N° 1675

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 juillet 2025.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant la ratification de plusieurs conventions-cadres relatives aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés, aux contrôles en cours de route et aux gares communes ou d’échange,

(Procédure accélérée)

 

PAR Mme Brigitte KLINKERT

Députée

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 847.

 


SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Les BCNJ : des structures de coopération nécessaires aux contrôles douaniers et policiers opérés en lien avec les autorités des pays frontaliers

A. Les BCNJ existants et les projets de modernisation à la frontière franco-suisse

1. La liste des 137 BCNJ : un maillage territorial cohérent et multiforme

2. Les projets de modernisation de plusieurs BCNJ à la frontière francosuisse

B. Des outils favorisant une coopération bilatérale efficace

1. Des contrôles adaptés aux enjeux frontaliers

2. Une coopération fructueuse avec les services des pays limitrophes, à l’épreuve de défis organisationnels

II. La ratification des six conventions-cadres a pour but de sécuriser le cadre juridique applicable aux BCNJ

A. Une ratification rétroactive visant à entériner les conventions-cadres et les arrangements bilatéraux pris sur leur fondement, dans le respect du droit européen

1. Un double impératif de sécurité juridique

2. L’articulation de ces conventions-cadres avec le droit européen

B. Des stipulations qui prévoient un ensemble de règles communes encadrant les contrôles frontaliers juxtaposés

1. Un cadre juridique largement harmonisé

2. L’existence de quelques spécificités de nature rédactionnelle

Examen en commission

Annexe 1 : Texte de la commission des affaires étrangères

Annexe 2 : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 

 


 

   Introduction

 

 

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi n° 847, déposé le 22 janvier 2025 sur le Bureau de l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de six conventions-cadres relatives aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés, aux contrôles en cours de route et aux gares communes ou d’échange.

Conclues entre 1958 et 1965 avec l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, le Luxembourg, l’Italie et l’Espagne, ces six conventions-cadres ont donné lieu à la signature de plusieurs dizaines d’accords bilatéraux visant à créer des bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ). Situés sur des plateformes ferroviaires, routières, aéroportuaires ou fluviales, les cent trente-sept BCNJ existant à ce jour permettent d’effectuer des contrôles douaniers et policiers dans le cadre des coopérations menées avec les autorités des États limitrophes. Assujettis à des règles communes, les BCNJ favorisent l’efficacité du contrôle des personnes et des marchandises opéré lors du franchissement des frontières, dans le respect du principe de liberté de circulation garanti par le droit européen.

Alors qu’elle relève du champ de l’article 53 de la Constitution, l’entrée en vigueur de ces six conventions-cadres n’a cependant pas fait l’objet d’une approbation par le Parlement ([1]). Le projet de loi vise donc à autoriser leur ratification afin de renforcer leur sécurité juridique ainsi que celle des accords bilatéraux ultérieurement conclus sur leur fondement.

 

 


I.   Les BCNJ : des structures de coopération nécessaires aux contrôles douaniers et policiers opérés en lien avec les autorités des pays frontaliers

Les services des douanes et de la police aux frontières exercent, conjointement avec leurs homologues étrangers, des missions de contrôle au sein de cent trente-sept BCNJ, dont quatre d’entre eux font actuellement l’objet de projets de modernisation à la frontière franco-suisse. Dotés d’infrastructures communes, les BCNJ représentent des outils essentiels à l’efficacité du contrôle effectué sur les personnes et les marchandises dans les zones frontalières. Ils sont également un outil de coopération qui renforce le travail conjoint et le partage d’informations à la frontière. Il s’agit donc d’un outil à préserver et à renforcer pour assurer la fluidité du franchissement des frontières.

A.   Les BCNJ existants et les projets de modernisation à la frontière franco-suisse

Depuis la seconde moitié du XXe siècle, cent trente-sept BCNJ ont été créés en partenariat avec neuf États. Des projets d’aménagement concernant quatre BCNJ à la frontière franco-suisse sont en cours de négociation.

1.   La liste des 137 BCNJ : un maillage territorial cohérent et multiforme

Selon les informations communiquées à la rapporteure par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) à l’issue de l’audition de leurs représentants, cent trente-sept  BCNJ sont répertoriés dont trente-sept avec l’Allemagne ([2]), trente-et-un avec la Suisse, vingt-huit avec la Belgique, dix avec l’Italie, quatre avec le Luxembourg, treize avec l’Espagne, douze avec le Royaume‑Uni, un avec les Pays-Bas ([3]) et un avec Andorre.

Sur les cent trente-sept BCNJ précités, quatre-vingt-quatre d’entre eux sont situés dans des infrastructures routières, quarante-et-un dans des gares, quatre dans des zones portuaires, trois dans des infrastructures fluviales et trois dans des aéroports ([4]). Au total, vingt-six BCNJ sont considérés comme étant inactifs à ce jour. La diversité de ces bureaux permet d’assurer le contrôle des frontières selon les différents modes de franchissement de celles-ci (routes, rails, fleuve, aéroports).

 

Liste des 137 bcnj au 24 juin 2025

Localisation du BCNJ

Fondement juridique et date de création

Statut

Allemagne (37 BCNJ dont 22 actifs )

Kehl Pont de l’Europe

Décret n° 62-662 du 6 juin 1962

Inactif

Habkirchen

Inactif

Brême d’Or (Sarrebruck)

Actif

Grossrossein

Actif

Nasweiler-Bremerhof

Actif

Strasbourg Pont de l’Europe

Actif

Brême d’Or (Spickeren)

Inactif

Neuenburg (Bade)

Décret n° 63-1054 du 15 octobre 1963

Inactif

Apach

Décret n° 65-102 du 12 février 1965

Inactif

Gare d’Apach

Décret n° 65-150 du 23 février 1965

Inactif

Gare de Neuenburg (Bade)

