N° 1668

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 juillet 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 1444),
DE MME MATHILDE PANOT ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,


visant à dénoncer l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël ainsi qu’à mettre en œuvre les sanctions nécessaires à l’encontre d’Israël et ses dirigeants pour mettre fin à la guerre génocidaire du Gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahou,

 

 

PAR Mme Clémence Guetté,

Députée

 

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; M. Laurent MAZAURY, vice‑président ; M. Maxime MICHELET, secrétaire ; MM.  Antoine ARMAND, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Manuel BOMPARD, Arnaud BONNET, Nicolas BONNET, Mmes Sylvie BONNET, Soumya BOUROUAHA, M. Philippe BRUN, Mmes Céline CALVEZ, Gabrielle CATHALA, MM  Paul CHRISTOPHE, Bruno CLAVET, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Laurent CROIZIER, Jocelyn DESSIGNY, Mme Dieynaba DIOP, MM. Nicolas DRAGON, Julien GABARRON, Mme Clémence GUETTE, M. Stéphane HABLOT, Mmes Mathilde HIGNET, Emmanuelle HOFFMAN, M. Vincent JEANBRUN, Mmes Sylvie JOSSERAND, Marietta KARAMANLI, MM.  Jérôme LEGAVRE, Eric LIEGEON, Sylvain MAILLARD, Matthieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Sébastien MARTIN, Eric MARTINEAU, Mme Danièle OBONO, MM. Julien ODOUL, Pierre PRIBETICH, Stéphane RAMBAUD, Mme Isabelle RAUCH, M. Charles RODWELL, Mme Sabrina SEBAIHI, M.  Charles SITZENSTUHL, Mme Sabine THILLAYE, Caroline YADAN, Estelle YOUSSOUFFA.

 

 


SOMMAIRE

___

 Pages

Introduction

I. GAZA OU LE TROP LONG SILENCE DE L’UNION EUROPÉENNE

A. LE GOUVERNEMENT ISRAÉLIEN, DONT LES VISÉES TERRITORIALES SONT ÉVIDENTES, MÈNE UNE POLITIQUE GÉNOCIDAIRE CONTRE LE PEUPLE PALESTINIEN

1. Après des mois d’errance sous les bombardements dans une enclave coupée du monde, le peuple palestinien continue de subir l’arme de la faim et de la soif

a. Gaza : un champ de ruine, une zone de mort

b. Des Gazaouis désespérés, sciemment déshumanisés, affamés et privés d’eau

c. Une enclave sans issue et sans droit d’entrée, condamnant à une mort certaine les plus fragiles, même dans l’hypothèse d’un cessez-le-feu immédiat

2. Des crimes internationaux motivés par une volonté d’expansion coloniale

a. Des actes systématiques et méthodiques de l’armée israélienne, caractéristiques des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide

b. Une volonté d’annexion territoriale désinhibée par le soutien indéfectible de l’allié américain et les projets ubuesques du président Trump

c. L’adoption du narratif israélien de « légitime défense » par les principales puissances occidentales a profondément nui aux Palestiniens vivant dans les « territoires occupés »

B. MALGRÉ LES VIOLATIONS RÉPÉTÉES ET FLAGRANTES DU DROIT INTERNATIONAL, L’UNION EUROPÉENNE EST RESTÉE INSENSIBLE AU SORT DES PALESTINIENS, AU MÉPRIS DES PRINCIPES QU’ELLE PRÉTEND DÉFENDRE

1. Plusieurs acteurs ont très tôt alerté la communauté internationale des atrocités commises à Gaza et en Cisjordanie

a. La dénonciation précoce et continue par la société civile des crimes commis par l’armée israélienne contraste avec le caractère parfois tardif des condamnations politiques

b. Le véto américain au Conseil de sécurité bloque toute possibilité pour un cessez-le-feu immédiat alors que cette solution est majoritairement défendue au sein de l’Assemblée générale des Nations unies

c. Les mesures conservatoires prises par la Cour internationale de justice en janvier 2024 obligent les États parties à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide à tout mettre en œuvre pour prévenir la commission de ce crime

2. Malgré les demandes des rares États membres en ce sens, l’Union européenne n’a pas tiré les conséquences des nombreuses violations du droit humanitaire perpétrées par l’armée israélienne

a. L’accord d’association liant l’Union européenne à Israël fait du respect des droits humains un élément essentiel du partenariat

b. Les appels des rares États membres demandant à suspendre le contrat d’association n’ont toujours pas été suivis d’effet

c. L’inaction de l’Union européenne suscite l’incompréhension de nombreux acteurs dont certains dénoncent une application du droit humanitaire international à double standard

II. L’URGENCE ABSOLUE D’UN CESSEZ-LE-FEU IMMÉDIAT À GAZA : AGIR POUR NE PLUS ÊTRE COMPLICE DE CES CRIMES

A. L’UNION EUROPÉENNE DOIT D’UNE PART CESSER IMMÉDIATEMENT DE FINANCER DE MANIÈRE DIRECTE OU INDIRECTE LA POLITIQUE CRIMINELLE DE NETANYAHOU

1. La suspension ou la dénonciation de l’accord d’association, dont l’application est clairement à l’avantage d’Israël, apparaît comme une obligation au regard du droit de l’Union et du droit international

2. Si l’unanimité des 27 semble compromise pour suspendre ou dénoncer l’accord d’association…

3. L’atteinte d’une majorité qualifiée pourrait permettre la suspension de son volet commercial

B. L’UNION EUROPÉENNE ET LES ÉTATS MEMBRES DOIVENT D’AUTRE PART UTILISER TOUS LES MOYENS COERCITIFS DONT ILS DISPOSENT POUR SANCTIONNER LE GOUVERNEMENT ISRAÉLIEN ET SES PRINCIPAUX DIRIGEANTS ET METTRE LA PRESSION SUR SON PRINCIPAL ALLIÉ

1. L’Union européenne dispose d’une palette étendue de sanctions dont l’adoption requiert l’unanimité

2. L’exemple des sanctions prises contre les colons israéliens en Cisjordanie montre que des positions communes sont possibles

3. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la France devrait proposer, jusqu’à adoption, autant d’« ultimatums humanitaires » que nécessaires pour contraindre les États-Unis à user de leur poids vis-à-vis d’Israël

C. L’UNION EUROPÉENNE ET SES ÉTATS MEMBRES DOIVENT ENFIN SYSTÉMATIQUEMENT SE RANGER DU CÔTÉ DE LA DÉFENSE DU DROIT INTERNATIONAL ET EN ASSURER EFFECTIVEMENT LE RESPECT

1. Respecter les décisions de la justice internationale : l’exemple de la Cour pénale internationale dont les mandats d’arrêts contre le Premier ministre israélien et l’ex-ministre israélien de la Défense sont inégalement appliqués

2. Respecter les conventions internationales : l’exemple du traité sur le commerce des armes ou de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dont les dispositions justifieraient la mise en place d’un embargo sur les armes contre Israël ().

EXAMEN EN COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE initiale

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

ANNEXE N° 1 :  LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

 

 


   Introduction

« Nous ne mourons pas en silence.
Nous documentons notre propre destruction.

Souvenez-vous de ceci :
si Gaza tombe, elle ne tombera pas dans l'obscurité -
elle tombera sous les projecteurs, tandis que le monde défile,
sachant et choisissant d'oublier. »

Nour Elassy, journaliste, écrivaine et poétesse palestinienne

 

MESDAMES, MESSIEURS,

Gaza est devenue le territoire le plus dangereux au monde.

À mesure que les drones de l’armée israélienne pilonnent ce qui reste d’une enclave presque entièrement anéantie, à mesure que les territoires palestiniens sont progressivement et illégalement confisqués, l’espace vital des Gazaouis se réduit. Concentrés sur 18 % de l’enclave, amoncelés sur les ruines de leur ancienne vie, au milieu des déchets, des nuisibles et des cadavres enfouis, les survivants de cette guerre, qui n’en porte que le nom, risquent à présent chaque jour leur existence pour tenter d’obtenir de quoi se nourrir, pour tenter de rester en vie, même un jour de plus, dans cette zone de mort.

Après avoir imposé des déplacements massifs et réguliers à une population civile palestinienne épuisée, l’un des objectifs affichés du gouvernement de Netanyahou consiste à présent à détruire entièrement Gaza. Il a déjà conquis 82 % de ce territoire. Pour accomplir cette macabre mission, ce gouvernement en viendra-t-il à pousser encore un peu plus les limites de l’imaginable en imposant aux survivants de creuser leur propre tombe ?

Comment ne pas penser que ces frontières, que les Palestiniens ne peuvent plus franchir, les emmurent peu à peu dans le désespoir ? Aux blessures engendrées par la destruction de leur territoire, de leur mémoire et de leur histoire s’ajoutent les privations humiliantes auxquelles ils sont soumis, qui ont clairement pour visée leur déshumanisation.

Comme on ne dit jamais leur nom et qu’ils sont habilement invisibilisés par les autorités israéliennes pour qui, ils ne sont que des « animaux humains », les Palestiniens ne sont représentés qu’à travers des chiffres - vraisemblablement largement sous-estimés : 53 655 tués, dont 15 613 enfants, 121 950 blessés, dont 34 173 enfants, 11 200 personnes portées disparues d’après l’UNICEF.

Aucun mur n’affiche le visage de leurs morts. Et les images de leur lente agonie nous parviennent au compte-goutte, comme l’aide humanitaire qu’ils reçoivent.

Jamais pourtant, une situation humanitaire n’aura déclenché autant de mécanismes d’alerte, actionnés dès le 7 octobre 2023, et ayant donné lieu à des avis et ordonnances de la Cour internationale de justice, à des mandats d’arrêts de la Cour pénale internationale, à des centaines de rapports institutionnels, à de multiples tribunes émanant de personnalités de la société civile, à des boycotts organisés par des collectifs citoyens, ou encore à des mobilisations des peuples du monde entier contre les livraisons de matériel militaire vers Israël.

Dénonçant tour à tour les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide, la poursuite illégale des colonisations israéliennes, le « black-out médiatique », les entraves à l’aide humanitaire, etc., ces vigies auraient dû conduire à un cessez-le-feu immédiat.

Jamais pourtant là encore, une situation humanitaire n’aura été autant ignorée par les puissances occidentales, dont beaucoup d’entre elles n’ont, à aucun moment, dénoncé les crimes internationaux commis par Israël depuis plus de 20 mois, alors que les attaques du Hamas du 7 octobre avaient fait légitimement l’objet de leur condamnation immédiate.

La responsabilité de l’Union européenne est à ce titre alarmante. En dépit des violations flagrantes du droit de l’Union et du droit international, l’Union n’a pris aucune mesure contre Israël, pas même symbolique. Elle ne l’a même jamais condamné pour ses actions criminelles, contrairement aux principes qu’elle prétend défendre. Elle dispose pourtant de nombreux leviers pour contraindre le gouvernement israélien à respecter ses obligations, via notamment la suspension de l’accord d’association les liant ou l’édiction de mesures restrictives.

L’inaction de certains États membres, qui n’ont pas clairement condamné les violations manifestes du droit international commises à Gaza ou en Cisjordanie ou agi pour qu’elles cessent, est tout aussi honteuse.

Chers collègues, la représentation nationale française ne peut rester silencieuse face à cette situation d’urgence absolue. Votre rapporteure considère que l’Union européenne et la France doivent et ont les moyens de contraindre Israël à respecter ses obligations internationales et à accepter un cessez-le-feu immédiat. Afin de ne pas fragiliser davantage un ordre international dont les règles sont sans cesse bafouées au profit de la loi du plus fort, l’Union européenne et ses États membres doivent par ailleurs s’engager à respecter et à faire respecter le droit international, pleinement et indistinctement. Votre rapporteure vous invite ainsi à adopter de toute urgence la présente proposition de résolution européenne.

Agissons pour les Palestiniens, n’oublions pas Gaza.

 


I.   GAZA OU LE TROP LONG SILENCE DE L’UNION EUROPÉENNE

A.   LE GOUVERNEMENT ISRAÉLIEN, DONT LES VISÉES TERRITORIALES SONT ÉVIDENTES, MÈNE UNE POLITIQUE GÉNOCIDAIRE CONTRE LE PEUPLE PALESTINIEN

1.   Après des mois d’errance sous les bombardements dans une enclave coupée du monde, le peuple palestinien continue de subir l’arme de la faim et de la soif

a.   Gaza : un champ de ruine, une zone de mort

« La campagne de ruine incessante de l’armée israélienne à Gaza est une campagne de destruction injustifiée. Nos recherches montrent que les forces israéliennes ont détruit des bâtiments résidentiels, forcé des milliers de familles à quitter leurs foyers et rendu leurs terres inhabitables ([1])». Ces propos d’Erika Guevara-Rosas, directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes d’Amnesty International, bien que terribles, ne retracent qu’en partie l’ampleur dramatique des destructions ayant cours dans l’enclave palestinienne.

Territoire exigu de 365 kilomètres carrés comptant environ 2,3 millions d’habitants, la bande de Gaza est l’un des territoires les plus denses au monde. Avant même son bombardement par l’armée israélienne, Gaza se caractérisait par une forte pression démographique, une insuffisance critique des infrastructures combinée à une explosion urbaine et un dénuement de la population dont 46 % vivait en 2022 sous le seuil de pauvreté ([2]).

Aujourd’hui, à la destruction matérielle de l’enclave s’ensuivent de graves pollutions rendant le territoire tout simplement invivable.

D’après Jean-François Corty, Président de Médecins du monde, que votre rapporteure a auditionné, c’est à l’effondrement organisé des systèmes essentiels à la survie auquel nous assistons à Gaza. En 20 mois, 92 % des logements ont été détruits selon les chiffres dont il a connaissance. Par ailleurs, l’UNICEF indique que 95 % des écoles sont sous terre ou gravement endommagées ([3]) . L’Organisation Mondiale de la Santé estime, dans un communiqué de presse daté du 22 mai dernier, que seuls 19 des 36 hôpitaux de la bande de Gaza sont à ce jour opérationnels. Sur ce point, Jean-François Corty insiste sur le manque criant de personnel de santé, lequel intervient dans un contexte de bombardements incessants tout en faisant face à de graves pénuries d’approvisionnement et à une augmentation dramatique du nombre de victimes.

Il précise également que le système de santé à Gaza était, bien avant le 7 octobre 2023, un sujet d’inquiétude pour Médecins du monde. En effet, l’occupation israélienne, qui dure depuis plus de 50 ans, a toujours eu des conséquences désastreuses sur l’accès aux soins des Palestiniens, notamment depuis le blocus terrestre, aérien et maritime, en place depuis 2007 en toute illégalité. Ainsi, 45 % des médicaments de base et des produits jetables étaient déjà en rupture de stock en 2023. Depuis, le système de santé, déjà précaire et fragilisé par plusieurs années de blocus, s’est littéralement effondré.

En outre, la FAO révélait en mai 2025 que plus de 80 % de la superficie totale des terres cultivées de la bande de Gaza avait été endommagée (12 537 hectares sur 15 053) et que désormais moins de 5 % des terres étaient cultivables ([4]).

La destruction des bâtiments n’a pas épargné le patrimoine culturel de Gaza, riche d’une histoire plurimillénaire remontant à l’Antiquité, aux époques assyrienne, hellénistique, romaine, islamique, ottomane ou mandataire. Rien qu’entre octobre 2023 et octobre 2024, 75 sites patrimoniaux avaient été touchés par les frappes israéliennes d’après une étude de l’Unesco ([5]), soit 48 bâtiments historiques ou artistiques, 10 sites religieux, 7 sites archéologiques, 6 monuments, 3 dépôts de biens culturels et 1 musée.

Cette catastrophe a aussi des conséquences environnementales désastreuses. Déjà dans un rapport de juin 2024, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estimait que la guerre avait généré 39 millions de tonnes de débris, lesquels renferment souvent des restes humains ou des munitions non explosées. Si les poussières provoquées par les effondrements et les incendies répétés accentuent les difficultés respiratoires, le rapport du PNUE souligne également la toxicité des armes employées par l’armée israélienne qui contiennent des substances chimiques dangereuses pour la santé (phosphore arsenic, cadmium, chrome, plomb, mercure…). Il met également l’accent sur l’entassement des déchets, dont le ramassage est rendu impossible, ce qui accroît la contamination des sols et des nappes phréatiques par infiltration.

Comme le confirme Raphaël Pitti, médecin urgentiste spécialiste des zones de guerre, auditionné par votre rapporteure, les ordures et les débris, qui encombrent les espaces de vie tandis que les eaux usées stagnent, favorisent la prolifération de maladies.

Dans ce paysage dévasté et insalubre, les Gazaouis sont contraints à des conditions de vie des plus indignes selon les récentes dénonciations du quotidien israélien Haaretz : "Puces, moustiques, rats prospèrent à Gaza où les bombardements ont détruit le système d'égouts" ([6]).

b.   Des Gazaouis désespérés, sciemment déshumanisés, affamés et privés d’eau

Privés d’abris sûrs, contraints à un exode permanent dans le plus grand dénuement, les survivants de Gaza endurent des degrés de privations sans précédent.

Entre des ordres d’évacuations ou de déplacements forcés et chaotiques, de nombreux habitants ont été contraints à l’errance imposée, parfois plus de dix fois comme le relate Raphaël Pitti. Vivant dans des abris de fortune, les survivants sont souvent installés au cœur même des décombres, ce qui ajoute à leur souffrance quotidienne. Ces conditions de vie insalubres ont favorisé l’apparition de nombreuses pathologies, notamment des lésions dermatologiques chez les enfants. Les besoins en soins de santé primaire sont immenses, tant pour les pathologies aiguës que chroniques.

Avec des systèmes de distribution d’eau potable et d’assainissement quasiment à l’arrêt, de nombreux humanitaires intervenant dans le cadre d’ONG ou d’associations dénoncent depuis plusieurs mois les restrictions délibérées à l’eau ainsi que la limitation drastique de la nourriture pouvant entrer sur le territoire.

Sur le plan de l’accès à l’eau, la responsabilité d’Israël dans la situation d’urgence humanitaire ne fait aucun doute pour Lama Abdul Samad, spécialiste des enjeux liés à l’eau et à l’assainissement chez Oxfam : « nous avons déjà vu Israël recourir à la punition collective et utiliser la famine comme arme de guerre. Nous assistons maintenant à l’instrumentalisation de l’eau à des fins militaires, qui donne lieu à des conséquences mortelles. Mais la restriction délibérée de l’accès à l’eau ne date pas d’hier. Cela fait des années que le gouvernement israélien prive les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza d’un accès suffisant à l’eau salubre ([7])».

La pénurie de carburant rend par ailleurs impossible le recours à des camions-citernes pour une distribution d’eau potable à grande échelle par les ONG et associations, relate Raphaël Pitti. Médecins du monde a ainsi dû adapter ses méthodes de distribution en utilisant des charrettes tirées par des ânes. Celles-ci ne pouvant transporter qu’un maximum de 1 000 litres par trajet, ce qui est largement en dessous des besoins (environ 17 000 litres d’eau par jour).

La situation alimentaire est tout aussi critique. La population, en état de survie permanente, est contrainte de lutter chaque jour pour trouver de quoi se nourrir. Les marchés sont vides, les prix explosent, et la malnutrition progresse.

L’ignoble blocus alimentaire du 2 mars 2025 n’a fait qu’aggraver la faim et la soif. Les quelques progrès humanitaires obtenus lors du cessez-le-feu de janvier dernier ont été réduits à néant. Raphaël Pitti note que le blocus combiné à une offensive militaire d’une intensité extrême a accentué le sentiment de déshumanisation progressive de la population civile. Les habitants vivent sous un stress constant, exposés aux bombardements, aux attaques de drones, aux tirs de snipers, et contraints à des déplacements forcés répétés.

Si l’aide humanitaire a récemment repris, elle est contrôlée par Israël et n’entre qu’au compte-gouttes. Pire encore, les organisations internationales classiques ont été relayées par une entreprise privée, la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), pilotée par Israël et les États-Unis. Son impréparation et l’opacité de ses méthodes de travail se traduisent de manière dramatique dans l’actualité qui livre quotidiennement des images de personnes affamées, mourant de piétinement ou sous les balles d’une armée israélienne meurtrière alors que leur seul objectif est la survie.

Il ne fait pas de doute pour Jean-François Corty que le gouvernement israélien vise le démantèlement du système actuel de distribution de l’aide humanitaire géré par les Nations Unies et leurs partenaires humanitaires, pour le remplacer par un système de distribution fortement militarisé. Ce constat est partagé par Raphaël Pitti pour qui la distribution de l’aide est désormais assurée par des agents de sécurité américains, reconvertis de manière improvisée en « humanitaires », sans aucune formation ni compétence en gestion de crises humanitaires ni en organisation logistique adaptée à des populations civiles en détresse. La GHF ne cherche d’ailleurs pas à s’appuyer sur les acteurs institutionnels déjà présents et expérimentés, tels que l’UNRWA, la Croix-Rouge, le Programme alimentaire mondial (PAM) ou les ONG actives sur le terrain depuis des années. Les ONG qualifiées, écartées du dispositif, ont par ailleurs refusé de collaborer avec une structure qui ne respecte pas les principes fondamentaux de l’action humanitaire : la neutralité, l’indépendance et l’impartialité. Ces manquements compromettent gravement la crédibilité de cette initiative et mettent en danger la population qu’elle prétend aider.

Le commissaire général de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), Philippe Lazzarini dénonce également ce système dont l’objectif affiché est de mettre en place un système qui empêchera tout détournement de l'aide, alors que cette accusation a toujours été démentie par les humanitaires. « Les gens dans la bande de Gaza ne parlent pas de la « Gaza Humanitarian Foundation », ils parlent de la « Gaza Humiliation Foundation ». Ils perçoivent ce système comme un instrument d'humiliation, de soumission, qui les contraint à se déplacer encore pour se rapprocher des centres. Ils disent « on n'a pas le choix, on joue en fait à la roulette russe, on s'y rend mais on ne sait pas si on va revenir ou non ([8])».

La situation des enfants est particulièrement alarmante. Face à l’extrême rareté des vivres, nombre d’entre eux meurent régulièrement étouffés, piétinés par une foule affamée. Pour Edouard Beigbeder, directeur régional de l’UNICEF pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord : « depuis le début du conflit, les enfants de la bande de Gaza subissent des bombardements incessants tout en étant privés de biens essentiels, de services et de soins vitaux. La situation ne cesse d’empirer. Chaque jour de blocus supplémentaire accroît les risques de famine, de maladies et de mort pour ces enfants. ([9])»

c.   Une enclave sans issue et sans droit d’entrée, condamnant à une mort certaine les plus fragiles, même dans l’hypothèse d’un cessez-le-feu immédiat

Prisonniers dans l’enclave, les habitants de Gaza, encore en vie, sont privés de tout droit de sortie. Coincés entre Israël et l’Égypte, ils n’ont nulle part où aller. Le gouvernement israélien assure d’ailleurs une surveillance continue sur ce territoire dévasté, commente Jean-François Corty.

Ceux qui ont la force de se déplacer, au gré des ordres d’évacuation, sont contraints de s’entasser dans des zones restreintes. Lorsque Raphaël Pitti se trouvait à Rafah en janvier 2024, plus de 1,2 million de personnes y vivaient tant bien que mal, alors que la ville comptait 200 000 logements avant l’offensive israélienne. « C’était l’hiver, et les familles tentaient de se chauffer dans des tentes, brûlant du bois récupéré dans les ruines d’immeubles — du bois peint, verni ou traité, dégageant des fumées toxiques. Les conséquences respiratoires ont été immédiates, avec de nombreuses crises d’asthme, notamment chez les enfants. »

Cette interdiction de sortie des Palestiniens se double d’une interdiction d’entrée des personnes étrangères à l’enclave. C’est notamment le cas de la presse internationale qui n’a pu se rendre sur place pour couvrir les faits. Cette décision inédite vise clairement à invisibiliser et à déshumaniser un peu plus la population palestinienne.

Grâce à l’engagement des Palestiniens sur place, grâce à leur courage – car témoigner, c’est être une cible, c’est risquer sa vie -, le monde a toutefois été régulièrement informé des horreurs qui sont commises sur ce territoire occupé dans une indifférence générale sidérante. Les journalistes palestiniens ont payé cher le prix de cette indifférence.

Dans une tribune intitulée « Nous, journalistes français, nous déclarons solidaires de nos collègues de Gaza » ([10]) parue dans le Monde le 13 avril 2025, un collectif d’organisations professionnelles françaises dénonce la mort de près de 200 professionnels des médias palestiniens ainsi que le « black-out médiatique » que l’armée israélienne tente d’imposer pour taire les crimes de guerre commis par ses troupes. « Dans l’histoire de notre profession, tous conflits confondus, c’est une hécatombe d’une magnitude jamais vue. »

Les humanitaires ont également été l’instrument de la volonté d’invisibilisation des Palestiniens. L’instauration de la GHF, qui a éclipsé tous les acteurs classiques de la distribution d’aide alimentaire, en est une illustration.

