro annonçait d’ailleurs à la suite de cette parution, dans un article au titre éloquent, que « l’autorité intellectuelle des signataires et l’impact des objections contre le rapport Sauvé sont tels qu’ils ont contribué à décider le pape François de "reporter" – mais plus probablement d’annuler, selon nos informations –, l’audience qu’il avait prévu d’accorder à Jean-Marc Sauvé et à tous les membres de sa commission, le 9 décembre prochain au Vatican » ([245]). En effet, la rencontre du pape avec les membres de la Ciase fut bien ajournée, et ce dernier, le 6 décembre 2021, invitait publiquement à prendre avec prudence « ce genre d’études » et « l’interprétation qu’on en fait », estimant que « les abus, il y a cent ans, il y a 70 ans, étaient une brutalité. Mais la manière dont ils étaient vécus n’est pas la même qu’aujourd’hui ».

Malgré une parution du rapport dans le sillage de la vague #MeToo et l’évocation explicite par le rapport des nombreux « abus » commis au sein de l’enseignement catholique, cet aspect sera toutefois assez peu commenté et développé, peut-être du fait de la démarche avant tout mémorielle de la Ciase. En outre, la reprise par la presse et les commentateurs des termes du titre du rapport, « dans l’Église », a pu contribuer à ce que le lien avec les établissements scolaires placés sous son autorité ne soit que peu établi, et peu commenté bien que représentant un tiers des violences documentées, avant que les visages des membres des collectifs de victimes de ces établissements scolaires viennent, début 2025, donner chair aux chiffres que le rapport avait pourtant clairement dévoilés.

c.   #MeToo et la contribution décisive de la Ciivise : enfin le dessillement ?

Débuté dans le milieu de la culture et plus particulièrement du cinéma, ce mouvement touchera successivement les mondes de l’hôpital, du sport, de l’enseignement supérieur, du journalisme, de la politique, de l’armée, des influenceurs ou encore du cirque. Comme indiqué précédemment, il ne concernera pas le milieu scolaire avant l’éclatement de l’affaire Bétharram au début de l’année 2025.

S’agissant plus spécifiquement des violences sexuelles faites aux enfants, très largement en cause dans les #MeToo de la culture et du sport, elles feront toutefois l’objet de deux mouvements spécifiques : l’un concerne le milieu institutionnel (#MeToo Animation), l’autre le milieu familial (#MeToo Inceste). Ce dernier donnera lieu à la création, en janvier 2021, de la Ciivise, dont la somme des travaux, issus de l’expertise juridique, scientifique et en matière d’accompagnement des victimes de ses membres, a apporté une contribution décisive à la quantification et à la compréhension du phénomène des violences sexuelles faites aux enfants. Sa création entraîne immédiatement un déferlement de témoignages, attestant du caractère massif du phénomène, en particulier dans le milieu intrafamilial. En deux mois, la Ciivise avait déjà reçu plus de 6 200 témoignages, et près de 30 000 après deux ans d’existence.

Dans le même temps, la loi du 21 avril 2021 vient mettre fin aux errements jurisprudentiels ayant conduit à admettre le consentement de mineurs à des relations sexuelles avec des adultes, en prévoyant qu’aucun adulte ne peut se prévaloir du consentement d’un enfant s’il a moins de 15 ans ([246]), ou de 18 ans dans le cas de l’inceste. De telles relations sexuelles doivent donc désormais nécessairement être qualifiées de viols.

Il ressort du rapport public de la Ciivise, paru le 17 novembre 2023, que 3,9 millions de femmes (14,5 %) et 1,5 million d’hommes (6,4 %) vivant en France ont été victimes de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans, avec un âge moyen des premières violences estimé à 8,5 ans. Dans 97 % des cas, l’agresseur est un homme, et dans 80 % des cas, il est majeur (cette proportion atteignant 83 % en milieu institutionnel).

Dans 81 % des cas, ces violences sont subies dans le cadre de la famille (père, beau-père, frère, oncle), et, dans environ 10 % des cas, les violences ont été infligées en milieu institutionnel ([247]). Dans ce dernier cas, l’agresseur est le plus souvent un religieux (25 %) ou un professionnel de l’éducation (19 %). Dans sa réponse écrite adressée aux rapporteurs, la Ciivise précise que dans le cas des violences institutionnelles, elles ont eu lieu à 40 % dans des établissements scolaires, à 28 % dans des institutions de loisirs, à 24 % dans des institutions religieuses, à 8 % dans des établissements d’aide à l’enfance ou des hôpitaux et à 23 % dans d’autres lieux. Toujours selon les données de la Ciivise, 28 % des hommes victimes l’auraient été en milieu institutionnel, contre 9 % des femmes, davantage exposées en revanche aux violences sexuelles commises dans la famille. En milieu institutionnel comme dans le milieu intrafamilial, les violences présentent majoritairement un caractère sériel : dans l’Église catholique dans 59 % des cas, à l’école publique dans 57,6 % des cas. Enfin, le rapport montre que la parole des enfants se fait plus fréquente à mesure que l’agresseur est moins proche d’eux : si seulement 13 % des victimes ont parlé au moment des faits lorsque l’agresseur était un membre de leur famille, elles sont 27 % lorsque les violences ont été commises en milieu institutionnel, et 40 % lorsqu’elles sont le fait d’un inconnu qui a agi dans l’espace public.

La séparation nette souvent constatée dans l’opinion publique entre les violences sexuelles et les autres formes de violences y est enfin nettement relativisée, dans la continuité du concept, issu des travaux sur les violences faites aux femmes, de continuum des violences. Rappelant que « les violences sexuelles sont souvent associées à d’autres violences : psychologiques, physiques, conjugales », la Ciivise précisait aussi dans ses réponses écrites transmises aux rapporteurs que « les mineurs les plus vulnérables [en milieu institutionnel] sont aussi ceux qui sont victimes de violences/négligences ou de violences éducatives ordinaires au domicile et qui n’ont pas d’espace de parole ». Elle ajoutait que « ce sont tout particulièrement les internats et les institutions qui emmènent des élèves en déplacement (voyage scolaire, pèlerinage, activité à distance de l’école) qui sont évoqués par les personnes qui témoignent », confirmant ainsi les intuitions de la Ciase.

Offrant une grille de lecture des faits de violences systémiques mises au jour par l’affaire Bétharram, elle indiquait que « les silences ne sont pas seulement le fait des victimes : les institutions en fabriquent aussi, et massivement. Ces silences ont plusieurs sources, en particulier la protection de l’institution plutôt que celle des enfants, le déni et la banalisation de ce que vivent les enfants, la culture de la violence érigée en méthode disciplinaire revendiquée. Les silences sont aussi l’effet de politiques de prévention insuffisamment rigoureuses et robustes, lorsque les adultes ne sont ni informés des risques, ni préparés à y faire face. Ceci encourage les réactions d’indécision et de lâcheté qui aboutissent à ne pas protéger les enfants et à entourer les faits de violences sexuelles de silence ».

À l’unisson de tous les travaux récents en sciences sociales produits sur ce sujet, la Ciivise bat en brèche l’explication du phénomène par une prétendue « pédophilie » de type pathologique des agresseurs. La pédocriminalité, comme l’ensemble des violences sexuelles, est avant tout affaire de domination : « La vulnérabilité des enfants est un élément suffisant pour expliquer pourquoi les agresseurs les ciblent pour en faire leurs victimes […]. Cela s’applique aussi aux agresseurs qui agissent dans un cadre extra-familial. » Citant l’anthropologue et directrice de recherche au CNRS Dorothée Dussy, le rapport ajoute que « les viols incestueux sont des viols d’aubaine […] et c’est l’extrême facilité avec laquelle on peut forcer un enfant au rapport sexuel qui octroie les occasions » ([248]). La rationalité des agresseurs, agissant selon un mode opératoire décrit par la Ciivise comme universel en atteste : « Il isole la victime, il la dévalorise, il inverse la culpabilité, il crée un climat de peur, il assure son impunité. »

Cette impunité est largement assurée par le déni de la société, qui fait l’objet de toute la troisième partie du rapport. Le déni y est tout d’abord analysé comme un mécanisme collectif au terme duquel chacun affirmera qu’il faut croire et protéger les enfants, tout en refusant, lorsque les personnes y sont confrontées, d’admettre la réalité, en la minimisant, en se « réfugiant dans une réalité alternative » ou en agitant « des principes mal interprétés, comme la présomption d’innocence ou la neutralité ». Il est également décrit comme un système institutionnel « d’impunité des agresseurs », secondé par des procédures erratiques : des règles de signalement peu claires, sans cadre national et relevant de protocoles locaux reposant in fine sur les bonnes volontés, une absence de suivi statistique sérieux conduisant à une perpétuelle sous-évaluation du phénomène, l’absence de « politique nationale de repérage et de contrôle dans les établissements et services ». Le rapport s’attarde surtout longuement sur les défaillances de la chaîne judiciaire, ses lenteurs, son recours massif et abusif aux classements sans suite par pénurie de moyens et ses procédures totalement inadaptées aux besoins des victimes de violences sexuelles dans l’enfance. Enfin, le rapport pointe du doigt un traitement médiatique par vagues, faites d’avancées, de reculs et de silences, tels que déjà décrits dans le présent rapport, sous l’angle du fait divers ou axé sur le sensationnalisme, et échouant à appréhender le caractère systémique des violences faites aux enfants.

Lors de cette dernière étape de la prise de conscience des violences faites aux enfants, à travers une partie non négligeable du mouvement #MeToo, les travaux de la Ciase puis ceux de la Ciivise, l’école avait été relativement absente du débat public. Elle fut rattrapée de façon retentissante au début de l’année 2025, avec ce que les médias désignent désormais comme le #MeToo de l’enseignement catholique, dont les suites, et notamment l’enquête menée par les rapporteurs, ont conduit l’opinion à se pencher sur l’ensemble des violences commises par des adultes en milieu scolaire.

La partition se rejoue aujourd’hui, sur les mêmes notes qu’en 1997, puis qu’en 2014 : chacun se félicite à nouveau de la « libération de la parole » à l’œuvre ; chacun, dont les auteurs de ce rapport, recherche toutes les solutions possibles pour que de tels faits ne puissent pas se reproduire. La société, à commencer par le premier ministre, semble découvrir le « continent inconnu » ([249]) des violences, notamment sexuelles, faites aux enfants. L’amnésie collective prendra‑t‑elle fin un jour ? Ce jalon de l’histoire de la perception et du traitement des violences scolaires sera-t-il enfin le dernier, l’occasion de mettre en place des solutions volontaristes et surtout durables et de faire cesser, pour reprendre les termes de Jean‑Marc Sauvé lors de son audition devant la commission ([250]), ces « drames dont on s’obstine à ne pas tirer les conséquences dans notre pays » ?

3.   Les violences faites aux enfants restent massivement présentes dans la société française

Les données qui viennent traduire cet état de fait nécessitent d’être rappelées, afin que chacun puisse se faire – une fois de plus ? – une idée de l’ampleur du phénomène que l’on refuse de voir.

a.   Des violences éducatives ordinaires encore très banales

Deux éditions du Baromètre des violences éducatives ordinaires (VEO), réalisé par l’Ifop pour la Fondation de l’enfance ont été réalisées à ce jour, l’une en 2022 et l’autre en 2024. Ces études soulignent globalement des progrès dans la connaissance de ces violences et de leurs conséquences, notamment du fait de la loi du 10 juillet 2019 précitée, identifiée par plus de 69 % des répondants en 2024, contre 63 % en 2022. Toutefois, leurs appréciations de cette loi sont paradoxales, puisque 69 % la considèrent « indispensable pour mettre fin aux VEO » alors que, dans le même temps, 60 %, considèrent qu’elle constitue « une intrusion de l’État dans les affaires privées ».

Le Baromètre révèle surtout une « polarisation » et le fait que l’« on reste encore loin du consensus au sein des personnes interrogées » : ainsi, 32 % des parents considèrent toujours que « donner une gifle » ou « enfermer un enfant dans le noir pour réfléchir » ne constituent pas des violences, cette proportion atteignant 37 % pour le fait de « donner une fessée ».

Il révèle également un maintien, voire une hausse du recours à ces violences entre 2022 et 2024 : ainsi, en 2024, huit parents sur dix avaient eu recours à au moins une VEO dans la semaine précédant leur sollicitation pour cette enquête (81 %, + 2 points par rapport à 2022) ; plus de la moitié avaient exercé au moins trois VEO (53 %, + 4 points), cette proportion atteignant 60 % chez les hommes, et 61 % chez les adultes indiquant avoir reçu une éducation « sévère ». Les violences non physiques restent les plus exercées : 58 % des sondés reconnaissent par exemple avoir « crié très fort sur leur enfant » dans la semaine précédente, 25 % avoir utilisé des menaces du type « tu vas comprendre pourquoi tu pleures », et 21 % avoir traité leur enfant de « bon à rien, méchant ou imbécile ». Les violences physiques ne sont toutefois pas rares, loin s’en faut, puisque 24 % des parents admettaient avoir eu recours à la fessée, 21 % avoir bousculé leur enfant, et 16 % lui avoir donné une gifle, toujours dans la semaine précédente.

Rappelons enfin que ces données correspondent aux déclarations des répondants, dont on peut imaginer qu’elles sont en partie minorées.

b.   Des faits de violences graves contre les enfants qui persistent à un niveau très élevé dans tout la société

Charlotte Caubel, alors secrétaire d’État chargée de l’enfance, rappelait le 7 juin 2023 sur France Bleu qu’ « un enfant meurt tous les cinq jours en France dans sa famille et un enfant subit une agression sexuelle toutes les trois minutes » ([251]).

Selon les données des services statistiques du ministère de l’intérieur (SSMI), qui ne révèlent donc que les faits ayant donné lieu à des plaintes enregistrées par les services de police ou de gendarmerie, en 2024, 103 748 mineurs avaient déposé plainte pour des violences physiques, dont 54 % avaient été commises dans le cadre intrafamilial (soit 57 311 plaintes, contre 19 747 en 2016), et 71 085 mineurs avaient déposé plainte pour des violences sexuelles, dont 30 % avaient été commises dans le cadre intrafamilial (soit 21 704 plaintes, contre 8 372 en 2016). Si ces augmentations massives peuvent être liées à une dénonciation plus importante des faits, ce seul facteur ne permet d’expliquer qu’une partie seulement de cette évolution ; dès lors, il ne faudrait pas en conclure, loin s’en faut, à une régression du phénomène des violences commises par des adultes contre des enfants dans la société française. Ainsi, 58 % du total des plaintes déposées en 2024 pour des violences sexuelles concernaient des personnes mineures au moment des faits.

81 % des victimes mineures de violences sexuelles sont des femmes. Au sein de la famille, ce sont les enfants âgés de 5 à 9 ans qui représentent la part la plus importante de victimes enregistrées, avec un taux de 18 victimes pour 10 000 habitants (28 pour les filles et 8 pour les garçons). Parmi ces violences sexuelles, la part des viols ou tentatives de viol atteint 80 % au sein de la famille, contre 32 % en dehors de celle-ci ([252]).

Comme le précise le SSMI, « les victimes de violences enregistrées par les services de sécurité ne constituent qu’une minorité des personnes ayant subi ce type de faits car toutes les victimes ne portent pas plainte » ([253]). Pour évaluer leur nombre, il convient donc de s’en remettre aux enquêtes de victimation, lesquelles sont toutefois effectuées auprès de personnes majeures et font état de taux de dépôt de plainte de 22 % s’agissant des violences physiques, et de seulement 6 % s’agissant des violences sexuelles, pour les faits subis sur l’année 2022 ([254]). L’enquête Genese, réalisée en 2021, qui interrogeait rétrospectivement les personnes âgées de 18 à 74 ans sur les violences subies avant l’âge de 15 ans, concluait qu’au total, « plus d’une femme sur cinq et près d’un homme sur six, âgés de 18 à 74 ans, ont déclaré avoir subi une violence intrafamiliale avant l’âge de 15 ans (psychologique, physique ou sexuelle). Les femmes sont surexposées à ces violences commises au sein de la sphère familiale et en particulier aux violences sexuelles (6 % contre 2 % pour les hommes) ». La même enquête faisait état d’un taux de plainte auprès des services de police et de gendarmerie de 4 à 8 % s’agissant des violences sexuelles ([255]).

Le rapport de la Ciivise estimait, pour sa part, sur la base de l’étude réalisée dans le cadre de ses travaux par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), à 160 000 par an le nombre d’enfants victimes de violences sexuelles chaque année en France.

Lors de son audition par la commission ([256]), le lieutenant-colonel Cyril Colliou, adjoint à la cheffe de l’Office mineurs (Ofmin), indiquait en outre que « dans le cadre de la pédocriminalité en ligne, nous faisons face à une explosion des cas. En 2023, nous avons reçu 170 000 signalements ([257]), soit une moyenne de 465 par jour, ce qui dépasse nos capacités de traitement actuelles. Ces signalements proviennent principalement de la fondation américaine National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC), qui collabore avec les grandes plateformes numériques », mais aussi des « cyberpatrouilles ». Dans ce dernier cadre, M. Colliou précisait que « sur les plateformes fréquentées par les mineurs, l’entrée en contact avec un pédocriminel s’établit généralement en moins d’une minute ». L’Ofmin a également indiqué, dans les réponses écrites au questionnaire adressé par les rapporteurs, bénéficier de partages d’informations avec les services de police étrangers, ainsi que de signalements de structures ou associations partenaires, telles que « la cellule signal sports du ministère des sports, les associations L’Enfant bleu, e-Enfance, Rebond, etc. »

c.   En milieu institutionnel : une violence bien présente qui touche particulièrement les enfants les plus vulnérables

Si les violences intrafamiliales que vivent les enfants sont plutôt bien appréhendées d’un point de vue statistique et permettent d’objectiver le constat d’une persistance de ce phénomène à un niveau très élevé, les violences en milieu institutionnel restent largement sous-documentées.

Les rapports de la Ciase et de la Ciivise ont certes permis respectivement, d’une part, de quantifier le phénomène des violences sexuelles commises dans l’Église et, d’autre part, d’estimer à 160 000 le nombre de victimes annuelles de ces violences, dont environ 10 % seraient commises en milieu institutionnel. Toutefois, aucune enquête statistique globale et régulière n’existe actuellement qui permettrait d’affiner ces estimations et d’observer l’évolution du phénomène dans le temps. En outre, seules les violences sexuelles étaient considérées dans ces analyses, à l’exclusion de l’ensemble des autres formes de violences. Pour appréhender le phénomène dans sa globalité, on doit donc se contenter d’études ponctuelles et sectorielles.

Le Baromètre des VEO précité contenait dans son édition 2024 un volet relatif au milieu sportif, lequel mettait en lumière à la fois une forte prégnance de ce type de violences dans la pratique sportive, et une certaine tolérance des parents à leur égard. Ainsi, 38 % des parents interrogés avaient « déjà eu connaissance de comportements qu’ils qualifient de violences ou de comportements inappropriés » dans le cadre de la pratique sportive de leur enfant, et 28 % des femmes et 40 % des hommes considéraient qu’« un enfant ne pourra atteindre un haut niveau dans son sport que s’il est soutenu par son entraîneur, ce qui implique parfois des violences psychologiques, verbales voire physiques ».

Un nombre important de travaux récents, de même que l’abondance de témoignages intervenus dans le sillage du mouvement #MeToo, semblent également attester de l’existence de violences graves, dans le milieu du sport, mais aussi, notamment, dans les établissements médico-sociaux et médico-éducatifs.

Néanmoins, comme l’indiquait un rapport des sénatrices Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien portant sur les violences sexuelles sur mineurs en institutions ([258]), « les statistiques sur les violences commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l’exercice de leur métier ou de leurs fonctions sont quasiment inexistantes, car elles surviennent dans des secteurs très divers : établissements scolaires, associations sportives, associations de loisirs, foyers d’hébergement, lieux de gardes d’enfants ou dans un cadre religieux, autant de lieux où le poids de l’institution, en tant que tel, peut entraîner une forme d’omerta qui fera obstacle à la révélation des faits ».

C’est donc à travers des sources diverses et parcellaires que les rapporteurs ont tenté de dresser un panorama par nature incomplet, mais qu’ils espèrent néanmoins éclairant, de la situation actuelle dans les établissements scolaires.

Enfants et élèves en situation de handicap ou neuroatypiques : le cumul des vulnérabilités

Les enfants en situation de handicap sont nettement plus exposés aux violences, dans le cadre intrafamilial comme en milieu institutionnel (1). Ils sont quatre fois plus souvent confiés à l’aide sociale à l’enfance que l’ensemble des enfants. Pour eux le risque est 3 fois plus grand d’être victimes de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans – et 4,6 fois plus s’agissant des enfants avec une déficience intellectuelle. 88 % des femmes autistes ont déclaré avoir subi une ou plusieurs agressions sexuelles, dont 47 % avant l’âge de 14 ans et 31 % avant l’âge de 9 ans. Pour les enfants en situation de handicap le risque d’être victimes de violences physiques est 3,6 fois plus élevé que pour les autres enfants.

En milieu scolaire, les enfants en situation de handicap subissent aussi des discriminations : difficulté à être scolarisés en milieu ordinaire, locaux inadaptés, défaut d’accès aux activités périscolaires et extrascolaires, manque d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), manque de matériels et de supports adaptés (2). Dans un rapport de 2019, le Défenseur des droits indiquait que « de nombreux enfants handicapés, quel que soit leur handicap, sont tout particulièrement victimes de discriminations, et ce principalement à l’école, dans l’accès aux activités périscolaires ou de loisirs. Le refus d’accès ou d’accueil qui leur est opposé peut être particulièrement violent dans la mesure où il génère un sentiment de rejet de la part de la société » (3). De même, dans ses observations finales faisant suite à l’audition de la France en 2021 dans le cadre du contrôle du respect de la convention relative aux droits des personnes handicapées, le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies se disait « préoccupé par le nombre élevé d’enfants handicapés inscrits dans des structures d’éducation ségrégative, notamment des structures d’accueil médico-sociales ou des classes séparées dans des écoles ordinaires, car cela perpétue la stigmatisation et l’exclusion » (4).

Des témoignages recueillis par les rapporteurs illustrent les souffrances durables occasionnées par ces discriminations institutionnelles. Bernard K., souffrant d’un handicap moteur et qui fut scolarisé dans les années 1960 dans un « centre d’adaptation des enfants infirmes » qui disposait d’une école intégrée, témoigne avoir « toujours vécu avec le ressenti que nous étions des jouets qu’il fallait réparer, point ! Sortes de "tamagochis" qu’il convenait de nourrir et faire dormir, bien souvent à coup de médicaments. » Se souvenant ensuite de sa scolarité, globalement satisfaisante, dans un collège privé, il regrettait toutefois son exclusion d’office des cours d’éducation physique et sportive (EPS) : « Il avait été décrété que mon handicap ne me permettait pas de faire de sport. J’étais alors invité à aller dans une salle "triste à mourir" avec rien sur les murs. Seul un professeur venait de temps à autre, sans dire bonjour, profitant de ses intercours pour écrire quelques lignes d’un manuscrit en cours de rédaction. »

Un témoignage bien plus récent, portant sur l’année scolaire 2011-2012, indiquait que Félix S., scolarisé en 5ème dans un collège privé et souffrant d’arthrite chronique juvénile idiopathique, s’était vu fortement incité par sa professeure principale à renoncer à son admission, pourtant acquise, en classe européenne, au motif que « cette classe demande plus de travail et que Félix aura des difficultés liées à la fatigue qu’occasionne sa maladie », avant d’être exclu d’un voyage scolaire. Lors d’une réunion de conciliation organisée sur ce sujet avec le chef d’établissement, la professeure aurait répété à plusieurs reprises à l’enfant : « Je ne porterai pas ta valise ». Celui-ci finit pas participer au voyage. Sa mère, Mme S., témoigne que « c’est bien plus tard, qu’il admettra nous en avoir voulu d’avoir finalement lutté pour son droit à participer à cette classe et à ce voyage, car il a chèrement payé le prix de cette participation ».

L’enfant avait en effet dû subir des attitudes discriminatoires pendant le voyage, puis au retour dans l’établissement, où, selon le témoignage de Mme S., sa professeure « n’a eu de cesse de le moquer, de le discriminer en classe, au regard de sa prétendue fatigue, de ses douleurs, de son incapacité physique à participer à des évènements sportifs, et d’inciter ses camarades à l’isoler ». Ces faits, comme bien d’autres issus des témoignages reçus, ont donné lieu à un signalement des rapporteurs au procureur de la République.

Enfin, les élèves souffrant de troubles des apprentissages, de l’attention et/ou du comportement semblent particulièrement exposés aux violences et discriminations en milieu scolaire. Ceci ressort notamment du témoignage livré en audition (5) par Didier Vinson, représentant du collectif de victimes du collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon : « Nous nous sommes rendu compte que nous étions tous "dys", atteints de troubles de l’attention, hyperactifs », indiquait-il en relevant les nets progrès accomplis depuis par le système scolaire en matière d’accompagnement de ces élèves.

Malgré tout, des situations discriminatoires subsistent à l’égard de ces élèves. Le rapport précité du Défenseur des droits précisait à ce sujet que « lorsque l’établissement ne parvient pas à gérer le comportement de l’enfant ou apaiser ses crises, il aura trop souvent recours à l’exclusion de la structure », indiquant notamment avoir « été saisi de la situation d’un enfant âgé de 6 ans exclu d’un établissement privé sous contrat avec l’État, alors qu’il était en cours d’année scolaire. La décision de radiation définitive est intervenue deux jours après que les parents ont communiqué à l’école un diagnostic de trouble du déficit de l’attention » (6).

Plus grave encore, le témoignage reçu de Christine B., dont l’enfant avait été diagnostiqué haut potentiel intellectuel, relatait des maltraitances subies dans un établissement privé sous contrat vers lequel son fils avait pourtant été orienté en 2003 « pour son enseignement plus adapté et compréhensif envers des enfants dits différents ». Elle relate que son fils y aurait subi des « coups de livres sur la tête, gifle ; exclusions répétées dans les couloirs froids ; propos désobligeants et dégradants régulièrement » et avait vécu une « grave dépression ». Les échanges avec la direction n’auraient ensuite servi qu’à culpabiliser les parents, « manipulés » par le « cinéma » de leur enfant, et invités à « changer de magasin si « certaines attitudes [pouvaient ne pas leur] convenir ».

(1)    Les violences faites aux mineurs en situation de handicap, fiche-conseil n° S07B, groupe de travail Handi-connect « Lutte contre les violences ».

(2)    Cour des comptes, L’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap, Rapport public thématique, septembre 2024.

(3)    Défenseur des droits, Enfance et violence : la part des institutions publiques, Rapport public, 2019.

(4)    Nations unies, Convention relative aux droits des personnes handicapées, observations finales relatives au rapport initial de la France, 4 octobre 2021.

(5)    Table ronde du jeudi 20 mars 2025, à 10 heures 30.

(6)    Défenseur des droits, Enfance et violence : la part des institutions publiques, op.cit.

B.   La persistance de violences multiformes dans tous les types d’établissements scolaires

Avant de tenter de dresser un panorama de la situation actuelle dans les établissements scolaires, il convient de préciser que les rapporteurs ont constaté que l’immense majorité – en particulier à l’époque actuelle –, des professionnels de l’éducation, adopte et encourage une approche de l’éducation bienveillante et respectueuse des élèves, comme l’ont largement démontré les auditions de l’ensemble de leurs représentants ([259]).

Il faut également rappeler, comme l’ont fait de nombreux auditionnés et comme en attestent les données déjà présentées, que la très grande majorité des faits de violences commis à l’égard des enfants le sont dans la sphère familiale. Ceci n’est toutefois pas sans lien avec les faits de violences commis en milieu institutionnel, comme les développements précédents l’ont déjà indiqué : des enfants subissant des violences dans le milieu intrafamilial seront moins sensibilisés à leurs droits et davantage susceptibles d’être victimes de violences en dehors de ce cadre, de se voir appliquer des méthodes éducatives impliquant le recours aux violences, et d’évoluer dans un environnement qui banalise, minimise ou refuse de voir les faits ou d’entendre leur parole.

1.   Dans l’enseignement scolaire public : des violences encore invisibilisées

a.   Des données confidentielles et parcellaires

Les sources officielles et publiques permettant d’appréhender le phénomène des violences en milieu scolaire, qu’il s’agisse des données produites dans le cadre de l’enquête Sivis ([260]) ou des enquêtes de climat scolaire et de victimation conduites auprès des élèves et établies par la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), se concentrent essentiellement sur les faits de violences commis par des élèves, sur d’autres élèves ou sur le personnel des établissements.

En effet, ces faits de violences sont – comme le sont les élèves eux-mêmes – bien plus nombreux que ceux commis par des membres du personnel. Aucune donnée publique consolidée n’est donc disponible s’agissant des violences commises sur des élèves par des membres du personnel des établissements scolaires.

À la demande des rapporteurs dans le cadre de l’enquête, le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l’éducation nationale a toutefois communiqué, lors de son audition ([261]) et par écrit, un certain nombre de données issues de l’application Faits établissement et concernant spécifiquement ces faits de violences mettant en cause des personnels. Il en ressort que, sur l’année scolaire 2023-2024, 1 198 faits ont été renseignés dans l’application par les chefs d’établissement, lesquels se décomposent de la façon suivante :

– 280 faits de violences sexuelles, dont 37 concernaient le premier degré et 237 le second degré (24 %) ;

– 461 faits de violences physiques, dont 137 dans le premier degré et 324 dans le second degré (38 %) ;

– 457 faits de violences verbales, dont 117 dans le premier degré et 340 dans le second degré (38 %).

Ces données sur les violences commises par des adultes sur des élèves, qui représentent moins de 1 % des faits enregistrés ([262]) dans Faits établissement, doivent être prises avec une grande précaution, car elles ne recouvrent qu’une partie des établissements scolaires, à savoir les établissements publics relevant de l’éducation nationale.

Ils ne tiennent donc pas compte des établissements privés, lesquels n’étaient qu’une infime minorité à être raccordés à Faits établissement, sur la base du volontariat, sur cette année scolaire ([263]) : ainsi, seuls 6 faits sur 1 198 avaient été enregistrés par un établissement privé sous contrat sur l’année scolaire 2023-2024, concernant tous des faits de violences sexuelles qui auraient été commis dans le second degré ; aucune donnée, ni même une simple estimation, n’est donc disponible s’agissant de la situation actuelle dans ces établissements, qu’ils soient sous contrat ou hors contrat.

Ces données ne tiennent pas compte non plus des faits de violences commis dans les établissements relevant de l’enseignement agricole ou du ministère des armées.

S’agissant de l’enseignement agricole public, la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture a fourni à la commission, dans sa réponse écrite au questionnaire adressé par les rapporteurs, des données peu éclairantes : la réponse mentionne seulement sept cas de violences ayant fait l’objet d’une remontée nationale en deux ans, dont quatre impliquant des encadrants (mais huit sanctions disciplinaires « pour des faits de violence y compris verbale, entre agents ou envers des apprenants »). Pour l’enseignement agricole privé sous contrat, les chiffres fournis ne permettent pas de distinguer les violences commises par des adultes envers des élèves ([264]).

Pour les établissements relevant du ministère des armées, lors de son audition ([265]), le général de corps d’armée Frédéric Gout, directeur des ressources humaines de l’armée de terre, indiquait, s’agissant des seuls lycées de l’armée de terre, qu’ « au cours des deux dernières années, nous avons recensé moins d’une dizaine de cas de cet ordre sur l’ensemble des quatre lycées militaires, avec des niveaux de gravité variables ». Ce chiffre, correspondant à plus d’un cas par établissement et par an ([266]), semble confirmer une prévalence notable des violences commises par l’encadrement sur des élèves dans ce type d’établissements ([267]) ainsi, peut-être, qu’une libération de la parole plus aboutie depuis la mise en place par le ministère des armées de mesures de contrôle et de prévention très volontaristes en la matière à la suite de divers scandales ([268]).

Les lycées militaires : un environnement à risque ?

Les lycées relevant du ministère des armées ainsi que les écoles militaires ont été frappés à plusieurs reprises, ces dernières années, par la révélation d’affaires qui dénotent une forte prévalence dans ces établissements de discriminations sexistes et homophobes, mais aussi de violences physiques, psychologiques et sexuelles.

Si ces faits concernent principalement, en lycée, les classes post-bac, ainsi que les écoles militaires, donc l’enseignement supérieur, ils offrent un éclairage intéressant sur les éventuels liens entre survenance des violences et environnement relativement clos, avec un recours massif à l’hébergement en internat, mise en exergue de la tradition et d’une conception verticale de l’éducation, et omniprésence de figures d’autorité (1).

En 2024, un reportage de L’œil du 20 heures sur France 2 (2) fait ainsi état de dérives sexistes et homophobes graves, incluant du harcèlement, des insultes répétées et des violences sexuelles au sein de l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, après la parution de l’ouvrage (3) de Guillaume Ancel, ancien élève de l’académie et officier à la

retraite, qui dénonçait « une omerta » et le fait que, selon lui, ces violences étaient tolérées par le commandement au nom de la protection de l’institution.

Cette révélation avait été précédée par celle de faits de harcèlement moral minimisés par la hiérarchie en 2018 (4), puis d’agressions sexuelles en 2020 (5) au sein, cette fois, du lycée militaire de Saint-Cyr.

Ces différentes affaires, de même que les nombreuses révélations intervenues dans le cadre du mouvement #MeToo Armées, ont donné lieu en 2024 à une inspection générale demandée par le ministre Sébastien Lecornu, et ont abouti à la mise en place d’un plan volontariste de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’armée, fondé sur la tolérance zéro (6). Celui-ci faisait suite à l’adoption en 2018 d’un « plan d’excellence comportementale » et, en 2014, à la mise en place d’une cellule dédiée de signalement, Thémis. Les représentants du ministère des armées auditionnés par la commission ont insisté sur le fait que « les sanctions appliquées sont particulièrement sévères, au point que certains parents contestent parfois juridiquement nos décisions, estimant que notre approche est trop stricte. Mais il y va d’un combat contre toutes formes de violences, que nous menons avec la rigueur requise » (7).

Le 30 avril 2025, le ministère des armées a publié un communiqué concernant « l’enquête menée depuis plusieurs mois [par le procureur de la République] à l’encontre d’un ancien professeur civil au lycée du Prytanée national militaire de la Flèche, interpellé et placé en garde à vue ce mardi 29 avril 2025 […] pour des chefs de viols et d’agressions sexuelles sur mineurs de plus de quinze ans par personne ayant autorité. Devant ces accusations d’une exceptionnelle gravité, le ministère des Armées assure toutes les victimes de son plein soutien, et coopère avec la justice en mettant tout en œuvre pour faire la lumière sur les faits ».

L’appel à se signaler, formulé par le communiqué à l’intention d’autres éventuelles victimes, a donné lieu à de nouvelles plaintes (8). Les faits concerneraient au moins une dizaine de victimes âgées de 15 à 17 ans au moment des faits, et se seraient déroulés entre 1990 et 2009. Le mis en cause, qui avait été remis en liberté sous contrôle judiciaire, s’est donné la mort le 3 mai 2025.

(1)    Voir I 3 b. supra.

(2)    https://www.franceinfo.fr/societe/armee-securite-defense/enquete-france-tv-agressions-sexuelles-a-saint-cyr-coetquidan-la-justice-ouvre-trois-enquetes_6492074.html

(3)     Guillaume Ancel, Saint-Cyr, à l’école de la Grande Muette, Flammarion, 2024.

(4)     Guillaume Lecaplain, Anaïs Moran, « Lycée Saint-Cyr : une machine à broyer les femmes », Libération, 22 mars 2018.

(5)     Guillaume Lecaplain, Anaïs Moran, « Lycée militaire de Saint-Cyr : ouverture d’une enquête judiciaire pour viol et agression sexuelle », Libération, 6 février 2020 ; Véronique Beaugrand, Agressions sexuelles au lycée militaire de Saint-Cyr : une peine avec sursis et "un énorme gâchis" », Le Parisien, 28 mai 2024.

(6)     Ce plan fait l’objet d’un développement spécifique dans la deuxième partie du présent rapport, consacrée au contrôle des établissements scolaires.

(7)     Propos du général de corps d’armée Frédéric Gout, lors de l’audition commune avec les représentants du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire du mercredi 30 avril 2025, à 14 heures.

(8)     Louis Gohin, Margot Hairon, « Viols et agressions sexuelles au lycée militaire : de nouveaux témoignages », Le Maine libre, 8 mai 2025.

En complément des faits retracés dans Faits établissement, les rapporteurs ont obtenu, de la part du Groupement d’intérêt public France enfance protégée (GIP-FEP) à l’issue de l’audition de sa directrice générale Mme Anne Morvan-Paris ([269]), les données chiffrées issues des appels au numéro vert 119. Ceux-ci procèdent d’une démarche tout autre que celle passant par le canal hiérarchique interne de l’éducation nationale, puisque 50 % des personnes signalantes étaient dans ce cas des parents, 10 % des victimes et 7 % seulement des professionnels exerçant dans l’établissement scolaire concerné. Le GIP‑FEP relevait également dans sa réponse écrite aux rapporteurs la part importante – près d’un tiers – d’appels anonymes, donc passés par des personnes ne souhaitant pas être identifiées.

Les données communiquées par le GIP-FEP font état, pour l’année 2023-2024, de 346 professionnels de l’éducation nationale ou de l’enseignement privé – sans qu’une distinction soit possible – mis en cause par des appels au 119 ([270]). Les appels concernaient 79 signalements de violences sexuelles, 115 de violences physiques et 169 de violences psychologiques, une même personne pouvant être mise en cause pour plusieurs types de faits. Contrairement aux faits recensés par l’éducation nationale, ceux qui l’ont été par le 119 sont plus nombreux dans le premier degré, en particulier à l’école élémentaire.

Enfin, Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, a également fait part lors de son audition ([271]) de saisines régulières sur des faits de cette nature, ajoutant : « Nous alertons l’éducation nationale depuis des années sur cette réalité préoccupante et nos premières décisions remontent à plus de dix ans. Cela dit, nous ne voyons qu’une petite partie de ce qu’il se passe, car de nombreux parents ne savent pas qu’ils peuvent s’adresser à notre institution dans ce genre de circonstances. » Dans sa réponse écrite au questionnaire adressé par les rapporteurs, Mme Hédon précisait toutefois : « Notre outil statistique ne permet pas de chiffrer finement le nombre de réclamations portant sur cette problématique. Il permet d’identifier le nombre de saisines relatant des "difficultés (de toute nature) entre adulte (tout professionnel confondu) et enfant" sans discriminer public ou privé. Cela représente plus d’une cinquantaine de dossiers en moyenne chaque année. »

Le caractère très parcellaire des données disponibles, auquel s’ajoutent la dispersion, à certains égards utile ([272]), des canaux de transmission des signalements et l’absence de procédures d’enregistrement et de centralisation ou de système d’information communs à ces différents acteurs, ne permet donc pas de fournir une vision consolidée et complète du nombre de faits de violences commis par des adultes ayant autorité sur des élèves en milieu scolaire. L’étude comparée réalisée après consultation du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP), réseau géré par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, a permis de montrer qu’une majorité des pays répondants n’établit pas non plus de statistiques recouvrant précisément ce périmètre ([273]).

b.   Des statistiques probablement très en-deçà de la réalité

  1.   L’absence d’enquêtes de victimation spécifiques et de données suffisantes pour évaluer l’évolution du phénomène

Les données présentées ci-dessus, qui font tout de même état de 1 200 à 1 700 cas ([274]), chaque année, de violences de toutes natures commises sur des élèves par des adultes ayant autorité, semblent en décalage, notamment s’agissant des violences sexuelles, avec les estimations de la Ciivise. Ces estimations sont dans l’ensemble très cohérentes avec les données et enquêtes de victimation du SSMI et semblent faire consensus, puisqu’elles ont été reprises à leur compte, par exemple, par les représentants de l’Ofmin lors de leur audition ([275]).

Pour rappel, la Ciivise estime à 160 000 le nombre de mineurs victimes de violences sexuelles chaque année, lesquelles seraient commises à 11 % en milieu institutionnel. Assez logiquement, les établissements scolaires, qui accueillent tous les enfants sur une longue période de leur vie, seraient les lieux les plus touchés par les violences sexuelles subies par des mineurs en milieu institutionnel, puisque dans 40 % des cas, toujours selon la Ciivise, celles-ci seraient commises dans un établissement scolaire. Il ressort de ces estimations qu’environ 7 000 cas de violences sexuelles par an pourraient concerner les établissements scolaires.

Il existe donc manifestement un décalage majeur entre ces estimations et les quelque 280 cas annuels de violences sexuelles mettant en cause des adultes enregistrées dans Faits établissement. Ce nombre est néanmoins en nette augmentation par rapport aux données de l’année 1998‑1999, unique point de comparaison disponible : en effet, les seules autres données chiffrées que le ministère de l’éducation nationale a été en mesure de transmettre aux rapporteurs, lesquels souhaitaient disposer d’une vision évolutive du phénomène, sont issues d’une enquête interne spécialement diligentée auprès de l’ensemble des rectorats par Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’enseignement scolaire, le 19 novembre 1998 pour évaluer le phénomène des violences sexuelles. Le rapport confidentiel remis à la ministre le 26 novembre 1999 ([276]) faisait ainsi état de 177 « affaires révélées » au cours de l’année scolaire 1997-1998, au cours de laquelle on se rappelle qu’une première vague de « libération de la parole » avait eu lieu, et de 131 affaires sur l’année 1998-1999, avec la répartition suivante ([277]) :

Répartition par fonction

Instituteur

Enseignant

Directeur d’école

ATOS

Non indiqué

32,06 %

44,27 %

5,34 %

12,21 %

6,12 %

Répartition par qualification pénale

Viols

Agressions sexuelles

Atteintes
sexuelles

Autres

Non indiqué

5,34 %

18,32 %

39,70 %

22,40 %

13,74 %

Ces affaires concernaient à la fois l’enseignement public et l’enseignement privé. Toutefois, le rapport précise qu’« il est apparu rapidement que les services déconcentrés […] rencontraient des difficultés de tous ordres pour remplir les tableaux, ce qui a rendu nécessaire d’animer, sur le terrain, des réunions interacadémiques », que « les données fournies par les rectorats ne sont pas toujours exhaustives », s’agissant « en particulier des personnels des établissements privés mis en cause » et qu’en conséquence, « des recoupements avec d’autres sources (feuilleton quotidien du cabinet du ministre, réclamations de parents, de victimes ou de mis en cause adressées aux cabinets des ministres ou à la direction des affaires juridiques, informations de la direction des personnels enseignants) » avaient été nécessaires.

La mise en place de l’application Faits établissement en 2016 ([278]) a pu constituer de ce point de vue une amélioration, sans toutefois permettre, semble-t-il, la consolidation de données fines (profil des auteurs, répartition par qualification pénale, etc.).

Surtout, et cela ne remet pas en cause l’outil, elle ne permet pas d’appréhender la différence entre le nombre de faits enregistrés et le nombre de faits non déclarés, pas plus que ne l’a permis la consultation des enquêtes de victimation effectuées par la Depp, lesquelles ne font que préciser très succinctement que les faits mettant en cause des adultes sont extrêmement minoritaires dans l’ensemble des faits de violences constatés en milieu scolaire ([279]).

Recommandation n° 4 : Produire et rendre publiques chaque année des données chiffrées, par académie et type d’établissements (degré et statut) permettant de mesurer les violences commises par des adultes sur des élèves en milieu scolaire, en consolidant les données de la cellule Signal Éduc (voir recommandation n° 36), de Faits établissement et du 119.

Il semble toutefois raisonnable de supposer que, pour ces violences comme pour les autres, seule une minorité de victimes les dénonce, sans qu’il soit possible d’estimer cette part en l’état des connaissances : à titre indicatif, la Ciivise l’établit à 24 % s’agissant des violences commises en milieu institutionnel (un champ plus large, donc, que le seul milieu scolaire), cette donnée ne concernant toutefois que les violences sexuelles.

  1.   La persistance du « pas de vague »

Outre le fait que la victime doit l’avoir révélé, l’enregistrement d’un fait de violence dans Faits établissement implique deux autres conditions cumulatives et donc autant de filtres potentiels : d’une part, il faut que cette information soit transmise au directeur de son école, à l’IEN de circonscription ou au chef de son établissement ([280]) ; d’autre part, il est nécessaire que celui-ci ait ensuite pris l’initiative de l’enregistrer dans l’application.

Or la persistance de la loi du silence dans certains établissements, qui a été évoquée par plusieurs personnes auditionnées dans le cadre des travaux d’enquête, conduit également à formuler l’hypothèse que tous les faits révélés ne sont pas pour autant enregistrés. Le silence des adultes semble en effet continuer de prospérer à bien des égards, les mêmes facteurs que ceux évoqués au I supra paraissant toujours à l’œuvre : minimisation des faits, gêne du fait d’un lien personnel avec le mis en cause, souhait de ne pas nuire à la réputation de l’établissement, conception autoritaire de l’éducation, etc. ([281]) Cette situation peut ainsi conduire à une sous-déclaration des faits, y compris par les membres du personnel des établissements scolaires qui en ont connaissance : le GIP-FEP indique ainsi dans sa réponse au questionnaire écrit adressé par les rapporteurs qu’« il n’est pas rare de voir des sollicitants professionnels qui ne souhaitent pas être identifiés. Des inquiétudes face aux parents et à la hiérarchie peuvent être évoqués ».

Cette inquiétude face à la hiérarchie a été largement mentionnée lors de la table ronde réunissant les syndicats représentatifs des enseignants du secteur public ([282]), plusieurs syndicats ayant évoqué les risques associés au fait pour un personnel de l’éducation nationale de signaler de tels faits : Marion Jasseron, co-secrétaire de la Fédération solidaires, unitaires et démocratiques (SUD) éducation, a notamment indiqué que son syndicat défendait « les lanceurs et lanceuses d’alerte » car « les personnes qui parlent au sein de l’éducation nationale subissent une répression conséquente, tant de la part de la hiérarchie que de l’administration. Des personnels ont par exemple été mutés dans l’intérêt du service après avoir dénoncé des situations de violence envers des enfants ».

Karine Fromont, secrétaire nationale en charge de la qualité de vie et des conditions de travail du Syndicat des enseignants de l’Union nationale des syndicats autonomes (SE-Unsa) a quant à elle estimé que « la pression liée à la notoriété des établissements scolaires représente un obstacle, qui peut dissuader les collègues de parler par crainte d’affecter la réputation de l’établissement concerné ». Pour le Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc), Xavier Périnet-Marquet, membre du bureau national et de la commission 1er degré, a affirmé que certains de ses « collègues ont déjà été sanctionnés pour déloyauté pour avoir effectué des signalements directs au parquet, sur la base de l’article 40, sans en avoir préalablement informé leur hiérarchie », ajoutant par ailleurs que « certains collègues peuvent se censurer par peur des conséquences ».

De façon tout aussi préoccupante, Brice Castel, secrétaire national de la Fédération syndicale unitaire (FSU) a indiqué que « le blocage éventuel des signalements se produit, en effet », évoquant cette fois des informations considérées, par les personnels dont ils émanaient, comme devant faire l’objet d’un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale mais qui n’étaient pas transmises aux autorités judiciaires : « On constate de plus en plus une demande de transmission préalable à la DSDEN pour un filtrage avant l’envoi au parquet. Ce protocole est bien souvent mis en place par la direction académique sous l’autorité du Dasen. Auparavant, nous étions responsables de nos écrits et de leur transmission, ce qui existe encore dans de nombreux endroits. Aujourd’hui, dans certaines académies et certains départements, il est demandé que les signalements passent d’abord par la DSDEN, qui décide ensuite de les transmettre ou non au parquet. » Il précisait ensuite que « cette situation s’est produite dans un lieu où, ces dernières années, des signalements concernant des comportements violents envers des élèves de la part de personnels ont été bloqués au niveau de la direction académique, empêchant ainsi une alerte appropriée au moment opportun ».

La loi du silence a également été évoquée lors de la table ronde réunissant plusieurs associations de protection de l’enfance ([283]). La présidente de l’association Les maltraitances, moi j’en parle !, Nathalie Cougny, a ainsi affirmé : « Nombre d’enseignants ou de membres du personnel éducatif nous disent que la hiérarchie ne bouge pas, qu’elle ne fait rien. […] Pourquoi ? Je ne le sais pas précisément. En tout cas, il est clair qu’il ne faut pas faire de bruit, tous nous le disent. On fait remonter des cas et on nous dit : "ce n’est pas grave". On minimise les choses, on ne prend pas en compte la parole de l’enfant. Or un enfant qui dit quelque chose, il faut l’entendre et agir tout de suite. On l’a bien vu dans les cas de harcèlement scolaire qui ont conduit aux suicides d’enfants : il ne s’est rien passé, aucune aide ou protection. Au contraire, on a critiqué les parents en les menaçant de déposer plainte contre eux. Où voit-on cela ? […] C’est complètement aberrant, en France, aujourd’hui, avec les dispositifs qui existent malgré tout. Pas de vague, pas de bruit. » Mme Isabelle Debré, présidente de l’association L’Enfant bleu, a ajouté que « le procès concernant la petite Amandine ([284]) en donne un exemple typique. Il y a eu sur sa situation un rapport qui est remonté à l’inspection académique. Pourquoi le procureur n’en atil jamais eu vent ? C’est tout ».

Enfin, lors de la table ronde ([285]) réunissant les représentant de parents d’élèves de l’enseignement public et de l’enseignement catholique, Laurent Zameczkowski, porte-parole de la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement public (Peep), a considéré que « l’administration semble aujourd’hui largement dysfonctionnelle et maltraitante, étouffant les problèmes au lieu de les traiter ».

Au regard de ces nombreux témoignages d’auditionnés, il est donc probable que les statistiques ne reflètent qu’une petite partie de la réalité. Il est également probable que la prise de conscience suscitée par la phase de libération de la parole que nous traversons entraîne une augmentation des signalements dans les années à venir, ce que seul le recul permettra, le cas échéant, de confirmer.

  1.   L’affaire de la section cirque du lycée public Pierre Bayen de Châlons‑en-Champagne : une illustration des dysfonctionnements de l’éducation nationale

Un professeur agrégé, chevalier des Arts et des Lettres et co-directeur de l’option « arts du cirque » de ce lycée, Pascal V., a été retrouvé mort à son domicile le 7 décembre 2023 par la police, venue l’interpeller pour des faits de viol, agressions sexuelles, soumission chimique, harcèlement moral et sexuel et violences physiques et psychologiques qu’il aurait commis, entre 1998 et 2023, avant d’être suspendu de ses fonctions par l’éducation nationale. Neuf plaintes d’anciens élèves ont été déposées. L’action pénale étant éteinte du fait du suicide de l’ancien professeur, trois victimes, deux associations de parents d’élèves et la professeure qui donnait l’alerte depuis 2021 ont saisi en 2024 le tribunal administratif afin de voir reconnaître la responsabilité de l’État dans la gestion de cette affaire ([286]).

En effet, si celle-ci ne concerne qu’un individu et ne présente donc pas de caractère systémique, elle est toutefois révélatrice de dysfonctionnements persistants des services de l’éducation nationale dans la gestion des cas de violences perpétrées par des membres de son personnel.

Une première alerte avait été donnée par une élève à la proviseure de ce lycée en 2016, une alerte anonyme et peu détaillée que la proviseure avait néanmoins signalée à son Dasen, de même que certaines rumeurs d’« attouchements » qui lui avaient été rapportées et le fait que l’enseignant recevait des élèves à son domicile. Le Dasen lui avait alors simplement conseillé de « rester vigilante » ([287]).

Selon le rapport d’enquête administrative établi par l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) en juin 2024, document confidentiel transmis aux rapporteurs dans le cadre de la présente enquête, au mois de juillet 2021, un message posté sur les réseaux sociaux dans le sillage du mouvement #Balance ton cirque affirmait que « dans les écoles de cirque […], des enseignants dont les comportements de prédateurs avaient été signalés, sont restés en poste. C’est le cas au CNAC et à l’option cirque du lycée Bayen […] ». C’est Pascal V. qui est ainsi désigné. La proviseure, alertée quelques jours plus tard par une journaliste, en informe à nouveau le Dasen. Ni l’un, ni l’autre ne jugent bon de convoquer le professeur à ce stade, considérant ne pas disposer d’éléments suffisants, se méfiant des réseaux sociaux, et estimant qu’il fallait faire preuve de prudence. Le rapport d’inspection estime pour sa part que « la prudence aurait été d’engager des moyens de vérification ».

Dès septembre 2021, le Centre national des arts du cirque (Cnac) évince Pascal V. et en avertit la proviseure par un courrier qui précise : « Nous avons été informés, par certains de nos étudiants, par l’intermédiaire de notre équipe pédagogique, sur le comportement de M. Pascal V […]. C’est pourquoi nous vous demandons […] d’éviter la présence de Pascal V dans nos locaux. » ([288]) La proviseure avertit de nouveau le Dasen, et lui seul, tout en soulignant l’investissement de l’enseignant dans l’établissement et le fait qu’aucune plainte n’a été déposée. Elle n’obtient pas de réponse, « cela ne l’incitant pas à mener des investigations », selon les inspectrices générales.

Les approches totalement distinctes de deux entités publiques dépendant de l’État est ici patent : le Cnac, opérateur de l’État financé par le ministère de la culture, a immédiatement pris des mesures conservatoires tandis que l’éducation nationale est restée sans réaction, malgré des alertes répétées du Cnac et de nombreux échanges entre les deux structures entre 2021 et 2023.

Toujours selon le rapport de l’inspection générale, « en janvier 2022, la nouvelle directrice du Cnac, alertée par des étudiants, contacte le délégué académique à l’action culturelle (Daac) et la proviseure » : elle signale que des élèves se sont confiés à l’infirmier du lycée. Le Daac prend l’attache du proviseur adjoint, qui lui répond que « les étudiants du Cnac ne sont pas à confondre avec ceux du lycée, qu’à ce jour, à [sa] connaissance, aucune plainte n’[a] été déposée ». Les IA-IPR référentes, le Dasen, le directeur des ressources humaines (DRH) du rectorat et le cabinet du recteur ne sont pas informés de ces nouveaux développements. Une autre élève s’ouvre en parallèle à l’infirmier du lycée du fait que Pascal V. l’aurait menacée. L’infirmier suit les conseils de l’assistante sociale, qui lui indique que cette situation ne mérite pas de signalement – ni l’un ni l’autre n’étant au fait du contexte.

C’est en mai 2022 que la lanceuse d’alerte Marie-Pierre Jacquard, binôme et jusque-là amie de Pascal V., avertit la direction à la suite d’échanges avec des lycéens. La direction semble à l’écoute mais n’engage aucune action. Mme Jacquard demande alors une rencontre avec l’IA-IPR référente de la section cirque, jamais informée jusque-là. L’enseignante l’informe avoir « reçu de nombreux témoignages d’anciens élèves qui attestent d’une attitude proche du harcèlement, d’emprise, de manipulation psychologique de la part de M. V. Elle ne sait pas quoi faire de cette parole, elle est démunie ».

L’inspectrice régionale précisera plus tard aux inspectrices générales : « Je lui ai demandé si elle disposait de témoignages écrits, je lui ai dit que son propos devait être étayé pour ne pas qu’on l’accuse de diffamation […] Nous n’avions pas idée que ce n’est pas à [l’enseignante] de recueillir les témoignages, que c’est une question RH qui nécessite d’informer le DRH ou le SG. » En juillet, la proviseure organise ce que l’inspection générale apparente à une « confrontation » entre les deux enseignants, en présence des deux IA-IPR. L’une de ces deux dernières précisera à l’inspection générale : « Il nous semblait que faire aborder la question par [l’enseignante binôme], vu leur proximité, était la bonne façon d’agir, pour officialiser le problème, et que cela nous permettrait d’agir. Nous souhaitions entendre le contradictoire de Monsieur V lors de ce conseil », ajoutant que ce jour-là, l’enseignante n’avait rien dit et « semblait très mal à l’aise » tandis que Pascal V. s’était « défendu de façon très véhémente ».

Cette technique de défense semblant avoir produit l’effet escompté : plus aucune action n’est entreprise jusqu’en février 2023, lorsque Mme Jacquard, l’enseignante binôme de M. V. annonce à la direction, dans le contexte de la préparation des portes ouvertes, qu’elle « ne souhaite pas participer au recrutement de nouveaux élèves en sachant qu’ils seront entre les mains » de ce dernier. Parallèlement, une autre élève se confie au proviseur-adjoint sur les réflexions et le comportement inappropriés de Pascal V. La direction le convoque pour la première fois. La proviseure rapportera à l’inspection générale qu’il « [se met] dans une colère noire, évoque une diffamation. Une promotion d’élèves en particulier lui en veut. Il évoque un trauma, un viol par deux cousins avec traces de cigarettes sur son corps. […] Il part en [la] menaçant, qu’il se garde le droit d’aller au pénal ».

La gestion catastrophique de la situation se poursuit pourtant, Pascal V. étant désigné pour être, avec Marie-Pierre Jacquard, l’un des quatre accompagnateurs d’un voyage scolaire organisé le même mois. La proviseure indiquera aux inspectrices générales, qu’elle espérait que pendant ce voyage « [l’enseignante binôme] ait l’occasion d’échanger directement avec son collègue car jusqu’alors nous avons toujours été les intermédiaires », sans se poser la question de la sécurité des élèves, ce que l’inspection relève dans son rapport.

À la fin février, l’enseignante prévient la direction et les IA-IPR avoir saisi le Syndicat national de l’éducation physique (Snep-FSU), mais aussi qu’elle reçoit des messages spontanés d’élèves et qu’elle a contacté quelques parents pour en savoir plus. Sa demande, formulée dans le message, de « récupérer l’entièreté de son poste à profil, en pratique et en théorie », c’est-à-dire des heures d’enseignement en partie confiées à Pascal V., est immédiatement interprétée par ses interlocuteurs comme l’expression d’un « conflit interpersonnel […] instaurant un doute sur [sa] motivation », selon les inspectrices générales. Le syndicat conseille à Mme Jacquard de demander la protection fonctionnelle. Le lendemain, la proviseure reçoit un nouveau témoignage d’élève et une nouvelle alerte de la directrice du Cnac après que celle-ci a recueilli les témoignages de quatre étudiants scolarisés au sein du lycée en 2019-2020.

Le Dasen, le DRH et le cabinet ne sont toujours pas tenus informés de ces éléments.

Ce n’est que lorsque l’enseignante lanceuse d’alerte se décide, en mars 2023, à saisir l’association Colosse aux pieds d’argile ([289]) que la situation évolue enfin ([290]) : l’association recueille quinze témoignages d’élèves et anciens élèves en à peine un mois. Entre temps, au terme d’un nouvel échange tendu avec l’enseignante binôme, la proviseure s’était crue obligée de lui rappeler « que nous vivions dans un état de droit et que l’on ne pouvait mettre une personne au pilori sur la base de rumeurs ».

Le 4 avril 2023, l’association Colosse aux pieds d’argile effectue un signalement en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale. Le procureur de la République lui répond dès le 12 avril qu’il ouvre une enquête, et lui demande si l’enseignant a fait l’objet de mesures conservatoires, l’association répondant n’avoir pas de retour du rectorat à ce sujet. Le recteur indiquera à l’inspection générale n’avoir pas eu connaissance de ces échanges. La proviseure avait pourtant été informée du signalement par Mme Jacquard, et en avait averti le Dasen qui lui-même avait averti le directeur des ressources humaines du rectorat, n’obtenant aucune réponse en retour.

Le 19 avril 2023, l’enseignante binôme s’adresse directement au recteur pour demander la protection fonctionnelle, qui lui sera refusée, le 20 juillet 2023, par écrit. Et pour cause, le recteur et son service juridique avaient demandé des informations à la proviseure et aux deux IA-IPR, qui, concordantes, indiquaient « qu’il s’agit d’une situation complexe entre deux professeurs, qu’il s’agirait d’une question de leadership, qu’il y aurait une forme d’instrumentalisation ».

Pascal V. est toujours présent à la rentrée 2023, tandis que la lanceuse d’alerte, du fait de cette situation et de son sentiment d’isolement, est en arrêt maladie. La question de son remplacement se pose, dans un contexte de pression des parents d’élèves, qui la soutiennent, remettent en cause le professionnalisme de la direction et se constitueront quelques semaines plus tard en collectif. Ce n’est que le 29 septembre 2023, soit plus de deux ans après les premières alertes sérieuses, qu’après qu’un ancien élève et victime présumée de Pascal V. a porté plainte et a été entendu à sa demande par le DRH du rectorat, que Pascal V. est enfin suspendu. Le DRH décrira à l’inspection générale le témoignage de cet élève comme l’un « des plus difficiles [qu’il ait] pu entendre dans [sa] carrière ».

Dans le contexte de leur déplacement à Châlons-en-Champagne, le 22 avril 2025, pour y exercer un contrôle sur pièces et sur place, les rapporteurs ont reçu, par écrit, le témoignage de cet ancien élève, Florent C., qui leur livrait une analyse si pertinente de la situation qu’il leur a semblé nécessaire de l’annexer dans son intégralité ([291]).

Cette affaire démontre, s’il en était besoin, combien la minimisation des faits, la protection des agresseurs, particulièrement lorsqu’ils sont auréolés d’un certain prestige, la décrédibilisation des lanceurs – ou, comme c’est souvent le cas, des lanceuses – d’alerte et la loi du silence, ne sont pas l’apanage de l’enseignement privé sous contrat.

Les suites du contrôle sur pièces et sur place des rapporteurs

Le 22 avril 2025, les rapporteurs ont effectué un déplacement à Châlons-en-Champagne, dans l’objectif de mieux comprendre l’« affaire Pascal V. » et, surtout, les dysfonctionnements administratifs auxquelles elle a donné lieu (voir infra).

Les rapporteurs ont d’abord participé à une table ronde organisée à la préfecture de la Marne, en présence du préfet, de la procureure de la République, du recteur, de la directrice académique des services de l’éducation nationale, ainsi que d’un représentant du conseil départemental. Les échanges ont permis de constater que, si l’autorité hiérarchique avait été défaillante dans la gestion du cas, avec une absence, pendant deux ans, de mesures conservatoire et disciplinaire, les services académiques étaient désormais pleinement impliqués dans le suivi des conséquences de l’affaire, et notamment dans la mise en œuvre de mesures correctives au lycée Pierre Bayen.

Le contrôle sur pièces et sur place effectué au sein du lycée Pierre Bayen a quant à lui donné à voir une équipe de direction entièrement recomposée et déterminée à mettre en œuvre les recommandations du rapport d’enquête administrative de l’IGESR, dont une mission d’appui a d’ailleurs été diligentée à la demande du recteur, afin de porter assistance à l’établissement dans la restructuration de la filière arts du cirque.

Les rapporteurs ont par ailleurs pris contact avec les services académiques pour s’assurer que la lanceuse d’alerte, Marie-Pierre Jacquard, pourrait bien bénéficier de mesures d’accompagnement qu’ils espèrent voir advenir dans les prochaines semaines.

2.   La persistance préoccupante de violences dans l’enseignement privé, notamment catholique

  1.   Une loi du silence toujours solidement ancrée dans de trop nombreux établissements

Comme cela a été rappelé, aucune donnée disponible ni aucune estimation ne permettent d’établir un état des lieux, même parcellaire ou imparfait, de la situation dans les établissements d’enseignement privé sous contrat se rattachant au Secrétariat général de l’enseignement catholique.

La tendance à gérer les affaires en interne, voire à les étouffer, y semble toutefois au moins aussi marquée sinon davantage que dans l’enseignement public. C’est en tout cas ce qui ressortait de la table ronde ([292]) organisée avec les syndicats représentatifs des enseignants de ces établissements. Il convient d’ailleurs de relever que le planning des auditions a été modifié par les rapporteurs, à la suite de la demande de plusieurs organisations syndicales de l’enseignement catholique d’être auditionnées séparément des organisations des représentants des chefs de ces mêmes établissements, afin que la parole puisse être plus libre.

De fait, les deux auditions, organisées séparément, ont permis de constater l’existence d’un important « décalage » – ainsi que l’a relevé le rapporteur Paul Vannier – entre chefs d’établissement ([293]) et autres personnels dans la perception de la situation comme dans les propos tenus. Le statut et la position particulière de ces chefs d’établissement – sur lesquels la seconde partie du présent rapport reviendra plus en détail – y ont été largement soulignés, ainsi que leurs conséquences sur la perpétuation, dans certains établissements, de la loi du silence.

Delphine Bouchoux, membre du Syndicat national de l’enseignement chrétien-CFTC (Snec-CFTC) et élue au Comité consultatif ministériel des maîtres de l’enseignement privé sous contrat (CCMMEP), expliquait ainsi sans détour que « la voie hiérarchique, qui commence chez nous par le chef d’établissement, est privilégiée en vertu du principe de subsidiarité auquel tiennent les chefs d’établissement et, plus généralement, l’enseignement privé. Ce principe, qui peut parfois arranger les services du rectorat, postule que le chef d’établissement doit tout gérer. Cependant, il est lui-même confronté à la crainte de ternir l’image de son établissement. C’est la raison pour laquelle les personnels d’établissements privés souhaitant faire toute la lumière sur certains problèmes sont parfois freinés par la crainte de pressions au cas où l’affaire dont ils ont été témoins ou qui leur a été rapportée viendrait à s’ébruiter au-delà des murs de l’établissement. En conclusion, nous estimons que le filtre hiérarchique constitue un obstacle majeur, tant pour les contrôles que pour le traitement des violences. Le traitement en interne, fût-il motivé par l’intention d’agir plus rapidement ou d’être plus proche du terrain, peut en réalité conduire à minimiser la situation, retarder la transmission de l’information, voire étouffer certaines affaires ».

Après avoir indiqué que son syndicat avait effectué un sondage auprès de ses adhérents en préparation de l’audition, lequel avait donné lieu à plus de 600 réponses, Marie Troadec, responsable du premier degré à la CGT-enseignement privé, indiquait que les résultats de celui-ci s’avéraient préoccupants « concernant les violences dans l’enseignement catholique et le rapport au chef d’établissement. Dans l’espace d’expression libre, nos collègues évoquent fréquemment les violences qu’ils subissent eux-mêmes. Lorsque nous leur demandons de qui ils auraient besoin d’être protégés s’ils dénonçaient des violences sur les élèves, 36 % désignent leur chef d’établissement ». Pascale Picol, membre du bureau national de la CGT-enseignement privé et élue CCMMEP, ajoutait que « la peur des retombées est omniprésente, les collègues redoutant souvent les conséquences de l’émission d’un signalement, ce qui engendre un sentiment de désarroi ».

Valérie Ginet, secrétaire générale adjointe de la Fédération des syndicats des personnels de la formation et de l’enseignement privé-CFDT (FEP-CFDT), décrivait pour sa part « la procédure officielle, [qui] exige que les signalements empruntent la voie hiérarchique, ce qui implique systématiquement de passer par le chef d’établissement. Bien que cette démarche soit logique, elle peut dissuader certaines personnes de signaler des faits, car cela les expose et peut les mettre en danger. En effet, signaler un problème n’est pas toujours bien perçu ni compris ».

Elle ajoutait, à l’instar de plusieurs autres représentants syndicaux : « En outre, le coût personnel d’un signalement est souvent élevé, particulièrement dans l’enseignement privé où l’on trouve davantage de personnels précaires, de maîtres délégués, et un important turnover parmi les personnels de droit privé. Ces facteurs constituent un frein réel aux signalements. » Jean-Louis Stalder, président de la Fédération nationale des syndicats professionnels de l’enseignement libre catholique (Spelc), insistait également à plusieurs reprises sur « le caractère précaire et instable de la situation des maîtres délégués [qui] les place dans une grande fragilité », Mme Picol indiquant souscrire « entièrement » à ses propos.

Le rôle ambigu des organismes de gestion et des tutelles a également été souligné par plusieurs intervenants de cette table ronde. M. Stalder indiquait par exemple que « les DDEC et l’Ogec doivent en finir avec ce réflexe consistant à protéger le chef d’établissement avant toute autre considération ». Évoquant pour sa part les diocèses auxquels, selon elle, les chefs d’établissement « s’en réfèrent en premier lieu », Mme Ginet considérait que « certains réagissent de manière appropriée, […] tandis que d’autres invoquent la présomption d’innocence pour ne rien faire, au risque de laisser des enfants dans une situation de danger ».

Des motifs plus diffus, qui font écho à certaines situations évoquées dans le I supra, ont également été mentionnés par les syndicats de l’enseignement catholique pour expliquer que des faits demeurent non révélés. Mme Bouchoux constatait ainsi qu’« en réalité […] ces situations font d’abord l’objet d’une gestion en interne, souvent motivée par la volonté d’éviter un scandale public et par une forme de déni ». Mme Ginet estimait pour sa part que « nous sommes confrontés à un continuum de violences incluant les violences psychologiques et institutionnelles. Si les cas de violences physiques ou sexuelles envers les enfants ne sont pas quotidiens, nous sommes en revanche très fréquemment alertés sur des climats d’établissement délétères nuisant au bien-être des élèves et des enseignants », opposant ces établissements à ceux où « règnent un bon climat social, une communication ouverte et un travail d’équipe efficace », et où « les problèmes sont généralement signalés et traités de manière appropriée. En revanche, les dysfonctionnements majeurs au niveau du dialogue social, la crainte du chef d’établissement, la stigmatisation de certains enseignants, ou encore l’autorisation d’interventions d’associations aux idéologies contestables, constituent des indicateurs de violence institutionnelle qu’il convient impérativement de prendre en compte ». Elle soulignait encore que « certains établissements fonctionnent selon un modèle très patriarcal, où remettre en cause la réputation de l’établissement ou de certaines personnes est mal vu, ce qui explique que les signalements ne sont pas systématiques ».

Pour souligner la sincérité de ces témoignages, Mme Bouchoux affirmait enfin : « Notre expérience de terrain et notre implication dans diverses instances de l’enseignement catholique, du rectorat ou du ministère, nous confèrent une légitimité certaine. Il serait extrêmement imprudent de notre part d’affirmer que des faits de violence sont étouffés, minimisés et que l’information est retardée, si cela n’était pas avéré. »

b.   De nombreuses affaires récentes révélées par la presse

La loi du silence s’est toutefois largement fissurée avec l’éclatement de l’affaire Bétharram et, dans son sillage, la révélation d’un très grand nombre d’affaires, y compris concernant des faits récents, par une presse particulièrement attentive à ces questions dans le contexte de la rédaction du présent rapport. Ces nombreuses affaires concernent des violences commises par des adultes en milieu scolaire et viennent corroborer l’hypothèse selon laquelle, dans l’enseignement catholique également, ces violences seraient loin d’être éradiquées.

Certaines affaires avaient toutefois également été révélées avant l’« affaire Bétharram », comme celle mettant en cause, en 2021, Daniel Chapellier, alors directeur de l’établissement Saint-Jean de Passy dans le XVIème arrondissement de Paris, qui a été condamné le 6 juin 2025 à cinq ans de prison avec sursis ([294]), interdiction définitive d’exercer une activité en lien avec les mineurs et inscription au fichier des délinquants sexuels pour avoir agressé sexuellement un élève de 14 ans dans son bureau en février 2021 ([295]). Il avait alors lui-même décidé de se retirer pour assurer sa défense. Cette affaire intervenait moins d’un an après que l’ancien directeur du même établissement, François-Xavier Clément, ainsi qu’un surveillant, avaient été licenciés pour « harcèlement » et « pratiques managériales dysfonctionnelles », ce qui avait occasionné de vives tensions au sein de l’établissement et de son Apel ([296]). M. Chapellier, ancien directeur, entre 2002 et 2015, du collège-lycée Stanislas, avait été appelé pour reprendre en main l’établissement et apaiser les tensions. Après la révélation de l’affaire, un certain nombre d’élèves, de Saint-Jean-de-Passy, mais aussi de Stanislas, avaient révélé que le directeur aurait eu coutume de convoquer les élèves pour les interroger sur leurs pratiques sexuelles, au cours de longs interrogatoires ne manquant pas de susciter chez eux une gêne certaine.

Pour sa défense, M. Chapellier, dont le silence après les faits semblait, selon la magistrate ayant prononcé sa condamnation, contredire sa version selon laquelle il n’aurait eu aucun propos ni geste déplacé, à l’inverse du collégien qui lui aurait demandé une fellation, avait notamment mis en avant la « sidération » qui aurait été la sienne face aux provocations du jeune garçon.

Son avocat avait pour sa part versé au dossier une centaine d’attestations de collègues et d’anciens élèves en sa faveur : « Elles démontrent de manière assez unanime un homme qui, s’il peut être extrêmement sévère dans son cadre éducatif, a néanmoins laissé un bon souvenir chez beaucoup de gens. » ([297]) Le diocèse de Paris avait quant à lui admis avoir reçu plusieurs courriers de parents d’élèves lui reprochant sa « rigidité », « sa dureté » et de « s’être montré humiliant avec leurs enfants ». M. Chapellier aurait d’ailleurs déjà été licencié en 2000 par un établissement car considéré trop strict ([298]).

À compter d’avril 2025 toutefois, les révélations se font bien plus nombreuses.

Certaines mettent également en cause des directeurs d’établissement, comme celui de Notre-Dame d’Espérance de Saint-Nazaire, suspendu en mai 2025 pour des comportements jugés inappropriés envers les élèves, notamment « lors d’un voyage scolaire à Paris, mais aussi à l’internat : des intrusions dans les chambres, des caresses sur les hanches, le visage, des poitrines effleurées, des mots susurrés dans l’oreille selon les lettres de signalement envoyées au rectorat dans la foulée de ce voyage », les syndicats ayant pour leur part indiqué que, par ailleurs, des « faits glaçants remontaient de son passé dans l’Orne » ([299]).

Des professeurs sont également mis en cause. Sans prétendre à l’exhaustivité, les rapporteurs ont notamment pris connaissance de cas de violences sexuelles graves telles que celles, révélées par BFM, qui auraient été commises par un professeur du collège privé sous contrat Saint-Joseph à Gap ([300]), entre 2015 et 2017 et possiblement au-delà de cette période, pour lesquels une enquête est actuellement en cours, le professeur ayant été suspendu.

Ouest France a également révélé qu’un professeur d’EPS du collège privé Saint-Pierre de Caen ([301]) a été suspendu par le rectorat début 2025 à la suite de cinq témoignages d’anciens élèves pour des faits d’agressions sexuelles qui auraient été commis à partir de 2017.

La Voix du Nord révélait également qu’un autre professeur d’EPS, du collège Saint-Jean à la Madeleine ([302]), avait été interpelé le 26 février 2025 pour détention et captation en vue de leur diffusion d’images à caractère pédopornographique. Il aurait notamment filmé des élèves dans les vestiaires de la piscine. Le nombre de victimes que leurs parents ont reconnues sur les images est important, une douzaine initialement, auxquelles d’autres se sont ajoutées sans que leur nombre soit précisément connu. Les parents des victimes se sont constitués en collectif.

Ces violences sexuelles, si elles concernent pour beaucoup le second degré, ne semblent pas épargner les élèves du premier degré : ainsi, Ici Gironde relatait le cas d’un ancien enseignant de l’école primaire bordelaise Saint-Genès La Salle, en détention provisoire depuis deux ans et actuellement mis en examen pour treize viols aggravés, cinq agressions sexuelles, six cas de voyeurisme et la détention d’images à caractère pédopornographique. L’enseignant avait été interpelé en juin 2023, notamment après que quatre élèves de CM2 avaient affirmé qu’il les avait filmées sous la douche au cours d’un voyage scolaire. Le directeur du même établissement s’était donné la mort quelques jours plus tard, évoquant dans une lettre « sa responsabilité de n’avoir pas été plus vigilant » ([303]). Des témoignages ultérieurs avaient révélé l’ampleur de l’affaire et la gravité des faits qui auraient été commis par le mis en cause, et qui n’apparaissent pleinement que dans les articles de presse des derniers mois.

Des cas de violences entre élèves mais mettant en cause l’organisation ou les méthodes de traitement de ces affaires par les établissements ont également attiré l’attention des rapporteurs, en particulier dans l’affaire, révélée le 5 avril 2025 par L’Est Républicain, d’un élève-surveillant visé par cinq plaintes déposées par des élèves du collège-lycée Saint-Michel d’Art-sur-Meurthe pour viols et agressions sexuelles sous la menace d’une arme blanche. Les faits se seraient déroulés notamment en 2021 et 2022 dans les douches et dortoirs de l’internat de l’établissement. Selon France 3, les parents n’avaient pas connaissance de cette affaire avant sa révélation par la presse, alors que le mis en cause est sous contrôle judiciaire sous bracelet électronique depuis 2022 ([304]).

De très nombreux témoignages ont également émergé, qui font état d’un climat permanent de violences de tous ordres, y compris sexuelles, entre élèves, insuffisamment pris en compte voire étouffés par la direction du collège Sainte-Bernadette de Pau, appartenant à l’institution des Apprentis d’Auteuil. De même, BFM TV révélait en mai 2025 que le collège privé Mère Teresa de Villeurbanne aurait exclu – en refusant de le réinscrire pour la rentrée suivante – un élève victime d’attouchements sexuels, tandis que les trois élèves mis en cause n’auraient pas été inquiétés. La situation aurait été portée à la connaissance du rectorat, lequel aurait indiqué que le dossier était « à l’étude » et être « très attentif à la situation ».

Cette liste, qui n’a pas pour prétention d’être exhaustive, et concerne uniquement des affaires récentes – voire très récentes –, semble témoigner du fait que les violences n’appartiennent pas à l’histoire ancienne – bien au contraire –, dans l’enseignement privé comme dans les établissements publics, et qu’elles méritent une vigilance accrue et un traitement bien plus rigoureux. Outre ces révélations par les médias, des témoignages ont été recueillis par les rapporteurs, qui décrivent des situations dans lesquelles des élèves scolarisés dans des établissements privés catholiques et victimes de différentes formes de violences n’avaient pas été protégés par la direction de leurs établissements.

3.   La persistance voire la résurgence de contextes favorables aux violences systémiques ?

a.   Des violences plus insidieuses

Outre les violences psychologiques, physiques et sexuelles très largement abordées jusqu’ici, l’attention des rapporteurs a été appelée, par différents témoignages mais aussi au cours des auditions, sur le climat au sein de certains établissements privés. Mme Valérie Ginet, secrétaire générale adjointe de la FEP-CFDT avait notamment indiqué lors de son audition par la commission ([305]) que « si les cas de violences physiques ou sexuelles envers les enfants ne sont pas quotidiens, nous sommes en revanche très fréquemment alertés sur des climats d’établissement délétères nuisant au bien-être des élèves et des enseignants ». Mme Ginet poursuivait en mentionnant « la crainte du chef d’établissement, la stigmatisation de certains enseignants, ou encore l’autorisation d’interventions d’associations aux idéologies contestables » comme autant d’« indicateurs de violence institutionnelle ».

Selon les rapporteurs, les pouvoirs publics doivent en effet prêter attention à certains signaux faibles, susceptibles de favoriser des violences plus insidieuses, mais néanmoins bien réelles : délivrance aux élèves de messages contraires aux valeurs de la République, violations de leur liberté de conscience et absence délibérée de certains enseignements pourtant prévus au programme.

Ils appellent ainsi à veiller à l’application des principes issus de la loi Debré, c’est-à-dire : assurer que l’enseignement sous contrat, financé par l’État, soit dispensé selon les règles et les programmes de l’enseignement public (article L. 442‑5 du code de l’éducation), ceci incluant le respect de la liberté pédagogique des professeurs ; garantir le respect total de la liberté de conscience, qui concerne tant les élèves que les enseignants (articles L. 442-1 et L. 442-5 du même code), ceux-ci devant pour leur part respecter le caractère propre de l’établissement ; veiller au respect de la Constitution, des lois et des valeurs de la République (articles L. 241-4 et L. 131-1-1 du même code) ; à l’accueil de tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances (article L. 442-1 du même code) ; au caractère facultatif de l’enseignement religieux (article L. 141-3 du même code).

C’est sur ces fondements que la rectrice de l’académie de Bordeaux avait pris, le 11 septembre 2024, la décision exceptionnelle de suspendre pour une durée de trois ans le directeur de l’établissement l’Immaculée Conception de Pau, à l’issue d’une inspection académique. Cette visite faisait elle-même suite à une première « visite d’objectivation » réalisée le 15 janvier 2021, notamment par l’IA-Dasen et plusieurs membres de l’équipe académique « valeurs de la République » ([306]).

Cette première visite avait été suscitée par de nombreuses alertes d’enseignants et par l’envoi d’un courrier intersyndical au rectorat qui faisaient notamment état d’atteintes à la liberté pédagogique et d’un management autoritaire. La visite d’objectivation avait permis, selon une note interne des services du rectorat à la rectrice transmise aux rapporteurs ([307]), de constater : des « contestations d’enseignements par des parents ou élèves » sans soutien de la direction aux enseignants ; des « manquements au contrat d’association avec l’État, avec des cours obligatoires annulés pour des événements religieux […], des temps de prière à caractère obligatoire [et] la présence de notes en lien avec l’instruction religieuse sur les bulletins trimestriels des élèves » ; des problèmes de management, se traduisant par « des tensions fortes au sein de l’équipe pédagogique » ; enfin, des manquements relatifs à « la pédagogie et aux enseignements ». À la suite de cette visite, l’établissement avait pris des engagements pour mettre un terme à ces manquements, par un courrier de son directeur à la rectrice en date du 25 janvier 2021.

Or, le 17 octobre 2023, le rectorat avait pris connaissance de la lettre de rentrée adressée par le directeur aux élèves et à leurs parents ([308]) dans laquelle il écrivait, à propos des directives ministérielles et notamment de la circulaire de rentrée, qu’elles étaient dictées par « des libéraux passionnés d’égalité », évoquant avec sarcasme « nos élites éducatives » et précisant que l’établissement, pour sa part, se situait « loin de l’égalité transformée en égalitarisme et indifférenciation anthropologique », « afin de ne céder ni à l’appauvrissement des contenus, ni à ces nouvelles causes parfaites et leur dogmatisme ». Un tel manque de réserve de la part d’un chef d’établissement sous contrat avec l’État dans l’expression de ses opinions n’avait pas manqué de susciter l’« étonnement » de la rectrice ([309]). Au même moment, le rectorat avait également été averti de l’obligation persistante faite aux élèves de suivre des cours de catéchisme, de même qu’un enseignement intitulé « abrégé d’histoire des idées » dispensé par « un chanoine régulier de la mère de Dieu », de « l’organisation pendant les heures de cours de confessions par l’abbé R », de l’utilisation du terme « génocide » dans un cours d’histoire sur la Révolution française et de « l’organisation […] d’une conférence d’un intervenant défendant cette approche révisionniste de l’histoire » ([310]) et, enfin, de « l’obligation pour les élèves de terminale d’assister à une conférence religieuse de l’évêque Aillet pendant les heures de cours ». La rectrice avait donc diligenté une inspection, réalisée par une équipe de douze IA-IPR au début du mois d’avril 2024.

Le rapport rendu par les inspecteurs ([311]) avait confirmé ces alertes. Il se déclinait en quatre axes.

L’axe intitulé « un caractère propre qui s’immisce dans le contrat d’association » relevait en premier lieu « l’assimilation du fait religieux au catéchisme », par ailleurs obligatoire, et confirmait l’organisation régulière, durant les heures de cours placés sous le régime du contrat, de cérémonies et rituels à caractère religieux.

Le deuxième axe faisait état de « formes de censure et d’autocensure dans le cadre des enseignements et des activités parascolaires ». Le directeur avait ainsi adressé à des membres du personnel deux courriers leur demandant de ne pas utiliser les manuels scolaires mis à disposition des établissements dans le cadre de la réforme de 2016. Le rapport citait des extraits de ce courrier : « Je ne doute pas de vos intentions, bien entendu. Le seul livre que j’ai feuilleté ne correspond en rien au projet que nous défendons et je ne voudrais pas que ces livres que j’ai refusé d’acheter entrent dans l’établissement en ces temps troublés. » Le rapport d’inspection relevait que « les manuels scolaires des collégiens à la rentrée 2023 sont ainsi antérieurs à 2016 ». Selon les témoignages recueillis par les inspecteurs, la politique d’acquisition du centre de documentation et d’information (CDI) était elle-même orientée par le directeur vers « la royauté, la critique de la République, l’apologie voire l’obsession du martial, du combat et de la guerre ». De même, le directeur avait « censuré » en faisant « sortir du CDI des ouvrages qui avaient été commandés ». Parmi ceux-ci figuraient les exemplaires de La déclaration des droits de la femme d’Olympe de Gouges, qui figure pourtant dans le programme limitatif de littérature en classe de première. Il avait fait de même pour l’ouvrage Réparer les vivants de Maylis de Kerangal, et contraint une professeure de français qui avait fait visionner à ses élèves des extraits du film Roméo et Juliette d’écrire une lettre d’excuse aux élèves et parents d’élèves de première, les extraits présentant selon lui un « caractère pornographique ».

Le troisième axe, centré sur le management, décrivait « un fonctionnement qui génère un mal-être et dégrade le climat de travail ». À cet égard, le rapport décrivait une « fracture » due à « une gestion des ressources humaines très clivante, aucun témoignage n’étant en demi-teinte ». L’inspection faisait ainsi état d’enseignants satisfaits et ne reconnaissant pas leur établissement dans les articles de presse (une trentaine d’enseignants), tandis que d’autres (une vingtaine) étaient « en souffrance » et, pour deux d’entre eux « en grande souffrance ». Certaines attitudes « qui pourraient être constitutives de harcèlement » étaient notamment relevées, des enseignants indiquant ne pas avoir été invités à la fête de fin d’année de l’école et « être persona non grata » ou ayant évoqué une « chasse aux sorcières » ; un courriel du directeur cité par le rapport se concluait ainsi, à propos des « collègues mal intentionnés » : « Il m’arrive de prier afin que Dieu me donne la force de ne pas les écraser contre un mur. »

Le quatrième axe, intitulé « un détournement d’allocation des moyens », relevant du contrôle financier, n’a pas vocation à être développé dans le cadre du présent rapport.

Les constats de la mission avaient été formalisés par la rectrice par un courrier en date du 8 juillet 2024 au directeur de l’établissement, dans lequel elle l’engageait à « faire respecter le caractère facultatif de l’instruction religieuse », à « préciser les limites du caractère propre dans le projet d’établissement », à « veiller au respect des programmes », à « faire cesser toute entrave à la liberté pédagogique des enseignants » et à « améliorer les relations entre la direction et les membres de la communauté éducative », sans demander toutefois la réunion de la commission de concertation prévue à l’article L. 442-11 du code de l’éducation pour statuer, conformément aux dispositions de l’article L. 442-10 du même code, sur la pérennité du contrat d’association.

À l’issue de la mission, la rectrice avait engagé une procédure disciplinaire qui avait conduit à la convocation de l’intéressé le 29 août 2024, puis à sa suspension pour une durée de trois ans, le 11 septembre 2024. La presse n’avait pas manqué de voir ressusciter par cette décision « le spectre de la guerre scolaire » ([312]). En effet, une partie importante des enseignants ainsi que de nombreux parents d’élèves avaient apporté leur soutien au chef d’établissement, lequel avait immédiatement formé un recours contre la décision. Une mobilisation avait d’ailleurs été organisée dès le lendemain de la suspension, regroupant environ 200 personnes et affichant des slogans tels que « Les parents soutiennent le directeur, pays libre = école libre […] laissez-nous tranquilles ! » ([313]), puis une dizaine de jours plus tard avec la participation d’environ 700 personnes, dont un sénateur et un responsable politique local. Une association de soutien avait été constituée.

De leur côté, les organisations syndicales, en particulier la FEP-CFDT qui avait soutenu les enseignants qui avaient donné l’alerte, avaient regretté « l’ambiance extrêmement tendue » dans l’établissement, mentionnant qu’un enseignant avait été « hué par des élèves » ([314]). Un communiqué de presse publié par le collège employeur de la Confédération de l’enseignement privé non lucratif avait d’ailleurs été publié le 13 septembre 2024, qualifiant la FEP-CFDT de « cinquième colonne dans l’enseignement libre » et indiquant que « par respect pour les chefs d’établissement, pour les salariés qui ont choisi l’enseignement libre, et pour les présidents et administrateurs d’Ogec, le collège employeur décide de suspendre toutes les négociations non obligatoires, de suspendre aussi tous les accords de méthode et de revoir l’intégralité du périmètre des négociations 2024-2025, jusqu’à ce que soit éclaircie par écrit l’unanimité loyale des parties comme condition préalable à toute forme de discussion ».

Le mardi 26 novembre 2024, par une décision du juge des référés du tribunal administratif de Pau, la décision de la rectrice avait été suspendue. Le jugement au fond devant les juridictions administratives, intervenu le 21 juin 2025, a annulé la décision de suspension, confirmant les conclusions de la rapporteure publique qui avait estimé que les griefs à l’égard du directeur n’étaient pas suffisamment établis et que la sanction – trois années de suspension – était « disproportionnée ». À la date de la publication du présent rapport, une éventuelle décision de l’État de faire appel n’est pas encore connue. Une procédure reste en cours devant les juridictions pénales pour « harcèlement moral ».

Sans naturellement se prononcer sur le fond, les rapporteurs considèrent toutefois qu’une attention particulière doit être portée au respect des valeurs de la République, de la neutralité et du pluralisme des opinions dans les établissements scolaires. De même, ils considèrent que les climats de tension tels que décrits supra peuvent s’avérer préjudiciables pour les élèves.

Le non-respect de valeurs de la République avait d’ailleurs été constaté par divers contrôles, effectués par la direction régionale des finances publiques et par l’éducation nationale au sein de l’établissement privé sous contrat musulman Al Kindi, situé dans le département du Rhône. Ces contrôles avaient permis d’établir, selon une note interne du ministère de l’éducation nationale en possession des rapporteurs, datée du 4 décembre 2024 et adressée à la directrice de cabinet de la ministre, outre des manquements administratifs et financiers, « le non-respect des horaires d’enseignement dans certaines matières, l’absence d’éducation à la sexualité, l’empiètement des enseignements relevant du caractère propre sur ceux liés au contrat [et la] présence d’ouvrages contraires aux valeurs de la République dans le CDI ». À l’issue, et bien que le ministère de l’éducation nationale, à travers sa direction des affaires financières, ait fait connaître ses « réserves sur la robustesse d’une résiliation immédiate » ([315]), c’est à l’initiative de la préfète de la région Rhône-Alpes, préfète du Rhône, Fabienne Buccio, que la commission de concertation prévue à l’article R. 442-62 du code de l’éducation avait été réunie et avait donné son aval à la décision en date du 10 janvier 2025 de rupture du contrat d’association, mettant ainsi fin à tout financement public de cet établissement ([316]). Lors de son audition par la commission ([317]), Mme Buccio avait ainsi estimé que « les inspections diligentées par la rectrice et l’inspecteur d’académie étaient suffisamment tangibles pour considérer que les élèves étaient en danger. J’ai considéré que des éléments documentaires du centre documentaire commun au collège et au lycée, que certains enseignants et que la ligne directrice de l’enseignement qui était dispensé relevaient clairement du salafo-frérisme et pouvaient constituer un danger pour des élèves ou des adolescents en plein apprentissage ». À ce stade, cette décision a été confirmée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon en date du 12 mars 2025, sans que le jugement au fond soit encore intervenu.

Une situation similaire s’était présentée concernant le lycée privé sous contrat Averroès de Lille ([318]) où, malgré un rapport élogieux de l’Inspection générale en juin 2020, la rupture du contrat d’association avait été décidée en 2023 par le préfet des Hauts-de-France, préfet du Nord, Georges-François Leclerc. Cette rupture était notamment motivée par un rapport de la chambre régionale des comptes, qui avait indiqué constater des manquements, notamment la présence dans le CDI d’ouvrages contraires aux valeurs de la République. Cette décision – annulée depuis par le tribunal administratif de Lille – et la multiplicité des contrôles qui l’ont précédée, seront largement analysés et mis en contexte dans la seconde partie du présent rapport.

Il apparaît au vu des précédents développements que la jurisprudence, encore naissante, relative à l’appréciation du respect du contrat d’association et des valeurs de la République par les établissements privés sous contrat n’offre guère de sécurité juridique aux services de l’État pour tirer les conséquences des contrôles qu’ils effectuent dans ces établissements.

Les signalements de manquements aux valeurs de la République et les atteintes à la liberté de conscience peuvent sans aucun doute être considérés comme une forme de violence psychologique, amenant l’élève à une restriction de ses libertés et à une réduction de son esprit critique, pourtant nécessaires à son épanouissement et de la constitution de sa personnalité. Les rapporteurs considèrent que ces situations sont constitutives de violences et doivent être prises en compte dans les inspections et les suites de ces inspections de façon extrêmement attentive. Cependant, dans deux des trois exemples cités – Immaculée Conception et Averroès – il est nécessaire de rappeler clairement que les juges ayant eu à statuer n’ont, à ce stade des procédures, pas confirmé les décisions de l’État ni les griefs exposés par ce dernier, les considérant insuffisamment caractérisés.

D’autres cas de violations de la liberté de conscience des élèves, de limitation de la liberté pédagogique des enseignants ou de climats de tension préjudiciables sont apparus au fil de l’enquête, à la lecture de témoignages ou d’articles de presse, sans entraîner la même réaction des services de l’État. Selon l’un des témoignages reçus par les rapporteurs de J.G., dont la fille est scolarisée dans un établissement privé sous contrat de Vendée, il a « à de nombreuses reprises dénoncé le violent prosélytisme pratiqué et les discriminations pratiquées : renvoi d’élèves de primaire ou maternelle dont les parents n’adhèrent pas au catholicisme, interruption des cours pour des offices obligatoires dans l’Église à proximité, contrainte physique d’attitude de prière, intervention de religieux pendant les cours, recrutement de catéchistes prônant que l’école catholique a pour tâche de lutter contre les musulmans ainsi que bien d’autres dysfonctionnements », évoquant même des « sévices prodigués par la directrice ». M. J.G. indique par ailleurs que « le directeur diocésain nous a invités à quitter l’école pour rupture du contrat moral (!) ([319]) et [que] l’inspecteur académique saisi nous a répondu, en dehors de toute autre démarche, qu’il n’était pas compétent et que la réponse de l’évêché était pertinente ».

Une situation problématique a également été révélée au lycée Jean-Paul II de Compiègne, par une enquête publiée le 31 mars 2023 par Mediapart. Outre cette enquête, des signalements de plusieurs enseignants avaient conduit le recteur de l’académie d’Amiens à diligenter une inspection, réalisée le 11 avril 2023. À l’origine de ces signalements, l’interdiction par la direction de diffuser deux films, Simone, le voyage du siècle, film biographique sur Simone Veil, et Rafiki, qui retrace la vie de deux femmes lesbiennes au Kenya. L’inspection, qui avait notamment relevé « des cas d’autocensure » des enseignants, avait donné lieu à des recommandations, notamment de « veiller scrupuleusement au respect du contrat d’association » ou encore d’« assurer le dialogue au sein de l’établissement » ([320]).

Enfin, au début de l’année 2024, un article du site Médiacités ([321]) consacré à l’établissement réputé du Caousou à Toulouse avait pointé « les dérives conservatrices » de cette école privée catholique sous contrat qui scolarise des élèves de la maternelle au BTS. Son directeur, Sébastien Goulut, y était directement mis en cause pour avoir refusé la venue de SOS homophobie ou du Planning familial et pour son interventionnisme en matière pédagogique ([322]).

b.   Des discours discriminatoires devant alerter sur la potentielle existence de violences plus graves

Ces climats de censure de contenus pédagogiques ou de critique des valeurs et messages portés par les programmes de l’éducation nationale peuvent aussi dériver vers la tenue de propos discriminatoires, notamment en raison du genre ou de l’orientation sexuelle, au sein des établissements.

L’inspection précitée, conduite le 11 avril 2023 au lycée Jean-Paul II de Compiègne, a d’ailleurs donné lieu à un signalement au procureur au titre de l’article 40 du code de procédure pénale pour des propos homophobes. Étaient notamment en cause des propos qui auraient été tenus par des membres de la direction, tels que « l’homosexualité dans notre société est trop banalisée. Heureusement que les homosexuels sont une minorité car sinon, quid de notre humanité ? L’homosexualité n’est pas l’avenir de l’humanité ! », ou encore une déclaration du directeur selon laquelle « la culture est gangrénée par le lobby LGBT ». Les propos d’une responsable de la pastorale ont également été rapportés. Celle-ci aurait regretté le « nombre important » d’homosexuels au sein de la société : « Ils sont partout. Je suis triste de voir tous ces jeunes penser que l’homosexualité peut être un chemin. ». Le rectorat avait toutefois considéré que ces propos « avaient été tenus de manière individuelle » et n’a pas prononcé de sanction administrative ([323]).

Ce type de propos, voire des attitudes discriminatoires, auraient aussi été relevés, par exemple, au sein de l’établissement Marcq Institution, situé à Marcq-en-Barœul. Selon Politis ([324]), des élèves scolarisés dans l’établissement dans les années 2010 y auraient témoigné de contenus vidéo homophobes présentés en cours, l’un d’entre eux expliquant que « cette vidéo m’a fait intérioriser cette vision homophobe. Ça n’est que des années plus tard que j’ai pu construire une tolérance et découvrir tout ce pan de la vie que je ne connaissais pas ».

Certains élèves y auraient surtout dénoncé un sexisme qu’ils considéraient comme institutionnalisé à cette période et au début des années 2020 ([325]) : « À Marcq Institution, les femmes ne sont pas grand-chose. J’étais sexualisée en permanence, comme un objet qu’on utilise. Cette idée-là, ces valeurs-là sont consolidées par le lycée. » D’autres témoignages relayaient des propos qui auraient notamment été tenus pendant les cours de catéchisme – qui y seraient obligatoires de la sixième à la terminale –, tels que « l’avortement est un pêché » ou « si vous avortez, vous irez en enfer ». Réagissant à une question posée sur les violences sexistes et sexuelles, le même intervenant aurait également « répondu que ça s’était toujours passé comme cela entre les hommes et les femmes, et donc que les femmes d’aujourd’hui exagéraient ».

Ce climat avait donné lieu en juin 2021 à la création, par un collectif de jeunes filles scolarisées au sein de l’établissement, d’un compte Instagram intitulé « ChangeforMarcqInstitution » ([326]), lequel publiait des témoignages anonymisés faisant état de propos et attitudes sexistes, voire misogynes, et pouvant relever pour certaines de l’agression sexuelle. Les témoignages avaient donné lieu au lancement d’une pétition qui avait recueilli plus de 400 signatures ([327]). Le compte aurait alors reçu un message, lequel indiquait notamment : « Cher élève, je vous écris en tant que responsable RGPD de Marcq Institution. […] Mon propos est de vous informer afin de vous éviter les conséquences des dérapages que vous risquez devoir assumer », et estimait que ce compte n’était « pas la meilleure façon de dialoguer avec les adultes de l’établissement » ([328]).

À la suite de l’envoi de ce message, début juin 2021, des élèves auraient été reçues par le directeur, M. Igor Le Diagon ([329]), et l’auraient averti du fait qu’un nom revenait très souvent dans les témoignages – anonymisés sur le compte Instagram –, la révélation de ce nom n’ayant pas semblé surprendre le chef d’établissement. Un ancien élève témoin des gestes et paroles déplacés assure l’avoir rencontré au même sujet à la même période ([330]).

Pourtant, ce n’est que le 31 janvier 2024, après un nouveau comportement particulièrement inapproprié en classe, que l’enseignant avait été suspendu par la direction ([331]). Dans un entretien à La Voix du Nord, M. Le Diagon avait indiqué avoir « eu auparavant des retours indirects concernant ce professeur sur des propos inappropriés », ajoutant : « Je l’avais convoqué pour dire mon désaccord. Là, il y a eu un témoignage direct, nous avons agi. » ([332]) En effet, le directeur avait signalé les faits au rectorat et suspendu le professeur dès le lendemain de ce signalement.

Les développements récents

À la suite d’une réunion d’échanges avec la communauté éducative tenue dans le contexte des travaux de la commission par la rapporteure Violette Spillebout le 12 juin 2025, l’actuel directeur de l’établissement a tenu à l’informer des faits suivants (1) :

 selon lui, « l’enseignant en question n’avait commis aucun acte répréhensible », et le rectorat avait « opté pour une mise à la retraite anticipée, sans sanction » quand bien même l’ancien directeur aurait pour sa part demandé qu’un « entretien disciplinaire ait lieu » ;

 une inspection académique a eu lieu le 6 mai 2025, qui a notamment relevé, toujours selon les termes du directeur, un non-respect de la liberté de conscience et du contrat d’association, des éléments du règlement intérieur concernant les sanctions non conformes au code de l’éducation, de la « maltraitance sur les élèves » (« trop de travail, trop de devoirs, trop de notes, trop de pressions : ils ont l’air tous très fatigués, ça se voit sur leur visage ») ; certaines des questions posées par les inspecteurs, portant notamment sur la participation des enseignants aux célébrations religieuses organisées par l’établissement, auraient en outre suscité l’incompréhension des personnes entendues ;

 l’établissement a réalisé cette année « un travail de réflexion stratégique […] dans la perspective de la rédaction de [son] futur projet d’établissement pour 2040, dans le sillage de celui conduit par l’enseignement catholique dans son ensemble (2) », et s’est « pleinement saisi de [ces exigences] en rédigeant un cadre de protection des mineurs, annexé à tous les contrats (salariés et bénévoles) », le directeur ajoutant que ces démarches démontrent « l’écart significatif entre la représentation rétrograde donnée de notre établissement par les contrôleurs, et la réalité éducative ambitieuse que nous portons ».

Les rapporteurs soulignent que des incompréhensions majeures semblent subsister entre l’éducation nationale et les établissements privés sous contrat sur les contours et implications de la loi Debré et sa mise en œuvre à travers les contrats d’associations, dont les termes méritent dès lors d’être clarifiés. Ils formulent des recommandations à ce sujet dans la seconde partie du présent rapport.

(1)    Annexe n° 36.

(2)    Voir deuxième partie, I B 2 a.

La concomitance de violences insidieuses, de propos discriminatoires et d’autres formes de violences, physiques et/ou sexuelles, est particulièrement marquée au sein du prestigieux collège Stanislas, établissement sous contrat recevant des élèves de la maternelle aux classes préparatoires et situé dans le 6e arrondissement de Paris.

Les premières alertes concernant cet établissement ont fait suite à la publication par le journal Mediapart, puis dans le média Brut et dans L’Express, d’enquêtes faisant état d’un « univers sexiste, homophobe et autoritaire » ([333]). À la suite de ces révélations, le ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye avait diligenté, par une lettre de saisine en date du 21 février 2023, une inspection générale de l’établissement.

Le rapport des inspecteurs généraux, remis à Gabriel Attal, successeur à ce poste de Pap Ndiaye, à la fin juillet 2023, relevait en premier lieu des « dérives dans l’application du contrat d’association ». Le projet éducatif, définissant « l’esprit Stan », rappelait en effet « que l’assistance au cours de formation chrétienne dispensé chaque semaine est obligatoire. Un manquement à ce respect serait incompatible avec le maintien dans l’établissement ». La mission citait certains témoignages de parents évoquant un certain « prosélytisme » ou une « pression religieuse ».

La mission relevait également un climat social tendu dans l’établissement, évoquant « la pression scolaire des parents d’élèves sur les enseignants, relayée, notamment, par un questionnaire de l’APEL-Stan avec l’accord de la direction », ainsi que la multiplication des conflits individuels, notamment d’enseignants avec la direction. Le rapport indiquait d’ailleurs que « le rectorat de Paris note de son côté que Stanislas est l’un des établissements d’enseignement privés qui recense le plus grand nombre de situations disciplinaires concernant des enseignants ».

Le rapport confirmait également les dérives sexistes, en partie institutionnalisées, de l’établissement. Rappelant en premier lieu le contexte d’un établissement qui s’était ouvert tardivement à la mixité, en 1992 pour le collège et en 1994 pour le lycée, la mission signalait la persistance d’une grande majorité de classes non mixtes, celles-ci semblant, selon les témoignages, considérées comme plus prestigieuses que les classes mixtes, ainsi que des interpellations entre élèves telle que « "demi hommes" ou "demi-garçons" visant des garçons des classes mixtes ». Elle notait également la présence de figures d’autorité exclusivement masculines au sein de la direction, le très faible nombre de places disponibles en internat pour les filles et le positionnement excentré de leur bâtiment, ainsi que leurs difficultés d’accès aux équipements sportifs.

S’agissant du règlement intérieur et de son évolution depuis 2003, la mission observait « sur vingt ans une préoccupation constante de l’apparence du corps féminin, qu’il faut cacher : vêtements opaques, épaules (couvertes), ventre (hauts sur le bas des hanches), cuisses (longueur des jupes et des robes), poitrine (pas de décolletés) », estimant que « ce niveau de détails relève du sexisme. Il renvoie la jeune fille à une image sexuelle de son corps qui attire et perturbe les garçons ».

S’agissant des « voyages scolaires ou organisés par la pastorale », la mission précisait qu’ils « sont non mixtes, comme le voyage à Rome en classe de cinquième dans le cadre de la préparation aux sacrements, le week-end en Vendée au parc du Puy-du-Fou ou bien encore la "session" des classes de seconde au Mont-Saint-Michel ». À ce sujet, une élève témoignait : « Ma sœur m’a raconté que pendant son voyage en seconde, les garçons ont pu traverser la plage à pieds pour voir le Mont, les filles non car il y avait trop de vent. Pendant son voyage au PuyduFou, les filles faisaient la cuisine pour les professeurs pendant que les garçons faisaient du kart à pédales. » ([334]) D’autres témoignages de parents et d’élèves du même ordre indiquaient qu’une « sortie au Puy-du-Fou aussi avait des activités séparées (cuisine, danse et décoration pour les filles et olympiades de sport pour les garçons) » ([335]).

Les élèves mentionnaient également des propos déplacés tenus pendant la catéchèse et repris dans le corps du rapport, notamment par un intervenant qui aurait « parlé de viol, en disant qu’il fallait pardonner au violeur et que c’était difficile ». Les séances d’éducation à la vie affective et sexuelle assurées pendant une dizaine d’années par une intervenante associative ont également pu donner lieu à des propos pouvant justifier les violences sexistes, la direction ayant d’ailleurs mis fin aux interventions de l’association à la fin de l’année scolaire 2021-2022 à la suite de protestations d’élèves et de parents. Le rapport livrait ainsi l’explication donnée par un préfet ([336]) aux inspecteurs généraux : « [La] manière d’aborder les choses [de cette intervenante] a donné lieu à des interprétations exagérées ; par exemple, certaines filles [de troisième] ont compris dans ses propos que la manière de s’habiller justifiait le viol. Pour moi, elle n’avait pas parlé de viol. Les filles ont extrapolé. » Le rapport citait des témoignages de parents à rebours de cette interprétation, tels que : « Mes deux filles ont eu l’éducation à la vie affective. Il y a eu le propos qu’il ne fallait pas que les filles excitent les garçons par leur tenue. » ; ou encore, de la part d’une enseignante : « [Elle] dit des choses aberrantes, par exemple que les hommes ont des pulsions que les femmes n’ont pas et qu’elles doivent subir. Cela me revient par les élèves. »

Enfin, l’inspection générale regrettait des lacunes dans ces séances et dans les cours de sciences de la vie et de la terre (SVT), évoquant « le parti pris de certains professeurs de SVT de ne pas parler des infections sexuellement transmissibles (IST), les propos tenus lors des conférences d’éducation à la sexualité sur les dangers de la contraception chimique, et enfin les dérives relevées en catéchèse […], susceptibles pour la mission de porter atteinte à la santé des élèves ». À ce dernier sujet, elle évoquait les propos saugrenus d’une intervenante en catéchèse, qui aurait expliqué « que l’avortement était encouragé parce que les fœtus étaient utilisés pour des médicaments, le Doliprane notamment ».

Le rapport pointait également des dérives homophobes dans l’établissement, sans toutefois qualifier cette homophobie de systémique ou d’institutionnelle, bien que 17 % des procès-verbaux portant témoignages d’élèves recueillis par la mission évoquent des insultes, agressions et violences homophobes émanant de préfets, surveillants et catéchistes de l’établissement. Des propos homophobes répétés avaient été prononcés, y compris au moment-même où se tenait la mission de l’inspection générale, par un parent d’élève intervenant depuis trois ans dans les cours de catéchèse. Cet intervenant aurait notamment indiqué que « la sodomie apporte le SIDA », que « l’homosexualité est un péché, une maladie », que « si l’on se sentait homosexuel, il fallait se faire soigner dans une structure religieuse au Canada, que l’homosexualité venait du fait que quand la mère enceinte trompe son mari ou que son mari trompe sa femme, le bébé ressent tout et a le cœur brisé ». La mission recommandait ainsi de renforcer le contrôle sur ces intervenants, « afin de prévenir les propos contraires aux valeurs de la République, voire pénalement répréhensibles ». Ces propos avaient d’ailleurs fait l’objet, par la mission, d’un signalement au procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale.

Outre ces propos figurant dans le corps du rapport, les procès-verbaux d’audition contiennent un certain nombre de témoignages d’élèves, faisant état de propos à caractère homophobe tenus par des adultes de l’établissement. Par exemple, une élève auditionnée évoquait le fait que « dans le cours de l’une de mes amies, l’année dernière, l’aumônier a demandé à une fille qui portait un masque bariolé pourquoi elle portait un masque d’homosexuel » ([337]). Plus loin, la même élève affirmait que « la préfète de ma sœur avait repris des filles dans sa classe parce qu’elles avaient des ourlets extérieurs, signe homosexuel » ([338]). Une autre élève témoignait : « Mon préfet a fait une fixation sur la façon de m’habiller car j’avais un pull coloré, considérant que c’était un pull faisant de la propagande LGBT. À toutes les récréations, j’ai entendu l’insulte "PD" devant des préfets, sans que les élèves soient repris. » ([339]) Ces propos étaient corroborés par certains parents d’élèves, dont l’un avait rapporté d’autres propos tenus en cours de catéchisme : « Quand on est catholique, on ne peut pas être homosexuel, ça se soigne. » ([340])

Lors de leur audition par la commission ([341]), les inspecteurs généraux qui ont conduit cette inspection ont ainsi rappelé que « trois passages dans le rapport font état d’homophobie caractérisée ». Celui-ci relève en effet que « la dévalorisation entre élèves des classes mixtes, la culture de la non mixité dans le champ de la pastorale et des sorties, l’image constamment renvoyée aux garçons de leur masculinité et aux filles de leur féminité, favorisent un climat de rejet de l’homosexualité et par voie de conséquence propice aux risques d’homophobie », ajoutant, témoignages à l’appui, que « l’établissement a connu une période où l’homophobie était ouvertement assumée. L’époque de "la Manif pour tous" a marqué les esprits ». En effet, diverses sources de presse rapportent que l’ancien directeur, M. Chapellier, avait publiquement pris parti contre le mariage pour tous et que l’établissement entreposait à l’époque les matériels (banderoles, matériels de sonorisation) de ces manifestations et incitait les élèves à y participer ([342]).

Enfin et surtout, le rapport de la mission d’inspection relevait particulièrement le cas d’une élève exclue brutalement du lycée à la fin de l’année de première, après avoir reçu le troisième prix d’excellence de sa classe, pour une affaire supposée de « harcèlement et insultes envers une élève de sa classe », un « dossier à charge [ayant été monté contre elle] dans la précipitation ». La mission estime qu’« il ressort des pièces transmises que le problème posé par cette élève se [situait] ailleurs, dans un conflit personnel entre le préfet et elle […], en raison en réalité de ses prises de position assimilées à du militantisme ». Les inspecteurs citent à cet égard le courriel d’un préfet : « […] Si nous lui demandons de ne plus porter un pull LGBT ([343]) elle joue les victimes, prétend faire de nombreux efforts vestimentaires pour correspondre à Stan et le reporte la semaine suivante ». Le directeur avait d’ailleurs envoyé un courrier aux parents de la jeune fille, expliquant ainsi la non-réinscription de leur fille : « Nous ne pouvons garder les élèves qui, par leur conduite, se montrent incapables de respecter l’esprit de Stanislas », sans que le conseil de discipline ait été réuni ni les enseignants informés. Le rapport estimait que cette affaire témoignait de la « méthode brutale » de l’établissement.