Inactif

Gare de Kehl

Inactif

Gare de Sarrebruck

Inactif

Gare de Uberherrn

Inactif

Gare de Forbach

Actif

Gare de Sarreguemines

Inactif

Frauenberg

Décret n° 65-1054 du 14 avril 1965

Inactif

Habkirchen

Inactif

Breisach

Décret n° 65-1179 du 29 décembre 1965

Actif

Brenschelbach

Actif

Neuf-Brisach

Actif

Chalampé

Décret n° 67-646 du 29 juillet 1967

Actif

Sarrebruck – Autoroute

Décret n° 70-155 du 20 février 1970

Actif

Sarrebruck – Spicheren

Décret n° 72-80 du 21 janvier 1972

Actif

Freistett – Gambshein

Décret n° 75-1045 du 28 octobre 1975

Actif

Gerstheim – Ottenheim

Décret n° 78-950 du 11 septembre 1978

Actif

Huningue Weil am Thein

Décret n° 83-308 du 13 avril 1983

Actif

Benheim – Iffezheim

Actif

Ottmarsheim

Décret n° 85-357 du 21 mars 1985

Actif

Grosbliederstroff Kleinblittersdorf

Décret n° 86-943 du 6 août 1986

Actif

Scheibenhard – Lauterbourg / Bienwald

Décret n° 86-944 du 6 août 1986

Actif

Marckolsheim – Sasbach

Décret n° 86-945 du 6 août 1986

Actif

Saint-Germanshof / Weiler

Décret n° 87-700 du 24 août 1987

Actif

Lembach / Hirschthal

Décret n° 87-702 du 24 août 1987

Inactif

Lauterbourg – Neulauterburg

Décret n° 88-782 du 22 juin 1988

Inactif

Walschbronn – Kroppen

Décret n° 88-1191 du 23 décembre 1988

Actif

Schoeneck – Gersweiler

Décret n° 89-767 du 16 octobre 1989

Actif


Suisse (31 BCNJ actifs)

Ferney Voltaire

Décret n° 62-1220 du 15 octobre 1962

Actif

Aéroport Genève-Cointrin

Actif

Gare de Delle

Décret n° 67-682 du 7 août 1967

Actif

Châtelard (Valais)

Décret n° 72-74 du 21 janvier 1972

Actif

Gare de Châtelard

Actif

Gare de Bâle

Accord signé le 9 avril 1973, avenant en cours de négociation

Actif

Croix-blanche

Décret n° 74-189 du 22 février 1974

Actif

La Cure

Décret n° 76-1223 du 20 décembre 1976

Actif

Allschwil (Neuwiller)

Actif

Trafic de pacage (mouvements frontaliers de troupeaux d’animaux)

Actif

Laboratoires I et II de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN)

Décret n° 78-442 du 20 mars 1978

Actif

Aéroport Bâle-Mulhouse

Décret n° 78-581 du 21 avril 1978

Actif

Allschwil (Hegenheim)

Décret n° 82-12 du 4 janvier 1982

Actif

Huningue – Route

Décret n° 87-165 du 9 mars 1987

Actif

Saint-Louis / Bâle

Décret n° 90-25 du 3 janvier 1990

Actif

Vallorbe-Le-Creux /

La Ferrière-sous-Jourgne

Décret n° 92-342 du 1er avril 1992

Actif

Gare de Genève-Eaux-Vives

Décret n° 95-799 du 14 juin 1995

Actif

Troinex

Décret n° 95-800 du 14 juin 1995

Actif

DC 35 b

Décret n° 95-801 du 14 juin 1995

Actif

Cara

Actif

Bardonnex Saint-Julien

Actif

Veyrier I – Le Pas de l’échelle / Fossard-Vernaz

Actif

Thonex-Vallard

Décret n° 95-806 du 14 juin 1995

Actif

Gare de Genève-Cornavin

Décret n° 96-544 du 13 juin 1996

Actif

Bâle – Lysbüchel

Décret n° 2000-132 du 11 février 2000

Actif

Pontarlier

Décret n° 2009-1072 du 26 août 2009

Actif

Vallorbe

Actif

Gare d’Annemasse

Accord signé en 2019

Actif

Delle – Boncourt

Actif

Col France

Actif

Saint-Gingolph

Accord signé en 2021

Actif


Belgique (28 BCNJ actifs)

Route d’Erquelinnes (Jeumont)

Décret n° 65-930 du 2 novembre 1965

Actif

Route de Mons (Maubeuge)

Actif

Route de Mons (Valenciennes)

Actif

Route de Rekken (Neuville-en-Ferrain)

Actif

Route de Rocroi (Couvin)

Actif

Gare d’Erquelinnes

Actif

Gare de Jeumont

Actif

Gare de Blandain

Actif

Gare de Tourcoing

Actif

Gare de Quévy

Actif

Route Charleroi – Maubeuge

Actif

Route Bruxelles – Paris Nord

Actif

Route Tournai – Lille

Actif

Route Grand-Reng (Vieux-Reng)

Décret n° 68-1012 du 8 novembre 1968

Actif

Route Bray – Dunes – La Panne

Décret n° 70-420 du 12 mai 1970

Actif

Halluin-Est / Ménin-Est

Décret n° 71-265 du 2 avril 1971

Actif

Route Dour à Bavia

Décret n° 73-333 du 14 mars 1973

Actif

Saint-Aybert / Hensies

Décret n° 73-483 du 11 mai 1973

Actif

Camphin-Lamain

Décret n° 74-887 du 22 octobre 1974

Actif

Wattrelos / Herseaux

Décret n° 77-302 du 22 mars 1977

Actif

Saint-Michel /Hirson-Forêt / Macquenoise

Actif

La Chapelle-Beaubru

Décret n° 78-229 du 24 février 1978

Actif

Aubange – Mont-Saint-Martin (autoroute Arlon – Longwy)

Décret n° 79-966 du 2novembre 1979

Actif

Mouscron / Neuville-en-Ferrain

Décret n° 80-150 du 12 février 1980

Actif

Hensies – Condé

Décret n° 82-435 du 19 mai 1982

Actif

Mont-Saint-Martin – Aubange

Décret n° 82-527 du 14 juin 1982

Actif

Gare de Courtrai – Lille

Décret n° 88-119 du 1er février 1988

Actif

Stenvoorde – Abele

Décret n° 89-930 du 20 décembre 1989

Actif

Italie (10 BCNJ dont 6 actifs)

Gare de Modane

Décret n° 54-1284 du 3 décembre 1954

Actif

Gare de Vintimille

Inactif

Col de Montgenèvre

Décret n° 60-216 du 3 mars 1960

Actif

Vintimille (autoroute)