Depuis sa dernière mission en mai 2024 à Gaza, Raphaël Pitti a introduit à trois reprises une demande d’autorisation pour retourner dans l’enclave. Toutes ont été refusées. Lorsqu’il s’y trouvait, il y a donc déjà plus d’un an, la situation sanitaire des Palestiniens était catastrophique. Ainsi, l’hôpital européen, financé par l’Union européenne, « prévu pour 600 lits, accueillait 900 patients, tout en étant entouré par 25 000 personnes déplacées, dont 3 000 vivaient à l’intérieur à même le sol ». Les conditions étaient à tel point dégradées que « le triage des blessés s’effectuait selon une logique inversée, donnant la priorité à ceux ayant le plus de chances de survie, faute de moyens pour traiter les cas les plus critiques. En plus de 30 ans d’interventions en zones de guerre, c’était la première fois que je faisais face à une telle inversion du triage, une épreuve d’une grande violence sur le plan éthique ».

Pour lui, l’ampleur des effets du blocus et des restrictions d’aide humanitaire sur la population civile est largement sous-estimée. Même en cas de cessez-le-feu immédiat et de reprise de l’aide humanitaire, un grand nombre de personnes est déjà condamné.

Un rapport de Médecins du monde sur la malnutrition, publié en mai 2025, conclut en effet que la malnutrition aiguë à Gaza a atteint des niveaux comparables à ceux observés dans les pays confrontés à des crises humanitaires prolongées, s'étalant sur plusieurs décennies.

D’après Raphaël Pitti, la dénutrition touchait déjà, avant l’instauration du blocus total, 60 % des personnes les plus vulnérables, atteignant le niveau 3 d’urgence. Depuis l’instauration du blocus, le niveau 5 (correspondant à une situation de famine) a été atteint notamment chez les enfants. On estime qu’environ 14 000 d’entre eux ont atteint un stade de dénutrition si avancé qu’ils nécessiteraient une prise en charge nutritionnelle lente et progressive, impossible à mettre en œuvre dans les conditions actuelles des hôpitaux. Pour lui : « cette réalité dramatique laisse peu de doute : le blocus semble viser délibérément à affamer et priver d’eau une population entière, dans une stratégie de destruction systématique ».

2.   Des crimes internationaux motivés par une volonté d’expansion coloniale

a.   Des actes systématiques et méthodiques de l’armée israélienne, caractéristiques des crimes de guerre, crimes contre l’humanité et crimes de génocide

Le 9 octobre 2023, le ministre de la Défense israélien Yoav Gallant déclarait : « nous imposons un siège complet sur la ville de Gaza. Il n’y aura ni électricité, ni nourriture, ni d’eau, ni de fuel, tout est fermé. Nous combattons contre des animaux humains et nous agissons en conséquence ([11])». « Le prix que paiera la bande de Gaza sera très lourd et changera la réalité pour des générations ([12])».

Ce 9 octobre 2023, tout est dit. L’objectif affiché était la libération des otages et l’élimination du Hamas. L’objectif réel était la destruction de toute vie à Gaza. Car comme le relate le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, un mois plus tard, sur le réseau social X : « ce sont tous des terroristes, et ils doivent également être détruits ! ».

Malgré les nombreux appels à l’aide, malgré les violations répétées du droit international, y compris dans son volet humanitaire, malgré les crimes internationaux largement documentés et des intentions génocidaires clairement affichées, le gouvernement israélien agit toujours en toute impunité.

Pourtant, le 26 janvier 2024, alors que les bombardements à Gaza, avaient déjà provoqué la mort de plus de 20 000 Palestiniens, la Cour internationale de justice déclarait qu’Israël devait prendre « toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l'incitation directe et publique à commettre le génocide » à Gaza et y permettre l'accès de l'aide humanitaire, dans le cadre d’une décision historique rendue à la suite du litige l’opposant à l'Afrique du Sud.

Dans un rapport publié le 20 septembre 2024, le Comité spécial chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes affectant les droits de l’homme du peuple palestinien et des autres Arabes des territoires occupés ([13]), estime que la famine est utilisée comme arme de guerre et que les méthodes utilisées par Israël à Gaza relèvent du génocide.

En octobre 2024, l’historien israélien Amos Goldberg accusait Israël de commettre un « génocide » à Gaza ([14]).

Que la qualification de génocide soit un jour retenue ou non par le juge pénal international, toutes les mesures auraient dû être prises pour en limiter le risque, conformément aux prescriptions de la justice internationale. Or les violations du droit international humanitaire et du droit international classique se sont multipliées sans jamais cesser, et sont constitutives de manière évidente de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

 

Définitions : crime de guerre, crime contre l’humanité, crime de génocide

Les crimes de guerre sont des violations du droit international humanitaire : le meurtre, la torture, le pillage, le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile ou contre le personnel d’aide humanitaire, des bâtiments consacrés à la religion, à l’éducation ou des hôpitaux. L’usage d’armes non autorisées par les conventions internationales, comme les armes chimiques ou les armes à sous-munitions, peut aussi être considéré comme un crime de guerre.

Les crimes contre l’humanité sont des crimes commis dans le cadre d’une attaque généralisée contre toute population civile tels que le meurtre, l’extermination, l’esclavage, la torture, le viol ou toute forme de violence ou d’esclavage sexuel. Ils comprennent trois éléments :

Matériel : meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation ou transfert forcé de population, emprisonnement, torture, formes graves de violence sexuelle, persécution, disparitions forcées de personnes, crime d’apartheid ou autres actes inhumains.

Contextuel : l’acte doit avoir été commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile.

Psychologique : « en connaissance de cette attaque ». Sous l’angle contextuel, les crimes contre l’humanité impliquent soit une violence à grande échelle, soit une forme de violence méthodique (systématique).

Le génocide regroupe deux éléments :

-          élément psychologique : une « intention de détruire en tout ou en partie un groupe national ou ethnique, racial ou religieux comme tel ».

-          et les cinq éléments matériels suivants :

         le meurtre des membres du groupe ;

         des atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membre du groupe ;

         la soumission intentionnelle à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;

         des mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;

         le transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

Source : Centre régional d’information des Nations Unies

 

 

Comme le souligne Jean-François Corty, rien n’a jamais été mis en place pour protéger la population civile, aucune zone tampon n’a été créée pour l’épargner, aucun camp de réfugiés n’a été érigé pour la protéger, à l’image par exemple de celui de Zaatari construit en 2012 en Jordanie dans le cadre de la guerre civile syrienne.

Dans l’exercice de leurs fonctions, Jean-François Corty et Raphaël Pitti relatent au cours de leur audition les violations du droit international humanitaire dont ils ont été les témoins, parmi lesquelles :

 Outre l’utilisation de la faim et de la soif comme arme de guerre, une stratégie d’empêchement du gouvernement israélien et des milices armées visant à entraver toute action à vocation humanitaire. Raphaël Pitti, à travers l’exemple d’un convoi acheminant des médicaments, relate les difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs sur le terrain. Faire entrer un camion à Gaza signifie d’abord en assurer la sécurité contre les attaques de groupes armés opérant comme des milices mafieuses. « Avec l’appui du ministère de la Santé du Hamas, nous avons dû rémunérer des gardes pour assurer la protection du transport. Lors du deuxième envoi, malgré ces précautions, le convoi a été attaqué : un des gardes a été blessé par balle à la jambe. Par ailleurs, nous avons tenté d’introduire, via l’ONG israélienne IsraAid, des fournitures scolaires destinées aux enfants. Il s’agissait de matériel d’une valeur de 5 000 dollars, acheté pour leur permettre d’exprimer leurs angoisses et traumatismes à travers le dessin — un outil thérapeutique essentiel dans ce contexte. Pourtant, la COGAT (l’autorité israélienne de coordination des activités gouvernementales dans les territoires) a refusé l’entrée de ce matériel, évoquant des raisons de sécurité. Ce refus est d’autant plus incompréhensible et injustifiable que ces fournitures avaient une fonction exclusivement humanitaire et psychologique. Cela constitue, de fait, une violation de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (1989), pourtant ratifiée par Israël, qui garantit notamment le droit à l’éducation et à la protection psychologique en temps de guerre ».

 Des attaques ciblées contre les infrastructures et contre les personnels humanitaires : entre février 2024 et juin 2025, les locaux de Médecins du Monde ont été attaqués à plusieurs reprises par les forces israéliennes malgré le respect de la procédure dite de « déconfliction ». Plus généralement, plus d’un tiers des organisations déclarent que leurs infrastructures ont été directement ou indirectement touchées par des bombardements, alors même qu’elles étaient « déconflictées ».

Ces attaques démontrent que les humanitaires sont clairement devenus des cibles au même titre que toutes les personnes présentes dans les lieux. Ainsi, le 10 juin dernier, le bureau de Médecins du monde situé à Deir El Balah a été attaqué par des drones. Au moins 8 personnes civiles ont été tuées.

D’après les données issues du dernier Snapshot sur l’accès humanitaire, qui recueillent les données de 46 ONG palestiniennes et internationales, au moins 452 personnels humanitaires ont été tués depuis octobre 2023.

Les manquements au droit international, y compris humanitaire, se traduisent également par l’assimilation de toute la population civile palestinienne, enfants compris, à des terroristes, par l’imposition d’un régime d’apartheid en Cisjordanie ([15]) , par la privation des droits des Palestiniens à un environnement propre, sain et durable, ainsi que par les attaques répétées contre l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), et plus généralement contre les organisations internationales humanitaires.

En détruisant Gaza, le gouvernement de Netanyahou veut effacer toute trace d’existence du peuple palestinien, il s’en prend directement à leur histoire, il veut tuer leur mémoire.

L’anéantissement du patrimoine historique de l’enclave, au mépris de la Convention de La Haye visant la protection des biens culturels en cas de conflit armé des engagements internationaux, et ratifiée par Israël le 3 octobre 1957, en est une sinistre illustration. Les attaques directes contre des écoles ou des sites religieux et culturels, constituent un crime de guerre et un crime contre l’humanité d’extermination selon les conclusions d’enquêteurs indépendants mandatés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU ([16]).

L’interdiction d’accès de la presse internationale dans l’enclave et la décimation sans précédent des journalistes palestiniens visent à masquer ces crimes. Pourtant, les images nous parviennent, qu’elles proviennent de données satellitaires ou de Palestiniens agissant au péril de leurs vies.

Selon Erika Guevara-Rosas, directrice générale de la recherche, du plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International : « notre analyse révèle une pratique généralisée le long du périmètre est de Gaza correspondant à la destruction systématique d’une zone entière. Ces habitations n’ont pas été détruites à la suite de combats intenses. L’armée israélienne a rasé délibérément ces terres après en avoir pris le contrôle ([17])».

Comme le résume la poétesse palestinienne Nour Elassy : « ils ont transformé les maisons en cibles, les hôpitaux en cimetières, les écoles en ruines. Ils nous ont affamés, déplacés, bombardés encore et encore, jusqu'à ce qu'il ne reste plus que la survie. Ce n'est pas une guerre, c'est un nettoyage démographique, systématique et cruel. Ils ne voulaient pas seulement nous tuer, ils voulaient tuer notre volonté de rester. ([18])»

Pour Yannick Quéau, directeur du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), « rester (à Gaza), c’est mourir » ([19]). Le drame de Gaza est celui « d’une guerre coloniale visant à priver un peuple de toute possibilité pour lui de vivre sur ses terres et de bénéficier du droit à l’autodétermination. »

b.   Une volonté d’annexion territoriale désinhibée par le soutien indéfectible de l’allié américain et les projets ubuesques du président Trump

La cruauté des attaques israéliennes contre la population gazaouie a été relevée par de nombreux observateurs internationaux. Des voix de la société israélienne se sont également élevées comme celle d’Ehoud Olmert, ancien Premier ministre israélien, qui affirme, dans une tribune parue dans le Monde le 5 juin 2025 ([20]), que la guerre menée par le gouvernement de Netanyahou, aux visées purement personnelles, est contraire aux intérêts d’Israël. Qualifiant les dirigeants actuels d’« ennemis intérieurs », il confie qu’« Israël commet bien des crimes de guerre à Gaza ».

Déclenchée en affichant le but de libérer les 251 personnes enlevées par le Hamas le 7 octobre 2023, l’offensive israélienne, par sa durée et sa volonté marquée de détruire toute vie à Gaza, ne peut plus se cacher derrière l’objectif de ramener les 57 derniers otages, dont au moins 34 seraient décédés, en particulier après les multiples refus par Israël de propositions d’accords prévoyant la libération de tous les otages en échange d’un cessez-le-feu.

Il aura fallu attendre 16 mois de bombardement pour qu’une première trêve intervienne en janvier 2025 et permette la libération d’une dizaine d’otages israéliens et de milliers de prisonniers palestiniens détenus en Cisjordanie.

La rupture unilatérale du cessez-le-feu en mars dernier a clairement mis en danger les otages israéliens encore vivants. D’ailleurs, comment pourraient-ils eux-mêmes survivre à l’anéantissement de l’enclave ?

Un nouveau plan dit « Chariots de Gédéon », nom tiré du personnage biblique du Livre des Juges, a été approuvé le 4 mai 2025 par le Cabinet de sécurité israélien. Ce plan vise à s’emparer de la bande de Gaza, qui serait alors entièrement occupée par l’armée israélienne ([21]).

La mission de l’armée consiste à raser progressivement ce qui reste des infrastructures de l’enclave, réseaux de tunnels compris.

La population serait quant à elle déplacée de force vers la région de Rafah, à la frontière avec l’Égypte.

Dans un récent article, le quotidien israélien Haaretz révèle que 82 % de la bande de Gaza est inaccessible, les zones concernées étant déclarées interdites par l’armée ([22]).

L’établissement d’une présence physique israélienne « soutenue » et le déplacement pour une durée indéterminée de la population témoignent, une fois de plus, selon l’avocate Erika Guevara Rosas d’Amnesty International du « mépris total d’Israël pour le droit international et pour les droits des Palestiniens ([23])», enterrant les espoirs d’une solution à deux États.

Dans un article publié dans le journal libanais L’Orient-Le-Jour, le journaliste Anthony Samrani estime que c’est le soutien de l’administration américaine qui autorise la radicalisation politique du gouvernement israélien. Le projet américain de transformer Gaza en une « Riviera » et de déplacer de force la population gazaouie en Égypte et en Jordanie font en effet office de blanc-seing ([24]).

Avant le plan « Chariots de Gédéon », le ministre de la Défense israélien, Israël Katz avait d’ailleurs ordonné en mars dernier à l’armée de « saisir davantage de territoires » ([25])dans la bande de Gaza.

Aujourd’hui, le Premier ministre israélien assume clairement ses ambitions : « nous avons l’intention de prendre le contrôle de l’ensemble du territoire. Mais nous devons agir de manière que personne ne puisse nous arrêter ([26])», tout comme le ministre des finances Bezalel Smotrich, selon lequel Gaza « sera totalement détruite » -[27])

Ces violations du droit international ont cours à Gaza mais également en Cisjordanie où l’installation de colons sur les territoires occupés (dont Jérusalem-Est, le plateau du Golan, dans la bande de Gaza, dans la péninsule du Sinaï) s’accélère. Ces colonies ont pourtant été condamnées à plusieurs reprises par les Nations unies et jugées illégales au regard du droit international. Depuis 2019, l'ONU considère qu’elles relèvent du crime de guerre ([28]). Une décision de la Cour internationale de justice de juillet 2024 (cf. infra) demande à Israël d'évacuer les territoires palestiniens occupés.

En dépit de ces condamnations formelles, Jean-François Corty constate que 85 % des structures du hameau de Khallet Athaba’ (Masafer Yatta, en Cisjordanie) ont été détruites depuis le 7 octobre. Par ailleurs, des ordres de démolition concernant plus de 100 maisons dans les camps de réfugiés de Nour Chams et Tulkarem ont été donnés. Les raids et déplacements forcés continuent dans les gouvernorats du Nord. Les attaques des colons israéliens ont augmenté avec une violence répétée contre les éleveurs et les infrastructures agricoles. D’après les données issues du dernier Snapshot sur l’accès humanitaire, 93 % des ONG présentes en Cisjordanie font état d'une augmentation des restrictions à la liberté de circulation sur ce territoire, ce qui affecte leur capacité à atteindre les communautés dans le besoin. 48 % déclarent être dans l'impossibilité d'atteindre certaines communautés et de fournir des services dans certaines parties de la Cisjordanie, tandis que 38 % déclarent avoir dû suspendre ou réduire leurs activités en Cisjordanie.

Dans son ouvrage paru en mai 2025, Gaza, une guerre coloniale, Stéphanie Latte Abdallah souligne que l’offensive israélienne à Gaza s'inscrit dans une continuité historique qui implique l’ensemble de la Palestine. Empruntant un discours colonialiste pleinement assuré, le Premier ministre israélien déclarait d’ailleurs, dès les premières semaines de son offensive, qu’Israël menait « sa seconde guerre d’indépendance » ([29]).

En réalité, Israël n’a que faire du droit international. Il ne le respecte à peu près jamais depuis la résolution 181 adoptée en novembre 1947 par l'Assemblée générale des Nations Unies qui a décidé du partage de la Palestine en un « État juif » et un « État arabe ». Le premier, Israël, est né le 14 mai 1948 via sa déclaration d'indépendance, qui fait clairement référence à l’ONU comme l'un des éléments fondateurs de la création de l'État. Le second, l'État palestinien, bien que reconnu par trois quarts des États du monde, voit ses conditions matérielles d’existence réduites à mesure qu’Israël s’empare des territoires qui lui sont dévolus.

c.   L’adoption du narratif israélien de « légitime défense » par les principales puissances occidentales a profondément nui aux Palestiniens vivant dans les « territoires occupés »

La réponse du gouvernement israélien aux attaques du 7 octobre s'est traduite par des attaques systématiques, généralisées et durables tant sur les territoires palestiniens occupés que sur la population civile, chaque jour un peu plus humiliée et déshumanisée tant ses conditions de survie sont dégradantes.

La réaction des puissances occidentales à l’affirmation par Israël de son droit à se défendre en déclenchant une « guerre » est problématique au regard du droit international qui encadre très précisément le recours à l’usage de la force, par principe interdit (article 2-4 de la Charte des Nations unies), sauf sur décision du Conseil de sécurité ou en cas de légitime défense (article 51 de la Charte).

Julia Grignon et Johann Soufi soulignent toutefois que l’application du concept de « légitime défense » exercé en « territoires occupés » pose question. En effet, ce concept peut être invoqué lors d’une agression armée commise par un État contre un autre État. Or les territoires palestiniens ne sont pas reconnus comme tels par Israël, à moins de considérer que l’exercice du droit de la légitime défense constitue une forme de reconnaissance implicite de la qualité d’État de la Palestine de la part d’Israël, ce qui n’est pas le cas.

Quoi qu’il en soit, en réponse aux attaques du 7 octobre, l’Union européenne et des États-Unis, ont reconnu ce droit à Israël sans s’assurer que l’exercice de la dite légitime défense respecte, conformément au droit humanitaire, les principes de proportionnalité, de nécessité et de distinction consacrés dans les Conventions de Genève du 12 août 1949 et dans le Protocole additionnel de 1977.

Ce droit illimité à la légitime défense a éclipsé la question du droit humanitaire, principalement en Europe et aux États-Unis. Lesdites puissances ont en effet longtemps soutenu, sans émettre la moindre critique, le droit d’Israël à user de la force alors que cet usage de la violence a consisté, dès le début des opérations militaires israéliennes, en des bombardements sur une enclave occupée, qualifiée de longue date de prison à ciel ouvert.

Pire encore, la moindre critique de la politique israélienne d’anéantissement, la moindre défense du droit de la société civile palestinienne à être protégée, la moindre parole de contestation face à l’inaction des principaux dirigeants politiques était assimilée à de l’antisémitisme.

Alors que la société civile palestinienne était la cible quotidienne de drones meurtriers, les voix s’élevant pour dénoncer ses crimes étaient sommées de se taire.

Dans un article de la BBC du 14 novembre 2023, « Guerre Israël-Gaza : Quels sont les pays qui soutiennent les représailles israéliennes à Gaza et ceux qui les condamnent ? » ([30]), soit quelques semaines après le début de la mise en œuvre de la politique d’anéantissement de Gaza, les divisions entre les États sont claires. Si les puissances occidentales soutiennent publiquement les offensives israéliennes sur la bande de Gaza, le reste du monde, tout en condamnant majoritairement et fermement les attaques du 7 octobre, dénonce les méthodes employées par le gouvernement Netanyahou. Au Brésil, le président Luiz Inacio Lula da Silva déclare le 25 octobre 2023 : « Ce n'est pas une guerre, c'est un génocide qui a tué près de 2 000 enfants qui n'ont rien à voir avec cette guerre, ils sont victimes de cette guerre ». En Colombie, le président Gustavo Petro déclare le 2 novembre 2023 : « La Colombie ne soutient pas les génocides ». Au Chili, le Ministère des affaires étrangères affirme le 31 octobre 2023 : « Compte tenu des violations inacceptables du droit international humanitaire commises par Israël dans la bande de Gaza, le gouvernement du Chili a décidé de rappeler l'ambassadeur chilien en Israël, Jorge Carvajal, à Santiago pour consultations. » Au Moyen-Orient, les Émirats arabes unis et le Bahreïn, qui avaient tous deux normalisé leurs relations avec Israël dans le cadre des accords d'Abraham, ont rappelé leur ambassadeur, tout comme la Jordanie qui a accusé Israël de créer une « catastrophe humanitaire sans précédent. »

Cependant, les sanctions prises à l’encontre du gouvernement israélien se limitent pour l'heure à des sanctions prises contre certains ministres par certains États, comme l'Australie, la Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Norvège.

B.   MALGRÉ LES VIOLATIONS RÉPÉTÉES ET FLAGRANTES DU DROIT INTERNATIONAL, L’UNION EUROPÉENNE EST RESTÉE INSENSIBLE AU SORT DES PALESTINIENS, AU MÉPRIS DES PRINCIPES QU’ELLE PRÉTEND DÉFENDRE

1.   Plusieurs acteurs ont très tôt alerté la communauté internationale des atrocités commises à Gaza et en Cisjordanie

a.   La dénonciation précoce et continue par la société civile des crimes commis par l’armée israélienne contraste avec le caractère parfois tardif des condamnations politiques

Dès le début de l’offensive israélienne en 2023, de nombreuses ONG et associations intervenant dans le champ humanitaire ont tenté d’alerter l’opinion publique sur la réalité de la situation à Gaza. Comme le raconte Raphaël Pitti, les grandes ONG internationales se sont réunies de manière inédite fin 2023 pour former un collectif visant à réclamer un cessez-le-feu et l’ouverture des frontières, afin de permettre l’entrée de l’aide humanitaire qui avait été déjà bloquée.

Jean-François Corty insiste en outre sur le durcissement progressif des critères entourant les conditions d’octroi des mesures d’enregistrement des ONG. Reposant sur des critères flous, généraux et politiques, les règles semblent conçues pour « réduire au silence les activités de plaidoyer fondées sur les droits humains et renforcer le contrôle israélien sur les opérations indépendantes d’aide humanitaire, de développement et de consolidation de la paix. »

Plus généralement, les rapports successifs des différentes ONG démontrent un démantèlement systématique de l'architecture humanitaire dans la bande de Gaza par Israël.

Outre le travail des ONG et associations humanitaires, d’autres voix de la société civile ont tenté d’alerter l’opinion publique sur les atrocités commises à Gaza.

Parmi les dernières, Libération publie le 27 mai 2025, une tribune regroupant plus de 300 écrivains francophones intitulée « Nous ne pouvons plus nous contenter du mot “horreur”, il faut nommer le “génocide” à Gaza » ([31]): « Depuis la rupture par Israël d'un cessez-le-feu qui devait conduire à la fin de la guerre et à la libération des otages, l'attaque sur Gaza a repris avec une brutalité redoublée. Désormais, les déclarations publiques répétées des figures de premier plan comme les ministres israéliens Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir expriment ouvertement des intentions génocidaires. La qualification de « génocide » pour décrire ce qu'il se passe à Gaza ne fait plus débat pour nombre de juristes internationaux et d'organisations de protection des droits humains : la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), Amnesty International, Médecins sans frontières, Human Rights Watch, le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, les rapporteurs des Nations unies, et bien d'autres spécialistes et historiens. »

Dans une tribune parue le 11 mai 2025 dans La Tribune ([32]), un collectif de 45 personnalités (historiens, philosophes, sociologues, membres de l'Académie française…) demande à la France, au Royaume-Uni et à l'Europe d'agir pour « la paix et la coopération » entre Israël et la Palestine.

À la veille de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes, plus de 900 artistes du monde du cinéma ont signé un appel visant à s‘engager contre le génocide à Gaza ([33]).

Les acteurs étatiques, particulièrement occidentaux, ont en revanche tardé à condamner les actions du gouvernement israélien.

Le blocus brutal imposé par Israël a toutefois réveillé certaines consciences.

La déclaration finale du sommet de la Ligue arabe, réuni le 17 mai 2025 à Bagdad, a ainsi réclamé des pressions internationales accrues pour stopper « l'effusion de sang » à Gaza. Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez, qui participait à ce sommet et qui a été l’une des rares voix à se manifester en Europe pour condamner l’intervention dans l’enclave palestinienne, a par ailleurs appelé à « intensifier notre pression sur Israël pour arrêter le massacre à Gaza, notamment par les voies que nous offre le droit international ([34])».

Le 19 mai, le président Macron, le Premier ministre britannique Keir Starmer et le Premier ministre canadien Mark Carney ont fait une déclaration conjointe sur la situation à Gaza et en Cisjordanie, dans laquelle ils affirment s’opposer fermement « à l'extension des opérations militaires israéliennes à Gaza » et « à toute tentative d'expansion des colonies en Cisjordanie ». Rappelant leur soutien « au droit d'Israël à défendre les Israéliens contre le terrorisme », ils considèrent que « cette escalade est totalement disproportionnée » et que « le déplacement forcé permanent est une violation du droit international humanitaire ([35])».