Le rapport, ainsi que plusieurs des témoignages ([344]) consultés par les rapporteurs, évoquent également des comportements et propos pouvant caractériser des violences psychologiques et ciblant tout particulièrement certains élèves. Un élève évoquait ainsi une « pédagogie violente » : « Leur but est que les élèves donnent le meilleur d’eux-mêmes, non pas en les encourageant, mais en les rabaissant », le même élève citant ainsi les propos d’un préfet qui lui étaient adressés « devant tout le monde : "regardez vos notes, vous n’allez rien intégrer… mais regardez-vous. Vous êtes le centre de gravité qui tire toute la classe vers le bas" ». À ce sujet, le préfet en question avait répondu aux inspecteurs que « le premier motif de souffrance pour ces élèves c’est pas les propos qu’on peut avoir mais des résultats insuffisants ». Des parents et élèves relevaient également des remarques désobligeantes voire rabaissantes de préfets, et même des insultes sexistes ou encore des remarques racistes ou du harcèlement, notamment de la part d’une enseignante. Au sujet des préfets, la mission estimait ainsi dans son rapport que « leur influence auprès de la direction, la pression qu’ils mettent sur certains élèves, peuvent avoir des effets dévastateurs ».

Les suites données à cette inspection, qui seront analysées plus précisément dans la seconde partie du présent rapport, démontrent toutefois une volonté certaine de minimiser, voire d’étouffer les dérives qui y étaient pourtant clairement décrites. En effet, la communication faite autour du rapport, pourtant non publié ([345]), tant par la direction diocésaine que par le chef de l’établissement dès l’été 2023 mais aussi, ultérieurement, par la cheffe de l’IGESR elle-même ([346]), a été centrée sur la phrase suivante : « Au terme de la mission, l’équipe ne confirme pas les faits d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme mis en avant par les articles de presse à partir de témoignages anciens, sauf éventuellement à remonter à une époque antérieure à celle de l’actuelle direction et pour laquelle la mission n’a, au demeurant, recueilli aucun témoignage à charge. » Cette phrase, issue de la lettre de transmission du rapport par la cheffe de l’IGESR au ministre, en principe confidentielle, n’avait pourtant pas été soumise à l’équipe d’inspecteurs, ce qu’a révélé leur audition par la commission ([347]).

Au cours de cette audition, deux inspectrices générales ont ainsi fait part de leur indignation à la lecture de cette phrase. Mme Annie Dyckmans-Rozinski a notamment indiqué : « Si je suis ici aujourd’hui, c’est parce que j’endosse totalement le rapport mais que je n’endosse pas la lettre de transmission, qui dit exactement le contraire. Si j’avais dû être consultée, j’aurais mis "l’équipe a constaté des faits de…" et non pas "n’a pas constaté". Première chose. Deuxièmement, j’insiste sur le discours qui consiste à ramener au passé les événements qui ont été relevés. C’était le discours tenu par la direction de Stanislas : "c’était avant moi" – sous-entendu, sous la direction de Daniel Chapellier. Mais nous, nous avons enquêté au présent, et non pas au passé. Pour ce qui est de la volonté de rompre avec le passé, regardez qui a été mis à la tête de Stanislas après le départ de M. Gautier ([348]) : l’ancien collaborateur de M. Chapellier, directeur-censeur des classes préparatoires jusqu’à 2015 avant de partir à Marcq-en-Barœul s’occuper de Marcq Institution […]. C’est très grave, de dire que cela remonte au passé. J’ai l’impression d’avoir été baladée par Stanislas et par cette lettre de transmission. »

Mme Françoise Boutet-Waïss indiquait pour sa part : « Je souhaite apporter un complément concernant la succession de M. Gautier. Le directeur diocésain nous avait indiqué que la nominati              on du directeur était son seul véritable pouvoir et qu’à la faveur de cette succession, des échanges avaient eu lieu pour remettre à plat le fonctionnement de l’établissement. Or, à l’époque où le directeur de Marcq Institution était censeur-directeur des classes préparatoires, sous l’autorité de M. Chapellier – il a occupé ces fonctions jusqu’en 2015 –, un surveillant des classes préparatoires a été condamné pour pédophilie ou consultation de sites pédopornographiques. M. Chapellier lui-même est impliqué dans toute une série d’affaires judiciaires, dont une pour laquelle il a été dernièrement renvoyé devant le tribunal correctionnel pour agression sexuelle sur un élève de 14 ans dans l’établissement où il a officié après avoir quitté Stanislas. "L’esprit Stan" a de beaux jours devant lui ! Cet "esprit Stan" doit être remis en question. Le rapport le dit, il provoque des dérives. Pourtant – et c’est un camouflet pour l’Inspection générale – le fait est qu’on a nommé une personne entièrement acquise à la cause de "l’esprit Stan". »

En effet, la crainte de dérives plus graves semble corroborée par la révélation, postérieure à la remise du rapport, de plusieurs affaires mettant en cause des membres du personnel de cet établissement.

Ainsi, le 1er février 2024, le journal Marianne révélait la suspension par le rectorat d’un professeur d’histoire-géographie enseignant notamment en classe de cinquième à Stanislas, à la suite d’un dépôt de plainte et d’un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure à son encontre pour des faits d’agression sexuelle ([349]). Un membre de l’équipe enseignante de Stanislas aurait témoigné auprès de Marianne que le professeur s’était fait « remonter les bretelles à plusieurs reprises, ces dernières années, en raison de propos inappropriés tenus à l’égard d’élèves de l’établissement ».

À peine deux semaines plus tard, Mediapart avait pour sa part révélé la mise en examen d’Olivier P., professeur de musique au collège et directeur de l’internat de Stanislas entre 2012 et 2018, pour « violences volontaires » ([350]). Dans un communiqué, le parquet évoquait ainsi des « violences telles des coups de cravache, des coups de pied, des claques derrière la tête, des placages au sol, des insultes, ainsi qu’une emprise psychologique ». Une enquête du Monde avait également relayé des témoignages d’élèves évoquant de sa part des propos humiliants et des injures homophobes et racistes ([351]).

C’est pourtant pour un tout autre motif que cet homme « autant craint que respecté » avait été licencié pour faute lourde en novembre 2018, comme l’avait révélé le journal Le Monde en 2020 ([352]). Les services techniques de l’établissement auraient alors découvert qu’il consultait de manière régulière des sites jugés par la direction « pédopornographiques » (1 402 connexions en seulement un mois et demi, selon les articles de presse déjà cités). Selon l’article précité de Mediapart, par un courriel envoyé à la direction en octobre 2018, Olivier P. aurait reconnu les faits, évoquant une « trahison », des agissements « incohérents » et « inexcusables » et parlant « d’addictions ». Il avait toutefois saisi les prudhommes ([353]), et vu son licenciement confirmé en appel, les magistrats ayant notamment indiqué qu’Olivier P. avait déjà été « signalé [pour des] faits de viol couverts par la prescription » au cours d’une enquête pénale conduite à la fin des années 1980. Cette accusation de viol s’ajoutait à une autre, pour laquelle le même Olivier P. a été placé en garde à vue le 25 janvier 2024 puis mis en examen pour des faits de « viol sur mineur par personne ayant autorité » commis en 2001 au sein de l’établissement Saint-Martin-de-France de à Pontoise ([354]).

S’agissant des faits de « violences volontaires », Olivier P. a été condamné le 9 septembre 2024 à un an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Valenciennes ([355]).

Enfin, comme déjà indiqué supra ([356]), celui qui fut directeur de Stanislas de 2002 à 2015, Daniel Chapellier, a été condamné le 6 juin 2025 à cinq ans de prison avec sursis, interdiction définitive d’exercer une activité en lien avec les mineurs et inscription au fichier des délinquants sexuels, pour avoir agressé sexuellement dans son bureau un élève de 14 ans, en février 2021, dans le cadre de ses nouvelles fonctions de directeur de l’établissement parisien de Saint-Jean de Passy.

Dans ce cas de l’établissement Stanislas, de puissants facteurs de l’omerta, semblables à ceux déjà décrits dans les parties précédentes ont aussi été relevés au cours de l’enquête. Tout d’abord, un certain entre soi et des soutiens importants. Le rapport de l’inspection générale indiquait par exemple qu’« au-delà des diplômes, une part des recrutements des personnels au collège Stanislas se fait par connaissance ou par recommandation ; d’autres postes étant pourvus par voie de promotion interne. La mission a relevé plusieurs cas où différents membres d’une même famille exercent dans l’établissement ». On peut également évoquer ici l’une des interventions de l’avocat de M. Chapellier lors de son procès, qui avait indiqué : « On est plusieurs à le soutenir. Vous imaginez bien qu’il a formé beaucoup de mes confrères qui sont passés par ses établissements » ([357]).

Ensuite, la peur des représailles. Des témoignages de parents d’élèves annexés au rapport d’inspection mentionnaient également une « chape de plomb » et un « directeur tout puissant » ([358]). Lors de l’audition des inspecteurs généraux ayant réalisé la mission à Stanislas ([359]), Mme Dyckmans-Rozinski avait d’ailleurs insisté sur un point « qui n’apparaît pas dans les PV, [et] doit être [pris] en compte : la terreur de certains témoins – et je pèse mes mots – qui demandent à être entendus hors de l’établissement, que ce soit dans le cadre de l’enquête sur Stanislas ou d’enquêtes sur d’autres établissements. […] En l’espèce, nous avons eu le témoignage d’un salarié – ce n’est pas aujourd’hui que je romprai l’anonymat – qui était tellement terrorisé qu’il nous a écrit en utilisant un pseudonyme pour s’assurer que ses propos ne seraient pas rapportés, car il avait peur de perdre son emploi. Il dénonçait des faits d’homophobie graves dans les propos qu’il avait entendus ».

Surtout, il convient de faire état d’un témoignage reçu par les rapporteurs de la part de deux anciens élèves, MM. Antoine Arnaud et Benoît de Courson, selon lesquels « la recherche maladive de la préservation de la réputation et du prestige de cet établissement privé rend impossible le traitement en interne des violences. Seul un contrôle renforcé de l’État peut permettre de faire remonter efficacement ces violences et de libérer la parole des victimes, dans un univers qui fait bloc derrière les institutions ». Ces deux anciens élèves, scolarisés dans l’établissement au moment du licenciement d’Olivier P., ont transmis aux rapporteurs un texte, qu’ils avaient déjà adressé au diocèse de Paris au moment des faits qu’ils décrivent. Ils expliquent qu’à la suite de ce licenciement, la direction avait envoyé une lettre « brumeuse » aux parents, n’évoquant d’ailleurs pas le terme de licenciement, ni les causes du départ de l’intéressé, et essayant encore moins de susciter des témoignages parmi les élèves, ces derniers étant au contraire « [enjoints] à "conserver l’attitude de réserve prudente qui convient" ». Ce n’est qu’en mars 2020 que les élèves, « très choqués », apprennent le motif réel de ce licenciement. Plusieurs élèves, dont l’un avait été victime d’un « coup de cravache » et l’autre contraint de « se déshabiller » dans une réserve alors qu’Olivier P. restait « planté devant lui », obtiennent une rencontre avec la direction, par laquelle ils espèrent susciter un appel à témoignages ainsi qu’un accompagnement des élèves victimes. Ils souhaitent également que les autres établissements « dans lesquels avait officié M. P. [soient] contactés ». Ils précisent ainsi que celui-ci « a fait toute sa carrière dans des institutions éducatives, il a notamment été directeur adjoint des Apprentis d’Auteuil et directeur d’internat à l’Institut St-Lô ».

Selon leur témoignage, M. Gautier se montre très à l’écoute mais invoque le procès devant les prudhommes pour refuser toute « publicisation » qui « amoindrirait » selon lui les chances de l’établissement dans ce dossier. Après qu’Olivier P. a été débouté aux prudhommes, en juin, la direction a promis aux élèves une nouvelle rencontre en septembre. En consultant cette décision, les élèves ont appris par la même occasion qu’Olivier P. faisait en outre l’objet d’une enquête pour des faits de viol prescrits.

La rencontre de septembre eut bien lieu mais se déroula mal, la direction prenant cette fois prétexte de l’appel formé par Olivier P. contre la décision des prudhommes pour ne pas communiquer, jugeant en outre qu’une telle communication porterait atteinte à la réputation de l’établissement. Menaçant de prévenir la presse, les élèves se virent à leur tour menacés de « conséquences judiciaires probables » et accusés de « lâcheté » et « d’avancer masqués ». Le lendemain, l’avocat de l’institution les appelait pour leur annoncer un revirement, appel qui donna lieu deux semaines plus tard à un nouveau rendez-vous avec le directeur, qui leur indiquait avoir longuement réfléchi avant de conclure que « Stanislas, en tant qu’institution, ne peut juridiquement pas communiquer », avançant pêle-mêle « la violation du secret de l’instruction », alors que l’instruction pénale avait été classée sans suite, de « diffamation », alors que tous les faits avaient été documentés dans la décision de première instance des prudhommes, décision publique – mais toutefois passée sous les radars de la presse à ce moment. « Ils nous expliquent en gros qu’ils ont failli communiquer (M. Gautier ayant même rédigé un brouillon de lettre pour l’appel à témoin) tout en concluant que "c’est totalement impossible" », ajoutent les deux anciens élèves dans leur témoignage, précisant que l’avocat de l’institution avait accentué ses menaces et intimidations contre les élèves durant cette réunion.

Le témoignage indique que quelques jours plus tard, le père de Benoît, Richard de Courson, avait reçu « un appel de M. Gautier, qui lui [avait laissé] un message vocal. Il ["l’informait"] que son fils et ses amis [n’avaient] pas voulu entendre raison, et que cela [risquait] d’avoir des répercussions, juridiques pour [eux], et à la fondation de Stanislas pour sa part (Richard y [était] très actif, et son nom [circulait] pour en prendre la présidence en décembre) ». Richard de Courson avait pour sa part rencontré le président du conseil d’administration de l’établissement, qui, selon le témoignage, lui avait tenu « le discours suivant : "nous adorerions communiquer, libérer la parole, mais nos conseils (avocat et communicant) nous le déconseillent. Nous ne saurions exposer l’institution à ces risques juridiques" ». Il n’aura pas plus de succès auprès du président de l’Apel de l’établissement.

En guise d’épilogue, les anciens élèves rappellent que « la publication de l’article du Monde du 14 décembre 2020, révélant les faits, a été largement partagée et commentée au sein de la communauté éducative. L’établissement Stanislas, par la voix de son directeur, a été contraint de réagir rapidement en publiant un communiqué niant avoir gardé le silence et invoquant les procédures judiciaires qui, selon lui, l’empêchaient de rendre l’affaire publique ». Cette publication avait suscité la deuxième plainte pour viol déposée contre Olivier P. Ils évoquent des débats très polarisés sur le groupe Facebook des anciens élèves, entre « défenseurs de l’institution refusant de croire à la culpabilité d’Olivier P » et « étudiants inquiets et révoltés par le silence de l’établissement ». Ils précisent enfin qu’aucun membre de la direction de Stanislas n’était présent auprès des victimes au procès d’Olivier P., et que celui-ci avait expliqué ses agissements en invoquant « l’esprit Stan » et « le respect du règlement ».

Un second témoignage est joint au premier, celui des parents de Courson, se sentant « responsables de les avoir mis dans ce piège » et affirmant : « Le déni et la manipulation de l’institution (qui entre autres choses, les a même menacés de plainte pour diffamation !) ont été ravageurs À la perversion d’un responsable pédagogique venait s’ajouter la condescendance inhumaine de son responsable hiérarchique direct, le directeur de cet établissement. Sinistre paradoxe face au principe d’exemplarité prôné en permanence ! […] S’agissant de notre responsabilité de parents, nous nous sentons trahis par ceux qui dirigent Stanislas, tant ceux qui contredisaient par leur action leurs discours moralisateurs, que leurs successeurs qui ont fait passer leur devoir de protection des enfants derrière le souci de l’image de l’établissement. Une trahison radicale puisque c’est la confiance, base des relations sociales, qui a été pervertie : la nôtre dans notre choix d’inscrire nos enfants dans cet établissement et – encore plus grave – la confiance des jeunes eux-mêmes envers ceux qui officiellement se sont engagés à les aider à s’épanouir. »

Les rapporteurs constatent qu’en dépit de l’ensemble de ces éléments, la commission de concertation prévue à l’article L. 442-11 du code de l’éducation n’a jamais été réunie et que le contrat d’association avec l’État de cet établissement n’a jamais été remis en cause.

c.   Une attention à porter au développement des établissements privés hors contrat

  1.   Un ensemble très hétéroclite, en croissance continue

La lutte contre les violences faites aux élèves par des adultes encadrants ne doit pas se limiter aux seuls établissements publics ou privés sous contrat, l’État ayant la responsabilité d’assurer la sécurité et le respect des droits de tous les enfants, quels que soient leurs choix, ou les choix de leurs parents, en matière de lieu de scolarisation. La prise en compte des établissements privés hors contrat dans les réflexions des rapporteurs est d’autant plus importante que leur développement s’est fortement accentué, notamment dans les dix dernières années. Si ce développement s’effectue en ordre dispersé, deux acteurs y contribuent tout particulièrement : la Fondation pour l’école, reconnue d’utilité publique en 2008, qui s’attache à lever des fonds privés pour soutenir le développement de certaines écoles privées hors contrat, et l’association Créer son école, qui offre un accompagnement juridique à ces écoles et cherche à les promouvoir auprès des décideurs politiques. Ces deux structures, initialement liées, sont désormais étanches, la présidente de Créer son école, ancienne fondatrice et dirigeante de la Fondation pour l’école, l’ayant quittée en 2019 à la suite de conflits internes. Ceux-ci portaient sur des irrégularités de gestion, d’une part, et sur la sélection des écoles que la Fondation devait financer, d’autre part (voir iv. infra).

Le nombre d’écoles privées hors contrat serait ainsi passé de 40 en 1994 à près de 1 000 en 2014, puis de 1 100 en 2015 à près de 2 500 à la rentrée 2024, selon les données de l’association Créer son école ([360]). Ces statistiques sont cohérentes avec celles présentées dans les publications de l’éducation nationale ([361]), ces écoles regroupant, selon les sources, entre 100 000 et 130 000 élèves environ en 2025 ([362]).

Que l’on retienne le nombre de 100 000 ou de 130 000 élèves, il apparaît que le nombre moyen d’élèves par établissement est assez faible, ceci étant lié à la présence au sein de cet ensemble très hétéroclite de très petites structures, notamment en milieu rural ou très rural.

Les écoles privées hors contrat regroupent des écoles aussi bien laïques que confessionnelles, toutes les confessions étant représentées. Les écoles laïques représenteraient, selon la Fondation pour l’école ([363]), 73 % du total, les écoles catholiques 16,4 %, les écoles protestantes, musulmanes et juives représentant chacune entre 3 et 4 % du total. La Fondation pour l’école notait en 2024 une dynamique des écoles hors contrat catholiques, lesquelles représentaient 21 % de l’ensemble des créations, contre 4,6 % pour les écoles protestantes et 1,6 % pour les écoles musulmanes. Parmi les écoles laïques, plus des deux tiers se revendiqueraient de pédagogies alternatives, comme les écoles Freinet, Steiner-Waldorf ou Montessori, l’association Montessori France estimant à 420 le nombre d’écoles s’inspirant de cette pédagogie en France, dont 160 adhérant à l’association ([364]).

Ainsi, le choix de scolarisation dans un établissement hors contrat est guidé par des motivations extrêmement variées, qui expliquent la grande diversité de l’offre proposée par ces écoles : enfants à besoin particulier pour lesquels il est nécessaire d’évoluer dans des structures de petite taille, de bénéficier d’un accompagnement très renforcé ou d’une pédagogie adaptée, souhait d’un cadre confessionnel renforcé ou non représenté à proximité par des établissements sous contrat, ou tout simplement absence, en milieu rural, d’une offre de proximité, que ce soit dans un établissement public ou dans un établissement privé sous contrat. Ce dernier phénomène serait notamment particulièrement marqué ces dernières années, selon l’association Créer son école et la Fondation pour l’école, à la suite des nombreuses fermetures de classes ou d’écoles par l’éducation nationale en milieu rural.

  1.   Des établissements qui n’échappent pas aux violences

À l’instar de ce qui a pu être décrit supra pour les écoles et établissements publics et privés sous contrat, les écoles privées hors contrat ne sont pas non plus épargnées par les phénomènes de violence. Les cas déjà présentés de l’abbaye-école de Sorèze et du village de Riaumont, dont on se souvient qu’il a accueilli des élèves jusqu’en 2019, en attestent.

Des cas tout à fait contemporains sont également à signaler, qui témoignent également de failles qui ne sont sans doute pas sans lien avec l’absence de tutelle ou de hiérarchie régulant l’activité de ces établissements, outre, une fois de plus, des dysfonctionnements dans le contrôle exercé par les pouvoirs publics. À cet égard, Le Parisien, à la faveur de l’annonce en mai 2025 de la fermeture administrative, par la maire de Saint-Maur-des-Fossés, d’une école bilingue hors contrat Montessori pour défauts d’hygiène et de sécurité, révélait ainsi que la directrice de cet établissement avait été condamnée en octobre 2021 à trois mois de prison avec sursis et trois ans d’interdiction d’exercer pour des violences commises entre 2014 et 2018 sur cinq enfants ([365]). Cette directrice était pourtant toujours en activité au moment de la fermeture administrative. En effet, selon Le Parisien, la mise en cause avait formé un recours, qui n’avait toujours pas abouti près de quatre ans plus tard, et avait pu se maintenir en poste dès lors que sa peine n’était pas assortie d’une exécution provisoire. Dans ce cas précis, une sanction administrative du rectorat, envisageable y compris pour les chefs d’établissement hors contrat, aurait sans doute dû intervenir en attente du jugement définitif. Il est toutefois possible que le procureur, non conscient de cette faculté et ne sachant quelle autorité employeuse prévenir au-delà de la condamnée elle-même, n’ait averti personne de cette condamnation. Il est possible aussi que le rectorat ait été informé, sans en tirer de conséquences.

Comme pour les autres types d’écoles, la volonté d’étouffer les affaires, y compris les plus graves, existe également dans certains de ces établissements. Ainsi, en décembre 2023, un professeur d’une école coranique de Tours a été mis en examen pour des viols commis sur au moins onze fillettes. Les faits, qui remontaient à 2017, avaient été étouffés par l’établissement, l’enseignant ayant été rapidement licencié après une enquête conduite en interne, sans qu’aucune information ne soit jamais portée à la connaissance de la justice par la direction. Sans la clairvoyance d’une assistante sociale de la ville, qui avait recueilli six ans plus tard la parole d’une, puis de plusieurs victimes, cet homme serait probablement resté libre et impuni ([366]). On ignore si les responsables de la direction, qui auraient ainsi protégé un criminel et se seraient rendus coupables de non-dénonciation de crimes commis sur des mineurs de moins de 15 ans, ont également été poursuivis.

Une situation de violences mettant en cause plusieurs adultes a également été dévoilée le 21 mai 2025 par le procureur de la République d’Angers qui a annoncé la mise en examen et le placement sous contrôle judiciaire de trois enseignantes de l’école hors contrat Saints Louis et Zélie Martin à Bouchemaine (Maine-et-Loire) pour des faits de violences qui auraient été commis sur une dizaine d’élèves. Une quatrième enseignante avait été placée à l’issue de sa garde à vue sous le statut de témoin assisté. Le procureur a indiqué que les faits avaient été « révélés le 7 mai [2025] par le père d’un enfant de six ans qui se plaignait de violences de la part d’une de ses enseignantes. Il avait rapporté à son père qu’il avait été étranglé, soulevé du sol et trainé, puni dans la cour par sa maitresse, et qu’il était régulièrement puni ». Le père de cet élève étant un joueur de football de Ligue 1, qui avait communiqué sur les faits sur ses réseaux sociaux, d’autres témoignages concernant la même école ont émergé. Le procureur a précisé, s’agissant des nouveaux témoignages, qu’« il [s’agissait] de violences physiques pour beaucoup, mais psychologiques aussi, de cris sur les enfants, d’injures qui ont pu être vécues en tout cas comme telles par les enfants » ([367]).

  1.   Des dérives idéologiques qui ont pu conduire à des désastres

Une étude ([368]) publiée par le Comité national d’action laïque (Cnal) ([369]), réalisée sur la base de l’examen de 164 rapports d’inspection d’établissements privés hors contrat, pointe de graves dysfonctionnements. Regrettant de ne pas avoir eu accès à tous les documents demandés au ministère de l’éducation nationale, notamment aux inspections relatives aux écoles juives et musulmanes, lesquelles ne sont donc pas traitées par l’étude, le Cnal centre son propos sur quatre types d’établissements hors contrat :

– les établissements affiliés à la fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, à propos desquels les quatorze rapports d’inspection, datant de 2017 à 2021, consultés par le Cnal témoignaient : d’une certaine fermeture sur le monde actuel, un rapport d’inspection relevant que « les élèves écrivent à la plume », tandis que deux autres mentionnent des manuels scolaires datant des années 1950 ou 1960 ; d’une non-mixité pouvant dériver en sexisme, un rapport d’inspection précisant que « les filles ne déjeunent pas dans la même salle de restauration que les garçons, elles ne sont pas autorisées à participer aux "groupes de responsabilité" » ; d’une « pédagogie descendante » fondée sur la « docilité de l’élève », relevée dans huit établissements avec des appréciations sur des cahiers d’élèves telles que « pitoyable » ; des contenus pédagogiques pour le moins peu compatibles avec les valeurs de la République, un rapport d’inspection indiquant ainsi que « le rôle de Vichy dans l’extermination des juifs est mis sous silence, et ce génocide n’est d’ailleurs pas mentionné dans le traitement de la seconde guerre mondiale », un autre que « le support de géographie porte une vision marquée par une représentation du monde par "races" humaines (noirs, blancs…) qui pose un souci majeur de conception erronée scientifiquement et potentiellement raciste ou a minima racialiste », un troisième retranscrivant un support pédagogique selon lequel « le projet de l’Encyclopédie était au fond le fruit d’une conspiration dont le but caché était l’anéantissement de toute religion et le renversement de toute autorité », un autre « manuel » opposant les chrétiens aux « païens et idolâtres » ;

– certains autres établissements catholiques hors contrat, sur la base de vingt-quatre rapports d’inspection, dans lesquels le Cnal regrettait notamment : le manque de « développement de l’esprit critique », composante légale du socle commun dû à tout enfant dans le cadre de son droit à l’instruction ; dans quatre établissements, des problèmes préoccupants d’hygiène et de sécurité, en particulier dans un établissement des Vosges pour lequel le rapport d’inspection mentionne que « la noirceur des serpillières utilisées le matin même montre que le nettoyage des sanitaires, réalisé par les élèves, est très sommaire », que « la température est globalement très basse, 12,5° dans les salles de classe de l’externat, 14° dans les sanitaires de l’internat », qu’ « il y a souvent six à huit élèves, voire dix dans les chambres (20 m² pour 10 lits) », enfin que « plusieurs élèves reconnaissent ne pas prendre de douche tous les jours, soit parce que la température est trop basse, soit parce que l’eau n’est plus assez chaude après le passage des autres élèves ». Cet établissement a été fermé en 2021, à la suite de ce rapport, pour effectuer une rénovation de ses bâtiments ;

– certaines écoles se revendiquant de la méthode Montessori, dont certaines sont par ailleurs catholiques, coraniques et/ou bilingues, dans lesquelles l’étude du Cnal relevait surtout, sur la base de cinquante-deux rapports produits entre 2017 et 2021, des carences de type pédagogique (pas d’évaluation, formation insuffisante des enseignants, niveau préoccupant des élèves sur des compétences fondamentales, etc.) ;

– enfin, les écoles Steiner-Waldorf, pour lesquelles l’étude relevait une « fermeture vis-à-vis de la société et un rejet de la technologie », des enseignements très lacunaires, notamment en ce qui concerne les sciences, une confusion entre histoire et mythes, ainsi qu’« une spiritualité sous-jacente et des conditionnements ». Un rapport indique notamment que « le but n’est pas ici de mettre en cause la volonté de faciliter l’apprentissage des élèves par des mises en condition, mais de soulever les effets d’assujettissement et de conditionnement des méthodes imposées, quand par ailleurs aucune place n’est laissée à l’expression personnelle des enfants ».

Les dérives de certaines écoles Steiner ont d’ailleurs été documentées par d’autres sources, notamment par une enquête de La Croix ([370]) publiée en mars 2023. Ces écoles sont toutefois loin d’être les seules concernées. D’autres dérives ont notamment été dénoncées par des témoignages de parents d’élèves du collège-lycée Les Arches, situé à Pontarmé et se revendiquant de la méthode Montessori, révélées par une enquête de Charlie Hebdo publiée le 23 juin 2023 ([371]). Selon ce journal, l’établissement promettait un parcours bilingue, « une école différente, tournée vers la nature », en internat dans un « château » au milieu de la forêt. Très rapidement déçues, des familles ont dénoncé « les conditions d’accueil, d’enseignement et d’hébergement », les enfants étant en réalité hébergés chez leur professeur de sport et chargés des corvées de la maison, tandis que le parcours bilingue était inexistant et les enseignements indigents. Les parents ont également dénoncé une « emprise morale » des personnels sur les élèves : la directrice leur aurait demandé d’enquêter les uns sur les autres et organisait des simulacres de procès au cours desquels les élèves devaient se juger et se condamner mutuellement ([372]). Les faits relatés par Charlie Hebdo traduisent également une dérive sectaire, voire une forme de séparatisme : on expliquait notamment aux élèves qu’ils étaient « des élus », qu’ils « se [marieraient] entre gens de la communauté plus tard et que le monde extérieur [était] mauvais ». Les expressions de mécontentement se sont rapidement multipliées, la directrice y répondant par l’exclusion des élèves, notifiée par des courriers indiquant : « Votre manque de confiance à notre égard entraîne de fait une rupture de contrat […] En effet, nous ne pouvons pas travailler sans confiance et sans adhésion aux principes de la pédagogie Montessori ([373]) pour adolescents. »

Les parents ont donc alerté le rectorat, la préfecture et la Miviludes.

Pour la rentrée 2022-2023, la préfecture a tout d’abord interdit l’accueil d’élèves au château de Pontarmé. L’établissement s’est alors relocalisé « dans un camping » ([374]), avant qu’un contrôle de l’ensemble des services de l’État, impliquant des membres des forces de l’ordre et du renseignement territorial, ne permette au préfet de l’Oise de prononcer, le 12 octobre 2023 ([375]), la fermeture administrative de cet établissement. Selon Le Parisien, une autre école dite « Montessori », créée par une partie des dirigeants de l’établissement de Pontarmé et membres de l’association Les Arches, serait sous surveillance attentive des pouvoirs publics.

Les rapporteurs ont également reçu, via un de leurs collègues, un témoignage émanant d’un enseignant ayant exercé ses fonctions pendant sept ans, jusqu’en 2025, pour « un réseau d’écoles qui s’appelle Oneschool Global (OSG) et dispose de cinq campus en France (Chelles, Chanas, Alès, Toulon et Le ChambonsurLignon) [et] appartient au groupe sectaire Plymouth Brethren Christian Church (PBCC). Ce groupe fait l’objet d’un suivi par la Miviludes ». Il ressort de ce témoignage des pratiques, qui, si elles étaient avérées, pourraient être à la fois qualifiées de sectaires et de séparatistes. Y sont notamment mentionnées « l’interdiction faite aux enfants de poursuivre des études différentes des cursus très limités proposés dans les écoles OSG […] dont le but est de les préparer à intégrer le réseau d’entreprises de la communauté » et l’interdiction des « contacts avec les non- membres […], appelés gens du monde (anagramme de démon) ».

Le témoin indique par ailleurs que les élèves intègrent ces écoles au CE2, mais qu’« un projet est à l’étude pour une entrée dès 3 ans ». Il ajoute que « malgré le discours officiel, certains pans du programme ne sont pas abordés, comme par exemple en SVT tout ce qui touche à la reproduction ou la sexualité ou à la théorie de l’évolution à laquelle ils ne croient pas, les pages des manuels scolaires qui posent problème [étant] déchirées par la direction avant distribution aux élèves ». Enfin, le témoin souligne que « les inspections de l’éducation nationale sont préparées en amont avec des manipulations sur les emplois du temps des élèves pour masquer plusieurs infractions (professeurs non diplômés, enseignements de la philosophie tronqués, arts plastiques et musique transformés à leur sauce) », précisant que « tous les programmes sont vérifiés en amont puis censurés par un comité interne à la PBCC ». Il ajoute que « certains sports étaient exclus des enseignements car interdits », que « les filles et les garçons sont séparés lors du cours d’EPS et de la pause méridienne pour éviter les contacts ». En conclusion, il affirme que « cette situation mérite vraiment qu’on s’y penche sérieusement, ne serait-ce que pour la contrainte incroyable qui pèse sur les enfants et sur l’impossibilité qu’ils ont de choisir librement leur avenir et leurs relations », préconisant des inspections collégiales et approfondies. Un avis que les rapporteurs, si ce témoignage s’avérait fondé, ne pourraient que partager.

Sur le site internet de la PBCC, il est écrit que « l’éducation est importante pour nous, à tel point que nous avons créé l’un des plus grands réseaux indépendants d’écoles au monde, OneSchool Global (OSG). OSG […] emploie 2 500 enseignants professionnels de la communauté au sens large. De nombreux anciens élèves travaillent dans une entreprise familiale et font des études supérieures » ([376]).

Ces dérives, qu’elles soient de nature sectaire ou qu’elles découlent du fondamentalisme musulman, juif ou chrétien, forment, de manière plus ou moins assumée, des élèves éloignés des valeurs de la République, comme le dénonçait notamment l’ouvrage de Jacques Duplessy et Anna Erelle L’école hors de la République ([377]).

Elles peuvent également engendrer des systèmes de violences multiformes et systémiques. L’affaire de la yeshiva Beth Yossef, une école juive ultraorthodoxe de Seine-et-Marne au statut très incertain ([378]), en donne un exemple frappant. Cette affaire a été révélée le 4 février 2022, alors que la procureure de la République de Meaux avait annoncé que sept personnes, dont deux dirigeants, avaient été interpelés, placés en garde à vue puis mis en examen et placés sous contrôle judiciaire pour « violences aggravées », « privation de soins » et « abus de faiblesse ». Les deux dirigeants ont en outre été mis en examen pour « travail dissimulé », « hébergement indigne » et « blanchiment » ([379]).

L’interpellation avait eu lieu après sept mois d’une enquête diligentée par le parquet à la suite de la réception de signalements extérieurs, notamment de la Miviludes, et d’alertes de la part de jeunes qui avaient fugué de l’établissement pour demander secours dans leur ambassade. En effet, toujours selon Le Monde, « une soixantaine d’élèves, en grande majorité israéliens, mais aussi de nationalités américaine, belge, roumaine ou irlandaise y vivaient », dans un bâtiment qui avait pourtant « fait l’objet d’un arrêté de fermeture au public », dont quarante-deux mineurs âgés de 12 à 18 ans qui, faute de parents sur le sol français, avaient été recueillis en urgence par les services de l’aide sociale à l’enfance.

La procureure de la République avait indiqué lors d’une conférence de presse que « d’après leurs déclarations, ils étaient totalement isolés du monde extérieur à l’exception d’un contact téléphonique avec leurs parents sous autorisation », précisant que « leur passeport était confisqué », qu’ils étaient « très limités dans leur accès aux soins » et vivaient « dans des conditions de logement insalubres et dans un état de délabrement général ». Elle ajoutait : « Un état de sujétion psychique a pu être relevé chez certains d’entre eux, de même qu’une souffrance psychique [...]. Certains ont pu confirmer sans toujours les critiquer des actes de violence physique et psychologique. » L’article du Monde ajoutait que « selon une source proche de l’enquête, la yeshiva de Bussières était connue pour ses méthodes rigoristes, et pour "remettre dans le droit chemin" des enfants considérés comme "difficiles" par leur famille ». L’un des anciens pensionnaires témoignait en effet que « ce "lavage de cerveau" était fait pour "briser" la personnalité : "Mais quand vous brisez psychologiquement un ado de 15 ans, vous détruisez son ego, et vous le manipulez ensuite comme vous voulez" » ([380]).

Les rapporteurs ne peuvent que supposer que cette affaire judiciaire est encore en cours, plus aucun article de presse n’y ayant fait référence après le printemps 2022. Cette yeshiva semble toujours exister, son site internet, à jour, continuant de vanter « des conditions idylliques pour étudier convenablement : les élèves évoluent dans un cadre verdoyant et agréable », entourés « par une équipe de Rabbanim dévouée et expérimentée qui fournit un enseignement de grande qualité » ([381]).

  1.   Une inquiétante utilisation des écoles hors contrat comme outil d’embrigadement politico-religieux

Comme il a été indiqué au i supra, le conflit ayant opposé l’actuelle présidente de Créer son école, Anne Coffinier, à ses anciens camarades fondateurs de la Fondation pour l’école, portait notamment sur la sélection des écoles à financer. Le conflit avait tout d’abord porté sur le réseau Espérance Banlieues, hébergé par la Fondation jusqu’en 2019. Ce réseau, soutenu par de très grandes entreprises, affiche l’ambition d’offrir un cadre scolaire traditionnel, incluant par exemple un lever de drapeau quotidien effectué par « les élèves les plus méritants », le chant de La Marseillaise et le port de l’uniforme, aux jeunes de quartiers défavorisés. Il a toutefois été à l’origine de plusieurs controverses, portant sur la faible qualité de l’enseignement qui y serait dispensé ([382]) ou encore sur un certain endoctrinement qui y serait pratiqué ([383]). La presse a également révélé que des parents y avaient dénoncé des actes de « violence » et d’« humiliations » subies par leurs enfants scolarisés au Cours Charlemagne, situé à Argenteuil, ainsi qu’au Cours Charles Péguy, situé à Sartrouville ([384]), ces deux établissements appartenant au réseau Espérance Banlieues. En 2022, le rapporteur Paul Vannier, alerté par des parents d’élèves de sa circonscription, avait adressé un courrier au préfet et au Dasen du Val-d’Oise pour leur demander de conduire des visites dans ces établissements afin de s’assurer de la sécurité des élèves. Les familles, qui avaient déposé quatre plaintes fin 2022 et début 2023 ayant conduit à l’ouverture d’une enquête par le parquet de Pontoise, ont également dénoncé des tentatives d’intimidation, par le biais de signalements effectués par l’établissement à leur encontre auprès de l’aide sociale à l’enfance. Des témoins affirment enfin que des propos paternalistes, voire racistes, y auraient été tenus ([385]). Une inspection conduite en mars 2023 par une équipe d’IA-IPR et d’IEN a constaté au cours Charlemagne une « propension à la punition » et « l’hétérogénéité des réponses éducatives auprès des filles/garçons » sans toutefois relever de risques pour la santé, la moralité ou la sécurité des élèves. Une seconde inspection visant à évaluer la mise en œuvre des corrections demandées lors du premier contrôle a été menée en avril 2024, constatant leur mise en œuvre partielle.

L’éviction d’Espérance Banlieues de la Fondation pour l’école n’avait toutefois pas réussi à résoudre le conflit opposant ses anciens membres fondateurs. En effet, outre le fait que Mme Coffinier avait dénoncé des irrégularités financières au sein de la Fondation, elle affirmait ne plus être en accord avec les autres fondateurs sur le choix des écoles à financer. Si elle indiquait vouloir accompagner tous les types d’écoles, les autres membres de la Fondation semblaient selon elle davantage enclins à soutenir les écoles catholiques et, parmi elles, les plus traditionnalistes ([386]). Les listes mensuelles des écoles soutenues par la Fondation, consultables sur la page d’accueil de son site internet jusqu’à la rentrée 2024, contiennent en effet une très forte majorité d’écoles catholiques, dont au moins une école associée à la fraternité Saint‑Pie‑X, qui n’est plus reconnue par le Vatican.

Tout comme le réseau Espérance Banlieues, cette fondation se décrit pourtant comme « aconfessionnelle » et apolitique, à l’instar du nouveau réseau qu’elle héberge, Excellence Ruralités. Pourtant, l’engagement politique marqué et convergent de l’ensemble de ses fondateurs a été très largement commenté et documenté ([387]).

Excellence Ruralités serait en outre financé par le milliardaire Pierre‑Édouard Stérin ([388]), qui ne fait pas mystère de son projet de « bataille culturelle » ([389]) via un projet intitulé Périclès, acronyme pour « patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes », dont l’éducation constitue un pilier majeur ([390]). Selon lui, « 100 % des jeunes [doivent] avoir accès à une éducation intégrale » ([391]). En 2021, dans la préface d’un ouvrage ([392]), il écrivait ainsi : « Le développement d’établissements chrétiens soutenant l’éducation intégrale est un enjeu à grande échelle pour notre pays. En tant que patriote, je mesure combien la France a besoin d’hommes debout pour la redresser et, si j’ose dire, la sauver. » ([393]) L’année précédente, l’auteur principal de cet ouvrage, François-Xavier Clément, avait été mis à pied de son poste de directeur de l’établissement sous contrat de Saint‑Jean-de-Passy par le directeur diocésain, à la suite de « dizaines de conflits » avec des membres du personnel ([394]).

À la rentrée 2025, s’ouvriront à Salbris les portes de l’établissement pilote du projet que porte cette fois directement Pierre-Édouard Stérin, à travers son « fonds du Bien Commun », les internats d’excellence des Académies Saint-Louis. L’internat de cet établissement catholique sera situé dans un château où les élèves, exclusivement masculins, seront organisés en capitaineries. Il sera dirigé par François-Xavier Clément.

Les rapporteurs s’inquiètent de voir des élèves instrumentalisés au service de projets « à grande échelle » dont la vocation semble davantage politico-religieuse qu’éducative, pouvant conduire à des atteintes à la liberté d’opinion, d’expression et de conscience des élèves, s’inscrivent dans une rupture assumée avec les valeurs de la République et prennent des formes – internat, environnement isolé, non-mixité – dont on a vu qu’elles avaient régulièrement conduit à des dérives dramatiques.


   Deuxième partie : un État défaillant

L’ampleur des violences passées et la persistance d’un certain nombre de cas aujourd’hui encore mettent en lumière les failles de l’éducation nationale, qui tiennent tout autant au contrôle des établissements – quasi inexistant, jusqu’à très récemment, pour le privé sous contrat – qu’à l’insuffisante prévention et à des mécanismes de signalement et de traitement des dysfonctionnements souvent erratiques.

I.   Des contrôles quasi inexistants, une prévention lacunaire

Avant d’aborder le traitement des cas de violences, les rapporteurs ne peuvent que constater que l’action de l’État pour prévenir leur survenue – qui inclut au sens large les contrôles de routine comme la formation – est insuffisante.

A.   Un contrôle Insuffisant et à géometrie variable

Le contrôle exercé par l’État sur les établissements scolaires publics et privés, qu’il relève du simple exercice de la tutelle ou d’un régime d’inspection, est susceptible de participer de la prévention des violences commises dans les établissements scolaires à différents égards. En premier lieu, le contrôle contribue directement à la détection d’éventuels faits de violences. C’est évidemment le cas des contrôles qui s’attachent à la vie scolaire, mais également celui, plus indirectement, d’autres formes de contrôles susceptibles de permettre de déceler des dysfonctionnements. En second lieu, les contrôles présentent un caractère dissuasif : là où le fonctionnement en vase clos peut ancrer dans la durée des climats propices aux violences et susceptibles de dissimuler ces dernières, l’ouverture au regard d’autorités extérieures limite ce risque.

1.   Dans les écoles et établissements scolaires publics, un contrôle permanent qui passe par une tutelle directe

a.   Des établissements sous le contrôle direct de l’État, quoique suivant des modalités variables

Dans les écoles et établissements publics, le contrôle de l’État, autorité de tutelle, est permanent. Employeur d’une grande majorité du personnel, le ministère de l’éducation nationale dispose d’une prise directe sur leur fonctionnement. Cette tutelle ne s’exerce toutefois pas selon les mêmes modalités : les écoles publiques du premier degré ne disposent pas de la personnalité juridique, alors que les établissements du second degré, collèges et lycées ([395]), sont des établissements publics d’enseignement dotés de la personnalité juridique ([396]).

Au titre de l’article L. 212-4 du code de l’éducation, les écoles maternelles et primaires dépendent de la commune, qui « a la charge des écoles publiques. Elle est propriétaire des locaux et en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement ». Néanmoins, l’éducation nationale est responsable, en ce qui concerne les écoles, des programmes scolaires, des diplômes nationaux ou de la gestion du personnel enseignant et administratif – seuls certains personnels non enseignants étant gérés par les communes.

Les professeurs des écoles relèvent de l’autorité hiérarchique et fonctionnelle des inspecteurs de l’éducation nationale chargés d’une circonscription du premier degré (IEN-CCPD) sur délégation des Dasen, qui relèvent eux-mêmes de l’autorité du recteur d’académie. En tant qu’ils exercent la tutelle, les inspecteurs chargés d’une circonscription du premier degré jouent un rôle important dans les écoles comme interlocuteurs de proximité ayant vocation à être, « par leur fonction et leurs responsabilités, en permanence dans les écoles qui relèvent de leur territoire » ([397]).

Contrairement aux chefs d’établissements du second degré, les directeurs d’école sont également enseignants et ne bénéficient que d’une décharge pour exercer ces fonctions supplémentaires. Ils ne disposent en revanche que d’une autorité très relative ([398]) à l’égard de leurs pairs.

Les actes des écoles ne sont pas soumis au contrôle de légalité puisqu’ils ne sont pas pris par un organe disposant de la personnalité juridique. Les fonds des écoles relevant du budget de l’État, ils sont placés sous le contrôle de la Cour des comptes, à l’exception des fonds communaux qui sont soumis au contrôle des chambres régionales des comptes.

Les collèges et lycées sont quant à eux des établissements publics locaux d’enseignement (EPLE) qui disposent, depuis 1985, de la personnalité juridique. Il en découle une organisation différente, qui n’exclut toutefois pas le pouvoir hiérarchique de l’éducation nationale. En premier lieu, les EPLE disposent d’un organe délibérant prévu à l’article L. 421-1 du code de l’éducation : le conseil d’administration, qui comprend des représentants de collectivités territoriales, de l’administration de l’établissement, des personnalités qualifiées, des représentants élus du personnel de l’établissement et des représentants élus des parents d’élèves et des élèves. Cet organe est notamment responsable de l’adoption du budget et du programme d’établissement, et doit par exemple donner son accord pour la passation des marchés.

L’organe exécutif des EPLE est le chef d’établissement, à savoir les principaux pour les collèges et les proviseurs pour les lycées. En application de l’article R. 421-8 du code de l’éducation, « le chef d’établissement représente l’État au sein de l’établissement ». À ce titre, il exerce de plus larges responsabilités que le directeur dans le premier degré : responsable du bon fonctionnement du service public éducatif et de l’établissement (article L. 421-3 du même code), il dispose de pouvoirs de police pour garantir la sécurité des biens et des personnes ainsi que l’hygiène et la salubrité de l’établissement (article R. 421-10 du même code).

Tous les enseignants des EPLE sont des agents publics du ministère de l’éducation nationale ([399]) placés sous l’autorité hiérarchique et fonctionnelle des chefs d’établissement, qui sont quant à eux sous l’autorité du Dasen et du recteur d’académie.

Surtout, une grande majorité des actes des EPLE est soumise au contrôle de l’État. Ce contrôle est notamment prévu à L. 421-14 du code de l’éducation, qui prévoit que « les actes relatifs à la passation des conventions, et notamment des marchés, et les actes relatifs au fonctionnement de l’établissement et qui n'ont pas trait au contenu ou à l’organisation de l'action éducatrice peuvent, dans les conditions prévues à l’article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, être déférés au tribunal administratif par le représentant de l’État, ou, par délégation de ce dernier, par l’autorité académique. » Le même article dispose que « les actes de l’établissement relatifs à l’organisation ou au contenu de l'action éducatrice dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État ([400]) sont transmis à l’autorité académique. Ils deviennent exécutoires quinze jours après leur transmission. Dans ce délai, l’autorité académique peut prononcer l’annulation de ces actes lorsqu’ils sont contraires aux lois et règlements ou de nature à porter atteinte au fonctionnement du service public de l’éducation. La décision motivée est communiquée sans délai à l'auteur de l’acte. » À ces actes faisant l’objet d’un contrôle s’ajoute le budget, dont les conditions d’entrée en vigueur sont précisées à l’article L. 421-11 du code de l’éducation : « Le budget adopté par le conseil d’administration de l’établissement est transmis à la collectivité de rattachement ainsi qu'à l’autorité académique dans les cinq jours suivant le vote. Le budget devient exécutoire dans un délai de trente jours à compter de la dernière date de réception par les autorités mentionnées ci-dessus, sauf si, dans ce délai, une de ces autorités a fait connaître son désaccord motivé sur le budget ainsi arrêté » ([401]).

Au total, la tutelle exercée par l’État sur les EPLE s’avère donc extrêmement étroite, aucun des actes d’importance n’échappant à son regard : le contrôle est exercé en continu.

b.   Des vigies externes qui complètent la tutelle de l’État

Au-delà de l’exercice continu de la tutelle de l’État, les écoles et EPLE sont soumis à des mécanismes de contrôle et autres évaluations – en partie communs avec les structures de l’enseignement privé sous contrat. S’ils revêtent une moindre importance que dans ces dernières, précisément du fait de la hiérarchie de l’éducation nationale, ils peuvent toutefois constituer des leviers de détection des violences.

Des mécanismes d’inspection sont d’abord prévus, valables pour les établissements scolaires du premier et du second degré publics comme privés. Les acteurs compétents pour les mener sont cités à l’article L. 241-4 du code de l’éducation.

L’article L. 241-4 du code de l’éducation

« I. L’inspection des établissements d’enseignement du premier et du second degré publics ou privés est exercée :

« 1° Par les inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche ;

« 2° Par les recteurs d’académie et les directeurs académiques des services de l’éducation nationale agissant sur délégation de ces derniers ;

« 3° Par les inspecteurs de l’éducation nationale ;

« 4° Par les membres du conseil départemental de l’éducation nationale désignés à cet effet.

« Toutefois, les établissements d’enseignement privés ne peuvent être inspectés par les personnels enseignants de l’enseignement public qui font partie du conseil départemental ;

« 5° Par le maire et les délégués départementaux de l’éducation nationale. Toutefois, lorsqu’ils exercent un mandat municipal, les délégués départementaux de l’éducation nationale ne peuvent intervenir dans les écoles situées sur le territoire de la commune dans laquelle ils sont élus, ni dans les écoles au fonctionnement desquelles cette commune participe. »

Cet article, issu de la loi dite Falloux du 15 mars 1850, est peu clair en ce qu’il ne précise pas la forme des inspections. Les rapporteurs soulignent donc l’enjeu qu’il y a, dans la nouvelle ère qui s’ouvre, à réécrire intégralement cet article afin de préciser plus avant les compétences de chaque acteur. Les « travaux de refonte du code de l’éducation » évoqués par le ministère dans une note de service consacrée aux contrôles financiers et administratifs ([402]) pourront donc utilement débuter par là.

Recommandation n° 5 : Clarifier et mettre en cohérence les règles régissant l’inspection et le contrôle des établissements : prérogatives des différents acteurs, critères d’intervention, etc. (article L. 241-4 du code de l’éducation notamment).

En pratique, plusieurs des acteurs cités au sein de cet article sont effectivement présents dans les écoles et établissements scolaires publics, sous différentes formes ([403]).

Si les inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche ([404]) y mènent principalement des enquêtes administratives ([405]), les inspecteurs académiques y sont bien davantage présents. Ces inspections « territoriales » comprennent d’abord les inspecteurs de l’éducation nationale (IEN), qui agissent sous l’autorité du Dasen ([406]). Comme déjà évoqué, le Dasen peut confier à un IEN le rôle de le représenter dans une circonscription : l’inspecteur de l’éducation nationale chargé d’une circonscription de premier degré (IEN-CCPD) a la charge de cette dernière, disposant alors d’une compétence sur les écoles publiques et privées sous contrat du premier degré. Elles comprennent ensuite les inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (IA-IPR), auxquels s’ajoutent les inspecteurs de l’éducation nationale pour l’enseignement technique (IEN-ET), compétents pour le second degré et placés sous l’autorité du recteur. Les IA-IPR disposent d’une spécialisation par matière – la spécialité pouvant être « établissements et vie scolaire ».

L’article R. 241-19 du code de l’éducation prévoit que « Les inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux et les inspecteurs de l'éducation nationale veillent à la mise en œuvre de la politique éducative arrêtée par le ministre chargé de l'éducation ». De fait, les missions des inspecteurs « territoriaux » à l’égard des écoles et EPLE sont nombreuses. Certaines de ces missions sont communes avec les établissements privés sous contrat : les inspections individuelles d’enseignants ([407]), les enquêtes administratives à la demande du recteur ([408]) et la participation à l’évaluation périodique des établissements récemment instaurée ([409]).

Néanmoins, la présence des inspecteurs académiques est plus forte dans les écoles et établissements publics, où ils jouent de surcroit le rôle de « référent » de proximité pour le personnel, et mènent de nombreuses missions de coordination ou de formation qui supposent un contact rapproché avec la communauté éducative.

Différentes vigies externes participent également, par leur présence, au bon fonctionnement des écoles et établissements publics.

Les délégués départementaux de l’éducation nationale, « désignés par circonscription d’inspection départementale pour visiter les écoles publiques et privées qui y sont installées » ([410]), sont compétents pour mener des inspections dans le premier degré uniquement et sont choisis par les Dasen pour une durée de quatre ans. L’inspection à laquelle ils peuvent procéder dans les écoles publiques du premier degré « porte notamment sur l’état des locaux, la sécurité, le chauffage et l’éclairage, le mobilier scolaire et le matériel d’enseignement, sur l’hygiène, la fréquentation scolaire » ([411]). C’est donc l’environnement scolaire au sens large qui est scruté, ce qui n’est pas indifférent dans la perspective de la prévention et la détection des violences, d’autant que l’article D. 241-34 du code de l’éducation précise que « la fonction des délégués s'étend à tout ce qui touche à la vie scolaire » ([412]). Leur périmètre d’action est en revanche plus restreint pour les inspections conduites dans l’enseignement privé, se limitant aux « conditions de sécurité, d’hygiène et de salubrité de l’établissement. Il s’informe de la fréquentation scolaire » ([413]). La portée de ces inspections est par ailleurs limitée par le caractère bénévole de ceux qui les conduisent et par le fait qu’en pratique, les inspections ne sont effectivement réalisées que dans les écoles publiques ([414]).

Les parents d’élèves jouent enfin un rôle important, notamment par l’intermédiaire de leurs associations, qui peuvent être représentées au conseil d’école ([415]) et, pour le second degré, au conseil d’administration de l’établissement. Ces associations, qui relèvent d’un statut associatif de droit privé, connaissent dans les écoles et établissements publics un pluralisme dont on verra qu’il les différencie du privé sous contrat du réseau catholique, où seule l’Apel bénéficie d’une reconnaissance.

Le contrôle des établissements scolaires militaires

Le contrôle des établissements scolaires militaires, qui relèvent tous de la tutelle du ministère des armées, ont été récemment renforcés, notamment à la suite des cas de violences précités.

Quatre lycées militaires sont sous la tutelle de l’armée de terre, qui comptaient 3 290 élèves à la rentrée 2024 (1), tous en internat, ce qui rend d’autant plus prégnant l’enjeu du contrôle. Leur contrôle est principalement exercé par l’Inspection générale des armées et par l’Inspection de l’armée de terre – en plus des audits de la Cour des comptes. Comme l’a précisé le général de corps d’armée Frédéric Gout, directeur des ressources humaines de l’armée de terre, l’attention de l’Inspection de l’armée de terre porte « sur le contrôle du corpus réglementaire et le bon fonctionnement organisationnel de l’établissement, avec un accent particulier mis sur la vie scolaire » (2). Cette mission s’inscrit notamment dans le cadre du Plan d’excellence comportementale (3) engagé pour l’année scolaire 2018-2019, et qui visait à mettre fin aux dérives observées notamment entre élèves. Les inspections « se déroulent sur quatre demi-journées, incluant des tables rondes avec tous les niveaux scolaires. Cette approche approfondie permet d’aborder les aspects liés à la violence et d’encourager la parole » (4). Au-delà des contrôles de routine, l’inspection peut intervenir en cas de dysfonctionnements, avec « la possibilité de déclencher des enquêtes de commandement à différents niveaux, soit au sein du lycée sous la responsabilité du colonel commandant l’établissement, soit à un niveau supérieur impliquant l’Inspection de l’armée de terre, selon la gravité de la situation » (5).

La marine nationale ne dispose pour sa part que d’un unique établissement scolaire, le lycée naval de Brest, qui accueille 400 élèves, dont 60 en demi-pension. Le système de contrôle est proche de celui de l’armée de terre. Comme l’a expliqué devant la commission le vice-amiral d’escadre Éric Janicot, directeur du personnel de la marine, le lycée est inspecté chaque année par l’Inspection de la marine nationale, ici aussi dans le cadre du Plan d’excellence comportementale. Une attention particulière a été portée à la lutte contre certaines dérives observées : « Dans le cadre de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS), le lycée naval a également été audité par l’inspecteur général de l’armée de terre afin de bénéficier d’un regard extérieur. Nous avons également fait l’objet d’un audit de la Cour des comptes axé sur les VSS. » Il est à noter que les inspecteurs peuvent, au cours de leurs visites, « s’entretenir avec les élèves en l’absence des cadres, une pratique systématiquement appliquée » (6).

L’armée de l’air et de l’espace ne compte également qu’un seul établissement scolaire sous son autorité : l’école des pupilles de l’air de Grenoble. Comme l’a précisé le général de corps aérien Philippe Hirtizg, directeur des ressources humaines de l’armée de l’air et de l’espace, les modalités de contrôle sont, là aussi, proches de celles observées dans les autres établissements militaires : « Les inspections organiques, au moins biannuelles, sont axées sur la performance de l’établissement et les fonctions support et organique. Une inspection interne à l’armée de l’air est conduite au moins une fois par an dans le cadre du plan d’excellence comportementale. Les inspecteurs généraux des armées interviennent régulièrement en opportunité, et au moins une fois tous les deux ans. » (7)

(1)     Audition du 30 avril 2025, à 15 heures.

(2)     Idem.

(3)    Parmi les autres mesures du plan, peuvent être cités la féminisation de l’encadrement, le contrôle des « traditions », l’encouragement de la mixité (avec notamment un référent dédié), la mise en avant des valeurs de la République, la lutte contre les addictions ou encore la détermination de sanctions claires.

(4)    Audition du 30 avril 2025 précitée.

(5)     Idem.

(6)    Idem.

(7)    Idem.

2.   Une absence de contrôle des établissements relevant de l’enseignement privé sous contrat, notamment catholique

  1.   Pour les établissements sous contrat, des obligations spécifiques dont le respect peut être vérifié par des contrôles

Avec 2,04 millions d’élèves à la rentrée 2024 ([416]), soit 17 % du total des élèves, l’enseignement privé sous contrat revêt une importance quantitative indéniable. Par ailleurs, ces établissements sont placés au cœur du rapport en ce que, s’ils ne sont pas les seuls à avoir connu des violences, ils sont ceux où une écrasante majorité de cas de violences systémiques a été observée – l’écart avec l’absence relative de faits similaires dans le secteur privé hors contrat pouvant en partie s’expliquer, jusqu’à récemment, par le nombre bien plus faible d’établissements qui en relèvent, ce secteur n’ayant véritablement connu un essor qu’au cours des dernières années. Or, le fait que les établissements sous contrat aient pu concentrer de tels dysfonctionnements pose d’autant plus question qu’ils relèvent du service public de l’éducation, qu’ils bénéficient à ce titre d’importants financements publics et qu’ils sont en contrepartie soumis au respect de règles qui devraient faire l’objet de contrôles.

  1.   D’importantes obligations découlent de la signature d’un contrat avec l’État

Depuis la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 dite loi Debré, tout établissement d’enseignement privé qui remplit certaines conditions peut souscrire un contrat avec l’État, pour tout ou partie de ses classes. Les contrats – en pratique, des contrats-types adaptés à la marge – sont conclus entre le chef d’établissement, le président de l’association support, le propriétaire des locaux et le préfet ([417]) et peuvent relever de deux types :

– le contrat d’association, prévu à l’article L. 442-5 du code de l’éducation, est le plus fréquent mais également le plus exigeant, puisqu’il implique que « l’enseignement [soit] dispensé selon les règles et programmes de l’enseignement public » et « confié, en accord avec la direction de l’établissement, soit à des maîtres de l’enseignement public, soit à des maîtres liés à l’État par contrat ». Ces enseignants sont, depuis la loi dite Censi ([418]), des agents publics dont la loi précise qu’ils ne sont pas liés à l’établissement par un contrat de travail. L’article R. 442-35 du code de l’éducation précise que « les classes sous contrat d’association respectent les programmes et les règles appliquées dans l’enseignement public en matière d’horaires sauf dérogation accordée par le recteur d’académie en considération de l’intérêt présenté par une expérience pédagogique » ;

le contrat simple, prévu à l’article L. 442-12 du code de l’éducation, prévoit la rémunération par l’État de maîtres agréés par lui, et n’implique qu’un enseignement « par référence » aux programmes de l’enseignement public.

Les conditions du passage sous contrat

Les conditions du passage sous contrat d’un établissement sont résumées dans le guide pratique relatif au régime juridique applicable à l’ouverture, au fonctionnement et au contrôle des établissements d’enseignement scolaire privés hors contrat (1) :

«  la capacité de l’établissement à dispenser un enseignement conforme aux programmes de l’enseignement public pour la passation d’un contrat d’association (L. 442-5), et la capacité d’organiser l’enseignement par référence aux programmes de l’enseignement public pour la passation d’un contrat simple (L. 442-12) ;

«  l’existence d’un besoin scolaire reconnu pour le contrat d’association ;

«  une durée de fonctionnement minimale de cinq ans au moins à la date d’entrée en vigueur du contrat. Par décision du préfet de département, ce délai peut être ramené à un an dans les quartiers nouveaux des zones urbaines lorsque ces quartiers comprennent 300 logements neufs ;

«  la possession, pour le directeur et les enseignants, des titres et diplômes prévus aux articles R 914-15 et 16 et R 914-8 du code de l’éducation dont doivent justifier les directeurs et maîtres des établissements d’enseignement privés placés sous contrat ;

«  un nombre d’élèves comparable aux classes correspondantes de l’enseignement public ;

«  un état de salubrité adéquat des locaux scolaires. »

(1)    Annexé à l’arrêté du 21 mars 2022 du ministère de l’éducation nationale.

La signature du contrat ouvre à ces établissements le droit à un financement public suivant un principe de parité avec les établissements scolaires publics ([419]), qui inclut notamment la prise en charge des enseignants. Au total, l’État finance la rémunération de 142 824 personnes physiques ([420]) dans les classes sous contrat ([421]). Outre ce financement direct des enseignants, l’État prend en charge certaines dépenses de fonctionnement : « Dépenses pédagogiques, forfait d’externat (subvention permettant de couvrir la dépense de rémunération de personnels non enseignants des classes du second degré sous contrat d’association), fonds d’innovation pédagogique (FIP) ; des aides directes aux élèves (bourses de collège et de lycée, fonds sociaux) ; les gratifications versées aux lycéens professionnels pour leurs périodes de formation professionnelle en entreprises. » ([422]) Au total, les documents budgétaires indiquent que « les dépenses de l’État en faveur de l’enseignement privé représenteront 9 milliards d’euros en 2025 » ([423]).

Pour autant, comme l’observait le rapport dit Vannier-Weissberg ([424]), « malgré les sommes en jeu, aucune administration ou institution n’est en mesure de fournir un montant consolidé de la dépense allouée aux établissements privés ». Le même rapport relevait que « cette dépense, dont l’allocation est peu transparente, sans cadre légal systématiquement défini et éminemment politique, est en outre très nettement sous-estimée compte tenu de mécanismes de financements indirects » ([425]) : pour l’année 2022, il l’estimait plutôt à « 13,8 milliards d’euros, dont environ 10,4 milliards d’euros d’argent public (8,5 milliards d’euros de l’État et 1,9 milliard d’euros des différents échelons de collectivités territoriales) » ([426]). Au total, le rapport évaluait la part du financement public dans le financement des établissements privés sous contrat à près de 75 %, avec des taux proches pour le premier (76,2 %) et le second degré (74,7 %).

Quel que soit le type de contrat, un ensemble d’obligations doivent, en contrepartie de ces importants transferts financiers, être respectées par l’établissement : outre l’enseignement dispensé selon les règles ou en référence aux règles et programmes de l’enseignement public, « l’enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l’État. L’établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances, y ont accès » ([427]). Un nombre très important d’obligations figure, par ailleurs, à l’article L. 442-20 du code de l’éducation qui prévoit que des règles dans des domaines aussi variés que la mixité sociale, la lutte contre le harcèlement et la prise en charge du handicap sont applicables à ces établissements. Les rapporteurs soulignent notamment l’obligation imposée à l’ensemble des établissements privés sous contrat de faire « acquérir à tous les élèves le respect de l’égale dignité des êtres humains, de la liberté de conscience et de la laïcité » ([428]).

Ces obligations s’ajoutent aux obligations générales valables pour tout établissement privé, indépendamment de la signature d’un contrat : comme le souligne la direction des affaires financières (DAF) du ministère de l’éducation nationale, « il demeure soumis aux obligations qui s’imposent à tout établissement d’enseignement privé, notamment le respect de l’ordre public et la protection de l’enfance et de la jeunesse (article L. 442-2 du code de l’éducation) » ([429]). Les rapporteurs soulignent ainsi que la loi Debré n’est pas, loin s’en faut et bien que cela soit parfois affirmé, la seule loi de la République à régir le fonctionnement des établissements privés sous contrat.

  1.   Des modalités de contrôle étendues en théorie, totalement négligées en pratique

Pour veiller à la bonne observation tant des obligations du contrat que des règles administratives et financières, des contrôles sont prévus. Pourtant, dans la pratique, les établissements privés n’ont pour ainsi dire pas été soumis aux contrôles pourtant explicitement prévus par la loi.

Glossaire du contrôle

Les fiches du guide du contrôle des établissements privés sous contrat produit par le ministère de l’éducation nationale (1) établissent une distinction qu’il est utile de citer :

« Évaluation : elle permet d’analyser le fonctionnement de l’école, collège ou lycée afin de répondre efficacement aux besoins des élèves et de favoriser leur réussite éducative. Elle vise à améliorer la qualité du service public d’enseignement. L’évaluation désigne aussi l’accompagnement tout au long du parcours professionnel et des rendez-vous de carrière des enseignants menés aux termes des inspections.

« Inspection des enseignants : elle s’attache à vérifier la qualité de l’enseignement dispensé. Cette mission est à la charge des inspecteurs qui procèdent dans le cadre du pilotage pédagogique à l’inspection individuelle des enseignants dans leur classe.

« Contrôle : terme général désignant le cadre dans lequel sont opérés différents contrôles dans un but de surveillance et de vérification. L’objet du contrôle porte sur le respect des obligations contractuelles par l’établissement et par son chef d’établissement. Ce terme est aussi utilisé pour désigner des vérifications plus spécifiques dans des domaines précis, tels que le contrôle administratif (respect des textes législatifs et règlementaires applicables à l’établissement ainsi que l’accomplissement des engagements souscrits par celui-ci) ou le contrôle pédagogique (conformité des enseignements aux règles générales d’organisation des formations et des enseignements et aux programmes appliqués dans l’enseignement public). […] 

« Le contrôle budgétaire est confié, ainsi que le prévoit l’article R. 442-16 du code de l’éducation, au directeur départemental, voire au directeur régional, des finances publiques du département du siège de l'établissement, en liaison avec les inspecteurs généraux de l'éducation, du sport et de la recherche, et les services académiques. Par ailleurs, les établissements d’enseignement privé sous contrat sont également soumis aux vérifications de la part de l'inspection générale des finances.

« L’audit est une procédure de contrôle de la comptabilité et de la gestion d’un établissement menée notamment par les DRFIP/DDFIP. C’est une analyse menée par un ou plusieurs experts, avec un œil impartial et indépendant, sur un aspect précis de l’établissement.

« Le contrôle relatif à la sécurité des bâtiments, y compris ceux relevant des Établissements Recevant du Public (ERP), relève des autorités compétentes (voir notamment les articles R. 143-34 et suivants du code de la construction et de l’habitation). En cas de constat effectué par l'équipe d'inspection d’infraction à la réglementation ERP, un signalement doit être fait aux autorités compétentes.               Ce contrôle ne doit pas être confondu avec celui de la sécurité et de l’hygiène des locaux lors de l’instruction des demandes de passation de contrats (article L. 442-12 du code de l’éducation pour le contrat simple et article R. 442-33 pour le contrat d’association et la circulaire n° 85-104 du 13 mars 1985 relative à l’instruction des demandes de contrats).

« L’enquête administrative est déclenchée par l’autorité administrative (ministre pour l’IGESR, recteur ou IA-DASEN pour les enquêtes réalisées en académie) à propos d’une situation « anormale » (ex : fautes professionnelles, dysfonctionnements d’un établissement, tensions internes…), mettant en cause des personnes et destinée à éclairer l’autorité compétente qui pourra décider, au vu des conclusions et préconisations de la mission, d’engager une procédure disciplinaire ou de prendre toute autre mesure qui relève de son appréciation. »

(1)    Fiche n° 1 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat.

Le constat d’une absence quasi totale de contrôle est désormais communément admis : si « le contrat d’association constitue la clé de voûte de l’architecture institutionnelle mise en place par la loi Debré de 1959 », « il n’en reste pas moins un document très formel dont les contreparties en matière de contrôle par l’État, quoique prévues par les textes, ne sont pas toujours exercées dans la réalité » ([430]), comme le résumait le rapport précité de la Cour des comptes.

Sans revenir dans le détail sur l’ensemble des défaillances que connaissent les différentes formes de contrôles susceptibles d’être exercés par l’État – le présent rapport étant centré sur celles des prérogatives de contrôle qui présentent un lien, même indirect, avec les faits de violences susceptibles d’être commis dans les établissements scolaires –, il convient de souligner que cette absence de contrôles de tous ordres n’a pu que nourrir l’atmosphère de vase clos et le sentiment d’impunité communs à l’ensemble des établissements dans lesquels ont été commises des violences systémiques.

Les rapporteurs se sont particulièrement intéressés, au cours de l’enquête, aux contrôles administratifs et aux contrôles pédagogiques qui peuvent participer, davantage que les contrôles budgétaires et financiers, à la détection de violences en s’attachant, par des visites sur place, à observer le fonctionnement de l’établissement. Pour ce qui concerne les contrôles budgétaires et financiers, ils renvoient aux rapports de la Cour des comptes et au rapport dit Vannier-Weissberg précité, tout en soulignant ici encore le contraste avec ce qui a été précédemment exposé pour ce qui concerne les écoles et établissements publics, dont les dépenses sont étroitement contrôlées. S’agissant des enquêtes administratives, qui n’interviennent qu’à la suite de dysfonctionnements identifiés, elles seront évoquées par la suite, en tant qu’elles constituent une modalité de réaction face aux violences.

À titre liminaire, il convient de noter que les contrôles qui découlent de la contractualisation avec l’État ne dispensent pas les établissements scolaires concernés de respecter les obligations applicables à tout établissement scolaire privé, et qui ont trait « au respect de l’ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l’enfance et de la jeunesse » ([431]), qui peuvent être contrôlés par l’État dans les établissements scolaires privés sous contrat comme dans les établissements scolaires hors contrat.

Le contrôle administratif des établissements privés sous contrat est le plus important, puisqu’il doit permettre de vérifier le respect des nombreuses obligations dont il a été fait état précédemment et, plus largement, celui des lois qui s’appliquent aux établissements concernés. En application de l’article R. 442-15 du code de l’éducation, le « contrôle est exercé dans le secteur sous contrat de l’établissement. Il porte sur l’observation des textes législatifs et réglementaires applicables à l’établissement et sur l’accomplissement des engagements souscrits par celui-ci » ([432]).

Le contrôle « incombe à l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche ainsi qu’au recteur d’académie conformément aux règles applicables dans l’enseignement public » ([433]).

L’article L. 241-2 du code de l’éducation dispose par ailleurs que « les services, établissements, institutions ou organismes qui participent ou qui concourent à l’application des législations relatives à l’éducation, à l’enseignement supérieur, à la recherche et à la technologie sont soumis, quelle que soit leur nature juridique, aux vérifications de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, lorsqu’ils bénéficient ou ont bénéficié, sous quelque forme que ce soit, de concours de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public, ainsi que de concours financiers provenant de la Communauté européenne, ou lorsqu’ils sont financés par des cotisations obligatoires […] ». Le même article précise que ces vérifications portent sur « le respect de ces législations et sur l’utilisation de ces concours ou cotisations, dont la destination doit demeurer conforme au but pour lequel ils ont été consentis » ainsi que sur « la gestion des ressources humaines des établissements ».

Si l’IGESR peut utilement intervenir dans certains cas spécifiques, il apparaît pourtant que, compte tenu du nombre d’établissements concernés et des modalités de sa saisine – qui relève exclusivement du ministre –, les contrôles « de routine » ont davantage vocation à être menés par les inspecteurs académiques à la demande du recteur, tandis que l’inspection générale intervient le plus souvent à la suite de dysfonctionnements déjà identifiés, dans le cadre d’enquêtes administratives.

Qualifié de théoriquement « très large » par la Cour des comptes, ce contrôle permet par exemple de « vérifier qu’un professeur rémunéré par l’État n’enseigne pas sur son temps de service à des élèves qui sont scolarisés dans une classe hors contrat, que les emplois du temps des élèves respectent les termes du contrat, ou bien que les heures d’enseignement payées aux chefs d’établissement soient bien réalisées » ([434]). En réalité, dès lors qu’il permet de vérifier le respect des obligations, le champ du contrôle administratif est aussi large que ces obligations elles-mêmes, qui sont, comme déjà évoqué, particulièrement étendues.

En dépit de ces latitudes, le contrôle s’avère particulièrement défaillant. La Cour des comptes regrettait à cet égard qu’il « n’existe, tant au sein de l’IGESR que des rectorats, aucune programmation systématique du contrôle administratif des établissements de l’enseignement privé sous contrat. Lorsqu’il est mis en œuvre, ce contrôle n’est exercé que de manière ponctuelle, en cas de problème signalé au sein d’un établissement » ([435]).

Aux constats accablants déjà présentés dans les deux rapports précités, les rapporteurs peuvent ajouter des données précises, dont ils disposent grâce aux documents qu’ils se sont fait communiquer. Une note datée du 3 mai 2024 témoigne de la faible connaissance, par l’échelon central du ministère, de l’existence – ou non – de contrôles : après avoir dû consulter les académies pour s’en assurer, la DAF y affirme que « comme anticipé, les établissements privés sous contrat sont très peu contrôlés : 12 contrôles pour la période 2017-2023 ». Ces contrôles se répartissent de la façon suivante.

Contrôles des établissements sous contrat

Académie

Nombre d’établissements

Contrôles 2017-2023

Aix-Marseille

281

5

Amiens

157

1

Bordeaux

378

1

Lille

531

2

Mayotte

1

1

Nantes

1 139

1

Toulouse

369

1

Source : tableau figurant dans la note de la DAF du 3 mai 2024 établie à la suite d’un questionnaire envoyé à 20 académies.

NB : Les académies qui ne sont pas mentionnées n’ont organisé aucun contrôle dans les établissements sous contrat sur cette période. La note ne précise pas la nature des contrôles.

Complémentaire du contrôle administratif, le contrôle pédagogique, qui peut être mené simultanément par les mêmes inspecteurs, permet de vérifier la « conformité des enseignements aux règles générales d’organisation des formations et des enseignements et aux programmes appliqués dans l’enseignement public » ([436]) et peut indirectement participer de la détection et de la prévention des violences, en permettant à l’inspecteur d’observer, au cours de sa mission, le fonctionnement des classes.

En pratique, ce contrôle s’avère lui aussi « minimaliste » ([437]) : comme l’observait la Cour des comptes, « dans toutes les académies visitées, ce "contrôle des enseignements" se limite aux inspections réalisées, comme dans le secteur public, dans le cadre des trois "rendez-vous de carrière" des maîtres contractuels » ([438]). Un exemple en est fourni dans les réponses écrites d’une Dasen qui indique aux rapporteurs que « des inspections pédagogiques étaient diligentées pour des enseignants dysfonctionnants. Les rendez-vous de carrière sont assurés par les corps d’inspection, pour l’ensemble des personnels enseignants éligibles. Le contrôle du contenu pédagogique est par ce biais assuré » ([439]). Or, ce contrôle individuel s’avère insuffisant à de multiples égards : il n’offre pas une vision d’ensemble sur l’établissement, est préparé à l’avance, ne donne pas lieu à des échanges approfondis avec les élèves ([440]). De même, si les évaluations d’établissements déjà mentionnées et reposant avant tout sur une auto-évaluation par l’établissement peuvent donner l’occasion d’un regard extérieur intéressant sur le fonctionnement des établissements scolaires privés sous contrat, les rapporteurs soulignent qu’elles ne doivent pas servir de prétexte à l’absence de contrôles pédagogiques et administratifs, ne permettant pas d’en pallier l’absence.

Au-delà des stricts aspects administratif et pédagogique, la vie des élèves au sein des établissements telle qu’elle y est organisée n’est, hors enquête administrative ponctuelle et évaluations, jamais analysée. Les établissements privés sous contrat et l’État se sont longtemps accordés pour considérer que ce domaine relevait du « caractère propre » reconnu aux établissements privés sous contrat ([441]), contribuant ainsi à expliquer l’étroit bornage des différents types de contrôle. Cette notion, peu définie et extensible, mais qui peut notamment renvoyer au caractère confessionnel de l’établissement, tire sa force de sa reconnaissance, par le Conseil constitutionnel, comme caractéristique de la liberté d’enseignement ([442]), cette dernière ayant acquis une valeur constitutionnelle ([443]).

Du fait de la liberté d’organisation qu’il implique, le caractère propre a longtemps été invoqué pour faire obstacle à tout contrôle en matière de vie scolaire, entendue au sens large comme l’ensemble des activités de l’établissement ne relevant pas directement de l’enseignement et recouvrant donc des « activités extérieures au secteur sous contrat » que « l’établissement organise librement » ([444]), étant précisé que « le chef d’établissement assume la responsabilité de l’établissement et de la vie scolaire » ([445]). Si les règles de la vie scolaire relèvent effectivement de la responsabilité des établissements d’enseignement privés, cette prérogative ne prive absolument pas les pouvoirs publics de la possibilité de contrôler le respect, par l’établissement, des obligations légales et réglementaires qui s’imposent à lui dans tous les domaines.

L’absence de contrôle sur ces aspects tient également à ce que le personnel concourant à la vie scolaire est employé par les associations support des établissements et non par l’État. Il convient pourtant de rappeler que les fonds publics contribuent à leur rémunération ([446]) – et que la responsabilité de l’État a par ailleurs pu être reconnue, par le passé, pour des violences commises par un personnel salarié par l’Ogec, comme ce fut le cas à Bétharram à la demande – ironie de l’histoire – de Pierre Carricart.

À l’aune de la révélation de l’ampleur des violences ayant eu lieu dans des établissements privés sous contrat, les rapporteurs regrettent particulièrement la carence absolue de l’État dans ces contrôles. Ils constatent que les accusations en « guerre scolaire », régulièrement portées par des responsables politiques tenants du statu quo, ont exercé ces dernières décennies une pression informelle sur les acteurs administratifs, les conduisant à l’auto-censure ou à une réserve à l’origine de manquements qui ont exposé des générations d’enfants et d’adolescents aux violences d’adultes ayant autorité dans certains établissements privés sous contrat.

Ces derniers mois, dans le sillage des révélations de violences, la situation a évolué – il en sera question ultérieurement – sans pour autant que soit garanti, à ce stade, un contrôle systématique de la vie et du climat scolaires des établissements.

Le contrôle des internats

Le contrôle des internats constitue un enjeu essentiel dans la mesure où ces lieux sont sur-représentés dans les statistiques relatives aux violences, a fortiori sexuelles, dans les établissements scolaires.

À cet égard, l’article L. 441-3 du code de l’éducation dispose qu’en cas d’admission d’élèves internes, une déclaration doit être faite et un registre des élèves tenu (article R. 442-1 du code de l’éducation, qui précise que « ce registre est tenu en permanence à la disposition des autorités judiciaires et administratives compétentes »).

Le guide du contrôle des établissements sous contrat rappelle que « les locaux de l’internat, même situés en dehors de l’enceinte de l’établissement, font partie intégrante de l’établissement dont l’enseignement est placé sous le régime du contrat d’association, de sorte que des opérations de contrôle par les services de l’éducation nationale peuvent y être menées. »

Dès lors, des recommandations quant à la marche à suivre pour contrôler les internats y figurent. En particulier, l’hypothèse d’une suspicion de violences est explicitement mentionnée : ainsi, « s’il semble également que les conditions morales et matérielles de l’accueil des enfants mineurs hébergés dans un internat compromettent leur sécurité, leur santé et leur moralité, une information préoccupante sur les mineurs en danger ou qui risquent de l’être doit être adressée au président du conseil départemental, comme le prévoit l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles » (1). Si le guide précise bien qu’un signalement parallèle auprès du procureur peut être effectué par les inspecteurs, cette solution ne semble, comme cela sera évoqué, pas adaptée.

(1)    Fiche n° 5 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat, version d’avril 2025.

Les rapporteurs constatent qu’à l’approche de la publication du présent rapport, le Sgec s’est engagé à « auditer l’ensemble de ses internats l’année prochaine » ([447]). S’ils seront vigilants quant à la transparence des résultats de ces audits, ils considèrent toutefois que ceux-ci s’inscrivent en complémentarité de la démarche ici présentée, mais n’ont pas vocation à se substituer au contrôle de l’État.

Recommandation n° 6 : Dans les établissements dotés d’internats, effectuer des contrôles complets chaque année pour le premier degré, et au maximum tous les trois ans pour le second degré. Distribuer à chaque rentrée à tous les élèves internes une charte des droits de l’élève interne, annexée au règlement intérieur.

Encore une fois, le contrôle budgétaire ([448]) n’a que des liens très indirects avec la prévention des violences. Mais l’absence de contrôle dans ce domaine également, en dépit des masses financières concernées – autour de dix milliards d’euros par an – témoigne d’un point aveugle important de l’État. Pour rappel, le rapport Vannier-Weissberg estimait la fréquence de contrôle budgétaire des établissements privés sous contrat à… une fois tous les 1 500 ans ([449]). Conjuguée à l’absence de contrôle administratif, cette carence supplémentaire conduit la Cour des comptes à affirmer que « rien ne permet de conclure que les fonds publics sont correctement dépensés dans les établissements » ([450]).

La faiblesse de la « culture du contrôle » des établissements privés au sein de l’éducation nationale participe d’une absence de maîtrise des outils dont dispose pourtant l’État en droit. En découlent les confusions déjà relevées entre les différentes formes d’inspections (inspections des enseignants et des établissements), de contrôle et d’évaluation. À cet égard, la rédaction du code de l’éducation, qui procède d’un empilement de dispositions parfois anciennes, ne facilite pas la compréhension. Il conviendrait donc de clarifier le système d’inspection et de contrôle afin d’en sécuriser l’exercice. Les rapporteurs soulignent qu’il n’appartient pas à un rapport parlementaire de procéder à cette démarche, qui doit émaner de l’administration elle-même.

Le contrôle des établissements d’enseignement agricole

Le bilan des contrôles menés dans les établissements scolaires publics et privés relevant du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (1), n’est pas radicalement différent de celui qui concerne les établissements relevant du ministère de l’éducation nationale.

Ces contrôles relèvent principalement de la compétence de l’inspection de l’enseignement agricole (2) qui, avec ses 75 inspecteurs environ, « participe notamment au contrôle et à l’évaluation des établissements, des agents et des formations » (3).

Parmi les missions de l’inspection figure notamment, outre le contrôle pédagogique des enseignants et les enquêtes administratives en cas de dysfonctionnement, des missions d’évaluation des établissements qui peuvent inclure des visites et « permettre de détecter d’éventuelles anomalies ou signaux faibles. Si nécessaire, nous pouvons ensuite diligenter une mission d’inspection plus approfondie » (4).

Des contrôles au titre de la mise en œuvre du contrat d’association (5), qui engagent les contractants « à se prêter aux contrôles administratifs, pédagogiques et financiers de l’État », peuvent également être menés par l’inspection. Comme l’indique la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, « il s’agit alors d’un contrôle de la mise en œuvre du contrat d’association avec l’État selon un protocole (vade-mecum) établi et une visite sur place par au moins deux inspecteurs ». Ces contrôles semblent suffisamment poussés pour pouvoir, le cas échéant, détecter des situations violentes grâce notamment aux « rencontres avec des enseignants, personnels d’éducation, et des élèves qui, à cette occasion, peuvent s’exprimer sur des problématiques de vie scolaire. Le projet de vie scolaire peut également être interrogé à cette occasion » (6). Comme pour les établissements relevant du ministère de l’éducation nationale, ils sont néanmoins peu mis en œuvre : quatre contrôles prévus pour 2024-2025, après que sept ont été effectués sur l’année 2023-2024 (7). Auditionné par la commission, Benoît Bonaimé, directeur général de l’enseignement et de la recherche, a fait part de sa volonté d’augmenter la proportion d’établissements contrôlés.

(1)    D’après les réponses écrites adressées par la DGER aux rapporteurs, « à la rentrée scolaire 2024, 88 255 élèves, apprentis et étudiants, soit 44 % des apprenants de l’enseignement agricole technique, sont scolarisés dans l’un des 220 lycées publics répartis sur l’ensemble du territoire. Ces lycées sont regroupés dans 171 établissements publics locaux d’enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA). Le secteur privé regroupe quant à lui 112 751 apprenants, soit 56 % de l’ensemble des effectifs, dans l’un des 579 établissements privés sous contrat avec le ministère de l’agriculture. »

(2)     À l’exception du contrôle financier, confié par l’article R. 813-27 du code rural et de la pêche maritime aux directions départementales et régionales des finances publiques.

(3)     Article L. 811-4-1 du code rural et de la pêche maritime.

(4)     Audition du 30 avril, à 15 heures.

(5)     Articles L. 813-3 et R. 813-26 du code rural et de la pêche et de la pêche maritime.

(6)     Réponses écrites de la direction générale de l’enseignement et de la recherche du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

(7)     Idem.

Les rapporteurs se sont efforcés d’aller plus loin que le simple constat d’une défaillance des contrôles en s’intéressant aux raisons profondes qui y ont conduit. L’ensemble des anciens ministres de l’éducation nationale entendus dans le cadre de l’enquête ont reconnu combien la question du contrôle des établissements privés avait pu être un « impensé », pour reprendre une expression employée par Nicole Belloubet, dont le rapport sur les violences commises dans les établissements scolaires, établi en 2001 alors qu’elle était rectrice, n’incluait de fait pas les établissements privés : « Lorsque j’ai rédigé ce rapport, le fait de ne pas y inclure l’enseignement privé n’était pas le fruit d’une volonté. Je n’ai simplement pas envisagé cette possibilité. Cela procédait certainement d’une forme de réserve institutionnelle liée au caractère d’extranéité de l’enseignement privé, qui explique sans doute également la faiblesse des contrôles auxquels il est soumis » ([451]). « L’enseignement privé était perçu comme un ailleurs », poursuivait-elle. Également auditionné, Jean-Michel Blanquer a admis que « la culture de l’éducation nationale est de regarder davantage l’enseignement public, parfois au motif qu’il faut lui porter une attention accrue dès lors que les IA-APR EVS ([452]) doivent notamment résoudre des problèmes et, d’une certaine façon, fournir un service en plus d’un contrôle » ([453]). Les rapporteurs rappellent que les fonctionnaires en charge du contrôle des établissements scolaires obéissent aux directives de leurs tutelles administratives, obéissant elles-mêmes aux ministres. Ainsi, l’absence de contrôle des établissements privés sous contrat qui a prévalu pendant des décennies ne saurait leur être attribuée. Elle interroge la responsabilité directe des ministres de l’éducation nationale successifs. Pour mettre définitivement fin à cet « impensé », les rapporteurs considèrent que chaque occasion devrait être saisie pour « ré-arrimer » les établissements privés au service public de l’éducation auquel ils contribuent. Ils devraient donc être systématiquement intégrés aux directives du ministère de l’éducation nationale.

b.   L’enseignement catholique : une proximité décisionnelle avec l’éducation nationale défavorable au contrôle ?

L’enseignement catholique représente une part prépondérante dans le privé sous contrat : avec 7 190 établissements à la rentrée 2024 ([454]), ce réseau représente 96 % environ des établissements scolaires privés sous contrat – les autres relevant d’autres réseaux confessionnels, et des réseaux laïc, des langues régionales ou de l’enseignement adapté. Ces établissements accueillaient cette même année 2 059 650 élèves, soit près d’un élève scolarisé en France sur cinq. À ce titre, mais également parce qu’il dispose d’un pouvoir d’influence considérable, ce réseau d’enseignement justifie une attention particulière.

  1.   Le Secrétariat général de l’enseignement catholique, un « ministère bis » de l’éducation nationale ?

Si le rapport dit Vannier-Weissberg évoquait, au sujet du contrôle des établissements privés sous contrat, un système « qui repose sur un climat de confiance entre les différentes parties prenantes, lesquelles ne perçoivent pas toujours la nécessité de contrôler des interlocuteurs présents dans le paysage éducatif local depuis de nombreuses années » ([455]), des spécificités propres à la relation qu’entretient l’enseignement catholique avec l’État ont été mises en lumière par les travaux d’enquête. Des liens très étroits ont ainsi pu être observés entre le ministère de l’éducation nationale et le Secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec). Ces liens contribuent à expliquer la carence des contrôles de l’État : tout se passe comme si à un régime de contrôle – contrepartie logique de l’intégration des établissements privées dans le service public de l’éducation – s’était substitué un régime de cogestion, ministère et enseignement catholique semblant parfois, dans les échanges que les rapporteurs ont pu consulter, dialoguer sur un pied d’égalité. L’expression de « ministère bis » de l’éducation nationale, parfois employée, paraît ainsi fondée.

Le Secrétariat général de l’enseignement catholique

Le Secrétariat général de l’enseignement catholique (Sgec) est un service national de la Conférence des évêques de France, qui nomme son secrétaire général. Outre le secrétaire général, le Sgec comprend également le comité national de l’enseignement catholique (Cnec), qui est l’instance législative de l’enseignement catholique, et la commission permanente, qui réunit et coordonne divers acteurs de l’enseignement catholique.

Le Sgec se présente comme ayant vocation à « mettre en œuvre la politique définie par le Comité national de l’enseignement catholique en accord avec la Conférence des évêques de France. Il veille à la cohérence des mises en œuvre de cette politique dans le respect de l’identité des divers territoires et à la cohésion de l’ensemble des acteurs de l’enseignement catholique » (1).

(1)    https://enseignement-catholique.fr/qui-sommes-nous/

En dépit du fait qu’aucun texte ne prévoit le dialogue avec cette instance, comme l’a confirmé le directeur des affaires juridiques du ministère de l’éducation nationale ([456]), celle-ci s’est, ainsi que l’a souligné le sociologue Pierre Merle devant la commission, « très rapidement imposé[e] comme interlocuteur de l’État. Pour discuter de la loi Debré, deux associations étaient présentes : une association parlementaire pour l’enseignement libre et le Sgec. Pour obtenir un appui électoral, des parlementaires avaient signé un accord, selon lequel ils suivraient les préconisations de l’association lorsque la question du statut de l’enseignement privé serait discutée à l’Assemblée nationale. Ce lobbying a continué d’exister par la suite » ([457]). Lors de la même audition, la sociologue Diane-Sophie Girin, rappelait que « dès 1959, l’Église catholique s’est montrée très méfiante à l’égard de ces contrôles. L’idée selon laquelle ce serait plutôt aux établissements d’employer les enseignants et de les contrôler a prévalu. Dès les premiers temps, une cristallisation s’est opérée sur le sujet. Les contrôles ont été effectués de manière différente selon les réseaux ([458]). Du côté de l’enseignement catholique, peu de contrôles ont lieu, dans l’idée que le système fonctionne. Depuis les années 1980, le principe de l’existence d’un secteur privé financé par l’État est de plus en plus accepté et, en quelque sorte, le camp laïque a perdu la bataille » ([459]).

Or, à titre liminaire, les rapporteurs insistent sur plusieurs spécificités du Sgec. En premier lieu, s’il se présente comme l’interlocuteur de référence des pouvoirs publics, il convient de rappeler qu’il n’est en rien une tutelle. Le Sgec n’a ainsi pas de pouvoir à l’égard des établissements privés : il s’agit davantage d’un interlocuteur central non formel, qualifié de « lobby » dans des notes de plusieurs cabinets de ministres de l’éducation nationale consultées par les rapporteurs ([460]), que d’une autorité qui exercerait un pouvoir hiérarchique à l’égard des organismes de gestion de l’enseignement catholique et des établissements scolaires dont ils sont le support. Surtout, les rapporteurs relèvent la singularité d’un dialogue organisé avec un organe dont le chef est désigné par la Conférence des évêques de France (CEF), qui l’élit en assemblée plénière. S’il est facilement admis qu’un dialogue avec les représentants des cultes puisse avoir lieu, notamment avec le ministre de l’intérieur, qui en est responsable, un tel dialogue ne présente pas la même évidence en matière éducative, a fortiori lorsqu’on constate à quel point le Sgec contribue à l’élaboration des politiques publiques, y compris le concernant, alors même qu’il ne dispose pas de la même légitimité que, par exemple, les organisations syndicales représentatives.

Si des échanges peuvent se justifier, la nature du dialogue avec l’enseignement catholique ne semble pas correspondre, pour les rapporteurs, à la simple consultation ponctuelle de représentants d’intérêts. À titre d’exemple, l’organisation de fréquentes réunions rassemblant des membres du cabinet, voire le ou la ministre de l’éducation, et le Sgec, durant lesquels sont discutés les enjeux et la mise en œuvre de la politique éducative du pays, a été portée à la connaissance des rapporteurs par des notes préparatoires à ces rencontres qu’ils ont pu consulter ([461]). Conduits dans la plus totale opacité, ces échanges interrogent également le respect de l’article 2 de la loi de 1905 selon lequel « la République ne reconnaît […] aucun culte » dès lors que le secrétaire général de l’enseignement catholique, nommé comme cela a été évoqué par la Conférence des évêques de France, est le représentant d’une autorité religieuse ([462]).

En outre, cette proximité tranche avec la rareté de la consultation des représentants des autres réseaux. Encore récemment, dans le cadre du plan Brisons le silence, agissons ensemble, seul l’enseignement catholique semble avoir été consulté à proprement parler ([463]). Plus largement, la nature des relations avec les autres réseaux diffère : la Fédération nationale de l’enseignement privé musulman (Fnem) a par exemple indiqué que « les échanges avec le ministère de l’éducation ont toujours été cordiaux mais demeurent relativement rares. Nous avons eu la chance de pouvoir être reçus par le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye en 2023 mais il s’agit de la seule occurrence » ([464]).

Les rapporteurs tiennent notamment à faire part de leur étonnement quant à la consultation du Sgec sur des questions comme celle du contrôle – il a été consulté sur le guide destiné aux inspecteurs lors de son élaboration, ce qui n’a pas été le cas des représentants des autres réseaux d’enseignement –, qui donne le sentiment de consulter l’autorité contrôlée… sur la façon dont elle souhaite l’être. Dans le cadre de leurs prérogatives leur permettant d’obtenir communication de documents, les rapporteurs se sont procurés un courrier du Sgec adressé, le 29 novembre 2024, à la DAF ([465]). Le secrétaire général de l’enseignement catholique y exprime un agacement manifeste, et finit par comparer le guide au « manuel de l’inquisiteur », accusant le ministère de proposer une approche qui « a toutes les chances de disqualifier la démarche d’évaluation et de généraliser un système de délation » ([466]).

Face à ce guide du contrôle, le Sgec s’appuie sur le fondement de la liberté d’enseignement et sur le caractère propre, pour s’opposer, notamment, au contrôle de la vie scolaire. Dans son courrier précité à la DAF, le Sgec affirme explicitement que « le contrôle habituel, tel qu’évoqué, ne peut porter sur la vie scolaire, qui est par nature en dehors du secteur sous contrat ». Outre ses vingt-huit points de vigilance, le Sgec demande, dans le même courrier, la suppression de deux des huit fiches regroupant les points à contrôler par catégorie, dont la fiche n° 5, qui porte sur la vie scolaire et le contrôle des internats. Comme le résume alors la DAF en marge du document, en lien avec le Sgec, ce dernier « considère que la fiche 5 sur la vie scolaire est inutile et que ce contrôle ne relève [pas] du sous contrat », étant précisé que le Sgec ne s’oppose pas à tout contrôle, mais appelle à distinguer le contrôle administratif « normal » des établissements d’autres formes de contrôle.

Les rapporteurs s’étonnent également du ton employé par des représentants du Sgec dans certaines des correspondances consultées : si le tutoiement est de rigueur avec des membres du cabinet du premier ministre, cette proximité lui permet également de se montrer particulièrement exigeant à l’endroit du ministère de l’éducation. À titre d’exemple, dans un document consulté par les rapporteurs, l’adjoint du secrétaire général de l’enseignement catholique prend l’initiative d’écrire à la DAF, le 22 mai 2024, pour se plaindre de ce qu’il qualifie « d’erreurs de vocabulaire » sur des planches issues de présentations de l’académie d’Amiens. Pire, l’enseignement catholique semble s’être montré menaçant : des échanges internes au cabinet datés du 15 mars 2024 indiquent, sur le sujet des groupes de niveau, que le secrétaire général « se dit hostile à une application strictement identique à l’enseignement public qui serait selon lui contraire aux prérogatives de l’enseignement privé. Il affirme qu’il ne cédera pas et qu’il ira en justice si nous maintenons une position ferme sur le sujet. Il nous alerte sur un état des établissements privés en régions proche de l’émeute ou de l’insurrection ».

D’un point de vue organisationnel, le dialogue est en pratique structuré autour de la seule DAF du ministère. Ce choix, que Nicole Belloubet a qualifié de « bizarre » ([467]), traduit et entretient la conception d’un « État-guichet » dont l’unique vocation serait de verser des fonds à l’enseignement privé, sans contrepartie. Si, en théorie, la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) est « chargée des questions pédagogiques relatives aux établissements d’enseignement scolaire privés » ([468]), la pratique des échanges que les rapporteurs ont pu consulter témoigne de la prépondérance de la DAF, si ce n’est de son rôle exclusif en la matière. Interrogée sur cette question, Élisabeth Borne a indiqué ne pas soutenir l’idée de la création d’une direction spécifique consacrée à l’enseignement privé, ou du transfert d’une partie des prérogatives de la DAF à la Dgesco, invoquant notamment les « priorités actuelles, qui résident principalement dans le renforcement des contrôles et la mise en œuvre d’un plan de lutte contre les violences » ([469]). Pour autant, les rapporteurs considèrent que, loin de constituer un détail, cette organisation participe de l’absence d’implication du ministère dans les questions pédagogiques et relatives au climat scolaire des établissements privés. Il leur paraît que le transfert d’une partie des prérogatives de la DAF à la Dgesco, y compris en matière de contrôle, contribuerait à améliorer ces derniers.

Recommandation n° 7 : Confier à la direction générale de l’enseignement scolaire les mêmes missions, s’agissant des établissements privés sous contrat, que celles qui lui sont confiées pour les écoles et établissements publics. Recentrer le rôle de la direction des affaires financières sur les seuls domaines financiers.


  1.   L’enseignement catholique : une structuration ne permettant pas de compenser l’absence de contrôle

Les rapporteurs se sont également intéressés, toujours en raison de la part prépondérante de ce réseau parmi les établissements privés sous contrat, à la structuration de l’enseignement catholique. Or il apparaît que cette structuration induit une grande fragilité des établissements, et en particulier des chefs de ceux-ci, et éclaire un certain nombre de dysfonctionnements en matière de gestion des violences et de leurs signalements, sur lesquels les rapporteurs reviendront.

Le réseau d’enseignement catholique se caractérise par la prégnance du principe de subsidiarité, que le Sgec lui-même considère « à l’inverse de la logique de l’organisation de l’Éducation nationale » ([470]), décrivant une « organisation pyramidale [qui] n’est pas descendante mais montante, dans une logique de mutualisation des moyens humains et de solidarité à chaque échelon. Le principe d’organisation est celui de la subsidiarité : est travaillé au service de tous, à l’échelon supérieur, ce qui ne peut pas l’être à l’échelon inférieur » ([471]).

De fait, le réseau est surtout organisé autour des organismes de gestion de l’enseignement catholique (Ogec), qui, disposant de la personnalité juridique – contrairement à l’établissement –, sont les employeurs à la fois du chef d’établissement, des personnels de vie scolaire, et éventuellement d’une partie des enseignants.

Incarnée par le directeur diocésain ([472]) par mandat de l’évêque qui le nomme, ou par le supérieur majeur de la congrégation, cette tutelle s’avère beaucoup moins verticale et ferme que dans les établissements publics. Elle est d’abord peu contraignante, parce que le chef d’établissement n’est pas le salarié du diocèse ou de la congrégation, mais de l’organisme de gestion ; cette tutelle ne saurait donc être qualifiée d’autorité hiérarchique. Selon les termes du Sgec, cette tutelle a vocation à « accompagner » ([473]) le chef d’établissement : « Le rôle du directeur diocésain est de promouvoir l’Enseignement catholique du diocèse, à travers des tâches de coordination, d’assistance et d’exécution » ([474]).

La tutelle est par ailleurs lointaine, les contacts apparaissant en réalité rares – en cela, ils ne remplacent en rien la proximité des services académiques placés au-dessus des écoles et établissements scolaires publics. Ce n’est que depuis 2013 qu’une visite de tutelle est organisée tous les trois ans dans les établissements. Pourtant, le Sgec souligne que l’autorité de tutelle de l’établissement, qui est certes membre de droit de l’Ogec, « est chargée du contrôle et de la sanction » ([475]) : en cas de connaissance de manquements de la part d’un chef d’établissement, un rappel à la mission ou un retrait de la lettre de mission – qui entraîne le licenciement par l’Ogec – peuvent être envisagés, en vertu des sanctions prévues dans les statuts de l’enseignement catholique. En pratique pourtant, ce type de mesures apparaît particulièrement rare.

Les lacunes de cette structuration ont bien été relevées par Pascale Picol, représentante du syndicat CGT-EP, qui, évoquant les directions diocésaines de l’enseignement catholique et les tutelles congréganistes, considérait que « leur responsabilité légale reste floue, si bien qu’il est difficile de s’opposer à elles sur le plan réglementaire ou de leur reprocher un manquement à leurs responsabilités. En d’autres termes, leur statut juridique ne permet pas de se retourner contre elles en cas de problème, et la responsabilité retombe sur le chef d’établissement ou le personnel, mais pas sur l’enseignement catholique en tant qu’entité » ([476]). Le sentiment d’une grande déresponsabilisation des différents échelons de l’enseignement catholique a de fait prévalu lors l’audition de Philippe Delorme, qui a, à plusieurs reprises, renvoyé à la liberté des Ogec.

Il résulte en effet de la faiblesse de la tutelle une grande liberté d’action des établissements, et plus particulièrement des 5 555 chefs d’établissement ([477]), plus étendue en tout état de cause que celle qui existe dans les établissements scolaires publics. Le code de l’éducation prévoit ainsi que, dans les établissements privés, le chef d’établissement « assume la responsabilité de l’établissement et de la vie scolaire » ([478]). Comme le résumait Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique, « le chef d’établissement a délégation pour faire vivre l’établissement, c’est lui qui est au cœur du système » ([479]). Parmi ses responsabilités, il joue notamment un rôle majeur en matière de ressources humaines, ayant « la charge du choix, de la formation et du perfectionnement de la communauté professionnelle et des bénévoles. Il est responsable de la constitution de l’équipe enseignante et de son suivi (il donne notamment son appréciation sur la pratique professionnelle des enseignants) » ([480]). Il dispose en ce sens d’un « droit de regard » sur les maîtres qui sont affectés à son établissement par l’académie. En matière budgétaire enfin, le chef d’établissement ordonne et exécute le budget de l’établissement, disposant pour ce faire des délégations nécessaires de la part du conseil d’administration.

Pour exercer ces missions, les chefs d’établissements privés paraissent pourtant peu armés, moins encore que ceux des établissements publics, en dépit de responsabilités plus étendues. D’abord, les chefs d’établissement du réseau catholique ne se consacrent pas systématiquement à une seule « unité pédagogique », mais sont souvent responsables de plusieurs établissements. Selon les données du Sgec, dans le second degré, 39,9 % des chefs d’établissement dirigent plus d’une unité pédagogique, et 11,2 % d’entre eux dirigent trois unités ou plus ([481]). Ensuite, leur formation peut poser question : en l’absence de concours, leur nomination par l’autorité de tutelle relève souvent d’une forme de cooptation. Par ailleurs, les Ogec sont des structures relativement fragiles, ne serait-ce que du fait de leur émiettement, et du caractère bénévole de l’engagement de leurs membres. Si la fédération nationale (Fnogec) ([482]) est supposée fournir un accompagnement, notamment dans les domaines financiers et juridiques, force est de constater que les chefs d’établissements effectuent en pratique seuls la plupart des tâches en lieu et place du conseil d’administration. Comme le résume la Ferc-CGT, « les directions croulent sous la masse de responsabilité, de pressions et d’isolement face aux problèmes complexes des familles, des enfants... et sont trop peu soutenues » ([483]). En effet, dans le privé, le chef d’établissement ne dispose pas de la faculté de s’adresser à son supérieur hiérarchique ([484]) – qui serait, dans le public, l’inspecteur de l’éducation nationale, le Dasen ou le recteur. L’absence de contrôles en est d’autant plus regrettable : au-delà de la détection de dysfonctionnements, les inspecteurs pourraient assurément, à condition de disposer de moyens nécessaires, jouer un rôle de conseil et d’appui salvateur.

Ainsi, l’exposé dans les grandes lignes du fonctionnement de l’enseignement catholique ne fait que conforter la nécessité du contrôle, y compris dans l’intérêt même des gestionnaires concernés, trop souvent seuls face à leurs responsabilités.

3.   Un ciblage systématique des établissements du réseau musulman : un « deux poids deux mesures »

Si le constat dont il a été fait état est celui d’une extrême rareté des contrôles menés dans les établissements privés sous contrat, il ne s’applique pas aux établissements relevant du réseau musulman. Ces derniers font quant à eux l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics qui se traduit par un ciblage systématique dans les contrôles, par des refus opposés à des demandes de contractualisation, ainsi que par des résiliations de contrat inédites depuis l’entrée en vigueur de la loi Debré, il y a plus de soixante-cinq ans.

Ce réseau est faiblement étendu : alors que le réseau catholique fédère 7 190 établissements, le réseau musulman comprend « 70 groupes scolaires privés musulmans en France, ce qui est très peu. Ils regroupent environ 120 établissements, parmi lesquels seuls dix sont sous contrat. Ce chiffre passera même à huit à la rentrée prochaine puisque le groupe Al Kindi a perdu trois contrats et que le groupe Averroès en retrouvera un » ([485]). Il a pourtant fait l’objet, au cours des dernières années, de très nombreux contrôles, diligentés en particulier dans les établissements Al Kindi, dans le Rhône, et Averroès, dans le Nord. De même, il a concentré deux des trois décisions de résiliation de contrat d’association documentées depuis 1959.

Si la lutte contre l’islamisme et la radicalisation justifient une action résolue et la vigilance de l’ensemble des services de l’État, revenir sur ces deux cas – qui s’avèrent différents – met en évidence l’existence d’un « deux poids deux mesures » de l’État dans l’exercice de ses prérogatives, qui ne sont pas mises en œuvre de manière identique à l’égard des différents réseaux d’enseignement.

  1.   L’établissement Al Kindi : de multiples contrôles qui ont conduit à une résiliation des contrats immédiate et inédite

Graduellement ouvert à partir de 2007 (lycée), puis en 2010 (école) et 2012 (collège), le groupe scolaire Al Kindi, à Décines, dans le Rhône, a conclu avec l’État trois contrats, couvrant une majorité de ses classes : deux contrats d’association conclus en 2012 couvrant partiellement le collège et tout le lycée ; un contrat simple conclu en 2016 pour trois classes de primaire.

Le début des contrôles remonte à 2021, après que la préfecture a reçu de premiers signalements relatifs à « l’affiliation du groupe aux Frères musulmans » ([486]), motivant notamment un suivi en cellule départementale de lutte contre l’islamisme radical et le repli communautaire (Clir). Tous les types de contrôles possibles seront, à partir de ce moment, mis en œuvre. En 2022, plusieurs contrôles sont menés en matière de réglementation des établissements recevant du public (ERP) et de sécurité alimentaire, qui donnent lieu à des mises en demeure en raison d’irrégularités. En 2023, la préfecture, en application des dispositions de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, engage des vérifications financières pour la partie hors contrat de l’établissement.

Les manquements identifiés entraînent à leur tour des contrôles de la partie sous contrat de l’établissement : le 4 avril 2024, un contrôle académique est mené, donnant lieu à deux rapports distincts, l’un pour le premier, et l’autre pour le second degré. Ce contrôle met en exergue des manquements au respect du contrat d’association ([487]) et la présence dans le centre de documentation et d’information (CDI) d’ouvrages contraires aux valeurs de la République, ainsi que des manquements administratifs et financiers, avec en particulier un mélange d’élèves et une confusion des moyens entre les classes hors et sous contrat.

Compte tenu de ces éléments, la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfète du Rhône, Fabienne Buccio décide d’engager une procédure de résiliation des contrats, juridiquement prévue par la loi Debré, mais extrêmement peu utilisée. L’article L. 442-10 du code de l’éducation dispose que « lorsque les conditions auxquelles est subordonnée la validité des contrats d’association cessent d’être remplies, ces contrats peuvent, après avis de la commission de concertation instituée à l’article L. 442-11, être résiliés par le représentant de l’État soit à son initiative, soit sur demande de l’une des collectivités mentionnées à l’article L. 4428 ». Aux termes de l’article R. 442-62 du même code, « en cas de manquements graves aux dispositions légales et réglementaires ou aux stipulations du contrat, et après avis de la commission de concertation prévue par l’article L. 442-11, la résiliation du contrat d’association ou du contrat simple peut être prononcée par le préfet du département. La décision de résiliation est motivée. Elle prend effet au terme de l’année scolaire en cours ».

Informée de cette procédure, la DAF du ministère de l’éducation nationale fait état, dans une note interne que les rapporteurs se sont procurée, datée du 4 décembre 2024, de ses « réserves sur la robustesse d’une résiliation immédiate », préférant dans un premier temps, « une mise en demeure permettant à l’établissement de corriger les manquements ». La DAF considère notamment que « dans le premier degré, certains manquements sont caractérisés, mais jugés non suffisamment graves pour justifier une résiliation. Pour le second degré, bien que certains manquements soient potentiellement graves, leur matérialité n’est pas suffisamment détaillée dans le rapport ». La DAF considère cependant que « les faits reprochés paraissent plus graves que ceux retenus pour le Lycée d’Averroès qui a fait l’objet d’une procédure de résiliation du contrat d’association ».