Décret n° 73-188 du 16 février 1973

Inactif

Fréjus – Bardonnèche

Décret n° 82-947 du 28 octobre 1982

Actif

Fréjus – Modane

Actif

Fréjus – Autoport Fréney

Actif

Gare de Breil-sur-Roya

Décret n° 83-979 du 2 novembre 1983

Inactif

Gare de Limone

Inactif

Mont-Blanc – Entrèves

Décret n° 84-199 du 16 mars 1984

Actif


Luxembourg (4 BCNJ dont 3 actifs)

Routes et voies ferrées franco-luxembourgeoises

Décret n° 54-1341 du 22 décembre 1954

Actif

Schengen

Décret n° 71-78 du 26 janvier 1971

Actif

Schengen (fluvial)

Inactif

Dudelange – Zoufftgen

Décret n° 81-979 du 29 octobre 1981

Actif

Espagne (13 BCNJ dont 7 actifs)

Hendaye – Irun

Décret n° 67-634 du 23 juillet 1967

Inactif

Latour-de-Carol

Décret n° 67-655 du 28 juillet 1967

Actif

La Junquera

Décret n° 69-779 du 16 juillet 1969

Inactif

Gare d’Hendaye

Décret n° 69-884 du 10 septembre 1969

Actif

Cerbère

Décret n° 69-924 du 17 septembre 1969

Actif

Irun

Décret n° 69-925 du 17 septembre 1969

Inactif

Canfranc

Décret n° 70-454 du 26 mai 1970

Inactif

Cerbère – Col des Balistres

Décret n° 70-906 du 29 septembre 1970

Actif

Behobia

Décret n° 71-157 du 25 février 1971

Inactif

Perthus

Décret n° 76-1160 du 10 décembre 1976

Actif

Melles Le Sérial

Décret n° 78-896 du 9 août 1978

Actif

Port-Bou

Décret n° 88-394 du 15 avril 1988

Inactif

Biriatou

Décret n° 2009-666 du 9 juin 2009

Actif

Royaume-Uni (12 BCNJ actifs)

Calais (tunnel)

Décret n° 2001-481 du 5 juin 2001

Actif

Folkstone

Actif

Ashford

 

Saint Pancras

Actif

Ebbsfleet

Actif

Paris Gare du Nord

Actif

Lille Europe

Actif

Calais - Frétun

Actif

Port de Calais

Décret n° 2004-137 du 6 février 2004

Actif

Port de Boulogne-sur-Mer

Actif

Port de Douvres

Actif

Port de Dunkerque

Actif

Pays-Bas (1 BCNJ actif)

Aéroports de Saint-Martin

Décret n° 2007-1252 du 21 août 2007

Actif

Andorre (1 BCNJ actif)

Porta

Décret n° 2015-1189 du 25 septembre 2015

Actif

2.   Les projets de modernisation de plusieurs BCNJ à la frontière franco‑suisse

Les quatre BCNJ situés à Fernay – Voltaire, dans les gares de Bâle et de Delle ainsi qu’à Huningue font actuellement l’objet de projets d’aménagements architecturaux. Ces évolutions rendent nécessaire la modification des accords bilatéraux conclus avec la Suisse afin d’ajuster le périmètre des zones de contrôle couvertes par ces BCNJ.

Au-delà de ces travaux de modernisation, le MEAE n’envisage aucune autre création de BCNJ à ce stade.

B.   Des outils favorisant une coopération bilatérale efficace

1.   Des contrôles adaptés aux enjeux frontaliers

Les BCNJ permettent de procéder à des contrôles coordonnés par les services français et leur homologues étrangers dans un même lieu, en simplifiant l’intervention conjointe des agents des douanes et de la police des deux États ([5]). Les accords bilatéraux sur lesquels reposent les BCNJ autorisent ces derniers à exercer leurs compétences respectives sur le territoire de l’État partenaire. C’est donc un outil de coopération particulièrement précieux et efficace. Les BCNJ bénéficient d’infrastructures partagées et d’une mutualisation des moyens matériels destinés à centraliser les contrôles dans des zones topographiques complexes, à l’image du BCNJ situé dans une vallée encaissée à la frontière andorrane ou de celui installé en zone montagneuse au niveau du tunnel routier du Fréjus à la frontière italienne.

Au sein des BCNJ, les agents de la DGDDI accomplissent les missions qui leur incombent selon le code des douanes, s’agissant de la lutte contre les trafics, la criminalité organisée et le financement du terrorisme, du contrôle de la conformité des marchandises et la perception des droits et taxes applicables, de l’accompagnement des entreprises et de la régulation de secteurs spécifiques. À la frontière avec la Suisse, pays n’appartenant pas à l’Union européenne, ils contrôlent également le respect des réglementations relatives à l’importation des marchandises.

Au même titre que les agents de la DNPAF, les douaniers exercent les fonctions de garde‑frontière aux frontières intérieures de l’espace Schengen en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures (RCFI). Au sein des BCNJ situés sur le territoire du pays frontalier, assimilés à des points de passage autorisés (PPA), les agents des douanes peuvent prononcer des refus d’entrée. Conformément à la jurisprudence administrative ([6]), ces décisions prononcées sur les PPA localisés sur le territoire du pays frontalier sont exécutoires d’office à l’égard des personnes qui ne respectent pas les conditions d’entrée prévues par le code frontières Schengen. Par ailleurs, les policiers de la DNPAF pratiquent également un contrôle sécuritaire afin de procéder à l’interpellation de personnes recherchées dans le cadre de procédures judiciaires. La présence de policiers dans les BCNJ, aux côtés de leurs collègues douaniers, contribue à articuler efficacement les enjeux de sécurité intérieure avec ceux de la régulation des flux frontaliers.

Dans l’objectif de préserver la fluidité du trafic de marchandises et la libre‑circulation des personnes dans les zones concernées, les contrôles s’effectuent sur la base d’un ciblage préalable. Une analyse des risques est ainsi menée par les services français et étrangers afin de garantir la réussite des opérations accomplies par les BCNJ. Les contrôles présentent donc un caractère aléatoire et non systématique, conformément aux règles prévues par le droit européen.