Le 20 mai, le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, tout en intensifiant ses critiques à l'égard de l'opération en cours à Gaza, annonce la suspension des négociations de libre-échange avec Israël et la mise en place de nouvelles sanctions sur des colons en Cisjordanie.

L’Allemagne, qui a pourtant élevé l'existence d'Israël au rang de raison d'État, commence à changer de position. Pour le Chancelier allemand Friedrich Merz, les agissements d’Israël à Gaza « ne peuvent plus être justifiés ». Lors d’une interview accordée à la chaîne publique allemande WDR le 26 mai 2025, il a affirmé que : « lorsque des limites sont franchies, lorsque le droit international est réellement bafoué, même le Chancelier allemand doit s’exprimer » ([36]).

 

b.   Le véto américain au Conseil de sécurité bloque toute possibilité pour un cessez-le-feu immédiat alors que cette solution est majoritairement défendue au sein de l’Assemblée générale des Nations unies

Malgré les déclarations, le gouvernement israélien n’a fait l’objet d’aucune sanction depuis son offensive à Gaza, donnant l’impression qu’il peut agir en toute impunité.

Le Conseil de sécurité de l'ONU, dont le mandat a pour objet d’assurer la sécurité et la paix mondiales, dispose de nombreux pouvoirs pour mener à bien sa mission au titre du chapitre VII de la Charte : recommander des procédures de règlement pacifique des différends, autoriser l’usage de la force pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité, mettre en place une opération de maintien de la paix, créer des régimes de sanctions ou établir des tribunaux pénaux internationaux.

Dans le cas où une situation menacerait gravement la paix, ses 15 membres peuvent adopter des résolutions imposant des obligations ou des sanctions à un ou plusieurs États.

Comme souvent toutefois, son fonctionnement est bloqué en raison des intérêts de l’un de ses cinq membres permanents. Cette fois, c’est la protection indéfectible qu’accordent les États-Unis à Israël qui représente le principal obstacle à tout cessez-le-feu. Ainsi, le dernier projet de résolution en date du 4 juin 2025, qui exigeait un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent et la libération sans condition des otages, a recueilli 14 voix pour et une contre, celle des États-Unis.

Avant ce vote, l'ambassadeur palestinien à l'ONU Riyad Mansour avait affirmé : "nous serons tous jugés par l'Histoire sur ce que nous avons fait pour stopper ce crime contre le peuple palestinien ([37])".

À la suite de cet échec, l'Assemblée générale de l'ONU s’est réunie en urgence. L’Assemblée peut en effet se saisir des questions de paix et de sécurité internationales dans le cadre d’une session extraordinaire lorsque le Conseil de sécurité est incapable d'agir faute d'unanimité parmi ses cinq membres permanents. La proposition de résolution, qui exige un cessez-le-feu immédiat, condamne fermement le recours à la famine comme arme de guerre et appelle à la fin du blocus israélien de l'aide humanitaire. Elle a été adoptée le 12 juin 2025 par 149 voix pour, 12 contre et 19 abstentions.

Si elles ne sont pas contraignantes, les résolutions de l’Assemblée ont toutefois un poids politique et moral certain et permettent d’appréhender les positions des États.

 


Principaux points de la résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies :

 Appelle à un cessez-le-feu immédiat, inconditionnel et permanent de toutes les parties

 Exige la libération immédiate et inconditionnelle de tous les otages détenus par le Hamas et d'autres groupes

 Exige la mise en œuvre intégrale et immédiate de la résolution 2735 (2024) du Conseil de sécurité des Nations Unies, y compris le cessez-le-feu, les échanges d'otages et de prisonniers, le retour des personnes déplacées et le retrait des troupes israéliennes de Gaza

 Rappelle que toutes les parties doivent respecter le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme, en particulier la protection des civils et la responsabilisation des auteurs de violations

 Condamne fermement le recours à la famine et au refus d'aide comme armes de guerre

 Exige l'acheminement complet, sûr et sans entrave de l'aide humanitaire (nourriture, médicaments, eau, abris, carburant) dans toute la bande de Gaza

 Exige un traitement humain et la libération des personnes détenues arbitrairement, ainsi que la restitution des dépouilles

 Rappelle la demande d’avis consultatif urgent de la Cour internationale de Justice sur les obligations d’Israël dans le territoire palestinien occupé

 Exige qu’Israël lève immédiatement le blocus de Gaza et ouvre tous les points de passage frontaliers à l’acheminement de l’aide

 Exhorte les États à prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect du droit international par Israël

 Appelle tous les États à respecter les fonctions de l’ONU et l’immunité de son personnel

 Exhorte le personnel humanitaire et des Nations Unies à protéger ses personnels

 Souligne l’obligation de protéger le personnel, les installations et les transports médicaux

c.   Les mesures conservatoires prises par la Cour internationale de justice en janvier 2024 obligent les États parties à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide à tout mettre en œuvre pour prévenir la commission de ce crime

Ayant pour mission de veiller à l'application du droit international, la Cour internationale de justice (CIJ) est l'organe judiciaire de l'Organisation des Nations unies.

123 États, dont la France, reconnaissent aujourd’hui sa compétence pour juger les crimes les plus graves commis sur leur territoire et qui touchent l'ensemble de la communauté internationale : crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre, crimes d'agression.

La Cour peut être saisie pour avis sur une question juridique. Bien que dépourvus de toute force contraignante, ses avis n’en sont pas moins revêtus d’une autorité morale. La Cour a également pour mission de régler, en application des traités internationaux, les litiges qui sont portés à sa connaissance par les États (différends frontaliers par exemple). Ses décisions sont obligatoires.

Saisie par la République sud-africaine sur fondement de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la CIJ a rendu une ordonnance historique le 26 janvier 2024, au regard de laquelle les atteintes invoquées par l’Afrique du Sud aux droits des Palestiniens de Gaza sont plausibles. Il en va ainsi de leur droit d’être protégés contre les actes de génocide.

La Cour rappelle qu’en cas d’urgence, c’est-à-dire s’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits en litige, elle tient de l’article 41 de son Statut le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires.

Constatant que « la population civile de la bande de Gaza demeure extrêmement vulnérable », la CIJ « rappelle que l’opération militaire conduite par Israël après le 7 octobre 2023 a notamment fait des dizaines de milliers de morts et de blessés et causé la destruction d’habitations, d’écoles, d’installations médicales et d’autres infrastructures vitales, ainsi que des déplacements massifs de population ».

Par quinze voix contre deux, elle prend un certain nombre de mesures conservatoires imposant à l’État d’Israël de :

 prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de la convention (meurtre de membres du groupe ; atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; et mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe) ;

 veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette aucun des actes visés ci-dessus ;

 prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide à l’encontre des membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ;

 prendre sans délai des mesures effectives pour permettre la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence afin de remédier aux difficiles conditions d’existence auxquelles sont soumis les Palestiniens de la bande de Gaza ;

 prendre des mesures effectives pour prévenir la destruction et assurer la conservation des éléments de preuve relatifs aux allégations d’actes entrant dans le champ d’application des articles II et III de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide commis contre les membres du groupe des Palestiniens de la bande de Gaza ;

 soumettre à la Cour un rapport sur l’ensemble des mesures qu’il aura prises pour donner effet à la présente ordonnance dans un délai d’un mois à compter de la date de celle-ci.

Julia Grignon précise lors de son audition les effets juridiques de l’ordonnance du 26 janvier 2024 pour les États tiers. En concluant au « risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits qu’elle a jugés plausibles », la CIJ active l’obligation de prévention du crime de génocide dont le contenu avait été précisé dans un arrêt du 26 février 2007 (BiH c/Serbie). Selon cette décision, l’obligation de prévention s’impose aux États parties à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. C’est le cas de la France et de tous les États membres de l’Union européenne. Les États parties doivent ainsi mettre en œuvre tous les moyens qui sont raisonnablement à leur disposition afin d’empêcher, dans la mesure du possible, le génocide. La CIJ met donc à la charge des États une obligation de moyen et non de résultat. La responsabilité d’un État peut être engagée en cas de manquement manifeste de mise en œuvre des mesures de prévention du génocide qui était à sa portée et qui auraient pu contribuer à l’empêcher. Julia Grignon souligne toutefois que la responsabilité d’un État pour violation de l’obligation de prévenir le génocide n’est susceptible d’être retenue que si un génocide a effectivement été commis.

2.   Malgré les demandes des rares États membres en ce sens, l’Union européenne n’a pas tiré les conséquences des nombreuses violations du droit humanitaire perpétrées par l’armée israélienne

a.   L’accord d’association liant l’Union européenne à Israël fait du respect des droits humains un élément essentiel du partenariat

L’Union européenne entretient des liens anciens avec Israël. Si des accords commerciaux ont été signés en 1964, 1970 et 1975, l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, signé en 1995 et entré en vigueur en 2000, constitue aujourd’hui le cadre juridique des relations bilatérales entre les deux partenaires. Né au lendemain du processus d’Oslo, cet accord mixte composé d’un volet commercial et d’un volet politique, visait à contribuer économiquement au processus de paix israélo-arabe.

Il prévoit que sa mise en œuvre doit être évaluée annuellement dans le cadre du Conseil d’association de niveau ministériel ou du Comité d’association organisé au niveau des hauts fonctionnaires.

Cet accord a été conclu dans la lignée des principes énoncés à l’article 21 alinéa 1 du Traité sur l'Union Européenne en vertu desquels : «  L'action de l'Union sur la scène internationale repose sur les principes qui ont présidé à sa création, à son développement et à son élargissement et qu'elle vise à promouvoir dans le reste du monde : la démocratie, l'État de droit, l'universalité et l'indivisibilité des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le respect de la dignité humaine, les principes d'égalité et de solidarité et le respect des principes de la Charte des Nations unies et du droit international. »

C’est donc dans cet esprit qu’a été introduite à l’article 2 de l’accord d’association une clause dite « de droits humains » ou « démocratique » rédigée comme suit : « les relations entre les parties, ainsi que toutes les dispositions de l’accord lui-même, sont fondées sur le respect des droits humains et des principes démocratiques, qui guide leur politique intérieure et internationale et constitue un élément essentiel du présent accord ».

Le préambule souligne également l’attachement des parties « aux principes de la Charte des Nations Unies, notamment le respect des droits de l’homme et de la démocratie, qui constituent le fondement même de l’Association ».

Dans cette optique, l’article 82 prévoit que « chacune des parties peut dénoncer l'accord en notifiant son intention à l'autre partie. L'accord cesse d'être applicable six mois après cette notification ».

L’article 76 précise également qu’« aucune disposition du présent accord n'empêche une partie contractante de prendre toutes mesures (…) qu'elle estime essentielles pour assurer sa propre sécurité en cas de troubles internes graves affectant l'ordre public, en cas de guerre ou en cas de tension internationale grave constituant une menace de guerre ou pour s'acquitter d'obligations qu'elle a acceptées aux fins du maintien de la paix et de la sécurité internationale ».

En vertu de l’article 79 enfin, « les parties prennent toute mesure générale ou particulière nécessaire pour s'acquitter de leurs obligations au titre du présent accord. Elles veillent à ce que les objectifs énoncés dans cet accord soient atteints ; si une partie considère que l'autre partie n'a pas satisfait à une obligation découlant du présent accord, elle peut prendre les mesures appropriées. Elle doit au préalable, sauf cas d'urgence spéciale, fournir au Conseil d'association toutes les informations pertinentes nécessaires à un examen approfondi de la situation en vue de la recherche d'une solution acceptable pour les parties. »

Sur la base de ces éléments combinés au dispositif de l’ordonnance de la CIJ de janvier 2024, l’Union européenne devrait suspendre l’accord d’association.

b.   Les appels des rares États membres demandant à suspendre le contrat d’association n’ont toujours pas été suivis d’effet

Malgré l’échec du processus de paix et des nombreuses entorses au droit international par Israël, les relations euro-israéliennes n’ont cessé de s’enrichir, notamment dans le secteur scientifique avec par exemple la participation d’Israël au programme-cadre pour la recherche et l’innovation « Horizon Europe ».

Aujourd’hui, en dépit de la situation à Gaza, l’Union européenne n’a ni suspendu ni dénoncé l’accord d’association, à l’instar de la suspension partielle de l’accord de coopération avec la Syrie décidée par l’Union européenne en 2011 en raison de « la violation manifeste des principes de la Charte des Nations Unies ».

Pourtant, des demandes en ce sens ont été formulées dès février 2024, par l’Irlande et l’Espagne qui ont adressé une lettre à la Commission européenne afin d’évaluer le respect par Israël de ses obligations au regard de l’article 2.

La Commission n’ayant pas pris cette initiative, l’évaluation a été réalisée fin 2024 par le Représentant spécial de l’UE pour les droits humains, Olof Skoog sur demande de l’ancien Haut représentant Josep Borrell.

Sur la base de cette évaluation, ce dernier a formulé en novembre 2024 la proposition de suspendre le dialogue politique avec Israël, proposition rejetée par de nombreux États membres dont la France, l’Allemagne, les Pays Bas, la République tchèque, la Hongrie, l’Italie ou la Belgique. Ce rejet inspirera à Josep Borrell cet avertissement : « l’histoire nous jugera tous, chacun d’entre nous. ([38]) »

Surtout, les violations par Israël du droit international et du droit humanitaire en particulier ne datent pas de l’après 7 octobre.

Le Haut Représentant Josep Borrell, déclarait ainsi à la revue Le Grand Continent en novembre 2023 que « la colonisation illégale de la Cisjordanie et la violence à l’encontre des Palestiniens se sont accrues en toute impunité. Elles sont devenues encore plus brutales après le 7 octobre. » Les colons sont passés, en trente ans, de 270 000 à 700 000 ([39]).

Si l’impunité d’Israël est généralement la règle, ses violations du droit international avaient toutefois justifié l’arrêt des réunions du Conseil d’association en 2012. Après dix ans d’interruption, elles ont repris en octobre 2022, passant outre les nombreuses protestations de la société civile palestinienne ou internationale.

Le 20 mai dernier, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean‑Noël Barrot a (enfin !) appelé à réexaminer l’accord d’association en vue de son éventuelle suspension, comme l’avait fait un peu plus tôt dans l’année son homologue néerlandais. Ce même jour, la Haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Kaja Kallas, a annoncé que le réexamen de l’article 2 de l’accord d’association Union-Israël figurait désormais à l’agenda européen. Le 21 juin, son service a mis en évidence « des indices de violation » des engagements en matière de droits humains tels qu’énoncés dans l’article 2. Ce rapport de 8 pages note notamment l'« utilisation d'armes à large rayon d'impact dans des zones densément peuplées et une restriction sévère de l'entrée et de la distribution des aliments et des services essentiels », et que « le niveau sans précédent de morts et de blessés parmi les civils à Gaza » était une conséquence directe du non-respect par les forces de défense israéliennes des principes fondamentaux du droit humanitaire international ([40]). La situation en Cisjordanie est également évoquée, où « les tendances négatives de discrimination, d'oppression et de violence contre les Palestiniens se sont aggravées » depuis le 7 octobre 2023.

Malgré ces conclusions accablantes, la Haute Représentante de l’UE, Kaja Kallas, n’a pu que réitérer, lors du dernier Conseil des Affaires étrangères qui s’est tenu le 23 juin, la nécessité pour Israël d’améliorer la situation humanitaire à Gaza faute d’accord entre les 27 ministres des Affaires étrangères. Elle a par ailleurs déclaré que si la situation ne s'améliorait pas, le Conseil se réunirait à nouveau en juillet.

Comme l’a rappelé le ministre espagnol José Manuel Albares lors de ce Conseil, « le temps des mots, le temps des déclarations est derrière nous ([41]. Les Gazaouis n’ont pas le luxe de pouvoir attendre une prochaine réunion. D’ici là, beaucoup d’entre eux seront déjà morts.

Sans nier les indications selon lesquelles le gouvernement israélien violerait ses obligations en matière de droits de l'homme en vertu dans l'accord d'association, les 27 n’ont pris aucune mesure contre Israël.

c.   L’inaction de l’Union européenne suscite l’incompréhension de nombreux acteurs dont certains dénoncent une application du droit humanitaire international à double standard

Le 7 octobre 2023, en réaction aux attaques du Hamas, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies, Volker Türk déclare : « Les civils ne doivent jamais être pris pour cibles. [...] Les forces israéliennes ont répondu par des frappes aériennes dans la bande de Gaza”. Il leur a « demandé de prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter de faire des victimes parmi les civils ([42])».

Le 9 octobre 2023, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, rappelle, tout en « reconnaissant les préoccupations légitimes d’Israël en matière de sécurité », que « les opérations militaires doivent être menées dans le strict respect du droit humanitaire international ». Il a demandé à toutes les parties concernées « d’autoriser l’accès des Nations Unies afin qu’elles puissent apporter une aide humanitaire d’urgence aux civils palestiniens pris au piège et sans défense dans la bande de Gaza ([43])».

Le 15 octobre 2023, le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordinateur des secours d’urgence, Martin Griffiths, déclare : « Le spectre de la mort plane sur Gaza. Sans eau, sans électricité, sans nourriture et sans médicaments, des milliers de personnes mourront ».

Deux jours plus tôt, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait un déplacement en Israël pour y affirmer le soutien inconditionnel de l’Union européenne. Outre que la présidente a agi sans mandat - ce qui pose un réel problème démocratique – elle n’a, à aucun moment, rappelé à Israël les obligations humanitaires qui lui incombaient. Cette position a été fortement critiquée, y compris par les fonctionnaires européens qui ont adressé une lettre à la Commission pour faire part de leur préoccupation face à l’indifférence apparente des institutions de l’Union au regard du « massacre continu contre les civils dans la bande de Gaza, ignorant les droits de l’homme et le droit international humanitaire ([44])».

Les discours postérieurs, tout en maintenant la ligne de soutien inconditionnelle à Israël, ont souligné le droit d’Israël de se défendre conformément au droit international et au droit international humanitaire. Pour autant, alors que l’Union européenne est « une communauté de droit » assise sur des « valeurs » sans cesse mises en avant dans le cadre de son action extérieure, cet axe a totalement disparu de son discours après le 7 octobre. Les successives déclarations européennes n’ont pas directement fait mention d’un cessez-le-feu, encore moins des crimes internationaux commis à Gaza et en Cisjordanie. L’alignement sur la position de l’administration américaine a privé l’Europe de sa boussole, à tel point que l’on peut s’interroger sur l’attachement réel de certains de ses États membres aux principes qu’ils prétendent défendre, note Johann Soufi.

Paradoxe que souligne Julia Grignon : ce sont les pays du Sud global qui se sont saisis dès le début des attaques israéliennes des instruments que leur offrait le droit international pour demander un cessez-le-feu immédiat. C’est par exemple l’Afrique du Sud qui a introduit la première une requête devant la CIJ contre Israël en novembre 2023. En juin 2024, l’Espagne – l’un des rares États européens à condamner fermement Israël - s’est jointe à la procédure engagée par l’Afrique du Sud devant la Cour. Votre rapporteure invite la France à en faire de même.

Malgré la reconnaissance unanime d’un génocide ou d’un risque de génocide qui – rappelons-le – déclenche une obligation de prévention de sa commission, malgré les multiples alertes lancées par tous les acteurs humanitaires, malgré les nombreux rapports mettant en lumière les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis dans les territoires occupés, l’Union européenne n’a pris aucune mesure contre Israël, pas même symbolique.

Johann Soufi rappelle qu’elle n’a pourtant pas hésité à condamner puis à sanctionner le régime syrien et de ses alliés, en particulier la Russie et l'Iran, en raison du « ciblage délibéré des civils et des hôpitaux » à Alep ([45]). En 2007, elle n’a pas non plus hésité à prendre des mesures contre les Îles Fidji à la suite du coup d'État militaire du 5 décembre 2006, qualifié par l'UE de violation de la démocratie et de l'État de droit, deux éléments essentiels de l'accord de Cotonou qui régissait, dans la continuité des accords de Lomé, les relations entre l’UE et les États du groupe ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique, dont Fidji fait partie). L’Union européenne n’a pas non plus hésité à suspendre en 2010 l'accord commercial qui la liait au Sri Lanka faute d’absence de progrès en matière de protection des droits de l'homme. Plus récemment, l’Union européenne a adopté son 17e train de sanctions contre la Russie en raison de sa guerre d’agression contre l’Ukraine.

Johann Soufi note également que le traitement différencié et préférentiel dont bénéficie Israël et le « deux poids, deux mesures » dans le traitement des violations du droit de l’Union et du droit international commis par un État tiers, minent la crédibilité internationale de l’Union européenne.

Les États-Unis, quant à eux, représentent le principal frein à l’établissement d’un cessez-le-feu immédiat à Gaza, dont la mise en place relève pourtant, compte tenu de la situation humanitaire et sanitaire dans l’enclave, de l’urgence absolue.

Sur la scène internationale, alors que les saisines des instances onusiennes se multiplient, l’idée même du droit international est profondément remise en cause en raison de l’inaction des principales puissances face au drame qui se déroule à Gaza.

Comment s’en prévaloir à l’avenir pour prévenir les conflits futurs ?

C’est le sens de cet avertissement de la poétesse palestinienne Nour Elassy : « Si les droits humains, le droit, la morale ont encore un sens, Gaza est l'endroit où ces valeurs doivent subsister ou mourir. Car si le monde peut nous regarder disparaître et ne rien faire, alors rien de ce qu'il prétend défendre n'est réel ([46]). »

 

 


II.   L’URGENCE ABSOLUE D’UN CESSEZ-LE-FEU IMMÉDIAT À GAZA : AGIR POUR NE PLUS ÊTRE COMPLICE DE CES CRIMES

A.   L’UNION EUROPÉENNE DOIT D’UNE PART CESSER IMMÉDIATEMENT DE FINANCER DE MANIÈRE DIRECTE OU INDIRECTE LA POLITIQUE CRIMINELLE DE NETANYAHOU

1.   La suspension ou la dénonciation de l’accord d’association, dont l’application est clairement à l’avantage d’Israël, apparaît comme une obligation au regard du droit de l’Union et du droit international

Fondée sur le droit et notamment sur le respect des droits de l’homme, l‘Union européenne a l’obligation de suspendre l’accord d’association en raison de la violation de son article 2. Cette obligation trouve également son fondement dans les nombreuses violations par Israël des conventions internationales ratifiées par les États membres, dont les Conventions de Genève signées le 12 août 1949 et visant à protéger les civils en temps de guerre ou la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide précitée.

En outre, Julia Grignon rappelle que dans son avis du 19 juillet 2024, la CIJ a jugé que les politiques et pratiques d’Israël dans les territoires palestiniens occupés, définis comme « une seule unité territoriale comprenant la Cisjordanie, Jérusalem-Est et Gaza », ne sont pas conformes à la loi internationale. Cette décision demande ainsi à Israël de mettre fin « à sa présence dans les territoires palestiniens occupés dans les plus brefs délais, (…) et de réparer les dommages causés à toutes les personnes morales et physiques concernées. » En soulignant qu’Israël a violé des obligations erga omnes, « tous les États peuvent être considérés comme ayant un intérêt juridique à ce que ces droits soient protégés » et sont invités à « prendre des mesures pour empêcher les échanges commerciaux ou les investissements qui aident au maintien de la situation illicite créée par Israël dans le Territoire palestinien occupé ».

Cet avis a été suivi d’une résolution historique de l’Assemblée générale de l’ONU du 13 septembre 2024 qui exige d’Israël de mettre fin à sa présence illicite dans le Territoire palestinien occupé au plus tard dans 12 mois. Elle a été adoptée par 124 voix pour 14 contre (dont la Hongrie et la République tchèque au sein de l’Union) et 43 abstentions.

Dans un rapport ([47]) commandé par des députés européens, paru le 19 juin 2025, les experts concluent également que pour respecter les obligations de l'avis consultatif précité, l'Union européenne doit réévaluer ses politiques concernant les produits originaires des colonies israéliennes. « Cela nécessitera probablement des restrictions supplémentaires – et potentiellement une interdiction pure et simple – des échanges commerciaux ou économiques avec les colonies israéliennes et d’autres formes de commerce avec Israël qui renforceraient sa présence illégale ».

L’accord d’association constitue donc un instrument dont doivent se saisir les Européens pour contraindre Israël à respecter ses obligations, d’autant plus que la mise en œuvre de cet accord est clairement à l’avantage d’Israël.

En effet, cet accord a permis la suppression progressive et réciproque des droits de douane sur les biens industriels ainsi que la conclusion d’accords préférentiels sur certains produits agricoles et alimentaires. La coopération entre l’Union européenne et Israël couvre également les champs scientifique et technologique, via notamment le programme Horizon Europe, doté de plus de 95 milliards d’euros pour la période 2021-2027.

Aujourd’hui, l’Union européenne, qui est premier donateur d’aide au développement à la Palestine, représente le premier partenaire commercial d’Israël devant les États-Unis et la Chine. Israël est en revanche le 31e partenaire commercial de l’Union. Ainsi, 30 % des importations israéliennes proviennent de l’Union, 24 % des exportations israéliennes sont destinées à l’Union, tandis que les exportations européennes vers Israël représentent moins de 1 % des exportations totales des biens de l’Union.