En l’espèce, la commission de concertation donne un avis favorable, le 12 décembre 2024, à la résiliation des trois contrats d’association (école, collège, lycée), pour une décision finalement prise par la préfète le 10 janvier 2025. Si le juge administratif ne s’est pas prononcé sur le fond à la date de rédaction du présent rapport, la requête en référé de l’association Al Kindi n’a pas été satisfaite en l’absence de doute sérieux quant à la légalité de la décision ([488]). Dans son ordonnance, le juge souligne notamment le caractère suffisamment établi, à ce stade, des manquements qui sont reprochés à l’établissement.

Comme cela a déjà été évoqué, l’établissement Al Kindi représenterait donc un exemple parmi d’autres d’atteinte à la liberté de conscience des élèves que les contrôles – hélas rares ailleurs – auraient permis de déceler. Le recours à la procédure de résiliation, aussi exceptionnelle que rapide, témoigne du peu de gradation des sanctions dont il a été question.

b.   Le cas Averroès : une procédure très exceptionnelle

Ouvert en 2003, le lycée Averroès a conclu un contrat d’association avec l’État en 2008. En 2012, le collège a ouvert ses portes. Son cas a également attiré l’attention de la commission du fait de la multiplicité de contrôles dont il a fait objet – plus nombreux même que pour Al Kindi – et, là encore, de la décision de résiliation prise par le préfet sans mise en demeure préalable.

Le premier constat auquel a abouti l’enquête, en partie déjà connu notamment depuis la publication du rapport dit Vannier-Weissberg, est celui du « deux poids deux mesures » observé dans les contrôles, dont l’impression est accentuée par l’étude de nombreux cas d’établissements ayant connu des manquements au contrat ou aux valeurs de la République voire des cas de violence, sans pour autant faire l’objet d’un suivi aussi rapproché.

Le conflit entre l’établissement
et le conseil régional des Hauts-de-France

En avril 2019, le président du conseil régional des Hauts-de-France Xavier Bertrand, adresse au ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, un courrier faisant état de ses inquiétudes quant au modèle pédagogique et financier de l’établissement. Ce courrier intervient après la publication du livre Qatar Papers : Comment l’émirat finance l’islam de France et d’Europe, dans lequel les journalistes Georges Malbrunot et Christian Chesnot pointent notamment des financements de l’organisation non gouvernementale Qatar Charity reçus en 2014.

Quelques mois plus tard, le président du conseil régional annonce suspendre les concours financiers facultatifs, mais également obligatoires, versés à l’établissement. Cette décision est la première d’une série de décisions de la région à être annulée par la justice administrative (1).

Suivront, en avril 2021, le nouveau refus de verser ces financements (2), puis le refus de verser les sommes prévues au titre du forfait d’externat des années 2020-2021 et 2021-2022 (3).

Auditionné par la commission d’enquête, Xavier Bertrand a affirmé : « Je n’ai eu de cesse de me considérer comme un lanceur d’alerte. Si c’était à refaire, je referais tout, depuis le départ. » (4)

(1)    Ordonnance du 31 mars 2021 qui enjoint à son président de procéder au réexamen des droits de l’association au versement du forfait d’externat.

(2)     Le tribunal administratif, saisi de cette nouvelle décision, en suspend l’application en juillet 2021 et enjoint à la région de verser la somme de 275 000 euros à l’association pour l’année 2019-2020. La collectivité procède alors immédiatement au règlement de la somme. Cette dernière décision a été confirmée par le Conseil d’État le 16 juin 2022.

(3)     Décisions annulées par les ordonnances du tribunal administratif du 12 octobre 2022, qui ont enjoint la région, sous astreinte, à s’en acquitter pour chacun des deux exercices. La collectivité s’est exécutée en versant à l’association, le 14 octobre 2022, la somme de 573 000 euros.

(4)     Audition du 6 mai 2025, à 14 heures.

Avant même le déclenchement des polémiques récentes, l’établissement a fait l’objet de nombreux contrôles : en mai 2004, dans le cadre de l’habilitation à recevoir des élèves boursiers ; en février 2008 dans le cadre de la demande de mise sous contrat ; en février 2015, à la suite d’un signalement effectué par un enseignant de philosophie de l’établissement. Quatorze enseignants ont par ailleurs fait l’objet d’inspections individuelles entre 2013 et 2019 ([489]).

Une nouvelle vague de contrôles est engagée à compter de 2019, non sans lien avec les interrogations de Xavier Bertrand, qui sollicite un éclairage sur le fonctionnement administratif et financier de l’établissement par un courrier adressé au ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Par un courrier du 15 novembre 2019, ce dernier lui répond que si les inspections n’ont révélé aucun dysfonctionnement du lycée jusque-là, il est prêt, pour répondre à ses interrogations, à diligenter deux missions.

La première, confiée à la direction régionale des finances publiques, porte sur l’association gestionnaire. Le rapport, établi en janvier 2020 et relatif aux exercices comptables 2017-2018 et 2018-2019, pointe un certain nombre de fragilités : « Les auditeurs formulent un avis très réservé quant à la gestion comptable et financière de l’association. » Les recommandations qui sont alors émises feront l’objet d’un suivi attentif.

La seconde, adressée à l’IGESR, est « une demande de mission d’inspection du lycée Averroès en soutien des services rectoraux et de ceux de la direction régionale des finances publiques (DRFiP) des Hauts‐de‐France » ([490]). Au regard des différentes inspections dont ont eu connaissance les rapporteurs au cours de l’enquête, cette saisine, en dehors de tout dysfonctionnement autre que celui signalé par Xavier Bertrand, présente un caractère exceptionnel. L’IGESR procède habituellement à des enquêtes administratives à la suite de l’identification d’une défaillance ; si théoriquement elle peut également effectuer des contrôles « de routine », le cas est exceptionnel, a fortiori pour des établissements privés sous contrat.

Le rapport, rendu au ministre en juin 2020, s’avère particulièrement élogieux à l’égard de l’établissement : « Les résultats obtenus par le lycée Averroès sont clairement l’expression du travail des élèves gardés dans l’établissement ainsi que de l’investissement et des compétences des enseignants qui interviennent dans ce lycée » ; « le projet éducatif du lycée Averroès est le seul dans le paysage éducatif français, à allier une conception musulmane de l’éducation à l’enseignement des valeurs républicaines […]. » Le cours d’éthique, qui sera plus tard mis en cause, est loué : « Dans le cadre de son caractère propre, le lycée Averroès dispense un cours d’éthique qui vise à donner à l’élève les moyens de se réaliser spirituellement et de vivre sa foi en parfaite harmonie avec les valeurs de la République. Il transmet les bases de la religion musulmane et offre un espace de débats autour des questions liées à la foi » ; « rien dans les constats faits par la mission, en particulier autour des documents de préparation des cours remis par les enseignants, ne permet de penser que les pratiques enseignantes divergent des objectifs et principes fixés et ne respectent pas les valeurs de la République. »

À la suite de ce rapport, de nouveaux contrôles sont menés, avec notamment une mission de suivi de la mise en œuvre des recommandations émises par la DRFiP en 2020. Ce suivi est demandé, le 22 mars 2021, par le directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale à la rectrice de l’académie de Lille, à qui il revient de saisir le préfet pour qu’il missionne la direction régionale des finances publiques.

Par ailleurs, des inspections régulières sont menées dans le cadre des demandes de passage sous contrat de classes du collège : c’est le cas le 30 mars 2021, le 20 janvier 2022 puis le 27 juin de la même année pour la vie scolaire et le centre de documentation, et le 30 janvier 2023 ([491]).

Immédiatement après, le préfet de la région Hauts-de-France, préfet du Nord, Georges-François Leclerc, diligente un nouveau contrôle de la chambre régionale des comptes (CRC), qui rend son rapport public le 30 juin 2023. Celui-ci pointe à nouveau plusieurs irrégularités comptables, sans qu’aucun caractère frauduleux ne soit établi, évoquant notamment le non-renouvellement du conseil d’administration dans les délais ou des fragilités dans la gestion comptable – tout en relevant une amélioration à cet égard.

Néanmoins, une alerte y est émise sur la gestion pédagogique de l’établissement, qui ne relève pas en principe du champ de compétence de la CRC : « S’agissant du contenu proposé aux lycéens, la présence d’un ouvrage, dont l’étude occupe l’année de seconde dans cette matière, est de nature à susciter des interrogations. Il s’agit du commentaire des Quarante hadiths de l’imam An-Nawawi par deux exégètes syriens contemporains. Certains des commentaires des deux auteurs édictent une série de règles de nature sociale et politique à suivre par le croyant. À titre d’exemples, il est énoncé dans l’ouvrage l’interdiction pour une femme malade de se faire ausculter par un homme lorsqu’une femme peut réaliser cet acte, ainsi que le commandement, pour les hommes comme les femmes, d’éviter la mixité sur le lieu de travail. La prohibition, sous peine de mort, de l’apostasie est également développée. »

C’est notamment sur cette analyse, que contredira largement le tribunal administratif, que s’est appuyé le préfet pour prononcer la résiliation du contrat.

Un « deux poids deux mesures » étendu à la contractualisation ?

L’enquête a permis d’établir que la différence de traitement ne se limitait pas à l’exercice de la mission de contrôle de l’État, mais s’étendait également à la conclusion des contrats elle-même.

Si l’établissement demandait le passage de nouvelles classes sous contrat, pour couvrir le collège, depuis 2013, cette demande ne relevait plus à partir de 2019 d’une procédure dérogatoire, le délai de cinq ans d’existence prévu pour solliciter un contrat d’association étant alors passé.

Alors que l’établissement réunissait tous les critères du passage sous contrat, c’est un motif budgétaire qui est utilisé pour fonder le refus du contrat lors d’une réunion interministérielle (RIM) tenue le 7 février 2019 – le simple fait que la question ait été tranchée en RIM est en lui-même significatif, un tel sujet a priori banal n’ayant théoriquement pas à remonter aussi haut dans la hiérarchie politico-administrative. Devant la commission, Jean-Michel Blanquer a affirmé ne pas être à l’origine de la tenue de cette réunion, exclusivement consacrée à la question de la demande de contrat d’association de l’établissement.

Une note au ministre datée du 22 décembre 2020 admet que c’est le « contexte polémique [qui] a conduit à refuser systématiquement depuis 2013 les demandes successives de l’établissement de pouvoir passer sous contrat ses classes de collège. » Mais officiellement, c’est un argument budgétaire, consistant à opposer à l’établissement l’absence de moyens pour mener à bien la mise sous contrat, qui est invoqué. Or, cet argument budgétaire était fragile, comme le relève une note interne au ministère de l’éducation nationale datée de février 2019 : « Si cette motivation est bien prévue par la loi, elle nécessite néanmoins d’être utilisée avec précaution ; en particulier, le Conseil d’État a précisé que, pour opposer un refus à la demande de contrat fondé sur l’article L. 442-14 du code de l’éducation, le préfet doit "s’être préalablement assuré auprès de l’administration centrale de la possibilité d’en obtenir le financement" (CE, 12 avril 1991, SNEC CFTC et all., n° 68521). Autrement dit, c’est au Ministre de prendre la décision… et il la prend "en opportunité", après s’être concerté avec les parties prenantes de l’enseignement privé sur tout le territoire français (réseaux, recteurs, …), après avoir pris en considération des éléments objectifs (taux d’encadrement des élèves, …), dans le but de prioriser les demandes qui sont toujours en nombre plus important que les ressources disponibles.

« La loi rend donc possible les décisions "arbitraires", mais le juge contrôlera que ces décisions ont été prises dans l’intérêt du service public de l’éducation (auquel participe un établissement sous contrat) ; de plus, une telle motivation peut difficilement être reprise plus d’une ou deux années consécutives. Ce processus a été formellement décrit dans la réponse à la question écrite n° 1299 du député Vincent BRU, publiée le 28 novembre 2017 à propos des moyens alloués aux réseaux de langues régionales. En effet, les moyens budgétaires sont alloués aux établissements de ces réseaux comme ils le sont aux établissements musulmans, que l’équipe dirigeante d’Averroès tente précisément de réunir au sein de la Fédération nationale de l’enseignement musulman (FNEM).

« En l’occurrence, il sera très difficile au Ministre d’endosser un refus sur Averroès pour la quatrième année de suite alors que par ailleurs, des moyens pourraient être alloués, y compris éventuellement à d’autres établissements au sein du réseau de la FNEM, qui en tant que fédération, pourrait alors insister sur la priorité que représente Averroès. »

Certains messages postérieurs à la RIM semblent mettre en exergue une construction ex post d’échanges à l’appui de l’argument budgétaire (1).

Le 20 février 2019, un conseiller technique auprès du premier ministre écrit au préfet du Nord pour lui annoncer que « la récente RIM sur Averroès a permis i) de confirmer qu’en opportunité nous ne voulions pas accorder le contrat d’association ; ii) de constater qu’une analyse juridique faisait défaut sur la solidité d’une décision de refus ».

Le conseiller semble alors monter de toutes pièces un échange qui consiste à faire mine de s’interroger sur la disponibilité de crédits afin de pouvoir opposer l’insuffisance de ceux-ci à la conclusion de nouveaux contrats d’association. Le message est le suivant : « […] 2°) [...] dès cette semaine, il faudrait que vous écriviez au ministère de l’Éducation nationale pour demander s’il existe une possibilité de financement pour répondre à la demande de l’établissement, malgré la diminution du nombre d’emplois, et donc de contrats, qui a été décidée pour l’académie de Lille […]. Le ministère (Vincent, merci d’y veiller) vous répondra le plus rapidement possible pour vous dire que les crédits ne sont pas disponibles. »

Plus tard, le 9 octobre 2019, une fiche interne au ministère fera à nouveau référence à l’argument budgétaire, soulignant qu’une nouvelle « possibilité de mise sous contrat semble difficilement contestable ».

En février 2021, face à une nouvelle demande de passage sous contrat, un courrier conjoint du préfet et du recteur adressé au ministre de l’éducation nationale lui demande de trancher, en l’interrogeant sur l’invocation, à nouveau, de l’argument budgétaire. Ce traitement manifeste un regard de l’État tout à fait exceptionnel sur les établissements privés sous contrat rattachés au réseau musulmans. Rappelons que la Loi Debré ne reconnaît que des établissements à « caractère propre » et non des établissements confessionnels.

(1)    Annexe n° 41.

L’enquête a également permis de revenir sur les conditions dans lesquelles la résiliation a été décidée par le préfet du Nord, Georges-François Leclerc ([492]), qui a réuni la commission de concertation prévue à l’article L. 442-11 du code de l’éducation pour statuer sur la rupture du contrat ([493]).

Dans son rapport de saisine daté du 27 octobre 2023, le préfet s’appuie d’abord sur des manquements administratifs, observant des irrégularités dans le fonctionnement de l’association, notamment en matière de respect de ses statuts, ainsi qu’une « frontière mal définie entre l’activité commerciale de l’ancien président et son mandat au profit de l’association ». Sont ensuite mis en avant des manquements dans la gestion comptable et financière, avec notamment l’argument de financements étrangers et particulièrement de l’organisation non gouvernementale Qatar Charity. Le préfet soutient l’existence d’un système de financement illicite, lié notamment à « la mouvance frériste », ainsi que des « difficultés à communiquer sur ses ressources financières » et une « situation financière critique » de l’association qui serait ressortie des contrôles. Pour ce qui concerne les manquements pédagogiques, le préfet invoque le cours d’éthique musulmane, en s’appuyant sur le rapport précité de la chambre régionale des comptes de 2023. Il est possible de noter à ce stade que le préfet n’évoque à aucun moment le rapport de l’IGESR, dont il a indiqué au cours de l’audition avoir pris connaissance lors de la commission de concertation, ce qui conduit à s’interroger, encore une fois, sur la répartition des compétences entre préfets et recteurs en matière de pilotage des contrats et de compétence pour convoquer la commission de concertation avant de décider une résiliation de contrat d’association.

Au-delà des éléments tenant strictement au cours d’éthique musulmane, le préfet s’appuie sur les déclarations d’enseignants, notamment sur un article de blog, dont il considère qu’il profère des « thèses hostiles aux valeurs occidentales et aux lois républicaines ». Le préfet mentionne également les contrôles effectués sur la partie hors contrat de l’établissement, et notamment le collège, sans qu’ils ne concernent directement le lycée, tant pour les constatations auxquelles ils ont donné lieu que pour l’opposition au contrôle qu’aurait manifesté le proviseur du collège. Enfin, le représentant de l’État évoque une « communauté éducative inquiétante », citant plusieurs des enseignants suspectés d’infractions financières ou de « prosélytisme ». Le dernier élément sur lequel le préfet s’appuie est une vidéo de « de propagande islamique », qui aurait été tournée dans l’enceinte de l’établissement. Devant la commission, le préfet Georges-François Leclerc résumait sa démarche en mettant en avant « deux raisons » qu’il a exposées : « Sur le volet administratif, j’ai estimé, à la lecture du rapport de la chambre régionale des comptes, que la gestion comptable et financière paraissait déloyale et potentiellement frauduleuse. Sur le contenu pédagogique, j’ai constaté que les éléments recueillis sur certains intervenants depuis mai 2021 par les inspections diligentées par la rectrice et l’inspecteur d’académie étaient suffisamment tangibles pour considérer que les élèves étaient en danger. J’ai considéré que des éléments documentaires du centre documentaire commun au collège et au lycée, que certains enseignants et que la ligne directrice de l’enseignement qui était dispensé relevaient clairement du salafo-frérisme et pouvaient constituer un danger pour des élèves ou des adolescents en plein apprentissage. » ([494])

Cette analyse, avant même qu’elle ne conduise effectivement à la résiliation du contrat quelques semaines plus tard, a fait l’objet de critiques au sein du ministère de l’éducation nationale. C’est notamment ce dont témoigne une note adressée par une conseillère au ministre, datée du 13 novembre 2023 et qui s’appuie sur une analyse préalable de la direction des affaires juridiques : « Le fait que l’association gestionnaire connaisse des difficultés financières est insuffisant pour fonder une résiliation du contrat. Le sujet du cours d’éthique musulmane, soulevé par la Chambre régionale des comptes, est un grief qui pourrait être retenu. Toutefois, la place dans le cours d’éthique musulmane d’un "contenu, dont une œuvre comporte des passages qui heurtent frontalement les valeurs que l’établissement est tenu de transmettre dans le cadre des enseignements qui font l’objet du contrat" n’est pas très claire, l’établissement n’ayant par ailleurs pas été mis en mesure de se justifier à ce stade. Ce motif, de facto est très fragile. Il met à mal le fait de reprocher à un établissement d’enseignement privé sous contrat le contenu d’activités qu’il dispense dans le cadre de son caractère propre pour fonder la résiliation du contrat d’association. La protection du caractère propre des établissements est la traduction d’un principe à valeur constitutionnelle et l’établissement pourrait se prévaloir des rapports d’inspection ayant conclu au respect des règles et programmes de l’enseignement, y compris en matière d’EMC. Avis de la DAJ : En l’état des informations transmises par la rectrice à la direction des affaires juridiques en juillet, une résiliation du contrat fondée sur ces motifs a été jugée insuffisamment fondée et présentant un risque de précédent défavorable. » ([495]) De fait, il est manifeste que la procédure de résiliation a été engagée avec une diligence qui n’a pas prévalu dans d’autres cas où des manquements ont été établis, notamment par l’IGESR. Le cas du collège-lycée Stanislas offre à cet égard un contrepoint intéressant au dossier Averroès, la résiliation du contrat n’ayant, à la connaissance des rapporteurs, jamais été envisagée pour cet établissement en dépit de manquements significatifs. Le déroulé de la commission de concertation, qui s’est tenue le 27 novembre 2023, démontre quant à lui un traitement une fois encore exceptionnel : le compte rendu, que les rapporteurs ont pu consulter, fait état de la présence de trois conseillers régionaux, bien prévue à l’article R. 442-64 du code de l’éducation, mais également de Xavier Bertrand, en sa qualité de président du conseil régional des Hauts-de-France, en l’absence de tout texte prévoyant cette présence supplémentaire ([496]), ce qui n’a pas empêché l’intéressé d’intervenir au cours de la réunion, sans toutefois prendre part au vote, témoignant une fois encore de son activisme sur ce dossier ([497])

Par ailleurs, la décision du tribunal administratif de Lille du 23 avril 2025, relèvera que les documents à l’appui de la décision n’ont pas été communiqués aux parties, constituant un vice de procédure de nature à justifier l’annulation de la décision.

L’ensemble de ces éléments conduisent les rapporteurs à formuler des préconisations quant au fonctionnement des commissions de concertation, afin d’assurer une équité de traitement et la transparence de leur fonctionnement.

Recommandation n° 8 : Par décret, harmoniser les critères et modalités de déclenchement, d’organisation, de délibération et de vote des commissions de concertation réunies pour statuer sur la résiliation des contrats d’association et prévoir la publication du compte rendu des débats de ces commissions.

Après un avis favorable de la commission de concertation, la résiliation du contrat avec le lycée est prononcée par le préfet le 7 décembre 2023.

Depuis, le 23 avril 2025, le tribunal administratif de Lille a tranché en faveur de l’établissement et annulé cette décision, écartant les motifs invoqués par le préfet en tant qu’ils n’étaient pas suffisamment démontrés, ou qu’ils ne constituaient pas des manquements susceptibles de justifier une résiliation de contrat, en plus de vices de procédure. Les rapporteurs renvoient à la décision complète du tribunal, qui traite successivement l’ensemble des manquements invoqués par le préfet ([498]).

Dans sa décision, le juge administratif estime notamment les manquements pédagogiques insuffisamment démontrés, y compris ceux relatifs au centre de documentation ou au cours d’éthique musulmane. Il évoque le fait qu’« en l’absence, en l’état de l’instruction, de la production de tout élément de nature à contredire les conclusions précitées du rapport de l’IGESR, la réalité du manquement tiré du non-respect des valeurs de la République ne peut être considérée comme étant établie ». Concernant l’inquiétude exprimée par le préfet quant au personnel éducatif, le tribunal administratif soutient ici aussi que « le manquement en cause n’est pas établi ». Pour les manquements dont le tribunal considère que la démonstration avait été apportée – un refus d’inspection et un fonctionnement non conforme aux statuts de l’association –, il a été considéré qu’ils n’étaient pas d’une gravité justifiant la décision de résiliation. C’est notamment le cas en matière de gestion administrative et financière, où le tribunal pointe que « plusieurs méconnaissances de l’association Averroès à ses propres statuts, voire à des dispositions légales ou règlementaires » ont été observées, mais celles-ci ne sont pas jugées « d’une gravité suffisante, au sens des articles L. 442-10 et R. 442-62 du code de l’éducation, pour justifier l’adoption de la décision attaquée ». Pour ce qui est des financements étrangers, le tribunal rappelle que le don provenant d’une organisation non gouvernementale « n’a été d’assorti d’aucune condition », et ne présentait donc pas de caractère illégal.

La ministre de l’éducation nationale, Élisabeth Borne, a pourtant annoncé sa volonté de faire appel de la décision du tribunal administratif sur la résiliation du contrat, justifiant cette dernière par un refus du contrôle de l’ancien chef d’établissement, qui a été licencié, précisément pour ce motif, par le conseil d’administration d’Averroès. Au-delà des interrogations que peuvent susciter les contrôles et la résiliation du contrat de cet établissement musulman en particulier, les rapporteurs constatent également que la Fédération nationale de l’enseignement privé musulman (Fnem) a du mal à se faire entendre auprès du ministère de l’éducation nationale. Marque d’un traitement différencié, la fédération n’arrive pas même à rencontrer le ministre, un mail interne de la DAF, adressé à une conseillère du ministre de l’éducation nationale faisant part de contacts avec « la Fnem qui veut rencontrer le Ministre notamment pour défendre le lycée Averroès. L’an dernier, Pap Ndiaye avait prévu de le recevoir avant d’annuler à la suite d’une montée au créneau du ministère de l’Intérieur » ([499]). Diane-Sophie Girin, docteure en sociologie, a confirmé lors de son audition par la commission que « le dialogue a été rompu et [que] ce réseau a été jugé illégitime par les services du ministère, qui ne lui demandent plus d’effectuer cette tâche [de surveillance]. Il y a donc une confessionnalisation du travail délégué par l’État : le pouvoir attribué varie en fonction du poids numérique mais également de la légitimité ou de l’illégitimité supposée des réseaux » ([500]).

4.   La mobilisation de prérogatives renforcées à l’égard des établissements privés hors contrat

L’absence de contrôle des établissements sous contrat du réseau catholique tranche donc avec les contrôles effectivement menés à l’égard d’établissements du réseau musulman, mais également avec l’attention accrue portée, ces dernières années, au contrôle des établissements privés qui ne sont pas liés à l’État par un contrat. Face à la faiblesse des possibilités qui prévalaient jusqu’alors, et devant l’augmentation soutenue du nombre d’établissements et d’élèves conjuguée à la crainte des phénomènes de radicalisation, l’adoption de nouvelles dispositions législatives, appliquées par l’administration, a permis de contrôler davantage ces établissements. Cette attention aux établissements privés hors contrat a notamment été portée par le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer, qui en a exposé les raisons devant la commission : « En 2017, j’ai constaté qu’il était plus facile, en France, d’ouvrir une école qu’un bar, et plus difficile de la faire fermer. Cela ne va pas. Au fond, ce qui commande philosophiquement tout ce que j’ai fait sur ces sujets, c’est évidemment l’intérêt de l’enfant, mais aussi l’impératif de ne laisser aucun angle mort du regard public sur ce qui se passe pour l’enfance. » ([501]) Force est de constater qu’au-delà de l’évolution du droit, la pratique a suivi, le contrôle de ces établissements étant désormais entré dans les mœurs grâce aux moyens spécifiques qui lui ont été attribués.

  1.   Des contrôles systématiques à l’ouverture et désormais réguliers ensuite

Les conditions d’ouverture d’un établissement privé ont d’abord été renforcées par la loi dite Gatel de 2018 ([502]), tout en relevant toujours d’un simple régime de déclaration et non d’autorisation.

En premier lieu, peuvent désormais s’opposer à l’ouverture l’autorité compétente de l’État en matière d’éducation, le maire, le représentant de l’État dans le département et le procureur de la République ([503]). Le délai dont ils disposent pour ce faire est allongé : auparavant différent selon les cas, il est désormais de trois mois, quels que soient l’autorité à l’initiative de l’opposition et l’établissement concerné, alors qu’il variait jusque-là en fonction des cas.

Surtout, les motifs d’opposition prévus au II de l’article L. 441-1 du code de l’éducation sont élargis pour inclure désormais explicitement « l’ordre public et la protection de l’enfance et de la jeunesse » ([504]). Dès lors, parmi les motifs possibles d’opposition à l’ouverture figure donc, par exemple, la découverte d’« un comportement violent ou déviant de la personne qui entend diriger un établissement, que la consultation d’un fichier révélerait » ([505]), ce qui contribue bien à la prévention des violences, un contrôle de l’honorabilité des personnes désireuses d’ouvrir un établissement étant d’ailleurs prévu.

Le contrôle des établissements privés hors contrat est, aux termes de l’article L. 422-2 du code de l’éducation dans sa rédaction issue notamment de la loi dite Gatel, « mis en œuvre sous l’autorité conjointe du représentant de l’État dans le département et de l’autorité compétente en matière d’éducation » et « se limite aux titres exigés des directeurs et des enseignants, à l’obligation scolaire, à l’instruction obligatoire, qui implique l’acquisition progressive du socle commun défini à l’article L. 122-1-1, au respect de l’ordre public, à la prévention sanitaire et sociale et à la protection de l’enfance et de la jeunesse, notamment contre toute forme de harcèlement scolaire ».

Depuis 2018, est donc explicitement mentionnée la protection de l’enfance et de la jeunesse, expression substituée aux « bonnes mœurs » jusqu’ici visées. À cet égard, et si le contrôle de l’enseignement relève de la responsabilité du seul ministère de l’éducation, le guide relatif aux établissements hors contrat précité précise qu’« il revient à l’autorité académique, en liaison avec le préfet, d’apprécier l’opportunité d’associer des membres des services d’autres administrations à l’équipe d’inspection, notamment en cas de signalement ou pour procéder au constat d’un éventuel manquement […]. »

Les rapporteurs soulignent effectivement l’enjeu qu’il y a à dépasser le travail en silos, qui a trop souvent obéré l’action de l’administration vis-à-vis des établissements scolaires privés, comme ce fut le cas à Riaumont, où les inspections se sont succédé sans nécessairement se coordonner. Des efforts semblent bien engagés en ce sens. À titre d’exemple, Fabienne Buccio, préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfète du Rhône, a indiqué aux rapporteurs que « les services de l’État relevant de [s]on autorité sont régulièrement associés à des contrôles au sein des établissements privés lorsque nous sommes destinataires d’un signalement qui peut provenir d’une administration, d’une collectivité territoriale, des services de renseignement ou bien encore à la demande de l’autorité académique. Il s’agit bien souvent de signalements liés à des manquements sanitaires, sécuritaires ou au non-respect des valeurs de la République. Les services compétents de la DDPP, de la sécurité (police et gendarmerie nationales, services de renseignement) et de la protection civile (préfecture) sont ainsi régulièrement sollicités pour des contrôles ou des analyses de situations » ([506]).

En ce qui concerne la fréquence des contrôles, seul un contrôle au cours de la première année est prévu au III de l’article L. 442-2 du code de l’éducation. Pour le reste, le guide indique qu’il « est recommandé à l’autorité académique de prescrire une inspection de l’établissement au plus tard au cours de la cinquième année qui suit son ouverture », tandis que les contrôles sont également liés aux signalements dont les établissements pourraient faire l’objet ([507]). En pratique, il est paradoxal d’observer que ces établissements privés hors contrat, en dépit d’obligations plus limitées et de financements publics presque nuls, sont bien davantage contrôlés en tant que tels ([508]) que les établissements privés sous contrat. Une note de la DAF du ministère de l’éducation nationale datée du 17 octobre 2023 observe, pour l’année 2022-2023, « un fléchissement d’environ 10 % du nombre de contrôles, soit 600 », ce qui reste un nombre largement supérieur à celui des contrôles exercés dans les établissements privés sous contrat, qui s’élève, pour rappel, à douze pour toute la période 2017-2023. La note souligne que dans 75 % des cas, aucune observation négative n’a été relevée, tandis que 17 % ont donné lieu à des mises en demeure (102 cas). Pour témoigner du nombre important de contrôles, les données relatives à l’académie de Paris qui ont été transmises aux rapporteurs sont éloquentes : « au cours de l’année scolaire 2023-2024, 54 contrôles ont été réalisés. Chacun a donné lieu à la rédaction d’un rapport d’inspection notifié au représentant de l’établissement et comportant des recommandations. » ([509]) Or, l’académie souligne que, sur la même année scolaire, concernant le champ sous contrat, seul « un établissement parisien a fait l’objet d’un contrôle sur pièces et sur place. Pour 2024-2025, la mission académique de contrôle a programmé le contrôle sur pièces de 28 établissements privés sous contrat. Parmi les 28 établissements, 8 d’entre eux font l’objet d’un contrôle sur pièces et sur place. À date, 11 contrôles sont achevés (dont 8 avec contrôle sur place) » ([510]).

  1.   Parmi les conséquences éventuelles des contrôles, des possibilités de fermeture accrues elles aussi mises en œuvre

La prévention des violences par les contrôles ne saurait fonctionner si ceux-ci ne peuvent conduire à des mesures dissuasives. Depuis la loi dite Gatel, une procédure très formalisée permet au préfet ou à l’autorité académique d’« adresser au directeur ou au représentant légal d’un établissement une mise en demeure de mettre fin, dans un délai qu’elle détermine et en l’informant des sanctions dont il serait l’objet en cas contraire » notamment « 1° Aux risques pour l’ordre public, la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs que présentent les conditions de fonctionnement de l’établissement […] ». Ces mises en demeure doivent faire l’objet d’un suivi, comme le souligne le guide du contrôle des établissements hors contrat : « À l’issue du délai imparti pour se conformer à la mise en demeure, il appartient aux inspecteurs d’évaluer dans quelle mesure l’établissement s’est conformé aux demandes d’amélioration. »

Si le non-respect d’une mise en demeure de remédier aux manquements est constaté, il appartient à l’autorité compétente d’adresser un signalement au procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, puisque le deuxième alinéa de l’article 227-17-1 du code pénal prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende pour le directeur concerné ou son représentant légal, en plus de possibles sanctions disciplinaires.

L’étape suivant la mise en demeure est la fermeture de l’établissement : après l’expiration du délai fixé dans la mise en demeure notifiée à l’établissement, s’il n’a pas été remédié aux manquements visés, le préfet peut prononcer, par un arrêté motivé, la fermeture, temporaire ou définitive, de l’établissement ou des classes concernées, dans les conditions prévues à l’article L. 442-2 du code de l’éducation.

Ces possibilités de fermeture accrues sont bel et bien mises en œuvre : la note précitée de la DAF relevait par exemple que, sur l’année 2022-2023, cinq établissements avaient fait l’objet d’une procédure de fermeture à la suite de l’absence de mise en conformité en dépit de mises en demeure.

Ces possibilités de fermeture accrues comblent les lacunes observées par les rapporteurs à Riaumont, à savoir, la difficulté, pour les autorités, de procéder à la fermeture d’un établissement scolaire hors contrat y compris si la sécurité des élèves n’y était pas pleinement assurée, comme le soulignait en creux le courrier déjà mentionné du préfet du Pas-de-Calais au directeur de cabinet du ministre ([511]).

Néanmoins, si les manquements auxquels il n’a pas été remédié entraînent des risques pour l’ordre public, la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs dans les conditions de fonctionnement de l’établissement (1° du IV de l’article L. 442-2 du code de l’éducation), l’arrêté de fermeture du préfet est pris après avis de l’autorité académique, et non sur sa proposition, contrairement à ce qui prévaut pour les autres motifs, pédagogiques, de fermeture. Or, les rapporteurs souhaitant renforcer la capacité de pilotage de l’autorité compétente en matière d’éducation, ils considèrent qu’il serait utile de permettre au recteur de prendre l’initiative d’une fermeture aussi pour des motifs liés à la sécurité des élèves.

Recommandation n° 9 : Ouvrir au recteur la possibilité de proposer au préfet de fermer un établissement, quel que soit le motif invoqué pour cette proposition (article L. 442-2 du code de l’éducation).

5.   Renforcer les contrôles, repenser les contrats

  1.   Une volonté récente de contrôler davantage les établissements sous contrat
    1.   Face au vide, un plan de contrôle encourageant mais à pérenniser

À la suite de la parution des rapports de la Cour des comptes et du rapport dit Vannier-Weissberg, le ministère de l’éducation nationale, à la tête duquel se trouvait alors Nicole Belloubet, a souhaité renforcer les contrôles des établissements privés sous contrat. Pour ce faire, un plan de contrôle a été annoncé en mars 2024 afin d’atteindre 40 % d’établissements privés sous contrat contrôlés à horizon 2027, dont 10 % sur place et 30 % sur pièces visant à « la vérification de l’organisation administrative de l’établissement et des obligations pédagogiques en conformité avec les prescriptions contractuelles ou concerner le contrôle de l’utilisation des moyens alloués » (2). Le plan de contrôle présenté par la ministre comprenait un document d’aide au contrôle à l’attention des inspecteurs : le fait qu’un tel document n’ait pas existé jusque-là en dit long sur la rareté de ces inspections. Cet objectif de 40 % est toujours d’actualité.

Si les rapporteurs saluent ce plan de contrôle qui semble traduire pour la première fois une prise de conscience de l’enjeu par le ministère de l’éducation nationale, ils considèrent qu’au-delà d’un plan ponctuel, le contrôle de l’ensemble des établissements à un rythme régulier devrait être pérennisé. L’objectif est qu’aucun établissement privé sous contrat n’échappe à un contrôle « à 360° » plus de cinq années d’affilée. A minima une fois tous les cinq ans, tous les établissements devront donc faire l’objet d’au moins un contrôle administratif, pédagogique et sur le climat scolaire – les aspects budgétaires pourront également être intégrés – incluant un contrôle sur place mené par une équipe d’inspecteurs.

Recommandation n° 10 : Prévoir dans le code de l’éducation au moins un contrôle périodique complet des établissements privés tous les cinq ans au plus. Rendre publique la date du dernier contrôle effectué.

  1.   Des moyens supplémentaires insuffisants au regard des besoins

Dans la continuité de l’annonce du plan de contrôle, des moyens ont été consentis pour mettre en œuvre les contrôles envisagés, avec d’abord, à la rentrée 2023, la création de soixante équivalents temps plein (ETP) d’inspecteurs supplémentaires dédiés au contrôle des établissements privés. La note récapitulant les moyens, après avoir comporté la mention de moyens « exclusivement attribués » au contrôle des établissements privés, a évolué, comme ont pu le constater les rapporteurs dans les échanges internes au ministère ([512]), pour devenir une attribution « prioritairement dédiée » à ce contrôle.

En pratique, les moyens ont surtout été attribués au contrôle des établissements privés hors contrat. Si toutes les académies ayant répondu au questionnaire de la DAF ([513]), en 2024,  ont déclaré avoir bien bénéficié de moyens nouveaux pour l’inspection des établissements privés hors contrat (EPHC), seules quatre d’entre elles (sur les 20) avaient vu leurs moyens d’inspection d’établissements sous contrat effectivement renforcés. Le constat de la note est sévère : « Ces moyens d’inspections ont tous été fléchés a minima pour le contrôle des établissements hors contrat mais dans 75 % des académies, ils ont aussi été employés pour le contrôle de l’instruction en famille. » ([514])

Par conséquent, « le déploiement des contrôles dans l’enseignement privé sous contrat a subi un retard certain au cours des premiers mois de l’année scolaire 2024-2025 » ([515]). Cette insuffisance n’est en réalité pas étonnante : la même note évoque « une moyenne par an de 32 établissements pour 1 ETP inspecteur par an. Sachant qu’une inspection mobilise plusieurs inspecteurs (minimum 2 mais plus souvent de 3 à 6), il faut compter en moyenne 1 ETP pour 10 EPHC contrôlés sur une année scolaire. » La faiblesse des moyens nouveaux s’ajoute aux pénuries déjà observées, et relevées par les organisations syndicales représentatives des inspecteurs, qui ont souligné l’insuffisance des moyens à laquelle ils font face, alors que les inspecteurs déjà en poste sont également censés participer à cette nouvelle mission de contrôles de routine. Éric Nicollet, secrétaire national de la Fédération syndicale unitaire (FSU) a ainsi évoqué « une administration sans doute la plus sous-encadrée de toutes : les inspecteurs et inspectrices sont un peu plus de 3 000 pour 800 000 enseignants. C’est tout à fait insuffisant. Les corps d’inspection peinent donc déjà à exercer leurs missions ordinaires. La ministre propose de créer 30 ETP à la rentrée prochaine, soit moins de 1 % de nos effectifs. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons mettre en œuvre un programme ambitieux de contrôle des établissements privés sous contrat. » ([516])

Dès lors, le nombre de contrôles projetés s’avère donc faible, en tout état de cause en-dessous des cibles. La note de la DAF datée du 3 mai 2024 faisait directement état de ces difficultés : « Pour l’année scolaire 2023-2024, 11 établissements ont ou vont être contrôlés. Rares sont les académies qui ont programmé un plan pluriannuel de contrôles des EPSC. Quand il existe il ne permet pas d’atteindre l’objectif de 10 % d’EPSC contrôlés à la rentrée scolaire 2027. »

Projection des contrôles par les académies

Académie

Nombre d’EPSC

2024-2025

2025-2026

2026-2027 (projection = 25/26)

Part d’EPSC inspectés à la rentrée 2027

Aix-Marseille

281

2

10

10

8,5 %

Dijon

99

4

2

2

8 %

Limoges

40

1

1

1

7,5 %

Lyon

480

15

15

15

9,5 %

Mayotte

1

1

0

0

100 %

Nantes

1 139

10

10

10

2,5 %

Normandie

350

1 à 5

1 à 5

Sans objet

Sans objet

Strasbourg

89

3

3

3

10 %

Versailles

338

8

8

8

7 %

Source : tableau figurant dans la note de la DAF du 3 mai 2024.

Depuis, la programmation des contrôles semble avoir été accélérée, puisque la ministre Élisabeth Borne a indiqué que « plus de 500 contrôles sont déjà en cours » ([517]). Pour les poursuivre, elle a annoncé que 60 ETP supplémentaires devraient être créés en 2025 ([518]) et 2026 dans le cadre du plan ministériel Brisons le silence, agissons ensemble. Une note de la DAF non datée suggérait en 2025 de « donner plus d’ambition au programme de contrôle », précisant que la cible d’« un contrôle de tous les EPSC tous les trois ans respectant une part raisonnable de contrôles sur place » aurait supposé de « créer 90 emplois d’inspecteurs et 36 emplois d’administratifs dont 6 en centrale » ([519]). Ces chiffres doivent être mis au regard des effectifs actuels des corps d’inspection, soit 245 IGESR, 1 566 IA-IPR et 2 447 IEN ([520]).

Les rapporteurs soulignent l’enjeu qu’il y a à procéder au recrutement d’inspecteurs en partant du nombre de contrôles programmés, suivant le rythme évoqué ci-dessus. Il appartiendra au ministère de déterminer avec précision les besoins en ETP supplémentaires et de procéder aux recrutements en conséquence.

La faible attractivité du corps des IA-IPR, qui pourrait fragiliser cette ambition, a été soulignée devant la commission par Philippe Janvier, secrétaire général du Syndicat national des inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux (SNIA-IPR) : « Non seulement les postes ne sont pas tous pourvus à la rentrée mais, en cours d’année, certains de nos collègues prennent une autre mission, devenant Dasen, adjoints, etc. Cette année, nous sommes passés de trente postes non pourvus à la rentrée à soixante postes vacants en milieu d’année. Le problème est donc double : il faut certes créer des postes mais il faut aussi renforcer l’attractivité. » ([521]) À cet égard, les déclarations de la ministre, qui semblait, lors de son audition, ignorer le problème de l’attractivité, étonnent. Louable, son intention de « recruter des inspecteurs confirmés et expérimentés, notamment 2nd degré, afin de garantir un haut niveau de technicité (aucun recrutement sur le vivier "sortis de concours") » ([522]) et de porter son attention « sur le pilotage resserré de ces affectations sur les postes fléchés pour garantir la qualité des profils recrutés et la cohérence territoriale des contrôles » ([523]) risque donc de faire long feu.

Recommandation  11 : Revaloriser le corps d’inspecteur académique – inspecteur pédagogique régional et en faciliter l’accès, en assouplissant les conditions de participation au concours et en créant davantage de passerelles entre les corps enseignants, d’inspection et de direction.

La ministre a également annoncé son intention de procéder à des contrôles associant des professionnels de différents horizons. Les rapporteurs soulignent que cette pratique, qui favorise la détection de phénomènes de violences, devrait être progressivement systématisée, mais qu’elle suppose, là encore, des moyens supplémentaires qu’il reviendra au ministère de calculer avec précision en fonction du nombre de contrôles prévus.

Recommandation n° 12 : Systématiser la pluridisciplinarité des missions de contrôle, en associant des psychologues, assistants sociaux, médecins, etc.

  1.   Un plan qui ne répond pas à toutes les interrogations, et qui gagnerait à être davantage centré sur la prévention des violences
    1.   Un cadre à clarifier

En complément des moyens nécessaires pour conduire les inspections, des précisions quant au fonctionnement de ces contrôles, dont la pratique reste à inventer, pourraient contribuer à assurer la détection de toutes les formes de violences ([524]) et, plus généralement, encourager la mise en conformité des établissements.

L’invocation du caractère propre pour faire obstacle au contrôle, notamment en matière de vie scolaire, constitue un obstacle à lever. À l’heure actuelle, en l’absence de disposition législative expresse prévoyant cette faculté de contrôle, le travail des inspecteurs est fragilisé. Éric Nicollet, secrétaire national de la FSU, a ainsi pu affirmer que « les établissements privés que nous contrôlons nous opposent souvent leur caractère propre pour se soustraire à des investigations approfondies sur des situations que nous pourrions détecter ou suspecter – s’il est très rare de constater des violences, il arrive que l’on ressente certaines choses » ([525]), considérant que le cadre des investigations « ne nous permet pas d’enquêter sur des questions relatives à la vie de l’élève en dehors de la classe » ([526]).

Ces difficultés ne semblent pas épargner les inspecteurs généraux, qui disposent pourtant, en règle générale, d’une certaine expérience : Patrick Allal, a expliqué lors de son audition avoir été consulté, lors de l’enquête administrative sur l’établissement Stanislas de Paris, sur « des questions qui tournaient essentiellement autour du caractère propre : concrètement, quel regard peut porter la mission sur l’activité pastorale ? Peut-elle faire des observations sur l’organisation de l’établissement ou pas ? », affirmant lui-même qu’« il y a des zones grises, sur la vie scolaire par exemple, entre le caractère propre et ce qui relève de l’activité pédagogique : quelquefois, la frontière est très ténue » ([527]). En l’espèce, la crainte de la mission d’empiéter sur le caractère propre a conduit, à la demande de Patrick Allal, à retirer de paragraphes portant… sur le fonctionnement et l’organisation du collège. Or, cette organisation avait de réelles implications sur le traitement des élèves : comme l’a expliqué l’inspectrice générale Annie Dyckmans-Rozinski, « il s’agissait pour moi de démontrer que, dans cette organisation pyramidale, l’information – je parle d’incidents graves – a du mal à circuler » ([528]).

Depuis quelques mois, la question du champ du contrôle a évolué dans la bonne direction. Il est à cet égard notable que le discours du secrétaire général de l’enseignement catholique ait également évolué au cours des derniers mois. Auditionné par la commission, Philippe Delorme s’est dit favorable aux contrôles, y compris de la vie scolaire, admettant, à la lecture des commentaires alors émis à l’égard du guide, que « nous n’écririons pas forcément la même chose aujourd’hui » ([529]). Les rapporteurs seront particulièrement vigilants quant à l’application véritable des engagements pris devant la commission.

La fiche du guide précité consacrée au caractère propre énonce désormais très clairement, depuis une actualisation récente, que celui-ci ne doit pas « faire échec à la mise en œuvre des obligations de toute nature résultant de la passation du contrat, tels le contrôle de l’assiduité des élèves, les affichages obligatoires prévus par le code de l’éducation, les contrôles liés à l’ordre public et à la protection de l’enfance et de la jeunesse, le respect des valeurs de la République, etc. » Dans la même fiche, la protection de l’enfance est désormais explicitement visée : « La vie de l’établissement et les activités organisées en dehors du secteur sous contrat, même lorsqu’elles relèvent de l’expression du caractère propre, doivent respecter les principes et valeurs de la République et toutes les règles destinées à la protection de l’enfance et de la jeunesse. Les activités menées en dehors de l’enseignement sous contrat ne sauraient remettre en cause ces principes et valeurs, ni les principes guidant l’enseignement dans le cadre du contrat. » ([530]) Parmi les aspects que le guide appelle à contrôler figurent ainsi les éléments suivants : « Vérification de l’existence d’une politique de lutte contre les violences et de l’effectivité des obligations de signalements au conseil départemental, au rectorat et le cas échéant à la justice. Respect des obligations qui pèsent sur le chef d’établissement (R. 442-39 et R. 44255 du code de l’éducation). Vérification de l’affichage du N° 119 "Allo enfance en danger". » ([531])

De même, la Dgesco et la DAF affirment aujourd’hui – mais cette position aurait-elle été tenue il y a quelques années ? – que peuvent notamment être vérifiés « l’existence de dispositifs internes permettant de recueillir et de traiter les signalements ; la mise en place d’actions de prévention et de sensibilisation auprès des élèves et des personnels ; le respect des exigences en matière d’affichage des numéros d’urgence et de référents en charge du bien-être des élèves » ([532]).

Enfin, dans ses réponses écrites, Élisabeth Borne affirme que « cette doctrine a évolué. Les travaux récents sur le plan de contrôle ont permis de clarifier le champ d’intervention de l’État, qui peut désormais contrôler la vie scolaire dans les établissements privés sous contrat. Sur le plan juridique, le Conseil d’État a validé cette évolution le 20 mai dernier, en donnant un avis favorable à un projet de décret obligeant les établissements privés à signaler aux autorités les faits de violence survenus, même en dehors des activités strictement sous contrat. Cette décision confirme la compétence de l’État à intervenir dans la vie scolaire pour garantir la protection des élèves et le respect de l’ordre public » ([533]). La ministre n’a pas pour autant affirmé son intention de clarifier explicitement le champ du contrôle des inspections, alors que plusieurs représentants des organisations syndicales d’inspecteurs ont, lors de leur audition, souhaité voir leur mandat confirmé et conforté sur ce point. Afin de sécuriser ces inspecteurs dans l’exercice de leurs prérogatives, les rapporteurs préconisent donc de conforter cette possibilité dans la loi, et de la faire connaître à l’ensemble des personnels concernés.

Recommandation n° 13 : Conforter dans la loi la possibilité pour les inspecteurs de contrôler la vie scolaire et adresser une circulaire à l’ensemble des chefs d’établissement de l’enseignement public et privé sous contrat pour rappeler le périmètre des contrôles et les prérogatives des inspecteurs.

Si des entretiens avec les élèves semblent systématiquement menés lors des enquêtes administratives, ils peuvent également l’être lors des simples contrôles administratifs et pédagogiques. D’une façon générale, ces enquêtes administratives, si elles présentent un niveau de formalisme que les simples contrôles ne devront pas nécessairement adopter, donnent une grande place à la parole de l’enfant : panel représentatif, appel à témoins pour les élèves volontaires, possibilité de tenir l’entretien à l’extérieur de l’établissement, etc.

Cette question semble du reste avoir évolué favorablement dans le sillage de l’affaire Bétharram, ce dont témoigne l’ajout intervenu entre les versions de novembre et d’avril du guide du contrôle, qui appelle désormais à « informer les élèves qu’ils peuvent s’ils le souhaitent échanger avec les inspecteurs, apporter des témoignages écrits ou oraux, ou être mis en contact avec un personnel de l’académie (personnel médicosocial par exemple) » ([534]). 

Pourtant, différents freins semblent toujours s’opposer à l’écoute des enfants, ce qui pourrait nuire à l’efficacité des contrôles administratifs en cours de déploiement. Comme l’indique l’IGESR, « dans le cas d’auditions d’élèves mineurs, en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires précisant les conditions dans lesquelles peuvent être reçus les témoignages des mineurs dans le cadre d’enquêtes administratives, il convient de passer par la direction de l’établissement pour une demande d’autorisation des parents. Ces derniers peuvent soit simplement donner leur accord, soit demander à être présents au moment de l’audition, auquel cas il convient d’y faire droit, soit refuser. Dans cette dernière hypothèse, il n’est pas possible à la mission de passer outre au refus exprimé par les parents. » De même, le guide – qui admet que « le code est peu prescriptif sur la manière de conduire ces entretiens » – note qu’« il est préférable de recueillir l’accord des représentants légaux, ou du moins de les informer de l’audition des élèves concernés » ([535]).

Or, les rapporteurs considèrent que des adultes formés comme le sont les inspecteurs devraient pouvoir accéder librement à la parole des élèves, disposant pour la recueillir de tous les moyens nécessaires. Le recours systématique à l’approbation du choix de l’inspecteur par un adulte – chef d’établissement ou parent d’élèves – leur semble regrettable, de même que l’est la pratique qui consiste à n’interroger que les délégués de classe.

Recommandation n° 14 : Garantir que les élèves reçus en entretien individuel par les inspecteurs soient systématiquement sélectionnés de façon aléatoire par la mission d’inspection et non par la direction de l’établissement. Préciser dans la loi que les auditions se tiennent en l’absence de représentants de l’établissement.

Les contrôles inopinés, qui permettent d’éviter toute forme de « ripolinage » préjudiciable, semblent plus propices à la détection des violences que les contrôles planifiés. Les représentants de collectifs de victimes ont souligné devant la commission combien les rares contrôles auxquels ils avaient assisté – souvent, en fait, des inspections individuelles d’enseignants – étaient passés à côté des violences en raison de leur préparation : « Une ou deux semaines avant, on nous prévenait, et tout le monde était sage. Mais à aucun moment les enfants n’ont été entendus » ([536]) ; « les profs et le directeur n’étaient pas bêtes : s’ils avaient été avertis, ç’aurait été le Club Med chez nous ! Les inspecteurs auraient vu des enfants bien habillés, à qui l’on aurait appris à sourire. Cela se passe dans le silence des familles, des autorités de contrôle, du diocèse : il faut donc les prendre par surprise. » ([537])

Or, si l’on excepte les enquêtes administratives et les établissements du réseau musulman ([538]) ainsi que les établissements hors contrat ([539]), la norme est aujourd’hui de faire précéder le contrôle d’une information de l’établissement, comme l’a encore rappelé l’annonce par Élisabeth Borne du contrôle à venir de l’établissement Beau Rameau plusieurs semaines à l’avance. Avertir en amont des contrôles est une démarche qui était d’ailleurs assumée par le ministère : la première fiche du guide du contrôle des établissements sous contrat indique qu’en l’absence de précision dans le code de l’éducation sur cette question, « hors cas particulier ou établissement mixte (sous contrat et hors contrat), la visite programmée est à privilégier, dans une optique à la fois d’efficacité du contrôle, de bonne administration, de bonne relation avec l’établissement ainsi que de planification de la charge de travail induite pour les services académiques ». Le même guide admet toutefois qu’un « contrôle inopiné peut cependant parfois être jugé préférable et opportun notamment en cas de "signaux forts" identifiés, la décision revenant à l’autorité académique ».

Le caractère planifié des contrôles répond pleinement au souhait exprimé par l’enseignement privé, en tout cas catholique, qui a à plusieurs reprises fait état de son hostilité à l’égard des contrôles inopinés. C’est notamment le cas dans des courriers adressés à la DAF, où le Sgec réclame que les contrôles puissent suivre « une programmation régulière, paisible et cohérente », fondée sur « une concertation avec les directions diocésaines et les chefs d’établissement » ([540]). De même, les documents que les rapporteurs se sont procurés indiquent que le ministère a accédé à la demande du Sgec, dans la fiche n° 2, de répéter que le caractère programmé du contrôle est la règle : « L’établissement doit, de préférence, préalablement être averti de la programmation du contrôle. » L’argument invoqué par Philippe Delorme devant la commission a de quoi étonner lorsqu’on sait le peu de contrôles effectivement menés : pour les représentants de l’enseignement catholique, ces contrôles « doivent s’inscrire dans une programmation tenable pour les établissements. Rendez-vous compte : un établissement pourrait faire l’objet, la même année, d’une évaluation, d’un contrôle de la DGFip (direction générale des finances publiques), d’un contrôle administratif, d’une visite de tutelle, d’un contrôle de l’Urssaf et d’une consultation par la Cour des comptes » ([541]).

En avril 2025, la fiche n° 2 mise à jour ajoute que « pour le volet des contrôles ayant trait à la lutte contre les violences, un contrôle inopiné sera privilégié » – tout en continuant à recommander pour « pour les volets du contrôle portant sur les vérifications administratives et pédagogiques » une programmation à l’avance. De fait, certaines déclarations de la ministre de l’éducation nationale, Élisabeth Borne, témoignent de son hostilité aux contrôles inopinés. Le 21 février, la ministre de l’éducation déclarait sur un plateau de télévision « on n’est pas la police, on n’arrive pas à l’improviste » ([542]).

Pour autant, certains rectorats semblent avoir, à raison, pris l’initiative de certains contrôles inopinés portant sur les établissements susceptibles de concentrer des difficultés. La rectrice de l’académie de Lyon a ainsi indiqué aux rapporteurs que durant l’année scolaire, « quatre contrôles inopinés seront également organisés suite à des problèmes antérieurs qui ont été signalés récemment au rectorat » ([543]). Des pratiques expérimentales pourraient également nourrir la réflexion : la Dgesco a par exemple cité l’expérimentation menée dans l’académie de Versailles, qui consiste à faire précéder la phase de contrôle administratif et pédagogique d’« une première phase de contrôle inopiné visant à entendre l’ensemble des acteurs (élèves, enseignants, personnels) sur les faits signalés, dans un cadre permettant de libérer la parole » ([544]).

Le déploiement de contrôles dans les établissements privés sous contrat devra s’accompagner d’un renforcement de la valeur des rapports auxquels ils donnent lieu.

La procédure de mise en demeure et la façon dont le non-respect de cette dernière peut porter à conséquence apparaissent bien moins développées que pour ce qui concerne les établissements privés hors contrat. Il ne s’agit aujourd’hui que d’une faculté, dont le guide du contrôle recommande l’utilisation : « À la suite d’un contrôle, l’équipe d’inspecteurs peut constater que l’établissement ne respecte pas ses obligations. Dans un souci de bonne administration et même si le code de l’éducation ne l’exige pas, il est fortement recommandé, dans un premier temps, si les circonstances l’exigent, d’adresser à l’établissement d’enseignement privé sous contrat un courrier portant notification des constats du contrôle et des manquements constatés à ses obligations et l’invitant à y remédier. Lorsqu’il s’agit de manquements graves, ce courrier peut prendre la forme d’une mise en demeure et fixer un délai à l’établissement pour y mettre fin. » ([545]). Outre son formalisme, la mise en demeure présente l’avantage de prévoir des échéances précises auxquelles la mise en conformité devra avoir été observée. Elle s’avère donc un outil utile, dont l’usage par les rectorats devrait être systématisé.

Recommandation n° 15 : Procéder à la formalisation systématique, par un courrier du recteur à l’établissement, des mises en demeure résultant des dysfonctionnements constatés à l’occasion des contrôles. Les assortir d’un calendrier de mise en œuvre.

Pour améliorer l’appropriation de leurs conclusions par les parties prenantes, les rapporteurs proposent par ailleurs de prévoir l’information des principales parties prenantes.

Recommandation n° 16 : Adresser les rapports de contrôle à l’ensemble des membres du conseil d’administration de l’établissement et aux membres des commissions compétentes des conseils élus des collectivités territoriales contributrices.

  1.   Au-delà des contrôles, la nécessité de repenser la contractualisation dans son ensemble

S’agissant des contrats, la Cour des comptes avait déjà formulé le constat d’un document très formel, soulignant que « parmi les établissements visités dans le cadre de l’enquête de la Cour, une bonne partie n’a pas été en mesure de produire ce document, parfois ancien. Dans la plupart des cas, ce sont les avenants au contrat, prévoyant l’évolution du nombre de classes concernées, mais ne reprenant pas l’ensemble des stipulations du contrat, qui ont été produits par les établissements » ([546]). Cette négligence quant au contenu du contrat, qui n’est en rien un document de pilotage, est dommageable : le contrat pourrait, à l’inverse, être un document prescriptif, dont le contenu exigeant ferait l’objet d’un étroit contrôle par l’État. C’est à l’élaboration de ce type de contrats que tendent les propositions des rapporteurs.

En premier lieu, le fait que la signature des contrats ait été confiée au préfet ([547]) semble avoir participé de la faiblesse du suivi de leur respect, le préfet ne disposant par ailleurs pas de prérogatives en matière d’éducation. Si, en pratique, la demande de contractualisation est instruite par les rectorats, le fait que le contrat soit signé par le préfet n’engage pas le recteur à procéder à un suivi attentif de sa mise en œuvre. Laisser la signature des contrats aux préfets reviendrait donc à continuer à reléguer les aspects pédagogiques au second plan. Ce serait également perpétuer une situation qui distingue trop fortement les établissements privés des établissements publics, sur lesquels le préfet n’intervient pas. Pour ces raisons, les rapporteurs proposent de transférer au recteur la signature, ainsi que le renouvellement annuel, des contrats.

Recommandation n° 17 : Transférer au recteur la compétence de signer et procéder au renouvellement annuel des contrats simples et d’association.

Parallèlement, le dialogue de gestion et le suivi des établissements privés sous contrat relèverait directement de ces derniers, qui échangeraient avec les rectorats sans l’intermédiation d’une structure nationale comme le Sgec.

Recommandation n° 18 : Rétablir le dialogue de gestion et le suivi des établissements privés sous contrat, dans l’esprit de la loi Debré, à travers une relation directe entre ces établissements et les services déconcentrés du ministère de l’éducation nationale.

Le contenu même des contrats devrait, en outre, être rendu plus consistant. S’il a été démontré que le climat scolaire relevait déjà du périmètre du contrôle de l’État, un moyen de renforcer la protection des enfants serait d’intégrer explicitement des objectifs de prévention des violences dans les contrats. La mise en œuvre de dispositifs adaptés, à laquelle les établissements seraient tenus, pourrait ainsi faire l’objet d’un dialogue entre l’État et l’établissement, et le cas échéant être sanctionnée en tant que manquement aux obligations du contrat.

Recommandation n° 19 : Intégrer des mesures de prévention et de lutte contre les violences physiques et sexuelles dans les clauses des contrats liant les établissements privés à l’État, à l’occasion de leur renouvellement annuel.

Faire vivre la contractualisation suppose également de renforcer les sanctions en cas de manquements, lesquelles sont aujourd’hui limitées. À ce jour, l’une des seules possibilités est la résiliation totale ou partielle du contrat, qui ne peut intervenir que lorsque « lorsque les conditions auxquelles est subordonnée la validité des contrats d’association cessent d’être remplies » ([548]). Elle doit être motivée par des « manquements graves aux dispositions légales et réglementaires ou aux stipulations du contrat » ([549]) : en dehors des établissements du réseau musulman où elle l’a été à deux reprises en 2023 et 2024, cette procédure n’a été utilisée, à la connaissance des rapporteurs, qu’à une seule et unique reprise, en 1992, pour un établissement catholique relevant de l’académie de Toulouse où avaient été constatées des dérives intégristes. Au regard du volume d’établissements et de classes sous contrat, l’extrême faiblesse de l’utilisation de ce dispositif le rend peu dissuasif : la signature d’un contrat est, de fait, un acquis.

Au-delà de l’absence de contrôle, qui explique largement le faible usage de cette mesure, la procédure de résiliation pâtit de ses conséquences : le contrat d’une grande partie des enseignants étant rompu en même temps que celui de l’établissement ([550]), elle ne peut être utilisée que dans les cas les plus extrêmes.

Or, malgré l’absence de recours, en pratique, à la résiliation, il n’existe que peu de mesures alternatives. La seule mesure identifiée au-delà de la mise en demeure est donc la suspension du paiement des mandats, prévue à l’article R. 442-21 du code de l’éducation, mais elle ne peut intervenir qu’en cas de manquements graves aux clauses financières du contrat simple ou du contrat d’association.

Les rapporteurs préconisent donc la mise en place d’une véritable gradation des sanctions afin de faire respecter les mises en demeure.

Recommandation n° 20 : Intégrer au code de l’éducation une gradation des sanctions selon la nature des manquements constatés et en cas de non-respect des mises en demeure : publication du rapport, pénalité financière, suspension de la possibilité d’inscrire de nouveaux élèves, suspension temporaire du contrat jusqu’à régularisation, résiliation du contrat, fermeture administrative.

Recommandation n° 21 : Réunir obligatoirement la commission de concertation dès lors que des mises en demeure concernant des faits de violence, de discrimination ou de violation de la liberté de conscience, après relance, ne sont pas suivies d’effet.

En cohérence avec le transfert de la prérogative de signature du contrat au recteur, la réunion des commissions de concertation devrait pouvoir être décidée par ce dernier. En cas de manquements et après avoir par exemple constaté que les mises en demeure ne donnaient pas lieu à des mesures correctives adaptées, un recteur pourrait ainsi engager la procédure de résiliation.

Recommandation n° 22 : Transférer du préfet au recteur la compétence de réunir la commission de concertation chargée de se prononcer sur les propositions de résiliation des contrats d’association et de procéder à cette résiliation (articles L. 442-10 et L. 442-11 du code de l’éducation).

B.   Une prévention insuffisante

Si des contrôles réguliers de l’État peuvent contribuer à prévenir le développement de climats propices aux violences, ils ne peuvent en aucun cas être suffisants pour assurer une prévention efficace et durable, et doivent être complétés par des mesures spécifiques de contrôle d’honorabilité, de sensibilisation des élèves et de leurs familles, ainsi que par la présence à leurs côtés de professionnels pleinement formés à ces enjeux.             

  1.   Des disparités importantes entre le public et le privé en matière de contrôle de la capacité et de l’honorabilité

Prévues à l’article L. 911-5 du code de l’éducation, les incapacités à diriger ou être employé dans un établissement public ou privé contribuent à la prévention des violences en tenant éloignées du milieu scolaire un certain un certain nombre de personnes, notamment celles qui ont été condamnées à une peine d’interdiction d’exercer, à titre définitif, une fonction d’enseignement ou une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ([551]).

L’article L. 911-5 du code de l’éducation

« I.-Sont incapables de diriger un établissement d’enseignement du premier ou du second degré ou tout établissement de formation accueillant un public d’âge scolaire, qu’il soit public ou privé, ou d’y être employés, à quelque titre que ce soit :

« 1° Ceux qui ont été définitivement condamnés par le juge pénal pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs (1), y compris un crime ou un délit à caractère terroriste ;

« 2° Ceux qui ont été privés par jugement de tout ou partie des droits civils, civiques et de famille mentionnés à l’article 131-26 du code pénal, ou qui ont été déchus de l’autorité parentale ;

« 3° Ceux qui ont été frappés d’interdiction d’exercer, à titre définitif, une fonction d’enseignement ou une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs.

« II.-Est incapable de diriger un établissement d’enseignement du premier ou du second degré ou tout établissement de formation accueillant un public d’âge scolaire, qu’il soit public ou privé, ou d’y être employée, toute personne qui, ayant exercé dans un établissement d’enseignement ou de formation accueillant un public d’âge scolaire, a été révoquée ou licenciée en application d’une sanction disciplinaire prononcée en raison de faits contraires à la probité et aux mœurs. »

(1)    Il appartient notamment à l’administration d’apprécier si la condamnation pénale est ou non une condamnation « pour crime ou délit contraire à la probité et aux mœurs ».

Ce dispositif est complémentaire du contrôle de l’honorabilité des personnes exerçant dans les établissements scolaires, au contact des mineurs, « ces dispositions [ayant] pour objet de s’assurer que les personnes appelées à être employées dans un établissement d’enseignement scolaire privé présentent les garanties de moralité indispensables à l’exercice de leurs fonctions et de garantir la sécurité des élèves » ([552]). En la matière, comme l’indique la DAJ du ministère de l’éducation nationale, « l’administration conserve une marge d’appréciation » ([553]).

  1.   Des contrôles effectifs pour les agents publics…

Concernant les personnels de droit public exerçant dans des établissements publics ou privés sous contrat, leurs antécédents judiciaires sont systématiquement contrôlés, d’abord à travers la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire – le « B2 » ([554]) – lors du recrutement, qui relève de dispositions statutaires ([555]).

S’agissant de personnels exerçant en contact avec des mineurs, cette consultation est complétée par une recherche dans le Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes – le FIJAISV ([556]), lors des procédures de recrutement ([557]). Cette consultation du FIJAISV en plus du B2 peut s’avérer déterminante, dès lors que le premier peut comprendre davantage d’informations que le second puisqu’il intègre notamment les mises en examen (automatiquement inscrites, sauf décision contraire du juge d’instruction, pour un crime) ainsi que les condamnations non définitives, y compris en cas de dispense ou d’ajournement de la peine.

Au-delà de ces vérifications sur le « flux » des candidats entrants, des vérifications au titre du contrôle de l’exercice peuvent être organisées, portant donc sur le « stock » d’agents en activité. Ce fut notamment le cas à partir de février 2016, devant le constat de l’insuffisante communication des condamnations judiciaires à l’administration, dans le cadre « d’une opération ponctuelle, qui interv[enait] dans l’attente de la mise en place des nouvelles modalités de communication entre l’autorité judiciaire et l’éducation nationale » ([558]), sous l’autorité de Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l’éducation nationale. L’instruction du 25 mars 2016, signée par la directrice générale des ressources humaines du ministère chargé de l’éducation, appelait ainsi les académies à passer au FIJAISV et à vérifier les casiers judiciaires du personnel de l’éducation nationale en contact habituel avec des mineurs, y compris les personnels enseignants des établissements scolaires privés sous contrat. Ce contrôle visait alors à « identifier d’éventuels cas d’agents qui auraient été condamnés ces dernières années pour des infractions de nature à porter atteinte à l’intégrité morale ou physique des mineurs sans avoir fait l’objet d’un signalement par l’autorité judiciaire. Le retour de B2 portant mention d’une ou plusieurs condamnation(s) ou d’inscription au FIJAISV pou[vait] donc conduire l’administration à prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des personnels concernés après évaluation de leur situation, dans un objectif de protection des mineurs » ([559]). D’après l’ancienne ministre, auditionnée par la commission, le rythme quotidien moyen d’examen des dossiers s’est élevé à 3 000, permettant d’atteindre le million d’agents contrôlés en 2019 ([560]). Les résultats ne sont pas négligeables : « 122 inscriptions inconnues des services de l’éducation nationale, dont 38 relevaient d’infractions sexuelles à l’encontre de mineurs » ([561]).

Si la Dgesco indique qu’est aujourd’hui encore effectué un « contrôle d’honorabilité à l’entrée dans le métier et en cours de carrière de manière aléatoire », qualifié de « premier tamis » ([562]) pour prévenir les violences, les rapporteurs n’ont néanmoins pas pu se procurer de données quant au contrôle de l’honorabilité effectué sur les agents en poste, malgré de multiples relances auprès des directions d’administration compétentes. La DAJ soutient qu’une attention particulière est portée à aux « personnels qui ont fait l’objet d’une sanction relevant des trois premiers groupes [et qui] sont réintégrés une fois que leur sanction est achevée » et qu’« en cas de sanction pour des faits de mœurs et/ou violences sexuelles ou sexistes, la DGRH invite régulièrement les services déconcentrés à rester vigilants quant au comportement des intéressés lors de la reprise de leurs fonctions » ([563])

À ce suivi des antécédents judiciaires s’ajoute un suivi des sanctions disciplinaires, dont il sera question infra : en tant qu’agents de la fonction publique, les personnels des écoles et établissements d’enseignement disposent d’un dossier faisant apparaître les éventuelles sanctions disciplinaires dont ils auraient fait l’objet, sous réserve de leurs règles d’effacement – ce dossier étant toutefois plus limité, car relevant de chaque académie, pour les enseignants exerçant dans les établissements privés.

Au total, le contrôle semble complet en début de carrière, et peut être réitéré par la suite, étant précisé que le cadre juridique applicable au partage d’informations judiciaires à l’administration depuis 2016 est supposé permettre au parquet d’informer systématiquement l’éducation nationale en cas de condamnation (voir infra) ce qui est censé limiter la nécessité du contrôle sur le « stock ».

Le contrôle des antécédents dans les établissements d’enseignement militaires

Les personnes exerçant dans les établissements d’enseignement militaires font l’objet, comme l’a indiqué la direction du personnel de la marine, « d’un criblage réalisé en préparation du Plan annuel de mutation (PAM) par la Direction du renseignement et de la sécurité de la Défense. Au PAM 2024, 4 cas sont ressortis : 2 personnes n’ont pas été affectées en écoles et 2 autres ont été mutées sur une fonction support de l’école » (1). Plus précisément, « l’ensemble du personnel – militaires et civils de la défense – affecté dans ces établissements fait l’objet d’une analyse au fichier des personnes recherchées (FPR) et d’un contrôle de traitement des antécédents judiciaires (TAJ). Les personnels au contact des élèves font l’objet d’une sélection via un « casting », comprenant un entretien avec un psychologue des armées et un autre avec le commandement » (2). Par ailleurs, ceux des personnels enseignants et d’éducation détachés du ministère de l’éducation nationale, ont fait l’objet des contrôles cités plus haut.

(1)    Réponses écrites du ministère des armées.

(2)     Sénat, Marie Mercier, Michelle Meunier, Dominique Vérien, rap. cit.

  1.   …et insuffisants pour les personnels de droit privé, en particulier dans les établissements sous contrat
    1.   Un contrôle en partie laissé aux organismes de gestion

Le contrôle de l’honorabilité des personnels de droit privé ([564]) relève en revanche « de la responsabilité première » ([565]) de l’organisme de gestion employeur, ces dispositions excluant une majorité d’enseignants d’établissements sous contrat, dont l’honorabilité est contrôlée par les rectorats dans les conditions précitées.

Pour exercer cette responsabilité, l’employeur peut obtenir la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire, « pour les seules nécessités liées au recrutement d’une personne », comme le prévoit l’article 776 du code de procédure pénale ([566]).

Le décret n° 2021-374 du 31 mars 2021 a étendu aux « établissements d’enseignement scolaire privés mentionnés à l’article L. 441-1 du code de l’éducation » la possibilité d’obtenir des services académiques la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire d’une personne qu’ils envisagent de recruter ([567]). En application de l’article D. 571-5 du code de procédure pénale, la demande de délivrance du bulletin se fait par l’intermédiaire du recteur d’académie, qui ne le transmet que s’il est vierge. S’il comporte une ou plusieurs mentions entraînant l’interdiction d’exercer, le rectorat ne fait qu’en informer le gestionnaire de l’établissement.

Les dirigeants des organismes de gestion ne disposent en revanche pas de la possibilité d’accéder au FIJAISV pour y « passer » l’identité d’une personne qu’ils entendraient employer. Concernant les bénévoles, leur seule possibilité est de demander à l’intéressé de présenter un bulletin n° 3 du casier judiciaire, qui ne contient que les condamnations les plus graves ([568]).

Paradoxalement, des contrôles supplémentaires à l’égard de ces personnels sont effectués par l’autorité académique pour les seuls établissements hors contrat qui font donc, à cet égard, l’objet d’un contrôle plus étroit de l’État. En plus des contrôles prévus à l’ouverture de l’établissement à l’égard du déclarant et du directeur ([569]), « conformément à l’article D. 442-22-1 du code de l’éducation, l’autorité académique s’assure de l’honorabilité des personnels enseignants et non enseignants, salariés ou bénévoles, lorsqu’elle reçoit au cours de la première quinzaine du mois de novembre la liste des personnels de l’établissement. L’académie pourra alors vérifier si ces personnes répondent aux conditions pour être employé dans un établissement privé en accédant à leur B2 ainsi qu’aux FIJAISV et FIJAIT » ([570]). Si tel n’est pas le cas, et notamment « si des faits incompatibles avec l’ordre public ou la protection de l’enfance et de la jeunesse ont été révélés, notamment par la consultation des différents fichiers précités », cela justifie que « les personnes exerçant des fonctions d’enseignement soient empêchées d’exercer lesdites fonctions par le directeur de l’établissement ou son représentant légal, le cas échéant mis en demeure de remédier à cette situation sur le fondement du IV de l’article L. 442-2 du code de l’éducation » ([571]). Ces dispositions découlent notamment de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui prévoit une transmission des noms de l’ensemble des personnels, et non plus des seuls enseignants, en vue d’étendre le contrôle de l’honorabilité.

Le renforcement du contrôle de l’honorabilité dans le sport

Après plusieurs affaires de violences sexuelles, et notamment à la suite de la convention nationale contre les violences sexuelles dans le sport organisée le 21 février 2020, plusieurs initiatives ont été prises, incluant un renforcement progresssif du contrôle de l’honorabilité des personnels exercant dans ce domaine.

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a d’abord étendu le contrôle d’honorabilité à de nouvelles catégories de personnes, et notamment aux arbitres et juges et aux intervenants auprès de mineurs au sein d’un établissement d’activité physique et sportive.

La loi n° 2024-201 du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport a renforcé le contrôle en introduisant un principe d’annualité du contrôle de l’honorabilité – B2 et FIJAISV – des éducateurs sportifs, des exploitants d’établissement d’activités physiques et sportives, des juges et arbitres, que leurs fonctions soient exercées à titre bénévole ou professionnel.

Ce contrôle est effectué par les services de l’État grâce au Système d’information automatisé du contrôle d’honorabilité (SI honorabilité) (1), qui repose sur la transmission automatisée par les fédérations de l’identité des personnes concernées. Il permet de procéder à environ 2 millions de contrôles annuels (2).

(1)    Créé par l’arrêté du 31 mars 2021 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « SI Honorabilité ».

(2)     Guide du contrôle de l’honorabilité des éducateurs, des exploitants bénévoles et des juges, arbitres licenciés auprès des fédérations sportives, édition 2024.

  1.   Un contrôle lacunaire

Le cadre du contrôle de la capacité dans les établissements privés est, pour ce qui concerne les personnels de droit privé, insuffisant à plusieurs égards :

– s’il relève de la responsabilité de l’organisme de gestion de ne pas employer des personnes frappées d’une incapacité, la demande de consultation du casier judiciaire n’est qu’une faculté dont il dispose pour s’en assurer. Le guide du contrôle prévoit désormais que « l’équipe d’inspecteurs doit inviter le chef d’établissement [à] vérifier l’honorabilité des personnels de droit privé si cela n’a pas été fait lors du recrutement et recommander au chef d’établissement d’opérer cette vérification au moment du recrutement des futurs nouveaux personnels » ([572]) . Il évoque une possibilité de substitution de l’académie à l’organisme de gestion, sans pour autant la rendre systématique : « En tout état de cause, et afin de s’assurer que les prescriptions des articles L. 914-3 et L. 911-5 du code de l’éducation sont respectées, l’autorité académique est fondée à procéder de sa propre initiative aux vérifications requises » ([573]) ;

– cette consultation ne porte que sur le B2 et pas sur le FIJAISV, ce qui induit une moindre information dans certains cas – et uniquement sur le B3 pour ce qui concerne les bénévoles, ce qui est encore plus insuffisant ;

– cette demande de consultation ne peut être formulée que pour « les seules nécessités liées au recrutement » ([574]) et pas au cours de la carrière, excluant de fait tout contrôle sur le « stock » par l’organisme de gestion ;

– des difficultés de communication avec les rectorats, avec des retours qui « peuvent être très longs, voire inexistants... Certains chefs d’établissement se sont vu opposer des refus » ([575]) ont par ailleurs été signalées par le Sgec.

Les conséquences de ces lacunes dans le contrôle de l’honorabilité peuvent être exacerbées par le caractère défectueux du suivi des sanctions disciplinaires des personnels des établissements scolaires privés, qui sera évoqué infra.

Les rapporteurs considèrent que le contrôle de l’honorabilité ne saurait reposer sur les seuls dirigeants des organismes de gestion. Il appartient donc à l’éducation nationale de procéder elle-même à l’ensemble des contrôles qui s’imposent, quel que soit le statut juridique du personnel ou de l’établissement dans lequel il exerce.

Recommandation n° 23 : Procéder à un contrôle de l’honorabilité de l’ensemble des membres du personnel et des bénévoles des établissements scolaires publics et privés, au moment de leur recrutement puis tous les trois ans.

Du Sgec à Anne Coffinier, qui a adressé une contribution écrite aux rapporteurs au nom de son association Créer son école, pour les établissements hors contrat, de nombreux interlocuteurs ont souligné les marges de manœuvre trop limitées des employeurs pour procéder eux-mêmes au contrôle. Afin de permettre aux dirigeants des organismes de gestion de s’assurer de l’honorabilité du personnel qu’ils emploient ([576]), les facultés de consultation du B2 par l’intermédiaire du rectorat pourraient donc être accrues, en les étendant, d’une part, aux membres du personnel déjà en poste – pour ne plus se limiter au seul moment du recrutement –, et, d’autre part, aux bénévoles qu’ils accueillent et qui peuvent se trouver en contact avec des enfants. En outre, ce contrôle pourrait être étendu au FIJAISV, toujours par l’intermédiaire du rectorat.

Recommandation n° 24 : Permettre aux dirigeants des organismes de gestion de tous les établissements privés de faire procéder par le rectorat, à tout moment et sur simple demande, au contrôle du casier judiciaire et à la vérification du FIJAISV pour les personnels et bénévoles exerçant dans leur établissement.

  1.   Des élèves trop peu informés de leurs droits

Les contrôles d’honorabilité, s’ils sont indispensables, n’ont toutefois pas d’efficacité lorsque les faits de violences commis par les agresseurs ne font l’objet d’aucune décision administrative ou judiciaire. La première étape pour lever l’impunité est donc, comme la première partie du présent rapport l’a déjà longuement évoqué, que les victimes aient la possibilité de s’exprimer.

Il est par conséquent indispensable, en premier lieu, que les enfants apprennent à reconnaître les violences, sous toutes leurs formes, et connaissent leurs droits. Ceci est d’autant plus nécessaire que cette connaissance contribue à les prémunir contre les violences qu’ils sont susceptibles de subir dans tous les cadres, y compris au sein de leur famille, et à tous les âges de leur vie, comme l’a notamment souligné la contribution écrite transmise aux rapporteurs par la députée et membre de la commission Graziella Melchior ([577]).

  1.   Des séances d’information et de sensibilisation sur l’enfance maltraitée à renforcer sans plus attendre

L’article L. 542-3 du code de l’éducation prévoit qu’« au moins une séance annuelle d’information et de sensibilisation sur l’enfance maltraitée, notamment sur les violences intrafamiliales à caractère sexuel, est inscrite dans l’emploi du temps des élèves des écoles, des collèges et des lycées. Ces séances, organisées à l’initiative des chefs d’établissement, associent les familles et l’ensemble des personnels, ainsi que les services publics de l’État, les collectivités locales et les associations ».

Ces dispositions sont issues de la loi n° 2000-197 du 6 mars 2000 visant à renforcer le rôle de l’école dans la prévention et la détection des faits de mauvais traitements à enfants, issue d’une proposition de loi du député Charles de Courson, laquelle s’inspirait d’un texte adopté le 5 juin 1999 par le Parlement des enfants. Elles ont été complétées par la loi n° 2020-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux, laquelle a étendu le champ de la sensibilisation aux violences intrafamiliales à caractère sexuel. Si ce dernier ajout semblait tout à fait pertinent, les rapporteurs regrettent le fait que les violences sexuelles commises plus largement par des personnes ayant autorité ne soient pas incluses, au regard de la rédaction retenue, dans cette sensibilisation.

En application des dispositions de la loi du 6 mars 2000 précitée, codifiées à l’article L. 542-4 du code de l’éducation, les modalités de mise en œuvre de cette séance d’information et de sensibilisation devaient être fixées par décret. Le rapport annuel du Sénat de contrôle de l’application des lois du 11 janvier 2011 indiquait que ce décret n’avait pas encore été publié. Il ne semble toujours pas l’avoir été aujourd’hui.

À défaut, les modalités de mise en œuvre de ces dispositions ont été précisées – très tardivement – par la circulaire du 7 février 2022 sur l’organisation des actions d’information et de sensibilisation sur l’enfance maltraitée. Celle-ci précise que ces séances, organisées au moins une fois par an à l’initiative du directeur d’école ou du chef d’établissement, visent à ce que les élèves :

– développent des compétences leur permettant de se prémunir de situations et d’actes de maltraitance dont ils pourraient être l’objet ;

– acquièrent des connaissances sur leurs droits, les ressources et personnes à mobiliser pour leur permettre, dans le respect d’autrui, de réagir efficacement à des situations et actes de maltraitance dont eux-mêmes ou un de leurs proches seraient victimes.

Cette circulaire ne fait aucune mention des établissements privés. Et pour cause, si l’enseignement catholique semble s’être emparé de ces sujets, à travers son programme de protection des publics fragiles dans l’enseignement catholique (3PF), adopté le 29 juin 2018 par le Comité national de l’enseignement catholique (Cnec), ou sa récente campagne Stop violences, le code de l’éducation ne semble pas prévoir l’application de cet article aux établissements privés, même sous contrat. Cet article figure en effet dans le titre IV « Santé scolaire » du livre V « La vie scolaire » du code de l’éducation, et n’est pas mentionné à l’article L. 444-20 du code de l’éducation, lequel liste pourtant de façon en principe exhaustive l’ensemble des articles applicables aux établissements privés sous contrat, certains se trouvant dans ce même livre V.

Ce flou juridique ne semble guère satisfaisant, les rapporteurs considérant que ces dispositions, d’intérêt voire d’ordre public, doivent bénéficier à tous les élèves scolarisés en France et donc s’appliquer à tous les établissements scolaires, quel que soit leur statut.

Ces dispositions pourraient ainsi faire l’objet d’une attention particulière des inspecteurs de l’éducation nationale, ce qui ne semble pas le cas aujourd’hui, aucun des rapports de contrôle ou d’enquête consultés par les rapporteurs n’y faisant allusion. En particulier, leur mise en œuvre devrait constituer l’une des conditions préalables à toute contractualisation.

Recommandation n° 25 : Appliquer les séances annuelles d’information et de sensibilisation à l’enfance maltraitée dans tous les établissements scolaires (modification des articles L. 442‑2 et L. 444-20 du code de l’éducation) et contrôler leur mise en œuvre, notamment à l’occasion du passage sous contrat d’un établissement privé.

S’il est essentiel que ces séances soient mises en œuvre dans les établissements privés, il faut évidemment, et avant toute chose, qu’elles soient enfin effectivement appliquées dans l’enseignement public, les campagnes ponctuelles de communication ou le seul affichage du numéro 119 ne constituant des solutions ni durables, ni suffisantes. Pourtant, c’est encore loin d’être le cas aujourd’hui, cette défaillance étant d’ailleurs parfois compensée par des actions mises en place par les mairies dans le cadre périscolaire. Cette situation ne saurait en aucun cas être considérée comme satisfaisante, dans la mesure où elle repose sur la volonté, nécessairement variable, des municipalités et sur leur capacité à les financer et, surtout, car tous les enfants, loin s’en faut, ne fréquentent pas l’accueil périscolaire.

En outre, les modalités de mise en œuvre de ces séances, telles que définies par la circulaire précitée, ne semblent pas respecter l’esprit des dispositions législatives dont elles prétendent pourtant assurer la mise en œuvre.

En effet la circulaire mentionne que les parents « sont informés » de la tenue des séances, quand la loi prévoit que ceux-ci y sont associés. Cette association des parents, sur une partie des séances et non sur la totalité, ce qui pourrait limiter l’expression des élèves, semble pourtant nécessaire. Tout d’abord parce qu’elle permet d’assurer une continuité éducative sur ces sujets fondamentaux, laquelle renforcerait l’impact du message reçu par l’enfant ; ensuite parce qu’elles sont susceptibles, aussi, d’amener certains parents à une réflexion sur leurs propres pratiques. En effet, comme cela a déjà été indiqué dans la première partie du présent rapport, le recours à la violence dans le contexte familial d’un enfant est fortement prédictif de sa victimation en milieu institutionnel, puis à l’âge adulte, ou d’une reproduction des violences subies, sur ses camarades, plus tard sur son ou plus souvent sa partenaire, ses propres enfants, etc.

La circulaire laisse également entendre qu’il serait possible de choisir « la thématique retenue », mentionnant par exemple le cas où « la séance porte sur le harcèlement », ce qui est certes un enjeu majeur mais absolument distinct de celui, précisément énoncé par la loi, de l’enfance maltraitée et des violences sexuelles intrafamiliales. Enfin, la circulaire indique que « les séances d’information et de sensibilisation à l’enfance maltraitée sont mises en œuvre par les équipes éducatives [et] peuvent s’appuyer sur des partenaires institutionnels ou associatifs dont l’intervention doit être autorisée par le chef d’établissement ou le directeur d’école ». Or aucun terme de l’article L. 542‑3 ne permet de considérer que la participation des associations est facultative, l’indicatif valant impératif dans tout texte législatif.

La participation d’associations spécialisées dans la protection de l’enfance à la conception et à l’organisation de ces séances est pourtant cruciale. En tant qu’intervenants extérieurs, leurs membres n’entretiennent de relation hiérarchique ou professionnelle ni avec les membres du personnel de l’établissement, ni avec les parents d’élèves, et peuvent donc avoir une parole libre, particulièrement précieuse dans un établissement où des faits de violences seraient perpétrés, et/ou dont des élèves seraient victimes de violences intrafamiliales (c’est-à-dire, dans ce dernier cas et statistiquement, dans tous les établissements). Dans l’ensemble des cas qui ont été cités dans la première partie du présent rapport, imagine-t-on un seul instant que de telles séances, organisées par des personnels de l’établissement dûment sélectionnés par leur chef, auraient eu le moindre impact ?

Cet éloignement de l’objet initial de la loi opéré par la circulaire renforce la nécessité de prendre enfin, plus de vingt-cinq ans après l’adoption de la loi du 5 mars 2000 précitée, le décret d’application prévu à l’article L. 542-4, qui ne pourra, sous peine d’illégalité, présenter le même niveau de regrettable créativité.

Recommandation n° 26 : Étendre le périmètre des séances annuelles d’information et de sensibilisation aux violences commises par des personnes ayant autorité (article L. 542-3 du code de l’éducation). Prendre dans les meilleurs délais le décret prévu à l’article L. 542-4 pour garantir leur mise en œuvre par les établissements publics dans les conditions prévues par la loi, sous l’autorité des recteurs d’académie.

Afin de garantir une application effective de ces dispositions, il est également indispensable d’ajouter leur prise en compte dans l’ensemble des guides d’inspection, et de confier explicitement aux inspecteurs de l’éducation nationale, s’agissant du premier degré, et aux recteurs, s’agissant du second degré, la mission de s’assurer de leur bonne mise en œuvre par les directeurs d’école et chefs d’établissement, en modifiant l’article L. 542-3 du code de l’éducation. La suppression des termes « à l’initiative des chefs d’établissement », pour y substituer « sous la responsabilité des chefs d’établissement », permettrait en outre d’insister sur le caractère non facultatif de l’organisation de ces séances. Par la même occasion, et subsidiairement, il pourrait être utile que les directeurs d’école soient mentionnés à ce même article, qui ne fait aujourd’hui référence qu’aux chefs d’établissement.

Enfin, leur rôle crucial impose de sécuriser ces associations, en premier lieu en raccourcissant les délais et en assurant la transparence des procédures de délivrance des agréments, académiques ou nationaux. L’audition de plusieurs de ces associations devant la commission ([578]) a en effet permis d’établir que les délais entre la demande d’agrément et son obtention sont particulièrement longs. Isabelle Debré, présidente de l’association L’Enfant Bleu enfance maltraitée a par exemple indiqué : « Concernant l’agrément, nous l’avons depuis deux ans et demi, alors que nous faisons de la prévention dans les écoles depuis 2001 ». Des différences territoriales ont également été constatées durant l’audition par Arnaud Gallais, président de l’association Mouv’enfants et, s’agissant des agréments académiques, par Isabelle Debré, qui témoignait ainsi : « Une académie nous accueillait en disant ʺBienvenu, L’Enfant Bleu, c’est formidable… ʺ, quand une autre nous a refusé l’agrément pendant des années. » Il est ainsi nettement apparu que la procédure d’obtention de l’agrément souffre d’un manque de transparence que les rapporteurs ne s’expliquent guère, en particulier dans ce domaine d’intervention. La présidente de l’association Les maltraitances, moi j’en parle !, Nathalie Cougny, dont l’association s’est vu refuser l’agrément national, mentionnait ainsi le courrier par lequel ce refus lui avait été notifié : « Dans ce courrier, on nous a donné de fausses raisons, qui n’ont pas de rapport avec notre fonctionnement : une personne de l’établissement doit être présente – ce qui est toujours le cas  ; on ne doit pas recueillir la parole de l’enfant – nous ne le faisons pas. On nous reproche donc une chose que nous ne faisons pas. »

Si l’agrément n’est pas indispensable pour intervenir dans les établissements, il constitue toutefois un facteur de sécurité pour les directeurs d’école et chefs d’établissement, dont certains refusent les associations qui n’en disposent pas. En outre, leur obtention limite la charge administrative de ces associations qui n’ont pas besoin, une fois l’agrément national obtenu, de reconstituer un dossier à chaque intervention dans un établissement scolaire. Il convient donc de garantir la transparence et l’équité de cette procédure.

Recommandation n° 27 : Rendre publics les critères de délivrance des agréments nationaux et académiques pour les associations intervenant dans les établissements scolaires pour y effectuer des séances d’information et de sensibilisation aux maltraitances et aux violences sexuelles.

Enfin et peut-être surtout, cette audition a confirmé la nécessité impérieuse de sécuriser ces associations d’un point de vue financier, par l’augmentation significative des subventions qui leur sont allouées : elles disposent en effet de moyens humains trop faibles pour répondre à l’ensemble des demandes émanant d’établissements scolaires, publics et privés, pourtant désireux de les accueillir, et se voient contraintes de constituer des listes d’attente. La signature de conventions pluriannuelles d’objectifs (CPO) avec les associations disposant d’agréments nationaux doit également être systématisée.

Recommandation n° 28 : Augmenter les subventions versées aux associations œuvrant dans le domaine de la protection de l’enfance et intervenant dans le cadre des séances annuelles d’information et de sensibilisation des élèves et sécuriser les associations disposant d’agréments nationaux par la signature systématique de conventions pluriannuelles d’objectifs.

  1.   Une volonté qui ne doit pas à nouveau faiblir sur l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars)
    1.   Une consécration législative il y a presque vingt-cinq ans

À l’instar des séances d’information et de sensibilisation précitées, l’Evars a été inscrite dans la loi au début des années 2000 par la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. Cette loi a introduit dans le code de l’éducation un article L. 312-16, qui prévoyait qu’une « information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d’au moins trois séances annuelles et par groupe d’âge homogène ». L’article précisait également que ces séances pouvaient être dispensées par des personnels de l’éducation nationale rattachés à la mission de santé scolaire, des personnels d’établissements agréés dans les domaines de l’information, du conseil ou de la planification familiale, ou des membres d’associations agréées.

Ces dispositions ont été complétées par la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, pour préciser que ces séances « présentent une vision égalitaire des relations entre les femmes et les hommes » et « contribuent à l’apprentissage du respect dû au corps humain », et enfin par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, qui y a intégré la sensibilisation « aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu’aux mutilations sexuelles féminines ».

Les modalités de mise en œuvre de ces dispositions ont été précisées par la circulaire du 17 février 2003 relative à l’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées. Cette circulaire affirmait la responsabilité de l’école en matière d’éducation à la sexualité « en complément du rôle de premier plan joué par les familles » et prévoyait, outre les trois séances annuelles, une intégration transversale des thématiques abordées dans les différents enseignements. La circulaire précisait enfin que l’organisation de ces séances était planifiée par le directeur d’école ou le chef d’établissement et intégrée dans l’horaire global annuel des élèves et dans le projet d’établissement. Une équipe de pilotage académique devait les appuyer, sous l’égide d’un coordonnateur placé auprès du recteur. Cette circulaire mentionnait également, s’agissant des contenus délivrés, qu’ils devaient être progressifs et adaptés à l’âge des enfants et inclure la « lutte contre les violences sexistes et homophobes ». Une seconde circulaire, datée du 2 décembre 2011 et relative à la politique éducative de santé dans les territoires académiques, avait précisé les attendus, notamment en termes de prévention en santé sexuelle dans le second degré (information sur la contraception, prévention des maladies sexuellement transmissibles et des grossesses non désirées, etc.).

Enfin, la circulaire n° 2018-111 du 12 septembre 2018 relative à l’éducation à la sexualité, dite circulaire Schiappa, rappelait le caractère obligatoire des trois séances annuelles, reprécisait, par classe d’âge, les thématiques à aborder, confiait ces séances aux professeurs des écoles dans le premier degré, et aux enseignants, éventuellement en binôme avec un intervenant extérieur, dans le second degré, affirmait la compétence de l’État en désignant à cette fin la Dgesco à l’échelle nationale, et les équipes académiques, déjà prévues par la circulaire de 2003, à l’échelle territoriale. Elle ajoutait à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, le sexisme, et l’homophobie, déjà mentionnées dans la circulaire de 2003, la lutte contre la transphobie.

Cette circulaire s’inscrivait dans une volonté de réaffirmer la nécessité de l’éducation à la sexualité, tout en tentant de lever les obstacles persistants, à la fois matériels et culturels, à la mise en place de cette politique éducative.

  1.   Des résistances matérielles et culturelles

Ce dispositif était en effet resté très largement inappliqué, ce qu’avaient successivement dénoncé, en 2016, un rapport ([579]) du Haut conseil de la santé publique (HCSP) et un rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE). Ce dernier rapport révélait de très importantes lacunes, reproduites dans l’encadré ci-dessous :

Source : HCE, Rapport relatif à l’éducation à la sexualité - Répondre aux attentes des jeunes, construire une société d’égalité femmes-hommes, 15 juin 2016.

La circulaire dite Schiappa, objet juridique trop peu contraignant, n’avait toutefois pas suffi à lever ces obstacles majeurs, notamment parce qu’elle ne réglait pas la question des moyens humains et financiers permettant le déploiement de cette politique – disponibilité du personnel, gestion des emplois du temps, absence de moyens financiers dédiés –, faisant de fait reposer l’application du dispositif sur le volontariat et le bénévolat des organisateurs comme des intervenants

Surtout, la circulaire dite Schiappa n’a pas permis d’éteindre des critiques, certes très minoritaires mais néanmoins très bruyantes, émises par de virulents détracteurs, prenant appui sur les questionnements, au demeurant légitimes, de certains parents d’élèves et sur certaines incompréhensions suscitées par les termes d’« éducation à la sexualité » ([580]). Opposés au principe même d’une telle éducation dispensée hors du cadre de la famille, ces détracteurs ont été d’autant plus efficaces qu’ils se sont structurés, à compter du milieu des années 2010, dans le sillage de La Manif pour tous, en une opposition très active, exerçant une forte pression au sein même de certaines écoles mais surtout sur les réseaux sociaux, en diffusant notamment une vision déformée, voire de la désinformation sur l’éducation à la sexualité.

Sans souhaiter faire de publicité à ces structures, les rapporteurs relèvent toutefois dans plusieurs argumentaires des plus virulents de ces mouvements glanés sur internet un renversement sémantique particulièrement choquant, les séances d’Evars étant tantôt accusées d’occasionner un « choc traumatique » aux élèves ou de constituer pour eux « un viol de la conscience ».

Plus généralement, ces mouvements considèrent que les questions liées à la sexualité ne devraient être abordées qu’en famille, un raisonnement déconnecté du réel quand on sait la difficulté que peuvent éprouver bien des parents – et bien des enfants et adolescents – à aborder ces questions au sein du foyer, ou si l’on pense, par exemple, aux enfants qui sont confiés à l’aide sociale à l’enfance. Plus encore, ce raisonnement paraît dangereux, pour peu que l’on connaisse l’importance de la prévention en santé sexuelle pour la santé globale des enfants et des adultes qu’ils deviendront, l’impact majeur pour les victimes des nombreuses violences subies en raison des préjugés, qu’ils soient sexistes, homophobes ou transphobes, et enfin le caractère massif des violences sexuelles faites aux enfants dans la sphère intrafamiliale, outre les cas de mariages forcés, de mutilations sexuelles, etc.

Néanmoins, un certain nombre des « arguments » développés par ces structures étant fondés sur des témoignages, au demeurant invérifiables, de parents – non présents pendant ces séances – pointant du doigt des propos prétendument tenus par des intervenants associatifs bénévoles, ont permis d’entretenir nombre de controverses ainsi qu’une grande frilosité des chefs d’établissements publics, ainsi que de très fortes réserves des acteurs de l’enseignement catholique.

L’application très partielle de la loi de 2001 s’est ainsi poursuivie après la circulaire dite Schiappa, donnant lieu à de nouveaux rapports appelant à son renforcement ([581]). Dans sa contribution aux travaux de la Civiise, la Défenseure des droits affirmait notamment : « La Défenseure des droits souligne depuis plusieurs années la nécessité de développer une approche globale de l’éducation à la sexualité, intégrant ses aspects affectifs, psychologiques ou sociaux au même titre que ses aspects reproductifs. Elle regrette la trop faible mise en œuvre de la loi de 2001 dans les établissements scolaires, alors que l’éducation à la sexualité peut contribuer à aider un enfant ou un adolescent à mettre des mots sur le comportement déviant d’un adulte et à le dénoncer. » Le rapport sur le sexisme de 2022 du HCE précisait pour sa part qu’« un des enseignements qui ressort des enquêtes menées auprès des jeunes est bien celui de l’insuffisance à la fois quantitative et qualitative de l’éducation à la vie relationnelle et affective, ce qui explique pour partie cette persistance et la prévalence de représentations et de manifestations sexistes chez des générations pourtant intellectuellement sensibles à ces sujets ». Enfin, l’application effective de l’Evars constituait l’une des 82 préconisations du premier rapport public de la Ciivise.

  1.   Une levée des obstacles, enfin ?

Face à cette situation, dans un souci d’efficacité, de clarification, et de pédagogie, Pap Ndiaye, alors ministre de l’éducation nationale, a décidé, le 23 mars 2023, de saisir le Conseil supérieur des programmes (CSP), afin que soit élaboré, à l’issue d’une large concertation, un programme, différencié pour chaque classe d’âge, d’éducation à la vie affective et relationnelle, au premier degré – les termes « et sexuelle » n’apparaissant que s’agissant du second degré. À l’issue des travaux du CSP, achevés en novembre 2024, ce programme a été soumis au Conseil supérieur de l’éducation (CSE) ([582]), qui l’a adopté à l’unanimité. L’arrêté fixant le nouveau programme d’Evars a été publié au Journal officiel du 5 février 2025 et est consultable, pour chaque niveau, sur le site du ministère de l’éducation nationale ([583]). Il est organisé autour de cinq objectifs : apprendre à se connaître et à connaître son corps ; améliorer le bien-être, encourager les élèves à s’exprimer ; permettre des choix responsables ; respecter les autres et vivre ensemble grâce au respect et à l’empathie ; prévenir les violences sexistes et sexuelles.

Cette avancée a été saluée par l’ensemble des acteurs de l’enseignement public, syndicats et associations de parents d’élèves. L’accueil par l’enseignement catholique du projet élaboré par le CSP en novembre 2024 a en revanche été beaucoup plus réservé. Un communiqué commun publié par le Sgec et l’Apel nationale le 29 novembre 2024 rappelait que ses signataires partageaient « les ambitions de la démarche notamment sur le respect du corps, de l’intimité, de l’indispensable éducation au consentement et de la promotion de l’égalité entre filles et garçons » mais formulait pourtant « de sérieuses réserves », affirmant notamment que « ce projet de programme prend le parti de se substituer à la responsabilité éducative des parents. Nous ne pouvons l’accepter ». Il considérait également que le « respect de la personnalité de l’enfant n’est pas assez assuré car la rigidité d’un programme annualisé ne permet pas de s’adapter à la maturation et la singularité de chaque élève », estimant enfin que « sur ce sujet qui touche à l’intime, plus que tout autre, il ne saurait y avoir d’acceptation générale d’un programme scolaire sans une très grande prudence sur les contenus qui doivent rester imperméables à toute influence idéologique ».

À la suite de l’adoption de la version définitive du programme, laquelle avait pris en compte un certain nombre de demandes émanant de divers acteurs, dont l’enseignement catholique, le Sgec comme l’Apel avaient toutefois réservé un accueil plutôt favorable au programme, tout en conservant des réserves sur la « place des familles » et la « liberté pédagogique » ([584]). Les rapporteurs constatent toutefois l’engagement clair exprimé par Philippe Delorme, secrétaire générale de l’enseignement catholique, lors de son audition par la commission ([585]), qui avait affirmé : « Il sera appliqué dans tous nos établissements ». Le Sgec a également annoncé, à l’instar du ministère de l’éducation nationale, le lancement de programmes de formation de ses personnels dans cette perspective.

Les rapporteurs saluent l’ensemble de ces évolutions notables, tout en appelant à la vigilance sur certains points : la nécessité d’une transparence et d’une communication large de la part de l’éducation nationale autour de la mise en œuvre de l’Evars, ses détracteurs restant actifs ([586]) quoique très minoritaires, et susceptibles de faire circuler de fausses informations ; l’évaluation régulière du dispositif, tenant notamment compte des retours des élèves eux-mêmes, afin de mesurer son efficacité et d’identifier, le cas échéant, les manières de l’améliorer. Le contrôle de sa mise en œuvre dans les établissements publics et privés sous contrat et le suivi de cohortes sur plusieurs années sembleraient à cet égard particulièrement pertinent.

Enfin, les rapporteurs rappellent la nécessité d’assurer une véritable formation des personnels qui dispenseront ces séances, celle-ci étant, à ce stade, embryonnaire, et le financement pérenne de ces enseignements afin de permettre leur généralisation.

  1.   Plus de personnels, mieux formés, pour lutter contre les violences

Outre la nécessité que les enfants soient informés de leurs droits et de ce que sont les violences, leur parole et les suites qui y seront données sont également largement conditionnées à la qualité de l’écoute et de l’accompagnement qui leur seront prodigués par les adultes.

  1.   Des personnels insuffisamment formés, notamment au repérage des violences et à l’accueil de la parole

Au-delà de cette capacité d’écoute, c’est au repérage, qui repose sur une posture active, que doivent être formés les adultes, afin de déceler les signes de violences, mais également d’interroger les enfants. La Ciivise appelait ainsi à « aller chercher les victimes » ([587]), ce qui suppose « une attitude volontariste de chaque adulte et de l’institution dans laquelle il travaille. Ce n’est pas attendre que l’enfant parle mais c’est lui permettre de révéler les violences en lui inspirant confiance. D’abord, tout simplement, en lui posant la question : c’est le repérage systématique. Face à la stratégie de l’agresseur, la société doit avoir une stratégie de protection » ([588]). Dans cette perspective, l’école, seule institution à voir passer l’ensemble des enfants d’une classe d’âge, joue un rôle crucial pour détecter toutes les violences dont ils peuvent être victimes, au premier rang desquelles celles qui sont commises en son sein.

Surtout, la formation doit participer d’une culture du signalement qui manque trop souvent, non pas du fait d’une mauvaise volonté des adultes, mais en raison d’une méconnaissance des obligations et des voies de signalement à emprunter.

« Prendre le risque de ne pas être protégé »

« L’enfant victime de violences sexuelles, incestueuses ou non, est victime d’un rapport de domination et de la stratégie de l’agresseur. Pour le contraindre à l’acte sexuel, l’agresseur dénature la loi ("c’est normal, tout le monde fait ça") mais aussi l’amour ("c’est parce que c’est toi", "tu es ma préférée", impose le silence ("c’est notre secret") notamment par la menace ("si tu parles, tu vas faire exploser la famille") de sorte qu’il est très difficile pour un enfant victime de "sortir du silence" par lui-même et de se confier à un adulte. Ceci est d’autant plus vrai tant que l’enfant n’a pas la certitude que l’adulte à qui il révèle les violences va le croire et le protéger. Il sait bien que la révélation sans protection est une mise en danger supplémentaire. La société, sans le savoir peut-être, fait peser sur les épaules des enfants de trop lourdes responsabilités. Obéir mais s’opposer. Rompre un secret imposé par un adulte. Prendre le risque de ne pas être protégé » (1).

(1)    Ciivise, rap. cit.

Outre l’accueil de la parole, le repérage et le signalement, c’est enfin à la diffusion de pratiques éducatives exemptes de violences que doit concourir la formation. Nathalie Cougny, fondatrice et directrice générale de l’association Les maltraitances moi j’en parle !, indiquait dans ses réponses écrites aux rapporteurs : « Lors des formations, certains nous le disent : "Je suis maltraitant et je ne m’en rendais pas compte", ce qui est courageux et positif. Nombreux sont ceux qui nous disent que la formation va permettre de changer leur regard et leur comportement sur les élèves, ce qui est une victoire. » ([589])

  1.   Une formation obligatoire

Des obligations de formation existent d’ores et déjà pour atteindre ces objectifs. Différents types de personnels, dont les enseignants, « reçoivent une formation initiale et continue, en partie commune aux différentes professions et institutions, dans le domaine de la protection de l’enfance en danger » selon l’article L. 542-1 du code de l’éducation. Cette formation doit comporter « un module pluridisciplinaire relatif aux infractions sexuelles à l’encontre des mineurs et leurs effets », comme cela a été précisé en 2010 ([590]). À cela peut être ajoutée l’obligation de « sensibilisation des personnels enseignants aux violences sexistes et sexuelles ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines et à la formation au respect du non-consentement », prévue à l’article L. 121-1 du code de l’éducation dans sa rédaction issue de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

La loi est toutefois peu claire quant à la façon dont l’obligation de formation dans le domaine de la protection de l’enfance en danger s’applique aux autres types de personnels exerçant dans les établissements scolaires et, surtout, à nouveau, aux différents types d’établissements scolaires. Tout au plus peut-on observer que cet article est cité au sein du programme de protection des publics fragiles (3PF) de l’enseignement catholique (voir infra), qui s’y considère donc soumis. Néanmoins, comme pour la séance de sensibilisation des élèves précitée, une clarification de la loi à cet égard pourrait garantir l’applicabilité de cette formation obligatoire à tous les personnels de tous les établissements scolaires, publics comme privés, sous ou hors contrat (voir recommandation n° 29).

La mise en œuvre de cette obligation de formation apparaît en revanche difficile à évaluer avec précision. Si, en matière de formation initiale, l’identification de la maltraitance est bien citée dans le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat ([591]), pour ce qui est de la formation continue, la DAJ du ministère de l’éducation nationale en renvoie la responsabilité aux services déconcentrés : « La formation des personnels des établissements relève des rectorats et des directions des services départementaux de l’éducation nationale. Elle doit s’opérer à titre principal via les chefs d’établissement et les inspecteurs de l’éducation nationale. » ([592]) Les rapporteurs n’ont pas été en mesure de quantifier le nombre de formations proposées, ni le nombre d’adultes ayant effectivement bénéficié d’une formation.

Dans l’enseignement catholique, le Sgec assure que « la problématique de la protection des mineurs et de la bientraitance éducative est bien sûr abordée […] et elle est intégrée de manière importante dans la formation » ([593]), et met également en avant l’objectif de « former les personnels OGEC et les enseignants en même temps. Nous considérons en effet que les enfants peuvent se confier à n’importe lequel des adultes qu’ils côtoient au quotidien, y compris le personnel d’entretien ou la personne qui sert à la cantine » ([594]).

En matière de formation continue, une convention signée entre le ministre de l’éducation nationale et la Fédération des associations pour la formation et la promotion professionnelle dans l’enseignement catholique (Formiris) vise à proposer des actions en ce sens au personnel du réseau catholique ([595]). En 2024-2025, 13 068 personnes ont été formées sur des thématiques relevant au sens large de la protection de l’enfance. Ces formations s’ajoutent aux initiatives prises par les établissements et diocèses eux-mêmes.

La Défenseure des droits observe pourtant une « absence de mise en œuvre de formations communes de l’ensemble des professionnels au titre des articles L. 542-1 et D.542-1 du code de l’éducation, lesquelles permettraient de favoriser le développement d’une culture commune de la protection de l’enfance » ([596]), qualifiant la formation dispensée de « très aléatoire en fonction des académies » ([597]).

  1.   Le déficit de formation : un constat qui fait consensus

L’observation d’une mise en œuvre inégale de la formation obligatoire est en tout cas cohérente avec l’ensemble des témoignages des organisations syndicales représentatives des enseignants du public, du privé, et même des personnels de direction, qui toutes ont unanimement déploré un fort manque de formation des personnels, décrits comme livrés à eux-mêmes pour détecter et signaler les cas de violences auxquels ils peuvent être confrontés. Comme l’a exprimé Pascale Picole, pour la CGT-enseignement privé, « les lacunes de la formation et de l’information expliquent en partie la persistance de l’omerta sur la question des violences » ; « si la gestion du harcèlement entre élèves commence à être mieux appréhendée, la question des violences d’adultes sur les enfants reste un chantier à baliser et à développer » ([598]).