2.   Une coopération fructueuse avec les services des pays limitrophes, à l’épreuve de défis organisationnels

La préparation et la réalisation des contrôles mis en œuvre dans le cadre des BCNJ impliquent une coopération étroite avec les services de police et de douane des États limitrophes. Ce rapprochement favorise un échange croissant de renseignements propre à renforcer la lutte contre la criminalité organisée et l’immigration irrégulière, enjeux pour lesquels les législations nationales s’appuient sur des standards communs. Auditionnés par la rapporteure, les représentants de la DGDDI et de la DNPAF ont fait état d’une collaboration fructueuse avec l’ensemble de leurs homologues étrangers, ce qui souligne l’intérêt que revêtent les BCNJ en la matière.

Cependant, le développement des BCNJ peut également soulever certaines difficultés logistiques, s’agissant par exemple des effectifs de policiers et de douaniers mobilisables en leur sein. Il apparaît en effet indispensable de déployer un nombre d’agents équivalent à celui de l’État partenaire, dans le but de garantir une participation bilatérale équilibrée pour assurer une gestion véritablement conjointe de la frontière. Cette exigence peut se heurter à des difficultés concrètes, à l’instar du BCNJ récemment créé à la frontière andorrane, au risque de complexifier l’organisation de ses missions. Il en résulte une coopération potentiellement inégale, ce qui est susceptible de fragiliser l’efficacité des contrôles et d’affaiblir en conséquence la portée opérationnelle du dispositif.

Pour autant, l’utilité des BCNJ et le rôle essentiel qu’ils exercent dans les zones frontalières ne souffrent d’aucune ambiguïté. Dans cette perspective, la ratification rétroactive des six conventions-cadres qu’autorise le projet de loi se révèle tout à fait opportune, compte tenu des impératifs de sécurité juridique auxquels ces accords demeurent confrontés.


II.   La ratification des six conventions-cadres a pour but de sécuriser le cadre juridique applicable aux BCNJ

Présentant des stipulations largement similaires et conformes au droit européen, les six conventions-cadres nécessitent une approbation parlementaire rétroactive afin de garantir la sécurité juridique des accords bilatéraux dont dépendent les BCNJ.

  1.   Une ratification rétroactive visant à entériner les conventions-cadres et les arrangements bilatéraux pris sur leur fondement, dans le respect du droit européen

Entrées en vigueur par décret en l’absence de toute loi de ratification, les six conventions-cadres conclues avec l’Allemagne ([7]), la Suisse ([8]), la Belgique ([9]), l’Italie ([10]), le Luxembourg ([11]) et l’Espagne ([12]) ont respectivement donné lieu à la signature de plusieurs dizaines d’accords bilatéraux portant création de cent‑vingt‑trois BCNJ à ce jour ([13]). Si les règles qui encadrent leur action sont conformes au droit européen, elles requièrent cependant la ratification parlementaire rétroactive des conventions-cadres sur le fondement desquelles ces BCNJ ont été mis en œuvre.

  1.   Un double impératif de sécurité juridique

L’article 53 de la Constitution détermine les catégories de traités et accords internationaux dont l’entrée en vigueur nécessite une ratification ou approbation législative préalable.

Article 53 de la Constitution

« Les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’État, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi.

« Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés.

« Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées. »

À ce titre, le projet de loi répond à un double impératif de sécurité juridique.

En premier lieu, compte tenu de la possibilité ouverte à des agents étrangers de réaliser, depuis les BCNJ, des contrôles de police et de douane sur le territoire national, l’article 53 de la Constitution impose l’intervention du législateur pour ratifier les conventions-cadres qui autorisent l’exercice de ces missions. Cette exigence a ainsi été explicitement rappelée par le Conseil d’État dans son avis consultatif rendu le 19 mai 2022 ([14]).

Si le projet de loi permet de « réparer » un oubli juridique – ou un manquement délibéré – commis par le gouvernement au cours des années 1960 et non-corrigé jusqu’à ce jour, il vise surtout à consacrer, de façon rétroactive, la base légale des décrets portant publication des six conventions-cadres. Les conditions de ratification de ces conventions-cadres dont découlent les BCNJ font en effet l’objet d’un contrôle opéré par le juge administratif. Saisi à l’occasion d’un contentieux, le juge doit alors s’assurer que l’autorisation du Parlement a bien été recueillie, conformément à l’article 53 précité ([15]), ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Le cas échéant, il en résulte un risque évident d’annulation des décrets, ce qui entraînerait la remise en cause de l’ensemble des contrôles effectués par les BCNJ et affecterait la régularité des actes administratifs réalisés sur leur fondement.

L’adoption du projet de loi permet donc de se prémunir d’un tel scénario susceptible de fragiliser les missions accomplies par les agents mobilisés au sein des BCNJ.

En second lieu, la ratification rétroactive des six conventions-cadres emporterait « l’autorisation implicite » ([16]) de l’ensemble des accords portant création ou modification des BCNJ. Elle dispenserait donc ces derniers d’une ratification parlementaire expresse ([17]) qui constituerait une contrainte procédurale particulièrement lourde et inadaptée ([18]) aux besoins de réactivité et de souplesse qu’implique la mise en œuvre de ces accords bilatéraux.

  1.   L’articulation de ces conventions-cadres avec le droit européen

Les conventions-cadres et les accords pris sur leur fondement pour créer ou modifier des BCNJ sont assujettis aux règles déterminées par le code des douanes de l’Union européenne établi par le règlement du 9 octobre 2013 ([19]) et par le code frontières Schengen entériné par le règlement du 9 mars 2016 ([20]).

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) consacre explicitement la possibilité ouverte aux États membres de déroger ([21]), sous conditions et de façon proportionnée ([22]), au principe de liberté de circulation des marchandises et des personnes ([23]). Strictement contrôlées par la Cour de justice de l’UE, ces restrictions peuvent prendre la forme de contrôles policiers et douaniers aléatoires dans le but de satisfaire des motifs d’intérêt général limitativement énumérés, tels que la moralité publique, la santé publique, l’ordre et la sécurité, la préservation de l’environnement ou encore la propriété industrielle.

Ainsi, les contrôles opérés par les BCNJ s’inscrivent dans le respect des prescriptions du droit de l’UE dès lors qu’ils ne portent pas une atteinte excessive aux libertés de circulation visant à préserver la fluidité des trafics dans les zones frontalières.