2.   Si l’unanimité des 27 semble compromise pour suspendre ou dénoncer l’accord d’association…

La question de savoir si Israël a violé ou non l’article 2, qui pourrait entraîner la suspension ou la dénonciation de l’accord d’association, a fait l’objet d’une analyse menée par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), à la demande d’une majorité des États membres en mai dernier. Comme précédemment indiqué dans ce rapport, cet examen a mis en évidence « des indices de violation » des engagements en matière de droits humains.

Par ailleurs, l’article 17 du TUE impose à la Commission européenne, en tant que gardienne des traités, de veiller « à l'application des traités ainsi que des mesures adoptées par les institutions en vertu de ceux-ci. »

Conformément à l’article 218 du TFUE, la décision de suspendre l’accord d’association devrait être prise par le Conseil à l’unanimité sur base d’une proposition établie par la Commission ou la Haute représentante pour les relations extérieures. Sur la base de l’article 241 du TFUE, le Conseil pourrait également demander à la Commission de présenter une telle proposition, à la majorité simple.

Des pays s’opposent toutefois fermement à la suspension de cet accord. Lors du dernier Conseil des Affaires étrangères qui s’est tenu le 23 juin, le ministre allemand, Johann Wadephul a ainsi déclaré : « Nous avons besoin de cet accord d'association et ne devons en aucun cas le remettre en question ([48])».

Comme l’a affirmé le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot lors de son audition par la commission des affaires étrangères de l’assemblée nationale le 20 mai 2025, « s’il est avéré que le gouvernement israélien ne respecte pas l’article 2 de cet accord, plusieurs possibilités sont envisageables. La première est, comme l’avait proposé Josep Borrell, le précédent Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, de convoquer les Européens et les Israéliens pour que l’on en discute. Cela a été fait, mais Israël n’a pas répondu à cette sollicitation. La deuxième possibilité, c’est la suspension de l’accord d’association dans son entier : elle requiert l’unanimité, hors d’atteinte aujourd’hui. »

Les divisions entre États membres demeurant fortes, la suspension du volet commercial de l’accord, constitutive d’une troisième voie, doit donc être privilégiée.

3.   L’atteinte d’une majorité qualifiée pourrait permettre la suspension de son volet commercial

 La suspension de l’accord dans son ensemble étant difficile à court terme eu égard à l’exigence de l’unanimité, la suspension de son volet commercial est en revanche une alternative immédiate crédible. Ce levier commercial et financier doit être activé de toute urgence pour faire pression sur Israël. Il est temps que l’Union européenne agisse pour mettre un terme à la politique d’anéantissement de Gaza.

La demande de suspension de l’accord d’association UE-Israël a par ailleurs été portée dès mars 2024 par un groupe de 195 ONG, dont la Cimade ou la Ligue des droits de l’Homme, dans une lettre adressée aux représentants des institutions européennes. Cette démarche a été complétée en février 2025 par 125 organisations de la société civile, dont Human Rights Watch, qui exigeait dans une lettre adressée à la Commission européenne que soit renforcée l’interdiction des relations économiques et commerciales de l’Union avec les colonies israéliennes illégales dans le territoire palestinien occupé.

En janvier 2025, plus de 250 députés européens et nationaux ont également appelé la Commission européenne à réexaminer l’accord d’association, « compte tenu des violations manifestes par Israël du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits de l’homme », et à veiller à ce que les « relations diplomatiques et accords commerciaux et de coopération avec Israël ne soient pas liés à l’occupation illégale et aux violations connexes, y compris les infractions graves, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les actes possibles de génocide ». Les parlementaires ont également demandé au Conseil de « suspendre l’accord d’association UE-Israël et aux États membres de l’UE de respecter leur obligation de s’abstenir de contribuer au maintien de la situation illégale découlant des violations par Israël de normes impératives du droit international (jus cogens) notamment en cessant le commerce avec les colonies israéliennes et en interrompant la fourniture d’équipements militaire. »

Cette suspension nécessite l’atteinte d’une majorité qualifiée des États membres (art. 207 TFUE). La demande de suspension ayant été formulée par 17 États membres lors du CAE du 20 mai, cette alternative paraît réaliste. L’Allemagne et l’Italie font partie des 10 pays ne s’étant pas prononcés en faveur.

L’impunité du gouvernement de Netanyahu n’ayant que trop duré, la France doit tout mettre en œuvre pour rallier le plus d’États membres à un vote en faveur de la suspension afin d’éviter la constitution d’une minorité de blocage au Conseil. Celle-ci serait atteinte avec le vote de 45 % des pays (13 États) ou de plus de 35 % de la population représentant au moins 4 pays.

B.   L’UNION EUROPÉENNE ET LES ÉTATS MEMBRES DOIVENT D’AUTRE PART UTILISER TOUS LES MOYENS COERCITIFS DONT ILS DISPOSENT POUR SANCTIONNER LE GOUVERNEMENT ISRAÉLIEN ET SES PRINCIPAUX DIRIGEANTS ET METTRE LA PRESSION SUR SON PRINCIPAL ALLIÉ

1.   L’Union européenne dispose d’une palette étendue de sanctions dont l’adoption requiert l’unanimité

Outre les sanctions prises dans le cadre des Nations unies que l’Union européenne doit mettre en place et peut éventuellement renforcer mais qui sont empêchées à l’heure actuelle du fait du véto américain, l’Union peut également avoir recours à des sanctions autonomes, lesquelles, précise Julia Grignon, constituent un instrument essentiel de sa politique étrangère et de sécurité commune.

Ciblées, ces sanctions visent généralement un gouvernement, une organisation ou des personnes privées et peuvent prendre différentes formes : gel des avoirs dans l'Union des personnes et entités visées, interdiction d’entrer ou de transiter sur le territoire de l'Union, interdiction pour toute personne ou entité de l’Union de mettre des fonds à la disposition des personnes ciblées, restrictions économiques s'appliquant généralement dans les secteurs du commerce, de la défense, de la technologie, de la finance, des transports ou de l'énergie, sanctions diplomatiques, et embargo sur les armes afin d’interdire d'exporter des biens et des technologies figurant sur la liste des armes militaires de l'Union.

En outre, l’Union européenne s’est dotée en 2020 d’un cadre de sanctions en matière de droits de l'homme qui s'applique à l'échelle mondiale.

Près de 50 mesures de sanctions ciblant environ 5 000 personnes sont à ce jour en place.

Au regard de l’ampleur de ses crimes, rien ne justifie que des mesures ne soient pas prises contre le gouvernement israélien et contre ses principaux dirigeants, au premier chef son Premier ministre, ce que confirme Johann Soufi.

Ces sanctions devraient d’abord prendre la forme d’un embargo sur les armes afin de ne pas se rendre complice des massacres en cours et de se conformer à nos obligations internationales, notamment au respect du Traité sur le commerce des armes (TCA).

Le régime mondial de sanctions de l’Union en matière de droits de l’homme qui permet d’interdire aux auteurs de violations et atteintes graves dans le domaine des droits de l’homme d’entrer sur le territoire de l’Union, de geler leurs avoirs ou d’interdire à toute personne de l’Union de mettre des fonds et des ressources économiques à leur disposition, devrait évidemment être appliqué. Ce régime englobe en effet des actes commis par le gouvernement israélien dont le crime de génocide, des crimes contre l’humanité, des traitements cruels, inhumains ou dégradants, des exécutions et assassinats extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, des arrestations ou détentions arbitraires.

La Suède a récemment affirmé qu’elle souhaitait proposer des sanctions à l’encontre des ministres israéliens qui soutiennent la manière dont le gouvernement traite les civils palestiniens à Gaza. L’Espagne s’est dite également favorable à des sanctions par la voix de son ministre des Affaires étrangères, José Manuel Albares.

Si ces mesures restrictives peuvent être proposées par la Haute représentante Kaja Kallas ou par les États membres, elles sont toutefois prises par le Conseil qui statue à l’unanimité.

2.   L’exemple des sanctions prises contre les colons israéliens en Cisjordanie montre que des positions communes sont possibles

Encore inimaginable il y a quelques années, les 27 se sont accordés le 18 mars 2024 sur la mise en place de sanctions contre les colons israéliens auteurs de violences contre des civils palestiniens en Cisjordanie. Ces sanctions sont intervenues quelques semaines après l’adoption de mesures similaires par les États-Unis, que Donald Trump s’est empressé d’annuler dès son arrivée à la Maison Blanche.

La France avait également imposé de manière unilatérale des sanctions contre 28 colons israéliens un mois plus tôt.

Cet accord politique des 27 a été obtenu grâce à l’abstention des pays jusqu’alors opposés aux sanctions contre Israël, notamment la Hongrie, l’Allemagne, la République tchèque et l’Autriche.

Unanime, cette décision fait jurisprudence, même si les divisions des 27 se manifestent régulièrement lors de leurs votes à l’Assemblée générale des Nations unies. Toutefois, d’autres (légères) avancées peuvent être notées, un second paquet de sanctions ayant été adopté en juillet 2024 contre des colons israéliens et des groupes militants accusés de graves et systématiques violations des droits des Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem. Les trois groupes sanctionnés (Moshe’s Farm, Zvi’s Farm et le groupe Tzav 9) ont été ciblés en raison de leurs actions violentes pour bloquer l’entrée de l’aide humanitaire et du carburant dans la bande de Gaza.

Ces sanctions très insuffisantes n’en demeurent pas moins symboliques. Comme le relatait un diplomate européen à un journaliste du quotidien Le Monde (article du 20 juillet 2024 - La gestation d’un système de sanctions contre les colons israéliens de Cisjordanie ([49])), ces mesures, même si elles ne concernent que quelques individus et une poignée d’entités, n’en brisent pas moins un tabou.

Aujourd’hui, l’histoire nous commande d’agir fermement et urgemment.

L’Union européenne n’hésite pas à sanctionner la Russie de Vladimir Poutine ou l'Iran de l'ayatollah Khamenei. Rien ne justifie le traitement particulier d’Israël.

En parallèle des sanctions qui pourraient être prises au niveau de l’Union, rien n’empêche par ailleurs les États membres d’édicter eux-mêmes des sanctions, notamment diplomatiques, sur le fondement de leurs droits nationaux et sous réserve qu’elles soient conformes au droit international et au droit de l’Union.

Le débat sur un embargo visant les produits issus des colonies est d’ailleurs à nouveau ouvert.

Contrevenant aux règles européennes, l’Irlande a fait un pas inédit en adoptant le 24 juin 2025 une proposition de loi visant à interdire l’importation de produits fabriqués dans les colonies israéliennes ([50]).

Quelques jours plus tôt, le 19 juin, neuf États membres de l'UE (la Belgique, la Finlande, l'Irlande, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal, la Slovénie, l'Espagne et la Suède) ont demandé à la Commission européenne d'examiner comment le commerce des biens et services liés aux colonies « peut être mis en conformité avec le droit international » ([51]).

Hors Union, l'Australie, la Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Norvège ([52]) ont ainsi récemment imposé, de manière conjointe, des sanctions contre le ministre israélien de la Sécurité, Itamar Ben-Gvir et le ministre des Finances, Bezalel Smotrich (restriction du droit de voyager et gel des avoirs financiers).

Plus généralement, les opinions publiques sont de plus en plus favorables à l’édiction de sanctions contre Israël et à la reconnaissance de la Palestine.

En France, un baromètre Odoxa ([53])réalisé en mai 2025 révèle que 74 % des sondés soutiendraient la prise de sanctions contre Israël en cas de poursuite de l’offensive contre Gaza et que 63 % d’entre eux se disent favorables à une reconnaissance de l’État de Palestine.

En Allemagne, une étude de la Fondation Bertelsmann ([54])réalisée sur la même période conclut que seules 36 % des personnes interrogées expriment une opinion positive à l’égard d’Israël, soit 10 points de moins qu’en 2021.

Enfin, une étude réalisée par YouGov ([55])montre que le soutien et la sympathie du public à l'égard d'Israël n'ont jamais été aussi bas dans six pays clés d'Europe occidentale depuis 2016 (Grande-Bretagne, France, Allemagne, Danemark, Espagne et Italie). L'enquête a révélé que la popularité nette d'Israël en Allemagne (-44), en France (-48) et au Danemark (-54) était à son plus bas niveau depuis le début des sondages sur la question en 2016, tandis qu'en Italie (-52) et en Espagne (-55), elle était également à son plus bas niveau. Dans l'ensemble, seuls 13 % à 21 % des personnes interrogées, tous pays confondus, avaient une opinion favorable d'Israël, contre 63 % à 70 % qui en avaient une opinion défavorable.

3.   En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, la France devrait proposer, jusqu’à adoption, autant d’« ultimatums humanitaires » que nécessaires pour contraindre les États-Unis à user de leur poids vis-à-vis d’Israël

Lors de son audition, Raphaël Pitti rappelait que c’est la résolution 2401 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 24 février 2018 qui a permis l’arrêt des bombardements indiscriminés en Syrie et imposé l’établissement d’une trêve humanitaire d’au moins 30 jours afin d’acheminer l’aide humanitaire aux populations vulnérables et d’organiser l’évacuation des blessés et des malades.

D’initiative française, la proposition de résolution avait pour objectif de mettre la pression sur Vladimir Poutine qui, par son véto, bloquait toutes les actions du Conseil de sécurité visant à trouver une solution politique au conflit en Syrie et à porter secours aux populations en détresse, notamment dans la Ghouta orientale, dans la province d’Idlib, dans la partie nord de la province de Hama, à Roukban et à Raqqa, où des centaines de milliers de personnes étaient assiégées par le régime et ses alliés.

Afin de rallumer une étincelle de conscience chez ceux qui l’ont perdu et de mettre fin à l’agonie des Palestiniens, une initiative équivalente, à laquelle serait adossé un mécanisme robuste de surveillance, devrait être immédiatement portée par le président de la République pour mettre la pression sur les États-Unis qui paralysent actuellement le Conseil de sécurité. Leur implication est une clé majeure pour mettre un terme à l’abîme d’ignominie dans lequel est plongé le gouvernement israélien.

 

Extrait de la résolution S/RES/2401 (2018)

« Se disant à nouveau profondément troublé par le fait que l’aide humanitaire des Nations Unies n’a pas pu être acheminée dans les zones assiégées ces derniers mois, s’inquiétant vivement de la situation désastreuse des centaines de milliers de civils pris au piège dans les zones assiégées de la République arabe syrienne, en particulier dans la Ghouta orientale, à Yarmouk, à Fouaa et à Kafraya, réaffirmant que les sièges imposés aux populations civiles en Syrie sont une violation du droit international humanitaire, et demandant la levée immédiate de tous les sièges, » 

« Se déclarant préoccupé par la situation humanitaire des déplacés qui se trouvent à Roukban et insistant sur la nécessité d’assurer l’accès du personnel humanitaire à Roukban depuis le territoire syrien et de trouver une solution durable, »

« Considérant que la situation humanitaire catastrophique qui règne en Syrie continue de faire peser une menace sur la paix et la sécurité dans la région, »

« Soulignant que l’Article 25 de la Charte des Nations unies fait obligation aux États Membres d’accepter et d’appliquer ses décisions, »

 

C.   L’UNION EUROPÉENNE ET SES ÉTATS MEMBRES DOIVENT ENFIN SYSTÉMATIQUEMENT SE RANGER DU CÔTÉ DE LA DÉFENSE DU DROIT INTERNATIONAL ET EN ASSURER EFFECTIVEMENT LE RESPECT

1.   Respecter les décisions de la justice internationale : l’exemple de la Cour pénale internationale dont les mandats d’arrêts contre le Premier ministre israélien et l’ex-ministre israélien de la Défense sont inégalement appliqués

Le 21 novembre 2024, à l’unanimité, la Cour pénale internationale a délivré des mandats d’arrêt à l’encontre du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, et de l’ex-ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant.

Compétente à l’égard des crimes contre l’humanité, des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes d’agression, elle considère qu’il existe des « motifs raisonnables » de croire que ces deux dirigeants « sont chacun pénalement responsables des crimes suivants, en tant que coauteurs ayant commis les actes conjointement avec d’autres personnes : fait d’affamer des civils comme méthode de guerre, constitutif d’un crime de guerre, et crimes contre l’humanité de meurtre, persécution et autres actes inhumains [56]) ».

Si Israël n’a pas ratifié le Statut de Rome, la CPI a estimé que « l’acceptation par Israël de la compétence de la Cour n’est pas nécessaire, puisque la Cour peut exercer sa compétence sur la base de la compétence territoriale de la Palestine ([57])».

En vertu du Statut de Rome, cette décision fixe aux États parties une obligation générale de coopérer avec la Cour dans ses enquêtes et poursuites (article 86). Par ailleurs, l’immunité personnelle, y compris celle des chefs d’État, n’est pas opposable. Ainsi, en vertu de l’article 27 : « la qualité officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un Parlement, de représentant élu ou d'agent d'un État, n'exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut. »

En outre, comme le rappelle Johann Soufi, le principe de compétence universelle permet aux États de poursuivre les criminels qui se trouvent sur leur territoire, quel que soit l’endroit où les crimes ont été commis ou la nationalité des auteurs et des victimes. L’État qui exerce sa compétence universelle n’agit pas dans ses propres intérêts, mais dans ceux de la communauté internationale. Aux côtés de l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne, la France est l’un des rares États européens qui a attribué à ses juges nationaux une compétence universelle. (Articles 689-1 et suivants du code de procédure pénale). Johann Soufi souligne qu’à ce titre, la France pourrait décider d’exercer sa compétence universelle à l’encontre des personnes, notamment ses ressortissants, impliquées dans la commission des crimes internationaux commis à Gaza ou en Cisjordanie. Afin de ne pas alimenter la critique du néocolonialisme, il sera impératif que la France juge ses propres ressortissants, qu’ils soient auteurs, complices ou incitateurs.

Surtout, ne disposant pas de sa propre force de police, l’exécution des mandats d'arrêt de la CPI dépend du bon vouloir des États parties au Statut de Rome.

Pourtant, le lendemain de cette décision historique du 21 novembre 2024, sept pays contestaient la décision de la Cour dont 4 États parties (l’Argentine, l’Autriche, la Hongrie et le Paraguay) et 3 États non parties (les États-Unis, Israël, et la Tchéquie).

Les États-Unis ont déclaré « fondamentalement rejeter la décision de la Cour […] Nous restons profondément préoccupés par la précipitation avec laquelle le procureur a demandé des mandats d’arrêt et par les erreurs de procédure troublantes qui ont conduit à cette décision ([58])».

En mai 2024, en réaction à la requête formulée par le procureur de la CPI, la Maison Blanche avait qualifié celle-ci de « scandaleuse », ajoutant : « Nous nous tiendrons toujours aux côtés d’Israël contre les menaces qui pèsent sur sa sécurité. ([59])»

Au sein de l’Union européenne, l’ancien chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a très tôt affirmé que les mandats d'arrêt doivent être « respectés et appliqués ». Pourtant, si de nombreux États membres ont clairement déclaré qu’ils respecteraient la décision de la Cour (notamment l’Italie, de l’Espagne, la Belgique, les Pays Bas, l’Irlande, l’Estonie, la Slovénie ou la Suède), les réactions de certains pays, notamment celles de la France et l’Allemagne ont été plus ambiguës. Ces deux pays fondateurs, qui reconnaissent la décision de la Cour, ont néanmoins refusé de dire s’ils arrêteraient ou non Benyamin Netanyahou et Yoav Gallant dans l’hypothèse où ces derniers venaient à se rendre dans leur pays.

L’Allemagne a par ailleurs annoncé qu’elle allait « examiner » comment réagir à la décision de la Cour ([60]) tandis que la France affirmait que cette situation « nécessite beaucoup de précautions juridiques ([61]) ».

Les autorisations de survol du territoire français, dont a bénéficié Benyamin Netanyahou les 2 et 9 février et les 6 et 8 avril dans le cadre de déplacements vers Washington, sont à ce titre particulièrement choquantes au vu des crimes dont le Premier ministre israélien est accusé. Plusieurs acteurs politiques, dont votre rapporteure, ont aussitôt dénoncé cette décision. De nombreuses ONG et acteurs de la société civile ont en outre appelé la France à ne plus autoriser le survol de son territoire par Benyamin Netanyahou ([62]).

En réponse, le ministère des Affaires étrangères français a estimé qu'une « immunité » pouvait s'appliquer dans « les États non parties à la CPI », ce qui est le cas d'Israël.

Cette position est incompréhensible au regard des déclarations françaises qui affirment régulièrement et à raison l’attachement de notre pays au droit international. Elle est également incompréhensible au regard des massacres commis sur la Bande de Gaza, en opposition à toutes les valeurs humaines dont la France revendique la défense.

Alors que la CPI est née des cendres de l’enfer, comme le rappelle Johann Soufi, son non-respect conduit à fracturer cette institution. Elle a pourtant rendu des décisions dans la période récente qui ont participé à accroître sa légitimité et à combattre les accusations de partialité (ex : mandats d’arrêt contre Vladimir Vladimirovitch Poutine et Maria Alekseïevna Lvova-Belova du 17 mars 2023). L’avenir de la CPI se joue en Palestine.

Les récentes attaques dont elle fait l’objet (notamment les sanctions américaines dont ont fait l’objet le 5 juin dernier 4 magistrates) doivent être vivement combattues.

Votre rapporteure appelle ainsi le gouvernement français, quelles que soient les personnes visées par les mandats d’arrêt de la Cour, à respecter les décisions de cette juridiction internationale dont le rôle est fondamental et précieux à l’heure du retour désinhibé des rapports de forces sur la scène mondiale.

En outre, au regard de l’ampleur des crimes commis à Gaza et en Cisjordanie et au vu de l’ampleur des responsabilités personnelles qui pourraient être mises en cause, de nombreuses personnes et entreprises (y compris Françaises) seront sans doute, selon Johann Soufi, massivement traduits dans les années à venir devant la justice pénale internationale.

2.   Respecter les conventions internationales : l’exemple du traité sur le commerce des armes ou de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dont les dispositions justifieraient la mise en place d’un embargo sur les armes contre Israël ([63]).

Le traité sur le commerce des armes (TCA), ratifié par 113 États dont la France, interdit à un État de vendre des armes s’il a « connaissance (…) que ces armes ou ces biens pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l’humanité, des violations graves des conventions de Genève de 1949, des attaques dirigées contre des civils ou des biens de caractère civil et protégés comme tels, ou d’autres crimes de guerre » (article 6.3).

Par ailleurs, comme ce rapport l’a déjà signalé, l’ordonnance de la CIJ du 26 janvier 2024 déclenche une obligation de prévention de l’acte de génocide aux États parties à la Convention de 1948.

Au regard du droit humanitaire promu par les quatre conventions de Genève de 1949, l’article 1er commun impose également aux États parties l’obligation permanente de « respecter et faire respecter » les protections prévues par les conventions en toutes circonstances.

En outre, le Conseil de l’Union a adopté le 8 décembre 2008 une position commune 2008/944/PESC modifiée en avril 2025 définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires. Cette position impose notamment aux États membres de « refuser une licence d’exportation s’il existe un risque manifeste que la technologie ou les équipements militaires à exporter soient utilisés pour commettre des violations graves du droit international humanitaire ».

Julia Grignon rappelle en outre que, dans sa déclaration du 1er février 2025 ([64]), la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), institution nationale de protection et promotion des droits de l'Homme en France accréditée auprès des Nations Unies, recommande à la France « de suspendre tout transfert d’armes à destination de tout État à travers le monde si elle a connaissance que l’utilisation de ces armes pourrait servir à la commission de crimes internationaux ».

Malgré ces engagements juridiques et ses recommandations, malgré les alertes et la connaissance des crimes internationaux commis à Gaza, certains États européens continuent de vendre des armes à Israël, même si les proportions sont très en deçà de ce que représente la part des exportations américaines (près de 70 %) ([65]). L’Allemagne est ainsi le deuxième fournisseur d’Israël en matière d’armement. L’Italie et l’Espagne ont en revanche cessé les exportations d’armes vers Israël depuis le 7 octobre.

En France, alors que le président Macron se déclarait en faveur de l’arrêt des exportations d’armes vers Israël ([66]), le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ([67]) indiquait en mars 2025 que « le montant du matériel exporté vers Israël ne représente que 30,1 millions d'euros, soit 0,5 % du montant total de nos exportations de défense sur la même année » et que « les matériels exportés vers Israël ne sont pas des armes proprement dites, mais des composants élémentaires, auxquels la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) accorde une vigilance toute particulière au regard de toutes les éventualités d'usage ».

En contradiction de ces discours, les livraisons de matériel militaire français vers Israël se poursuivent en secret, comme le démontre l’existence de contrats entre IMI Systems, fabricant israélien de maillons à munitions, et la société française Eurolinks, dénoncés par Disclose et Marsactu. Leurs enquêtes ont ainsi révélé qu’Eurolinks a exporté vers Israël 100 000 maillons en octobre 2023 après avoir obtenu l’autorisation du gouvernement. Ces maillons, produits à Marseille, sont utilisés pour relier entre elles des balles d’armes automatiques ([68]). La seconde expédition prévoyait l’envoi de deux millions de maillons, dont un million de M9, destiné à équiper des armes lourdes, et un million de maillons M27, compatibles avec la mitrailleuse Negev 5, utilisée dans la bande de Gaza contre la population civile. Ce ne sont pas les autorités françaises mais les dockers marseillais qui ont boycotté cet envoi vers Israël en mai 2025, affirmant dans un communiqué que : « les dockers et portuaires du Golfe de Fos ne participeront pas au génocide en cours orchestré par le gouvernement israélien ([69]) ».