Le déficit de formation affecte tous les types de personnel. Pour Laurent Kaufmann (CFDT), dans l’enseignement public, « le recrutement des enseignants est centré sur la maîtrise disciplinaire, certes indispensable, mais néglige la formation de base au développement psychologique normal de l’enfant. Cette connaissance est pourtant nécessaire pour détecter des signaux d’alerte et mettre en place des processus de recueil de la parole des élèves afin de les orienter vers les professionnels présents » ([599]). Dans l’enseignement privé sous contrat, Valérie Ginet (Fep-CFDT) regrette que « la formation initiale ne comporte pas de module spécifique sur les violences, et la formation continue, reposant sur le volontariat, n’est pas généralisée » ([600]). La Snec-CFTC indique également que « les personnels enseignants et non enseignants des établissements privés ne reçoivent pas une formation suffisante pour repérer et réagir efficacement face aux différentes formes de violences (physiques, psychologiques, sexuelles, discriminations, etc.). Ce type de formation n’est pas intégré de manière systématique dans le parcours de formation initiale des enseignants et pas davantage dans celui des personnels éducatifs. Ce manque peut rendre difficile l’identification précoce des situations à risque et l’adoption de réactions adaptées » ([601]).

Les chefs d’établissement du privé, souvent en première ligne pour transmettre les signalements, semblent particulièrement concernés par ces lacunes. Selon la Snec-CFTC, « il n’existe aucun module sur les postures à adopter dans de telles situations lors de la formation des chefs d’établissement. Leur formation est essentiellement axée sur les valeurs de l’Enseignement catholique, sur le management et les responsabilités juridiques » ([602]). La CGT-EP soulève également une difficulté plus forte pour les chefs d’établissement de l’enseignement privé : « Il suffit de comparer la plaquette formations 2025-2026 école des cadres missionnés (ECM) de l’enseignement catholique avec la maquette de formation initiale et les maquettes de la formation initiale des personnels d’encadrement de l’IH2EF ([603]) pour l’enseignement public. Les mentions "violence", "harcèlement", "discrimination" sont inexistantes de la plaquette de l’ECM. » ([604]) À cet égard, le syndicat national des chefs d’établissement de l’enseignement libre (SNCEEL) admet que « le recueil de la parole n’était pas historiquement intégré dans les processus de formation initiale » ([605]) de ce type de personnels.

Les conséquences de ce déficit de formation sont tangibles. Au-delà d’une écoute et d’un repérage dont on ne peut que supposer qu’ils sont défaillants, de nombreux personnels, malgré leur bonne volonté, ignorent les voies de signalement, voire les obligations d’agir auxquelles ils sont soumis, comme cela sera évoqué infra. Si les associations de protection de l’enfance effectuent, par leurs interventions, un travail salutaire, et si certaines organisations syndicales participent elles aussi de la sensibilisation au sujet des violences, ces démarches ne paraissent donc pas suffire, pas davantage que le programme de protection des publics fragiles (3PF) déployé dans l’enseignement catholique depuis 2017 et présenté par le Sgec comme « une démarche globale qui se décline sous la forme de documents et d’un site destinés à accompagner les communautés éducatives sur les questions de maltraitances et sur la mise en place d’une culture de la bientraitance au sein des établissements de l’Enseignement catholique » ([606]).

Le livret de formation de la Ciivise

À des fins de sensibilisation sur les violences sexuelles, la Ciivise a produit – avec notamment la Dgesco – un livret d’information intitulé « Melissa et les autres » (1), qui a « vocation à diffuser des repères clairs et structurants pour favoriser le repérage des enfants victimes et accompagner le signalement aux autorités compétentes. Il est donc centré sur l’amorce de la chaîne de protection » (2).

Auditionné par la commission d’enquête sur l’aide sociale à l’enfance, le juge Édouard Durand regrettait le retard pris par la diffusion du document : « Si la Ciivise avait été maintenue, le programme de formation que nous avions conçu et dont le gouvernement a reconnu la qualité aurait permis de former 1 000 ou 2 000 professionnels depuis le mois de janvier. Nous étions là ! Je le dis avec beaucoup de sérieux et de colère. Le livret de formation "Mélissa et les autres" est consacré au repérage et au signalement des enfants victimes ; il est reconnu, jusqu’à preuve du contraire, de manière unanime comme un outil utile et performant. Nous l’aurions diffusé et nous aurions commencé à créer une doctrine de pratique professionnelle. Il n’est pas justifiable que ce ne soit pas le cas. » (3)

La prolongation de la Ciivise jusqu’en octobre 2026, décidée en avril 2025, aura donc l’avantage de permettre, si nécessaire, la finalisation de ce document, et surtout de procéder à sa distribution.

(1)    Lien vers le livret : https://www.ciivise.fr/melissa-et-les-autres.

(2)     Préambule du livret.

(3)    Assemblée nationale, Isabelle Santiago, rap. cit.

Malgré ces lacunes, la réflexion en matière d’approfondissement de la culture du repérage et du signalement semble au point mort. Interrogée sur cette question, Élisabeth Borne, ministre de l’éducation nationale, s’est contentée de renvoyer son approfondissement à l’élaboration d’une fiche de procédure interne à chaque établissement : « La formation initiale du personnel des écoles, collèges et lycées rappelle les procédures relatives à la protection de l’enfance et à la gestion des signalements. Est-ce suffisant ? Je ne peux pas le considérer par principe. C’est pourquoi la réflexion que je propose à chaque établissement est nécessaire pour faire progresser la culture du signalement. Outre l’élaboration d’une fiche de procédure, elle sera l’occasion pour l’équipe de parler de l’importance d’être à l’écoute et de recueillir au mieux la parole des élèves. » ([607])

La création d’un module de formation obligatoire, dont le contenu serait défini par le ministère de l’éducation nationale et qui s’adresserait à l’ensemble des personnels des établissements scolaires publics comme privés, pourrait constituer un premier levier d’amélioration de la culture de l’écoute des élèves, du repérage et du signalement des violences.

Recommandation n° 29 : Garantir, pour l’ensemble des personnels de tous les établissements scolaires une formation initiale et continue dans le domaine de la lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants, dans le cadre intrafamilial et en milieu institutionnel. Établir à cette fin un plan pluriannuel de formation.

  1.   Les personnels médico-sociaux : rôle déterminant, moyens insuffisants

La présence de personnels spécialisés dans les établissements scolaires est indispensable à plusieurs égards. Formés à l’écoute des enfants, ils jouent d’abord un rôle déterminant dans l’accueil de la parole et le repérage des violences dont ceux-ci peuvent être victimes. Ils permettent également d’accompagner les enseignants et autres personnels confrontés à des cas de violences, notamment dans l’attitude à adopter, et éventuellement pour la formalisation d’un signalement.

Entendue au sens large comme regroupant l’ensemble des professionnels qui y concourent – assistants et assistantes du service social en faveur des élèves, médecins et infirmiers scolaires, psychologues –, la santé scolaire fait face à des difficultés qui limitent sa contribution à la détection de ces phénomènes, et qui aboutissent à laisser les enseignants et autres personnels trop seuls, alors même que leur formation demeure insuffisante.

  1.   Les services sociaux, un outil déterminant mais des moyens trop faibles

En matière de violences scolaires, le service social en faveur des élèves, composé d’assistants sociaux et placé sous l’autorité du Dasen, peut jouer un rôle clé. « Personnels ressources sur ces questions » ([608]) pour les personnels de la communauté éducative, ils sont également formés à recueillir directement la parole des élèves, en particulier dans le second degré (voir infra). Lors de son audition, Caroline Pascal, directrice générale de l’enseignement scolaire, faisait du service social en faveur de l’élève un échelon déterminant : « Le rôle de l’enseignant est de recueillir le signalement, puis de travailler en collaboration avec le service social en faveur de l’enfant pour traiter cette parole, déterminer les suites à donner et effectuer le signalement auprès du chef d’établissement, puis du directeur académique des services de l’éducation nationale. » ([609]) Le conseiller technique, placé auprès du Dasen, responsable du service social au sein du département, joue quant à lui un rôle de pilotage, participant « à l’élaboration et à la mise en œuvre des protocoles départementaux de la protection de l’enfance, entre conseil départemental, justice et éducation nationale » ([610]).

Mais là encore, la pratique est très éloignée de la théorie. Au sein de ces services, les personnels, qui sont communs à plusieurs établissements du second degré, semblent trop peu nombreux pour faire face aux besoins de façon satisfaisante puisque, avec 2 593 assistants de service social sur l’ensemble du territoire en novembre 2023 ([611]), le ratio est d’un assistant pour 2 181 élèves environ ([612]).

La Défenseure des droits relève également que ces personnels « éprouvent des difficultés à trouver leur place au sein de la communauté éducative » ([613]), ce qui tient en partie à la multiplicité de leurs missions, définies par la circulaire du 23 mars 2017 sur les missions du service social en faveur des élèves, et qui vont de « l’amélioration du climat scolaire » à « la formation initiale et continue des travailleurs sociaux », en passant par « l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap » et bien d’autres encore.

Cette difficulté ne peut que persister dès lors que, dans le cadre du plan de contrôle des établissements privés, une partie de ces personnels a vocation à intégrer les équipes pluridisciplinaires d’inspection. La ministre de l’éducation nationale, a ainsi indiqué devant la commission que « dans l’immédiat, ce sont surtout les conseillers techniques, les médecins, les infirmiers et infirmières et les assistants et assistantes de service social relevant du niveau académique qui peuvent participer aux contrôles » ([614]). Par ailleurs, les conseillers techniques du service social devraient être plus directement impliqués dans les circuits de signalement puisqu’ils ont vocation à être un interlocuteur averti par le service du numéro d’urgence 119 en cas de signalements concernant des violences scolaires, qu’ils devront donc plus systématiquement prendre en charge. Or, ces nouvelles missions, si elles seront prioritairement attribuées aux cadres exerçant dans les services du rectorat, ne devront pas éloigner les assistants des établissements scolaires.

  1.   Une médecine scolaire à reconstruire

Les autres professions de la santé scolaire sont dans une situation tout aussi difficile, en particulier les médecins scolaires, qui ont pour mission d’assurer les visites médicales obligatoires prévues à l’article L. 541-1 du code de l’éducation. Ces visites, prévues lors de la troisième et de la sixième années, se sont vu assigner un rôle de « repérage des situations relevant de la protection de l’enfance, en particulier les risques ou les faits de violences physiques, psychologiques ou sexuelles subies par l’enfant, y compris dans la sphère familiale » ([615]). Par ailleurs, le même article prévoit que « des examens médicaux périodiques sont également effectués pendant tout le cours de la scolarité », avec pour objectifs, notamment, « de prévenir et de détecter les cas d’enfants maltraités ou victimes de harcèlement scolaire » ([616]), pouvant donc aussi jouer un rôle déterminant en matière de violences commises à l’école.

Or les moyens de la médecine scolaire sont incompatibles avec l’exercice de ces missions. Dès 2020, la Cour des comptes soulignait que « bien que des crédits soient ouverts, un tiers des postes de médecins de l’éducation nationale (contractuels compris) sont vacants et le nombre de médecins scolaires a chuté de 15 % depuis 2013. Ainsi le taux d’encadrement des élèves s’est dégradé de 20 % en cinq ans pour atteindre en moyenne nationale un médecin pour 12 572 élèves en 2018. Le taux d’encadrement a chuté dans 75 départements et dans 31 d’entre eux au-delà de 40 % » ([617]). Si la part d’un tiers de postes vacants était avancée il y a cinq ans, ce sont aujourd’hui près de 50 % des postes qui ne sont pas pourvus, selon la ministre de l’éducation nationale ([618]). Un récent rapport sénatorial évoquait 818 ETP (équivalents temps plein) de médecins scolaires pourvus en 2022, contre 1 143 ETP en 2013, soit une diminution de plus de 28 % en moins de dix ans ([619]). D’après la Depp, ils n’étaient plus que 714 médecins scolaires en novembre 2023, représentant 661 ETP ([620]). L’évolution anticipée dans les années à venir est particulièrement défavorable, 78,9 % des médecins scolaires étant âgés de 50 ans ou plus ([621]). Au total, ce ne sont donc que 20 % des élèves qui effectuent la visite médicale obligatoire de sixième année ([622]), limitant drastiquement les moyens de détection des violences par l’institution scolaire.

Quoiqu’ayant connu un moindre déclin, les effectifs d’infirmiers scolaires semblent également insuffisants pour couvrir efficacement tous les établissements scolaires et jouer leur rôle d’interlocuteurs de proximité, les 7 089 ETP en novembre 2023 devant être mis au regard des 58 910 écoles et établissements du second degré relevant du ministère de l’éducation nationale ([623]).

Les psychologues scolaires, dont le nombre a diminué ces dernières années, semblent quant à eux davantage pâtir de la multiplicité des tâches qui leur sont confiées qui induit une certaine dispersion de leurs missions, leur temps étant largement accaparé par leurs missions en matière d’orientation en dépit de besoins patents des élèves en matière de santé mentale.

Finalement, la baisse des effectifs conjuguée à l’élargissement des missions attribuées à la santé scolaire débouchent logiquement sur « une charge de travail en constante augmentation […]. Il en ressort une grande frustration, accompagnée du sentiment de ne pas être en capacité de bien faire son travail » ([624]). Le déficit de pilotage des différents métiers de la santé scolaire, qui travaillent en silos, est également pointé, limitant leur capacité à traiter en bonne intelligence les cas d’enfants victimes de violences. Cette absence de coordination fait écho au centre de ressources que la circulaire dite Royal appelait de ses vœux afin d’apporter un soutien aux professionnels confrontés à des cas de violences ([625])

Comme le relevait Laurent Kaufmann, secrétaire fédéral de la CFDT, les élèves comme les enseignants sont donc confrontés à « des équipes pluridisciplinaires […] incomplètes. Peu d’établissements disposent de tous les personnels nécessaires pour prendre en charge ces problématiques » ([626]). Cela entraîne des répercussions très concrètes pour les victimes et la façon dont est organisée leur protection. Comme le soulignait Patrick Bedel, secrétaire général adjoint d’Indépendance et direction-FO (iDFO), pour entendre un enfant, « encore faut-il, une fois de plus, que les personnes susceptibles de l’accueillir – infirmière, psychologue de l’éducation nationale, assistante sociale… – soient présentes. S’il veut rencontrer l’assistante sociale, qu’elle est absente et qu’on lui demande de revenir le surlendemain, il n’est pas certain qu’il le fasse » ([627]).

Outre les effets sur les élèves, qui peuvent ne pas trouver à qui se confier, cette faiblesse de la santé scolaire rejaillit sur les autres personnels, livrés à eux-mêmes face aux violences dont ils peuvent être informés. Cette insuffisance pousse les professionnels à devoir chercher un appui à l’extérieur de l’éducation nationale. Anne Morvan-Paris, directrice générale du GIP-FEP, évoquait ainsi devant la commission le fait que « malgré l’existence d’un service social dédié aux élèves, qui devrait normalement être le point de contact pour ces situations, les professionnels se tournent parfois vers le 119. Cela s’explique en partie par le manque de moyens et d’effectifs dans les services sociaux et médicaux scolaires, particulièrement dans les collèges où ces questions sont fréquentes » ([628]).

Ces lacunes sont d’autant plus inquiétantes que le plan Brisons le silence, agissons ensemble, prétend organiser un repérage systématique des faits de violences, qui exige pourtant de pouvoir reposer sur des personnels spécialisés. Il est en effet prévu qu’« en fonction des réponses à ces questionnaires [prévus dans le cadre du plan], et à la moindre alerte, des entretiens avec des professionnels sociaux, de santé et des psychologues seront organisés » ([629]). Le plan prévoit notamment la diffusion de questionnaires aux élèves internes à raison d’une fois par trimestre, ainsi qu’aux élèves de retour de voyage scolaire. Actuellement en phase de test, le recueil systématisé sera généralisé à tous les établissements publics et privés à la rentrée 2025.

Compte tenu du nombre de questionnaires qui seront remplis, les moyens risquent de s’avérer insuffisants pour les traiter de façon satisfaisante, comme l’ont souligné plusieurs représentants d’organisations syndicales. Concernant d’abord le traitement par les chefs d’établissements, Patrick Bedel, a souligné le fait que « le questionnaire risque de parasiter notre travail, car les enfants peuvent répondre toutes sortes de choses. Son traitement accaparera beaucoup du temps, fort précieux, que nous consacrons à nos nombreuses autres missions en nous contraignant à déployer le peu d’énergie dont nous disposons pour analyser des situations peut-être inexistantes au détriment des véritables problèmes » ([630]). Plus largement, Éric Nicollet, secrétaire national de la FSU, a mis en avant le risque de reproduire « l’échec du questionnaire sur le harcèlement, qui n’a pas eu de suites concrètes, faute de personnels en nombre suffisant pour traiter les réponses. Se pose donc, une fois de plus, la question des moyens humains. Je ne sais pas comment les DSDEN pourront, compte tenu des moyens dont ils disposent, traiter le volume considérable des réponses au questionnaire » ([631]).

Par ailleurs, les rapporteurs regrettent que les syndicats des personnels de l’enseignement et les associations de protection de l’enfance n’aient pas été associés à l’élaboration de ces questionnaires, dont le contenu pourrait certainement être amélioré par une plus large concertation.

La diffusion de ces questionnaires ne devra donc pas servir de cache-misère face à une absence de moyens déjà préjudiciable, alors que pour les élèves, il est plus naturel, en cas de problème, « d’aller vers la personne qu’[ils auront] identifiée au sein de l’établissement scolaire, en particulier les membres de l’équipe médico-sociale » ([632]). À cet égard, la création de lieux d’écoute au sein des établissements, particulièrement dans le second degré, pourrait s’avérer utile. Une telle pratique a pu être observée par les rapporteurs au lycée Pierre Bayen, à Châlons-en-Champagne, où une « Safe place » a été mise en place sur des plages horaires déterminées, sous la supervision d’adultes de l’établissement.

Face à ce déficit de personnels spécialisés, les assises de la santé scolaire de mai 2025 ont apporté des réponses partielles. Parmi les annonces, un allègement de la charge administrative des personnels a été évoqué, ainsi qu’une revalorisation indemnitaire des médecins scolaires dès 2026, afin d’améliorer l’attractivité du métier. Si des recrutements d’infirmiers, d’assistants sociaux et de psychologues scolaires ont été annoncés, aucune cible chiffrée n’a été évoquée, Élisabeth Borne renvoyant cette question aux discussions budgétaires à venir. Or, la situation s’avère déjà critique dans le premier degré et l’enseignement privé.

Recommandation n° 30 : Établir un plan pluriannuel de recrutement de personnels médico-sociaux permettant la mise en place de lieux d’écoute dans les établissements publics du second degré et de couvrir les besoins constatés dans les écoles publiques, maternelles et primaires.

  1.   Un manque de personnels spécialisés particulièrement marqué dans le premier degré et dans les établissements privés

Si l’insuffisance des moyens touche l’ensemble des établissements scolaires, des difficultés accrues ont été portées à la connaissance des rapporteurs pour ce qui concerne le premier degré et les établissements privés.

  1.   Dans le premier degré

Concernant d’abord le premier degré, le problème tient au fait que les personnels de santé scolaire y sont moins présents encore, avec un cumul des difficultés.

En particulier, les services sociaux en faveur de l’élève n’y interviennent que très peu, comme le prévoit la circulaire du 23 mars 2017 sur les missions du service social en faveur des élèves, qui précise que « le champ d’intervention du service social en faveur des élèves concerne en premier lieu l’ensemble des élèves scolarisés dans les établissements publics d’enseignement. En fonction des priorités nationales et académiques et des moyens alloués, les recteurs d’académie pourront progressivement procéder à une réorganisation des services visant à ce que les personnels sociaux de l’éducation nationale exercent leurs missions dans les écoles situées dans les réseaux d’éducation prioritaire qui rencontrent les plus importantes difficultés sociales (Rep +), prioritairement en cycle 3, sous forme de conseil social ou d’intervention sociale ».

Les échanges ne sont pas tout à fait inexistants, mais ils se limitent visiblement aux cadres présents auprès des services académiques. Jérôme David, secrétaire de la section académique du syndicat unitaire de l’inspection pédagogique-FSU (SUI-FSU), a ainsi affirmé qu’en matière de traitement des cas de violences, « dans le premier degré, les choses fonctionnent lorsque l’on dispose d’un service social d’une taille significative, ce qui est le cas au sein de la DSDEN, dans mon département. C’est l’échange entre les directeurs et directrices d’école, les inspecteurs et inspectrices et le service social qui va permettre d’opérer un choix entre une information préoccupante ou un signalement » ([633]). Néanmoins, l’accès des élèves et des enseignants du premier degré à ces services est manifestement limité. Cette lacune est accentuée par le déficit d’autres personnels spécialisés, avec par exemple un manque de personnels infirmiers plus marqué encore que dans le second degré. Comme l’observait la Cour des comptes, « malgré une hausse des effectifs infirmiers, l’attention portée aux élèves du premier degré s’est amoindrie depuis 2015 » ([634]). Finalement, Brice Castel, secrétaire national de la Fédération syndicale unitaire, résumait la situation en affirmant que « dans le premier degré, la réalité est qu’il n’existe pas d’équipes pluriprofessionnelles, que les services sociaux sont quasiment absents et que la présence des infirmières scolaires reste marginale » ([635]). En pratique, il arrive donc qu’un enfant victime de violences dans le premier degré n’ait personne d’autre à qui parler que son enseignant, avec lequel il ne se trouve que rarement seul, et qui peut être gêné par sa forte proximité avec les parents et les élèves.

Dans ces circonstances, les rapporteurs s’inquiètent de la disparition de la visite médicale obligatoire à 6 ans qui constitue parfois la seule occasion pour un élève de se confier à un professionnel extérieur à son environnement familial ou éducatif. Ils seront attentifs aux suites des assises de la santé scolaire afin que soient trouvées des réponses permettant d’assurer le repérage systématique des enfants victimes de violences, spécifiquement dans le premier degré.

De ces lacunes découle également une grande solitude pour les personnels confrontés à des violences, comme l’a par exemple souligné Florence Dabin, vice-présidente de Départements de France, présidente du conseil départemental de Maine-et-Loire, qui a notamment évoqué « le besoin spécifique des enseignants du premier degré d’être formés et acculturés aux procédures relatives aux informations préoccupantes. Il est crucial qu’ils sachent précisément comment agir, vers qui se tourner et quelles sont les conséquences de leurs actions » ([636]) – ces observations étant par ailleurs valables pour l’ensemble des voies de signalement, et pas uniquement pour les informations préoccupantes. Cette solitude est accentuée par le fait que, dans le premier degré, le directeur ne joue pas le même rôle de référent que le chef d’établissement du second degré qui – même si cela peut s’avérer problématique en certains cas – constitue un interlocuteur utile pour les personnels confrontés à des situations de violences.

Les rapporteurs considèrent également que le dispositif des boîtes aux lettres « Papillon », proposé par l’association Les Papillons et qui vise à recueillir des messages d’enfants qui souhaiteraient porter à la connaissance d’adultes des faits de violences sans se sentir prêts à s’adresser directement à eux, pourrait trouver toute son utilité dans les établissements scolaires ([637]). Des difficultés avaient toutefois été pointées par la Dgesco dans ses réponses écrites aux rapporteurs, où elle considérait que « le dispositif est peu adapté à un public très jeune et la démarche de l’association fait peser la responsabilité de sa protection uniquement sur l'enfant. De plus, le circuit de signalement pose de nombreuses questions sur la confidentialité du recueil des témoignages des enfants par des bénévoles non soumis à des obligations de secret professionnel » ([638]). À condition de lever ces difficultés, notamment en clarifiant le circuit auquel doit donner lieu tout signalement par ce canal, ce dernier pourrait être généralisé.

Les avancées récentes

Lors de son audition, Élisabeth Borne s’est engagée à favoriser la mise en place de ce dispositif : « Pour ce qui est de l’association Les Papillons, nous avons tous conscience de la difficulté, pour les enfants et les élèves victimes de violences, de parler. Tous les canaux qui peuvent contribuer à libérer la parole sont les bienvenus, y compris celui que l’association propose et qui peut offrir une voie d’expression aux élèves qui n’auraient pas pu se confier à un adulte ou qui n’auraient pas signalé les faits en répondant aux questionnaires en ligne. Je souhaite que l’on facilite son intervention lorsque l’équipe éducative y est favorable. » (1) Dans un courrier adressé le 27 mai 2025 à la ministre de l’éducation nationale, Élisabeth Borne, la rapporteure Violette Spillebout a soutenu la réouverture du dialogue entre l’association et le ministère, notamment dans la perspective du déploiement du dispositif à plus grande échelle et de l’obtention d’un agrément national (2).

(1)    Audition du 21 mai 2025, à 16 heures 30.

(2)    Annexe n° 47.

  1.   Dans l’enseignement privé

La faiblesse de la santé scolaire dans les établissements privés semble également particulièrement marquée. Comme l’indiquait la Cour des comptes dans son rapport précité, les personnels de la santé scolaire n’interviennent « que rarement et à la demande, notamment pour des élèves à besoins particuliers, surtout porteurs de maladie ou handicap. Ainsi près du cinquième des élèves, en raison de leur scolarisation dans des écoles et établissements privés, ne bénéficient pas ou très rarement de l’intervention des personnels de santé scolaire » ([639]).

Les rapporteurs en ont notamment été alertés lors de leur contrôle sur pièces et sur place dans les Pyrénées-Atlantiques, au cours duquel le chef de l’établissement Beau Rameau leur a indiqué ne pas disposer d’infirmière scolaire, devant lui-même accueillir les élèves en cas de difficulté. Il leur a également été indiqué au cours du déplacement que seuls trois psychologues scolaires étaient au service de la direction diocésaine, couvrant donc à eux seuls une centaine d’établissements relevant de l’enseignement catholique dans le département.

Ce constat est corroboré par le Sgec, qui indique que « pour ce qui est du suivi quotidien, les plus gros établissements embauchent généralement une infirmière scolaire mais beaucoup ne peuvent pas se le permettre » ([640]). L’accès à la santé scolaire y repose donc largement sur une « mutualisation » qui peut s’avérer insuffisanteétant précisé que les personnels relevant du rectorat peuvent être « mis à disposition » ([641]) en cas de crise.

Le Sgec souligne ainsi que les élèves des établissements privés « devraient avoir accès à la médecine scolaire dans les mêmes conditions que ceux du public. Or, parce que la médecine scolaire est déjà insuffisante pour couvrir les besoins du public, nos élèves sont encore moins considérés » ([642]).

S’ils partagent évidemment l’objectif d’un accès de tous les élèves à des services de santé scolaire de qualité, les rapporteurs considèrent qu’il revient avant tout aux établissements de proposer, le cas échéant via la mutualisation qui a été évoquée et en procédant aux recrutements nécessaires, un accès suffisant à l’ensemble des personnels de santé scolaire.

Recommandation n° 31 : Engager une réflexion au sein des réseaux d’établissements privés sur le renforcement des services sociaux et de santé scolaire.

Au-delà enfin de la prévention et de la présence de personnels spécialisés dans les établissements, les rapporteurs soulignent le retentissement des conditions de travail des enseignants, et plus largement des différents types de personnel, sur leur capacité à répondre aux violences. Comme le soulignait Najat Vallaud-Belkacem, il convient de veiller « à ce qu’un climat dégradé entre adultes au sein des établissements scolaires ne mine pas la capacité de ces derniers à détecter, à écouter la parole des élèves, à informer et à signaler comme ils doivent le faire. […] Lorsqu’ils sont en souffrance, il leur est plus difficile de percevoir les signaux » ([643]).

II.   Des procédures de traitement des cas de violences inefficaces pour assurer la protection des enfants

Lorsque des cas de violences sont identifiés, la réponse est trop souvent défaillante, en raison de signalements lacunaires qui tiennent, au-delà d’une omerta toujours tangible, à des outils dysfonctionnels, et à un manque de réactivité de l’éducation nationale.

A.   malgré DES OBLIGATIONS FORTES, DES SIGNALEMENTS LACUNAIRES ET UNE CULTURE DU SILENCE ENCORE PRÉGNANTE

Si les obligations de signalement sont larges, l’enquête a permis de constater qu’elles étaient peu observées dans la pratique du fait de leur méconnaissance, mais aussi d’une tendance persistante de la hiérarchie à ne pas y donner suite.

  1.   Des obligations de signalement existantes mais qui pourraient être clarifiées

a.   Des obligations larges mais qui pourraient être mieux maîtrisées

  1.   Des obligations de signalement et d’intervention larges et renforcées en matière de violences contre les enfants

Toute personne est tenue d’informer les autorités judiciaires ou administratives en cas de connaissance d’un crime s’il est « encore possible de prévenir ou [d’en] limiter les effets », ou si ses auteurs sont « susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés » ([644]). Ne pas le faire expose, en règle générale ([645]), à trois ans d’emprisonnement et à 45 000 euros d’amende. Réputés ne pas pouvoir se protéger eux-mêmes en dénonçant les faits dont ils sont victimes ([646]), les mineurs sont protégés par les obligations de signalement plus larges qui s’appliquent, ici aussi, à toute personne en ayant connaissance. Ainsi, l’article 434-3 du code pénal prévoit une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour « le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur […] de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n’ont pas cessé » étant précisé que les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque le défaut d’information concerne des faits commis sur un mineur de quinze ans.

Le délai de prescription pour ce délit de non‑dénonciation est en règle générale de 6 ans à compter de la commission des faits. Néanmoins, il a été prolongé, en 2021 ([647]), à 10 ans à partir de la majorité de la victime en cas d’agression ou d’atteinte sexuelle et à 20 ans à partir de la majorité de la victime en cas de viol ([648]). Les rapporteurs soutiennent une prolongation similaire pour les faits de violences physiques, qui pourrait, pour ce qui concerne les violences commises sur les jeunes enfants, constituer une incitation plus forte à dénoncer de tels faits.

Recommandation n° 32 : Prolonger le délai de prescription du délit de non-dénonciation pour les faits de violences volontaires, tels que définis par le code pénal, dès lors qu’ils sont commis sur un mineur.

Outre les obligations de signalement qui s’appliquent à tous, un régime spécifique est prévu, de longue date, pour les fonctionnaires. En application du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale, « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». Le code général de la fonction publique reprend cette obligation, en disposant à son article L. 121-11 que « les agents publics se conforment aux dispositions du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale pour tout crime ou délit dont ils acquièrent la connaissance dans l’exercice de leurs fonctions » ([649]). En pratique, pour ce qui concerne le milieu scolaire, cette obligation s’applique à l’ensemble des agents publics des écoles et établissements publics et privés ([650]). Si aucune sanction pénale n’est prévue en cas de non-respect de l’obligation de signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale ([651]), il peut engager la responsabilité disciplinaire de l’agent. Des dispositions similaires s’appliquent aux personnels des établissements scolaires, notamment en Italie, en Norvège, en Slovaquie, en Slovénie et en Suède ([652]).

Enfin, au-delà des obligations de signalement, certaines situations imposent d’agir. L’omission volontaire de porter secours constitue ainsi un délit. Le premier alinéa de l’article 223-6 du code pénal prévoit que « quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. » Infraction proche, la non-assistance à personne en danger est prévue au deuxième alinéa du même article, aux termes duquel « sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. » Ici aussi, ces infractions sont punies plus sévèrement si elles sont liées à des faits commis contre des mineurs de quinze ans, le dernier alinéa prévoyant que, dans cette hypothèse, « les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende ».

  1.   Des obligations peu maîtrisées par les personnels concernés

Les personnels des établissements scolaires semblent peu au fait de leurs obligations de signalement, dont les contours sont trop souvent apparus, au cours de l’enquête, flous. La connaissance de l’existence même d’une obligation semble d’abord pouvoir être améliorée. À titre d’illustration, d’après le sondage transmis aux rapporteurs par la CGT-EP ([653]), les signalements au procureur ne sont identifiés que par 15 % des répondants. Les signalements au titre de l’article 40 du code de procédure pénale ne sont connus que de 4 % d’entre eux. Cette méconnaissance ne semble pas propre aux personnels des établissements scolaires : dans une étude publiée en 2016, le Conseil d’État relevait qu’ « en dépit des circulaires et instructions prises, encore trop éparses, les agents publics demeurent insuffisamment informés sur leur devoir de signalement et sur les conditions concrètes de sa mise en œuvre » ([654]).

Le niveau de certitude devant donner lieu à un signalement à la justice semble par ailleurs souvent surestimé, l’absence de preuves tangibles étant souvent interprétée, à tort, comme justifiant de ne pas y procéder. L’un des représentants syndicaux des enseignants du public a ainsi pu affirmer devant la commission « qu’il existe un risque réel que le signalement se retourne contre eux si la matérialité des faits n’est pas établie, ce qui nous oblige à être particulièrement prudents dans nos conseils » ([655]). Un tel raisonnement avait également pu être celui de la proviseure et des IA-IPR, par exemple, dans l’affaire du lycée Bayen précédemment évoquée ([656]).

Cette interprétation erronée démontre la nécessité impérieuse de rappeler qu’il n’est pas du rôle de la personne signalante de s’assurer que les infractions pénales sont caractérisées, cette caractérisation appartenant à la seule autorité judiciaire. La jurisprudence n’exige en effet qu’un « degré suffisant de vraisemblance » ([657]) pour déclencher une obligation de signalement. À titre d’exemple, comme le souligne la circulaire dite Royal précitée, le simple fait qu’un élève se soit confié à un membre de l’éducation nationale sur des faits dont il affirme avoir été victime justifie que le procureur en soit avisé.

Recommandation n° 33 : Prévoir un rappel annuel, par le directeur d’école ou le chef d’établissement, à tous les personnels, au moment de la rentrée scolaire, des conditions de mise en œuvre de l’article 40 du code de procédure pénale et des autres obligations de signalement auxquelles les personnels sont soumis en cas de connaissance de violences commises contre un élève.

b.   Secret médical, secret de la confession : des obstacles à lever ?

Différents types de secrets reconnus par la loi ou la jurisprudence sont susceptibles de faire obstacle à la dénonciation de violences commises contre des enfants.

  1.   Le secret médical : un point d’équilibre à trouver

Les médecins disposent « d’une position privilégiée pour le repérage systématique » ([658]) mais ne sont pourtant, comme l’observe la Ciivise, à l’origine que d’une « faible proportion de signalements ». Ce phénomène tient en partie au secret médical, forme de secret professionnel ([659]) qui peut s’opposer à la transmission de certaines informations à la justice.

Conçu pour protéger la relation entre le patient et le médecin, le secret médical, prévu notamment par le serment d’Hippocrate, implique que le médecin ne soit pas soumis à aux obligations de signalement générales.

Les médecins ne peuvent donc pas être reconnus coupables des infractions prévues aux articles L. 434-1 et 434-3 du code pénal, qui instituent une obligation de signalement dont le non-respect est puni d’une peine d’emprisonnement et d’une peine d’amende. Parmi ces deux articles, le second vise, pour rappel, la « non-révélation de mauvais traitements ou d’atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger notamment en raison de son âge ».

Il existe néanmoins deux types des exceptions à ce régime :

– une exception obligatoire : le secret médical ne saurait soustraire les médecins à l’obligation d’assistance obligatoire en cas de péril. Lorsqu’il est possible d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle de l’enfant ou de porter assistance à un enfant en péril, l’obligation d’intervenir prévue à l’article 223-6 du code pénal serait applicable aux médecins ([660]) ;

– une exception facultative : s’ils ne sont pas punis lorsqu’ils n’effectuent pas les signalements prévus aux articles L. 434-1 et L. 434-3 du code pénal, les médecins ont toutefois la possibilité d’y procéder sans risquer d’être poursuivis pour « révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire » ([661]). L’article 226-14 du code pénal prévoit expressément que le secret professionnel n’est pas applicable « 1° À celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de maltraitances, de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».

Deux observations peuvent néanmoins être formulées. D’abord, le cadre juridique apparaît peu clair, notamment pour ce qui concerne l’obligation d’intervention en cas de péril. Un rapport du Sénat soulignait ainsi que « la règle posée à l’article 223-6 est juridiquement de même valeur que celle relative au secret professionnel figurant à l’article 226-13 et il n’est donc pas évident que l’une doive primer sur l’autre » ([662]).

Ensuite, le cadre est peu sécurisant pour les médecins, à qui il appartient, en conscience, de procéder ou pas à un signalement. Comme le relève ici aussi la Ciivise, « cette situation est susceptible de générer du stress pour le professionnel lui-même, qui, non accompagné, choisit alors de ne pas réagir » ([663]).

Une levée absolue du secret professionnel pourrait avoir des effets contreproductifs si elle conduisait les patients à ne pas se confier de la même façon. Le rapport du Sénat précité craignait même que « dans le champ médical, une obligation de signalement pourrait amener, dans certains cas, les familles maltraitantes à ne plus emmener leur enfant chez le médecin, par crainte de faire l’objet d’un signalement » ([664]). Sans trancher le débat, les rapporteurs ne peuvent que reprendre à leur compte, en l’élargissant à toutes les violences commises contre des enfants, la recommandation n° 13 de la Ciivise qui appelait à « clarifier l’obligation de signalement par les médecins des enfants victimes de violences sexuelles » ([665]).

  1.   Le secret de la confession : des caractéristiques proches

Le secret de la confession, progressivement institué par voie jurisprudentielle, peut également limiter la transmission d’informations et de signalements, en l’occurrence émanant de ministres du culte de l’Église.

Assimilé à un secret professionnel au sens de l’article 226-13 du code pénal, ce secret sacerdotal implique « qu’un prêtre ne peut être tenu de déposer, ni même d’être interrogé, hors les cas qui tiennent immédiatement à la sûreté de l’État, sur les révélations qu’il a reçues dans cet acte de religion » ([666]).

Cette question, contrairement à celle du secret médical, a pu être directement abordée au cours des travaux d’enquête, notamment avec Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, qui avait affirmé, en 2021, que « le secret de la confession s’impose à nous et s’imposera à nous. En cela, il est plus fort que les lois de la République » ([667]). S’il a regretté ces propos, il a toutefois réitéré devant la commission l’idée que « le sacrement du pardon est un moment spécial, lors duquel le pénitent est assuré que sa parole est adressée à Dieu et qu’elle n’aura donc pas de conséquences humaines » ([668]), affirmant que le droit au secret reconnu aux confesseurs devait « être utilisé avec discernement ». Interrogé par le rapporteur Paul Vannier sur les messages adressés « aux prêtres qui interviennent dans les établissements privés sous contrat » ([669]) et sur l’hypothèse où l’un d’entre eux « recevrait en confession une information relative au viol d’un enfant », Éric de Moulins-Beaufort n’a reconnu que « l’obligation d’en faire quelque chose », soulignant que « chaque cas est particulier. […] Cela dépend de ce que le prêtre peut obtenir de la personne qui se confesse. Si c’est un enfant ou un jeune, le prêtre peut l’encourager à lui raconter les faits en dehors du cadre sacramentel, symbolique, de la confession : il sera alors libre de sa parole ».

Pour les rapporteurs, si des initiatives de l’Église pourraient participer de la résolution du problème ([670]), il convient surtout de changer la loi pour y préciser que les informations dont a connaissance un ministre du culte dans le cadre de l’exercice de celui-ci ne sont pas couvertes par le secret, au moins si elles concernent des faits de violences commis sur des mineurs de quinze ans. La sérialité souvent observée dans les délits et crimes violents à l’égard des enfants, largement documentée dans la première partie du présent rapport, le justifie : une personne se rendant coupable d’actes de violences sur des enfants est très susceptible de faire d’autres victimes, en milieu institutionnel ou dans la sphère privée. Auditionné par la commission, le garde des sceaux, Gérald Darmanin, s’est montré ouvert à une telle évolution du droit.

Recommandation n° 34 : Lever systématiquement le secret obtenu dans le cadre de la confession dès lors qu’il porte sur des faits de violences commis sur un mineur de moins de 15 ans, qu’ils soient en cours ou non.

  1.   Des signalements à la voie hiérarchique : un réflexe, au risque d’étouffer des affaires

a.   La voie hiérarchique : une voie utile

  1.   Une pratique encouragée

Le signalement d’un agent à sa hiérarchie – le plus souvent au chef d’établissement – est une voie de signalement souvent privilégiée et encouragée en pratique. Selon le sondage réalisé par la CGT-EN précité, les enseignants adressent leurs signalements prioritairement au chef d’établissement (80 % des 604 réponses).

D’un point de vue juridique, s’adresser à la voie hiérarchique est une faculté généralement conçue comme complémentaire à un signalement à la justice. L’article L. 135-1 du code général de la fonction publique, dans sa rédaction issue de la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, dispose ainsi « qu’un agent public signale aux autorités judiciaires des faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions conformément à l’article L. 121-11. Il peut signaler les mêmes faits aux autorités administratives ». Par ailleurs, l’agent a la faculté de transmettre son signalement à la justice via son autorité hiérarchique. Comme le relève le Conseil d’État, « il incombe dans ce cas à l’agent à l’origine de l’alerte de veiller à sa transmission dans les meilleurs délais et, au besoin, de reprendre l’initiative en cas d’inertie ou de refus de son autorité hiérarchique. En confiant l’alerte à sa hiérarchie, l’agent transfère, sans totalement s’en décharger, une obligation de diligence, qui doit dès lors s’apprécier globalement, quel que soit le canal de transmission au procureur effectivement emprunté » ([671]).

Néanmoins, en milieu scolaire, plusieurs circulaires ont, par le passé, prévu une obligation d’information à l’égard d’autorités administratives relevant ou pas de la hiérarchie de l’agent. La circulaire n° 2001-044 du 15 mars 2001 prévoyait par exemple que tout agent signalant un fait de violence sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale devait « informer parallèlement l’inspecteur d’académie et le président du conseil général [dorénavant départemental] ».

La circulaire du 22 avril 2016 portant instruction de politique disciplinaire concernant les faits portant atteinte à l’intégrité physique ou morale des mineurs, soulignait qu’en plus d’un signalement au procureur de la République, « les agents doivent également informer immédiatement leur hiérarchie de tout fait ou de toute condamnation susceptible de porter atteinte à l’intégrité physique et morale des mineurs dont ils ont connaissance afin que le recteur d’académie ou l’inspecteur d’académie-directeur académique des services de l’éducation nationale puisse notamment prendre toutes les mesures nécessaires à la protection des enfants » ([672]). L’information de la voie hiérarchique vise alors à permettre le déclenchement d’une enquête administrative et, le cas échéant, l’adoption de mesures conservatoires ou disciplinaires.

Le fait que ces signalements par la voie hiérarchique se fassent le plus souvent hors de toute procédure systématiquement formalisée tant à l’échelle des établissements que des académies ([673]) constitue une difficulté. La circulaire de 2016 appelait pourtant les autorités compétentes à formaliser les remontées : « Pour permettre à chaque acteur d’exercer pleinement ses responsabilités et éviter la déperdition d’informations, vous identifierez clairement le circuit des remontées de faits graves susceptibles de mettre en cause des personnels au sein des départements et des académies. » ([674]) En dépit de ces préconisations, ces circuits semblent, en pratique, peu établis, en tout cas très hétérogènes. La Dasen d’Ille-et-Vilaine a par exemple indiqué aux rapporteurs qu’il n’existait pas de procédure de signalement formellement écrite pour le premier degré, tandis qu’une procédure existe pour le second ([675]). Dans ce contexte, le plan Brisons le silence, agissons ensemble, prévoit que « chaque école et chaque établissement de l’enseignement public et de l’enseignement privé, devra se doter d’une fiche procédure, communiquée à tous les personnels, pour garantir la bonne circulation et le traitement des signalements » ([676]). Sans identifier plus précisément la vocation de cette fiche procédure, les rapporteurs s’interrogent : s’agit-il de formaliser les circuits de remontée d’information interne ? D’informer les personnels de l’ensemble des voies de signalements qui leur sont ouvertes ? Quoi qu’il en soit, et compte tenu du flou qui prévaut, notamment entre les différents outils de signalement, et du manque de formation des personnels, le renvoi à l’élaboration d’une fiche au niveau de chaque établissement étonne s’agissant d’un domaine qui ne justifie pas particulièrement d’adaptations locales.

Par ailleurs, le décret n° 2025-542 du 16 juin 2025 relatif au recueil et au traitement des signalements des faits de violence dans les établissements d’enseignement privés a inscrit dans le code de l’éducation l’obligation, pour chaque établissement qu’il soit public ou privé, de mettre en place « sous le contrôle de l’autorité compétente de l’État, un dispositif interne de recueil et de traitement des signalements d'atteintes à l’intégrité physique ou morale des élèves accueillis dans l’établissement, des élèves internes et de ceux qui participent à des voyages scolaires avec nuitées, ainsi que des personnels. Ces atteintes recouvrent notamment tout fait de violence, harcèlement, agissement sexiste, menace, intimidation ou tout incident susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement de l’établissement ». Cette obligation nouvelle devrait conduire les établissements à davantage formaliser leurs procédures, ce qui ne pourra que contribuer à sécuriser les professionnels qui y recourent et améliorer la qualité de la remontée d’information.

  1.   L’application Faits établissement

Créée en mars 2016 dans le sillage des attentats terroristes, rendue obligatoire dans les établissements scolaires publics en 2018 ([677]), l’application Faits établissement visait, à l’origine, « à moderniser les remontées de faits graves et de violence et permettre aux équipes des écoles et des établissements scolaires de développer leur capacité à percevoir et identifier des signaux dits faibles » ([678]).

Elle permet en pratique au directeur d’une école ou au chef d’un établissement scolaire de renseigner, en les codifiant selon leur niveau de gravité, l’ensemble des faits de violences présumées, qu’elles concernent des adultes ou des élèves, dont ils ont connaissance dans leur établissement. Les faits enregistrés sont transmis à la DSDEN et au rectorat, qui peuvent intervenir. Les faits qu’ils jugent les plus graves sont ensuite portés par les rectorats à la connaissance du cabinet du ministre – en pratique, ils arrivent alors au bureau de veille, alerte et analyse (BV2A), qui relève du haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS), à qui il revient d’alerter le cabinet du ministre et les directions compétentes. La vocation de cette ultime transmission est d’ailleurs peu claire, entre l’information et le suivi, tandis que la gestion par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité illustre bien la vocation sécuritaire de l’outil, qui n’a en aucun cas été pensé pour faire face aux violences commises par des adultes contre des enfants. Il en découlerait, d’après certains témoignages adressés aux rapporteurs, que certains chefs d’établissement ne recourraient pas à cet outil lorsqu’ils font face à de tels faits.

Faits établissement est assurément un outil utile, dont l’objet semble toutefois mal défini. Les rapporteurs regrettent que ce qui pourrait constituer une base de données précieuse ne soit pas exploitable s’agissant des violences dont il est question dans le présent rapport. En effet, l’application ne permet pas de distinguer aisément les violences commises par des adultes contre des élèves de celles commises entre élèves. Pourtant, ces situations impliquent des procédures de suivi totalement différentes, ce qui rend cet outil en partie inopérant.

À défaut de constituer un outil statistique efficace, Faits établissement pourrait permettre un meilleur suivi des suites données aux faits signalés. D’outil de remontée d’information à sens unique, l’application pourrait devenir une plateforme de dialogue entre les chefs d’établissement et la hiérarchie académique. L’ouverture d’une enquête administrative ou judiciaire, la prise de mesures conservatoires ou de sanctions disciplinaires ne sont aujourd’hui pas renseignées, alors que leur inscription dans l’application permettrait de s’assurer du traitement de chaque cas. Pour les chefs d’établissement, et indirectement pour les personnels qui seraient à l’origine d’un signalement par la voie hiérarchique, cela représenterait une possibilité de disposer d’un retour en temps réel des suites données à leur signalement. Cette lacune fait l’objet d’une recommandation (voir infra, recommandation n° 40).

Le décret du 16 juin 2025 précité a étendu à tous les chefs établissement, qu’ils relèvent du privé sous contrat ou du privé hors contrat, l’obligation d’ « informe[r] sans délai l'autorité compétente de l’État en matière d’éducation des faits de violence dont les élèves ou les personnels de l’établissement sont victimes ainsi que de tout fait grave impliquant une mise en danger de la sécurité ou de l’intégrité physique ou morale des élèves ou des personnels » ([679]). Cette obligation devrait, de fait, conduire l’ensemble des établissements scolaires à utiliser Faits établissement. Le motif invoqué par le décret est de « permettre le contrôle de l'État en matière de respect de l’ordre public et de protection de l’enfance et de la jeunesse ». Si cet élargissement, qui témoigne d’un approfondissement sensible des obligations des établissements privés, est bienvenu, cet outil ne saurait de toute façon être le seul à être mis à la disposition des personnels pour signaler des cas de violences commises contre des enfants, puisqu’il a vocation à reposer sur le seul chef d’établissement ([680]), ce qui constitue une limite importante.

b.   Une voie qui ne saurait être ni unique, ni obligatoire

  1.   Le risque du filtre hiérarchique

La voie hiérarchique est d’abord trop souvent considérée comme un préalable obligatoire à la saisine d’autres acteurs, et particulièrement de la justice, alors qu’elle ne devrait jamais empêcher de procéder à d’autres signalements. Le faible recours aux signalements au titre de l’article 40 du code de procédure pénale a ainsi pu être justifié, notamment lors de l’audition des représentants des enseignants du public, par l’invocation du devoir de loyauté. Xavier Perinet‑Marquet, membre du bureau national et de la commission 1er degré du Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (Snalc), a affirmé : « Nous n’avons jamais effectué de signalement judiciaire au titre de l’article 40Les processus internes à l’éducation nationale exigent le respect du principe de loyauté. Des collègues ont déjà été sanctionnés pour déloyauté pour avoir effectué des signalements directs au parquet, sur la base de l’article 40, sans en avoir préalablement informé leur hiérarchie. » ([681]) Brice Castel, représentant de la FSU, a affirmé compter sur « les services sociaux de l’éducation nationale, [qui], en particulier, n’ont pas de lien hiérarchique avec le chef d’établissement et sont habilités à transmettre directement des écrits au parquet et à la Crip lorsque nécessaire » ([682]). La croyance selon laquelle la validation hiérarchique serait un préalable obligatoire peut, en amont même du signalement, s’avérer dissuasive pour les personnels. Il faut donc rappeler que la pratique qui consiste à en référer à son supérieur hiérarchique ne saurait faire obstacle aux signalements. À cet égard, une récente circulaire parue en 2024 se borne à recommander aux agents signalants d’en informer leur supérieur, et non de lui en demander l’autorisation : « Le principe déontologique de loyauté, de nature jurisprudentielle pour les agents publics relevant du code général de la fonction publique et inscrit à l’article L. 4111-1 du code de la défense pour les militaires, conduit à conseiller à tout agent effectuant un signalement au procureur de la République sur la base de l’article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale d’en informer son supérieur hiérarchique, sauf si celui-ci est concerné par les faits signalés » ([683]). La formulation de cette circulaire est malgré tout problématique au regard de l’ensemble des développements précédents. L’invocation du « principe de loyauté » semble en premier lieu peu adaptée dans le contexte dont il est question.

En outre, on a vu qu’il existait bien des cas où, sans être directement auteur des faits, le directeur d’établissement avait pu constituer un filtre préjudiciable à la révélation des faits de violences commis sur des élèves. En premier lieu, car ceux-ci ne sont pas nécessairement suffisamment outillés et entourés pour faire face à ces situations : certains de leurs représentants ont ainsi pu affirmer devant la commission « avoir besoin d’être entourés – ce qui n’est pas toujours le cas – de personnels techniques, tels que des assistantes sociales ou des infirmières, qui jouent un rôle fondamental par les conseils qu’ils apportent sur ces sujets. L’évaluation de la situation peut être délicate, d’autant plus que le travail des personnels de direction est souvent bousculé par les urgences du quotidien » ([684]). Seul, le chef d’établissement peut commettre des erreurs d’appréciation, dont les causes peuvent être nombreuses : liens interpersonnels, préjugés, survalorisation des qualités professionnelles du mis en cause, etc. Ce dernier critère, dont il a déjà été question – « c’était un bon professeur » – est régulièrement mis en avant, comme l’a démontré la gestion du cas de Pascal V. au lycée Pierre Bayen de Châlons-en-Champagne, entre 2021 et 2023, présentée supra : la lettre de transmission du rapport d’enquête administrative de l’IGESR à la ministre, que les rapporteurs se sont procurée, évoque « un manque de discernement qui s’est répercuté à tous les niveaux ». Ensuite, au-delà de ces erreurs d’appréciation, la tentation peut être grande de gérer l’affaire en interne, notamment pour préserver la réputation de l’établissement. Cet enjeu réputationnel, qui n’est pas étranger aux établissements scolaires publics, conduit classiquement certains chefs d’établissement à faire passer ce qu’ils pensent correspondre à la préservation de l’institution avant le traitement au fond de la situation.

  1.   Les risques d’une gestion à huis clos, exacerbés dans l’enseignement privé pour des raisons structurelles

La gestion en interne est une pratique qui semble plus courante dans les établissements privés, pour des raisons culturelles déjà exposées, mais également pour des raisons de structure.

L’exemple largement développé supra du collège-lycée Stanislas atteste d’une telle gestion qui confine à l’étouffement de faits, de même que les témoignages de plusieurs représentants du personnel enseignant des établissements privés qui l’ont indiqué au cours de leur audition devant la commission : par exemple, Delphine Bouchoux du Snec-CFTC affirme que « si la loi impose aux personnels informés d’un fait de violence d’en référer aux autorités compétentes, qu’il s’agisse du rectorat ou de la justice, nous constatons en réalité que ces situations font d’abord l’objet d’une gestion en interne, souvent motivée par la volonté d’éviter un scandale public et par une forme de déni » ([685]). Son organisation syndicale explique également, dans ses réponses écrites, avoir mené une enquête « qui révèle des faits de violences qui ont été traités dans l’établissement » ([686]).

Les enjeux réputationnels sont en effet particulièrement prégnants pour les établissements privés : là où le recrutement dans les écoles et établissements publics est soumis à la carte scolaire, l’inscription dans un établissement privé relève d’un choix des familles dans lequel la réputation peut assurément intervenir. Comme l’explique la CGT-EP, « les pressions se justifient très souvent par la crainte de "perdre des élèves" et donc des postes de droit public ou de quoi rémunérer les salariés de droit privé » ([687]). En découle une tentation de préserver coûte que coûte le « capital réputationnel », ce qui « passe par la culpabilisation, une forme de contrôle coercitif sur les personnels voire les élèves pour assurer l’emprise et éviter la propagation de l’information pour préserver "l’image" de l’institution, de l’établissement, du "réseau". S’exprime alors clairement la volonté de ne rien faire sortir de problématique en dehors d’un cercle restreint » ([688]). La relation entre le chef d’établissement et ce qu’il considère parfois comme « son » personnel, peut par ailleurs se caractériser par une forme de dépendance – les salariés de l’Ogec ont le sentiment d’être ceux du chef d’établissement ([689]) – peu propice à la parole.

Lorsqu’un signalement arrive au chef d’établissement, la remontée aux services académiques apparaît rare, ce qui tient également à la faiblesse des échanges généralement entretenus avec le rectorat, étant précisé que la direction diocésaine devrait également être avertie, mais qu’elle est elle aussi une autorité lointaine. Une DSDEN indique ainsi aux rapporteurs que le constat est celui « d’une faible remontée, sauf quand la situation RH devient inextricable pour l’enseignement privé catholique » ([690]). L’État semble donc aveugle aux faits susceptibles de se produire dans le privé – ce dont témoigne l’absence de statistiques en la matière – au point que « la presse quotidienne régionale ou les alertes des parents d’élèves sont une source d’information pour les services de situation de dysfonctionnements » ([691]). Cette situation conduit certains personnels à tenter de contourner le chef d’établissement sans nécessairement savoir à quel interlocuteur s’adresser : la FEP CFDT affirme « invite[r] parfois à signaler à la cellule Valeurs de la République du rectorat » ([692]).

Cet effet de filtre peut être accentué par la faiblesse des vigies externes au sein des établissements privés, laquelle contribue également à favoriser la gestion en interne. Pierre Merle a ainsi considéré que « ces violences perdurent parce que les contre-pouvoirs, qu’ils soient internes ou externes aux institutions scolaires, sont restés globalement les mêmes » ([693]). En particulier, et si c’est dans une certaine mesure le cas dans l’enseignement public également, les parents d’élèves d’établissements privés pourraient être moins à même de « remettre en cause l’établissement qu’ils ont sélectionné pour leur enfant, car c’est un choix d’aller dans un établissement catholique. Il existe donc un principe de solidarité » ([694]). Par ailleurs, une seule association de parents d’élèves, l’Apel, est reconnue par les statuts de l’enseignement catholique ([695]). En cas de divergences au sein de cette association, comme plusieurs cas en ont été présentés dans la première partie du présent rapport, il n’est donc pas possible qu’une autre association se constitue et puisse porter sa voix spécifique au sein des instances décisionnaires. Cette absence de pluralisme, bien que les différentes Apel soient indépendantes les unes des autres, affaiblit assurément le rôle de vigie externe que peuvent jouer, dans les établissements scolaires publics notamment, les parents d’élèves. Pour cette raison, les rapporteurs préconisent que la création d’associations de parents d’élèves, rattachées ou non à une fédération ou une union nationale, soit libre dans l’enseignement catholique.

Recommandation n° 35 : Permettre la reconnaissance de plusieurs associations de parents d’élèves, fédérées ou non à l’échelle nationale, dans les réseaux d’enseignement privé, afin de garantir le pluralisme au sein des établissements.

La faiblesse de ces vigies tient également à une forme de confusion entre les différentes instances des établissements privés catholiques, comme l’a soulevé la députée Marie Mesmeur au cours de plusieurs auditions, « il peut exister un conflit d’intérêts lorsqu’un membre d’un couple fait partie de l’Apel et l’autre de l’Ogec. […] Mais les risques de conflits d’intérêts vont plus loin, à mon avis, par exemple quand un parent non membre de l’Ogec signale des violences sur son enfant à un membre de l’Ogec […] Est-on certain dans une telle situation qu’on recherche en permanence l’intérêt supérieur de l’enfant et non l’intérêt moral de l’institution que le membre de l’Ogec représente ? » ([696]) Si les statuts types des Ogec ont fait l’objet de modifications pour interdire l’élection en tant qu’administrateurs de personnes entretenant un lien familial proche avec un membre du conseil, ou les personnes siégeant dans une Apel, des exceptions demeurent possibles, et semblent en pratique exister.

Au total, si la voie hiérarchique demeure donc utile – elle peut être, à condition d’une remontée d’informations, le point de départ de mesures conservatoires ou disciplinaires –, elle ne saurait être la seule, puisqu’elle présente le risque de déboucher sur une gestion interne à l’établissement, qui ne saurait offrir de réponse complète à des faits de violences ; cela impose de concevoir des alternatives.

c.   La nécessité impérieuse d’une cellule centrale de signalement, comme alternative ou complément à la voie hiérarchique

Les signalements doivent donc impérativement pouvoir être adressés, outre les signalements à la justice, à un acteur spécialisé, externe à l’établissement et rompu à la gestion de ce type de situations ([697]). Seule une cellule dédiée et spécialisée, placée au sein du ministère de l’éducation nationale, permettrait ainsi de garantir, notamment aux lanceurs d’alerte, une voie de signalement protectrice, dépaysée et efficace.

Différents modèles pourraient inspirer l’éducation nationale, comme Signal-sports, la cellule nationale de recueil, de traitement et de suivi des signalements de violences dans le sport, mise en place dans le cadre de la Convention nationale de prévention des violences sexuelles dans le sport (2020-2022). Cette cellule assure différentes fonctions : elle recueille les signalements via une adresse dédiée ; elle centralise les remontées des services déconcentrés du ministère dont elle relève ; elle permet de suivre les suites données aux signalements, notamment en matière d’enquête administrative. Le dispositif a bien trouvé sa place : selon le rapport d’activité publié en mars 2024, soit trois ans après son lancement, « 1 284 personnes ont été mises en cause, donnant lieu à 624 mesures administratives, pour 1 800 signalements reçus. Au total, 186 ont fait l’objet d’un signalement aux procureurs de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, et 303 de mesures disciplinaires transmises au ministère par les fédérations » ([698]) – ce qui permet de préciser que l’amélioration du suivi statistique constitue un avantage incident mais non négligeable, de telles données n’ayant pu être obtenues avec autant de précision pour ce qui concerne les violences scolaires.

En dépit de ses limites, qui tiennent notamment à de trop faibles moyens, la cellule du ministère des armées, Thémis, présente elle aussi des avantages, avec notamment la possibilité de procéder à des signalements sans passer par la voie hiérarchique. Par ailleurs, comme Signal-sports, elle organise le suivi de ces signalements, comme l’a indiqué le vice-amiral d’escadre Éric Janicot, « Thémis vérifie que nous appliquons correctement les procédures et nous demande des explications en cas de manquement » ([699]).

La cellule ministérielle de recueil des signalements que les rapporteurs appellent de leurs vœux offrirait un cheminement clair représenté par le schéma ci-dessous.


 

Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation..


Différents acteurs pourraient s’adresser à la cellule :

– le dispositif serait destiné au personnel des établissements scolaires, agents de droit public ou privé, et ce quelle que soit la nature juridique de l’établissement ;

– il entretiendrait une relation étroite, nécessitant une contractualisation entre le ministère chargé de l’éducation nationale et le GIP-FEP, avec les équipes du 119, qui lui transmettraient l’ensemble des signalements pertinents reçus de la part d’élèves victimes ou témoins, de leurs parents, ou de tiers.

Les chefs d’établissement continueraient de renseigner Faits établissement : la cellule de recueil y aurait accès en consultation, uniquement sur les faits mettant en cause des adultes et commis à l’encontre d’élèves. Ceci implique que ces faits puissent être spécifiquement identifiés au moment de leur inscription dans l’application, avec un codage spécifique.

Aucune autre voie de signalement que l’autorité hiérarchique et l’autorité judiciaire ou la cellule ministérielle de recueil ne devrait être recommandée aux personnels exerçant dans les établissements par les fiches de procédure élaborées par le ministère.

La cellule proposée devrait donc présenter d’importantes garanties d’indépendance. Quand bien même elle serait intégrée au ministère de l’éducation nationale, sa composition devrait ainsi prévoir, aux côtés de magistrats en détachement, des membres de l’IGESR, des IA-IPR, des IEN des personnalités qualifiées issues d’associations de protection de l’enfance et de collectifs de victimes. Une équipe d’écoutants qualifiés devrait également permettre de répondre aux appels des personnels ne souhaitant pas passer uniquement par une procédure écrite et impersonnelle.

La cellule pourrait recommander ou demander :

– la réalisation par les équipes académiques de contrôles inopinés ou l’ouverture d’enquêtes administratives et serait destinataire des rapports réalisés. Sur cette base, elle pourrait formuler des préconisations en matière de mesures conservatoires, puis de procédures disciplinaires. En outre, elle aurait un rôle de conseil auprès des rectorats pour la mise en œuvre de dispositifs d’accompagnement et d’écoute des victimes, témoins et personnels concernés ;

– la réalisation par l’IGESR, lorsque la nécessité de dépayser le traitement d’une affaire lui apparaîtrait, d’une enquête administrative puis un suivi similaire à celui proposé pour les rectorats.

Comme indiqué supra (voir recommandation n° 4), la cellule établirait chaque année un rapport d’activité public comprenant des statistiques par nature de violences, par académie, par profils d’auteurs et de victimes, et mettant en regard le nombre de faits recensés et les suites y ayant été données.

Recommandation n° 36 : Mettre en place une cellule nationale, Signal Éduc, de recueil des signalements des violences commises par des adultes au sein de tout établissement scolaire, spécifiquement dédiée aux personnels et représentants de parents d’élèves ne souhaitant ou ne pouvant emprunter la voie hiérarchique. Cette cellule aurait également un rôle de suivi des situations, de conseil de l’administration et d’établissement de données statistiques (voir recommandation n° 4). Elle serait placée au sein du ministère de l’éducation nationale et composée de membres des corps d’inspection, de magistrats et de personnalités qualifiées issues d’associations de protection de l’enfance partenaires du GIP-France enfance protégée et d’associations regroupant des collectifs de victimes.

B.   Des OUTILS DE SIGNALEMENTS ÉPARS, OPAQUES ET INADAPTÉS, NE PERMETTANT PAS UN SUIVI CORRECT

La création d’une telle cellule de recueil des signalements est d’autant plus nécessaire que les voies de signalement alternatives à la voie hiérarchique, qui ne sont pas conçues pour les violences dont il est ici question, s’avèrent inefficaces et inadaptées pour assurer leur bon traitement.

  1.   Des outils épars, peu clairs et peu maîtrisés

a.   Le 119, un numéro d’urgence efficace mais dont le lien avec l’éducation nationale est perfectible

  1.   Un service globalement efficace, malgré un manque de moyens chronique

Depuis 1990, le numéro 119 « Allô enfance en danger » est une plateforme de signalements ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour dénoncer la situation périlleuse d’un mineur. Mis en œuvre par le Service national d’accueil téléphonique de l’enfance en danger (Snated) au sein du GIP-FEP, le 119 a acquis une place importante dans la protection de l’enfance, notamment grâce à son affichage obligatoire « dans tous les établissements et services recevant de façon habituelle des mineurs » ([700]). Si une partie de l’activité du 119 consiste à prodiguer une aide immédiate, le cas échéant en lien avec les services de police et secours ([701]), le Snated est également conduit à qualifier certains signalements d’informations préoccupantes (IP) et à les transmettre aux services des départements, qui en sont les responsables (voir infra). Au cours de l’année 2024, 24 322 IP ont émané du Snated, soit 66 par jour ([702]).

Le groupement d’intérêt public France enfance protégée

Le groupement d’intérêt public France enfance protégée (GIP-FEP), prévu par la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite loi Taquet, est effectif depuis le 5 janvier 2023 ; il succède au GIP Enfance en danger.

Le GIP est une personne morale de droit public constituée entre l’État, les départements et des personnes morales de droit privé – notamment de nombreuses associations de protection de l’enfance – et publiques. Les ressources dont il dispose proviennent à parité des départements et de l’État, pour un budget total d’un peu moins de 10 millions d’euros, qui permet notamment le financement de 110 équivalents temps plein (ETP), dont 25 ETP d’écoutants (40 agents à temps incomplets).

Au-delà de la gestion du 119, le GIP est responsable de l’accompagnement des adoptants, avec l’Agence française de l’adoption (AFA), et du traitement d’accès aux origines personnelles à travers le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles (Cnaop). Par l’intermédiaire de l’Observatoire national de la protection de l’enfance (ONPE), le GIP remplit également une fonction de production de données statistiques.

Si elles sont minoritaires par rapport aux violences commises dans le milieu familial, les violences dites institutionnelles n’apparaissent pas, au regard des données relatives au Snated, comme étant négligeables. Une étude sur des données de 2021 citée par Anne Morvan-Paris, directrice générale du GIP-FEP, fait état de 450 cas de violences institutionnelles (sur un total de 32 000 situations traités cette année-là), dont « une centaine de signalements impliqu[e]nt des professionnels de l’éducation nationale et du périscolaire », représentant « environ 90 professionnels […] concernés par des actes de violence institutionnelle. Un tiers des cas rapportés concerne des violences psychologiques, suivies par les violences physiques » ([703]). Néanmoins, la directrice générale admet que la part des violences institutionnelles dans le total des violences pourrait être sous-évaluée, dans la mesure où ceux qui connaissent ce dispositif « ne l’associent pas nécessairement aux situations impliquant des enseignants ou des animateurs ayant des comportements violents » ([704]).

Le dispositif se heurte à sa connaissance par les enfants, qui demeure lacunaire ([705]). Comme le montrait le rapport du Sénat précité, s’appuyant sur une enquête de l’association L’Enfant Bleu, « à la question de savoir vers quelle association on peut se tourner en cas de constat de maltraitance d’un enfant, seules 3 % des personnes interrogées ont répondu le 119 » ([706]). Pour renforcer la connaissance de cet outil, la ministre de l’éducation Élisabeth Borne a annoncé, dans le cadre du plan Brisons le silence, agissons ensemble, que l’affichage du numéro 119 ferait l’objet de « contrôles flash ». S’il est nécessaire, cet affichage obligatoire ne semble cependant pas suffisant. Comme l’affirmait Claire Hédon devant la commission, « l’affiche n’a de sens que si l’enfant a entendu parler du 119 à l’école. S’il n’a pas été informé, ce n’est pas une affiche qui suffira à lui indiquer la marche à suivre » ([707]). La formation et la sensibilisation des enfants comme des adultes, dont il a été question, constitueront donc probablement de meilleures armes. Il peut par ailleurs être relevé que la multiplication des numéros d’appels – le 3018 pour le harcèlement et les violences numériques ([708]), le 3114 pour la prévention du suicide, en plus des autres numéros d’urgence – pourrait induire une difficulté quant à leur maîtrise par tous les enfants.

Le Snated pâtit également du grand volume d’appels dont il est destinataire : au cours de l’année 2023, 40 709 sollicitations ont ainsi été traitées ([709]) (contre 37 043 en 2022). Il en résulte des difficultés de traitement préjudiciables à la prévention des violences : des temps d’attente longs, voire l’absence de réponse et la nécessité de rappeler à plusieurs reprises pour joindre un interlocuteur. Le rapport d’enquête sur l’aide sociale à l’enfance fait état de « trop nombreuses invitations à rappeler, en hausse de quasiment 20 % entre 2023 et 2024. Le taux d’invitation à rappeler demeure lui aussi élevé, bien qu’en baisse : il était de 54,8 % en 2021 et de 45,1 % en 2022. Il atteint 42,5 % en 2023 et 42,9 % en 2024 » ([710]). Cette difficulté semble identifiée, comme cela ressort notamment de l’audition d’Anne Morvan-Paris, qui a affirmé travailler « à une réorganisation du service pour améliorer notre capacité de prendre les appels et prioriser les moyens sur les plages les plus sollicitées, avec des cycles de travail et conditions plus attractives » ([711]). Outre l’augmentation des moyens pour recruter des répondants aux appels, le renforcement du tchat accessible en ligne depuis 2021 pourrait également participer d’une amélioration de l’attention portée aux enfants qui s’adressent au service.

Recommandation n° 37 : Conforter les moyens du 119 afin de garantir la prise en charge de tous les appels.             

  1.   Une étonnante absence de communication avec l’éducation nationale

L’absence de communication entre le Snated et l’éducation nationale a surpris les rapporteurs. En effet, à l’heure actuelle, « toutes les alertes vont vers les Crip, qui sont chargées ensuite de faire le lien avec les différents services ou interlocuteurs autour de l’enfant » ([712]). En revanche, en dépit de la convention signée en 2021 entre le Snated et l’éducation nationale ([713]), il n’existe pas, à ce stade, de communication directe avec cette dernière lorsque des signalements relatifs à des violences commises au sein d’un établissement scolaire sont recueillis. L’absence de formalisation des relations avec l’éducation nationale paraît d’autant plus étonnante que les relations du GIP-FEP avec l’enseignement agricole sont, quant à elles, développées, avec une convention abordant « non seulement la communication, mais aussi le traitement des situations » ([714]).

Parmi les conséquences de ce déficit de communication entre les administrations figure l’absence de doctrine unique quant à l’usage, par le personnel des établissements scolaires, du numéro d’urgence. Anne Morvan-Paris a assuré recevoir « de nombreux appels d’enseignants, de proviseurs ou d’infirmières scolaires », conformément, du reste, aux voies de signalement identifiées par la Dgesco ([715]). Dans ces cas, elle a indiqué à la commission que le Snated « les encourag[ait] à utiliser leur circuit de signalement interne, tout en alertant la Crip si nous estimons qu’il y a un danger » ([716]). De fait, le 119, déjà confronté à un important volume d’appels, devrait pouvoir se concentrer sur les signalements émanant des seuls enfants.

Afin de clarifier ces échanges et la marche à suivre pour les personnels des établissements scolaires, un partenariat entre la cellule Signal Éduc dont la création est préconisée par les rapporteurs et le GIP-FEP s’imposerait. Elle prévoirait que tout signalement au 119 relatif à un cas susceptible de concerner directement l’éducation nationale soit transmis à la cellule.

Recommandation n° 38 : Formaliser un partenariat entre la cellule Signal Éduc et le GIP‑France enfance protégée afin que tous les signalements au 119 de violences commises par un membre du personnel d’un établissement scolaire soient transmis à la cellule Signal Éduc.

b.   Les informations préoccupantes : une incompréhension mutuelle entre éducation nationale et départements

  1.   Un dispositif de recueil des informations préoccupantes confié aux départements au titre de la protection de l’enfance

Au titre de la compétence des départements en matière de protection de l’enfance ([717]), un dispositif de recueil des informations préoccupantes (IP) a été formalisé par la loi n° 2007-193 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. En application de ce texte, le président du conseil départemental est ainsi responsable « du recueil, du traitement et de l’évaluation des informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de danger » ([718]) au sein d’une cellule départementale dédiée. L’information préoccupante est définie comme « une information transmise à la cellule départementale [...] pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l’être » ([719]).

Chaque information préoccupante est évaluée par des professionnels tenus, en principe sous trois mois, de proposer une suite à donner : classement, prestation de l’aide sociale à l’enfance ou saisine de l’autorité judiciaire. La suite à donner aux signalements dont les départements sont destinataires est encadrée par l’usage obligatoire du référentiel de la Haute autorité de santé (HAS) ([720]). En tant que lieu de détection des violences intrafamiliales notamment, l’école est l’un des plus importants pourvoyeurs d’IP – la Dgesco, citée par le récent rapport d’enquête sur l’aide sociale à l’enfance évalue cette part à « environ un quart des transmissions d’informations préoccupantes aux présidents des conseils départementaux et des signalements au procureur de la République » ([721]). Mais les relations entre les Crip et l’éducation nationale ne se limitent pas à ce type de violences.

  1.   Des divergences d’interprétation quant aux compétences de chacun

À la grande surprise des rapporteurs, le périmètre des Crip font l’objet de grandes divergences d’interprétation : alors que l’éducation nationale – et l’enseignement catholique, par la voix du Sgec – considèrent que les IP sont un outil permettant de signaler les violences faites aux enfants, qu’elles soient commises dans le cadre familial ou le cadre scolaire, les départements semblent défendre une position inverse, considérant que les violences commises en milieu scolaire ne relèvent que des établissements eux-mêmes et de la hiérarchie académique, et non de la protection de l’enfance. Le président de Départements de France, François Sauvadet, a ainsi très clairement affirmé que « concernant les actes délictueux ou criminels commis par un enseignant ou un personnel de l’éducation nationale, la responsabilité incombe au chef d’établissement », précisant qu’« il est primordial de rappeler que, sauf en cas de défaillance où l’autorité parentale est alors assumée par les départements, le premier protecteur de l’enfant est le parent. Ainsi, si un enfant subit des violences au sein d’un établissement scolaire, c’est en premier lieu au détenteur de l’autorité parentale qu’incombe la responsabilité de le protéger. Je tiens à préciser que les violences faisant l’objet de cette commission d’enquête ne relèvent pas de la compétence des départements » ([722]). Selon lui, « le département n’est concerné que si l’enfant est en danger au sein de sa famille. Les violences commises dans un établissement scolaire par une personne ayant autorité relèvent de la compétence de l’éducation nationale » ([723]).

De fait, les dispositions relatives aux IP envisagent en réalité l’école avant tout comme un acteur de la détection (« les services publics, ainsi que les établissements publics et privés susceptibles de connaître des situations de mineurs en danger ou qui risquent de l’être, participent au dispositif départemental » ([724])) et non comme source possible de maltraitances, celles-ci étant avant tout considérées comme intrafamiliales : il est par exemple prévu, depuis 2016, que « la situation des autres mineurs présents au domicile est également évaluée » ([725]) par les services du département en cas de signalement, ce qui n’a guère de sens pour des violences commises en milieu scolaire.

Dans le même temps, la Dgesco et la DAF indiquent explicitement, dans leurs réponses écrites aux rapporteurs, que « parce que les violences commises en milieu scolaire demeurent du ressort de la protection de l’enfance, le conseil départemental, dont la Crip, reste compétent ». La ministre de l’éducation nationale elle-même, Élisabeth Borne, interrogée sur cette contradiction, a affirmé que « l’information préoccupante adressée à la cellule de recueil départementale reste un vecteur possible pour alerter sur une situation de danger ou de risque pour un mineur » ([726]), tout en soulignant que la règle est d’adresser parallèlement un signalement à la justice. La transmission d’une information préoccupante demeure une recommandation officielle, y compris à l’égard des inspecteurs de l’éducation nationale : elle apparaît par exemple dans la version d’avril 2025 du guide de contrôle, lorsque l’hypothèse de violences en internat est évoquée ([727]). De même, le Sgec a considéré qu’en cas de suspicion de violences au sein d’un établissement, il convenait, de transmettre une IP : « Suivant la gravité, la procédure de signalement conseillée dans le 3PF est, soit une information préoccupante à la Crip, soit un signalement au parquet » ([728]). Les associations de protection de l’enfance, enfin, semblent également préconiser la transmission d’IP : « Nous parlons justement d’information préoccupante, afin qu’ils sachent comment procéder pour signaler les faits dont ils ont connaissance ou dont ils ont été victimes » ([729]).

  1.   Un outil par conséquent peu adapté au signalement des violences commises par des membres du personnel de l’éducation nationale

De cette incompréhension mutuelle découle une gestion défectueuse des IP transmises en lien avec des violences scolaires. Si François Sauvadet a assuré qu’en cas de transmission par un membre du personnel d’un établissement scolaire « nous établissons un dialogue avec le Dasen pour vérifier l’authenticité des faits, nous assurer qu’il en a connaissance et prendre les mesures judiciaires nécessaires » ([730]), force est de constater que les échanges ne sont pas nécessairement fluides.

Les IP sont par ailleurs souvent mal remplies par des personnels insuffisamment accompagnés, les personnels les plus formés à repérer les signaux faibles dans les établissements – assistants sociaux, infirmiers, médecins scolaires – et donc les plus à même de rédiger des IP étant, comme cela a été évoqué, trop peu nombreux. C’est ce dont témoigne le phénomène de la « saisonnalité des IP » identifié par le rapport d’enquête précité, et confirmé par les représentants de Départements de France au cours de leur audition  « le nombre d’IP en provenance de l’éducation nationale a tendance à augmenter juste avant les vacances scolaires » ([731]) –, témoignant d’une certaine incompréhension du dispositif.

La Ciivise relève dans son rapport que « des Crip-EN existent dans certaines académies, remplissant un rôle proche de celui de la Crip pour les informations venant de l’Éducation nationale » ([732]), sans pour autant que les rapporteurs en aient identifiées au cours de leur enquête. Quoi qu’il en soit, une solution de facilité pour traiter les violences commises en milieu scolaire consisterait à élargir explicitement le champ de compétences des Crip pour y diriger l’ensemble des signalements. Pour autant les rapporteurs considèrent, comme la Ciivise, que ce serait un contresens : « Même en partant des meilleures intentions, cela répète les risques précités, en les accentuant : l’inégalité de traitement en s’éloignant du droit commun ; la perte d’efficacité, parce qu’une telle cellule parallèle ne centralise pas comme la Crip des informations de toutes sortes qui peuvent conduire, quand elles sont rassemblées, à considérer qu’un enfant est véritablement en danger ou en risque de l’être ; et un risque d’autocensure, de filtrage des informations qui seront ensuite transmises – ou pas – à la Crip. » ([733]) Il conviendrait plutôt de mettre fin, notamment par l’information des enseignants, à ce mésusage des signalements Crip, ce à quoi concourrait la cellule Signal Éduc préconisée.

c.   D’autres acteurs dont le rôle demeure mal identifié

  1.   Le Défenseur des droits

Le Défenseur des droits dispose d’une compétence pour traiter des réclamations qui lui sont adressées en matière de droits de l’enfant. Il peut être saisi par un large panel d’acteurs : par l’enfant lui-même, ses représentants légaux, un membre de sa famille, un service médical ou social (médecin, infirmière, éducateur, assistante sociale…), une association régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans et se proposant de défendre les droits de l’enfant, ou enfin par un parlementaire français ou européen. Par ailleurs, en cas de mise en cause de l’intérêt supérieur de l’enfant, le Défenseur des droits dispose d’une faculté d’autosaisine.

Pour les traiter, le Défenseur des droits jouit de prérogatives souvent sous-estimées. Si son premier réflexe est de recourir à la médiation, l’institution peut également, lorsque le règlement amiable n’est pas envisageable, mettre en œuvre « des pouvoirs d’investigation et de contraintes. Il peut demander des explications, des informations et des pièces, mais il peut également procéder à des auditions, faire des vérifications » ([734]).

Le Défenseur des droits n’a bien sûr pas vocation à se substituer à l’action pénale, ni même à l’autorité hiérarchique, qu’il avertit lorsque cela n’a pas été fait. Son rôle « n’est pas de déterminer la véracité des violences évoquées, mais de veiller à ce que les autorités compétentes aient pris les mesures nécessaires pour garantir les droits et la sécurité des enfants qui ont dénoncé des violences » ([735]). Or, cette approche institutionnelle pourrait s’avérer particulièrement précieuse compte tenu des multiples défaillances de l’éducation nationale soulignées dans le présent rapport.

En pratique pourtant, les résultats obtenus par le Défenseur des droits semblent limités. Quand bien même il n’a pas vocation à intervenir sur tous les faits de violences, le volume de dossiers traités est, en tout état de cause, faible au regard du volume de faits identifiés. Ainsi, « au mois de mars 2025, 18 dossiers étaient en cours d’instruction au pôle Défense des droits de l’enfant, concernant des violences alléguées de la part d’enseignants ou personnels de direction (un dossier concernait une AESH) » ([736]). Seules dix décisions ont été rendues en la matière depuis 2016 ([737]). Surtout, le rôle du Défenseur des droits n’a jamais été spontanément évoqué par les acteurs auditionnés, ce qui suggère une connaissance insuffisante de son action.

L’action du Défenseur des droits est par ailleurs freinée par le déficit de coopération des administrations publiques et acteurs impliqués dans la protection de l’enfance. Auditionnée par la commission, Claire Hédon, Défenseure des droits, a ainsi dénoncé le fait que l’éducation nationale ne réponde pas à ses demandes en dépit de dispositions organiques qui l’y obligent ([738]), se disant « effrayée du nombre de fois où nous n’obtenons pas de réponses », évoquant un « délit d’entrave » et allant jusqu’à envisager « une démarche pour le faire constater ». La difficulté soulignée par Claire Hédon serait « une spécificité du ministère de l’éducation nationale. L’autre administration auprès de laquelle nous avons également des difficultés à obtenir des réponses est l’administration pénitentiaire. En revanche, nous obtenons des retours de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) ou de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), par exemple, ainsi que du ministère de la santé ou des départements, s’agissant de la protection de l’enfance. Une telle absence de réponse est donc bien spécifique à l’éducation nationale. » Cette observation fait écho à ce que décrit Aude Lorriaux dans un récent ouvrage ([739]) centré sur les violences sexuelles entre élèves : l’éducation nationale est une administration particulièrement peu volontariste sur le sujet des violences commises en milieu scolaire.

Si la Défenseure des droits n’a pas vocation, du fait de ses faibles moyens d’intervention, à recueillir directement les signalements pour des faits de violence, son action mériterait d’être reconnue à la hauteur de la qualité de ses décisions, notamment en matière de droits des enfants.

Les autres missions du Défenseur des droits
en matière de protection des enfants

« Le Défenseur des droits a, en application de l’article 4 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, pour mission de défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France.

« En matière de promotion des droits de l’enfant, il présente chaque année au Président de la République, au président de l’Assemblée nationale et au président du Sénat un rapport consacré aux droits de l’enfant, et peut publier ponctuellement d’autres rapports sur des thématiques spécifiques. Le Défenseur des droits est également chargé du suivi de l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant et présente dans ce cadre un rapport, tous les 5 ans, au Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations Unies sur la mise en oeuvre de la convention par l’État français. Il sensibilise également les enfants et les jeunes à leurs droits via les programmes JADE (interventions de volontaires aux services civiques auprès des jeunes) et Educadroit (mise à disposition d’outils pédagogiques » (1).

(1)    Réponses écrites de la Défenseure des droits.

  1.   Le collège de déontologie et le médiateur de l’éducation nationale

Si le médiateur de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur n’a jamais été évoqué au cours des auditions de la commission, il a pourtant vocation à jouer un rôle dans le recueil des signalements émanant de lanceurs d’alerte relevant du ministère de l’éducation nationale.

L’établissement d’une procédure interne de recueil des signalements émanant de lanceurs d’alerte est une obligation pour un certain nombre d’entités, parmi lesquelles les administrations publiques depuis la loi de 2016 ([740]). Si elle ne vise pas spécifiquement le recueil de signalements relatifs à des faits de violence ou à des suspicions de tels faits, cette procédure peut en recueillir. Depuis 2018 ([741]), et suivant une procédure modifiée en février 2025 ([742]), le collège de déontologie institué au sein des ministères chargés de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports est l’organe responsable de la mise en œuvre de la procédure interne de recueil et de traitement des signalements pour, notamment, les services déconcentrés relevant du ministère et les établissements publics locaux d’enseignement. Un récent arrêté prévoit qu’il « est également chargé de mettre en œuvre cette procédure pour les maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat d’association relevant du ministre chargé de l’éducation nationale » ([743]).

Le guide du lanceur d’alerte du Défenseur des droits rappelle que la saisine d’une autorité interne, si elle n’est jamais obligatoire – il est toujours possible de procéder à un signalement externe – est ouverte aux personnes étant ou ayant été « dans un rapport professionnel avec la structure mise en cause » ([744]). Elle est recommandée aux lanceurs d’alerte du ministère dès lors qu’elle ne les expose pas à des mesures de représailles, et en l’absence de risque de destruction de preuves.

À défaut, ou en cas d’absence de réponse notamment, le lanceur d’alerte est encouragé à procéder à un signalement externe, qui peut notamment être adressé « au Défenseur des droits, en vue d’une orientation de [la] demande vers l’autorité compétente », à l’autorité judiciaire ou à l’autorité externe désignée cette fin. Pour l’éducation nationale, cette autorité est le médiateur de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ([745]). Initialement conçu, depuis sa création en 1998, comme les médiateurs académiques et leurs correspondants, pour recevoir « les réclamations concernant le fonctionnement du service public de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur dans ses relations avec les usagers et ses agents » ([746]), il s’est vu confier, en 2022, ce nouveau rôle ([747]), avec une compétence à l’égard des écoles et établissements tant publics que privés sous contrat.

Le nombre de faits signalés au médiateur au titre de la procédure lanceur d’alerte apparaît faible, bien qu’en augmentation récente. D’après les données transmises aux rapporteurs, « en 2023, 8 signalements au titre des lanceurs d’alerte ont été reçus dont aucun ne portait sur des violences physiques ou sexuelles » ([748]). Les mêmes données pour 2024 faisaient état de 11 signalements dont un portant sur des faits de violences. « En 2025, 22 signalements ont été reçus au 5 mai. 11 portent sur des violences dans des établissements scolaires : 4 dans des établissements privés dont 2 hors contrat, 6 dans des établissements publics, 1 non précisé. 8 des 11 signalements concernent des faits qui se sont produits dans des écoles » ([749]).

Si cette voie de signalement offre des garanties attachées aux signalements des lanceurs d’alerte (voir infra), elle ne semble pas devoir prospérer, les violences scolaires devant être traitées par des interlocuteurs suffisamment spécialisés. En revanche, la cellule Signal Éduc préconisée par les rapporteurs pourrait être reconnue comme autorité externe de signalement des agents du ministère, facilitant leur protection dans des conditions qui seront décrites ultérieurement.

Recommandation n° 39 : Désigner la cellule Signal Éduc comme autorité pouvant recueillir les signalements des lanceurs d’alerte en matière de violences commises par des adultes sur des élèves en milieu scolaire et recentrer le rôle du collège de déontologie et du médiateur de l’éducation nationale sur le recueil des autres signalements et leurs autres missions.

  1.   Des signalements insuffisamment pris en compte, et des sanctions contre certains lanceurs d’alerte

a.   Les signalements, des bouteilles à la mer ?

  1.   Une absence de retour d’information à la suite de signalements à la justice

En aval des signalements, les difficultés de traitement dissuadent également les personnels d’y recourir.

En cas de signalement à la justice au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, « le procureur de la République avise les plaignants et les victimes si elles sont identifiées, ainsi que les personnes ou autorités mentionnées au deuxième alinéa de l’article 40, des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement » ([750]).

Cette obligation d’information inclut le fait, comme le souligne la DACG, que le procureur de la République doive également « les informer de l’éventuel classement sans suite de la procédure en indiquant les raisons juridiques ou d’opportunité qui la justifient » ([751]).

Par ailleurs, une obligation d’information est également prévue à l’article L. 226-4 du code de l’action sociale et des familles, aux termes duquel « le procureur de la République informe dans les meilleurs délais le président du conseil départemental des suites qui ont été données à sa saisine », si telle est l’autorité à l’origine du signalement.

Cette information de l’autorité émettrice du signalement est en pratique largement lacunaire. Dans de nombreux cas, aucun retour n’est adressé alors que dans d’autres cas, ce sont à des retours très tardifs que sont confrontés les différents types de personnel. Laurence Gourdon (UNETP) insistait ainsi « sur la difficulté majeure que constitue l’absence de retour consécutif à nos déclarations, que ce soit de la part du procureur ou des services de police » ([752]). Laurent Kaufman (CFDT) évoquait « un point particulièrement frustrant dans notre quotidien : le manque de retour d’information […]. Les retours sont parfois très lents en raison du temps nécessaire à la justice pour fonctionner et du manque criant de personnels dans le secteur de l’ASE » ([753]).

Ce déficit d’information peut, en première analyse, s’expliquer par le manque de moyens, qui rend tout aussi difficile l’information des plaignants et victimes, qui y sont régulièrement confrontés en cas de classement sans suite ([754]). Néanmoins, cette carence peut également relever d’une démarche en partie volontaire de l’autorité judiciaire. Interrogé sur cette question, Olivier Caracotch, procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon, auditionné au nom de la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR), a affirmé que « nous faisons parfois preuve d’une certaine réticence, par crainte du risque d’instrumentalisation. Lorsqu’une révélation ne suit pas la voie hiérarchique habituelle – direction de l’enseignement diocésain pour l’enseignement catholique, DSDEN (direction des services départementaux de l’éducation nationale) –, nous nous demandons toujours si la justice ne va pas être instrumentalisée, ce qui ne signifie toutefois pas que l’enquête n’est pas menée. Cependant, si l’enquête aboutit à un classement sans suite, il est probable que nous ne pensions pas à en informer la personne à l’origine du signalement, car elle n’est ni partie à la procédure, ni mise en cause, ni victime. De plus, il existe une appréhension que l’information fournie puisse être utilisée à des fins prud’homales ou devant le tribunal administratif » ([755]).

Or, ce déficit de retour d’information peut s’avérer lourd de conséquences, d’abord parce que, comme l’ont souligné certains représentants syndicaux de l’enseignement public, il peut dissuader les différents types de personnel de signaler des faits à la justice. Cet effet dissuasif tient notamment au sentiment de perte de contrôle qui risque toujours de s’attacher aux signalements, et que le Conseil d’État évoquait dans son étude de 2016 : était considéré comme source de réticence le fait que « les agents [puissent] redouter de perdre la maîtrise de leurs dossiers en cas de transmission au procureur de la République et privilégient des voies de traitement internes » ([756]).

  1.   Une absence de retour également généralisée pour les autres voies de signalement

Cette absence de retour n’est pas propre à l’autorité judiciaire. Elle prévaut également en matière d’IP. Le Snated lui-même, pourtant pourvoyeur de 20 % des IP ([757]) n’est ainsi pas systématiquement informé de l’ensemble des suites données à ses signalements, ce déficit d’information étant susceptible de concerner des violences institutionnelles. Anne Morvan-Paris a ainsi expliqué que « concernant les violences institutionnelles, une enquête a été menée pour évaluer le suivi. Nous n’avons reçu qu’un tiers environ de réponses des Crip, ce qui est relativement faible » ([758]). Ce même problème a été soulevé par les représentants syndicaux de l’enseignement public, à l’image de Brice Castel (FSU), qui évoquait des « retours prévus par les protocoles en vigueur, mais [une] application [qui] reste très variable. J’ai personnellement reçu des "fiches navettes" de retour, bien que cela soit rare et souvent lacunaire » ([759]).

L’absence de retour n’échappe pas non plus, paradoxalement, aux signalements effectués auprès du chef d’établissement, pourtant échelon de proximité. C’est notamment ce dont témoignent de nombreux enseignants en réponse au sondage précité réalisé par la CGT-EP : « Les processus sont très flous pour nous, enseignants. La direction nous demande un rapport mais nous ne savons pas ce qu’il se passe derrière, alors que nous aurions besoin d’avoir un retour... » ; « au sujet de suspicion de violences faites à l’encontre des élèves, j’en réfère au chef d’établissement et compte sur son devoir d’agir en tant responsable d’une institution. Mais que savons-nous réellement des suites données ? » ; « quand on fait un signalement nous n’avons aucun retour sur les procédures donc on ne sait pas ce qui est fait ou non fait. » Les améliorations envisagées de Faits établissement, qui pourrait à l’avenir inclure les suites données aux signalements enregistrés par les chefs d’établissement, pourraient participer d’une meilleure information des personnes qui en sont à l’origine.

Recommandation n° 40 : Informer toute personne signalant à la justice des faits de violences commis sur un enfant de la bonne réception de son signalement. S’agissant des signalements effectués par la voie hiérarchique à l’éducation nationale, informer la personne ayant signalé les faits des suites données à son signalement (autorité à laquelle le signalement a été transmis et modalités de transmission, ouverture d’une enquête, conclusion de la procédure).

b.   Des lanceurs d’alerte trop souvent attaqués, qui font désormais l’objet de protections encore très théoriques

  1.   Les représailles contre les lanceurs d’alerte : une réalité fréquente d’hier à aujourd’hui

À l’occasion de leurs travaux, les rapporteurs ont à de nombreuses reprises été confrontés à des situations où des lanceurs d’alerte – en réalité, le plus souvent des lanceuses d’alerte, puisqu’il s’agissait systématiquement de femmes – déclarent avoir subi, à différentes époques, de lourdes répercussions sur leur vie personnelle et professionnelle. Cette répression des lanceurs d’alerte, quelle qu’en soit sa forme, contribue assurément à étouffer les signalements et, finalement, à entretenir l’omerta : comme l’observe la Ciivise, « la protection des adultes protecteurs » ([760]) est une condition indispensable pour pouvoir accéder à la parole des enfants victimes, sur lesquels pèse trop souvent la responsabilité de « prendre le risque de ne pas être protégé[s] » ([761]). Certains cas ont jalonné le présent rapport : Françoise Gullung, à Bétharram, victime de menaces allant de tentatives de mutations forcées à des atteintes physiques, vivement mise en cause par François Bayrou lors de son audition ; Françoise Szulc, à Riaumont, qui, après son initiative, a subi insultes et menaces par courrier ; Françoise Caballé, du collège Saint-Jacques de Joigny, démise de ses fonctions par la tutelle diocésaine ; ou encore les deux enseignantes du collège Saint-Jean de Pélussin qui se sont heurtées au déni en dépit de la culpabilité du directeur reconnue par la justice.

Au-delà de ces cas, il ne semble pas rare que les lanceurs d’alerte déclarent subir aujourd’hui encore des pressions diffuses, qui peuvent passer par des mesures de rétorsion plus insidieuses. La Ferc-CGT mentionne parmi les représailles possibles : « Si personnels de droit privé : risque de perte d’emploi, de placardisation, de pressions au quotidien, d’être poussé à la faute. Si personnel de droit public : pression sur l’organisation du travail, complication de métier, "blacklistage" dans les mutations et les promotions, incitation à changer d’établissement. » ([762])

Il est notable que ces mesures sont plus dissuasives encore pour les personnels fragiles et précaires, qui prennent réellement des risques importants en signalant des dysfonctionnements. Pour Valérie Ginet (FEP-CFDT) : « Le coût personnel d’un signalement est souvent élevé, particulièrement dans l’enseignement privé où l’on trouve davantage de personnels précaires, de maîtres délégués, et un important turnover parmi les personnels de droit privé. Ces facteurs constituent un frein réel aux signalements » ([763]), comme l’a également souligné la Ferc-CGT, citant dans l’enseignement public « les AESH et enseignants non titulaires » ([764]).

La crainte de répercussions est toujours forte, les mêmes mécanismes de « silenciation » se perpétuant inlassablement, non sans la complicité, consciente ou non, de l’éducation nationale. C’est ce que les rapporteurs ont pu observer dans le cas cité plus haut de l’affaire Pascal V. au lycée Pierre Bayen, à Châlons-en-Champagne, où Mme Jacquard., professeure au lycée, a été confrontée au déni d’une proviseure ayant pris le parti de l’enseignant mis en cause, alors que ses signalements étaient attribués à de prétendues motivations carriéristes de la lanceuse d’alerte. La lettre de transmission de l’enquête administrative menée par l’IGESR fait ainsi état d’« une erreur d’appréciation sur l’enseignante "lanceuse d’alerte" qui a conduit à l’occultation des faits qu’elle signalait et à la décision préjudiciable prise collectivement de ne pas la recevoir ». Par la suite, et si le rectorat s’en défend aujourd’hui, la lanceuse d’alerte a été incitée à choisir une mutation qu’elle a vécue comme subie, ainsi qu’elle l’a confié aux rapporteurs lors de leur contrôle sur pièces et sur place.

Le cas, déjà évoqué, de l’Immaculée Conception de Pau est symptomatique de ces phénomènes encore bien prégnants : la FEP-CFDT, après s’être publiquement satisfaite de la sanction du chef d’établissement, a été qualifiée de « cinquième colonne » par le collège employeur ([765]), qui a par ailleurs refusé de poursuivre des négociations de branche avec les organisations syndicales.

  1.   Un cadre juridique protecteur récemment fixé, mais manifestement méconnu

Les lanceurs d’alerte disposent d’une définition juridique complète et d’un cadre protecteur depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui les définit comme toute « personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général ». Ce cadre n’étant pas fixé spécifiquement pour les fonctionnaires, il est applicable à tous les personnels des établissements scolaires, indépendamment de leur statut.

Pour bénéficier des protections attachées au statut de lanceur d’alerte, il convient de passer par les autorités interne ou externes ([766]) citées plus haut. Le médiateur n’est toutefois pas la seule autorité à pouvoir recueillir les signalements au titre de la voie externe : s’y ajoutent le Défenseur des droits et le procureur de la République. Les personnels procédant à un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale peuvent donc être protégés en tant que lanceurs d’alerte.

En pratique, le Défenseur des droits peut « certifier » les personnes qui ont lancé une alerte dans les conditions prévues par la loi, et leur adresser un document qui leur rappelle les protections liées au statut. Parmi ces dernières, il peut adresser des recommandations à l’employeur auteur de représailles ou encore formuler des observations en justice lorsque ces représailles sont contestées devant le juge. Par la suite, il permet notamment aux personnels victimes de représailles de bénéficier d’un aménagement de la charge de la preuve ([767]). Ce cadre a été renforcé, par la loi n° 2022‑401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte, qui comporte notamment la disposition selon laquelle « aucun agent public ne peut faire l’objet d’une mesure concernant le recrutement, la titularisation, la radiation des cadres, la rémunération, la formation, l’appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, le reclassement, la promotion, l’affectation, les horaires de travail ou la mutation » ([768]) pour avoir signalé des faits dans le cadre précité.

Pourtant, les rapporteurs regrettent que le cadre juridique de protection des lanceurs d’alerte n’ait quasiment pas été évoqué par les administrations et acteurs auditionnés, témoignant d’une méconnaissance de ce dispositif ([769]) à laquelle contribue la faible publicité qui en est faite par les entités responsables de ces procédures. Pire, plusieurs acteurs ont appelé à établir un cadre de protection, qui existe pourtant déjà, appelant par exemple à « renforcer la protection juridique des personnels signalants » ([770]). Les rapporteurs ne peuvent ainsi que reprendre à leur compte les observations de la Défenseure des droits selon laquelle « il apparaît que les règles de protection des lanceurs d’alerte comme celles qui permettent la prise en charge de leurs signalements doivent être davantage promues et mises en avant par les pouvoirs publics. Sans communication sur le droit des lanceurs d’alerte, celui-ci ne sera pas mobilisé par ceux qu’il entend protéger ou trop tardivement, après d’éventuelles représailles » ([771]). Pour faire connaître ce cadre au sein des établissements scolaires, un affichage systématique pourrait être prévu sur le modèle du 119.

Recommandation n° 41 : Procéder à un affichage systématique dans toutes les écoles et tous les établissements scolaires publics comme privés de la procédure, commune à l’ensemble des personnels quel que soit leur statut, permettant la protection des lanceurs d’alerte.

C.   face AUX CAS DE VIOLENCES POTENTIELS OU AVÉRÉS, LA NÉCESSITÉ POUR L’ÉDUCATION NATIONALE DE PRENDRE SES RESPONSABILITÉS

Si la réponse pénale aux violences commises envers des enfants relève de la responsabilité de l’autorité judiciaire, le ministère de l’éducation a également un rôle à jouer en tant qu’autorité disciplinaire et garant de la sécurité de ses élèves. Pour ces raisons, c’est au ministère qu’il revient, indépendamment des améliorations qui pourraient intervenir dans le traitement judiciaire, de prendre ses responsabilités en matière conservatoire et disciplinaire. Il ne pourra à cet égard plus faire l’économie d’une réforme de sa politique d’inspection.

  1.   Les contraintes et délais d’action de la justice impliquent de ne pas se reposer uniquement sur elle pour garantir la protection des enfants en milieu scolaire

a.   Des possibilités d’échanges d’informations judiciaires limitées

Le cadre juridique régissant les échanges entre l’autorité judiciaire et l’administration résulte de la loi de 2016 ([772]), dont le contexte d’élaboration a été évoqué supra. Face au constat d’une formalisation insuffisante qui fragilisait la pratique des magistrats, le texte établit précisément les cas de partage d’informations facultatifs et obligatoires.

En premier lieu, la loi instaure un régime général et facultatif d’information des parquets vis-à-vis de l’administration, prévu à l’article 11-2 du code de procédure pénale. Aux termes de celui-ci, « le ministère public peut informer par écrit l’administration des décisions suivantes rendues contre une personne qu’elle emploie, y compris à titre bénévole, lorsqu’elles concernent un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement :  La condamnation, même non définitive ; 2° La saisine d’une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d’instruction ; 3° La mise en examen. ». La loi précise que « le ministère public ne peut procéder à cette information que s’il estime cette transmission nécessaire, en raison de la nature des faits ou des circonstances de leur commission, pour mettre fin ou prévenir un trouble à l’ordre public ou pour assurer la sécurité des personnes ou des biens […] ».

Alors que les échanges entre les parquets et l’éducation nationale étaient auparavant peu encadrés, ce qui se traduisait logiquement – malheureusement – par des failles importantes dans la transmission des informations, cette faible formalisation avait au moins l’avantage, pour les services du parquet de leur permettre, s’ils le souhaitaient, d’avertir précocement et selon des modalités plus souples l’éducation nationale en cas de mise en cause d’un membre de son personnel. Or, les rapporteurs ont été alertés sur un effet pervers de la loi de 2016, qui aurait contraint les parquets à ne pouvoir partager d’informations que plus tardivement. La DACG, citant la dépêche du 15 avril 2016 ([773]), indique qu’« il découle de l’article 112 du code de procédure pénale qu’aucune information ne peut être délivrée en l’absence de poursuites et, notamment, en cours d’enquête, au stade de la garde à vue ou de l’audition libre d’une personne » ([774]). Cette disposition vise légitimement à préserver le secret de l’enquête et la présomption d’innocence, qui doivent toujours être gardés à l’esprit ; toutefois, elle peut s’avérer préjudiciable pour l’efficacité de la réponse administrative, puisqu’un délai important peut, en pratique, s’écouler avant la mise en examen – même si une mesure de placement sous contrôle judiciaire donnant lieu à l’information obligatoire de l’administration peut être prise avant.

En second lieu, est institué un régime d’information spécifique à la protection des mineurs, obligatoire celui-là, prévu par l’article 706-47-4 du code de procédure pénale. Cet article prévoit que « le ministère public informe par écrit l’administration d’une condamnation, même non définitive, pour une ou plusieurs des infractions mentionnées au II du présent article ([775]), prononcée à l’encontre d’une personne dont il a été établi au cours de l’enquête ou de l’instruction qu’elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l’exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l’administration. Il informe également par écrit l’administration, dans les mêmes circonstances, lorsqu’une personne est placée sous contrôle judiciaire et qu’elle est soumise à l’obligation prévue au 12° bis de l’article 138 [c’est-à-dire à l’obligation de ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs] ».

Lorsque les personnes concernées exercent « une activité dans une école publique ou privée, un établissement d’enseignement du second degré public ou privé […] ou un service de l’éducation nationale », l’autorité à avertir est « le recteur ou le vice-recteur d’académie » ([776]), qui se charge de répercuter l’information à l’établissement ([777]).

Compte tenu de la sensibilité des informations partagées, la loi prévoit un certain nombre de garde-fous : limitation des infractions pouvant donner lieu à un partage d’informations, utilisation du support écrit, confidentialité de la communication, information simultanée de la personne concernée et information de l’autorité destinataire sur l’issue définitive de la procédure. Lorsque la procédure se conclut par une décision de non-culpabilité, l’information doit par ailleurs être effacée.

b.   En pratique, des échanges hétérogènes et une réponse judiciaire insuffisante

  1.   Une qualité des échanges hétérogène

Si le cadre juridique instauré en 2016 a tendu à homogénéiser le partage d’informations, notamment dans son volet obligatoire, une partie des échanges entre les parquets et les services de l’éducation nationale demeure, en pratique, tributaire de conventions locales.

Les circuits d’information sont formalisés par les conventions conclues par les parquets et les services déconcentrés de l’éducation nationale, auxquelles appelait déjà une circulaire en 2005 ([778]), mais dont tous les parquets ne disposent pas encore. En 2023, « 73 % des parquets avaient conclu des protocoles avec l’éducation nationale afin de structurer les liens et de formaliser les circuits d’information et de signalement des violences faites aux mineurs tandis que 14 % des parquets étaient en cours de conclusion de tels protocoles » ([779]).

Ces conventions n’incluent par ailleurs pas systématiquement les mêmes acteurs : à titre d’exemple, alors que la convention conclue dans le département de la Côte-d’Or comprend la signature du préfet et de la directrice régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (Draaf) pour l’enseignement agricole, celle de la Marne se limite à une relation bipartite entre le parquet et la direction académique des services de l’éducation nationale. Si la première inclut les établissements privés, à travers la signature de la direction diocésaine de l’enseignement catholique, tel n’est pas le cas de la seconde.

Pour ce qui concerne l’enseignement privé, le réseau catholique est parfois signataire de ces conventions à travers ses directions diocésaines, mais il peut également disposer de protocoles spécifiques. La DACG indique que, « au 2 octobre 2024, 84,52 % des parquets avaient conclu un protocole avec les diocèses » ([780]).

Au-delà des conventions, il a été signalé aux rapporteurs que la qualité des échanges dépendait également, le plus souvent, de la celle des relations interpersonnelles, et qu’elle pouvait donc évoluer significativement au gré des mutations des responsables concernés.

Outre sa variabilité en fonction des territoires, la qualité des échanges semble généralement perfectible. La DAJ du ministère de l’éducation nationale précise ainsi que certaines académies ont « fait part des difficultés qu’elles rencontrent pour obtenir des informations de la part du parquet » ([781]). En particulier, les parquets ne semblent pas systématiquement transmettre à l’administration de l’éducation nationale les jugements, si bien que la DGRH est « obligée de prendre directement l’attache d’un parquet pour obtenir le jugement ou des informations complémentaires, ce qui n’est pas toujours suivi d’effets » ([782]). Or, cette absence de transmission des documents, en dépit des obligations légales, freine l’autorité hiérarchique dans l’adoption de mesures conservatoires ou disciplinaires, dont l’efficacité dépend souvent de leur adoption rapide. Une fois les jugements rendus, les services du ministère constatent que « certains étant assez laconiques, des précisions sur la nature des faits ayant entraîné la condamnation sont parfois nécessaires pour déterminer le quantum approprié de la sanction disciplinaire » ([783]).

La poursuite d’une meilleure communication est donc un impératif, y compris pour mieux informer l’autorité à l’origine du signalement. Y contribuent des initiatives dont ont pris connaissance les rapporteurs, telles que les réunions annuelles réunissant le procureur et les chefs d’établissement – et non les seuls services du rectorat – y compris de l’enseignement privé.

  1.   Des délais et un taux de classement sans suite trop importants

Si comme l’observe la DACG, « le délai moyen de traitement des signalements ne constitue pas nécessairement un indicateur éclairant sur la qualité de l’action judiciaire, le procureur de la République ajust[ant] le degré d’urgence du traitement judiciaire à la gravité des faits dénoncés, la nécessité de protéger l’enfant, le risque de réitération, la complexité de la procédure et de l’enquête à diligenter » ([784]), quelques exemples de délais peuvent tout de même être donnés : le temps moyen d’enquête, qui ne débute qu’après un délai parfois long entre les faits et leur révélation ([785]), était par exemple, dans le périmètre des faits étudiés par la Ciivise, « de 10 mois pour les viols et de 9,7 mois pour les agressions sexuelles à compter de la plainte ou de la dénonciation. Mais ce délai peut être supérieur dans les ressorts où il existe d’importants stocks de procédures en souffrance et, par conséquent, des retards de traitement » ([786]). Bien que la question de la réponse judiciaire ne soit pas placée au cœur du présent rapport, la nécessité pour la justice de disposer de moyens lui permettant de réduire les délais de traitement de ces affaires est soulignée par les rapporteurs. De même, une priorisation systématique du traitement des affaires de violences commises contre des enfants pourrait permettre de réduire les délais de traitement et, partant, assurer une protection plus efficace.

Outre les délais, il faut relever que le taux de classement sans suite s’avère élevé, en particulier en matière de violences sexuelles, le plus souvent au motif d’une insuffisante caractérisation. Selon les données fournies par la DACG, « en 2023, 30 057 personnes ont été orientées pour au moins une infraction d’infraction sexuelle sur mineur. 21 408 d’entre eux, soit 70,2 %, ont donné lieu à un classement sans suite au motif que l’infraction n’était pas juridiquement poursuivable. Dans la très grande majorité des cas (15 888 personnes concernées) c’est en raison du fait que le procureur de la République a estimé que l’infraction dénoncée était insuffisamment caractérisée ce qui est en pratique lié à l’insuffisance des éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête ». Dans son rapport, la Ciivise soulignait déjà que le motif d’insuffisante caractérisation représentait jusqu’à « 66 % des motifs de classement sans suite de ces affaires quand elles sont "non poursuivables" – soit un taux trois fois supérieur à celui relatif à l’ensemble des affaires pénales (22 %) ».

Dès lors, s’il appartient à la justice de prononcer, le cas échéant dans le cadre d’un contrôle judiciaire, en amont d’une éventuelle condamnation, des mesures immédiates de protection des mineurs, ces limites impliquent de ne pas compter sur la seule autorité judiciaire, mais sur la complémentarité de cette dernière avec les mesures administratives qui peuvent être prises à des fins préventives. De même, la qualité des échanges avec la justice pourrait être améliorée, mais les rapporteurs considèrent qu’il appartient surtout à l’éducation nationale de prendre ses responsabilités en mobilisant les nombreux outils dont elle dispose pour intervenir.

2.   Des mesures conservatoires et disciplinaires qui pourraient gagner en efficacité

a.   Les suspensions conservatoires : un moyen de protection immédiate qui se heurte à de nombreuses réticences

  1.   Des possibilités étendues

En cas de violences ou de suspicion de violences commises par un adulte encadrant sur un enfant en milieu scolaire, s’agissant d’une faute grave, l’autorité hiérarchique peut prononcer la suspension de la personne mise en cause, dans le but de protéger les élèves.