B.   Des stipulations qui prévoient un ensemble de règles communes encadrant les contrôles frontaliers juxtaposés

Conclues entre 1958 et 1965, les six conventions-cadres dont le projet de loi prévoit la ratification présentent des stipulations largement similaires, en dépit de quelques spécificités d’ordre essentiellement rédactionnel.

1.   Un cadre juridique largement harmonisé

Les six conventions-cadres comportent pour chacune d’entre elles une trentaine d’articles déterminant le cadre général des contrôles juxtaposés en ce qui concerne les modalités de création des BCNJ et leur fonctionnement au titre de la coopération bilatérale.

Elles prévoient ainsi un ensemble harmonisé de stipulations relatives à la définition des zones de contrôles frontaliers s’agissant du trafic ferroviaire et routier ou de la navigation fluviale, aux prérogatives et obligations dévolues aux agents du pays d’entrée et du pays de sortie, au séquençage des opérations de contrôle de marchandises et des personnes ([24]) ou encore à l’organisation et à l’installation des infrastructures communes.

2.   L’existence de quelques spécificités de nature rédactionnelle

Si elles présentent de nombreuses similitudes, les six conventions-cadres contiennent quelques spécificités d’une portée cependant limitée.

À titre illustratif, les conventions avec l’Allemagne et la Belgique précisent que chaque partie contractante autorise les agents de l’administration ferroviaire de l’État limitrophe à exercer leur activité sur son territoire ([25]). Si la convention franco‑belge prévoit l’abrogation de l’ensemble des accords bilatéraux précédents ([26]), la convention franco-luxembourgeoise mentionne, à l’inverse, la conservation de tout ou partie de l’ancien accord ([27]).

En outre, les stipulations de la convention franco-suisse sont complétées par un échange de lettres qui s’accordent sur le principe d’une consultation des entreprises de transport des deux parties contractantes dans le cadre de la mise en œuvre de certaines infrastructures communes nécessaires à la réalisation conjointe des contrôles.

Ces six conventions-cadres fixent donc un cadre harmonisé à la conclusion d’arrangements bilatéraux nécessaires à la création des BCNJ, sans empêcher la prise en compte des particularités éventuelles qui découlent de leur situation géographique ou de la nature des trafics frontaliers auxquels ces BCNJ sont confrontés.

 


   Examen en commission

Le mercredi 2 juillet 2025, à 15 heures 30, la commission examine le projet de loi autorisant la ratification de plusieurs conventions-cadres relatives aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés, aux contrôles en cours de route et aux gares communes ou d’échange.

M. le président Bruno Fuchs. Notre ordre du jour appelle l’examen du projet de loi n° 847, autorisant la ratification de plusieurs conventions‑cadres relatives aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ), aux contrôles en cours de route et aux gares communes ou d’échange.

Six conventions-cadres conclues pour la plupart dans les années 1960 avec, respectivement, l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et l’Espagne fixent le cadre général de création et de fonctionnement des BCNJ et des contrôles en cours de route à leur frontière avec la France.

Ces conventions, si surprenant que cela puisse paraître, n’ont pas été ratifiées à ce jour et le projet de loi vise à y remédier.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Ce projet de loi vise à autoriser la ratification de six conventions-cadres relatives aux BCNJ, aux contrôles en cours de route et aux gares communes ou d’échange. Ces conventions-cadres ont été conclues entre 1958 et 1965 avec six États voisins de la France – l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, le Luxembourg, l’Italie et l’Espagne – et constituent le fondement de plusieurs dizaines d’accords bilatéraux visant à créer des BCNJ, que l’on peut définir comme des structures situées dans des espaces routiers, ferroviaires, aéroportuaires ou fluviaux dans lesquels s’effectuent des contrôles douaniers et policiers en coopération avec les autorités des pays limitrophes.

Les BCNJ sont un outil méconnu de la coopération douanière et policière aux frontières intérieures de l’espace Schengen. J’ai auditionné la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) du ministère de l’économie et des finances et la direction nationale de la police aux frontières (DNPAF) du ministère de l’intérieur : toutes deux ont rappelé l’intérêt et l’importance de ces lieux pour que leurs agents fassent leur travail dans de bonnes conditions et pour coopérer avec les douanes et les polices des pays frontaliers.

En effet, les BCNJ permettent la réalisation de contrôles des personnes et des marchandises lors du franchissement de la frontière au sein d’infrastructures communes aux deux États voisins. Ces contrôles sont conjointement réalisés par des agents des services de la douane et de la police des deux États concernés. Ils s’inscrivent dans le respect du droit européen, notamment du code frontières Schengen et du code des douanes de l’Union.

Le code des frontières Schengen garantit la libre circulation, acquis majeur de l’Union européenne que nous, élus des départements frontaliers, connaissons bien. Il permet également aux autorités nationales de mettre en œuvre des contrôles aux frontières de façon aléatoire avec des objectifs strictement définis tels que la lutte contre la criminalité et la préservation de l’environnement. Créés dans le cadre de la coopération européenne, les BCNJ sont à ce jour au nombre de 137. Leur liste figure dans le projet de rapport qui vous a été communiqué.

Ces conventions et accords bilatéraux sont des outils qui favorisent l’efficacité des contrôles douaniers et policiers, grâce à la mutualisation d’infrastructures et de moyens matériels destinés à centraliser des opérations dans des zones topographiques complexes, telles que la zone montagneuse du tunnel routier du Fréjus. S’agissant du contrôle des personnes, conformément à la récente jurisprudence du Conseil d’État, les décisions de refus d’admission prononcées depuis les BCNJ situés à l’étranger sont exécutoires d’office. Les BCNJ sont donc un atout, en raison de leur nature binationale, pour appliquer les refus d’admission sans la contrainte imposée par la directive « retour » de 2008 de retenir les personnes pour vérification du droit de séjour.

Par ailleurs, les BCNJ sont des plateformes physiques qui renforcent naturellement la coordination des contrôles frontaliers, ce qui stimule la coopération bilatérale. Le travail mené conjointement par nos services et leurs homologues étrangers suppose un échange de renseignements et d’informations pour cibler les contrôles douaniers et policiers compte tenu des analyses de risques préalablement établies, afin d’en assurer l’efficacité opérationnelle.