En parallèle, une enquête des médias Disclose, Investigate Europe et Reporters United a récemment dénoncé les financements européens d’Intracom Defense, une filiale domiciliée en Grèce de l’entreprise Israël Aerospace Industrie, acquise en mai 2023. Selon cette enquête, la filiale aurait bénéficié de fonds européens à hauteur de 15 millions d’euros. Elle aurait par ailleurs « été désignée coordinatrice d’« Actus », un programme européen de développement de drones, auquel participent également les entreprises Safran et Thalès ([70]). »

En laissant faire, l’Union européenne comme la France et d’autres États membres violent clairement leurs engagements internationaux et participent à l’anéantissement de l’enclave palestinienne.

Par ailleurs, les États européens ont considérablement augmenté leurs importations en provenance d’Israël. Ainsi, la part de l’Europe dans les exportations israéliennes d’armes est passée de 35 % en 2023 à 54 % en 2024 (achat auprès d’entreprises israéliennes de systèmes de défense anti-aérienne, de missiles, de roquettes, de véhicules blindés, satellites, systèmes spatiaux, ou radars), tandis que le montant total des exportations a plus que doublé en cinq ans pour atteindre près de 15 milliards de dollars en 2024 ([71]). « Malgré le conflit découlant de l’attaque du 7 octobre, l’industrie israélienne continue à proposer ses offres à l’export » ([72]). Les pays acheteurs financent ainsi de manière indirecte les crimes internationaux commis à Gaza.

 

 


   EXAMEN EN COMMISSION

La Commission s’est réunie le 2 juillet 2025, sous la présidence de M. PieyreAlexandre Anglade, Président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne dans le cadre d’une discussion générale commune avec une autre proposition de résolution européenne déposée par Mme Sabrina Sebaihi.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour de la réunion de ce jour porte sur l’examen de deux propositions de résolutions européennes dont l’objet est similaire. La première, déposée par Mme Mathilde Panot et d’autres membres de son groupe, intitulée Proposition de résolution européenne visant à dénoncer l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël ainsi qu’à mettre en œuvre les sanctions nécessaires à l’encontre d’Israël et ses dirigeants pour mettre fin à la guerre génocidaire du gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahou sera rapportée par notre collègue Mme Clémence Guetté. La seconde, intitulée Proposition de résolution européenne visant à suspendre l’accord d’association UEIsraël et à l’adoption de sanctions contre les violations du droit international humanitaire, a été déposée et sera rapportée par Mme Sabrina Sebaihi.

Avant que nous procédions à l’examen de ces résolutions, je souhaiterais apporter quelques éléments de contexte. Face à la situation dramatique toujours en cours au Proche‑Orient, et en particulier dans la bande de Gaza qui connaît une situation humanitaire inacceptable et intolérable, il est important que notre commission puisse s’emparer de ces sujets afin de contribuer à trouver un chemin diplomatique, seule voie susceptible de permettre l'instauration d’un cessez-le-feu à Gaza et d’assurer la libération de tous les otages israéliens. Il est également important que le dialogue puisse permettre l’accès massif et sans entrave à l’aide humanitaire aux populations palestiniennes affamées et favoriser la recherche d’une solution politique à deux États, et donc la reconnaissance de la Palestine, solution défendue par le Président de la République et par la France.

S’agissant de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, la Commission européenne s’est engagée à le réexaminer. De son côté, le Conseil européen a souligné qu’il existait des indices pointant les manquements de la part d’Israël à ses obligations en matière de droits humains, en méconnaissance de l’article 2 de l’accord. À la lumière du travail de la Commission européenne, et de ce qui a été rapporté sur la situation à Gaza et en Cisjordanie, les ministres des affaires étrangères des 27 auront à prendre des décisions lors du prochain Conseil affaires étrangères. Nos travaux de cet après-midi contribueront à nourrir cette discussion.

Concernant maintenant l’organisation de nos débats, nous allons examiner deux textes relativement proches sur le fond, avec toutefois des différences indéniables, rapportés par deux de nos collègues sur la base de deux rapports distincts. Cette situation n’est évidemment pas optimale. C’est pourquoi, il avait été proposé aux deux présidents du groupe insoumis et écologiste de ne déposer qu’un seul texte commun. Ce dernier aurait ensuite été rapporté devant la commission par un binôme de rapporteurs venant des deux groupes. Je regrette que cette solution n’ait pas abouti, car la situation fait courir le risque d’une adoption concomitante de deux propositions de résolutions, ce qui serait contraire aux exigences de cohérence et de crédibilité de nos travaux.

Afin de limiter les effets négatifs de cette situation, ces deux propositions de résolutions européennes feront l’objet d’une discussion générale commune. Je précise que je ne tolérerai aucun écart, ni aucune invective ou accusation personnelle, afin que le débat puisse se dérouler dans un climat respectueux et apaisé. Si jamais les discussions venaient à s’enflammer, je n’hésiterai pas à suspendre la commission, le temps que tout le monde reprenne ses esprits.

Discussion générale commune

Mme Clémence Guetté, rapporteure. Chers collègues, je vous remercie de m’accueillir dans cette commission pour l’examen du texte que j’ai aujourd’hui l’honneur de vous présenter. Je remercie celles et ceux qui se sont rapidement rendus disponibles afin d’être auditionnés : Jean-François Corty, président de médecin du monde, Raphaël Pitti, médecin urgentiste spécialiste des zones de guerre, Julia Grignon, professeure d’université spécialisée en droit international humanitaire, Johann Soufi, avocat et membre de l’association Juristes pour le respect du droit international. Je déplore devant vous que le ministère de l’Europe et des affaires étrangères n’ait pas donné suite à nos demandes d’audition, malgré nos nombreuses relances.

Une tragédie se joue à Gaza depuis maintenant vingt mois. Cette tragédie est orchestrée sciemment par le gouvernement de M. Benyamin Netanyahou qui agit en toute impunité dans les territoires palestiniens occupés. Malgré les preuves accablantes de crimes internationaux commis par son armée, il continue à sévir non seulement à Gaza, mais aussi en Cisjordanie, où la colonisation bat son plein, avec des niveaux de violences jamais atteints.

Il y a plus de vingt mois, un membre du gouvernement dirigé par M. Benyamin Netanyahou déclarait qu’il ne devait rien rester de Gaza et que l’ensemble de ses habitants, qu’il qualifiait d’« animaux humains », devaient mourir.

Vingt mois plus tard, la politique systématique d’anéantissement menée par le premier ministre israélien a conduit à l’effondrement total de la bande de Gaza et à la destruction physique et mentale de ses habitants.

Après des mois de déplacements forcés, les Gazaouis sont confinés aujourd’hui dans 18 % du territoire. Ils n’ont nulle part où aller et voient le piège mortel se refermer sur eux. Les survivants sont entassés dans des abris de fortune, au milieu des ruines de leur ancienne vie, dans des tentes posées à même le sol, parmi les débris, sur des cadavres enfouis.

Il faut entendre le bruit des bombardements israéliens, il faut voir les drones meurtriers qui pilonnent sans arrêt chaque mètre carré de ce territoire. Dans ce paysage dévasté, sans arbres, sans bâtiments, où s’élèvent des poussières toxiques qui tuent lentement, les Gazaouis sont contraints de vivre dans des conditions sanitaires inhumaines, au milieu des déchets dont le ramassage n’a plus lieu, faute de carburants, faute de route.

Depuis de longs mois, l’eau manque, comme la nourriture. Les Palestiniens et palestiniennes risquent chaque jour leur vie pour accéder à l’aide humanitaire qui est distribuée au compte-gouttes, par une organisation militarisée sous commandement israélien et états-unien : la fondation humanitaire pour Gaza ou GHF.

Cela s’ajoute à la campagne de déshumanisation et d’invisibilisation menée volontairement contre les Palestiniens depuis des mois. L’accès à la presse internationale est interdit, les humanitaires sont empêchés d’exercer leurs missions, 126 d’entre eux ont même été assassinés. Les journalistes palestiniens sont traqués puis tués, pour empêcher que les crimes soient documentés. Le black-out médiatique a d’ailleurs joué pleinement, pendant de long mois, au sein des principales puissances occidentales, dont les médias ont réduit les Palestiniens à des chiffres. Aucun mur n’affiche le visage de leur mort, et les images de leurs lentes agonies nous parviennent elles aussi au compte-gouttes.

Selon l’UNICEF, 53 65 personnes ont été tuées, dont 15 613 enfants. 121 950 personnes ont été blessées, dont 34 173 enfants, et 11 200 personnes sont portées disparues. Chers collègues, d’après plusieurs études, tous ces chiffres sont très vraisemblablement sous‑estimés. Et à ce bilan macabre, il faut ajouter toutes les personnes qui, bien qu’encore en vie, sont déjà condamnées à mourir, même dans l’hypothèse d’un cessez-le-feu immédiat, tant leur pronostic vital est engagé. 14 000 enfants de Gaza ont ainsi atteint un stade de dénutrition de niveau 5, c’est-à-dire qu’ils sont en situation de famine.

Je salue la mémoire de ces morts dont les cadavres vont hanter l’humanité, et les consciences des silencieux à jamais. Je salue aussi le travail exceptionnel de celles et ceux qui alertent depuis 20 mois et parfois bien plus longtemps, les ONG, les journalistes, la CIJ, la CPI, les centaines de commissions françaises et internationales qui ont produits des rapports, les personnalités mobilisées et les citoyens organisés qui se rassemblent, qui marchent ou qui boycottent.

Alors que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont flagrants, et ce dès le début des massacres, la CIJ a averti en janvier 2024 d’un risque probable de génocide, très largement étayé depuis.

Ce crime de génocide correspond à des critères précis : l’intention de détruire en toute ou en partie un groupe national ou ethnique, racial ou religieux comme tel ; le meurtre des membres de ce groupe, de graves atteintes à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe ; la soumission intentionnelle à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; des mesures visant à entraver des naissances au sein d’un groupe, comme les destructions des maternités.

Dès lors, la France et ses voisins européens devraient tout mettre en œuvre pour prévenir ce crime. L’inaction de l’Union européenne face aux drames qui se déroulent à Gaza et en Cisjordanie est particulièrement accablante. L’article 2 de son accord d’association avec Israël, qui vise une coopération privilégiée en matière politique, économique et scientifique, fait pourtant du respect des droits humains et des principes démocratiques un élément essentiel du partenariat.

Il ne devrait donc pas y avoir à discuter. Mais pourtant, rien n’a été fait hormis quelques timides rappels à l’ordre, bien tardifs.

Le SEAE a par ailleurs conclu à la violation par Israël de l’article 2 de l’accord d’association en juin dernier. Pourtant, l’UE a choisi d’accorder un sursis au gouvernement de M. Benyamin Netanyahou. Quand il s’agissait de sanctionner la Russie de M. Vladimir Poutine, son bras n’avait pas tremblé. 17 trains de sanctions ont été votés, suite à l’invasion de l’Ukraine. Et là, face à un génocide, rien.

Cette absence de condamnation, ces deux points, deux mesures, c’est la crédibilité de l’Europe et de la France qui sont minées. Pire, certains États membres de l’UE continuent même à vendre des armes à Israël. La France y prend part, en exportant des composants. Pourtant, certains de nos alliés agissent. L’Espagne et l'Irlande avaient demandé il y a 1 an et demi à la Commission européenne de revoir cet accord d’association. L’Espagne s’est également jointe à la procédure engagée par l’Afrique du Sud devant la CIJ. La Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et la Norvège ont imposé des sanctions à l’encontre de ministres du gouvernement de M. Benyamin Netanyahou.

La France doit faire de même et être à l’avant-garde pour la paix en Europe, et dans le monde. Nous avons les moyens de contraindre Israël à respecter ses obligations internationales, et à accepter un cessez-le-feu immédiat.

Pour la juriste internationale Julia Grignon : « il est impossible de dire que la situation à Gaza est insupportable et attendre que ce soit seulement les dockers à Marseille qui refusent de charger les bateaux ». Et pour Jean-François Corty, président de Médecins du monde, « on n’arrête pas un génocide avec des gesticulations compassionnelles ».

Le gouvernement français s’en tient à ces gesticulations.

Or il faut décréter un embargo sur les armes, appliquer les mandats d’arrêts émis par la CPI, en arrêtant Benyamin Netanyahou lorsqu’il survole notre espace aérien, et imposer des sanctions économiques et financières à l’encontre d’Israël.

Pour conclure, au siècle dernier, les guerres mondiales et coloniales, les génocides et les crimes contre l’humanité ont laissé une tache sombre dans notre histoire. C’est au sortir de ces crises que nous avons bâti ensemble le droit international dont les principes fondamentaux doivent encore et toujours guider notre action. La représentation nationale française peut agir, et le faire avancer. Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter la présente proposition de résolution européenne. Ne décevez pas les Français, ils sont attachés à la justice et au droit international.

Agissons pour les Palestiniens, et n’oublions jamais Gaza.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Je tiens à remercier les intervenants qui ont accepté de participer aux auditions : M. Jean‑François Corty, président de Médecins du monde ; M. Raphaël Pitti, anesthésiste réanimateur et président de l’association HuSoMe ; Mme Julia Grignon, professeure de droit humanitaire et directrice scientifique de l’IRSEM, ainsi que M. Johann Soufi, avocat en droit international.

Je ne peux que déplorer que le Quai d’Orsay n’ait pas pris le temps, ou estimé nécessaire, de répondre à notre demande d’audition. Il me semble que c’est la première fois qu’il n’est pas entendu dans le cadre d’un rapport, ce qui est regrettable – d’autant plus que le ministre a été auditionné ce matin en commission des affaires étrangères et a exposé la position de la France sur l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.

Depuis des mois, l’insoutenable se déroule à quelques milliers de kilomètres de nous. Gaza, était une prison à ciel ouvert en raison du blocus imposé par Israël depuis 2007, elle est depuis octobre 2023 devenu un mouroir à ciel ouvert. Gaza, désormais rayée de la carte. Gaza, où l’accès à l’eau potable, à la nourriture et aux soins médicaux les plus élémentaires est aujourd’hui quasi totalement anéanti.

Ce drame qui frappe la bande de Gaza se déroule sous nos yeux, il ne cesse d’être documenté – en images, en vidéos, en témoignages partagés en ligne par les victimes elles‑mêmes – la presse internationale étant interdite d’accès au territoire par l’armée israélienne. Un drame relayé et attesté dans de nombreux rapports émanant d’institutions internationales reconnues pour leur probité, qu’il s’agisse des agences des Nations unies, ou encore d’organisations non gouvernementales de référence. Un drame dont nous ont fait part en audition certains acteurs humanitaires qui ont pu se rendre sur le terrain, affirmant qu’il s’agissait de la pire expérience vécue en zone de guerre en trente années d’engagement.

Un ancien médecin militaire a confié avoir été contraint, pour la première fois de sa carrière, de pratiquer un « triage inversé » : les blessés les plus graves, dont la survie aurait nécessité des soins intensifs, étaient laissés sans traitement, afin de concentrer les maigres ressources sur ceux qui pouvaient encore être sauvés. Il a souligné que certains de ces patients auraient pu survivre si les moyens avaient été disponibles. Faute de ressources – conséquences directes du blocus imposé par Israël sur l’aide humanitaire – des enfants, des hommes et des femmes sont morts, sans accompagnement, sans aucun soulagement, puisque la morphine elle-même était indisponible.

Pour dire l’indicible, pour faire entendre l’inhumanité de ce qui se déroule là-bas, pour redonner un visage, une voix, une chair à cette litanie de chiffres qui nous sidère et rappeler ce qu’ils désignent vraiment : des vies humaines brisées et un territoire anéanti par les opérations de l’armée israélienne. Je souhaite brièvement partager avec vous quelques vers écrits à Gaza et récemment réunis dans un ouvrage au titre cruellement évocateur : Gaza. Y at-il une vie avant la mort ?

Que nous disent ces civils palestiniens de Gaza de l’horreur qui se joue sur place depuis bientôt deux ans ?

Ils nous disent comme Hamed Achour : « Je ne sais pas si vous allez me croire, malgré la terreur qui m’entoure, je sens une sorte de bonheur triste, car je n'ai ni femme ni enfant que je devrais protéger, une femme et un enfant dont la seule faute, comme la mienne en l’occurrence, serait d'être nés à Gaza ».

Ils nous disent comme Rifaat al-Aareer : « Je ne te hais pas, je voudrais plutôt t’aider à cesser de me haïr et de me tuer ».

Ils nous disent comme Haydar al-Ghazali : « Depuis huit mois ma tête est sous la guillotine. J’attends une mort qui ne vient pas. Alors, comment puis-je te décrire ma vie ? J'ai honte quand je passe tout entier devant une femme ramassant les morceaux de ce qui reste de son enfant ».

Ils nous disent comme Doha al-Kahlout : « L’œil de l'espérance se ferme ».

Ils nous disent comme Husam Maarouf : « Celui qui se tient derrière les jumelles ne peut pas sauver le noyé. Nous ne voulons plus rien de vous. Nous voulons simplement mourir en paix ».

Je voudrais m’attarder sur ces derniers vers : « celui qui se tient derrière les jumelles ne peut pas sauver le noyé ». Il s’agit de nous. Nous qui savons, nous qui voyons, nous qui condamnons par voie de communiqués de presse, mais nous qui ne faisons rien pour sauver des vies et imposer un terme à cette spirale de mort.

Les attaques terroristes du 7 octobre 2023, perpétrées par le Hamas contre des civils israéliens, relèvent d'une barbarie inqualifiable, moralement et juridiquement insoutenable. Rien ne saurait les justifier. Ces actes doivent faire l’objet de poursuites et de sanctions en tant que crimes de guerre. À ce jour, 53 otages sont toujours détenus par le Hamas, parmi lesquels figure un de nos compatriotes.

La riposte militaire engagée par Israël, par son ampleur, sa durée et les souffrances infligées à la population civile palestinienne, a également franchi les limites du droit international. La catastrophe humanitaire en cours à Gaza, d’une gravité sans précédent, reflète un usage manifestement disproportionné de la force. C’est dans cet esprit que nous avions, il y a un an, déposé à l’Assemblée nationale une résolution appelant à soutenir les enquêtes de la Cour pénale internationale, visant tant les dirigeants du Hamas que Benjamin Netanyahou.

Au prétexte qu’Israël serait « la seule démocratie du Proche-Orient » et mènerait un combat civilisationnel contre le Hamas, certains semblent penser que son armée serait en quelque sorte exonérée du respect du droit international humanitaire. Comme si l’atrocité indiscutable des crimes du 7 octobre pouvait dispenser l’État israélien de ses obligations juridiques. Il faut au contraire réaffirmer clairement l’universalité de la prohibition des crimes internationaux, sans condition de réciprocité : la commission de crimes par une partie ne saurait en autoriser d’autres. Le droit international s’applique à tous, partout, en toutes circonstances.

Cette proposition de résolution vise précisément à susciter un sursaut face à l’effondrement humanitaire en cours à Gaza et aux atteintes graves et répétées au droit international. Elle constitue une occasion pour la représentation nationale d’adresser un signal fort, en exigeant clairement et sans plus attendre la protection des populations civiles, quelles qu’elles soient, et le respect absolu du droit international humanitaire. Dans un contexte où la violence s’intensifie et où les principes les plus fondamentaux sont bafoués, il revient à notre Assemblée de rappeler, avec force, les exigences éthiques et juridiques qui fondent notre engagement international.

Compte tenu de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité, de sa tradition diplomatique et de son poids dans les enceintes multilatérales, la France a une responsabilité particulière pour contribuer activement à la protection des populations civiles et à la prévention des violations du droit qui doivent constituer notre seule boussole, si nous voulons éviter que notre monde ne bascule dans l’arbitraire de la loi du plus fort et la généralisation de la violence.

Ce qui distingue la tragédie actuelle des précédents conflits à Gaza, relativement limités dans le temps et dans leurs destructions, c’est que cette fois, l’écrasement s’est prolongé sans relâche, et a été mené avec constance et obstination, semaine après semaine, mois après mois. Ce qui est différent aussi, c’est que cette fois, nul ne peut dire qu’il ne savait pas. Comme l’écrit Jean Pierre Filiu, historien qui a pu se rendre à Gaza à la fin de l’année dernière aux côtés de l’association Médecins sans frontières : « Gaza ne s’est pas juste effondrée sur les femmes, les hommes et les enfants de Gaza. Gaza s’est effondrée sur les normes d’un droit international patiemment bâti pour conjurer la répétition des barbaries de la seconde guerre mondiale ».

Les spécialistes du droit international entendus dans le cadre de nos travaux, ont souligné l’existence de nombreuses violations graves et manifestes du droit international général et des principes fondamentaux du droit international humanitaire dans la bande de Gaza : déplacements forcés de populations civiles, destruction délibérée d’infrastructures vitales, attaques visant des établissements de santé et du personnel humanitaire, ainsi que des entraves à l’acheminement de l’aide humanitaire. Ils ont également rappelé qu’il n’est pas nécessaire d’attendre une décision de justice pour reconnaître de telles violations : leur simple constatation suffit à faire naître, pour les États parties aux Conventions de Genève, l’obligation d’agir pour y mettre un terme.

En outre dans son ordonnance du 26 janvier 2024, renforcée par une décision complémentaire du 28 mars 2024, la Cour internationale de justice a reconnu l’existence d’un « péril imminent » pesant sur la population palestinienne de Gaza, et a enjoint à Israël de prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission d’actes entrant dans le champ de la Convention sur le génocide de 1948. Cette reconnaissance, émanant de la plus haute juridiction des Nations unies, souligne la gravité exceptionnelle de la situation et renforce l’obligation pour les États tiers – dont la France – de ne pas rester passifs.

Je tiens à le rappeler clairement ici, en réponse à ceux qui estiment que le mot « génocide » ne devrait être utilisé qu’après qu’une juridiction l’a formellement reconnu, ou qu’il devrait être réservé au travail des historiens. C’est inexact – et le droit international ne conditionne heureusement pas l’obligation de prévention à une reconnaissance judiciaire préalable. Car, comme l’a rappelé la Cour internationale de justice dans son arrêt BosnieHerzégovine contre Serbie en 2007, l’obligation de prévenir le génocide impose d’agir avant même que le crime ne soit accompli. Cette obligation repose non sur une preuve définitive, mais sur la connaissance effective ou raisonnable d’un risque sérieux. Autrement dit, dès lors qu’un tel risque est objectivement identifiable, les États ont le devoir d’agir pour l’empêcher, même si l’intention génocidaire n’a pas encore été juridiquement établie. Il appartient donc aux responsables politiques, comme aux institutions compétentes, d’assumer cette responsabilité sans attendre, dès lors que des éléments crédibles – et ils sont aujourd’hui largement documentés – rendent ce risque manifeste.

Mais face à ces constats, que faisons-nous ? Que fait la France ? Que fait l’Union européenne ? Quels moyens avons-nous, concrètement, pour agir ? Les outils juridiques sont là. Ils existent. Ils pourraient être mobilisés pour exercer une pression réelle sur les autorités israéliennes. Pourtant depuis vingt mois, l’Union européenne et la France se contentent, face à la tragédie à Gaza, de déclarations d’indignation sans effet. Pendant ce temps, des milliers de civils meurent dans l’indifférence. Ce décalage entre les paroles et les actes affaiblit notre crédibilité et trahit les valeurs que nous sommes censés défendre.

L’inaction face au drame de Gaza contraste fortement avec la réactivité dont l’Union européenne a – à juste titre – fait preuve lors de l’agression russe contre l’Ukraine, où des sanctions massives ont été adoptées au nom du droit international. Cette différence de traitement soulève une question de cohérence : pourquoi ces mesures seraient-elles légitimes dans un cas, mais écartées dans le cadre du conflit à Gaza, alors que les violations y sont tout aussi graves ?

Aucun obstacle juridique ne s’y oppose : les mêmes outils – sanctions individuelles ou sectorielles – sont disponibles. Rien ne manque – sinon la volonté politique de les activer. Il revient désormais au politique de s'en emparer, de les mettre en œuvre avec courage et cohérence. Les leviers existent : utilisons-les pour exercer une pression effective sur les responsables israéliens et les contraindre à un changement de politique. Comme l’a établi la Cour internationale de justice dans sa jurisprudence, tout État qui dispose des moyens d’influencer des acteurs impliqués dans un risque de génocide a l’obligation d’agir – en mobilisant tous les moyens raisonnablement disponibles – y compris lorsque les faits se déroulent hors de son territoire.

L’accord d’association entre l’Union européenne et Israël constitue un de ces leviers concrets. Fondé sur le respect des droits humains, il peut être suspendu en cas de violation grave — et des accords d’associations ont été suspendus pour cette raison dans d’autres contextes. Face à l’effondrement humanitaire à Gaza et aux violations manifestes du droit international, une majorité d’États membres a demandé son réexamen. Sa suspension pèserait lourd, car l’Union européenne est le premier partenaire commercial d’Israël.

Mais ce n’est pas le seul outil à notre disposition. Un embargo sur les exportations d’armes, conforme au Traité sur le commerce des armes (2013), devrait être instauré sans délai, pour éviter que ces équipements ne contribuent à la poursuite des crimes à Gaza.