S’agissant des enseignants et des personnels de l’enseignement public, les règles sont communes à l’ensemble des agents publics : l’« auteur d’une faute grave, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline » ([787]). L’autorité dotée du pouvoir disciplinaire – l’inspecteur académique-Dasen pour le premier degré, le recteur pour le second degré – n’est néanmoins pas tenue par la proposition formulée par le conseil.

Si la durée de la suspension est en principe de quatre mois ([788]), elle peut être prolongée dans l’hypothèse où des poursuites pénales seraient en cours et si « les mesures décidées par l’autorité judiciaire ou l’intérêt du service […] font obstacle » ([789]) à la réintégration. En ce cas, il est tout à fait possible de ne pas réintégrer immédiatement l’agent public à l’issue de cette période ([790]), ce dont peu d’acteurs semblent néanmoins avoir conscience. En pratique, des arrangements sont trouvés : comme le relevait le rapport du Sénat précité, « il est rare que la situation des agents soit tranchée à l’issue de cette période, ce qui donne lieu à de nouvelles affectations, parfois constitutives d’une "suspension de fait"  c’est notamment le cas pour des professeurs affectés sur zone de remplacement mais qui ne sont jamais appelés. Dans d’autres cas, les agents se placent eux-mêmes en congé maladie » ([791]). Que la situation soit ou pas tranchée, il appartient en tout cas à l’autorité judiciaire et à l’éducation nationale de s’assurer de la bonne transmission de l’information de l’existence ou pas de poursuites, qui conditionne donc la possibilité de prolonger une mesure conservatoire.

Recommandation n° 42 : Systématiser les échanges d’information entre éducation nationale et justice, en particulier quand une mesure conservatoire a été prise et que se pose la question de sa prolongation.

S’agissant des maîtres contractuels et agréés (stagiaires compris), des possibilités de suspension sont également prévues en cas de faute grave, qui suivent un régime proche des enseignants du public – notamment s’agissant de la durée –, avec une spécificité néanmoins puisque l’initiative doit venir du chef d’établissement ([792]). La suspension conservatoire fonctionne selon des règles similaires pour les maîtres délégués et est alors prononcée par l’autorité « ayant le pouvoir de procéder au recrutement » ([793]). Pour un personnel de direction d’établissements d’enseignement public, elle est prononcée par le ministre de l’éducation nationale ([794]). En revanche, les mesures conservatoires susceptibles d’être mise en œuvre contre les autres personnels de droit privé, notamment dans les établissements privés hors contrat, relèvent des règles du code du travail, la mesure étant alors prise par l’employeur.

Pour justifier l’adoption d’une mesure de suspension, les faits imputés à l’intéressé doivent présenter « un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité » ([795]). L’exactitude matérielle des faits retenus à l’encontre d’un agent n’est donc pas requise, contrairement à ce qui est exigé en matière de sanctions disciplinaires.

Concernant l’utilisation de ces mesures en matière de violences scolaires, la doctrine est notamment fixée par la circulaire de 2001 relative à la protection du milieu scolaire et à la lutte contre les violences sexuelles, aux termes de laquelle « dès lors qu’il apparaît que des faits répréhensibles ont été commis ou si une procédure pénale a été engagée, une mesure de suspension immédiate doit être prise à l’égard du fonctionnaire en cause » ([796]).

D’autres mesures conservatoires peuvent être prises, mais sont plus rares : ainsi, « s’il y a urgence, et notamment en cas de menace ou d’action contre l’ordre dans les enceintes et locaux scolaires de l’établissement », le chef d’un établissement public a notamment la faculté d’interdire l’accès à ces lieux à toute personne relevant de l’établissement ([797]).

  1.   Des réticences à mobiliser ce levier

D’un point de vue quantitatif, les rapporteurs n’ont pas pu disposer de données sur les mesures conservatoires prises à l’encontre de personnels des écoles et établissements publics et privés. À la demande de statistiques précises sur le nombre de mesures adoptées sur une année pleine, les services de l’éducation nationale ont répondu ne pas être en mesure de les fournir : « La DGRH n’en dispose pas, dans la mesure où ce sont les autorités des services déconcentrés qui ont compétence pour décider d’une suspension de fonctions à titre conservatoire. À ce jour, les enquêtes ne permettent pas de remonter ce type d’information » ([798]). Sans surprise, ce bilan n’est a fortiori pas disponible pour les établissements privés : « La sous-direction de l’enseignement privé (DAF) ne dispose […] pas d’un recensement exhaustif de l’ensemble des mesures conservatoires prises chaque année contre des personnels éducatifs » ([799]). Le nombre de suspensions conservatoires décidées à la suite des seuls faits de violences sexuelles avait pu être recensé par le passé, notamment par le premier rapport annuel de la mission de prévention des violences sexuelles en milieu scolaire, en 1998-1999, qui faisait alors état de 63 agents suspendus sur les affaires nouvelles survenues, soit un total de 48 % des mis en cause. Une telle remontée d’information, élargie à l’ensemble des faits de violences commis par des adultes sur des élèves, pourrait s’avérer utile. Un bilan serait, aujourd’hui encore, utile, notamment pour évaluer le recours à ce type de mesures. Si une telle évaluation est difficile en l’absence de données, certains personnels ont témoigné d’une frilosité de l’administration en la matière. Hélène Insel, rectrice de la région académique Bretagne, rectrice de l’académie de Rennes, a relevé une évolution dans la perception de ces mesures : « Ces dernières années, j’ai pu observer que les personnels et les organisations syndicales craignent que la mesure conservatoire soit lue comme une mesure disciplinaire » ([800]).

La mesure de suspension, en tant qu’elle éloigne physiquement le membre du personnel suspecté, peut même être considérée par les autres personnels comme une preuve de culpabilité, ce qu’elle n’est en aucun cas. C’est ainsi la présomption d’innocence qui a été invoquée par le recteur de l’académie de Reims pour ne pas mettre en œuvre de mesures conservatoires à l’encontre de Pascal V., au lycée Pierre Bayen. La manière dont la suspension sera finalement notifiée à l’enseignant – après deux ans de tergiversations – illustre l’absence de maîtrise de la procédure : la direction des ressources humaines a affirmé vouloir convoquer Pascal V. pour « entendre sa version » ([801]) alors qu’il s’agissait en réalité de lui notifier sa suspension, la phase contradictoire n’intervenant qu’en cas de procédure disciplinaire.

Les rapporteurs soulignent à l’inverse que le recours à de telles mesures doit être encouragé, dans l’intérêt tant des victimes potentielles que des personnes mises en cause.

Recommandation n° 43 : Rappeler aux autorités hiérarchiques que les mesures conservatoires doivent être prises sans attendre le déclenchement ou la conclusion d’une procédure judiciaire, dès lors que les violences signalées apparaissent vraisemblables.

b.   Les sanctions disciplinaires, des outils parfois mal compris

  1.   Un cadre juridique qui permettrait à l’éducation nationale de prendre des sanctions à l’égard de ses agents, mais également de toute personne exerçant dans un établissement scolaire

Des sanctions disciplinaires peuvent être prises, en complément ou indépendamment d’éventuelles sanctions pénales, à l’encontre des personnels d’établissements scolaires qui se rendraient coupables de violences. Concernant d’abord les personnels des écoles et établissements d’enseignement publics, les sanctions disciplinaires, prises après avis du conseil de discipline, sont les mêmes que pour les autres fonctionnaires et relèvent du droit commun de la fonction publique. Elles sont réparties en quatre groupes et couvrent un large panel.

Grille des sanctions pour les personnels des écoles
et établissements scolaires publics (*)

Premier groupe

a) L’avertissement ;

b) Le blâme ;

c) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours.

Deuxième groupe

 

a) La radiation du tableau d’avancement ;

b) L’abaissement d’échelon à l’échelon immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire ;

c) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ;

d) Le déplacement d’office dans la fonction publique de l’État.

Troisième groupe

 

a) La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l’échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l’échelon détenu par le fonctionnaire ;

b) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans.

Quatrième groupe

a) La mise à la retraite d’office ;

b) La révocation.

Source : Commission des affaires culturelles et de l’éducation.

(*) : Voir l’article L. 533-1 du code général de la fonction publique. 

Pour les personnels des écoles publiques, le recteur a compétence pour prononcer l’ensemble des sanctions, même si dans la pratique, il en délègue l’exercice au Dasen. Concernant les établissements publics du second degré, le recteur ne prononce que les sanctions des deux premiers groupes. C’est en revanche le ministre qui est compétent pour prendre les arrêtés relatifs aux sanctions les plus importantes (groupes 3 et 4).

Pour les maîtres contractuels et agréés, les sanctions, proches de celles applicables aux fonctionnaires ([802]), sont prises par le recteur d’académie, qui est l’autorité compétente pour les nommer et donc également en matière disciplinaire ([803]). Pour les maîtres délégués, les sanctions qui leur sont applicables ne sont que de quatre types : l’avertissement, le blâme, l’exclusion temporaire ([804]) et le licenciement sans préavis ni indemnité ([805]). En revanche, comme pour les mesures conservatoires, les personnels de droit privé des établissements scolaires, ont d’abord vocation à être sanctionnés par leur employeur selon les règles du code du travail ([806]).

Néanmoins, l’article L. 914-6 du code de l’éducation prévoit que « toute personne attachée à l’enseignement dans un établissement d’enseignement privé du premier ou du second degré qui n’est pas lié à l’État par contrat ou dans un établissement d’enseignement supérieur privé peut, sur la plainte de l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, du représentant de l’État dans le département ou du ministère public, faire l’objet d’une procédure disciplinaire pour faute grave dans l’exercice de ses fonctions, inconduite ou immoralité ou lorsque son enseignement est contraire à la morale et aux lois ». Le même article précise que la même procédure « est également applicable à tout chef d’établissement d’enseignement du premier ou du second degré privé ou d’enseignement technique privé, ainsi qu’à toute personne attachée à la surveillance d’un établissement d’enseignement privé du premier ou du second degré. » Cette dernière précision permet, comme l’observe la fiche n° 8 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat, de sanctionner un chef d’établissement, que cet établissement soit lié à l’État par un contrat ou non, « à la suite d’une ou plusieurs alertes relatives à des dysfonctionnements ou manquements attribuables au chef d’établissement, pouvant être mis en lumière par des signalements, des enquêtes administratives ou encore dans le cadre de contrôles de l’établissement d’enseignement privé sous contrat. »

Au total, les rapporteurs considèrent, comme la DAJ, que le cadre juridique permet bien l’adoption d’« un panel de sanctions relativement large et laisse de la souplesse aux académies pour prendre des mesures adaptées à la diversité des situations auxquelles elles peuvent être confrontées localement » ([807]).

L’utilisation de toutes ces prérogatives est d’ailleurs régulièrement encouragée, notamment par voie de circulaire. Celle de 2016, soulignant la « sensibilité particulière pour notre ministère [celui de l’éducation nationale] » des affaires de mœurs sur mineurs, appelait ainsi à « la plus grande vigilance de la part des autorités disciplinaires compétentes » et demandait « aux recteurs d’académie et aux inspecteurs d’académie-directeurs académiques des services de l’éducation nationale de présider personnellement les commissions administratives paritaires ou les commissions consultatives mixtes réunies en formation disciplinaire lorsque sont en cause des affaires de mœurs concernant des mineurs » ([808]).

  1.   Des sanctions disciplinaires en décalage avec les données du ministère en matière de violences

À titre liminaire, il convient de souligner la faiblesse des données que les rapporteurs ont pu se procurer. Si des statistiques relatives aux sanctions disciplinaires prises à l’endroit de personnels des écoles publiques et des EPLE ont bien pu être fournies, les rapporteurs regrettent néanmoins ne pas pouvoir y distinguer les violences commises contre des élèves des violences exercées contre d’autres adultes, alors que cette information pourrait s’avérer particulièrement utile.

Surtout, les services du ministère n’ont pas été en mesure de fournir le nombre de sanctions disciplinaires prises à l’encontre de maîtres de l’enseignement privé, ces sanctions, pourtant prononcées par les recteurs d’académie, ne donnant pas lieu à une enquête annuelle. La DAJ reconnaît elle-même que « la sous-direction de l’enseignement privé ne dispose pas d’un recensement exhaustif des sanctions mises en œuvre » ([809]).

Les données dont les rapporteurs disposent témoignent d’un usage modéré des sanctions disciplinaires au regard des faits de violences signalés. Pour rappel, lors de l’audition des représentants de l’administration du ministère de l’éducation nationale, étaient évoqués, sur l’année 2023-2024 et pour les seuls écoles et établissements publics « 1 200 cas de violences impliquant des personnels. Plus précisément, nous avons comptabilisé 1 198 cas, qui se répartissent comme suit : 280 cas de violences sexuelles (24 %), 461 cas de violences physiques (38 %), et 457 cas de violences verbales (38 %) » ([810]). Or, ces données – pourtant sûrement sous-estimées – sont de très loin supérieures au nombre de sanctions disciplinaires adoptées, quand bien même elles ne correspondent pas exactement à la même typologie.

Sanctions disciplinaires prises dans les établissements scolaires
du premier degré publics ([811])

 

2021

2022

2023

Incorrection, violences ou insultes

41

44

62

Violences sexuelles et sexistes

11

9

11

Mœurs

2

3

0

Discriminations

0

0

0

Total pour ces trois

catégories

54

56

73

Source : Commission des affaires culturelles et de l’éducation à partir des données de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

Sanctions disciplinaires prises dans les établissements scolaires
du Second degré publics

 

2021

2022

2023

Incorrection, violences ou insultes

70

111

88

Violences sexuelles et sexistes

52

42

37

Mœurs

2

3

2

Discriminations

9

8

5

Total pour ces trois

catégories

133

164

132

Source : Commission des affaires culturelles et de l’éducation à partir des données de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

Pour ce qui concerne les établissements publics, sur l’année civile 2023, seules 48 sanctions disciplinaires ont ainsi été prononcées pour des faits de violences sexuelles et sexistes sur des élèves ou des personnels ([812]), et 150 sanctions disciplinaires l’ont été pour des faits d’incorrections, de violences ou d’insultes sur des élèves ou des personnels ([813]). Ce hiatus entre les chiffres relatifs à des faits de violences et les sanctions auxquelles ils donnent lieu n’est pas admissible : il implique qu’un nombre important de faits de violences reste impuni, ou à l’inverse que la comptabilisation des faits de violences est plus défaillante encore qu’elle ne le paraît.

Concernant les sanctions prises à l’encontre du personnel des établissements privés, il est permis de penser, compte tenu de la faiblesse de la remontée des informations émanant de ces établissements, qu’elles sont également faibles.

Les mutations d’office

L’expression « mutation d’office » peut renvoyer à une sanction disciplinaire du deuxième groupe applicable aux fonctionnaires. Elle peut également faire référence à une pratique plus tacite, qui consiste à inciter le fonctionnaire s’étant rendu coupable d’une faute à demander sa mutation. Revenant sur une décision de 2021 (1), la Défenseure des droits cite l’exemple d’un enseignant responsable de violences physiques et morales sur des élèves de CM1, « encouragé à demander une mutation sans que cela constitue un déplacement d’office » (2), témoignant d’une pratique très actuelle. Géraldine Bannier, députée membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, a également affirmé avoir été confrontée à un tel cas de figure : « Lorsque j’enseignais dans le second degré, une connaissance qui était directrice d’école, elle aussi dans le public, m’a confié les craintes qu’elle éprouvait à la suite de la mutation dans son établissement d’un professeur qui avait un dossier très lourd mais continuait d’enseigner. C’était, je pense, il y a moins de dix ans. Comme elle craignait que quelque chose se passe avec les élèves, la porte de la classe restait ouverte et elle surveillait de près ce professeur, qui semblait, disait-elle, avoir le bras long. Il avait réussi à être muté afin d’éviter un licenciement. » (3)

Instruite « des remontées des recteurs, qui avaient eu l’honnêteté de le dire quand on leur avait demandé comment ils réglaient ces problèmes » (4), Ségolène Royal, alors ministre déléguée à l’enseignement scolaire, a pourtant précisément voulu proscrire, comme en témoigne sa circulaire de 1997 précitée, « les mutations destinées à étouffer les affaires ou à faire taire les familles [qui] constituent des délits sévèrement réprimés par la loi » (5).

En tout état de cause, ces mutations d’office doivent faire l’objet d’un plus grand accompagnement. La Défenseure des droits observe que « dans certaines situations où des violences ont été établies de manière réitérée, nous constatons qu’il arrive que le professeur mis en cause soit simplement muté dans un autre établissement sans que la problématique sous-jacente ne soit réellement traitée » (6). Au-delà des inspections individuelles qui pourraient y contribuer, les contrôles administratifs et pédagogiques pourraient participer d’un tel suivi.

D’autres voies de sanctions pourraient, surtout, utilement remplacer les mutations d’office. En particulier, il est possible d’envisager l’affectation d’un professeur sur un poste administratif pour éviter qu’il ne soit en contact avec des mineurs. Or, comme le soulignait Najat Vallaud-Belkacem dans ses réponses écrites transmises aux rapporteurs, « ce type de mesures s’avère trop rare : sur les 300 affaires impliquant des agents du ministère de l’éducation nationale entre 2012-2014, 5 % seulement s’étaient traduites par des déplacements des fonctionnaires sur des postes sans contact avec les mineurs » (7).

(1)    Décision n° 2021-064 de la Défenseure des droits.

(2)    Audition du 2 avril 2025, à 10 heures.

(3)    Idem.

(4)    Audition de Ségolène Royal le 20 mai 2025, à 14 heures.

(5)    Circulaire n° 97-175 du 26 août 1997 portant instruction sur les violences sexuelles.

(6)    Réponses écrites de la Défenseure des droits.

(7)    Réponses écrites de Najat Vallaud-Belkacem.

  1.   Une sous-utilisation qui tient en partie à un transfert de la responsabilité de l’administration vers la justice

Les autorités hiérarchiques ne sont pas toujours conscientes de l’autonomie de la procédure disciplinaire vis-à-vis d’une éventuelle procédure pénale ([814]), alors même qu’elles visent des objectifs distincts. Comme l’observe la Défenseure des droits « les professionnels concernés estiment devoir s’aligner sur les conclusions de la procédure judiciaire et préfèrent éviter tout risque d’interférence » ([815]). L’institution cite par exemple le cas de faits de violences physiques et morales commises par un enseignant sur des élèves de CM1 en 2021, pour lequel « l’inspection académique a reconnu que l’enseignant avait déjà reçu un avertissement quelques années plus tôt pour des gestes inadaptés envers des élèves dans une autre école, avant de rejoindre son nouvel établissement. Toutefois, en raison de la clôture de l’enquête judiciaire et de l’absence de condamnation, l’administration a jugé qu’il n’était pas nécessaire de poursuivre l’enquête administrative ni de prendre des sanctions disciplinaires » ([816]).

La circulaire de 2001 rappelait pourtant que « des poursuites disciplinaires peuvent être engagées indépendamment de la procédure pénale » ([817]) quand celle de 2016 soulignait expressément que l’administration « n’est pas liée par l’appréciation que le juge a des faits. Il appartient, en effet, à l’autorité disciplinaire de définir le degré de la sanction résultant de sa propre appréciation des faits au regard des obligations professionnelles de l’agent » ([818]).

Si l’inexactitude matérielle des faits sur la base desquels ont été engagées les poursuites disciplinaires, telle que constatée le cas échéant par le juge pénal, lie l’administration ([819]), ce n’est pas le cas d’une majorité de décisions pénales, qui n’ont donc pas d’incidence automatique sur la décision de l’administration : une sanction disciplinaire peut par exemple être prise au niveau administratif malgré un classement sans suite ou une ordonnance de non-lieu, l’absence ou l’insuffisance de faits pour condamner au pénal ne caractérisant pas en soi l’absence de faute du membre du personnel concerné. Cette autonomie est déterminante compte tenu du taux de classement sans suite, déjà évoqué, en matière notamment de violences sexuelles : elle donne à l’éducation nationale une certaine latitude pour recourir à des sanctions disciplinaires complémentaires de la voie pénale.

Pour que toute l’étendue des possibilités en matière disciplinaire soit pleinement exploitée, une sécurisation juridique de leur utilisation devra progressivement intervenir : si les sanctions disciplinaires prises à l’encontre d’agents publics font l’objet d’une jurisprudence abondante, ce n’est pas le cas de procédures jusqu’ici rares et qui ont vocation à se développer, comme les procédures disciplinaires prises à l’encontre du personnel d’un établissement privé. Cette quasi-absence de précédents implique, pour l’autorité hiérarchique à l’origine de la mesure, un risque contentieux non négligeable. À titre d’exemple, la décision d’interdiction temporaire d’exercer prise à l’encontre du chef de l’établissement de l’Immaculée Conception de Pau, qui a déjà été évoquée, a été remise en cause par le rapporteur public, après que le juge des référés en avait suspendu l’application en septembre 2024.

  1.   Les limites du suivi et de la remontée des sanctions disciplinaires

Les sanctions disciplinaires pâtissent par ailleurs de la faible implication de l’échelon central du ministère, et d’un déficit de suivi des mesures adoptées.

En amont, la consultation des services centraux du ministère est d’abord perfectible, y compris pour les sanctions disciplinaires prises à l’encontre de personnels de l’enseignement public. La circulaire de 2016 précitée soulignait pourtant qu’« un regard croisé entre l’administration et le service déconcentré concerné doit être porté en amont de la prise de décision afin que la sanction la plus adaptée puisse être prononcée ». Dans la pratique, le ministère, au niveau central, ne semble pas être en mesure de connaître, et encore moins de piloter, cette politique disciplinaire. La DAJ du ministère regrette ainsi que « certaines situations ne soient pas toujours remontées par cette procédure et le soient alors par le bureau de la veille, de l’alerte et de l’analyse (BV2A) ou via la presse ou les réseaux sociaux » ([820]).

Dans une note rédigée le 15 mars 2017 à l’attention du directeur de cabinet de la ministre de l’éducation nationale, la DGRH dresse le bilan de l’enquête annuelle 2016 relatives aux sanctions disciplinaires adoptées pour des faits de mœurs. Cette note, que les rapporteurs ont pu consulter, est accompagnée d’un tableau des sanctions n’ayant pas fait l’objet d’un regard croisé en amont du prononcé de celles-ci, et indique que sur les 25 affaires recensées qui auraient exigé un tel échange, seules 9 en ont fait l’objet – étant précisé que ne sont pas mentionnées les situations dont les recteurs ont eu connaissance sans qu’elles les conduisent à prononcer une sanction disciplinaire.

L’administration centrale est encore moins au fait des sanctions prises dans les établissements privés, n’étant destinataire « que des signalements jugés les plus graves par les rectorats pour justifier une transmission de l’information à l’échelon national » ([821]). Au-delà de l’absence de suivi au niveau du ministère, un déficit d’expertise juridique peut en découler à l’échelon déconcentré, et a fortiori pour les Ogec et les chefs d’établissements.

Outre le suivi de l’adoption des mesures, celui des agents qui en ont fait l’objet semble en certains cas lacunaire, privant ainsi leurs autorités hiérarchiques d’informations utiles quant à leur passif éventuel.

En revanche, l’effacement automatique de certaines sanctions en limite la portée. Le cas le plus fréquent – et le seul à être automatique – est celui des sanctions du 1er groupe, qui sont systématiquement effacées du dossier au bout de trois ans si aucune nouvelle sanction n’est intervenue pendant cette période ([822]). Si la sanction doit naturellement être mise en balance avec le droit à l’oubli pour l’auteur des faits, son effacement automatique encourage, à l’heure actuelle, les détournements : certains membres de l’administration de l’éducation nationale ont ainsi confié aux rapporteurs faire état, dans des courriers, de ces sanctions afin d’en garder trace dans le dossier de l’enseignant concerné. Dans ces conditions, il semblerait important de sortir de l’ambiguïté et de sécuriser les membres de la hiérarchie poussés à de telles pratiques.

Recommandation n° 44 : Maintenir dans les dossiers administratifs les sanctions, quel que soit le groupe auquel elles se rattachent, dès lors qu’elles ont été prononcées en raison de violences commises contre des élèves.

S’agissant des enseignants affectés dans un établissement d’enseignement privé sous contrat, ce suivi est aujourd’hui effectué au niveau des académies, en raison de « systèmes d’information des ressources humaines actuellement utilisés par le MESR [qui] sont déployés au niveau académique avec des bases de données limitées au niveau de chaque académie » ([823]). Or, il pourrait s’avérer utile de disposer d’un suivi national, afin que la simple mutation d’un enseignant dans une autre académie n’empêche pas l’académie de recrutement de disposer des éventuelles sanctions dont il a pu faire l’objet par le passé. D’après les services du ministère, c’est ce que devrait permettre le nouveau système d’information RH RenoiRH, qui sera déployé à l’horizon 2027-2028.

Recommandation n° 45 : Veiller à ce que le nouveau système d’information des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale RenoiRH permette le suivi d’un dossier individuel, y compris en cas de mobilité interacadémique.

Le suivi disciplinaire est plus lacunaire encore concernant les personnels de droit privé des établissements privés sous et hors contrat. Les rapporteurs appellent donc à mettre en œuvre une solution qui permettrait de l’assurer également. Un tel suivi pourrait s’opérer en consultant un nouveau document : le dossier des personnels de droit privé des établissements scolaires. Celui-ci serait automatiquement créé lors de la première embauche de chaque membre du personnel, et sa présentation, le cas échéant sous format numérique, serait un préalable obligatoire pour être recruté dans sur autre poste.

Recommandation n° 46 : Créer un dossier administratif et en garantir le suivi pour les personnels de droit privé des établissements scolaires, où seraient notamment consignées les sanctions disciplinaires, qu’elles aient été décidées par l’éducation nationale ou par l’employeur.

3.   Les enquêtes administratives : un levier à renforcer

a.   Les enquêtes administratives sont des outils utiles dont l’utilisation devrait être systématisée

Les enquêtes administratives constituent un outil déterminant à la disposition de l’administration lorsqu’elle identifie des dysfonctionnements dans les établissements scolaires. Elles doivent notamment permettre d’établir les faits et fautes susceptibles de justifier une sanction disciplinaire, « l’établissement de la matérialité des faits [étant] un préalable obligatoire à l’engagement de la procédure disciplinaire » ([824]), « l’administration doit, en effet, recueillir tous les éléments d’appréciation sur les faits reprochés et sur les circonstances de leur commission pour être en mesure de prononcer une sanction proportionnée à la gravité de la faute » ([825]). Elles peuvent, plus largement, conduire à des préconisations sur le fonctionnement de l’établissement dans son ensemble.

Comme l’IGESR l’a précisé aux rapporteurs, ces enquêtes sont « généralement déclenchées à la suite de signalements précis portant sur des faits précis ou en lien avec une situation jugée problématique. Les deux cas de figure les plus fréquents sont soit l’examen de faits rapportés, soit une situation qui a évolué sans traitement adapté et pour laquelle nous cherchons à comprendre l’absence de réponse » ([826]). En cela, elles se distinguent des contrôles de routine qui ont été évoqués plus haut.

Deux niveaux d’enquête administrative coexistent :

– au niveau académique, l’enquête peut être demandée par le recteur d’académie, et est alors menée par les corps d’inspection territoriaux ;

– une enquête peut être confiée à l’IGESR par le ministre de l’éducation pour les cas les plus graves ou sensibles ([827]). Cette saisine répond à des règles qui paraissent relativement floues. Selon Dominique Marchand, cheffe du service de l’IGESR, ces critères peuvent être mobilisés « de façon cumulative ou indépendante selon les situations » ([828]), et recouvrent « notamment la gravité des faits en cause, la nécessité de recourir à un regard extérieur lorsque le traitement local apparaît insuffisant ou inapproprié, ainsi que le niveau de responsabilité des personnes impliquées, notamment lorsqu’un chef d’établissement est concerné. Le degré de médiatisation constitue un autre facteur déterminant, souvent corrélé au besoin d’une expertise extérieure. À cela s’ajoute le critère fréquemment rencontré du déficit de ressources locales, notamment lorsqu’aucun personnel suffisamment qualifié n’est en mesure de conduire une enquête à la hauteur des enjeux » ([829]).

À titre liminaire, les rapporteurs regrettent une fois plus l’écart entre les possibilités prévues par les textes et leur utilisation par l’éducation nationale. Alors qu’en matière de violences commises envers des enfants différents textes ont appelé à mobiliser l’outil des enquêtes administratives, notamment la circulaire de 2001, qui énonçait que « dans le cas de rumeur d’abus sexuels, une enquête administrative doit être diligentée au plus vite » ([830]), tous les cas qui le nécessiteraient ne donnent pas lieu à une enquête de cette nature. C’est notamment ce qu’observe la Défenseure des droits, qui a évoqué devant la commission le fait que « peu d’enquêtes administratives, même dans les cas d’alertes graves et répétées, sont réalisées » ([831]), comme en écho aux constats précédemment établis sur la gestion en interne d’un certain nombre de faits.

S’il est apparu difficile d’évaluer avec précision le nombre d’enquêtes administratives menées au niveau académique en l’absence de centralisation de données éparses entre les différents rectorats, l’IGESR intervient en tout état de cause peu au titre des enquêtes administratives au sein des établissements scolaires : onze fois en 2022, dix fois en 2023 et sept fois en 2024 ([832]). Les sept établissements concernés en 2024, sur les 58 470 du pays ([833]), étaient des établissements publics ([834]) : si des enquêtes administratives peuvent avoir lieu dans des établissements privés – comme au collège-lycée Stanislas –, elles y sont plus rares.

Par ailleurs, lorsqu’elles sont menées, les enquêtes administratives s’avèrent perfectibles : elles seraient, selon la Défenseure des droits, « souvent minimale[s] et […] diluée[s] dans une démarche d’accompagnement pédagogique du professeur » ([835]). Il convient donc de renforcer les inspections, tant au niveau académique, qu’au sein de l’IGESR.

b.   La nécessité de conforter les prérogatives des corps d’inspection

Les observations relatives aux contrôles de routine, présentées plus haut, bénéficieraient également aux enquêtes administratives. D’une façon générale, la distinction entre contrôles de routine et enquêtes administratives, si elle est manifeste dans le présent rapport à des fins de progression logique, ne doit pas être surestimée, les prérogatives des inspecteurs et les rapports auxquels ces différents types de missions donnent lieu étant proches. La méthode suivie lors des enquêtes administratives se caractérise toutefois, en règle générale, par un formalisme plus marqué, avec « notamment la conduite d’auditions individuelles, formalisées par des procès-verbaux, ainsi que la collecte structurée de témoignages. Le contrôle s’appuie sur une procédure plus allégée, fondée sur des critères prédéfinis et moins intrusive dans ses modalités » ([836]).

Dès lors, nombre des préconisations présentées dans la partie relative aux contrôles de routine des établissements privés sous contrat bénéficieraient également aux inspecteurs dans la conduite des enquêtes administratives. Concernant les moyens, les préconisations en matière d’attractivité du corps des IA-IPR (recommandation n° 11) et de la pluridisciplinarité (recommandation n° 12) renforceraient les missions. Concernant les méthodes, la possibilité choisir de façon aléatoire les élèves auditionnés, et de le faire sans représentants de l’établissement (recommandation n° 14) s’appliquerait aussi pour les enquêtes administratives. Enfin, l’ensemble des recommandations relatives au suivi des rapports, notamment par des mises en demeure, sont également valables pour les enquêtes administratives (recommandations n° 15 et n° 20 à 22).

En dehors de ces préconisations communes aux missions de contrôle et d’enquête administrative, les rapporteurs soulignent l’enjeu qu’il y a à consolider la méthode des enquêtes administratives menées par les inspecteurs académiques. Si un vade-mecum des enquêtes administratives existe pour l’inspection générale, les rapporteurs n’ont pas eu connaissance d’un tel document pour les inspections académiques, qui doivent pourtant présenter les mêmes garanties méthodologiques. Si la diffusion du vade-mecum à l’IGESR peut s’avérer utile, la rédaction d’un guide spécifique pour l’ensemble des inspecteurs territoriaux concourant aux contrôles est ici recommandée.

Recommandation n° 47 : Établir, au niveau du ministère de l’éducation nationale, un vade-mecum des enquêtes administratives menées par les corps d’inspection académique.

Pour garantir l’efficacité des enquêtes administratives celles-ci devraient toujours être menées de manière inopinée, afin de garantir notamment que les inspecteurs puissent observer la réalité du fonctionnement de l’établissement. Les membres de la mission devraient alors, afin de déceler systématiquement les faits de violences, toujours diffuser des appels à témoins, qui viseraient à recueillir la parole spontanée des élèves.

Recommandation n° 48 : Systématiser le caractère inopiné des enquêtes administratives.

Recommandation n° 49 : Diffuser systématiquement un appel à témoins lors des enquêtes administratives académiques et de l’inspection générale.

c.   L’IGESR : une inspection trop dépendante du politique ?

Les défaillances observées à la suite de l’enquête administrative menée au collège-lycée Stanislas conduisent les rapporteurs à s’interroger sur sa capacité à mener des enquêtes administratives en toute indépendance.

L’ajout à la lettre de transmission ([837]) du rapport d’un paragraphe conclusif dédouanant l’établissement, qui aurait été effectué par la cheffe du service de l’IGESR, Caroline Pascal, a largement affecté la réception de celui-ci.

La lettre de transmission, qui a vocation à accompagner l’envoi du rapport au ministre et à apporter des réponses aux interrogations qui l’avaient conduit à saisir l’inspection – faisant donc office de synthèse –, est en principe rédigée par le pilote de la mission, en coordination avec les inspecteurs de la mission : « C’est un travail collégial, et la procédure normale prévoit que le pilote partage ce projet de lettre avec les membres de la mission » ([838]), expliquait l’une des inspectrices au cours de l’audition consacrée aux conditions dans lesquelles s’est déroulée l’enquête.

Dans le cas de l’enquête administrative menée à Stanislas, après plusieurs relances, ce fut bien le cas : les inspecteurs généraux de l’enquête administrative en ont bien reçu une version, rédigée par Roger Vrand, qui l’avait également adressée à Caroline Pascal.

Françoise Boutet-Waïss, l’une des inspectrices générales de la mission, a ainsi affirmé devant la commission : « Je n’avais rien à dire sur le projet de lettre de transmission, quand on a fini par l’avoir. Il me convenait : l’article 40 étaitsignalé, la synthèse du rapport apparaissait bien dans les différents paragraphes. Je ne me suis donc pas manifestée. Si je n’avais pas été d’accord avec un passage, je l’aurais dit » ([839]).

Elle poursuivait toutefois, évoquant la seconde version de la lettre dont elle a été destinataire pour information, après son envoi au ministre : « Mais en replongeant dans le dossier, je me suis aperçue que nous n’avions pas eu la bonne version. J’aurais réagi si j’avais eu la version définitive, celle transmise au ministre. » Annie Dyckmans-Rozinski, également inspectrice générale de la mission, a fait part du même étonnement en constatant elle aussi cette différence tout récemment, dans le sillage des travaux de la commission d’enquête.

Or, la différence entre les versions est de taille : le paragraphe en question, qui n’apparaissait donc pas dans la première version transmise aux inspecteurs généraux, mentionne le fait qu’« au terme de la mission, l’équipe ne confirme pas les faits d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme mis en avant par les articles de presse », ce qui peut être jugé en flagrant décalage avec le contenu du rapport.

Cet écart a poussé Françoise Boutet-Waïss à expliquer : « Je ne sais pas si le paragraphe a été ajouté au projet ou s’il a été enlevé dans la première version qui nous a été transmise ; toujours est-il que si j’en avais eu connaissance, je n’aurais jamais accepté de signer le rapport – ce que je n’ai pas fait mais pour une autre raison, formelle. Je le réaffirme sous serment. » Annie Dyckmans-Rozinski, a également été claire : « Si je suis ici aujourd’hui, c’est parce que j’endosse totalement le rapport mais que je n’endosse pas la lettre de transmission, qui dit exactement le contraire. Si j’avais dû être consultée, j’aurais mis "l’équipe a constaté des faits de" et non pas "n’a pas constaté". » Roger Vrand, inspecteur général et pilote de la mission, a quant à lui admis avoir probablement vu l’ajout au moment où il a été effectué, et s’être dit « que c’était un peu en décalage par rapport au reste de la lettre » ([840]).

Patrick Allal, inspecteur général et référent de la mission, s’est en revanche distingué des autres inspecteurs, considérant que « Caroline Pascal a souhaité répondre à la saisine » du ministre sur les éléments graves mis en avant par la presse. La lecture intégrale de la lettre de transmission le conduit aujourd’hui encore à considérer « qu’il n’y a pas de distorsion avec ce qu’a écrit la mission. Je rappelle les conclusions de la mission : il n’y avait pas d’homophobie institutionnelle, par contre il y avait un contexte extrêmement défavorable » ([841]).

Au-delà de l’ajout du paragraphe auquel elle aurait procédé, la cheffe de service a fait le choix de communiquer, dans la presse nationale, sur le fondement de ce seul paragraphe, et non sur l’intégralité de la lettre de transmission, dont la seconde partie relevait tout de même l’opportunité, ouverte par le départ du directeur, de « dépoussiérer « l’esprit Stan » » et de « changer les règles de l’établissement ».

Les effets de cette communication ont été démultipliés par celle engagée, à compter de janvier 2024, par la direction diocésaine de l’enseignement catholique de Paris, ainsi que par le chef de l’établissement, qui se sont tous appuyés sur le même passage.

Au total, l’impression qui ressort peut donc être celle d’un établissement blanchi, alors même qu’il est très directement mis en cause par les inspecteurs généraux ayant réalisé la mission. Or, cette question n’a pas trait qu’à l’image de l’établissement : elle a des implications directes sur les conséquences du rapport. Il est permis de penser que si la lettre de transmission avait alerté, conformément au contenu du rapport, sur les faits d’homophobie et de sexisme observés à Stanislas, ses préconisations auraient fait l’objet d’un suivi bien plus rapproché, et notamment le cas échéant de mises en demeure emportant obligation d’agir ou de la convocation de la commission de concertation. En lieu et place de tels changements, le cabinet du ministre de l’éducation nationale a entendu mettre en œuvre un « groupe de travail » réunissant l’IGESR, le rectorat et la direction diocésaine, laissant par la suite le suivi des mesures adoptées à l’académie de Paris et à ses inspecteurs ([842]).

Extrait du courrier adressé par les rapporteurs à
Élisabeth Borne le 10 juin 2025

« En complète contradiction avec le contenu du rapport d’inspection, la conclusion de la lettre de transmission signée par la cheffe de l’inspection générale conduit à invisibiliser les violences homophobes et sexistes documentées par la mission de l’IGESR. Son ajout, semble-t-il sans l’information ni l’accord des membres de la mission mais en leurs noms, manifeste une atteinte fondamentale à l’indépendance de cette dernière. Cette conclusion a enfin rendu possible un usage public destiné à défendre l’établissement alors que de nombreux témoignages d’élèves et de parents d’élèves décrivaient l’ampleur des violences commises au sein de l’établissement.

En tant que co-rapporteurs de la commission d’enquête, ayant recueillis ces témoignages sous serment, il est de notre devoir de vous signaler cette intervention de la cheffe de l’Inspection générale de l’époque qui soulève des interrogations quant à son intégrité professionnelle.

Aujourd’hui Directrice générale de l’enseignement scolaire, Madame Pascal exerce des responsabilités de tout premier plan, dont dépend la sécurité de millions d’élèves. Nous tenions à vous signaler ces éléments, qui nous paraissent devoir être portés à la connaissance de votre ministère, afin que vous puissiez prendre les mesures qui vous sembleront opportunes. Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de nos salutations respectueuses » (1).

Le 17 juin 2025, Élisabeth Borne a répondu par écrit aux rapporteurs en insistant sur la différence de valeur entre le rapport en lui-même et la lettre de transmission qui l’accompagne, minorant l’importance de cette dernière. Elle a également souligné que, dorénavant, la lettre de transmission se bornerait à annoncer la remise du rapport, qui contiendrait en son corps une synthèse de ses constats et recommandations.

(1)    Annexe n° 49.

Au-delà de ce cas particulier qui leur semble significatif, les rapporteurs soulignent que l’indépendance des inspecteurs généraux pourrait être affectée, dans les années à venir, par leur affaiblissement statutaire. La réforme de la fonction publique, si elle dépasse largement l’éducation nationale, a mis en extinction le corps des inspecteurs généraux au 1er janvier 2023, remplacés par le détachement sur des fonctions d’inspection générale d’agents relevant d’autres corps et de contractuels ([843]). Alors qu’auparavant, l’appartenance au corps des inspecteurs généraux était une garantie pour effectuer des aller-retours sur d’autres missions au sein de l’administration, tout en ayant une place à l’inspection générale, la réforme tend à favoriser le passage temporaire au sein de celle-ci, rendant les agents concernés – pour l’essentiel des administrateurs de l’État – davantage tributaires, pour la suite de leur carrière, de l’appréciation qui aura été portée sur eux par leurs supérieurs hiérarchiques successifs, y compris postérieurement à leur expérience à l’IGESR. Dès lors, et sans remettre en cause a priori l’intégrité professionnelle des intéressés ou l’objectivité des autorités hiérarchiques dans la gestion des carrières, les premiers pourraient, même inconsciemment, s’avérer moins enclins à réaliser les missions – temporaires – conduites en tant qu’inspecteurs de manière totalement neutre et indifférente aux éventuelles conséquences.

Comme la plupart des autres inspections générales ([844]), l’IGESR n’intervient qu’à la demande de ses ministres de tutelle, ou, éventuellement, du premier ministre ([845]). Cette saisine par les seules autorités ministérielles, en partie légitime, présente le risque de faire de la saisine de l’IGESR un outil de communication politique. À titre d’exemple, les rapporteurs ne peuvent que faire part de leur étonnement en constatant que l’établissement Beau Rameau n’a pas d’emblée fait l’objet d’une enquête administrative par l’IGESR après la révélation des violences qui y ont été commises, alors que tous les critères énoncés par la cheffe du service lors de son audition semblaient réunis – c’est un contrôle de l’inspection académique, et non une enquête administrative, qui a dans un premier temps, été diligenté.

Au-delà des implications politiques de la saisine ministérielle, le fait que l’IGESR ne puisse pas s’autosaisir peut constituer une difficulté lorsqu’elle est confrontée à de graves dysfonctionnements, par exemple à l’occasion de contrôles qui ne relèvent pas d’enquêtes administratives ou de travaux d’évaluation : même dans les cas où « des faits présumés de cette nature sont évoqués à un inspecteur ou inspectrice [les inspecteurs] ne peuvent pas s’autosaisir de cette situation et mener eux-mêmes une enquête » ([846]). Comme l’indique le vade-mecum des enquêtes administratives susceptibles de suites disciplinaires de l’IGESR, « il peut arriver que, à l’occasion d’une mission d’évaluation, d’accompagnement ou de contrôle, les inspecteurs soient amenés à observer des faits qui présentent manifestement le caractère d’un dysfonctionnement ou d’une faute. Il convient alors, selon les situations, de solliciter de la part du cabinet une saisine complémentaire portant spécifiquement sur lesdits faits, en vue du déclenchement d’une enquête administrative susceptible de suites disciplinaires. Cette enquête pourra, selon le contexte, être réalisée par l’IGESR (en modifiant, le cas échéant, la composition de la mission) ou en académie » ([847]). Dès lors, les rapporteurs préconisent que l’IGESR puisse elle-même transformer sa mission en enquête administrative, sans saisine complémentaire. Cela devrait également pouvoir conduire l’inspection à élargir le champ de ses investigations au-delà du strict périmètre de l’établissement scolaire (par exemple, sur les services périscolaires).

L’absence de « droit de suite » de l’inspection générale constitue également une autre difficulté identifiée : le suivi des préconisations de l’inspection est, aujourd’hui, trop tributaire de la volonté du ministre, y compris en cas de défaillances ,des établissements. À cet égard, l’IGESR se distingue de certaines inspections générales dont les chefs de service peuvent réunir un comité ou une commission de suivi, comme c’est le cas de l’Inspection générale de l’administration ([848]), de l’Inspection générale des affaires sociales ([849]) ou de l’Inspection générale de la justice ([850]). La cheffe de l’IGESR, Dominique Marchand, a reconnu devant la commission une lacune à cet égard : « À ce jour, le décret régissant l’Inspection générale ne prévoit pas de dispositif de suivi formalisé des missions, contrairement à d’autres corps d’inspection tels que l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) » ([851]).

Recommandation n° 50 : Conférer à l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche un pouvoir collégial d’autosaisine et lui permettre d’élargir le périmètre de ses contrôles, si nécessaire en faisant appel à d’autres services d’inspection. Constituer en son sein un comité de suivi chargé de suivre la mise en œuvre effective de ses recommandations et de formuler des avis, à l’intention de l’administration, sur d’éventuelles mesures conservatoires et disciplinaires.

 


  1 

Examen en commission

Le 25 juin 2025, la commission procède à l’examen, à huis clos, du rapport présenté en conclusion des travaux, sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de
l’ordonnance n° 581100 du 17 novembre 1958) (Mme Violette Spillebout et M. Paul Vannier, rapporteurs).

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. En application de l’article 5 ter de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, notre commission dispose depuis le 21 février dernier et pour une durée de six mois des prérogatives attribuées aux commissions d’enquête pour travailler sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires. Le 5 mars dernier, nous avons désigné Mme Violette Spillebout et M. Paul Vannier rapporteurs de ces travaux.

Depuis, nous avons entendu 140 personnes, dans le cadre de quarante auditions et tables rondes. Les rapporteurs ont effectué plusieurs contrôles sur pièces et sur place et se sont fait communiquer de nombreux documents. Enfin, nous avons été destinataires de plusieurs dizaines de courriers de victimes.

Je tiens à remercier ceux d’entre vous qui ont régulièrement pris part à ces travaux. Nous allons procéder aujourd’hui à l’examen du rapport qui en rend compte. Conformément à la procédure applicable aux commissions d’enquête, le rapport ne vous a pas été envoyé mais était consultable les 23 et 24 juin sous forme papier à l’Assemblée.

Le rapport de notre commission ne peut être rendu public avant le mercredi 2 juillet, un délai de cinq jours francs étant ouvert à partir de la publication de son dépôt au Journal officiel. Pendant ce délai, l’Assemblée nationale pourrait demander sa réunion en comité secret pour se prononcer, le cas échéant, sur sa publication. Vous devrez donc laisser sur les tables ou rendre aux agents les exemplaires qui sont mis à votre disposition pour cette réunion.

Étant donné l’ampleur des travaux d’enquête, il m’a semblé raisonnable d’allonger à quatre minutes le temps de parole des orateurs des groupes. Je donne la parole aux rapporteurs pour qu’ils présentent leurs conclusions.

M. Paul Vannier, rapporteur. Notre commission d’enquête est née du cri des victimes de Bétharram. Un cri amplifié par celui de centaines d’autres victimes à travers le pays. Un cri brisant l’omerta, libérant une parole qu’il nous fallait, nous députés, entendre et comprendre pour contribuer à la rendre salvatrice.

Nous l’avons fait en constituant, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, notre commission permanente en commission d’enquête, nous donnant ainsi les moyens d’agir. Agir par le pouvoir des contrôles sur place et sur pièces. Agir par le pouvoir de convoquer quiconque – victimes, experts, syndicalistes, associatifs, directeurs d’administration, ministres et même premier ministre – devant notre commission pour les entendre sous serment. Agir par le moyen de nos questions, de vos questions. Nous voulons, Fatiha Keloua Hachi, Violette Spillebout et moi-même, remercier les collègues qui se sont impliqués dans ces auditions pour contribuer à la manifestation de la vérité.

Nous avions un but : identifier des défaillances dans les mécanismes de contrôle de l’État et dans la prévention des violences, empêcher d’autres Bétharram, protéger tous les enfants. À l’issue d’un débat fondateur, nous avons en effet élargi le périmètre de nos investigations à l’ensemble des établissements scolaires du pays pour ne laisser aucune situation, aucun élève, aucune victime sans réponse. C’est dans ce cadre que nous avons investigué sans relâche, dans toutes les directions, pendant près de quatre mois, avec la volonté de rendre nos conclusions avant la fin du mois de juin de sorte à préserver nos travaux des conséquences d’une éventuelle dissolution.

Nous avons contrôlé dix institutions, dont un établissement public, le lycée Pierre Bayen à Châlons-en-Champagne, un établissement privé sous contrat, le collège-lycée Le Beau Rameau, anciennement Bétharram, dans le Béarn, une école hors contrat, l’école Riaumont dans le Pas-de-Calais. Nous avons saisi puis analysé 10 000 pages de documents. Nous avons auditionné 140 personnes pendant plus de cinquante-six heures. Ce travail considérable, nous n’aurions pas pu le conduire sans l’appui des remarquables administrateurs de notre assemblée et de nos tout aussi précieux cabinets parlementaires. Nous ne l’aurions pas mené au même terme si nous n’avions pas avancé, Violette Spillebout et moi-même, toujours dans la même direction, avec nos regards et nos convictions, c’est-à-dire avec nos différences, que je crois avoir été utiles à nos travaux et qui n’ont en tout cas jamais constitué d’obstacle à notre travail commun.

Voici donc notre rapport et ses cinquante recommandations partagées, destinées à prévenir et à lutter contre les violences commises par des adultes ayant autorité sur des élèves en milieu scolaire.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Je m’associe à ces remerciements pour tous ceux qui ont travaillé pendant trois mois sur cette commission d’enquête – administrateurs, collaborateurs parlementaires, collègues très engagés. Nous avons eu de nombreux échanges. Le caractère sensible, exposé et visible de cette commission d’enquête aurait pu affecter la qualité de notre travail, mais, comme l’a souligné Paul Vannier, nous avons toujours regardé dans la même direction et avec l’obsession de faire honneur aux victimes dont les témoignages continuent à nous parvenir tous les jours.

Nous avons visité trois établissements : un établissement public, un établissement privé sous contrat, un établissement privé hors contrat. Tout le monde parle de la « commission Bétharram » parce que nous sommes partis de cette affaire, mais nos travaux se sont étendus à toute la France car nos contrôles sur pièces et sur place ont mis en lumière une réalité de terrain et des cas édifiants. De nombreuses autres affaires ont émergé tout au long de nos travaux. En annexe du rapport, vous trouverez une carte de France indiquant les procédures que nous avons lancées au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, pour quatre-vingts endroits qui se situent dans cinquante départements différents. Qui peut dire à présent qu’il s’agit d’un « rapport Bétharram » ? Ce rapport concerne des violences systémiques qui ont été commises des années 1960 à nos jours dans des établissements scolaires et qui ne doivent plus jamais se reproduire. Préparés par nos collaborateurs, ces signalements aux procureurs et aux recteurs sont signés de Paul Vannier, Fatiha Keloua Hachi et moi-même, ce qui montre l’unité de ce travail.

La première partie du rapport revient sur la question du silence et de la libération de la parole. Si certains enfants se sont tus, beaucoup d’entre eux ont parlé depuis 1960. Mais ils étaient nombreux aussi à ne pas savoir que la violence était interdite par la loi ou à penser qu’ils ne seraient jamais crus. Nous l’avons constaté à Bétharram, à Riaumont et à Châlons-en-Champagne comme partout ailleurs, dans des établissements publics ou privés. C’était plus fort dans l’enseignement catholique, mais beaucoup d’enfants ignorent encore de nos jours qu’il est interdit de toucher à leur corps ou de leur faire subir une humiliation.

Pour toutes ces raisons, et parce que nombre des faits les plus graves se sont produits il y a quarante ou cinquante ans, les victimes nous implorent de revenir sur l’imprescriptibilité des délits sur mineurs. C’est ce qui explique la recommandation n° 1 : demander à la conférence des présidents de l’Assemblée nationale de constituer une mission transpartisane pour travailler à la faisabilité juridique d’une telle imprescriptibilité. Des travaux ont déjà été conduits sous l’impulsion d’autres parlementaires, qu’il faut désormais concrétiser.

Cette violence était souvent banalisée, voire institutionnalisée. Elle était accentuée dans les internats, en particulier dans ceux d’établissements scolaires isolés géographiquement, éloignés des familles, des parents, de certains recours adultes. Nous évoquons dans le rapport l’évolution des châtiments corporels, depuis le temps où ils étaient banalisés jusqu’à notre époque. Vous découvrirez que, s’ils ont été proscrits au fil des évolutions juridiques, leur interdiction n’est toujours pas inscrite dans le code de l’éducation. D’où notre recommandation n° 3 : inscrire dans le code de l’éducation et le code de l’action sociale et des familles l’interdiction de tout châtiment corporel ou traitement humiliant à l’égard des enfants.

Les cas que nous avons étudiés montrent que les violences sexuelles étaient souvent cachées derrière des violences physiques. Les institutions et les parents étaient parfois au courant, mais ils silenciaient les victimes. Les parents payaient pour ça, pour que les enfants soient élevés à la dure ! Si un gamin se plaignait d’un châtiment corporel en rentrant à la maison, il pouvait s’entendre dire qu’il l’avait bien mérité ; vous trouverez ce genre de citations dans le rapport. Personne ne croyait que derrière ces violences physiques, il y avait parfois et même souvent des violences sexuelles. La réputation des établissements était en jeu, et bien souvent les adultes n’ont pas cru ce que les enfants ou certains personnels dénonçaient.

Nous revenons aussi sur le rôle des personnels de l’enseignement, parfois complices d’un système organisé de violences psychologiques, physiques et sexuelles, parfois réduits au silence. Dans la plupart des cas, anciens ou récents, les lanceurs d’alerte sont des femmes – hasard de la vie ou sensibilité particulière par rapport aux enfants. En plus de ne pas être crus, ces lanceurs et lanceuses d’alerte ont souvent été écartés et déplacés, ont vu leur carrière abîmée parce qu’ils avaient eu le courage de dénoncer des violences commises au sein des institutions.

Nous avons souligné le rôle ambigu, dans les établissements privés sous contrat, des organismes de gestion de l’enseignement catholique (Ogec) et de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (Apel), et les possibles conflits d’intérêts existants. D’un côté, l’omerta a pu être entretenue par certains notables dans des régions où des établissements avaient une réputation à protéger. De l’autre, il y a eu une défaillance des pouvoirs publics et une absence de contrôle sur laquelle Paul Vannier reviendra.

En conclusion de cette partie sur les constats, on ne peut pas passer sous silence le travail extraordinaire effectué en 2021 par Jean-Marc Sauvé et la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), avec la mise en place de la Commission reconnaissance et réparation et de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et réparation. On ne peut pas passer sous silence le travail mené depuis 2023 par la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), qui a émis de nombreuses recommandations. Pour notre part, nous émettons cette recommandation n° 2 : reconnaître la responsabilité de l’État pour les carences ayant permis la perpétuation de violences dans des établissements scolaires et créer en conséquence un fonds d’indemnisation.

Enfin, face au manque de statistiques, nous formulons aussi une recommandation n° 4 visant à collecter dans tous les établissements les données concernant les violences, à consolider les chiffres et à les publier.

M. Paul Vannier, rapporteur. Les violences en milieu scolaire ne relèvent pas uniquement d’un passé lointain, elles sont aussi des enjeux de notre présent. Cette persistance des violences à l’école s’explique d’abord par la défaillance de l’État, en particulier en matière de contrôle.

Dans les établissements publics relevant directement de la tutelle de l’État, le contrôle est assuré, même si ses règles gagneraient à être clarifiées, comme nous en faisons d’ailleurs la recommandation. En revanche, ce contrôle est quasi inexistant, bien que prévu par la loi, dans les 7 500 établissements privés sous contrat de notre pays. C’est ainsi que 2 millions d’élèves sont placés dans une situation de potentielle vulnérabilité que nous ne pouvons pas accepter. À titre d’exemple, dans l’académie de Nantes, où la proportion d’établissements privés sous contrat approche les 50 %, un contrôle administratif a été réalisé pour 1 139 établissements entre 2017 et 2023. C’est pourtant ce type de contrôle, dont nous recommandons de systématiser le caractère inopiné, qui est le plus à même de détecter les violences.

Récemment, des moyens supplémentaires ont été progressivement fléchés pour renforcer les capacités des corps d’inspection. Ces moyens sont cependant insuffisants pour accompagner la montée en puissance du plan de contrôle des établissements privés sous contrat, programmé depuis 2024. Pour atteindre les objectifs fixés, nous recommandons de revaloriser le corps des inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux et d’en faciliter l’accès en assouplissant les conditions de participation au concours et en créant davantage de passerelles entre les corps d’enseignants, d’inspection et de direction.

Autre enjeu : la clarification du périmètre des contrôles, alors que certains établissements privés opposent le « caractère propre » aux inspecteurs de l’éducation nationale pour se soustraire à des investigations. Nous recommandons de conforter dans la loi la possibilité pour les inspecteurs de contrôler la vie scolaire et de garantir un contrôle annuel des internats dans le premier degré et au maximum tous les trois ans dans le second degré.

Nous recommandons également de doter l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) d’un pouvoir d’autosaisine afin de mieux garantir une indépendance dont nous avons pu constater à l’occasion de certaines auditions qu’elle pouvait être mise à mal.

L’écrasante majorité des établissements privés sous contrat, en particulier ceux relevant du réseau de l’enseignement catholique, qui rassemble 96 % d’entre eux, sont laissés hors du champ du contrôle. En revanche, certains établissements privés sous contrat membres du réseau musulman sont ciblés systématiquement par une multitude de contrôles conduits par de nombreux services de l’État – IGESR, direction départementale des finances publiques, chambre régionale des comptes. Ces contrôles conduisent à la consultation, par ailleurs très rare, des commissions de concertation qui statuent sur la résiliation du contrat d’association. Ces commissions nous paraissent devoir être plus fréquemment réunies sous l’autorité des recteurs, notamment lorsque des mises en demeure pour faits de violence n’auraient pas été suivies d’effet. Nous recommandons d’en harmoniser les critères et les modalités de déclenchement, d’organisation de délibérations et de votes. Ce sont des instances décisives en matière de contrôle.

Les établissements privés hors contrat, en dépit d’obligations plus limitées et de financements publics quasiment nuls, sont paradoxalement bien davantage contrôlés que les établissements privés sous contrat. Quelque 600 contrôles ont ainsi été effectués pour les presque 2 000 établissements hors contrat de notre pays en 2022-2023, un chiffre à mettre en regard des 12 contrôles réalisés au cours la période 2017-2023 pour les 7 500 établissements privés sous contrat. Pour améliorer et harmoniser cette politique de contrôle défaillante et à géométrie variable, nous recommandons d’en unifier le pilotage en confiant à la direction générale de l’enseignement scolaire les mêmes missions pour les établissements privés sous contrat que pour les établissements et les écoles publiques, et en recentrant la direction des affaires financières sur les seuls domaines financiers.

Si la politique de contrôle doit être ainsi clarifiée, étendue et renforcée, il convient aussi de corriger l’insuffisance de la prévention des violences. La généralisation et le renforcement du contrôle de l’honorabilité des personnels paraissent indispensables. Prévu par le code de l’éducation, ce contrôle s’applique aux agents publics exerçant dans un établissement public ou privé sous contrat. Leurs antécédents judiciaires sont contrôlés lors du recrutement. Pour les personnels en contact avec des mineurs, une recherche dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (Fijais) est également réalisée. Mais ces modalités ne sont pas assurées pour les personnels de droit privé, en particulier dans les établissements sous contrat. Nous recommandons de permettre aux dirigeants des Ogec de faire procéder à tout moment, sur simple demande, au contrôle du casier judiciaire et à la vérification du Fijais pour les personnels et bénévoles exerçant dans leurs établissements.

Pour lutter contre les violences commises par des adultes ayant autorité, il est aussi indispensable que les enfants apprennent à reconnaître ces violences et connaissent leurs droits. Le contrôle de la bonne mise en œuvre de l’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (Evars) est absolument nécessaire. De même, la participation d’associations spécialisées dans la protection de l’enfance à des séances d’information et de sensibilisation des élèves est cruciale. Or elle est actuellement limitée. Pour développer ces interventions, nous recommandons de rendre publics les critères de délivrance des agréments nationaux et académiques et de donner à ces associations une visibilité sur leur financement par la signature systématique de conventions pluriannuelles d’objectifs.

Enfin, nous recommandons l’élaboration d’un plan pluriannuel de formation dans le domaine de la lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants et le recrutement des personnels médico-sociaux indispensables au repérage systématique des faits de violence, en portant une attention particulière au premier degré, où les interventions du service social en faveur des élèves demeurent trop rares.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Après la prévention, passons aux procédures de signalement par les enseignants, les parents et les personnes de l’entourage des enfants victimes de violences. Ces procédures sont confuses, inefficaces et souvent mal maîtrisées. Faut-il saisir le procureur au titre de l’article 40 du code de procédure pénale ? Faut‑il faire un signalement à son supérieur hiérarchique dans l’établissement ? Faut-il faire état d’une information préoccupante auprès de la Crip (cellule départementale de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes) ? Nous formulons des recommandations très précises à cet égard.

L’une d’elles consiste à responsabiliser chacun des personnels qui sont impliqués et qui ont connaissance d’un fait délictueux envers un enfant et à allonger le délai de prescription du délit de non-dénonciation de violences physiques volontaires, comme c’est déjà le cas pour les violences sexuelles et les viols.

Nous avons aussi travaillé sur le secret médical et celui de la confession qui peuvent être reconnus à des professionnels de santé et à des prêtres. Il s’agit pour nous d’obstacles à lever, sachant qu’un enfant peut confier avoir été victime d’une violence grave à ces personnes au statut particulier. S’agissant du secret médical, la loi a déjà prévu des dispositions qui permettent de saisir le procureur, mais elles mériteraient d’être clarifiées. Quant au secret de la confession, nous estimons qu’il faut pouvoir le lever lorsqu’il concerne des faits de violence commis au préjudice de mineurs de moins de 15 ans. Un travail engagé en ce sens a donné lieu à des échanges avec le président de la Conférence des évêques de France et le ministre de la justice, dont nous faisons état dans le rapport.

La culture du silence l’emporte encore trop souvent sur la culture du signalement. Constatant à quel point les obligations des parents, des chefs d’établissement et des enseignants du public et du privé sont floues, nous considérons qu’il est nécessaire d’instituer une nouvelle procédure de signalement. Dans le rapport, vous trouverez un schéma qui résume le fonctionnement de Signal Éduc, une cellule de signalement nationale qui serait une alternative ou un complément à la voie hiérarchique, inspirée de la cellule Thémis en place dans l’armée ou de la plateforme Signal sports pour les associations sportives.

Elle permettrait aux personnels et représentants de parents d’élèves de faire un signalement au niveau national en évitant de passer par la voie hiérarchique. Elle renforcerait le lien avec le 119, numéro d’appel pour la protection de l’enfance. Elle rassemblerait le traitement, le suivi, le conseil et les statistiques de ces signalements. Composée d’inspecteurs, de magistrats et de représentants d’associations de protection de l’enfance, elle ferait aussi une grande place aux membres de collectifs de victimes. En cohérence, nous proposons dans la recommandation n° 37 de conforter les moyens du 119 et de renforcer ses liens avec l’éducation nationale.

Les lanceurs d’alerte, quant à eux, sont mal informés de leurs droits et de la protection qu’ils peuvent obtenir de l’État tout au long de leur carrière. Nous recommandons de renforcer le retour d’information vers celui qui a lancé l’alerte, qu’il s’agisse d’un enseignant ou d’un parent d’élève, et qu’il ait effectué le signalement auprès de la justice ou de l’éducation nationale. Nous recommandons aussi d’afficher la procédure de protection des lanceurs d’alerte partout dans les établissements.

En ce qui concerne le lien entre l’éducation nationale et la justice, il existe un cadre juridique précis depuis 2016. Il a fallu beaucoup travailler pour parvenir à un équilibre entre la protection de la présomption d’innocence des agresseurs présumés et le devoir de signalement des lanceurs d’alerte. Il faut encore améliorer la communication et le partage d’informations entre ces deux ministères, un point sur lequel nous insistons fortement dans le rapport.

Venons-en au suivi des agresseurs potentiels, membres de l’éducation nationale ou salariés de l’enseignement privé sous contrat ou hors contrat. Il faut améliorer à la fois la connaissance des échelles de sanction de l’éducation nationale et l’application réelle de ce barème, au lieu de se reposer uniquement sur la justice, ce qui a souvent été le cas. Il faut aussi que la trace des condamnations pour des faits de violences à l’égard d’élèves reste dans les dossiers administratifs. À cet égard, nous avons émis trois recommandations. Dans l’enseignement public, nous préconisons que les sanctions, quel que soit le groupe auquel elles se rattachent, restent inscrites dans le dossier. Nous recommandons de veiller à ce que le nouveau système d’information des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale permette le suivi d’un dossier individuel, y compris en cas de mobilité interacadémique. Dans l’enseignement privé, nous recommandons la création d’un dossier unique pour les personnels de droit privé dépendant des organismes de gestion, qui permette de les suivre d’établissement en établissement et d’une académie à l’autre.

Pour élaborer ce rapport, nous avons dépassé nos différences et souvent fait des compromis au-delà de ce que semblaient nous permettre nos étiquettes politiques. Il nous a fallu relire phrase après phrase et parvenir à cinquante recommandations efficaces et organisées autour de cinq axes clairs. Nous nous engageons à en suivre l’application, en lien avec la délégation aux droits des enfants et la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Jour après jour, nous avons reçu des témoignages bouleversants, des messages et des appels parfois choquants, qui nous empêchent de dormir. Je salue à nouveau nos équipes parlementaires, des jeunes hommes et femmes qui ont lu et écouté ces témoignages. Nous sommes toujours porteurs de l’attente des victimes à travers le rapport et les recommandations que nous faisons. Ces travaux sont forts et utiles. Ils ont déjà fait bouger les lignes, avec le déploiement annoncé de l’application Faits établissement dans les établissements privés sous contrat, le plan Brisons le silence, agissons ensemble de l’éducation nationale, le lancement de questionnaires, l’engagement du Secrétariat général de l’enseignement catholique concernant la vie scolaire, les inspections et la mise en place de l’Evars, ou encore les campagnes de contrôle interne.

Nos travaux pourront être encore plus utiles si ce rapport est adopté. Il n’est pas parfait. Il pourrait comporter d’autres recommandations. Nous avons achevé nos travaux en trois mois et demi, l’idée étant de terminer avant les vacances d’été pour ne pas courir le risque de devoir nous arrêter pour cause de dissolution de l’Assemblée nationale. Nous avons voulu faire un travail efficace et conjoint. L’adoption de ce rapport, ce mercredi 25 juin, est attendue par des milliers de victimes mais aussi par des millions de personnes qui ont subi les conséquences de ces souffrances dans leurs familles, parfois sur des générations. Nous avons maintenant le choix d’ouvrir ou de refermer le couvercle sur l’omerta dénoncée par tant de victimes.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Roger Chudeau (RN). Je m’efforcerai de répondre à trois questions. La commission a-t-elle rempli son rôle et respecté son cahier des charges ? Les rapporteurs avaient-ils d’autres objectifs, un sous-texte ? Que penser des recommandations du rapport ?

La commission a révélé l’ampleur d’un phénomène occulté, la violence exercée par des responsables éducatifs – professeurs, éducateurs, chefs d’établissement – sur les élèves qui leur sont confiés. Des faits inadmissibles, ignobles, ont été mis en lumière : c’est l’un des mérites évidents de ce travail. L’avalanche de témoignages déclenchée par la commission révèle, chez certains éducateurs, une vision pervertie voire perverse de l’exercice de l’autorité. Nous sommes très satisfaits que les victimes aient pu s’exprimer et dénoncer le silence qui a entouré leurs souffrances pendant des années.

Le deuxième phénomène mis en lumière par la commission est l’omerta, le « pas de vagues ». Ce constat est terrible car il témoigne d’un aveuglement de l’institution scolaire, celle-là même qui est chargée de protéger et d’éduquer les enfants. La carence des pouvoirs publics est manifeste et nous sommes satisfaits aussi qu’elle soit mise au jour et clairement dénoncée.

Le rapport a-t-il un sous-texte ? Nous pensons que oui, tant il se focalise, avec une insistance pesante, sur l’enseignement privé diocésain. Vous-mêmes le reconnaissez au détour d’une phrase : vous expliquez qu’il ne peut en être autrement puisque l’enseignement catholique est celui qui compte le plus d’internats. Vous allez jusqu’à jeter l’opprobre sur un établissement qui n’a pas encore vu jour, à Salbris, dans ma circonscription, que la Fondation pour l’école de M. Stérin projette d’ouvrir. Cela n’a pourtant aucun rapport avec le sujet. De même, nous ne voyons pas ce que les lycées Averroès et Al Kindi ont à voir avec les violences faites aux élèves ; cela n’a aucun rapport. Nous nous interrogeons sur le sens de l’audition du 9 avril.

La focale la plus marquée a concerné le premier ministre, François Bayrou. Pendant cinq heures et demie, dans une atmosphère de tribunal populaire, de comité de salut public, vous avez tenté de déstabiliser le chef du gouvernement. Nous y voyons une tentative d’instrumentalisation politique du sujet très douloureux qui nous occupe, à des fins clairement politiciennes – car votre objectif, monsieur le rapporteur Vannier, est évidemment d’avoir la tête du premier ministre. Cela, nous le réprouvons et nous le dénoncerons publiquement. Il y va, selon nous, de la dignité de notre institution parlementaire et de la crédibilité des travaux d’enquête, laquelle n’a pas à être instrumentalisée.

Venons-en à vos principales recommandations. L’une fait sourire, la n° 34 : vous voulez lever le secret de la confession. Vraiment, vous osez tout, c’est presque comique ! Plus sérieusement, la proposition de créer une cellule ministérielle Signal Éduc nous paraît inopérante. Au Rassemblement national, nous pensons que la prévention et la répression des violences commises sur des élèves par des adultes ayant autorité doivent s’effectuer au plus près du terrain et relever directement des recteurs, qui sont les mieux à même d’être informés et de réagir. Nous pensons qu’il faut une obligation réglementaire de signalement auprès du système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire et de la plateforme Faits établissement, ainsi qu’une obligation réglementaire de signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. C’est pourquoi nous nous abstiendrons lors du vote.

Mme Graziella Melchior (EPR). La commission d’enquête a amorcé la libération de la parole de nombreuses personnes ayant été victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles en milieu scolaire au cours des dernières décennies ; en cela, elle fut salutaire. Elle a aussi permis une prise de conscience des ministères concernés, de l’enseignement catholique et de l’ensemble de la population. Je vous remercie pour votre implication : le travail que vous avez mené constitue une première réponse pour ceux dont la vie a été brisée et permet d’œuvrer à ce que ces violences ne se reproduisent plus. Députée du Finistère, où plusieurs établissements scolaires ont été des lieux de violence, j’ai eu à cœur d’entendre les victimes du collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon dès leur prise de parole. Si je n’imagine pas que des faits d’une ampleur similaire à ceux qui ont eu cours dans certains établissements il y a des décennies puissent se renouveler, force est de constater que des défaillances graves persistent.

Votre rapport formule cinquante recommandations que je tiens à saluer. Vous préconisez tout d’abord de reconnaître les victimes de violences scolaires mais aussi la responsabilité de l’État, en créant un fonds d’indemnisation et d’accompagnement. Cela répond à une attente forte des collectifs, notamment celui du Finistère.

Vous demandez par ailleurs la création d’une mission transpartisane sur l’imprescriptibilité et préconisez de prolonger le délai de prescription pour le délit de non-dénonciation, comme nous l’avons fait récemment pour les crimes sexuels commis à l’encontre de mineurs. Je partage ces recommandations. Je vous remercie d’avoir travaillé sur la non-dénonciation, qui procède du phénomène d’omerta ayant tant prévalu ces dernières décennies. C’est un sujet qui me préoccupe depuis plusieurs mois. Aujourd’hui encore, cela se traduit par des réactions que je résumerai ainsi : le directeur se dit « pourvu que tel enseignant problématique ne soit pas dans mon école », les parents se disent « pourvu que mon enfant ne soit pas avec tel enseignant » – bref on sait, on évite, mais personne n’intervient. Le « pas de vagues », c’est aussi cela.

Nous devons construire une culture de la protection de tous les enfants. Quelles propositions formulez-vous pour impliquer également les parents et les mettre face à cette responsabilité collective ? Au cours des auditions, et il en est allé de même lors de mes rencontres sur le terrain, nous avons constaté le silence des familles, des personnels de l’éducation, des académies et de l’éducation nationale. J’en veux pour preuve un exemple très récent : une enseignante qui avait été mise à l’écart de deux établissements privés parisiens pour des faits de violence a été accueillie à la rentrée 2024 dans une école privée du Finistère. Quelques semaines plus tard seulement, des parents ont signalé de nouveaux faits de violence. Le protocole d’accompagnement décidé en conséquence n’a pas été suivi d’effet puisque l’enseignante est en arrêt maladie et, de fait, n’est pas sanctionnable. Dans ce dossier, il n’y a eu aucune information interacadémique et l’État porte une pleine responsabilité, me semble-t-il.

Aussi, je salue tout particulièrement les propositions que vous formulez pour renforcer la transparence s’agissant des dossiers des enseignants et de l’honorabilité de l’ensemble des personnels et bénévoles qui travaillent auprès d’enfants. Dans le cas que j’ai cité, il est inadmissible qu’aucune alerte n’ait été transmise à l’établissement et au diocèse. En cas de défaillance de l’État, qui, selon vous, doit porter la responsabilité ? La question de la suspension des fonctions se pose, alors qu’elle ne semble pas évidente pour l’éducation nationale. Comment éviter que les sanctions soient contournées par un arrêt maladie ?

Enfin, l’enjeu fondamental est l’accompagnement des victimes d’aujourd’hui. Avez-vous pensé à un dispositif qui permettrait de suivre leur parcours, depuis le signalement jusqu’au rétablissement psychologique ?

Les collectifs de victimes finistériens demandent la création d’un parquet spécialisé dans les violences faites aux enfants. Pour quelle raison n’avez-vous pas repris cette idée, qui revient régulièrement ?

Mme Marie Mesmeur (LFI-NFP). Cette commission d’enquête a été lancée après que plusieurs victimes ont eu le courage de dénoncer les systèmes de violence physique et sexuelle dont elles ont été victimes enfants, pour certaines des dizaines d’années plus tôt. Les coups qui leur ont été portés, les traumatismes qui leur ont été infligés pour une vie entière l’ont été par des adultes, des figures en principe éducatives et responsables. C’est bien d’un système que l’on parle et non de personnes isolées. Pour le comprendre, il suffit d’écouter les victimes : « Tout le monde est coupable. Même s’il y en avait deux qui donnaient des coups et dix qui ne disaient rien, ils étaient tous coupables car tout le monde savait : la direction, le personnel, les infirmiers, les médecins » – liste à laquelle on peut ajouter, pour Notre-Dame de Bétharram, des voisins, inspecteurs, policiers, recteurs, députés, ministres et bien sûr des enseignants, des parents et des enfants.

Malheureusement, les violences commises à Bétharram ne sont pas isolées. Des collectifs d’enfants victimes s’expriment partout en France. La liste est longue – vous le savez, chers collègues, car vous êtes potentiellement touchés, dans chacune de vos circonscriptions, par les violences physiques et sexuelles sur mineurs. Nous savons que toutes les trois minutes, un enfant est victime d’inceste, de viol ou d’agression sexuelle en France. Nous savons qu’il y a eu des centaines de milliers de victimes de violences sexuelles dans l’Église, dont un tiers dans des établissements scolaires privés, d’après le rapport Sauvé. Nous savons que 46 % des élèves, presque un sur deux, déclarent avoir été victimes d’au moins une forme de violence de façon répétée durant l’année scolaire. Nous savons maintenant que le contrôle des établissements a laissé de côté les internats scolaires, pourtant propices aux agressions. Il ne s’agit pas seulement de Bétharram mais de violences de masse, d’un problème de société, de générations traumatisées. La Conférence des évêques de France a affirmé que ces pratiques et violences faisaient honte à l’humanité.

Pourquoi en sommes-nous là ? À cause de la banalisation des violences, de l’inversion de la culpabilité, de la silenciation et de l’inaction, c’est-à-dire d’un processus qui a été mis en lumière tout le long de la commission d’enquête : l’omerta. On demande souvent pourquoi les enfants ne parlent pas. Pour moi, en tant qu’éducatrice spécialisée et en tant que députée, la vraie question est celle des adultes – adultes en famille, adultes en fonction, adultes figures d’autorité publique : pourquoi les adultes ne protègent-ils pas ? L’école est le second lieu de socialisation des enfants, leur premier lieu collectif. Or les enfants sont considérés comme des sous-citoyens dont la parole a moins de légitimité. Ils ont face à eux des adultes de pouvoir qui veulent protéger l’image d’une institution ou d’un groupe social. À Bétharram, c’était saillant. Pour certains enfants, c’était un camp de redressement, pour d’autres, c’était une école élitiste.

Avant de conclure, je veux saluer la force et le courage de ceux et celles qui libèrent la parole, de ceux et celles qui ont cherché à protéger, à lancer l’alerte malgré les insultes et les intimidations. Je veux saluer ces familles et ces personnes qui ont revécu l’insoutenable au moment des révélations suscitées par nos travaux. Je veux aussi saluer le travail des rapporteurs et de la commission, mené dans un cadre transpartisan ; il a permis de rappeler l’importance et la valeur démocratique des commissions d’enquête.

Comme certains d’entre vous, j’ai pris part à la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, qui s’est terminée au moment où la présente commission commençait ses travaux d’enquête. Après des mois d’audition, avant et après la dissolution, nous avons formulé plus de quatre-vingt-dix recommandations pour mieux protéger les enfants. Depuis, rien. Le présent rapport propose simplement de reconnaître les victimes de violences commises en milieu scolaire ; de protéger les élèves ; de soutenir les personnels pour lutter contre les violences et de structurer une culture du signalement ; de lever le tabou des contrôles de l’État sur les établissements privés sous contrat ; de refonder les inspections pour garantir la protection des élèves – le tout grâce à cinquante recommandations clés en main.

De commission d’enquête en commission d’enquête, de rapport en rapport, l’urgence est martelée : il faut protéger les enfants. Le 19 février, nous votions à l’unanimité l’attribution des pouvoirs d’enquête à notre commission, sous l’impulsion de collectifs de victimes et en recueillant une grande reconnaissance populaire. Depuis, chaque audition a été regardée, commentée, bien au-delà des 200 victimes qui ont porté plainte. Ce rapport est très attendu. Pour combattre l’omerta, pour nous engager collectivement et unanimement à protéger les enfants, pour rappeler le devoir républicain qui s’impose à tous – école, institutions, État, adultes –, nous devons le voter. Ne nous contentons pas de jeter une bouteille à la mer, imprégnons la loi de nos travaux. Soyons à la hauteur, pour que les inspections ne se déclenchent pas uniquement lorsque les scandales éclatent.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Cela a été dit, ce travail est né du cri de très nombreuses victimes. Rappelons qu’il est aussi né du consensus que la commission des affaires culturelles et de l’éducation a su trouver lorsque, à l’unanimité, elle a demandé à disposer des prérogatives d’une commission d’enquête. Il faut saluer ces moments rares où, par le dialogue et le débat, nous convergeons vers le consensus.

Le rapport reprend les mots d’Alain Esquerre dans son livre Le Silence de Bétharram : « Bétharram est le fruit d’une omerta. Je ne sais pas comment nous en sortir tous. J’entends trop peu de personnes, sauf peut-être certaines mères, assumer leur part de responsabilité, s’excuser de n’avoir pas prêté attention. Peut-être ont-ils préféré détourner le regard, passer leur chemin, choisi de ne pas savoir, de ne pas voir, de pas entendre, de minimiser. »

Si certains ont mal vécu l’audition du premier ministre, pour ma part, c’est ce constat que j’ai mal vécu. J’attendais un moment de vérité lors duquel un haut responsable de l’époque, toujours aux plus hautes fonctions, admettrait sa part de responsabilité et d’échec, reconnaîtrait qu’il n’avait pas su protéger. Au lieu de cela, il a passé trente minutes à couvrir d’injures la seule enseignante qui, tant bien que mal, avec les moyens de l’époque, avait essayé de lancer l’alarme. Voilà ce qui nous a scandalisés – je le suis encore pour ma part.

Et maintenant, que faire ? Comment nous sortir, tous, de l’omerta ? Vous listez une série de recommandations nécessaires, pour certaines urgentes, mais nous savons que pour briser l’omerta, les lois ne suffisent pas : c’est la culture qu’il faut changer. Il faut changer urgemment notre rapport aux enfants. Ce qui transparaît de Bétharram et des autres affaires, c’est une culture du laxisme, de la lâcheté et du conformisme. On préfère protéger une réputation, celle d’une école, d’une Église, de notables, avant de protéger les enfants.

Cette culture de la protection s’oppose à une culture du redressement encore très vivace, selon laquelle les enfants qui dévient du droit chemin devraient être corrigés. Mais une autorité a-t-elle besoin de violence pour être légitime ? A-t-elle besoin de battre, de mettre des claques pour être respectée ? La réponse est non. Tant que nous ne changerons pas ce rapport à l’enfance, nous verrons des Bétharram se reproduire, ici ou ailleurs, au sein de l’institution comme au sein des familles.

Bétharram est le fruit d’une omerta. Nous avons eu le courage de lancer des travaux d’enquête. Je vous le dis avec gravité, chers collègues, il serait inconcevable que nous n’achevions pas ce travail, que nous posions un couvercle sur ce rapport et que nous entretenions nous-mêmes l’omerta. Il serait inconcevable que le rapport ne soit pas rendu public : il est attendu, urgent et nécessaire. Vous pouvez considérer qu’il n’est pas parfait, mais il doit être publié. J’appelle chacun à sa responsabilité : nous ne pouvons pas trahir des victimes qui attendent énormément de nous.

Comme nous avons su être à la hauteur lorsque nous avons lancé ces travaux d’enquête, soyons-le face au rapport. C’est pourquoi, au groupe socialiste, nous voterons pour sa publication et appelons tous les députés à faire de même.

Mme Frédérique Meunier (DR). Avant toute chose, je souhaite adresser une pensée à toutes les victimes de violences sexuelles et psychologiques que ce rapport met en lumière, ainsi qu’à leurs familles. Ces enfants devenus adultes ont porté en silence des souffrances immenses, souvent dans l’indifférence ou l’oubli. Nous avons entendu de nombreux témoignages de violences et de maltraitances abjectes subies dans des établissements scolaires, là où les enfants devraient au contraire se sentir en sécurité.

Je veux saluer leur courage d’avoir parlé après des décennies, d’avoir brisé le silence pour que d’autres ne subissent jamais ce qu’ils ont enduré. Cette commission leur aura au moins permis de parler ; rien que pour cela, elle était nécessaire. En aucun cas je n’oublie ceux qui n’osent pas encore prendre la parole et qui vivent avec ce poids sur les épaules.

Je salue également le travail de Mme Spillebout, de M. Vannier et de leurs collaborateurs et des administrateurs. Le rapport et les cinquante recommandations dressent un constat lucide et exigeant sur l’état de l’école et les actions nécessaires pour la protéger. Cependant, je déplore l’acharnement médiatique dont certains ont été victimes, notamment François Bayrou. De tant d’heures d’audition et de témoignage, il est regrettable qu’on ne retienne que celles-là. Je regrette également qu’un sujet aussi grave ait fait l’objet d’une instrumentalisation politique et médiatique. Cela aurait dû être évité. Une commission d’enquête n’est pas un tribunal.

Votre rapport ne contourne pas les responsabilités des adultes – parents, associations, corps enseignant, Église, comité de soutien à Bétharram –, à l’exception des institutions de santé qui sont pourtant des témoins directs des maltraitances. Pourquoi cette absence ?

Vous pointez des dysfonctionnements graves dans la manière dont certaines violences ont été tues, dissimulées, voire minimisées au nom de la réputation d’un établissement dont la sévérité était un produit d’appel. Cela nous conduit à nous interroger sur le rôle de l’État, non pas en substitution des établissements mais comme garant de la protection des mineurs, quelle que soit la structure qui les accueille. Mais je veux être claire : il ne saurait être question de jeter l’opprobre sur l’ensemble de l’enseignement privé catholique. Les dérives d’individus, aussi graves soient-elles, ne doivent pas conduire à une condamnation collective ni à une suspicion généralisée.

Je connais bien les établissements privés catholiques de mon territoire ; j’y ai vu des enseignants engagés, des équipes éducatives bienveillantes, des chefs d’établissement attentifs à chaque élève. Ils ne doivent en aucun cas être les victimes d’un amalgame. Il faut condamner les fautes, pas les convictions. Il faut dénoncer les actes, pas l’appartenance religieuse. Il faut rappeler que la loi protège l’enfant partout, toujours, sans distinction. Telle est notre responsabilité politique : bâtir une culture de la transparence, du signalement, du contrôle effectif dans tous les établissements, publics ou privés, sans exception.

Nous devons regagner la confiance des familles ; pour cela, nous leur devons la vérité. Cela doit passer par la prévention, le signalement et la protection. Cela suppose un droit d’enquête renforcé, une collaboration sans réserve des établissements mais aussi un engagement résolu de la hiérarchie, dans le privé comme dans le public.

Les enfants victimes de violences institutionnalisées sous prétexte d’excellence pédagogique n’ont pas été trahis par l’école privée catholique dans son ensemble ; ils ont été trahis par des adultes et des institutions, par l’omerta. C’est ce silence que nous devons briser et c’est cette protection que nous devons assurer, car la mission de l’école, qu’elle soit publique ou privée, laïque ou confessionnelle, reste la même : éduquer, instruire, protéger.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). J’aurai évidemment une pensée durant toute mon intervention pour les victimes.

À l’origine, l’omerta désigne la loi du silence dans la mafia sicilienne. Les travaux de la commission et les révélations de la presse ont montré qu’elle pouvait régner autour des violences commises dans les établissements scolaires. L’affaire Bétharram en est particulièrement révélatrice : lorsqu’on sanctionne une enseignante pour avoir dénoncé des violences ; lorsqu’une partie des élus et des notables de la région, anciens élèves, défendent envers et contre tout l’établissement au détriment des victimes ; lorsqu’on enchaîne les mensonges pour protéger l’établissement et ses agresseurs ; lorsqu’on tente de discréditer tous ceux qui prennent la parole ; lorsqu’on profère des menaces sur la carrière politique d’une parlementaire qui a œuvré à faire connaître la vérité, cela relève de méthodes mafieuses.

Certains ont fait leur Cosa Nostra de la défense d’une méthode d’éducation reposant sur la violence et la toute-puissance de l’adulte. Les travaux d’enquête de la commission étaient donc nécessaires. Je tiens à saluer notre travail collectif, particulièrement celui de la présidente et des rapporteurs Violette Spillebout et Paul Vannier.

Désormais, nous devons œuvrer à abattre ce système qui favorise et protège les violences sur les enfants au sein même des institutions scolaires. Notre pays fait honte en matière de protection des enfants. On ne compte plus les condamnations de la France par les cours internationales ni les alertes des associations. La Défenseure des droits le rappelait lors de son audition : « La gravité de la situation n’est ni mesurée ni prise en compte par les plus hautes sphères de l’État. » On pourrait croire que la lutte contre la violence envers les enfants en milieu scolaire fait l’unanimité parmi nous. Malheureusement, certains défendent encore un modèle qui prône la violence comme outil éducatif. Ils n’ont pas hésité à soutenir le premier ministre lorsqu’il a présenté Bétharram comme un établissement strict et qualifié le fait de frapper un enfant de geste de « père de famille ».

Il est temps de changer de paradigme et de protéger les enfants à l’école, qui doit être un sanctuaire et non un enfer. Il est temps de déployer effectivement le dispositif Evars, avec des heures fléchées, et d’organiser des actions d’éducation et de prévention des violences au sein de l’institution scolaire. Il est temps de donner des moyens humains et financiers aux services d’inspection de l’éducation nationale et de garantir leur autonomie afin que leur hiérarchie ne puisse plus caviarder les rapports.

Il est temps d’en finir avec la permissivité accordée au privé. La République ne reconnaît aucun culte ; elle doit protéger les enfants où qu’ils soient et soumettre l’enseignement privé aux mêmes obligations et aux mêmes contrôles que l’enseignement public. Il est temps de protéger celles et ceux qui témoignent et dénoncent les violences dans les institutions scolaires, de mettre un terme à une époque où des ministres soutiennent des établissements où l’on humilie, où l’on frappe et où l’on viole des enfants.

Les recommandations des rapporteurs vont dans le bon sens. Il est temps que la représentation nationale agisse pour protéger les enfants par la loi, en renforçant les outils de prévention et de contrôle des établissements scolaires. Parce que ce rapport est juste et factuel, parce qu’il est le résultat d’un travail de qualité, notre groupe votera en sa faveur. Je salue le travail des administrateurs et de nos collaborateurs. Pour avoir assisté à la majorité des auditions – ce qui n’est pas le cas de tout le monde –, je connais leur sérieux et je les remercie.

M. Erwan Balanant (Dem). Votre rapport prouve qu’il était nécessaire de mener cette commission d’enquête – de cette manière ? c’est une autre question. Nous partageons vos constats. Ils se rapprochent du travail que l’Assemblée a mené sur les violences dans d’autres domaines, ceux du sport et de la culture.

Plusieurs de vos propositions me semblent constituer des pistes extrêmement intéressantes pour mettre fin au scandale que constitue la façon dont nous traitons les enfants.

Tout d’abord, la prévention doit être renforcée, certes auprès des enfants mais aussi dans l’ensemble de la société ; or les adultes en sont peu destinataires.

Ensuite, nous devons développer une culture du signalement qui repose sur des protocoles clairs, communs à toutes les situations dans lesquelles les enfants sont exposés : activités sportives, culturelles ou éducatives. Vous proposez de créer une cellule Signal Éduc, mais nous avons déjà les numéros d’appel 119 et 3018 ainsi que d’autres dispositifs. Il faut créer un système cohérent.

Enfin, l’honorabilité est un sujet crucial. Comme pour les signalements, il faut élaborer un système fiable, robuste et commun à tous les acteurs. Inspirons-nous de l’Australie, où l’honorabilité de toute personne qui travaille avec des enfants est contrôlée.

Au-delà des excellents éléments qui se trouvent dans le rapport, permettez-moi de souligner deux angles morts et d’exprimer un regret.

Vous parlez très peu d’une des violences les plus fortes à l’école, le harcèlement scolaire. C’est dommage, car il est la source de phénomènes de violence de plus grande ampleur. Vous auriez aussi pu explorer les raisons pour lesquelles notre société met une chape de plomb sur la parole des enfants.

Mon regret, c’est que vous ayez passé tant de temps à chercher un coupable – vous l’aviez même désigné dès votre première intervention, monsieur Vannier. S’il faut chercher des responsabilités, allons-y complètement, cherchons toutes les responsabilités sur les trente ans qui viennent de s’écouler ! Nous en trouverons, et nous verrons aussi que des gens ont agi. Vous dites que François Bayou a menti ; je pense qu’il a fait ce qu’il pouvait, mais ce n’est pas le sujet. À vouloir désigner des coupables, nous passerons à côté de la question essentielle : pourquoi les enfants sont si mal traités dans notre société ? Continuons plutôt le travail sur ce point.

Mme Béatrice Piron (HOR). Je tiens à exprimer, au nom du groupe Horizons & Indépendants, toute notre solidarité envers ceux qui ont été victimes de maltraitances ou de violences dans le cadre scolaire, ainsi qu’envers les personnels confrontés à ces situations souvent douloureuses pour eux aussi.

Je remercie l’ensemble des commissaires pour le travail effectué, qui permettra, je l’espère, d’aborder ce sujet avec toute la rigueur qu’il exige, afin de garantir à chaque élève un environnement sûr.

Notre groupe regrette toutefois que certains passages du rapport, notamment ceux spécifiques au rapporteur, semblent poursuivre un objectif avant tout politique. Certains commentaires n’y avaient pas leur place.

Cela ne doit pas faire oublier la solidité du travail de fond, dont nous saluons l’utilité. Ce rapport doit être publié, pour les victimes et pour que les choses changent. Nous continuons toutefois à nous interroger sur la position à adopter pour ce vote. N’ayant pu lire l’intégralité des 300 pages du rapport en raison des conditions de consultation imposées, je me suis concentrée sur l’analyse des recommandations, articulées autour de cinq grands axes.

Dans l’axe 2, consacré à la protection des élèves, j’adhère aux recommandations visant à programmer des séances annuelles d’information et de sensibilisation à l’enfance maltraitée dans tous les établissements scolaires et à en contrôler l’effectivité, y compris lors du passage sous contrat d’un établissement privé. Je partage également l’idée d’étendre le périmètre de ces séances aux violences commises par des personnes exerçant une autorité sur les élèves. Ce sont là des mesures concrètes et nécessaires.

J’ai toutefois été étonnée que les recommandations de l’axe 4 relatif au renforcement du contrôle de l’État sur les établissements privés sous contrat ne concernent que ce type d’établissements, alors que la commission d’enquête portait sur les autres aussi. Ainsi, la recommandation visant à conforter dans la loi la possibilité pour les inspecteurs de contrôler la vie scolaire et à adresser une circulaire aux chefs d’établissements pour rappeler le périmètre des inspections et les prérogatives des inspecteurs semble exclure de fait les établissements publics et hors contrat. Or ces derniers devraient également faire l’objet d’un encadrement clair. Je souhaiterais connaître les raisons de cette distinction et savoir s’il serait envisageable d’élargir cette recommandation à tous les établissements scolaires.

La vie scolaire est mentionnée dans la recommandation n° 13, mais je n’ai rien trouvé concernant le climat scolaire et la manière de le mesurer lors des inspections.

Dans l’annexe n° 5 traitant de la refonte des inspections pour garantir la protection des élèves, la proposition de réaliser des contrôles complets dans les établissements dotés d’un internat me paraît très importante, tout comme celle visant à distribuer annuellement à tous les élèves concernés une charte des droits de l’élève interne. Avez-vous envisagé d’élargir la distribution de cette charte aux séjours scolaires avec nuitées, qui, bien que ne relevant pas d’un internat à l’année, constituent également des situations sensibles à encadrer ?

Les recommandations  5 et 12, portant respectivement sur la clarification des règles d’inspection et la systématisation de la pluridisciplinarité des missions de contrôle, soulèvent des questions d’ordre organisationnel. J’ai été alertée dans ma circonscription d’un cas de contrôle qui s’est avéré particulièrement gênant, pour les enseignants comme pour les enfants. Dix personnes, inspecteurs et autres adultes, sont intervenues pour réaliser un contrôle dans une petite école d’une soixantaine d’élèves, sur le temps scolaire, de façon inopinée. L’établissement ne disposant pas, à ce moment, de personnel administratif dédié, le contrôle s’est déroulé très majoritairement en salle de classe, devant les enfants ; la directrice s’est vu reprocher de s’absenter pour aller chercher les documents administratifs exigés en laissant ses élèves sans surveillance. Des remarques ou questionnements relatifs à une élève en situation de handicap ont par ailleurs été formulés en classe entière, devant l’élève concernée.

Ce cas n’est pas isolé et des situations similaires m’ont été signalées par plusieurs établissements. Les enseignants concernés ont ressenti cette intervention comme une forme d’intrusion excessive, marquée par un manque de bienveillance vis-à-vis d’eux-mêmes et des enfants. Une réflexion sur l’organisation pratique de ces contrôles ne devrait-elle pas être envisagée ?

Mme Soumya Bourouaha (GDR). Je tiens à saluer au nom de mon groupe le travail effectué tambour battant par les corapporteurs et par la présidente de la commission.

Cette commission d’enquête a été créée dans un contexte grave, dans lequel un premier ministre en exercice était soupçonné d’avoir couvert et étouffé des actes de violence commis dans un établissement privé où étaient scolarisés plusieurs de ses propres enfants. Elle était nécessaire, pour ne pas dire impérieuse. Elle a permis de mettre en lumière des failles profondes et de dresser un constat accablant : pendant trop longtemps, le contrôle de l’État à l’égard des établissements privés a été inexistant ou presque.

Le cas de l’institution Notre-Dame de Bétharram s’est imposé comme un révélateur de ces dysfonctionnements. Malgré les dénégations du premier ministre, qui continue d’affirmer qu’il n’avait pas connaissance des violences physiques et sexuelles commises par les personnels de cet établissement, le rapport décrypte comment la loi du silence a permis pendant des décennies de préserver la réputation de lieux fréquentés principalement par des enfants de notables. Il met en lumière des violences trop longtemps banalisées, voire justifiées au nom de prétendues méthodes éducatives. On comprend à la lecture de ce rapport qu’il reste encore un long chemin à parcourir pour en finir avec ces schémas d’un autre âge, écouter enfin la parole des victimes et les reconnaître pleinement.

Nous approuvons à ce titre la recommandation visant à inscrire dans le code de l’éducation et dans le code de l’action sociale et des familles l’interdiction de tout châtiment corporel ou traitement humiliant à l’égard des enfants. L’État doit assumer sa responsabilité pleine et entière face aux manquements ayant permis à de telles violences de perdurer dans nos établissements scolaires.

Autre point majeur du rapport, la dénonciation de l’absence de centralisation annuelle des actes de violence commis par des adultes à l’égard des élèves ainsi que des lacunes de l’application Faits établissement, censée centraliser les signalements mais totalement absente du champ des établissements privés, sous contrat comme hors contrat. S’y ajoutent des dispositifs de signalement dispersés, opaques et souvent inadaptés. Je partage donc votre constat : nous devons concevoir et mettre en place de nouveaux outils permettant d’établir chaque année des données chiffrées détaillant par académie et par établissement les actes de violence commis par les adultes à l’égard des élèves, afin d’assurer un contrôle plus rigoureux des établissements privés sous contrat.

Je salue enfin la recommandation visant à généraliser le contrôle de l’honorabilité à l’ensemble des personnels et bénévoles œuvrant au sein des établissements scolaires publics et privés, lors de leur recrutement puis tous les trois ans.

Le rapport met également en évidence un traitement inégal dans le contrôle des établissements privés. Certains font l’objet de vérifications rigoureuses et régulières, tandis que d’autres ont bénéficié d’une indulgence difficilement justifiable. Il est essentiel de mettre fin à ces disparités en instaurant un contrôle rigoureux, impartial et appliqué sans discrimination.

Le rapport souligne l’existence de nombreuses failles dans le contrôle de l’enseignement privé dans notre pays. Ces manquements doivent nous interpeller : au-delà des réformes nécessaires, ils nous invitent à repenser en profondeur notre modèle éducatif et son organisation.

Fruit d’un travail rigoureux, ce rapport a révélé des failles graves et formule des recommandations concrètes. Il nous rappelle qu’aucun établissement ne peut bénéficier de financements publics sans que soit garanti un contrôle clair, équitable et efficace.

Plus jamais un enfant ne doit être en danger à l’école. Il s’agit d’une exigence de justice et de responsabilité, une exigence républicaine. Ce rapport doit être voté et rendu public. Les victimes sont dans l’attente ; nous ne devons pas les décevoir.

M. Maxime Michelet (UDR). Face aux violences commises sur les enfants, la nation doit être intraitable. Tel était le sens de l’unanimité qui a accueilli la transformation de notre commission en commission d’enquête. Il s’agissait d’un devoir vis-à-vis de la souffrance des victimes et de leurs familles : l’effroi des violences subies appelait une réponse du Parlement.

Il est cependant nécessaire de rappeler, comme vous le faites en introduction, que la gravité des cas traités ne doit pas conduire à un amalgame pour les douze millions d’élèves scolarisés dans notre pays – ni entre certains établissements privés, incontestablement défaillants, et l’enseignement privé dans sa globalité. Le rapport ne parvient pas toujours à éviter ce dernier écueil, tout comme le traitement médiatique de cette commission n’a pas su éviter celui d’une regrettable instrumentalisation politique. Cet amalgame doit d’autant moins se produire que les violences commises sur les élèves ont, malheureusement, également lieu dans les établissements publics.

Vous évoquez ainsi le cas du lycée Bayen de Châlons-en-Champagne, que je connais bien pour y avoir été élève de 2007 à 2010. Je me rappelle les vagues rumeurs qui circulaient parmi nous, adolescents incrédules qui ne pouvions comprendre de quoi nous entendions l’écho. Je songe aussi, à vous lire, aux fonctionnaires de l’État, collègues du professeur incriminé, qui ont eu connaissance de ces bruits et de ces rumeurs sans rien faire, au nom du sacro-saint « pas de vagues ». Dans les pages consacrées au contrôle des établissements publics, vous soulignez combien, malgré les contrôles récurrents, cette politique systématique du « pas de vagues » a pu mener à des situations intolérables. C’est là une faute majeure de l’État et des gouvernements successifs.

Concernant l’enseignement privé, vous évoquez à juste titre des modalités de contrôle étendues en théorie, totalement négligées en pratique. Dès lors, il apparaît clairement, comme le soulignait dès 2023 un rapport de la Cour des comptes, que les défaillances du contrôle dans les établissements privés relèvent d’une absence de programmation par l’inspection responsable de leur régularité et de leur qualité. Il s’agit donc d’une défaillance de l’État.

Votre rapport reconnaît enfin que les établissements hors contrat sont soumis à des contrôles importants et réguliers.

Il apparaît donc à sa lecture que la meilleure garantie à offrir aux familles pour la protection de leurs enfants est une inspection qui inspecte et assume ses responsabilités pour mieux ramener aux leurs ceux qui s’en éloigneraient, dans le public comme dans le privé, et ce sans jamais attenter aux libertés pédagogique et scolaire garanties à l’enseignement privé.

On regrettera le passage dans lequel vous dénoncez une inquiétante utilisation des écoles hors contrat comme outil d’embrigadement politique ou religieux, ne citant que des projets dont on s’étonnera que vous les jugiez avant qu’ils soient déployés. S’il existe dans notre système scolaire un problème d’embrigadement politique, nous doutons que ce soit celui-ci. Ce passage nous semble relever davantage du positionnement politique que de l’objectivation.

Il en va de même pour l’affirmation selon laquelle l’enseignement musulman serait l’objet d’un ciblage spécifique. S’il existe, ce ciblage est justifié quand on sait que sur un total de soixante-quatorze établissements confessionnels musulmans présents sur le territoire en septembre 2023, vingt-et-un étaient identifiés comme relevant de la mouvance des Frères musulmans.

J’en viens aux recommandations, dans lesquelles le groupe UDR trouve de nombreuses dispositions de bon sens pour corriger les défaillances de l’État. Si nous doutons de l’efficacité de votre cellule Signal Éduc et pensons que le travail de prévention appartient au personnel médico-social des établissements et non à d’éventuelles associations extérieures, nous appuyons de nombreuses recommandations. Aucune d’entre elles ne justifie d’opposition farouche de notre part, à l’exception notable de la recommandation n° 34 concernant le secret de la confession. Nous souhaitons qu’aucune initiative ne soit prise dans ce domaine sans un dialogue préalable et respectueux avec les autorités ecclésiastiques.

Eu égard aux défaillances graves de l’État mises en lumière par votre rapport et à la nécessité d’y répondre, le groupe UDR votera en faveur de sa publication.

M. Paul Vannier, rapporteur. Je me réjouis de constater que, malgré les différences exprimées, nous nous retrouvons dans la volonté de reconnaître les victimes, de faire en sorte que ces travaux d’enquête leur soient utiles et que leur sort change. Je suis également heureux que nous nous retrouvions pour l’essentiel dans les cinquante recommandations formulées, qui visent à bouleverser les situations décrites dans ce rapport afin que jamais elles ne se reproduisent.

Je souhaite revenir tout d’abord sur la question du secret de la confession. Non, monsieur Chudeau, nous n’avons pas abordé ce point sous un angle « comique ». Nous l’avons fait avec le sérieux qui s’impose, dans un dialogue de fond avec le président de la Conférence des évêques de France et le garde des sceaux Gérald Darmanin, mais en affirmant qu’aucune loi de la République n’est inférieure à quelque sacrement que ce soit, y compris au secret de la confession. Il y a là une clarification à apporter, que M. de Moulins-Beaufort semblait appeler de ses vœux. Une discussion en ce sens est d’ailleurs engagée depuis plusieurs années entre les ministres des cultes successifs et les représentants des évêques de France. Il faut que des prêtres recevant en confession le témoignage d’une violence, notamment commise dans un établissement scolaire, sachent qu’ils doivent en alerter la justice afin que les enfants soient protégés. Je le répète : aucune loi de la République ne doit être placée en dessous d’un sacrement, qu’il s’agisse de celui-ci ou d’un autre.

Vous avez par ailleurs, monsieur Chudeau, évoqué des passages de ce rapport consacrés au lycée Averroès et à la cité scolaire Al Kindi, renvoyant au sujet plus large des établissements privés musulmans. Il nous a paru nécessaire d’aborder cette question pour deux raisons. La première est que ces travaux d’enquête portent sur les violences, y compris les atteintes supposées à la liberté de conscience, d’expression, d’opinion et de culte des enfants, qui doivent être traitées et combattues. C’est dans cette perspective que nous avons abordé la situation de ces établissements, contre lesquels des accusations ont été portées en la matière.

Nous avons en outre démontré que le contrôle se concentrait dans ces établissements, sans comparaison possible avec la situation rencontrée dans de nombreux établissements privés sous contrat, où il est inexistant – c’est un fait. Cela montre que l’État a les moyens de contrôler. Lorsqu’il veut mobiliser des moyens sur un établissement, il peut le faire, de façon transversale et complète. Il peut prendre des décisions extrêmement fortes, puisqu’en la matière des ruptures de contrat d’association ont été assumées. Concentré sur certains lieux, le contrôle est défaillant ailleurs : nous ne pouvons donc qu’appeler à sa généralisation, afin de garantir la protection de tous les élèves.

Il n’y a dans ce rapport, madame Piron, aucun acharnement contre un type d’établissements scolaires en particulier. Nous constatons simplement que les deux millions d’élèves scolarisés dans les établissements privés sous contrat ne sont pas protégés comme le sont les enfants scolarisés dans les établissements privés hors contrat, qui sont contrôlés, et dans les établissements publics, qui le sont également. Cette défaillance majeure doit être corrigée. Cela explique qu’une attention particulière soit portée à la situation spécifique des établissements privés sous contrat, à laquelle est consacré l’axe 4 des recommandations.

Vous évoquez, madame Melchior, la question des parents d’élèves. Nous avons eu le souci de leur donner une place plus grande, en permettant que les représentants élus de parents d’élèves, qui participent à la vie des établissements, puissent saisir la cellule Signal Éduc dont nous proposons la création. Nous avons aussi voulu veiller à une plus grande implication des parents d’élèves, avec davantage de pluralisme, notamment dans les établissements privés sous contrat où ils ne sont représentés que par une seule fédération, l’Apel. Cette unicité peut en effet conduire à renforcer des climats d’omerta qui nuisent à la dénonciation des violences et à la lutte contre ces dernières.

Madame Meunier, vous avez fait part du regret, pour ne pas dire de la frustration, que nos travaux d’enquête n’aient pas englobé les enjeux liés aux services de santé. De la même façon, M. Balanant avait déploré que la question du harcèlement n’ait pas été traitée. Je partage cette frustration. Nous avons souvent vu, à la limite du périmètre de nos investigations, d’autres questions qui se posaient, tout aussi décisives, dont celles des violences entre élèves, du harcèlement ou de l’intervention d’autres administrations dans la détection et le traitement des violences. Nous avons toutefois dû respecter le délai imparti et le périmètre que nous avions défini ensemble. Conscients de cette limite, nous préconisons que les services d’inspection, notamment l’Inspection générale, puissent s’autosaisir et s’appuyer sur d’autres corps d’inspection spécialisés pour conduire des investigations dans le cas où elles constateraient un risque de violence ou des violences avérées, dans le domaine périscolaire par exemple.

Je me reconnais parfaitement, madame Meunier, dans votre formule « dénoncer les actes, pas l’appartenance religieuse ». D’une façon générale, ce rapport appelle à l’égalité de traitement de toutes et tous devant la loi, qu’il s’agisse des établissements, des élèves, de leurs familles ou des personnels. Nous invitons ainsi, monsieur Balanant, à une uniformisation des règles en matière de contrôle d’honorabilité, avec une attention portée bien sûr au flux des entrants, au moment du recrutement, mais aussi au stock, avec une vérification tous les trois ans de l’honorabilité des personnels déjà dans la carrière, pour s’assurer que d’éventuels crimes et délits commis dans l’intervalle soient connus des services de l’État et des directions d’établissement.

Concernant la recommandation de renforcer dans la loi le contrôle de la vie scolaire, avec une attention particulière portée aux établissements privés sous contrat, sachez, madame Piron, que cela s’explique par le fait que les directeurs de certains de ces établissements font état d’un caractère propre, reconnu par la loi Debré, pour s’opposer aux contrôles en matière de vie scolaire. Nous nous félicitons par conséquent des engagements pris notamment par le secrétaire général de l’enseignement catholique, qui a convenu en audition de la nécessité de permettre un contrôle complet de la vie scolaire, notamment des internats. Une demande similaire émane par ailleurs des syndicats d’inspecteurs de l’éducation nationale, qui souhaiteraient être plus clairement mandatés pour pouvoir, lorsqu’ils se présentent dans un établissement, faire valoir leurs prérogatives sans contestations.

Vous avez, madame Piron, décrit un contexte de tension à l’occasion d’un contrôle effectué dans une école de votre circonscription. Nous recommandons dans le rapport l’établissement d’un vade-mecum des enquêtes administratives confiées aux services d’inspection académiques pour préciser les conditions de ce type de contrôles, dont nous appelons à la généralisation car ils sont indispensables pour lutter contre les violences.

J’ai enfin été interpellé directement à plusieurs reprises à propos d’une audition particulière, parmi les quarante que nous avons effectuées – audition dont la durée n’est pas nécessairement le fait des rapporteurs et de la présidente, mais sans doute plutôt de celui qui répondait à nos questions. François Bayrou n’occupe qu’une part relative de ce rapport, tout comme il n’a occupé qu’une part relative de nos travaux. Nous avons, monsieur Balanant, cherché à identifier toutes les responsabilités ; les siennes devaient donc nécessairement être questionnées. Notre analyse de son audition est précisée et assumée dans ce rapport. Il ne s’est jamais agi d’organiser un tribunal, qu’il soit populaire ou politique, mais d’assumer notre responsabilité de parlementaires et de rapporteurs de travaux d’enquête en conduisant cette audition comme toutes les autres, sur la base des documents que nous avions saisis et des auditions précédentes, en toute rigueur et avec la volonté d’identifier des défaillances. Je regrette que cette audition ne nous ait pas permis d’aller au fond du sujet et d’identifier clairement ces défaillances afin de pouvoir les corriger et d’empêcher d’autres Bétharram. Je ne développerai pas ici mon analyse des raisons de cet échec relatif : à chacun, selon ses convictions, d’apporter une réponse à cette question.

Il est important pour moi de vous rappeler qu’en tant que députés nous sommes aussi chargés du contrôle de l’action de l’exécutif. Cette commission d’enquête y a concouru.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Monsieur Chudeau, vous avez utilisé des mots extrêmement forts, en parlant par exemple d’une « vision perverse de l’exercice de l’autorité ». Nous sommes là au cœur des violences systémiques que nous avons étudiées et que nous souhaitons combattre. Nous savons qu’il ne suffira pas d’appliquer brutalement telle ou telle recommandation pour y remédier et qu’un travail est à mener pour que cette culture change. Nos débats y participent.