Toutefois, il existe une difficulté : les BCNJ sont diversement investis par nos voisins et par nous-mêmes. Or, si les effectifs sont déséquilibrés au sein d’un BCNJ entre deux États partenaires, la réussite des missions qui lui sont dévolues est fragilisée. Il s’agit d’une condition indispensable pour garantir une participation bilatérale véritablement efficace.

Les ministères auditionnés ont indiqué que cette difficulté a été constatée par exemple à la frontière franco-andorrane. Cela ne concerne donc pas les BCNJ créés sur le fondement des six conventions-cadres dont ce projet de loi autorise la ratification. Néanmoins, les services de douane et de police aux frontières sont pleinement conscients des enjeux opérationnels entourant cette question.

En tout état de cause, l’utilité des BCNJ ne souffre d’aucune ambiguïté. C’est à la lumière de ce constat que j’en viens à la nécessité purement formelle et juridique de faire ratifier ces conventions-cadres par le Parlement.

Le texte que je vous présente répond à deux impératifs de sécurité juridique.

Tout d’abord, ces conventions contiennent un ensemble harmonisé de stipulations relatives à la définition des zones de contrôle, aux modalités des opérations qui y sont réalisées et aux prérogatives et obligations dévolues aux agents qui y travaillent. Ces stipulations relèvent du champ de l’article 53 de la Constitution, ce qui impose l’intervention du Parlement afin de ratifier ces accords. Cela n’ayant pas été fait depuis les années 1960, le risque existe que, à l’occasion d’un contentieux devant la juridiction administrative, le juge vérifie la validité de l’accord et invalide les procédures menées. Concrètement, cela signifie que les contrôles opérés par les BCNJ pourraient être remis en cause, ce que nous voulons éviter afin de donner à notre police et à nos agents de douane la possibilité de mener leur mission sans risque juridique.

Le second intérêt juridique est la simplicité. La ratification des six conventions-cadres vaut ratification des accords bilatéraux conclus sur leur fondement, ce qui évite de les ratifier un à un et permet de les modifier sans nouvelle validation au cas par cas. Ce texte permet donc de sécuriser juridiquement les accords sur lesquels reposent les BCNJ, qui représentent des outils de coopération particulièrement utiles et efficaces, dans le respect de nos engagements bilatéraux et communautaires.

En conséquence, je propose leur ratification par notre commission puis par notre Assemblée et prie notre commission de bien vouloir adopter le projet de loi.

M. le président Bruno Fuchs. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). L’enjeu de ratifier ces conventions‑cadres, s’agissant de sujets mal connus mais pas secondaires pour autant, ne m’échappe pas. Il s’agit de sujets à forte coloration régalienne : nous parlons là de la possibilité, pour des forces de l’ordre de pays étrangers, fussent-ils amis, d’intervenir sur notre territoire, et vice versa. Je comprends parfaitement qu’il soit nécessaire de régulariser la situation a posteriori.

Toutefois, cela dure depuis soixante ans. Nous qui demandons que le Parlement soit respecté, notamment sur les sujets régaliens, nous ne pouvons pas accepter de découvrir que, pendant des décennies, des conventions n’ont pas été soumises au Parlement alors qu’elles devaient l’être. Nous nous abstiendrons donc.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je comprends tout à fait votre position. Il s’agit justement, en adoptant ce texte, de rendre tout son rôle au Parlement pour faire en sorte de sécuriser la situation.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NFP). Deux générations d’agents ont été privées de sécurité juridique !

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je le constate comme vous, cher collègue.

Mme Marie-Ange Rousselot (EPR). Ce texte vise principalement à régulariser a posteriori plusieurs conventions-cadres conclues entre la France et les pays frontaliers.

Le besoin de coopération transfrontalière quotidienne avec la Suisse, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, l’Italie et l’Espagne a conduit à conclure des accords bilatéraux permettant la création et le fonctionnement de plus de 130 BCNJ à nos frontières, notamment dans les gares, les aéroports et les postes‑frontières routiers.

Il s’agit désormais de donner une base légale homogène à ces dispositifs stratégiques, tout en rappelant leur objectif, simple mais essentiel, qui consiste à regrouper dans un même lieu les services douaniers, de police et parfois sanitaires de deux États. Ces zones de contrôle communes permettent d’assurer un passage rapide et sécurisé pour les personnes et les marchandises, mais aussi de faciliter l’échange d’informations tout en respectant le séquençage nécessaire à la bonne tenue des opérations, conformément à la législation de chaque État.

Ces conventions-cadres permettent des mesures de simplification et d’efficience dans des zones où la coopération peut et doit être quotidienne et sans entrave, en particulier s’agissant de la sécurité, domaine dans lequel les BCNJ ont démontré toute leur utilité, notamment pour lutter contre le trafic de stupéfiants, la contrebande, le terrorisme ou la criminalité financière.

Ce projet de loi permet à la représentation nationale de ratifier ces conventions-cadres. Par-delà cet aspect formel, le texte instaure surtout un cadre juridique clair et stable pour tous les accords existants mais aussi futurs, en permettant si nécessaire la création, l’adaptation et la modernisation des dispositifs.

Sa ratification illustre une fois encore la capacité de la France à travailler main dans la main avec ses partenaires, qu’ils soient ou non membres de l’Union européenne, pour bâtir un espace commun fondé sur la fluidité, la cohérence, la confiance mutuelle et la sécurité partagée, conditions essentielles de l’attractivité.

Le groupe Ensemble pour la République soutient pleinement ce texte et salue l’engagement du gouvernement dans cette démarche. Je tiens également à remercier la rapporteure pour son travail rigoureux. En votant pour ce projet, nous affirmons une vision résolument pro-européenne et pragmatique.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je vous remercie de soutenir ce texte. Il est en effet important de sécuriser les dispositifs mis en place avec nos voisins.

M. Stéphane Hablot (SOC). Situés dans les régions frontalières, les BCNJ permettent de cibler les contrôles policiers et douaniers. Comme l’a indiqué la rapporteure, on compte 137 BCNJ entre la France et les six pays frontaliers. Rien n’est à bâtir, tout est à simplifier. Il s’agit de donner les moyens d’agir à ceux qui sont chargés des contrôles, sans faire face à un risque juridique.