La colonisation de la Cisjordanie ne constitue pas une conséquence directe de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 ; elle s’inscrit dans une dynamique ancienne, engagée depuis plusieurs décennies. Début 2023, on recensait déjà plus de 450 000 colons israéliens en Cisjordanie, hors Jérusalem-Est, ainsi qu’environ 220 000 à Jérusalem-Est. L’interdiction d’importer les produits issus de ces colonies, reconnues comme illégales au regard du droit international, représenterait un acte politique fort et cohérent. Le drame qui frappe Gaza depuis vingt mois renforce par ailleurs la dynamique d’annexion israélienne en Cisjordanie. Les violences commises par des colons, souvent sous la protection de l’armée, se multiplient. Depuis octobre 2023, plus de 1 860 incidents de violence à l’encontre des populations civiles ont été recensés. Villages incendiés, expulsions forcées : ces pratiques deviennent le quotidien des habitants palestiniens, dans le cadre d’une campagne de colonisation menée en violation flagrante du droit international et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Enfin, Il est plus que jamais urgent d’obtenir un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza. C’est la condition première pour mettre un terme aux souffrances des civils et stopper l’engrenage de la violence. L’urgence humanitaire doit mobiliser toutes nos forces, mais elle ne saurait suffire : il faut rouvrir la voie d’un véritable processus de paix. Car une paix juste et durable ne se décrète pas, elle se construit – en s’attaquant aux causes profondes du conflit. Condamner la violence ne suffit pas. Il faut y répondre par une vision politique. Cela implique de reconnaître les droits légitimes du peuple palestinien, tout en garantissant à Israël son droit à vivre en sécurité. La solution à deux États – bien qu’affaiblie par des années d’obstruction et de colonisation – reste la seule issue viable. Ne rien faire pour la rendre tangible, c’est acter la victoire de la force sur le droit.

Gaza n’est pas seulement un champ de ruines. C’est un miroir tendu à notre époque – et ce qu’il reflète est terrifiant. Comme le souligne Jean Pierre Filiu dans son dernier ouvrage « Gaza est désormais livrée aux apprentis sorciers du transactionnel, aux artilleurs de l’intelligence artificielle et aux charognards de la détresse humaine. Et Gaza nous laisse entrevoir l’abjection d’un monde qui serait abandonné aux Trump et aux Netanyahou, aux Poutine et aux Hamas, un monde dont l’abandon de Gaza accélère l’avènement ».

Au nom des valeurs portées par la France et par l’Union européenne, et au nom de notre attachement indéfectible à la dignité de la vie humaine – de toutes les vies humaines – j’en appelle à votre soutien en faveur de cette proposition de résolution. Le ministre des affaires étrangères lui-même a exprimé ce matin, lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, son appui à cette initiative. Car au-delà des déclarations de principe, il est désormais nécessaire de poser un acte politique clair : pour la protection des populations civiles, pour la défense du droit international, et pour ne pas détourner une fois encore le regard de l’horreur que vivent actuellement des enfants, des femmes et des hommes.

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. La parole est aux orateurs de groupes.

M. Philippe Brun (SOC). Nous sommes réunis aujourd’hui autour de l’un des plus grands drames que connaît l’humanité au XXIe siècle : celui d’un génocide que subissent les deux millions de Gazaouis, peuple martyr. Le terme de « génocide » ne fait aucun doute, tant la définition posée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1946 semble en tout point correspondre à l’exposé des exactions et des atrocités commises au nom d’Israël dans la région.

Ce terme est également celui de la Cour internationale de justice dans plusieurs ordonnances rendues en 2024 et 2025, émettant des mesures conservatoires en raison du risque génocidaire. Depuis le regain de violence extrême au Proche-Orient déclenché par l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023, ayant fait près de 1200 morts côté israélien ainsi que 252 otages dont 58 toujours retenus, les opérations menées par le gouvernement israélien dans les territoires palestiniens ont atteint un point de non-retour.

À ce jour, l’offensive israélienne à Gaza a fait plus de 56 000 morts et plus de 130 000 blessés, majoritairement des civils. La quasi-totalité de la population Gazaouie est déracinée. Les tentes et abris insalubres et surpeuplés sont devenus des foyers. Face à l’intensification des opérations israéliennes, l’enclave palestinienne est devenue un lieu inhabitable. Le blocus humanitaire engendre des pénuries aiguës de nourriture, d’eau, de fourniture médicale, de carburant ou encore d’abris, une insécurité alimentaire et un risque de famine tandis que le système de santé est au bord de la rupture.

La population est ainsi privée de ses moyens de subsistance fondamentaux : services de base, soins de santé, nourriture, éducation, hygiène, intimité, dignité. La poursuite de la colonisation et le lancement de l’opération « mur de fer » en Cisjordanie sont également largement documentés dans vos rapports respectifs.

L’impuissance de la communauté internationale pour imposer le droit nous alerte. Les ordonnances de la Cour internationale de justice sont bafouées et les mandats émis par la Cour pénale internationale ne sont pas appliqués. Face à ce double constat, celui de la situation à Gaza et celui de l’impuissance de la communauté internationale, ces deux propositions de résolutions européennes invitent l’Europe à agir en actionnant le levier de l’accord d’association qui lie l’Union européenne à Israël. Nous nous associons à cette démarche.

Toutefois, ne pouvant soutenir la demande de dénonciation de l’accord et étant attachés à la perspective d’une paix globale, nous nous abstiendrons sur la première proposition mais soutiendrons pleinement la seconde portée par Mme Sebaihi.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je tiens à saluer le travail réalisé sur ces deux propositions de résolution européenne et à déplorer l’absence de réponse du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères qui n’a pas donné suite aux demandes d’auditions ni répondu aux questions écrites des rapporteures. Comment ne pas y voir une forme de mépris du Parlement ?

Sous nos yeux, depuis plus de vingt mois maintenant, se déroule à Gaza un massacre quotidien de civils, une famine organisée, un blocus de l’aide humanitaire. Ce sont des violations répétées du droit international, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. En dénonçant cela, nous ne faisons qu’assumer notre responsabilité morale et historique. Mais les mots ne suffisent pas : il faut des actes concrets.

D’abord, il faut suspendre l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, sur la base de son article 2 qui souligne que les relations entre les parties reposent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques. Aujourd’hui, manifestement, ces principes sont bafoués par Israël, dirigé par Benyamin Netanyahou.

Ensuite, il faut adopter des sanctions à l’image de celles prises contre la Russie : décréter en priorité un embargo sur les armes européennes mais également mettre en place des sanctions économiques. Nous enverrons ainsi un message au monde. Il ne doit pas y avoir de pays plus égaux que les autres. Toutes les vies humaines se valent et quand un pays viole le droit international, il est normal qu’il soit sanctionné.

Au contraire, le « deux poids deux mesures », le droit à géométrie variable minent le fondement du droit international. Qu’est-ce qu’un droit à géométrie variable sinon une absence de droit ? Lorsqu’on tolère la loi du plus fort, la violence, on sort du droit, sans lequel aucune liberté n’est possible. C’est pourquoi notre groupe soutiendra ces deux propositions de résolution européenne.

Aux deux rapporteures : pourriez-vous nous dire quels sont les pays, notamment européens, en faveur de la suspension de l’accord et la mise en place de sanctions et ceux qui cheminent dans cette direction ?

Mme Danièle Obono (LFI-NFP). « À Gaza se déroule le premier génocide de l’Histoire dont les victimes diffusent, en temps réel, leur propre destruction, dans l’espoir désespéré, et jusqu’à présent vain, de voir le monde faire quelque chose ». Ainsi s’exprimait l’avocate irlandaise de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice le 11 janvier 2024. Depuis, le nombre de victimes a dépassé les dizaines de milliers, en majorité des femmes et des enfants. Les grandes puissances occidentales ne font toujours rien pour y mettre fin. Au contraire, les États-Unis sont le principal soutien militaire d’Israël à qui ils fournissent jusqu’à 70 % de leurs armes. L’Allemagne, le second, à hauteur de 30 %. La France n’est pas en reste. Selon Amnesty International, elle continue de livrer régulièrement du matériel militaire à Israël.

L’Union européenne persiste également à piétiner le droit international et ses propres valeurs : elle est le premier partenaire commercial d’Israël, représentant 28 % de ses exportations. Or une récente note de la Commission européenne a conclu qu’Israël manquait à ses obligations en matière de droits humains, au titre de l’article 2 de l’accord d’association UE-Israël, pointant les crimes dont ce pays est responsable : apartheid, ségrégation raciale et génocide.

Il est plus que temps que cet accord soit suspendu comme l’ont été ceux avec le Sri Lanka, en 2010 ou la Syrie, en 2011. Alors même que le 20 mai dernier, l’Union a adopté son 17e train de sanctions contre la Russie, le positionnement à géométrie, voire à géographie variable, est particulièrement indigne et injustifiable. En avril 2024, j’interpellais ici même le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères M. Barrot à ce sujet.

Un mois auparavant, près de 200 organisations de la société civile européenne et internationale avaient adressé un courrier à la présidente de la Commission européenne, Mme Von der Leyen, demandant la suspension de cet accord. D’après ces ONG, ce qui se passe actuellement à Gaza est la conséquence d’un échec politique et moral de la communauté internationale. La suspension de l’accord d’association en raison de la violation des clauses de l’accord relatif aux droits humains enverrait un message fort : l’engagement de l’Union européenne en faveur des droits humains n’est pas qu’une simple rhétorique.

Elle l’a pourtant été pendant plus d’un an, jusqu’à ce que la mobilisation associative et citoyenne amène un certain nombre de pays, dont l’Espagne, à demander cette révision. Aujourd’hui, alors que le processus est enclenché, il faut faire entendre de la France une voix forte qui appuie la suspension de cet accord si nous voulons être à la hauteur de nos propres valeurs.

M. Paul Christophe (HOR). Notre groupe partage l’émotion que suscite la situation humanitaire en Palestine, tout particulièrement à Gaza. Les pertes civiles sont considérables, les conditions de vie dramatiques. La France, comme l’Union européenne, a exprimé à plusieurs reprises sa préoccupation, son attachement au respect du droit international humanitaire et son engagement en faveur d’un cessez-le-feu durable. La paix, la sécurité d’Israël comme les droits du peuple palestinien ne peuvent être obtenus que par le respect du droit et un retour au dialogue.

C’est dans ce contexte que deux propositions de résolution européenne sont soumises aujourd’hui. Elles appellent, l’une à suspendre, l’autre à dénoncer l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël ainsi qu’à adopter des sanctions larges et immédiates. Si ces textes traduisent une volonté légitime de réagir à des violations graves du droit international, ils soulèvent néanmoins plusieurs préoccupations majeures.

La première proposition visant à dénoncer l’accord nous semble disproportionnée. Il s’agit là d’une mesure indiscriminée visant autant les civils que les dirigeants israéliens. Une dénonciation nous priverait de tout moyen de pression futur et mettrait en péril un grand nombre de coopérations pacifiques dans les domaines scientifique et économique.

La proposition appelant à suspendre l’accord nous semble encore prématurée, même si ce moyen se pose aujourd’hui sérieusement au niveau européen. L’évaluation du respect par Israël de l’article 2 de l’accord d’association a montré des manquements en matière de droits humains. Il appartient désormais à Israël de donner sans délai des gages de respect de ces engagements : le dégel des fonds destinés à l’Autorité palestinienne et la fin de toute entrave à la distribution de l’aide humanitaire.

Ce n’est qu’au regard de ces gages ou de leur absence que la suspension pourra être abordée lors du prochain Conseil des Affaires étrangères de l’Union européenne le 15 juillet prochain.

En ce qui concerne la question des armes à destination d’Israël, beaucoup de fausses informations circulent à ce sujet. Soyons clairs : la France ne vend pas d’armes létales à Israël. Les exportations concernent des composants liés à la protection du territoire israélien, notamment pour le dôme de fer, et des matériels destinés à la ré-exportation.

Un embargo strict, comme demandé dans ces propositions de résolution pourrait ainsi mettre en danger les populations civiles israéliennes, ce que nous ne pouvons pas accepter. Notre groupe votera contre ces propositions de résolution européenne.

Mme Soumya Bourouaha (GDR). L’article 2 de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël fait du respect des droits humains une condition essentielle à toute coopération. Deux propositions de résolution nous appellent aujourd’hui à tirer les conséquences de cette clause, suspendre voire dénoncer cet accord.

Pourquoi en sommes-nous là ? Chaque jour, le gouvernement israélien s’éloigne davantage de ses obligations, il viole le fondement de l’accord, le droit international, la dignité humaine, la protection des civils. Le peuple palestinien à Gaza comme en Cisjordanie subit une intensification des violences et des violations du droit international. À Gaza, la situation humanitaire est catastrophique, la destruction est massive, le blocus humanitaire est maintenu.

La Cour internationale de justice a reconnu un risque plausible de génocide. En Cisjordanie, la colonisation progresse chaque jour, accompagnée d’agressions de plus en plus violentes. Nous avons une responsabilité. Notre devoir face à l’histoire n’est pas de commenter ni même de déplorer mais bien d’agir. La France doit soutenir la suspension de l’accord d’association tant que ces violations graves persistent. Elle doit jouer un rôle actif pour que cette suspension soit décidée lors du prochain conseil des Affaires étrangères qui se tiendra le 15 juillet prochain, ne serait-ce que la suspension de son volet commercial qui ne requiert que la majorité qualifiée du Conseil et non l’unanimité.

La comparaison avec la Russie est éclairante : le 18e train de sanctions est en cours. Cela démontre que des mesures fortes peuvent être prises. Suspendre l’accord ne signifie pas rompre le dialogue, cela permet de réaffirmer que le droit n’est pas une option mais une exigence. Cela permet de créer les conditions d’un cessez-le-feu, de l’acheminement de l’aide humanitaire, d’un retour à un processus de paix fondé sur la reconnaissance mutuelle et la coexistence des deux États.

Enfin, le gouvernement français ne peut pas indéfiniment se réfugier derrière l’Union européenne. Il peut et doit agir à son échelle. L’Histoire jugera.

M. Laurent Mazaury (LIOT). Vos propositions de résolution européenne s’inscrivent dans un contexte marqué par la présentation, il y a quelques jours, par Mme Kallas, aux chefs d’État et de gouvernement européens, d’un rapport faisant état de la violation, par Israël, d’une trentaine de principes du droit international. Faute d’accord entre les pays européens, les discussions sur l’éventuelle suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël sont, pour le moment, reportées.

Le droit international n’est pas à géométrie variable. Israël a évidemment le droit de se défendre, et c’est notamment ce qu’il a fait lors de la récente guerre avec l’Iran. Si le Hamas, organisation terroriste qui utilise sans cesse sa propre population comme bouclier humain, a commis un pogrom odieux le 7 octobre 2023, il n’en demeure pas moins que l’intervention actuelle d’Israël dans la bande de Gaza, bientôt deux ans après l’odieux massacre perpétré par le Hamas, est en totale violation du droit international, et notamment du droit international humanitaire.

Par ailleurs, en Israël aussi bien qu’en Palestine, des acteurs non médiatisés s’élèvent face à ce qui se passe des deux côtés, et n’appellent qu’à la paix et à la réconciliation. Il faudra s’appuyer sur ces acteurs pour engager une voie vers une paix durable.

Pour revenir sur le fond, j’ai souhaité déposer un certain nombre d’amendements, notamment rédactionnels, mais qui sont importants. Ils visent à préciser certaines notions, mais également à rappeler que si un risque de génocide est avéré, la France a des responsabilités en tant que signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Par ailleurs, je soutiendrai l’amendement de notre collègue Philippe Brun sur le renforcement des mesures restrictives prises à l’encontre des dirigeants du Hamas et du Jihad islamique palestinien, considérant qu’il est de notre devoir d’être impartial et de condamner toutes les actions condamnables.

À ce stade, je réserve mon vote dans l’attente de l’examen de l’ensemble des amendements et de nos discussions.

M. Matthieu Marchio (RN). Nous débattons aujourd’hui de deux propositions de résolutions émanant de l’extrême gauche et des écologistes, qui demandent la suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, voire l’imposition de sanctions contre cet État. Le Rassemblement national s’y oppose fermement, tant sur le fond que sur la méthode.

Cet accord repose certes sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, et certains États membres comme l’Estonie ont soulevé des interrogations à ce sujet. Mais les faits sont têtus. Aucune décision concrète n’a été prise au niveau européen car des pays comme l’Allemagne, la Pologne ou la Hongrie s’y opposent. Sans unanimité, cette suspension n’aurait aucune portée juridique. Dès lors, il s’agit ici d’une tentative de contournement, une instrumentalisation purement idéologique du conflit israélo-palestinien menée par ceux qui, depuis Paris, prétendent parler au nom de l’Europe, tout en méprisant son fonctionnement. Ce n’est pas une position de responsabilité.

Nous ne fermons pas les yeux sur la situation humanitaire dramatique à Gaza. Comme le Conseil européen, nous appelons à une amélioration urgente de la protection des civils. En revanche, rompre le dialogue avec Israël, seule démocratie au Proche-Orient, en pleine guerre contre le Hamas, organisation islamiste, totalitaire et terroriste, serait faire preuve d’une naïveté coupable, voire de complaisance. Israël est un partenaire stratégique de l’Europe et en particulier de la France. Le pousser dans l’isolement alors même que ses villes sont la cible de tirs de roquettes, ce serait affaiblir gravement la parole européenne et celle de la France sur la scène internationale et ruiner toute capacité d’influence.

Enfin, nous ne pouvons que nous indigner du parti pris flagrant de ces propositions de résolution et du peu de considération pour la situation des otages. Ce deux poids deux mesures permanent est indigne d’une démocratie équilibrée et sérieuse. Ainsi, le Rassemblement national votera contre ces propositions, car elles ne servent ni la paix, ni les intérêts de la France, ni ceux de l’Europe.

Mme Emmanuelle Hoffman (EPR). Le groupe EPR aborde la situation au Proche-Orient avec gravité. Israël est un partenaire historique, stratégique et essentiel pour la France et l’Union européenne. Depuis l’accord d’association signé en 1995, des liens étroits se sont tissés. L’Union européenne est aujourd’hui le premier partenaire commercial d’Israël, couvrant plus d’un tiers de ses échanges. Ce partenariat s’étend à la recherche, à l’innovation, à l’agriculture, à l’aviation et à la coopération militaire. Cet accord constitue un véritable pilier des relations euro-israéliennes et un levier de stabilité et de prospérité pour la région.

Nous tenons à exprimer notre solidarité indéfectible avec Israël, durement frappé le 7 octobre 2023 par une attaque terroriste islamiste d’une ampleur et d’une cruauté inhumaine, perpétrée par le Hamas. Cette attaque a causé la mort de plus de 1 200 personnes, dont 42 Français, et l’enlèvement de 250 otages, dont certains sont encore détenus dans des conditions insupportables. Nous réaffirmons notre attachement au droit d’Israël à vivre en sécurité et à se défendre face au terrorisme.

Dans le même temps, les préoccupations concernant la conduite des opérations militaires à Gaza ne peuvent être ignorées. La gravité du bilan humain et la situation humanitaire font l’objet de rapports internationaux qui appellent à un examen sérieux et transparent. Face à la complexité de la situation, le Conseil européen du 26 juin 2025, tout en prenant note du rapport juridique concernant le respect par Israël de l’article 2, invite à poursuivre les discussions sur un suivi, le cas échéant, selon l’évolution de la situation sur le terrain.

Notre responsabilité est d’inscrire notre action dans un cadre européen cohérent afin de préserver la capacité de la France et de l’Union à peser pour la paix, d’encourager des avancées concrètes, sans compromettre l’influence diplomatique européenne ni la recherche d’une solution politique durable.

Ainsi, le groupe EPR rejette avec force la proposition de résolution européenne rapportée par Mme Guetté, qui qualifie unilatéralement la guerre à Gaza de génocidaire, ignore la question de la libération des otages, assimile l’ensemble du gouvernement israélien à un régime à sanctionner et appelle à des mesures extrêmes. Cette radicalité, en rupture avec la position française et européenne, n’apporte aucune solution concrète et compromettrait toute perspective de relance d’un processus politique crédible et équilibré.

Concernant la PPRE rapportée par Mme Sebaihi, nous ne pouvons souscrire à une logique de suspension immédiate et unilatérale de l’accord d’association, ni à l’adoption de sanctions économiques étendues hors d’un cadre européen concerté. Une telle rupture risquerait d’isoler la France et de réduire à néant la capacité de négociation de l’Union au moment où elle doit peser pour la désescalade et la relance d’un véritable processus politique de paix.

Nous saluons enfin les voix israéliennes et palestiniennes qui œuvrent pour la paix. Le groupe EPR ne soutiendra ni la proposition de résolution déposée par le groupe LFI, ni celle des écologistes.

Mme Gabrielle Cathala (LFI-NFP). Je ne peux que saluer l’inscription de la proposition de résolution européenne de mon groupe à l’ordre du jour de la commission des affaires européennes. En revanche, je regrette qu’elle arrive si tard, car nous la proposons depuis des mois. Cela fait vingt mois que la France n’agit pas. La suspension de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël figurait dans le programme du Nouveau front populaire, qui a remporté les élections législatives en juillet dernier.

Certains collègues nient ou cautionnent un génocide. Ils préfèrent utiliser l’appellation de guerre ou d’aggravation du conflit israélo-palestinien. Cela est erroné, puisque la situation actuelle et le génocide sont l’aboutissement d’une entreprise coloniale et d’un nettoyage ethnique à l’œuvre depuis des décennies. Ce génocide est caractérisé par des actes mais aussi par les intentions, notamment avec les déclarations épuratrices de M. Netanyahou. Ce dernier a récemment déclaré qu’il voulait réduire la population de Gaza au niveau le plus bas possible.

De plus, l’armée israélienne a eu recours à l’intelligence artificielle pour tuer de manière systématique. Il est donc difficile de comprendre l’abstention du groupe socialiste, puisque leur allié, M. Sánchez, n’hésite pas à qualifier la situation de génocide.

M. Julien Odoul (RN). Il n’y a pas de génocide à Gaza. Il y a la guerre. L’État d’Israël n’a pas déclenché cette guerre. Elle lui a été imposée par les massacres commis par le Hamas. La seule intention génocidaire est celle du groupe terroriste islamiste, qui vise à éliminer un groupe ethnique, national ou religieux. Le 7 octobre 2023, le Hamas n’a pas attaqué les infrastructures militaires ni les soldats. Il a ciblé 1 200 civils innocents, dont 48 Français, des femmes, des enfants et même des bébés, dans une volonté d’éradication des Juifs.

Par antisémitisme primaire et par électoralisme nauséabond, l’extrême gauche a inversé l’accusation et a torturé l’histoire. Vous êtes les complices du véritable génocide en qualifiant les barbares de résistants, en exhibant leur bannière chaque semaine dans vos manifestations haineuses, et en reprenant à votre compte le slogan antisémite « du fleuve à la mer », qui symbolise la disparition du seul État juif du monde. Vos infâmes résolutions confirment que vous êtes la honte de la République, les faussaires de la paix.

M. Sylvain Maillard (EPR). Mes questions sont pour Mme la rapporteure Clémence Guetté. Dans l’exposé de ses motifs, le terme « guerre » est absent, alors qu’il s’agit bien d’une guerre. Je n’ai pas non plus entendu mention du 7 octobre, qualifié comme le plus grand pogrom du XXIe siècle, ni du Hamas, ce groupe terroriste reconnu par la France comme tel, qui martyrise le peuple palestinien à Gaza depuis 2007. Enfin, je n’ai pas entendu le mot « Égypte ». Gaza est souvent qualifiée de prison à ciel ouvert, qu’en est-il alors de la frontière égyptienne ?

M. Nicolas Dragon (RN). Alors que l’Union européenne peine à parler d’une seule voix sur le dossier israélo-palestinien, la France insoumise, c’est-à-dire l’extrême gauche, appelle à rompre l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël et à imposer des sanctions à l’État hébreu, qu’elle accuse de mener une prétendue guerre génocidaire. Cette accusation semble disproportionnée dans le contexte d’une guerre contre le terrorisme islamiste, mais minimise aussi le droit international, car elle nie à Israël le droit de se défendre contre le Hamas, organisation terroriste islamiste responsable du pogrom du 7 octobre, qui a fait des centaines de victimes israéliennes et 48 Français. Si la Commission européenne a pu évoquer une réévaluation de l’accord d’association, plusieurs États membres, dont l’Allemagne, la Pologne et la Hongrie, s’y opposent. Israël reste un allié stratégique, l’une des rares démocraties du Proche-Orient et un partenaire commercial de premier plan. Jusqu’où l’extrême gauche est-elle prête à aller pour mettre en péril nos alliances, affaiblir la diplomatie française au nom de sa haine d’Israël ? Allez-vous un jour défendre l’intérêt de la France contre l’idéologie islamiste ?

M. Sébastien Martin (DR). Ces deux propositions de résolution européenne ne permettront pas une issue pacifique au conflit en cours dans la bande de Gaza car elles ne s’inscrivent pas dans la tradition diplomatique de la France, fondée sur une solution à deux États, sur la condamnation des colonies israéliennes, sur le respect de la sécurité d'Israël et de son droit à se défendre et, enfin, sur l'engagement en faveur du cadre de négociation multilatéral et du refus des actions unilatérales.