Vous vous êtes à plusieurs reprises adressé personnellement à mon corapporteur, notamment sur le sujet de la recommandation 34, dont j’entends qu’elle peut heurter certaines sensibilités. Mais je m’associe pleinement à cette recommandation et j’assume l’entièreté de ce rapport. Bien que Paul Vannier soit membre de La France insoumise et moi de Renaissance, nous avons travaillé ensemble et je ne regrette aucun des mots figurant dans ce document. Il n’existe qu’un paragraphe dont nous avons convenu qu’il ne serait signé que par lui. Je suis en revanche comptable du reste autant que lui. La rédaction du rapport a suscité beaucoup d’échanges, sur des phrases dont nous avons pesé chacune des conséquences.

Concernant le secret de la confession, je ferai écho aux propos de M. Michelet, qui a souligné la nécessité d’un « dialogue préalable et respectueux ». Nous avons entamé ce chemin, avec les auditions du président de la Conférence des évêques de France et du garde des sceaux, et une analyse des différentes déclarations faites au sein de l’Église. Rien n’est acté, le sujet n’est pas clos. Nous exprimons une recommandation, qui sera étudiée, et la responsabilité sera partagée entre le Parlement et l’Église. En tout état de cause, j’assume l’ensemble des propositions formulées dans ce rapport.

Merci, madame Melchior, pour la contribution que vous avez versée à notre rapport. Elle y est annexée intégralement eu égard au respect que nous devons aux victimes qui se sont rapprochées de vous. Vous avez soulevé la question de l’association des parents, sur laquelle Paul Vannier est revenu. J’ajoute que les parents devraient obligatoirement être associés à une grande partie de la séance de sensibilisation à la protection de l’enfance qui doit être menée dans les établissements, mais que ce n’est pas le cas : il faut un rappel à l’application de la loi sur ce thème.

Vous avez aussi soulevé au nom des victimes la question du parquet centralisé pour les mineurs : c’est un grand débat, dans lequel nous ne sommes pas allés plus avant. Lors de son audition, l’Ofmin (Office mineurs), qui mène des enquêtes sur la pédocriminalité organisée et est parfois intervenu dans des établissements comme celui de Riaumont, qui cumulait consultation d’images pédopornographiques et violences physiques et sexuelles, nous a expliqué être en train de déployer des correspondants dans chacun des parquets français, avec des moyens décentralisés. Cette initiative, lancée avec Gérald Darmanin, ministre de la justice, doit être concrétisée. Nous allons suivre ce dossier de près, car nous nous sommes aperçus en interrogeant les procureurs que ce n’était pas encore le cas et que les compétences et le champ d’action de l’Ofmin étaient très insuffisamment connus. Mais, si le travail doit se poursuivre, il est important de savoir qu’il existe déjà une structure nationale capable d’effectuer cette tâche, avec des moyens déconcentrés.

Je remercie Mme Mesmeur pour son suivi attentif de nombreuses auditions et pour son engagement en faveur de la protection des enfants. Juste avant notre rapport et ses cinquante recommandations, un autre rapport extrêmement précis, assorti de nombreuses propositions, avait été publié, concernant les carences de la protection de l’enfance dans notre pays. Quels que soient nos bords politiques, nous, parlementaires, avons toujours peur que nos travaux restent lettre morte. La question est donc de savoir comment se doter des moyens nécessaires pour que nos propositions se traduisent dans la loi lorsqu’elles relèvent du domaine législatif et pour faire pression, dans le bon sens du terme, sur les gouvernements successifs afin que nos recommandations soient suivies d’effets. Cela nécessite de déployer une immense énergie, qui dépasse les travaux d’enquête. Je compte sur notre commission des affaires culturelles, madame la présidente, pour trouver les moyens de vérifier régulièrement l’avancée de nos propositions. Sachez que nous présenterons ce rapport et débattrons avec les membres de la délégation aux droits des enfants, présidée par Perrine Goulet, le 9 juillet, pour essayer de faire en sorte que l’Assemblée reste mobilisée sur ces rapports.

Je remercie Mme Hadizadeh de sa participation extrêmement active aux travaux de cette commission. Je retiens tout particulièrement sa phrase selon laquelle « pour briser l’omerta, les lois ne suffisent pas : c’est la culture qu’il faut changer ». Elle nous rappelle qu’au-delà de nos prérogatives en matière de changement de la loi, nous devrons aussi être actifs sur ces sujets dans nos circonscriptions.

Madame Meunier, vous avez mis l’accent sur le rôle du ministère de la santé à travers la question de la responsabilité des médecins qui reçoivent aux urgences des enfants qui fuguent d’un internat ou qui ont été blessés au sein d’un établissement scolaire, comme cela a été le cas à Bétharram et Riaumont. À Riaumont, nous avons obtenu un extrait des rapports des urgences pour les années couvertes par les témoignages. Un tableau archivé, que nous n’avons pu pleinement exploiter dans le temps qui nous était imparti, révèle d’assez nombreuses prises en charge pour des fractures. Cela met en lumière la nécessité d’une transversalité des contrôles. Interviennent déjà l’inspection de l’éducation nationale, la direction générale des finances publiques, les chambres régionales des comptes, les services de sécurité incendie : il faut aussi que les agences régionales de santé et les services spécialisés dans l’hygiène et la santé des enfants soient mobilisés lorsqu’il y a une suspicion de violences. En pareilles circonstances, le contrôle de l’État doit se déployer à 360 degrés.

Monsieur Bonnet, en une formule frappante, vous avez rappelé une évidence : l’école doit être un sanctuaire et non un enfer. Or l’enfer a été largement décrit dans les nombreux témoignages que nous avons recueillis.

Cela me permet de rebondir, monsieur Balanant, sur votre remarque relative aux cinquante-cinq pages consacrées à Bétharram. Ces cinquante-cinq pages ne portent pas sur M. Bayrou, mais sur un établissement qui a été un cas d’école, à l’origine du lancement de ces travaux d’enquête. À Bétharram, oui, 250 plaintes ont été déposées et des enfants ont vécu leur scolarité comme un enfer. Alors oui, nous avons approfondi nos investigations sur cet établissement, mais nous aurions pu le faire de la même manière sur le collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon, cité par Mme Melchior, où les enfants ont aussi vécu un enfer, ou encore sur Riaumont, ou sur d’autres établissements parmi les quatre-vingts sur lesquels nous avons des signalements.

Vous avez insisté à raison sur le harcèlement scolaire. C’est un type de violence pour lequel nous avons reçu au cours de nos travaux de nouveaux témoignages, de la part de parents démunis. Malgré la mise en œuvre du programme Phare (programme de lutte contre le harcèlement à l'école) dans l’enseignement public ou du programme 3PF (programme de protection des publics fragiles) dans l’enseignement catholique, il reste des cas où les enfants ne se sentent pas protégés et les parents pas entendus. Nous n’avons pas intégré ces témoignages dans notre rapport car, par un vote à l’unanimité, les membres de cette commission avaient décidé de se concentrer sur les violences commises par les adultes. Mais ils existent et le terme de « harcèlement » apparaît une vingtaine de fois dans le rapport, même si ce n’est pas suffisant.

Madame Piron, je vous remercie pour vos remarques sur les différents axes que nous avons définis. L’axe 4 entend répondre à une carence constatée dans les établissements privés sous contrat, grâce à une plus grande régularité des contrôles ou encore à la mise en œuvre des séances d’information et de sensibilisation à l’enfance maltraitée. Mais le rapport s’attache aussi à améliorer la situation en matière de prévention dans les établissements publics, par exemple en proposant des solutions pour y garantir la bonne mise en œuvre de ces séances. Nous proposons également que celles-ci s’appliquent aux établissements privés hors contrat, et que cela soit une condition de leur passage au statut d’établissement sous contrat.

Madame Bourouaha, vous avez parlé d’un long chemin à parcourir – c’est la question du nécessaire changement de culture à obtenir et du travail que nous mènerons après ce rapport. Ce travail sera suivi avec une extrême attention par les victimes, qui nous ont dit qu’elles en avaient marre d’attendre : il y aura eu le rapport de la Ciivise, puis celui de la Ciase, puis celui de notre commission … Et après ? Cet « après », nous en sommes tous responsables.

Monsieur Michelet, vous avez évoqué les amalgames qui seraient faits sur les établissements privés ainsi que l’instrumentalisation politique de cette commission, notamment autour de M. Bayrou. Lorsque je me suis portée candidate pour être corapporteure avec M. Vannier, je connaissais la volonté qu’il revendique, avec son groupe, de se concentrer sur les établissements privés, mais je crois que nous avons réussi dans ce rapport à rester fidèles à l’objet initial de la commission en prenant en compte tous les établissements scolaires. Dans ma circonscription, la neuvième du Nord, beaucoup m’ont fait part de cette suspicion dont vous vous faites l’écho. Le 12 juin dernier, j’ai organisé une réunion dans un établissement privé à destination des professionnels de l’enseignement privé et public pour expliquer la façon dont nous avions mené nos travaux : y ont participé 160 personnes – chefs d’établissement, enseignants, éducateurs, médecins scolaires – appartenant à 80 % au privé et à 20 % au public. J’ai répondu à toutes les questions et une large satisfaction a fini par s’exprimer, que la lumière ait été faite et que les travaux aillent dans le bon sens. Nous avons eu la garantie que les établissements privés catholiques souhaitaient être des partenaires des actions qu’il faudra mener.

Nous avons aussi reçu des alertes sur le fait que les inspections de l’éducation nationale dans les établissements privés, dans le contexte des travaux de notre commission d’enquête, peuvent parfois être menées de façon brutale. Cela a été le cas récemment à Marcq Institution : après des signalements pour violences, douze inspecteurs sont arrivés de façon inopinée, en manifestant un manque de respect à l’égard du chef d’établissement. Or nous sommes favorables aux contrôles inopinés mais pas au manque de respect. Il faut veiller à ce que les inspections et les questionnaires soient menés dans le respect du travail assuré par les enseignants des établissements privés catholiques, dont Mme Meunier a rappelé la contribution, mais aussi des établissements publics ou des établissements hors contrat. Chacun fait preuve de beaucoup d’abnégation dans l’exercice d’un métier difficile. Nous devrons être capables de garder un esprit critique sur tout ce qui va se passer.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Virginie Duby-Muller (DR). Je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs pour le travail d’enquête qu’ils ont conduit ces derniers mois. Cette commission a permis une libération de la parole d’une grande ampleur, comme l’illustre la carte qui figure en annexe du rapport.

Ma question porte sur la prescription des agressions sexuelles. Trop souvent, des victimes n’ayant pu s’exprimer qu’après de longues années de silence en raison du traumatisme psychologique qu’elles ont subi voient leur parole devenir juridiquement inutile, ce qui peut aggraver leurs souffrances. Ce constat trouve une résonance particulière dans l’affaire dite Bétharram. De nombreuses victimes ont demandé la levée de la prescription mais, sur un total de 200 plaintes, seules deux ont été retenues par la justice, selon l’avocat Jean-François Blanco. Le délai actuel de prescription est de vingt ans pour les agressions sexuelles sur mineurs contre dix ans pour les majeurs, et il est de trente ans pour les viols sur mineurs.

En mars 2024, à la suite d’une recommandation de la Ciivise, j’ai déposé une proposition de loi visant à rendre imprescriptibles les crimes et les délits sexuels commis contre les mineurs, que je remercie Mme Spillebout d’avoir cosignée. Mardi 17 juin, les eurodéputés ont voté en faveur de la suppression des délais de prescription dans les affaires de violences sexuelles sur mineurs. Dans votre rapport, vous suggérez la création d’une mission transpartisane visant à étudier la possibilité de rendre imprescriptibles certaines infractions commises sur des mineurs. Je tiens à vous assurer de mon soutien dans cette démarche.

M. Alexis Corbière (EcoS). Merci aux rapporteurs et à la présidente pour ce rapport accablant qui fait écho aux discussions que nous avons eues sur le séparatisme scolaire, fait d’établissements publics mais aussi privés. Les études menées à partir des indices de position sociale montrent une tendance de plus en plus marquée à la concentration des enfants des Français les plus favorisés dans certains établissements, parmi lesquels on note un fonctionnement particulier.

Le seul acharnement auquel nous ayons assisté pendant les travaux de la commission, c’est celui dont le premier ministre a fait preuve. Au lieu de dire qu’il avait failli, il a cherché à se présenter comme une victime, ce qui est assez cocasse. Il a affirmé que le fait que certains élèves n’aient pas été entendus le hantait, alors qu’il était au courant. Il a même pris la responsabilité de vous répondre, monsieur Vannier, alors que vous n’êtes pas président de groupe, qu’il ne savait pas. Il n’était pas obligé de le faire.

Ma question est simple : quel chemin envisagez-vous pour donner prochainement une traduction législative aux préconisations du rapport ?

M. Laurent Croizier (Dem). Cette commission d’enquête me laisse un sentiment ambivalent. D’un côté, il y a la satisfaction d’avoir permis aux victimes, longtemps réduites au silence, de s’exprimer, d’avoir analysé les mécanismes ayant conduit à cette omerta et d’avoir mis en lumière les failles dans les dispositifs de contrôle – et je partage une majorité des préconisations formulées dans le rapport. De l’autre, il y a un ressenti plus amer face à une présence médiatique peu propice à la sérénité de notre travail, témoignant d’une instrumentalisation politique déplacée, avec un ton et des attitudes dignes d’un tribunal populaire lors de l’audition du premier ministre. Ce jour-là, la décence ainsi que le respect de la souffrance des victimes et de la dignité étaient absents.

Il y a des moments où la République demande à ses représentants de se hisser à la hauteur de la mission qu’elle leur confie. La faiblesse de notre humanité est qu’il est des hommes ou des femmes qui, croyant servir une cause, la desservent. L’arrogance n’a jamais protégé un seul enfant de la violence de notre société mais le climat qu’elle instaure peut, en revanche, l’alimenter. Plus jamais, dans aucune école de la République, la violence et la règle du silence ne doivent pouvoir s’installer.

M. Xavier Breton (DR). Je salue le travail réalisé par cette commission d’enquête. La publication de son rapport est attendue, notamment par les victimes qui ont souffert de ces violences et de la loi du silence qui les entourent depuis des décennies. Il faut préciser la portée de notre vote : nous allons nous prononcer sur la publication du rapport. Il ne s’agit pas de valider les recommandations qu’il émet : certaines vont dans le bon sens ; d’autres relèvent manifestement d’a priori.

J’exprimerai deux regrets : le ton inquisitorial employé lors de certaines auditions, qui a mis mal à l’aise certains membres de la commission comme les personnes qu’elle auditionnait ; et la surmédiatisation qui a pu entacher la crédibilité des travaux de la commission et donner l’impression à ses membres d’être mis de côté. Cela renvoie à une réflexion plus large que nous devrons mener sur ce qu’est en train de devenir le dispositif des commissions d’enquête dans le fonctionnement de notre Assemblée.

Mme Violette Spillebout, rapporteure. Madame Duby-Muller, merci pour votre soutien. La levée de la prescriptibilité a en effet déjà fait l’objet de plusieurs travaux parlementaires. Si nous proposons que soit demandé à la présidente de l’Assemblée nationale et au bureau de constituer une mission transpartisane au sein de notre assemblée au lieu de préconiser la création d’une structure extérieure indépendante, c’est parce que nous pensons que c’est le meilleur moyen d’avancer vite sur le travail juridique à mener, maintenant que le sujet est mûr parmi de nombreux groupes parlementaires.

Monsieur Corbière, nous allons bien sûr poursuivre sur notre lancée. Avec M. Vannier, nous avons solidifié des convictions communes qui se traduiront dans une proposition de loi à l’élaboration de laquelle participeront les groupes qui le souhaiteront. Il s’agit de rassembler en un texte la majorité des actions qui relèvent de dispositions d’ordre législatif. Quant aux mesures réglementaires, nous aurons la responsabilité de leur suivi.

Monsieur Croizier, monsieur Breton, vous avez tous les deux déploré l’hypermédiatisation de cette commission d’enquête. Sans même parler de leur tonalité, la quantité de nos prises de parole devant les médias, à mon corapporteur et à moi-même, nous a parfois été reprochée. Si j’en juge par les retours que nous ont faits les victimes et le nombre de signalements que nous avons reçus au cours de nos travaux, je crois que cette hypermédiatisation – je ne parle pas de certains articles à charge – a été très bénéfique pour la libération de la parole. Les journalistes qui travaillaient depuis longtemps sur ces questions, notamment au sein des services spécialisés dans l’éducation et l’enseignement scolaire ou dans la presse quotidienne régionale – certains s’étaient beaucoup impliqués dans le dossier du lycée de Châlons-en-Champagne, par exemple – nous ont apporté des éléments qui ont contribué à donner plus de force et d’acuité à notre travail.

Certes, cette hypermédiatisation a pu nuire à l’image de ces travaux d’enquête, notamment au moment de l’audition de M. Bayrou, mais ce fut un prix à payer pour avoir permis à des victimes d’oser prendre la parole – parce qu’elles en avaient entendu d’autres, ou parce que nous avons été leur porte-voix.

M. Paul Vannier, rapporteur. Madame Duby-Muller, les interrogations sur la prescription traversent tous les groupes politiques de notre assemblée. Je dois dire que ces travaux d’enquête ont transformé mon analyse sur ces enjeux. J’estime donc que le travail transpartisan doit être approfondi pour permettre à chacun de se prononcer un jour sur un éventuel allongement des délais ou sur l’imprescriptibilité, avec toutes les précautions qui s’imposent compte tenu des risques de surenchère pénale.

Ma corapporteure, monsieur Corbière, vous a répondu sur les suites que nous entendons donner à nos travaux. Nous allons nous y consacrer avec toutes celles et tous ceux qui souhaiteront s’y associer.

Un dernier mot, monsieur Croizier, monsieur Breton, sur la présence médiatique. Nous l’avons assumée, dans un souci de transparence à l’égard des Françaises et des Français, que nous savions attentifs. Nous avons constaté que se manifestait une volonté de suivre étape par étape nos travaux et le fait de nous exprimer devant la presse y a répondu.

À titre personnel, cette expérience m’a fait toucher, peut-être pour la première fois, ce que peut vouloir dire être un représentant du peuple français, notamment un représentant des victimes. J’ai été bouleversé d’entendre des victimes dire que c’est après nous avoir entendus assumer de poser ces questions si difficiles des violences sexuelles commises sur des enfants à l’Assemblée nationale ou sur des plateaux télévisés qu’elles se sont senties en mesure de déposer plainte, de prendre la parole et de contribuer à ce mouvement de libération que nous avons tous constaté et salué et que nous souhaitons tous, je crois, encourager. C’est l’une des dimensions de la fonction qui est la nôtre : incarner certains combats, y compris dans l’espace médiatique, la surmédiatisation ensuite échappant largement aux acteurs politiques que nous sommes.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Ceux d’entre vous qui souhaiteraient prendre la parole peuvent le faire brièvement.

M. Erwan Balanant (Dem). J’aimerais avoir confirmation, madame la présidente, de la date limite pour le dépôt des contributions écrites. Par ailleurs, nous souhaiterions, si c’est possible, disposer de votre avant-propos avant de prendre position sur le rapport.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Il y aura un avant-propos, mais il ne fait pas partie du rapport sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer. S’agissant de la date limite, je vous répondrai après le vote.

M. Roger Chudeau (RN). Nous sommes bien d’accord que le vote porte sur la publication du rapport ?

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Le vote porte sur le rapport.

M. Roger Chudeau (RN). Je précise que le groupe Rassemblement national se prononcera en faveur de sa publication. Les réserves que nous avons exprimées, et que je maintiens, portaient sur le fond.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Les membres d’une commission ayant mené des travaux d’enquête doivent voter sur le rapport : si le vote est défavorable, le rapport ne sera pas publié ; s’il est favorable, il pourra l’être.

M. Erwan Balanant (Dem). Il y a une deuxième étape, madame la présidente !

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je l’ai clairement expliqué au début de cette réunion, monsieur Balanant : le règlement prévoit un délai de cinq jours francs après le dépôt du rapport pendant lequel l’Assemblée nationale pourrait demander sa réunion en comité secret pour se prononcer sur cette publication.

M. Xavier Breton (DR). Il faut que les choses soient claires. L’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit à son article 6 que l’assemblée intéressée, en l’occurrence la commission d’enquête, « peut décider, par un vote spécial et après s'être constituée en comité secret de ne pas autoriser la publication de tout ou partie du rapport d'une commission d'enquête ». Notre vote ne porte donc que sur la publication du rapport, il n’y a pas de vote sur le rapport.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. L’assemblée intéressée à laquelle fait référence l’ordonnance est l’une des deux assemblées parlementaires, en l’occurrence l’Assemblée nationale, et non pas la commission d’enquête.

Notre vote d’aujourd’hui, dans le cadre de travaux d’enquête, porte donc sur le rapport. M. Balanant se rappelle sans doute qu’il en est allé de même à la fin des travaux de la commission d’enquête relative aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l'audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité dont il était rapporteur.

Je mets donc à présent aux voix le rapport.

La commission adopte le rapport.

Mme la présidente Fatiha Keloua Hachi. Je vous rappelle que vous pouvez, à titre individuel ou au nom d’un groupe, apporter des contributions écrites n’excédant pas 15 000 signes qui figureront en annexe du rapport. Elles doivent être adressées au secrétariat avant demain jeudi 26 juin, dix-sept heures.


  1 

Contributions des groupes

Contribution du groupe Rassemblement national (RN)........................ 351

Contribution de Mme Frédérique Meunier, au nom du groupe Droite républicaine (DR)               355

Contribution de M. Arnaud Bonnet et le groupe Écologiste et Social (EcoS)....... 359

Contribution du groupe Les Démocrates (Dem).............................. 367

 


  1 

Contribution du groupe Rassemblement national (RN)

 

La commission d’enquête sur « les modalités du contrôle par l’Etat et de la prévention des violences dans les établissements scolaires » a été créée à la demande du député La France Insoumise Paul Vannier. Sa demande concernait initialement uniquement le contrôle des établissements confessionnels catholiques. Il aura fallu l’intervention du groupe Rassemblement national pour que le champ de la commission d’enquête soit étendu à l’ensemble des établissements scolaires, publics et privés.

Cette commission d’enquête a pour objectif de mettre en lumière un véritable « angle mort » du système éducatif qui concerne le respect et la protection que celui-ci doit assurer aux enfants qui lui sont confiés par les familles.

La création de cette commission a ainsi déclenché une avalanche de témoignages sur les innombrables faits de harcèlement, de violences et d’atteintes à l’intégrité physique – pouvant aller jusqu’au viol - et à l’équilibre psychologique des élèves, s’étant produits dans certains établissements scolaires.

Ces faits, d’une abjection totale, ont d’ailleurs fait l’objet de nombreux dépôts de plaintes en cours d’instruction judiciaire.

Nous considérons que ces révélations sont l’un des effets bénéfiques de la création de la commission d’enquête dont nous avions évidemment approuvé la constitution le 19 février dernier.

La loi du silence, dont les victimes ont au moins autant souffert que des mauvais traitements qui leur ont été infligés, aura été brisée. Des faits inadmissibles, relevant souvent d’un traitement devant la justice pénale ont été mis au grand jour et ceci doit être salué.

Le second intérêt du travail de la commission réside dans une autre révélation : Celle qui souligne l’absence au sein des ministères chargés de l’éducation (Education nationale, Agriculture, Armées) de dispositifs institutionnels dédiés à la prévention des violences exercées par des adultes ayant autorité, sur les élèves qui leur sont confiés. Il s’agit d’une authentique carence de l’action des pouvoirs public dans leur mission de protection et d’éducation de la jeunesse.

 A cela s’ajoute une certaine culture du silence (« omerta ») au sein des établissements et des institutions, s’agissant de faits de cette nature. Cette culture du silence que les acteurs de l’éducation nomment le « pas de vagues », est profondément ancrée dans l’institution scolaire et à tous ses niveaux.

Crainte du scandale, désir de protéger la réputation d’un établissement, embarras devant les développements médiatiques, banalisation de faits considérés comme des faits divers… ces reflexes d’autoprotection de l’institution, s’ils trouvent là un début d’explication, sont inexcusables car ils témoignent d’un éloignement préoccupant, de la part des responsables éducatifs, du sens même de la mission éducatrice.

Celle-ci en effet repose sur un contrat implicite : l’autorité des adultes sur les élèves ne s’exerce que pour permettre aux élèves d’accéder à l’âge adulte avec pour bagage les savoirs et les valeurs transmis dans un but d’émancipation et de construction de la personnalité de chacun. Or, faire violence à un élève, passer sous silence celle-ci, revient à détruire ce contrat pédagogique et éducatif, revient à abîmer profondément et durablement la confiance et le respect qui fondent la relation entre le maître ou l’éducateur et l’élève.

Il n’est donc pas ici question de faits divers, car si les faits révélés à l’occasion de cette commission d’enquête relèvent bien de la responsabilité individuelle de leurs misérables auteurs et n’engagent que leur propre responsabilité morale et pénale, le silence institutionnel, la volonté d’occulter, de minimiser, de relativiser la violence faite aux élèves revêt une gravité d’une autre nature. Car ainsi l’institution éducative, l’action éducatrice de l’Etat -de portée constitutionnelle- s’en trouvent entachées et abimées. C’est pourquoi la simple excuse d’un défaut d’organisation du signalement ne saurait être retenue pour absoudre l’Etat de sa lourde responsabilité objective devant l’épidémie souterraine de violence qui sévit dans de trop nombreux établissements scolaires.

Les faits de violence apparus au grand jour à l’occasion du scandale de l’établissement privé Notre Dame de Bétharram sont à ce titre tout à fait révélateurs, à la fois de dérives inadmissibles dans certains établissements et de l’incapacité des autorités académiques à en prendre la mesure, à les sanctionner, puis à en prévenir la répétition.

Nous considérons à cet égard que le Ministère de l’Education nationale et les autres acteurs de la politique éducative doivent proposer sans délai à la représentation nationale les dispositions qu’ils entendent prendre pour que de tels faits ne se reproduisent plus.

La proposition des co-rapporteurs visant à créer une cellule ministérielle « Signal-Educ » hors hiérarchie nous paraît inopérante. La question du signalement des violences faites aux élèves doit être traitée au plus près des établissements par des services académiques ad hoc. Nous préconisons quant à nous une obligation réglementaire pour tout directeur d’école et tout chef d’établissement public et privé de saisir le Procureur de la République en application de l’article 40 du code de procédure pénale, de faits de mauvais traitements, de harcèlement, de violences, exercés par des adultes ayant autorité, sur des élèves. Les signalements par les applications dédiées existantes : SIVIS (système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire) et l’application « Faits établissement » doivent être renseignés par les chefs d’établissement dans le cadre d’une obligation réglementaire de service. Nous considérons aussi que les auteurs de tels faits doivent être sans délais et systématiquement déférés par les Recteurs devant les conseils de discipline de leur corps ou de leur cadre d’emploi. Il doit être mis fin à l’omerta et au « pas de vague ».


S’agissant de la conduite des auditions de la commission d’enquête par les rapporteurs, nous estimons qu’elle est, sur certains points, sujette à caution.

Nous considérons en effet qu’une commission d’enquête parlementaire, surtout sur un sujet aussi douloureux, doit s’efforcer d’établir la vérité des faits, de dresser un tableau réaliste des dysfonctionnements de la puissance publique, d’étudier sans a priori les témoignages recueillis lors des auditions et de proposer des mesures de toute nature, destinées à empêcher la reproduction des faits révélés par ses travaux.

Les nombreuses auditions réalisées par la commission d’enquête ont certes permis de dresser un panorama général du phénomène mis en lumière par le scandale BETHARRAM et des carences des institutions éducatives, mais un certain nombre d’auditions ont paru s’éloigner du sujet central de la commission d’enquête.

Car l’examen des auditions fait apparaitre une nette propension des rapporteurs à ramener les investigations sur ce qui était initialement le projet politique de LFI : stigmatiser l’enseignement privé diocésain et notamment les deux établissements qui représentent pour le rapporteur VANNIER l’archétype de ce contre quoi il a, avec le groupe LFI, entamé depuis des années une campagne permanente : STANISLAS et BETHARRAM. Les rapporteurs sont allés jusqu’à mettre en doute publiquement et dans les médias la probité de la doyenne de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) s’agissant d’un rapport d’inspection concernant STANISLAS.

Nous notons aussi qu’à l’occasion d’une audition du 9 avril 2025, la question de la fermeture administrative par l’autorité préfectorale, d’établissements privés islamistes, AVERROES et AL KINDI, a été longuement débattue alors que ce sujet est sans aucun rapport avec l’objet de la commission d’enquête.

Ces dérives conduisent à s’interroger sur ce qui apparaît à nos yeux comme une tentative d’instrumentalisation politique d’une commission d’enquête parlementaire initialement convoquée pour faire justice à des centaines de victimes d’abus et de violences dans les établissements scolaires.

Du reste, certaines auditions se sont déroulées dans une véritable atmosphère de tribunal populaire. Le rapporteur Paul VANNIER, auquel la corapporteur SPILLEBOUT, du groupe Ensemble pour la République, aura servi de caution politique quasi muette, a endossé la tunique du procureur, de l’accusateur public, tout particulièrement lors de l’audition de Monsieur le Premier Ministre qui aura duré plus de cinq heures.

Ainsi, sur la douleur des victimes, devant l’évidence de l’impuissance des pouvoirs publics à y faire face, a été menée cyniquement une offensive politique contre le Gouvernement et son chef, ce qui n’était ni l’objet, ni le sens, ni l’objectif de la commission d’enquête.

Nous dénonçons cette instrumentalisation et ces procédés inadmissibles qui détournent et dénaturent la mission de contrôle du Parlement et abîment dans l’opinion publique l’image de notre Institution.

 

Le groupe Rassemblement national considère que cette commission d’enquête aura permis de jeter une lumière crue et salutaire sur la face sombre de certains établissements et, plus grave encore, sur l’assourdissant silence de l’institution lorsque les enfants qu’elle doit protéger et éduquer sont violentés.

Il faut désormais que les pouvoirs publics conçoivent et présentent d’ici la prochaine rentrée scolaire à la représentation nationale, un dispositif d’ensemble visant à assurer la protection des élèves dans tous les lieux et tous les temps scolaires. Il en va de la confiance que les Français, qui lui confient ce qu’ils ont de plus cher, doivent avoir dans leur école.


  1 

Contribution de Mme Frédérique Meunier,
au nom du groupe Droite républicaine (DR)

 

 

Madame la Présidente,

Madame et Monsieur les rapporteurs,

Chers collègues,

 

Avant toute chose, je souhaite adresser une pensée à toutes les victimes de violences sexuelles et psychologiques que ce rapport met en lumière ainsi qu’à leurs familles.

Ces enfants, devenus adultes, ont porté en silence des souffrances immenses, souvent dans l’indifférence ou l’oubli. Je veux saluer leur courage, d’avoir parlé, après des décennies, d’avoir brisé le silence pour que d’autres ne subissent plus jamais ce qu’ils ont enduré mais en aucun cas, je n’oublie ceux qui n’osent pas encore le faire et qui vivent avec ce poids sur les épaules.

Nous avons entendu de nombreux témoignages de violence, de maltraitances abjectes qu’ont subis des enfants dans ces établissements.

 

Alors que l’école devrait être un lieu où nos enfants se sentent en sécurité et non l’inverse, alors à toutes ces victimes et à leurs familles, je veux leur rendre hommage.

Cette commission leur aura au moins permis de parler ; rien que pour cela elle était nécessaire.

 

Je veux saluer le travail de Mme Spillebout et de M. Vannier et les administrateurs (Agathe et Thomas).

Les très nombreuses auditions, les déplacements et les 50 recommandations dessinent un constat lucide mais aussi exigeant sur l’état de notre école et sur ce que nous devons faire pour la protéger.

Cependant je déplore l’acharnement médiatique dont ont été victimes certains, notamment François Bayrou, car de toutes ces heures d’auditions et de témoignages, il est regrettable que celles-ci soient les seules que l’on souhaite retenir ! Je regrette également l’instrumentalisation politique, médiatique sur un sujet aussi grave, cela aurait pu, aurait dû, être évité. Une commission d’enquête n'est pas un tribunal !

 

Le rapport que vous avez présenté, ne contourne pas les responsabilités, des adultes, des parents, des associations, du corps enseignant, de l’Église, des comités de soutien à Betharram à l’exception des institutions de santé témoins direct de la maltraitance, pourquoi cette absence ?

Il désigne des dysfonctionnements graves dans la manière dont certaines violences ont été tues, dissimulées, voire minimisées, au nom de la réputation d’un établissement dont la sévérité était un produit d’appel.

Il interroge également sur le rôle de l’État, non pas en substitution des établissements, mais comme garant de la protection des mineurs, quelle que soit la structure qui les accueille.

 

Mais je veux être claire : il ne saurait être question de jeter l’opprobre sur l’ensemble de l’enseignement privé catholique. Les dérives d’individus, aussi graves soient-elles, ne doivent pas conduire à une condamnation collective ni à une suspicion généralisée. Je connais bien les établissements privés catholiques de mon territoire et j’y ai vu des enseignants engagés, des équipes éducatives bienveillantes, des chefs d’établissement attentifs à chaque élève. Ils ne doivent en aucun cas être les victimes d’un amalgame !

Il faut condamner les fautes, pas les convictions.

Il faut dénoncer les actes, pas l’appartenance religieuse.

Et il faut rappeler que la loi protège l’enfant, partout, toujours, sans distinction.

Là est notre responsabilité politique : bâtir une culture de la transparence, du signalement, du contrôle effectif, dans tous les établissements, publics ou privés, sans exception !

 

Désormais, nous devons retrouver la confiance des familles et pour cela, nous leur devons la vérité, par la prévention, le signalement et la protection.

Cela suppose un droit d’enquête renforcé, une collaboration sans réserve des établissements, mais aussi un engagement résolu de la hiérarchie dans le privé comme dans le public.

 

Les enfants victimes de ces violences, institutionnalisés sous prétexte d’excellence pédagogique, n’ont pas été trahis par l’école privée catholique dans son ensemble. Ils ont été trahis par des adultes, des institutions, par l’omerta. C’est ce silence que nous devons briser. Et c’est cette protection que nous devons assurer. Car la mission de l’école, publique ou privée, laïque ou confessionnelle, reste la même : éduquer, instruire, protéger.

 


Contribution de M. Arnaud Bonnet et du groupe Écologiste et Social (EcoS)

 

 

« J’ai honte de mon pays qui préfère nous parler d’économie de guerre plutôt que du bien-être de nos enfants et des Français. On va donner de l’argent pour fabriquer des bombes qui vont certainement tuer d’autres enfants en Europe ou ailleurs, alors que cet argent pourrait servir à protéger nos enfants et nos étudiants. Nous ne voulons pas d’une économie de guerre, pas d’argent pour les bombes ; nous voulons une économie de paix et de bien-être qui protège nos enfants, nos étudiants et les plus fragiles d’entre nous. » [852]

Gilles PARENT — pour les victimes de Saint-François-Xavier d’Ustaritz

 

Après plusieurs mois de travail, la commission d’enquête a rendu ses conclusions. Elle n’aurait pas pu voir le jour sans le courage de celles et de ceux qui, victimes de violences, ont parlé et se sont organisés pour obtenir justice. Elle n’aurait pas non plus vu le jour sans le travail de la presse d’investigation, outil indispensable à toute démocratie et société éclairée, et sans la mobilisation politique.

Nous saluons également le travail fondamental des deux co-rapporteurs, Violette SPILLEBOUT et Paul Vannier.

Cette contribution ne se veut pas un contre-rapport, il s’agit de donner l’analyse et des revendications issues de notre travail en tant que membres de la commission d’enquête, travail que nous souhaitons comme complémentaire à celui mené par les deux rapporteurs.

 

Les violences en milieu scolaire, révélateur d’un mal plus profond : le caractère systémique des violences envers les enfants en France

 

En France, les enfants ne sont pas considérés comme des sujets de droit. Notre pays a par ailleurs été condamné à plusieurs reprises et sur différents sujets pour ses défaillances des politiques publiques de protection de l’enfance.

Si les travaux de la commission d’enquête, précédés par de nombreux témoignages et articles de presse, ont permis de mettre en lumière les violences commises en milieu scolaire, les violences envers les enfants sont multiples : Aide Sociale à l’Enfance défaillante, situation scandaleuse des mineurs non accompagnés, affaires de pédocriminalités multiples, une centaine d’enfants toujours retenus prisonniers en Syrie sans que le gouvernement n’agisse, etc. Les exemples de violences envers les enfants en France se retrouvent partout.

Où se situe alors l’origine de ce mal français ? L’intégralité de la société française repose sur un modèle familialiste. La famille est considérée comme la cellule première et fondamentale de la société. Les enfants ne sont alors considérés que comme des ayant droits, des personnes soumises à l’autorité de leurs parents. Cette logique d’autorité suprême de l’adulte se retrouve au-delà de la sphère familiale et imprègne toute la société.

 

L’institution scolaire fait partie du problème. Les enfants y passent la majorité de leur temps en son sein, où ils apprennent notamment que l’adulte à autorité sur eux. La concentration des enfants dans ces lieux, l’autorité supérieure de l’adulte ainsi que le fait qu’il soit « encore trop communément admis que la violence légère, voire plus grave, à l’égard des enfants peut se justifier par un objectif éducatif de la part des personnes exerçant une autorité sur eux » [853] constituent autant de facteurs qui font des institutions scolaires des terreaux propices à la commission de violences sur des enfants.

 

L’enseignement privé : omerta et impunité pour les violences faites aux enfants

 

Si la commission d’enquête a notamment pu voir le jour suite aux révélations sur l’établissement privé Notre-Dame-de-Betharram, les mobilisations d’associations de victimes d’un grand nombre d’établissements privés sont venues démontrer qu’il existe une particularité dans ces établissements qui permet à de telles violences de pouvoir s’exercer sans aucune forme d’inquiétude pour leurs auteurs et que, dans de nombreux cas, l’institution scolaire privée entretient et favorise ces violences, qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles.

 

L’enseignement privé, et en particulier l’enseignement privé catholique, tient à maintenir à l’écart la puissance publique et est réticent à toute idée d’augmentation du contrôle de l’Etat sur leurs établissements.

Certaines organisations de l’enseignement privé mènent un lobbying intensif auprès des pouvoirs publics afin de limiter les capacités de l’Etat à contrôler leur activité. Ainsi, le secrétaire général de l’enseignement catholique a, dans une lettre adressée au ministère de l’Education nationale le 29 novembre 2024, qualifié le guide du contrôle des établissements privés sous contrat en cours d’élaboration de « manuel de l’inquisiteur », et considéré qu’il instituait un « système de délation » [854].

Le même secrétaire général de l’enseignement catholique a également demandé à ce que soit supprimé d’une fiche relative au contrôle des établissements le passage suivant : « S’il semble que les conditions morales et matérielles de l’accueil des enfants [...] mineurs hébergés dans un internat compromettent leur sécurité, leur santé et leur moralité, une information préoccupante sur les mineurs en danger ou qui risquent de l’être doit être adressée au président du conseil départemental. Parallèlement, un signalement peut être fait au procureur de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. » [855]

 

La puissance publique organise cette très large autonomie des établissements privés, et donc par voie de conséquence ferme les yeux sur les défaillances institutionnelles induisant des violences envers les enfants. Ainsi, la cheffe du pôle affaires juridiques et contrôle de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a reconnu lors de son audition qu’ « en 2024, aucun établissement relevant de l'enseignement privé – qu’il soit sous contrat ou hors contrat – n’a été concerné » [856] par les enquêtes administratives menées par les services. Ce constat est également partagé par les inspecteurs auditionnés par la commission : « il est extrêmement rare qu’il y ait une enquête administrative ou même un contrôle d’un établissement privé à l’Inspection générale » [857].

 

Sur les cas de violences au sein de l’établissement Notre-Dame-de-Betharram, lorsque Monique De Marco — sénatrice écologiste de Gironde — a interpellé le Rectorat de l’académie de Bordeaux sur les cas de violences, il lui a été rétorqué que « conformément au contrat qui lie les établissements privés à l’académie de Bordeaux, l’inspection académique effectue des contrôles sur le respect du droit à l’éducation, du droit à l’instruction, du droit à la scolarité et sur le respect des exigences pédagogiques »

Le Rectorat a également mentionné le fait que « s’agissant du personnel qui exerce en établissement privé, seul le personnel enseignant fait l’objet de contrôle » et que « les personnels encadrants [...] ne relèvent pas de l’autorité académique mais de l’Organisme de Gestion de l’Enseignement Catholique (OGEC) ».

 

La réponse du Rectorat de Bordeaux n’est qu’un exemple de la très grande liberté accordée par l’Etat aux établissements privés, y compris lorsque des défaillances majeures, entraînant des violences sur enfants, sont largement constatées.

 

Parfois, la complaisance de la puissance publique va encore plus loin. Dans le cas de l’inspection diligentée sur l’établissement Stanislas de Paris, les travaux de la commission ont fait apparaître que la lettre de transmission adressée au ministre contredit le rapport des inspecteurs. Elle affirme qu’ « au terme de la mission, l’équipe ne confirme pas les faits d’homophobie, de sexisme et d’autoritarisme mis en avant par les articles de presse » [858].

Il est apparu qu’une fausse version de la lettre de transmission a été transmise aux inspecteurs responsables de l’enquête et de la rédaction du rapport. La véritable lettre de transmission — qui est le seul document que lisent généralement les autorités politiques — contredit totalement les conclusions du rapport.

Entre la rédaction du rapport et sa transmission, les cas de violences institutionnelles sur des enfants ont donc été volontairement éludés par de hauts-fonctionnaires afin de blanchir une institution, et ce au mépris de la santé et de la sécurité des enfants qu’elle accueille.

 

Ces deux exemples illustrent la manière dont la puissance publique organise sa propre impuissance face aux établissements d’enseignement privés. En outre, à chaque velléité de renforcer les contrôles sur ces établissements, leurs défenseurs agitent la menace de réactiver la guerre scolaire.

 

Renforcer la prévention des violences en milieu scolaire

 

Pour la Défenseure des Droits, « la gravité de la situation [des violences commises sur les enfants] n’est ni mesurée ni prise en compte par les plus hautes sphères de l’État » [859]. Ce constat se retrouve dans la prévention des violences au sein des institutions scolaires.

 

Outre la scandaleuse faiblesse du déploiement du dispositif EVARS — qui, bien qu’étant obligatoire depuis 2001, n’a bénéficié qu’à 15% des élèves et que 25% des établissements scolaires déclarent ne l’avoir jamais mis en œuvre [860] — il n’existe pas aujourd’hui de politique publique globale et efficace permettant de prévenir l’ensemble des violences en milieu scolaire.

 

Ainsi, il est non seulement nécessaire de rendre effectif l’EVARS pour l’ensemble des élèves, mais également de mettre en œuvre des dispositifs d’éducation aux violences physiques et psychologiques.

 

En outre, afin de prévenir toute tentative d’esquive ou d’instrumentalisation à des fins rétrogrades et contraires aux intérêts des enfants, il est recommandé d’encadrer les personnes habilitées à dispenser ces dispositifs éducatifs. Ainsi, nous recommandons de restreindre cette habilitation aux personnels médico-sociaux de l’Education nationale ou aux enseignants ayant suivi une formation à cet effet ou à des associations dont la sélection est réalisée selon des modalités définies par décret et dont la liste est arrêtée chaque année par le ministère de l’éducation nationale et les rectorats.

De plus, afin d’assurer l’effectivité du dispositif EVARS, il est nécessaire que les heures prévues soient fléchées.

 

Enfin, dans l’objectif de limiter l’itinérance des auteurs de violences sur enfants, il est recommandé d’étendre le contrôle d’honorabilité aux personnels des établissements scolaires — publics et privés — lors de leur recrutement, puis à échéance régulière.

 

La République doit protéger tous les enfants : en finir avec le deux poids, deux mesures dans le système éducatif

 

Il est anormal que des élèves — des enfants —, parce qu'ils se trouvent dans des établissements privés, ne bénéficient pas des mêmes protections que les autres. Nous recommandons donc de mettre fin à la permissivité et la large autonomie dans les politiques éducatives qui peuvent être concédées aux établissements privés.

 

Il est nécessaire que l’ensemble des établissements — public ou privés — soient soumis aux mêmes obligations et aux mêmes modalités de contrôle. Ces contrôles doivent concerner l’ensemble des activités des établissements et doivent s’accompagner de sanctions claires et fermes en cas de non-respect des obligations légales et réglementaires où dans l’hypothèse ou un établissement refuserait de se conformer à la législation.

Concernant les établissements privés, les contrôles doivent s’effectuer à échéances régulières (au maximum tous les 5 ans).


Renforcer les moyens et l’autonomie des inspections de l’éducation nationale et de l’IGESR

 

Le manque criant de personnels des inspections de l’éducation nationale entrave considérablement leur capacité à remplir leurs missions. Il est donc nécessaire de donner à ces fonctionnaires les moyens humains et financiers nécessaires à travers un plan pluriannuel de recrutement.

 

Toutefois, outre le manque de personnels, les services d’inspection souffrent de nombreux dysfonctionnements. Le rapport lacunaire et simpliste réalisé sur l’établissement Notre-Dame-de-Betharram en 1996, fondé sur une inspection réalisée en une poignée d’heures, par un seul inspecteur et pour laquelle les élèves interrogés ont été sélectionnés par la direction de l’établissement, ou le cas plus récent de l’inspection diligentée au Collège Stanislas où les cas de violences institutionnelles ont été volontaire éludés dans la lettre de transmission du rapport, illustrent des dysfonctionnements clairs dans le contrôle des établissements.

 

La protection des enfants ne saurait être effective sans des modalités de contrôles et de sanctions efficaces. Ainsi, nous recommandons :

       d’étendre les missions des inspecteurs à l’ensemble des établissements scolaires — publics et privés — et à l’ensemble des activités qui s’y déroulent ;

       dans le cadre des demandes de contrôle d’établissement de la part du ministère ou des rectorats, l’obligation de transmettre une lettre de missions aux inspecteurs afin de déterminer les périmètres du contrôle. Cette lettre de mission doit être annexée au rapport d’inspection ;

       de rendre systématique la publicité des rapports concernant le contrôle des établissements ;

       de garantir dans la législation la faculté pour les inspecteurs de verser au rapport final une contribution personnelle s’ils ne sont pas en accord avec la version finale du rapport ;

       de garantir la possibilité d’auto-saisine de la part de l’IGESR dans le cadre des contrôles d’établissements ;

       d’inscrire dans le droit l’échelle de sanction des établissements et des personnels en cas de non-respect des recommandations des rapports d’inspection ;

       de créer quatre sièges supplémentaires au sein du conseil d’évaluation de l’école et de les attribuer à des personnes désignées par les organisations syndicales représentatives du ministère chargé de l’éducation.


Renforcer la protection des lanceurs d’alertes

 

Le cas de Françoise GULLUNG, enseignante à Bétharram ayant dénoncé les violences se déroulant dans l’établissement, illustre la façon dont peuvent être traités certains lanceurs d’alerte. Le terme d’omerta — dont le sens premier renvoie à la loi du silence dans la mafia sicilienne — est bel et bien approprié. Mme GULLUNG a été sanctionnée pour avoir tenté de révéler des faits de violences, couverts par la hiérarchie de l’école et une partie des autorités publiques.

 

La loi de 2016 a instauré un système de protection des lanceurs d’alertes dans la fonction publique [861]. Cependant, ce statut devrait être modifié et amélioré pour les personnels de l’éducation nationale.

La problématique majeure repose ici sur la procédure qui contraint à un signalement interne préalable à tout signalement externe ou à toute divulgation publique. La procédure contraint donc les personnels à passer par la voie hiérarchique, ce qui constitue évidemment un problème lorsque les cas de violences s’inscrivent dans un schéma institutionnel. Tel a été le cas pour un grand nombre d’établissements dont les victimes ont été auditionnées par la commission ou pour ceux dont les révélations ont été faites par la presse. Ainsi si cette loi avait été applicable dans les années 1990, un personnel souhaitant témoigner des violences sur enfants de la part de surveillants ou d’enseignants à Bétharram aurait dû le signaler au prêtre-directeur, coupable de violences sexuelles sur enfants. 

 

Nous recommandons donc de modifier la législation applicable aux lanceurs d’alerte afin de prendre en considération les situations de violences institutionnelles, en permettant le signalement externe direct, tout en garantissant l’anonymat.

 

En conclusion : la nécessaire refondation de notre système éducatif et de son fonctionnement

 

Notre école fonctionne sur un modèle qui appartient au passé. L’école place l’acquisition des savoirs au même rang que l’apprentissage de la soumission à l’autorité.

 

Les débats politiques récents illustrent ce phénomène : sans cesse, le sujet de l’autorité à l’école fait l’objet de nouvelles déclarations et de nouvelles déclarations plus aberrantes les unes que les autres.

Certains justifient même la violence comme une forme de pédagogie, c’est le cas de François BAYROU — Premier Ministre — qui parle de l’établissement Notre-Dame-de-Betharram en ces termes :  « L’établissement a la réputation d’être strict, au point que les parents disaient : “Si tu ne travailles pas ou si tu n’es pas sage, on t’y enverra.” Tout le monde connaît des établissements de ce type » [862] ou qui justifie sa gifle donnée à un enfant comme n’étant « pas du tout une claque violente : c’était une tape, en effet, de père de famille. Si quelqu’un ici pense que jamais il n’a donné une tape à un enfant… Je crois que beaucoup, s’ils sont honnêtes, pourront admettre qu’ils l’ont fait. Pour moi, ça n’est pas de la violence. » [863].

 

Ainsi, il est nécessaire d’avoir un débat de société sur le rôle que nous voulons donner à l’école et la place que nous lui donnons dans la société, comme outils de formation et d’émancipation de l’enfance et de la jeunesse et non pas comme réceptacle des crispations autoritaires et rétrogrades.

 

En outre, l’éducation nationale ne saurait souffrir des politiques d’austérité budgétaire. Il est nécessaire d’avoir des effectifs de professionnels en nombre suffisant afin de pouvoir accompagner convenablement les élèves en leur accordant l’attention et le temps nécessaires.

 

Les violences en milieu scolaire s’inscrivent dans le schéma de l’école du XIXème et du XXème siècle, pour en sortir nous devons aussi penser à l'école du XXIème siècle.

 

 

 


Contribution du groupe Les Démocrates (Dem)

 





 


Annexes

Annexe n° 1 : Contributions des collectifs de victimes......................... 377

Annexe n° 2 : Carte de France des signalements effectués par la présidente et les rapporteurs sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale                            395

Annexe n° 3 : Liste des signalements effectués par la présidente et les rapporteurs au titre de l’article 40 du code de procédure pénale                            397

Annexe n° 4 : Assignation en référé du directeur de Notre-Dame de Bétharram devant le président du tribunal de grande instance de Pau du 19 octobre 1993                            401

Annexe n° 5 : « Avertissement avant poursuite » adressé par le procureur de la République de Pau au directeur de Notre-Dame de Bétharram le 17 septembre 1996                            405

Annexe n° 6 : Lettre ouverte de la direction de Notre-Dame de Bétharram et de l’équipe éducative du 13 avril 1996                            407

Annexe n° 7 : Lettre du directeur de Notre-Dame de Bétharram au recteur du 8 mai 1996               409

Annexe n° 8 : Courrier du 13 juin 1996 de M. Lacoste-Seris à M. Protat, président de l’Apel                            411

Annexe n° 9 : Assignation en référé en intervention et en déclaration d’ordonnance commune du 22 décembre 1993                            413

Annexe n° 10 : Arrêt du 9 juin 1998 de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Pau               417

Annexe n° 11 : Arrêt du 29 juin 1999 de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Pau               425

Annexe n° 12 : Courrier du 15 juin 1998 du procureur général près la cour d’appel de Pau à Mme la garde des sceaux                            431

Annexe n° 13 : Courrier du 20 février 1996 du recteur de l’académie de Bordeaux aux chefs d’établissements publics et privés                            435

Annexe n° 14 : Rapport d’inspection de l’établissement Notre-Dame de Bétharram du 12 avril 1996                            437

Annexe n° 15 : Courrier du 5 novembre 1996 adressé à M. Latrubesse par le directeur de Notre-Dame de Bétharram                            447

Annexe n° 16 : Version dactylographiée de la lettre de transmission du rapport de M. Latrubesse à François Bayrou                            449

Annexe n° 17 : Version manuscrite de la lettre de transmission du rapport de M. Latrubesse à François Bayrou                            451

Annexe n° 18 : Courrier de mise en demeure adressé à l’établissement Le Beau Rameau par le recteur de l’académie de Bordeaux le 10 avril 2025                            453

Annexe n° 19 : Courriers relatifs à l’établissement Saint-Jean de Pélussin......... 461

Annexe n° 20 : Rédactions d’élèves scolarisés au sein de l’établissement de Riaumont               467

Annexe n° 21 : Courrier du préfet du Pas-de-Calais du 8 juin 2017 proposant au ministre de l’éducation nationale la fermeture de Riaumont                            473

Annexe n° 22 : Courrier du recteur de l’académie de Lille du 6 juin 2017 préconisant au ministre de l’éducation nationale la fermeture de Riaumont                            477

Annexe n° 23 : Courrier des rapporteurs du 7 avril 2025 au préfet du Pas-de-Calais.. 481

Annexe n° 24 : Réponse du préfet du Pas-de-Calais aux rapporteurs, en date du 7 avril 2025                            483

Annexe n° 25 : Courrier de la présidente et des rapporteurs du 31 mars 2025 à la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative                            485

Annexe n° 26 : Réponse de la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative à la présidente et aux rapporteurs, en date du 30 mai 2025                            487

Annexe n° 27 : Courrier des rapporteurs 14 avril 2025 à la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique                            489

Annexe n° 28 : Réponse de la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique aux rapporteurs, en date du 4 juin 2025                            491

Annexe n° 29 : Courrier des rapporteurs du 14 avril 2025 à la directrice générale des finances publiques                            493

Annexe n° 30 : Réponse de la directrice générale des finances publiques aux rapporteurs, en date du 28 avril 2025                            495

Annexe n° 31 : Courrier des rapporteurs du 14 avril 2025 au président de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France                            497

Annexe n° 32 : Réponse du président de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France aux rapporteurs, en date du 25 avril 2025                            499

Annexe n° 33 : Courrier du 14 mai 2025 du président de la Conférence des évêques de France à la rapporteure Violette Spillebout                            501

Annexe n° 34 : Réflexion transmise aux rapporteurs de F., victime de Pascal V. au lycée Bayen de Châlons-en-Champagne                            503

Annexe n° 35 : Lettre de rentrée adressée par le directeur de l’ensemble scolaire Immaculée Conception aux élèves et à leurs parents                            505

Annexe n° 36 : Courrier du 17 juin 2025 adressé par le directeur de Marcq Institution à la rapporteure Violette Spillebout et courrier annexe décrivant la perception par l’établissement des inspections académiques conduites                            507

Annexe n° 37 : Note du cabinet du 4 juin 2022 à l’attention du ministre de l’éducation nationale, préparatoire à une rencontre avec le secrétaire général de l’enseignement catholique                            517

Annexe n° 38 : Exemple de note préparatoire aux rencontres entre le ministre de l’éducation nationale ou son cabinet et le secrétaire général de l’enseignement catholique                            523

Annexe n° 39 : Courrier du 29 novembre 2024 adressé par le secrétaire général de l’enseignement catholique à la directrice des affaires financières du ministère de l’éducation nationale sur le projet de guide du contrôle des établissements privés sous contrat                            529

Annexe n° 40 : Correspondances relatives à l’élargissement de Faits établissement aux établissements privés sous contrat                            535

Annexe n° 41 : Argumentaire budgétaire relatif au collège Averroès.............. 547

Annexe n° 42 : Note du cabinet à l’attention du ministre de l’éducation nationale sur la situation du lycée Averroès, en date du 13 novembre 2023                            551

Annexe n° 43 : Note du cabinet à l’attention du ministre de l’éducation nationale sur le « dossier Averroès », en date du 22 décembre 2020                            557

Annexe n° 44 : Note de la direction des affaires financières du ministère de l’éducation nationale sur les scénarios possibles de renforcement des contrôles des établissements privés sous contrat                            561

Annexe n° 45 : Projet d’instruction aux recteurs sur le plan de contrôles des établissements d’enseignement privés sous contrat tel que modifié par le cabinet de la ministre de l’éducation nationale                            567

Annexe n° 46 : Courrier du 4 juin 2025 de Graziella Melchior, députée, aux rapporteurs               571

Annexe n° 47 : Courrier du 27 mai 2025 de la rapporteure Violette Spillebout à la ministre de l’éducation nationale sur le déploiement du dispositif des boîtes aux lettres « Papillon »                            579

Annexe n° 48 : Lettre de transmission du rapport d’enquête administrative de l’établissement Stanislas adressée le 1er août 2023 au ministre de l’éducation nationale                            581

Annexe n° 49 : Courrier du 10 juin 2025 des rapporteurs à la ministre de l’éducation nationale                            583

Annexe n° 50 : Conclusions de la visite de suivi du 30 mai 2024 au sein de l’établissement Stanislas                            585

Annexe n° 51 : Comparaisons sur le traitement des violences contre les enfants en milieu scolaire établi à partir des données du centre européen de recherche et de documentation parlementaires                            593

 

 


Annexe  1 : Contributions des collectifs de victimes



















Annexe  2 : Carte de France des signalements effectués par la présidente et les rapporteurs sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale

 

 

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Annexe  3 : Liste des signalements effectués par la présidente et les rapporteurs au titre de l’article 40 du code de procédure pénale

Ces signalements à la justice concernent des faits qui ont été portés à la connaissance des rapporteurs et de la présidente de la commission. Ces faits, de nature très différente, sont, pour certains d’entre eux, anciens, voire très anciens.

 

Date

Nom de l’établissement

Département

Ville

08/03

N/A

Académie de Normandie

N/A

17/05

N/A (école)

Alpes-de-Haute-Provence

Annot

24/04

Lycée professionnel Vauban et collège Antoine Risso

Alpes-Maritimes

Nice

28/04

Collège Charles Bruno

Ardennes

Vireux-Wallerand

28/05

N/A (collège)

Ardennes

N/A

26/04

Lycée Chrestien

Aube

Troyes

14/05

Collège Marie-Curie

Aube

Troyes

26/03

Établissement Saint-Joseph

Doubs

Besançon

20/03

Institution Notre-Dame

Drôme

Valence

26/03

Institution Saint-Ouen

Eure

Pont-Audemer

17/04

École Saint-Tudy

Finistère

Loctudy

17/04

École Saint-Tudy

Finistère

Loctudy

26/04

Établissement Saint-François

Finistère

Lesneven

14/05

Collège Saint-Pierre

Finistère

Relecq-Kerhuon

20/02

N/A (école)

Haute-Garonne

Toulouse

20/03

Institut jeunes aveugles

Haute-Garonne

Toulouse

02/05

Plusieurs établissements

Haute-Garonne

Toulouse

15/04

Collège Sainte-Croix des Neiges

Haute-Savoie

Abondance

21/05

Établissement Saint-Joseph

Hautes-Alpes

Gap

03/04

Notre-Dame de Garaison

Hautes-Pyrénées

Monléon-Magnoac

29/03

Établissement Saint-Gabriel

Hauts-de-Seine

Bagneux

21/04

Établissement Notre-Dame et Charles Desvergnes

Hauts-de-Seine

Meudon

23/04

École Blanguernon

Hauts-de-Seine

Anthony

14/05

Collège Renoir

Hauts-de-Seine

Asnières

14/05

Institut Baguer

Hauts-de-Seine

Asnières

20/05

École Montessori Beautiful Minds

Hauts-de-Seine

Puteaux

14/05

Internat d'excellence

Hérault

Montpellier

30/03

École Les jeunes pousses

Indre-et-loire

Ligré

12/04

Institution Montgontier

Isère

Gillonnay

21/03

Collège Cendrillon

Landes

Dax

25/03

Institut de préparation aux enseignements de second degré

Loire

Saint-Jodard

16/04

Saint-Paul

Loire-Atlantique

Rezé

02/06

École Sainte-Marie

Loire-Atlantique

Landreau

02/06

Angreviers

Loire-Atlantique

Gorges

1/03

N/A (école)

Lot-et-Garonne

Sérignac-sur-Garonne

19/03

École primaire de Saint Privat

Lozère

Mende

30/03

Collège

Maine-et-Loire

Combrée

25/03

Lycée Bayen

Marne

Châlons-en-Champagne

21/04

Lycée Bayen

Marne

Châlons-en-Champagne

12/06

Collège Pierre-Gilles-de-Gennes

Marne

Frignicourt

10/06

Collège Pierre-Gilles-de-Gennes

Marne

Frignicourt

27/03

Collège Julienne Farenc

Meurthe-et-Moselle

Dombasle-sur-Meurthe

20/03

N/A (lycée)

Moselle

Thionville

19/02

Lycée technique Saint-Joseph

Nord

Hazebrouck

15/04

Collège et lycée Jessé de Forest

Nord

Avesnes-sur-Helpe

18/05

École Madame Rolland

Nord

Lille

24/03

École La Rochefoucauld

Paris

Paris

28/04

École Fessart

Paris

Paris

19/05

Les Francs Bourgeois - La Salle

Paris

Paris

06/06

École Alphonse Baudin

Paris

Paris

27/03

Collège Sainte Odile / (Les Foyers de Charité)

Pas-de-Calais

Courset

10/04

Collège Victor Hugo

Pas-de-Calais

Harnes

N/A

Collège Sainte-Odile (Les Foyers de Charité)

Pas-de-Calais

Courset

01/03

Cité scolaire Socoa Unxtin

Pyrénées-Atlantiques

Urrugne

13/03

Collège Sainte-Bernadette

Pyrénées-Atlantiques

Pau

26/03

Maîtrise épiscopale

Pyrénées-Atlantiques

Bayonne et Ustaritz

27/03

Collège Moncade d'Orthez

Pyrénées-Atlantiques

Moncade

12/04

Notre-Dame de Bétharram

Pyrénées-Atlantiques

Lestelle-Bétharram

17/05

Classe unique de la commune

Pyrénées-Atlantiques

Monein

12/04

Collège Weissmann

Sarthe

Le Mans

19/04

École privée Sainte-Croix

Seine-et-Marne

Provins

14/05

Collège Louis Braille

Seine-et-Marne

Esbly

13/04

École Robert Desnos

Seine-Saint-Denis

Sevran

23/05

École militaire de Sorèze

Tarn

Sorèze

15/04

Lycée Claude Nicolas Ledoux

Val de Marne

Vincennes

19/04

École Jean Zay

Val d'Oise

Nointel

23/05

Pensionnat Saint-Martin

de France

Val d'Oise

Pontoise

11/04

École Georges Brassens

Var

La Seyne-sur-Mer

09/05

Collège Font de Fillol

Var

Six-Fours-les-Plages

19/04

N/A (couvent)

Yonne

Montréal

13/05

Collège Pierre et Jean Lerouge

Yonne

Chablis

22/02

Lycée International

Yvelines

Saint-Germain-en-Laye

20/03

École Saint-Louis

Yvelines

Montfort L’Amaury

09/04

École Saint-Augustin

Yvelines

Saint-Germain-en-Laye

16/04

Institut Notre-Dame

Yvelines

Saint-Germain-en-Laye

20/04

Pensionnat religieux

Yvelines

Conflans-Sainte-Honorine

26/03

Plusieurs établissements

N/A

N/A

 

 


Annexe  4 : Assignation en référé du directeur de Notre-Dame de Bétharram devant le président du tribunal de grande instance de Pau du 19 octobre 1993





Annexe  5 : « Avertissement avant poursuite » adressé par le procureur de la République de Pau au directeur de Notre-Dame de Bétharram le 17 septembre 1996


Annexe  6 : Lettre ouverte de la direction de Notre-Dame de Bétharram et de l’équipe éducative du 13 avril 1996


Annexe  7 : Lettre du directeur de Notre-Dame de Bétharram au recteur du 8 mai 1996


Annexe  8 : Courrier du 13 juin 1996 de M. Lacoste-Seris à M. Protat, président de l’Apel


Annexe  9 : Assignation en référé en intervention et en déclaration d’ordonnance commune du 22 décembre 1993




Annexe  10 : Arrêt du 9 juin 1998 de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Pau








Annexe  11 : Arrêt du 29 juin 1999 de la chambre d’accusation de la cour d’appel de Pau







Annexe  12 : Courrier du 15 juin 1998 du procureur général près la cour d’appel de Pau à Mme la garde des sceaux




Annexe  13 : Courrier du 20 février 1996 du recteur de l’académie de Bordeaux aux chefs d’établissements publics et privés


Annexe  14 : Rapport d’inspection de l’établissement Notre-Dame de Bétharram du 12 avril 1996











Annexe  15 : Courrier du 5 novembre 1996 adressé à M. Latrubesse par le directeur de Notre-Dame de Bétharram


Annexe  16 : Version dactylographiée de la lettre de transmission du rapport de M. Latrubesse à François Bayrou


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Annexe  17 : Version manuscrite de la lettre de transmission du rapport de M. Latrubesse à François Bayrou


Annexe  18 : Courrier de mise en demeure adressé à l’établissement Le Beau Rameau par le recteur de l’académie de Bordeaux le 10 avril 2025








 


Annexe  19 : Courriers relatifs à l’établissement Saint-Jean de Pélussin






Annexe  20 : Rédactions d’élèves scolarisés au sein de l’établissement de Riaumont




 


Annexe  21 : Courrier du préfet du Pas-de-Calais du 8 juin 2017 proposant au ministre de l’éducation nationale la fermeture de Riaumont



 


Annexe  22 : Courrier du recteur de l’académie de Lille du 6 juin 2017 préconisant au ministre de l’éducation nationale la fermeture de Riaumont


 


Annexe  23 : Courrier des rapporteurs du 7 avril 2025 au préfet du Pas-de-Calais

 

 

À l’attention de Monsieur Jacques BILLANT

Préfet du Pas-de-Calais

Rue Ferdinand Buisson

62000 Arras

 

 

 

 

Paris, le 7 avril 2025

 

 

 

 

Objet : Remerciements et signalement d’informations concernant le site de Riaumont

 

 

 

Monsieur le Préfet,

 

 

Nous tenons à vous adresser nos sincères remerciements, ainsi qu’à l’ensemble de vos services, pour la qualité de l’organisation de la table ronde du 4 avril en préfecture du Pas-de-Calais, dans le cadre des travaux de la commission d’enquête parlementaire sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires.

 

Les échanges ont été riches, clairs et constructifs, et ont grandement contribué à nourrir notre réflexion sur les enjeux de protection et de vigilance dans le cadre scolaire et para-scolaire.

 

Par ailleurs, nous souhaitons porter à votre connaissance un certain nombre d’éléments relatifs au village d’enfants de Riaumont.

 

Lors de notre contrôle sur pièces et sur place, et dans le cadre de notre questionnement, l’un des pères présents a indiqué qu’il y avait actuellement trois à quatre jeunes adultes logés à l’internat, de manière variable selon les périodes. Il a précisé qu’il s’agirait de jeunes travailleurs exerçant une activité professionnelle à l’extérieur du site.

 

Interrogé sur la nature de cet hébergement, le Père a répondu qu’il s’agissait d’un hébergement à titre non gratuit, précisant qu’« il donnait un petit quelque chose », sans fournir davantage de précisions sur les conditions ou la régularité de cette contribution.

 

Nous avons également constaté, à l’occasion de notre visite, que les lits du dortoir étaient faits de manière régulière et que les sanitaires étaient manifestement utilisés, avec la présence de produits d’hygiène. Ces éléments matériels pourraient laisser penser qu’un hébergement nocturne est bien en cours.

 

En complément des informations transmises par voie de rumeur faisant état de la présence éventuelle de mineurs non accompagnés sur le site, nous avons estimé nécessaire de vous transmettre l’ensemble de ces éléments afin qu’une vérification approfondie puisse être engagée, le cas échéant, par les services compétents.

 

 

Nous restons à votre disposition pour tout complément d’information et vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre haute considération.

 

 

 

Violette SPILLEBOUT

Députée du Nord

 

 

Paul VANNIER

Député du Val-d’Oise

 

 


Annexe  24 : Réponse du préfet du Pas-de-Calais aux rapporteurs, en date du 7 avril 2025

 


Annexe  25 : Courrier de la présidente et des rapporteurs du 31 mars 2025 à la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative

 

 

 

À l’attention de Madame Marie BARSACQ

Ministre des Sports, de la Jeunesse

et de la Vie associative

95, avenue de France
75013 Paris

 

 

 

 

Paris, le 31 mars 2025

 

 

Objet : Situation du village d’enfants de Riaumont à Liévin – Demande de retrait de l’agrément Jeunesse et Sports

Copie : Monsieur Jacques BILLANT, Préfet du Pas-de-Calais

 

Madame la Ministre,

 

 

Dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, nous avons été alertés sur la situation du village d’enfants de Riaumont, situé à Liévin, dans le département du Pas-de-Calais.

 

La partie scolaire de cet établissement technique privé hors contrat, dénommée Saint Jean Bosco, a cessé d’accueillir des élèves en 2019, le directeur ayant indiqué ne plus être en mesure d’assurer son fonctionnement. Cette cessation d’activité est intervenue dans un contexte de signalements et d’inspections mettant en évidence des faits graves de violences sexuelles, physiques et psychologiques. La rectrice d’académie en a alors pris acte en procédant à la radiation de l’établissement du répertoire académique.

 

Nous avons également pris connaissance d’informations particulièrement préoccupantes concernant la situation actuelle du site. Cinq moines y résidant font l’objet de mises en examen pour violences légères ou consultation d’images pédopornographiques.

 

Par ailleurs, nous avons appris que, le 12 mars 2025, le parquet a requis deux ans d’emprisonnement, dont un an assorti d’un sursis probatoire, à l’encontre de l’ancien prieur de Riaumont. Cette peine, qualifiée d’« aménageable » par le parquet, pourrait être purgée sous bracelet électronique. Le ministère public a également demandé son inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles, une injonction de soins psychologiques et psychiatriques, ainsi qu’une interdiction d’exercer toute activité avec des mineurs pendant trois ans. Le jugement a été mis en délibéré, avec une décision attendue pour le 6 mai 2025.

 

Dans ce contexte, une association scout a déclaré l’organisation de séjours au sein du village d’enfants pour l’année scolaire 2024-2025, conformément à la procédure prévue. Toutefois, par arrêté en date du 10 janvier 2025, la préfecture du Pas-de-Calais a refusé de valider cet accueil, au motif que les locaux sont susceptibles d’héberger des personnes faisant l’objet d’une interdiction d’entrer en contact avec des mineurs.

 

En application de l’article L.227-5 du Code de l’action sociale et des familles, la préfecture a fait valoir son droit à s’opposer à l’accueil de mineurs « lorsque les conditions dans lesquelles (l’activité) est envisagée présentent des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs ».

 

Dans ce contexte, la question du maintien éventuel d’un agrément délivré au titre de la jeunesse, de l’éducation populaire ou du sport au bénéfice du village d’enfants de Riaumont interroge profondément, au regard de la gravité des faits signalés et des décisions administratives déjà prises à l’encontre de cet établissement.

 

Aussi, nous souhaiterions savoir si cet établissement bénéficie actuellement de l’un ou l’autre de ces agréments. Le cas échéant, nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous préciser les intentions du ministère quant à leur maintien, dans un souci de protection des mineurs et de cohérence avec les mesures prises par les autorités compétentes.

 

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à cette alerte, et restons à votre disposition pour tout complément d’information dans le cadre de nos travaux.

 

 

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

 

 

 

Fatiha KELOUA HACHI

Présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Députée de Seine-Saint-Denis

Violette SPILLEBOUT

Députée du Nord

 

 

Paul VANNIER

Député du Val-d’Oise

 

 


Annexe  26 : Réponse de la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative à la présidente et aux rapporteurs, en date du 30 mai 2025

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Annexe  27 : Courrier des rapporteurs 14 avril 2025 à la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique

 

 

À l’attention de Madame Clara CHAPPAZ,

Ministre déléguée, chargée de l'Intelligence artificielle

et du Numérique

139 rue de Bercy

75012 Paris

 

 

 

Paris, le 14 avril 2025

 

 

Objet : Signalement relatif au site internet du Village d’enfants de Riaumont

COPIES :

 

 

Madame la Ministre,

 

 

Dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, dont nous sommes co-rapporteurs, nous avons été amenés à examiner les supports de communication de l’établissement dit Village de Riaumont, situé à Liévin (Pas-de-Calais).

 

Nous souhaitons attirer votre attention sur plusieurs éléments préoccupants relevés sur le site internet de cet établissement.

 

D’une part, le site affiche un numéro d’agrément laissant entendre une reconnaissance officielle, alors qu’aucun document n’atteste, à ce jour, d’un tel agrément par les autorités compétentes. Cette mention pourrait donc relever de publicité mensongère, susceptible d’induire les familles en erreur quant au statut réel de l’établissement.

 

D’autre part, le site diffuse de nombreuses photographies d’enfants et d’élèves, sans que les conditions de respect du droit à l’image et de la réglementation sur les données personnelles (RGPD) soient clairement établies. À ce jour, aucun élément ne permet d’attester que les autorisations parentales ou les traitements de données ont été réalisés conformément aux exigences légales, notamment celles encadrées par la CNIL.

 

Ces constats prennent une dimension particulièrement grave au regard du contexte de l’établissement. Ce village d’enfants est actuellement visé par plusieurs plaintes d’anciens élèves, pour des faits d’agressions sexuelles, de maltraitance, ainsi que de violences physiques et psychologiques. Au total, onze religieux et laïcs ayant exercé au sein de l’institution Sainte-Croix de Riaumont ont été mis en examen, dans quatre affaires distinctes.

 

La plus récente de ces procédures concerne l’ancien prieur de Riaumont, accusé d’avoir consulté et détenu des contenus à caractère pédopornographique entre 2012 et 2017. Deux ans de prison ferme ont été requis à son encontre, et le délibéré est attendu le 6 mai prochain.

 

En parallèle, la préfecture du Pas-de-Calais, par arrêté en date du 10 janvier 2025, a interdit aux responsables de la communauté de Riaumont l’accueil des Scouts et Guides de Riaumont en séjours courts à Liévin, en vertu de l’article L.227-5 du Code de l’action sociale et des familles. L’administration fait valoir son droit à s’opposer à l’accueil de mineurs lorsque les conditions d’activité présentent des risques pour leur santé et leur sécurité physique ou morale.

 

Au regard de l’ensemble de ces éléments, nous vous serions reconnaissants d’examiner la conformité du site internet de cet établissement avec la réglementation en vigueur, et d’engager, si nécessaire, les démarches de contrôle ou de rappel au droit qui relèvent de votre autorité.

 

Nous vous remercions par avance pour l’attention que vous porterez à ce signalement, et restons à votre disposition pour tout complément utile dans le cadre de nos travaux parlementaires.

 

 

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

 

 

Violette SPILLEBOUT

Députée du Nord

 

 

Paul VANNIER

Député du Val-d’Oise

 


Annexe  28 : Réponse de la ministre déléguée chargée de l’intelligence artificielle et du numérique aux rapporteurs, en date du 4 juin 2025

 


Annexe  29 : Courrier des rapporteurs du 14 avril 2025 à la directrice générale des finances publiques

 

 

À l’attention de Madame Amélie VERDIER
Directrice générale des finances publiques

139 rue de Bercy

75012 Paris

 

 

 

Paris, le 14 avril 2025

 

 

Objet : Signalement relatif à l’établissement Village d’enfants de Riaumont et à ses structures associées

 

Madame la Directrice générale,

 

 

Dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, dont nous sommes co-rapporteurs, nous avons été conduits à nous intéresser à l’établissement dit Village de Riaumont, situé à Liévin (Pas-de-Calais).

 

Nos investigations font apparaître des éléments préoccupants quant à l’organisation juridique et financière de cet établissement, notamment au regard de structures associatives ou immobilières qui lui sont directement ou indirectement rattachées.

 

Des montages semblent avoir été mis en place, susceptibles de permettre des mécanismes de défiscalisation ou de soulever des interrogations en matière de conformité fiscale. Nous pensons en particulier à l’existence de montages via des associations ou des sociétés civiles immobilières, qui pourraient contribuer au financement ou à la valorisation du site.

 

Dans un souci de vigilance républicaine et de transparence quant à l’usage de dispositifs fiscaux ou d’éventuelles ressources publiques, nous vous serions reconnaissants d’examiner ces éléments avec attention, et de bien vouloir engager, si vous le jugez nécessaire, les investigations appropriées.

 

 

Nous restons naturellement à votre disposition pour tout échange utile dans le cadre de nos travaux parlementaires, et vous prions d’agréer, Madame la Directrice générale, l’expression de notre haute considération.

 

 

Violette SPILLEBOUT

Députée du Nord

 

 

Paul VANNIER

Député du Val-d’Oise

 

 


Annexe  30 : Réponse de la directrice générale des finances publiques aux rapporteurs, en date du 28 avril 2025

 


Annexe  31 : Courrier des rapporteurs du 14 avril 2025 au président de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France

 

 

À l’attention de Monsieur Jean-Paul ALBERTINI

Président de la chambre régionale

des comptes Hauts-de-France

14 rue du Marché au Filé

62000 Arras

 

 

 

Paris, le 14 avril 2025

 

 

Objet : Signalement relatif à l’établissement Village d’enfants de Riaumont et à ses structures associées

 

Monsieur le Président,

 

 

Dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires, dont nous sommes co-rapporteurs, nous avons été conduits à nous intéresser à l’établissement dit Village de Riaumont, situé à Liévin (Pas-de-Calais).

 

Nos investigations font apparaître des éléments préoccupants quant à l’organisation juridique et financière de cet établissement, notamment au regard de structures associatives ou immobilières qui lui sont directement ou indirectement rattachées.

 

Des montages semblent avoir été mis en place, susceptibles de permettre des mécanismes de défiscalisation ou de soulever des interrogations en matière de conformité fiscale. Nous pensons en particulier à l’existence de montages via des associations ou des sociétés civiles immobilières, qui pourraient contribuer au financement ou à la valorisation du site.

 

Dans un souci de vigilance républicaine et de transparence quant à l’usage de dispositifs fiscaux ou d’éventuelles ressources publiques, nous vous serions reconnaissants d’examiner ces éléments avec attention, et de bien vouloir engager, si vous le jugez nécessaire, les investigations appropriées.

 

 

Nous restons naturellement à votre disposition pour tout échange utile dans le cadre de nos travaux parlementaires, et vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.

 

 

Violette SPILLEBOUT

Députée du Nord

 

 

Paul VANNIER

Député du Val-d’Oise

 

 


Annexe  32 : Réponse du président de la chambre régionale des comptes des Hauts-de-France aux rapporteurs, en date du 25 avril 2025


Annexe  33 : Courrier du 14 mai 2025 du président de la Conférence des évêques de France à la rapporteure Violette Spillebout


Annexe  34 : Réflexion transmise aux rapporteurs de F., victime de Pascal V. au lycée Bayen de Châlons-en-Champagne

L'écoute des auditions de la commission me suggère quelques remarques que je vous soumets ici par écrit : 

Les propos techniciens, juridiques, managériaux des plus hautes instances du ministère (IGESR, DGRH, etc.) sont nécessairement froids. Ils sont aussi malheureusement glaçants. Il y a une révolution copernicienne à effectuer, consistant à adopter très vite, et très bas dans la chaine de remontée des informations, le point de vue des victimes


2) Une partie de la violence subie par les victimes réside dans la fragmentation et l'isolement. La victime se croit seul.e et peine à se voir prise dans une série, ou dans un ensemble plus vaste. L'agresseur entretient cet isolement. C'est ici que l'enquête est absolument essentielle, parce qu'elle permet de recomposer une image d'ensemble d'un phénomène que l'on pense, par facilité ou couardise, local, ponctuel, éphémère ou dérisoire. La parution des articles de presse offre aux victimes une image plus cohérente d'un ensemble qu'on ne perçoit pas toujours pleinement, et à ce titre, cela contribue à une forme de première réparation. Malheureusement, en la matière, ce sont davantage les enquêtes parlementaires et journalistiques (a posteriori) qui font avancer la cause, et non les enquêtes administratives et internes, policières ou judiciaires. Il faut bien mesurer que si nous avons besoin de cellules investigations à Radio France ou à Mediapart et de commissions parlementaires comme la vôtre, c'est parce que les instruments d'investigation et d'enquête dont l'Etat est doté sont insuffisants ou défaillants. 

3) Une autre grande partie des violences prospère sur le déficit de formation et sur l'incapacité des victimes, des proches, des autorités à nommer ce qui se passe. Les victimes ne savent que rarement ce qui leur arrive quand cela leur arrive. Mais le malheur s'ajoute, quand autour d'elle et après les faits, le silence s'organise par méconnaissance et par ignorance. Et ce même bien des années plus tard. J'ai été auditionné une première fois dans le cadre d'une enquête administrative en novembre 2023 par trois IA-IPR qui recueillaient diverses témoignages des acteurs impliqués dans l'affaire du lycée Bayen. Je leur ai demandé, pour voir, si mieux que moi ils étaient capables de faire une distinction entre atteintes sexuelles, agressions sexuelles et viols et si un orgasme pendant un viol avait valeur de consentement. Leur silence fut embarrassé. 

4) Une dernière chose, en guise de suggestion : le silence à l'intérieur de l'Éducation nationale ressemble fâcheusement au silence tel qu'il s'organise dans l'Église pour des affaires similaires. La raison me semble en être que comme l'Église, l'Éducation nationale se donne mission d'éducation et de protection des enfants et se trouve dans de pareilles circonstances prise en défaut d'une manière telle que son autorité et son magistère en sortent lourdement minés et discrédités en son fondement. Aussi la mécanique d'auto-défense institutionnelle est l'étouffement ou l'évitement du scandale, par la minimisation, la sous-qualification ou le silence organisé. C'est ajouter un peu plus de violence à la violence.


Annexe  35 : Lettre de rentrée adressée par le directeur de l’ensemble scolaire Immaculée Conception aux élèves et à leurs parents

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C:\Users\fvittu\Desktop\Annexe 23 - Immaculée conception - lettre de rentrée du directeur découpé_Page_2.jpg


Annexe  36 : Courrier du 17 juin 2025 adressé par le directeur de Marcq Institution à la rapporteure Violette Spillebout et courrier annexe décrivant la perception par l’établissement des inspections académiques conduites

Madame la Députée,

Je me permets de vous adresser ce courriel à la suite de votre intervention au lycée Ozanam, le 12 juin dernier, concernant les travaux de la commission d’enquête parlementaire sur les violences et les abus commis à l’encontre des enfants.

Je tiens tout d’abord à vous remercier sincèrement pour votre engagement sur un sujet aussi crucial. Votre présence et vos explications ont été précieuses pour mieux comprendre la mission de cette commission et la portée des recommandations formulées.

Si j’ai bien saisi vos propos, les rectorats seraient saisis, sur la base des travaux parlementaires, pour diligenter des contrôles ciblés dans certains établissements. Je salue cette démarche à la fois rigoureuse, efficace et pragmatique. Ayant moi-même exercé durant quinze ans au sein de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) et de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), je mesure pleinement l’urgence d’agir dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

C’est précisément en raison de cet engagement partagé pour la protection de l’enfance que je souhaite aujourd’hui vous faire part de ma profonde inquiétude quant au décalage constaté entre l’objectif de votre commission et la réalité du contrôle récemment mené à Marcq Institution.

Vous trouverez en pièce jointe un rapport circonstancié sur la manière dont ce contrôle s’est déroulé. Il apparaît que l’objet principal de l’inspection n’était pas la protection des mineurs, mais bien l’examen du caractère propre catholique de notre établissement, au mépris du sujet initialement visé.

Je m’étonne également du fondement ayant motivé ce contrôle : un unique témoignage publié sur le site « Médiacités », adossé à Mediapart. Faut-il qu’un seul témoignage (erroné de surcroît), relayé par un média d’orientation politique, suffise à déclencher une procédure de grande ampleur, coûteuse pour l’institution, sans enquête préalable ni vérification contradictoire ? Vous auriez pu constater que l’enseignant mis en cause n’a commis aucun acte répréhensible. Le chef d’établissement de l’époque avait même insisté auprès du rectorat pour qu’un entretien disciplinaire ait lieu. Cette demande est restée sans suite, le rectorat ayant opté pour une mise à la retraite anticipée, sans sanction.

Permettez-moi enfin de souligner que l’Enseignement catholique n’est nullement resté inactif depuis le rapport de la CIASE (dont les chiffres sont sans appel : 2 années d’enquête, 28 000 témoignages, 330 000 victimes). Une politique de prévention structurée, intitulée 3PF, a été lancée par le SGEC et s’impose à l’ensemble des établissements. Marcq Institution s’est pleinement saisi de cette exigence : nous avons rédigé un cadre de protection des mineurs, annexé à tous les contrats (salariés et bénévoles), que je joins également à ce courrier.

En complément, je me permets de joindre un troisième document (Dossier mémoire et perspectives ): un travail de réflexion stratégique, réalisé cette année, dans la perspective de la rédaction de notre futur projet d’établissement pour 2040. Ce texte illustre l’écart significatif entre la représentation rétrograde donnée de notre établissement par les contrôleurs, et la réalité éducative ambitieuse que nous portons.

Je vous remercie de toute l’attention que vous pourrez accorder à ce message. Je reste bien entendu à votre disposition pour toute rencontre ou échange complémentaire.

Veuillez agréer, Madame la Députée, l’expression de mes salutations les plus respectueuses.

Anthony Bardoux

 

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*

 

 

Madame la députée,

Je me permets de revenir vers vous suite à la réunion publique du 12 Juin Dernier où j’ai eu l’honneur de participer.

Chef d’établissement de Marcq Institution depuis septembre 2024, je continue encore aujourd’hui de découvrir cette belle institution et j’ai à cet égard bénéficié de deux contrôles de l’état. L’un ayant eu lieu durant l’année 2023/2024 mais dont le retour s’est fait cette année en 3 temps : Un retour personnalisé des inspecteurs dans mon bureau, un retour public des inspecteurs devant le conseil d’établissement et enfin un retour par téléphone du rectorat.

Sur ce premier contrôle j’ai très vite senti qu’il y avait un malaise lié à la « non objectivité » flagrante puisque l’argumentaire s’appuyait sur des données chiffrées et publiques qui n’étaient, objectivement, pas correctement analysées. Aussi deux des inspectrices ont refusé de signer ce rapport, ont signalé l’abus au rectorat, qui a pris soin de me téléphoner pour s’en excuser. Fin sur sujet.

Peu de temps après je suis informé par courrier simple reçu le vendredi 20 décembre que notre établissement serait visé par un contrôle (Sur pièces et sur place), de l’Education Nationale durant l’année 2024/2025.

Nous avons appris par courriel reçu le 26 Mars 2025, la nature des pièces administratives à produire et à déposer sur la plateforme EDUline avant le 14 avril 2025. Ce que nous avons fait avec rigueur.

Nous avons appris par téléphone le 4 Avril que le contrôle sur place se ferait le 6 mai, qu’ils viendraient avec 3 inspecteurs et que l’organisation du contrôle nous serait envoyée plus tard.

J’ai pris contact avec Mme XXXXXXX IA IPR en charge du pilotage de ce contrôle, par téléphone, le 29 Avril pour s’inquiéter de ne rien avoir reçu concernant l’organisation du contrôle, à 6 jours de l’échéance. Elle m’informe qu’ils viendront à 8 inspecteurs pour le secondaire et je découvre par ailleurs qu’il y aura 4 IEN pour le primaire. J’alerte sur les délais de prévenance des enseignants qui les inspecteurs voudraient rencontrer mais aussi de la logistique pour les élèves car il me fallait informer les parents et leur demander l’autorisation pour sortir leurs enfants de cours.

Je ne réserverai finalement qu’une organisation partiel le samedi 3 Mai et la version définitive le 6 mai, jour du contrôle.

Nous avons fait en sorte que ce contrôle puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles malgré tous les problèmes logistiques ou réglementaire que cela a pu occasionner.

6 Mai : Jour du contrôle :

Je suis d’abord surpris par le nombre considérable de pièces nouvelles à fournir immédiatement et jamais annoncée. Ce que nous avons fait avec diligence.

Listes des documents donner « en urgence » :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

-          Une discussion s’engage sur notre vision éducative et notamment sur notre système de gratification. Notre système est adossé aux mentions du baccalauréat, ce qui est contestés par les inspecteurs. Ils considèrent que notre établissement n’a pas de valeur ajoutée : Bons résultats au Bac : c’est qu’ils étaient bons en arrivant. Bons résultats dans le supérieur : C’est que les parents ont de l’argent et peuvent financer intendance, soutien etc…

-          Nous ait ensuite reproché l’utilisation des moyens du rectorat pour financer les options du collège (Latin, Grec, Langue vivante, sport…) Indiquant que notre collège n’avait admirativement aucune option. Nous contestons cette affirmation car ces options existent depuis très longtemps au collège et qu’administrativement des enseignants y sont nommés par le rectorat et inspectés régulièrement. Nos inspecteurs restent figés sur leur point de vue : » Nous n’avons pas d’option et utilisons de manière « frauduleuse » des moyens de l’état.

-          Nous ait ensuite contesté l’utilisation des moyen académique pour notre prépa D1 pour l’enseignement de certaine matière comme le droit commerciale (Soit parce que nous y mettons trop d’heures d’enseignement, soit par ce que ces matières n’existent pas). Nous expliquons que la réalité du programme à enseigner en CPGE D1 n’existe pas clairement dans les matières proposées sur le site du rectorat et qu’un accord avec les services sur « une cote mal taillée » avait été convenu l’an dernier avec le rectorat pour que nous puissions réussir à valider le TRM. Nos inspecteurs restent figés sur leur point de vue : » Nous n’avons pas d’option et utilisons de manière « frauduleuse » des moyens de l’état.

 

-          12h15 : Les autres inspecteurs reviennent progressivement en salle des conseils. Nous les laissons pour qu’ils puissent déjeuner

 

-          13h30 : M XXXXXXX vient les chercher pour faire la visite des lieux, à marche rapide pour qu’ils puissent tous être sur leur lieu d’audition à 14h00.

 

-          15h30 : M XXXXXXX accompagne une équipe de 3 inspecteurs à l’Annexe. Temps d’échange en salle des profs avec M XXXXXX puis visite et retour au grand collège.

 

-          17h00 : Rassemblement des inspecteurs pour faire un retour de la journée à M XXXXXXX

o        Est précisé que ce retour ne serait pas exhaustif

o        Sont annoncés à M XXXXXXX les points saillants de leurs observations :

  1.       Absence de la liberté de conscience : pastorale obligatoire. Ce qui constitut une entrave au respect du contrat d’association avec l’état !
  2.       Non-respect du contrat d’association car utilisation frauduleuse des moyens de l’état (Collège et lycée). Ce qui constitut une deuxième entrave au respect du contrat d’association avec l’état !
  3.       Règlement intérieur qui fait état de règles non conformes au code de l’éducation :
    1.        Zéro sur vingt en cas de triche
    2.       Interdiction de composer en DS si l’élève arrive en retard.
  4.       Maltraitance sur les élèves : Trop de travail, trop de devoirs, trop de notes, trop de pressions : Ils ont l’air tous très fatigués, ça se voit sur leur visage.
  5.       Point divers : Séparer le CDI collège du lycée ; Prévoir des lieux de détente au CDI, plus de variété d’ouvrages (diversités de genre et d’orientation sexuelle). Plus de réunion parents/profs. Afficher la devise républicaine à l’entrée des sites.

 

18h00 :  Fin de l’inspection

18h05 : Réunion de concertation de l’équipe de direction

Très vite nous remonte la colère des enseignants, des parents et des élèves quant à le nature des questions dont en voici quelques extraits reçus sous forme de signalement par les équipes :

 

COLLEGE

Monsieur le directeur,              

              Je m’adresse à vous pour vous faire le bilan des rencontres avec les inspecteurs qui ont eu lieu la semaine dernière dans notre établissement. En effet, certains collègues ayant été un peu surpris ou déstabilisés par les questions posées, il me semblait important de les porter à votre connaissance. Je tente donc ici d’en faire le bilan. Celui-ci n’est pas exhaustif ni parfait mais il témoigne au mieux de nos impressions.

  1.       Intitulé des questions posées aux enseignants, intervenants langues ou cadres éducatifs. Elles sont regroupées par thèmes.
  1.       Les cours de culture religieuse.

-          Etes-vous engagée dans la pastorale ?

-          Que fait-on dans la cadre d’une séance pastorale ?

-          Les élèves sont-ils forcés à prier ?

-          Est-ce que tous les élèves participent à ces séances ?

-          Que faites-vous si un « non croyant » se signe du signe de la croix ?

-          Avez-vous des élèves musulmans ? (cette question est arrivée au cours de la conversation, elle n’avait pas été prévue par l’inspecteur initialement, je pense)

-          Vous rendez-vous aux messes de rentrée, diriez-vous qu’une majorité d’enseignants s’y rendent ?

-          Ressentez-vous une pression à participer à la pastorale de l’établissement ?

-          Etes-vous obligé d’aller à la messe ?

-          La pastorale a-t-elle évolué ?

  1.       Les élèves étrangers.

-          Y a-t-il beaucoup d’élèves étrangers dans notre établissement ?

  1.        Le suivi des élèves, les notations, les gratifications.

-          Combien y-a-t-il de notes au trimestre ?

-          Comment gérez-vous la pression sur les notes ?

-          Y a-t-il un créneau « devoirs faits » ?

-          Pourquoi accordez-vous les excellences à un élève qui a 17/20 et non à celui qui fournit des efforts ?

-          Comment accompagnez-vous les élèves en difficultés ?

-          Vos élèves vont être défavorisés à cause du contrôle continu en fin de 3ème, que faites-vous contre cela ?

-          Quel temps consacrez-vous aux élèves en difficulté ?

-          Quelles sont les réactions des parents face aux exigences ?

-          Est-ce que certaines familles décident de quitter l’établissement ou est-ce que c’est l’établissement qui demande la sortie d’un élève ?

-          Le rythme de travail est-il adapté (rythme des DS, samedis travaillés.) ?

  1.       La liberté pédagogique :

-          La direction exerce-t-elle une pression sur vous quant au choix de vos contenus de cours, de vos choix de lectures ?

-          La direction intervient-elle dans vos choix de thèmes à traiter en classe ?

-          Avez-vous une totale liberté pédagogique ?

-          Les parents se mêlent-ils de vos contenus de cours ?

-          Y a-t-il un comité de lecture de parents qui contrôle vos choix de lecture ?

-          Choisissez-vous librement vos manuels ?

-          Avez-vous la liberté de choisir des formations ?

-          Quels sont vos critères d’évaluation ?

-          Quelle est la portée des journées pédagogiques ?

-          Menez-vous des projets avec vos élèves ?

  1.       La diversité

-          Le directeur nous a dit vouloir faire évoluer la journée des terminales en une journée qui célèbrera la « diversité », qu’en pensez-vous ?

-          Avez-vous des élèves transgenres ?

 

  1.       Ressenti, impression des enseignants interrogés.

Pour la grande majorité des enseignants, les entretiens ont été très cordiaux. Il nous semble d’ailleurs tout à fait normal que nous soyons contrôlés. Un seul enseignant souligne un dialogue froid et assez « autoritaire », cinq personnes se sont senties gênées, déstabilisées par certaines questions. Nous avons souvent regretté la rapidité de l’entretien, l’enchainement très rapide des questions. Certains enseignants se sont sentis « porte-parole » de l’établissement alors qu’ils ne le souhaitaient pas du tout. Les intervenantes en langue espèrent que leur propos était bien formulé car en dehors de leur langue maternelle, elles craignent des formulations mal adaptées.  Néanmoins, dans le détail, nous relevons quelques points ci-après.

 

a) Sur le thème de la culture religieuse, il nous semble surprenant que l’on nous demande la religion de nos élèves. C’est une donnée qui ne concerne pas complètement les enseignants. Il nous est interdit, me semble-t-il, d’interroger nos élèves à ce sujet. Nous avons donc une vision très incomplète puisque seuls les élèves volontaires témoignent de leur religion.

J’ai eu l’impression très désagréable que l’on cherchait à me faire dire que les musulmans par exemple n’avaient pas la parole ce qui est complètement faux. Une enseignante souligne qu’elle a eu l’impression que l’on cherchait à lui faire faire des différences, des stigmatisations. Nous sommes en premier lieu des enseignants face à des élèves quelle que soit leur religion,  ou leur origine ou le milieu social duquel ils sont issus.   Les questions sur la religion des enseignants nous semblent aussi un peu déplacées, cela relève de l’intimité de chacun. Que peut-on interpréter ?

 

b) Sur la nationalité de nos élèves : la question est venue après que ma collègue a mentionné l’aide aux élèves allophones. Mais cette question nous met mal à l’aise car on sous-entend peut-être qu’il y en a peu ? La nationalité n’est pas non plus un critère de recrutement dans notre établissement. Comment interpréter une réponse ? Que va-t-elle révéler ?

 

c) Sur le suivi des élèves, la notation. Les personnes interrogées ont eu l’impression que les gratifications, comme elles sont attribuées chez nous, ne plaisaient pas à l’inspecteur. Il y avait un jugement assez négatif sur la manière dont nous procédons. De plus, si on nous demande comment nous gérons la pression des notes, cela sous-entend que cette pression existe, ce n’est pas forcément le cas, et si c’était le cas, cette pression ne viendrait pas forcément de nous. Les critiques assez ouvertes sur le contrôle continu ne sont pas fondées non plus. Elles ne sont nourries par aucun chiffre. Nous avons eu la sensation que les conclusions sur ce point étaient déjà faites avant l’entretien !

Enfin, quand mes collègues ont voulu expliquer tout ce qui était mis en place pour le bien être des élèves le midi par exemple, elles ont été coupées. Ce point ne semblait pas intéresser l’inspecteur.

 

d) Sur la liberté pédagogique :

Les questions étaient très insistantes mais plus fermées donc les réponses sont moins ambiguës, nous semble-t-il.

e) Sur la diversité : Il s’agit d’une question surprenante aussi à laquelle nous n’étions pas préparés. Nous avons répondu au mieux mais nous espérons avoir été bien compris car c’est une question qui ne peut être bâclée en fin d’entretien. On se demande là encore quel « présupposé » il y a derrière.

              De manière générale, nous avons eu le sentiment de ne pas pouvoir préparer nos réponses et donc de ne donner qu’un avis très rapide, parfois tronqué ou partiel de la réalité. Ce qui nous pose aussi question c’est la trace écrite qui restera des échanges verbaux rapides. Nous n’avons eu aucune possibilité de relecture des notes prises lors de ces entretiens. Nous craignons que nos phrases puissent être détournées ou mal comprises. En effet, il nous a semblé que l’on cherchait à nous faire avouer des failles, des manquements. Personne ne nous force à travailler ou à enseigner à Marcq Institution. Rien n’est parfait mais, si nous y sommes, c’est que nous adhérons au projet éducatif. Nous aurions aimé avoir plus de temps pour défendre ce beau projet !

              Voilà, monsieur le directeur, les quelques réflexions que je souhaitais vous exposer. Je reste à votre disposition si besoin.

POLE SOINS

Infirmières et psychologue

Types de questions qui ont occupé les 30 minutes d’échange

 

* Celle de la pression des élèves (le Point-Ecoute ne serait-il pas une réponse que le collège se donne pour que les enfants y déchargent un peu de leur pression – tout en la maintenant ?)

* Et celle de l’accueil de la différence. Y a-t-il des transgenres ? les élèves peuvent-ils venir ici parler de leur orientation sexuelle.

Impossible d’aborder la réalité de la raison d’être de ce point écoute avec notamment un bilan factuel des situations traitées pendant l’année.

 

LYCEE

Questions générales

-              Comment pourrais-je décrire l'identité de l'établissement ?

-              Pourquoi ai-je choisi d’enseigner à Marcq ? Pourquoi ai-je envie d’y rester ?

-              Suis-je contraint de me vêtir d'une certaine façon pour venir travailler ?

-              Avez-vous déjà eu des remarques sur votre façon de parler, de vous habiller quand vous venez au lycée ?

-              Vous sentez-vous soutenu par votre hiérarchie ?

-              Vous avez connu des arrêts de travail ces dernières années, est-ce lié à un mal-être dans votre métier ? L’établissement en est-il la cause ?

-              Vous vous affichez comme un établissement « ouvert à l’international ». Comment cela se manifeste-t-il pour vous ? Etes-vous engagé dans ces actions ? Voyez-vous cela de manière positive ?

-              Lorsque vous accueillez les élèves, n’êtes-vous pas choqués par leur tenue vestimentaire, toutes identiques ? avez-vous le sentiment qu’ils sont libres de s’habiller comme ils le souhaitent ?

 

Autour de la pastorale

-              Etes-vous obligé de participer aux messes et aux actions pastorales ?

-              Fréquentez-vous l’aumônerie de l’établissement ? Assistez-vous aux offices religieux ?

-              Que pensez-vous des cours de culture religieuse obligatoires ?

 

Autour de la pédagogique

-              Vous laisse-t-on la liberté dans votre progression ? Dans vos choix de manuels ? Dans la sélection de documents exposés aux élèves ?

-              La direction vous a-t-elle déjà reproché vos choix pédagogiques ? Avez-vous parfois l’impression d’être censuré par la direction ?

-              Vos responsables, votre hiérarchie influencent-ils vos choix dans la manière de traiter les programmes ?

-              Etes-vous amené à vous autocensurer en fonction de certaines thématiques…religieuse, éthique, certains auteurs à ne pas aborder ?

-              Avez-vous modifié votre façon d’enseigner depuis que vous êtes dans un établissement « comme celui-ci » ?

-              Vous propose-t-on des formations ? Vous a-t-on déjà refusé des départs en formation ? Pourquoi ? Sur quels sujets aimeriez-vous vous former ? Vous sentez-vous libre de le faire ?

-              Avez-vous déjà été forcé de prendre en charge des missions ou des cours pour lesquelles vous n'avez pas d’intérêt ?

-              Quel est le projet d'évaluation dans la matière ? Existe-t-il une harmonisation du projet entre les différentes équipes ?

-              Comment organisez-vous le travail en équipe (progressions, programmations, évaluations communes par niveau ...) ? A quel rythme ?

-              La discussion a surtout porté sur ma matière : l’environnement favorable pour l’enseignement des sciences : équipe soudée, liens avec les collègues du collège si nécessaire pour faire le point sur la transition collège lycée, parc à proximité, locaux bien équipés….

-              Comment amener une attractivité sur le choix de la spécialité en première et terminale ?

-              Vos cours sont-ils plutôt magistraux ? Laissez-vous la place au débat ? La parole est-elle complètement libre ? Acceptez-vous qu’un élève puisse vous contredire au nom de ses convictions personnelles ou de sa foi ?

-              Comment jugez-vous la quantité de travail que doivent fournir vos élèves ? et vous-même face à toutes les corrections ?

-              Avez-vous le sentiment que les élèves subissent une pression relative aux notes, aux résultats ? les élèves sont-ils particulièrement stressés ou angoissés ? Avez-vous le sentiment que cette pression est plutôt « familiale », « sociale » ou due à l’exigence de l’établissement ?

 

Autour des élèves

-              Diriez-vous que les élèves font preuve d’esprit critique ? Que faites-vous pour développer l’esprit critique des élèves ?

-              Peut-on parler d’une certaine uniformité de vos élèves ? Est-ce lié à une sorte d’endoctrinement ?

-              L’exigence de l’établissement est-elle la cause de l’anxiété chez les élèves ?

-              Avez-vous des élèves qui ont une vision « genrée » de la société ?  Comment réagissez-vous ? Luttez-vous contre ces préjugés ?

-              Avez-vous observé des comportements ou entendu des propos homophobes ou discriminants de la part des élèves ?

-              Quelles sont les discriminations raciales, religieuses et sociales que vous avez constaté dans l’établissement ? Comment les responsables ont-ils réagi ? Comment avez-vous réagi ?

-              Avez-vous des élèves « transgenres » ? Comment réagissez-vous face à une telle situation ? Comment expliquez-vous que cette « population » est peu présente au sein de l’établissement ?

-              Avez-vous des élèves qui ont des envies suicidaires ou qui prennent des antidépresseurs ?

-              Comment abordez-vous la question du bien-être de vos élèves ?

-              Avez-vous observé, depuis votre arrivée dans l’établissement, une évolution dans le paysage social de l’établissement ? Pensez-vous que cela évolue dans le « bon sens » ?

 

Autour des familles

-              Ai-je subi des pressions de la part des parents pour attribuer de bonnes notes à leur enfant ?

-              Quelles relations entretenez-vous avec les parents ?

-              Les réactions des parents influencent-ils vos choix de lecture ou votre façon d’aborder le programme ?

Bilans et ressentis suite aux échanges :

              Pour ma part, mon entretien avec l'inspecteur s'est très bien passé (au moins, ce que je ressens). Il n'y avait ni questions ne piège ni question épineuse. Il était surtout très intéressé par mon parcours, mes approches pédagogiques et des difficultés rencontrées dans l'enseignement. L'ambiance était agréable et son attitude était plutôt affable et compréhensive.

              De manière générale, je dirais que l’entretien s’est déroulé de façon sympathique et détendue.  L’initiative du dialogue m’a été laissée, et j’ai retracé brièvement le parcours qui m’a conduit à l’enseignement puis à Marcq Institution, le plaisir que j’avais à y enseigner en raison essentiellement des valeurs d’exigence qui me semblent prévaloir et qui entrent en résonance avec mes propres valeurs mais aussi d’une organisation sérieuse. L’inspecteur a pris le soin de préciser qu’il n’avait pas d’attentes particulières et qu’il se contentait de noter mes remarques. Pourtant, au fur et à mesure de l’entretien, j’ai noté qu’il revenait avec insistance sur certains thèmes.

              Echange très positif et inspecteur bienveillant. Il n'était pas à l'aise dans ses questions et sentait bien qu'elles pouvaient être stéréotypées, aucun jugement ni ton réprobateur de sa part mais son attitude laissait penser qu’on l’avait missionné pour creuser certains sujets.

              Mon ressenti sur ces échanges est positif, je n'ai pas senti que mon interlocutrice avait des idées préconçues ou qu'elle cherchait à orienter mes réponses.

              Echange plutôt agréable qui m’a permis d’indiquer la lassitude que les enseignants du privé pouvaient ressentir, à force d’être stigmatisés dans la presse, d’être attaqués dans certaines affaires mais aussi par les propos de certains hauts responsables qui tirent des généralités de quelques faits particuliers.

              J’ai demandé si l’entretien se déroulait sous le sceau de la confidentialité. Je n’ai pas eu de réponse mais l’inspecteur en a profité pour me demander si cette question indiquait que je souhaitais me confier sur certaines choses.  Je lui ai répondu que je souhaitais juste savoir si mes propos pouvaient avoir un impact sur mon évolution de carrière car j’estimais que les profs du privé étaient surreprésentés au Bac (correction et oraux) alors qu’ils étaient, par ailleurs, considérés comme des « sous profs ».

              Les inspecteurs étaient plutôt froids et distants et les questions clairement orientées. Leurs intentions n’étaient certainement pas de mettre en valeur les qualités de l’établissement ainsi que les bons résultats des élèves mais plutôt de mettre en évidence le manque de mixité sociale et la pression subit, causes du mal-être de nos élèves.

 

L’APEL (Association des parents d’élèves)

La présidente de l’APEL ainsi que la direction a été saisi par des familles. Ils ont organisé une réunion avec tous les parents dont j’attends le compte rendu.

 

Commentaire particulier :

Une enseignante est venue me témoigner de son malaise car elle a été vu par son propre inspecteur, celui qui suit sa carrière. Son malaise vient du fait que la première question qu’elle a eu été : Allez-vous à la messe ? Elle a trouvé ça déplacé et a répondu : « Ca ne vous regarde pas ». Elle est inquiète des conséquences pour sa carrière en me faisant savoir cela).


Annexe  37 : Note du cabinet du 4 juin 2022 à l’attention du ministre de l’éducation nationale, préparatoire à une rencontre avec le secrétaire général de l’enseignement catholique

 

Ministere de l’education Nationale

de la jeunesse

 


 

 

 

 

 

 

Paris, le 4 juin 2022

 

 

Note a l’attention de monsieur le

Ministre

 

-=°O°=-

 

 

Objet : votre rencontre avec M. Philippe DELORME, secrétaire général de l’enseignement catholique (SGEC) – mardi 7 juin 17h 

 

Annexes :

-          Fiches DAF D[864] : prises de positions du SGEC, sujets techniques d’actualité

-          Dépêche AEF du 22 février 2022 : L’enseignement catholique veut plus de liberté et d’autonomie à tous les niveaux du système éducatif

 

Vous recevez M. Delorme, ses deux adjoints Mme XXXXXXXXXXXXXXXXX (pôle animation éducative) et M. XXXX XXXXXXXX, (pôle ressources), ainsi que M. XXXXXX XXXXXXXXXX, délégué général aux relations politiques.  Il n’y a pas d’objet précis attaché à la demande.

 

 

1-      Le secrétariat général de l’enseignement catholique, représentant très influent et de loin le plus important de l’enseignement privé sous contrat

 

  1.   Poids, périmètre et valeurs

 

A la rentrée scolaire 2021, environ 17% de l’ensemble des élèves sont scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat de la maternelle au post baccalauréat, soit un peu plus de 2 millions d’élèves (13 % de l’ensemble des élèves du 1er degré et 21 % de l’ensemble des élèves du second degré) au sein d’environ 7 500 établissements sous contrat (hors établissements post bac). 96 % des effectifs sous contrat[865] sont scolarisés dans des établissements d’enseignement catholiques, appartenant au réseau du secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC), selon une répartition très inégale sur le territoire. Sauf exception ponctuelle, le réseau ne compte pas d’établissements privés hors contrat.

 

Il est très éclaté dans sa gouvernance :

-          Le SGEC se présente lui-même comme une confédération de directions diocésaines et congréganistes dont il se qualifie de principal animateur. Pour mémoire, l’enseignement catholique est très divers dans ses objectifs, voire la composition de sa population scolaire (il n’y a pas un mais des privés selon les territoires).

-          Les établissements sont  eux-mêmes très autonomes,  gérés par des associations régies par la loi de 1901, et identifiables par leur projet éducatif.

 

Ainsi, le SGEC se définit selon quatre fondamentaux[866] :

-          Liberté d’enseignement et contrat d’association : Les établissements catholiques se réfèrent à l’Évangile tout en étant associés à l’État par contrat. Au nom de cette spécifié, ils disent accueillir tous ceux qui le souhaitent, dans le respect absolu de la liberté de conscience de chacun, tout en proposant, sans les imposer, un message chrétien ;

-          Un projet éducatif porté par une communauté locale : Pierre angulaire de chaque établissement, le projet éducatif exprime à la fois la source et la visée de l’engagement de ses enseignants, ses personnels et des familles. Il garantit la cohérence et la cohésion de la communauté éducative.

-          La conception chrétienne de la personne[867] ;

-          Une école nourrie par la pensée sociale de l’Eglise.

 

L’enseignement privé est piloté (et largement financé) par l’Etat dans le cadre d’un programme budgétaire distinct de l’enseignement public (prog. 139), dont le responsable de programme n’est pas le DGESCO mais la directrice des affaires financières. Au sein de la DAF, une sous-direction s’occupe de tous les aspects relevant de l’enseignement privé (sous contrat comme hors contrat), financiers mais aussi RH, et juridiques voire politiques.

 

  1. Un partenaire généralement constructif mais avec lequel il est nécessaire de rester très prudent

 

Le SGEC est habitué à régulièrement consulté aux niveaux technique mais aussi politique : le cabinet précédent avait apparemment une rencontre mensuelle avec votre prédécesseur et/ou son cabinet. Son expertise est reconnue, en particulier sur les sujets de formation, juridiques et financiers. Cette consultation régulière est très importante, dans la mesure où la très grande majorité des sujets s’applique directement (programmes nationaux) ou par parité (revalorisations des personnels) à l’enseignement sous contrat. Au niveau politique, il est donc essentiel de maintenir des relations de qualité avec lui.