Le groupe Socialistes et apparentés votera évidemment en faveur de ce texte car il faut être pragmatiques. En 2024, les saisies de drogue ont augmenté de 70 % et le blanchiment d’argent s’étend aussi. Voter pour ce projet de loi, c’est rendre hommage à tous les agents qui luttent contre ces crimes et délits et les aider à mieux travailler. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Deux générations d’agents ont certes pu agir sans que ces conventions-cadres soient ratifiées mais le contexte juridique actuel nous impose désormais de le faire.

Je remercie infiniment Mme Klinkert de son travail considérable, précieux et respectueux des agents.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Comme l’a dit Mme Rousselot, la coopération avec les pays limitrophes est très forte. Ce travail en commun permet d’augmenter l’efficacité des contrôles douaniers et policiers grâce à la mutualisation des infrastructures, mais aussi des moyens matériels et humains. Je vous remercie pour votre soutien.

Mme Maud Petit (Dem). Votre exposé m’a fait découvrir un dispositif plutôt méconnu mais absolument utile et nécessaire.

Il nous est demandé de ratifier plusieurs conventions-cadres relatives aux BCNJ, aux contrôles en cours de route et aux gares communes ou d’échange. Cette ratification concerne six conventions-cadres sur les huit qui existent actuellement. Ces six conventions ont été conclues entre la France et respectivement l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, l’Italie, le Luxembourg et l’Espagne. Le texte qui nous est soumis s’appliquera de manière rétroactive. Il s’agit du projet de loi de ratification le plus volumineux que cette commission ait eu à examiner.

À l’heure où l’on assiste à une explosion du narcotrafic, la sécurité et les contrôles à nos frontières constituent un enjeu primordial. En 2023, la DGDDI avait saisi sur le territoire national plus de 92 tonnes de produits stupéfiants, 521 tonnes de tabac de contrebande et 20 millions d’articles de contrefaçon. Le bilan annuel de la douane pour 2023 indiquait également que pas moins de 163 millions d’euros d’avoirs criminels avaient été identifiés ou saisis dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Pour réaliser ces contrôles et effectuer ces saisies, la DGDDI s’est appuyée sur les 137 BCNJ créés par la France et ses voisins. Ces bureaux sont des plateformes routières ou ferroviaires positionnées sur les frontières de la France hexagonale. Ils regroupent, sur un site unique et dans des installations communes, les administrations des États signataires concernées par la réalisation des contrôles des personnes et des marchandises lors du franchissement de la frontière. Ils constituent des points stratégiques, qui permettent aux États signataires de réaliser des contrôles sur le territoire d’un État partenaire tout en appliquant leur propre réglementation relative au franchissement de la frontière. Ils permettent donc de mieux combattre les différents types de trafics et la criminalité organisée transfrontalière.

Le groupe Les Démocrates soutient ce texte. Il est totalement favorable à tout ce qui permet de lutter plus efficacement contre les trafics, d’assurer la sécurité juridique de ces bureaux et d’offrir un cadre juridique sûr aux agents qui interviennent quotidiennement, et qui peuvent éventuellement faire usage de la force dans les zones prévues par les arrangements.

Mme Brigitte Klinkert, rapporteure. Je vous remercie de votre soutien. Les chiffres que vous avez cités soulignent l’utilité et l’importance des BCNJ, qui permettent de protéger nos concitoyens, de traquer la fraude et de lutter contre les trafics. Ils sont également un instrument d’échange d’informations et de renseignements permettant de mieux cibler les contrôles sur les marchandises et les personnes. Au nom de notre commission, je remercie les policiers et les douaniers de leur travail.

*

Article 1er (autorisation de la ratification de la convention-cadre entre la République française et la République fédérale d’Allemagne, signée à Paris le 18 avril 1958)

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 (autorisation de la ratification de la convention-cadre entre la République française et la Confédération suisse, signée à Berne le 28 septembre 1960)

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Article 3 (autorisation de la ratification de la convention-cadre entre la République française et le Royaume de Belgique, signée à Bruxelles le 30 mars 1962)

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Article 4 (autorisation de la ratification de la convention-cadre entre la République française et la République italienne, signée à Rome le 11 octobre 1963)

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Article 5 (autorisation de la ratification de la convention-cadre entre la République française et le Grand-Duché de Luxembourg, signée à Luxembourg le 21 mai 1964)

La commission adopte l’article 5 non modifié.

Article 6 (autorisation de la ratification de la convention-cadre entre la République française et le Royaume d’Espagne, signée à Madrid le 7 juillet 1965)

La commission adopte l’article 6 non modifié.

Puis, la commission adopte l’ensemble du projet de loi non modifié.

 

 


   Annexe 1 :
Texte de la commission des affaires étrangères

 

Article 1er

La ratification de la convention-cadre entre la République française et la République fédérale d’Allemagne relative aux bureaux de contrôles nationaux juxtaposés et aux gares communes ou d’échange à la frontière franco-allemande, signée à Paris le 18 avril 1958, et dont le texte est annexé à la présente loi, est autorisée à compter de cette date.

Article 2

La ratification de la convention-cadre entre la République française et la Confédération suisse relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés et aux contrôles en cours de route (ensemble un protocole final et deux échanges de lettres), signée à Berne le 28 septembre 1960, et dont le texte est annexé à la présente loi, est autorisée à compter de cette date.

Article 3

La ratification de la convention-cadre entre la République française et le Royaume de Belgique relative aux contrôles à la frontière franco-belge et aux gares communes et d’échange, signée à Bruxelles le 30 mars 1962, et dont le texte est annexé à la présente loi, est autorisée à compter de cette date.

Article 4

La ratification de la convention-cadre entre la République française et la République italienne relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés et aux contrôles en cours de route (ensemble un protocole final), signée à Rome le 11 octobre 1963, et dont le texte est annexé à la présente loi, est autorisée à compter de cette date.

Article 5

La ratification de la convention-cadre entre la République française et le Grand-Duché de Luxembourg relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés et aux contrôles en cours de route, signée à Luxembourg le 21 mai 1964, et dont le texte est annexé à la présente loi, est autorisée à compter de cette date.

Article 6

La ratification de la convention-cadre entre la République française et le Royaume d’Espagne relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés et aux contrôles en cours de route (ensemble un protocole final et un échange de lettres), signée à Madrid le 7 juillet 1965, et dont le texte est annexé à la présente loi, est autorisée à compter de cette date.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                

N.B. : Le texte des six conventions figure en annexe au projet de loi (n° 847).

 


   Annexe 2 :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

   M. Yannick Andrianarahinjaka, chef de la mission des conventions et de l’entraide judiciaire, direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire ;

   Mme Claire Derlon, rédactrice, pôle conventions, mission des conventions et de l’entraide judiciaire, direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire ;

   Mme Claire Giroir, conseillère juridique à la mission des accords et traités de la direction des affaires juridiques ;

   M. Alexandre Bachelet, rédacteur Italie, mission de l’Europe méditerranéenne, sous-direction Europe 2, direction de l’Union européenne ;

   Mme Olivia Lamy, rédactrice Espagne, mission de l’Europe méditerranéenne, sous-direction Europe 2, direction de l’Union européenne ;

   M. Gabriel Bourlaud, rédacteur Belgique - Luxembourg, mission de l’Europe occidentale et nordique, sous-direction Europe 2, direction de l’Union européenne ;

   Mme Aude-Line Ferrand, adjointe au chef de mission de l’Allemagne et de l’Europe alpine et adriatique, sous-direction Europe 1, direction de l’Union européenne ;

   M. Florian Veaudecrenne, rédacteur Suisse – Allemagne, mission de l’Allemagne, de l’Europe alpine et adriatique, sous-direction Europe 1, direction de l’Union européenne.

   M. Renaud Bernhardt, contrôleur général, sous-directeur des frontières.

   Mme Jeanne Troquet, cheffe de la section frontières, sécurité, sûreté, bureau Métiers de la surveillance - méthodes de travail.

 


([1]) Contrairement aux accords bilatéraux portant sur un objet similaire et conclus avec le Royaume-Uni (lois n° 87-383 du 15 juin 1987, n° 93-803 du 21 avril 1993 et n° 2003-1368 du 31 décembre 2003), les Pays‑Bas (loi n° 95-854 du 27 juillet 1995 relative au contrôle des personnes sur les aéroports de l’île de Saint-Martin) et la Principauté d’Andorre (lois n° 2004-147 du 16 février 2004 et n° 2015-824 du 7 juillet 2015).

([2]) Auxquels s’ajoutent huit contrôles sur des lignes de chemin de fer. Sur les trente-sept BCNJ franco-allemands, quinze d’entre eux sont inactifs aujourd’hui.

([3]) Situé sur la zone aéroportuaire de l’île de Saint-Martin.

([4]) Deux autres BCNJ sont situés dans des espaces terrestres (hors infrastructures ferroviaires ou routières) à la frontière franco-suisse.

([5]) En France, il s’agit, d’une part, des agents de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) du ministère des finances, de l’économie et de la souveraineté industrielle et numérique et, d’autre part, des agents de la direction nationale de la police aux frontières (DNPAF) du ministère de l’intérieur.

([6]) Dans son arrêt « Association avocats pour la défense des droits des étrangers » rendu le 2 février 2024, le Conseil d’État a restreint l’exécution d’office de ces décisions de refus d’admission aux seuls PPA localisés sur le territoire du pays frontalier.

([7]) Convention-cadre signée le 18 avril 1958 et entrée en vigueur par le décret n° 60-1159 du 26 octobre 1960.

([8]) Convention-cadre signée le 28 septembre 1960 et entrée en vigueur par le décret n° 61-917 du 8 août 1961.

([9]) Convention-cadre signée le 30 mars 1962 et entrée en vigueur par le décret n° 64-415 du 8 mai 1964.

([10]) Convention-cadre signée le 11 octobre 1963 et entrée en vigueur par le décret n° 65-584 du 15 juillet 1965.

([11]) Convention-cadre signée le 21 mai 1964 et entrée en vigueur par le décret n° 70-731 du 10 avril 1970.

([12]) Convention-cadre signée le 7 juillet 1965 et entrée en vigueur par le décret n° 66-280 du 4 mai 1966.

([13]) Les quatorze autres BCNJ créés avec le Royaume-Uni, les Pays-Bas et Andorre ont déjà fait l’objet d’une ratification parlementaire grâce à l’adoption de lois ayant approuvé les accords et conventions-cadres dont ces BCNJ relèvent.

([14]) Conseil d’État, avis n° 405195 du 19 mai 2022 relatif aux conditions de régularisation de l’absence d’autorisation parlementaire préalable à la ratification de la convention du 28 septembre 1960 relative aux bureaux à contrôles nationaux juxtaposés et aux contrôles en cours de route entre la France et la Suisse.

([15]) Conseil d’État, SARL du parc d’activités de Blotzheim, 18 décembre 1998.

([16]) Étude d’impact annexée au projet de loi, p. 10.

([17]) Ce fut par exemple le cas des BCNJ franco-suisses de Vallorbe et Pontarlier et du BCNJ franco-espagnol de Biriatou, qui ont fait l’objet d’une approbation parlementaire grâce aux lois n° 1431 et n° 1432 du 27 décembre 2008.

([18]) En l’absence de ratification parlementaire des conventions-cadres, la modification ou création de BCNJ suppose systématiquement l’autorisation préalable du législateur. Ce processus, particulièrement long et contraignant, contraste fortement avec celui observé en Suisse, où la mise en œuvre des accords peut être décidée de manière beaucoup plus souple et rapide. Cette disparité de rythmes entre partenaires peut ralentir l’adaptation des BCNJ aux besoins opérationnels et nuire à la fluidité de la coopération bilatérale.

([19]) Règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil du 9 octobre 2013.

([20]) Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016.

([21]) Article 36 du TFUE.

([22]) Cour de justice des Communautés européennes, Sandoz, 14 juillet 1983.  

([23]) Article 34 du TFUE.

([24]) Les contrôles douaniers et policiers du pays de sortie étant effectués avant ceux du pays d’entrée.

([25]) Article 28 de la convention-cadre franco-allemande et article 26 de la convention-cadre franco-belge.

([26]) Article 32.

([27]) Article 29.