Or ces résolutions européennes constitueraient une action unilatérale qui affaiblirait la voix de la France et risquerait de l’exclure de la table des négociations pour une paix indispensable.

Cette paix doit avant tout passer par la libération des otages détenus par le Hamas. Il s’agit là d’un préambule à toute issue pacifique au conflit.

M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). On se demande surtout jusqu'où certains sont prêts à aller pour nier le caractère de ce qui se passe en ce moment même à Gaza. Il y a quelques jours, sur décision de Benjamin Netanyahou, l'aide humanitaire a été totalement bloquée dans le nord de la bande de Gaza : le lait maternisé ne rentre plus du tout, des nourrissons meurent tous les jours. Tous ces faits sont documentés.

J'en ajoute un sur les destructions matérielles. Voici ce que dit Eliav Lieblich, qui est professeur en droit international à l'université de Tel Aviv : « Il existe en droit international des protections spéciales pour les installations médicales, les champs agricoles, les installations hydrauliques. à ce jour je n'ai entendu aucun début d'explication qui puisse expliquer ses destructions massives ».

Alors une seule question : que faut-il de plus ? L'ampleur des destructions et de l'extermination en cours n’est-elle pas suffisamment manifeste à vos yeux ? Ces deux propositions de résolution européenne doivent évidemment faire l’objet d’un vote favorable.

M. Jocelyn Dessigny (RN). On parle aujourd'hui d'accords commerciaux et vous nous parlez de génocide. Il faut rappeler qu'Israël ne fait que se défendre face aux attaques d’un mouvement terroriste et face à des attaques de pays qui soutiennent le terrorisme. Il faut au contraire apporter notre soutien au gouvernement et à l’État d'Israël, au lieu de faire ce genre de propositions qui ne servent qu'à semer le trouble sur nos accords avec ce pays qui, je le rappelle, est un allié et la seule démocratie de la région.

M. Manuel Bompard (LFI-NFP). J'ai entendu dire que le vote de ces propositions de résolution ne serait pas conforme à la tradition diplomatique de la France. Depuis quand la tradition diplomatique de la France consiste-t-elle à ne pas respecter sa parole, c'est-à-dire à ne pas envisager la suspension d'un accord qui contient en son sein une clause sur le respect des droits humains ?

J'ai entendu dire qu'en votant ces propositions de résolution ou en prenant position sur ce sujet, la France serait isolée. Je veux rappeler ici que 17 pays ont soutenu l'initiative des Pays-Bas demandant une révision de cet accord d'association entre l'Union européenne et Israël. Je veux rappeler ici qu'une très large majorité des États dans le monde, quasiment 75 % soutiennent et reconnaissent aujourd'hui officiellement l'État de Palestine.

C'est précisément en ne votant pas ces propositions de résolution et en ne prenant pas position sur ce sujet que la France serait isolée. Au contraire, en prenant position sur ce sujet, la France rejoindrait la très large majorité des États dans le monde qui demandent que des initiatives fortes soient prises pour mettre un terme au génocide à Gaza.

Mme Clémence Guetté, rapporteure. Ma collègue Sabrina Sebaihi a rappelé dans son propos liminaire que notre obligation est de prévenir tout risque de génocide dès lors que la Cour internationale de justice nous y enjoignait. Cela suppose de ne pas attendre. Je rappelle également que tous les États ont interdiction, en vertu du droit international, de commettre un génocide.

Par ailleurs, la suspension ou la dénonciation de cet accord d'association est prévue dans l'accord même, à son article 82. Le groupe La France insoumise considère que, dès lors qu'il y a un risque de génocide – j'ai rappelé le nombre de personnes tuées, le nombre de personnes blessées, le nombre de personnes disparues, j'ai aussi dit que ces chiffres étaient vraisemblablement sous-estimés – la solution la plus ambitieuse, à savoir la dénonciation de l’accord, doit être mise en œuvre.

J'ajoute que politiquement, le 15 juillet, les ministres des affaires étrangères de l'Union ont rendez-vous pour réexaminer cet accord et se prononcer quant au respect ou non par Israël de son article 2. Je pense que cela honorerait la représentation nationale de se prononcer dès aujourd'hui, sans attendre le 15 juillet et l’éventuelle décision du Conseil.

Je souhaite également préciser, à l’adresse de mon collègue Nicolas Bonnet du groupe écologiste, que plusieurs types de sanctions ont déjà été soit prises, soit appelées par différents pays de l'Union. Il y a des sanctions très concrètes qui ont été prises contre des ministres du gouvernement de Benjamin Netanyahou : je pense notamment au gel des avoirs par la Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle Zélande et la Norvège. Certains pays de l’Union, dont l'Italie et l'Espagne, ont pris des sanctions sur les armes. L'Irlande a pris des sanctions en suspendant l'importation des produits qui sont fabriqués dans les colonies. Neuf États membres ont interrogé la conformité de ces importations vis-à-vis du droit international et la suspension de l'accord est une demande de l'Irlande et de l'Espagne.

Je déplore que le groupe socialiste ne vote pas en faveur de notre proposition de résolution européenne. Je rappelle que vous aviez la possibilité de l’amender comme vous l’avez fait pour la seconde.

En ce qui concerne les prises de parole des députés du Rassemblement national, je ne répondrai pas à ces outrances parce que je pense que ce débat mérite mieux. Je me contenterai de dire qu'il ne peut pas y avoir de propos consistant à dire : « oui le droit international, mais… ». Ce « oui-mais » sera votre honte et je vous en laisse seuls responsables.

Le groupe EPR note la radicalité des propositions de cette proposition de résolution européenne, ce qui ne manque pas de me surprendre. Les visas qui fondent et inspirent notre proposition de résolution européenne sont tout sauf radicaux. Nous nous appuyons, entre autres, sur la Constitution, la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, le traité sur l'Union européenne, la déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948, la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée par l'assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1948, les conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977 et 2005, le statut de Rome créant la CPI du 17 juillet 1998, les articles 2 et 82 de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël, l'article 60 de la convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, les résolutions 252, 446, 452, 465, 904 et 2334 du conseil de sécurité des Nations unies, la résolution 439 de l'Assemblée nationale portant sur la reconnaissance de l'État de Palestine de 2014, la résolution 32 du Sénat sur la reconnaissance de l'État de Palestine de 2014 et la résolution 2964 du Parlement européen de 2014.

Par ailleurs, nos recommandations s’appuient sur les travaux d’Amnesty international, de Human Rights Watch et de médecins sans frontières.

Enfin, nous citons également dans nos préconisations et comme source d’inspiration de cette proposition de résolution européenne, la lettre adressée à la Commission européenne par le ministre néerlandais des affaires étrangères, mais aussi les déclarations de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, ou celles du président de la République Emmanuel Macron.

Je vous laisse préciser avec laquelle de ces sources vous êtes en désaccord.

Pour terminer, je voulais aussi rappeler que la France est engagée par le TCA, le traité sur le commerce des armes, qui a été ratifié par 113 États dont la France. Ce traité interdit, par son article 6.3, à un État de vendre des armes s’il a connaissance du fait que ces armes pourraient servir à commettre un génocide, des crimes contre l'humanité, des violations graves contre les conventions de Genève ou des attaques dirigées contre des civils.

Même si vous contestez le terme de « génocide » que nous pensons être le bon, vous ne pouvez plus, à ce stade, contester la perpétration d’attaques contre des civils qui justifieraient d’agir en vertu du TCA.

Mme Sabrina Sebaihi, rapporteure. Parce qu’il s’agit d’un sujet extrêmement grave et important, nous ne devons pas céder aux caricatures exprimées par certains de nos collègues.

Je souhaite rappeler – comme cela a été dit et écrit – que nous parlons ici de vies humaines : plus de 1 000 morts en Israël le 7 octobre, plus de 50 000 morts à Gaza depuis maintenant vingt mois. Nous sommes face à une situation extrêmement sérieuse. Je voudrais répondre aux différentes interprétations avancées, même si ma collègue Clémence Guetté a déjà fourni de nombreux éléments.

S’agissant tout d’abord des États membres prêts à avancer sur une renégociation, une re-discussion ou une suspension de l’accord d’association avec Israël, dix-sept États membres ont voté en faveur d’une telle démarche. Je rappelle que cette initiative est intervenue à la demande des Pays-Bas, un pays qui n’est généralement pas qualifié de « gauchiste ». Je le précise à l’intention de nos collègues du Rassemblement national qui laissent entendre que seuls les « gauchistes » défendraient aujourd’hui le droit international.

Parmi ces dix-sept États membres figurent l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, l’Irlande, la Lettonie, le Luxembourg, Malte, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovénie et la Suède.

Je précise également que la Slovénie et l’Irlande se sont déclarées prêtes à prendre des sanctions de manière unilatérale, si l’Union européenne ne décidait pas d’avancer en ce sens. Cela signifie que même en l’absence d’unanimité européenne, des États membres, dont la France, pourraient décider, si elle le souhaite, de prendre des sanctions de manière autonome.

Concernant les collègues du groupe Horizons qui estiment qu’il serait prématuré de suspendre l’accord, je pose une question simple : quand sera le bon moment ? Faut-il attendre qu’il ne reste plus aucun Gazaoui à sauver pour que nous décidions enfin à suspendre l’accord ? Je peux vous donner quelques chiffres : 54 000 morts en vingt mois ; 125 000 blessés ; 1,9 million de personnes à Gaza – soit près de 80 % de la population – ont été déplacées à cause des combats ; et 82 % du territoire est aujourd’hui soit une zone militarisée, soit soumis à des ordres d’évacuation. Alors je vous le demande : quand considérerez-vous qu’il est enfin temps de suspendre cet accord ?

Je le demande d’autant plus que, pour mémoire – car certains semblent l’avoir oublié – il a fallu quatre jours pour prendre des sanctions contre la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine : l’invasion a eu lieu le 24 février 2022, les mesures restrictives ont été prises dès le 28 février. Pourquoi une telle réactivité dans un cas et vingt mois d’attente dans l’autre, alors que le bilan s’élève à plus de 50 000 morts ? Cela illustre, me semble-t-il, un double standard évident.

Il me semble que c’est précisément la responsabilité de la France que de porter une voix différente. D’ailleurs, c’est ce qu’elle fait : la France a voté en faveur du réexamen de l’accord d’association et le ministre des affaires étrangères a rappelé cette position à plusieurs reprises.

Enfin, j’aimerais m’adresser à ceux qui avancent qu’Israël a le droit de se défendre. Mais, aujourd’hui, ce qui se passe dans la région ne contribue pas, selon moi, à la sécurité de l’État d’Israël, bien au contraire. L’instabilité actuelle dans la région menace gravement sa sécurité. Oui, bien sûr, le droit de se défendre mais dans le respect du droit international, et en respectant le principe de proportionnalité. Alors je vous pose la question : considérez-vous que la réponse d’Israël est aujourd’hui proportionnée à l’attaque du 7 octobre ?

Selon de nombreux juristes, la réponse est non. C’est bien pourquoi le débat sur la renégociation de l’accord d’association UE – Israël est rouvert.

Un dernier point, à l’adresse de nos collègues du Rassemblement national : je crois que vous n’avez pas lu la proposition de résolution. Car si vous l’aviez fait, vous ne diriez pas que nous n’évoquons pas les otages. Je vous lis l’alinéa 20 de la résolution : « appelle à la libération inconditionnelle des otages israéliens toujours retenus par le Hamas dans la bande de Gaza ». Je vous invite à lire l’ensemble du texte avant d’affirmer qu’il serait déséquilibré en faveur d’une partie plutôt qu’une autre.

En réalité, cette proposition de résolution s’appuie uniquement sur le respect du droit international humanitaire. Cela a été rappelé : nous avons fondé notre travail sur plusieurs textes, et auditionné de nombreux experts. Et à mes yeux, ceux qui ne respectent pas le droit international, ce sont ceux qui refusent de voter ou estiment que le moment n’est pas opportun.

Je le redis : nous n’allons pas attendre qu’il n’y ait plus de Palestiniens à sauver pour décider de mettre en place des sanctions. Et vous le savez, les sanctions peuvent être un levier efficace pour obtenir des résultats. Cela fait vingt mois que l’on condamne ce qui se passe à Gaza et il ne se passe rien. Pire encore, les déclarations se font de plus en plus explicites quant à une volonté d’annexer Gaza et la Cisjordanie. Certains chefs d’État vont jusqu’à évoquer la transformation de Gaza en une « riviera » dans les mois à venir.

C’est pourquoi je crois qu’il est nécessaire d’envoyer un signal fort pour dire que cela doit cesser. C’est à cette condition que la sécurité pourra revenir dans cette région, avec la perspective d’une solution à deux États, que la France défend.

Examen de la proposition de résolution européenne (n° 1444) de Mme Mathilde Panot et plusieurs de ses collègues visant à dénoncer l’accord d’association entre l'Union européenne et Israël ainsi qu’à mettre en œuvre les sanctions nécessaires à l’encontre d’Israël et ses dirigeants pour mettre fin à la guerre génocidaire du gouvernement d’extrême droite de Benyamin Netanyahou (Mme Clémence Guetté, rapporteure)

Amendement n° 7 de Mme Caroline Yadan

M. le Président Pieyre-Alexandre Anglade. Je vous informe que, concernant le vote de cet amendement, j’ai été saisi par six députés du groupe La France insoumise d’une demande de vote par scrutin. Conformément à l’article 44, alinéa 2 du règlement, cette demande est de droit, dès lors qu’au moins un dixième des membres de la commission la formule. Cette condition étant remplie, le vote va se faire par appel nominal.

Avant cela, je donne la parole à Mme Yadan pour présenter son amendement.

Mme Caroline Yadan (EPR). Cet amendement vise à supprimer l’article unique de la proposition de résolution européenne déposée par nos collègues du groupe LFI, dont le véritable dessein est, en vérité, de désigner Israël comme un État paria.

Cette proposition de résolution n’a, en réalité, aucune vocation pacifique, car elle reprend mot pour mot la propagande et le narratif du Hamas. Elle ne cherche ni à ouvrir une perspective de paix, ni à garantir une sécurité régionale viable. Son but est avant tout d’isoler l’État démocratique qu’est Israël, lequel fait face à une guerre déclenchée par une organisation terroriste.

Si cette résolution avait réellement pour objectif la défense du peuple palestinien, elle demanderait au Hamas de ne pas utiliser la population civile comme bouclier humain ; elle appellerait à la libération des otages ; elle exigerait que le Hamas mette les civils à l’abri dans les 500 kilomètres de tunnels qu’il a construits à cet effet ; elle dénoncerait le placement de bases de lancement dans des hôpitaux, des mosquées ou des écoles ; elle apporterait enfin un soutien à la population Gazaouie, qui, chaque jour, se soulève contre le Hamas, et subit des exécutions sommaires de la part de cette organisation.

Or, aucun de ces éléments ne figure dans la proposition. On comprend bien pourquoi : ce texte est en réalité inspiré par l’idéologie d’un parti qui a fait de la haine des Juifs et de l’État hébreu son carburant électoral.

Mme Clémence Guetté, rapporteure. Mon avis sur cet amendement est défavorable. J’ai déjà eu l’occasion de développer plusieurs arguments lors de la discussion générale. À ce stade, je n’ai donc pas d’éléments supplémentaires à ajouter, si ce n’est que ce que cette proposition de résolution correspond précisément à ce que demande aujourd’hui le Quai d’Orsay, c’est-à-dire la diplomatie française. Et puisque nous sommes profondément attachés à ce que la voix de la France compte sur la scène internationale, je le redis : il nous semble essentiel de ne pas attendre la réunion des ministres des affaires étrangères, prévue pour le 15 juillet pour prendre position. Il est essentiel que la représentation nationale puisse, d’ici là, prendre une position claire, qui nous honorerait, et qui pourrait contribuer à exercer une pression sur Israël, afin de faire cesser les massacres.

M. Sylvain Maillard (EPR). Je constate que je n’ai pas obtenu de réponse de la rapporteure Mme Guetté, à mes questions, pourtant simples. Pourquoi, dans sa résolution, n’est-il pas fait mention des événements du 7 octobre, ni de l’organisation terroriste Hamas ? Pourquoi n’est-il pas question des otages actuellement détenus dans la bande de Gaza ? De l’Égypte ? De la guerre ?

Mme Danielle Obono (LFI-NFP). Je ne sais pas si notre collègue Sylvain Maillard sera satisfait de cette réponse, puisqu’il est, de toute évidence, opposé au texte et mobilise tous les arguments possibles pour le contester. Cette proposition de résolution porte spécifiquement sur l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël. C’est sur ce terrain que se développe l’argumentaire, en particulier au regard des atteintes aux droits humains. En effet, c’est en vertu des clauses relatives aux droits humains contenues dans cet accord que nous-mêmes, comme l’ensemble des pays cités précédemment, demandons aujourd’hui sa remise en cause. C’est donc dans ce cadre précis qu’il convient de rester. L’enjeu est de ne pas s’éparpiller au-delà de l’objet de la résolution. Bien entendu, nous aurons l’occasion de débattre d’autres sujets, comme ceux que vous évoquez. Mais vous conviendrez, je pense, qu’aborder ici la question de l’Égypte, du Sinaï ou de l’Iran, comme certains l’ont fait, relève d’un autre cadre, et s’écarte du sujet de cette proposition de résolution. Ce serait, en réalité, très largement hors sujet.

Je tiens à souligner la rigueur avec laquelle la rapporteure a présenté le texte, qui doit être lu tel qu’il est écrit, noir sur blanc, et non tel qu’il est interprété par certains, manifestement de mauvaise foi, comme les propos de Mme Yadan l’ont clairement montré.

Par ailleurs, si l’Union européenne entretenait des relations de coopération avec l’organisation du Hamas, cela aurait naturellement été dénoncé. Or, ce n’est pas le cas. Si la question portait sur les relations avec l’Autorité palestinienne, alors ce serait un autre sujet, et nous l’aurions abordé. Mais en l’espèce, c’est bien l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël qui est en cause, et c’est pourquoi le texte est centré exclusivement sur cet aspect.

M. Philippe Brun (SOC). Les députés socialistes voteront contre cet amendement de suppression. Nous avons exprimé notre préférence pour la résolution qui sera examinée ensuite, à savoir celle proposée par le groupe écologiste, dont nous partageons la rédaction. Pour autant, nous ne souhaitons pas supprimer la résolution présentée par le groupe insoumis. Nous pensons effectivement qu’elle peut être amendée.

Nous avons ici le privilège de disposer de deux textes similaires, poursuivant le même objectif. Si notre préférence va à la proposition écologiste, nous ne pouvons accepter les termes de l’amendement de Mme Yadan. Je crois qu’il n’y a personne ici même, Mme Yadan, qui fasse de la haine des Juifs et de l’État hébreu son carburant électoral.

Je tiens à rappeler que ce dont nous débattons ici, au sein de la commission des affaires européennes, est un sujet grave. Nous parlons de crimes particulièrement lourds. Pour notre part, nous considérons qu’il s’agit d’un génocide.

Nous discutons donc de la demande de suspension légitime de l’accord d’association, à l’image de ce qu’un grand nombre d’États ont déjà formulé, comme cela a été rappelé par les rapporteures.

Et je tiens à vous dire que ce que nous discutons ici, dans cette commission des affaires européennes, est un sujet sérieux. Nous discutons de graves crimes qui ont été commis. Pour notre part, nous pensons qu’il s’agit d’un génocide. Et nous discutons de la demande de suspension légitime de cet accord d’association, comme le font un grand nombre de pays. Cela a été rappelé par les rapporteures. Dans ces conditions, je crois qu’il faut que le débat soit au niveau de la situation que nous vivons aujourd’hui, et au niveau de ce qu’est le travail de cette commission.

Votent pour :

M. Antoine Armand, M. Philippe Ballard, M. Guillaume Bigot, Mme Sylvie Bonnet, Mme Céline Calvez, M. Paul Christophe, M. Bruno Clavet, M. Laurent Croizier, M. Jocelyn Dessigny, M. Julien Gabarron, Mme Emmanuelle Hoffman, M. Vincent Jeanbrun, Mme Sylvie Josserand, M. Éric Liégeon, M. Sylvain Maillard, M. Matthieu Marchio, M. Sébastien Martin, M. Patrice Martin, M. Éric Martineau, M. Laurent Mazaury, M. Maxime Michelet, M. Julien Odoul, M. Stéphane Rambaud, M. Charles Rodwell, Mme Caroline Yadan.

Votent contre :

M. Karim Benbrahim, M. Manuel Bompard, M. Arnaud Bonnet, M. Nicolas Bonnet, Mme Soumya Bourouaha, M. Philippe Brun, Mme Gabrielle Cathala, Mme Dieynaba Diop, Mme Clémence Guetté, M. Stéphane Hablot, Mme Mathilde Hignet, Mme Marietta Karamanli, M. Jérôme Legavre, Mme Danièle Obono, Mme Sabrina Sebaihi.

Les résultats du scrutin sont donc les suivants :

Nombre de votants : 40

Nombre de suffrages exprimés : 40

Majorité absolue : 21

Pour l’adoption : 25

Contre l’adoption : 15

Pas d’abstention.

La commission adopte l’amendement de suppression.

L'article unique de la proposition de résolution européenne est supprimé.

La proposition de résolution européenne est par conséquent rejetée.

Mme Clémence Guetté, rapporteure. 25 voix contre le droit international, contre l’action de la France pour arrêter le génocide. Je remercie les 15 voix qui ont donné une chance à cette proposition de résolution européenne mais je tiens également à exprimer mon inquiétude quant aux propos qui ont été tenus, confinant quasiment à l'apologie de crimes de guerre. J’espère que l’examen de la seconde résolution recueillera les votes favorables nécessaires à son adoption.

Quoiqu’il arrive, nous continuerons à nous mobiliser à l'Assemblée nationale et dans tout le pays en faveur de la paix.

 

 

 

 

 

 


   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE initiale

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789,

Vu les articles 2 et 21 du Traité sur l’Union européenne,

Vu la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948,

Vu la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1948,

Vu les Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977 et 2005,

Vu le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998,

Vu l’accord d’association L. 147 entre les États membres de l’Union européenne et l’État d’Israël signé en 1995 puis entré en vigueur le 21 juin 2000,

Vu les articles 2 et 82 de l’accord d’association L. 147 entre les États membres de l’Union européenne et l’État d’Israël,

Vu l’article 82 de l’accord d’association L. 147 entre les États membres de l’Union européenne et l’État d’Israël,

Vu l’article 60 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969,

Vu les résolutions 252, 446, 452, 465, 904 et 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies qui exigent l’arrêt des pratiques israéliennes visant à établir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967, qui disposent que celles‑ci violent le droit international, et qui appellent Israël à prévenir les actes de violence perpétrés par les colons israéliens sur les populations palestiniennes,

Vu la résolution n° 439 de l’Assemblée nationale portant sur la reconnaissance de l’État de Palestine du 2 décembre 2014,

Vu la résolution n° 32 du Sénat sur la reconnaissance de l’État de Palestine, adoptée le 11 décembre 2014,

Vu la résolution n° 2014/2964 du Parlement européen du 17 décembre 2014 sur la reconnaissance de l’État palestinien,

Vu l’ordonnance n° 192 du 26 janvier 2024 de la Cour internationale de justice sur l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza (Afrique du Sud c. Israël),

Vu l’avis rendu le 19 juillet 2024 par la Cour internationale de justice, saisie par l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2022, déclarant que l’occupation israélienne ne peut plus être qualifiée de temporaire mais équivaut à une mesure d’annexion et rappelant qu’Israël n’a aucun droit à une quelconque souveraineté sur le territoire palestinien occupé,

Considérant les 17 trains de sanctions adoptés par l’Union européenne depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022 ;

Considérant la crise humanitaire et la famine qui s’installe à Gaza du fait du blocus humanitaire israélien imposé depuis le 2 mars 2025 ;

Considérant le dernier bilan du Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’Organisation des Nations unies, faisant état de plus de 52 928 Palestiniens tués et 119 846 blessés entre le 7 octobre 2023 et le 14 mai 2025 ; 

Considérant le rapport publié le 2 novembre 2024 par le Comité spécial des Nations unies chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes, affirmant que la guerre menée par Israël à Gaza présente des éléments caractéristiques d’un génocide, au vu du très grand nombre de victimes civiles et des conditions d’existence mortifères imposées intentionnellement aux Palestiniens ;

Considérant le rapport publié le 5 décembre 2024 par l’ONG Amnesty International, dont les conclusions démontrent que les autorités israéliennes commettent un crime de génocide contre la population palestinienne de Gaza ;

Considérant les déclarations du 19 décembre 2024 des ONG Human Rights Watch et Médecins sans frontières affirmant que les actions d’Israël dans la bande de Gaza constituent des actes génocidaires à l’encontre du peuple palestinien ; 

Considérant la lettre adressée à la Commission européenne par le ministre néerlandais des Affaires étrangères Caspar Veldkamp, dans laquelle il réclame une révision de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, conformément à son article 2 ;

Considérant les déclarations de M. Jean‑Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, jugeant « légitime » la demande du gouvernement néerlandais réclamant une révision de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, conformément à son article 2 ;

Considérant la possible remise en cause de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël évoquée par le président de la République Emmanuel Macron, lors de son entretien sur TF1 le 13 mai 2025 ;

Invite le gouvernement de la République française, ainsi que les États membres de l’Union européenne, à appliquer les mandats d’arrêt émis par la Cour pénale internationale à l’encontre de Benyamin Netanyahou, ainsi que son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant, conformément à leurs obligations internationales liées au Statut de Rome ;

Invite le gouvernement de la République française, ainsi que les États membres de l’Union européenne, à décréter sans délai un embargo sur les armes exportées en Israël, y compris les biens à double usage ;

Invite le gouvernement de la République française à demander à la Commission européenne une dénonciation de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, conformément à ses articles 2 et 82 ;

Invite le gouvernement de la République française à demander à la Commission européenne d’imposer des sanctions financières, économiques et de toute autre nature pertinente à l’encontre d’Israël ;

Invite le gouvernement de la République française à demander à la Commission européenne de mettre en œuvre des sanctions à l’encontre de dirigeants israéliens de premier plan, commençant par le Premier ministre Benyamin Netanyahou.

 

 

 

 

 


   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

2 juillet 2025


Proposition de résolution européenne
Dénoncer l’accord d’association entre l'UE et Israël (n° 1444)

 

AMENDEMENT

No 7

 

présenté par

Caroline YADAN, Constance LE GRIP, Emmanuelle HOFFMAN, Joséphine MISSOFFE,
Sébastien HUYGHE, Freddy SERTIN, Mathieu LEFEVRE, Anne-Sophie RONCERET, Pauline LEVASSEUR, Jérémie PATRIER-LEITUS

----------

ARTICLE UNIQUE

Supprimer l’article unique.

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à supprimer l’article unique de cette proposition de résolution européenne, dont le véritable dessein est de désigner en réalité Israël comme un État paria.

Ce texte, inspiré par l’idéologie d’un parti qui a fait de la haine des Juifs et de l’État Hébreu son carburant électoral, n’a aucune visée pacifique. En reprenant mot pour mot la propagande et le narratif du Hamas, il ne vise ni à ouvrir une perspective de paix ni à assurer une sécurité régionale viable mais à isoler un État démocratique confronté à une guerre déclenchée par une organisation terroriste. 

 

Ce texte contribue, in fine, à exacerber les tensions et fait de la coopération entre l’Union européenne et Israël un obstacle quand celle-ci doit être la solution.

 

Cet amendement a été adopté.


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

2 juillet 2025


Proposition de résolution européenne
Dénoncer l’accord d’association entre l'UE et Israël (n° 1444)

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

Caroline YADAN, Constance LE GRIP, Emmanuelle HOFFMAN, Joséphine MISSOFFE,
Sébastien HUYGHE, Freddy SERTIN, Sylvain MAILLARD, Mathieu LEFEVRE,
Anne-Sophie RONCERET, Pauline LEVASSEUR, Jérémie PATRIER-LEITUS

----------

ARTICLE UNIQUE

Supprimer l’alinéa 23.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 23 relatif au rapport du 2 novembre 2024 Comité spécial des Nations Unies chargé d’enquêter sur les pratiques israéliennes, dont la partialité et le manque de rigueur méthodologique soulèvent de sérieuses réserves.

Ce comité, créé en 1968 et composé actuellement de représentants de la Malaisie, du Sénégal, membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) et du Sri Lanka, ne présente pas les garanties d’impartialité nécessaires, notamment en raison de la position ouvertement hostile de ses membres vis-à-vis d’Israël. La Malaisie, notamment, fait partie des rares États du monde ne reconnaissant pas l’existence de l’État d’Israël et a récemment interdit l’entrée des ressortissants israéliens sur son territoire, ce qui entache d’emblée la neutralité de sa participation.

Cette neutralité est également mise à mal par les discours ouvertement antisémites du Premier ministre malaisien qui a déclaré en 2018 : « Je suis fier d’être appelé antisémite. » ou encore « Les Juifs dirigent le monde par procuration. Ils amènent les autres à se battre et à mourir pour eux. » (Source : Discours officiel à l’OIC) et en 2003 (Sommet de l’OIC à Putrajaya) dans un discours resté célèbre : « Aujourd’hui, les Juifs dirigent ce monde par procuration. Ils obtiennent ce qu’ils veulent en utilisant les autres pour se battre et mourir pour eux. ». « 1,3 milliard de musulmans ne peuvent pas être vaincus par quelques millions de Juifs. » (Source : texte officiel du discours)

Le rapport en question repose notamment sur des entretiens réalisés dans des pays arabes tels que la Jordanie et s’appuie par ailleurs sur des sources ouvertement partisanes comme le « ministre de la santé de Gaza ».

Qualifier de génocide l'opération menée par l'armée israélienne contre le Hamas à Gaza ne s’appuie sur aucune décision d’une juridiction internationale et constitue une dérive sémantique d’une extrême gravité, reprenant mot pour mot la propagande du Hamas.

De la même manière, le rapport adopte une rhétorique biaisée, qui reprend celle utilisée par les combattants palestiniens en évoquant la « branche armée du Hamas », sans qualifier ce dernier de mouvement terroriste.

Cet amendement est tombé.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

2 juillet 2025


Proposition de résolution européenne
Dénoncer l’accord d’association entre l'UE et Israël (n° 1444)

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

Caroline YADAN, Constance LE GRIP, Emmanuelle HOFFMAN, Joséphine MISSOFFE,
Sébastien HUYGHE, Freddy SERTIN, Sylvain MAILLARD, Mathieu LEFEVRE,
Anne-Sophie RONCERET, Pauline LEVASSEUR, Jérémie PATRIER-LEITUS

----------

ARTICLE UNIQUE

Supprimer l’alinéa 30.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 30, lequel invite la France et les États membres de l’Union européenne à décréter un embargo immédiat sur les exportations d’armes vers Israël, y compris les biens à double usage.

Une telle mesure reviendrait à priver Israël de sa capacité à se défendre face aux menaces existentielles qui pèsent sur sa population, notamment les missiles tirés depuis l’Iran.

Dans un environnement régional marqué par l’instabilité et l’hostilité de plusieurs acteurs armés, y compris des puissances étatiques, un embargo désarmerait de fait Israël, affaiblissant ses dispositifs de défense, notamment le système Dôme de fer, qui protège quotidiennement des millions de civils israéliens.

Priver un État démocratique de ses moyens de défense face à des agressions répétées reviendrait, dans ce contexte, à accepter le risque de son anéantissement.

 

Cet amendement est tombé.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

2 juillet 2025


Proposition de résolution européenne
Dénoncer l’accord d’association entre l'UE et Israël (n° 1444)

 

AMENDEMENT

No 4

 

présenté par

Caroline YADAN, Constance LE GRIP, Emmanuelle HOFFMAN, Joséphine MISSOFFE,
Sébastien HUYGHE, Freddy SERTIN, Sylvain MAILLARD, Mathieu LEFEVRE,
Anne-Sophie RONCERET, Pauline LEVASSEUR, Jérémie PATRIER-LEITUS

----------

ARTICLE UNIQUE

Supprimer l’alinéa 31.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 31 appelant la France à demander la dénonciation de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.

Il convient de rappeler que l’accord d’association entre l’UE et Israël, signé en 1995 puis entré en vigueur en juin 2000, constitue la base légale des relations entre l'UE et Israël, couvrant notamment les domaines du commerce, de la recherche scientifique, de la coopération technologique.

Depuis l’entrée en vigueur du volet agricole en 2010, et plus encore après la crise du Covid-19 en 2020, les bénéfices de cet accord se sont nettement intensifiés pour l’Union européenne, en particulier pour la France. La balance commerciale reste favorable à l’UE (26,7 milliards d’euros d’exportations contre 15,9 milliards d’importations en 2024), et ce déséquilibre positif permet de soutenir de nombreux secteurs économiques français.

L’importance de l’intégration des composants israéliens – notamment électroniques et télécoms – dans les chaînes de valeur européennes est telle que remettre en cause cet accord pourrait affaiblir la capacité d’exportation de la France et désorganiser certains pans stratégiques de son industrie.

Par ailleurs, Israël a engagé un vaste alignement réglementaire sur les standards européens (« What’s good for Europe is good for Israel »), ouvrant de nouveaux débouchés aux produits français. Revenir sur cet accord à ce moment précis reviendrait à nous “tirer une balle dans le pied” alors que nos entreprises s’apprêtent à en tirer pleinement parti.

Sur le plan de la recherche et de l’innovation, la participation d’Israël aux programmes-cadres de l’UE (dont Horizon Europe) est un atout stratégique. Israël est reconnu comme l’un des meilleurs partenaires scientifiques de l’Union. Les consortiums incluant des chercheurs israéliens ont démontré un taux de succès plus élevé dans les appels à projets, et leur exclusion ouvrirait la voie à un transfert de compétences vers les États-Unis ou l’Asie, au détriment de la souveraineté technologique européenne.

L’Europe se priverait aussi de son propre soft power scientifique, alors même que les domaines de coopération prioritaires (transition verte, santé publique, technologies disruptives) sont essentiels pour notre compétitivité et notre sécurité. Depuis 1996, plus de 8 000 projets collaboratifs ont été menés avec Israël, créant des milliers d’emplois, y compris hors d’Israël (environ 50 % dans la high-tech).

Israël fut le premier pays non-membre à intégrer les programmes de recherche communautaires dès 1996. Chaque renouvellement a suscité des oppositions idéologiques, sans jamais remettre en cause les bénéfices concrets de cette coopération stratégique.

Enfin, plusieurs exemples concrets illustrent la richesse de ces partenariats :

– En 2018, le professeur Hossam Haick a coordonné un projet européen innovant sur la détection non invasive de cancers, impliquant 6 pays de l’UE, dont la France ;

– La professeure Ruth Arnon, pionnière dans le traitement de la sclérose en plaques, incarne l’excellence scientifique israélienne au service de la santé mondiale ;

– Un projet européen de prévention du terrorisme par reconnaissance vocale a été coordonné par Israël avec la France en tant que partenaire en 2018.

Remettre en cause cet accord d’association, en faisant d’Israël un bouc émissaire, c’est en réalité rompre le dialogue et en définitive offrir une victoire politique aux terroristes du 7 octobre.
La stabilité du Proche-Orient passe par un soutien clair aux démocraties face au terrorisme – ennemi commun de l’UE et d’Israël – et par le maintien de relations solides avec les acteurs fiables de la région.

Cet amendement est tombé.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

2 juillet 2025


Proposition de résolution européenne
Dénoncer l’accord d’association entre l'UE et Israël (n° 1444)

 

AMENDEMENT

No 5

 

présenté par

Caroline YADAN, Constance LE GRIP, Emmanuelle HOFFMAN, Joséphine MISSOFFE,
Sébastien HUYGHE, Freddy SERTIN, Sylvain MAILLARD, Mathieu LEFEVRE,
Anne-Sophie RONCERET, Pauline LEVASSEUR, Jérémie PATRIER-LEITUS

----------

ARTICLE UNIQUE

Supprimer l’alinéa 32.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 32 invitant la France à demander à la Commission européenne d’imposer des sanctions financières, économiques et de toute autre nature pertinente à l’encontre d’Israël.

Des sanctions unilatérales à l’encontre d’Israël – seule démocratie de la région et partenaire stratégique de l’Union européenne –, risqueraient d’isoler l’État Hébreu, de déstabiliser davantage la situation régionale, de rompre le dialogue politique et de fragiliser la coopération dans des secteurs stratégiques tels que la lutte contre le terrorisme.

Plutôt que d’affaiblir un État confronté à une menace existentielle depuis sa création, l’Union européenne gagnerait à maintenir et renforcer ses relations avec Israël afin de promouvoir la paix et la stabilité au Proche-Orient.

 

Cet amendement est tombé.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

2 juillet 2025


Proposition de résolution européenne
Dénoncer l’accord d’association entre l'UE et Israël (n° 1444)

 

AMENDEMENT

No 6

 

présenté par

Caroline YADAN, Emmanuelle HOFFMAN, Joséphine MISSOFFE,
Sébastien HUYGHE, Freddy SERTIN, Mathieu LEFEVRE, Anne-Sophie RONCERET, Pauline LEVASSEUR, Jérémie PATRIER-LEITUS

----------

ARTICLE UNIQUE

Rédiger ainsi le titre de la proposition de résolution européenne : « visant à conforter la haine pathologique et obsessionnelle de l'extrême gauche envers l'État d'Israël ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à modifier l’intitulé de cette proposition de résolution européenne.

Aucun autre pays au monde que l’État d’Israël ne subit un tel niveau d’obsession, ni ne fait l’objet d’appels aussi explicites à sa destruction et à sa « nazification ».

Il est important de souligner que lorsque la Syrie, le Darfour, le Tigré ou le Yémen étaient le théâtre de violences extrêmes, les mêmes voix de La France insoumise n’ont pas exprimé la même indignation. En Syrie, le régime d’Assad a gazé des populations civiles, affamé des villes, pratiqué la torture à grande échelle, causant la mort de 500 000 personnes et plongeant 12 millions de Syriens dans la famine. Au Yémen, 233 000 civils ont été massacrés. Au Darfour, en 2023, des milices arabes ont assassiné jusqu’à 15 000 civils Masalit. Pourtant, aucune résolution, manifestation ou slogan n’a accompagné ces tragédies.

Cette différence de traitement s’explique par le fait que, dans ces situations, les bourreaux ne sont pas juifs, ce qui dérange et ne correspond pas à la stratégie d’influence adoptée par La France insoumise. Cette politique vise à préserver un électorat en le manipulant par une propagande ciblée.

 

Cet amendement est tombé.

 

 


 

   ANNEXE N° 1 :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

 

-                M. Jean-François CORTY, président de Médecins du monde, médecin, chercheur associé à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques)

-                M. Raphaël PITTI, médecin urgentiste français spécialiste des zones de guerre

 

-                Mme Julia GRIGNON, professeure d’université spécialisée en droit international humanitaire, directrice scientifique de l’Institut de Recherche Stratégique de l’École Militaire

-                M. Johann SOUFI, Juriste, Avocat et doctorant en droit international pénal, Co-directeur de l'IILAT (Institute for International Legal and Advocacy Training), membre de JURDI (Juristes pour le respect du droit international)

 

Le MEAE n’a pas donné suite aux demandes d’auditions de votre rapporteure.

 

 

 


([1]) https://www.amnesty.fr/conflits-armes-et-populations/actualites/destructions-massives-et-injustifiees-a-gaza-enquete-crime-de-guerre

([2]) https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/PS/presentation-generale

([3]) https://www.unicef.org/fr/communiques-de-presse/ecoles-de-gaza-transformees-en-abris-cible-dattaques

([4]) https://news.un.org/fr/story/2025/05/1155876

([5]) https://theconversation.com/a-gaza-la-destruction-irremediable-dun-patrimoine-culturel-millenaire-246934

([6]) France Culture, La Revue de presse internationale, 24 juin 2025, « Le sort des Palestiniens empire à Gaza et en Cisjordanie, alors que le monde a les yeux rivés sur la guerre en Iran »

([7]) https://www.oxfamfrance.org/communiques-de-presse/israel-utilise-leau-comme-arme-de-guerre-a-lheure-ou-lapprovisionnement-de-gaza-seffondre-de-94-provoquant-une-catastrophe-sanitaire-mortelle/

([8]) Mediapart, 8 juin 2025, dimanche 8 juin 2025, Philippe Lazzarini, commissaire général de l'UNRWA : « À Gaza, il y a une implosion de l'ordre public »

([9]) https://www.unicef.fr/article/gaza-45-enfants-tues-en-2-jours/

([10]) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/04/13/nous-journalistes-francais-nous-declarons-solidaires-de-nos-collegues-de-gaza_6595257_3232.html

([11]) France Culture, 9 octobre 2023, Israël impose un "siège complet" à la bande de Gaza

([12])  L’Opinion, 9 octobre 2023, Israël-Hamas : le ministre de la Défense israélien annonce le « siège » de la bande de Gaza

([13]) https://www.ohchr.org/fr/documents/thematic-reports/a79363-report-special-committee-investigate-israeli-practices-affecting

([14]) Le Monde, 29 octobre 2024 : Amos Goldberg, historien israélien : « Ce qui se passe à Gaza est un génocide, car Gaza n’existe plus »

([15])  HRW, 27 avril 2021. « A Threshold Crossed : Israeli Authorities and the Crimes of Apartheid and Persecution » Amnesty International, 1er février 2022. « Israel’s apartheid against Palestinians »

([16]) ONU Info, 10 juin 2025, Gaza : « les attaques israéliennes contre des écoles sont des « crimes de guerre », selon des enquêteurs de l'ONU »

([17]) https://www.amnesty.fr/conflits-armes-et-populations/actualites/destructions-massives-et-injustifiees-a-gaza-enquete-crime-de-guerre

([18]) Mediapart, 31 mai 2025, Nous, les habitants de Gaza, sommes en train de sortir de l’histoire en temps réel, Nour Elassy

([19]) https://www.grip.org/gaza-la-fracture-en-israel-et-avec-la-communaute-internationale/

([20]) https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/06/04/ehoud-olmert-israel-commet-bien-des-crimes-de-guerre-a-gaza_6610422_3232.html

([21]) Le Grand Continent, 7 mai 2025, Opération Chariots de Gédéon : comment Israël s’apprête à occuper la bande de Gaza et à déplacer sa population

([22]) France Culture, La Revue de presse internationale, 24 juin 2025, « Le sort des Palestiniens empire à Gaza et en Cisjordanie, alors que le monde a les yeux rivés sur la guerre en Iran »

([23]) Amnesty internationale, communiqué du 7 mai 2025, « Israël doit immédiatement renoncer à tout projet d’annexion à Gaza et de transfert forcé en masse de la population palestinienne »

([24]) https://www.courrierinternational.com/article/geopolitique-riviera-a-gaza-face-a-trump-les-pays-arabes-reflechissent-a-un-plan-de-substitution_227738

([25]) https://information.tv5monde.com/direct/proche-orient-ministre-israelien-de-la-defense-prevoit-la%20saisie-de-larges-zones-de-securite-Gaza

([26]) https://blogs.mediapart.fr/yves-romain/blog/190525/juste-un-bout-de-pain-pour-garder-le-soutien-de-nos-meilleurs-amis-dans-le-monde

([27]) La Voix du Nord, 6 mai 2025, « Gaza sera totalement détruite », affirme le ministre israélien des Finances Bezalel Smotrich

([28]) Le Monde, 9 mars 2024, « L’ONU considère que les colonies israéliennes relèvent du crime de guerre »

([29]) Courrier International, 29 octobre 2023, « Pour Nétanyahou, Israël livre “sa seconde guerre d’indépendance”

([30]) https://www.bbc.com/afrique/articles/crgp3n0825yo

([31]) https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/nous-ne-pouvons-plus-nous-contenter-du-mot-horreur-il-faut-aujourdhui-nommer-le-genocide-a-gaza-par-300-ecrivains-20250526_WFXWVJRLRJA75GOZE5PHCQCNJI/

([32]) https://www.latribune.fr/la-tribune-dimanche/opinions/opinion-agir-pour-la-situation-a-gaza-avant-qu-il-ne-soit-trop-tard-par-michel-hazanavicius-erik-orsenna-et-43-personnalites-1024624.html

([33]) https://www.franceinfo.fr/culture/cinema/festival-de-cannes/festival-de-cannes-2025-catherine-deneuve-rejoint-les-900-signataires-de-la-tribune-denoncant-le-silence-sur-le-genocide-a-gaza_7267854.html

([34]) https://www.lorientlejour.com/article/1460616/pedro-sanchez-appelle-a-faire-pression-sur-israel-pour-arreter-le-massacre-a-gaza.html

([35]) https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2022/05/19/declaration-conjointe-du-president-emmanuel-macron-et-de-la-presidente-de-la-republique-de-moldavie-maia-sandu-1

([36]) https://www1.wdr.de/nachrichten/merz-europaforum-israel-kritik-100.html

([37]) https://www.ouest-france.fr/monde/gaza/gaza-les-etats-unis-empechent-encore-le-conseil-de-securite-de-lonu-dappeler-a-un-cessez-le-feu-7dfd5b92-4181-11f0-8e2a-4849b47199cd

([38]) https://europeannewsroom.com/fr/les-ministres-des-affaires-etrangeres-de-lue-bloquent-la-proposition-de-borrell-de-geler-le-dialogue-avec-israel-sur-la-guerre-a-gaza/

([39]) Le Grand Continent, 19 mars 2024, Sanctions contre les colons israéliens en Cisjordanie : les États membres trouvent un accord politique en amont du Conseil

([40]) Agence Europe, 23 juin 2025, « Accord d’association - le Conseil de l’UE laisse une autre chance à Israël d’améliorer la situation humanitaire à Gaza »

([41]) Agence Europe, 23 juin 2023 « Notre objectif premier, c'est de nous assurer que l'aide humanitaire entre » à Gaza, affirme Kaja Kallas

([42]) https://www.ohchr.org/fr/statements/2023/10/comment-un-human-rights-chief-unfolding-situation-israel-and-gaza

([43]) https://unric.org/fr/israel-gaza-les-civils-doivent-etre-proteges/

([44] Euractiv, 20 octobre 2023, « EU staff criticise von der Leyen over Israel stance »

([45]) Le Figaro, 16 décembre 2016, « La France et l'UE demandent une résolution « humanitaire » pour Alep »

([46]) Mediapart, 31 mai 2025, Nous, les habitants de Gaza, sommes en train de sortir de l’histoire en temps réel, Nour Elassy

([47]) Expert Legal Opinion on the Implications for the European Union of the July 2024 International Court of Justice Advisory Opinion regarding thePolicies and Practices of Israel in the Occupied Palestinian Territory

([48]) Agence Europe, 23 juin 2025, « Accord d’association - le Conseil de l’UE laisse une autre chance à Israël d’améliorer la situation humanitaire à Gaza »

([49]) https://www.lemonde.fr/international/article/2024/07/20/la-gestation-d-un-systeme-de-sanctions-contre-les-colons-israeliens-de-cisjordanie_6253425_3210.html

([50]) Agence Europe, 26 juin 2025, « L’Irlande prépare une loi pour interdire l’importation de produits fabriqués dans les colonies israéliennes en Palestine »

([51]) Agence Europe, 19 juin 2025, « Des experts et une centaine d’ONG et de syndicats estiment que des mesures doivent être prises en lien avec l'accord d'association »

([52]) Le Monde, 11 juin 2025, « Le Royaume-Uni sanctionne deux ministres d’extrême droite du gouvernement israélien »

([53]) https://www.odoxa.fr/sondage/gaza-les-trois-quarts-des-francais-soutiennent-la-position-de-la-france-et-les-sanctions-contre-israel/

([54]) https://www.lemonde.fr/international/article/2025/05/10/l-opinion-des-allemands-a-propos-d-israel-se-degrade_6604814_3210.html

([55]) https://www.theguardian.com/world/2025/jun/03/public-support-for-israel-in-western-europe-lowest-ever-recorded-yougov

([56]) CPI, Communiqué de presse, 21 novembre 2024, Situation dans l’État de Palestine : La Chambre préliminaire de la CPI rejette les exceptions d’incompétence soulevées par l’État d’Israël et délivre des mandats d’arrêt à l’encontre de MM. Benyamin Nétanyahou et Yoav Gallant

([57]) ONU Info, 21 novembre 2024, « Gaza : la CPI émet des mandats d’arrêt contre les Israéliens Nétanyahou et Gallant et Deif du Hamas »

([58]) Le Grand continent, 22 novembre 2024, « Cartographier les réactions internationales à l’émission d’un mandat d’arrêt de la CPI contre Benyamin Netanyahou »

([59]) Le Monde, 20 mai 2024, « Joe Biden juge « scandaleux » le mandat d’arrêt requis contre Benyamin Nétanyahou par le procureur de la Cour pénale internationale »

([60]) Barron’s, 22 novembre 2024, Germany 'Examining' ICC Arrest Warrant For Netanyahu

([61]) France Info, 22 novembre 2024, « Guerre au Proche-Orient : que risque Benyamin Nétanyahou après le mandat d'arrêt émis par la Cour pénale internationale ? »

([62]) Exemple : La Cimade, 23 avril 2025, « Survol de la France par Benyamin Nétanyahou : la France manque gravement à ses obligations »

([63]) Franceinfo, 27 novembre 2024, « Mandat d'arrêt de la CPI : Benyamin Nétanyahou bénéficie d'une "immunité", estime le ministère des Affaires étrangères français »

([64]) Déclaration relative aux obligations de la France en matière de mise en oeuvre du droit international humanitaire, Assemblée plénière du 23 janvier 2025, JORF n° 0027 du 1er février 2025, texte n° 96

([65]) Le Monde, 22 mars 2024, « Israël : qui sont ses principaux fournisseurs d’armes ? »

([66]) Le Monde, 5 octobre 2024, « Emmanuel Macron se prononce en faveur de l’arrêt des livraisons d’armes à Israël pour la guerre à Gaza : “honte”, réplique Benyamin Nétanyahou »

([67]) Sénat, 13 mars 2025, Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

([68]) Disclose, 4 juin 2025, « La France s’apprête à livrer des équipements pour mitrailleuses vers Israël »

([69]) https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=1010448584507905&id=100066283194360&mibextid=wwXIfr&rdid=ewQsal26iSFZLdVN#

([70]) L’Humanité, 12 juin 2025, « L’Europe et la France financent des armes israéliennes avec de l’argent public, révèle Disclose »

([71]) Le grand continent, 5 juin 2025, « Les pays européens ont représenté plus de 50 % des exportations d’armes israéliennes en 2024 »

([72]) Rapport annuel sur les exportations d’armes du ministère des armées, 2024