 

Pour autant, le SGEC exerce un lobbying important, qui ne se limite pas à la rue de Grenelle ; il sait faire passer des amendements lors des discussions parlementaires. Surtout, son discours de demande de parité avec l’enseignement public censé garantir la liberté de choix des familles masque une asymétrie liée au maintien d’une forme de sélection, au premier chef dans le recrutement des élèves : en témoigne par exemple la proportion de boursiers, non négligeable mais près de trois fois inférieure à celle de l’enseignement public[868], alors que les barèmes sont identiques. Ainsi, le SGEC sait se faire entendre pour réclamer des droits identiques à l’enseignement public (financement de la cantine ou de l’accompagnement des élèves en situation de handicap) mais tait ses avantages comparatifs[869].

 

Une partie de l’enseignement public est à ce titre très hostile à la participation d’établissements privés à tout dispositif visant à abonder les moyens (éducation prioritaire…).

 

 

2-     Sujets d’actualité pouvant être évoqués

 

2.1 – Une contribution pour le débat électoral 2022 s’étendant à tout le service public d’éducation

 

Le SGEC pourrait souhaiter présenter au ministre les évolutions qu’il envisage pour l’école (cf. dépêche AEF pour le détail). Les différentes mesures qu’il a proposées dans la perspective des élections présidentielles et législatives, dépassent très largement le périmètre du seul enseignement privé. elles peuvent être regroupées autour des objectifs suivants :

 

-          Renforcer l’autonomie des établissements et de la responsabilité des chefs d’établissements

o        donner au chef d’établissement un rôle plus déterminant dans la constitution de ses équipes, donner un vrai statut d’établissement aux écoles du premier degré,

Dans l’enseignement privé, aucun enseignant ne peut d’ores et déjà être recruté sans l’accord du chef d’établissement dans lequel cet enseignant souhaite exercer

o        attribuer aux établissements une dotation horaire « réellement globale et autonome » comprenant la totalité des moyens (suppléances, activités péri-éducatives, indemnités pour missions particulières, etc.).

Le contrat conclu avec l’Etat n’englobe pas les activités péri-éducatives et il n’est donc pas envisageable que la dotation globale versée aux établissements intègre les moyens destinés à rémunérer ces activités.

o        donner plus d’autonomie aux chefs d’établissement pour organiser les remplacements de courte durée.

 

-          Rendre les territoires acteurs du contrat éducatif

Le financement via des subventions de la restauration scolaire des établissements privés sous contrat (sujet abordé de manière récurrente par le SGEC) n’entre pas dans le champ du contrat conclu avec l’Etat mais relève de la vie scolaire.

 

-          Adapter l’offre d’éducation aux besoins des élèves et à leur diversité

o        Le SGEC souhaite une plus grande souplesse au niveau des programmes permettant de promouvoir la liberté pédagogique, une révision des programmes du collège qui ne sont selon lui plus en adéquation avec le nouveau lycée, une évaluation de la réforme des lycées, l’intégration des mathématiques dans le tronc commun du lycée général et favoriser une laïcité intégrant l’apport des religions dans le champ éducatif.

o        Le SGEC est aussi très favorable à la promotion de l’alternance dans tous les parcours, notamment par l’apprentissage.

 

-          Valoriser le métier d’enseignant

o        Le SGEC est favorable à une « revalorisation significative de la rémunération des enseignants en contrepartie d’une annualisation de leur temps de travail et d’une redéfinition des obligations réglementaires de service (ORS). »

o        Le SGEC souhaite aussi constituer un corps unique et faire de la bivalence une possibilité pour tous les enseignants. Ces sujets sont évidemment extrêmement sensibles pour les organisations syndicales des maîtres du privé comme pour celles de l’enseignement public et toute évolution en la matière doit faire l’objet d’une concertation avec les représentants des maîtres.

 

-          Assurer l’équité éducative entre les élèves

o        Le SGEC propose également de renforcer l’association de l’enseignement privé à l’éducation prioritaire. L’enjeu, pour le réseau d’enseignement catholique, n’est pas seulement financier (même si cette participation à la politique d’éducation prioritaire permettrait bien entendu au SGEC d’obtenir des moyens supplémentaires pour certains de ces établissements), dans la mesure où il s’agit aussi pour ce réseau de montrer qu’il ne scolarise pas uniquement des enfants issus de CSP+.

o        Le SGEC souhaite enfin l’accompagnement et le financement des AESH sur l’ensemble du temps de présence de l’élève dans l’établissement (donc y compris durant la pause méridienne).

 

2.2 -  Un rapport sur la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat doit être remis au Parlement à l’été 2022

 

L’article 60 de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a prévu que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mixité sociale dans les établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat, dans un délai d'un an.

 

La DAF a engagé les travaux sur ce rapport et a pris l’attache du SGEC à ce sujet. Les mesures prises en faveur de la mixité sociale qui seront mentionnées plus particulièrement dans le rapport seront les suivantes :

-          Accueil d’élèves boursiers (avec un focus sur les lycées professionnels privés qui en accueillent une part importante) ;

-          Un premier bilan des contrats locaux d’accompagnement ;

-          Mise en place de sections internationales dans certains établissements pour les rendre plus attractifs ;

-          Répartition des moyens prenant en compte l’IPS[870] des familles.

 

Cet échange entre services a d’autre part permis d’identifier une série de données que le SGEC va réunir et qu’il s’est engagé à communiquer à la DAF. Ces différentes données sont très attendues par la DAF en vue de la rédaction et la remise du rapport sur la mixité sociale au Parlement dans le délai fixé par la loi.

 


Annexe  38 : Exemple de note préparatoire aux rencontres entre le ministre de l’éducation nationale ou son cabinet et le secrétaire général de l’enseignement catholique

 

 

MIN_Education_Nationale_et_Jeunesse_RVB 

 

 

La conseillère pédagogique

Paris, le mardi 23 avril 2024

NOTE

à l’attention de

Monsieur le directeur de cabinet, XXXX XXXXXX

et de Monsieur le directeur adjoint de cabinet, XXXXXXX XXXXXXXX

 

Objet : dîner bimestriel avec Philippe DELORME, Secrétaire général de l'enseignement catholique (SGEC)

Vous rencontrez lors d’un cycle de dîners bimestriels le mardi 23 avril 2024 Philippe Delorme, SGEC pour évoquer la situation de l’enseignement privé catholique et aborder les questions d’actualité. Le secrétaire général est accompagné de XXXXXXXX XXXXXXXXX et XXXX XXXXXXXX, ses adjoints et XXXXXX XXXXXXXXXX, Délégué général aux relations politiques.

Nous pourrons également évoquer au cours des échanges la mise en œuvre du protocole relatif au plan d’actions favorisant le renforcement des mixités sociale et scolaire dans les établissements d’enseignement privés associés à l’Etat par contrat relevant de l’enseignement catholique qui a été signé le 17 mai 2023. La notification du PACTE (rééquilibrage significatifs en défaveur de l’enseignement privé) et des HSE fortement impactées par le plan de réduction budgétaire (- 20 millions d’€) sera peut-être également abordée. Enfin, le financement des AESH sur le temps méridien ne devrait pas être évoqué, la loi étant sur le point d’être votée (15 mai).

La présente note :

  1. Etablit un état de l’enseignement privé catholique ;
  2. Soulève les questions relatives à la mise en place des groupes d’élèves ;
  3. Dessine des pistes explorées pour le contrôle des établissements de l’enseignement privé sous contrat ;
  4. Evoque la vaccination HPV dans les collèges ;
  5. Aborde les questions immobilières qui préoccupent le SGEC ;
  6. Questionne la mise en œuvre de la réforme de la formation initiale pour les professeurs de l’enseignement privé sous contrat ;
  7. Contextualise la situation des cadres territoriaux ;
  8. Propose une information sur la mixité sociale et scolaire dans l’enseignement privé sous contrat.

* * *

  1. L’état de l’enseignement privé sous contrat et de l’enseignement privé catholique

 

Données

-          17% de l’ensemble des élèves, un peu plus de 2 millions d’élèves (13 % pour le 1er degré et 21 % pour le second degré) 

-          96 % des élèves du privé scolarisés dans les établissements scolaires du réseau catholique

-          7 500 établissements sous contrat (hors établissements post bac)

-          Plus de 142 000 professeurs employés par l’État

-          8Md€ consacrés par l’État à ces établissements en 2022, soient 55 % du financement pour le 1er degré et 68 % pour le 2nd degré

 

Missions du secrétaire général :

-          Mettre en œuvre la politique définie par le Comité national de l’enseignement catholique en accord avec la Conférence des évêques de France ;

-          Veiller à la cohérence des mises en œuvre de cette politique dans le respect de l’identité des divers territoires et à la cohésion de l’ensemble des acteurs de l’enseignement catholique.

*

  1. La mise en place des enseignements de français et de mathématiques en groupes au collège

 

Position du SGEC

-          Conteste le caractère obligatoire de la mise en place des groupes de besoin dans les EPSC, estimant qu’il s’agit d’une grave atteinte au pouvoir du chef d’établissement d’organiser la vie scolaire dans son établissement et en fait une question de principe ;

-          Considère (cf. les instructions qu’il a adressées à ses directions diocésaines) que les dispositions de l’article D 442-7 sont des règles générales et que l’application de cet article ne saurait contraindre les établissements privés sous contrat à adopter les mêmes règles d’ordre pédagogique opposables aux établissements publics ;

-          Insiste sur l’idée que l’organisation pédagogique est de la responsabilité du chef d’établissement et que pour les collèges n’ayant pas reçu de moyens supplémentaires, la mise en œuvre des groupes n’est que l’un des moyens de différenciation pédagogique possible ;

-          Engagera un contentieux si la ministre envisage de contraindre les établissements de son réseau à mettre en place ces groupes.

 

Avis de la DAJ

-          Le principe est que les établissements sous contrat d’association avec l’Etat doivent respecter les « règles et programmes de l’enseignement public » (article L. 442-5 du code de l’éducation).

-          Les classes sous contrat d’association doivent respecter les programmes et les règles appliquées dans l’enseignement public en matière d’horaires sauf dérogation accordée par le recteur (Article R. 442-35 du code de l’éducation).

-          L'article D. 442-7 du même code prévoit en outre que « Les règles générales d'organisation des formations et des enseignements et les programmes sont applicables aux établissements d'enseignement privés sous contrat, conformément aux articles D. 311-10 à D. 311-13, D. 321-18 à D. 321-27, D. 331-47 à D. 331-64-1, D. 332-1 à D. 332-14 et D. 333-1 à D. 333-18 ».

-          La DAJ estime toutefois que le risque juridique et contentieux n’est pas négligeable.

 

Proposition

-          Par cohérence avec ce qui a été décidé pour les établissements publics, le principe de l’enseignement en groupes doit donc selon la DAJ être regardé comme faisant partie des règles en matière d’horaires et comme s’imposant en conséquence aux établissements privés.

-          Modification par décret simple de l’article D.332-4 du code de l’éducation qui ajouterait le principe de l’enseignement en groupe aux règles générales d’organisation des enseignements, principe qui s’imposerait par parité aux établissements privés.

 

*

  1. Le contrôle des établissements privés sous contrat

 

Contexte

Différents rapports récents révèlent des contrôles insuffisants. Afin de répondre de manière plus volontariste et efficace aux enjeux de contrôle, le ministère pourrait concevoir et déployer un plan pluriannuel de contrôles des établissements de l’enseignement privé sous contrat.

Proposition

-          Evoquer la stratégie sur laquelle les services du ministère travaillent 

 

Concernant les nouvelles règles du contrôle financier

Contexte

-          Les contrôles financiers effectués récemment (par les inspecteurs des DDFIP) au sein d’établissements d’enseignement privés du réseau catholique ont mis en évidence l’existence de dispositions obsolètes du code de l’éducation qu’il devient par conséquent nécessaire d’actualiser pour uniformiser les pratiques d’inspection portant sur les comptes des établissements privés sous contrat.

 

Position du SGEC

-          Souhaite une clarification de la part de la DGFIP du point de départ du délai de trois mois imparti aux établissements privés sous contrat (EPSC) pour transmettre leur compte de résultat de l’exercice écoulé ;

-          Estime que ce délai ne peut être tenu si son point de départ est la fin de l’exercice écoulé plutôt que la date à laquelle les comptes sont arrêtés ;

-          Souhaite en obtenir confirmation par une adaptation des textes en ce sens.

 

Proposition

-          Indiquer au SGEC que la DAF a d’ores et déjà pris l’attache de la DGFIP pour travailler sur un toilettage de ces dispositions du code de l’éducation et obtenir dans ce cadre des précisions sur les modalités de décompte du délai de transmission des comptes des EPSC à ses services.

 

*

  1. La vaccination HPV au collège

 

-          Suspension de la participation des établissements du réseau à la campagne de vaccination, suite au décès d’un jeune qui venait d’être vacciné en octobre 2023 dans un établissement privé sous contrat à Saint Herblain dans l’académie de Nantes dans l’attente des résultats de l’enquête menée par le ministère de la santé et d’une clarification des responsabilités des différents acteurs lors de la vaccination.la suite du décès d’un élève 

-          Inspection confiée à l’IGAS a été menée au sein de l’établissement et la DAF a été auditionnée en janvier 2024 aux côtés de la DGESCO.

 

Positon du SGEC

-          Evoquera sans doute son souhait de rencontrer le ministère de la santé

 

Proposition

-          Dans la perspective de la campagne de vaccination 2024-2025, nouvelle rédaction du document support de la campagne par le ministère, visant à délimiter clairement les responsabilités de chaque intervenant (entre équipes médicales mobiles chargées de la vaccination et équipes relevant de l’établissement durant les différentes phases de l’acte de vaccination) et à respecter les spécificités de l’enseignement privé

 

*

  1. Les questions immobilières

 

Position du SGEC

-          Souhaite que les biens immobiliers des établissements scolaires privés sous contrat soient reconnus sous un statut particulier, notamment en vue d’être exonérés de la taxe d’habitation.

-          Déplore depuis plusieurs années une interprétation hétérogène des textes par l’administration fiscale alors même que la Direction générale des finances publiques lui a confirmé que le cadre réglementaire applicable à ces établissements n’a pas évolué récemment.

-          Appelle de ses vœux la rédaction d’une instruction fiscale sur le régime applicable aux établissements d’enseignement privé sous contrat. Il a par ailleurs sollicité la DGFIP sur la question du coût de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour les EPSC (cf. ci-dessous).

-          Attirera par ailleurs l’attention du cabinet sur le fait que les établissements d’enseignement privé sous contrat ne sont pas suffisamment pris en compte dans les mesures décidées récemment en vue de favoriser la rénovation du bâti scolaire pour faire face aux enjeux énergétiques et climatologiques

-          Souhaite pouvoir être associé aux concertations menées sur ce sujet. 

 

Propositions

-          S’agissant de la fiscalité, il pourra être indiqué au SGEC qu’à défaut d’évolution du cadre juridique actuel, la DAF peut lui apporter son appui pour intervenir auprès de la DGFIP tout en lui rappelant que le MENJ ne peut se substituer à l’administration fiscale, seule compétente en la matière.

-          Sur d’éventuelles aides à l’investissement, compte tenu des débats en cours sur le financement du privé, il ne semble pas opportun d’ouvrir de nouvelles possibilités de financement public.

*

  1. La réforme de la formation initiale des professeurs

 

Contexte

-          Conditions d’accès identiques pour les concours de recrutement des enseignants du privé et de l’enseignement public.

-          Possibilités de formation dont bénéficient les enseignants du public doivent s’appliquer aux enseignants du privé avec transposition de la réforme de la formation initiale aux enseignants du privé par modification du code de l’éducation.

-          Spécificité pour les enseignants du privé : statut des lauréats de concours durant les deux 1eres années de formation (contrats provisoires d’élèves et de stagiaires en attendant de signer un contrat les affectant, avec l’accord du chef d’établissement, dans un établissement privé sous contrat, stagiaires rémunérés conformément aux dispositions applicables pour les élèves et stagiaires fonctionnaires, à l’issue de l’année de stage, contrat définitif et intégration de leur échelle de rémunération).

 

Position du SGEC

-          Se préoccupe du programme de la licence et plus particulièrement du contenu du référentiel de compétences décliné en maquettes nationales, que les ISFEC (instituts supérieurs de formation de l’enseignement catholique) devront respecter s’ils souhaitent pouvoir proposer cette licence

-          Souhaite que ce référentiel de compétences intègre la maîtrise des outils numériques de l’éducation.

 

Proposition

-          Le contenu de cette maquette, qui comportera un degré de granularité très fin, n’est pas encore arrêté à ce stade et que des travaux devront sur ce point être menés en lien avec le MESR.

-          L’enjeu sera donc de travailler en lien avec le SGEC et les représentants des organismes de formation du réseau catholique lors des prochains travaux concernant cette réforme.

 

*

  1. La situation des cadres territoriaux, assouplissement des règles de disponibilité pour les cadres du SGEC

 

Position du SGEC

-          Souhaite une évolution des textes en vigueur pour permettre la conservation du statut de maître contractuel (ou agréé) des personnels de direction (du second degré) sans la faire dépendre de l’exercice d’une charge d’enseignement.

 

Proposition

-          Préciser que le MENJ est disposé à envisager d’adapter ces règles dans le code de l’éducation en faveur des chefs d’établissements du privé.

*

  1. La mixité sociale dans l’enseignement privé (protocole du 17 mai)

 

Contexte

-          Ecart important de l’IPS entre les établissements publics et privés, dans le second degré et quel que soit le type d’établissements

-          Le 17 mai 2023, un protocole a été signé, décrivant une trajectoire et un plan d’actions partagés. Le SGEC est attaché à l’autonomie des établissements scolaires en matière de mixité sociale au nom de la liberté des familles, refusant quotas ou rattachement à la carte scolaire mais s’engage à accueillir davantage d’élèves boursiers et d’implanter des établissements dans des territoires prioritaires.

-          Les remontées académiques font état d’un investissement encore assez réduit des autorités diocésaines dans l’application de ce protocole.

-          Dans le cadre de la notification des moyens au titre de la rentrée scolaire 2024, la DAF a rappelé aux académies la nécessité de mettre en œuvre les dispositions du protocole signé avec le SGEC en faveur de la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat dans la répartition des moyens au niveau infra-académique.

 

Propositions

-          Rappeler les attentes de la ministre en faveur de l’amélioration de la mixité sociale et scolaire des écoles et des établissements et demander à Philippe DELORME qu’il dresse un état de l’application du protocole.

-          Préciser à quel stade d’avancement se trouve le projet de création de la base de données présentant les conditions d’accès aux établissements privés et l’évolution de la mixité sociale et scolaire au sein des établissements privés sous contrat du réseau catholique.

-          Inviter le SGEC à identifier et communiquer à la DAF la liste des établissements de l’enseignement privé sous contrat relevant de son réseau qui bénéficient d’aides des collectivités locales et qui sont par conséquent concernés par l’objectif d’augmentation de 50 % du nombre de boursiers fixé dans le protocole mixité.

-          Préciser à la DAF le nombre d’établissements de son réseau qui modulent leurs tarifs.

XXXXXX XXXXXX

 


Annexe  39 : Courrier du 29 novembre 2024 adressé par le secrétaire général de l’enseignement catholique à la directrice des affaires financières du ministère de l’éducation nationale sur le projet de guide du contrôle des établissements privés sous contrat






Annexe  40 : Correspondances relatives à l’élargissement de Faits établissement aux établissements privés sous contrat

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Annexe  41 : Argumentaire budgétaire relatif au collège Averroès





Annexe  42 : Note du cabinet à l’attention du ministre de l’éducation nationale sur la situation du lycée Averroès, en date du 13 novembre 2023

 

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Paris, le  13 novembre 2023

 

 

NOTE

à

Monsieur le Ministre

 

Objet :  situation du lycée Averroès de Lille

La présente note :

  1. présente l’établissement ;
  2. explicite le conflit qui oppose l’établissement et la Région Hauts de France ;  
  3. expose la procédure de désassociation du lycée à la demande du préfet et en énonce les conséquences éventuelles ;
  4. éclaire la réponse à apporter aux demandes d’échanges sur ce sujet formulées par Makhlouf Mamèche, Président de la Fédération Nationale de l'Enseignement privé Musulman (FNEM) et par Philippe Delorme, Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique (SGEC).

 

* * *

  1. La présentation du lycée Averroès

Le Lycée général et technologique Averroès, situé dans le quartier de Lille-Sud, est un établissement privé ouvert en hors contrat en 2003 puis passé sous contrat en 2008.

 

442[871] élèves (dont 67,6% de filles) y sont accueillis et répartis dans quinze divisions.

L’IPS y est de 112,9 est légèrement supérieur à la valeur académique (111). 54,5% des élèves sont boursiers. Les élèves scolarisés au lycée Averroès viennent en grande majorité du collège Averroès ouvert en hors contrat en 2013 et pour lequel la demande de passage sous contrat d’association a été refusée à plusieurs reprises (malgré ses 5 années d’activité et des inspections favorables).

 

Les résultats au baccalauréat des élèves de l’établissement sont supérieurs à la moyenne académique : 98% sur le bac général et 100% en bac technologique en 2022[872]. Le taux d’accès au bac, qui mesure la probabilité, pour un élève entré dans le lycée en seconde, d'obtenir son bac, en restant dans le même établissement, est de 96%, soit une valeur ajoutée de 8 points.

 

*

  1. Le conflit qui oppose l’établissement à la Région Hauts de France depuis 2019

 

A la suite des révélations du livre Qatar Papers, publié par Georges Malbrunot et Christian Chesnot, qui évoque « un financement direct du lycée par le Qatar »[873], la région Hauts de France a suspendu les aides régionales au Lycée, en particulier le versement du forfait d’externat[874]. Le contentieux a fait l’objet d’une décision du Conseil d’Etat du 16 juin 2022 de rejet du pourvoi de la Région Hauts-de-France qui a payé le forfait d’externat 2019-2020 au Lycée Averroès. Une procédure contentieuse similaire est en cours pour le forfait d’externat correspondant aux années 2020-2021[875] et 2021-2022 que la Région refuse de verser au Lycée.

Cette situation a déclenché une série de contrôles de l’établissement[876] et des contrôles de l’association gestionnaire du lycée :  

-          une inspection de l’IGESR en 2020 qui n’a pas constaté dans son rapport n°2020-047 de manquement de la part du Lycée vis-à-vis de ses obligations contractuelles et souligne au contraire certaines réussites pédagogiques de l’établissement ;

-          un audit de la DRFIP qui ne relève pas de financement étranger pour les exercices 2018/2019 et un audit de suivi en 2022 qui note des progrès dans la gestion financière et comptable de l’association, notamment la présentation aux auditeurs par l’association d’outils de contrôle interne et de gestion des maîtrises des risques ;

-          enfin un contrôle de la Chambre régionale des comptes en 2023 qui porte sur les exercices 2010/2021.

*

  1. La désassociation du lycée privé sous contrat Averroès

 

  1.      Les modalités de retrait d’un contrat d’association

La résiliation du contrat d’association est prévue par l’article L. 442-10 du code de l’éducation : « Lorsque les conditions auxquelles est subordonnée la validité des contrats d'association cessent d'être remplies, ces contrats peuvent, après avis de la commission de concertation instituée à l'article L. 442-11, être résiliés par le représentant de l'Etat soit à son initiative, soit sur demande de l'une des collectivités mentionnées à l'article L. 442-8. » (Voir aussi : Conseil constitutionnel, n° 84-185 DC du 18 janvier 1985 : l’autorité administrative ne peut résilier arbitrairement les contrats, la résiliation ne pouvant être prononcée que lorsque ne sont plus remplies les conditions auxquelles étaient subordonnée la validité du contrat).

Aux termes de l’article R. 442-62 du même code : « En cas de manquements graves aux dispositions légales et réglementaires ou aux stipulations du contrat, et après avis de la commission de concertation prévue par l'article L. 442-11, la résiliation du contrat d'association ou du contrat simple peut être prononcée par le préfet du département. La décision de résiliation est motivée. Elle prend effet au terme de l'année scolaire en cours. »

Cette résiliation, qui peut être partielle, doit être motivée par des manquements « graves » (art. R442-64 du code de l’éducation). Si la jurisprudence est particulièrement rare en la matière, les résiliations de contrat étant elles-mêmes rares, les conditions de validité d’une désassociation s’évaluent à l’aune de plusieurs critères : la disparition du besoin scolaire reconnu (par ex. TA Rennes, 6 juillet 2010, n° 074068) ; des manquements aux obligations procédant du contrat, qu’elles soient d’ordre pédagogique (un enseignement qui n’est pas conforme aux « règles et programmes de l'enseignement public ») ou d’une autre nature (méconnaissance des dispositions de l’article L. 442-1 du code de l’éducation ou à celles de son article R. 442-36, manquements d’ordre administratif ou financier – par ex. TA Clermont-Ferrand, 18 octobre 2012, n° 1001932, etc.) ; des manquements graves aux obligations de toute nature auxquelles sont soumis les établissements d’enseignement privés : ordre public, sécurité, hygiène, contrôle de l’assiduité, soumission au contrôle des autorités académiques, etc.

  1.      La procédure de désassociation du lycée Averroès  

 

  1.     Une demande d’instruction adressée par la rectrice de l’académie de Lille à la DAJ

A l’été 2023, la rectrice de l’académie de Lille a saisi la direction des affaires juridiques sur un éventuel retrait du contrat. Les informations transmises concernaient des aspects financiers, le cours d’éthique musulmane, la situation de certains personnels et une obstruction à inspection.

Analyse de la DAJ

-          Le fait que l’association gestionnaire connaisse des difficultés financières est insuffisant pour fonder une résiliation du contrat.

-          Le sujet du cours d’éthique musulmane, soulevé par la Chambre régionale des comptes, est un grief qui pourrait être retenu. Toutefois, la place dans le cours d’éthique musulmane d’un « contenu, dont une œuvre comporte des passages qui heurtent frontalement les valeurs que l’établissement est tenu de transmettre dans le cadre des enseignements qui font l’objet du contrat » n’est pas très claire, l’établissement n’ayant par ailleurs pas été mis en mesure de se justifier à ce stade.

-          Ce motif, de facto est très fragile. Il met à mal le fait de reprocher à un établissement d’enseignement privé sous contrat le contenu d’activités qu’il dispense dans le cadre de son caractère propre pour fonder la résiliation du contrat d’association. La protection du caractère propre des établissements est la traduction d’un principe à valeur constitutionnelle et l’établissement pourrait se prévaloir des rapports d’inspection ayant conclu au respect des règles et programmes de l’enseignement, y compris en matière d’EMC ».

Avis de la DAJ

En l’état des informations transmises par la rectrice à la direction des affaires juridiques en juillet, une résiliation du contrat fondée sur ces motifs a été jugée insuffisamment fondée et présentant un risque de précédent défavorable.

 

  1.     La procédure de désassociation du préfet du Nord

La commission de concertation se réunira le 27 novembre pour étudier notamment la « traçabilité des financements » et le « cours d’éthique musulmane ».

A ce jour, nous ne disposons pas d’éléments plus précis concernant les faits reprochés à l’association gestionnaire.

Il est donc impossible de déterminer si les manquements relevés par le préfet sont suffisants pour fonder une résiliation de contrat.

  1.     Les conséquences potentielles 

Si le contrat devait être partiellement ou complétement retiré, le lycée ne fermerait pas pour autant. En cas de retrait total, il redeviendrait un établissement privé hors contrat soumis, comme actuellement le collège, aux contrôles prévues à l’article L442-2 du code de l’éducation.

Par ailleurs, l’éventuelle résiliation nécessite d’anticiper certaines difficultés quant à la scolarisation des élèves, au fonctionnement de la structure et concernant la situation des personnels.

-          En cas de résiliation, les élèves pourraient rester scolarisés dans l’établissement si les parents le souhaitaient. Dans ce cas, leur statut vis-à-vis du baccalauréat évoluerait vers celui de candidat libre.

-          Il est également possible que certains parents désirent rejoindre un autre établissement public ou privé sous contrat rapidement pour bénéficier des conditions de droit commun de passage des examens (et peut-être aussi en raison d’une hausse des frais de scolarité). Ouvert depuis 2003, le lycée Averroès, devenu depuis 2008 le premier lycée musulman sous contrat d’association avec l’Etat français accueille actuellement 442 lycéens, ce qui en fait le plus gros établissement musulman de France.

-          Le retrait du contrat conduirait à fragiliser aussi financièrement l’ensemble de la structure, en difficulté financière notamment en raison des réticences depuis 2020 de la région Hauts-de-France à verser les subventions prévues par le contrat. Le rectorat pourrait avoir à gérer la fermeture éventuelle du collège et du lycée dans un avenir proche.

-          En cas de résiliation enfin, la situation des maîtres demande une attention encore plus fine. Conformément aux dispositions de l’article R 914-47, « La résiliation totale ou partielle du contrat d'association passé entre l'établissement et l'Etat entraîne la résiliation des contrats souscrits par le personnel enseignant correspondant ; celui-ci a la possibilité de demander soit son intégration dans les cadres de l'enseignement public, soit la conclusion d'un nouveau contrat avec l'Etat en vue d'exercer des fonctions dans un autre établissement placé sous le régime de l'association ». Ainsi, le peu de densité du réseau musulman pourrait conduire les maitres à demander leur intégration dans l’enseignement public. 30 maitres sont aujourd’hui affectés dans le lycée.

 

*

  1. Les demandes d’échanges formulées par Makhlouf Mamèche, Président de la Fédération Nationale de l'Enseignement privé Musulman (FNEM) et par Philippe Delorme, Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique (SGEC)

 

Par un courrier en date du 27 octobre 2023 adressé au ministre, Makhlouf Mamèche, Président de la Fédération Nationale de l'Enseignement privé Musulman (FNEM) demande audience pour échanger sur le réseau de l’enseignement musulman et évoquer la situation du lycée Averroès.

Les demandes précédentes du président de la FNEM auprès des ministres antérieurs n’ont jamais abouti.

Avis

Une rencontre peut être envisagée avec la directrice de cabinet et la conseillère chargée du suivi de l’enseignement privé sous contrat. Il conviendra de la planifier après la réunion de la commission de concertation prévue le 27 novembre.

Le secrétaire général de l’enseignement catholique a souhaité inscrire à l’ordre du jour de sa prochaine rencontre avec la directrice de cabinet prévue le 15 novembre, la situation du lycée Averroès. P. Delorme estime, à la lecture des articles parus dans la presse, que les irrégularités constatées au plan financier au sein de cet établissement ne justifient pas une décision aussi sévère que celle consistant pour l’Etat à mettre fin au contrat conclu avec cet établissement. Le SGEC estime par ailleurs que les manquements relevés dans ce lycée et concernant le respect des valeurs de la République justifieraient plutôt des sanctions pénales qu’un retrait du contrat dans la mesure où les faits reprochés à l’établissement concernent des séquences relevant du caractère propre et non des périodes d’enseignement objet du contrat conclu avec l’Etat.

Le SGEC attirera l’attention du cabinet sur les conséquences que pourrait avoir pour l’Etat un retrait de contrat mal motivé (risque de perdre un contentieux devant le juge administratif et de voir le sujet repris par les détracteurs de l’enseignement privé).

 

 

XXXXXX XXXXXX

 


Annexe  43 : Note du cabinet à l’attention du ministre de l’éducation nationale sur le « dossier Averroès », en date du 22 décembre 2020

 

Ministere de l’education Nationale

de la jeunesse et des sports

 


 

 

Paris, le 22 décembre 2020

 

Note a l’attention de monsieur le

Ministre

 

-=°O°=-

Objet : Dossier Averroès

 

Le projet est initié en 1994, pendant la « crise des foulards » qui a démarré en 1989

2003, ouverture du lycée Averroès, 1er lycée privé musulman de France (11 élèves)

2008 : 100% de réussite au bac, passage sous-contrat du lycée

2012: création d’un collège

2013 : demande de passage sous contrat pour les classes du collège , renouvellé en 2016, 2018, 2019, 2020 … – demandes rejetée

En 2020, l’établissement réunirait 800 à 850 élèves (dont 400 pour le lycée)

 

Quatre inspections du lycée ont été diligentées depuis 2004 :

-          en mai 2004 : dans le cadre de l’habilitation à recevoir des élèves boursiers

-          en février 2008 : dans le cadre de la demande de mise sous contrat ;

-          en février 2015 : dans le cadre du signalement effectué par un enseignant de philosophie de l’établissement, M. XXXXXXXX XXXXXXX ;

-          en mars 2020 : dans le cadre du refus de versement de subventions par le conseil régional des Hauts-de-France.

 

En outre, 14 enseignants ont été inspectés depuis la passation sous contrat.

 

Enfin, fin 2019, un audit financier de l’association de gestion a été mené par la DRFIP , suite au refus manifesté par le conseil régional des Hauts-de-France de verser au lycée les subventions prévues.

 

On rappellera que, dans la période antérieure aux attentats de 2015, l’établissement avait une excellente image de marque[877]. Une succession d’incidents l’a ternie conduisant à une vigilance accrue. Les difficultés rencontrées sont de deux ordres.

 

En premier lieu, elles résultent de l’environnement idéologique de l’établissement, né de l’activisme de ses dirigeants et des liens étroits qu’ils entretiennent avec les cercles liés aux Frères musulmans. Certains personnages douteux[878] ont fréquenté l’établissement au prétexte d’y donner des cours d’éthique ce qui a occasionné à partir de 2015 des polémiques publiques [879].

 

Au-delà des débats sur telle ou telle prise de position de tel ou tel enseignant-prédicateur, on se bornera à souligner que :

 

- le fondateur du lycée, M. Amar Lasfar est aujourd’hui président de son association gestionnaire ; il est par ailleurs le recteur de la mosquée Al Imane de Lille sud, ancien président (jusqu’en 2015) de la ligue islamique du Nord, aujourd’hui président de l’UOIF devenue association des musulmans de France (AMF), considérée comme la représentante des Frères musulmans en France ;

- le directeur adjoint de l’établissement, M. Makhlouf Mamèche est lui par ailleurs, d’une part, vice-président de l’AMF chargé de l’enseignement privé et, d’autre part, président de la « fédération des nationale des établissements musulmans » (FNEM), qui représente une grande part des établissements privés hors contrat musulmans de France.

 

Ce contexte polémique a conduit à refuser systématiquement depuis 2013 les demandes successives de l’établissement de pouvoir passer sous contrat ses classes de collège, demandes encore récemment soutenues auprès de nous par le sénateur du Nord Marc-Philippe Daubresse. Il est à noter que notre perpétuel refus nous place dans une situation juridique de plus en plus délicate bien que, manifestement, les dirigeants de l’établissement ne souhaitent pas emprunter la voie contentieuse. En 2020, la situation demeure gelée.

En second lieu, il s’agit des soupçons qui ont porté sur le financement de l’établissement suite à la publication du livre « Qatar papers » (avril 2019) qui affirmait que cet Etat aurait versé « au moins 3 millions € » à l’association gestionnaire.

Prenant prétexte de cette révélation, Xavier Bertrand a suspendu les aides régionales en principe attribuées au lycée soit 45 k€, d’une part, correspondant à des travaux, et 260 k€ d’autre part, au titre du forfait d’externat. Ces refus ont donné lieu à un référé-liberté devant le TA de Lille en juin 2020 (rejeté faute d’urgence mais ne laissant planer aucun doute sur l’illégalité de la position du conseil régional) et à une mise en demeure adressée à Xavier Bertrand en novembre 2020 (prélude sans doute à un contentieux au fond).

En avril puis en septembre 2019, M. Bertrand a demandé au ministre de l’Education nationale de l’éclairer sur deux points :

-                 les suites réservées au rapport de 2015, suite au signalement effectué par un enseignant de philosophie de l’établissement, M. XXXXXXXX XXXXXXX qui précisait qu’il convenait de « clarifier le statut et la place de la religion dans l’établissement » ;

-                 la réaction du ministère sur les révélations de « Qatar papers ».

Par un courrier du 15 novembre 2019, le ministre a répondu à son interlocuteur en substance que, jusqu’à présent, les inspections n’avaient révélé aucun dysfonctionnement du lycée mais qu’il était prêt, pour répondre à ses interrogations, à diligenter deux nouvelles enquêtes administratives, l’une sur le fonctionnement de l’établissement (confiée à l’IG dont le rapport sera remis en juin 2020) et l’autre sur la gestion de l’association gestionnaire (confiée à la DRFIP dont le rapport sera remis en janvier 2020). Par ailleurs le ministre a invité M. Bertrand à user de  son « droit de regard sur [le] fonctionnement et [le] financement » [de l’établissement] et à lui « faire part de toute information » utile.

Le rapport d’audit de la DRFIP  (janvier 2020) est  critique dans ses conclusions (cf. synthèse en PJ) : « les auditeurs formulent un avis très réservé quant à la gestion comptable et financière de l’association » et appelle à la mise en œuvre rapide de correctifs.  Ce rapport porte sur les exercices 2017/2018 et 2018/209 et ne revient donc pas sur l’affaire du million versé par l’ONG Qatar Charity qui, selon les dirigeants de l’association, a été versé le 19 août 2014 et intégralement utilisé pour le financement de l’achat d’un nouveau bâtiment pour le lycée.

Le rapport de l’IGESR (juin 2020) expose une situation satisfaisante qui n’appelle pas de remarques.

 Aucun de ces deux rapports n’a été rendu public.

Depuis lors, à deux reprises (en août et septembre 2020), le groupe RN du CR des Hauts-de-France a demandé le rapport de l’inspection de 2015 et les deux rapports de 2020.

Par ailleurs, l’association Averroès, à partir d’un courrier ambigu qu’elle a reçu de X. Bertrand, demande au ministre de clarifier sa position en ce qui concerne le refus de la région de verser le forfait d’externat.

Enfin, il est à noter que X. Bertrand n’a signalé aucune anomalie inédite et s’en est tenu à ses déclarations et sources inititales (« Qatar papers »).

*

En résumé nous sommes confrontés à trois interlocuteurs :

A titre principal

  1.       X. Bertrand qui réclame les rapports DGFIP + IGESR de 2020
  2.       Le groupe RN du CR des Hauts-de-France réclame les mêmes documents + le rapport 2015 qui a fait suite à l’affaire XXXXXXX

A titre accessoire

  1.       L’association qui demande une clarification et qui devrait (si cela n’a été le cas) être rendue destinataires des rapports de 2020

Enfin, nous avons subordonné notre propre position quant à l’attribution d’1,5 ETP au règlement général de l’affaire.

*

Sur le plan juridique, le rapport de 2015 comme ceux de 2020 sont communicables sous réserve de l’occultation de certaines mentions qui doivent être protégées par les secrets prévus par les articles L. 311-5 et L. 311-6 du CRPA. La DAJ a préparé le travail.

En opportunité, nous ne pouvons pas, en nous fondant sur les seules dispositions du code de l’éducation, entraver le fonctionnement de cette structure. Les sous-entendus de X. Bertrand sur d’éventuelles contreparties qu’auraient concédé les dirigeants de la structure à l’ONG Qatar Charity ne sont étayés ni par l’enquête de l’IGESR ni par des informations inédites dont aurait disposé le président du conseil régional. J’ajoute que, curieusement, X. Bertrand ne critique pas le fait, pourtant admis publiquement par les dirigeants du lycée, que la banque du développement d’Arabie saoudite a été également partie au montage financier qui a permis au lycée d’acquérir un nouveau local.

En résumé, on peut contester l’influence des Frères musulmans mais tant que l’existence de l’AMF et de ses satellites est légale, nous ne pouvons rien faire sauf à nous mettre nous-mêmes dans l’illégalité. Dans la mesure où les parties concernées nous sollicitent directement, nous ne pouvons pas demeurer inertes.

De plus, plus nous tardons à rendre publics ces documents, plus nous alimentons la boîte à fantasmes ouverte par X. Bertrand. Il faudrait éviter que ce dossier devienne un enjeu dans la campagne des régionales.

Sauf meilleur avis, je suggère de :

  1. Demander à la DRFIP de réaliser dès janvier 2021 une courte mission de vérification de la mise conformité de l’établissement au regard des préconisations émises en janvier 2020 ; cette exigence permettrait de justifier a posteriori la méfiance de X. Bertrand  tout en lui permettant de sortir de la situation d’illégalité dans laquelle il s’est mis ;

 

  1. Adresser les versions caviardées des rapports DRFIP et IGESR de 2020 concomitamment à X. Bertrand, au président du groupe RN et à l’association gestionnaire ; concernant X. Bertrand il conviendra de le renvoyer à ses responsabilités qui, en tout état de cause, lui seront assurément rappelées par le juge s’il est saisi ; concernant le RN, je propose de ne pas lui adresser en plus le rapport de 2015, rapport très succinct (PJ) dont nous ignorons les conditions de la réalisation mais qui avait un objectif ponctuel devenu obsolète.

 

 

  1. Le cas échéant communiquer sur notre position : multiples inspections menées n’ont rien révélé ; la somme de 1 million (et non 3) reçue est légale et doit servir à investir dans des locaux adaptés ; l’audit a révélé des insuffisances dans les méthodes de gestion et un nouvel audit va être effectué.

Annexe  44 : Note de la direction des affaires financières du ministère de l’éducation nationale sur les scénarios possibles de renforcement des contrôles des établissements privés sous contrat

 






Annexe  45 : Projet d’instruction aux recteurs sur le plan de contrôles des établissements d’enseignement privés sous contrat tel que modifié par le cabinet de la ministre de l’éducation nationale




Annexe  46 : Courrier du 4 juin 2025 de Graziella Melchior, députée, aux rapporteurs









Annexe  47 : Courrier du 27 mai 2025 de la rapporteure Violette Spillebout à la ministre de l’éducation nationale sur le déploiement du dispositif des boîtes aux lettres « Papillon »



Annexe  48 : Lettre de transmission du rapport d’enquête administrative de l’établissement Stanislas adressée le 1er août 2023 au ministre de l’éducation nationale


 


Annexe  49 : Courrier du 10 juin 2025 des rapporteurs à la ministre de l’éducation nationale

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C:\Users\fvittu\Desktop\Annexe 29 bis - Courrier des rapporteurs à la ministre de l'éducation nationale sur la lettre de transmission_Page_2.jpg


Annexe  50 : Conclusions de la visite de suivi du 30 mai 2024 au sein de l’établissement Stanislas









Annexe  51 : Comparaisons sur le traitement des violences contre les enfants en milieu scolaire établi à partir des données du centre européen de recherche et de documentation parlementaires

 

LOGO BLEU AN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

LIBERTÉ-ÉGALITÉ-FRATERNITÉ

                                                                          

DIRECTION DES AFFAIRES EUROPÉENNES,
INTERNATIONALES ET DE DÉFENSE

Division des Assemblées parlementaires internationales
et des questions multilatérales

Paris, le 17 juin 2025

 

 

 

Traitements des actes de violences contre les enfants en milieu scolaire

 

 

La présente synthèse expose les réponses transmises, dans le cadre du CERDP[880], par les assemblées parlementaires des Etats suivants : Allemagne, Arménie, Canada, Espagne, Finlande, Italie, Israël, Lettonie, Moldavie, Norvège, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.

 

Il a été demandé à ces Etats des éléments d’information sur les points ci-dessous :

1 – La procédure des signalements de cas de violence commis par des adultes en milieu scolaire

2 – Les données chiffrées

3 – Le traitement des signalements par voie disciplinaires et judiciaire

4 – La prévention en milieu scolaire et contrôle de l’Etat

5 – L’évolution des législations

 


  1. La procédure des signalements de cas de violence commis par des adultes en milieu scolaire

 

État

Réponse

Allemagne

Les procédures de signalement varient dans chacun des 16 Länder. En effet pour l’enseignement primaire et secondaire les Länder détiennent la totalité des pouvoirs quant à la définition des programmes d’enseignement, la formation et le statut des enseignants, la définition des diplômes scolaires, le règlement interne des établissements et la gestion

Cependant, la Conférence permanente des ministres de l’Éducation (Kultusministerkonferenz – KMK) joue un rôle de coordination en publiant des recommandations qui assurent une certaine cohérence entre les Länder, notamment en matière de protection des élèves.

Depuis 2010, des lignes directrices ont été adoptées pour encadrer les situations de violences sexuelles ou autres infractions commises par des enseignants. Lorsqu’un soupçon raisonnable d’abus ou de violence vise un enseignant, le chef d’établissement (qu’il s’agisse d’une école publique, confessionnelle ou indépendante) doit immédiatement en informer l’employeur de l’enseignant. Ce dernier est alors tenu d’engager les procédures appropriées (mesures disciplinaires, information de la police ou du parquet).

Du côté des élèves, les enfants victimes ou témoins de violences sont encouragés à s’adresser à une personne de confiance : parents, enseignants référents ou direction de l’établissement. Dès que l’administration scolaire est informée, directement ou par l’intermédiaire d’un adulte, elle doit mettre en œuvre la procédure prévue.

 

Arménie

Le ministère de l'Éducation reçoit régulièrement des signalements d’incidents dans les établissements, bien que cela ne repose pas sur un mécanisme formalisé.

Le Défenseur des droits (Ombudsman) assure un rôle de surveillance en matière de droits de l’enfant, notamment pour garantir le respect de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Un département dédié à la protection des droits des enfants a été créé au sein de son bureau.

Un nouveau dispositif législatif sur la prévention et la réponse aux violences, lancé en mai 2025, vise à améliorer la compréhension des formes de violences par les professionnels concernés, dont les lacunes actuelles freinent une prise en charge efficace.

 

Canada

En raison de l’organisation fédérale du pays, l’éducation relève de la compétence exclusive des provinces et territoires. La gestion des signalements de violences scolaires varie donc d’un territoire à l’autre.

Exemple du Nouveau-Brunswick

La protection des élèves est encadrée par le ministère de l’Éducation.

Le directeur d’école et le personnel ont l’obligation de déclarer au ministère tout cas d’inconduite professionnelle grave.

La notion d’inconduite professionnelle grave inclut notamment tout acte de maltraitance physique, psychologique ou sexuelle et d’exploitation sexuelle susceptible de nuire au bien-être d’un élève ou de toute personne de moins de 19 ans.

Exemple du Québec

Les cas de violences commises par des adultes encadrants sont sanctionnés par une procédure en trois étapes, définie par le ministère de l’Éducation :

- La plainte est d’abord adressée à la personne concernée ou à son supérieur immédiat.

- En l’absence de résolution, elle est transmise au responsable du traitement des plaintes (RTP) de l’établissement.

- Enfin, elle peut être portée devant le Protecteur national de l’élève (PNE), une instance autonome et indépendante du système scolaire.

Le PNE intervient dans le cadre des plaintes, aux signalements de violences à caractère sexuel, ou dans le cas du suivi insuffisant donné à un signalement.

En cas de violence ou d’intimidation, un protecteur régional organise une audition pour l’élève et l’établissement afin de garantir un traitement équitable.

Enfin, une plainte peut être formulée par un élève, un parent, ou toute autre personne. Le signalement d’un acte d’intimidation ou de violence peut se faire selon les modalités du plan de lutte propre à chaque établissement.

 

Espagne

Les incidents peuvent faire l'objet d'un signalement :

- administratif

Dans cette hypothèse l'école est informée de l’incident. Par ailleurs le département de l'éducation du conseil local peut être saisi afin que l'enfant soit protégé et que l'option d'ouvrir une procédure disciplinaire contre l'enseignant soit envisagée afin de corriger et de punir l'infraction commise.

- pénal

La plainte peut être déposée auprès de la police nationale, de la garde civile ou du juge d'instruction territorialement compétent en raison du lieu de l’infraction.  

Par ailleurs l’article 173 du code pénal dispose que : « Quiconque use habituellement de violence physique ou mentale (…) contre les personnes qui, en raison de leur vulnérabilité particulière, sont soumises à la garde ou à la garde dans des centres publics ou privés, sera puni d'une peine d'emprisonnement de six mois à trois ans, (…) et, le cas échéant, lorsque le juge ou le tribunal l'estime opportun dans l'intérêt du mineur (…) de l'interdiction spéciale d'exercer (…) la garde pour une durée d'un à cinq ans, sans préjudice des peines pouvant correspondre aux infractions pénales auxquelles les actes de violence physique ou psychologique auraient pu donner lieu ».

 

Finlande

Si un enseignant ou un autre adulte de l'école commet un acte de violence à l'encontre d'un élève, il s'agit d'un délit. Comme pour tout délit, il doit être signalé à la police pour que la procédure pénale puisse être engagée.

 

Israël

La gestion des violences en milieu scolaire est encadrée par une circulaire du ministère de l’Éducation, intitulée « Climat éducatif optimal et réponse des établissements éducatifs aux incidents de violence et de risque ». Ce document, contraignant, est régulièrement mis à jour.

Selon la section 3.9 de la circulaire, la procédure de signalement varie en fonction de la gravité de l’incident. En cas de « préjudice léger » (propos abusifs), l’incident est traité en interne dans l’établissement. Il comprend un entretien confidentiel avec l’élève, la prévention de tout contact avec l’adulte concerné, l’information des parents et du personnel éducatif. En cas de récidive, l’inspecteur scolaire et les responsables du district sont informés.

En cas de préjudice grave (agression physique ou sexuelle, humiliation sévère), l’incident doit être immédiatement signalé aux autorités compétentes extérieures, telles que la police ou les services sociaux. Des mesures disciplinaires peuvent être prises à l’encontre de l’adulte concerné, incluant une suspension ou un licenciement, conformément aux lois en vigueur.

Le traitement des incidents varie selon que l’auteur est un membre du personnel éducatif, un élève, un parent ou un adulte extérieur. Les violences commises par des élèves contre d’autres élèves ou contre des adultes et celles commises par des parents ou autres adultes font l’objet de procédures spécifiques, distinctes de celles applicables aux personnels éducatifs.

 

Italie

La législation différencie les procédures de signalement en fonction de l’auteur du signalement (élève, famille ou personnel scolaire) et du type d’infraction (plainte ou signalement relevant du ministère public).

Les élèves, victimes ou témoins, ainsi que leurs familles ne sont pas tenus de signaler les faits, mais ont la possibilité de le faire en déposant une plainte (pour les infractions poursuivies à la requête de la victime) ou une dénonciation (pour les infractions poursuivies d’office) auprès des autorités judiciaires (tribunal ordinaire ou parquet des mineurs) ou des forces de sécurité publique (carabiniers, police d’État). Ils peuvent également signaler les faits au chef d’établissement, ce qui active son obligation d’agir.

Le personnel scolaire est soumis à une obligation légale de signalement lorsqu’il a connaissance, dans l’exercice de ses fonctions, de faits constitutifs d’infraction. Cette obligation est encadrée par l’article 331 du Code de procédure pénale qui dispose que : « Les fonctionnaires et les personnes chargées d'un service public qui, dans l'exercice ou en raison de leurs fonctions ou de leur service, ont connaissance d'une infraction passible de poursuites d'office, doivent la dénoncer par écrit, même lorsque la personne à laquelle l'infraction est imputée n'est pas identifiée. Le procès-verbal est présenté ou transmis sans délai au procureur de la République ou à un officier de police judiciaire ».

En parallèle des obligations pénales le personnel scolaire est soumis à des sanctions disciplinaires, en cas de manquement à cette obligation de dénonciation.

 

Lettonie

- En cas de violence reprochée à un enseignant

 Les élèves ou leurs parents doivent adresser une demande écrite et signée (papier ou électronique) au Centre de protection de l’enfance (si l’enseignant travaille dans une école publique) ou à la police (s’il s’agit d’un établissement privé).

La demande doit décrire les faits, demander l’ouverture d’une procédure pour infraction administrative, et solliciter la reconnaissance de l’enfant en tant que victime. Il est recommandé d’y mentionner d’éventuels témoins et de ne pas tarder à signaler les faits, afin de préserver la mémoire des événements.

Des preuves enregistrées (audio ou vidéo) peuvent également être soumises aux autorités dans un objectif de protection juridique.

- En cas de comportement inadapté

 Le recours se fait selon le règlement intérieur de l’établissement, conformément à la loi sur l’éducation. Ces situations doivent généralement être portées à la connaissance du directeur de l’école ou de la maternelle, ou, dans certains cas, de l’autorité éducative municipale.

- En cas de manquement aux règles de déontologie (ex. comportement irrespectueux envers les élèves ou les parents)

 Les parents peuvent adresser une demande écrite au directeur pour une évaluation de la conduite de l’enseignant au regard des standards d’éthique professionnelle.

 

La Loi sur l’éducation précise également que, lorsqu’un élève ou un membre du personnel est en danger, l’établissement peut restreindre certains droits fondamentaux des élèves (comme la liberté de circulation ou le droit à la vie privée), dans la limite nécessaire pour écarter la menace.

 

Par ailleurs, cette même loi définit les obligations de chacun en matière de prévention et de traitement des violences scolaires :

- Les collectivités locales doivent fournir un accompagnement éducatif et mettre en œuvre des mesures de soutien aux élèves et à leurs familles.

- Le directeur de l’école est tenu d’analyser toute information reçue concernant des faits de violence et de prendre les mesures appropriées.

- Les parents doivent informer l’établissement des éléments de santé ou de vie personnelle de l’enfant susceptibles d’avoir un impact sur la scolarité.

- Les élèves ont l’obligation de ne pas mettre en danger leur propre sécurité ni celle d’autrui.

En 2024, un nouveau protocole de traitement des cas de violence en milieu scolaire a été élaboré par le Centre de protection de l’enfance en collaboration avec le ministère de l’Éducation. Ce protocole vise à renforcer les compétences des personnels éducatifs en matière de prévention et de réaction face à la violence. Il inclut notamment un plan d’action pour les cas de comportements dangereux de mineurs mais aussi des outils pratiques pour une gestion rapide et appropriée des situations de violence.

Moldavie

Aucune distinction n’est faite entre les violences commises par un adulte (enseignant, parent, etc.) et d’autres formes de violences scolaires : les mécanismes de prévention et de signalement sont identiques, quel que soit l’auteur des faits.

Les établissements scolaires ont l’obligation de mettre en place des moyens sûrs, simples et confidentiels pour permettre le signalement de comportements agressifs, conflits ou violences. Cela peut prendre la forme d’une mise à disposition d’information claire et accessible à tous les élèves, parents et personnels (par oral, par écrit, via des annonces, dépliants, signets dans l’agenda scolaire, etc.).

La voie de signalement doit être concrètes, variées et accessibles à tous, par exemple le numéro de téléphone, l’adresse mail ou le nom d’un coordinateur désigné.

Les élèves sont encouragés à signaler, à tout moment, tout acte ou tentative de violence (observée, subie ou planifiée), qu’il s’agisse de menaces, d’intimidation, de violences verbales ou physiques ou de faits survenus en classe, en récréation, lors d’activités extrascolaires ou à l’extérieur de l’école.

Tout membre du personnel scolaire est tenu de signaler tout cas observé ou suspecté de violence au directeur ou coordinateur, à un supérieur hiérarchique ou aux autorités compétentes, si les faits impliquent la direction de l’établissement.

Une ligne téléphonique dédiée peut également être mise en place pour permettre aux élèves, parents ou personnels de signaler des faits de violence par appel ou SMS.

 

Norvège

La protection des élèves contre les violences en milieu scolaire repose sur un cadre juridique composé principalement de :

- la Loi sur l’éducation (The Education Act),

- la Loi sur les écoles privées (The Private School Act),

- la Loi sur la protection de l’enfance.

Ce dernier texte, renforcé depuis 2017, impose aux écoles une obligation d’agir rapidement en cas de violence, harcèlement ou discrimination. Les écoles sont soumises à une obligation d’activité. Tout membre du personnel doit être attentif au climat scolaire, intervenir en cas de faits de violence ou de harcèlement, et informer immédiatement la direction s’il soupçonne qu’un élève ne bénéficie pas d’un environnement sûr. L’établissement doit alors enquêter sans délai et mettre en œuvre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité de l’élève.

Cette obligation est renforcée lorsqu’un membre du personnel est lui-même à l’origine des violences. Le chef d’établissement doit alors alerter le responsable de l’école (la municipalité ou le comté). Si l’auteur des faits appartient à la direction, le signalement doit être adressé directement au propriétaire de l’établissement par la personne ayant connaissance de la situation.

Une atteinte à l’intégrité d’un élève par un adulte de l’école est considérée comme une violation grave de la confiance que les enfants et les familles doivent pouvoir accorder aux institutions éducatives.

Les élèves ou leurs représentants légaux peuvent signaler les faits à l’administration de l’école (directeur, conseiller scolaire) ; au gouverneur du comté (Statsforvalteren), qui veille au respect de la législation scolaire ; aux services de protection de l’enfance (Barnevernet), en cas de violences graves ou répétées ; ou encore à la police, si les faits relèvent du droit pénal.

Les adultes travaillant en milieu scolaire ont également l’obligation de signaler toute situation de violence auprès de la direction ; un devoir légal de signalement aux services de protection de l’enfance s’ils soupçonnent des abus, y compris commis par d’autres membres du personnel ; une obligation de formation pour repérer les signes de maltraitance ; enfin des sanctions disciplinaires ou juridiques en cas de manquement à ces obligations.

Le gouverneur du comté est l’autorité régionale de contrôle chargée :

- d’examiner les plaintes émanant des élèves, des parents ou du personnel ;

- de s’assurer que les établissements remplissent leurs obligations ;

- d’imposer des mesures correctives aux écoles si nécessaire ;

- de sanctionner financièrement les municipalités ou comtés en cas de manquements graves.

Cette autorité, renforcée en 2017, est composée de juristes, d’experts en éducation et en protection de l’enfance.

 

Le Défenseur des droits de l’enfant (Barneombudet) assure un rôle d’influence dans la sensibilisation et la formulation de politiques publiques, mais n’est pas une instance d’enquête.

Depuis 2018, des médiateurs spécialisés dans les situations de harcèlement scolaire ont été institués dans chaque comté. Ce dispositif, financé conjointement par l’État et les collectivités locales, offre écoute, soutien et conseils aux élèves et familles, dans le but de garantir un bon environnement psychosocial à l’école.

Il n’existe pas, en Norvège, d’agence nationale spécifiquement dédiée au traitement des violences scolaires commises par des membres du personnel. Ces cas sont traités via les dispositifs juridiques existants, en lien avec les autorités locales et les instances de supervision.

 

Royaume-Uni

Si un enseignant agresse un élève, l'incident doit être signalé à la police de la même manière que les incidents survenus en dehors de l'école.

Il existe toutefois des règles et des procédures particulières permettant aux écoles de gérer ce type d'incidents. En vertu de la loi sur l'éducation de 2002, les écoles contrôlées par les autorités locales ont le devoir d'exercer leurs fonctions en vue de sauvegarder et de promouvoir le bien-être de leurs élèves. Une obligation similaire est imposée aux écoles indépendantes (qui comprennent les académies et les écoles gratuites ainsi que les écoles privées payantes) par le règlement sur les normes des écoles indépendantes (Independent School Standards Regulations).

Par ailleurs un guide intitulé : « Assurer la sécurité des enfants dans l'éducation » fournit des informations aux écoles sur la manière de gérer les allégations contre un membre du personnel qui pourrait représenter un danger pour les enfants, y compris les allégations de violence de la part du personnel à l'encontre d'enfants.

https://www.gov.uk/government/publications/keeping-children-safe-in-education--2

 

Slovaquie

Les violences scolaires commises par des adultes sur des élèves ne font pas l’objet d’un débat public ou politique majeur, contrairement à d’autres formes de violences scolaires (harcèlement entre élèves, radicalisation, etc.).

Si certains cas attirent ponctuellement l’attention des médias, ils ne conduisent pas à des réformes législatives ni à des recommandations systématiques. Les ressources existantes se concentrent principalement sur les violences entre élèves.

Il existe quatre canaux principaux pour signaler des violences commises par des adultes contre des élèves :

- Au niveau de l’établissement scolaire 

Chaque établissement est tenu, en application de la Loi sur l’éducation (n° 245/2008), d’adopter un règlement intérieur fixant notamment les règles de sécurité, de santé et de protection contre la violence.

Les personnels éducatifs sont également soumis à un code d’éthique (loi n° 138/2019), qui les oblige à protéger activement les élèves de toute atteinte à leur bien-être physique, mental ou moral.

En pratique, il revient aux établissements de définir eux-mêmes des protocoles internes pour traiter les cas de violences commises par le personnel. Ceux-ci restent rares et concernent surtout les violences sexuelles. Certaines écoles mettent à disposition des moyens de signalement adaptés aux enfants : boîtes de confiance, formulaires en ligne, adresses e-mail dédiées, etc. Le signalement peut aussi se faire via l’enseignant référent, un psychologue scolaire, le directeur ou un adulte de confiance. Une fois le signalement effectué, l’établissement est tenu d’enquêter et de mettre fin à la situation. En cas de soupçon d’infraction, le directeur doit informer la police et les services de protection sociale sans délai. Tout membre du personnel qui omet de signaler des violences encourt une poursuite pénale, notamment pour non-dénonciation ou mise en danger par négligence (code pénal n° 300/2005).

 

- L’Inspection scolaire nationale 

Si l’établissement ne parvient pas à résoudre la situation, il est possible de saisir l’Inspection scolaire d’État, qui supervise le respect des normes pédagogiques et traite les plaintes formelles.

Les élèves, parents ou membres du personnel peuvent déposer plainte, sous forme écrite ou électronique. Les plaintes anonymes peuvent être transmises, mais ne sont pas traitées comme des plaintes officielles faute de répondre aux critères légaux. L’Inspection peut mener des inspections sur place, demander des documents, et imposer des mesures correctives en fonction de la gravité des manquements : recommandations, adoption de mesures, ou imposition formelle de mesures.

Les plaintes contre les directeurs sont exclusivement du ressort de l’Inspection scolaire. Le délai de traitement standard est de 60 jours ouvrables, pouvant être prolongé jusqu’à 90 jours en cas de complexité.

- Le Commissaire aux droits de l’enfant 

En cas d’échec de l’école et de l’Inspection scolaire, les plaignants peuvent s’adresser au Commissaire pour les enfants. Il s’agit d’une autorité indépendante (loi n° 176/2015) inspirée de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Toute personne (enfant, parent, personnel) peut saisir le commissaire par écrit, oralement ou par voie électronique, y compris de manière anonyme. Le Commissaire peut recommander aux autorités compétentes de prendre des mesures correctives, bien qu’il ne dispose pas de pouvoir contraignant. S’il estime qu’une infraction pénale est en cause, il transmet la plainte aux autorités judiciaires ou administratives compétentes.

- Le traitement pénal

En cas de violences graves ou pénalement répréhensibles, les faits peuvent être signalés directement à la police, sans passer par les autres étapes. Le Code pénal slovaque reconnaît plusieurs infractions applicables : menaces, atteintes à la santé ou à la liberté, violences sexuelles, harcèlement, coercition, chantage, etc. Même en l’absence d’infraction pénale, l’école peut être tenue d’agir sur le fondement de la loi anti-discrimination (n° 365/2004), notamment en cas de harcèlement moral ou sexuel. La loi définit ces comportements comme toute conduite créant un environnement intimidant, dégradant ou offensant, et visant à porter atteinte à la dignité ou à la liberté de l’élève.

 

Slovénie

La procédure de signalement des violences exercées par des enseignants, chefs d’établissement ou autres personnels scolaires à l’encontre d’élèves est formalisée dans des protocoles spécifiques, élaborés par l’Institut national slovène pour l’éducation.

Ces protocoles sont adaptés aux différents types de violence identifiés dans le cadre scolaire, parmi lesquels les violences entre élèves, les violences des enseignants envers les élèves, les violences des élèves envers les enseignants, les tensions entre parents et enseignants, les violences entre membres du personnel scolaire.

Les cas de violences ou de harcèlement sexuels commis par des membres du personnel sont traités selon le Protocole pour la détection et la gestion des violences et du harcèlement sexuel dans les établissements éducatifs (2016). Ce protocole prévoit une procédure claire en cas de signalement ou de suspicion.

Lorsqu’un membre du personnel éducatif est informé ou observe une situation de violence, il doit immédiatement assurer la sécurité de l’élève, notamment en empêchant tout contact (physique ou numérique) entre la victime et l’agresseur présumé, prévenir les services médicaux d’urgence si nécessaire et informer sans délai les parents ou tuteurs de l’enfant. Il doit également offrir un soutien à l’élève par un entretien d’écoute, avertir la direction de l’établissement, les enseignements concernés et le service de l’orientation scolaire et enfin, documenter les faits et transmettre un rapport au service d’orientation.

Conformément aux textes régissant le secteur public (loi sur les relations de travail, loi sur les fonctionnaires, convention collective du secteur éducatif), le chef d’établissement doit engager une procédure disciplinaire ou de licenciement exceptionnel à l’encontre du personnel mis en cause, organiser l’environnement scolaire de manière à éviter tout contact entre la victime et l’auteur présumé et prévenir l’inspection de l’éducation si nécessaire pour renforcer la réponse institutionnelle.

Dans les deux jours ouvrables suivant la révélation des faits, le chef d’établissement doit réunir une équipe pluridisciplinaire élargie, composée a minima d’un conseiller d’orientation, l’enseignant référent de l’élève, la direction, les professionnels concernés et les représentants de l’Inspection de l’éducation ainsi que de la police. Cette équipe est chargée de préparer les documents nécessaires à une éventuelle procédure pénale, et de documenter toutes ses actions. Elle est dirigée par le chef d’établissement, ou, si celui-ci est mis en cause, par le conseiller d’orientation.

Les prestataires extérieurs (animateurs d’activités scolaires ou périscolaires) sont soumis aux mêmes obligations que le personnel de l’école. Ils doivent réagir selon les protocoles en cas de violence détectée. Ils peuvent faire l’objet de suspension, rupture de contrat, mesures disciplinaires, signalements à la police ou poursuites pénales. Le chef d’établissement doit formaliser un accord avec ces intervenants sur les modalités d’action en cas de violences ou harcèlement sexuels.

 

Suède

Les cas de violence ou de mauvais traitements infligés à des élèves par des membres du personnel scolaire peuvent être signalés par différents canaux, en fonction de la gravité des faits et de leur qualification juridique.

Les procédures applicables reposent sur trois principaux fondements législatifs : le Code pénal, la loi sur l’éducation, et la loi sur la discrimination.

Lorsqu’un acte de violence ou d’abus commis par un membre du personnel constitue une infraction pénale, toute personne peut le signaler directement à la police. L’affaire est alors traitée dans le cadre du système judiciaire pénal ordinaire. La législation pénale suédoise prévoit aussi des exceptions de responsabilité en cas de légitime défense ou de situation d’urgence. Cela peut s’appliquer, par exemple, si un membre du personnel utilise la force pour prévenir une agression entre élèves. Par ailleurs, la loi sur l’éducation autorise les personnels à prendre des mesures immédiates pour garantir la sécurité et la sérénité dans l’établissement, y compris des interventions physiques, à condition qu’elles soient proportionnées (chapitre 5, section 6).

La loi sur l’éducation définit toute atteinte à la dignité d’un élève (parole offensante, menace, violence physique) comme une « offense », quel que soit l’auteur (élève ou adulte). Elle interdit explicitement aux enseignants et chefs d’établissement de commettre de tels actes (chapitre 6, section 9).

Chaque établissement doit établir un plan annuel de prévention des atteintes à la dignité des élèves. Tout membre du personnel a l’obligation de signaler les faits dont il a connaissance, qu’ils soient le fait d’un élève ou d’un adulte. Le signalement se fait auprès du chef d’établissement, qui doit ensuite informer l’instance responsable (municipalité pour les écoles publiques, entité privée pour les écoles indépendantes). L’instance responsable doit enquêter sur les faits et, si nécessaire, prendre des mesures correctives.

En cas de manquement l’enfant ou ses représentants légaux peuvent déposer une plainte auprès du représentant des enfants et élèves (BEO). Le BEO peut instruire les demandes d’indemnisation pour atteinte à la dignité, manquement à l’obligation de prévention ou défaut de signalement, dans les établissements publics ou privés. La responsabilité civile de l’établissement peut être engagée.

Les enseignants doivent être titularisés pour exercer. Un enseignant peut recevoir un avertissement ou se voir retirer sa licence en cas d’acte pénal ou d’inaptitude professionnelle. L’Inspection suédoise de l’enseignement peut enquêter à la suite d’un signalement ou d’une condamnation judiciaire, en lien avec le Conseil de responsabilité des enseignants (LAN).

Lorsque l’atteinte à la dignité de l’élève est liée à l’un des motifs protégés par la loi anti-discrimination (sexe, genre, origine, religion, handicap, orientation sexuelle, âge…), l’affaire peut être qualifiée de harcèlement discriminatoire. Dans ce cas, une enquête interne doit être menée par le coordinateur éducatif dès qu’un élève signale un cas de harcèlement (loi sur la discrimination, chapitre 2, section 7). L’affaire peut être portée devant un tribunal civil, qui statue sur l’existence de la discrimination et sur l’indemnisation éventuelle.

Enfin, le Médiateur pour l’égalité (Equality Ombudsman) peut accompagner juridiquement la victime devant les tribunaux.

Il n’existe actuellement aucune obligation générale pour les établissements de signaler à la police les infractions commises dans les écoles, qu’elles concernent des enseignants ou des élèves. Toutefois, une proposition de loi visant à rendre ce signalement obligatoire pour les actes commis par des élèves a récemment été soumise au Parlement.

 

Suisse

 

Le Code civil suisse prévoit, à l’article 314C, un droit, et à l’article 314D, une obligation pour certaines personnes d’aviser l’autorité de protection de l’enfant lorsque l’intégrité physique, psychique ou sexuelle de ce dernier est menacée :

- Article 314C

1 Toute personne a le droit d’aviser l’autorité de protection de l’enfant que l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’un enfant semble menacé.

2 Les personnes soumises au secret professionnel en vertu du code pénal ont elles aussi le droit d’aviser l’autorité lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie. Cette disposition ne s’applique pas aux auxiliaires soumis au secret professionnel en vertu du code pénal.

- Article 314D

1 Les personnes ci-après, dans la mesure où elles ne sont pas soumises au secret professionnel en vertu du code pénal, sont tenues d’aviser l’autorité de protection de l’enfant lorsque des indices concrets existent que l’intégrité physique, psychique ou sexuelle de l’enfant est menacée et qu’elles ne peuvent pas remédier à la situation dans le cadre de leur activité:

- les professionnels de la médecine, de la psychologie, des soins, de la prise en charge et du service social, les éducateurs, les enseignants, les intervenants du domaine de la religion et du domaine du sport, lorsqu’ils sont en contact régulier avec les enfants dans l’exercice de leur activité professionnelle;

- les personnes ayant connaissance d’un tel cas dans l’exercice de leur fonction officielle.

2 Toute personne qui transmet l’annonce à son supérieur hiérarchique est réputée satisfaire à l’obligation d’aviser l’autorité.

3 Les cantons peuvent prévoir d’autres obligations d’aviser l’autorité.

 

 


  1. Les données chiffrées

 

État

Réponse

Allemagne

Les cas de violence commis par des adultes encadrants contre des élèves à l'école ne sont pas enregistrés séparément dans les statistiques criminelles annuelles de la police fédérale et des États.

 

Arménie

Il n’existe aucune donnée chiffrée.

Le ministère de l’Éducation, est l’autorité compétente pour recevoir et traiter les signalements de violences en milieu scolaire. Des efforts sont actuellement en cours pour clarifier les responsabilités des parents en matière de respect du droit à l’éducation, via un projet de loi, et introduire une ligne téléphonique dédiée, permettant aux élèves, parents et personnels scolaires de signaler les cas de violence par appel ou message.

 

Canada

- Exemple du Nouveau-Brunswick

Le ministère publie un Registre des inconduites professionnelles graves, qui recense les résultats d’enquêtes fondées concernant les membres du personnel scolaire ou les bénévoles du système scolaire public.

 

- Exemple du Québec

Le Protecteur national de l’élève (PNE) publie chaque année des statistiques officielles sur les plaintes et signalements dans son rapport annuel d’activités ainsi que des rapports régionaux détaillés fournis par les protecteurs régionaux.

 

Espagne

Le ministère des droits sociaux publie chaque année un bulletin statistique sur les mesures de protection des enfants et des adolescents, qui vise à fournir des données actualisées, pertinentes et rigoureuses sur les mesures de protection prises par les services de protection des enfants et des adolescents compétents.

Une section spécifique est consacrée aux notifications reçues en cas de suspicion de maltraitance, où l'on peut trouver des informations sur les cas de maltraitance dans les établissements scolaires.

La dernière en date (données produites en 2022, publiée en 2024) peut être consultée ici : boletin25.pdf

 

Finlande

On ne dispose pas de statistiques sur ces cas. Les violences physiques commises par des enseignants sont extrêmement rares.

 

Lettonie

Le Centre de protection de l’enfance a reçu 175 signalements en 2024 concernant des cas présumés de violences émotionnelles et/ou physiques commises par des membres du personnel scolaire sur des élèves. Ce chiffre représente une augmentation de 11 signalements par rapport à 2023 (164 signalements). La majorité des signalements concerne des violences émotionnelles.

 

Parmi les suites données à ces signalements on peut citer :

- 29 cas de refus d’engager une procédure pour infraction administrative, faute d’éléments suffisants caractérisant une infraction. Dans ces situations, les écoles ont été invitées à évaluer une éventuelle responsabilité disciplinaire, conformément au Code du travail (ex. : avertissement écrit motivé).

- 26 cas d’ouverture d’une procédure administrative. 7 procédures ont été classées sans suite, dont une en raison de l’ouverture parallèle de poursuites pénales. Le classement peut intervenir si l’infraction est jugée trop mineure pour justifier une sanction, conformément aux dispositions légales.

- Parmi les 19 cas restants en cours ou ayant abouti : 4 cas encore en cours d’examen (3 pour violences physiques, 1 pour violence émotionnelle) ; 9 cas ont donné lieu à un avertissement (7 pour violences physiques, 2 pour violences émotionnelles) ; 6 cas ayant conduit à une amende (tous pour violences physiques).

Des inspections scolaires ont également été conduites sur la base de soupçons de violations des droits de l’enfant.

Les sujets les plus fréquemment évoqués dans les signalements sont les violences physiques et/ou émotionnelles exercées par le personnel scolaire sur les élèves, l’usage présumé de sanctions inappropriées ou de méthode non pédagogiques par les enseignants ou encore les violences entre élèves dans l’environnement scolaire.

 

Moldavie

Le ministère de l'éducation a publié des données généralisées (pour le premier semestre de l'année scolaire) sur les cas signalés de violence à l'encontre des enfants.

Ainsi, au cours du premier semestre de l'année scolaire 2023-2024, les employés du système éducatif ont signalé 3821 cas présumés de violence à l'encontre d'enfants, survenus dans la famille, à l'école, dans la rue ou dans d'autres lieux de la communauté.

Dans la plupart des cas, les cibles de la violence étaient des garçons (2.701 cas). En ce qui concerne le type d'abus, 1 657 cas de violence physique ont été signalés, 782 cas de violence psychologique, 488 cas de brimades et 858 cas de négligence.

 

Norvège

Le gouverneur du comté (autorité de l'État dans les régions) contrôle et supervise les écoles publiques et privées pour s'assurer qu'elles respectent la loi sur l'éducation ou la loi relative aux écoles privées.

Des statistiques sur les cas signalés aux gouverneurs de comté sont disponibles ; toutefois, elles ne distinguent pas le nombre d'incidents impliquant spécifiquement des violences perpétrées par le personnel de l'école à l'encontre des élèves. Dans l'ensemble, cette violence n'est pas considérée comme un problème important dans le système éducatif norvégien.

Il convient également de noter qu'à partir de 2024, de nouvelles dispositions ont été introduites à la fois dans la loi sur l'éducation et dans la loi sur les écoles privées, accordant aux employés des écoles l'autorité légale de recourir à l'intervention physique dans des situations spécifiques. Il s'agit notamment des cas où il est nécessaire d'empêcher un élève : (1) de nuire physiquement à une autre personne, (2) de s'exposer à un danger physique, (3) de causer des dommages à la propriété, ou (4) d'adopter un comportement gravement dégradant pour l'élève.

 

Royaume-Uni

Il n'existe pas de statistiques officielles sur le nombre de délits de violence entre enseignants et élèves en Angleterre et au Pays de Galles.

Toute infraction de ce type enregistrée par la police est incluse dans le groupe d'infractions « violence contre la personne ».

L'infraction exacte dépend de la gravité de la violence.

Étant donné que les statistiques sur les crimes enregistrés par la police ne sont pas publiées en fonction de l'âge de la victime ou de l'auteur, ou du lieu des infractions, il n'est pas possible de ventiler davantage ces infractions.

 

Slovaquie

L'inspection scolaire nationale publie chaque année un rapport sur l'état des écoles, y compris les types de plaintes qu'elle a reçues. Dans son rapport sur l'état et le niveau de l'éducation et de la formation dans les écoles et les établissements scolaires de la République slovaque pour l'année scolaire 2023/2024 elle note qu'elle a reçu des plaintes portant sur l'approche non pédagogique et le comportement inapproprié du personnel enseignant à l'égard des élèves, y compris des jurons, des insultes, des humiliations, des punitions physiques et des pressions psychologiques. Toutefois, il ne conserve pas de chiffres précis sur le nombre de plaintes déposées.

https://www.ssi.sk/wp-content/uploads/2024/12/sprava_2024_web.pdf

Le commissaire à l'enfance publie également un rapport annuel, mais ne conserve pas de preuves des plaintes reçues en fonction de la profession de l'auteur de l'infraction. Dans l'ensemble, le rapport sur les activités du commissaire aux enfants pour 2024 indique que le commissaire aux enfants a reçu 88 rapports traitant de la violence à l'égard des enfants, dont 21 concernaient la violence à l'école. Veuillez noter qu'il peut s'agir de cas de violence entre élèves.

https://www.komisarpredeti.sk/content/10/sprava-o-cinnosti-komisara-pre-deti-za-rok-2024.pdf

De même, la police ne conserve pas de preuves d'actes criminels en fonction de la profession de l'auteur et de l'environnement dans lequel les actes criminels ont été commis.

 

Suède

Il n’existe pas de données concernant spécifiquement les cas de violence signalés à l'encontre des élèves par le personnel de l'école.

Le Conseil national suédois pour la prévention du crime a publié plusieurs rapports sur l'exposition des élèves à la violence à l'école. Toutefois, ces rapports ne se concentrent pas sur les auteurs de la violence. L'un des rapports, sur la violence grave à l'école, indique que 8 auteurs sur 10 étaient d'autres élèves de la même école.

https://bra.se/rapporter/arkiv/2024-03-22-grovt-vald-i-skolan

En 2024, l'autorité suédoise chargée de l'environnement de travail a publié un rapport sur les menaces et la violence à l'encontre des enseignants, d'autres professionnels et des élèves dans le système scolaire. Ce rapport montre que dans 85 % des situations de menaces et de violence, les élèves sont signalés comme étant les auteurs de ces actes.

Un rapport de l'organisation de la société civile Children's Rights in Society (BRIS), basé sur les appels téléphoniques reçus par l'organisation, indique également que les appels à BRIS concernant la violence à l'école concernent généralement un autre enfant ou un jeune adulte dans l'enseignement secondaire supérieur.

 

Suisse

Il n’existe pas de statistique sur le nombre de signalements associés à des cas de violence commis par des adultes encadrant des enfants en milieu scolaire.

 


  1. Le traitement des données par voie disciplinaire et judiciaire

 

État

Réponse

Allemagne

Il n'existe pas d'organe spécialisé. Les rapports sont traités par les voies disciplinaires et juridiques habituelles. Si un soupçon s'avère fondé, des conséquences en matière de droit pénal, de droit de la fonction publique et de droit du travail peuvent survenir.

 

Canada

Exemple du Nouveau-Brunswick

Les signalements de violences commises par des adultes encadrants à l’encontre d’élèves sont traités par les canaux disciplinaires classiques.

Dans le cadre du système scolaire provincial, les plaintes sont d’abord soumises par les directions d’école au bureau de la direction générale du district scolaire. Cette dernière procède à une évaluation initiale et décide s’il convient d’ouvrir une enquête. Elle veille également à la transmission obligatoire aux Services de protection de l’enfance des plaintes relevant de l’article 30 de la Loi sur les services à la famille. Si une enquête est lancée, la Direction des ressources humaines du ministère de l’Éducation est immédiatement informée par écrit.

Lorsqu’un organisme externe intervient (ex. : service de police, protection de l’enfance), une enquête conjointe peut être menée, ou les informations recueillies par ces organismes peuvent être utilisées, dans la mesure du possible.

 

Exemple du Québec

Les cas sont également traités par le ministère de l’Éducation, mais une instance indépendante a été mise en place pour renforcer la protection des élèves : le Protecteur national de l’élève (PNE), créé en 2022.

 

Finlande

Les agences administratives régionales de l'État sont chargées de superviser les services éducatifs. Cependant, elles n'ont pas le pouvoir de superviser les services éducatifs de leur propre initiative, mais seulement sur la base de plaintes.

 

Israël

Les rapports sont traités par les mécanismes habituels du système éducatif et des autorités publiques (y compris la police dans les cas pertinents), et il n'y a pas d'organisme distinct dédié au traitement de ces cas.

 

Italie

Les rapports sont traités par les organes appropriés dans le cadre des procédures juridiques et disciplinaires ordinaires. Il n'existe pas d'organe spécialement dédié.

 

Slovaquie

Les signalements de violences commises par des adultes encadrants sur des élèves peuvent être traités par les voies juridiques classiques, notamment les forces de l’ordre si les faits relèvent du droit pénal.

En parallèle, deux institutions spécialisées sont compétentes pour intervenir dans ces situations 

- L’Inspection scolaire d’Etat

Créé en 2000 elle est rattachée au ministère de l’Éducation, avec son siège à Bratislava et des centres régionaux d’inspection. Elle est placée sous l’autorité d’un inspecteur en chef nommé pour cinq ans par le ministre de l’Éducation.

Elle exerce un contrôle étatique sur la qualité de l’encadrement pédagogique, les conditions matérielles et techniques d’enseignement et les établissements scolaires et les centres de conseil et de prévention. Elle traite les plaintes et pétitions relatives à ces domaines.

Elle peut imposer des mesures correctives selon la gravité des manquements, exiger des rapports écrits sur les mesures prises, sanctionner les établissements en cas de non-application des recommandations ou demander des explications aux chefs d’établissement et personnels pédagogiques concernés.

Le chef de l’inspection scolaire soumet chaque année un plan d’activités de contrôle au ministre et un rapport annuel sur l’état du système éducatif fondé sur les constats d’inspection.

Si un signalement porte sur des violences contre un élève, l’Inspection peut mener une enquête, même en dehors du programme d’inspection annuel. Si les faits relèvent du droit pénal, l’Inspection doit rediriger le plaignant vers les autorités compétentes.

- Le Commissaire pour les enfants 

Il s’agit d’une institution indépendante régie par la loi n°176/2015. Le commissaire est élu par le Conseil national slovaque pour un mandat de six ans et est appuyé par un bureau dédié chargé du soutien organisationnel, technique et professionnel.

Sa mission principale est d’évaluer et surveiller le respect des droits de l’enfant, sur plainte ou de sa propre initiative. Il peut demander l’accès à des informations et documents (y compris enregistrements audiovisuels), solliciter des documents auprès des administrations, émettre des avis et recommandations et enfin, proposer des mesures correctrices. Il a également le pouvoir d’intervenir dans des cas concrets à travers des avis ; des propositions de réparation ; et des prises de position publiques. Chaque année, il rend un rapport au Parlement, présentant ses constats issus des plaintes et ses recommandations pour remédier aux dysfonctionnements identifiés.

Si un signalement relève du Code pénal, le Commissaire doit informer le plaignant de la procédure à suivre et transmettre la plainte aux autorités compétentes.

 

Suède

On compte deux structures :

- L'Inspection suédoise des écoles, chargée de contrôler la législation scolaire, a été créée en 2008.

 - Le médiateur pour les enfants et les élèves (BEO), chargé de veiller à ce que les écoles respectent la partie de la loi sur l'éducation relative à la victimisation, a été créé en 2006.

 

Suisse

En Suisse ce sont les 26 autorités cantonales qui ont la responsabilité de mettre en œuvre les mesures relatives à la protection de l’enfance et de l’adulte. L’autorité chargée, communément appelée APEA (Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte), peut être un tribunal ou une autorité administration selon le canton.

Les APEA ont pour mission, dans le cadre de la protection de l'enfant et de l'adulte, de trouver une solution avec les personnes concernées et d'écarter les dangers. Pour ce faire, elle doit prendre des décisions importantes, ordonner des mesures et les surveiller en permanence. Un membre de l'autorité est compétent pour chaque procédure, mais une décision est toujours prise par un comité de trois personnes. Les curateurs ou les collaborateurs d'une institution mettent finalement en œuvre les mesures. Ils conseillent et assistent les personnes concernées au quotidien.

 


  1. La prévention en milieu scolaire et contrôle de l’Etat  

 

État

Réponse

Allemagne

Selon les recommandations de la Conférence permanente des ministres de l'Éducation des Länder (Kultusministerkonferenz - KMK) les écoles gérées par des organisations religieuses ou privées doivent signaler les cas suspects à l'inspection scolaire de l'État afin qu'elle puisse prendre des mesures.

En outre, des licenciements fondés sur des soupçons peuvent être prononcés.

 

Arménie

Il existe des lacunes législatives qui entravent l’efficacité des dispositifs de prévention et d’intervention.

De plus, un manque de coopération interinstitutionnelle persiste : certaines structures ne réagissent pas ou ne signalent pas les cas de violence, bien qu’elles y soient obligées par une décision officielle. Enfin, des stéréotypes sociaux nuisent à l’action publique : par exemple, la croyance selon laquelle le refus d’un parent de dénoncer des violences mettrait automatiquement fin à la procédure.

Le Code de procédure pénale autorise pourtant la poursuite publique d’un acte de violence, même en l’absence de plainte déposée par les parents une infraction de ce type doit être poursuivie, et son auteur tenu pour responsable, même si le parent refuse d’engager une procédure.

 

Canada

- Exemple du Nouveau-Brunswick

 

Le contrôle de la vie scolaire et de la prévention des violences est régi par la Loi sur l’éducation, sous la responsabilité du ministre de l’Éducation et du Développement de la petite enfance. Celui-ci fixe les objectifs et normes en matière d’éducation et notamment l’objectif de dénonciation obligatoire des inconduites.

La direction générale du district scolaire doit veiller à ce que tous les adultes en contact avec les élèves, dans le cadre de leur fonction dans le système scolaire public, connaissent et respectent la protection des élèves, ainsi que les protocoles sur les enfants victimes de négligence ou de mauvais traitements.

La direction de l’établissement scolaire doit également s’assurer que le personnel, les élèves et toutes les personnes intervenant au nom de l’école soient sensibilisés aux dispositifs prévus par la Loi sur l’éducation et plus particulièrement le paragraphe 30(1) de la Loi sur les services à la famille, qui définit les obligations de signalement.

Ces dispositions concernent les établissements publics. Aucune précision n’est donnée sur le contrôle dans les écoles privées.

 

- Exemple du Québec

Le ministère de l’Éducation et le Protecteur national de l’élève (PNE) assurent le contrôle de la vie scolaire et la prévention des violences.

Le PNE et les protecteurs régionaux interviennent dans les réseaux publics et privés, ainsi que pour les enfants scolarisés à domicile. Ils soutiennent élèves et parents dans l’évaluation des services reçus et traitent également les plaintes et signalements, notamment en cas de violence à caractère sexuel survenue dans le milieu scolaire.

 

Espagne

Plusieurs documents encadrent ces situations :

- La loi organique sur l'éducation

 Elle établit que tous les membres de la communauté éducative, y compris les enseignants, ont la responsabilité de promouvoir un climat scolaire favorable et de prévenir les brimades. Elle garantit également le droit à une éducation inclusive sans discrimination.

https://boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2006-7899

- La loi organique sur la protection des données personnelles et la garantie des droits numériques Elle protège la vie privée et les données personnelles des élèves. Les brimades des enseignants peuvent impliquer la divulgation inappropriée ou non autorisée d'informations personnelles, ce qui serait contraire à cette réglementation.

https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2018-16673

- La Convention relative aux droits de l'enfant

L'Espagne est signataire de cette convention des Nations unies, qui établit que les enfants ont droit à une éducation de qualité, sans discrimination et dans un environnement sûr et respectueux.

- La loi organique sur la protection intégrale des enfants et des adolescents contre la violence

Cette loi vise à protéger les enfants et les adolescents contre toutes les formes de violence, y compris le harcèlement. Elle établit l'obligation de prévenir, de détecter et d'agir dans les situations de violence dans l'environnement éducatif.

https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2021-9347

Outre ces lois générales, il existe des réglementations régionales et des protocoles spécifiques qui traitent des brimades infligées par les enseignants dans les différentes communautés autonomes d'Espagne. Ces réglementations établissent généralement des lignes directrices et des procédures pour prévenir, détecter et intervenir dans les cas de harcèlement, y compris de harcèlement par les enseignants.

 

Israël

La surveillance de la vie scolaire et la prévention des violences sont assurées par le ministère de l’Éducation, principalement à travers deux outils d’évaluation :

- Une enquête triennale sur le climat et l’environnement pédagogique

 Elle est menée dans tous les établissements placés sous la supervision du ministère. Elle évalue de manière anonyme, auprès des élèves, du personnel enseignant et des directions, le sentiment de sécurité, la qualité des relations sociales, le niveau perçu de violence, la culture du dialogue et le sentiment d’appartenance à l’établissement. Les résultats servent à la fois au suivi national et à la mise en place de programmes d’intervention ciblés à l’échelle des établissements.

- Un questionnaire en ligne sur le climat éducatif optimal

Il est également anonyme, pouvant être utilisé chaque année. Il permet de mesurer le bien-être des élèves et le climat relationnel dans les écoles.

Ces deux instruments constituent la principale base de données utilisée par le ministère pour concevoir, ajuster et suivre les actions de prévention.

 

Italie

Le ministère de l'éducation dispose d’un corps d'inspection.

Les missions sont conclues par un rapport pouvant être suivi de l'adoption de mesures disciplinaires.

Les activités d'inspection s'étendent également aux écoles privées.

 

Moldavie

La prévention et le traitement des violences en milieu scolaire reposent sur une coopération structurée entre plusieurs niveaux d’acteurs, fondée à la fois sur le cadre législatif et réglementaire, et sur les partenariats établis dans la pratique.

Cette coopération s’organise à quatre niveaux : interne au secteur éducatif, entre secteurs institutionnels, au niveau territorial, et avec la société civile.

Au niveau intra-sectoriel, les établissements coopèrent avec les services éducatifs locaux, les établissements d’origine ou d’accueil des élèves transférés, ainsi que les services d’assistance psychosociale et de conseil psychologique. Sur le plan intersectoriel, les écoles travaillent avec la police, les services de protection sociale et familiale, les structures de santé, dont les centres de soutien familiaux, les polycliniques, et les centres de santé adaptés aux jeunes.

Les autorités locales, tant de premier que de second niveau, sont également impliquées dans le suivi des politiques éducatives et de protection de l’enfance. Enfin, les établissements collaborent avec des associations engagées dans la défense des droits des enfants, la prévention des violences, le soutien aux victimes, et l’offre de services psychologiques, sociaux ou juridiques.

 

Royaume-Uni

Toutes les écoles, qu'elles soient publiques ou indépendantes, ont l'obligation légale de protéger et de promouvoir le bien-être de leurs élèves.

Deux structures interviennent:

- L’Office for Standards in Education, Children's Services and Skills (Ofsted).

Il est placé sous l'autorité du Parlement. Son rôle est de s'assurer que les organismes proposant des services d'éducation, de formation et de garde d'enfants respectent des normes élevées pour les enfants et les élèves. Il est chargé d'inspecter divers établissements d'enseignement, notamment les écoles publiques et certaines écoles privées. Il inspecte également les organismes de garde d'enfants, d'adoption et de placement familial, ainsi que la formation initiale des enseignants, et réglemente les structures d'accueil de la petite enfance et les services sociaux à l'enfance.

Les inspecteurs publient des rapports utilisés pour améliorer la qualité globale de l'éducation et de la formation. Les rapports d'inspection fournissent des informations importantes aux parents, aux tuteurs, aux apprenants et aux employeurs sur la qualité de l'éducation, de la formation et de l'accueil.

https://www.gov.uk/government/organisations/ofsted

- L’Independent Schools Inspectorate.

Il intervient sur les écoles indépendantes qui ne relèvent pas de la compétence de l'Ofsted.

 

Slovaquie

La prévention et le suivi de la violence contre les enfants, commise par le personnel d'encadrement ne font pas l'objet d'un suivi distinct.

Le suivi et la prévention de la violence à l'école sont plutôt axés sur la violence entre élèves, l'extrémisme et la radicalisation des élèves et les problèmes de santé mentale qui en découlent.

Comme indiqué plus haut, l'inspection de l'État des écoles mène des activités d'inspection planifiées à l'avance, dans les écoles publiques et privées et dans les établissements scolaires.

Bien qu'elles soient principalement axées sur le contrôle de la qualité des processus éducatifs, la violence et sa prévention peuvent également faire l'objet d'un contrôle. D'autres institutions n'entrent dans les écoles et ne les contrôlent qu'à la suite d'une plainte ou d'un rapport.

 

Suède

L'inspection scolaire, le médiateur pour les enfants et les jeunes et le médiateur pour la non-discrimination sont tous des autorités publiques.

Les écoles privées et municipales sont couvertes par la même législation lorsqu'il s'agit de signaler et de prévenir les traitements offensants et le harcèlement, en vertu de la loi sur l'éducation et de la loi sur la discrimination, respectivement.

Les écoles privées ont besoin d'une licence pour fonctionner. En cas de manquements très graves dans leurs activités, l'autorisation d'exercer peut leur être retirée (chapitre 26 de la loi sur l'éducation).

 

Suisse

En Suisse, le domaine scolaire relève principalement de la compétence des 26 cantons. Il n'est donc pas possible de fournir un aperçu uniforme du contrôle de la vie scolaire et des mesures de prévention des violences dans les établissements.

Cependant, certains principes fondamentaux ou lignes directrices peuvent être fixés par la Confédération ou élaborés en collaboration avec les niveaux cantonaux. Ainsi, en 2009, le Conseil fédéral a par exemple adopté un rapport intitulé : « Les jeunes et la violence – pour une prévention efficace dans la famille, l’école, l’espace social et les média ».

Dans ce contexte, la Confédération a collaboré avec les cantons, les villes et les communes en matière de prévention et de lutte contre la violence des jeunes. Il en a résulté un programme national d’une durée de 5 ans (« Programme national Jeunes et violence 2011-2015 »), dont les deux objectifs principaux étaient les suivants :

(1) Poser les fondements d’une prévention de la violence basée sur les preuves en Suisse, afin d’accroître l’efficience et l’efficacité des mesures et ainsi de réduire les comportements violents des jeunes.

(2) Contribuer au développement sain et positif des enfants et des adolescents, ainsi que de leur entourage.

 


  1. L’évolution de la législation

 

État

Réponse

Allemagne

Les lois scolaires de l'État sont modifiées occasionnellement, mais elles ne contiennent pas de réglementations spécifiques sur le signalement, le traitement et le suivi des actes de violence commis par des adultes encadrants à l'encontre d'élèves à l'école.

Certaines lois nationales contiennent des dispositions relatives à la prévention de la violence.

Dans le land de Hesse, par exemple, la loi sur l'école a été modifiée pour la dernière fois en mars 2023. Cette modification a permis des changements visant à améliorer la protection contre la violence sexuelle. Chaque école doit désormais élaborer un plan de protection contre la violence et les abus sexuels.

 

Canada

- Exemple du Nouveau-Brunswick 

 La loi (dite « politique 701 ») qui encadre la protection des élèves face aux inconduites des adultes, est actuellement en cours de révision. Ce processus vise à actualiser les procédures de signalement et de traitement des plaintes en milieu scolaire.

 

- Exemple du Québec 

Un ensemble de textes encadrant le Protecteur national de l’élève sera mis à jour courant 2025. Cela inclut la Loi sur le protecteur national de l’élève, le règlement sur la procédure de dépôt et de traitement des plaintes, ainsi que le règlement sur la procédure de recrutement et de sélection des protecteurs régionaux. Ces réformes visent à renforcer l’efficacité du dispositif indépendant de surveillance des droits des élèves.

 

Espagne

Toutes les lois mentionnées dans la question précédente ont été modifiées ces dernières années (à l'exception de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la LOPIVI, qui a été approuvée en 2021) afin d'adapter leurs dispositions à la situation actuelle en matière de protection de l'enfance.

 

Israël

Comme indiqué, le traitement des cas de violence dans le système éducatif israélien est réglementé par la circulaire du directeur général du ministère de l'éducation, qui est mise à jour de temps à autre. La version actuelle de la circulaire a été publiée en mai 2023.

En outre, en mars 2024, la Knesset a approuvé une loi concernant le licenciement et la prolongation de la suspension des membres du personnel éducatif qui ont eu un comportement de nature sexuelle envers un mineur ou une personne vulnérable.

 

Lettonie

Depuis la fin de l'année 2022, la Lettonie a adopté, ou est sur le point d'adopter, plusieurs textes qui renforcent les obligations de signalement, les règles de prévention et le contrôle au niveau de l'État de la violence par les enseignants et d'autres adultes chargés de la surveillance :

- En Octobre 2022 : modifications de la loi sur l'éducation qui oblige tout employé qui constate des actes de violence à les signaler.

- En août 2024 à Juin 2025 : révision des procédures de traitement des cas de violence dans les établissements d'enseignement.

- Depuis juin 2024 : projet d'amendements à la loi sur l'éducation concernant les colonies de vacances (introduction de contrôles de sécurité en matière de recrutement et suspension automatique de l'autorisation d'enseigner lorsqu'une enquête est ouverte).

- En mai 2025 : entrée en vigueur des modifications apportées à la loi sur la sécurité numérique (notamment l’interdiction du téléphone dans les petites classes).

- En mai 2025 : présentation du Plan gouvernemental sur la prévention de la criminalité infantile 2025-27 qui comprend notamment la création d'un tableau de bord interministériel permettant de suivre les indicateurs de violence dans les écoles, la publication d’un rapport public annuel et des financements supplémentaires pour la formation du personnel.

Royaume-Uni

Les orientations statutaires pour les écoles en matière de protection sont généralement mises à jour chaque année, mais il n'y a pas eu de modifications récentes de la législation dans ce domaine.

 

Slovaquie

Il n'y a pas eu de changements récents dans la législation, mais il y a eu des discussions substantielles et certains changements législatifs concernant le signalement, le traitement et la prévention de la violence à l'école liée au cyber harcèlement et à l'extrémisme et la radicalisation des élèves.

 

Suède

Le débat s'est davantage concentré sur la victimisation d'autres élèves et/ou du personnel scolaire par les élèves que sur la violence du personnel scolaire à l'encontre des élèves.

En 2022, la disposition de la loi sur l'éducation relative au droit du personnel scolaire d'intervenir en cas de victimisation et de violence a été clarifiée pour préciser qu'elle inclut le droit d'intervenir physiquement.

Une enquête gouvernementale présentée cette année propose, entre autres, de clarifier davantage les pouvoirs des enseignants en cas de comportement désordonné.

 

Suisse

Les informations portant sur les dernières évolutions du droit en matière de protection de l’enfant et de l’adulte sont disponibles sur cette page dédiée. Cependant, il ne s’agit pas nécessairement de modifications législatives spécifiques aux violences commises par des adultes sur des élèves en milieu scolaire.

https://www.bj.admin.ch/bj/fr/home/gesellschaft/gesetzgebung/kesr.html

 

En outre, en matière de signalement, d’importantes modifications ont été apportées au code civil à partir de 2019 concernant le droit et l’obligation d’aviser (notamment l’article 314D du Code civil précitée dans la réponse 1).

Pour mieux protéger les enfants contre les abus et les mauvais traitements, la législation a été modifiée de manière que tous ceux qui, en plus des enseignants ou des travailleurs sociaux, sont en contact régulier avec des mineurs par leur profession auront l’obligation légale d’aviser en cas de connaissance d’indices concrets que l’intégrité physique, psychique ou sexuelle d’un enfant est en danger.

 

 


([1]) Les comptes rendus de l’ensemble de ces auditions sont réunis dans le tome II du présent rapport.

([2]) Réunion de la commission des affaires culturelles et de l’éducation du 19 février 2025, à 9 h 30.

([3]) Voir annexe n° 1.

([4]) Voir annexes nos 2 et 3.

([5]) Audition du mardi 21 mai 2025, à 16 heures 30.

([6]) A minima, des années 1950 aux années 2000 incluses.

([7]) Ces violences restent tolérées voire plébiscitées par de larges pans de la société jusqu’à nos jours (voir première partie, II A 1).

([8]) Audition du 15 mai 2025, à 17 heures.

([9]) Voir notamment : Alain Esquerre, Clémence Badault, Le silence de Bétharram, Michel Lafon, avril 2025 ; Robin Richardot, « À Notre-Dame de Bétharram, la parole d’anciens élèves dénonçant un « régime de la terreur » se libère », Le Monde, 12 mars 2024 ;  « L'enfer de Notre-Dame de Bétharram : des victimes bordelaises témoignent », Sud Ouest-TV7, 26 avril 2024 ; Benoît Roux, « Violences sexuelles, châtiments corporels : 20 anciens élèves de cette école privée de prestige saisissent la justice », France 3 Occitanie, 2 janvier 2024.

([10]) Le silence de Bétharram, op.cit., p. 152.

([11]) Audition du jeudi 10 avril 2025, à 12 heures.

([12]) Clémence Rouher, « Affaire Bétharram, 250 plaignants et une seule mise en examen : ʺle parquet a enterré les plaintes des victimesʺ » , France 3 Nouvelle-Aquitaine, 18 juin 2025.

([13]) Marion Aquilina, « Notre-Dame-de-Bétharram, La fabrique du silence », Radio France, 22 mars 2025.

([14]) Le silence de Bétharram, op.cit.

([15]) Jean-Marie Delbos a été reconnu victime et indemnisé par la Commission reconnaissance et réparation (CRR) en 2023 pour des abus sexuels commis par le père directeur Henri Lamasse, entre 1956 et 1961, soit entre ses 10 et ses 15 ans. Sa première plainte devant la justice, en 2010, avait été classée sans suite en raison de la prescription des faits.

([16]) Yann Saint-Sernin, Pierre Larquier, « Affaire Bétharram : pour l’Église, un long chemin pavé de silence », Sud Ouest, 5 mars 2025.

([17]) Le silence de Bétharram, op.cit., p. 26.

([18]) Mickaël Bosredon, « Notre-Dame-de-Bétharram, Nos enfants ont subi des sévices », 20 Minutes, 30 juin 2024.

([19]) Voir Première partie, II A 1.

([20]) Annexe n° 4.

([21]) Les pièces en possession des rapporteurs montrent seulement que l’affaire a été portée devant les juridictions civiles dans le but d’obtenir une indemnisation. Dès lors, il n’est pas possible de savoir ni si une plainte a été déposée ni si une action pénale avait été engagée en parallèle, ce qui est toutefois très improbable. Les suites données à cette affaire par la justice seront plus amplement développées au 4.a. infra.

([22]) Le silence de Bétharram, op.cit., p. 140.

([23]) Cette initiative vaudra à M. Lacoste-Seris d’être immédiatement démis de son poste de vice-président de l’association de parents d’élèves de l’établissement, lors d’une réunion du 11 décembre 1995, par onze voix contre deux, et deux abstentions. Il restera toutefois simple membre du conseil d’administration de l’association jusqu’à la fin de l’année scolaire.

([24]) Il pourrait s’agir de la plainte déposée par Françoise Gullung, professeure de mathématiques, à la suite de blessures reçues dans la cour, voir infra.

([25]) Annexe n° 5.

([26]) Éric Bély, « Nos archives parlent », La République des Pyrénées, 25 février 2025.

([27]) Voir infra, d. i.

([28]) Le silence de Bétharram, op.cit., p. 147.

([29]) Anthony Cortes, « Bétharram : Le CPE de l’époque choisissait ses victimes et faisait ce qu’il voulait des enfants », L’Humanité, 16 février 2025.

([30]) David Perrotin et Antton Rouget, « Affaire Bétharram : Révélations sur des plaintes et signalements enterrés », Mediapart, 28 février 2025.

([31]) Idem.

([32]) Dans Le silence de Bétharram, Alain Esquerre, s’interrogeant sur les raisons qui le poussent dans cette entreprise au départ si incertaine de recueil de témoignages, s’interroge sur sa mère : « Remuer la merde, n’était-ce pas, au fond, pour attirer son attention ? ». Cette réflexion constitue l’un des fils rouges de son ouvrage.

([33]) Témoignage d’un ancien élève arrivé en seconde à sa propre demande et malgré le scepticisme de ses parents, « à la différence de ceux qui n’avaient vécu que cette éducation-là depuis le CM1, Pascal voyait les dysfonctionnements et saisissait très bien la gravité de la situation ».

([34]) Au moment-même du dépôt de la plainte de Jean-François Lacoste-Seris pour les violences volontaires et traitements humiliants et dégradants infligés à son fils.

([35]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2024-2025/premiere-seance-du-mardi-11-fevrier-2025

([36]) Audition du mercredi 26 mars 2025, à 18 heures.

([37]) Les éléments ci-dessous sont issus du recoupement de témoignages anonymes transmis aux rapporteurs, du livre Le silence de Bétharram déjà cité, ainsi que de sources de presse, notamment : Émilie Trevert, « Violences et abus sexuels :"l'enfer" des pensionnaires de Notre-Dame de Bétharram », Le Point, 7 juin 2024 ; Annelot Huijgen, « Les plaintes s'accumulent contre l'école Notre-Dame de Bétharram », Le Figaro, 7 mars 2024 ; Olivier Darrioumerle, « "Ces hommes ont brisé ma vie" : les témoignages glaçants d’ex-élèves de Notre-Dame de Bétharram », Ouest France, 22 mars 2024 ; Yann Saint-Sernin, Pierre Larquier, « Des élèves dénonçaient les méthodes des surveillants dès 1995 », Sud Ouest, 11 mai 2025.

([38]) Audition du 10 avril 2025, à 10 heures.

([39]) Ces horaires ont pu varier selon les époques ou les individus : le devoir sur table de 17 h 30 à 19 heures tous les soirs est néanmoins évoqué jusque dans les années 2000.

([40]) Pascale Nivelle, « Bétharram, le lycée fier de ses châtiments », Libération, 16 avril 1996.

([41]) Dominique de Laage, « Polémique autour de l’établissement catholique de Bétharram », Sud Ouest, 14 avril 1996.

([42]) Olivier Darrioumerle, « Bétharram : retour sur les faits signalés à l’époque où François Bayrou était ministre », Ouest France, 14 février 2025.

([43]) Audition du mercredi 26 mars 2025, précitée.

([44]) Idem.

([45]) Élisabeth Bayrou, mère d’élèves et épouse de François Bayrou, alors ministre de l’éducation nationale et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, enseignait alors bénévolement le catéchisme dans l’établissement.

([46]) Audition du mercredi 26 mars 2025, précitée.

([47]) Le silence de Bétharram, op. cit., p. 91.

([48]) Cet épisode est également narré par Alain Esquerre dans Le silence de Bétharram.

([49]) Audition du mercredi 26 mars 2025, précitée.

([50]) Annexe n° 6.

([51]) Notre-Dame de Bétharram a changé de nom en 2009, mais la filiation entre les deux établissements est très claire : en béarnais, beth arram signifie « beau rameau ». Cette filiation était d’ailleurs parfaitement assumée, au moins jusqu’en 2022, ce qui ressort de l’auto-évaluation effectuée par l’établissement, et qui mentionne, sous la rubrique « Points forts de l’établissement » : « Le collège et le lycée sont des structures bien implantées dans leurs environnements et dans l’histoire locale. Il en ressort une identité qui constitue une force à ne pas effacer ou ignorer dans la définition d’une stratégie de pilotage. Les familles identifient des valeurs lors de l’inscription de leurs enfants et notamment la rigueur et l’exigence. »

([52]) Sur place, et sans que les rapporteurs aient pu recueillir de preuves à l’appui de cette affirmation, certaines personnes ont rapporté que de nombreux cartons d’archives auraient été sortis de l’établissement dans les semaines qui ont précédé leur venue, concomitante de celle des inspecteurs de l’éducation nationale, laquelle avait été annoncée par le ministère à la presse et à l’établissement plusieurs semaines à l’avance.

([53]) En outre, un témoignage de M. Lacoste-Seris indique que l’Apel avait été informée par le père directeur au détour d’une réunion en 1995 qu’un élève avait fugué et s’était suicidé dans la forêt. Il ajoutait : « Le curé nous a dit qu’il allait prendre des mesures et qu’il ne fallait surtout pas le dire à la presse. » (Pierre Larquier, « Affaire Bétharram : déni, regrets, aveuglement, quel rôle a joué l’Association de parents d’élèves », Sud Ouest, 11 mai 2025).

([54]) Compte-rendu de la réunion des membres de l’Apel – école Notre-Dame-de-Bétharram du 18 mars 1996. Le directeur de l’établissement, ainsi qu’un cadre surveillant et un représentant des professeurs y sont présents.

([55]) On peut supposer qu’il s’agit d’Ange M., auteur présumé de violences, cité au c. supra.

([56]) Les faits de violences systémiques commis à l’établissement Notre-Dame de Garaison, situé à environ 80 kilomètres de Lestelle-Bétharram, seront décrits au B.1 infra.

([57]) Il s’agit probablement de Marie-Paul D., évoqué au b. supra. On pourrait s’étonner de la présence conjointe à cette réunion de M. D. et de M. Lacoste-Seris, le premier ayant été visé par une plainte du second pour la « gifle » administrée à son fils Marc, ayant occasionné une perte définitive d’audition de 40 %. M. Lacoste-Seris n’apparaît plus dans les comptes rendus ultérieurs.

([58]) Mme Gullung est alors en arrêt maladie à la suite de l’incident qui lui a valu des fractures des os de la face, voir c. supra.

([59]) Ce rapport d’un inspecteur pédagogique régional de l’éducation nationale, dont il sera plus amplement question au 4. infra, concluait notamment à la nécessité de « trouver une solution afin que Madame Gullung n’enseigne plus dans cet établissement ».

([60]) Annexe n° 7.

([61]) Pour rappel, il s’agit de l’élève dont le père avait porté plainte en avril 1996.

([62]) Les rapporteurs ont au total obtenu deux courriers de M. Protat et trois courriers de M. Landel adressés au recteur et concernant Mme Gullung. Le dernier courrier de M. Landel contenait en annexe quelques témoignages de parents et d’un élève délégué de classe contre l’intéressée.

([63]) Ce dernier point avait également été soulevé dans son rapport par l’inspecteur pédagogique régional.

([64]) https://mediaclip.ina.fr/fr/r25048629-college-notre-dame-de-betharram-un-surveillant-condamne-mais-aucune-sanction-de-l-etablissement.html

([65]) Annexe n° 8.

([66]) Il s’agit probablement de Patrick M., évoqué au b. supra.

([67]) Voir 5. infra.

([68]) Il s’agit donc d’une autre professeure de mathématiques que Mme Gullung, qui n’était plus dans l’établissement depuis le mois de juillet.

([69]) Il fait ainsi allusion aux réflexions sur une charte de vie, au règlement intérieur des surveillants et aux projets d’animation.

([70]) Dont MM. M., D. et M., précités.

([71]) Ces deux personnes ne faisaient qu’une jusqu’au début 1997, M. Landel étant à la fois directeur de l’établissement et président de l’Ogec. C’est à la demande de M. Protat qu’en janvier 1997 « l’association du groupe Notre-Dame-de-Bétharram va être dissoute pour mettre en place l’OGEC » notamment « afin de permettre une dissociation de personnes », ce qui démontre encore le large pouvoir de l’Apel dans la gouvernance de l’établissement. Le président de l’Apel était membre de droit de l’Ogec, au même titre que le père provincial issu de la tutelle congréganiste.

([72]) On ignore à quelle « enquête » il est fait allusion, s’il s’agit de l’inspection d’avril 1996, dont François Bayrou était à l’origine, ou d’une autre démarche, initiée peut-être suite à la « réflexion sur les violences » mentionnée supra, qu’il avait demandée en octobre 1996.

([73]) « Quand un Saint fait école », 10 mai 1997, article paru à l’occasion des 200 ans de la naissance de Michel Garicoïts. La dernière phrase de cet article est la suivante : « Avec le recul, l’affaire de la gifle qui a tant fait parler de Bétharram, l’an passé, apparaît comme une peccadille. Surtout quand on connaît l’épisode qui vit saint Michel Garicoïts apporter son réconfort, dans sa cellule, à un ancien directeur du collège de Bétharram condamné à mort par les assises de la Gironde pour avoir assassiné la mère de l’enfant dont il était le précepteur. »

([74]) « Affaire Bétharram : déni, regrets, aveuglement, quel rôle a joué l’Association de parents d’élèves », art. cit.

([75]) Le silence de Bétharram, op.cit.

([76]) « Abus, silence et compromissions : le scandale de Bétharram », Complément d’enquête, diffusé le 22 mai 2025.

([77]) Audition du jeudi 10 avril 2025, précitée.

([78]) Audition du mercredi 26 mars 2025, précitée.

([79]) J.P-A, « Quel type d’éducation ? », Sud Ouest, 15 avril 1996.

([80]) Alexandra Saviana, « À Bétharram, ces notables qui ont gardé le silence », L’Express, 16 février 2025.

([81]) Union pour la démocratie française, un mouvement regroupant plusieurs partis de centre droit d’inspiration démocrate-chrétienne, fondé en 1978 et dont François Bayrou fut nommé secrétaire général en 1991 et président en 1998.

([82]) « Bétharram, une école fière de ses châtiments », art. cit.

([83]) Jean Paul Chaintrier, « Bétharram : voie administrative », Sud Ouest, 12 avril 1996.

([84]) Voir 4.a. supra.

([85]) Pierre Larquier, « À la gendarmerie, j’ai rencontré le suppléant de François Bayrou », Sud Ouest, 11 mai 2025.

([86]) Audition du 10 avril 2025, à 11 heures de M. Alain Hontangs, ancien adjudant-chef de gendarmerie, officier de police judiciaire à la section de recherches de Pau du 1er avril 1987 au 15 juillet 1999.

([87]) Audition du 10 avril 2025, à 12 heures précitée.

([88]) Jean Paul Chaintrier, « Le syndrome du perron », Sud Ouest, 13 avril 1996.

([89]) https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/bx00001284860/suicide-du-pere-carricart-ex-directeur-de-notre-dame-de-betharram

([90]) Jules Brelaz, « Peut-être que j’aurais dû le croire », Ici Gironde, 28 février 2025.

([91]) Philippe Douste-Blazy est né à Lourdes, dont il a été maire et qui se situe à une vingtaine de kilomètres à peine de Lestelle-Bétharram.

([92]) Thomas Longué, « Deux ministres en pèlerins », Sud Ouest, 5 mai 1996.

([93]) Audition du mercredi 26 mars 2025, précitée.

([94]) Table ronde des représentants de collectifs de victimes du jeudi 20 mars 2025, à 10 heures 30.

([95]) David Perrotin, Antton Rouget, « Dès 1993, l’État a été alerté des maltraitances de Bétharram », Mediapart, 19 février 2025.

([96]) Annexe n° 9.

([97]) On comprend de cette formulation que Serge L., auteur du coup porté à la victime, était très probablement un élève-surveillant.

([98]) Loi du 5 avril 1937 modifiant les règles de la preuve en ce qui concerne la responsabilité civile des instituteurs et le dernier alinéa de l’article 1384 du code civil relatif à la substitution de la responsabilité de l’État à celle des membres de l’enseignement public.

([99]) Il revient ensuite à l’État, le cas échéant, d’engager une action récursoire contre l’intéressé.

([100]) Les dispositions de la loi du 5 avril 1937 se trouvent aujourd’hui codifiées, dans des termes similaires, à l’article L. 911-4 du code de l’éducation. L’article L. 442-20 du même code, qui liste l’ensemble des articles applicables aux établissements d’enseignement privé sous contrat, ne le mentionne pas.

([101]) « Affaire Bétharram : ce qu’on savait vraiment en Béarn à la fin des années 1990 », La République des Pyrénées, 25 février 2025.

([102]) Annexe n° 10.

([103]) Annexe n° 11.

([104]) « Peut-être que j’aurais dû la croire », art. cit.

([105]) Robin Richardot, « À Notre-Dame-de-Bétharram, le régime de la terreur », Le Monde, 13 mai 2024.

([106]) Rappelons en outre qu’en l’occurrence, le viol s’accompagne de la circonstance aggravante d’avoir été commis sur un mineur de 15 ans : le jeune Franck avait 10 ans au moment des faits.

([107]) Audition du 10 avril 2025, précitée.

([108]) Audition du mercredi 7 mai 2025, à 15 heures.

([109]) Me Sagardoytho accompagne aujourd’hui une partie des victimes de Notre-Dame de Bétharram.

([110]) Annexe n° 12.

([111]) Audition du 14 mai 2025, à 17 heures.

([112]) M. Moinard, ancien dirigeant de l’association professionnelle des magistrats, a quitté l’administration centrale du ministère de la justice en 1998 pour devenir procureur général de Bordeaux, avant un retour comme secrétaire général de la Chancellerie en 2005.

([113]) M. Le Mesle a quitté l’administration centrale du ministère de la justice en 1999, et deviendra quelques années plus tard conseiller de Jacques Chirac à l’Élysée, puis directeur de cabinet de Dominique Perben en 2004 et de Pascal Clément en 2005. Il terminera sa carrière comme premier avocat général près la Cour de cassation.

([114]) « L’indépendance de la Chancellerie a ses limites », La Tribune, 18 novembre 1998.

([115]) Anne Chemin, « La gestion téléphonique des affaires par M. Moinard », Le Monde, 6 mai 1997.

([116]) Audition du 7 mai 2025, précitée.

([117]) Yann Saint-Sernin, Gabriel Blaise, « Affaire Bétharram : la décision judiciaire qui accablait l’établissement et le père Carricart dès 2006 », Sud Ouest, 11 mai 2025.

([118]) En 2024, Franck L, le premier plaignant, a récemment saisi la Commission reconnaissance et réparation (CRR).

([119]) Audition du 7 mai 2025, précitée.

([120]) Annexe n° 13.

([121]) Audition du jeudi 10 avril 2025, précitée.

([122]) M. Polikva co-présidera en 2006-2007 un comité de soutien à François Bayrou dans le cadre de sa campagne à l’élection présidentielle.

([123]) Violaine Morin, Éléa Pommiers, « Affaire de Bétharram : 30 ans d’inertie à l’Éducation nationale », Le Monde, 3 mars 2025.

([124]) Annexe n° 14.

([125]) Annexe n° 7.

([126]) Pour rappel, il s’agit de l’élève dont le père avait porté plainte en avril 1996.

([127]) Table ronde du 9 avril 2025, à 17 heures.

([128]) Annexe n° 15.

([129]) C’est-à-dire – hasard du calendrier ? – deux semaines après la survenue de nouvelles violences, dont l’une, sur l’élève Jonathan, faisait planer un risque d’une nouvelle plainte des parents (voir c. supra).

([130]) « Affaire de Bétharram : trente ans d’inertie à l’éducation nationale », art. cit.

([131]) Annexes nos 16 et 17.

([132]) Le courrier dactylographié envoyé à Paris n’utilise pas le terme « libre » mais le terme « catholique », et précise que « cet accord est rendu nécessaire puisqu’il s’agit d’un établissement privé sous contrat ».

([133]) « Deux ministres en pèlerins », art. cit.

([134]) Audition du 10 avril 2025, à 12 heures. Ces faits sont également décrits au 1. de la présente partie, p. 15.

([135]) Le silence de Bétharram, op.cit.

([136]) « Abus à Sorèze : le témoignage choc d’un ancien directeur », La Dépêche du Midi, 21 mars 2025.

([137]) Au Relecq-Kerhuon toutefois, l’écrasante majorité des témoignages décrit des violences physiques et psychologiques, d’une rare gravité. Peu de violences à caractère sexuel sont rapportées. Cet établissement n’accueillait que des externes.

([138]) L’un des mis en cause pour des faits de violences sexuelles à Saint-Dominique de Neuilly, qui exerçait encore comme proviseur de deux établissements privés catholiques des Yvelines (l’Institut Notre-Dame de Saint-Germain-en-Laye et le lycée Jean-Paul-II de Sartrouville) début 2025, a été suspendu par la direction diocésaine de l’enseignement catholique, à la demande du rectorat, le 5 avril 2025. Voir notamment Thibault de Surville, Sébastien Birden, « Violences sexuelles : malaise dans les Yvelines après la suspension du proviseur de deux établissements catholiques », Le Parisien, 9 avril 2025.

([139]) Table ronde du jeudi 20 mars 2025, à 10 heures 30.

([140]) Emma Ferrand, « Après l’affaire Bétharram, d’autres accusations visent un collège de Dax », Le Figaro, 27 février 2025.

([141]) Mélanie Tournade, Margaux Longeroche, « Violences physiques et sexuelles à Sainte-Croix-des-Neiges », Ici Haute-Savoie, 20 mars 2025.

([142]) « C’était la terreur », Le Télégramme, 26 février 2025.

([143]) Cet aspect ne se retrouve toutefois pas, ou de façon bien moins caricaturale, à l’établissement Saint‑Dominique de Neuilly. Le collectif de Sainte-Croix-des-Neiges évoque quant à lui, plutôt qu’une réputation d’éducation « à la dure », « un système assez totalitaire, reposant sur une forte pression psychologique, "l’esprit SCN" ».

([144]) « C’était la terreur », art. cit.

([145]) Coppéla Piccolo, « Affaire Bétharram :"J’ai mis le genou à terre, mais je ne me suis jamais effondré, j’ai seulement choisi le déni" », Libération, 1er mars 2025.

([146]) Table ronde du jeudi 20 mars 2025, précitée.

([147]) Table ronde du jeudi 20 mars 2025, précitée.

([148]) Témoignage issu des verbatims transmis par le collectif de victimes du collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon.

([149]) « Violences physiques et sexuelles à Sainte-Croix-des-Neiges », art. cit.

([150]) Le silence de Bétharram, op.cit., p. 227.

([151]) Audition du jeudi 20 mars 2025, à 17 heures.

([152]) De ce point de vue, Riaumont présente un certain nombre de caractéristiques communes avec les établissements du Bon Pasteur, notamment d’Angers, que l’on ne retrouve pas ailleurs : enfants relevant de l’aide sociale, scolarisation intermittente, travail forcé, etc.

([153]) Les statuts de l’association ont été déposés en préfecture le 9 mai 1957.

([154]) Lui-même pris en application de l’arrêté interministériel du 13 juillet 1960.

([155]) La direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) fournissant à l’association le « prix de journée » correspondant à l’hébergement quotidien de chaque enfant.

([156]) L’agrément de 1961 – qui expire en 1963 – n’est par exemple renouvelé que le 9 décembre 1971, sans que le placement d’enfants ait été interrompu. De même, l’agrément de 1971 n’est pas renouvelé avant 1979, la demande d’habilitation définitive déposée en 1974 n’ayant pas été acceptée. Les archives témoignent par la suite de la difficulté, pour les services de l’État, à régulariser la situation : le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de la direction de l’éducation surveillée relèvera en juin 1981 que « le refus d’habilitation, compte tenu du contexte général de cette affaire, est difficilement envisageable, ne serait-ce que parce qu’une telle décision, en vertu de la réglementation en vigueur, aurait dû être prise dès 1974 ».

([157]) Rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de la direction de l’éducation surveillée, remis en juin 1981.

([158]) Audition du 20 mars 2025, à 10 heures 30.

([159]) « Au village d’enfants Riaumont, victimes et députés dans "un climat de tension" », Le Monde, 5 avril 2025.

([160]) « Violences à l’internat », Envoyé spécial, France 2, diffusé le 14 novembre 2019.

([161]) Ixchel Delaporte, Les enfants martyrs de Riaumont, Enquête sur un pensionnat intégriste, Éditions du Rouergue, 2022.

([162]) Idem.

([163]) Inspection générale des affaires sociales et direction de l’éducation surveillée, rap. cit.

([164]) Bien qu’il estime avoir été victime de cinq auteurs différents.

([165]) Le 10 décembre 1969, Mme Clément, femme du chef d’établissement du collège de Liévin, témoignait de faits préoccupants parmi lesquels des traces de bleus sur le bras d’un élève, ainsi que de la peur généralisée des enfants qu’elle voyait passer dans l’établissement.

([166]) Annexe n° 20.

([167]) Édition du 11 décembre 1979.

([168]) Édition du 21 décembre 1979.

([169]) Ixchel Delaporte, op. cit.

([170]) Courrier du 23 janvier 1980, transmis par les Archives nationales.

([171]) Courrier du 9 février 1981, transmis par les Archives nationales.

([172]) Après des inspections menées par le ministère de la justice et la Ddass en juin 1979 et janvier 1980.

([173]) Courrier au ministre de la solidarité nationale, le 28 avril 1982, transmis par les Archives nationales.

([174]) Deux facteurs semblent alors jouer : d’une part, les réticences locales ; d’autre part, la priorisation croissante des placements en famille d’accueil, préconisée par le ministère, au détriment des placements en internat.

([175]) L’évolution de la structure, avec la mise à l’écart d’Albert Revet, avait été évoquée à plusieurs reprises avec les responsables de l’association. L’association Notre-Dame de Riaumont est créée le 17 août 1982.

([176]) Malgré l’absence d’autorisation pour accueillir des jeunes qui ne soient pas officiellement placés, le village accueille, à partir de 1977, de jeunes réfugiés d’Asie du Sud-Est confiés par l’Association de l’amitié France-Laos. Si la Ddass ne place pas formellement ces jeunes, elle verse tout de même, sur demande du ministère de la coopération, un « prix journée » pour financer leur hébergement.

([177]) Ce sera à nouveau le cas d’une étude diligentée en 2011, où les services départementaux qualifient l’établissement de « pensionnat de garçons et d’une école hors contrat ».

([178]) L’article L. 441-2 du code de l’éducation disposait alors que « L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, soit d’office, soit sur la requête du procureur de la République, peut former opposition à l’ouverture d’une école privée, dans l’intérêt des bonnes mœurs ou de l’hygiène ».

([179]) Numéro d’immatriculation qui est toujours mis en avant, au moment de la rédaction du présent rapport, sur son site internet. D’après les informations qui s’y trouvent, l’établissement est aujourd’hui en « en vacances pour restructuration ».

([180]) Projet de rapport transmis par l’académie de Lille.

([181]) Annexes nos 21 et 22.

([182]) Audition du 15 mai 2025, à 14 heures.

([183]) Note du recteur du 6 juin 2017, voir annexe n° 22.

([184]) Ce qui ne l’empêchera pas d’attaquer, devant le tribunal administratif, la radiation de l’établissement des listes académiques.

([185]) Loi n° 2018-266 du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat.

([186]) Arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 10 janvier 2025.

([187]) Mouvement de scoutisme unitaire lié à l’institut Sainte-Croix de Riaumont, qui existe parallèlement au village d’enfants depuis 1960 et s’est constitué en association depuis 1999. Le groupe était présent à Liévin, Fontgombault et Paris.

([188]) Arrêté du préfet de la Vienne du 15 mai 2025.

([189]) Cette condamnation n’est pas définitive, l’accusé ayant interjeté appel. Il est donc présumé innocent.

([190]) Peine d’emprisonnement d’au moins 10 ans.

([191]) Code pénal ancien, article 309.

([192]) Code pénal ancien, article 311.

([193]) Code civil des Français, titre IX.

([194]) Code civil des Français, articles 375 et 376.

([195]) Cass.Crim., 17 décembre 1819.

([196]) Cass. Crim., 4 décembre 1908.

([197]) Claude Lelièvre, « Châtiments corporels, rôle de l’obéissance et principes républicains », Le café pédagogique, 19 mars 2025.

([198]) Table ronde du jeudi 20 mars 2025, précitée.

([199]) Iban Carpentier, «  Violences physiques et sexuelles dans les écoles : le collectif des victimes dépose neuf nouvelles plaintes à Bayonne », Ici Pays-Basque, 28 mai 2025.

([200]) Solenn Royer, « Le silence de l’éducation nationale en procès », La Croix, 20 juin 2001.

([201]) Idem.

([202]) Marie-Amélie Lombard, « Kaisermertz, l’instituteur pédophile aux assises », Le Figaro, 11 juin 2001.

([203]) Grégoire Biseau, « Au collège Saint-Michel de Picpus, le prêtre prédateur et la reconnaissance inachevée de ses victimes », Le Monde, 4 mai 2025.

([204]) https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/inattendu-betharram-violences-sexuelles-pedocriminalite

([205]) Éric Debarbieux, La violence en milieu scolaire, état des lieux, vol. 1, 1996, p. 19.

([206]) J.P. A, « Quel type d’éducation ? », Sud Ouest, 15 avril 1996.

([207]) Audition du jeudi 20 mars 2025, à 17 heures.

([208]) Depp, Note d’information n° 84-41, 22 octobre 1984.

([209]) Jean-François Lepage, L’internat scolaire, Réflexions préalables à l’élaboration d’un projet éducatif pour rénover un internat scolaire de garçons, mémoire de licence en sciences de l’éducation, Université Lumière Lyon 2, 1994.

([210]) Voir notamment Céline Bryon-Portet, « Soldat et homme d’Église : convergences et divergence », Inflexions, 2009/1, n° 10.

([211]) Jean-Marc Sauvé, Les violences sexuelles dans l’Église catholique – France 1950-2020, rapport final, 5 octobre 2021, p. 319.

([212]) Idem, p. 363.

([213]) Rapport de la Ciase, rap.cit., p. 19.

([214]) La tendance des autres institutions, notamment publiques, et en particulier de l’éducation nationale, à se protéger de ce type d’affaires, a déjà été abordée et sera de nouveau très largement abordée dans les parties suivantes.

([215]) Rapport de la Ciase, rap. cit., p. 290.

([216]) Idem, p. 316.

([217]) Le rapport de la Ciivise précise ainsi qu’« en 1977, dans le contexte de remise en cause globale des normes sexuelles qui suit mai 1968, une soixantaine de personnalités signent une tribune dénonçant la détention provisoire de trois hommes ayant violé des enfants âgés de 13 à 14 ans. Les signataires réclament leur libération au nom du consentement supposé des victimes ».

([218]) Alice Miller, C’est pour ton bien : racines de la violence dans l’éducation de l’enfant, Aubier, 1984.

([219]) Voir notamment : Anne Tursz, « Les conséquences de la maltraitance dans l’enfance sur la santé physique et mentale à l’âge adulte : approche épidémiologique de santé publique », Revue française des affaires sociales, 2013, n° 1-2.

([220]) Muriel Salmona, « L’impact psychotraumatique de la violence sur les enfants : la mémoire traumatique à l’œuvre », La revue de sante scolaire et universitaire, janvier-février 2013, n° 19.

([221]) Organisation mondiale de la santé, Violences à l’encontre des enfants, novembre 2022.

([222]) « Air du temps. Cinq mille francs avec sursis pour une claque », La Croix, 13 juin 1996.

([223]) A contrario, la Cour de cassation avait considéré « dès » 1923 que les mœurs ne permettaient plus de reconnaître de droit de correction de l’époux sur son épouse (Cass. Crim., 9 février 1923).

([224]) Les Français et l’interdiction des châtiments corporels envers les enfants, institut Ifop pour Le Figaro, mars 2015.

([225]) Défenseur des droits, La vie privée, un droit pour l’enfant, 2022.

([226]) CA Metz, ch. corr., 18 avr. 2024, n° 24/00178.

([227]) Claire Legros, « Les silences autour de Bétharram en disent long sur le problème de la France à l’égard des droits de l’enfant », Le Monde, 7 mars 2025.

([228]) Ciase, rap. cit., pp. 33-34. Le rapport précise toutefois à raison que le nombre comme le taux de classements sans suite des infractions commises sur des mineurs restent extrêmement élevés.

([229]) Aude Lorriaux, Tableau noir : Violences sexuelles entre enfants, le phénomène massif que l’école ne veut pas voir, Stock, 2025, p. 118.

([230]) Le collectif Jamac s’est constitué le 9 mai 1998 autour de cinq enseignants mis en cause par des élèves pour des agressions sexuelles et qui clamaient leur innocence. L’acronyme Jamac reprenait l’initiale des prénoms de ces cinq mis en cause, Jacques, Alain, Michel, André, Charles. L’association du collectif Jamac a été dissoute le 25 août 2011 par ses membres, constatant qu’ils étaient de moins en moins sollicités.

([231]) Sandrine Blanchard, Nathalie Guibert, « La circulaire Royal suscite encore le débat chez les enseignants », Le Monde, 17 février 2001.

([232]) Paul Bensussan, Florence Rault, La dictature de l’émotion - la protection de l’enfant et ses dérives, Belfond, 2002.

([233]) « On est entré dans l’ère du soupçon », Le Figaro, 4 mai 2002.

([234]) Audition du 20 mai 2025, à 14 heures.

([235]) Caroline Politi, « Pédophilie à l’école : l’arbre qui cache la forêt ? », L’Express, 14 avril 2015.

([236]) Voir seconde partie, II C 1.

([237])  https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/inattendu-betharram-violences-sexuelles-pedocriminalite

([238]) Idem.

([239]) Idem.

([240]) Idem.

([241]) Ces deux personnes seront d’ailleurs condamnées par la justice en 1995, la seconde pour non-dénonciation des faits reprochés au premier.

([242]) À l’exception notable de celles du diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron, dont l’évêque toujours en poste, Marc Aillet, a refusé l’ouverture, sous le prétexte du respect du Règlement général de protection des données (RGPD).

([243]) Comme cela déjà évoqué supra et comme l’a expliqué Jean-Marc Sauvé lors de son audition du jeudi 20 mars 2025 à 17 heures devant la commission, cette prévalence près de trois fois supérieure des violences sexuelles dans les établissements privés catholiques s’explique en grande partie par la présence d’internats plus nombreux en leur sein.

([244]) La responsabilité de l’Église avait pourtant déjà été reconnue par la Conférence des évêques de France, dès le 5 novembre 2021.

([245]) « Abus sexuels dans l’Église : un rapport d’intellectuels catholiques pointe les failles et les biais de la commission Sauvé », Le Figaro, 27 novembre 2021.

([246]) La clause très contestée dite « Roméo et Juliette » prévoit toutefois une exception lorsque la différence d’âge entre le mineur de moins de 15 ans et le majeur est inférieure à cinq ans. Dans ce cas, les éléments constitutifs du viol (usage de violence, menace, contrainte ou surprise) devront être établis.

([247]) Les violences sexuelles commises par des inconnus dans l’espace public représentent 8 % des cas.

([248]) Dorothée Dussy, Le berceau des dominations, anthropologie de l’inceste, Pocket, avril 2021.

([249]) Conférence de presse du 15 février 2025.

([250]) Audition du jeudi 20 mars 2025, à 17 heures.

([251]) https://www.info.gouv.fr/actualite/de-nouvelles-mesures-pour-lutter-contre-les-violences-faites-aux-enfants

([252]) SSMI, Interstats – Info rapide, n° 47, février 2025.

([253]) Idem.

([254]) SSMSI, enquête Vécu et ressenti en matière de sécurité (VRS), 2023.

([255]) SSMI, Panorama des violences en France métropolitaine, enquête Genèse 2021, novembre 2022.

([256]) Audition du jeudi 3 avril 2025, à 10 heures.

([257]) Correspondant à des infractions caractérisées, et dont l’auteur et/ou la victime sont localisés en France, selon les précisions transmises par l’Ofmin dans les réponses écrites adressées aux rapporteurs.

([258]) Marie Mercier, Michelle Meunier, Dominique Vérien, mission commune d’information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d’organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d’être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l’exercice de leur métier ou de leurs fonctions, Sénat, n° 529 (2018-2019), 28 mai 2019.

([259]) Tables rondes du jeudi 3 avril 2025, à 11 heures, et du mercredi 30 avril 2025, à 16 heures.

([260]) Enquête par échantillonnage issue du système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire.

([261]) Audition du lundi 31 mars 2025, à 15 heures.

([262]) Les faits enregistrés le sont au moment où ils sont signalés au chef d’établissement, au directeur d’école ou à l’inspecteur de circonscription. Cet enregistrement ne présume pas des suites disciplinaires ou judiciaires qui pourraient éventuellement y être données.

([263]) Cette situation est en passe d’évoluer à la suite des annonces de la ministre Élisabeth Borne, qui seront détaillées dans la seconde partie du présent rapport.

([264]) L’enseignement agricole regroupe environ 217 000 élèves et apprentis, dont 44 % sont scolarisés dans des établissements publics et 56 % dans des établissements privés.

([265]) Table ronde du mercredi 30 avril 2025, à 14 heures.

([266]) À rapporter aux 1 200 cas sur l’année scolaire enregistrés par l’éducation nationale sur ses quelque 52 000 établissements publics.

([267]) Voir encadré ci-dessous.

([268]) Voir seconde partie, I A 1.

([269]) Audition du mardi 25 mars 2025, à 16 heures 30.

([270]) Certains des faits ainsi signalés pourraient également avoir fait l’objet d’enregistrements dans Faits établissement, en ayant été par ailleurs signalés au directeur de l’école ou au chef de l’établissement concerné.

([271]) Audition du lundi 31 mars 2025, à 18 heures.

([272]) Les mérites et limites des différents canaux de signalement seront analysés dans la seconde partie du présent rapport.

([273]) La Lettonie et la Moldavie fournissent toutefois des données très précises, et l’Espagne indique en publier chaque année, voir annexe n° 51.

([274]) Ces données sont toutefois à mettre en rapport avec les quelque 50 000 établissements scolaires et les 9 à 10 millions d’élèves concernés (hors établissements privés, d’enseignement agricole et relevant du ministère des armées).

([275]) Audition du jeudi 3 avril 2025, à 10 heures.

([276]) Yves Bottin, Catherine Champrenault, Mission de prévention des violences sexuelles en milieu scolaire, rapport annuel 1998-1999. Il semble que ce premier rapport annuel ait également été le dernier, ou que les rapports ultérieurs ne contenaient pas de données chiffrées. En tout état de cause, aucun autre rapport de ce type n’a été transmis aux rapporteurs par le ministère de l’éducation nationale.

([277]) Aucune précision de cette nature n’a été fournie aux rapporteurs s’agissant des 280 faits enregistrés en 2023-2024.

([278]) Voir deuxième partie, II A.

([279]) Enquêtes de climat scolaire et de victimation auprès des élèves, précitées, consultables sur cette page : https://www.education.gouv.fr/les-enquetes-nationales-de-climat-scolaire-et-de-victimation-323459

([280]) Dans le cas du premier degré, le fait est renseigné dans l’application par le directeur de l’école ou par l’inspecteur de circonscription.

([281]) L’analyse des causes structurelles, notamment organisationnelles, de cette persistance de la loi du silence, sera développée dans la seconde partie du présent rapport.

([282]) Table ronde du jeudi 3 avril 2025, à 11 heures.

([283]) Table ronde du 26 mars 2025, à 15 heures.

([284]) Cette jeune fille de 13 ans est morte le 6 août 2020 d’un arrêt cardiaque à la suite de la dénutrition et des actes de violences, y compris de torture et de barbarie, que lui faisaient subir sa mère et le compagnon de celle-ci. Plusieurs signalements auraient déjà été effectués entre 2010 et 2014 par le personnel de ses écoles maternelle et primaire. Elle s’était également confiée à une surveillante de son collège. La mère d’Amandine a été condamnée le 24 janvier 2025 à la réclusion criminelle à perpétuité avec une peine de sûreté de vingt ans et son beau-père à une peine de vingt ans de réclusion.

([285]) Table ronde du jeudi 27 mars 2025, à 10 heures.

([286]) Claire Checcaglini, « "La perversité était ce qui le caractérisait le plus" : après le suicide d’un professeur accusé d’agressions sexuelles, d’anciens élèves d’un lycée de la Marne attaquent l’État », cellule investigation de Radio France, 11 avril 2025.

([287]) Idem.

([288]) Cette citation, de même que les suivantes, sont issues, sauf précision contraire, du rapport de l’inspection générale précité.

([289])  Association fondée en 2013 par Sébastien Boueilh, ancien rugbyman professionnel victime de violences sexuelles dans le milieu sportif alors qu’il était mineur. Cette association, qui lutte contre les violences sexuelles, a été reconnue d’utilité publique en 2020.

([290]) Ceci démontre l’importance que peut avoir la présence de vigies externes dans la gestion de ce type de situations. Cet aspect fera l’objet de développements spécifiques dans la seconde partie du présent rapport.

([291]) Annexe n° 34.

([292]) Table ronde du mercredi 30 avril 2025, à 16 heures.

([293]) Table ronde du mercredi 30 avril 2025, à 15 heures.

([294]) Henri Seckel, « L’ex-directeur de Saint-Jean-de-Passy jugé coupable d’agression sexuelle », Le Monde, 6 juin 2025.

([295]) M. Chapellier a interjeté appel et est donc à ce jour présumé innocent.

([296]) Cécile Chambraud, « Après la mise en examen de Daniel Chapellier pour "agression sexuelle sur mineur de 15 ans", la direction de Saint-Jean-de-Passy a fait part de sa "stupeur" », Le Monde, 13 février 2021.

([297]) David Perrotin, « L’ex-directeur des lycées Stanislas et Saint-Jean-de-Passy jugé pour agression sexuelle sur mineur », Mediapart, 20 mai 2025.

([298]) Idem.

([299]) Marion Fersing, Hélène Roussel, « Lycée Notre-Dame d’Espérance de Saint-Nazaire : le directeur suspecté de comportements inappropriés a été licencié », Ici Loire Océan, 7 mai 2025.

([300]) Loïc Guerringue, « "Je parle pour les autres" : un ancien élève du collège Saint-Joseph témoigne après les accusations d’agressions sexuelles », BFM Dici Alpes-Sud, 19 mai 2025.

([301]) Benoît Lascoux, « Un prof de sport d’un collège privé à Caen mis en examen pour violences sexuelles », Ouest France, 8 mai 2025.

([302]) Arnaud Dufresne, « Collégiens filmés nus à la piscine : de possibles nouvelles victimes et des parents qui appellent à s’unir », La Voix du Nord, 26 avril 2025.

([303]) Alice Marot, « Un ex-enseignant d’une école privée de Bordeaux mis en examen pour 13 viols sur des élèves », Ici Gironde, 14 avril 2025.

([304]) Stilliana Peev, « Viols et agressions sexuelles dans un établissement scolaire catholique près de Nancy », France 3 Grand-Est, 5 avril 2025.

([305]) Audition du mercredi 30 avril 2025, à 16 heures.

([306]) Note émanant de l’équipe académique « Valeurs de la République » en date du 18 janvier 2021.

([307]) Idem.

([308]) Annexe n° 35.

([309]) Courrier en date du 31 janvier 2024 adressé par Anne Bisagni-Faure, rectrice, à M. Christian Espeso, directeur de l’ensemble scolaire Immaculée Conception de Pau.

([310]) L’inspection qui avait suivi avait permis d’établir que ces propos avaient été tenus en cours dans la continuité d’un projet pédagogique consistant notamment en la projection du film Vaincre ou mourir (Paul Mignot et Vincent Mottez, Puy du Fou Films et Studiocanal, 2023), suivi de l’intervention de l’historien Reynald Sécher.

([311]) Rapport définitif de l’inspection de l’Immaculée Conception, juin 2024.

([312]) Aude Bariéty de Lagarde, « À Pau, la suspension du directeur de l’"Immac" ressuscite le spectre de la "guerre scolaire" », Le Figaro, 16 septembre 2024.

([313]) Selon une note interne des services départementaux des renseignements territoriaux des Pyrénées-Atlantiques en date du 12 septembre 2024 transmise aux rapporteurs à la suite de leur contrôle sur pièces et sur place à la préfecture, effectué le 17 mars 2025.

([314]) Mathias Kern, « Affaire de l’Immac à Pau : "Il y a une ambiance extrêmement tendue" dit Marie-Pierre Adrillon de la FEP-CFDT », Ici Béarn Bigorre, 25 septembre 2024.

([315]) Note de la DAF du ministère de l’éducation nationale du 4 décembre 2024.

([316]) La situation de ce lycée sera examinée de façon plus approfondie dans la seconde partie du présent rapport (I A 3).

([317]) Audition du mercredi 9 avril 2025, à 16 heures.

([318]) La situation de ce lycée sera examinée de façon plus approfondie dans la seconde partie du présent rapport (I A 3.).

([319]) Le texte est retranscrit ici tel qu’il a été transmis, ponctuation incluse.

([320]) Alexis Bisson, « Soupçons d’homophobie à Compiègne : l’académie d’Amiens signale la direction de Jean-Paul II au procureur », Le Parisien, 9 juin 2023.

([321]) Guillaume Bernard, « Au lycée catholique Le Caousou, les dérives conservatrices de la direction », Mediacités, 30 septembre 2024.

([322]) M. Goulut fait depuis l’objet d’une enquête pour escroquerie ouverte à la mi-mars 2025 à la suite d’une plainte et d’un signalement au titre de l’article 40 du code de procédure pénale et a été évincé par la tutelle jésuite de l’établissement.

([323]) Guillaume Bernard, « Au lycée catholique Le Caousou, les dérives conservatrices de la direction », art. cit. et Céline Brégand, « Homosexualité, IVG, des enseignants d’un lycée catholique censurés : "on est dans l’obscurantisme le plus total" », France Bleu Région, 15 juin 2023.

([324]) Pierre Jequier-Zalc, « Sexisme, homophobie : la face cachée du lycée du futur directeur de Stanislas », Politis, 12 février 2024.

([325]) Idem.

([326]) Ce compte est toujours consultable sur l’application Instagram. Les derniers témoignages remontent à mai 2021 et la dernière activité à février 2024.

([327]) La pétition, qui contient quelques exemples de témoignages, est toujours consultable sur le site change.org.

([328]) Pierre Jequier-Zalc, « Sexisme, homophobie : la face cachée du lycée du futur directeur de Stanislas », art.cit.

([329]) M. Le Diagon dirige aujourd’hui l’établissement Stanislas, dont il sera question infra.

([330]) Pierre Jequier-Zalc, « Sexisme, homophobie : la face cachée du lycée du futur directeur de Stanislas », art.cit.

([331]) Pierre Jequier-Zalc, Mathieu Slisse « À Marcq Institution, un professeur suspendu pour violences sexuelles après des années d’alertes », Politis, 22 février 2024.

([332]) Bérangère Barret, « Bientôt au collège Stanislas, le directeur de Marcq Institution tente d’éviter le scandale », La Voix du Nord, 21 février 2024.

([333]) David Perrotin, Lorraine Poupon, « L’univers sexiste, homophobe et autoritaire de Stanislas, le "meilleur" lycée de France », Mediapart, 21 juin 2022.

([334]) PV d’audition du 8 juin 2023, annexé au rapport de l’IGESR.

([335]) Notamment, PV d’audition des 16 mai et 9 juin 2023.

([336]) Les préfets sont l’équivalent de surveillants mais peuvent en outre effectuer des missions proches de celles dévolues dans l’enseignement public aux conseillers principaux d’éducation.

([337]) PV d’audition du 8 juin 2023 

([338]) Idem.

([339]) PV d’audition du 16 mai 2023.

([340]) PV d’audition du 17 mai 2023.

([341]) Audition du mercredi 21 mai 2025, à 11 heures.

([342]) Marie-Béatrice Baudet, Sarah Belouezzane, « Les démons du collège Stanislas, citadelle de l’enseignement privé catholique », Le Monde, 2 août 2023.

([343]) Selon le rapport, la jeune fille évoquait pour sa part un simple « pull multicolore ».

([344]) Notamment, PV d’audition des 16 mai, 17 mai, 8 juin, 9 juin 2023.

([345]) Le rapport a toutefois été publié le 16 janvier 2024 par Mediapart, voir David Perrotin, « Affaire Oudéa-Castéra : Mediapart publie le rapport sur Stanislas caché par les ministres ».

([346]) Caroline Pascal avait notamment été interviewée dans le cadre du numéro de l’émission de Complément d’enquête « Stanislas, les dérives d’une école d’excellence » diffusé le 10 octobre 2024.

([347]) Audition du mercredi 21 mai 2025, précitée.

([348]) M. Gautier a été directeur de l’établissement entre 2015 et 2024. Il a succédé à M. Chapellier et a été remplacé, à son départ en retraite, par M. Le Diagon.

([349]) Marie-Estelle Pech, « Agression sexuelle : un professeur des collèges privés Stanislas et Notre-Dame de Sion suspendu », Marianne, 1er février 2024.

([350]) David Perrotin, « Stanislas : un ancien directeur de l’internat va être jugé pour violences volontaires », Mediapart, 15 février 2024.

([351]) « Les démons du collège Stanislas, citadelle de l’enseignement privé catholique », art.cit.

([352]) Cécile Chambraud, « Un ex-cadre d’un lycée catholique d’excellence visé par une enquête judiciaire pour agression sexuelle et violences », Le Monde, 14 décembre 2020.

([353]) L’affaire, également portée devant les juridictions pénales, avait été classée sans suite, du fait de l’impossibilité de prouver la minorité des sujets présentés dans les images.

([354]) « "Coups de cravache, claques derrière la tête, insultes" : l’ex-directeur de l’internat de Stanislas jugé en septembre pour violences », Libération, 15 février 2024.

([355]) Shannon Marini, « L’ancien maître d’internat de Stanislas condamné à un an de prison avec sursis à Valenciennes, pour des violences », France Bleu Nord, 9 septembre 2024.

([356]) Voir 2 b de la présente partie.

([357]) David Perrotin, « L’ex-directeur des lycées Stanislas et Saint-Jean-de-Passy jugé pour agression sexuelle sur mineur », Mediapart, 20 mai 2025.

([358]) Notamment, PV d’audition du 8 juin 2023.

([359]) Audition du mercredi 21 mai 2025, précitée.  

([360]) https://creer-son-ecole.com/reperes-et-statistiques/

([361]) Depp, Repères et références statistiques, enseignements, formation, recherche, 2024.

([362]) Les données de l’éducation nationale pour 2023, dernières disponibles, ne concernent que les élèves de moins de 16 ans, ce qui ne permet pas de rendre compte de l’ensemble des effectifs, notamment en lycée. En 2023, la Depp décomptait environ 84 000 élèves de moins de 16 ans dans les établissements privés hors contrat, dont 60 000 dans le premier degré. En 2021, la Depp décomptait 31 000 élèves dans le second degré privé hors contrat, tous âges confondus. L’association Créer son école évoque pour sa part 130 000 élèves à la rentrée 2024.

([363]) https://www.fondationpourlecole.org/les-ecoles-libres/statistiques/

([364]) https://www.montessori-france.asso.fr/page/155438-presentation

([365]) Céline Parny, « "On va faire quoi des enfants ?" : l’école Montessori de Saint-Maur obligée de fermer pour raisons de sécurité », Le Parisien, 26 mai 2025.

([366]) Julien Coquet, « Soupçons de viols dans une école coranique de Tours : une affaire sortie de l’oubli », La Nouvelle République, 20 décembre 2023.

([367]) Céline Dupeyrat, « Violences sur mineurs : 3 enseignantes d’une école catholique hors contrat mises en examen et placées sous contrôle judiciaire », France Bleu Pays-de-la-Loire, 21 mai 2025.

([368]) Cnal, Enquête sur les écoles/établissements hors contrat, 9 mars 2022.

([369]) Le Cnal est une association créée en 1953 composée de cinq organisations : les délégués départementaux de l’éducation nationale, la fédération des conseils de parents d’élèves, la Ligue de l’enseignement, l’Unsa éducation et le syndicat des enseignants-Unsa (SE-Unsa). Elle promeut notamment la laïcité dans le champ de l’éducation.

([370]) Marguerite de Lasa, « Dérives sectaires : écoles Steiner, un ésotérisme qui dérange », La Croix, 10 mars 2023.

([371]) Jean-Loup Adénor, Maud Mallet, Biche, « École sectaire : "On nous disait qu’on était des élus" », Charlie Hebdo, 12 juin 2023.

([372]) Idem.

([373]) Afin d’éviter toute confusion, il convient de préciser que les méthodes de cette école décrites ici ne présentent aucun lien avec la pédagogie Montessori.

([374]) Jean-Loup Adénor, Maud Mallet, Biche, « École sectaire : "On nous disait qu’on était des élus" », art. cit.

([375]) Simon Gourru, « Une école Montessori sous la surveillance des autorités », Le Parisien, 14 octobre 2023.

([376]) Texte traduit de l’anglais, consultable sur le site internet de la PBCC.

([377]) Robert Laffont, 2021.

([378]) Il convient de préciser que cette yeshiva, qui disposait pourtant d’un site internet public faisant la promotion de ses activités et se présentant très ouvertement comme une école, n’avait pas officiellement déclaré son activité.

([379]) Lucie Soullier, « Soupçons de maltraitance dans une yeshiva », Le Monde, 7 février 2022.

([380]) Lucie Soullier, « Soupçons de maltraitance dans une yeshiva », Le Monde, 7 février 2022.

([381]) https://bethyossef.fr/

([382]) Hélène Haus, « En Seine-Saint-Denis, l’école "modèle" des banlieues ferme ses portes », Aujourd’hui en France, 5 juillet 2020.

([383]) Claire Chaudière, « Espérance Banlieues : le ministère de l’Éducation alerté », France Inter, 11 décembre 2017.

([384]) Daniel Chollet, « Cours privé Charlemagne à Argenteuil : des accusations qui suscitent la polémique », La Gazette – Val d’Oise, 22 décembre 2022.

([385]) Faïza Zerouala, « Espérance banlieues : une enquête pour violences vise ce réseau d’écoles hors contrat », Mediapart, 4 mai 2023.

([386]) Luc Cédelle, « Anne Coffinier, militante hors cadre », Le Monde, 29 octobre 2019.

([387]) Voir notamment Caroline Fourest, « École, silence on privatise », Le Monde, 4 septembre 2010, « Proche de Philippe de Villiers et de la Manif pour tous », L’Union, 8 février 2018, « Nadia Sweeny, Pratiques financières douteuses, dirigeants proches des droites extrêmes : enquête sur la Fondation pour l’école », Politis, 31 janvier 2024.

([388]) Auberi Verne, « Un collège accusé d'être au service de l'extrême droite, dans le Morvan : "aucun mécène n’intervient dans la pédagogie" », France 3 Bourgogne Franche-Comté, 9 avril 2025.

([389]) Pierre-Édouard Stérin, « Pierre-Édouard Stérin : "Face aux injonctions des déconstructeurs, ne plus courber l’échine" », Le Figaro, 17 juillet 2024.

([390]) Élodie Guéguen, « Pierre-Edouard Stérin, le milliardaire au service des droites extrêmes », Cellule investigation de Radio France, 22 février 2025.

([391]) Voir notamment Névil Gagnepain, Victoire Radenne, « Excellence Ruralités, l’enseignement traditionaliste qui fleurit là où l’école publique est en souffrance », Mediapart, 15 avril 2025.

([392]) François-Xavier Clément, La Voie de l’éducation intégrale, Artège, 2021.

([393]) Clara Bamberger, « Stérin, le milliardaire ultraréac, s’attaque à l’école et à la natalité », Le Canard enchaîné, 25 février 2025.

([394]) Cécile Chambraud, « L’établissement catholique Saint-Jean-de-Passy secoué par une violente crise », Le Monde, 12 juin 2020.

([395]) Auxquels il faut ajouter les écoles régionales du premier degré, et les établissements régionaux d’enseignement adapté.

([396]) Article L. 421-1 du code de l’éducation.

([397]) Réponses écrites d’Élisabeth Borne.

([398]) Jusqu’à récemment, ils ne disposaient pas de véritable statut. Si la loi du 21 décembre 2021 prévoit que le directeur d’école « dispose d’une autorité fonctionnelle permettant le bon fonctionnement de l’école et la réalisation des missions qui lui sont confiées », le décret d’application du 14 août 2023 relatif aux directeurs d’école n’en fait plus mention et se contente de disposer que le directeur « a autorité sur l’ensemble des personnes présentes dans l’école pendant le temps scolaire ».

([399]) En revanche, certains personnels non enseignants sont employés par la collectivité responsabledépartement pour les collèges, région pour les lycées.

([400]) Il s’agit notamment du règlement intérieur, du projet d’établissement ou encore des actes relatifs au temps scolaire ou à la structuration pédagogique.

([401]) Par ailleurs, au-delà du budget, l’article L. 421-14 du code de l’éducation prévoit que « l’autorité académique et la collectivité de rattachement sont informées régulièrement de la situation financière de l’établissement ainsi que préalablement à la passation de toute convention à incidence financière. La collectivité territoriale de rattachement demande, en tant que de besoin, à l’autorité académique qu’une enquête soit réalisée par un corps d’inspection de l’État sur le fonctionnement de l’établissement. »

([402]) Note de service du 19 février 2025, publiée au bulletin officiel de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports le 5 juin 2025.

([403]) Si les membres du conseil départemental de l’éducation nationale sont supposés pouvoir inspecter les établissements scolaires, les rapporteurs n’ont pas trouvé trace de ces visites et ne les évoquent donc pas plus avant. Les autres missions des conseils départementaux de l’éducation nationale sont prévues aux articles R. 235-1 et suivants du code de l’éducation.

([404]) L’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a été créée par le décret n° 2019-1001 du 27 septembre 2019, qui fusionne l’inspection générale de l’éducation nationale (IGEN), l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), l’inspection générale de la jeunesse et des sports (IGJS) et l’inspection générale des bibliothèques (IGB).

([405]) Ils peuvent également y procéder à des missions de contrôle des établissements du premier et du second degré dans le cadre d’une programmation annuelle, en dehors de tout signalement.

([406]) Qui agit lui-même sur délégation du recteur.

([407]) Les inspections individuelles ont lieu lors des « rendez-vous de carrière » aux sixième, huitième et neuvième échelons, et concernent les professeurs de l’enseignement public et maîtres contractuels ou agréés des établissements privés.

([408]) Ces enquêtes peuvent également concerner les établissements privés sous contrat, dont les inspecteurs territoriaux sont également chargés du contrôle.

([409]) Une évaluation des établissements, publics mais également privés sous contrat, est désormais prévue par la loi. Si l’évaluation s’est longtemps attachée à mesurer les résultats du système éducatif dans son ensemble, la loi n° 2019-791 pour une école de la confiance du 26 juillet 2019, qui crée le Conseil de l’évaluation de l’école (CEE), instaure une évaluation périodique de chaque établissement. L’évaluation passe d’abord par une auto-évaluation interne par la communauté éducative, puis une évaluation externe réalisée par une équipe d’inspecteurs de l’éducation nationale et d’experts mandatés par le CEE, donnant lieu à la rédaction d’un rapport.

([410]) Article D. 241-25 du code de l’éducation.

([411]) Article D. 241-34 du même code.

([412]) L’article précise : « Notamment aux centres de loisirs, aux transports, aux restaurants, aux bibliothèques et aux caisses des écoles ».

([413]) Article D. 241-35 du code de l’éducation.

([414]) C’est ce qu’a indiqué la Fédération des DDEN, contactée par les rapporteurs.

([415]) Outre le vote du règlement intérieur et l’adoption du projet d’école, le conseil d’école est consulté sur de nombreuses questions qui touchent à la vie de l’établissement.

([416]) Données de la Depp du ministère de l’éducation nationale.

([417]) Comme l’observe la Cour des comptes dans son rapport sur « L’enseignement privé sous contrat » (2023), « les fédérations de l’enseignement privé ne sont pas parties au contrat. Toutefois, dans le cas des établissements catholiques, le président de l’organisme de gestion (OGEC) est également signataire du contrat. »

([418]) Loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat.

([419]) Ce principe de parité renvoie à l’exigence d’un financement équivalent des établissements publics et privés. Il recouvre la règle des « 80-20 », qui implique que les moyens publics accordés à l’enseignement privé se limitent à 20 % du total des dépenses d’éducation.

([420]) Hors Mayotte. Données issues du projet annuel de performances du programme 139 Enseignement privé du premier et second degré pour 2025.

([421]) Étant précisé que les charges sociales et fiscales de l’employeur sont également prises en charge, comme le sont les dépenses de formation continue.

([422]) Projet annuel de performances du programme 139 Enseignement privé du premier et second degré pour 2025.

([423])  Idem.

([424]) Paul Vannier, Christopher Weissberg, rapport d’information de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, en conclusion des travaux d’une mission d’information relative au financement public de l’enseignement privé sous contrat, Assemblée nationale, n° 2423 (XVIe législature), 2 avril 2024.

([425]) Idem.

([426]) Idem.

([427]) Article L. 442-1 du code de l’éducation.

([428]) Article L. 111-1 du code de l’éducation.

([429]) Fiche n °1 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat. Version d’avril 2025. Il s’agit de la dernière version adressée aux inspecteurs.

([430]) Cour des comptes, L’enseignement privé sous contrat, 2023.

([431]) Article L. 442-2 du code de l’éducation.

([432]) Ces dispositions s’ajoutent à celles qui prévalent indépendamment du contrat. L’article L. 241-4 du code de l’éducation prévoit que le contrôle des établissements porte sur « la moralité, l’hygiène, la salubrité, et sur l’exécution des obligations imposées à ces établissements » par le code de l’éducation.

([433]) Article R. 442-15 du code de l’éducation.

([434]) Cour des comptes, rap. cit..

([435]) Cour des comptes, rap. cit..

([436]) Fiche n° 1 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat.

([437]) Cour des comptes, rap. cit..

([438]) En tant qu’agents publics, ils sont soumis aux inspections individuelles dans les mêmes conditions que les enseignants exerçant dans les écoles et établissement publics.

([439]) Réponses écrites de la DSDEN d’Ille-et-Vilaine.

([440]) Par ailleurs, il laisse de côté ceux des enseignants qui ne relèvent pas de la fonction publique : « Pour les professeurs délégués, qui représentent 17 % des enseignants sous contrat, il n’y a pas de règle et ils sont plutôt inspectés à la demande du chef d’établissement, en général lorsqu’ils rencontrent des difficultés. Dans plusieurs établissements visités, des professeurs délégués n’avaient jamais rencontré d’inspecteur » (Cour des comptes, rap. cit.).

([441]) Article L. 442-1 du code de l’éducation : « L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. »

([442]) Conseil constitutionnel, DC n° 84-185 du 18 janvier 1985, Loi modifiant et complétant la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 et portant dispositions diverses relatives aux rapports entre l’État et les collectivités territoriales.

([443]) Conseil constitutionnel, DC n° 77-87 du 23 novembre 1977 Loi complémentaire à la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 modifiée par la loi n° 71-400 du 1er juin 1971 et relative à la liberté de l’enseignement.

([444]) Article L. 442-5 du code de l’éducation.

([445]) Article R. 442-39 du code de l’éducation.

([446]) Comme l’observe la Cour des comptes dans son rapport précité, « le forfait d’externat versé par l’État contribue pourtant à l’essentiel de la rémunération des personnels de direction, de vie scolaire, d’administration et de santé. Le contrôle de ces dépenses, d’un montant total de 686 millions d’euros en 2022, est prévu par le code de l’éducation. L’article R. 442-17 précise qu’il doit permettre de vérifier la conformité de l’utilisation par l’établissement de la contribution de l’État ».

([447]) « Audit des internats, recueil de la parole, formation : le plan du Sgec pour mieux lutter contre les violences scolaires », AEF Info, le 19 juin 2025.

([448]) Prévu à l’article R. 442-16 du code de l’éducation : « Le contrôle budgétaire des établissements d'enseignement placés sous le régime du contrat simple ou du contrat d'association incombe au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département du siège de l'établissement, en liaison avec les inspecteurs généraux de l'éducation, du sport et de la recherche et les services académiques […]. Les établissements mentionnés au premier alinéa sont également soumis aux vérifications de l'inspection générale des finances »

([449]) Paul Vannier, Christopher Weissberg, rap. cit.

([450]) Cour des comptes, rap. cit.

([451]) Audition du 15 mai 2025, à 15 heures 30.

([452]) Inspecteurs académiques régionaux – établissements et vie scolaire.

([453]) Audition du 15 mai 2025, à 14 heures.

([454]) Sgec, L’enseignement catholique 2024-2025, mars 2025.

([455]) Paul Vannier, Christopher Weissberg, rap. cit..

([456]) Audition du 31 mars 2025. Guillaume Odinet, directeur des affaires juridiques du ministère de l’éducation nationale : « Vous avez raison, le Sgec n’apparaît effectivement pas dans les textes législatifs. Il est important de noter qu’aucune loi n’est nécessaire pour établir un dialogue. Ce dialogue n’est d’ailleurs pas institutionnalisé et ne constitue en aucun cas une forme de négociation ou de concertation officielle prévue par les textes. Il s’agit simplement d’une pratique établie. »

([457]) Audition du 7 mai 2025, à 11 heures.

([458]) Cette absence de contrôles concerne aussi les établissements du réseau d’enseignement juif, bien que représentant un nombre bien moindre d’établissements, comme l’expliquait Diane-Sophie Girin : « concernant l’enseignement juif, l’absence de contrôle a longtemps été revendiquée, pour des raisons historiques liées au passé vichyste. L’idée prévalait qu’on ne pouvait pas inspecter ces institutions, qu’il serait trop délicat de faire fermer en cas de problème. »

([459]) Audition du 7 mai 2025 à 11 heures.

([460]) Pour un exemple, voir l’annexe n° 37.

([461]) Pour un exemple, voir l’annexe n° 38.

([462]) Le Sgec paraît être le seul réseau d’établissements privés sous contrat dirigé par une personne nommée par une autorité strictement religieuse.

([463]) Dans ses réponses écrites aux rapporteurs, Élisabeth Borne indique qu’« en ce qui concerne le Sgec, il a été informé, tout au moins en partie, des actions prévues mais pas associé à son élaboration. Le Sgec a été reçu le 7 mars ; le plan était en cours de finalisation à cette date (annonce le 20 mars 2025) et, durant l’entretien, certaines mesures du plan ont été présentées. Les autres réseaux représentant le privé sous contrat, les organisations professionnelles de chefs d’établissements et les organisations syndicales ont été informés également. » Pourtant, les réseaux protestant, musulman et des langues régionales ont précisé, dans leurs réponses écrites, ne pas avoir été sollicités avant l’annonce du plan, ce qui a bien été le cas du Sgec.

([464]) Réponses écrites de la Fédération nationale de l’enseignement privé musulman.

([465]) Annexe n° 39.

([466]) Idem.

([467]) Audition du 15 mai 2025, à 15 heures 30.

([468]) Décret n° 2014-133 du 17 février 2014 fixant l'organisation de l'administration centrale des ministères de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et de l'enseignement supérieur et de la recherche.

([469]) Réponses écrites d’Élisabeth Borne.

([470]) Réponses écrites du Sgec.

([471]) Idem.

([472]) Le directeur diocésain préside le conseil de tutelle diocésaine et est secrétaire général du comité diocésain de l’enseignement catholique.

([473]) Réponses écrites du Sgec.

([474]) Apel, Le fonctionnement de l’Enseignement catholique, 2022.

([475]) Réponses écrites du Sgec.

([476]) Table ronde du 30 avril 2025, à 16 heures.

([477]) Sgec, L’enseignement catholique 2024-2025, mars 2025.

([478]) Article R. 442-39 du code de l’éducation.

([479]) Audition du 2 avril 2025, à 10 heures.

([480]) Cour des comptes, rap. cit.

([481]) Sgec, Les chiffres de l’enseignement catholique 2024-2025, mars 2025. « Une unité pédagogique est une école, un collège ou un lycée (général, technologique, professionnel ou polyvalent). Un établissement peut comporter une ou plusieurs unité(s) pédagogique(s). »

([482]) La Fnogec réunit 90 unions régionales (Urogec) et départementales (Udogec) pour un total de plus de 4 200 Ogec. Comme l’indique le Sgec, « l’Union des réseaux congréganistes de l’enseignement catholique (URCEC) est, quant à elle, une association de loi 1901 constituée de 94 adhérents qui sont très majoritairement des congrégations disposant d’établissements scolaires sous leur tutelle. Cette simple Union a essentiellement pour objet de favoriser la connaissance mutuelle de ses membres ; de les aider dans l’exercice de la tutelle et de les représenter dans les diverses instances de l’Enseignement catholique au plan diocésain, interdiocésain et national. »

([483]) Réponses écrites de la Ferc-CGT.

([484]) Le directeur de l’établissement Le Beau Rameau avait notamment fait part aux rapporteurs, au cours de leur contrôle sur pièces et sur place, de ses difficultés à gérer seul la très forte exposition de son établissement dans le contexte de l’éclatement de l’affaire Bétharram.

([485]) Selon Diane-Sophie Girin lors de la table ronde du 7 mai 2025 à 11 heures.

([486]) Réponses écrites de Fabienne Buccio, préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfète du Rhône.

([487]) Voir Première partie, II B 3 a.

([488]) Ordonnance du tribunal administratif de Lyon, 12 mars 2025.

([489]) Rapport de l’IGESR sur le lycée Averroès, juin 2020.

([490]) Idem.

([491]) L’ensemble de ces contrôles sont cités dans le rapport de saisie de la commission de concertation datée du 27 octobre 2023.

([492]) Lors d’une conférence de presse tenue le 24 avril 2025 aux côtés dudit préfet, le ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, a rappelé que cette décision était endossée par le gouvernement.

([493]) Prévue à l’article L. 442-10 du code de l’éducation.

([494]) Audition du 9 avril 2025, à 16 heures.

([495])                                                                       Annexe n° 42.

([496]) Interrogé à ce sujet lors de son audition, Xavier Bertrand a affirmé avoir été invité par le préfet, Georges-François Leclerc : « Lors de cette commission de concertation, je ne suis pas invité pour voter. Je suis convoqué comme président de la collectivité, pour présenter la position de la région et motiver ma décision. Les autres membres sont là pour voter. D’ailleurs, j’ai quitté la salle au moment du vote. »

([497]) Annexe n° 43.

([498]) Lien vers la décision : https://lille.tribunal-administratif.fr/decisions-de-justice/dernieres-decisions/le-tribunal-annule-la-decision-mettant-fin-a-l-association-entre-l-etat-et-le-lycee-prive-averroes.

([499]) Interrogé par la commission, l’ancien ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye a assuré ne pas avoir eu connaissance de cette démarche du ministère de l’intérieur.

([500]) Table ronde du mercredi 7 mai 2025, à 11 heures.

([501]) Audition du 15 mai 2025, à 14 heures.

([502]) Loi n° 2018-266 du 13 avril 2018 visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat.

([503]) Comme le souligne le rapport législatif n° 774 (XVe législature) du 20 mars 2018 du député Michel Zunkeller sur la proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d’ouverture et de contrôle des établissements privés hors contrat, les dispositions, auparavant éparses, prévoyaient des exceptions : « Le maire ne peut s’opposer à l’ouverture d’un établissement secondaire, et il en va de même pour le préfet à l’égard des établissements primaires. »

([504]) L’ensemble des motifs d’opposition sont les suivants : « 1° Dans l’intérêt de l’ordre public ou de la protection de l’enfance et de la jeunesse ; 2° Si la personne qui ouvre l’établissement ne remplit pas les conditions prévues au I du présent article ; 3° Si la personne qui dirigera l’établissement ne remplit pas les conditions prévues à l’article L. 914-3 ; 4° S’il ressort du projet de l’établissement que celui-ci n’a pas le caractère d’un établissement scolaire ou, le cas échéant, technique. Le représentant de l’État dans le département peut également former opposition à une telle ouverture afin de prévenir toute forme d’ingérence étrangère ou de protéger les intérêts fondamentaux de la Nation. »

([505]) Débats dans l’hémicycle, 2ème séance du 28 mars 2018.

([506]) Réponses écrites de Fabienne Buccio, préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, préfète du Rhône.

([507]) Le guide prévoit qu’« en toute hypothèse, entre ces inspections, les services compétents doivent rester particulièrement attentifs à toute infraction commise notamment par le personnel enseignant ou dirigeant, ou à tout fait ou signalement de nature à alerter sur la situation d’un établissement en particulier. Dans ce cas, ils veilleront à prévoir dans les meilleurs délais une inspection de cet établissement ou mettront en demeure le directeur ou le représentant légal de l’établissement dans les conditions prévues par le IV de l’article L. 442-2 du code de l’éducation. »

([508]) Leurs enseignants ne font en revanche pas l’objet des mêmes inspections pédagogiques individuelles.

([509]) Réponses écrites de Julie Benetti, rectrice de la région académique Île-de-France, rectrice de l'académie de Paris, chancelière des universités de Paris et d'Île-de-France.

([510]) Réponses écrites de Julie Benetti, rectrice de la région académique Île-de-France, rectrice de l'académie de Paris, chancelière des universités de Paris et d'Île-de-France.

([511]) La nouvelle procédure de fermeture ne met pas fin à ces pouvoirs, mais les complète. Le guide du contrôle des établissements hors contrat souligne que « seuls le maire et le préfet sont compétents pour apprécier s’il y a lieu de faire usage de leurs pouvoirs de police administrative générale lorsqu’un contrôle fait apparaître que le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique ou encore le respect de la dignité de la personne humaine l’exigent ».

(2)  Note de service du 19-2-2025 publiée au bulletin officiel de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 5 juin 2025.

([512]) Annexe n° 45.

([513]) Dont les résultats sont présentés dans la note de la DAF du ministère de l’éducation nationale du 3 mai 2024, établie en vue d’une note de la ministre adressée aux recteurs le 20 juin 2024.

([514]) Note de la DAF datée du 3 mai 2024.

([515]) Réponses écrites de la Dgesco et de la DAF du ministère de l’éducation nationale.

([516]) Table ronde du 14 mai 2025, à 10 heures 15.

([517]) Réponses écrites d’Élisabeth Borne.

([518]) Audition du 21 mai 2025, à 16 heures 30.

([519]) Annexe n° 44.

([520]) Réponses écrites de la DAF du ministère de l’éducation nationale.

([521]) Table ronde du 14 mai 2025, à 10 heures 15.

([522]) Réponses écrites d’Élisabeth Borne.

([523]) Idem.

([524]) La détection des violences commises contre des enfants n’avait jusqu’à récemment pas été placée au cœur des contrôles : si la lutte contre le harcèlement était déjà mentionnée dans les premières versions du guide du contrôle qu’ont pu consulter les rapporteurs, la lutte contre les violences a fait l’objet d’un ajout– qui consiste à rappeler, dans la fiche n° 5, consacrée à la vie scolaire les nombreuses dispositions qui s’appliquent à l’ensemble des établissements privés en matière de protection des enfants.

([525]) Table ronde du 14 mai 2025, à 10 heures 15.

([526]) Idem.

([527]) Audition du 21 mai 2025, à 11 heures.

([528]) Idem.

([529]) Audition du 2 avril 2025, à 10 heures.

([530]) Fiche n° 3 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat, version d’avril 2025. Le passage souligné l’a été par les rapporteurs.

([531]) Fiche n° 2 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat, version d’avril 2025.

([532]) Réponses écrites de la Dgesco et de la DAF du ministère de l’éducation nationale.

([533]) Réponses écrites d’Élisabeth Borne.

([534]) Fiche n° 2 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat, version d’avril 2025.

([535]) Fiche n° 2 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat, version d’avril 2025.

([536]) Constance Bertrand, représentant le collectif des victimes l’établissement Saint-Dominique de Neuilly-sur-Seine. Table ronde du 20 mars 2025, à 10 heures 30.

([537]) Didier Vinson représentant les victimes du collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon. Table ronde du 20 mars 2025, à 10 heures 30. La nécessité de contrôles inopinés figure également dans les réponses écrites fournies par le collectif des victimes de Notre-Dame de Garaison.

([538]) Table ronde du 29 avril 2025, à 15 heures. Selon Makhlouf Mamèche, président de la Fnem, « s’agissant des établissements musulmans, qu’ils soient sous contrat ou hors contrat, tous les contrôles sont inopinés ».

([539]) Les réponses écrites de la DSDEN d’Ille-et-Vilaine sont éclairantes à cet égard : concernant les établissements hors contrat, « depuis l’année scolaire 2023-2024, les contrôles sont presque exclusivement effectués de manière inopinée dans l’académie de Rennes » alors que dans la même académie pour les établissements sous contrat, le choix a été fait « de prévenir les établissements en amont par un courrier formalisé signé de la rectrice ». La même différence ressort des réponses écrites de la rectrice de l’académie de Lyon : « les inspections annoncées concernent uniquement la première inspection suite à l’ouverture de l’établissement, les demandes de passage sous contrat et les demandes d’habilitation à recevoir des élèves boursiers. Toutes les autres inspections sont inopinées soit environ 90 % des inspections. »

([540]) Courrier du 29 novembre 2024.

([541]) Audition du 2 avril 2025, à 10 heures. À cette occasion, Philippe Delorme a toutefois admis que des contrôles inopinés pouvaient être menés « dans certains cas » : « Si des faits de maltraitance sont déclarés », « il me paraît parfaitement légitime que des contrôles inopinés aient lieu. »

([542]) https://www.bfmtv.com/replay-emissions/l-interview/face-a-face-elisabeth-borne-21-02_EN-202502210256.html 

([543]) Réponses écrites d’Anne Bisagni-Faure, rectrice de la région académique Auvergne-Rhône-Alpes, rectrice de l’académie de Lyon, chancelière des universités.

([544]) Réponses écrites de la Dgesco et de la DAF du ministère de l’éducation nationale.

([545]) Fiche n° 8 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat.

([546]) Cour des comptes, rap. cit.

([547]) L’article R. 442-61 du code de l’éducation dispose que « le préfet de département instruit la demande, en liaison avec le recteur d’académie, et signe le contrat ».

([548]) Article R. 442-10 du code de l’éducation.

([549]) Article R. 442-62 du code de l’éducation.

([550]) La résiliation du contrat de l’établissement entraîne celle des contrats des enseignants titulaires (maîtres contractuels), qui peuvent alors demander une disponibilité pour rester enseignants dans l’établissement hors contrat, ou solliciter une mobilité via un nouveau contrat dans un autre établissement sous contrat d’association. Ils peuvent enfin demander leur intégration dans l’enseignement public. Les contrats des maîtres délégués sont quant à eux résiliés conformément au décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État.

([551]) Peine introduite par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.

([552]) Fiche n° 5 du guide de contrôle des établissements privés sous contrat.

([553]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([554]) Le B2 recense la plupart des condamnations judiciaires et des sanctions administratives. N’y figurent toutefois pas les décisions prises à l’encontre des mineurs, les contraventions, les condamnations assorties d’une dispense de peine ou d’un ajournement du prononcé de la peine, ainsi que les condamnations avec sursis lorsque le délai d’épreuve a pris fin.

([555]) Article 5 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligation des fonctionnaires : « nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire […] si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l’exercice des fonctions. »

([556]) Institué par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le FIJAISV recense les personnes condamnées ou mises en cause pour certaines infractions sexuelles ou violentes commises à partir de l’âge de 13 ans, incluant notamment l’ensemble des atteintes sexuelles sur mineurs.

([557]) Pour les recrutements nationaux, le contrôle est mené par la DGRH lors des recrutements nationaux. Selon la DAJ, « il est possible de certifier que tous les agents recrutés ont été contrôlés ». Le contrôle est en revanche effectué par l’autorité académique lors des concours académiques. Interrogée sur ces contrôles, la DAJ admet « qu’aucun dispositif de "contrôle des contrôles" n’est prévu. Néanmoins, des rappels fréquents sont effectués, des fiches de procédures ont été transmises et des webinaires sont organisés pour souligner la nécessité de procéder aux vérifications ».

([558]) Instruction du 25 mars 2016 sur la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et du fichier judiciaire national des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) des agents de l'éducation nationale en contact habituel avec des mineurs, publiée au bulletin officiel de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports n° 13 du 31 mars 2016.

([559]) Idem.

([560]) Marie Mercier, Michelle Meunier, Dominique Vérien, rap. cit.

([561]) Idem.

([562]) Réponses écrites de la Dgesco et de la DAF du ministère de l’éducation nationale.

([563]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([564]) Pour les seuls établissements relevant du réseau catholique, le Sgec évoque 80 000 personnes (L’enseignement catholique 2024-2025, mars 2025).

([565]) Fiche n° 5 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat.

([566]) « Les dirigeants de personnes morales de droit public ou privé exerçant auprès des mineurs une activité culturelle, éducative ou sociale au sens de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles peuvent obtenir la délivrance du bulletin n° 2 du casier judiciaire, pour les seules nécessités liées au recrutement d’une personne, lorsque ce bulletin ne porte la mention d’aucune condamnation. La liste de ces personnes morales est déterminée par décret du ministre de la justice et du ou des ministres intéressés. »

([567]) Article D. 571-4 du code de procédure pénale.

([568]) Il s’agit, comme le résume la direction de l'information légale et administrative des services du premier ministre des :

« Condamnations à une peine privative de liberté (par exemple, la prison) supérieures à 2 ans, lorsqu'elles ne sont pas assorties d'un sursis ;

« Condamnations à une peine privative de liberté inférieures à 2 ans, lorsqu'elles ne sont pas assorties d'un sursis et à condition que le tribunal ait ordonné l'inscription de la condamnation sur ce bulletin ;

« Condamnations à des déchéances, interdictions ou incapacités qui ne sont pas assorties d'un sursis (par exemple, déchéance de l'autorité parentale, interdiction d'exercer une activité professionnelle)

« Mesures de suivi socio-judiciaire et peines d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs. L'inscription de ces deux mentions est effacée du B3 à la fin de la mesure ou de l'interdiction. »

([569]) L’article L. 441-2 du code de l'éducation prévoit que le dossier d’ouverture l'extrait B3 du casier judiciaire du déclarant et, s’il ne s’agit pas de la même personne, du directeur.

([570]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([571]) Guide pratique relatif au régime juridique applicable à l’ouverture, au fonctionnement et au contrôle des établissements d’enseignement scolaire privés hors contrat.

([572]) Fiche n° 5 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat. Cette prescription a été ajoutée au cours de la mise à jour : la première version du guide n’évoquait que la « possibilité » pour l’inspecteur d’inviter le chef d’établissement à demander le contrôle.

([573]) Même fiche du guide. Cette phrase a été entièrement ajoutée lors de la mise à jour.

([574]) Article 776 du code de procédure pénale.

([575]) Réponses écrites du Sgec.

([576]) Ces mesures permettraient également aux collectivités territoriales d’accroître le contrôle qu’elles exercent sur leur personnel, qui peut exercer en milieu scolaire.

([577]) Annexe n° 46.

([578]) Audition du 26 mars 2025, à 15 heures.

([579]) Haut conseil de la santé publique, Rapport sur la santé sexuelle et reproductive, 26 avril 2016.

([580]) Voir notamment, IGESR, Éducation à la sexualité en milieu scolaire, rapport n°2021-149, juillet 2021, pp. 7 à 9.

([581]) Voir notamment : Marie Mercier, Michelle Meunier, Dominique Vérien, rap. cit. ; Défenseur des droits, Santé mentale des enfants : le droit au bien-être, rapport annuel 2021, novembre 2021 ; Contribution du Défenseur des droits dans le cadre des travaux de la commission sur l’inceste et les violences sexuelles sur enfants (Ciivise), 9 mai 2022 ; Haut conseil à l’égalité, Rapport annuel 2022 sur l’état du sexisme en France, 7 mars 2022.

([582]) Le Conseil supérieur de l’éducation rassemble des représentants de l’ensemble des acteurs du monde éducatif : enseignants et autres membres du personnel de l’éducation nationale, enseignants et chefs d’établissements de l’enseignement privé, parents d’élève du public et du privé, associations familiales, lycéens, collectivités territoriales, enseignement agricole, associations périscolaires, etc.

([583]) https://www.education.gouv.fr/un-programme-ambitieux-eduquer-la-vie-affective-et-relationnelle-et-la-sexualite-416296

([584]) https://www.apel.fr/actualites/evars-les-reactions-de-lapel-et-de-lenseignement-catholique

([585]) Audition du 2 avril 2025, à 10 heures.

([586]) Un collectif a encore récemment annoncé le dépôt d’un « recours pour abus de pouvoir » (sic) devant le Conseil d’État contre le programme d’Evars.

([587]) Ciivise, rap. cit.

([588]) Idem.

([589]) Réponses écrites de l’association Les maltraitances, moi j’en parle !.

([590]) Loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. L’article D. 542-1 du même code précise que la formation inclut par exemple « l’évolution et la mise en perspective de la politique de protection de l’enfance en France, notamment au regard de la Convention internationale des droits de l’enfant » ou « le positionnement professionnel, en particulier en matière d’éthique, de responsabilité, de secret professionnel et de partage d’informations ». Le même article prévoit que « la formation continue a plus particulièrement pour objectifs la sensibilisation au repérage de signaux d’alerte, la connaissance du fonctionnement des dispositifs départementaux de protection de l’enfance ainsi que l’acquisition de compétences pour protéger les enfants en danger ou susceptibles de l’être ».

([591]) Établi par l’arrêté du 1er juillet 2013 relatif à la formation des enseignants, publié au Journal officiel du 18 juillet 2013.

([592]) Réponses écrites de la DAJ. La Dgesco et la DAF indiquent également que le service social en faveur des élèves peut jouer un rôle en ce qu’il « impulse, en lien avec les personnels de santé, une sensibilisation auprès de la communauté éducative sur le champ des violences sexuelles, en outillant notamment ces professionnels pour repérer les signaux faibles, accueillir la parole de l’enfant et signaler la situation ».

([593]) Réponses écrites du Sgec.

([594]) Idem.

([595]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([596]) Défenseure des droits, décision cadre du 28 janvier 2025.

([597]) Réponses écrites de la Défenseure des droits.

([598]) Table ronde du 30 avril 2025 à 16 heures.

([599]) Table ronde du 3 avril 2025 à 11 heures.

([600]) Table ronde du 30 avril 2025 à 15 heures.

([601]) Réponses écrites de la Snec-CFTC.

([602]) Idem.

([603]) Institut des hautes études de l’éducation et de la formation.

([604]) Réponses écrites de la CGT-enseignement privé.

([605]) Réponses écrites du SNCEEL.

([606]) Site du Sgec : https://enseignement-catholique.fr/livrets-3pf/  

([607]) Audition du 21 mai 2025, à 16 heures 30.

([608]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([609]) Audition du 31 mars 2025, à 15 heures.

([610]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([611]) Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l’éducation nationale (Depp), novembre 2023. 345 conseillers techniques étaient en exercice à la même date.

([612]) Il y avait 5,657 millions d’élèves dans les établissements publics et privés sous contrat du second degré à la rentrée 2023 selon les données de la Depp.

([613]) Défenseure des droits, décision cadre du 28 janvier 2025.

([614]) Audition du 21 mai 2025, à 16 heures 30.

([615]) Arrêté du 20 août 2021 modifiant l’arrêté du 3 novembre 2015 relatif à la périodicité et au contenu des visites médicales et de dépistage obligatoires prévues à l’article L. 541-1 du code de l’éducation, cité par la Dgesco et la DAF du ministère de l’éducation nationale dans leurs réponses écrites.

([616]) Article L. 542-2 du code de l’éducation.

([617]) Cour des comptes, Les médecins et les personnels de santé scolaire, 2020.

([618]) Déclaration d’Élisabeth Borne le 11 juin 2025 à la suite du meurtre d’une surveillante de collège à Nogent.

([619]) François Bonhomme, rapport au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur la proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « médecine scolaire » aux départements volontaires, Sénat, n° 414 (2023-2024), mars 2024. Le rapport relevait que leur répartition était par ailleurs marquée par d’importantes disparités territoriales, avec 79 % des postes de médecins scolaires demeurent vacants dans l’académie de Créteil.

([620]) Depp, rap. cit.

([621]) Idem.

([622]) Discours d’Élisabeth Borne aux assises de la santé scolaire, le 14 mai 2025.

([623]) Ministère de l’éducation nationale, L’éducation nationale en chiffres, édition 2023.

([624]) Robin Réda, rapport d’information déposé en application en application de l’article 146 du règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur la médecine scolaire et la santé à l’école, Assemblée nationale, XVIe législature, n° 1228, mai 2023.

([625]) Ces centres de ressources avaient vocation à accompagner les professionnels confrontés à des cas de violences en milieu scolaire : « Il est évident que dans la réalité des faits, la conduite à tenir n’est pas toujours aisée. C’est pourquoi il vous est demandé d’animer dans chaque département, un centre de ressources, placé sous l’autorité de l’inspecteur d’académie – DSDEN. Ces structures permanentes seront coordonnées par les recteurs aux fins d’harmonisation, d’échanges d’informations et d’expériences. Chaque centre de ressources devra impérativement être composé de représentants de l’administration, des personnels médicaux et sociaux, de psychologues scolaires, de représentants de la communauté scolaire et aura les missions suivantes ». Les rapporteurs n’ont pas trouvé trace de telles cellules, encore mentionnées dans la circulaire dite Lang de 2001.

([626]) Table ronde du 3 avril 2025, à 11 heures.

([627]) Idem.

([628]) Audition du 25 mars 2025, à 16 heures 30. Elle poursuivait : « Concernant les contacts avec l’éducation nationale, je pense que le service social aux élèves devrait être le premier interlocuteur. Nous sommes parfois surpris de recevoir des appels au 119 de la part de proviseurs ou d’enseignants expérimentés qui n’ont pas eu le réflexe de contacter ce service. Je souhaite discuter de cette question avec la Dgesco pour comprendre comment l’information est transmise aux enseignants, notamment aux débutants, sur la marche à suivre en cas de suspicion de problèmes familiaux ou de comportements inappropriés de collègues. »

([629]) Ministère de l’éducation nationale, communiqué de presse de lancement du plan Brisons le silence, agissons ensemble.

([630]) Audition du 14 mai 2025, à 10 heures 15.

([631]) Idem.

([632]) Patrick Bedel, table ronde du 21 mai 2025, à 16 heures 30.

([633]) Table ronde du 14 mai 2025, à 10 heures 15.

([634]) Cour des comptes, rap. cit.

([635]) Table ronde du 3 avril 2025, à 11 heures.

([636]) Audition du 7 mai 2025, à 16 heures.

([637]) Un dispositif similaire, nommé « boîtes de confiance », existe dans certains établissements en Slovaquie. Voir annexe n° 51.

([638]) Réponses écrites de la Dgesco et de la DAF du ministère de l’éducation nationale.

([639]) Réponses écrites de la Dgesco et de la DAF du ministère de l’éducation nationale.

([640]) Réponses écrites du Sgec.

([641]) Idem.

([642]) Idem.

([643]) Audition du 5 mai 2025, à 15 heures.

([644]) Article 434-1 du code pénal.

([645]) Des dérogations familiales (parents et leurs conjoints, frères et sœurs et leurs conjoints, conjoint de l’auteur ou du complice du crime) et professionnelles (pour les personnes astreintes au secret) sont toutefois prévues.

([646]) Le même régime est prévu pour « une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse. »

([647])  Loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste.

([648]) Article 8 du code de procédure pénale.

([649]) Ainsi qu’à l’article L. 4122-4 du code de la défense, applicable aux personnels militaires des établissements scolaires relevant du ministère des armées.

([650]) L’article L. 121-11 du code général de la fonction publique soumet au régime de « l’article 40 » tous les agents publics.

([651]) Pour autant, des sanctions pénales sont d’ores et déjà prévues pour toute personne qui, « ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur », n’en informerait pas les autorités.

([652]) Voir consultation CERDP précitée, annexe n° 51.

([653]) Spontanément établi en vue de l’audition du syndicat par la commission d’enquête. Les questions ont été transmises « à la fois aux adhérents CGT-EP et à tous les enseignants du ministère de l’éducation nationale », donnant lieu 636 réponses entre le 14 avril et le 31 mai 2025.

([654]) Conseil d’État, Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, 2016.

([655]) Audition du 3 avril 2025, à 11 heures.

([656]) Voir Première partie, II B 1. supra.

([657]) Cour administrative d’appel de Nancy, décision du 30 novembre 2006.

([658]) Ciivise, rap. cit.

([659]) Prévu à l’article L. 226-13 du code pénal. Comme l’observe la synthèse du rapport d’information sur l’obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs (voir infra), « il n’existe pas de liste énumérant les professions astreintes au secret. L’article 226-13 du code pénal dispose que l’application du secret à un professionnel peut être rattachée directement à sa profession, lorsqu’une règle spécifique lui impose de le respecter, mais aussi à son état, à sa fonction ou à l’exercice d’une mission temporaire. Les professionnels de santé sont tenus au secret en vertu de leurs codes de déontologie, repris dans le code de la santé publique ».

([660]) Selon une interprétation majoritaire. Comme le relève la Ciivise, en ces cas, « le médecin ne peut se retrancher derrière le secret professionnel pour justifier son inaction. Dans un tel cas de figure, celui du péril, la loi impose en effet la levée du secret professionnel. ». Dans un guide publié en 2015, la direction des affaires criminelles et des grâces développait la même analyse, comme le citait le rapport du Sénat.

([661]) Article 226-13 du code pénal.

([662]) Marie Mercier, Michelle Meunier, Dominique Vérien, rap. cit.

([663]) Ciivise, rap. cit.

([664]) Catherine Decroche, Marie Mercier, Michelle Meunier, Maryse Carrère, rapport d’information au nom de la commission des affaires sociales et de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur l'obligation de signalement par les professionnels astreints à un secret des violences commises sur les mineurs, Sénat, n°304 (2019-2020), 5 février 2020.

([665]) Ciivise, rap. cit.

([666]) Catherine Decroche, Marie Mercier, Michelle Meunier, Maryse Carrère, rap. cit.

([667]) Entretien Franceinfo du 6 octobre 2021.

([668]) Audition du 29 avril 2025, à 16 heures.

([669]) Idem.

([670]) La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase) avait appelé, dans son rapport, à « l’édiction par l’Église de directives précises aux confesseurs sur le secret de la confession qui ne peut pas permettre de déroger à l’obligation, prévue par le code pénal et conforme, selon la commission, à l’obligation de droit divin naturel de la protection de la vie et de la de la dignité de la personne, de signaler aux autorités compétentes les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable. Il ne s’agit pas de remettre en cause le secret de la confession en tant que tel mais, seulement dans le champ des violences sexuelles sur mineurs, de rappeler la lettre et l’esprit de la loi de la République (articles 223-6, 226-14, 434-1 et 434-3 du code pénal) qui s’impose à tous sur le territoire de la République ».

([671]) Conseil d’État, étude précitée.

([672]) Circulaire du 22 avril 2016 portant instruction de politique disciplinaire concernant les faits portant atteinte à l’intégrité physique ou morale des mineurs.

([673]) Il convient de noter que la procédure prévue à l’article L. 135-6 du code général de la fonction publique, qui fait obligation aux employeurs publics de mettre en place un dispositif de recueil des signalements, ne concerne que les faits de violences dont s’estiment victimes les agents.

([674]) Circulaire du 22 avril 2016 précitée.

([675]) Réponses écrites de la DSDEN d’Ille-et-Vilaine.

([676]) Communiqué de presse de lancement du plan Brisons le silence, agissons ensemble.

([677]) Le projet d’extension de Faits établissement aux établissements privés a fait l’objet d’échanges avec le Sgec depuis plusieurs années. Voir annexe n° 40.

([678]) Circulaire n° 2016-045 du 29 mars 2016. La Dgesco et la DAF indiquent, dans leurs réponses écrites aux rapporteurs, que l’application poursuit le triple objectif « d’améliorer la connaissance et la prise en charge des faits graves et de violence commis à l’intérieur des établissements ; d’assurer le suivi des faits graves et de violences signalés par les établissements scolaires ; d’alerter les services chargés des situations de crise dans les services déconcentrés académiques ».

([679]) Article R. 442-6-1 du code de l’éducation.

([680]) S’il a été envisagé par le ministère d’étendre à l’ensemble des agents la saisie de faits dans l’application, cette dernière ne semble pas dimensionnée pour recueillir et suivre l’ensemble des signalements, faute des ressources techniques ou des moyens humains le permettant.

([681]) Table ronde du 3 avril 2025, à 15 heures.

([682]) Brice Castel, lors de la table ronde du 3 avril 2025, à 11 heures.

([683]) Circulaire du 26 juin 2024 relative à la procédure de signalement des alertes émises par les agents publics et aux garanties et protections qui leur sont accordées dans la fonction publique dans le cadre des articles 6 à 15 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique modifiée par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.

([684]) Christelle Kauffmann, secrétaire générale adjointe du syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale-Unsa, lors de l’audition du 14 mai 2025, à 10 heures 15.

([685]) Audition du 30 mars 2025, à 16 heures.

([686]) Réponses écrites de la Snec-CFTC.

([687]) Réponses écrites de la CGT-EP.

([688]) Réponses écrites de la Ferc-CGT.

([689]) En raison de l’accord que doit donner le chef d’établissement aux affectations décidées par le rectorat, le personnel de droit public n’échappe pas tout à fait à cette logique.

([690]) Réponses écrites de la DSDEN d’Ille-et-Vilaine.

([691]) Idem.

([692]) Réponses écrites de la FEP CFDT.

([693]) Audition du 7 mai 2025, à 11 heures.

([694]) Idem.

([695]) Dont l’article 301 prévoit : « Les Apel, locales, départementales ou régionales, regroupées dans l’Apel nationale sont les associations reconnues par le présent Statut pour participer à la vie de l’Enseignement catholique. Elles respectent les dispositions du Statut de l’Enseignement catholique, ce dont l’Apel nationale est la garante ».

([696]) Audition du 2 avril 2025, à 10 heures.

([697]) La consultation précitée du CERDP permet d’identifier la mise en place de circuits de signalement alternatifs à la voie hiérarchique dans certains pays, notamment la Slovaquie, la Lettonie ou la Moldavie, ainsi qu’à Québec. Voir annexe n° 51.

([698]) Présentation du bilan d’activité 2023 en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans le sport, le 21 mars 2024. Données au 31 décembre 2023.

([699]) Audition du 30 avril 2025, à 14 heures.

([700]) Article L. 226-8 du code de l’action sociale et des familles. Cet affichage systématique est complété par des campagnes de communication sur le 119, notamment sur les réseaux sociaux.

([701]) En 2024, selon les données du GIP-FEP, 16 387 aides immédiates ont été comptabilisées, soit 44 par jour.

([702]) Réponses écrites du GIP-FEP.

([703]) Audition du 25 mars 2025, à 16 heures 30.

([704])  Idem.

([705]) C’est ce qui ressort notamment d’une consultation réalisée auprès des jeunes ambassadeurs des droits (Jade) citée par la Défenseure des droits, Claire Hédon, dans ses réponses écrites aux rapporteurs.

([706]) Marie Mercier, Michelle Meunier, Dominique Vérien, rap. cit.

([707]) Marie Mercier, Michelle Meunier, Dominique Vérien, rap. cit.

([708]) Ce numéro faisant l’objet d’une large communication, puisqu’il figure obligatoirement dans le cahier de liaison de l’élève et dans son espace numérique de travail, en plus de l’affichage dont il doit faire l’objet dans les écoles et établissements.

([709]) Réponses écrites du GIP-FEP.

([710]) Isabelle Santiago, rapport au nom de la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, Assemblée nationale, XVIIe législature, n°1200, 1er avril 2025.

([711]) Audition du 25 mars 2025, à 16 heures 30.

([712]) Réponses écrites du GIP-FEP.

([713]) Cette convention porte essentiellement sur des questions relatives à la publicité des services du Snated.

([714]) Audition du 25 mars 2025, à 16 heures 30. La communication avec les Crip est donc établie, bien qu’affectée par des « modalités de contact des Crip [qui] varient : certaines ont des adresses e-mail publiques, d’autres des numéros de téléphone, et parfois l’information n’est pas clairement disponible ».

([715]) Réponses écrites de la Dgesco et de la DAF du ministère de l’éducation nationale : « En cas de violences sur un élève, plusieurs dispositifs permettent un signalement immédiat sans passer par la hiérarchie locale, dont le 119. »

([716]) Audition du 25 mars 2025, à 16 heures 30.

([717]) Le présent rapport n’a pas vocation à éclairer le fonctionnement des Crip en général – ce que le récent rapport d’enquête sur les manquements des politiques publiques de protection de l’enfance, du 1er avril 2025 a fait – mais à analyser leurs dysfonctionnements pour ce qui concerne les seules violences commises par des adultes encadrants en milieu scolaire, conformément à l’objet des travaux d’enquête.

([718]) Article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles.

([719]) Article R. 226-2-2 du code de l’action sociale et des familles.

([720]) Loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants.

([721]) Isabelle Santiago, rap. cit.

([722]) Audition du 7 mai 2025, à 16 heures.

([723]) Idem.

([724]) Article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles.

([725]) Idem.

([726]) Réponses écrites d’Élisabeth Borne.

([727]) Fiche n° 5 du guide du contrôle des établissements privés sous contrat.

([728]) Réponses écrites du Sgec.

([729]) Table ronde du 26 mars 2025, à 15 heures.

([730]) Audition du 7 mai 2025, à 16 heures.

([731]) Isabelle Santiago, rap. cit.

([732]) Ciivise, rap. cit.

([733]) Idem.

([734]) Réponses écrites de la Défenseure des droits. Ses pouvoirs d’investigation, qui résultent de l’article 23 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, s’exercent toutefois sous réserve de l’accord de l’autorité judiciaire en cas d’enquête en cours.

([735]) Réponses écrites de la Défenseure des droits.

([736]) Idem.

([737]) Idem.

([738]) L’article 20 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits dispose notamment que « les personnes physiques ou morales mises en cause communiquent au Défenseur des droits, sur sa demande motivée, toutes informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission ».

([739]) Aude Lorriaux, op.cit.

([740]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

([741]) Arrêté du 5 avril 2018 relatif au collège de déontologie au sein du ministère chargé de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

([742]) Arrêté du 7 février 2025 relatif à la procédure interne de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte au sein des ministères chargés de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

([743]) Idem.

([744]) Idem.

([745]) Le médiateur est nommé pour trois ans par arrêté des ministres chargés de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Son mandat ne peut être interrompu. Placé sous l’autorité des ministres, il jouit en pratique d’une large indépendance.

([746]) Article L. 23-10-1 du code de l’éducation.

([747]) En application du 16 de l’annexe du décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022. La création d’une autorité externe susceptible de recueillir les signalements est une obligation depuis la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.

([748]) Réponses écrites de la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur.

([749]) La médiatrice précise que « ces chiffres ne concernent que les signalements reçus par le médiateur en tant qu’autorité externe, la qualification de lanceur d’alerte ne relevant pas de sa compétence. (D’autres signalements de violences hors procédure lanceurs d’alerte sont arrivés aux médiateurs académiques et national) ».

([750]) Article 40-2 du code de procédure pénale issu de la loi 2004-204 du 9 mars 2004.

([751]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([752]) Table ronde du 30 avril 2025, à 16 heures.

([753]) Table ronde du 3 avril 2025, à 11 heures.

([754]) C’est l’objet de la proposition de loi visant à préserver les droits des victimes dépositaires de plaintes classées sans suite, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 7 mai 2025.

([755]) Audition du 29 avril 2025, à 17 heures 30.

([756]) Conseil d’État, étude précitée.

([757]) Audition du 25 mars 2025, à 16 heures 30.

([758]) Idem.

([759]) Table ronde du 3 avril 2025, à 11 heures.

([760]) Ciivise, rap. cit.

([761]) Idem.

([762]) Réponses écrites de la Ferc-CGT.

([763]) Audition du 30 mars 2025, à 16 heures.

([764]) Réponses écrites de la Ferc-CGT.

([765]) Composé d’Ogec et des organisations syndicales de directeurs d’établissements.

([766]) La divulgation publique peut également faire partie des voies de signalement couvertes par les protections attachées aux lanceurs d’alerte, généralement après qu’un premier signalement externe n’a pas été suivi d’effets, ou si l’auteur du signalement risquerait des représailles en s’adressant aux autres voies possibles.

([767]) Défenseur des droits, guide du lanceur d’alerte, 2023 : « Si vous saisissez le juge pour demander l’annulation d’une mesure de représailles, il vous suffit d’apporter des éléments permettant de supposer que vous avez effectué votre signalement dans le respect des règles posées par les textes. Si tel est le cas, c’est alors à l’auteur des décisions défavorables prises à votre encontre (par exemple : votre employeur) de prouver qu’elles sont justifiées par des éléments autres que votre alerte (par exemple : que votre licenciement est justifié par un motif économique ou une faute sans lien avec l’alerte ».

([768]) Codifié à l’article L. 135-4 du code de l’éducation.

([769]) Le cadre juridique des lanceurs d’alerte figure dans les réponses écrites de la Dgesco, qui n’évoque que les procédures internes qui y sont associées.

([770]) Réponses écrites de l’Union nationale de l’enseignement technique privé  (UNETP).

([771]) Défenseur des droits, La protection des lanceurs d’alerte en France, 2022-2023.

([772]) Loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs.

([773]) Dépêche du 15 avril 2016, Publication de la loi n°2016-457 du 14 avril 2016 relative à l’information de l’administration par l’autorité judiciaire et à la protection des mineurs ; incidence sur la mise en œuvre de la circulaire du 16 septembre 2015 prévoyant un partenariat renforcé entre l’autorité judiciaire et les services du ministère chargé de l’éducation nationale.

([774]) Réponses écrites de la DACG du ministère de la justice.

([775]) Couvrant les crimes et délits de violences contre les mineurs.

([776]) Article D. 47-9-1 du code de procédure pénale.

([777]) Comme l’indique la DAJ du ministère de l’éducation nationale dans ses réponses écrites : « Dans l’enseignement privé, quand un maître de l’enseignement privé a fait l’objet d’une condamnation pénale lui interdisant d’exercer des fonctions en contact régulier avec des mineurs, l’académie de rattachement de l’enseignant fait une communication à l’ensemble des établissements privé sous contrat de son ressort, afin d’avertir de la situation de l’enseignant et de son impossibilité d’exercer de nouveau en qualité de maître du privé. Une même communication est faite pour les établissements privés hors contrat avec l’État. »

([778]) Circulaire du 8 avril 2005 relative à la prévention et au traitement des infractions commises au sein et aux abords des établissements scolaires.

([779]) Réponses écrites de la DACG du ministère de la justice.

([780]) Réponses écrites de la DACG du ministère de la justice. Le garde des sceaux a invité, par sa circulaire du 23 mars 2023 relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences faites aux mineurs, à multiplier les protocoles sur le modèle de celui qui a été conclu le 24 novembre 2021 entre l’enseignement catholique et le parquet de Paris.

([781]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nation  ale.

([782]) Idem.

([783]) Idem.

([784]) Réponses écrites de la DACG du ministère de la justice.

([785]) Qui n’intervient, selon les données de la Ciivise, qu’après la révélation, dont le délai est « de 49,2 mois pour les viols commis sur mineurs et de 22,8 mois pour les agressions sexuelles ».

([786]) Ciivise, rap. cit.

([787]) Article L. 531-1 du code général de la fonction publique.

([788]) Article 30 de la loi du 13 juillet 1983.

([789]) Article L. 531-2 du code général de la fonction publique.

([790]) L’administration peut alors provisoirement affecter l’agent dans un emploi compatible avec les mesures décidées par l’autorité judicaire si l’intérêt du service n’y fait pas obstacle ; procéder d’office à son détachement pour qu’il puisse occuper un emploi compatible avec de telles obligations ; ou, si les mesures prises dans le cadre de l’enquête ou de la procédure pénales l’empêchent matériellement de poursuivre ses fonctions, interrompre le versement de son traitement pour absence de service fait sans avoir à prolonger la mesure de suspension ni mettre en œuvre l’une des options ci-dessus évoquées.

([791]) Marie Mercier, Michelle Meunier, Dominique Vérien, rap. cit.

([792]) Article R. 914-104 du code de l’éducation : « En cas de faute grave commise par un maître contractuel ou agréé, soit pour un manquement à ses obligations professionnelles, soit pour une infraction de droit commun, son auteur peut être immédiatement suspendu, sur proposition du chef d’établissement, par l’autorité académique ».

([793]) Article 44 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État.

([794]) Article 23 du décret n° 2001-1174 portant statut particulier du corps des personnels de direction. 

([795]) Conseil d’État, 11 juin 1997, Nevez.

([796]) Circulaire n° 2001-044 du 15 mars 2001 relative à la protection du milieu scolaire et à la lutte contre les violences sexuelles.

([797]) Article R. 421-12 du code de l’éducation.

([798]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([799]) Idem.

([800]) Audition du 9 avril 2025, à 17 heures.

([801]) IGESR, enquête administrative sur le lycée Pierre Bayen, 2024.

([802]) La principale distinction avec les personnels des établissements publics réside dans l’absence de mutation d’office, qui n’existe que pour les fonctionnaires, ainsi que dans l’absence de mise à la retraite d’office, remplacée par la résiliation du contrat, tandis que la révocation est remplacée par le retrait de l’agrément. 

([803]) Article R. 914-100 du code de l’éducation. En revanche, comme la DAJ l’indique, « en application de l’article L. 442-5 du code de l’éducation, l’État est l’employeur pour les personnels ayant des fonctions d’enseignement. Ainsi, dans le cas où la faute reprochée au maître déchargé relève seulement des fonctions de direction, il appartient à son employeur (par exemple l’OGEC dans l’enseignement catholique), de le mettre à pied et de le sanctionner disciplinairement ».

([804]) Pour une durée maximale de trois jours, ou pour une durée de quatre jours à six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et de quatre jours à un an pour les agents sous contrat à durée indéterminé.

([805]) Article 43-2 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État.

([806]) Articles L. 1331-1 et suivants du code du travail. 

([807]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([808]) Circulaire du 22 avril 2016 portant instruction de politique disciplinaire concernant les faits portant atteinte à l’intégrité physique ou morale des mineurs.

([809]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([810]) Audition du 31 mars 2025, à 15 heures.

([811]) Ces sanctions sont prises à l’encontre des personnels enseignants, des conseillers principaux d’éducation et des psychologues de l’éducation nationale de l’enseignement public.

([812]) Données fournies par la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([813]) Idem.

([814]) Le rapport entre les procédures pénales et disciplinaires est résumé par le Conseil d’État dans une décision d’assemblée du 12 octobre 2018, n°408567, publiée au recueil Lebon : « L’autorité de la chose jugée au pénal ne s’impose à l’administration comme au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d’un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative d’apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative. Il n’en va autrement que lorsque la légalité de la décision administrative est subordonnée à la condition que les faits qui servent de fondement à cette décision constituent une infraction pénale, l’autorité de la chose jugée s’étendant alors exceptionnellement à la qualification juridique donnée aux faits par le juge pénal. »

([815]) Réponses écrites de la Défenseure des droits. 

([816]) Idem.

([817]) Circulaire n° 2001-044 du 15 mars 2001 relative à la protection du milieu scolaire et à la lutte contre les violences sexuelles.

([818]) Circulaire du 22 avril 2016 portant instruction de politique disciplinaire concernant les faits portant atteinte à l’intégrité physique ou morale des mineurs.

([819]) Conseil d’État, 23 novembre 1966, Commune de Lamotte-Beuvron.

([820]) Réponses écrites de la DAJ du ministère de l’éducation nationale.

([821]) Idem.

([822]) Pour les sanctions des 2e et 3e groupes, l’effacement intervient à la demande du fonctionnaire, après 10 ans de services effectifs à partir de la date de la sanction, l’administration ne pouvant pas refuser cette demande si aucune sanction n’est intervenue pendant cette période. 

([823]) Réponses écrites de la Dgesco et de la DAF du ministère de l’éducation nationale.

([824]) Circulaire de 2016 n° 2016-071 du 22 avril 2016 ou instruction de politique disciplinaire concernant les faits portant atteinte à l’intégrité physique ou morale des mineurs.

([825]) Idem.

([826]) Réponses écrites de l’IGESR.

([827]) Cette fonction est relativement nouvelle pour l’IGESR, comme l’a souligné Patrick Allal, inspecteur général, « depuis la professionnalisation, qui remonte grosso modo à 2015 et à l’affaire Villefontaine, il y a eu une bascule pour l’Inspection générale. Auparavant, comme la plupart des inspections générales, nous n’avions que trois ou quatre enquêtes administratives par an, qui ne répondaient pas à un protocole précis. En 2015, l’affaire de Villefontaine, épouvantable, a donné lieu à une grosse enquête. Cela a coïncidé avec le moment où le cabinet a commencé à nous saisir de plus en plus en cas de dysfonctionnement » (audition du 21 mai 2025 à 11 heures) ».

([828]) Audition du 8 avril 2025, à 14 heures 30.

([829]) Idem

([830]) Circulaire n° 2001-044 du 15 mars 2001.

([831]) Audition du 31 mars 2025, à 18 heures.

([832]) Données fournies par l’IGESR dans ses réponses écrites.

([833]) Ministère de l’éducation nationale, « L’éducation nationale en chiffres », édition 2024.

([834]) Audition du 8 avril 2025, à 14 heures 30.

([835]) Audition du 31 mars 2025, à 18 heures.

([836]) Audition du 8 avril 2025, à 14 heures 30.

([837]) Annexe n° 48.

([838]) Audition du 21 mai 2025, à 11 heures.

([839]) Audition du 21 mai 2025, à 11 heures.

([840]) Idem.

([841]) Idem.

([842]) Annexe n° 50.

([843]) Décret n° 2021-1550 du 1er décembre 2021 portant création du corps des administrateurs de l’État.

([844]) Néanmoins, l’Igas  peut par exemple s’autosaisir dans le champ des politiques décentralisées, sur des sujets touchant notamment à la protection de l’enfance, au handicap, à l’insertion, aux personnes âgées, à la formation formation professionnelle.  

([845]) Cette possibilité semble très théorique. Lors de son audition, François Bayrou, a assuré que la saisine de l’Inspection générale relevait de « la responsabilité du ministère de l’éducation nationale », poursuivant : « et je n’ai pas l’habitude d’amputer les ministres de mon gouvernement, a fortiori la ministre d’État, numéro deux du gouvernement, de leurs responsabilités. »

([846]) Réponses écrites de l’IGESR.

([847]) IGESR, Vade-medcum des enquêtes administratives susceptibles de suites disciplinaires, juillet 2023.

([848]) Article 7 du décret n° 2022-1627 du 23 décembre 2022 relatif à l’organisation et aux missions du service de l’inspection générale de l’administration : « Le chef du service préside et réunit un comité des suites auquel participent les responsables des directions, services et organismes intéressés, qu’il réunit à sa demande et auquel il associe les membres du service concernés. Il s’assure ainsi de la mise en œuvre des préconisations formulées au terme des rapports de l’inspection générale de l’administration et validées par les ministres compétents. Un bilan de ce suivi est présenté dans le cadre du rapport annuel d’activité. »

([849]) Article 3 du décret n° 2022-1680 du 27 décembre 2022 relatif à l’organisation et aux missions de l’inspection générale des affaires sociales : le chef de l’inspection « 3° Réunit, lorsqu’il l’estime nécessaire, une commission des suites chargée d’évaluer la mise en œuvre des préconisations formulées par les rapports des membres de l’inspection générale, et de formuler un avis à son issue. Cet avis peut être rendu public, lorsque le rapport l’est également. Les responsables des directions, services et organismes directement intéressés participent à cette commission à laquelle sont conviés les membres de l’inspection générale ou de tout autre service de contrôle concernés ».

([850]) Article 19 du décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l’inspection générale de la justice :  « Un comité de suivi, présidé par le chef de l’inspection générale, auquel participent les directions, services et organismes intéressés, se réunit périodiquement. Il s’assure des suites données aux préconisations formulées aux termes des rapports d’inspection et de contrôle, précédemment validées par le garde des sceaux. Un bilan de ce suivi est présenté dans le cadre du rapport annuel. »

([851]) Audition du 8 avril 2025, à 14 heures 30.

[852] Assemblée nationale, 17ème législature, Commission des affaires culturelles et de l’éducation, dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), table ronde réunissant des représentants de collectifs de victimes : M. Alain Esquerre pour les victimes de Notre-Dame de Bétharram, M. Bernard Lafitte pour les victimes de Notre-Dame du Sacré-Cœur de Dax, M. Michel Lavigne pour les victimes de Notre-Dame de Garaison, M. Didier Vinson pour les victimes du Collège Saint-Pierre Relecq-Kerhuon, Mme Constance Bertrand pour les victimes de Saint- Dominique de Neuilly-sur-Seine, Mme Éveline Le Bris pour les victimes du Bon pasteur d’Angers, M. Gilles Parent pour les victimes de Saint-François-Xavier d’Ustaritz, et Mme Ixchel Delaporte, pour les victimes de Riaumont de Liévin, Compte rendu n°33, 20 mars 2025, page 6.

[853] Défenseur des Droits, Enfance et violence : la part des institutions publiques, Rapport, 2019, page 14.

[854] Assemblée nationale, 17ème législature, Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), audition conjointe de MM. Philippe Delorme, secrétaire général de l’enseignement catholique (Sgec), Sylvain Cariou-Charton, président de l’Union des réseaux congréganistes de l’enseignement catholique (Urcec), et Christophe Schietse, secrétaire général, Compte rendu n°45, 2 avril 2025, page 4.

[855] Ibidem, pages 5 et 6.

[856] Assemblée nationale, 17ème législature, Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), audition de Mme Dominique Marchand, cheffe du service de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), Mme Cristelle Gillard, cheffe du pôle affaires juridiques et contrôle, et M. Erick Roser, responsable du collège expertise administrative et éducative, Compte rendu n°49, 8 avril 2025, page 3.

[857] Assemblée nationale, 17ème législature, Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Dans le cadre des travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), audition commune de M. Patrick Allal, M. Roger Vrand, Mmes Françoise Boutet-Waïss et Annie Dyckmans-Rozinski et M. Bruno Jeauffroy, inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche, chargés de l’enquête administrative au collège Stanislas de 2023, Compte rendu n°82, 21 mai 2025, page 4.

[858] Ibidem, page 21.

[859] Assemblée nationale, 17ème législature, Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Dans le cadre de l’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires(article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), audition conjointe de Mme Claire Hédon, Défenseure des droits, M. Éric Delemar, Défenseur des enfants, adjoint de la Défenseure des droits en charge de la défense et de la promotion des droits de l’enfant, Mme Marguerite Aurenche, cheffe du pôle droits de l’enfant et M. Antoine Touron, conseiller parlementaire, Compte rendu n°43, 31 mars 2025, page 3.

[860] CESE, Éduquer à la vie affective, relationnelle et sexuelle, Avis et rapport, Rapporteurs : Cécile GONDARD-LALANNE et Evanne JEANNE-ROSE, septembre 2024, page 8.

[861] Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

[862] Assemblée nationale, 17ème législature, Questions au gouvernement, Séance ordinaire 2024-2025, 11 février 2025.

 

[863] Assemblée nationale, 17ème législature, Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Dans le cadre des travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires (article 5 ter de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958), audition de M. François Bayrou, premier ministre, ancien ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Compte rendu n°75, 14 mai 2025, page 35.

 

[864] Sous-direction de l’enseignement privé

[865] Les 4 % restant se partagent entre des établissements confessionnels (juifs, protestants, musulmans et catholiques hors SGEC), ainsi que des établissements issus de réseaux laïcs, de langues régionales, arméniens ou à pédagogie spécifique (Montessori, Steiner, etc.).

[866] Source : site web du SGEC (Rubrique : nos fondamentaux).

[867] Le réseau promeut l’égale dignité des hommes, éduque à la liberté dans sa nécessaire articulation à la responsabilité et vise à former de jeunes adultes unifiés et ouverts au dialogue.

[868] 12,3% contre 29,9% en 2019-2020  (DEPP, Repères et références statistiques, éd. 2021).

[869] Ainsi la DAF estime que l’effet d’aubaine généré par la prise en charge par l’Etat des coûts liés à l’abaissement de l’âge de la scolarité obligatoire à 3 ans(22 M€), ferait plus que compenser les surcoûts précédemment évoqués sur le handicap.

[870] L’indice de position sociale (IPS) est un outil de mesure quantitatif de la situation sociale des élèves face aux apprentissages dans les établissements scolaires français. Plus l'indice est élevé, plus l'élève évolue dans un contexte familial favorable aux apprentissages. Il est élaboré par la DEPP.

[871] Chiffre 2021, en augmentation de 11% par rapport à 2018.

[872] Le taux de réussite oscille entre 91% et 100%, pour la filière générale, et systématiquement de 100% pour la filière STMG, entre 2017 et 2021.

[873] Il y est évoqué une somme de 4 millions d’euros en 2014 et une tentative de rachat avortée en 2016.

[874] Prévu par l’article L. 442-9 du code de l’éducation pour les établissements privés sous contrat.

[875] Ordonnance du juge des référés de tribunal administratif Lille du 6 juillet 2022 pour demander le calcul du forfait d’externat pour 2020-2021 puis du 12 octobre avec injonction de payer 287 520 euros à titre provisoire. La région a annoncé qu’elle se pourvoirait en cassation.

[876] Le Lycée avait préalablement fait l’objet de 3 inspections en 2004, 2008 et 2015 (dans le cadre du signalement effectué par un professeur de philosophie du Lycée, M. XXXXXXXX XXXXXXX) et 14 enseignants avaient été inspectés entre 2008 et 2019.

[877] Voir à ce sujet en PJ les réponses aux QE n° 54590 de M. Bernard Roman (AN-PS) et QE n° 10982 de M. Jean-René Lecerf (Sénat-UMP) qui à l’époque réclamaient des moyens pour la mise de classes sous contrat dans ce Lycée.

https://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-54590QE.htm

https://www.nossenateurs.fr/question/14/10982

 

[878] Tel l’Imam affairiste Hassan Iquioussen

https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/nord-hassan-iquioussen-un-imam-sous-pression

 

[879] – L’affaire XXXXXXXX XXXXXXX : À la suite de sa tribune Aujourd’hui, le Prophète est aussi Charlie dans Libération le 15 janvier 2015, XXXXXXXX XXXXXXX, enseignant de philosophie au Lycée Averroès est poussé à la démission. Des procès en diffamation s’ensuivent notamment parce que, ensuite, cet adepte du soufisme mettra en cause des membres de l’équipe pédagogique d’Averroès pour leur soutien explicite aux motivations des terroristes. À la suite de cette polémique, le rapport de l’inspection générale diligentée rapidement n’a pas signalé de difficulté majeure, souhaitant simplement une démarcation plus nette entre les activités sous contrat et celles relevant du caractère propre. Monsieur XXXXXXX a été condamné par la CA de Douai en octobre 2016 pour « diffamation non publique » condamnation annulée par la Cour de cassation en 2018.

 

– Le cas de XXXXXXX XXXXXXX : des prises de positions discutables

Dans une note de Fondapol : « Libérer l’islam de l’islamisme » (24 janvier 2018, p. 63), XXXXXXX XXXXXX, lui-même ancien frère musulman désormais en opposition à ce courant, affirme que XXXXXXX XXXXXX « l’auteur islamiste d’En finir avec la démocratie française, [est] professeur d’éthique musulmane au Lycée Averroès, et donc payé avec les deniers de l’État. » Certes, les enseignements de cours de religion ne sont pas rémunérés par l’État et, après vérification, l’État ne rémunère XXXXXXX XXXXXX pour aucun enseignement. Cependant, sur le principe, cette collaboration interroge …

 

 

[880] Le Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) est un réseau documentaire géré par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne.