N° 1996

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 octobre 2025

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2026
(n° 1906),

 

TOME II

examen de la premiÈre partie
du projet de loi de finances

conditions gÉnÉrales de l’Équilibre financier

 

Volume 2

EXAMEN EN COMMISSION

 

Par M. Philippe JUVIN

Rapporteur général,

Député

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  SOMMAIRE

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Pages

comptes rendus de l’EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Réunion du lundi 20 octobre 2025 à 9 heures (article liminaire à après l’article 2)

Article liminaire Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques de l’année 2026, prévisions d’exécution 2025 et exécution 2024

PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I  IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

A  Autorisation de perception des impôts et produits

Article 1er Autorisation de percevoir les impôts existants

B  Mesures fiscales

Article 2 Prorogation de la contribution différentielle sur les hauts revenus

Après l’article 2

Réunion du lundi 20 octobre 2025 à 14 heures 30 ([suite] après l’article 2 à après l’article 3)

Après l’article 2 (suite)

Article 3 Instauration d’une taxe sur le patrimoine financier des holdings patrimoniales

Après l’article 3

Réunion du lundi 20 octobre 2025 à 21 heures quarante-cinq ([suite] après l’article 3 à article 5)

Après l’article 3 (suite)

Article 4 Prorogation en 2026 avec division par deux des taux de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises

Article 5 Diverses suppressions et rationalisation de dépenses fiscales

Réunion du mardi 21 octobre 2025 à 9 heures ([suite] article 5 à article 11)

Article 5 (suite)

Article 6 Création d’un abattement forfaitaire en faveur des personnes retraitées

Article 7 Réforme du régime d’aide fiscale à l’investissement productif outre-mer

Après l’article 7

Article 8 Modernisation de la réduction d’impôt sur le revenu « Madelin »

Après l’article 8

Article 9 Doublement de l’incitation fiscale à la générosité des particuliers en faveur des organismes d’aide aux plus démunis

Article 10 Ajustement de certains dispositifs de soutien au secteur agricole (prorogation de la dotation pour épargne de précaution et du CI en faveur de l'agricole biologique, régime fiscal des indemnités d’abattage et régularisations diverses)

Après l’article 10

Article 11 Anticipation de la suppression progressive de la CVAE

Réunion du mardi 21 octobre 2025 à 14 heures 30 (article 12 à après l’article 12)

Article 12 Renforcement des dispositifs fiscaux de soutien à la géographie prioritaire de la politique de la ville

Après l’article 12

Réunion du mardi 21 octobre 2025 à 21 heures 30 ([suite] après l’article 12 à article 19)

Après l’article 12 (suite)

Article 13 Verdissement de la fiscalité sur les véhicules

Après l’article 13

Article 14 Ajustement de la taxe sur l’utilisation par les poids lourds de certaines voies du domaine public routier (écotaxe alsacienne)

Article 15 Stabilité des prélèvements sur les transports au bénéfice d’Île-de-France Mobilités

Article 16 Renforcement des incitations à l’utilisation d’énergie renouvelable dans les transports

Article 17 Mesures diverses de correction, clarification et coordination en matière de fiscalité sectorielle

Article 18 Rationalisation de la fiscalité sur les énergies de chauffage

Article 19 Majoration du tarif de l’IFER pour les centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque installées avant 2021

Réunion du mercredi 22 octobre 2025 à 9 heures (article 20 à article 24)

Article 20 Aménagement des redevances des agences de l’eau

Après l’article 20

Article 21 Verdissement de la fiscalité sur les déchets

Après l’article 21

Article 22 Instauration d’une taxe relative aux frais de gestion des petits colis en provenance de pays tiers

Article 23 Fiscalisation de l’ensemble des produits à fumer

Article 24 Évolution de la taxe sur les services d’accès à des contenus audiovisuels à la demande

Réunion du mercredi 22 octobre 2025 à 14 heures 15 (après l’article 24 à après l’article 27)

Après l’article 24

Article 25 Ajustement du régime de franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée

Après l’article 25

Article 26 Précisions apportées à l’imposition minimale mondiale des grandes entreprises multinationales

Article 27 Ajustement de la mise en œuvre de la révision des valeurs locatives des locaux professionnels et de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation

Après l’article 27

Réunion du mercredi 22 octobre 2025 à 21 heures 15 ([suite] après l’article 27 à article 48)

Après l’article 27 (suite)

Article 28 Modification des obligations des assujettis en matière de facturation électronique et de transmission électronique de données

Article 29 Modernisation et simplification de la gestion fiscale

Après l’article 29

Article 30 Diverses majorations de droits de timbre

Après l’article 30

II  RESSOURCES AFFECTÉES

A  Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Article 31 Fixation pour 2026 des montants de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et des variables d’ajustement, rebudgétisation de la fraction régionale de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) « ex-DGF » sur un prélèvement sur recettes

Article 32 Modalités d’attribution du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée

Après l’article 32

Article 33 Maîtrise de la dynamique de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée aux collectivités locales et abondement du fonds de sauvegarde des départements

Article 34 Ajustement de divers dispositifs de compensation d’exonérations fiscales au profit des collectivités locales

Article 35 Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales

Après l’article 35

B  Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Article 36 Dispositions relatives à l’affectation de ressources à des tiers

Après l’article 36

C  Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

Article 37 Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes et comptes spéciaux existants

Article 38 Relèvement du plafond de la première section du compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Article 39 Mise en conformité du texte constitutif du compte d’opérations monétaires Émission des monnaies métalliques

D  Autres dispositions

Article 40 Relations financières entre l’État et la sécurité sociale

Après l’article 40

Article 41 Affectation du produit de la taxe sur l’utilisation de combustible nucléaire pour la production d’électricité au gestionnaire du réseau public de transport d’électricité

Article 42 Affectation d’une fraction des recettes de l'accise sur les carburants au financement des charges de service public de l’énergie, pour leur part liée à la cogénération et au biométhane

Article 43 Prélèvement exceptionnel des soldes excédentaires de la taxe sur les nuisances sonores aériennes

Article 44 Mesures relatives au financement des missions de sûreté-sécurité des aéroports

Article 45 Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE)

Article 46 Mise de tout ou partie des frais d’enquête pénale à la charge de la personne condamnée prévue à l’article 8001 du code de procédure pénale

Article 47 Répartition entre les autorités de gestion de la prise en charge du coût des refus d’apurement de certaines dépenses du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) par la Commission européenne

TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 48 Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois

 


  1  

   comptes rendus de l’EXAMEN DES ARTICLES
DU PROJET DE LOI

Réunion du lundi 20 octobre 2025 à 9 heures (article liminaire à après l’article 2)

https://assnat.fr/e3tewO

La commission examine la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général).

M. le président Éric Coquerel. Après avoir auditionné Pierre Moscovici mardi 14 octobre au matin sur l’avis rendu par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), puis, à la fin de la même journée, les ministres Roland Lescure et Amélie de Montchalin, nous entamons l’examen de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

Mille huit cent soixante-deux amendements ont été déposés en commission. C’est un chiffre quasiment identique à celui de l’an dernier. Une fois enlevés les amendements irrecevables et ceux qui ont été retirés par leurs auteurs avant discussion, nous allons devoir en examiner 1 521, contre près de 1 600 l’an dernier. Le taux d’irrecevabilité en raison de la méconnaissance de l’article 40 de la Constitution ou des exigences organiques s’établit à un peu plus de 13 %, un taux similaire à ceux observés les années passées pour ce type de texte.

Dans toute la mesure du possible et en gardant la logique du contrôle de la recevabilité financière, j’ai cherché, comme les années précédentes, à favoriser l’initiative parlementaire. Ainsi, dans le cas d’amendements proposant des mécanismes combinés de hausse et de baisse d’impôt, j’ai considéré que cet auto‑gage était suffisant lorsque le surcroît de recettes était manifeste.

La nouvelle architecture de la première partie du projet de loi de finances, qui s’applique depuis plusieurs années, est bien intégrée.

Les erreurs de lecture de la réforme organique sont de plus en plus rares – elles peuvent consister à déposer en première partie des amendements relatifs à des demandes de rapport au gouvernement, alors que leur place est en seconde partie puisqu’il s’agit de dispositions relatives à l’information du Parlement sur les finances publiques, y compris s’il s’agit de rapports portant sur des mesures fiscales, ou à déposer des amendements proposant l’échange de données fiscales, qui ont également leur place en seconde partie.

Les amendements proposant d’instituer ou de modifier des dispositifs de réduction ou d’exonération de cotisations sociales ou d’impositions affectées à la sécurité sociale doivent également respecter des exigences plus strictes lorsqu’ils sont présentés en PLF plutôt qu’en projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Des amendements proposant de réformer le régime d’imposition des plus‑values immobilières qui proposaient aussi de modifier les modalités d’assujettissement de ces plus-values aux prélèvements sociaux, ou encore proposant d’exonérer la réserve spéciale d’autofinancement des agriculteurs non seulement d’impôt sur le revenu, mais également de cotisations sociales, ont été déclarés irrecevables pour cette raison. La réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) interdit désormais que de tels dispositifs puissent être institués ou modifiés en dehors des lois de financement de la sécurité sociale si leur durée est supérieure à trois ans.

En revanche, pour les amendements proposant de modifier la prise en compte de certains revenus au sein du revenu fiscal de référence (RFR), qui avaient pour conséquence, du fait de l’application de taux réduits de CSG (contribution sociale généralisée) sur les revenus de remplacement en fonction du niveau de RFR, d’affecter ces dispositifs de réduction de la CSG, j’ai considéré que l’objet principal de l’amendement n’était pas la détermination du taux de CSG applicable et qu’en ce sens, il s’agissait d’un effet incident ne justifiant pas une irrecevabilité organique.

Par ailleurs, lorsqu’il s’agit de modifier l’affectation d’une recette qui bénéficie à un organisme de sécurité sociale, il existe désormais un monopole de la loi de financement de la sécurité sociale. Ne pouvaient par exemple être recevables en loi de finances des amendements proposant de réaffecter des recettes de la taxe sur les conventions d’assurance bénéficiant à la Caisse nationale des allocations familiales.

Au total, la méconnaissance des exigences de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale a concerné pas moins de trente‑trois amendements. Dans le cas des amendements affectant les cotisations et contributions sociales, un bornage à trois ans au plus devrait toutefois permettre d’assurer leur recevabilité en séance. Les amendements proposant de détourner une recette établie au profit de la sécurité sociale seront, pour leur part, recevables lors de l’examen du PLFSS, sous réserve qu’ils soient gagés.

Il faut également évoquer un autre aspect de la réforme organique du 28 décembre 2021 qui produit ses pleins effets depuis l’année dernière : l’affectation d’une imposition de toute nature ne peut être instituée que si l’entité affectataire est dotée de la personnalité morale et si l’imposition affectée est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Dès lors, un amendement qui propose une affectation nouvelle ne respectant pas cette exigence pose un problème de recevabilité. Si certains ont cru pouvoir surmonter la difficulté en proposant de doter l’affectataire de la personnalité morale, cela conduisait à créer une charge, du fait de l’attribution de la personnalité morale. C’est une question qui a concerné cinq amendements.

De façon plus générale, j’ai dû déclarer irrecevables quatre‑vingt‑douze amendements non gagés tendant à réduire les recettes. S’ils avaient été correctement gagés, ils auraient trouvé leur place en première partie du PLF. Ont été concernés cette année des amendements à l’article 6, relatif à l’abattement applicable aux pensions de retraite, qui proposaient d’augmenter les dispositions du nouveau régime d’abattement proposé par le gouvernement sans pour autant prévoir de gage. Dans la mesure où le nouveau régime n’est pas comparable au précédent, et où il peut être parfois plus avantageux, parfois plus pénalisant, il n’était pas possible de considérer que des aménagements plus favorables de ce nouveau régime ne devaient pas être gagés.

De même, relever le plafond d’une taxe affectée exige de prévoir un gage au profit de l’État, car le surplus de recettes que ce dernier peut normalement espérer est diminué du fait de cette hausse du plafond d’affectation. En sens inverse, diminuer le plafond d’une taxe affectée à un organisme en deçà de celui qui était applicable jusqu’à présent diminue les recettes de l’organisme affectataire et, pour cette raison, appelle également un gage. Vous pourrez donc redéposer de tels amendements assortis d’un gage en vue de la séance publique.

Par ailleurs, certains amendements déposés à tort en première partie ont toute leur place en seconde partie, où ils pourront être redéposés sans difficulté. Outre les amendements demandant des rapports ou relatifs aux échanges de données fiscales, précédemment évoqués, il s’agit d’amendements relatifs aux modalités de répartition de ressources entre les collectivités territoriales. Quarantetrois amendements pourraient ainsi être redéposés en seconde partie du PLF.

Ne pourront, en revanche, bénéficier d’une seconde chance les quarante‑et‑un amendements dépourvus de tout lien avec les lois de finances, ou « cavaliers budgétaires ». On peut notamment citer dans cette catégorie des amendements relatifs aux règles de mise en paiement des dividendes des entreprises, aux obligations s’imposant aux constructeurs de voitures électriques, aux contrats d’obsèques pouvant être proposés par des assureurs et mutuelles ou à la mise en relation des familles avec des opérateurs funéraires. J’ai, en revanche, considéré que des amendements proposant de réformer substantiellement le régime du PEA (plan d’épargne en actions) pouvaient trouver leur place en loi de finances, dans la mesure où ce régime entraîne des avantages fiscaux substantiels, ou encore que la création d’une nouvelle amende le pouvait également du fait du rendement espéré.

Enfin, quelques amendements se sont heurtés à la jurisprudence habituelle de l’article 40 de la Constitution proprement dit, à savoir l’impossibilité d’augmenter une charge publique. Trente-huit amendements proposant un tel accroissement ne peuvent en aucun cas être rendus recevables. Ces propositions ne pourraient être défendues que si elles prenaient la forme d’amendements de crédits, en seconde partie.

Sur les quelque 252 amendements irrecevables en vertu de l’article 40 ou des exigences de la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) et de la LOLFSS, il serait donc possible d’en corriger plus de la moitié – soit en ajoutant un gage, soit en les déposant en seconde partie, soit en bornant dans le temps une mesure modifiant une imposition affectée à la sécurité sociale. Les amendements concernés pourraient ainsi être discutés ultérieurement.

Enfin, même si cela ne concerne ni l’article 40 ni les exigences organiques, certains amendements n’ont pu être déclarés recevables car ils visaient ou modifiaient des articles déjà abrogés ou des articles de niveau réglementaire ou parce qu’ils étaient incompatibles avec des modifications proposées par le projet de loi déposé. Il s’agit là de malfaçons légistiques qui pourront également être corrigées par leurs auteurs d’ici la séance publique.

Nous avons donc à examiner un peu plus de 1 500 amendements et nous disposons d’un peu moins de trente-cinq heures de réunion de commission d’ici mercredi minuit, ce qui signifie qu’il faudrait examiner en moyenne quarante‑cinq amendements par heure. Il serait toutefois possible, si nécessaire, de prolonger la séance dans la nuit de mercredi à jeudi.

Nous avions fixé, au niveau du bureau, une cible de 1 250 amendements, comme l’an dernier, répartie proportionnellement entre les groupes. Cette cible a été dépassée, mais pas plus que l’an dernier, de sorte qu’on peut même considérer que le nombre d’amendements a diminué par rapport à ce que l’on aurait pu attendre au vu des habitudes, si ces cibles n’avaient pas été fixées.

Certains groupes ont été plus « généreux » que d’autres en la matière. Or nous ne pourrons aucunement nous permettre de siéger au delà de la nuit de mercredi à jeudi, car le délai de dépôt pour la séance publique ne pourra pas être reporté au delà de jeudi matin. Par conséquent, si nous ne voulons pas finir à six heures du matin dans la nuit de mercredi à jeudi, il nous faudra sans doute siéger au moins jusqu’à une ou deux heures du matin tant ce soir que demain soir.

Pour la discussion, je propose que le temps d’intervention de chaque orateur sur les amendements soit limité à une minute. Je propose également que la défense des amendements identiques ou similaires soit très succincte. Pour chaque amendement, je ne donnerai la parole qu’à un orateur pour et un orateur contre ; si le sujet donne manifestement lieu à plus de débat, nous pourrons passer à deux orateurs, voire à un orateur par groupe, selon ce que je déciderai – et vous me savez assez drastique en la matière. Nous aurons toutefois tous les grands débats qui s’imposent et, je le répète, lorsque des sujets d’une particulière importance seront abordés, je laisserai à chaque groupe la faculté de s’exprimer.

Je rappelle le nombre d’amendements déposés par chaque groupe, ce qui permettra à chacun de comparer ce nombre aux cibles qui avaient été fixées. En effet, pour certains groupes qui se sont beaucoup éloignés de la cible, une manière d’y remédier consiste à se contenter de dire que certains amendements sont défendus, ou à en retirer certains autres pour les discuter en séance.

Le Rassemblement national a déposé 178 amendements, Ensemble pour la République 328, La France insoumise 209, les Socialistes 209, la Droite républicaine 270, le groupe Écologiste 117, Les Démocrates 129, Horizons 78, Libertés, indépendants, outre-mer et territoires 214, la Gauche démocrate et républicaine 61, l’Union des droites pour la République 32. Chacun peut ainsi voir quels sont les efforts à faire.

Je vous invite, enfin, à prendre un bon rythme dès le début, car nous avons coutume d’aller très lentement durant la première journée. Étant donné que je veillerai à ce que nous allions au bout de l’examen du texte en commission, cela permettra d’éviter que des choses importantes soient expédiées à la fin. Nous nous sommes concertés à ce propos avec le rapporteur général et lui-même, lorsqu’il aura déjà donné des explications de fond sur des amendements du même type, sera succinct dans ses avis afin d’accélérer les débats.

Considérant que l’audition des ministres a tenu lieu de discussion générale, nous en venons directement à l’examen des articles de la première partie.

Amendement de suppression I-CF556 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous commençons donc à examiner un nouveau budget de brutalité sociale. Il vise prétendument à réduire les déficits ; la réalité, c’est que les budgets macronistes défilent et s’enchaînent, et n’ont d’autre objet que la destruction de nos entreprises et de nos emplois, et l’explosion de la pauvreté. En effet, vous vous acharnez toujours à couper dans les dépenses, alors que vous êtes en train de massacrer nos recettes à grand renfort de cadeaux aux plus riches.

Dans cet article liminaire, on observe que le taux de prélèvements obligatoires est de 43,9 %, soit un taux inférieur de 1,3 point à ce qu’il était en 2017. C’est le résultat de huit ans de cadeaux aux plus riches.

Le véritable problème derrière tout cela, c’est qu’à force de coupes budgétaires vous êtes en train de détruire la croissance. Nous vous avons déjà prévenus, et vous recommencez : soit c’est de l’incompétence, soit vous vous moquez absolument de l’économie de notre pays.

En 2024, votre austérité a représenté plus de 30 milliards d’euros sur l’année. Résultat : une croissance qui passe de 1,4 % à 1 %. Cette année, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) nous prévient : votre budget, c’est 0,8 point de PIB et 0,4 point de pouvoir d’achat en moins, et 1,6 point d’investissement négatif pour les entreprises.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’article liminaire, que vous utilisez pour faire un discours de politique générale, est prévu par la loi. Avis défavorable.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je ne sais pas si notre collègue Le Coq, qui parle de budget austéritaire et de coupes dans les dépenses, était présent la semaine dernière lors de l’audition de Pierre Moscovici, qui a rappelé que l’effort du budget Barnier-Bayrou a reposé à 100 % sur des hausses de fiscalité. Vous verrez également dans cet article liminaire que la dépense publique reste relativement stable, à un niveau beaucoup trop élevé à mon goût – plus de 56 %. Vous pouvez répéter année après année vos éléments de langage en invoquant l’austérité, ce n’est pas la réalité des budgets votés dans cette assemblée.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Puisque vous parlez de Pierre Moscovici, vous devriez relire le rapport du HCFP, qui explique clairement que ces politiques sont en train de miner notre croissance, évoquant « une orientation plus restrictive des finances publiques, qui pèserait donc davantage à court terme sur l’activité ». Pour ce qui est des recettes, vous ne pouvez nier que leur part dans le PIB a baissé de trois points depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article liminaire.

   PREMIÈRE PARTIE : CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

A – Autorisation de perception des impôts et produits

Amendement I-CF1366 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement porte sur le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico). Dans la loi de finances pour 2025, le Dilico 1, qui est un prélèvement sur les collectivités locales, a été considéré comme une recette de l’État, remboursable à 90 % par tiers, et le Dilico 2 figurant dans la loi de finances pour 2026 apparaîtra donc lui aussi comme une recette. L’amendement vise à demander au Gouvernement de préciser quelle est la nature de ce dispositif, qui me semble être plutôt un emprunt forcé et qui ne devrait donc pas figurer en recette du budget général, mais plutôt dans un compte financier.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le Gouvernement n’étant pas présent en commission, je vous suggère de retirer votre amendement et de le présenter à nouveau en séance afin que nous puissions avoir ce débat avec lui. À défaut, avis défavorable.

M. Jean-Didier Berger (DR). Les collectivités sont soumises à beaucoup d'incertitudes, d’insécurité juridique et de zones grises ; il est important pour elles de savoir de quoi on parle exactement. Je soutiens donc cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

B – Mesures fiscales

Amendements identiques I-CF1571 de M. Éric Ciotti et I-CF1792 de M. Guillaume Kasbarian

M. Gérault Verny (UDR). L’amendement I-CF1571 vise à supprimer la prorogation de la CDHR (contribution différentielle sur les hauts revenus). Celle-ci avait été vendue l’année dernière comme un prélèvement exceptionnel ; malheureusement, en France, de nombreux prélèvements exceptionnels sont des maladies qui durent. Ainsi, la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) devait être elle aussi, à l’origine, un prélèvement exceptionnel, en tout cas limité dans le temps ; or cela n’a pas été le cas.

Le tropisme consistant à dire que ce sont les ménages les plus aisés qui doivent surcontribuer relève d’un vrai déni : la réalité objective est que 75 % des recettes fiscales issues des particuliers reposent sur 10 % de la population, les 1 % les plus aisés surcontribuant à hauteur de 70 % par rapport à la moyenne.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, qui était censée être temporaire, est malheureusement prorogée, alors que la France a le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis d’accord avec ces deux interventions, mais, malheureusement, nos moyens ne nous permettent pas de supprimer 1,5 milliard de recettes. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je suis, pour ma part, opposé à ces amendements. Dans la flat tax, ou prélèvement forfaitaire unique (PFU), on trouve 12,8 % de taxation de nature fiscale et 17,2 % de contributions. Or la tranche marginale du barème de l’impôt sur le revenu est de 45 %, et peut même atteindre 49 % dans le cas de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus.

La CDHR était une mesure de justice fiscale et une mesure de bon sens, discutée dans le cadre du projet de loi de finances de Michel Barnier, que nous soutenions. J’ai d’ailleurs déposé un amendement visant à la maintenir tant que la situation financière de la France ne sera pas redevenue acceptable.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1367 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). L’année dernière, on estimait que cette contribution exceptionnelle rapporterait 2 milliards et qu’elle concernait 62 500 familles. Aux dernières nouvelles, les chiffres seraient très inférieurs : la contribution rapporterait entre 1,2 et 1,5 milliard et 24 300 foyers seulement seraient concernés. L’amendement vise à restaurer la cohérence et la portée du dispositif en supprimant l’essentiel des retraitements introduits, qui sont source non seulement de complexité, mais aussi de déperdition du rendement.

Il s’agit donc de retenir, pour le calcul du seuil d’assujettissement, le revenu fiscal de référence, déjà utilisé pour la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, d’exclure la prise en compte des avantages fiscaux liés aux réductions et crédits d’impôt dans le calcul du taux effectif d’imposition, de supprimer les abattements forfaitaires liés à la situation de famille, enfin d’ajuster le mécanisme de décote afin d’éviter des effets de seuil, tout en assurant que la contribution s’applique effectivement à partir de 250 000 euros de RFR pour une personne seule et de 500 000 euros pour un couple.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La pression fiscale est déjà telle qu’il ne faut pas y ajouter ces mesures. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je voterai cet amendement qui, l’année dernière, avait été adopté en commission et rejeté en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF509 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1556 de M. Philippe Brun

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Comme vient de l’expliquer M. Mattei, la CDHR est une très bonne mesure, mais elle manque d’ambition du point de vue de la justice fiscale. L’amendement vise donc à en remonter le taux à 30 %. Le taux actuel de 20 %, appliqué par le gouvernement pour rectifier un recours soutenu aux dispositifs fiscaux dérogatoires, reste trop faible pour assurer une juste contribution des ménages les plus aisés. M. Verny parle de surcontribution, mais je rappelle qu’une personne qui gagne 250 000 euros, si elle est imposée correctement selon le barème, l’est à 37 %. Demander 30 % est donc un minimum.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). La contribution différentielle est bien un mécanisme de justice fiscale, qui vise à corriger les effets de l’optimisation dont profitent les contribuables très aisés afin de garantir que chacun contribue à l’effort collectif à hauteur de ses moyens. L’amendement vise à en fixer le taux à 30 %, qui est celui du prélèvement forfaitaire unique ou de la tranche marginale de l’impôt sur le revenu à partir de 29 000 euros de revenu annuel. Rappelons que la contribution différentielle ne concerne que les très hauts revenus : au delà de 250 000 euros pour une personne seule, soit environ huit fois plus que le seuil d’entrée dans la tranche à 30 %. L’idée est donc simple : que les plus riches ne paient pas moins d’impôts, en proportion, que la majorité des Français. C’est une question d’équité et de cohérence de notre système fiscal.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’augmentation du taux d’imposition minimale de 20 % à 30 % se traduira en moyenne par un triplement de l’imposition des assujettis à la CDHR, ce qui représente 3 milliards d’euros supplémentaires de pression fiscale. Avis défavorable.

M. Gérault Verny (UDR). Il va falloir poser quelques bases : ce que vous appelez justice fiscale est de la spoliation. Il faut entrer dans le détail. Quand on paye l’impôt, on paye des services publics, des prestations. Vous pouvez penser que la société doit être strictement égalitaire, mais c’est une vision purement politique et la justice n’a rien à faire là-dedans. Les personnes les plus aisées contribuent déjà beaucoup plus, en proportion, que les autres. La justice consisterait à baisser la fiscalité générale.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Alors que les gens qui touchent 250 000 euros devraient payer plus de 30 % d’imposition, le taux minimal est de 20 % : ce n’est pas à la hauteur des besoins, d’autant que ce budget – qu’il s’agisse de celui de l’État ou de la sécurité sociale – demande aux gens un effort colossal avec l’année blanche et le gel des prestations sociales, de l’allocation aux adultes handicapés et des pensions de retraite. On pourrait donc demander un effort supplémentaire, mais on se contente de demander aux plus fortunés de payer 30 % d’impôts alors qu’ils devraient normalement en payer davantage. Il nous semble qu’il y a là un point d’équilibre pour faire en sorte que chacun contribue, et peut-être cela pourrait-il laisser respirer les plus modestes.

La commission rejette les amendements.

Amendements I-CF455 de Mme Danielle Simonnet, I-CF344 de Mme Mathilde Feld, I-CF1759 de M. Nicolas Ray et I-CF1501 de M. Jean-Paul Mattei (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (EcoS). Dans la situation où nous a plongés une politique de l’offre que nous contestons, mais dont nous devons prendre acte, il convient de nous doter de recettes. Plutôt que de reconduire d’année en année la CDHR alors que cette situation risque de durer, notre amendement I-CF455 propose de rendre pérenne cette contribution. Cela ne change pas grand-chose puisqu’il suffira, le jour où nous serons revenus à flot, de décider par la loi de ne plus la reconduire. L’amendement vise donc à simplifier la situation et à donner à ceux qui disposent des plus hauts revenus de la visibilité quant à leur contribution à l’effort collectif, sans faire toujours reposer sur les mêmes les efforts fiscaux.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Notre amendement I-CF344 tend à pérenniser la contribution différentielle sur les hauts revenus. Il faut arrêter de faire semblant et de laisser croire aux Françaises et aux Français que les plus riches vont être appelés à contribuer alors qu’ils ont sous la main tous les dispositifs possibles d’évitement fiscal. Le gouvernement nous expliquait ainsi l’année dernière que la CDHR devait rapporter 2 milliards, mais elle a rapporté à peine 1,2 milliard, soit 40 % de moins que prévu, parce que les plus riches diffèrent le versement de leurs revenus d’un an sur l’autre pour éviter de l’acquitter.

Je rappelle en passant à ceux qui versent des larmes de crocodile sur le taux d’imposition des plus riches que celui-ci a baissé : les notes du Trésor nous disent en effet que, ces dernières années, il a diminué de 1 % pour les 10 % les plus riches. Et cette année, alors que le Rassemblement national et la Macronie refusent de les faire payer – c’est le sens du vote que vous venez d’émettre –, vous êtes prêts à ne pas indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu, ce qui ferait entrer dans l’impôt 300 000 personnes aujourd’hui non imposables.

M. Nicolas Ray (DR). Nous reconduisons la CDHR instaurée l’an dernier par Michel Barnier pour contribuer à la réduction de nos déficits. Notre amendement I-CF1501 vise non pas à la pérenniser ad vitam aeternam, mais, dans la logique de la trajectoire de réduction des finances publiques, à la maintenir jusqu’à ce que le déficit repasse au-dessous de 3 %. Il s’agit d’assurer de la stabilité et d’éviter des comportements d’optimisation, certains contribuables pouvant par exemple décaler d’une année la réalisation de certaines opérations, notamment des plus-values mobilières.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Notre amendement est similaire à celui du groupe Droite républicaine.

Si la CDHR a si peu rapporté, c’est parce qu’il n’y a pas eu de rétroactivité des mesures, la loi de finances pour 2025 n’ayant pu s’appliquer sur les revenus de 2024.

Il est normal que la suppression de la CDHR n’intervienne que lorsque nous serons revenus à un taux acceptable de déficit. D’ici là, il est de bonne gestion de maintenir cette contribution, d’ailleurs acceptée par les ménages, qui considèrent qu’ils peuvent contribuer à une hauteur raisonnable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avec les amendements I-CF455 et I-CF344, un impôt exceptionnel deviendrait définitif. Avis défavorable.

Avis favorable, en revanche, à l’amendement I-CF1759, qui vise à limiter la durée de cette contribution le temps d’atteindre l’objectif de 3 % de déficit : cela me semble être la moins mauvaise des solutions.

L’amendement I-CF1501 présente une erreur de plume : il se réfère à l’alinéa 19 au lieu de l’alinéa 18. J’en demande donc le retrait au bénéfice de l’amendement I-CF1759.

M. Daniel Labaronne (EPR). Cet impôt concerne des hommes et des femmes qui investissent, qui créent, qui innovent, qui créent des emplois et participent à l’activité de production. Le pérenniser pénalise l’attractivité et l’investissement productif de notre pays. Je rappelle en outre qu’il rapporte peu sur le plan budgétaire, mais envoie des messages très négatifs pour notre économie en matière de confiance, de crédibilité et d’ambition pour notre pays. La facilité budgétaire ne doit pas tenir lieu de politique économique.

La commission rejette successivement les amendements I-CF455 et ICF344.

Elle adopte l’amendement I-CF1759.

En conséquence, l’amendement I-CF1501 tombe.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Amendement I-CF380 de M. Éric Coquerel

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il a pour objectif de développer en France un principe d’impôt universel ciblé – notamment sur les paradis fiscaux – par un mécanisme de fiscalité limitée étendue tel qu’il existe dans plusieurs pays européens et aux États-Unis. Cette contribution concernerait les plus hauts revenus, puisqu’elle serait assise sur la seule fraction de revenus dépassant cinq fois le plafond de la sécurité sociale, soit plus de 230 000 euros.

Par un jeu de concurrence malsaine, les gouvernements libéraux se sont lancés dans une course au moins-disant fiscal, corollaire au moins-disant social. Nous sommes dans la situation décrite par Tocqueville au sujet de l’Ancien Régime, où l’impôt a pour objet « non d’atteindre les plus capables de le payer, mais les plus incapables de s’en défendre ».

Cet amendement ne fait que reprendre la proposition 3 du rapport de la mission d’information sur l’impôt universel conduite par MM. Coquerel et Mattei en 2019. Une telle disposition permettra de lutter efficacement contre l’exil fiscal, comme prétend vouloir le faire le gouvernement. Plus largement, il s’agit d’une question de justice sociale et de souveraineté : l’équité face à l’impôt et la capacité de la France à lever celui-ci ne peuvent ni ne doivent s’éteindre par le simple moyen d’un changement de résidence fiscale.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement a une portée très limitée, car la France a déjà des conventions fiscales avec la plupart des pays à fiscalité avantageuse. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Il ne s’agit pas du modèle des États-Unis, qui est celui d’un impôt universel total, mais d’une disposition appliquée dans plusieurs pays européens, dont l’Allemagne, comme nous l’avons constaté avec M. Mattei lors de notre mission d’information, et qui cible les pays à fiscalité privilégiée afin d’assurer pendant un certain temps un paiement différentiel pour les personnes dont les revenus laissent à penser que leur départ pourrait être un exil fiscal. La mesure est donc à la fois dissuasive et égalitaire, et elle touche très peu de nos concitoyens à l’étranger, car la plupart ne se trouvent pas dans des pays à fiscalité privilégiée et ne gagnent pas autant que le seuil prévu par l’amendement.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons cet amendement. Pendant des années, on nous a expliqué que l’impôt universel n’était pas possible à cause des conventions ; on nous explique maintenant que les conventions sont restrictives, mais qu’il ne faut quand même pas le voter. Cet amendement n’est pas idéologique et il est pertinent. La priorité nationale, qui ne concerne pas seulement les allocations familiales ou les droits sociaux, apporte des droits, mais implique aussi des devoirs. En toute logique, les plus favorisés n’ont donc pas à se soustraire d’une manière immorale à l’impôt dû à la société française.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1229 de Mme Marie-Pierre Rixain

Mme Marie-Pierre Rixain (EPR). Les femmes sont reconnues comme des sujets politiques et ne sont plus considérées comme incapables sur le plan juridique ou économique, mais elles ne sont toujours pas considérées comme des sujets fiscaux. Le système fiscal français hérité de l’après-guerre repose sur un modèle de solidarité familiale entre conjoints mariés, conçu dans un contexte où le couple mono-actif – composé de l’homme pourvoyeur de ressources et de la femme au foyer – constituait la norme sociale et la référence des politiques publiques. Les inégalités économiques persistantes entre femmes et hommes s’en trouvent accentuées.

Pour corriger ces distorsions et moderniser notre fiscalité, il apparaît nécessaire d’introduire une option d’imposition distincte permettant aux personnes mariées ou pacsées d’individualiser leur impôt sur le revenu si elles le souhaitent. Une telle mesure renforcerait l’équité fiscale et inciterait les femmes à intégrer le marché du travail, tout en dégageant des recettes supplémentaires pour l’État : selon les simulations publiées dans la revue Économie et Statistique de l’Insee, une individualisation complète de l’impôt sur le revenu se traduirait par un gain de recettes fiscales de 7 milliards d’euros par an.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les couples peuvent déjà choisir d’individualiser leur taux, ce qui permet d’éviter les effets que vous décrivez. Depuis 2025, l’individualisation du prélèvement à la source est d’ailleurs activée par défaut. Vous proposez une refondation du système ; l’idée est loin d’être inintéressante, mais en décider au détour d’un amendement me paraît peu opérationnel. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF330 de M. Arnaud Bonnet

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Nous proposons de supprimer le rattachement au foyer fiscal des personnes de plus de 21 ans poursuivant des études.

La demi-part fiscale correspondante profite essentiellement aux foyers les plus aisés. Dans la situation où un jeune majeur poursuit des études, les familles les plus précaires ont un système d’aides sociales très insuffisant tandis que les familles les plus aisées bénéficient d’un abattement d’impôt important ; au milieu se trouvent les classes moyennes, ni assez pauvres pour toucher les aides sociales ni assez riches pour bénéficier pleinement de la demi-part fiscale supplémentaire. À l’heure où les inégalités sociales jouent un rôle de plus en plus déterminant dans l’accès à l’enseignement supérieur et dans la réussite des étudiants, nous proposons de supprimer le bénéfice de cette demi-part et de réorienter les fonds ainsi obtenus vers le système d’aides sociales.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Adopter votre amendement conduirait à augmenter les impôts de tous les parents qui accompagnent leur enfant. Je ne pense pas que ce soit ainsi qu’on garantisse la justice fiscale. Je suis défavorable à cette disposition, qui se traduirait par la disparition de la solidarité intrafamiliale.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous nous opposerons évidemment à cet amendement. Après avoir multiplié les incantations contre les super-riches, contre lesquels vous ne proposez finalement rien d’efficace, voilà que vous prétendez faire peser les impôts sur les classes moyennes et les classes moyennes supérieures au nom de la lutte contre la famille. À lire votre exposé sommaire, le fait de soutenir les enfants qui font des études maintiendrait ces derniers dans une « minorité sociale ». Vivre avec sa famille parce qu’on n’a pas la possibilité de prendre un appartement dans une grande ville n’est pourtant ni une punition ni un phénomène contre lequel il faudrait lutter. Si vous en êtes toujours à opposer émancipation individuelle et bonheur familial, c’est absolument désespérant.

Ce n’est pas punir les jeunes que de les aider quand ils ont la chance de faire des études et quand leurs parents se saignent pour les leur payer ; au contraire, c’est un privilège qu’on leur offre. Les étudiants concernés en ont d’ailleurs bien conscience. Il est regrettable qu’on ne puisse pas en dire de même des députés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1645 de M. Joël Bruneau

M. Michel Castellani (LIOT). Il s’agit d’encourager l’emploi des personnes retraitées en instaurant une défiscalisation totale des revenus d’activité professionnelle perçus dans le cadre du cumul emploi-retraite, dans la limite du Smic. L’objectif est d’encourager le retour ou le maintien en activité de personnes retraitées qui souhaitent conserver leur niveau de vie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement est intéressant. L’Allemagne s’apprête d’ailleurs à créer une exonération d’impôt visant le même objectif : les retraités pourront gagner jusqu’à 2 000 euros par mois net d’impôt en plus de leur pension.

Le modèle est bon, mais le dispositif que vous proposez, dans lequel le plafond est fixé au Smic, risque de créer un effet d’aubaine : des salariés de 64 ou 65 ans touchant le Smic pourraient avoir intérêt à partir pour en bénéficier. Je suis prêt à ce que nous le retravaillions d’ici à la séance. En attendant, j’émets un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1224 de Mme Marie-Pierre Rixain

Mme Marie-Pierre Rixain (EPR). Il s’agit ici de prendre en compte les violences économiques qui perdurent après la séparation du couple. La fiscalité applicable aux prestations compensatoires diffère selon la date de leur versement : si la pension est acquittée dans un délai de douze mois suivant le jugement de divorce, celui qui la verse bénéficie d’une réduction fiscale ; si elle est payée en plusieurs versements pendant une période supérieure à douze mois, la personne qui perçoit les sommes – dans 82 % des cas, une femme – est imposée. Cette réglementation est absolument inique, d’autant que la date de versement est laissée à la discrétion du débiteur.

Un amendement similaire à celui-ci avait été adopté dans le budget de l’année dernière.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez de supprimer la défiscalisation dont bénéficie le débiteur et de défiscaliser les versements perçus par le bénéficiaire.

Le traitement fiscal des prestations compensatoires est cohérent avec celui des pensions alimentaires. Il me semble préférable de conserver cette lisibilité. En outre, le système en vigueur incite au versement des pensions. Il est par ailleurs logique que ce revenu supplémentaire soit fiscalisé pour les ménages imposables – seuls 20 % d’entre eux le perçoivent. Enfin, les pensions se voient déjà appliquer un abattement de 10 %. Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre Rixain (EPR). Cette prestation n’est pas un revenu supplémentaire, mais une indemnité visant à compenser les inégalités de revenu liées à la vie conjugale.

M. Charles de Courson (LIOT). Nous avons examiné des amendements similaires à plusieurs reprises. La mesure n’étant assortie d’aucun plafond, des personnes pourraient percevoir des pensions très élevées sans payer aucun impôt, ce qui poserait un problème d’équité.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF802 de Mme Sophia Chikirou, I-CF1226 de Mme MariePierre Rixain, I-CF1079 de M. Philippe Brun et I-CF872 de Mme Manon Bouquin (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous proposons de défiscaliser les pensions alimentaires versées pour les enfants mineurs ou les enfants majeurs de moins de 25 ans qui poursuivent des études ou une formation professionnelle. Il s’agit d’améliorer la redistribution et de mettre fin aux inégalités fiscales dont les femmes et les familles monoparentales sont les premières à souffrir. Rappelons en effet que les pensions versées par les pères s’élèvent en moyenne à 190 euros mensuels alors que l’éducation d’un enfant coûte 625 euros par mois.

De fait, 41 % des enfants vivant dans une famille monoparentale – où le parent est une femme dans 82 % des cas – sont sous le seuil de pauvreté. La fiscalité en vigueur aggrave la situation et précarise ces familles en faisant de la pension alimentaire un revenu imposable pour les mères et une niche fiscale pour les pères.

Cet amendement serait une réelle mesure de justice pour les femmes. Son impact budgétaire serait bien faible en comparaison.

Mme Marie-Pierre Rixain (EPR). Une étude de l’Ined (Institut national d’études démographiques) et de France Stratégie montre qu’après une séparation, le niveau de vie des mères chute de 25 % en moyenne la première année, quand celui des pères baisse de 11 %. Cette différence s’explique notamment par la fiscalisation des pensions alimentaires. Ces dernières ne sauraient être considérées comme un revenu au bénéfice des mères : c’est une contribution solidaire du père à l’éducation de ses enfants. Leur fiscalisation affecte d’abord ces derniers, mais aussi les mères, qui s’appauvrissent pour la contrebalancer.

M. Philippe Brun (SOC). À l’unisson de nos collègues, nous proposons, comme nous le faisons depuis 2022, de défiscaliser les pensions alimentaires. L’Assemblée nationale avait d’ailleurs adopté une disposition similaire dans le dernier budget ainsi que dans le cadre de la proposition de loi défendue par notre ancienne collègue Aude Luquet en 2022.

Contrairement aux précédents, l’amendement I-CF1079 prévoit des garde‑fous : pour le parent qui reçoit la pension, le montant défiscalisé serait plafonné ; pour l’autre, les montants versés seraient fiscalisés, mais, en contrepartie, il bénéficierait d’une demi-part fiscale supplémentaire par enfant. Personne ne serait donc perdant : l’effet serait légèrement excédentaire pour les finances publiques, mais neutre fiscalement pour chacun des parents. La pension alimentaire cesserait ainsi d’être une source de conflit.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Encore une fois, le système actuel incite au versement des pensions, qui constituent bien un revenu supplémentaire et font déjà l’objet d’un abattement de 10 %. En outre, le parent qui a la garde de l’enfant bénéficie déjà d’un avantage fiscal – sous la forme d’une demi-part de quotient familial supplémentaire.

S’agissant plus particulièrement de l’amendement I-CF1079, permettre au parent débiteur de bénéficier d’une demi-part supplémentaire alors qu’il n’a pas d’enfant à charge déséquilibrerait son quotient familial.

Enfin, l’amendement I-CF872 vise à supprimer la défiscalisation dont bénéficie le débiteur qui verse une pension alimentaire vers un pays étranger. Cela reviendrait à pénaliser ce dernier au motif que l’autre parent a décidé de quitter le territoire national, c’est-à-dire pour un choix qu’il n’a pas fait.

Avis défavorable à l’ensemble des amendements.

Mme Anna Pic (SOC). S’agissant de la demi-part supplémentaire dont bénéficie le parent chez qui l’enfant réside, rappelons qu’une pension alimentaire peut être versée même en cas de résidence alternée si les inégalités de revenu entre les deux parents le justifient. De ce point de vue, il paraît normal de défiscaliser ces versements.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Je regrette que la proposition de loi du groupe Modem que nous avions adoptée en 2022 ne soit toujours pas appliquée. Cela nous contraint à revenir sur le sujet chaque année, alors qu’il est évident que nul ne devrait avoir à payer des impôts sur les pensions alimentaires, qui ne sont pas un revenu, mais une somme versée pour élever l’enfant et contribuer aux dépenses dont les parents ont la charge.

La commission rejette successivement les amendements I-CF802 et ICF1226.

Elle adopte l’amendement I-CF1079 et rejette l’amendement I-CF872.

Amendement I-CF1670 de Mme Olivia Grégoire

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis favorable à cet amendement, qui vise à encourager l’actionnariat salarié.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF356 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Comme chaque année, nous proposons – malgré le tombereau d’injures que le système parisien ne manquera pas de nous adresser – de supprimer la niche fiscale dont bénéficient les journalistes. Cette niche, qui revient à faire payer les contribuables pour compenser le niveau indigne des salaires pratiqués dans le milieu de la presse et des médias, est systématiquement maintenue alors qu’elle n’a plus aucune raison d’être. Pire, ceux qui la défendent cautionnent le fait de ne pas verser aux journalistes et aux employés du secteur les salaires qu’ils méritent et d’en reporter le coût sur l’État. Si cette niche s’appliquait à toutes les professions de France, on n’ose imaginer la situation des finances publiques ! Mais comme elle concerne les médias et étant donné que tous ceux qui cherchent à se faire connaître ont besoin des journalistes, il est compliqué de s’y opposer.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Vous allez rire : j’avais déposé un amendement similaire il y a trente et un ans. Les syndicats de journalistes m’avaient alors expliqué que cet avantage fiscal compensait des salaires bas. Je comprends que vous souhaitiez supprimer cette disposition malsaine, mais la situation de la presse n’est pas florissante, c’est le moins que l’on puisse dire. Il ne faut pas voter cet amendement, il faut mettre les personnes concernées autour de la table pour résoudre le problème.

M. Gérault Verny (UDR). Les journalistes, contrairement aux salariés de l’industrie, ne sont pas en concurrence avec l’étranger – la France perd, me semble-t-il, beaucoup plus d’emplois industriels que de journalistes. Alors pourquoi ne pas être généreux et accorder des niches fiscales à toutes les professions en souffrance ? Soyons sérieux : ce n’est pas possible.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1734 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Le plafond en deçà duquel les journalistes bénéficient de la niche fiscale est fixé à 93 510 euros. Je propose de l’abaisser à 75 676 euros – c’est plus nuancé que l’amendement de M. Tanguy. À l’heure où l’on demande à chacun des efforts et où l’on cherche à faire des économies, cela me semble opportun.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’y serai favorable le jour où nous nous attaquerons à l’ensemble des niches. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Personnellement, je suis favorable à ce que nous examinions aussi celles dont bénéficient les grandes entreprises. Nous verrons alors quel est le vote de chacun.

M. Gérault Verny (UDR). Il s’agit d’une toute petite avancée : c’est mieux que rien. Je voterai donc l’amendement. Je ne comprends pas la position de la gauche sur ce point : vous ne pouvez pas défendre tout et son contraire.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons contre cet amendement : nous ne voudrions pas nourrir l’impression – qui serait abondamment relayée par les journalistes qui en bénéficient – qu’on a fait quelque chose contre cette niche. Il est hors de question de cautionner le maintien de cet avantage inadmissible et pervers pour la démocratie. Sur les réseaux sociaux comme sur le terrain, les gens haïssent cette niche fiscale, qu’ils voient comme un privilège parce qu’ils considèrent, à tort ou à raison, que les hommes politiques et les journalistes sont souvent de mèche et que cette niche ne subsiste qu’en vertu du pouvoir que les seconds exerceraient sur le fonctionnement démocratique – alors que ce pouvoir n’est même pas réel.

Ceux-là mêmes qui passent leur temps à pousser des cris d’orfraie et à dénoncer les milliardaires qui détiennent les médias – « Bolloré ! Fascistes ! »  leur accordent une niche fiscale pour leur permettre de ne pas payer leurs salariés. Avec des ennemis pareils, les grands méchants milliardaires ont de beaux jours devant eux !

M. Denis Masséglia (EPR). Je ne comprends pas la position radicale du Rassemblement national, qui dit vouloir supprimer la niche, mais refuse une solution équilibrée et juste qui permettrait de continuer à accompagner les journalistes en difficulté tout en demandant un effort aux plus hauts revenus.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF357 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Autre niche parfaitement inacceptable : celle dont bénéficient les conseillers régionaux. Il est tout à fait normal d’avoir prévu un dispositif pour les élus ruraux, qui engagent beaucoup de frais alors qu’ils perçoivent de très faibles indemnités ; en revanche, garantir un avantage fiscal à des conseillers régionaux – j’en fais partie – qui touchent 2 000 euros pour deux à trois réunions par mois ne me paraît pas nécessaire, d’autant que leurs frais sont presque systématiquement remboursés. Voilà trois ans que cet amendement est repoussé en séance après avoir été parfois adopté en commission : visiblement, certains partis politiques représentés au Parlement ont à cœur de défendre l’avantage fiscal de leurs élus régionaux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’objectif de l’abattement général est d’inciter les Français à assumer des mandats électifs locaux – ou au moins de ne pas les en décourager. Nous avons déjà du mal à trouver des candidats. Je suis donc plutôt défavorable à cette disposition.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ne faites pas semblant de ne pas m’avoir entendu. L’avantage serait maintenu pour les élus ruraux, qui engagent des frais tout en percevant des indemnités faibles, voire nulles. Mais ne dites pas qu’il est difficile de recruter des conseillers régionaux : vous le savez très bien pour avoir siégé dans divers partis, il y a toujours du monde au portillon, d’autant qu’ils sont élus au scrutin proportionnel et que tous ne s’épuisent pas au travail. François Mitterrand, en créant ce mandat, avait d’ailleurs expliqué qu’il permettrait de préparer les municipales. Pour une fois qu’il disait la vérité, écoutez-le !

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF359 de M. Matthias Renault

M. Matthias Renault (RN). Comme nous l’avions fait dans le cadre d’une niche parlementaire, nous proposons de modifier le régime fiscal relatif au cumul emploi-retraite tel qu’il s’applique aux médecins et aux infirmières.

Alors que la population de médecins décroît d’environ 1 % par an, les exonérer d’impôt sur le revenu de façon temporaire, le temps de desserrer le numerus apertus, constituerait une mesure alternative à l’affectation obligatoire dans les zones rurales sous-dotées.

Quant aux infirmières, bien qu’elles soient soumises à un régime d’installation obligatoire et qu’elles recourent au cumul emploi-retraite de façon beaucoup plus marginale, leur accorder la même exonération serait une façon de reconnaître leur travail et de ne pas créer une inégalité de traitement entre les deux corporations.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 exonère déjà de cotisations vieillesse les médecins en cumul emploi-retraite qui s’installent dans des zones sous-dotées. Attendons déjà de connaître les effets de ce dispositif.

Je suis plutôt favorable à la philosophie de votre mesure, mais je crains qu’elle n’entraîne des effets d’aubaine, qui ne sont pas encadrés par votre amendement. Je vous suggère donc de le retravailler. En attendant, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1764 de M. Laurent Wauquiez

M. Corentin Le Fur (DR). Nous proposons de défiscaliser totalement les heures supplémentaires en supprimant le plafond de 7 500 euros. Nous sommes très attachés à cette mesure, qui marque notre volonté de défendre la France qui travaille et dont le corollaire sera la suppression, dans le PLFSS, des cotisations sociales applicables à ces mêmes heures supplémentaires, afin d’inciter davantage d’entreprises à en proposer à leurs salariés. Il en résultera un gain de pouvoir d’achat pour tous ceux qui travaillent, en particulier les ouvriers.

En revanche, un amendement visant à exclure les heures supplémentaires du revenu fiscal de référence, auquel nous tenions encore plus, a été déclaré irrecevable – ce qui m’étonne beaucoup, car il avait été jugé recevable l’an dernier. Or il arrive souvent que des personnes très modestes, donc non soumises à l’impôt sur le revenu, qui voient leur revenu fiscal de référence augmenter de quelques centaines d’euros après avoir fait des heures supplémentaires se trouvent privées de diverses prestations comme les aides pour la crèche ou les bourses pour les études. Cela nous semble très injuste. C’est l’illustration même de la logique du « travailler plus pour payer plus », dont nous voulons sortir pour revenir au « travailler plus pour gagner plus ».

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement avait été présenté dans le cadre d’une proposition de loi qui était gagée, ce qui est indispensable dans la mesure où il créerait une charge – puisqu’il conduirait à verser des prestations sociales supplémentaires. Je me pencherai néanmoins sur le point que vous signalez.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les problèmes budgétaires du pays proviennent non seulement d’un excès de dépenses, dont certaines sont probablement mal ciblées, mais aussi d’une trop faible production de richesse. Une des manières de nous sortir des difficultés dans lesquelles nous nous trouvons consiste donc à encourager le travail. La défiscalisation des heures supplémentaires bénéficierait avant tout aux classes moyennes : il s’agit d’une mesure de soutien au pouvoir d’achat des travailleurs et à la production en France. Avis favorable.

M. le président Éric Coquerel. Personnellement, je souhaite qu’on valorise le travail en payant mieux les salariés. Plutôt que de revoir le partage de la valeur ajoutée en ce sens, vous proposez que l’État se prive de recettes.

Étant favorable à ce que les salariés soient mieux payés, je ne souhaite pas non plus qu’ils aient besoin de faire des heures supplémentaires pour améliorer leurs fins de mois. Je préfère très nettement une société qui paye mieux et qui embauche quand il y a davantage de travail, afin que moins de personnes soient au chômage.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Ayant voté deux fois pour Nicolas Sarkozy, je partage la philosophie de cet amendement, mais je demande à nos collègues de clarifier son coût pour les finances publiques. Cette donnée déterminera notre vote.

M. Corentin Le Fur (DR). J’entends votre explication quant à l’amendement que j’évoquais, monsieur le président, mais je crois me souvenir l’avoir aussi déposé lors de l’examen du dernier budget. Je vérifierai ce point.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). J’avoue que je ne m’attendais pas à ce que Nicolas Sarkozy ressurgisse dans nos débats. Je vais vous dire combien coûterait la défiscalisation des heures supplémentaires, cher collègue : des millions de chômeurs supplémentaires. Alors que le chômage explose – il atteindra sans doute 8,5 % l’année prochaine, d’après l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) –, plutôt que de partager le travail pour que tout le monde puisse travailler mieux, dignement et en étant bien payé, vous voulez généraliser un travail précarisé et mal payé, obligeant les salariés à sacrifier leurs soirées et à faire des heures supplémentaires pour subvenir à leurs besoins, pendant que tant d’autres ne trouvent pas de boulot ! Je ne crois pas que ce soit une solution vertueuse.

Depuis qu’Emmanuel Macron est là, la France a atteint le cap des 100 milliards de dividendes versés par an, tandis que les salaires ont baissé de 3 % compte tenu de l’inflation. S’il y a de l’argent à dépenser, c’est pour mieux payer les salariés et embaucher davantage, pas pour faire augmenter le chômage.

M. Jean-Didier Berger (DR). Il faut envoyer des signaux forts à ceux qui travaillent. L’une des façons de le faire est de les encourager par une moindre fiscalité. La défiscalisation incitera les salariés à faire des heures supplémentaires. Elle ne représente donc pas un coût pour les finances publiques, mais un gain de richesse pour le pays.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF262 de M. Corentin Le Fur

M. Corentin Le Fur (DR). Je propose d’exonérer d’impôt sur le revenu les indemnités de départ à la retraite. Dans ma circonscription ouvrière, les salariés touchent de petits salaires et, quand vient l’heure de la retraite, subissent une très forte perte de pouvoir d’achat. L’indemnité apporte alors un peu de beurre dans les épinards. Surtout, elle récompense la fidélité de ceux qui sont restés vingt, trente, voire quarante ans dans la même entreprise. Sa fiscalisation est donc très mal vécue.

Il s’agit de défendre le pouvoir d’achat de la France qui travaille, de ceux qui touchent de petits salaires et de petites retraites et pour qui cette indemnité compte.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je partage l’objectif général – et généreux – de mon collègue. Malheureusement, je ne connais pas le coût de cette mesure. Je crains aussi un effet de bord qui favoriserait les départs anticipés. Je préfère donc donner un avis défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Nous nous sommes fixé pour objectif de réduire le déficit de 0,8 point de PIB, ce qui représente un effort colossal. Nous ne pouvons donc pas commencer l’examen de ce budget en créant de nouvelles niches et en accordant de nouveaux cadeaux fiscaux, ou alors de façon très marginale. En l’occurrence, nul ne sait, effectivement, combien une telle mesure coûterait.

Cher collègue, vous ne récompensez pas ici la France qui travaille, mais la France qui s’arrête de travailler.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1819 de M. Mikaele Seo

M. Paul Midy (EPR). Cet amendement vise à rétablir l’égalité fiscale entre les marins français embarqués sur des navires immatriculés au registre de Mata’Utu, à Wallis-et-Futuna, et ceux inscrits au registre international français.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sauf erreur de ma part, la fiscalité sur le revenu ne s’applique pas à Wallis-et-Futuna. L’amendement est donc satisfait. Par ailleurs, la fixation des impôts, leur assiette et leur taux relèvent de la seule compétence de l’assemblée territoriale : ils doivent être réglés au niveau local. Avis défavorable.

M. Paul Midy (EPR). Je propose néanmoins que nous adoptions l’amendement, pour être certains qu’il est satisfait.

M. Charles de Courson (LIOT). Ce que dit le rapporteur général est parfaitement exact : la Polynésie française et Wallis-et-Futuna sont les derniers territoires français à ne pas appliquer d’impôt sur le revenu. Vouloir exonérer les contribuables d’un impôt qui n’existe pas n’a pas de sens.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement I-CF264 de M. Corentin Le Fur est retiré.

Amendement I-CF658 de Mme Mathilde Feld

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Les Français ne sont pas égaux devant l’impôt : le Français moyen subira la désindexation du barème de l’impôt sur le revenu cette année quand d’autres ont tous les outils pour éviter la fiscalisation de leurs revenus. On estime que les milliardaires payent environ 2 % d’impôt effectif, un taux absolument ridicule.

Parmi les instruments à leur disposition pour opérer cet évitement, les holdings leur permettent d’organiser leur insolvabilité fiscale. Mis bout à bout, les mécanismes d’évasion fiscale coûtent chaque année 80 à 100 milliards aux finances publiques. Le Gouvernement semble découvrir le problème cette année ; nous y reviendrons lors de l’examen de la taxe passoire que présente l’article 3 – la liste des motifs d’exonération s’étale sur des pages et des pages.

Nous proposons, quant à nous, de soumettre au barème de l’impôt sur le revenu les montants versés à des holdings, ce qui permettra d’imposer une partie des revenus du capital des milliardaires. Ce serait un premier pas vers la justice fiscale qu’une écrasante majorité de Français demandent.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En vertu du régime mère-fille, au delà de 5 %, les dividendes versés par une filiale à sa société mère sont exonérés d’impôt.

Votre amendement ne produirait pas de recettes, puisque le dispositif ne serait pas appliqué par les tribunaux administratifs aux filiales européennes. De plus, il serait probablement censuré par le Conseil constitutionnel.

Enfin, s’il était adopté, il entraînerait une triple taxation : l’impôt sur les sociétés, à hauteur de 25 % sur les bénéfices ; le PFU, à hauteur de 30 %, si la holding verse des dividendes à ses actionnaires ; et l’impôt sur le revenu, à hauteur de 45 %, que vous voulez ajouter sur les dividendes distribués par une filiale à sa holding financière.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1290 de M. Philippe Lottiaux.

Amendements identiques I-CF1518 de M. Emmanuel Mandon et I-CF1525 de M. Paul Midy

M. Emmanuel Mandon (Dem). Les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) sont des instruments financiers créés pour encourager les salariés et les dirigeants de start-up à entrer au capital de l’entreprise et à y rester. En pratique, ce sont des bons d’achat accordés à des salariés ou à des dirigeants d’entreprise.

L’article 92 de la loi de finances pour 2025 a modifié le régime fiscal applicable aux BSPCE, ce qui pourrait avoir des conséquences non négligeables sur l’attractivité du dispositif.

C’est pourquoi cet amendement vise à améliorer le régime existant en prévoyant que, quelles que soient les situations, l’impôt sera dû au plus tard au titre de la dixième année qui suit l’année au cours de laquelle l’opération de réorganisation de l’actionnariat est intervenue.

M. Paul Midy (EPR). Les BSPCE sont des outils de partage de la valeur pour les salariés des entreprises innovantes. En pariant sur leur succès à venir, les entreprises n’ayant pas les moyens de verser d’importants salaires peuvent ainsi plus facilement recruter des collaborateurs talentueux.

Nous devons soutenir ce dispositif et continuer de le moderniser. L’amendement vise à corriger un problème créé par le budget de l’an dernier : dans certains cas, les salariés ayant bénéficié de BSCPE se retrouvent à payer des impôts avant même d’avoir perçu quoi que ce soit.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements visent à assouplir un régime fiscal qui permet, sous conditions, de soumettre des gains salariaux au PFU.

Nous avons besoin de retrouver une certaine stabilité avant d’envisager d’assouplir à nouveau un régime fiscal déjà dérogatoire. Avis défavorable.

M. Paul Midy (EPR). Nous proposons une modification, certes, mais pour plus de précision, donc plus de stabilité ; de plus, elle ne coûterait rien aux finances publiques.

M. Gérault Verny (UDR). J’invite nos collègues de gauche, qui défendent la création de la taxe Zucman, à prêter attention à cet amendement – que je soutiens – favorable à l’actionnariat salarié.

Une entreprise a la possibilité de donner – j’insiste sur ce mot – des actions à ses collaborateurs, mais il peut en résulter une augmentation de leur imposition, à moins qu’ils recourent aux dispositifs complexes prévus à l’article 150-0 B ter du code général des impôts.

Adopter cet amendement permettrait de simplifier le dispositif des BSPCE et d’inciter les entreprises à distribuer gratuitement des actions à leurs collaborateurs.

La commission adopte les amendements identiques.

Amendement I-CF1495 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Il vise à adapter le régime des BSPCE à la maturité de notre système d’innovation en diminuant de 25 % à 15 % le taux minimal de capital détenu par des personnes physiques – c’est-à-dire les entrepreneurs euxmêmes.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis favorable à cette mesure qui encourage l’actionnariat salarié.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1489 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Il vise à repousser à vingt ans l’âge des entreprises concernées par le régime des BSPCE, afin que les pépites françaises créées au début des années 2010 – les licornes, désormais adolescentes – continuent d’en bénéficier.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendements identiques I-CF355 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF453 de Mme Claire Marais-Beuil

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Le taux de fécondité, en baisse, s’établit désormais à 1,62 enfant par femme.

Cet amendement vise à accorder une part fiscale pleine dès le deuxième enfant afin de mieux prendre en considération la composition familiale des foyers fiscaux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’aimerais donner un avis favorable à cet amendement, mais son application coûterait 3,5 milliards. Avis défavorable.

M. Denis Masséglia (EPR). Je remercie M. le rapporteur général de rappeler le coût de l’application de cette mesure et j’appelle chacun et chacune à veiller à ce que les amendements déposés contribuent à la maîtrise de la dette et à la recherche d’économies.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il est intéressant de voir la façon dont chacun souhaite faire des économies : peut-être considérez-vous qu’un pays sans enfant a un avenir ?

Le groupe Rassemblement national estime qu’une politique nataliste est un investissement pour l’avenir. À cet égard, la politique menée pendant le quinquennat du président François Hollande en matière de natalité a été un carnage pour les classes moyennes. De nombreuses enquêtes montrent que les familles voudraient avoir plus d’enfants, mais qu’elles en sont empêchées par des contraintes économiques.

Il est assez éclairant de constater que dès qu’il est question des familles de la classe moyenne, un brouhaha insupportable envahit notre commission : manifestement, la liberté des familles d’avoir des enfants demeure un sujet tabou, qui dérange les tenants d’une idéologie qui voudrait déterminer qui a le droit d’avoir des enfants et qui n’en a pas le droit.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF507 de M. Frédéric Weber

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Un milliard ! Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ce n’est pas un argument ! Sinon, les mesures favorables à la compétitivité ou la justice fiscale, que vous défendez, devraient pareillement être rejetées. Une mesure est soit justifiée sur le fond, soit injustifiée, mais vous ne pouvez pas vous en tenir à cette réponse.

Cet amendement vise à rétablir la demi-part fiscale des veufs et des veuves. Cette mesure était l’une des principales promesses de l’UMP, puis des Républicains ; j’en ai assez que certains conservent leur siège grâce à des promesses électorales qu’ils saccagent ensuite en commission.

M. Jean-Didier Berger (DR). Je suis favorable à l’objectif défendu, mais opposé à l’amendement.

C’est formidable d’avoir des bonnes intentions, mais lorsque nous proposons la diminution de certaines dépenses publiques, notamment la maîtrise de la masse salariale de l’État en réduisant le nombre d’agents, vous rétorquez que c’est « un truc de droite », comme dirait Marine Le Pen.

Commencez par mettre de l’ordre dans vos idées avant de déposer de tels amendements !

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF452 de Mme Claire Marais-Beuil

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Il vise à abaisser à 65 ans le seuil d’âge à partir duquel les veuves et veufs de guerre bénéficient d’une demi-part fiscale supplémentaire. En 2018, ce seuil avait été abaissé de 75 à 74 ans.

Cette mesure est une forme de reconnaissance de la Nation pour services rendus et l’application de cet amendement serait une juste compensation.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Même avis que pour l’amendement précédent, pour les mêmes raisons : le coût de cette mesure fiscale s’élève déjà à 475 millions et celui de l’amendement est estimé à 450 millions. Il n’est pas question ici de morale, mais de budget.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Je note que vous conservez la niche fiscale des journalistes, mais que les mesures favorables aux veuves et aux veufs de guerre vous paraissent trop coûteuses.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF374 de M. Éric Coquerel

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il vise à modifier le barème de l’impôt sur le revenu, qui est régressif, en créant quatorze tranches.

Les prélèvements proportionnels, comme les cotisations sociales ou la CSG, pèsent très peu sur les revenus du capital et les hauts salaires, et bien plus sur les moyens et bas salaires – il en va de même de la TVA.

Le barème actuel compte cinq tranches ; il est inadapté à une véritable progressivité de l’impôt sur le revenu, en particulier lorsque le taux marginal passe brutalement de 11 % à 30 % à partir de 29 315 euros de revenus. Créer quatorze tranches rendrait l’impôt beaucoup plus progressif.

L’application de cette réforme permettrait de dégager la coquette somme de 5,2 milliards de recettes supplémentaires. Pour la finaliser, nous proposons d’adopter parallèlement la progressivité de la CSG.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Rappelons tout d’abord que l’impôt sur le revenu ne concerne que 45 % des ménages.

Vous voulez créer quatorze tranches, dont le taux marginal varierait de 0 % pour la première à 70 % pour la dernière. En cumulant l’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux, la contribution exceptionnelle et d’autres prélèvements, le taux marginal d’imposition de la plus haute tranche s’établirait à 91 % : cela s’apparente à un taux confiscatoire.

Avis défavorable à cette mesure déraisonnable. Non seulement elle est confiscatoire, mais elle contribuerait à désinciter au travail.

M. le président Éric Coquerel. Certains d’entre vous souhaitent diminuer les dépenses, mais il est tout à fait possible d’augmenter les recettes.

Cet amendement vise à rétablir les quatorze tranches qui existaient en 1981. Un tel barème serait plus équitable, en particulier pour les classes moyennes : les tranches inférieures à 4 000 euros de revenus seraient gagnantes.

Permettez-moi de rappeler une information utile : le taux d’imposition de 70 % ne concernerait pas l’ensemble des revenus des contribuables concernés, mais uniquement la part des revenus dépassant le plancher de la dernière tranche.

Enfin, rappelons que le président Roosevelt avait davantage imposé les très riches contribuables américains lors d’une crise qui rappelle un peu celle que nous vivons.

M. Jean-Didier Berger (DR). Nous sommes opposés à cet amendement, dont on pourrait traduire la teneur par « travailler plus pour gagner moins ». De plus, il serait évidemment considéré comme anticonstitutionnel, à l’instar de la proposition de François Hollande de taxer les plus riches à 75 %. Il est temps de revenir à des mesures plus raisonnables.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Pourquoi cet amendement n’est-il pas examiné dans la discussion commune qui suit ?

M. le président Éric Coquerel. Parce que celui-ci écrase le barème alors que les autres proposent de le modifier.

M. Gérault Verny (UDR). Je ne suis pas foncièrement opposé à l’augmentation du taux d’imposition sur le revenu, à condition que le système fiscal soit entièrement revu.

La Suisse taxe beaucoup plus lourdement que la France les hauts revenus, mais beaucoup moins les entreprises. Dans un système qui permet aux entreprises de créer de la richesse et d’en redistribuer une part, il est admis que les personnes physiques contribuent davantage. Malheureusement, la France étant le pays le plus fiscalisé au monde et ses entreprises étant exsangues, y augmenter la fiscalité ne fera que diminuer les recettes – cela nous est démontré depuis des années.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je vous invite à relire l’amendement : il n’est pas question d’augmenter l’impôt sur le revenu, mais d’en revoir entièrement le barème pour aboutir à une redistribution correcte et mettre fin à un système régressif. Il s’agit de faire en sorte que les personnes imposables paient proportionnellement à ce qu’elles gagnent.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1314 de M. Arnaud Bonnet, I-CF1187 de M. Emmanuel Maurel, ICF1763 de M. Laurent Wauquiez, I-CF358 de M. Jean-Philippe Tanguy, I-CF1305 de M. Tristan Lahais, I-CF605 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1646 et ICF1647 de M. Christophe Naegelen, I-CF347 de Mme Claire Lejeune, I-CF1648 de M. Christophe Naegelen et I-CF1372 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Plus de 80 % des contribuables ont un taux marginal d’imposition qui les place dans les deux premières tranches alors que la dernière tranche ne concerne que 0,2 % des foyers fiscaux.

L’impôt sur le revenu doit être plus progressif afin de garantir une véritable justice fiscale. À cet effet, cet amendement vise à augmenter le taux d’imposition des deux dernières tranches et à créer une nouvelle tranche à 60 % pour les revenus supérieurs à 250 000 euros annuels.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Nous partageons le constat de l’insuffisante progressivité de l’impôt sur le revenu.

L’amendement I-CF1187 vise essentiellement à faire un sort à la troisième tranche, dont le taux d’imposition est de 30 % et qui concerne les Français déclarant entre 29 000 et 83 000 euros de revenus annuels. Cette méga-tranche pose un énorme problème de progressivité : d’après l’Insee, 80 % de nos concitoyens ont un revenu annuel inférieur à 37 000 euros. Il s’agit donc de soulager la grande majorité des Français tout en améliorant la progressivité de l’impôt pour 20 % d’entre eux : il n’y a là rien de confiscatoire.

De plus, l’adoption de cet amendement accroîtrait significativement le rendement de l’impôt sur le revenu.

M. Nicolas Ray (DR). L’amendement I-CF1763 vise à indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation, comme chaque année – donc à le revaloriser de 1,1 %.

La non-revalorisation du barème produirait 1,9 milliard de recettes supplémentaires, ce qui s’apparenterait à une hausse déguisée d’impôts pesant sur les Français qui travaillent. Elle créerait en outre 200 000 foyers fiscaux nouveaux et, plus généralement, porterait le taux de prélèvements obligatoires à 43,9 % alors qu’il atteint déjà un niveau record en Europe.

Pour redresser les comptes publics, l’objectif consiste à réduire les dépenses plutôt qu’à augmenter le taux d’imposition des Français qui travaillent.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). L’amendement I-CF358 vise à garantir l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation.

L’année dernière, la censure du gouvernement Barnier avait empêché cette indexation, ce qui avait été présenté par le gouvernement et ses soutiens comme un scandale absolu. Non seulement cette non-indexation n’est plus une ligne rouge infranchissable, mais elle est proposée par le gouvernement lui-même. Les contribuables apprécieront une telle mauvaise foi ! Il est inacceptable de faire entrer 200 000 familles dans l’impôt sur le revenu et d’augmenter l’impôt pour tous les contribuables. D’ailleurs, faut-il signifier aux contribuables que l’impôt sur le revenu augmente en valeur absolue de 10 milliards, soit de plus de 10 % ? Ce sont évidemment les classes moyennes et populaires qui paieront cette augmentation.

M. Tristan Lahais (EcoS). L’amendement I-CF1305 propose une mesure de compromis : dégeler les trois premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu.

Nous ne pouvons régler la situation des comptes publics en accentuant la pression fiscale sur les classes moyennes et modestes. En revanche, nous souhaitons maintenir le gel des deux dernières tranches pour faire porter l’effort sur les classes les plus privilégiées, d’autant qu’elles ont été les grandes bénéficiaires de suppressions d’impôt intervenues au cours des dernières années, en particulier de la taxe d’habitation, dont l’essentiel était payé par les 20 % les plus aisés des contribuables.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Ce budget traduit un refus de mettre à contribution les plus riches, grâce à la taxe Zucman par exemple. Pour remplir les caisses que les gouvernements successifs de Macron ont vidées, vous voulez faire payer tout le monde en appliquant une pseudo-année blanche – un euphémisme masquant une violence sociale que je vous demande de mesurer.

Si on désindexe le barème de l’impôt sur le revenu, les ménages devront payer 100 euros supplémentaires en moyenne ; 300 000 personnes supplémentaires deviendront imposables, sans compter les effets de bord en matière d’accès aux prestations sociales.

Évidemment, une même mesure appliquée à tous pèse davantage sur les plus précaires, sans compter l’effet récessif sur l’économie résultant de la baisse de la consommation. C’est pourquoi l’amendement I-CF605 vise à revenir à une indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu.

M. Michel Castellani (LIOT). L’amendement I-CF1646 vise à rétablir, pour l’ensemble des tranches, l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu, ainsi que les réductions d’impôt résultant de l’application du coefficient familial.

Les amendements I-CF1647 et I-CF1648 sont des amendements de repli visant à appliquer cette indexation respectivement aux quatre premières et aux trois premières tranches.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Dévoilons l’hypocrisie absolue de la Macronie : elle présente un budget en expliquant que les hausses d’impôt sont insupportables, mais vient de rejeter un amendement visant à baisser les impôts de toutes les personnes touchant moins de 4 000 euros en contrepartie d’une augmentation pour celles qui touchent davantage.

Tout à l’heure, à propos de la contribution différentielle sur les hauts revenus, les mêmes députés ont refusé d’augmenter les impôts des contribuables gagnant plus de 250 000 euros par an, mais ils présentent un budget dans lequel les impôts des classes moyennes et précaires augmenteront et dans lequel des gens qui ne payaient pas d’impôts seront amenés à en payer.

Nous proposons de réindexer au moins les premières tranches du barème sur l’inflation, afin que les plus précaires et les plus pauvres ne soient pas contraints de payer des impôts parce que vous refusez que les plus riches en paient davantage.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement I-CF1372 vise à revaloriser le revenu plafond de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu à hauteur de l’inflation. Ne pas procéder à cette revalorisation entraînerait un basculement dans l’impôt de 150 000 à 200 000 personnes, avec des conséquences sur leurs droits sociaux. C’est la mesure minimale que nous devons prendre.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je distingue dans cette discussion commune deux catégories d’amendements : ceux visant à créer de nouvelles tranches et ceux visant à modifier l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu.

S’agissant des amendements de la première catégorie, mon avis est défavorable compte tenu du risque de créer un impôt confiscatoire. Des exemples historiques ont été convoqués dans nos débats, mais la comparaison n’est pas satisfaisante puisque les prélèvements sociaux n’existaient pas à l’époque.

Quant aux amendements de la seconde catégorie, j’émets un avis défavorable pour des raisons budgétaires. La proposition budgétaire qui vous est faite est celle d’une année blanche ; malgré ses effets négatifs, que vous avez décrits, c’est la meilleure solution dans la situation grave que nous connaissons ; il faut en tenir compte ici dès lors qu’elle s’appliquera également à d’autres éléments du budget.

M. Paul Midy (EPR). Depuis des années, le groupe Ensemble pour la République défend la valeur travail et les travailleurs. Il n’a jamais été favorable à une augmentation de l’impôt de ceux qui travaillent.

Jean-René Cazeneuve avait déposé un amendement de compromis, qui a malheureusement été déclaré irrecevable pour des raisons techniques. Nous voterons l’amendement I-CF1763 et nous travaillerons à la rédaction d’un amendement de compromis en vue de l’examen du budget en séance.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Lorsque nous avions refusé de voter une loi spéciale, Mme Borne avait expliqué qu’à cause de nous, 200 000 personnes entreraient dans l’impôt sur le revenu et seraient même privées de carte Vitale. Alors que la situation est identique à celle que nous dénoncions l’année dernière – et les précédentes depuis sept ans –, vous estimez finalement qu’une année blanche n’est pas une si mauvaise solution au motif que tout le monde doit contribuer. Vous avez des indignations à géométrie variable en fonction des années !

Vous refusez d’entendre que l’on puisse faire contribuer les plus riches plutôt que les plus modestes et les plus précaires. Comment réagirez-vous quand il s’agira de faire contribuer les plus riches parmi les plus riches ?

M. Nicolas Ray (DR). Nous avons discuté avec la ministre des comptes publics du lien entre l’année blanche et le gel de l’impôt.

L’année blanche pourrait concerner les pensions de retraite, les prestations sociales et la rémunération des agents publics, mais pas nécessairement les autres revenus ; par conséquent, les salariés dont les salaires augmenteront et qui percevront des primes seront concernés par la hausse d’impôt.

Nous ne pouvons accepter le gel du barème, qui représenterait une imposition supplémentaire pour la France qui travaille. En deux ans, le taux d’imposition va augmenter de 1 point notamment à cause du gel du barème.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). La situation est assez risible, en effet, quand on se souvient du chantage exercé l’année dernière : ne pas voter le budget aurait entraîné l’entrée dans l’impôt de milliers de personnes de classes intermédiaires, voire modestes. Or, par le présent budget, vous allez faire entrer 200 000 nouvelles personnes dans l’impôt, alors même qu’elles n’ont pas de très hauts revenus et contribuent déjà à l’impôt le plus injuste, la TVA. Et, tout à l’heure, vous avez refusé de voter un amendement visant à augmenter de 20 % à 30 % le taux d’imposition de contribuables touchant 250 000 euros par an.

Le gel du barème de l’impôt sur le revenu rapportera 2 milliards, alors que la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en a fait perdre 3 et que votre taxe sur les holdings ne rapportera que 1 milliard. Vous faites peser les augmentations d’impôt sur tous les foyers parce que vous n’avez pas le courage de taxer les plus riches.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Monsieur le rapporteur général, nous considérons qu’une année blanche, c’est le niveau zéro de la politique – le néant.

Nous n’avons pas besoin d’un gouvernement ni de gens très sérieux pour appliquer cette mesure. Dites plutôt que vous n’avez pas d’idée et que vous ne savez pas quelle politique mener ! Même un singe, à la tête du gouvernement, serait capable de le faire ! « Ça fait huit ans qu’on est là, mais on ne sait pas quoi faire alors on bloque tout » : c’est nul ! Comment un État comme la France peut-il n’avoir que cette idée ? Elle est indigente au regard de la situation – vous le savez très bien.

Par ailleurs, économiquement, cette réponse est une catastrophe : une hausse de l’impôt sur le revenu de 2 milliards, c’est la promesse d’une nouvelle crise de la consommation, d’une baisse des recettes de la TVA et d’une crise économique ! Par cette année blanche, vous allez ruiner les finances publiques.

M. Charles de Courson (LIOT). Le gel du barème rapporterait 1,3 milliard.

Il me semble qu’il faudrait au minimum voter mon amendement I-CF1372 visant à indexer le barème de la première tranche, afin d’éviter l’entrée dans l’impôt de 150 000 à 200 000 personnes, pour lesquelles elle serait incompréhensible.

Mme Estelle Mercier (SOC). Il est impensable de faire contribuer les plus modestes au rétablissement des comptes publics. L’indexation du barème des tranches d’impôt sur le revenu est inévitable pour une justice fiscale minimale.

L’amendement I-CF1305 de Tristan Lahais nous semble le plus équilibré : c’est un bon compromis.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Une année blanche a déjà été appliquée en 2012 et en 2013, sous deux majorités politiques différentes.

Je veux bien tout entendre et je constate que presque tous les groupes ont déposé des amendements visant à revenir sur cette disposition – ce qui donne un indice quant au résultat des votes. Je vous invite à aller au bout de votre raisonnement et à choisir vos combats : vous ne pouvez pas demander d’agir sur l’impôt sur le revenu tout en souhaitant que l’on n’intervienne pas sur d’autres points du budget. J’aurais pu être attentif à vos propositions si je n’avais pas constaté systématiquement des amendements proposant de nouvelles dépenses.

En tout état de cause, la proposition la moins coûteuse pour les finances publiques est celle de M. de Courson.

M. le président Éric Coquerel. J’observe que certains groupes proposent des amendements visant à encaisser plus de recettes, permettant ainsi de compenser les conséquences des amendements que nous examinons dans cette discussion commune.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1314, ICF1187, ICF1763, I-CF358, I-CF1305, I-CF605, I-CF1646, I-CF1647, I-CF347 et I-CF1648.

Elle adopte l’amendement I-CF1372.

Amendements I-CF256 de M. Corentin Le Fur, I-CF1369 de Mme Constance de Pélichy, I-CF257 de M. Corentin Le Fur et I-CF1284 de Mme Constance de Pélichy (discussion commune)

M. Corentin Le Fur (DR). Nous proposons de revenir au plafonnement du quotient familial d’avant la réforme de 2013 votée par la gauche. Notre famille politique, et la droite en général, donne la priorité à la politique familiale. Le renouvellement des générations a une incidence non seulement sur la retraite par répartition mais aussi sur la vitalité de notre économie et des territoires, en particulier en milieu rural. Cette mesure, dont je n’ignore pas le coût, serait un signal adressé aux familles, même si bien évidemment la décision d’avoir des enfants ne se résume pas à des considérations fiscales.

M. Michel Castellani (LIOT). Notre amendement I-CF1369 vise à relever le plafonnement par demi-part de 1 791 euros à 2 500 euros. Cette reconnaissance du poids des charges qui incombent aux familles contribuerait à les soutenir et à rétablir l’équité entre les foyers.

M. Corentin Le Fur (DR). L’amendement I-CF257 est un amendement de repli. Même si les finances publiques traversent une période compliquée, il importe de marquer l’importance de la politique familiale.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Notre amendement de repli I-CF1284 vise à rehausser le plafonnement à 2 000 euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je partage l’objectif de nos collègues d’encourager la politique familiale, mais ces amendements ont un coût exorbitant pour nos finances publiques : les dépenses qu’ils entraîneraient vont de 3,5 milliards à 800 millions. Avis défavorable.

M. Denis Masséglia (EPR). En deux heures, nous en sommes déjà à plus de 10 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. J’appelle chacun et chacune à faire preuve de responsabilité.

M. Corentin Le Fur (DR). Vous n’avez pas le monopole du sens des responsabilités : nous sommes tous conscients des enjeux pour nos finances publiques. Il faut expliquer aux Français les contraintes qui pèsent sur les parlementaires. Si notre pays est incapable depuis des années de réduire les dépenses, c’est aussi à cause des règles qui encadrent le processus législatif.

M. le président Éric Coquerel. Avec l’article 40, les propositions de hausses de dépenses sont également limitées. Attendons d’avoir une vue plus globale du débat : viendront plus tard en discussion des amendements portant sur de nouvelles recettes qui témoigneront du sens des responsabilités de leurs auteurs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1368 de Mme Constance de Pélichy

M. Charles de Courson (LIOT). La décote constitue un mécanisme correcteur destiné à alléger la charge fiscale des contribuables modestes redevables de l’impôt sur le revenu : il consiste à réduire l’impôt brut lorsque celui-ci est inférieur à un certain montant afin d’atténuer l’entrée dans l’impôt et de préserver la progressivité du barème. Toutefois, la décote n’est ni pleinement conjugalisée, ni familialisée. La somme forfaitaire dont sont retranchés 45,25 % du montant de l’impôt brut n’équivaut pas pour un couple au double de celle fixée pour une imposition individuelle – 1 470 euros contre 889 euros. Par ailleurs, les familles avec enfants ne voient pas leur nombre de parts pris en compte. Cette règle aboutit à une situation paradoxale : à revenu comparable, un couple modeste ou une famille peuvent être davantage imposés qu’un célibataire. Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), dans un rapport publié en octobre 2024, a recommandé de conjugaliser et de familialiser la décote. Tel est le but du présent amendement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Certes, il s’agit d’une mesure puissante pour soutenir le pouvoir d’achat mais son coût total s’élèverait à 3 milliards, dont 1,3 milliard au titre de la conjugalisation. Il me semble plus raisonnable de réfléchir d’ici à la séance à une modification de moindre ampleur de ce mécanisme. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Je suis prêt à retirer mon amendement pour proposer en séance un aménagement moins coûteux de la décote.

L’amendement est retiré.

Amendements I-CF878 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF263 de M. Corentin Le Fur et I-CF923 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)

Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement I-CF878 propose de transformer la réduction d’impôt au titre des frais d’hébergement des personnes âgées dépendantes en crédit d’impôt, dans un objectif de justice sociale et de lutte contre les inégalités. Dans le rapport qu’elle a remis à la Première ministre en juin 2023, notre excellente collègue Christine Pirès Beaune insiste sur le fait qu’un crédit d’impôt aurait un effet plus redistributif. Si le montant du reste à charge est plus élevé pour les bénéficiaires de la réduction d’impôt, il représente une part moins importante de leurs ressources que pour les personnes qui ne sont pas imposables.

Pour être soutenable budgétairement, ce crédit d’impôt serait dégressif.

M. Corentin Le Fur (DR). Mme Pirès Beaune s’est fortement engagée pour promouvoir cette transformation en crédit d’impôt. On nous oppose chaque année l’argument du coût pour nos finances publiques. M. Attal avait diligenté une mission à ce sujet : où en sont ses réflexions ? Il me semble qu’il y a une volonté politique partagée de réduire les inégalités entre les résidents d’Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), selon qu’ils paient ou non l’impôt sur le revenu. Avec le vieillissement de la population, le problème du reste à charge va se poser de manière aiguë et si nous ne réfléchissons pas collectivement à une solution, nous irons droit dans le mur.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Avec cette réduction d’impôt, l’État aide les personnes âgées les plus riches et laisse toutes les autres, autrement dit celles qui ne sont pas imposées, face à des difficultés incroyables. Rappelons que 5 millions de retraités perçoivent une pension inférieure à 1 000 euros et que la moitié des femmes retraitées ont une pension qui se situe en dessous de ce montant. Pour plus de justice, il importe donc de transformer cette réduction d’impôt en crédit d’impôt.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements renvoient à deux sujets de fond. Il s’agit, d’une part, du financement de la dépendance : aucune solution n’a été trouvée depuis la première réunion du conseil d’administration de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), il y a plus de vingt ans, qui avait précisément pour objet de trouver des moyens, et il est maintenant question de s’appuyer sur la fiscalité directe. Il s’agit, d’autre part, de la forme que doit prendre l’aide aux frais d’hébergement, le crédit d’impôt apparaissant plus logique. Mon avis sera toutefois défavorable aux trois amendements pour des raisons financières mais ma position sera peut-être amenée à changer en séance s’agissant de ceux de M. Le Fur et de M. Le Coq, en fonction de l’évolution des disponibilités budgétaires.

M. Denis Masséglia (EPR). Nous comprenons l’objectif de ces amendements : permettre aux personnes les plus en difficulté de bénéficier d’une aide de l’État. Serait-il possible de connaître leurs coûts respectifs pour nous éclairer dans notre vote ?

M. le président Éric Coquerel. Pour les deux derniers, ce serait 880 millions d’euros.

M. Tristan Lahais (EcoS). J’ajoute un argument en faveur de ces amendements : la transformation en crédit d’impôt viendrait soulager les finances des départements, qui versent l’aide sociale à l’hébergement (APL) aux personnes les plus modestes pour leur permettre de régler leurs frais d’hébergement.

M. Charles de Courson (LIOT). C’est un vieux débat. Selon Mme Pirès Beaune, le coût de son amendement, estimé à 882 millions, pourrait être réduit si le crédit d’impôt était dégressif en fonction des revenus. Ne pourrait-on pas travailler en ce sens, monsieur le rapporteur général ?

Mme Estelle Mercier (SOC). Je vous invite à lire plus attentivement l’exposé sommaire et le texte de notre amendement : celui-ci est le plus équilibré des trois, puisqu’il propose bel et bien une dégressivité. Le taux du crédit d’impôt serait de 25 % pour les personnes non éligibles actuellement à la réduction d’impôt, de 15 % pour les contribuables dont le revenu net mensuel imposable est compris entre 1 969 euros et 2 432 euros, de 5 % pour ceux dont le montant de ce revenu dépasse 2 432 euros et pour qui le taux d’effort est nettement inférieur. Mme Pirès Beaune estime le coût de son amendement à 270 millions d’euros.

La commission adopte l’amendement I-CF878. En conséquence, les amendements ICF263 et I-CF923 tombent.

Amendement I-CF70 de Mme Sandrine Rousseau

M. Arnaud Bonnet (EcoS). La précarité des systèmes de santé ultramarins constitue une rupture d’égalité dans l’accès aux soins, dénoncée depuis 2014 par la Cour des comptes. Les populations de ces territoires souffrent de l’insuffisance de structures adaptées ainsi que d’un manque de spécialistes et de matériels alors même qu’elles sont davantage exposées à des facteurs environnementaux comme la présence de chlordécone, d’Asulox ou de mercure et aux maladies chroniques que sont l’obésité, diabète et les cancers. Tout cela représente un surcoût pour les familles confrontées à la nécessité de se rendre dans l’Hexagone pour soigner l’un de leurs membres. En attendant que les pouvoirs publics dégagent les moyens nécessaires pour remédier à cette situation, nous proposons de créer un crédit d’impôt pour le transfert d’un enfant en France hexagonale quand les soins ne peuvent être dispensés dans la collectivité de résidence.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pour aider les résidents ultramarins, des dispositifs sont déjà prévus : citons la possibilité de bénéficier du cumul de la majoration de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) et de la majoration de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). En outre, je ne suis pas certain que le versement du crédit d’impôt en année n + 1 soit pertinent. Avis défavorable.

M. Matthias Renault (RN). L’objectif de cet amendement est louable mais nous voterons contre pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les personnes dont l’impôt sur le revenu est égal à zéro ne pourraient pas bénéficier de ce crédit d’impôt, car il n’est pas remboursable. Ensuite, le dispositif se limite aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution et je ne vois pas pourquoi celles de l’article 74 en seraient exclues, notamment la Polynésie. Enfin et surtout, il existe déjà des dispositifs relevant de la sécurité sociale ou de l’État. Un meilleur vecteur serait sans doute d’étendre l’aide à la continuité territoriale, dont le versement est actuellement réservé aux foyers dont le quotient familial est inférieur à 18 000 euros.

M. Christian Baptiste (SOC). Dans l’attente de meilleurs dispositifs, nous soutenons fortement cet amendement. L’accès aux soins est particulièrement difficile dans les territoires d’outre-mer, du fait notamment de l’éloignement. Ajoutons que l’État a sa part de responsabilité dans les maladies causées par le chlordécone, puisqu’il a continué à autoriser le recours à cet insecticide alors que les États-Unis l’avaient interdit depuis belle lurette.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF459 de Mme Danielle Simonnet

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous abordons la discussion de plusieurs amendements visant à restreindre le champ du crédit d’impôt services à la personne (Cisap). Ce dernier limite le travail dissimulé, ce qui concourt à ouvrir aux travailleurs déclarés le bénéfice de dispositifs de protection sociale. En outre, il vient soutenir l’activité économique : le nombre d’heures travaillées dans ce secteur a augmenté de 50 % depuis les années 2000.

Le Cisap fonctionne et je ne crois pas que ce soit le bon moment pour prendre le risque de ralentir l’activité économique et donc de faire augmenter le chômage. En en excluant les autoentrepreneurs, cet amendement priverait d’emploi un tiers des personnes travaillant dans ce secteur. Avis défavorable sur cet amendement et tous ceux limitant ce crédit d’impôt.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Avec cet amendement, Mme Simonnet veut avant tout alerter sur les pratiques des plateformes offrant des services à domicile : elles forcent les personnes qui travaillent pour elles à adopter le statut d’autoentrepreneur, qui est beaucoup moins protecteur et qui ne leur permet pas de cotiser.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF565 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le Cisap coûte 6,8 milliards, ce qui le place au deuxième rang des dépenses fiscales de l’État. En outre, 40 % du bénéfice de ce dispositif se concentre sur les 10 % des contribuables les plus riches, qui se font ainsi financer leurs frais de coaching sportif, de jardinage et de gardiennage. Nous proposons donc de réserver aux personnes âgées ou handicapées certaines prestations éligibles comme la préparation de repas à domicile, la livraison de courses à domicile ou les cours de sport à domicile.

À ceux qui nous opposent l’argument selon lequel cela risque d’augmenter le travail au noir, il faut répondre que notre rôle n’est pas de subventionner le respect de la loi mais de la faire appliquer. Vous pourrez employer les sommes ainsi économisées à financer l’inspection du travail, qui a beaucoup de pain sur la planche.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ne vous faites aucune illusion : l’affaiblissement de ce crédit d’impôt conduira mécaniquement à une augmentation du travail dissimulé, qui ne représente plus que 20 % dans ce secteur alors qu’il atteignait 50 % en 1996. Les travailleurs déclarés jouissent d’une véritable protection sociale, qui leur apporte une forme de reconnaissance et une réelle protection. Avant de détricoter un dispositif qui fonctionne, il faut faire preuve de la plus grande prudence, surtout en cette période où l’activité économique est fragile.

Mme Perrine Goulet (Dem). Effectivement, nous devrons nous poser la question du périmètre de ce crédit d’impôt. Toutefois, il nous faut veiller à préserver l’éligibilité de la garde d’enfants. Il est bon de soutenir les personnes âgées qui ont contribué à façonner la société dans laquelle on vit mais il importe aussi d’encourager les familles.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cela n’a aucun sens de maintenir pour tous, quel que soit le niveau de revenu, une subvention publique finançant la préparation de repas à domicile, la livraison de courses à domicile ou le coaching sportif. Le Cisap coûte 6,8 milliards, l’équivalent du budget du ministère de l’agriculture. Cet amendement n’a rien de maximaliste ; il vise à limiter des avantages démesurés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF850 de M. Jean-Pierre Vigier

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Préciser dans la loi que les personnes âgées et handicapées bénéficient du Cisap pour la livraison de repas à domicile ne me paraît pas nécessaire. Cela relève du domaine réglementaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF568 M. Éric Coquerel, I-CF1206 de M. Emmanuel Maurel, ICF103 de M. Daniel Labaronne et I-CF858 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Tout le monde s’accorde sur la nécessité de faire un effort en matière de finances publiques. Les niches fiscales représentent 85 milliards dans l’ensemble du budget de l’État et, avec près de 7 milliards, le Cisap est la deuxième en volume. À quoi sert-elle ? À aider les plus riches, qui en sont les premiers bénéficiaires, à se payer des petits travaux de jardinage et des livraisons de repas à domicile. C’est insupportable ! On nous oppose l’argument du travail dissimulé mais depuis quand, dans ce pays, faut-il payer les plus riches pour qu’ils respectent la loi ? C’est lunaire, surtout de la part de gens qui se plaisent à dénoncer le laxisme.

Cet amendement vise donc à abaisser le plafond du Cisap.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Depuis le début de ces débats, le rapporteur général nous invite à faire preuve de responsabilité et à traquer toutes les dépenses inutiles : je dois dire que ses arguments sur le Cisap m’étonnent. L’année dernière, nous étions un certain nombre à vous alerter, de manière transpartisane, sur l’explosion du coût du Cisap. En 2026, il va augmenter de près de 200 millions. La Cour des comptes s’est elle-même montrée circonspecte. Nos amendements n’ont rien de maximaliste : il s’agit ici d’abaisser le plafond des dépenses éligibles, proposition rationnelle et responsable.

M. Daniel Labaronne (EPR). La collectivité doit-elle payer la moitié des frais liés aux cours particuliers de tango à domicile ou au gardiennage de la résidence principale ? Je ne le pense pas, à titre personnel. Procédons à un travail de peignage parmi les vingt-six activités éligibles au Cisap afin d’éviter abus et excès. Il ne s’agit pas, bien sûr, de modifier les plafonds applicables aux personnes vulnérables, aux personnes à mobilité réduite ou aux enfants en situation de handicap.

M. Laurent Baumel (SOC). Nous recherchons les économies et traquons les effets pervers : il n’y a donc pas de raison de voter contre l’amendement très équilibré de notre collègue Christine Pirès Beaune qui tend à exclure les plateformes du bénéfice du Cisap. Sur les 50 euros qu’elles facturent à un particulier, la moitié est prise en charge par le crédit d’impôt et seulement 15 euros vont à l’employé. Évitons tout accaparement et rétablissons la logique du Cisap.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pourquoi en effet ne pas réduire le Cisap à la marge pour certaines activités ? Soyons toutefois prudents et ne procédons pas à l’aveugle. Nous souffrons en France de cette maladie qui consiste à légiférer sans étude préalable ou presque et à ne pas évaluer les lois une fois adoptées. Il nous faut des éléments solides pour modifier un tel dispositif, surtout en période de difficultés budgétaires.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Le Cisap représente aussi un bénéfice pour nos finances publiques. En limitant le travail dissimulé, il a contribué à augmenter le nombre d’employés qui cotisent et qui, ce faisant, alimentent les fonds de la sécurité sociale. Combien de personnes ayant travaillé sans être déclarées se retrouvaient auparavant le bec dans l’eau à 70 ans ?

Mme Christine Arrighi (EcoS). Monsieur le rapporteur général, la question du Cisap est largement documentée depuis des années : elle a fait l’objet de travaux menés par la Cour des comptes, par des missions d’information parlementaires et par diverses organisations. Certes, ce dispositif a été mis en place pour éviter le travail dissimulé mais il faut être attentifs à ses effets de bord et veiller à ce qu’il ne s’applique pas à des services de complaisance. Vous vous opposez à toutes nos tentatives d’instaurer de nouvelles recettes et vous refusez de réduire certaines niches fiscales : expliquez-nous donc où trouver des nouvelles ressources.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous aurions pu avoir un débat serein mais, par pure idéologie, vous avez tué toute possibilité qu’il en soit ainsi en taxant de manière déraisonnable les classes moyennes. Vous avez validé le plan du Gouvernement de ne plus indexer le barème de l’impôt sur le revenu. Contrairement à ce que vous avez déclaré dans les médias, vous ne vous êtes pas opposés au gel du barème, à 300 millions près avec votre mesure qui protège uniquement la première tranche. Seuls le RN et l’UDR ont voté pour le rétablissement intégral de l’indexation. Vous pompez les classes moyennes, vous les spoliez de 1,3 milliard et vous voulez encore leur piquer du fric, elles qui absorbent toute la hausse de 10 milliards !

M. le président Éric Coquerel. J’invite chacun à examiner les positions des uns et des autres sur les amendements portant sur les trois ou quatre premières tranches.

M. Gérault Verny (UDR). Ce dispositif a été créé dans les années 1990 pour sortir des travailleurs pauvres de la précarité, leur permettre de cotiser et leur octroyer des droits sociaux – ce dont la gauche peut se féliciter. En 2005, il a été réformé par Jean-Louis Borloo pour permettre aux ménages non imposés d’en bénéficier. Dire qu’il profite aux riches, c’est une hérésie ; 40 %, ce n’est pas la majorité. Il faut soutenir le Cisap.

M. Jean-Didier Berger (DR). Je voudrais dire à nos collègues du Rassemblement national que l’hypocrisie a des limites : c’est parce qu’ils ont refusé de voter l’amendement de M. Wauquiez que le barème de l’impôt sur le revenu sera gelé.

Quand un crédit d’impôt ne fonctionne pas, on dit qu’il n’a pas trouvé sa cible et qu’il faut le supprimer. Lorsqu’il marche, comme c’est le cas de celui-ci, on dit que cela devient un problème ! Eh bien non : c’est une bonne solution. Comme le souligne Pierre Cazeneuve, c’est la dépense nette et non brute qu’il faut regarder, en tenant compte de l’ensemble des revenus directs et indirects générés. Ne pensez pas aux riches que vous dites aidés par ce crédit d’impôt mais aux travailleurs précaires qui sortent ainsi de l’insécurité économique.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Après avoir voté contre l’amendement I‑CF605 qui visait à indexer sur l’inflation toutes les tranches de l’impôt sur le revenu, monsieur Tanguy, vous vous êtes opposé à l’intégralité des amendements de repli, qu’ils proposent d’indexer les trois premières tranches ou uniquement la première. Il faut que ce soit su : si des foyers se mettent à payer des impôts cette année, c’est parce que le RN n’a pas voté ces amendements tout à l’heure.

La commission rejette successivement les amendements.

M. le président Éric Coquerel. En accord avec le rapporteur général, j’aimerais savoir si vous êtes d’accord pour que notre commission demande une dérogation afin de pouvoir siéger pendant les questions au gouvernement, demain et après-demain.

Je constate qu’une majorité des membres de la commission se prononce en faveur de cette proposition.

Amendement I-CF1371 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). On ne peut pas être indifférent à un crédit d’impôt qui coûte 6,8 milliards d’euros, et qui flambe. Il y a, s’agissant du Cisap, deux choses : le taux et les plafonds. S’agissant du taux, les études montrent qu’en dessous de 40 %, on observe un retour au travail au noir : je propose donc une légère baisse, à 45 %. Rappelons que le taux actuel de 50 % est le taux le plus élevé parmi tous les dispositifs européens en la matière. Je vous propose par ailleurs une petite réduction des plafonds, qui ne sont atteints que par des gens très aisés.

Contrairement à ce qui a été dit, tout le monde bénéficie du Cisap, y compris des gens très modestes, à hauteur de 100 à 200 euros par an. Mon amendement me paraît donc équilibré et rapporterait 800 à 900 millions d’euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En réalité, on ne sait pas évaluer la recette escomptée de cette évolution du taux et des plafonds, encore moins son effet sur les cotisations sociales. L’estimation selon laquelle c’est en dessous de 40 % que le travail au noir augmenterait a été faite au doigt mouillé. Il faut être prudent. Avis défavorable.

M. Denis Masséglia (EPR). On peut effectivement réfléchir à une évolution des plafonds, pour éviter que les personnes ayant les plus hauts revenus ne bénéficient d’une aide fiscale trop importante. Je suis en revanche farouchement opposé à une réduction des taux car elle affecterait l’ensemble de nos concitoyens, surtout les plus fragiles.

M. le président Éric Coquerel. À nos collègues – y compris au rapporteur général – qui demandent davantage d’évaluations, je rappelle que la Cour des comptes a publié un rapport sur le sujet l’an dernier. Il en ressort que le Cisap, l’un des dispositifs les plus dispendieux qui soient, demande à être recentré, cantonné et très certainement retravaillé.

Mme Christine Arrighi (EcoS). La réponse du rapporteur général me surprend. Parce qu’on ne sait pas l’évaluer, une mesure ne serait pas valable. Il ne peut pas en aller ainsi de l’ensemble de nos amendements sur ce budget !

Pourquoi tous les amendements sur le Cisap ne sont-ils pas en discussion commune ?

M. Charles de Courson (LIOT). Des études sur le retour au travail au noir selon l’évolution du taux ont été réalisées. Toutes concluent qu’une légère réduction du taux, comme celle que je propose, n’aurait pas d’incidence.

Je vois que certains collègues sont sensibles au sujet des plafonds. Je pourrai éventuellement déposer par la suite deux amendements différents, l’un sur le taux et l’autre sur les plafonds. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas en rester au statu quo. Pour la première fois, le Ralf (rapport sur la loi fiscale) comporte des études fines sur le sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF104 de M. Daniel Labaronne, I-CF894 et I-CF907 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)

M. Daniel Labaronne (EPR). Je propose d’abaisser le taux du crédit d’impôt de 50 % à 40 %, sauf pour la garde d’enfants et pour l’assistance aux personnes âgées, aux personnes en situation de handicap ou à toute personne nécessitant une aide à domicile ou bien une aide à la mobilité de proximité : pour ces services, le taux serait maintenu.

Grâce à un amendement de Mme Pirès Beaune il y a quelques années, monsieur le rapporteur général, les contribuables doivent désormais mentionner dans leur déclaration de revenus la nature de l’activité au titre de laquelle ils bénéficient d’un crédit d’impôt : nous savons donc exactement ce que coûte chacune des vingt-six activités y ouvrant droit. Or, selon moi, certaines ne peuvent légitimement donner lieu à une prise en charge par la communauté nationale : j’ai parlé des cours de tango, mais j’aurais pu parler de la salsa !

M. Laurent Baumel (SOC). Nous proposons à nouveau, avec l’amendement I‑CF894, de faire des économies et de rationaliser le dispositif. Les fonds publics doivent bénéficier aux personnes les plus en difficulté – celles qui ont un problème d’autonomie ou qui ont besoin de faire garder leurs enfants ; il faut aussi tenir compte de la capacité des foyers à acheter ces services. Nous proposons donc des taux progressifs pour les activités qui ne sont pas soumises à agrément.

L’amendement I-CF907 est un amendement de repli visant les petits travaux de ménage et de jardinage.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il est vrai qu’il existe quelques rapports sur le sujet ; celui de la Cour des comptes mentionne une bascule certaine vers le travail au noir lorsque le taux atteint 40 %. C’est la raison pour laquelle je ne soutiendrai pas l’amendement de M. Labaronne.

Dans certaines activités, le travail dissimulé peut rester moins coûteux que le travail déclaré, même avec un taux de 50 % ; c’est ce que montre une étude de la direction générale des entreprises (DGE). Compte tenu des difficultés que connaît le marché de l’emploi, je vous appelle à la prudence : une mesure qui aurait un bénéfice fiscal immédiat pourrait avoir des conséquences sociales délétères.

M. Matthias Renault (RN). Ne caricaturons pas le Cisap en laissant penser qu’il s’agirait d’un tonneau des Danaïdes qui financerait des cours de salsa, de tango ou de cuisine. La liste des activités qui y ouvrent droit relève du domaine réglementaire. Si certaines vous choquent, il vous suffit de faire modifier le II de l’article D. 7231‑1 du code du travail.

La commission rejette successivement les amendements.

L’amendement I-CF1082 de M. Philippe Brun est retiré.

Amendement I-CF567 de M. Aurélien Le Coq

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Vous auriez pu voter l’un de nos amendements précédents, monsieur Labaronne : il visait précisément à exclure certaines activités du bénéfice du Cisap, par exemple le gardiennage des résidences secondaires. Quant à M. Verny, il s’est réjoui tout à l’heure que certains travailleurs puissent enfin, grâce à ce dispositif, cotiser et avoir des droits sociaux. Mais cela devrait être la norme, et il ne devrait pas y avoir besoin d’une subvention de 7 milliards par an pour faire respecter la loi !

Nous vous proposons, avec le présent amendement, la mise en place d’un taux variable pour le Cisap, hors dépenses liées à l’invalidité. Il serait maintenu pour les personnes dont le revenu fiscal de référence ne dépasse pas 30 000 euros par an, puis serait dégressif. Il s’établirait à 1 % pour les revenus fiscaux supérieurs à 70 000 euros, dans le but de permettre un suivi des déclarations des plus riches en matière de frais de personnel. Cette traçabilité permettrait de détecter les retours au travail dissimulé.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Une telle disposition ferait mécaniquement augmenter le travail au noir, avec un effet boule de neige. Ce sont par définition ceux qui ont les revenus les plus importants qui emploient le plus. Enfin, l’avance immédiate risque d’être très difficile à mettre en œuvre avec des taux différenciés. Avis défavorable.

M. Gérault Verny (UDR). En réponse à l’argument selon lequel ce serait essentiellement les riches qui bénéficient du dispositif, je rappellerai que celui-ci est déjà plafonné. Par ailleurs, il faut être pragmatique : le monde parfait de la gauche n’existe pas. Toute une population paupérisée a pu entrer dans le marché du travail légal grâce à ce dispositif ; il faut s’en féliciter.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Quelle démonstration de faiblesse ! Les personnes qui bénéficient du Cisap font des déclarations tous les ans. Prenons le problème à bras-le-corps et regardons si ces déclarations disparaissent après la réduction du taux : ce sera peut-être le signe d’un retour au travail dissimulé. Et donnons des moyens supplémentaires à l’inspection du travail plutôt que de consacrer 7 milliards d’euros par an à une niche qui bénéficie, à 50 %, aux plus riches de ce pays !

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF947 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le rapport de l’IGF (Inspection générale des finances) sur l’industrie du cinéma propose d’abaisser le taux de base de la réduction d’impôt mentionnée par l’amendement, qui est de 30 %. L’efficacité du dispositif étant très régulièrement mise en cause, j’émets un avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1293 de M. Philippe Lottiaux

M. Matthias Renault (RN). Nous proposons d’élargir la réduction d’impôt liée aux travaux de conservation et de restauration aux objets mobiliers inscrits, et non seulement classés, au titre des monuments historiques. Le coût de cette extension serait assez modique, entre 500 000 et 1 million d’euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Gérault Verny (UDR). Je soutiens cet amendement : quand on voit les milliards que l’on est capable de dépenser dans des absurdités de spectacles culturels, de spectacles vivants, je pense qu’on peut bien consacrer 1 million d’euros à la préservation de nos trésors nationaux. Peut-être cela aidera-t-il à la sécurisation du Louvre, on ne sait jamais !

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I‑CF1292 de M. Philippe Lottiaux.

Amendement I-CF1294 de M. Philippe Lottiaux

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’émets un avis favorable à cet amendement, dont le coût s’élèverait à 1 million d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF564 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement vise à rompre avec l’inégalité devant l’impôt subie par nos concitoyennes et concitoyens qui souhaitent donner aux associations, aux fondations et aux formations politiques. L’encouragement aux dons par une défiscalisation ne s’applique pas de la même façon selon les revenus. Pour bénéficier de la réduction prévue, encore faut-il être assujetti à l’impôt sur le revenu ! Afin de garantir que toute personne puisse être remboursée à hauteur des deux tiers des montants qu’elle a donnés, nous proposons de transformer la réduction d’impôt en crédit d’impôt.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je partage votre objectif mais votre amendement aboutirait paradoxalement à dissuader les contribuables les plus aisés de faire des dons aux associations au delà du plafond de 1 200 euros : il risque donc d’entraîner une réduction de ces dons. Je vous suggère de le retirer pour le retravailler.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques I-CF333 de M. Arnaud Bonnet et I-CF885 de M. Paul Vannier

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Alors que nos écoles publiques ont des budgets insuffisants et que nous avons les classes les plus chargées d’Europe, il est de plus en plus difficile de comprendre que la puissance publique surfinance à ce point l’enseignement privé en comparaison du public. En plus des subventions, l’État s’autorise en effet des dépenses fiscales en accordant une réduction d’impôt pour les dons accordés aux établissements d’éducation et d’enseignement supérieur privé. Or un don à un tel établissement ne peut pas être considéré de la même façon qu’un don à une association : nous proposons donc de supprimer cette réduction d’impôt.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous souhaitons que l’État cesse de subventionner de façon masquée les établissements privés. Pour rappel, l’ensemble des financements publics à l’enseignement privé s’élèvent à 14 milliards d’euros – auxquels s’ajoute la défiscalisation pour les grands donateurs ! De surcroît, les contrôles sont soumis à un consternant deux poids, deux mesures. Le lycée de Bétharram, par exemple, n’a jamais été contrôlé en trente ans alors que le lycée Averroès l’a été quatorze fois en un an ! Arrêtons de mettre autant d’argent public sans qu’il y ait de contrôles !

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements visent à exclure de la réduction d’impôt les dons aux établissements d’enseignement privé – qui accueillent 2,2 millions d’enfants en France. La réduction d’impôt mécénat concerne tous les dons faits au profit d’organismes assurant une mission de service public, de même qu’aux organismes à vocation éducative. Pourquoi les écoles privées devraient-elles en être exclues ? Ce n’est pas en encourageant la réduction des ressources de ces établissements que les inégalités scolaires diminueront. Il ne me semble pas souhaitable de rallumer la guerre scolaire dans une France déjà fracturée. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Rappelons que la quasi-totalité de l’enseignement privé participe au service public de l’éducation. Je ne suis même pas certain que cet amendement soit recevable, eu égard au principe d’égalité. Ne nous aventurons pas dans cette direction.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF266 de M. Corentin Le Fur

M. Corentin Le Fur (DR). Cet amendement vise à priver de crédit d’impôt les associations qui s’introduisent illégalement dans les élevages ou les exploitations agricoles. Ces intrusions sont très mal vécues : elles créent des traumatismes, voire une sorte de psychose, dans le monde agricole. Elles nuisent à l’intérêt de la France, car c’est notre souveraineté alimentaire qui est en jeu. Les agriculteurs font un travail remarquable dans des conditions souvent difficiles, pour de petits salaires, et leur domicile se trouve souvent à proximité immédiate de la ferme. Je ne comprendrais pas que la gauche, qui nous a proposé d’exclure de la défiscalisation les dons à l’enseignement privé, refuse de faire de même pour les dons des associations qui violent la loi.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je partage totalement l’avis de M. Le Fur. Le contribuable n’a pas à subventionner des associations dont les agissements mettent en péril des exploitations agricoles ou détruisent une activité économique. Avis favorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Je suis interloquée et inquiète de voir le rapporteur général émettre un avis favorable à cet amendement qui est très dangereux, comme nous sommes nombreux, sur des bancs très différents, à le répéter chaque année ! Alors que la liberté d’association est protégée par la Constitution, une telle disposition permettrait un ciblage des associations selon une vision politique. En l’occurrence, ce sont celles qui lancent l’alerte à propos de la protection animale qui sont ciblées, mais nous n’entendons pas nos collègues réagir quand des permanences parlementaires sont attaquées par des membres de syndicats agricoles ! Je vous demande, monsieur le rapporteur général, de réévaluer votre position.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons avec enthousiasme cet amendement. Des amendements similaires, déposés par le RN et par LR, avaient déjà été adoptés en commission par le passé mais les députés Les Républicains avaient retourné leur veste en séance. J’espère que cette fois nous pourrons compter sur eux. La liberté d’association, ce n’est pas celle de se comporter en voyous, voire parfois en quasi-terroristes.

M. Jean-Didier Berger (DR). L’an dernier, l’amendement de M. Le Fur a été adopté en séance et ce n’est qu’en raison de la censure qu’il est tombé. Il est d’utilité publique de l’adopter de nouveau aujourd’hui.

M. Gérault Verny (UDR). Je suis gêné par ce que je viens d’entendre. La liberté d’association est d’ordre constitutionnel mais le respect de la propriété privée l’est aussi ! Je ne comprends pas ce qui vous dérange dans le fait de sanctionner au portefeuille des associations qui commettent des délits. Il faut évidemment soutenir cet amendement.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). J’apporte un soutien marqué à cet amendement et à l’avis du rapporteur. Je suis très surpris que les députés de La France insoumise nous parlent de liberté au sujet d’associations qui enfreignent la propriété privée. Celle-ci est aussi un droit constitutionnel, protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Il n’y a aucune raison que l’argent du contribuable finance l’activité illicite de ces personnes.

M. Pierre Henriet (HOR). Comme il l’avait fait l’an dernier, le groupe Horizons soutient cet amendement qui est tout à fait conforme à la Constitution ; libre à chaque association de faire en sorte que ses adhérents ayant été sanctionnés le soient aussi dans le cadre de leur vie associative, pour éviter toute forme de compromission. Alors que les intrusions dans les exploitations agricoles ou les implantations industrielles sont de plus en plus fréquentes et qu’elles soulèvent des enjeux de sécurité, il faut mettre un terme à ce type d’agissements.

Mme Anna Pic (SOC). Nous sommes totalement opposés à cet amendement. Pour que les dons faits à une association soient éligibles au crédit d’impôt, il faut que celle-ci soit reconnue d’utilité publique, et c’est à la justice de juger si cette reconnaissance doit lui être retirée ou non. Pourquoi, ensuite, ne cibler que les exploitations agricoles et les sites industriels, et pas d’autres types de propriétés privées ? Enfin, la sanction infligée à l’un des membres ne peut pas engager la responsabilité de l’association – à moins que la justice n’en décide ainsi.

M. Charles de Courson (LIOT). Le Fur fils est le digne héritier de Le Fur père : ce dernier avait déposé un amendement similaire à celui-ci à de nombreuses reprises !

Cet amendement est inapplicable : il vise « les associations dont les adhérents sont reconnus coupables d’actes d’intrusion […] ou de violence ». Faut‑il pénaliser une association pour les agissements de dix de ses membres, alors qu’elle en compte peut-être mille ? Ce sont les personnes qui doivent être sanctionnées par les juridictions. Il est vrai que certains agriculteurs hésitent à intenter des recours, par peur de nouvelles intrusions. Mais ce n’est pas cet amendement qui pourra y remédier.

M. Tristan Lahais (EcoS). C’est à la justice de sanctionner des associations qui contreviendraient au droit ; ce n’est pas le rôle d’une disposition fiscale. Cet amendement est une sorte de cheval de Troie, qui n’a rien à faire dans notre débat budgétaire. J’ajoute que personne n’ignore que ces associations que vous désignez sont des lanceuses d’alertes. Étonnamment, vous ne prônez pas la même chose à l’encontre de syndicats agricoles qui détériorent des bâtiments publics.

M. le président Éric Coquerel. Les collègues qui proposent ce type d’amendement se rendent-ils compte qu’ils ouvrent la boîte de Pandore ? Une fois le principe acté, la jurisprudence s’appliquera à tout le monde.

Vous ciblez des gens qui mènent des actions qui vous déplaisent ; nous pourrions faire la même chose vis-à-vis de syndicats agricoles qui attaquent des permanences de députés, voire des préfectures, par exemple. En réalité, c’est le droit associatif et syndical que vous voulez remettre en question, en instaurant une punition collective. Je vous rappelle que la justice peut être saisie, et qu’elle intervient très souvent.

Gardez à l’esprit aussi que les partis politiques étant des associations, ils pourraient être visés par cet amendement très dangereux, auquel je m’opposerai.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La liberté d’association n’est nullement mise en cause. L’amendement vise les associations qui ont mis l’intrusion au centre de leur politique générale et qui font de l’occupation de domaines privés le moteur de leur action.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le dispositif de l’amendement vise non les associations mais les adhérents. Cela soulève un problème juridique. En l’état, il est difficile de soutenir cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF513 de M. Frédéric Weber, I-CF562 et I-CF558 de M. Sébastien Chenu (discussion commune)

Mme Edwige Diaz (RN). Les associations immigrationnistes perçoivent environ 1 milliard d’euros chaque année. De surcroît, elles peuvent faire bénéficier leurs adhérents d’une réduction fiscale. Nous voulons priver d’avantages fiscaux les associations, fondations et organismes qui facilitent l’entrée, la circulation et le maintien sur le territoire national de personnes en situation irrégulière.

L’immense majorité des Français rejoint le Rassemblement national sur ce point. Tous les Français, je crois, refusent de laisser des associations qui transgressent la loi bénéficier d’argent public.

Ces amendements visent à favoriser les associations qui respectent la loi et à sanctionner celles qui facilitent l’illégalité.

M. Matthias Renault (RN). La Constitution ne garantit aucunement le financement public des associations. Nous proposons d’exclure du mécanisme de réduction d’impôt les associations visées ; si nous arrivons aux affaires, nous irons plus loin : nous leur retirerons évidemment les subventions publiques ainsi que leur agrément.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le délit de séjour irrégulier n’existe plus depuis 2012. Il n’y a donc pas de fondement juridique à cette mesure fiscale. Avis défavorable.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). On voit les horreurs racistes et xénophobes du Rassemblement national et de ses alliés de droite. Ils attaquent des associations qui défendent les droits humains et qui essaient de faire en sorte que notre pays accueille dignement les gens.

Je voudrais plutôt vous interpeller sur le fait que les préfectures ne respectent pas la loi ; en allongeant les délais, ce sont elles qui placent les gens en situation irrégulière. Dans mon département, des travailleurs en CDI depuis des années se retrouvent en rupture de droits, voire à la rue. Personne ne s’en offusque.

Les macronistes semblent d’accord : je les attends pour nous aider en alertant les préfectures sur ce problème plutôt que de voter chaque année un projet de loi immigration qui aggrave la situation.

M. Matthias Renault (RN). Nous avons l’habitude de vous entendre réciter le petit catéchisme de l’église de gauche et vous autoproclamer seuls défenseurs de l’humanisme. Mais il ne s’agit pas de traiter les gens de façon inhumaine, comme en Tunisie ou en Libye. Être humain ne consiste pas à donner la nationalité au monde entier ; ou alors, nous avons un désaccord politique sur la notion d’humanité. En l’occurrence, la position que nous défendons est celle de la quasi-totalité des pays du monde.

Il est seulement question de refuser des subventions et des réductions d’impôt à des associations dont, par ailleurs, nous combattons la politique.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF555 de M. Sébastien Chenu.

Amendements I-CF261 de M. Corentin Le Fur et I-CF1676 de Mme Félicie Gérard (discussion commune)

M. Corentin Le Fur (DR). L’amendement I-CF261 vise à suspendre les avantages fiscaux des associations qui se rendent coupables d’intrusion dans les élevages. Monsieur de Courson, nous avons modifié la rédaction que nous défendions l’an dernier, afin de favoriser son adoption.

Les convictions des antispécistes, des défenseurs des animaux et des opposants à la consommation de viande sont respectables. Nous ne voulons pas interdire ces associations. Mais aucun euro d’argent public ne doit aller à celles dont les adhérents se rendent coupables d’intrusions.

Vous estimez, monsieur le président, qu’adopter cet amendement ouvrirait la boîte de Pandore, mais les députés LFI suivent la même logique en voulant supprimer les avantages fiscaux pour les dons aux écoles privées sous contrat.

Mme Félicie Gérard (HOR). Lorsqu’une association a été définitivement condamnée pour s’être rendue coupable de certaines infractions pénales, on suspend les avantages fiscaux sur les dons qui lui sont consentis. L’amendement I-CF1676 vise à élargir la liste des infractions concernées. En effet, de telles associations ne doivent pas être financées par l’argent des Français : cela relève du bon sens.

La mesure touche les associations si elles agissent en tant que groupe et si les condamnations des adhérents sont étendues par le juge à la personne morale de l’association, en estimant que les premiers ont agi pour le compte de la seconde. Elle est donc constitutionnelle.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il paraît logique que les associations condamnées pour les faits visés ne puissent plus bénéficier d’avantages fiscaux. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF261.

En conséquence, l’amendement I-CF1676 tombe.

Amendement I-CF296 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). Les gares appartiennent à notre patrimoine architectural et historique ; de nombreuses villes en font un lieu touristique. Cependant, la Cour des comptes et le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) le soulignent, leur état se dégrade.

Cet amendement vise à étendre le régime du mécénat aux sociétés publiques gestionnaires de gares, afin de les autoriser à recevoir des dons de particuliers ou d’entreprises. Une telle mesure constituerait un levier pour préserver et valoriser ce patrimoine ferroviaire, tout en allégeant la charge des voyageurs, et sans imposer de coût supplémentaire à l’État.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’ignorais que l’entretien des gares posait un problème spécifique nécessitant l’intervention de personnes privées.

La réduction d’impôt n’est pas faite pour financer des sociétés à but lucratif. Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Vous opposez-vous au mécénat, dont c’est le principe ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il concerne plutôt des associations d’utilité publique. Votre amendement tend à autoriser le don d’argent à des sociétés commerciales, avec le bénéfice d’une réduction d’impôt. Vous pouvez passer par le mécénat, sans créer un nouveau dispositif.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1736 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Les mécènes de Radio France doivent passer par une entité intermédiaire. Cet amendement vise à autoriser les dons directs pour simplifier et réduire les dépenses.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pourquoi l’autoriser à Radio France et non à tous les orchestres ? Par ailleurs, on peut déjà faire des dons défiscalisés au Cercle des amis de Radio France et à la Fondation musique et radio de l’Institut de France.

Avis défavorable.

M. Gérault Verny (UDR). Il est indécent de réclamer des dispositifs visant à faire bénéficier l’audiovisuel public de fonds publics supplémentaires, alors que la collectivité le finance déjà à hauteur de 3 milliards d’euros.

M. Denis Masséglia (EPR). Aujourd’hui, quand vous faites un don, vous l’envoyez à la Fondation musique et radio, qui l’envoie à Radio France. En évitant cette étape, on gagnerait du temps et de l’argent – on gagnerait en efficacité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF432 de M. Éric Woerth

M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement transpartisan vise à étendre le périmètre du mécénat aux sociétés de courses.

D’abord, cela résoudrait une incohérence. Bien que les courses de chevaux soient des manifestations sportives, comme l’a reconnu le Conseil d’État, et que les clubs sportifs soient éligibles au dispositif, les sociétés de courses ne le sont pas. Ce sont pourtant des associations qui accomplissent des missions de service public. Elles font rayonner nos territoires et contribuent à leur développement.

Ensuite, la filière hippique pourrait se financer de manière autonome : cela éviterait de la subventionner.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les sociétés de courses hippiques bénéficient déjà d’avantages fiscaux, notamment une exonération de TVA sur les gains de course. De plus, je suis partagé quant à l’opportunité d’accorder des réductions d’impôt à des activités économiques. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. Daniel Labaronne (EPR). Les sociétés de courses hippiques appartiennent au patrimoine culturel. Elles sont un vecteur d’éducation et de formation. Elles contribuent au rayonnement des territoires, ruraux en particulier, en favorisant le tourisme et l’insertion sociale ainsi que l’investissement privé dans des activités d’intérêt général. Elles méritent donc d’être éligibles au mécénat.

M. Matthias Renault (RN). Si nous voulons ouvrir le mécénat à la formation à l’équitation, rendons éligible l’établissement public placé sous la tutelle du ministère des sports qui en est chargé, c’est-à-dire l’IFCE, l’Institut français du cheval et de l’équitation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF757 de M. Christophe Proença

Mme Anna Pic (SOC). Les associations, qui participent de nombreuses façons à la cohésion de la société, nous alertent sur leurs difficultés. Les bénévoles qui utilisent leur véhicule personnel ne demandent pas toujours le remboursement des frais kilométriques pour ne pas alourdir les charges de l’association. Ils peuvent alors bénéficier d’une réduction d’impôt. Mais les plus modestes, qui ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu, sont désavantagés.

Nous proposons donc de transformer en crédit d’impôt la réduction d’impôt pour utilisation du véhicule personnel par les bénévoles associatifs.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Depuis 2022, les bénévoles peuvent calculer le montant des frais kilométriques éligibles à la réduction d’impôt en utilisant le barème du droit commun. Avis défavorable.

Mme Anna Pic (SOC). Vous venez de le dire, c’est une réduction d’impôt. Nous voulons un crédit d’impôt.

M. le président Éric Coquerel. Je soutiens cet amendement. La plupart des associations tiennent grâce aux bénévoles, qui sont rarement les plus favorisés de la société. On peut difficilement accepter que les uns bénéficient d’une réduction d’impôt tandis que les autres paient leurs frais plein pot.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Depuis plusieurs années, nous soutenons cet amendement, parce que la mesure est juste. Toutefois, il faudrait en chiffrer le coût – ce que le groupe Socialistes s’était engagé à faire – et, s’il est excessif, prévoir un plafond.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). J’ai rarement entendu le monde associatif exprimer cette demande. Je pense que le bénévolat prend davantage la forme d’un don de temps – c’est aussi une richesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF316 de M. Karim Ben Cheikh

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Cet amendement, adopté de manière transpartisane par cette commission lors de l’examen du PLF pour 2025, mais non retenu dans la version définitive du budget, vise à rendre les Français non résidents éligibles à la réduction d’impôt prévue à l’article 200 du code général des impôts pour les dons effectués en France. Il prévoit une clause de non-cumul fiscal empêchant de doubler l’optimisation dans l’État de résidence.

Les Français établis hors de France, qui paient en France des impôts sur les revenus qu’ils y perçoivent, n’ont pas droit à la réduction d’impôt sur les dons aux associations reconnues d’utilité publique. Il faut remédier à cette iniquité fiscale.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les contribuables qui résident à l’étranger mais paient leurs impôts en France doivent bénéficier des mêmes avantages que ceux qui résident en France. Avis favorable à cette correction d’une inégalité.

La commission adopte l’amendement.

M. Denis Masséglia (EPR). Pourrions-nous avoir une estimation du coût de la mesure ?

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Ben Cheikh, il vous reviendra de répondre à cette question lors de l’examen en séance.

Amendement I-CF909 de M. Karim Benbrahim

Mme Estelle Mercier (SOC). Il vise à donner droit à une réduction d’impôt pour les frais de formation aux gestes de premier secours, lorsque la formation est dispensée par des organismes habilités. En cas d’accident, les premières minutes sont cruciales et il nous reste énormément de monde à former.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. La CroixRouge, la sécurité civile et de nombreuses associations dispensent déjà énormément de formations gratuites.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF739 de Mme Marie-Noëlle Battistel, I-CF993 de M. Jean-Pierre Vigier et I-CF1607 de Mme Félicie Gérard

M. Philippe Brun (SOC). L’amendement I-CF739 vise à élargir aux pompes à chaleur air-air, dont l’efficacité est démontrée, le crédit d’impôt pour les dépenses de rénovation énergétique. C’est une recommandation de RTE (Réseau de transport d’électricité).

M. Nicolas Ray (DR). Nous proposons également d’aligner le régime fiscal des pompes à chaleur air-air sur celui des autres catégories de pompes à chaleur. Celles-ci, qui permettent de diviser par deux la consommation d’électricité, sont appelées à jouer un rôle majeur dans la transition énergétique. Notre fiscalité doit être cohérente avec notre stratégie de sortie des énergies fossiles.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Ces amendements ne visent-ils pas à créer un nouveau taux réduit de TVA ? Je veux être sûr de bien comprendre.

M. Philippe Brun (SOC). Non, il s’agit d’un crédit d’impôt sur le revenu. Beaucoup d’installations y sont éligibles, en vertu de l’article 200 quater du code général des impôts, que nous proposons d’appliquer également aux pompes à chaleur air-air.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai la même question que M. Sitzenstuhl ; les dispositifs des amendements sont identiques mais pas les exposés sommaires – celui du groupe DR parle bien d’une baisse de TVA.

Et quel est le coût de la mesure ?

M. Charles de Courson (LIOT). Pourquoi les pompes air-air étaient-elles exclues du bénéfice de ces dispositions ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Comme l’a dit M. Brun, il s’agit bien ici d’un crédit d’impôt. M. Tanguy a raison : il y a une erreur dans l’exposé sommaire des amendements I-CF993 et I-CF1607.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le crédit d’impôt serait-il soumis à une condition de ressources ?

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Le législateur a choisi d’exclure les pompes à chaleur air-air car leur rendement énergétique est cinq fois moindre que celui des pompes air-eau : il a ciblé le moyen le plus efficace.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il ne s’agit pas de créer un crédit d’impôt mais d’élargir un dispositif existant.

La commission rejette les amendements.

Réunion du lundi 20 octobre 2025 à 14 heures 30 ([suite] après l’article 2 à après l’article 3)

https://assnat.fr/UswHi1

La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général).

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Comme d’autres, j’ai demandé à plusieurs reprises à Mme de Montchalin qu’elle nous communique l’étude de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) sur laquelle elle se fonde au sujet du coût de la censure et de ce qu’elle appelle l’instabilité politique. D’après la ministre, ce coût serait compris entre 2 et 5 milliards d’euros, sans compter les pertes potentielles de recettes fiscales, entre autres privations pour les Français.

Sauf erreur de ma part, cette fameuse note ne nous a toujours pas été transmise. À force d’être pris pour un imbécile, je l’ai donc moi-même retrouvée. Or cette étude, mise à jour le 9 avril dernier, estime le coût de l’instabilité à la suite de la dissolution décidée par Emmanuel Macron, mais précise bien qu’elle ne tient pas compte de la censure de Michel Barnier.

De deux choses l’une : soit Mme de Montchalin nous communique une autre source, soit cela prouve qu’elle a menti à cette commission.

Amendement I-CF928 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement vise à augmenter le plafond du crédit d’impôt relatif à la mise en accessibilité des logements des personnes âgées ou handicapées.

De fait, 93 % des logements sont partiellement ou totalement inaccessibles. Il s’agit d’un échec dramatique des politiques libérales menées depuis le second mandat de Jacques Chirac. En effet, comment expliquer que vingt ans après la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées – loi qui prévoyait l’accessibilité de toutes les constructions neuves –, seuls 7 % des habitations soient effectivement adaptées ? Actuellement, 20 000 ménages comprenant une personne handicapée vivent dans un logement présentant des problèmes d’accessibilité. Un tel laisser-faire est insupportable. C’est le symptôme d’une société libérale forte avec les faibles et faible avec les forts, qui a laissé prospérer un validisme décomplexé.

Nous connaissons les difficultés liées au fonctionnement de ce crédit d’impôt, qui permet aux entreprises privées de proposer des services de qualité variable. Cependant, l’article 40 de la Constitution nous empêche de proposer une politique ambitieuse de subventionnement encadré de l’accessibilité des résidences principales des personnes âgées ou handicapées. Nous demandons donc au gouvernement de lever le gage sur lequel est adossé cet amendement et de financer cette mesure par une subvention.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La dépense moyenne par ménage, pour rendre un logement accessible, s’élève à 1 200 euros, une somme très éloignée du plafond actuellement en vigueur de 5 000 euros, que vous proposez d’augmenter. De plus, le dispositif MaPrimeAdapt’, justement destiné aux personnes âgées et handicapées pour l’adaptation de leur logement, est doté de 67 millions d’euros, soit l’équivalent du coût de l’amendement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF991 de M. Jean-Pierre Vigier et I-CF1751 de Mme Félicie Gérard

M. Nicolas Ray (DR). L’amendement de mon collègue Jean-Pierre Vigier vise à reconduire le crédit d’impôt pour l’acquisition et la pose d’un système de charge pour véhicule électrique. Ce dispositif fiscal est censé s’arrêter au 31 décembre 2025, mais il s’agit d’un levier important dans la stratégie de sortie des énergies fossiles.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le coût de ces amendements étant faible – 22 millions d’euros – au regard des besoins en électrification, je leur donne un avis favorable, même si je sais que chaque euro supplémentaire dépensé est un problème.

La commission adopte les amendements.

Amendement I-CF360 de M. Aurélien Le Coq

Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Vous demandez des économies : en voici une. Cet amendement tend à supprimer l’accès au crédit d’impôt relatif aux opérations forestières pour les travaux sylvicoles faisant suite à une coupe rase – sauf si celle-ci a eu lieu pour des raisons sanitaires.

Pour votre information, 90 % des crédits du plan France Relance consacrés au renouvellement forestier ont servi à financer des plantations après une coupe rase. Cette incitation fiscale permet donc de faire du profit rapidement, mais au prix de la destruction de la biodiversité. Travaillé avec les associations Canopée et Les Amis de la Terre, cet amendement vise à remédier à cette “dépense brune” de l’État, qui n’est autre qu’une niche écocidaire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les propriétaires de forêt ne peuvent pas faire n’importe quoi. Il leur est heureusement obligatoire d’établir un plan de gestion validé par l’État. De plus, l’administration fiscale prévoit déjà que le contribuable qui ne respecte pas son engagement de reboisement dans un délai de trois ans perd le bénéfice de son crédit d’impôt et doit le rembourser. Avis défavorable.

Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Certes, le reboisement est obligatoire ; le problème vient du manque de diversité des essences replantées. Vous savez ce à quoi correspond une coupe rase. Or la replantation de résineux sur de nombreux hectares nous rend extrêmement peu résilients face au changement climatique. Les parcelles en question brûlent comme des allumettes, tandis que les parasites s’y développent plus rapidement.

Dans ce budget prétendument écolo qui divise par deux les crédits du fonds vert, notre préoccupation est de ne pas laisser persister des niches qui ne bénéficient qu’aux énormes exploitations forestières et qui aboutissent à la plantation d’essences uniques et inadaptées à ce que nous allons devoir affronter dans les décennies à venir.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Des règles relatives à la coupe et la replantation sont à respecter dans les plans de gestion des forêts. Elles ne dépendent pas de la fiscalité, mais des recommandations des préfets.

M. le président Éric Coquerel. C’est aussi une question de moyens alloués à l’opérateur, que nous diminuons chaque année…

M. François Jolivet (HOR). Je rappelle que dans le cadre des aides prévues dans le dernier plan de relance pour la replantation de forêts – lesquelles constituent le premier puits de carbone –, les préfets ont pour obligation de définir la nature des essences autorisées. De fait, des terres qui produisaient des chênes, par exemple, ne le pourront plus à l’avenir. Tout cela est très encadré, du moins c’est le cas dans l’Indre, où des contrôles sont menés.

Je ne comprends donc pas l’objet de cet amendement, dont l’adoption empêcherait le renouvellement des forêts. Les essences produites par certaines d’entre elles sont condamnées : de nombreux rapports, y compris du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), le montrent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1761 de Mme Chantal Jourdan

Mme Chantal Jourdan (SOC). Cet amendement vise à créer un nouveau crédit d’impôt dans le cadre du Defi forêt (dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt), afin de financer la réalisation de diagnostics d’indice de biodiversité potentielle (IBP) et de cartographies des éléments d’intérêt écologique à préserver. Une telle mesure permettrait de mieux protéger la biodiversité, mais aussi de mieux informer et de sécuriser les professionnels de la filière bois.

J’ajoute que ce crédit d’impôt contribuerait à la réalisation de l’action 4 de la mesure 22 de la SNB (stratégie nationale pour la biodiversité), qui vise à encourager l’utilisation de l’indice de biodiversité potentielle, élaboré par le CNPF (Centre national de la propriété forestière).

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Comme je l’ai dit à Mme Guetté, des recommandations sont faites aux propriétaires de forêts pour l’établissement de leurs diagnostics. Il est tout à fait légitime de vouloir accentuer celles relatives à la biodiversité, mais je vous suggère plutôt d’en parler au gouvernement, qui peut agir par voie réglementaire.

Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Nous savons bien que les plans de gestion doivent prévoir le reboisement. Le problème vient de la diversité forestière : tant que nous ferons des monocultures, nos forêts ne seront pas résilientes.

M. Jolivet parle de chênes ; je parle des résineux. Je m’étonne d’ailleurs du rejet de mon amendement par des députés représentant des circonscriptions particulièrement vulnérables au changement climatique. Je pense notamment aux Landes, dont les habitants seront ravis d’apprendre qu’ils ont permis de subventionner les grandes entreprises qui pratiquent ces coupes rases écocidaires et très dangereuses.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’indice de biodiversité potentielle, créé, je le répète, par le CNPF, est un bon outil destiné à protéger la biodiversité et à sécuriser les travaux forestiers, mais il n’est pas utilisé. Il faut que les forestiers connaissent les milieux sur lesquels ils interviennent, notamment pour éviter les problèmes juridiques.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF597 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Cet amendement vise simplement à appliquer une recommandation de l’Inspection générale des finances (IGF), en réduisant à 25 et à 20 %, selon le montant des productions cinématographiques, le crédit d’impôt dont elles bénéficient, afin que chacun participe à l’effort de guerre.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pour une fois qu’un crédit d’impôt est évalué ! Selon l’IGF, l’attractivité de ce dispositif n’est effectivement pas démontrée, particulièrement pour les productions dont le budget est inférieur à 7 millions d’euros. Avis favorable.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Je ne comprends pas : on nous a expliqué qu’il fallait préserver le Cisap (crédit d’impôt services à la personne) au motif qu’il créait des emplois, mais ce dispositif aussi ! Pourquoi, en 2016, avons-nous porté le taux de 20 à 30 % ? Parce que nous nous étions rendu compte que de nombreux tournages étaient délocalisés hors de France. Or, depuis, les délocalisations ont diminué et plus de 500 millions d’euros ont été investis dans les productions cinématographiques sur le territoire national, avec des emplois à la clé. Les conseils de l’IGF sont parfois pertinents mais, en l’espèce, ce n’est pas le cas. Si vous voulez défendre le made in France dans ce domaine où nous sommes excellents, il ne faut pas voter cet amendement.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Moi aussi, je suis attaché à la production cinématographique et à l’exception culturelle française, mais le rapport de l’IGF est très clair : ce n’est pas une baisse de 5 points de pourcentage qui changera les choses.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF371 de Mme Mathilde Feld, I-CF818 de M. Nicolas Sansu et ICF372 de M. Castellani (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il s’agit ici de faire enfin contribuer plus correctement les plus fortunés du pays, ceux-ci étant d’ailleurs en bonne partie responsables du creusement du déficit, eu égard aux multiples cadeaux fiscaux qui leur ont été attribués depuis que M. Macron sévit à l’Élysée. Nous proposons donc de tripler la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), en portant son taux à 9 et 12 % selon les contribuables.

Je rappelle à cet égard que les crédits d’impôt et cadeaux fiscaux dont ont bénéficié les 0,1 % les plus riches depuis 2017 atteignent la somme de 3 500 euros par an et par personne.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Plus modéré, l’amendement I-CF818 vise à doubler les taux de 3 et 4 % actuellement en vigueur, ce qui porterait le taux marginal d’imposition à respectivement 51 et 53 % pour les tranches correspondantes.

À ceux qui nous écoutent, je rappelle que la taxe dont nous parlons ici ne concerne qu’une très petite quantité de contribuables, les plus aisés, lesquels sont souvent des dirigeants ou des traders qui perçoivent des rémunérations exceptionnelles. Le problème du dispositif est qu’il ne porte que sur les revenus du travail, ceux du capital étant épargnés, mais nous nous en occuperons avec d’autres amendements.

En tout état de cause, ces amendements renforceraient la progressivité de l’impôt et accroîtraient les recettes fiscales, ce que, me semble-t-il, nous souhaitons tous.

M. Michel Castellani (LIOT). Nous aussi souhaitons que l’effort très important de rééquilibrage budgétaire soit partagé de la manière la plus équitable possible. Par l’amendement I-CF372, nous proposons donc d’augmenter le taux de la CEHR à 5 % pour les personnes dont le revenu fiscal excède les 500 000 euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Premièrement, le Conseil constitutionnel risque de censurer une telle mesure car, avec une CEHR à 12 %, le taux marginal d’imposition atteindrait 74,2 %, un niveau confiscatoire.

Deuxièmement, si une augmentation plus modérée de 0,5 point de pourcentage, comme le propose l’amendement I-CF372, ne poserait probablement pas de problème de constitutionnalité, son rendement serait limité et réduirait, par le jeu des vases communicants, celui de la CDHR (contribution différentielle sur les hauts revenus).

Enfin, contrairement à ce que j’ai entendu, je ne crois pas que tout le monde ici veuille augmenter la pression fiscale.

M. Gérault Verny (UDR). Je confirme ! Certains, au sein de cette commission, savent raison garder. La pression fiscale est beaucoup trop forte.

La CEHR, comme son nom l’indique, était censée être exceptionnelle, mais ce n’est manifestement plus le cas – nous en avons parlé ce matin.

Au fond, vous mélangez tout : la valeur des actifs et les revenus. Les riches sont trop riches ; les pauvres trop pauvres. Mais à chaque fois que vous augmentez une taxe, vous baissez le rendement global : c’est la courbe de Laffer. Cette contribution est un mauvais impôt, qui devrait être supprimé. Michel Barnier l’avait proposé de manière exceptionnelle, mais, une fois encore, le provisoire dure.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Je présume que nous avons toutes et tous été interrogés sur le budget dans nos circonscriptions, ce week-end. Tout le monde comprend qu’un effort considérable va être demandé aux gens, qu’il s’agisse de la hausse des franchises médicales ou encore du gel des prestations et des allocations. Par ces amendements, nous demandons un effort de quelques points de pourcentage à des gens qui touchent plus de 250 000 euros par an. Cela ne me paraît pas complètement dingue quand, dans le même temps, nous demandons à l’ensemble des Français de se serrer la ceinture et de se sacrifier.

On nous rétorque que, dès lors, les hauts revenus ne paieront pas leurs impôts. Dans ce cas, comme nous, encouragez-les à le faire, à rester en France et à contribuer dans l’intérêt du pays. Le patriotisme, ce n’est pas quand ça vous chante ! Le patriotisme, c’est aussi payer ses impôts, fournir un effort, faire tourner le pays et nos services publics.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF911 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Le groupe La France insoumise propose ici de garantir la déconjugalisation des dettes fiscales en cas de séparation. Certes, l’article 1691 bis du code général des impôts, introduit par la loi de finances pour 2008, prévoit un dispositif de décharge en responsabilité solidaire permettant de répartir les dettes fiscales de la période de vie commune entre les deux parties. Cependant, cette décharge n’est accordée qu’en cas de disproportion marquée entre le montant à acquitter et la situation financière et patrimoniale nette du demandeur. En l’absence de critères fixés par la loi, la reconnaissance d’une disproportion marquée est souvent refusée, celle-ci étant appréciée de manière discrétionnaire par le fisc.

L’amendement vise donc à supprimer l’examen de ladite disproportion, afin que les femmes n’aient pas à subir et à payer les dettes fiscales de leur ancien mari.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En défendant la proposition de loi visant à assurer une justice patrimoniale au sein de la famille, promulguée en 2024, notre collègue Perrine Goulet avait renoncé à l’idée de modifier les critères d’octroi de la décharge en responsabilité solidaire, mais a ouvert la possibilité, pour l’administration fiscale, de prononcer une décharge gracieuse, afin de mieux tenir compte de certaines situations individuelles. Grâce à cette réforme, la part des décisions favorables est déjà passé de 39 à 88 %. Le présent amendement étant donc satisfait, j’en demande le retrait, à défaut de quoi je lui donnerai un avis défavorable.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cette réforme, que je connais, ne suffit pas : 88 %, ce n’est pas 100 %.

Mme Perrine Goulet (Dem). Il est évident que nous ne pouvons atteindre les 100 %, car il y a nécessairement des cas où l’ancienne épouse doit rester solidaire des dettes. Il n’empêche que le nombre de décharges a beaucoup augmenté et que les associations sont satisfaites du dispositif. Adopter cet amendement me semble donc inutile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1303 de M. Philippe Lottiaux, amendements identiques ICF1661 de Mme Olivia Grégoire, I-CF1678 de Mme Brigitte Klinkert et ICF1750 de Mme Félicie Gérard, amendements identiques I-CF1370 de M. Charles de Courson et I-CF1602 de M. Éric Ciotti, amendement I-CF1766 de M. Laurent Wauquiez (discussion commune)

Mme Stéphanie Galzy (RN). L’amendement I-CF1303 de mon excellent collègue Lottiaux vise à prolonger l’exonération de cotisations, de contributions sociales, de participations, de taxes et d’impôt sur le revenu des pourboires perçus par les salariés, notamment dans le secteur de la restauration.

Tout le monde – ou presque – a conscience que les Français n’en peuvent plus. Les prix augmentent, les prix s’envolent et chaque euro compte. Dans ce contexte, il serait injuste de supprimer une mesure améliorant le pouvoir d’achat de milliers de salariés. Les pourboires sont un complément vital pour ces personnes qui vivent avec un revenu modeste. L’amendement tend à soutenir le travail et à redonner un peu d’air à ceux qui peinent à joindre les deux bouts.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). L’excellent amendement I-CF1661 vise également à prolonger l’exonération fiscale et sociale des pourboires, instaurée par la loi de finances pour 2022. Ma collègue Olivia Grégoire s’était déjà battue pour que cette mesure très concrète de pouvoir d’achat destinée aux salariés de l’hôtellerie et de la restauration figure dans le budget pour 2024.

Mme Félicie Gérard (HOR). Soutenu par le groupe Horizons & indépendants, l’amendement I-CF1750 tend, lui aussi, à prolonger l’exonération fiscale et sociale des pourboires pour les deux prochaines années. Nous avions déjà fait adopter pareille mesure l’an dernier : elle est essentielle pour nos restaurateurs et leurs salariés.

M. Michel Castellani (LIOT). Mon collègue Charles de Courson propose également de prolonger jusqu’à la fin 2027 cette exonération qui arrive à échéance le 31 décembre prochain.

M. Gérault Verny (UDR). Normalement, quand on est content d’avoir passé un bon déjeuner, on laisse un pourboire au serveur. L’exonération de cette somme est la bienvenue en ce qu’elle représente une ressource nette dans la poche des intéressés qui, jusqu’à preuve du contraire, ne sont pas des nantis. Or depuis que son échéance pointe le bout de son nez, la plupart des restaurateurs refusent de prendre les pourboires sur leur TPE (terminal de paiement électronique), arguant que cela va rendre la double comptabilité difficile.

Nous parlons ici de sommes modestes pour l’État, mais qui peuvent être importantes pour des travailleurs qui ont souvent des horaires difficiles. Il serait de bon ton de leur laisser en intégralité ; cela n’enlèverait pas grand-chose à quiconque.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Nous constatons tous que les métiers de la restauration et de l’hôtellerie sont de moins en moins attractifs. L’exonération des pourboires est de nature à fidéliser le personnel travaillant dans ce secteur.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il est de tradition d’exonérer les pourboires, mesure de liberté et de bon sens. Je donne donc un avis favorable à l’ensemble de ces amendements, qui diffèrent toutefois sur la durée de prolongation du dispositif.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Par ces amendements, vous reconnaissez que nous avons un problème de précarité et de niveau de rémunération des serveurs et des serveuses. Mais alors, pourquoi n’êtes-vous jamais là pour augmenter les salaires ? En l’occurrence, vous faites reposer l’augmentation de la rémunération sur un élément aléatoire ; certains ont plus de pourboires que d’autres et ils sont parfois mis en commun par le personnel.

J’y insiste, pourquoi ne pas nous suivre pour accroître les salaires, ce qui permettrait aussi d’augmenter les cotisations ? L’exonération n’est pas le bon outil. Il risque même d’inciter les employeurs à baisser les salaires. Ils se reposeront sur les pourboires et se laveront les mains de la survie des serveurs et des serveuses.

M. Daniel Labaronne (EPR). Le groupe EPR votera l’amendement d’Olivia Grégoire, qui contient une mesure de pouvoir d’achat très concrète et efficace pour les travailleurs de l’hôtellerie-restauration. Elle renforcera l’attractivité de ces métiers en tension ; c’est un enjeu économique et social majeur pour le tourisme français.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). La possibilité de verser un pourboire par carte bleue a été introduite il y a quelques années et fonctionne bien. Il me semble important que, dans notre monde très numérique, nous puissions récompenser de cette manière la relation que nous avons avec la personne qui nous sert et qui participe donc au moment de convivialité que nous vivons. Pouvoir récompenser ainsi une prestation met un peu d’humanité dans le rapport avec les professionnels.

M. Jean-Didier Berger (DR). Je précise que notre amendement I-CF1766, qui vise à prolonger le dispositif d’un an, est celui qui a le plus de chances de ne pas être censuré par le Conseil constitutionnel, les autres proposant une prolongation de plusieurs années.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je confirme que c’est celui qui présente le plus de sécurité juridique.

La commission rejette l’amendement I-CF1303.

Elle adopte les amendements I-CF1661, I-CF1678 et I-CF1750.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendements de suppression I-CF1846 de M. Philippe Juvin, I-CF121 de M. Daniel Labaronne, I-CF1573 de M. Éric Ciotti et I-CF1768 de M. Laurent Wauquiez

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’article 3 pose plusieurs problèmes.

D’abord, en portant sur les actifs non distribués, il méconnaît le principe d’égalité devant les charges publiques consacré par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises qu’un impôt doit s’appliquer à une richesse effectivement disponible.

Ensuite, la mesure qu’il contient est confiscatoire. Potentiellement taxées à hauteur de 2 % sur une assiette qui inclut des actifs affectés aux activités opérationnelles du groupe, les holdings françaises pâtiraient d’une distorsion vis-à-vis des holdings étrangères, ce qui représenterait une rupture d’égalité devant l’impôt.

Enfin, l’article 3 pourrait également porter atteinte à la liberté d’établissement et de libre circulation des capitaux, en renchérissant la détention d’actifs via des sociétés établies dans l’Union européenne.

Pour toutes ces raisons, conjuguées au caractère anti-économique de la mesure sur lequel nous reviendrons probablement au cours du débat, je suggère la suppression de cet article.

M. Daniel Labaronne (EPR). Ma boulangerie, ma boucherie et d’autres PME industrielles de ma circonscription sont organisées en holdings afin de piloter les établissements de leur groupe.

L’impact sur le tissu productif de cette taxe sur le patrimoine financier n’a fait l’objet d’aucune évaluation. Elle aura pourtant pour effet de renchérir le coût de détention de la trésorerie. Or celle‑ci est utile pour l’autofinancement des investissements de production et d’innovation et pour la croissance externe des établissements – par exemple, une deuxième boulangerie dans une commune rurale.

Cette taxe s’appliquera donc au détriment de l’activité, de la compétitivité et de l’attractivité de notre économie. Et l’on viendra se plaindre que le chômage augmente ! Mais quand on aura décimé le poulailler, il ne faudra pas s’étonner qu’il n’y ait plus d’œuf.

Par cohérence avec la politique d’offre et d’investissement que nous prônons, nous proposons donc de supprimer cet article.

M. Gérault Verny (UDR). Je trouve le dispositif prévu par l’article 3 d’une extrême démagogie. On essaie de faire croire aux Français que, derrière le mot holding, se trouvent des jets privés, des yachts, des œuvres d’art… Comme les poissons volants, il y en a, mais ce n’est pas la majorité !

Vu la réalité économique de notre pays, taxer les holdings revient à taxer les entrepreneurs de manière directe, et non des holdings patrimoniales – vous m’expliquerez ce que c’est, car ça n’existe pas. S’agit‑il de holdings animatrices ? Là encore, la notion est floue…

En réalité, il s’agit toujours de la même logorrhée gauchiste : à bas les riches ! Mais ce n’est pas le sujet et il faut protéger les entrepreneurs et leur outil. Nous proposons donc la suppression de cet article.

M. Jean-Didier Berger (DR). Cet amendement vise également à supprimer l’article 3. D’abord, heureusement qu’il y a des entreprises dans notre pays, qui créent la richesse que nous allons ensuite redistribuer par générosité.

Certes, des abus peuvent exister, mais ce n’est pas en visant l’exception que l’on doit établir la règle. Après une offensive médiatique au sujet de la taxe Zucman, tout le monde a compris que taxer l’outil professionnel allait avoir des effets de bord incontrôlables.

Ce qui est ici proposé ressemble cependant à du Zucman light. Taxer les actifs des entreprises de façon indifférenciée, en partant du principe qu’il pourrait y avoir des abus ici ou là, ne me paraît pas être de bonne politique.

Le cas échéant, nous défendrons des amendements de repli qui permettront de mieux cibler ce qui mérite de l’être.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Paradoxalement, si l’administration n’était pas guidée par le gain immédiat d’une recette à court terme – manifestement l’objet du texte –, elle comprendrait qu’il vaut mieux, lors de la distribution des dividendes, prélever le PFU (prélèvement forfaitaire unique) sur des montants qui ont pris de la valeur plutôt que de vouloir encaisser immédiatement une somme.

Cette question, connexe, ne retire rien à ce que j’ai pu dire en faveur de ces amendements de suppression, auxquels je donne un avis favorable.

M. le président Éric Coquerel. Je rappellerai le contexte à tous ceux qui demandent la suppression de cet article mal ficelé. Je voterai d’ailleurs cette taxe qui, quoique modérément, va dans le bon sens et indique un cap.

D’abord, entre 2025 et 2026, les hauts patrimoines et les très grandes entreprises ont vu leurs taxes diminuer de 4 milliards dans le budget. Dans celui que nous allons examiner, ils sont donc imposés de 4 milliards de moins que l’an dernier. Ce budget est donc moins‑disant par rapport au précédent, qui n’allait déjà pas très loin.

Le deuxième élément problématique est que cette taxe exclut les biens professionnels, à l’inverse de ce qui vient d’être dit. Or, depuis quelques années, le problème fondamental concernant les ultrariches est qu’ils parviennent à éviter l’impôt, justement parce que les biens professionnels, constitués à 90 % d’actifs financiers, ne sont pas imposés de la même manière que le tout‑venant. La taxe Zucman révèle par exemple que les 175 personnes les plus riches du pays payent moins de 2 % d’impôt sur le revenu et que, toutes richesses comprises, elles sont globalement imposées à 25 % environ quand, en moyenne, la plupart des Français sont imposés à 50 %.

La question n’est donc pas de faire payer plus les ultrariches, mais de les imposer sur leur richesse, comme le tout‑venant. Or le problème de cette taxe est notamment qu’elle exclut les actions. Voici un exemple des éléments exclus : le 15 octobre, en une journée, M. Arnault a vu sa fortune augmenter de 19 milliards de dollars sur les actions LVMH. Cela n’est pas théorique ; à l’instant T, sa fortune s’élève donc à 192 milliards de dollars.

La taxe que vous proposez ne le touche pas. Elle ne corrige pas l’effet évoqué dès lors que les biens dits professionnels sont aussi, en réalité, une richesse personnelle – à l’instar des actions.

Je voterai donc en faveur de cet article qui prévoit de taxer un peu plus les ultrariches. Chacun constatera cependant qu’il passe à côté de la cible principale. Tant qu’on ne la visera pas, il existera des disparités fiscales et un système antiredistributif, dans lequel les ultrariches payent moins d’impôts que la plupart des Français. Ce n’est pas possible.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Cet article n’est pas si mal fait. D’une part, il s’agit d’une mesure de justice fiscale, pendant de la contribution différentielle sur les hauts revenus. D’autre part, elle exclut les investissements professionnels.

La holding est un outil très utile pour le développement. Encore faut‑il que l’argent généré soit réinvesti. Tel est le but du régime des sociétés mères‑filles. Selon cet article, l’impôt n’est pas dû par la personne physique mais par l’entreprise, une particularité qui change fondamentalement l’analyse.

Il y a quelques années, le but du précompte des réserves – taxer les réserves de plus de cinq ans qui n’avaient pas été distribuées – était le même : si l’argent n’était pas utile au réinvestissement, il devait être redistribué et la flat tax acquittée ; dans le cas contraire, l’argent restait dans l’entreprise et servait à son développement.

Il me semble que l’article prévoit adroitement tous ces cas. Nous sommes donc opposés à sa suppression.

Je signale un problème de forme : M. le rapporteur général, vous proposez un amendement de suppression, ce qui vous met mal à l’aise pour commenter les autres amendements.

M. Gérault Verny (UDR). La taxe Zucman est une espèce de foutoir de nouveau mise sur le devant de la scène, justement pour faire passer cet article, qui ne serait pas le pire.

Mais quand vous donnez 1 euro à Xavier Niel, il en fait Iliad ; quand vous donnez un euro à l’État, il en fait 3 300 milliards de dettes. Où l’argent est‑il le mieux utilisé ? L’entrepreneur a‑t‑il besoin de moyens pour se développer ? Oui. La suppression de cet article revient donc à dire : stimulons l’activité économique.

Deuxième question importante, un fonds d’investissement anglo‑saxon détenant une holding en France ne sera pas concerné par cette taxe, contrairement à l’entrepreneur. On se trompe donc de cible.

Mme Eva Sas (EcoS). À défaut d’avoir pour l’instant gagné la bataille législative, nous avons au moins gagné la bataille culturelle. Aujourd’hui, plus personne n’ignore que les plus riches payent moins d’impôts que les classes moyennes ni que les 500 plus grandes fortunes ont doublé leur patrimoine depuis 2017. Cet article reconnaît le problème de l’évasion fiscale des plus riches par le biais des holdings patrimoniales.

En revanche, ce n’est pas le bon outil. La seule façon d’éviter le contournement de l’impôt par les plus aisés serait la taxe Zucman. En effet, ils inventeront toujours un autre système d’optimisation fiscale pour contourner l’impôt. Seul l’impôt plancher sur la fortune n’offrirait aucune échappatoire.

Cet article va néanmoins dans le bon sens. Nous souhaitons que la taxe sur les holdings soit maintenue et voterons donc contre ces amendements, même si nous proposerons de donner davantage d’ambition à cette mesure.

M. Paul Midy (EPR). Avec le groupe EPR, nous voterons contre ces amendements de suppression, car nous trouvons important de débattre d’une taxe sur les holdings. Nous serons particulièrement vigilants sur deux points : le type de structures et le type d’actifs concernés. Nous veillerons à ce qu’elle n’ait pas d’impact négatif sur l’économie et sur l’activité.

Nous poserons aussi la question du fléchage de l’épargne et des résultats accumulés, pour que cet argent soit le plus utile possible à l’économie productive, à la création d’emplois et à la croissance.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Nous soutenons évidemment cet article et sommes opposés aux amendements de suppression, défendus par un groupe de partis qui constituent le front de défense des ultrariches.

Vous voulez nous émouvoir sur la situation des PME (petites et moyennes entreprises) et des ETI (entreprises de taille intermédiaire). Or les organisations syndicales qui les représentent sont favorables à la taxe Zucman. Si vous prétendez les défendre, suivez donc leurs déclarations.

Vous parliez de « poissons volants » pour les yachts, mais ce marché a explosé au cours des quinze dernières années pour des raisons fiscales, parce que le nombre de millionnaires et de milliardaires a explosé.

Il faut donc regarder la réalité en face : l’existence de mécanismes d’optimisation fiscale est un secret de polichinelle. Cet article aborde enfin ce sujet important.

M. Nicolas Sansu (GDR). Je voterai évidemment contre ces amendements de suppression, même si l’article 3 est un pis‑aller, un succédané de ce que l’on devrait faire sur la taxation des patrimoines des ultrariches. Il prévoit tellement d’exemptions que le rendement ne devrait même pas être au rendez‑vous.

Lorsque les actifs professionnels ne sont pas ciblés, comme dans le pacte Dutreil, et que l’on peut cumuler le régime mère‑fille et l’apport‑cession – des dispositifs qui vont exploser –, ces holdings prétendument patrimoniales, qui en réalité n’existent pas, vont échapper à la taxation.

La trésorerie n’est pas ciblée non plus : les sociétés opérationnelles permettent d’éviter la taxe. Le même problème se pose avec le pacte Dutreil, cher Jean‑Paul Mattei.

Un risque d’optimisation sur les biens immeubles existe aussi, puisqu’il suffira qu’une SCI (société civile immobilière) loue des biens à une société dite opérationnelle, quelle qu’elle soit, pour échapper à la taxe sur les holdings. Il faut donc évidemment garder cet article, mais ce n’est qu’un tout petit pas.

M. Charles de Courson (LIOT). L’article 3 répond‑il au problème posé par tous les observateurs, y compris le gouvernement qui, dans l’étude d’impact, dit qu’« une baisse du taux moyen d’imposition au sein des revenus des 0,1 % les plus élevés est observée aujourd’hui lorsqu’on rapporte les impôts payés aux revenus que le contribuable contrôle » ? La réponse est non.

D’abord, le produit est estimé à 900 millions d’euros. Mais il y a plus grave : une holding familiale implantée en France va payer l’impôt, mais quid des minoritaires qui ne sont pas dans le pacte familial ? On va donc faire payer un impôt parce qu’une partie des actionnaires remplissent les conditions d’éligibilité. Je pense que le Conseil constitutionnel annulera cette mesure.

Concernant les holdings situées à l’étranger, c’est l’intéressé qui paiera, et non la holding. Je ne vois pas comment cela peut fonctionner. C’est une mauvaise piste et il ne faut pas adopter un dispositif inadapté à l’objectif poursuivi.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Lorsque M. Labaronne évoque son boucher et son boulanger, il faut rappeler que, pour qu’une holding soit éligible à la taxe, sa valeur doit dépasser les 5 millions d’euros. Nous ne visons donc pas les petits commerçants à côté de chez vous.

Le rendement attendu est très faible, loin d’une Zucman light comme de l’ambition d’une taxe Zucman. Concernant le risque d’évasion et d’exil fiscal lié à la taxe sur les holdings ou à la taxe Zucman, une étude de juillet 2025 du Conseil d’analyse économique, rattaché à Matignon, montre que la hausse de la fiscalité pour les plus riches n’a que très peu d’effets sur l’exil fiscal. Après les mesures de 2013 qui ont augmenté de 4 % les impôts sur les plus riches, le taux de départ n’est passé que de 0,04 % à 0,09 %.

Nous trouvons que cet article n’est pas à la hauteur et proposons de nombreux amendements pour l’améliorer, afin de mettre en place une vraie taxation sur les plus hauts revenus.

La commission rejette les amendements.

Amendements I-CF1134 de M. Philippe Brun et I-CF505 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)

M. Philippe Brun (SOC). Nous vous proposons deux amendements pour réécrire le dispositif, mité d’exemptions, peu rentable et doté d’un certain nombre de défauts d’ailleurs rappelés par Charles de Courson – s’agissant notamment du paiement de la taxe par les personnes physiques pour les holdings étrangères.

Les deux alternatives proposées s’inspirent de la fiscalité américaine – ce qui plaira à M. Verny. Nous avons repris le titre 26 du code général des impôts américain, concernant les deux taxes qui frappent les holdings.

La première, l’accumulated earnings tax, est une taxe de 20 % sur les réserves accumulées qui ne sont pas réinvesties dans l’entreprise, sur le modèle de ce que disait notre collègue Mattei : le dispositif fiscal des holdings doit s’appliquer s’il y a réinvestissement ; dans le cas contraire, une taxe doit s’appliquer sur ces réserves. Nous nous alignons donc sur le droit américain, avec les mêmes conditions d’exemption qu’aux ÉtatsUnis. Ce modèle est proposé par l’amendement ICF1134.

La deuxième taxe, proposée par l’amendement I-CF505 déposé avec ma collègue Christine Pirès Beaune, est la personal holding company tax, qui met en place une surtaxe pour les holdings dont les revenus sont composés à 60 % de revenus passifs – dividendes, loyers, droits d’auteur non réinvestis.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. D’abord, le parallélisme avec la loi américaine proposé par M. Brun est inexact : dans la loi américaine, il s’agit d’une amende de 20 % alors que, dans la version présentée par le Gouvernement, il s’agit d’un taux de prélèvement de 2 %. Une amende de 20 % ne me gêne pas mais, en l’espèce, mais vous la transformez en prélèvement annuel de 20 %, lui conférant un caractère confiscatoire.

Ensuite, en taxant les bénéfices non distribués d’une société mère, vous taxez les dividendes versés par une filiale. Or la directive mère‑fille l’interdit, moyennant une limite de 5 %.

M. Philippe Brun (SOC). Il ne s’agit pas d’une surtaxe ou d’une amende, mais bien de la taxe américaine sur les dividendes retenus, soit 20 % des réserves comptables hors réserve obligatoire quand les liquidités ne sont pas utilisées pour le réinvestissement dans l’entreprise.

La deuxième taxe est la copie conforme de la taxe américaine. Je veux bien qu’on explique que la France est un enfer fiscal, mais lorsque l’on vous propose d’adopter rigoureusement les mêmes dispositions qu’aux États‑Unis, traduites en droit français, on nous explique que cela est impossible et confiscatoire.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement de notre collègue Brun est sympathique. J’avais exploré cette piste au temps où j’étais rapporteur général : réinventer tout simplement le précompte mobilier, supprimé en 2005 après l’adoption de la directive mère‑fille. Celle‑ci, euro‑incompatible, fait de cette piste une impasse, même si elle peut être compatible avec des participations extraeuropéennes.

L’amendement Brun pose donc hélas un problème d’euro‑incompatibilité, à moins de négocier au préalable une modification de la directive mère‑fille, qui fixe le plafond à 5 %. Je ne le voterai donc pas.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1374 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement de précision vise à clarifier la définition des titres de placement, afin de lever toute ambiguïté sur leur qualification comptable et fiscale. Sont ainsi qualifiés de titres de placement les actifs détenus dans une logique de rendement ou de plus‑value, et non de contrôle ou de participation stratégique.

L’amendement crée en outre une taxe annuelle de 2 % sur la valeur nette des titres de placement inscrits à l’actif des sociétés holdings familiales, afin de limiter les comportements d’optimisation consistant à loger des portefeuilles financiers importants dans des structures non opérationnelles bénéficiant d’une fiscalité plus favorable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Mon avis est défavorable, à cause de la taxation à 2 % de la valeur de ces titres. Il y a certes, par définition, une dépréciation du capital des sociétés en raison de cette taxe, mais l’on rend également non viables les investissements inférieurs à 2 % nécessitant des financements extérieurs, dont la rentabilité n’est plus assurée.

J’y vois donc un effet pervers de votre disposition, qui essaie pourtant de trouver une solution de sortie.

M. Charles de Courson (LIOT). Il s’agit d’un amendement de précision par rapport au texte gouvernemental. Son objet était de définir les titres de placement, que l’on distingue, en comptabilité, des titres de participation, ce qui n’est pas le cas dans le droit fiscal. Les 2 % correspondaient à la proposition du gouvernement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’entends bien, mais votre amendement n’apporte malheureusement pas les améliorations qui permettraient de contrebalancer les inconvénients évoqués.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1463 de M. Jean-Didier Berger.

M. Jean-Didier Berger (DR). Le fait de remettre de l’argent dans une holding ne permet pas de se soustraire à l’impôt, mais simplement de le différer. Pour les raisons évoquées par le rapporteur général, l’État a parfois intérêt à ce que l’imposition soit différée, ce qui lui permet d’augmenter sa recette.

Le vrai trou dans la raquette, qui permet de se soustraire à l’impôt, concerne le cas du décès des propriétaires de la holding : la plus‑value échappe alors à l’impôt. Mon amendement vise donc à réécrire l’article 3, non pour taxer la trésorerie ou des actifs qui fluctuent, non pour obliger les entreprises à accélérer le rythme des réinvestissements, mais pour être certain que l’État finisse toujours par récupérer les plus‑values qui lui sont dues.

C’est en s’attaquant à ce trou des successions que l’on peut régler le problème d’équité fiscale sur ce sujet.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je n’avais pas bien compris votre amendement, que je vous propose donc de retirer au profit d’un autre qui cible les biens somptuaires. Votre objectif est d’empêcher qu’une trésorerie conçue soit pour préparer une succession, soit pour préparer de futurs investissements ne soit utilisée à d’autres fins.

Une voie de sortie pourrait consister à déterminer la liste de biens qualifiés de somptuaires, qui ne pourraient jamais être utilisés dans la trésorerie.

M. Jean-Didier Berger (DR). Il peut y avoir des holdings qui n’ont aucun bien somptuaire – ni yacht, ni château en Espagne… –, mais simplement de la trésorerie – des plus‑values stockées à l’intérieur de la société mère. Le jour où le propriétaire de la holding meurt, il n’y a actuellement pas de taxation.

Je propose de mettre fin à ce vide juridique et de faire en sorte que la taxation différée ne puisse pas être annulée, ce qui serait une iniquité. Cette question de justice serait résolue par mon amendement.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il est toujours difficile d’analyser des amendements très complexes tels que celui que vous présentez. Met‑il fin à l’exonération de plus‑value en matière de transmission à titre gratuit ?

Vous mettez le doigt dans quelque chose de troublant : on ne peut pas à la fois payer des droits de mutation et des plus‑values, selon le principe même de la transmission à titre gratuit. Je ne comprends pas bien votre amendement, qui me semble délicat.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article est ainsi rédigé et les autres amendements tombent.

M. le président Éric Coquerel. Il y a un problème de rédaction de cet amendement, qu’il faudra reprendre pour la séance.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Pourquoi tous ces amendements de réécriture de l’article n’ont‑ils pas été examinés en discussion commune ? Cela a nui à la clarté des débats.

M. le président Éric Coquerel. Ils n’avaient pas le même objet, mais la remarque est pertinente. Il faudra y veiller pour l’examen en séance.

Amendements I-CF1683 de M. Jean-Paul Mattei et I-CF1380 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le présent texte ne prévoit rien en matière de logements. Nous proposons pour notre part de créer un statut de l’investisseur immobilier. Actuellement, les revenus locatifs tirés des biens soumis à l’encadrement des loyers sont imposés à un taux marginal de 49 %, auquel il faut ajouter les prélèvements sociaux. Nous proposons d’ouvrir aux propriétaires concernés la faculté d’opter pour la flat tax et d’excepter ces revenus de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Même si nous n’allons pas jusqu’à préconiser, contrairement à d’autres, un dispositif d’amortissement fiscal pour de tels revenus locatifs, cette mesure est nécessaire pour relancer le logement dans notre pays.

M. Charles de Courson (LIOT). Mon amendement est très proche de celui de M. Mattei. C’est un vrai problème : le présent texte ne prévoit rien concernant les investissements dans le locatif privé, dont nous avons pourtant besoin pour résoudre la crise du logement, notamment dans les grandes métropoles. Nous proposons que les revenus des loyers soumis à encadrement soient imposés au PFU et exceptés de l’assiette de l’IFI.

Cela permettrait de relancer l’investissement dans le secteur locatif privé, après la loi Pinel et les dispositifs traditionnels de plafonnement des loyers. En outre, le coût du dispositif serait très étalé dans le temps. De fait, il faut au moins deux à trois ans pour construire un logement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est une idée d’autant plus intéressante que la question du logement est une lacune du texte. Je proposerai moi‑même de favoriser l’investissement locatif dans un amendement ultérieur concernant l’IFI.

Toutefois, nous ne savons pas combien votre dispositif coûterait, alors que ce serait sans doute un montant important, chiffrable en milliards plutôt qu’en millions. Je vous propose d’interroger le gouvernement, en séance publique, concernant son projet de création d’un statut du bailleur privé. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Monsieur le rapporteur général, le dispositif ne coûtera rien les deux premières années. Et quand il sera opérationnel, il aura déjà rapporté un supplément de recettes de TVA et d’IR (impôt sur le revenu), grâce aux travaux de construction qu’il aura permis.

Je sais bien que le ministère des finances ne tient jamais compte des incidences économiques de nos mesures, mais l’incidence de celle-ci dépasse largement son coût fiscal, d’autant que celui-ci sera différé dans le temps. Si nous continuons à ne rien faire, la crise du logement ne cessera de s’aggraver dans toutes les métropoles.

M. Daniel Labaronne (EPR). Les dispositifs en faveur des propriétaires privés coûtent en général très cher – le chiffre avancé dans notre rapport d’information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété était de 4,5 milliards d’euros, excusez du peu !

En outre, alors que je suis convaincu du coût pour les finances publiques de ce type de dispositifs pour la relance du logement, je suis dubitatif sur leurs avantages.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). En effet, Bercy n’analyse jamais les recettes. Le gain fiscal maximal du dispositif Pinel pour un couple de propriétaires était de 52 500 euros. Quand on sait que la vente en état futur d’achèvement d’un appartement d’une valeur de 300 000 euros rapporte 60 000 euros au titre de la TVA, le coût du dispositif que je propose apparaît nul.

Ce dispositif serait même rentable – il créerait des ressources fiscales, plutôt que des dépenses. En relançant le bâtiment, la construction, nous créerions des emplois et des recettes, y compris au titre de l’impôt sur les sociétés. Cessons de travailler en silo !

L’exception de l’assiette de l’IFI ne coûtera pas grand-chose ; les propriétaires pourraient simplement choisir entre le régime d’imposition des revenus fonciers actuels ou la flat tax – sachant que le taux de celle-ci pourrait évoluer. Ces amendements de bon sens rapporteraient beaucoup plus qu’on ne le pense.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Je partage votre diagnostic quant au manque de logements neufs, mais je ne comprends pas qu’en contrepartie du bénéfice d’une imposition forfaitaire à 12,8 %, vous ne demandiez aux propriétaires bailleurs qu’un engagement à louer le bien pendant neuf mois ou un an. Je comprendrais mieux si vous demandiez un engagement plus long.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Les baux de location nue durent au minimum trois ans pour les habitations et six ans pour les locaux à usage professionnel. Dans notre esprit, ce sont bien de tels baux qui sont visés. Nous pourrions donc tout à fait préciser que le dispositif est réservé aux propriétaires qui s’engagent à louer leur bien pendant trois ans, voire, pourquoi pas, neuf ans. Si nous avons choisi une durée d’un an, c’est simplement pour exclure les baux précaires et les locations meublées de type Airbnb.

M. François Jolivet (HOR). Notre pays compte 2, 8 millions de demandeurs de logements ; un logement neuf représente en moyenne 2,3 équivalents temps plein et il manque 250 000 logements dans notre pays. Il faudrait, à mon avis, accompagner les dispositifs en discussion, car ils permettraient de reprendre la production de logements – même si je propose autre chose. Pour l’ensemble des Français, le problème du logement est patent. Rappelons en outre que le temps de la construction des logements n’est pas celui, annuel, du budget.

M. le président Éric Coquerel. Tout le monde en est conscient, mais ne propose pas la même formule. Construire des logements sociaux permet aussi d’abaisser le prix des logements, par exemple.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1222 de M. Aurélien Le Coq

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le premier ministre et le ministre du travail ont évoqué la réouverture d’un débat autour des retraites dans un conclave bis, qui concernerait notamment la retraite par capitalisation. Ils mettent ainsi le pied dans la porte – mais pas forcément celle que tous souhaiteraient.

Pour notre part, nous vous proposons de fermer et de verrouiller la porte de la capitalisation, en supprimant les plans d’épargne retraite (PER), qui sont une forme de capitalisation déguisée. Ils bénéficient particulièrement aux plus aisés – ainsi, 34 % des cadres et 48 % des professions libérales y recourent, contre 10 % des employés et des ouvriers.

L’État n’a pas à favoriser fiscalement des dispositifs qui contrecarrent le régime général des retraites et qui coûtent 1,2 milliard aux finances publiques.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Madame Lejeune, il existe un fonds de capitalisation pour les fonctionnaires, la retraite additionnelle de la fonction publique.

L’encours des PER est de 110 milliards d’euros ; les titulaires de PER sont 10 millions. Le PER, dans sa forme de capitalisation collective, est un outil précieux pour nos concitoyens qui souhaitent compléter leur épargne pour la retraite, alors que nous constatons les limites du système par répartition, au vu de la démographie.

M. Denis Masséglia (EPR). La loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, adoptée pendant le premier mandat d’Emmanuel Macron, a créé le PER, pour permettre à ceux qui le souhaitent de se doter d’un capital pour leur retraite, en complément du régime général de retraite. Je suis surpris de la volonté constante de la gauche de casser tous les dispositifs permettant à ceux qui travaillent de mettre de l’argent de côté.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). C’est incroyable ! Vous nous dites que l’encours de ces plans d’épargne est énorme, de 110 milliards. Et en même temps, vous êtes de ceux qui nous expliquez que le système des retraites est en déficit, qu’il faut travailler plus longtemps et repousser l’âge de la retraite à 64 ans, voire à 67 ans ?

S’il y a des trous dans les caisses de retraite, c’est parce que vous avez instauré, au seul bénéfice des plus riches, la retraite par capitalisation. Cet argent échappe non seulement au fisc et à l’impôt, mais aussi aux cotisations sociales. Il permet un régime d’exception pour les plus riches, qui cotisent moins et mettent de l’argent de côté pour leur seul usage. C’est vous qui êtes en train de détruire le système de retraites.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF541 de Mme Christine Pirès Beaune

M. Philippe Brun (SOC). Les PER sont devenus un outil massif d’optimisation fiscale. De fait, les titulaires des PER ont le droit de ne pas les décaisser quand ils arrivent à l’âge de la retraite. Quand ils décèdent, les PER sont transmis à leurs enfants, sans être soumis à aucun impôt. Nous demandons que le PER soit automatiquement dissous au moment de la liquidation des droits à la retraite. Comme leur nom l’indique, ces plans doivent servir à la retraite, et non à la constitution d’un héritage pour la descendance de leur titulaire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous devons laisser épargner ceux qui le souhaitent ; cela ne retire rien à la collectivité. Certains titulaires de PER, quand ils arrivent à l’âge de la retraite, souhaitent continuer d’épargner, si, par exemple, leur conjoint travaille. Cela fait partie de leur liberté.

M. Matthias Renault (RN). C’est le deuxième amendement qui vise le PER, alors que c’est un bon dispositif d’épargne, qui est plébiscité par les jeunes actifs. Quelque 60 % des 18-35 ans placent leur argent dans la perspective de leur retraite, à cause de leur inquiétude légitime quant à la pérennité de notre système de retraites Le PER n’est pas du tout réservé aux plus hauts revenus, mais vous voulez le saboter.

M. le président Éric Coquerel. En quoi est-il justifiable que le capital du PER ne soit soumis à aucun impôt, en cas de décès de son titulaire et de transmission à ses héritiers ? Pourquoi l’État fait-il un tel cadeau sur ces richesses ?

M. Nicolas Sansu (GDR). Dans notre rapport d’information sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation, nous nous sommes aperçus que, parfois, les sommes placées sur un PER ne sont jamais imposées. Elles sont exonérées d’impôt sur le revenu quand elles sont placées ; en cas de décès du titulaire, elles sont exonérées lorsqu’elles sont transmises.

Soit ces sommes sont imposées dans le cadre de la transmission de l’héritage, soit on les impose lors du départ à la retraite du titulaire du PER, en l’obligeant à dénouer celui-ci. Il n’y a pas d’autre solution pour éviter que le PER soit utilisé comme mécanisme d’optimisation fiscale par les plus aisés.

M. Charles de Courson (LIOT). La question nous a préoccupés pendant la mission d’information sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation. Les titulaires d’un PER bénéficient d’une déduction fiscale quand ils sont en activité. Ils peuvent continuer d’abonder leur PER une fois qu’ils sont à la retraite ; il serait logique qu’ils soient imposés sur cette partie de leur PER. Or s’ils ne dénouent pas leur PER et se “cassent la pipe”, leurs héritiers pourront hériter de ces sommes sans avoir à débourser un sou. La logique serait que les héritiers payent. Une autre solution serait d’imposer la liquidation du PER lors de l’entrée en retraite.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF924 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1611 de Mme Félicie Gérard (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Mon amendement vise également à soumettre les PER à l’impôt, au moment de la succession.

Je remarque que sur l’amendement précédent, le Rassemblement national et les macronistes ont voté pour le maintien d’un contournement de l’impôt. En effet, l’argent est désocialisé et défiscalisé quand il est placé sur un plan d’épargne retraite et il le reste lorsqu’il est hérité, au bénéfice des plus riches – seuls 10 % des ouvriers possèdent un PER.

Alors que l’héritage est devenu la source de revenus la plus importante en France et que 67 % des Françaises et des Français ne toucheront jamais d’héritage, vous permettez aux plus riches de ne jamais payer d’impôts sur rien. Ça commence à bien faire !

Mme Félicie Gérard (HOR). Mon amendement est issu du rapport d’information sur la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation, que j’ai produit avec Charles de Courson. Les titulaires d’un PER peuvent déduire de leur impôt sur le revenu les sommes versées sur leur plan d’épargne retraite. Ces sommes font l’objet d’un différé d’imposition et sont fiscalisées au moment du dénouement du plan. Or, lorsque le titulaire du PER décède avant la liquidation de son contrat, les sommes accumulées sur le plan et transmises aux ayants droit sont imposées au titre de la succession, sans jamais être imposées au titre du revenu. Mon amendement vise à corriger ce biais d’optimisation fiscale, qui est bien identifié par l’administration fiscale elle-même.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous venons de voter le dénouement automatique du plan d’épargne retraite lorsque le titulaire atteint l’âge de la retraite. Les amendements en discussion sont donc dépourvus d’effet, puisqu’ils visent à fiscaliser les sommes placées sur le PER au décès de son titulaire si celui-ci survient après la date de retraite. Il faudrait donc les retirer.

Les amendements sont retirés.

Amendement I-CF1135 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Actuellement, les versements volontaires sur un PER donnent lieu à une déduction de l’assiette de l’IR plafonnée à 10 % des revenus annuels. Si un contribuable n’atteint pas ce plafond, il a le droit d’utiliser la fraction non utilisée du plafond pendant trois ans. Nous proposons de porter cette période à cinq ans, pour mieux prendre en compte ceux qui perdent temporairement les moyens d’épargner.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement permettrait de tenir compte de ceux qui ont souscrit tardivement à un PER, ou ont connu des accidents de vie. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF982 de Mme Claire Lejeune et I-CF1695 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Tout le monde sera d’accord, il n’est pas normal que l’actionnaire qui n’a d’autre travail que d’attendre ses dividendes paie, en proportion, moins d’impôts qu’une personne qui passe ses journées à bosser pour Michelin, Auchan ou Arcelor, alors que c’est cette dernière qui produit la richesse dont bénéficie l’actionnaire. Ce sont toujours les mêmes qui paient et les mêmes qui encaissent.

Il est indispensable de supprimer le prélèvement forfaitaire unique, qui a permis aux plus riches de s’enrichir toujours plus. Les 500 familles les plus riches ont multiplié leur patrimoine par deux depuis qu’Emmanuel Macron est président. Alors que les cadeaux fiscaux et autres avantages accordés aux actionnaires devaient ruisseler, France Stratégie indique que la fiscalité sur le capital très avantageuse dont les actionnaires bénéficient n’a permis d’enregistrer aucun investissement supplémentaire, aucune hausse de salaire. Les salaires ont même baissé de 3 % depuis qu’Emmanuel Macron est au pouvoir. L’année prochaine, l’investissement dans les entreprises devrait baisser de 1,6 %, alors que les usines ferment et que le chômage augmente.

M. Nicolas Sansu (GDR). Il y a un problème d’équité fiscale entre les revenus du travail et ceux du capital. Il serait légitime que les deux soient soumis à un mode d’imposition unique, l’impôt sur le revenu.

De fait, celles et ceux qui touchent des dividendes peuvent déjà opter pour le régime de l’impôt sur le revenu – c’est avantageux jusqu’à 100 000 euros de revenus du capital et du travail pour un couple avec deux enfants. Les seuls qui gagnent à être soumis au PFU ont des revenus extrêmement élevés.

Alors que toute fiscalité sur le capital devrait inciter à investir, le PFU incite à ne pas le faire et à toucher des dividendes.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne partage pas cet avis. Le PFU a donné de la lisibilité aux investisseurs. En outre, les modifications erratiques que vous proposez ne sont jamais bonnes pour l’économie.

Enfin, nous vivons au sein d’un marché où les biens et les services circulent librement. Il faut donc observer les taux d’imposition des revenus financiers chez nos voisins : ils sont de 26,4 % en Allemagne, de 26 % en Italie, de 19 % et 21 % en Espagne. Votre amendement affecterait la production et l’innovation. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. La création du PFU est l’une des causes de la multiplication par deux des dividendes versés par les entreprises depuis 2017. Aucun effet n’a suivi en matière d’investissement, de création d’emplois, et ainsi de suite.

En outre, à cause du PFU, il est plus avantageux pour les contribuables de se payer en revenus du capital, pour ne pas être soumis au barème de l’impôt. Nous avons absolument besoin d’une taxe sur le patrimoine, mais il faut également corriger le problème en amont, en s’attaquant au PFU.

M. Paul Midy (EPR). Le PFU est une très bonne mesure. Les résultats des entreprises sont d’abord taxés par l’impôt sur les sociétés à 25 %, avant d’être soumis au PFU. Cela fait une taxation de 50 %.

L’instauration du PFU a donné de la visibilité et permet à notre pays d’être depuis cinq ans celui d’Europe qui reçoit le plus d’investissements étrangers. Cela a permis de diminuer de 2,5 millions le nombre de chômeurs. Gardons de la stabilité et n’excédons pas 50 % de taxation.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). C’est de la bouillie. La baisse du chômage est pour partie en trompe-l’œil. Elle repose notamment sur le développement de l’apprentissage, mais pas sur l’allègement de la fiscalité sur les dividendes.

En 2017, vous nous expliquiez que cet argent allait être réinvesti et ruisseler. Huit ans plus tard, France Stratégie – un organisme rattaché à Matignon – indique que si les résultats confirment que l’allègement de la fiscalité a permis de verser plus de dividendes, il n’a pas eu d’impact sur l’investissement ni sur les salaires dans les entreprises.

À cause de l’allègement de la fiscalité sur les dividendes, les acteurs font désormais tout passer sous la forme de dividendes. Avec 100 milliards de dividendes, soit un niveau record, la France est championne d’Europe en la matière.

Alors qu’il faut, selon vos dires, récupérer de l’argent, vous pourriez en prendre là. Il ne faut plus que le capital soit moins taxé que le travail.

M. Gérault Verny (UDR). C’est contradictoire. D’un côté, vous nous expliquez que le PFU est un dispositif trop faible ; de l’autre, lors de l’examen de l’article 3, vous demandiez l’augmentation des versements de dividendes. Soit le taux du PFU est trop élevé et il faut le diminuer ; soit il ne l’est pas et il faut supprimer l’article 3.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous en avons discuté lors de l’instauration du PFU, en 2017. Je rappelle qu’un dividende est issu d’un bénéfice sur lequel l’entreprise a déjà été imposée à 25 %, au titre de l’impôt sur les sociétés. Multiplier les impôts sur un même revenu pose problème En outre, avant l’instauration du PFU, il existait déjà un abattement de 40 % sur les revenus des capitaux mobiliers, qui jouait un rôle d’amortisseur.

Même si je pousse depuis pas mal de temps pour faire remonter le taux du PFU, nous avons besoin de visibilité et la contribution différentielle sur les hauts revenus résoudra une partie du problème. Le niveau d’imposition pour les revenus du capital rejoindra un peu celui du barème de l’impôt sur le revenu, qui est surtout utilisé pour les salaires, lesquels sont déductibles des résultats de l’entreprise.

Nous pouvons nous retrouver autour de mesures de bon sens, en évitant les propositions de taxation excessive, qui risquent d’avoir des effets négatifs, en réduisant la masse taxable.

M. Corentin Le Fur (DR). Notre groupe est attaché au prélèvement forfaitaire unique, qui a permis de faciliter l’investissement en France. Nous nous opposons à sa suppression.

M. François Ruffin (EcoS). Le 30 août 2023, Les Echos, le journal de mon ami Bernard Arnault, titrait : « Les dividendes atteignent de nouveaux records » ; en mars 2024, il revenait sur leur niveau « toujours plus haut » ; en mars 2025, le même journal indiquait que les groupes du CAC40 distribuent une part toujours plus importante de leurs profits à leurs actionnaires.

Les actionnaires des entreprises françaises se gavent de dividendes comme jamais. La France a la médaille d’or en Europe pour les dividendes. Dans notre pays, les dividendes sont moins taxés que ne le sont les revenus des salariés d’Auchan, de Carrefour, de Casino ou ceux des infirmières et des secrétaires.

Les revenus du capital devraient être taxés autant que les revenus du travail – ce serait le minimum de décence. Nous faisons un effort de modération pour ne pas demander qu’ils le soient plus. Vous autres les extrémistes de l’argent devriez également faire un effort !

M. Nicolas Sansu (GDR). Si nos collègues mélangent ce que paient une société et un actionnaire individuel, cela veut dire qu’ils sont d’accord avec le principe de la taxe Zucman – il n’existe qu’un seul revenu, à la fois personnel et professionnel. On ne peut pas avoir deux lectures différentes, une qui consiste à exclure les biens professionnels quand il est question du patrimoine et une autre qui consiste à les inclure dans d’autres cas. En l’occurrence, une société paie 25 % d’impôt, puis elle distribue des dividendes, qui sont ensuite sous-taxés dans le cadre du PFU.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF985 de M. Aurélien Le Coq, I-CF819 de M. Emmanuel Maurel, ICF384 de M. Jean-Philippe Tanguy, I-CF1375 de M. Michel Castellani, ICF988 de Mme Mathilde Feld, I-CF305 de Mme Christine Arrighi, I-CF1027 de Mme Estelle Mercier et I-CF1651 de M. Christophe Naegelen (discussion commune)

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement de repli I-CF985 tend à augmenter de 5 points le taux de la flat tax. Il est sidérant que des collègues continuent à défendre avec autant d’aplomb le bilan des politiques macronistes. Cette taxe en est une des mesures phares, qui reposent sur cette pensée magique : facilitons l’accumulation du côté des plus riches et cela ruissellera magiquement dans l’économie réelle sous la forme d’investissements. C’est le contraire qui s’est passé et nous avons sous les yeux le résultat : une catastrophe industrielle dans notre pays, qui se traduit par un niveau record des défaillances d’entreprise, un taux de chômage qui repart à la hausse et des services publics en souffrance. Les positions de nos collègues témoignent de leur méconnaissance du capitalisme financiarisé : le PFU a eu pour conséquence une explosion des dividendes. Il faut arrêter les dégâts. Notre amendement permettra de réintroduire un peu d’équité et de progressivité en matière d’imposition du capital.

M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement, lui aussi de repli, I-CF819 est raisonnable et modéré. L’absence de raison et de modération est plutôt du côté de ceux qui s’obstinent à refuser la justice fiscale la plus élémentaire. Comme M. Ruffin l’a très bien dit, il y a une iniquité, qui frappe tout le monde en dehors de cette salle, entre les revenus du capital et les revenus du travail. Il fut un temps où la droite française suivait la doctrine suivante au sujet de la répartition des bénéfices : un tiers pour l’investissement, un tiers pour les salariés et un tiers pour les actionnaires. Actuellement, 50 % des bénéfices vont aux actionnaires. Entendez la demande d’une plus grande justice fiscale.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Notre amendement vise à lutter contre les surdividendes : nous proposons une taxation plus élevée lorsque les montants versés sont supérieurs de 20 % à la moyenne des dix dernières années. Le rendement de cette mesure, portant sur les comportements excessifs en matière de versement de dividendes, serait de 750 millions d’euros.

M. Michel Castellani (LIOT). Notre amendement s’inscrit dans le droit fil des précédents. Il s’agit de modifier le PFU, dont la formule actuelle nous paraît socialement peu satisfaisante, en relevant de 3 points le taux applicable dans le cadre de l’IR (impôt sur le revenu). Le taux global passerait alors à 33 %.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je vous propose d’augmenter de 3 points le taux du prélèvement forfaitaire unique afin de rétablir une progressivité de l’impôt sur le capital. Contrairement à ce qui a pu être dit, le PFU n’a absolument pas profité à l’économie réelle : le niveau de l’investissement privé dans la recherche et développement en France fait partie des plus faibles de l’OCDE, tandis que le niveau des dividendes n’a jamais été aussi élevé. Le Rassemblement national ne veut pas voter une mesure qui pourrait pourtant rapporter 3 ou 4 milliards d’euros – M. Tanguy en a proposé une autre, qui dégagerait, selon lui, 750 millions. J’invite ces collègues à réfléchir un peu.

Mme Christine Arrighi (EcoS). La diminution de la flat tax date de 2018. La réviser maintenant, monsieur le rapporteur général, ne serait pas faire preuve d’un comportement erratique, puisque sept ans se sont écoulés.

Ce dispositif très inéquitable repose sur une véritable mystification. On nous a dit à l’époque que la flat tax s’élèverait à 30 %, alors que c’est en fait 12,8 %, auxquels s’ajoutent la CSG (contribution sociale généralisée) et la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale). C’est comme si on disait que l’impôt sur le revenu est de 70 % – 45 % plus la CSG et la CRDS.

Cette mystification a permis de faire avaler la pilule. On se rend compte aujourd’hui que l’opération a bénéficié aux plus riches et certainement pas aux moins aisés : 1 % des foyers fiscaux perçoivent 96 % des dividendes. Cherchez l’erreur !

Mme Estelle Mercier (SOC). À défaut de supprimer le PFU, nous proposons, en ce moment de rétablissement des comptes publics, de récupérer plus d’argent pour l’État – le manque à gagner depuis l’instauration du PFU est estimé à 1,8 milliard d’euros, majoritairement au profit de 0,1 % des ménages. Le taux de la flat tax sur les revenus du capital serait modulé de la manière suivante : 1 point de plus pour les revenus supérieurs à 1 000 euros et 2 points de plus pour ceux supérieurs à 1 million. La hausse serait en moyenne de 1 point sur les revenus soumis au PFU. S’agissant de l’autre partie du PFU, qui relève du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale), nous proposons d’augmenter de 1 point les contributions sociales. L’ensemble, évalué à 4 milliards d’euros, contribuerait à financer la suppression des mesures horribles que contient le PLFSS – gel des pensions de retraite et des allocations ou encore doublement des franchises médicales – pour que ce ne soit pas les plus modestes qui paient le rétablissement des comptes publics.

M. Michel Castellani (LIOT). Les dividendes reçus par les actionnaires sont soumis, sur option, à un prélèvement unique de 30 %, souvent bien inférieur à la taxation qui s’appliquerait au titre de l’impôt sur le revenu. L’amendement déposé par notre collègue Naegelen a pour but de remonter temporairement la part fiscale du prélèvement forfaitaire unique afin de corriger partiellement les travers de cette mesure.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements auraient pour effet d’augmenter le PFU selon des modalités variables, tantôt sous la forme de taux fixes, tantôt en visant des superdividendes, tantôt dans le cadre d’un mécanisme progressif, étant entendu qu’une hausse de 1 point représente à peu près 500 millions d’euros. Le PFU, tel qu’il existe actuellement, a pour avantages la lisibilité et la prédictibilité. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ce n’est pas le seul prélèvement en cause : l’impôt sur les sociétés (IS), qui a augmenté récemment – on ne peut pas dire que tout soit stable –, s’applique auparavant.

Ce que vous proposez aurait probablement un effet macroéconomique, même s’il est compliqué de le mesurer. On a observé que la reconstitution des fonds propres des PME avait été facilitée lors de l’instauration du PFU ; la hausse du PFU pourrait conduire à un effet miroir sur la trésorerie des PME et à un découragement de l’investissement productif. En outre, certaines sociétés feront des arbitrages : elles placeront leurs investissements de l’autre côté de la frontière, là où les prélèvements sont moindres. J’appelle donc à faire preuve d’une grande prudence. Nous avons augmenté l’imposition ces dernières années, pour des raisons que vous connaissez. Essayons d’épargner le PFU.

M. Daniel Labaronne (EPR). Malgré l’existence du PFU, nous sommes un des pays européens dans lesquels la fiscalité du capital est la plus élevée. Lorsqu’on crée de la richesse dans une entreprise, on paie 5 % d’impôts de production, 25 % d’impôt sur les bénéfices et 30 % d’impôt sur les dividendes. Au total, les deux tiers de la richesse créée dans les entreprises partent sous la forme de taxes. Or une fiscalité trop lourde sur le capital affaiblit le moteur de la croissance endogène, notion sur laquelle a travaillé Philippe Aghion, prix Nobel d’économie, pour qui innovation, investissement et croissance durable sont nécessaires pour permettre le développement économique, l’emploi et l’attractivité. Ce n’est pas un hasard si la France est devenue le premier pays d’accueil des investissements directs étrangers pendant six années consécutives.

M. le président Éric Coquerel. En nombre d’entreprises, et non en valeur ou en emplois créés – en la matière, nous sommes simplement dans la moyenne européenne.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il faudrait que M. Labaronne revienne un peu à la réalité, c’est-à-dire qu’il sorte du monde des rêves macronistes. Ce qu’il dit est absolument faux. Les milliardaires paient, parce qu’il y a le prélèvement forfaitaire unique, 2 % d’impôt sur leurs revenus – ils paient moins que tout le monde, chacun le sait maintenant. Le taux global des prélèvements obligatoires est en moyenne de 50 %, contre 25 % pour les milliardaires. Comment justifier, monsieur Labaronne, qu’ils paient moins d’impôts, en proportion, que tous les autres contribuables ? Vous dites qu’ils investissent et font tourner la machine. Or, nous le répétons, 65 000 entreprises ont fermé l’année dernière et le taux de chômage va passer à 8,5 %. Il n’y a pas de création de richesse du fait des actionnaires.

M. Gérault Verny (UDR). Monsieur Le Coq, vous avez un problème avec les mathématiques. Comment pouvez-vous dire dans un premier temps que le taux d’imposition des milliardaires est de 2 %, puis qu’il est de 25 % ? C’est n’importe quoi ! Si le PFU est de 30 %, le taux d’imposition n’est pas de 2 %, ni de 25 %.

M. François Ruffin (EcoS). Je voudrais m’adresser aux macronistes : vous menez depuis huit ans une politique injuste, qui permet aux milliardaires et aux actionnaires d’être deux fois moins taxés que les salariés, comme les secrétaires et les infirmières, une politique ruineuse, parce qu’elle creuse à la pelleteuse le déficit de l’État, et une politique inefficace, car vous avez réussi l’exploit de faire passer la part de l’industrie dans le PIB sous la barre des 10 %. Et vous voudriez qu’on continue cette politique ? Vous refusez, alliés avec le Rassemblement national, des outils de justice fiscale qui correspondent à une demande très puissante dans notre pays car ce que vous avez fait à notre économie n’est rien par rapport aux effets sur le pacte social et politique.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Monsieur le rapporteur général, votre argumentaire concernant l’amendement du Rassemblement national n’est pas pertinent. Il concerne uniquement les très grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires est d’au moins 750 millions d’euros. Une rupture des pratiques a eu lieu en 2020 : la moyenne des dividendes versés par les multinationales est, depuis, significativement supérieure à ce qu’on observait au cours des dix années antérieures. Surtout, les dividendes n’ont parfois, pour ne pas dire souvent, aucun rapport avec les fondamentaux économiques des entreprises concernées. Les années où Total allait très bien, le dividende n’a pas spécialement augmenté, mais il a été maintenu les années où le groupe se portait moins bien. C’est sa liberté, mais un dividende élevé, ou trop élevé, a été maintenu de manière artificielle par rapport aux fondamentaux. Nous proposons, non pas d’entrer dans des polémiques un peu éculées, mais d’ajuster la taxation en cas de “surversement” de dividendes, pour privilégier l’investissement ou l’épargne des entreprises.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1379 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). J’ai soulevé, dans le cadre du Ralf (rapport sur l’application des lois fiscales), le problème du régime des plus-values liées aux apports-cessions. La taxation de ces plus-values est actuellement suspendue sous réserve d’un réinvestissement à hauteur de 60 % dans les deux ans. Je vous propose, pour moraliser le système, que 80 % aient désormais à être réinvestis, dans un délai allongé à cinq ans, car tout ne peut pas toujours se faire du jour au lendemain. Par ailleurs, la fraction non réinvestie deviendrait imposable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’ai vérifié les chiffres : des fiscalistes se sont sans doute penchés sur le dispositif avec une certaine efficacité, car les stocks de sommes placées en report sont passés de 78 milliards d’euros en 2020 à 152 milliards en 2023. Il existe manifestement une suroptimisation. Les recommandations de M. de Courson me paraissant bonnes, avis favorable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). J’aimerais savoir qui paiera les 20 % restants. Pour le reste, je trouve qu’il serait effectivement très bien de prévoir un délai un peu plus long.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF793 de Mme Eva Sas et I-CF964 de Mme Claire Lejeune (discussion commune)

Mme Eva Sas (EcoS). Je tiens à redire l’importance du rétablissement de la justice fiscale dans ce budget qui met à contribution les retraités, les chômeurs et les malades mais épargne, comme toujours, les plus riches. Nous voulons aussi réduire les inégalités de patrimoine, ce qui suppose notamment de s’attaquer aux niches fiscales sur les successions. Notre amendement vise ainsi à fiscaliser, dans ce cadre, les plus-values latentes. En cas de donation ou de succession, elles sont actuellement effacées, ce qui permet aux plus riches d’échapper purement et simplement à l’impôt. Nous souhaitons mettre fin à ce privilège fiscal aussi injuste qu’indéfendable. Concrètement, une action achetée 100 euros, transmise à 300 euros et revendue à 350 n’est taxée que sur 50. Ce système fait de la France une exception : nous sommes un des seuls pays de l’OCDE où une succession remet les compteurs à zéro, au profit des plus fortunés. Nos voisins veillent à ce que la dette fiscale soit réellement acquittée, soit au moment de la transmission soit lors de la revente. C’est précisément ce que nous proposons pour les patrimoines dépassant 1,3 million d’euros. Le rendement de cette mesure est estimé à 2 milliards.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement suivant vise à abroger l’effacement des plus-values latentes lors des transmissions, dispositif qui crée une inégalité très forte entre les contribuables moyens et les plus aisés : ces derniers peuvent décaler le moment de la réalisation des plus-values, donc celui où la taxation intervient, ce qui permet une optimisation fiscale. En effet, la France fait partie d’une minorité de pays qui remettent à zéro les plus-values en cas d’héritage ou de donation. Le manque à gagner pour les finances publiques est évalué à 2 milliards d’euros, au bas mot : certaines estimations vont jusqu’à 4 milliards. Dans un moment où nous avons grandement besoin de remplir les caisses de l’État pour financer les services publics et la bifurcation écologique, nous ne pouvons mépriser de tels montants.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je crois comprendre que le second amendement ferait payer tout de suite l’imposition sur les plus-values latentes, alors que le premier ne prévoit de le faire qu’au moment de la revente des titres.

Vous avez raison de dire qu’une taxation de ces plus-values est prévue chez nos voisins, mais ils ont des taux d’imposition globaux bien moindres sur les successions. Il faut donc comparer ce qui est comparable. Ces amendements conduiraient à un alourdissement assez significatif de la fiscalité sur les successions, de l’ordre de 2 milliards d’euros. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). La question des plus-values latentes est bien connue. Le principe est qu’elles ne sont pas fiscalisées en cas de transmission à titre gratuit, parce qu’on paie des droits de mutation, qui sont élevés. J’ai déposé, pour ma part, un amendement qui prévoit un amortissement dans le temps. Un problème de trésorerie risquerait de se poser si vous donniez, dans le cadre d’un arrangement de famille, un bien soumis à la taxation des plus-values latentes en échange du versement d’une soulte, sur laquelle, en revanche, aucune fiscalité latente ne porterait.

Un travail d’analyse mérite peut-être d’être mené, mais il me semble sain de purger les plus-values en cas de transmission à titre gratuit, parce qu’il faut payer des droits de mutation. Même si je sais que ce n’est pas suffisant pour certains, ces droits vont jusqu’à 45 % en ligne directe, sauf application du pacte Dutreil pour les entreprises. S’agissant des entreprises individuelles, je rappelle aussi que le législateur a peu à peu amélioré la situation. On ne peut quand même pas payer deux fois.

Ce que vous proposez alourdirait les transmissions au point de les rendre impossibles, puisqu’il faudrait payer une taxation sur la plus-value sans avoir la trésorerie nécessaire.

M. Charles de Courson (LIOT). Comment s’articuleraient ces dispositions avec l’amendement de Courson précédemment adopté ?

Mme Eva Sas (EcoS). M. Mattei nous dit qu’il ne faut pas faire payer deux fois. Or on ne paie rien sur les plus-values latentes au moment d’une transmission. Par ailleurs, on nous dit tous les ans que c’est un vrai sujet, qui est bien connu. Il faut donc le traiter. Les niches fiscales sur le patrimoine sont désormais identifiées : tout le monde sait que ce sont elles qui créent une augmentation des inégalités dans ce domaine. Enfin, nous avons prévu un report d’imposition : il ne faudra acquitter celle-ci qu’au moment de la réalisation de la plus-value, si l’héritier accepte la donation. Le dispositif est donc tout à fait conforme au droit constitutionnel.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je suis assez sensible à cette argumentation. Le paiement des droits de mutation efface la plus-value, qui peut être très significative : cela n’a pas de sens. Je comprends bien la complexité du calcul qui devrait avoir lieu, mais on peut trouver la trésorerie nécessaire en cédant une partie des titres. Il faut avancer sur ce problème d’optimisation fiscale.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre amendement, monsieur de Courson – mais je parle sous votre contrôle – portait sur un cas particulier, qui est celui des apports-cessions.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1513 de M. Jean-Paul Mattei

M. Jean-Paul Mattei (Dem). En cas de transmission dans le cadre d’un pacte Dutreil réputé acquis, si l’entreprise est revendue au bout de cinq ans, la plus‑value n’est pas calculée sur la valeur abattue mais sur la valeur brute. Je vous propose un système d’amortissement sur trois années de plus, ce qui obligerait les bénéficiaires à conserver les titres pendant au moins huit ans, durée qui me paraît beaucoup plus légitime dans le cadre d’une transmission familiale et éviterait des effets d’aubaine, sauf événements tels que des accidents de la vie, par exemple des décès.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Plus on céderait vite, plus on paierait sur la plus-value. Je vous propose d’attendre le rapport de la Cour des comptes sur le pacte Dutreil et de travailler à des mesures plus simples et plus lisibles, notamment en matière de durée. Demande de retrait en vue de la séance.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). J’espère que nous aurons ce rapport d’ici là, mais ce n’est pas certain.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF1426 de M. Peio Dufau

M. Mickaël Bouloux (SOC). Il s’agit de mettre fin aux culbutes spéculatives réalisées lors d’achats suivis de reventes rapides, parfois en moins d’un an, grâce auxquelles certaines personnes détournent les dispositions relatives à la taxe sur les plus-values en déclarant faussement un bien leur comme résidence principale. On le voit au Pays basque, bien sûr, mais aussi chez moi en Bretagne, où la flambée des prix rend impossible la vie des habitants à l’année. Cet amendement, qui avait été adopté l’an dernier en séance, permettra d’apporter une réponse concrète et immédiate à ce phénomène en conditionnant l’exonération à cinq ans de détention du bien, des exceptions étant prévues pour des situations de vie réelles. On nous dit souvent que la fraude est le vrai problème et qu’il faut donc des contrôles. C’est exact, et nous y travaillons avec les acteurs nationaux et locaux, mais la mesure que je vous propose permettra d’agir tout de suite contre la spéculation, en y mettant un frein clair.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je partage votre avis. Le risque en la matière est, évidemment, les situations d’optimisation dans lesquelles on achète et on revend rapidement. Des professionnels le font en prétendant qu’il s’agit de leur résidence principale. J’émets un avis favorable à cette mesure de lutte contre l’optimisation fiscale qui permettra d’être certain, grâce à un critère de détention de cinq ans, qu’il n’existe pas de manœuvre de ce type.

M. Charles de Courson (LIOT). C’est un très bon amendement. J’ai vu dans ma circonscription des gens acheter un bien, le rénover, s’y installer puis le revendre tout de suite, la plus-value n’étant pas imposable quand il s’agit de la résidence principale, et tourner ainsi en permanence.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je suis également favorable à cet amendement, qui reprend la règle antérieure des cinq années de détention. Le retour à un régime normal est bien préférable pour lutter contre les possibilités d’optimisation.

M. Gérault Verny (UDR). Vous savez que des droits de mutation, d’à peu près 8 %, s’appliquent quand vous achetez un bien et que vous le revendez. Contrairement à un marchand de biens, un propriétaire individuel, qui serait exonéré de taxation sur la plus-value, ne peut pas bénéficier des droits minorés applicables aux marchands de biens. Par ailleurs, si vous conservez un bien pendant un an, l’administration peut remettre en question une situation qui constituerait un effet d’aubaine, et elle le fait régulièrement. Faut-il prévoir un délai de cinq ans ? Certains achètent un bien, mais font l’objet d’une mutation professionnelle, par exemple. N’introduisons pas dans le dispositif actuel une complexité qui n’a pas de raison d’être.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF277 de M. Corentin Le Fur

M. Corentin Le Fur (DR). J’ai été interpellé à plusieurs reprises sur le cas des personnes parties en Ehpad – en l’espèce, des femmes –, qui se trouvent privées de l’exonération sur la plus-value immobilière applicable à la résidence principale faute d’avoir réussi à vendre sous un an le bien qui a pourtant constitué leur résidence principale pendant des décennies. Pour éviter qu’elles perdent cet avantage fiscal, je propose donc d’allonger le délai ouvrant droit à exonération de douze à trente-six mois – pas davantage, car je suis bien conscient qu’il est nécessaire d’inciter à la vente des biens, mais il faut remédier à cette inégalité de traitement, car ces biens ne sont évidemment pas des résidences secondaires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne comprends pas votre amendement : la plus-value réalisée à la cession d’un bien occupé à titre principal pendant plus de vingt-deux ans est d’ores et déjà exonérée d’impôt, quand bien même ce bien serait ensuite devenu une résidence secondaire. Je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement pour le retravailler d’ici à l’examen en séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF1506 de M. Emmanuel Mandon

M. Emmanuel Mandon (Dem). Cet amendement du groupe Les Démocrates vise à supprimer l’exonération d’impôt sur la plus-value réalisée lors de la première cession d’un logement situé en France par des personnes physiques non-résidentes, ressortissantes d’un État membre de l’Espace économique européen, dans la limite de 150 000 euros de plus-value nette imposable.

Instituée pour favoriser la mobilité intra-européenne, cette niche fiscale évaluée à 15 millions d’euros nous semble difficilement justifiable : non seulement elle crée un régime de faveur pour les non-résidents par rapport aux contribuables domiciliés fiscalement en France et ne bénéficie qu’à un nombre limité de contribuables mais, en plus, elle n’a aucun effet incitatif avéré et engendre des effets d’aubaine. Nous en demandons donc la suppression.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette niche n’est effectivement pas justifiée, puisqu’elle concerne globalement la vente de résidences secondaires. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1116 de Mme Perrine Goulet

Mme Perrine Goulet (Dem). Par cet amendement, je propose que, lorsque la cession d’un bien dont l’acquisition a fait l’objet d’une aide ou subvention de l’État – notamment les monuments historiques – engendre une plus-value, le cédant – particulier ou entreprise – en reverse une partie à l’État à titre de remboursement des aides perçues. Cette mesure vertueuse, qui vise à limiter l’enrichissement personnel grâce aux aides publiques, permettrait en outre de réinvestir cet argent dans le financement d’autres subventions, sans avoir à chercher sans cesse de nouvelles recettes. Je précise que cet amendement faisait partie d’une série, mais les autres ont manifestement été déclarés irrecevables.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement, qui exclut les « primes, subventions et aides allouées par des organismes publics dans le cadre de travaux, modifications, améliorations ou rénovation de logement » du bénéfice de l’exonération de la plus-value immobilière en cas de cession, me semble présenter une difficulté d’application : comme il n’est pas borné dans le temps, une subvention obtenue il y a quinze ou vingt ans pourrait ne plus être exonérée. Au reste, il semble compliqué d’évaluer la valorisation des primes et subventions dans le temps, notamment sous l’effet de l’inflation. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Perrine Goulet (Dem). C’est pourquoi l’amendement prévoit que les modalités du dispositif sont définies par un décret pris en Conseil d’État. À l’heure où nous cherchons des recettes pour soutenir un certain nombre de politiques publiques à travers des subventions, un système visant à réalimenter le pot commun me semble vertueux et intéressant.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF713 de Mme Claire Lejeune et I-CF81 de M. Lionel Causse (discussion commune)

Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Certains propriétaires de terrains constructibles se refusent à les céder pendant dix, vingt ou trente ans dans l’espoir de réaliser la plus-value la plus importante possible, alors que ces terrains sont parfois situés dans des zones tendues où d’autres, qui souhaiteraient s’y installer, peinent à se loger. Pour lutter contre la spéculation immobilière, décourager la rétention de très longue durée et inciter les propriétaires à céder leurs terrains constructibles, cet amendement vise à augmenter progressivement l’impôt sur les plus-values immobilières, en le majorant au delà de la cinquième, la dix-septième et la vingt-deuxième année de détention. À défaut de convaincre les propriétaires, cette mesure générerait de nouvelles recettes fiscales pour les collectivités, qui en ont bien besoin.

M. Lionel Causse (EPR). Bien que dans le même esprit que le précédent, cet amendement propose néanmoins des taux et une temporalité différents. Certains le jugeront moins ambitieux, d’autres plus raisonnables. En tout cas, il est conforme aux propositions formulées lors du CNR – Conseil national de la refondation – consacré au logement pour libérer du foncier constructible et favoriser la construction de logements, dont nous avons bien besoin.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pour lutter contre la rétention foncière, vous proposez d’alourdir considérablement la fiscalité sur les transactions de terrains à bâtir, en privant les propriétaires de tout abattement au bout d’une certaine durée de détention et en augmentant la fiscalité chaque année à partir de cinq ans de détention. L’amendement I-CF713, en particulier, prévoit un coefficient fiscal atteignant 104 % au bout de dix-neuf ans, et qui continue d’augmenter de 12 % par an, sans aucune limite dans le temps. Je crains que cet alourdissement de la fiscalité si le propriétaire ne vend pas très vite n’encourage pas beaucoup les transactions, voire décourage l’investissement. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Je crains que ces amendements incitent les propriétaires à conserver leur bien durant vingt-deux ans pour bénéficier de l’exonération plutôt qu’à le vendre. Ne serait-ce pas contraire à l’effet recherché ?

M. Matthias Renault (RN). Ces amendements sont scandaleux : ils visent à priver les propriétaires de la destination de leur bien, dans une logique spoliatrice. Si un propriétaire n’a pas envie de vendre son bien ou préfère qu’il reste non bâti pour ne pas avoir de voisins, il en a tout à fait le droit – je pense notamment aux petits agriculteurs ou aux propriétaires de biens familiaux dans des petits villages.

Mme Clémence Guetté (LFI-NFP). Je pense qu’il y a une confusion : notre amendement concerne les terrains constructibles des zones tendues, pas les terrains à vocation agricole. N’oubliez pas que la spéculation immobilière affecte non seulement la disponibilité du foncier, mais aussi, in fine, le montant des loyers ou le prix d’achat d’un bien. C’est cet effet vicieux que nous cherchons à annuler.

M. Sylvain Maillard (EPR). À titre personnel, je suis favorable à l’amendement de notre collègue Lionel Causse. Créer un choc d’offre implique de construire plus massivement en France, et donc d’inverser la fiscalité, qui est pour l’instant plus favorable à la détention qu’à la cession des terrains à bâtir – ils ne sont d’ailleurs pas si nombreux.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Ce débat mérite d’être élargi à la question des plus-values immobilières. Comme l’a souligné Charles de Courson, si la plus-value reste exonérée d’imposition au delà de vingt-deux ans de détention, le dispositif ne fonctionnera pas, car cette exonération n’incite pas à vendre. C’est pourtant là l’objectif. Il existe bien une taxe de 10 % sur la cession d’un terrain nu devenu constructible – les maires ruraux la connaissent bien –, mais elle tend à disparaître car les plans d’occupation des sols, trop anciens, deviennent inopérants : certains terrains ont été rendus constructibles il y a plus de dix-huit ans. Il faut raisonner de manière plus globale.

Par ailleurs, prendre les gens en traître ne me semble pas aller dans le bon sens. Comme pour toute réforme systémique, mieux vaut prévoir un délai d’un ou deux ans avant l’entrée en vigueur de la mesure. Je vous garantis que cela relancera le marché de l’immobilier, notamment du foncier.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF108 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). Il faut effectivement s’interroger sur la fiscalité comportementale pour décourager la rétention foncière ou immobilière.

Pour limiter cette dernière et créer un véritable choc d’offre sur le marché immobilier, cet amendement d’appel vise à supprimer le mécanisme d’exonération fiscale et sociale sur les résidences secondaires à compter du 1er janvier 2027 – ce qui répondrait à la préoccupation de notre collègue Jean-Paul Mattei. On pourrait en outre cibler spécifiquement les zones tendues, ce qui permettrait d’apporter une réponse rapide et efficace aux besoins du secteur tout en accroissant les recettes fiscales des collectivités territoriales. Je sais, c’est un peu ébouriffant – je m’effraie moi-même de tant d’audace !...

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’imagine que par « rétention foncière ou immobilière », vous désignez en réalité la propriété privée. Je ne suis pas certain que la carotte que vous souhaitez afin d’inciter les propriétaires à vendre dans l’année soit constitutionnelle. Cette mesure serait également injuste pour les propriétaires qui ne souhaitent pas vendre, pour des raisons qui leur appartiennent. Je crois en la propriété privée, et j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, qui me semble inadapté – même si j’en savoure le caractère anticonformiste.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF1451 de M. Inaki Echaniz

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Cet amendement vise à lutter contre la spéculation immobilière. Aujourd’hui, plus un bien immobilier est détenu longtemps, moins la plus-value à la cession est imposée. Résultat : certains préfèrent conserver un logement vide en attendant que les prix montent. Ce n’est pas normal : la fiscalité doit non pas récompenser la rétention, mais encourager la mise sur le marché. Pour libérer du foncier, alléger la pression sur les prix et rendre l’accès au logement plus juste, nous proposons donc de supprimer cet avantage fiscal. Cette proposition, également défendue par le Modem, était l’une des recommandations du CNR logement, qui a regroupé 200 acteurs du secteur. C’est une mesure de bon sens, comme aiment à le dire nos collègues du Rassemblement national – j’ai donc hâte de voir comment ils justifieraient leur décision de ne pas la soutenir.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement, qui revoit complètement l’imposition sur les plus-values immobilières, prévoit que la plus-value imposable est déterminée après abattement d’un montant équivalent à la valeur d’acquisition actualisée en fonction de l’inflation, et que l’assiette ainsi constituée est soumise au PFU. Même si le coefficient tient compte de l’inflation, l’application du PFU risque d’alourdir considérablement la fiscalité dans un certain nombre de cas. Au reste, j’aurais aimé avoir une évaluation des effets de cette mesure. Avis défavorable.

M. Gérault Verny (UDR). Je suis très surpris que notre amendement – qui défendait évidemment la position inverse – ait, lui, été striké au motif qu’il concernait le PLFSS.

Pour faire baisser les prix de l’immobilier et permettre aux Français de se loger plus facilement et dans des conditions plus décentes, il faut effectivement déstocker des biens immobiliers. Pour ce faire, nous proposons une tout autre solution : réduire à dix ans la durée de détention ouvrant droit à l’exonération, contre trente ans actuellement.

M. le président Éric Coquerel. Je pense que votre amendement a été déclaré irrecevable car il modifiait les prélèvements sociaux.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Cet amendement, qui répond à une véritable nécessité de relancer l’immobilier, me semble d’autant plus intéressant qu’il est ciblé sur les terrains à bâtir et les résidences secondaires et ne concerne que la fiscalité. L’idée de soumettre la plus-value à la flat tax est intéressante – comme quoi cette taxe n’a pas que du mauvais. Je serais prêt à soutenir cet amendement si l’entrée en vigueur de la mesure était reportée au 1er janvier 2027 pour les terrains à bâtir et au 1er janvier 2028 pour les biens bâtis. Avec une application dès le 1er janvier 2026, nous allons prendre en traître les propriétaires, qui n’auront pas le temps de se retourner. Cette réforme systémique me paraîtrait également plus équilibrée, plus juste et plus acceptable si le foncier bâti déjà versé était déductible de la plus-value.

La rétention foncière est un vrai problème : les terrains sont rendus constructibles par les PLU – plans locaux d’urbanisme –, mais leurs propriétaires, qui ont intérêt à les conserver, ne les vendent pas. Cet amendement va dans le bon sens : s’il est retravaillé en vue de la séance publique, je suis prêt à m’associer à ce travail.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF109 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). Beaucoup plus raisonnable que mon amendement précédent, celui-ci vise à aligner les durées de détention ouvrant droit respectivement à l’exonération fiscale et à l’exonération sociale, actuellement fixées à vingt-deux ans et trente ans, et à la ramener à quinze ans, soit deux cycles immobiliers. Cette mesure permettrait à la fois de simplifier la fiscalité et d’accélérer la circulation des biens sur le marché immobilier, en raccourcissant des durées de détention, qui incitent à la rétention.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est une proposition intéressante et vertueuse, mais en l’état, votre amendement prévoit que la mesure ne s’applique qu’entre le 1er janvier 2026 et le 31 décembre 2027 : je doute que ce soit là votre intention. Au reste, cela rend le dispositif moins opérationnel. Il s’agit probablement d’une erreur de plume, aussi je vous invite à redéposer cet amendement en séance.

M. Daniel Labaronne (EPR). Effectivement, c’est une erreur. Je le retire.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF278 de M. Corentin Le Fur

M. Corentin Le Fur (DR). Bien que moins ébouriffant que l’amendement de M. Labaronne, il poursuit la même ambition : fluidifier le marché immobilier, en particulier dans les zones tendues, où les biens font défaut. Pour ce faire, je propose de ramener de vingt-deux à dix-sept ans la durée de détention ouvrant droit à l’exonération d’impôt sur le revenu des plus-values pour les résidences secondaires. En effet, les propriétaires attendent logiquement vingt-deux ans pour vendre leur bien. Pendant ce temps, des familles ne parviennent pas à se loger ou à trouver un bien à acheter. Réduire de cinq ans la durée de détention me semble raisonnable et vertueux, et devrait limiter le problème de spéculation.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. À deux ans près, cet amendement rejoint celui de M. Labaronne – pour ce qui concerne l’imposition du titre des revenus, du moins. Avis favorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Je soutiendrai cet amendement, mais je redéposerai en séance un amendement visant à aligner les durées de détention ouvrant droit à l’exonération fiscale et à l’exonération sociale. Cela introduirait de la lisibilité et de la visibilité, et aurait le mérite de simplifier la complexité fiscale qui nous est régulièrement reprochée.

M. Corentin Le Fur (DR). Je remercie M. Labaronne pour sa sagesse. Peut-être devrions-nous commencer par adopter cet amendement ; nous pourrons toujours le retravailler d’ici à la séance publique pour trouver un compromis encore plus utile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF467 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Depuis 2019, le niveau des dividendes distribués a augmenté de 60 %, passant de 60 milliards à plus de 100 milliards – un record. Dans le même temps, les salaires réels ont, eux, été diminués de 3 %. Alors que les dividendes, qui ne profitent qu’à une toute petite partie de la population – je rappelle que 96 % des dividendes sont perçus par 1 % de la population – explosent, comment expliquer qu’ils fassent l’objet d’un abattement spécifique de 40 % avant imposition au titre de l’impôt sur le revenu – lorsque toutefois ils y sont soumis ? Pourquoi l’argent des dividendes, qui ne correspond à aucun travail produit, bénéficierait-il d’un abattement dont les fruits du travail eux-mêmes ne bénéficient pas ? Pourquoi continuer à taxer davantage les travailleurs que les actionnaires ? Nous proposons donc évidemment la suppression de cet abattement.

J’en profite pour expliquer à M. Verny, qui avait l’air de vouloir prendre des cours de mathématiques, qu’il y a une différence entre l’impôt sur le revenu (IR) et les prélèvements obligatoires, qui incluent les contributions sociales, l’impôt sur le revenu, les taxes comme la TVA, la flat tax. Les milliardaires ne paient en moyenne que 2 % d’impôt sur le revenu, puisqu’ils privilégient les revenus du capital, qui ne sont pas imposés de la même façon. Ils paient aussi en moyenne deux fois moins que le reste de la population au titre des prélèvements obligatoires. Donc supprimons cet abattement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les dividendes sont soumis soit au PFU, soit au barème de l’IR après un abattement de 40 %. Or les contribuables les plus riches choisissent le PFU : en proposant de supprimer l’abattement, vous ciblez donc les contribuables pour qui l’imposition au barème est plus intéressante, c’est-à-dire ceux situés dans les premières tranches d’impôt sur le revenu. Au vu de votre objectif, je ne comprends pas bien votre proposition, et je serais très heureux que vous m’en expliquiez la logique. Avis défavorable.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Vous avez tout à fait raison, Monsieur le rapporteur, et c’est bien pour cette raison que nous proposons de supprimer aussi la flat tax, qui permet aux très riches d’être moins imposés qu’ils ne devraient. Encore une fois, il n’y a aucune raison que le capital rapporte plus que le travail : comment justifier que le détenteur d’une action soit moins imposé sur ce qu’elle lui rapporte que l’ouvrier, le travailleur ou le salarié qui produit la richesse ensuite reversée sous forme de dividendes à quelqu’un qui n’a potentiellement rien produit ?

M. Gérault Verny (UDR). Monsieur Le Coq, je vais essayer de vous expliquer les choses avec beaucoup de pédagogie. Pour faire simple, votre amendement ne concerne que l’actionnariat salarié, puisque, comme l’a expliqué le rapporteur général, les plus fiscalisés peuvent bénéficier du PFU. Ceux qui choisissent plutôt l’impôt au barème ont donc un taux d’imposition inférieur à 30 %, et on peut estimer qu’ils gagnent un peu moins bien leur vie. Quant à votre démonstration sur le taux d’imposition des milliardaires, elle est erronée : les plus aisés bénéficient certes d’une fiscalité globale à travers le PFU, mais son taux est de 30 %, et j’imagine que vous savez que cela inclut à la fois l’impôt sur le revenu et les charges sociales.

M. François Ruffin (EcoS). On entend souvent les bancs de la droite nous parler de la valeur travail. Pourtant, c’est elle aussi qui la nie en choisissant de moins taxer les revenus du capital – qu’ils soient soumis à la flat tax ou au barème après un abattement de 40 % –, que ceux du travail. Monsieur le rapporteur général, je n’ai rien compris à votre explication sur ce sujet. Plus largement, je ne comprends pas votre positionnement : tout à l’heure, vous avez déclaré que la taxation des plus‑values latentes sur les héritages, qui rapporterait 2 milliards d’euros, était problématique. Mais vous ne jouez pas là votre rôle de rapporteur général. Il y a un trou considérable dans le budget : notre objectif est de diminuer le déficit, au lieu de quoi vous jouez les gardiens et empêchez de nouvelles recettes.

M. François Jolivet (HOR). J’ai la parole rare, mais je voudrais rebondir sur les propos de M. Le Coq, que je ne comprends pas. Monsieur Le Coq, quand on parle des dividendes, vous évoquez surtout les ultrariches et les milliardaires. Que diriez-vous au directeur général de l’Agirc-Arrco, qui place tout l’argent de l’association au CAC40 et utilise les dividendes pour payer les retraites ? Que diriez-vous aux titulaires de contrats d’assurance vie investis pour moitié en actions, ou à ceux de plans d’épargne retraite, qui perçoivent eux aussi des dividendes ? Il ne faut pas opposer le capital aux salariés : parfois, leurs intérêts sont mêlés, sur des sujets dont on ne parle jamais. Personnellement, je connais peu d’actionnaires milliardaires, à part celui dont le nom est toujours cité dans cette commission. Je suis donc défavorable à votre amendement.

M. le président Éric Coquerel. Ils ne sont que quelques-uns, mais le problème c’est qu’à eux seuls, ils coûtent très cher.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Monsieur Ruffin, il y a un décalage entre votre argumentation et l’amendement, qui touchera les contribuables pour lesquels l’imposition au barème est plus intéressante que le PFU, autrement dit les contribuables des premières tranches, donc les plus modestes.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. J’indique que nous sommes plusieurs à ne pas avoir mesuré les conséquences de l’amendement CF1463. En l’adoptant, nous pensions combler une lacune, et non supprimer le dispositif proposé à l’article 3 – ce que nous ne souhaitons pas. Nous y reviendrons certainement en séance.

Amendements identiques I-CF402 de Mme Claire Lejeune, I-CF732 de Mme Estelle Mercier, I-CF1081 de M. Tristan Lahais et I-CF1183 de M. Emmanuel Maurel ; amendement I-CF403 de M. Éric Coquerel ; amendements identiques ICF37 de M. Fabrice Brun, I-CF265 de M. Corentin Le Fur et ICF1376 de M. Michel Castellani (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Reprenant une proposition de l’excellent rapport de MM. Coquerel et Mattei relatif à l’impôt universel, l’amendement, présenté par les quatre groupes de gauche, vise à rétablir l’exit tax qu’Emmanuel Macron a supprimée.

Le dispositif vise à empêcher l’expatriation à l’étranger pour profiter d’une fiscalité plus avantageuse sur les titres boursiers. Il concerne donc les ultra-riches puisque les classes populaires ou les classes moyennes ne quittent pas notre pays pour éviter l’impôt.

Puisque le gouvernement s’est engagé à ne pas recourir au 49.3 donc à respecter nos votes, nous vous invitons à adopter cette mesure – notre assemblée l’a déjà fait en 2022 et 2023 – qui rapporterait au moins 800 millions d’euros.

Mme Estelle Mercier (SOC). L’article 112 de la loi de finances pour 2019 avait abaissé de quinze à deux ans le délai de conservation des actions permettant d’échapper à l’exit tax – autant dire qu’elle l’avait supprimée.

Nous proposons de l’abroger pour revenir au régime initial de l’exit tax. Pour montrer que nous ne sommes pas d’affreux gauchistes, nous reprenons l’amendement de M. Fabrice Brun, membre des Républicains, que la commission avait adopté lors de l’examen du PLF pour 2024.

M. Tristan Lahais (EcoS). Je ne reviendrai pas sur l’intérêt d’une disposition qui luttait efficacement contre l’évasion fiscale.

Il est curieux que le bloc central nous appelle à un compromis sur le budget pour 2026 mais ne cède pas grand-chose, voire rien du tout, en matière de recettes, alors que celles-ci déterminent pourtant les dépenses, donc la marge de manœuvre dans les grandes politiques publiques. Vous ne devez la continuation de votre politique économique qu’au soutien du RN.

M. Emmanuel Maurel (GDR). L’exit tax répond à une exigence de justice mais aussi de patriotisme. J’en appelle à ceux qui y sont attachés. Il n’est pas normal de valoriser des comportements contestables, ceux des tricheurs et des spéculateurs, qui pratiquent l’évasion fiscale alors qu’ils sont redevables au pays.

Le rétablissement de l’exit tax n’est ni déraisonnable, ni gauchiste. Ce dispositif date de 2011 – M. le rapporteur général connaît bien ses auteurs. Le gouvernement de droite d’alors cherchait à pénaliser des comportements éminemment répréhensibles. La modification apportée par Emmanuel Macron non seulement n’a pas eu d’effet mais elle a aggravé le sentiment d’injustice.

Le rétablissement est une étape nécessaire vers un compromis sur le budget.

M. le président Éric Coquerel. Je défends un amendement de repli, qui consiste à revenir à l’exit tax dans sa version antérieure à 2019, et qui a déjà été adopté, avec le soutien des Républicains.

La suppression d’un mécanisme qui avait fait ses preuves, notamment grâce à sa vertu dissuasive, a favorisé l’évasion et l’optimisation fiscales.

M. Nicolas Ray (DR). Je présente l’amendement que Fabrice Brun défend depuis de nombreuses années et qui a été adopté par la commission les années précédentes.

Il s’agit de revenir à l’exit tax instaurée en 2012 afin de lutter contre l’évasion fiscale. La logique est simple : quand on réussit grâce à la France, on doit payer ses impôts en France. Ce sont autant de recettes bienvenues pour l’État.

M. Corentin Le Fur (DR). L’exit tax n’est pas une mesure gauchiste ; nous la devons à Nicolas Sarkozy.

Nous avons raison d’être très durs dans la lutte contre la fraude sociale – je me réjouis du projet de loi à venir en ce sens – mais nous ne devons pas avoir la main qui tremble pour lutter contre l’évasion fiscale.

Dans la loi de finances pour 2019, autant le PFU était une très bonne mesure que nous continuons à soutenir, autant le fait de vider l’exit tax de sa substance était malvenu. Nous pouvons y remédier ensemble aujourd’hui.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il faut se souvenir que l’exit tax, dans sa version antérieure à 2019, rapportait moins de 25 millions par an, pour 6 milliards de plus-values latentes sur cinq ans. Le rendement était donc assez faible.

Outre un renforcement des contrôles, nous pourrions examiner le modèle suédois, qui prévoit le maintien prolongé des effets de la résidence fiscale pendant plusieurs années après le départ. Je vous invite donc à retirer vos amendements au bénéfice d’un travail transpartisan en vue de la séance.

M. Daniel Labaronne (EPR). Les outils anti-abus en matière fiscale ne manquent pas : les prix de transfert, les conventions fiscales, la transparence des actifs, les échanges automatiques d’informations.

En rétablissant l’exit tax, que disons-nous aux étrangers désireux d’investir en France ? Le succès sera sanctionné en cas de mobilité ; le pays est fiscalement instable et punitif ; la complexité administrative et les coûts de gestion importent peu pourvu que l’État en tire quelques sous ; la France n’aime pas les investisseurs, ceux qui prennent des risques et se déplacent.

Je rappelle que la liberté de circulation des hommes et des capitaux est l’une des quatre libertés fondamentales sur lesquelles l’Union européenne a été construite.

Vous confondez mobilité individuelle et fraude fiscale. Nous sommes opposés à la modification du dispositif.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Quelle est la différence entre les amendements identiques des quatre groupes de gauche, le vôtre et ceux du groupe LR, monsieur le président ?

M. le président Éric Coquerel. Il n’y en a pas sur le fond, seule la rédaction change.

La commission adopte les amendements identiques I-CF402 et suivants.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement I-CF536 de Mme Christine Pirès Beaune

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable car l’amendement permet de corriger une inégalité injustifiée face à l’impôt dans un cas très particulier.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF977 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1593 de M. Éric Ciotti, I-CF1459 et I-CF479 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF586 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF981 de Mme Marianne Maximi, I-CF845 de M. Nicolas Sansu ; amendements identiques I-CF235 de Mme Sophie Taillé-Polian et I-CF775 de Mme Christine Pirès Beaune ; amendement I-CF840 de M. Nicolas Sansu (discussion commune)

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Je note le décalage entre la vision de la société que vous défendez – une société du mérite, dans laquelle chacun est récompensé pour son travail – et ce qu’elle devient sous l’influence de vos politiques – une société d’héritiers, dans laquelle certains, du seul fait de leur naissance, jouiront de sommes mirobolantes ; une société dans laquelle on rétablit en quelque sorte des privilèges.

Lorsque vous permettez l’accumulation continue de fortunes, sans fiscaliser l’héritage, il est logique de voir apparaître des quasi-dynasties, qui ébranlent assez profondément les principes mêmes de notre République.

Nous proposons une refonte des droits de succession, fondée sur un barème plus progressif, un relèvement de l’abattement, et la suppression du délai de quinze ans au profit d’une comptabilisation tout au long de la vie.

M. Gérault Verny (UDR). Nous considérons que les droits de succession sont un impôt sur la mort. Les sommes qui sont transmises sont déjà taxées tout au long de la vie et elles le seront encore plus demain grâce aux nombreux dispositifs que vous imaginez.

L’amendement vise à porter à 500 000 euros l’abattement pour les donations en ligne directe. Il s’agit d’une mesure de justice et de bon sens. L’argent ainsi donné à des actifs viendrait alimenter l’économie.

M. Laurent Baumel (SOC). Puisque nous sommes tous favorables à une société méritocratique, fondée sur l’égalité des chances, nous pourrions aussi reconnaître qu’il n’y a pas de gloire dans une société d’héritiers dans laquelle la part du patrimoine transmis dans la richesse s’est fortement accrue et l’origine familiale pèse de plus en plus sur le destin des individus.

L’amendement vise à revoir la fiscalité des successions et donations en protégeant les classes moyennes et populaires : il élargit l’assiette, neutralise les niches et unifie le traitement des transmissions, notamment pour l’assurance vie. La réforme sera neutre pour 95 % de la population – inutile de nous dire que nous pénalisons ceux qui ont travaillé toute leur vie et qui veulent transmettre un petit pécule à leurs enfants ! Elle concernera uniquement les héritiers recevant plus de 1,3 million d’euros.

Mme Estelle Mercier (SOC). Cet amendement, qui reprend une recommandation du rapport Vachey relatif à la création de la branche autonomie, a pour objet de revoir le barème des droits de mutation pour le rendre plus progressif en créant une tranche à 25 % et en augmentant d’un point le taux des tranches supérieures.

Je le précise, 90 % des légataires seraient exonérés, seuls les gros héritages seraient visés. Les recettes, estimées à 1 milliard, permettraient de financer les dépenses de protection sociale liées au vieillissement démographique.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je regrette que nous devions examiner ce sujet au détour d’amendements au PLF. Il mériterait un texte à part entière pour adapter notre droit à l’allongement de l’espérance de vie et à la recomposition des familles.

Afin de tenir compte des réalités familiales contemporaines, l’amendement tend à ouvrir de nouveaux droits aux enfants et petits-enfants de conjoints – ils en sont actuellement dépourvus. Afin d’accélérer les transmissions, il double l’abattement applicable aux donations et successions entre frères et sœurs, ainsi qu’entre oncles et tantes, neveux et nièces.

Toujours soucieux de l’équilibre budgétaire, je finance ces mesures par la création d’une tranche supplémentaire pour les successions supérieures à 3,6 millions.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Il s’agit de rétablir un peu de justice entre les familles en réformant la fiscalité de l’héritage. Dans ce domaine, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne.

Les 0,1 % les plus riches, les super-héritiers, reçoivent environ 13 millions d’euros, soit 180 fois l’héritage médian, et ne paient que 10 % de droits de succession, loin du taux de 45 % prévu par la loi. Grâce à la multiplication de niches fiscales, des abattements, et des exonérations, ils ne paient jamais leur juste part.

C’est un problème pour les finances publiques, car, dans les trente prochaines années, vingt-cinq milliardaires français vont transmettre à leurs héritiers plus de 460 milliards. À fiscalité constante, le manque à gagner pour l’État sera d’au moins 160 milliards.

Près de la moitié des ménages ne touche aucun héritage ; 80 % d’entre eux ne reçoivent aucune donation. L’héritage est au cœur des mécanismes de reproduction sociale, qui permettent aux riches de rester riches de génération en génération.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’objectif est également de rendre la fiscalité sur les successions et les donations plus juste.

Voulons-nous d’une société de rentiers et d’héritiers dont le destin est de péricliter ? Alors que de génération en génération les héritiers amassent davantage de patrimoine, nous souhaitons instaurer davantage de justice, comme l’a demandé la présidente de notre assemblée. N’oubliez pas que 9 000 milliards d’euros de patrimoine seront transmis dans les quinze prochaines années. L’héritage est au cœur de la problématique de la répartition des richesses.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). J’invite mes collègues qui ne cessent de mettre en avant la valeur travail à la célébrer en taxant moins les revenus du travail et davantage les héritages, sans quoi les inégalités se creusent dans notre pays.

Le Conseil d’analyse économique (CAE) parle d’une société d’héritiers en devenir, proche de celle du début du XXe siècle.

Les 1 % des plus riches héritiers peuvent désormais obtenir, par la rente, un niveau de vie supérieur aux 1 % des travailleurs les plus riches. Voilà où nous en sommes ! Nous en parlons depuis plusieurs années, mais il est temps d’agir pour résorber la dette de notre pays, financer les services publics, etc. Le taux réel d’imposition des successions pour les plus riches doit dépasser les 10 %.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement de repli vise à instaurer un flux successoral et à remettre en cause la niche scandaleuse de l’assurance vie, qui permet d’échapper à l’imposition.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les amendements peuvent être classés en trois catégories : d’abord, ceux qui alourdissent la fiscalité sur les successions, en rehaussant le barème des droits de mutation, parfois jusqu’à proposer un taux confiscatoire – 100 % ; en créant un rappel fiscal permanent ; en revenant sur le régime fiscal de l’usufruit ou de l’assurance vie. Je rappelle que cette dernière est un produit d’épargne plébiscité par les Français et qui contribue au financement de notre dette – c’est un détail. Je suis défavorable à ces amendements car la France se situe déjà dans une moyenne haute.

Ensuite, l’amendement de M. Ciotti libéralise considérablement mais coûterait jusqu’à une vingtaine de milliards. Il sera donc difficile de l’accepter.

Enfin, l’amendement de M. Cazeneuve est assez équilibré : il adapte le droit à la nouvelle structure des familles, répondant ainsi à une demande qui nous a été adressée de manière récurrente. Pour financer cette adaptation, il crée une tranche supplémentaire. C’est le seul amendement auquel je serai favorable.

M. Jocelyn Dessigny (RN). L’extrême gauche nous donne des leçons de morale. L’héritage serait un truc qui tombe du ciel, comme le dit si bien la présidente de l’Assemblée nationale.

Eh bien, non, l’héritage est le fruit du labeur d’ouvriers, de paysans. Tout au long de leur vie, ils ont constitué un patrimoine qu’ils souhaitent transmettre à leurs enfants. C’est ça l’héritage, et il mérite d’être protégé. Vous devriez avoir honte de vouloir le fiscaliser. Vous défendez un impôt sur la mort avec des arguments inadmissibles.

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Dessigny, votre logique conduit à restaurer une noblesse d’argent. Le fait d’être bien né ne pourrait plus jamais être remis en question.

Les nobles considéraient que le fait qu’ils protègent d’autres gens leur donnait droit à un héritage. C’est exactement ce que vous proposez. Je m’y oppose. En tant que républicain, j’estime qu’une redistribution des richesses est indispensable. L’endroit où vous êtes né ne peut pas vous donner le droit à être éternellement riche.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Heureusement, le Rassemblement national est toujours là pour venir au secours des plus riches. Vous considérez que la naissance fait la fortune. Celles et ceux qui produisent les richesses, celles et ceux qui travaillent, vous vous en moquez bien. Ce qui compte, c’est d’être né dans la bonne famille.

Pour dissimuler votre véritable dessein, vous recourez à une arnaque bien construite, consistant à faire croire aux Françaises et aux Français, que par nos amendements, ils vont perdre la maison de famille ou les petits héritages.

Pour que chacun sache que vos amis sont les milliardaires, je rappelle donc quelques chiffres : 40 % des Français n’héritent de rien ; 40 % héritent d’un montant inférieur à 8 000 euros. L’abattement étant fixé à 100 000 euros, 87 % des Français ne paient aucun impôt sur l’héritage – et c’est très bien ainsi. Ce qui pose problème, ce sont ceux en haut de l’échelle, qui se gavent et se transmettent des milliards de génération en génération.

Savez-vous comment on devient milliardaire en France aujourd’hui ? Il faut bien choisir ses parents. Sur les neuf derniers milliardaires, sept sont des super-héritiers. Ce sont eux que vous voulez protéger.

M. Gérault Verny (UDR). Monsieur le rapporteur général, je ne sais pas comment vous faites pour chiffrer à 20 milliards le coût de notre amendement, mais cela n’a rien de mathématique.

Monsieur le président, vous vous trompez, la naissance ne fait pas toujours la richesse. Nous avons un exemple d’un héritier qui a dilapidé la fortune de son père, brillant industriel français, M. Lagardère.

Il est difficile de perpétuer une aventure industrielle ou une entreprise. La gauche et l’extrême gauche en particulier ne peuvent pas le comprendre puisqu’elles ne connaissent pas l’entreprise. Elles pensent encore qu’il s’agit d’un truc de nantis.

La propriété privée est un droit constitutionnel. Une fois que l’argent a été taxé, encore taxé et surtaxé, il est concevable qu’il soit transmis librement.

M. Philippe Brun (SOC). Je souhaiterais une courte suspension de séance à l’issue du vote.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Nous voyons là jusqu’où le Rassemblement national est prêt à aller pour camoufler sa réelle inclination.

M. Dessigny vient de dire une contrevérité : ce ne sont pas les ouvriers et les employés qui paieraient des droits de succession. Ils sont déjà exonérés parce qu’ils ne reçoivent presque rien. Le plus souvent, les parents n’ont rien à transmettre comme fruit de leur travail.

Nos amendements concernent les 0,1 % qui touchent en moyenne 13 millions d’euros. Ce sont eux que protège le RN en votant contre nos amendements. Les Français doivent le savoir.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je suis gêné par ce débat. Nous avons vu sur l’article 3 combien il était risqué de légiférer par voie d’amendement, sans compter qu’en l’espèce, les amendements font le grand écart, certains proposant une baisse, d’autres une forte hausse.

Un pavillon dans la campagne béarnaise coûte entre 300 000 et 400 000 euros. Le taux d’imposition pour un enfant unique sera de 30 à 40 %. Comment l’héritier fera-t-il pour payer ? Il sera obligé de vendre. Les taux d’imposition ne sont pas raisonnables – je ne parle même pas du taux de 100 % qui renvoie à une autre vision de la société.

Il n’est pas raisonnable de légiférer sur un sujet aussi important sans avoir une vision globale. Cela peut faire un joli programme pour l’élection présidentielle. Nous nous prononcerons, parce que la règle le veut, mais ce n’est pas sérieux.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement de M. Cazeneuve est raisonnable. Les abattements pour les frères et sœurs ou neveux et nièces sont bien trop faibles, comparés aux 100 000 euros entre parents et enfants. Leur doublement semble d’autant plus raisonnable qu’il est gagé par la création d’une tranche supplémentaire.

Pour le reste, je partage largement l’intervention de M. Mattei. Le barème des droits de succession n’est pas le cœur du problème. Les difficultés proviennent de l’assiette, des abattements, du pacte Dutreil, ou du démembrement de propriété. Il conviendrait de consacrer un texte spécifique aux successions.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’amendement de M. Cazeneuve a du sens car il tient compte de la recomposition des familles. La reconnaissance des beaux-enfants est tout à fait légitime.

En ce qui concerne les autres amendements, celui de M. Le Coq, comment l’héritier peut-il s’acquitter de 40 % de droits sur un bien immobilier ? Il est obligé de le vendre. Il ne reste alors rien du patrimoine de la famille, à part du capital. Dans celui de Mme Maximi, le taux monte à 50 %. Est-ce sérieux ? C’est désespérant d’entendre ça.

M. François Ruffin (EcoS). Nos collègues macronistes nous proposent une mesure cosmétique, superficielle, artificielle, qui n’est pas à la hauteur du moment que caractérisent une situation budgétaire compliquée et un profond sentiment d’injustice fiscale chez les Français.

L’amendement ne répond pas non plus à la critique dont font l’objet les grandes transmissions qui bénéficient aux plus privilégiés.

Le CAE parle d’une société d’héritiers. Le rapport de la commission internationale Blanchard-Tirole considère que l’impôt sur les successions doit être un instrument de redistribution. Les économistes macronistes Philippe Aghion, Philippe Martin et Jean Pisani‑Ferry suggèrent une taxation plus lourde des grandes transmissions : « les enfants des innovateurs sont souvent des rentiers. […] Une telle réforme confortera le message en faveur de la mobilité sociale » – nous en sommes très loin. Je cite encore Yaël Braun-Pivet la semaine dernière : « toutes les études le montrent : on s’enrichit aujourd’hui davantage en héritant qu’en travaillant. […] je pense nécessaire de se pencher sur la taxation des super‑héritages ». Nous n’y sommes pas du tout !

M. Denis Masséglia (EPR). À l’instar de M. Mattei, j’estime que le sujet mérite un débat à partir d’un texte.

La majorité du capital des Français de plus de 50 ans est issue de l’héritage plus que du travail. Nous devons envisager de taxer plus fortement l’héritage pour réduire l’imposition du travail et permettre aux travailleurs d’être mieux rémunérés.

Si l’on applique l’amendement de M. Le Coq, il n’est plus possible de transmettre l’outil productif. Dans ma circonscription, l’entreprise Dorel, qui fabrique la marque Bebeconfort, a été vendue à un fonds de pension canadien puis délocalisée. Par votre amendement, vous encouragez les fonds de pension. Ce n’est pas acceptable.

M. Nicolas Sansu (GDR). Bien sûr que ce sujet mériterait un débat et un projet de loi ad hoc, vous aviez d’ailleurs, monsieur Cazeneuve, tout le loisir de les lancer lorsque vous étiez rapporteur général.

Monsieur de Courson, notre amendement traite toutes les questions : le flux successoral, les barèmes, le pacte Dutreil et l’assurance-vie. Il est certes un peu costaud, mais nous débattrons du pacte Dutreil tout à l’heure quoi qu’il arrive. Il faut avoir tous ces débats sur la transmission du patrimoine, y compris l’enjeu majeur de la transmission des entreprises.

Enfin, comme l’a dit M. Le Coq, oui, ce sont 85 à 88 % des successions – la très grande majorité – qui sont exonérées de tout droit de succession dans notre pays ! Le Rassemblement national défend qui il veut, mais là il nous révèle son projet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF929 de M. Éric Coquerel

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Parmi les exceptions françaises peu glorieuses, il y a le non-effacement des plus-values latentes à la succession mais aussi la niche fiscale sur l’assurance-vie, qui, avec un barème à tranches très larges et à taux marginal très faible, est soustraite au barème de droit commun sur l’imposition des successions. Cette exonération coûte 5 milliards par an et, selon une note de 2021 du Conseil d’analyse économique, n’a aucun intérêt pour l’économie réelle puisque l’assurance-vie génère très peu d’investissement.

À propos de l’héritage, c’est maintenant qu’il faut agir ! Les trente prochaines années verront vingt-cinq milliardaires français transmettre 460 milliards d’euros à leurs héritiers. Si nous conservons en l’état l’ensemble de nos niches fiscales, c’est, pour l’État, un manque à gagner colossal, de 160 milliards d’euros, et la formation d’une classe de super-héritiers, ce qui va à l’encontre des piliers de notre République.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les milliards de l’assurance-vie ne dorment pas au fond d’un coffre en attendant que le temps passe. Cet argent participe à l’économie réelle : c’est le financement et le rachat de la dette, c’est l’activité économique, c’est le financement indirect du logement social.

En outre, votre disposition supprime le régime fiscal de l’assurance-vie alors que cet outil d’épargne est plébiscité par les Français, un enjeu démocratique à prendre en compte et qui devrait vous interroger. Avis évidemment défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Les masques tombent ! Vous prétendez que les assurances-vie concernent les “hypermilliardaires” : j’ignorais que c’était la grande stratégie d’investissement de Bernard Arnault ! Ce dispositif est bien plutôt celui des classes moyennes supérieures, qui ne peuvent fuir l’impôt et sur lesquelles ça retombe une fois de plus. Avec vos bons sentiments, vous dites lutter contre les milliardaires mais vous n’avez présenté aucun dispositif contre ceux qui contournent effectivement l’impôt.

Par ailleurs, cet amendement est-il lié à des ingérences américaines ? S’il n’y a plus d’assurance-vie en France, nous ne défendons plus ce qu’il reste de la propriété française, des entreprises françaises et de la dette française. Comment ferez-vous pour les financer ? Vous ne le savez pas.

Le problème des assurances-vie ne tient pas à cet avantage fiscal mais à leurs frais sur lesquels se gavent certaines assurances pour des services non rendus – ce que montre le rapport que François Jolivet et moi avons rédigé. Il y a à faire sur ce point, mais, c’est drôle, vous n’avez pas pris position. Il est vrai que vous auriez ainsi défendu les classes moyennes, il ne faut quand même pas rêver !

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous pouvons tenir compte de l’analyse du CAE qui affirme, dans une note de 2021, que le traitement différencié des assurances-vie au titre des droits de mutation n’a pas de justification économique probante et qu’il contribue nettement à la complexité du système actuel. Notre système présente en effet une série d’exonérations et de niches fiscales qui font que les super-héritiers vont pouvoir toucher des milliards sans avoir de fiscalisation suffisante.

Enfin, les amendements précédents m’ont permis de constater que dès qu’il s’agit de renforcer l’imposition sur les héritages, le RN vote contre. Les discours, c’est bien, mais les votes parlent d’eux-mêmes et les Français le verront.

M. Charles de Courson (LIOT). La raison d’être de l’exonération fiscale de l’assurance-vie est simple : il s’agit d’attirer l’épargne pour financer le déficit de l’État. Le montant actuel en stock d’assurances-vie vient ainsi de dépasser les 2 000 milliards d’euros, dont un quart est investi en obligation assimilable du Trésor (OAT), soit un bon cinquième de la dette publique française. En séance publique, le ministre de l’économie va vous traiter de fous et vous demandera comment financer le déficit public ! Faites donc attention à votre vote : cet amendement, je l’ai vu de nombreuses fois depuis trente-deux ans et cela finit toujours de la même façon.

Mme Ayda Hadizadeh (SOC). Ce n’est pas l’assurance-vie qui finance le logement social mais le livret A. Ensuite, aux États-Unis, il n’y a pas d’assurance‑vie et pourtant, il y a des investissements. Enfin, l’assurance-vie est un avantage fiscal compensé par des frais exorbitants. Donc, en réalité, c’est l’État qui finance l’industrie financière, et ce n’est pas normal.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF966 de Mme Mathilde Feld et I-CF1357 de M. Aurélien LopezLiguori (discussion commune)

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). L’extrême droite s’amuse à nous traiter d’« extrême gauche » de façon récurrente, bien que le Conseil d’État ait tranché la question. C’est vous, l’extrême droite ; nous sommes simplement la gauche républicaine.

Cet amendement fonde le calcul de l’impôt sur les successions à l’aune de l’héritage reçu tout au long de la vie, au lieu de réinitialiser le décompte arbitrairement tous les quinze ans. Aujourd’hui, 60 % des patrimoines sont issus de l’héritage contre 35 % au début des années 1970. Le patrimoine hérité est par ailleurs très inégalement réparti puisque 40 % des Français n’héritent de rien, alors que les 0,1 % les plus riches, en moyenne, héritent de 12,6 millions d’euros et ne paient que 10 % d’impôts. L’exonération de 100 000 euros tous les quinze ans, par enfant et par parent, constitue l’une des principales exonérations de l’imposition sur les successions. Sur une période de trente et un ans, un couple avec trois enfants est ainsi en mesure de transmettre 1 800 000 euros à ses enfants sans contribuer d’un centime à la solidarité nationale, ce qui est inacceptable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pour le premier amendement, j’émets un avis défavorable sur le rappel fiscal à vie.

Je ne dispose pas du coût de la mesure proposée par le second, qui réduit le rappel fiscal sur les transmissions à dix ans plutôt que quinze, mais elle me paraît vertueuse. Je donne donc un avis de sagesse.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Les amendements de nos collègues macronistes qui visent à augmenter les donations sans imposition sont des amendements contre l’État, dans la mesure où ils diminuent nos recettes fiscales.

Il est aujourd’hui possible de transmettre 100 000 euros sans fiscalité. Or 90 % des Français touchent moins de 100 000 euros d’héritage et de donations. L’augmentation de ce seuil est donc, comme votre politique, une mesure en faveur des 10 % restants, qui détiennent un patrimoine 200 fois plus élevé que les 10 % les plus pauvres. Le rapport d’information de MM. Mattei et Sansu rappellent que les plus pauvres ont vu leur patrimoine diminuer de 50 % en trente ans, alors que les 10 % les plus riches ont vu augmenter le leur de 119 %. Il faut arrêter de prétendre qu’alléger la fiscalité sur l’héritage, c’est toucher aux classes modestes.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF853 de M. Nicolas Sansu.

Amendement I-CF1509 de M. Jean-Paul Mattei

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Cet amendement concerne les assurances-vie et s’appliquerait aux nouveaux contrats, sans rétroactivité. Il ne remet pas en cause l’abattement de 152 500 euros mais propose de caler la tranche de taxation des assurances-vie sur celle des successions en ligne directe, dont la tranche marginale est à 45 %. La modification consisterait ainsi à taxer à 45 % la fraction de la part reçue par chaque bénéficiaire supérieure à 1 800 000 euros. C’est une mesure d’équité qui n’est pas révolutionnaire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je donne un avis favorable à cette disposition qui simplifie le régime fiscal.

M. Nicolas Sansu (GDR). Je voterai cet amendement. Bien sûr, j’aurais préféré que l’assurance-vie entre dans la succession globale mais c’est un premier pas très intéressant. Comme le dit M. Mattei, ce n’est pas une révolution, mais une belle évolution.

M. Matthias Renault (RN). Nous ne sommes pas très étonnés par l’alignement des bancs communistes et d’extrême gauche. Mais par l’entremise de Yaël Braun-Pivet, les envies de taxation des assurances-vie et de l’héritage gagnent désormais la macronie – ce dont témoigne cette proposition conjointe des amis de M. Bayrou et des macronistes, manifestement approuvée par LR, pour alourdir la taxation sur les assurances-vie. Cela, certes, sur une tranche supérieure, mais tout de même ! On voit que les idées communistes progressent.

M. le président Éric Coquerel. Ce vocabulaire renvoie à certaines origines et me semble, c’est le moins qu’on puisse dire, proche de la caricature.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF1511 de M. Jean-Paul Mattei et I-CF1767 de M. Laurent Wauquiez

M. le président Éric Coquerel. La parole est à M. Mattei, le communiste !

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Cet amendement, déposé par notre collègue Véronique Louwagie l’année dernière, avait été adopté en séance publique. Nous souhaitons en effet faire circuler l’argent entre générations.

Il faut prendre acte que les 152 500 euros d’abattement de l’assurance-vie existent car c’est parfois très bien. Nous proposons que cet argent puisse être donné par anticipation aux enfants, afin qu’il circule entre les générations et puisse notamment être dédié à l’achat de logements J’étais hier avec un chauffeur de taxi qui, à 70 ans, n’avait pas encore touché l’assurance-vie de son père de 95 ans.

M. le président Éric Coquerel. Vivement une société dans laquelle les chauffeurs de taxi n’auront pas à travailler jusqu’à 70 ans !

M. Nicolas Ray (DR). Notre amendement, déposé par Véronique Louwagie et adopté l’an dernier, n’avait pas été retenu dans le texte adopté par 49.3.

Il vise à favoriser la transmission et à libérer l’épargne en direction des jeunes générations, par une transmission par anticipation aux bénéficiaires de contrats d’assurance-vie dans la limite de 152 000 euros. Nous avons un taux d’épargne élevé qu’il faut réinvestir dans l’économie.

Ce dispositif établi à titre dérogatoire ne s’appliquerait que pour l’année 2026 et ne serait pas un coût supplémentaire pour les finances publiques, puisque les sommes transmises auraient de toute façon fait l’objet d’une exonération au moment du décès.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je retire mon amendement qui présente des défauts de rédaction et ne s’applique pas uniquement à l’année 2026.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis favorable à cet amendement qui favorisera la transmission comme l’activité économique et permettra des déblocages sans rien coûter aux finances publiques. Il n’a en somme que des avantages.

M. Corentin Le Fur (DR). Cet amendement n’a peut-être pas toutes les qualités, mais il en a beaucoup. La circulation de l’épargne est un enjeu majeur : nous héritons beaucoup trop tard, à des âges où l’on n’en a pas besoin, ce qui crée un vrai problème au niveau économique.

On a souvent opposé les revenus du travail à ceux de l’héritage. Or les gens travaillent aussi pour transmettre un petit quelque chose à leurs enfants et à leurs petits-enfants, et pas uniquement pour consommer. Trop taxer l’héritage, c’est désinciter au travail.

M. François Jolivet (HOR). Notre groupe soutiendra cet amendement. Le cas de ce chauffeur de taxi encore en activité – ce qui n’est d’ailleurs pas normal – illustre bien ce que des études montrent, à savoir que, souvent, on hérite lorsqu’on est à la retraite ou proche de l’être. Selon les économistes, ce problème nous ferait perdre 1,5 point de PIB.

Nous n’avons pas anticipé le vieillissement de la population et, si cette mesure peut faire que l’argent circule et que les générations qui en ont besoin le touchent, elle va dans le bon sens.

M. Nicolas Sansu (GDR). Il est vrai qu’on peut toujours hériter d’« un petit quelque chose » et parfois même d’une circonscription…

Je ne crois pas que cette mesure ne coûte rien. Aujourd’hui, si vous liquidez une assurance-vie, vous avez droit à une donation de 100 000 euros. Or cet amendement propose d’anticiper une donation de 152 000 euros, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Une étude doit être réalisée pour évaluer le coût de cette mesure.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette remarque à propos d’un de nos collègues est déplacée : tous les députés ici présents ont été élus !

L’amendement I-CF1511 est retiré.

La commission adopte l’amendement I-CF1767.

Amendements I-CF950 de M. Aurélien Le Coq, I-CF851 de M. Nicolas Sansu, I-CF548 de M. Philippe Brun, I-CF932 de M. Éric Coquerel et I-CF194 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). J’ai bien compris que ce projet de loi de finances visait à réduire le déficit. Je propose donc un amendement pour des recettes de 160 milliards d’euros sur les trente prochaines années.

Il propose la suppression du pacte Dutreil. En France, un miracle absolu fait que, lorsque vous êtes milliardaire et que vous transmettez votre patrimoine, vous ne payez aucun impôt sur les successions, cela grâce au pacte Dutreil qui exonère d’impôts, à 75 %, la transmission de toute entreprise et de tout patrimoine professionnel qui, bien entendu, compte les holdings où se trouvent patrimoine immobilier, œuvres d’art, etc.

Qui est concerné ? Quelque 5 % de la population, qui détiennent 95 % du patrimoine professionnel. Vous nous direz qu’il est terrible que ces pauvres gens ne transmettent rien du fruit de leur travail à leurs enfants. Or, il faut s’attaquer à la question de la transmission du patrimoine professionnel. Croyez-vous que les milliards des hyper-riches dorment tranquillement sur des comptes ? Non, leur patrimoine est constitué de parts d’entreprises et il s’agit pour 90 % d’un patrimoine professionnel.

En outre, le pacte Dutreil nous coûte au minimum 5 milliards d’euros par an.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous aurons l’occasion de débattre à nouveau du pacte Dutreil dans l’hémicycle.

La Cour des comptes, dans une étude qui sera très bientôt publiée, estime le coût, désormais exponentiel, du pacte Dutreil à 4,5 milliards d’euros, et Bercy à 4 milliards, contre 500 millions seulement il y a quelques années.

Ce dispositif n’aide pas seulement à transmettre des petites entreprises et des commerces. Il sert aussi au démembrement de titres de propriété, de telle sorte que les plus riches ne payent jamais d’impôts. Le débat doit en parler, ainsi que du taux – nous proposons d’abaisser l’exonération à 50 % au-dessus de 50 millions d’actifs – et de la définition des biens professionnels, puisque les holdings abritent des biens personnels. Notre amendement, décliné en plusieurs amendements en séance, intègre ces différentes questions.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement I-CF932 propose d’appliquer le pacte Dutreil aux seuls actifs professionnels.

Les pactes Dutreil, florissants, ont augmenté de 50 % sous la présidence d’Emmanuel Macron. Les projets de loi de finances successifs les ont systématiquement sous-évalués : entre 500 et 800 millions d’euros par an, alors qu’ils coûteraient en réalité entre 4 et 5 milliards d’euros et grèveraient donc annuellement une partie très importante des frais de succession.

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Le groupe écologiste cherche des recettes supplémentaires pour financer nos services publics : tout le monde conviendra que c’est utile.

Le pacte Dutreil est davantage une mesure d’aide aux héritiers les plus riches qu’un véritable soutien aux entreprises et au tissu économique – comme on le présente trop souvent. Un célèbre héritier a dilapidé l’entreprise dont il avait hérité : en effet, hériter d’une entreprise ne signifie pas savoir la gérer. En cela, nous considérons que les salariés sont peut-être les mieux placés et les plus compétents et qu’il serait plus utile de les aider eux.

En tout état de cause, nous proposons de limiter l’application du pacte Dutreil aux petites et moyennes entreprises.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement I-CF932 n’exclut pas seulement les actifs professionnels mais toutes les holdings. C’est donc assez différent et beaucoup plus large.

Les autres amendements “détricotent” la loi Dutreil qui, je le rappelle, permet d’éviter la mortalité des entreprises lors des transmissions. Cette disposition n’est pas purement nationale puisqu’il existe des dispositifs similaires dans d’autres pays : en Allemagne, des abattements de 85 à 90 % ; en Italie, des exonérations totales ; au Royaume-Uni, le dispositif particulier des business reliefs et en Espagne, des abattements de 95 %.

Il est selon moi périlleux de détricoter une loi intelligente, utile à l’entreprise, qui stabilise l’activité économique et les transmissions avant d’avoir reçu l’évaluation de la Cour des comptes. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je voterai l’amendement I-CF932. J’espère pour ma part qu’au moins un amendement contre la niche fiscale du pacte Dutreil sera adopté.

En effet, alors que nous sommes censés nous y attaquer, les principales niches fiscales ne sont touchées par aucun des articles ou amendements déposés par le gouvernement – qui se concentrent sur les 10 % d’abattement pour les retraités ou la déduction des frais scolaires, des niches mineures ou qui touchent quasiment l’ensemble des Français.

D’autre part, on nous a dit pendant des années que le coût du pacte Dutreil était de 500 millions d’euros alors que la Cour des comptes l’évalue à 4,5 milliards d’euros. Ce dispositif, qui a pour objectif principal le fait que l’entreprise puisse rester dans le giron familial voire national, constitue donc en réalité une optimisation fiscale majeure, très coûteuse pour les finances publiques.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Notre groupe votera contre tous ces amendements et nous alertons l’ensemble de nos collègues sur le fait qu’il s’agit de mauvaises idées.

Supprimer le pacte Dutreil, c’est affaiblir l’industrie et l’économie françaises. Ce dispositif a été créé parce qu’il y avait des difficultés pour transmettre des entreprises, ce qui aboutissait à la vente de certaines d’entre elles à des fonds ou à des investisseurs étrangers.

Le pacte Dutreil fonctionne. Je rappelle à nos collègues de gauche qu’ils ne l’ont pas remis en cause entre 2012 et 2017. Il y a bien une raison à ça : même si vous êtes de gauche, vous avez estimé qu’il présentait un intérêt pour protéger l’industrie française.

Nous attendons de lire les conclusions de la Cour des comptes. Mon sentiment est qu’il y a probablement certains abus. Mais c’est une affaire de contrôle fiscal et nous attendons que le ministre des finances et la ministre chargée des comptes publics prennent des engagements clairs à cet égard.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Le pacte Dutreil est évidemment un système qui défend les PME et les PMI dans tous les territoires. Il est très important qu’elles restent dans le giron familial si nous voulons éviter que l’ensemble de nos entreprises soient rachetées par des Américains ou des Chinois et disparaissent du patrimoine français.

Ce dispositif fonctionne très bien. Le rapport de la Cour des comptes nous éclairera davantage, mais il faut cesser de tout voir à travers le prisme des très grosses entreprises, qui ne constituent pas la majorité des entreprises françaises.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Lorsque le pacte Dutreil n’existait pas, il n’y avait pas beaucoup de solutions à part vendre l’entreprise, souvent à un fonds de pension – ce qui aboutissait trois ou quatre ans après à des délocalisations et à des destructions d’emplois. Il ne faut pas raisonner en prenant seulement en compte le coût fiscal. Ce dispositif a sauvé beaucoup d’entreprises, qui contribuent au maillage du territoire. Les entreprises familiales sont beaucoup plus attachées aux territoires.

Il faut quand même payer 45 % de droits de succession sur 25 % de la valeur transmise, ce qui peut représenter beaucoup d’argent lorsqu’il s’agit de grosses entreprises. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est possible de payer de manière différée et fractionnée.

Ne touchons pas à cet outil utile. S’il y a des abus de droit, ils doivent être sanctionnés. Mais c’est le rôle des inspecteurs des impôts.

M. Nicolas Sansu (GDR). Premièrement, des délocalisations ont eu lieu alors même que le pacte Dutreil était en vigueur, monsieur Mattei. Votre démonstration n’est pas complètement valable.

Deuxièmement, les petites entreprises ne sont pas concernées par mon amendement puisqu’il prévoit un seuil à 50 millions. Ce n’est pas la boulangerie ou le garagiste du coin.

Le sujet est bien l’optimisation fiscale permise par le pacte Dutreil. Je rappelle qu’à l’origine il prévoyait une exonération de 50 %, à condition de conserver les titres pendant seize ans. Désormais, l’exonération s’élève à 75 %, tandis que l’engagement collectif de conservation des titres est de deux ans, suivi par un engagement individuel de quatre ans. Ce n’est pas tout à fait la même chose !

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il est absolument ahurissant de voir que, du côté du Rassemblement national, on ne trouve rien à redire au fait que les propriétaires des plus grandes entreprises fraudent et ne paient rien lors des successions.

Ces amendements permettraient de mieux encadrer le dispositif afin de le rendre un peu plus juste. Celui de Nicolas Sansu propose un seuil de 50 millions et l’amendement I-CF932 prévoit que le dispositif ne s’applique qu’aux seuls actifs professionnels. Il est en effet incroyable que, sous couvert de protection du patrimoine productif, on en arrive à exonérer de droits de succession des patrimoines immobiliers ou des œuvres d’art.

Par ailleurs, on essaie de nous faire croire que le pacte Dutreil est destiné seulement aux petites entreprises. Je rappelle que 40 % des pactes sont enregistrés pour des montants supérieurs à 60 millions. Cela concerne donc bien les grandes et très grandes entreprises, ainsi que les très gros patrimoines.

Si vous avez peur des délocalisations, je propose très simplement que les droits de succession dus dans le cadre du pacte Dutreil puissent être payés non seulement en numéraire, mais aussi en parts du capital des entreprises.

M. Gérault Verny (UDR). L’un des gros problèmes du tissu industriel français réside dans le manque d’ETI (entreprises de taille intermédiaire). L’Italie et l’Allemagne font beaucoup mieux de ce point de vue. Pour arriver à créer ces entreprises, il faut accepter qu’une ETI industrielle se construit sur plusieurs générations – et non par un coup de baguette magique, monsieur Le Coq. Cela suppose de lourds investissements, du temps et du talent.

Soit on estime qu’on n’a pas besoin d’industrie en France, et dans ce cas on vous écoute. Soit on considère qu’on en a besoin, et alors il faut accompagner les industriels pour leur permettre de transmettre leur entreprise. À défaut, les entreprises seront vendues à des fonds d’investissement qui suivent une logique de rentabilité à court terme. Il faut donc favoriser l’actionnariat familial dans les sociétés industrielles.

Le pacte Dutreil est un bon outil pour cela. Il n’est pas suffisant, mais il a le mérite d’exister.

M. Philippe Brun (SOC). Pour notre part, nous ne demandons pas la fin du pacte Dutreil. Nous voulons simplement mettre fin aux abus.

Ces amendements en discussion commune ont tout d’abord pour objet de limiter l’exonération à la seule fraction de la valeur des parts transmises qui correspondent à des biens professionnels, précisément pour limiter l’optimisation qui permet de transmettre de très importantes sommes à ses enfants sans aucune forme de taxation.

Il n’est pas juste que l’on soit surtaxé au titre des DMTG (droits de mutation à titre gratuit) lorsque l’on transmet son pavillon alors que ceux qui transmettent des liquidités à travers des holdings sont détaxés. Nous proposons également de ramener de 75 % à 50 % l’abattement sur les droits de mutation.

Ce débat est légitime et devra nécessairement aboutir. Que les choses soient très claires : nous ne pourrons pas laisser adopter un projet qui ne comporte pas des mesures de lutte contre l’optimisation du pacte Dutreil.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1514 de M. Jean-Paul Mattei

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Cet amendement encadre le pacte Dutreil de manière limitée, en prévoyant que l’âge d’au moins un des donataires doit être compris entre 18 et 60 ans au jour de la transmission.

Il s’agit d’éviter des phénomènes d’optimisation consistant à transmettre à des enfants mineurs – qui ne sont pas capables de reprendre l’entreprise. Cet amendement de bon sens permet également d’inciter les dirigeants d’un certain âge à accélérer la transmission des titres, afin que quelqu’un qui n’est pas trop proche de l’âge de la retraite puisse reprendre l’entreprise.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Selon les données de la DGFIP (direction générale des finances publiques), 15 % des bénéficiaires ont moins de 30 ans et la quasi-totalité moins de 60 ans. Votre amendement risque de ne pas être très utile en pratique. Attendons le rapport de la Cour des comptes.

Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF600 de M. Jean-René Cazeneuve et amendements identiques ICF870 de M. Nicolas Sansu et I-CF1377 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je ne souhaite absolument pas remettre en cause le pacte Dutreil, dont les effets sont bénéfiques pour notre tissu industriel.

Cet amendement a pour objet de remédier à une imprécision et à exclure clairement les biens personnels de l’assiette de l’exonération.

M. Nicolas Sansu (GDR). Mon amendement avait me semble-t-il été adopté en séance l’an dernier, avant le couperet du 49.3.

Il vise à circonscrire le dispositif Dutreil aux actifs professionnels, ce qui n’est pas le cas actuellement. Ainsi, une holding animatrice en bénéficie pour 100 % de ses actifs, quand bien même seulement 51 % d’entre eux sont affectés à l’activité professionnelle. C’est-à-dire que l’exonération peut concerner des actifs patrimoniaux, des immobilisations, des œuvres d’art et du mobilier. Nous pensons qu’il faut corriger cela, faute de quoi une holding animatrice permet de transmettre des biens qui n’ont rien à voir avec l’exercice professionnel.

M. Charles de Courson (LIOT). Je vous avais proposé cet amendement de bon sens l’année dernière et vous l’aviez pratiquement tous voté.

Même les représentants des entreprises sont favorables à cette mesure, parce qu’ils voient bien le danger du mélange de biens professionnels et non professionnels. Le dispositif Dutreil est destiné à faciliter la transmission d’entreprise, pas celle de biens qui n’ont rien à voir avec l’entreprise – ou avec l’une d’elles quand il s’agit d’une holding familiale.

Maintenons notre position.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’idée à l’origine du pacte Dutreil est bien de protéger les entreprises, et non les biens en général.

Avis favorable, avec une préférence pour les amendements identiques, dont la rédaction est plus précise car elle vise les biens affectés à l’activité opérationnelle de la société.

M. Denis Masséglia (EPR). J’ai entendu dire tout à l’heure que des amendements ne visaient pas la boulangerie du coin.

Dans ma circonscription, il existe une grande boulangerie, Brioche Pasquier, qui bénéficie du pacte Dutreil. Sans lui, cette entreprise pourrait être amenée à délocaliser. Son siège social se situe dans la commune des Cerqueux, ce qui contribue largement à la prospérité de celle-ci.

Inversement, la société Dorel – qui possède la marque Bebeconfort – a été vendue à un fonds de pension canadien au lieu d’être transmise dans un cadre familial. La première décision de la nouvelle direction a été de délocaliser la production en Chine. J’ai dû faire face à un plan social prévoyant 130 licenciements lorsque j’ai été élu en 2017.

Si nous voulons garder les entreprises familiales en France, il faut défendre de manière très active le pacte Dutreil.

La commission rejette l’amendement I-CF600 et adopte les amendements ICF870 et I-CF1377.

Amendements I-CF1255 de M. Tristan Lahais, I-CF856 de M. Nicolas Sansu et ICF1378 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement concerne également le pacte Dutreil, qui est à la confluence de deux sujets majeurs en matière de recettes : les aides aux entreprises, d’une part, et le patrimoine et les héritages, d’autre part.

Nous considérons qu’il est nécessaire de conditionner le bénéfice de telles aides. En l’occurrence, l’amendement prévoit de doubler la durée de conservation des parts, en la faisant passer à huit ans, et d’ajouter une condition de préservation de l’emploi pendant deux ans.

M. Charles de Courson (LIOT). Nous sommes nombreux à considérer que la durée de l’engagement individuel de conservation est vraiment trop courte. Mon amendement propose de la porter de quatre à six ans, ce qui paraît raisonnable. On arriverait ainsi à une durée totale de huit ans avec l’engagement collectif de conservation.

Cette mesure contribuera à recentrer le dispositif Dutreil.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La durée de conservation est de cinq ans en Italie et aux Pays-Bas, de cinq ou dix ans en Belgique selon le dispositif et de deux ans au Royaume-Uni. Nous nous situons plutôt dans la fourchette basse par rapport à nos voisins. Augmenter la durée de conservation ne me choque donc pas.

Avis de sagesse pour les amendements I-CF856 et I-CF1378 car, encore une fois, le rapport de la Cour des comptes devrait nous permettre d’avoir une vision globale du dispositif. Je suis toujours réticent lorsque l’on réforme des dispositifs aussi puissants et anciens par un simple amendement. On fait de l’acrobatie en légiférant sans étude d’impact. Il me paraîtrait plus raisonnable d’attendre une refonte globale.

Avis défavorable à l’amendement I-CF1255 qui ajoute une condition de maintien dans l’emploi, car tel n’est pas l’objet de la loi Dutreil.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le dispositif Dutreil prévoit en effet un engagement collectif de conservation des parts d’une durée de deux ans, suivi d’un engagement individuel de quatre ans.

Les modifications proposées par les amendements s’appliquent-elles aux pactes déjà conclus ou seulement aux nouveaux ? Il faudrait le préciser pour éviter de proroger de facto des pactes en cours.

Il faut quand même être prudent. L’amendement de M. de Courson porterait à huit ans la durée totale de conservation. On sait qu’elle avait initialement été fixée à quinze ans et que cela n’avait pas fonctionné car c’était beaucoup trop long. Il doit y avoir une voix moyenne.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1255 et ICF856 et adopte l’amendement I-CF1378.

Amendement I-CF451 de Mme Claire Marais-Beuil

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Il serait temps de rappeler une évidence qui pourtant semble souvent oubliée : ce sont les entreprises qui créent des emplois dans notre pays. Autre évidence : pour que les emplois soient maintenus, il faut que l’existence de l’entreprise puisse être pérennisée. C’est précisément là qu’intervient le dispositif fiscal du pacte Dutreil.

Contrairement à ce que répète la gauche, il n’est pas conçu comme un outil de défiscalisation au service des ultrariches, voire des riches. Ce mécanisme est en réalité indispensable pour assurer la transmission des entreprises, notamment familiales, et maintenir l’emploi sur notre territoire. Il est donc urgent de rationaliser la fiscalité de la transmission d’entreprise et de l’alléger pour améliorer la compétitivité.

À cet effet, notre amendement propose soit de bénéficier d’une exonération totale de DMTG – à condition que les héritiers, donataires ou légataires s’engagent à conserver l’entreprise pour une durée de dix ans –, soit d’opter pour le régime actuel du pacte Dutreil, complété du dispositif de réduction de droits pour âge du donateur.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre proposition conduit à une exonération de 100 %. Mais on ne sait pas combien cela coûterait. Pendant des années, le coût du dispositif Dutreil a été évalué à 500 millions dans l’annexe des voies et moyens. Il semblerait que l’on soit plus proche de 5 milliards. Encore une fois, attendons d’avoir une discussion générale sur un dispositif dont les effets sont puissants du point de vue économique mais qui a un coût pour les finances publiques.

Avec cet amendement, vous avancez à l’aveugle. Il faut que nous apprenions à travailler en nous appuyant sur des études d’impact. Or nous n’en disposons pas sur un sujet qui est structurant.

Je suis très réservé. Avis défavorable.

M. Denis Masséglia (EPR). Je trouve l’amendement extrêmement intéressant, mais j’aimerais savoir si le Rassemblement national a estimé combien il coûte. Il faut faire attention à l’argent du contribuable et maîtriser les déficits.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Le régime actuel permet de payer de manière différée et fractionnée les droits sur la base taxable de 25 %, ce qui permet d’étaler les paiements sur quinze ans. C’est une mesure favorable.

L’abattement de 50 % pour les donations en pleine propriété faites avant 70 ans incite à transmettre l’entreprise quand on est encore assez jeune, pour éviter de le faire à des enfants qui approchent de l’âge de la retraite. Il serait maladroit de revenir sur cette mesure.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1221 de Mme Claire Lejeune

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Comme si le pacte Dutreil ne suffisait pas pour échapper assez largement à l’imposition des successions, on peut le cumuler avec le démembrement de propriété. Cela crée un ensemble où l’on ne paye finalement plus du tout de droits de succession.

Le démembrement permet de diviser la valeur de l’entreprise entre l’usufruit et la nue-propriété, ce qui conduit à ne payer des droits de succession que sur cette dernière en cas de donation – soit au plus 50 % de la valeur de l’entreprise. En cumulant ce dispositif avec l’exonération de 75 % prévue par le pacte Dutreil, on peut transmettre des biens professionnels en bénéficiant d’une exonération qui peut atteindre 95 %.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’ai essayé, non sans difficulté, de trouver les données sur la proportion de pactes Dutreil comportant un démembrement de propriété. Un rapport de France Stratégie publié en 2021 estime qu’elle s’élève à 46 %, tandis qu’elle serait de 48 % selon le rapport de la Cour des comptes sur la fiscalité successorale.

Je vous invite à ne pas toucher au pacte Dutreil, qui est important et complexe, sur la base d’informations parcellaires. Attendons le rapport de la Cour des comptes.

Avis défavorable.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je remercie M. Juvin de confirmer que 48 % des pactes Dutreil incluent un démembrement de propriété, ce qui permet d’aller bien au delà de l’exonération de 75 %.

J’ajoute que le taux de répartition entre l’usufruit et la nue-propriété – et donc le niveau de l’exonération – augmente en fonction de l’âge du donateur. C’est très intéressant pour les familles qui transmettent un grand patrimoine de génération en génération. Si le donateur a moins de 30 ans, la valeur de l’usufruit s’élève à 80 %. En cumulant avec l’exonération de 75 % prévue par le pacte Dutreil, on obtient une jolie exonération de 95 % du montant de la donation.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tout d’abord, vous comprenez bien que les chiffres que j’ai cités ne sont pas consolidés.

Ensuite, le démembrement de propriété a aussi des avantages. La transmission est progressive : le dirigeant cède la nue-propriété sans pour autant se retirer immédiatement, ce qui permet de préparer son successeur et d’impliquer les héritiers.

Enfin, cela permet de conserver le contrôle de l’entreprise.

Plutôt que de jouer sur un paramètre, examinons les choses de manière globale – ce que ne permet pas un amendement isolé.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je voudrais préciser les conditions du démembrement lors d’un pacte Dutreil. Cette évolution est intervenue au fil des années, mais les droits de l’usufruitier sont limités au vote pour décider de l’affectation du résultat lors de l’assemblée générale. Il perd son pouvoir de diriger l’entreprise. Le dispositif n’est donc pas dépourvu de contrainte.

En règle générale, l’exonération est de 40 % lors d’une donation réalisée à 65 ans. On est donc loin des pourcentages annoncés par M. Le Coq.

Je suis le premier à ne pas trouver normal que l’on fasse une donation en démembrement de propriété à des enfants mineurs. Ces excès ne doivent pas masquer l’encadrement qui est prévu par la loi. Relisez l’article 787 B du code général des impôts, qui détaille toutes les contraintes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF594 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Cet amendement vise à pérenniser le dispositif d’exonération de DMTG jusqu’à 100 000 euros lorsque les dons d’argent sont destinés à l’acquisition d’une résidence principale.

M. Kasbarian proposant l’amendement I-CF1828, qui est un peu mieux écrit et un peu plus large, je retire le mien à son profit.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF1828 de M. Guillaume Kasbarian

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Cet amendement a pour but de faciliter l’accession des jeunes à la propriété, en permettant aux grands-parents ou aux arrière-grands-parents de donner jusqu’à 100 000 euros à leurs petits-enfants ou arrière-petits-enfants sans avoir à acquitter de droits si cette somme est affectée à la construction ou à l’acquisition du logement.

Ce dispositif permet d’accélérer les donations et de donner un coup de pouce à des jeunes qui ont besoin de se loger. Le coût est très faible pour les finances publiques. Cela aura un véritable effet en matière de logement et de solidarité intergénérationnelle.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez d’étendre aux logements anciens le bénéfice du dispositif d’exonération temporaire sur les donations intrafamiliales à des fins d’acquisition d’une résidence principale, pendant une période limitée allant du 1er janvier 2026 au 30 juin 2027. L’amendement supprime le plafond de 300 000 euros et la possibilité d’affecter les sommes transmises aux travaux, tout en restreignant la mesure aux primoaccédants.

Avis favorable.

M. François Jolivet (HOR). Je suis d’accord sur le fond avec Guillaume Kasbarian, mais sa demande n’est-elle pas déjà satisfaite par un amendement adopté en commission mixte paritaire et figurant dans le texte de la loi de finances pour 2025 ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il me semble que l’article que vous mentionnez bénéficie seulement à l’acquisition de logements neufs.

M. François Jolivet (HOR). Je souhaite que l’on vérifie ce point d’ici à la séance, car le dispositif qui avait été adopté concerne à la fois le neuf et l’ancien, jusqu’en 2027.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Alors qu’on ne cesse de répéter que l’effort fiscal doit être partagé et que l’ensemble des Françaises et des Français réclament de l’équité fiscale, vous améliorez, depuis ce matin, un système favorisant les riches. Répétons-le, 87 % des héritages sont inférieurs à 100 000 euros et 37 % à 30 000. Vous poursuivez néanmoins le développement d’une politique endogène, à savoir une amélioration, un progrès, dont la nature, les finalités et les moyens demeurent sous le contrôle des acteurs qui la promeuvent.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Je tiens à rassurer M. Jolivet : nous pouvons adopter cet amendement ; si besoin est, nous le retravaillerons d’ici à la séance.

Madame Arrighi, c’est une mesure qui favorise non pas les riches, mais les jeunes. En votant contre cet amendement, vous refusez à des jeunes le bénéfice d’un don de leurs grands-parents pour pouvoir se loger, sous prétexte que cela favoriserait la reproduction sociale ; c’est ridicule. On parle ici de jeunes qui n’arrivent pas à se loger et qui auraient besoin d’un coup de pouce.

S’agissant du coût, en se fondant sur une hypothèse de 550 000 donations réalisées en dix-huit mois, la dépense fiscale serait nulle en 2025, inférieure à 10 millions en 2026 et en 2027, puis de l’ordre de 15 millions d’euros en moyenne jusqu’à 2045. Son coût est donc très faible.

M. Charles de Courson (LIOT). Comment s’articule ce nouveau dispositif avec celui que nous avons voté dans le projet de loi de finances pour 2025 ? Quelle est la différence entre ces deux mesures ?

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1818 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Depuis ce matin, les bancs de la gauche parlent des entreprises qui font beaucoup de profits, ce qui, à les entendre, serait un problème. Au contraire, c’est une très bonne nouvelle, nous devrions nous en réjouir.

Cela étant, je suis d’accord avec vous : ce dispositif ne bénéficie qu’à une trop petite partie de la population. Le développement de la retraite par capitalisation permettrait à toutes les Françaises et à tous les Français de devenir propriétaires d’une partie des entreprises en France et en Europe. C’est pour cette raison que Jean Jaurès la défendait dans l’Humanité en 1909. Cent ans après, exauçons le vœu de Jean Jaurès en avançant sur cette question. Ce régime doit être obligatoire, collectif et solidaire. C’est bon pour les cotisants et l’économie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis d’accord avec M. Midy : détenir un PER (plan d’épargne retraite) à 35 ans c’est avoir la chance de préparer efficacement sa retraite. Je ne suis pas certain que le régime par répartition permettra à l’avenir d’avoir une retraite équilibrée. Avis favorable.

M. le président Éric Coquerel. On a d’abord fragilisé le système par répartition : les gens touchent toujours plus tard leur pension, dont le montant diminue ; on nous explique désormais que la solution serait la retraite par capitalisation.

J’invite mes collègues à regarder de près ce qui se passe dans les pays dans lesquels il existe un régime par capitalisation : lorsqu’il y a des crises financières, ce système s’enraye davantage que celui par répartition.

Par ailleurs, en corollaire au décalage dans le temps de la réforme des retraites qui interviendrait par voie d’amendement, le premier ministre propose la tenue d’une sorte de conclave où seraient débattus tous les systèmes plus défavorables que le régime actuel – retraite par capitalisation, retraite à points. Le présent amendement est une sorte d’introduction à ce débat. J’y suis évidemment très opposé.

M. Charles de Courson (LIOT). Les petits-enfants doivent conserver la liberté d’utiliser comme ils le souhaitent l’argent donné par leurs grands-parents. La création d’un crédit d’impôts pour inciter les grands-parents à donner à leurs petits‑enfants s’écarterait clairement de l’esprit du PER.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF462 de M. Lionel Tivoli

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Le droit des successions et des donations, comme d’autres branches du droit, doit être en phase avec la réalité économique et sociale. C’est un fait : l’espérance de vie a globalement augmenté ces dernières décennies. Les dispositions, notamment en matière fiscale, doivent prendre en considération cette évolution pour être à la fois cohérentes et justes.

Dans cette optique, le décalage de régime en matière de transmission en ligne directe entre parents et enfants n’apparaît plus pertinent. L’âge moyen d’héritage est passé de 30 à 50 ans. Le coût de la vie, les impératifs d’investissement dans un logement nécessitent bien souvent de bénéficier d’un capital qui est désormais transmis relativement tard dans le parcours de vie.

Par le présent amendement, nous proposons donc de prendre en considération cette situation, en permettant aux grands-parents qui disposeraient d’un patrimoine suffisant de le transmettre directement à leurs petits-enfants, moyennant une fiscalité plus avantageuse. Ce dispositif, juste et cohérent avec l’évolution de notre société, pourrait débloquer de nombreuses situations financières difficiles et contribuer aussi à une meilleure solidarité entre les générations.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’ai déposé un amendement, qui sera examiné après celui-ci, dont le dispositif est similaire. Alors que je propose une mesure temporaire, votre amendement conduirait à modifier le droit définitivement. Par ailleurs, je ne sais pas combien cette mesure coûterait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1852 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il vise à instaurer la même mesure mais, par prudence, celle-ci s’appliquerait durant un seul exercice budgétaire. Le mécanisme est certes incitatif mais nous n’en connaissons pas le coût.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons votre amendement. Néanmoins, il risque d’encourager les comportements opportunistes. Étant donné que cette mesure ne s’appliquera que pendant un an, seules les personnes les plus favorisées pourront faire une donation à hauteur de 100 000 euros. Les autres personnes, aisées mais moins riches, n’auront pas le temps de s’organiser.

M. le président Éric Coquerel. Au delà de l’accroissement des inégalités liées à l’héritage, cette mesure diminuerait encore davantage les recettes fiscales et aura donc une incidence sur le financement des dépenses publiques. C’est surprenant compte tenu de la logique développée par ailleurs. Je suis opposé à cet amendement.

Mme Estelle Mercier (SOC). Je suis stupéfaite par les propos que j’entends depuis une heure. On nous dit qu’il faut prendre en compte les réalités sociales et économiques. Les voici : s’agissant des revenus du travail, les 10 % les mieux payés gagnent quatorze fois ce que perçoivent les 10 % les moins rémunérés. Quant à l’héritage, les 10 % les mieux dotés reçoivent 2 000 fois ce que reçoivent les 10 % les moins dotés. L’objectif de tous ces amendements est‑il de creuser l’écart et de parvenir à un rapport de 1 à 10 000, à 100 000 ou à 1 million ?

M. Eddy Casterman (RN). Les collègues de gauche sont déconnectés de la vie ordinaire des familles et de l’aspiration des parents à vouloir simplement aider leurs enfants. Ne vous en déplaise, la donation permet de favoriser la solidarité intergénérationnelle en soutenant financièrement des enfants à un moment clé de la vie et en réduisant la pression financière sur les générations, dans un contexte économique de plus en plus difficile.

La donation permet de dynamiser l’économie en investissant dans l’économie réelle. Elle ne bénéficie pas qu’aux plus riches : de nombreuses familles de classe moyenne – les commerçants, les artisans, les indépendants, les agriculteurs – y ont recours pour aider leurs enfants et transmettre le fruit de leur travail. Quand vous ne prenez pas leur argent aux Français, vous leur dictez comment le dépenser !

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Premièrement, cet amendement n’est pas relatif à l’héritage ; il concerne les donations.

Deuxièmement, le taux d’épargne des Français, notamment des personnes les plus âgées – 20 à 25 % pour les plus de 70 ans – est très élevé pour des raisons mécaniques. Je propose donc de libérer une partie de l’épargne des Français, ce qui aura des effets vertueux sur les jeunes générations et leur consommation.

M. le président Éric Coquerel. Cette libération de l’épargne s’apparente à de la défiscalisation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF731 de Mme Béatrice Piron

Mme Béatrice Piron (HOR). Il vise à instaurer une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) normalement dus lors de la première transmission d’immeubles neufs ou en état futur d’achèvement acquis par acte authentique signé en 2026.

L’objectif est simple : relancer rapidement la commercialisation des logements neufs et réduire le stock des logements neufs invendus détenus par les promoteurs immobiliers dans un contexte de crise du logement.

Cette mesure vise à mobiliser l’épargne privée, notamment l’assurance vie, pour l’acquisition de logements neufs, que ce soit en accession ou en Vefa (vente en l’état futur d’achèvement). Elle contribuera à la mise sur le marché de logements à louer alors que l’offre locative a été divisée par deux entre 2019 et 2023.

Son application est très encadrée. Le logement doit être affecté à la résidence principale pendant au moins six ans et les locations doivent respecter des plafonds de loyers et de ressources. L’exonération est plafonnée et ne concerne pas les droits d’enregistrement. Elle n’affecterait donc pas les recettes fiscales départementales.

Concrètement, cette mesure n’entraîne aucun coût pour 2026. Le manque à gagner en droits de mutation est potentiel, différé et partiel. En revanche, elle pourrait générer un gain immédiat et significatif sur la TVA. L’an dernier, cet amendement avait reçu un avis favorable de Laurent Saint-Martin.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous avons déjà adopté l’année dernière une mesure similaire relative aux dons pour l’acquisition d’une résidence principale dans le neuf. Je m’en tiendrai donc à un avis de sagesse, d’autant que j’ignore si cette mesure a porté ses fruits.

La commission rejette l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF531 de Mme Sophie-Laurence Roy.

Amendements identiques I-CF717 de M. Philippe Brun et I-CF1188 de M. Nicolas Sansu, amendements I-CF640 de Mme Eva Sas, I-CF1014 de M. Éric Coquerel, I-CF1022 de Mme Mathilde Feld, I-CF1308 de M. Philippe Brun, ICF995 de M. Matthias Tavel, I-CF1 de Mme Eva Sas, amendements identiques ICF398 de M. Aurélien Le Coq, I-CF400 de Mme Mathilde Feld, I-1884 de M. Mickaël Bouloux et I-1185 de M. Emmanuel Maurel (discussion commune)

M. Philippe Brun (SOC). Par cet amendement, que nous soutenons avec les groupes de gauche et écologistes, nous proposons d’instaurer un nouvel ISF (impôt de solidarité sur la fortune), qui reposerait sur trois composantes : une composante socle, avec un taux faible de 0,5 %, qui s’appliquerait à l’ensemble du patrimoine net ; une composante chapeau avec des taux plus élevés et plus progressifs de 1 % à partir de 10 millions d’euros, 1,5 % à 50 millions, 2 % à 100 millions et 3 % au delà de 1 milliard d’euros ; une composante plancher s’appliquant seulement aux contribuables dont le patrimoine net global, incluant les biens professionnels, est supérieur à 50 millions d’euros.

Voilà la mesure que nous avons proposée l’an dernier et que nous proposons de nouveau, afin de réduire les inégalités de patrimoine et surtout de contribuer au budget, qui en a bien besoin.

Une majorité de députés souhaitent revenir sur les nombreuses horreurs que prévoit ce budget. Néanmoins, il faut bien financer leur suppression, ce que permet cet ISF climatique.

Mme Eva Sas (EcoS). Il vise à établir un ISF climatique. Il y a quelques mois, Challenges publiait un article « La France, terre riche en supers riches » qui montrait comment la France permettait aux riches de s’enrichir toujours plus. Nous sommes passés de 16 milliardaires en 1996 à 145 aujourd’hui.

Par cet amendement, nous voulons instaurer un peu de justice fiscale. Cette mesure comporte trois composantes : une composante socle, une composante chapeau allant jusqu’à 3 %, et une composante plancher fixée à 2 % du patrimoine  la fameuse taxe Zucman – afin de garantir qu’aucun ultrariche ne puisse descendre en dessous d’un seuil d’imposition. La différence avec l’amendement de nos collègues socialistes tient au fait que la composante plancher est alignée sur la taxe Zucman : elle s’applique aux contribuables dont le patrimoine est supérieur à 100 millions d’euros, contre 50 millions dans l’amendement ICF717.

À l’heure où la dette publique se creuse et où l’urgence écologique s’accentue, la justice fiscale n’est plus une option, c’est une nécessité.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Ne cherchons-nous pas de l’argent ? Cet amendement, qui rapporterait 15 milliards, prend à celles et ceux qui ont le plus profité depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir.

Entre 2010 et 2015, le patrimoine des 500 familles les plus riches est passé de 200 à 1 220 milliards, il a donc été multiplié par six. Sur la même période, ces 500 plus grandes familles sont passées de la détention de 12 % de notre richesse nationale à 42 %. Il est temps de les faire payer.

Par ailleurs, nous regarderons attentivement qui votera pour et qui votera contre cet amendement. Nous avons bien noté en effet que le Rassemblement national s’était opposé au relèvement de la flat tax, à l'augmentation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, de la contribution différentielle sur les hauts revenus, à la réduction de la deuxième niche fiscale du pays et à l’indexation des bas salaires sur l’inflation.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement de repli vise à rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune tel qu’il existait, qui est une mesure très raisonnable.

La suppression de l’ISF n’a eu aucun effet positif sur l’emploi ou l’investissement. À aucun moment, M. Emmanuel Macron n’a présenté le correctif qu’il avait promis. Cette mesure, qui a coûté 4,5 milliards d’euros au budget de l’État, a contribué à accroître les inégalités.

M. Philippe Brun (SOC). L’amendement I-CF1308 est retiré.

Mme Eva Sas (EcoS). L’amendement I-CF1 reprend la proposition de loi que les écologistes ont fait adopter en février dans l’hémicycle, la taxe Zucman. Il s’agit d’un impôt différentiel qui garantit que, tous impôts confondus, chaque année, les plus riches paient un impôt au moins égal à 2 % de leur fortune.

Premièrement, ce dispositif ne concerne que les ultrariches, à savoir ceux qui disposent de plus de 100 millions d’euros de patrimoine. Deuxièmement, il ne concerne que ceux qui font de la suroptimisation fiscale : ceux qui paient régulièrement leurs impôts paient déjà plus de 2 % d’impôts. Troisièmement, cette mesure fiscale n’entraînerait pas un exil fiscal massif ; il resterait marginal ainsi que le CAE l’a confirmé dans sa note de juillet.

S’agissant de l’outil de travail, rappelons que l’exclusion des biens professionnels conduirait à soustraire 90 % du patrimoine des milliardaires à l’impôt. Une telle mesure serait donc totalement inopérante.

Enfin, cette mesure est attendue par 86 % des Français. C’est bien normal car il serait insupportable de mettre à contribution les retraités, les classes moyennes et les chômeurs, comme le fait ce PLF, tout en exonérant les plus riches de l’effort collectif.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement reprend la taxe Zucman. Les ultrariches paient proportionnellement moins d’impôts que les autres Français – ils paient 2 % d’impôt sur le revenu.

Cet amendement ne crée pas de surtaxe ni un nouvel impôt ; il s’agit d’instaurer un plancher d’imposition avec un taux particulier. Le patrimoine médian s’élève à 175 000 euros et le revenu annuel médian à 32 000 euros bruts. Une personne percevant ce revenu paie environ 9 650 euros de contribution au sens large. Rapportée à son patrimoine, sa contribution s’élève donc à 5,5 % de son revenu.

Si l’on appliquait aux centimillionnaires le même niveau d’imposition que celui des classes moyennes ou des personnes aux revenus médians, on pourrait renflouer les caisses de l’État à hauteur de 60 milliards d’euros.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Gabriel Zucman est un économiste reconnu au niveau international, qui travaille avec une équipe. (Exclamations.) Apparemment, nombreux ici se pensent au-dessus de personnes reconnues au niveau international ; bravo, vous êtes très forts !

À tous ceux qui nient les études qui ont été faites, je rappelle que cette taxe est une taxe de justice fiscale, également validée par des prix Nobel de l’économie qui sont venus nous l’expliquer. Elle a pour objectif d’empêcher que la société ne devienne totalement inégalitaire, comme cela est en train de se produire.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Dans le même esprit que l’amendement ICF1 de Mme Sas, que je remercie pour la proposition de loi adoptée en février, l’amendement I-CF1884 propose d’instaurer la taxe Zucman, un impôt juste et efficace.

Il propose d’instaurer un impôt plancher de 2 % sur les patrimoines nets supérieurs à 100 millions d’euros, ce qui concernerait environ 1 800 foyers fiscaux. L’objectif est simple : mettre fin au caractère régressif de la fiscalité.

Aujourd’hui, les milliardaires paient proportionnellement moins d’impôts que les classes moyennes, grâce à des montages via des holdings, des trusts ou des fondations. Nous avons besoin de nouveaux outils fiscaux pour lutter contre les moyens d’échapper à l’impôt. Ce dispositif est une contribution différentielle, ciblée, moderne et anti-évasion. Il corrige une injustice, tout en prenant en compte les impôts déjà acquittés. Il ne s’appliquerait qu’à celles et ceux qui échappent à la solidarité nationale. Par conséquent, un contribuable qui paie déjà son dû ne serait pas concerné par cette taxe différentielle.

En un mot, il s’agit du minimum de justice fiscale. Outre son rendement attendu estimé entre 15 et 25 milliards, elle traduit une idée très simple : le principe constitutionnel d’égalité devant l’impôt en vertu duquel chacun paie ce qu’il doit.

M. Emmanuel Maurel (GDR). La situation est compliquée et contradictoire. Notre pays connaît un déficit record et sa dette galope. Il est pourtant très riche : notre PIB est le septième plus important au monde, et les fortunes des milliardaires explosent, avec 1 128 milliards d’euros de patrimoine cumulés, soit 42 % du PIB – un niveau bien supérieur à ce qu’il était auparavant.

Or on refuse à tout prix de toucher à cette manne alors que le consentement à l’impôt s’effrite. L’enjeu est d’accepter la justice fiscale pour que le consentement à l’impôt ne s’effrite pas et que nos services publics continuent à fonctionner. Le principe de l’impôt différentiel est le suivant : ceux qui paient déjà leur dû n’ont rien de plus à ajouter. Il n’est pas question de taxer des personnes mais de les faire contribuer à hauteur de leur juste part. Quand on pense que le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit de taxer les apprentis à hauteur de 500 euros par an alors qu’on refuse de taxer les milliardaires ! Notre pays marche sur la tête.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je rappelle qu’en France, le niveau d’imposition sur les hauts patrimoines est déjà important. Lorsque la Norvège a instauré une taxe sur les hauts patrimoines, les effets furent immédiats : 315 Norvégiens fortunés se sont exilés, l’emploi a chuté de 33 % et les investissements de 22 %.

Par ailleurs, il est très probable qu’une taxe de type Zucman sera un repoussoir pour les nouveaux entrepreneurs qui ont le choix de s’installer en France ou ailleurs. Cela détruira les entreprises qui innovent et qui, par conséquent, ne sont pas encore rentables ; cela devrait nous inquiéter. Philippe Aghion, prix Nobel d’économie, a dit quelque chose de similaire : l’instauration d’une taxe Zucman empêcherait la France de faire la révolution de l’IA (intelligence artificielle) qui nécessitera d’importants investissements à long terme, peu rentables pendant longtemps.

L’amendement I-CF717 met en place une imposition du patrimoine selon trois niveaux : une fraction socle, qui imposera à 0,5 % l’ensemble du patrimoine, hors biens professionnels, supérieur à 1 million d’euros ; une fraction chapeau qui touchera les patrimoines, hors patrimoine professionnel, supérieurs à 10 millions d’euros, avec un barème progressif ; une fraction plancher uniquement pour les contribuables dont le patrimoine est supérieur à 100 millions d’euros, avec une composante relative aux biens polluants. J’appelle votre attention sur le fait que l’absence de définition claire de cette notion contribuera à enrichir des avocats fiscalistes et des cabinets de conseils qui débattront de ce que sont ou non les biens polluants.

Dans un pays qui impose fortement le capital – la France figure à la quatrième place des pays de l’OCDE dont le taux d’imposition du capital est le plus élevé –, nous prenons des risques importants pour l’avenir. Je vous invite à rejeter l’ensemble de ces amendements rétablissant un impôt de solidarité sur la fortune, qui est très différent de celui créé il y a quarante ans.

M. le président Éric Coquerel. Deux types d’amendements sont présentés : d’un côté, certains visent à rétablir un ISF plus juste et avec une dimension écologique ; de l’autre, d’autres tendent à instaurer la fameuse taxe Zucman.

D’abord, si l’on met de côté l’impact de la crise du covid, le déficit s’explique principalement par la diminution des recettes depuis 2017 de l’ordre de 3 points de PIB. Les dépenses publiques de l’État n’ont pas augmenté, elles ont même légèrement baissé. Le véritable problème vient des recettes, dont la plupart bénéficient aux citoyens ultrafavorisés.

Le pari macroniste était de favoriser le capital, ce qui devait entraîner un ruissellement sur toute l’économie. Or aucun indicateur – chômage, emploi, part de l’industrie dans le PIB, investissement, productivité, explosion de la pauvreté – ne démontre que ces cadeaux fiscaux ont favorisé l’économie française. Le seul effet constaté est l’explosion des dividendes, qui fait désormais de la France la championne d’Europe en la matière.

Au nom de la réduction des déficits, le problème est qu’on souhaiterait prendre à tous les Français, à l’exception des plus favorisés. Ces amendements ont donc un intérêt.

Selon une étude réalisée par l’Institut des politiques publiques (IPP), qui se fonde sur les données de Bercy, les 175 personnes les plus riches paient moins de 2 % d’impôt sur le revenu pour la simple et bonne raison qu’ils ont en réalité très peu de revenus et que leur richesse se concentre sur leur patrimoine, notamment le patrimoine professionnel. Ces personnes – il s’agit d’une infime minorité – sont deux fois moins imposées que la plupart des Français. Voilà ce que ces amendements tendent à rectifier.

La taxe Zucman prévoit un plancher de 2 % et une déduction de tous les impôts payés par ces personnes. Par ailleurs, elle s’applique aux personnes qui ont un patrimoine de plus de 100 millions d’euros. Et de grâce, ne reprenez pas l’exemple alibi de Mistral ! Ce dispositif, qui permettra à l’État de dégager des recettes, n’affectera pas l’économie mais la part du capital qui enrichit quelques‑uns sans entraîner d’investissements, de créations d’emplois ni d’augmentations de salaires.

Pour ces raisons, je soutiendrai ces amendements.

Monsieur Labaronne, je vous invite à consulter l’étude d’IPP que personne ne conteste.

M. Gérault Verny (UDR). Je suis désolé d’entendre que M. Zucman est quelqu’un de sérieux alors que sa taxe est démontée par n’importe quel étudiant en première année de licence en économie et gestion. (Exclamations.)

Je rappelle que Bernard Arnault paie 50 % d’IS sur son chiffre d’affaires français – comme toutes les entreprises qui dégagent beaucoup de bénéfices, le profit est réalisé à l’étranger. S’il devait être assujetti à la taxe Zucman, il serait conduit à vendre une partie de ses titres, ce qui diminuerait leur valeur et, par conséquent, conduirait à une baisse de la valorisation de LVMH. Or ce qui fait la valeur de LVMH, c’est aussi Bernard Arnault. Le débat sur la taxe Zucman, qui relève d’une troisième dimension, ne devrait même pas exister dans cette commission tant cette théorie est nulle.

M. le président Éric Coquerel. Faites attention lorsque vous dites que ce débat ne devrait pas exister ; on ne sait jamais, cela pourrait être pris au mot.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Plus qu’un problème de recettes, nous avons un problème de niveau de croissance. Compte tenu de nos taux de prélèvement, qui sont très élevés par rapport aux autres pays européens, la progression de la croissance entraînerait une augmentation des recettes et nous n’aurions plus de problèmes.

Je décerne le prix de l’innovation fiscale aux groupes du Nouveau front populaire pour l’ensemble des mesures proposées. Il faudra finir par arrêter de considérer que ceux qui font la richesse de ce pays l’appauvrissent !

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je rappelle aux collègues de gauche, qui se gargarisent d’avoir fait voter ce texte en première lecture en février, qu’il n’a pu être adopté que grâce à l’« abstention aidante » du Rassemblement national.

Cette taxe est inconstitutionnelle – nombre d’entre d’eux le savent –, elle est confiscatoire et elle porte atteinte au droit de propriété.

Par ailleurs, vous estimez que son rendement s’élèverait entre 20 et 30 milliards. Dans une tribune publiée dans Le Monde, sept économistes français de très haut niveau – dont certains sont favorables à la taxe –, parmi lesquels Philippe Aghion, estiment que son rendement atteindrait tout au plus 5 milliards.

Il faut être sérieux et revenir sur terre : le dispositif tel qu’il est rédigé ne fonctionne pas.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). La nouveauté est qu’on crée un ISF dont l’assiette inclut les biens professionnels ; ils en étaient exclus en 1981.

Si on applique la taxe Zucman, une entreprise qui vaut 1 milliard devra s’acquitter de 22 millions d’impôts. Où les trouver ? Les actionnaires seront obligés de piocher dans l’entreprise l’argent nécessaire pour faire face à l’impôt. On pourra me rétorquer qu’ils n’auront qu’à vendre leurs actions. Sans vouloir être pontifiant, c’est méconnaître le droit des sociétés. Cette taxe ne peut pas fonctionner et ne fonctionnera pas.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous n’avons pas rétabli l’impôt sur la fortune en raison du refus des gauches de travailler avec le Modem et le Rassemblement national en vue de trouver une position consensuelle. En fait, vous ne voulez pas trouver une solution en faveur de la justice fiscale, vous voulez uniquement faire des effets de jambe.

Vous essayez de faire oublier vos divisions et le fait que les socialistes ont sauvé les macronistes en désignant un nouveau grand méchant, le Rassemblement national, qui empêcherait de rétablir la justice fiscale.

Depuis plusieurs années, le MoDem propose de créer un impôt sur la fortune improductive, tout à fait pertinent. De son côté, le Rassemblement national préconise d’instaurer un impôt sur la fortune financière très proche de celui-ci. Mais cela ne vous intéresse pas, vous ne voulez pas en discuter.

Vous n’expliquez pas que la taxation des biens professionnels va, en réalité, nourrir une vague de désindustrialisation. Proposer une mesure efficace n’est pas votre objectif. Enfin, pour rappel, le CAE, que Mme Lejeune considère comme une source sûre, a évalué le rendement de la taxe à 5 milliards.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Le taux de 2 % n’est pas un taux politique : il vise à rétablir la justice sociale afin que chaque Français paie des impôts dans les mêmes proportions.

Aujourd’hui, le Rassemblement national a, avec la droite, voté systématiquement contre toute mesure de justice fiscale, alors que ce budget réclame 40 milliards aux Français et aux Françaises ; c’est abject.

Le fait d’inclure les biens professionnels vous dérange car c’est précisément dans le patrimoine professionnel que les ultrariches planqueront leur fortune.

La taxe Zucman a été conçue et modélisée par des universitaires ; il conviendrait de les respecter davantage ainsi que les Français, dont 86 % se déclarent favorables à cette taxe.

M. Emmanuel Maurel (GDR). On peut exprimer un désaccord politique sans verser dans le dénigrement. Les propos de M. Verny sur Gabriel Zucman me choquent. Il y a de cela quelques semaines, le président de notre commission a organisé un colloque avec Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, qui approuve le principe d’une telle taxe. J’y insiste donc : je suis surpris par la charge caricaturale et brutale de certains détenteurs du capital et de leur relais d’opinion. Je pense notamment à Bernard Arnault, qui a affirmé que M. Zucman était d’extrême gauche. Il faut connaître l’histoire politique de notre pays !

Collègues du bloc central et du Rassemblement national, ne méconnaissez pas l’aspiration profonde de la société française pour la justice fiscale. Alors que, sur le long terme, la valeur patrimoniale de l’ensemble des milliardaires augmente de 6 à 8 % par an, nous proposons d’en reprendre un quart ou un tiers ; c’est raisonnable. Vous êtes du côté de l’injustice fiscale et les Français s’en souviendront.

M. François Jolivet (HOR). Dans la droite ligne de Jean-Paul Mattei, je ne considère pas les chefs d’entreprise comme les ennemis de la France, pas plus que les chefs d’entreprise étrangers qui se trouvent chez nous. De plus, comme cela a été très bien dit, même à sa création, en 1981, l’ISF ne portait pas sur les biens professionnels.

J’ai bien lu l’amendement de Philippe Brun, auquel je pourrais souscrire pour partie. Cependant, je n’ai pas compris quel indicateur serait retenu pour définir le caractère polluant des entreprises, ce qui me semble source de contentieux. Par ailleurs, alors que les biens immobiliers sont compris dans le dispositif proposé, je comprends qu’un usufruitier devrait déclarer la valeur totale du bien, ce qui remettrait en cause les principes d’usufruit et de nue-propriété. En tout état de cause, ce n’est pas expliqué dans l’exposé sommaire.

Enfin, si je ne conteste pas la capacité de M. Zucman à avoir des idées, il n’est sans doute pas le seul dans ce cas.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous sommes dans une situation dangereuse pour nos finances publiques. Personne ne devrait accepter que les impôts augmentent, ni que les dépenses publiques baissent au détriment des plus précaires, tant que les plus riches ne paient un impôt proportionnellement au moins égal à celui des classes moyennes. Refuser le principe d’un taux minimal, c’est défendre le droit de certains riches – pas tous – à ne pas payer d’impôts. Au nom de l’apaisement social et de la stabilité budgétaire, nous avons besoin d’un tel outil, sans lequel je ne vois pas comment nous y arriverons.

Quant à la constitutionnalité du dispositif, j’estime pour ma part qu’elle est assurée. Le Conseil constitutionnel a toujours défendu le principe d’égalité devant l’impôt. Or les plus riches paient moins que les Français moyens. Le monde n’est plus le même qu’en 1981, c’est vrai. Un impôt plancher rétablirait l’égalité constitutionnelle, car c’est l’inverse qui se produit.

M. François Ruffin (EcoS). Il est vingt heures et en ce premier jour d’examen du projet de loi de finances, nous avons déjà compris. La taxe Zucman, c’est non ! La flat tax, c’est non ! L’impôt sur les grandes transmissions, c’est non ! Le retour de l’impôt de solidarité sur la fortune, c’est non ! Et ce « non » est opposé par les mêmes qui parlent de justice fiscale depuis des mois ; les mêmes qui acceptent que les milliardaires de notre pays soient moins taxés que leurs infirmières ou que leurs secrétaires ; les mêmes qui, la semaine prochaine, feront les poches des Français, qu’il s’agisse des apprentis, des autoentrepreneurs, des malades de longue durée, des retraités, des personnes en situation de handicap. Voilà la situation ! Par votre adhésion à l’oligarchie de notre pays, aux ultramilliardaires, vous construisez un point de blocage démocratique. À tous vos « non », il est évident que nous opposerons le nôtre à ce budget.

La commission rejette successivement les amendements.

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Réunion du lundi 20 octobre 2025 à 21 heures quarante-cinq ([suite] après l’article 3 à article 5)

https://assnat.fr/KL9Cs8

La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général).

Amendements I-CF326 de M. Aurélien Le Coq et I-CF871 de M. Éric Coquerel (discussion commune)

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le centre, avec l’appui de l’extrême droite, ne cesse de protéger les plus riches en repoussant avec constance tous les amendements qui proposent la création de la taxe Zucman ou une quelconque forme de fiscalisation des héritages.

Nous revenons à la charge avec une taxe de 5 % sur le patrimoine des 1 % les plus riches, qui s’étalerait sur la période 2026-2036, soit sur dix ans seulement. Il s’agit de lier justice sociale et bifurcation écologique. Selon le rapport Pisani‑Mahfouz de 2023, il faudra chaque année 34 milliards d’investissements publics si l’on veut atteindre nos objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il s’agit d’instaurer un impôt sur la fortune similaire à celui qui existe en Espagne. Nous devons mener ce combat pour éradiquer la grande pauvreté dans notre pays.

Selon Le Figaro, depuis le début du premier mandat d’Emmanuel Macron, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté de 14 %, atteignant presque 10 millions en 2023. En parallèle, les plus aisés ont vu leurs revenus croître, tout comme leur patrimoine – celui des 500 plus grandes fortunes ayant même doublé depuis 2017 selon Challenges.

Nous devons remettre de la justice fiscale dans notre système. Alors que le budget pèse en grande partie sur les personnes les plus modestes, nous demandons ce petit effort aux plus fortunés. Il s’agit d’équilibrer un peu la balance.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La France se situe au quatrième rang des pays européens qui taxent le plus le patrimoine. Vous proposez la création d’une taxe supplémentaire assise sur tous les biens, y compris professionnels – ce que n’avait pas fait l’IGF, l’impôt sur les grandes fortunes, en 1981. Ce serait une révolution fiscale. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Selon Gabriel Zucman, un amendement dit Bettencourt avait à l’époque permis d’avantager très largement les ultrariches par rapport au reste des personnes assujetties à l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune).

Surtout, la dette écologique est une catastrophe. Lorsque nous l’avions auditionné, M. Pisani-Ferry, conseiller d’Emmanuel Macron en 2017, avait chiffré à 34 milliards le montant des investissements publics nécessaires chaque année d’ici 2030 pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Il nous avait expliqué qu’il fallait bien trouver l’argent quelque part, avançant plusieurs pistes, dont celle de la taxation du patrimoine des plus aisés. Entre la dette financière et la dette écologique, c’est de cette dernière que nous mourrons tous. Compte tenu de l’état des finances publiques, il est nécessaire de s’interroger sur la manière dont nous allons financer la dette écologique : c’est pourquoi je pense que ces amendements devraient retenir votre attention.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF361 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement a pour objet d’instaurer un impôt sur la fortune financière. Il s’agit de diminuer massivement les prélèvements obligatoires pour les classes moyennes et populaires, tout en demandant parallèlement un effort aux plus privilégiés. Cet impôt exclurait les biens professionnels et les investissements dans les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes industries (PMI) car notre pays ne peut plus se permettre de perdre des usines et des entreprises. Un tel dispositif rapporterait au moins 3 milliards d’euros de plus que l’IFI (impôt sur la fortune immobilière), qui serait supprimé. Le Rassemblement national présentera jeudi son contre-budget dans lequel l’estimation du rendement de cet impôt, que nous proposons depuis 2022, sera largement révisée à la hausse, le patrimoine financier des plus privilégiés ayant beaucoup progressé. Ce dispositif est assez proche de ce que proposait le MoDem avec l’impôt sur la fortune improductive.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. À la différence du précédent amendement, vous excluez la résidence principale ou unique de l’assiette de cet impôt. C’est justement ce point qui permettait paradoxalement, dans l’ISF ancienne formule, aux ultrariches d’être moins taxés que les classes moyennes riches.

Vous excluez également les parts ou actions détenues dans les petites entreprises, sans toutefois distinguer entre les actifs financiers spéculatifs et les actifs qui participent à l’activité économique. Comment opérez-vous la distinction ? Comment le feriez-vous, par exemple, entre les différentes actions d’un PEA (plan d’épargne en actions) ? Cela me paraît très difficile.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). S’agissant d’un impôt sur la fortune financière, c’est le niveau qui compte. Un PEA est plafonné à 150 000 euros : son détenteur ne peut être qualifié d’ultrariche. En revanche, une personne possédant 1,3 million d’euros en actions, qu’elles soient productives ou non, possède une fortune financière. Nous ne prétendons pas que les actions sont par nature improductives mais nous proposons la création d’un impôt pour que cette fortune contribue au financement de l’activité économique. Nous essayons de cibler en particulier les TPE et des PME, qui manquent de financement, et les multinationales françaises, qui doivent être possédées par des fonds français. Nous proposons d’ailleurs la création d’un fonds souverain car l’épargne des Français devrait servir à posséder les entreprises françaises ; or ces multinationales appartiennent en majorité à des grandes fortunes ou à des fonds associés à ces grandes fortunes, et très peu à des petits porteurs.

M. le président Éric Coquerel. Je comprends que vous vouliez imposer les fortunes financières – nous le proposons aussi. En revanche, je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez exclure les fortunes assises sur une accumulation de patrimoine immobilier. L’immobilier permet de s’enrichir fortement, y compris de manière spéculative, et je vois mal pourquoi il serait moins nécessaire de le taxer que des revenus financiers.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). L’exclusion ne concerne que la résidence principale ou la résidence unique ; à l’inverse, les immeubles de rapport et les investissements immobiliers entrent dans l’assiette de l’impôt sur la fortune financière. Cela permet d’éviter la question de la fameuse maison de famille dans l’île de Ré – ces biens familiaux qui entraînent l’assujettissement de familles qui peuvent être modestes – qui, pendant vingt ans, a pollué le débat sur la taxation des grandes fortunes. Nous voulons ainsi préserver l’enracinement des familles sans verser dans la caricature.

M. le président Éric Coquerel. En l’occurrence, vous n’excluez pas seulement la maison à l’île de Ré.

M. Paul Midy (EPR). Depuis 2017, nous avons supprimé l’ISF et instauré l’IFI pour éviter de taxer l’économie et pour donner aux entrepreneurs les moyens de créer des emplois et de la richesse. M. Tanguy et ses collègues proposent l’inverse. De plus, ils n’excluent que 75 % des TPE-PME de leur proposition d’impôt, 25 % d’entre elles y restant assujetties. Nous sommes contre cette proposition.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1586 de M. Éric Ciotti

M. Gérault Verny (UDR). Nous proposons la suppression de l’IFI car cet impôt est mal calibré. Son seuil de déclenchement est fixé à 1,3 million d’euros – M. Mélenchon est donc concerné –, ce qui correspond à un appartement de 100 mètres carrés dans les beaux quartiers parisiens, qu’on peut avoir depuis des années. Des gens qui sont loin d’avoir une grande fortune s’y trouvent donc assujettis.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je serais favorable à une révision de l’assiette de l’IFI mais pas à sa suppression, qui coûterait à l’État non pas 1,9 milliard, comme indiqué dans l’exposé sommaire, mais 2,9 milliards. Avis défavorable.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Les amendements qui viennent d’être défendus traduisent une promesse claire du programme de Marine Le Pen : rétablir la justice fiscale en remplaçant l’impôt sur la fortune immobilière par un impôt sur la fortune financière. Nous voulons remettre de la cohérence et de l’équité dans notre fiscalité, taxer la spéculation et non la propriété du labeur, protéger les familles et non les fonds d’investissement. C’est un choix politique fort, celui d’une France qui défend ceux qui produisent, épargnent et transmettent, contre une fiscalité qui favorise la rente et la finance mondialisée ; une mesure de bon sens, de justice et de souveraineté économique, fidèle à la vision de Marine Le Pen pour une France qui protège ses travailleurs et valorise l’effort.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1849 de M. Philippe Juvin, I-CF571 de M. François Jolivet et ICF209 de M. Christophe Blanchet (discussion commune)

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il s’agit de sortir de l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière les biens mis en location à usage de résidence principale. À défaut de loi visant à relancer la construction, cela permettrait de soutenir le marché locatif et de répondre à la forte demande de logement.

M. François Jolivet (HOR). Je propose de sortir de l’IFI les logements faisant l’objet d’une servitude d’intérêt général, c’est-à-dire loués sous conditions de ressources et avec un plafonnement des loyers. Lorsque les services fiscaux évaluent ces logements, à l’occasion de contrôles de l’IFI, ils ont beaucoup de mal à en estimer la valeur et les contentieux se multiplient.

L’industrie du logement est une véritable économie qui représente plus de 2,6 millions d’emplois non délocalisables.

M. Christophe Blanchet (Dem). La France compte environ 3 millions de logements vacants. Certains de leurs propriétaires sont assujettis à l’IFI et ne souhaitent pas, pour diverses raisons, les proposer à la location. L’amendement vise à les inciter à les mettre en location de longue durée – et non en meublé touristique – en leur permettant de sortir la valeur du logement loué de l’assiette de l’IFI. La tension immobilière que nous connaissons rend ce genre de mesures nécessaires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les trois amendements se ressemblent. Le mien porte sur tous les biens mis sur le marché de la location ; celui de M. Jolivet fixe des plafonds de ressources et de loyer ; enfin, celui de M. Blanchet concerne les baux de trois ans minimum. Avis favorable aux trois.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cette discussion est lunaire. Alors que l’IFI est déjà insuffisant pour rétablir un peu de justice fiscale, vous proposez de créer des exonérations pour que les plus riches daignent mettre leurs logements en location. C’est normal de louer un logement – à tel point qu’il existe même une taxe sur les logements vacants. On ne va quand même pas les subventionner ! C’est la sanction qui devrait être la priorité, pas le cadeau.

Puisque vous soulevez tous la question de la crise du logement, j’espère que vous serez présents quand il s’agira de voter des mesures pour la résoudre, par exemple en finançant la construction de logements sociaux à la hauteur des besoins. Faire des cadeaux fiscaux aux plus riches n’est pas le bon outil pour réduire le déficit.

M. Charles de Courson (LIOT). Quel est le coût de votre amendement, monsieur le rapporteur général ? La règle fiscale dispose que tout bien loué bénéficie d’un abattement de 20 % sur sa valeur. Si vous passez à 100 % quand un propriétaire loue son logement, vous videz l’assiette de l’IFI. Cela représente donc un coût d’à peu près 3 milliards. L’amendement Jolivet fixe au moins un plafond de loyer et de ressources ; l’amendement Juvin, c’est open bar !

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il est normal que l’immobilier de loisir, qui n’est pas nécessairement loué, figure dans l’assiette de l’IFI ; il en va de même pour les locaux commerciaux qui ne sont pas des outils de travail.

S’agissant du logement, j’ai toujours trouvé paradoxal que l’on transforme l’ISF en IFI : vous ne payez rien quand vous possédez des tableaux qui dorment dans un coffre mais si vous mettez des logements aux normes et les louez avec un loyer encadré, alors vous payez l’IFI ! On marche sur la tête. Certes, il faut accompagner le logement social, mais l’investissement privé, qui permet lui aussi de loger des personnes, doit également être soutenu.

M. François Jolivet (HOR). Ce n’est pas notre raisonnement qui est lunaire. Les promoteurs assurent 64 % de la production HLM. En effet, ce sont des opérations mixtes. Aujourd’hui, si l’on ne fait pas d’opération de promotion, on ne construit pas de HLM – c’est pour cela que la production HLM s’effondre. Il est donc nécessaire que des propriétaires privés achètent la production privée pour financer le déficit de l’opération HLM. Vous leur demandez d’acheter des logements, de les louer sous plafond de ressources et de loyer, et de payer l’IFI dessus ; je propose que ces logements-là sortent de l’IFI.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’IFI porte pour un quart sur la résidence principale, un quart sur l’immobilier papier et la moitié sur les autres bâtiments – les résidences secondaires et les locations d’activités, par exemple des boutiques. Le coût de mon amendement ne dépasse donc pas la moitié du rendement de cet impôt.

Pour remettre 3 millions de logements vacants sur le marché, il existe plusieurs possibilités. Nos amendements en déclinent trois. Soyons pragmatiques : l’un de ces amendements – celui que vous voulez – me paraît indispensable pour relancer la location. Rappelons qu’aujourd’hui, on n’arrive pas à se loger !

M. le président Éric Coquerel. On peut aussi respecter la loi en appliquant la taxe sur les logements vacants.

Gabriel Zucman – je sais qu’il n’a pas bonne presse chez certains d’entre vous – a expliqué comment la multiplication des exonérations, sous prétexte de faire tourner l’économie, permettait de dévitaliser les impôts sur la fortune et sur le patrimoine et d’annuler leur rendement. Les gens possédant une fortune peuvent tellement optimiser qu’ils finissent par ne plus payer leur impôt.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF989 de M. Éric Coquerel

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). La Macronie n’a aucune difficulté à nous présenter un budget qui taxe tout le monde, à l’exception des plus riches. Nous vous proposons donc d’instaurer une modeste contribution de ces derniers en plafonnant l’abattement de 30 % sur la résidence principale dont profitent les contribuables assujettis à l’impôt sur la fortune immobilière. Actuellement, une villa en résidence principale valant 10 millions d’euros bénéficie d’un abattement de 3 millions. Nous proposons de le plafonner à 400 000 euros. Chers collègues, ne criez pas tout de suite : cela signifie que l’abattement est entier pour des résidences principales valant jusqu’à 1,2 million d’euros, ce qui reste relativement confortable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Regardez les prix de l’immobilier en Île-de-France – où vivent 13 millions de personnes : les appartements parisiens atteignent facilement 1,2 million d’euros ; ils seraient ainsi soumis au plafonnement de l’abattement. Au fond, je trouve très paradoxal que la résidence principale soit taxée alors que si vous êtes riche au point de posséder deux Picasso, personne ne vous demande rien.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je suis tout à fait d’accord avec vous, monsieur le rapporteur général ! C’est pour cela que nous avons proposé un impôt sur le patrimoine global, afin d’étendre l’assiette aux Picasso et de ne pas se contenter de la résidence principale. Il faut faire preuve de cohérence : vous refusez de bouger sur un quelconque mécanisme élargissant l’imposition des plus riches, alors que, depuis que l’IFI a remplacé l’ISF, les 0,1 % les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 17,5 %. Je ne crois pas que ce soit le cas de l’ensemble des Français que vous allez surtaxer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1295 de M. Philippe Lottiaux

M. Philippe Lottiaux (RN). Il s’agit de créer une exonération, mais c’est pour la bonne cause. Une grande partie des 45 000 monuments historiques que compte la France sont privés. Or peu d’entre eux sont ouverts au public car cela représente un coût pour leurs propriétaires, qui ne possèdent pas tous des grandes fortunes. Il est donc proposé de retirer de l’assiette de l’IFI les monuments historiques ouverts au public.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La France possède un très riche patrimoine immobilier ancien, qui n’est que modérément bien entretenu. Cet amendement n’est pas inintéressant : j’émets un avis favorable en vue de la conservation du patrimoine.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1604 de M. Éric Ciotti.

Amendement I-CF930 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il s’agit de mettre un terme à l’évitement fiscal que constitue l’exonération sur la réunification entre l’usufruit et la nue‑propriété dans les transmissions d’héritage.

En France, contrairement à la Belgique ou au Danemark, la transmission par héritage de l’usufruit d’un bien ne donne lieu à aucun droit de succession. Cette absurdité fiscale permet de contourner le principe des droits de succession concernant les biens immobiliers. Par démembrement d’un bien immobilier qu’il possède, un propriétaire peut transmettre de son vivant la seule nue-propriété à ses héritiers, tout en conservant l’usufruit afin de continuer à percevoir les loyers. La valeur de la nue-propriété alors transmise tourne autour de la moitié de la valeur de la pleine propriété. Au décès du donateur, l’usufruit s’éteint au profit de ses héritiers sans aucun droit de succession.

Je vous demande donc de voter cet amendement de justice fiscale.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’avoue que je suis toujours surpris par cet argument. Chacun peut avoir sa définition de la justice fiscale, mais il me semble qu’elle permet de tout justifier.

Je veux rappeler une évidence : l’usufruit, à l’instar de l’assurance vie, concerne également les classes moyennes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1364 de M. Peio Dufau

M. Mickaël Bouloux (SOC). Voici un amendement qui rapportera de l’argent : il vise à majorer le taux de la taxe sur les plus-values immobilières les plus élevées. Il crée pour cela deux nouvelles tranches – entre 260 000 et 500 000 euros, et au-delà de 500 000 euros – en prévoyant pour cette dernière un taux de 25 %. Les plus-values exceptionnelles sont en effet souvent issues d’un dérèglement du marché ou de comportements spéculatifs.

Cette mesure ne concerne ni les résidences principales ni les petits propriétaires, mais bien les plus-values extraordinaires qui choquent nos concitoyens et affaiblissent le consentement à l’impôt. Lors de la vente de certaines villas ou propriétés de prestige, certaines plus-values atteignent rapidement plusieurs millions d’euros : ce fut le cas de la résidence de M. Stérin au Pays basque ou de celles de M. Bolloré en Bretagne, des régions où les habitants et saisonniers ne trouvent plus à se loger. Cette mesure de justice permettrait de financer une véritable politique du logement pour toutes et tous.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En investissant dans l’immobilier, pour préparer sa retraite par exemple, on nourrit le marché locatif. Or comme le soulignent les notaires, la surtaxe des plus-values décourage ces investissements. Avis défavorable.

Mme Anna Pic (SOC). Nous commençons à être inquiets. Il me semblait que le Premier ministre avait reconnu l’attente qui existe en matière de justice fiscale et la nécessité de trouver un point d’équilibre. Mais en fin de compte, vous justifiez toutes les exonérations sur le patrimoine des plus riches et, à chaque fois qu’on vous propose d’aller chercher un tout petit peu d’argent en supprimant une exonération, vous nous expliquez que cela va poser un problème de marché.

Je croyais que nous avions l’ambition d’aboutir à un budget pour la France : nous sommes fort mal partis.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). C’est une vision d’ensemble qu’il faut avoir sur ce sujet : lorsque la plus-value est exonérée de taxe en raison des délais de détention, la contribution exceptionnelle que vous souhaitez accroître disparaît. Or votre amendement n’en tient pas compte. Si nous l’adoptions, un propriétaire qui vendrait son bien après plus de trente ans ne serait pas taxé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1853 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Comme vous le savez, le taux de rotation du logement social est quasiment nul dans certaines villes – ce qui réduit à néant le fameux « parcours résidentiel » dont tout le monde parle. Cet amendement, qui va peut-être surprendre certains d’entre vous, propose qu’au bout de vingt ans un logement social puisse être donné au locataire dès lors qu’il a toujours payé ses charges et son loyer et n’a pas causé de problème de voisinage. Pour des raisons évidentes de comptabilité, il faudrait que le bien soit amorti pour pouvoir appliquer cette procédure.

Moyennant des DMTG (droits de mutation à titre gratuit) de 10 %, le logement serait ainsi remis au locataire qui devrait l’utiliser comme résidence principale pendant au moins cinq ans. Il en deviendrait ensuite définitivement propriétaire et pourrait par exemple le vendre. Il s’agit de rendre les Français propriétaires et de créer le fameux parcours résidentiel qui, en réalité, n’existe pas.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Je trouve cette idée très intéressante. La fluidification du parcours résidentiel est l’un des enjeux sur lesquels nous avions engagé des travaux. Comment les bailleurs sociaux ont-ils accueilli cette proposition, monsieur le rapporteur général ? Comment l’articuler avec les programmes de cession de logements sociaux à titre onéreux qui sont en cours ?

Mme Perrine Goulet (Dem). Je mesure l’intérêt de cet amendement pour les personnes qui se trouvent en situation délicate et je comprends que l’on puisse donner un HLM à 40 000 euros. Mais compte tenu des dérives scandaleuses que l’on a pu constater à Paris par exemple, avec des locataires en HLM qui sont loin d’avoir besoin de loyers modérés, il faudrait mettre en place un garde-fou – un critère de revenu par exemple. Il faut éviter que des personnes qui auraient eu les moyens d’acheter puissent se retrouver gratuitement propriétaires d’un logement HLM à Paris.

M. François Jolivet (HOR). Je trouve moi aussi cet amendement intéressant mais j’ai deux remarques. D’abord, les bailleurs HLM empruntent sur cinquante ans : s’ils doivent donner leurs logements au bout de vingt ans, cela va leur poser un problème. Ai-je bien compris, ensuite, que tous les locataires seraient concernés, qu’ils bénéficient ou non des aides personnalisées au logement ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il se trouve que Nicolas Dupont-Aignan a travaillé très longtemps sur le sujet des ventes à prix modéré des HLM. Quant à moi, je suis contre la gratuité par principe, mais favorable à la cession pour une somme modique. Je ne suis pas certain qu’une telle révolution soit possible dans le cadre du présent projet de loi de finances mais nous soutiendrons cette initiative : nous ne sommes pas d’accord avec les dispositions techniques, mais l’idée nous semble très intéressante.

M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je voterai contre cet amendement. En effet, le logement social ne va pas bien dans notre pays. Or il constitue, pour la puissance publique, un moyen d’intervenir dans le champ du logement et de maintenir les loyers à un niveau peu élevé. Je vois bien ce que la proposition du rapporteur général peut avoir de séduisant, mais elle revient à considérer que le modèle du logement social devrait être dépassé. Or il me semble qu’il faudrait plutôt réfléchir aux raisons du nombre insuffisant de logements sociaux. Pourquoi si peu de ménages y ont-ils accès, alors que 65 % y sont éligibles ? Pourquoi le temps d’attente est-il si long ?

M. Charles de Courson (LIOT). Nous avions pris, il y a quelques années, des dispositions obligeant les organismes HLM à vendre 1 % de leur parc par an ; ils ne parviennent à en vendre qu’entre 0,1 % et 0,2 %. Ces ventes soulèvent entre autres le problème des indivisions : il faut créer, puis gérer, des copropriétés au sein desquelles la quasi-totalité des logements appartiennent à un seul organisme, avec un ou deux copropriétaires. Par ailleurs, puisqu’il est plus facile pour les bailleurs de vendre des maisons individuelles ou des logements très bien placés, on perd en diversité sociologique. Il me semble donc que l’amendement mérite d’être retravaillé.

M. Jacques Oberti (SOC). Nous nous opposerons à cet amendement, qui présente deux inconvénients. D’abord, les emprunts – le plus souvent cautionnés par les collectivités territoriales – dépassent largement la durée de vingt ans. Surtout, si les bailleurs sociaux ont du mal à vendre leur patrimoine c’est parce qu’après vingt ans les logements ne respectent plus les normes en matière de rénovation énergétique. La proposition qui nous est faite constituerait en quelque sorte un cadeau empoisonné, qui éviterait aux bailleurs sociaux d’assumer leurs responsabilités en matière de mise aux normes des logements, et compromettrait la lutte contre la précarité énergétique.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). À notre collègue qui nous accuse de refuser la justice fiscale, je voudrais rappeler que la France est le pays dans lequel les prélèvements obligatoires sont les plus élevés, la redistribution la plus forte et les taux marginaux sur l’impôt sur les sociétés et sur les successions les plus importants. Rappelons aussi qu’il y a dans le budget une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, une autre sur les plus grandes entreprises et une autre encore sur les géants du numérique : nous avons fait beaucoup. C’est vous qui avez changé d’avis sur le patrimoine professionnel, que vous n’avez pas souhaité imposer pendant longtemps. Et sur l’article 3, vous avez voté contre l’amendement que nous vous proposions pour fiscaliser les holdings. Nous n’avons pas de leçons à recevoir !

M. Jean-Didier Berger (DR). Je suis quant à moi très réservé au sujet de cet amendement. Lorsque j’étais président d’un office public de l’habitat, j’aurais été bien embarrassé puisque l’office tirait une partie de son financement de la vente de logements à ses locataires en accession sociale à la propriété. Instaurons plutôt des incitations pour développer ce type de ventes, en assouplissant les règles. J’ajoute que le fait de conditionner le don à une ancienneté de vingt ans dans le logement ne va pas fluidifier le parcours résidentiel mais au contraire inciter les locataires à rester. Enfin, la mesure proposée pourrait être mise en œuvre dans n’importe quel immeuble alors qu’aujourd’hui, les bailleurs choisissent les copropriétés qui ne risquent pas de devenir des copropriétés dégradées.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tout d’abord, cette disposition ne nuirait pas à la construction de logements sociaux nouveaux. Ensuite, seuls les immeubles amortis seraient concernés. Enfin, si les organismes HLM ne parviennent pas à vendre aujourd’hui, c’est pour trois raisons : parce qu’ils ne le veulent pas ; parce que le coût des logements est trop élevé ; et parce que les maires s’y opposent, car ces logements disparaissent de leur quota SRU – du nom de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – au bout de dix ans après la vente. Je propose de contourner ces obstacles pour mettre en œuvre une mesure de justice sociale.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1603 et I-CF1601 de M. Éric Ciotti

M. Gérault Verny (UDR). Ces amendements visent à rendre plus accessibles les plans d’épargne en actions, qui permettent de flécher l’épargne des Français vers l’économie réelle, c’est-à-dire les entreprises.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis favorable à ce qu’une personne puisse détenir plusieurs PEA, comme le propose le premier amendement.

Je suis en revanche défavorable au second : je suis pour l’assouplissement du régime fiscal du PEA, mais si l’on permet d’en posséder plusieurs, le maintien d’un plafond me semble raisonnable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutiendrons ces amendements. La majeure partie du CAC40 est possédée par des intérêts étrangers, en particulier des fonds américains. Il faut finir le chantier entamé par le général de Gaulle – et pour lequel la grande bourgeoisie l’a fait tomber – sur les questions d’intéressement et de participation : il faut que les Français deviennent actionnaires des entreprises françaises afin que cesse la lutte des classes, qui est stérile. Quand les 90 milliards d’euros de dividendes du CAC 40 seront partagés par les classes moyennes et populaires françaises, nous aurons fait progresser le pouvoir d’achat et la justice sociale !

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Le PEA est une incitation fiscale à détenir des actions – une très bonne chose – qui vise les petits porteurs. Aujourd’hui, il est plafonné à 150 000 euros à l’entrée. Mais si l’on peut multiplier le nombre de PEA qu’il est possible de détenir, le plafond ne sert plus à rien : n’importe quel fonds pourra être totalement exonéré de taxe sur ses plus-values !

Il y a un autre point fallacieux : vous évoquez le PEA-PME, mais c’est un outil fiscal distinct, qui finance les entreprises non cotées et que l’on pourrait effectivement envisager d’améliorer. Si vous n’aviez visé que les PEA-PME, nous nous serions intéressés à votre amendement, mais en l’espèce cela me semble délicat.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements de suppression I-CF1441 de M. Charles Rodwell, I-CF1570 de M. Éric Ciotti, I-CF1655 de Mme Olivia Grégoire et I-CF1825 de Mme Marie Lebec

M. Charles Rodwell (EPR). Ceci est en quelque sorte un amendement d’appel. L’an dernier, le gouvernement avait expliqué que la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises ne serait en vigueur qu’un an. Il est pourtant prévu de la proroger d’une autre année, certes dans des conditions différentes. Je tiens à rappeler que la baisse de l’impôt sur les sociétés – de 33 à 25 % – voulue par le président de la République et le ministre Bruno Le Maire avait permis d’aider nos entreprises à créer 2,5 millions d’emplois en près de cinq ans. Le succès de cette politique économique était fondé sur la confiance que les entrepreneurs plaçaient dans notre capacité à tenir une partie de nos engagements. C’est la raison pour laquelle nous appelons le gouvernement à faire en sorte que la contribution exceptionnelle ne soit pas renouvelée l’an prochain.

M. Gérault Verny (UDR). Cette taxation est calculée sur la base du chiffre d’affaires. Or les grandes entreprises, qui réalisent à peine 5 % d’excédent brut d’exploitation en moyenne, sont moins rentables que les PME et les ETI (entreprises de taille intermédiaire), qui atteignent en moyenne 8,5 %.

Ensuite, les PME et ETI sont majoritairement des sous-traitants, qui dépendent des commandes des grandes entreprises : taxer celles-ci, c’est les contraindre à durcir leurs conditions d’achat et à diminuer la marge de toute la filière. C’est la démonstration pure et parfaite qu’en augmentant une taxe, on appauvrit les acteurs économiques.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Une contribution exceptionnelle n’a pas vocation à être prorogée chaque année. Sinon elle devient pérenne et alourdit les charges des entreprises – sachant que le taux de prélèvements obligatoires en France est déjà le plus élevé de tous les pays de l’OCDE.

Mme Marie Lebec (EPR). La prorogation d’un an de cette contribution exceptionnelle va à l’encontre de la stabilité et de la prévisibilité que nous nous sommes efforcés de sauvegarder ces dernières années. Avant l’arrivée du président de la République en 2017, on a longtemps reproché à la France son instabilité et son inconstance fiscales, qui dissuadent les entreprises d’investir.

Nous proposerons, après l’article 24, un amendement visant à porter la taxation sur les Gafam à 15 % : il permettra de compenser la suppression de l’article 4.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Par définition, une taxe n’est pas favorable à l’activité économique. Mais on ne fait ici que revenir à la copie initiale du gouvernement Barnier – avant les différentes vicissitudes de la vie politique – qui anticipait de cette contribution des recettes de 8 milliards d’euros en 2025 puis de 4 milliards d’euros en 2026. Je précise que sur 8 milliards d’euros, 7 ont été prélevés sur des entreprises de la tranche supérieure et 1 sur celles de la tranche inférieure ; on peut imaginer que le ratio sera similaire. Par ailleurs, il ne me semble pas qu’il se soit produit un effet d’évitement : les entreprises n’ont pas repoussé leurs bénéfices à l’année suivante. Je donne donc un avis défavorable à ces amendements de suppression.

M. le président Éric Coquerel. Je m’opposerai moi aussi à ces amendements. Jean-René Cazeneuve parlait tout à l’heure de justice fiscale mais je le répète : la contribution des hauts patrimoines et des grandes entreprises, cette année, sera inférieure de 4 milliards d’euros à ce qu’elle était en 2025. Elle ne représentera que 15 % des efforts demandés, contre 20 % l’an dernier.

Je remarque que ceux qui estiment que ce genre de taxe ne devrait pas être pérenne ne voient pas d’inconvénient à ce que les régressions sociales imposées aux salariés le soient.

J’appelle enfin votre attention sur le fait que, pour l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le budget Barnier aurait contribué à réduire de 0,8 point la croissance, du fait de son effet récessif sur la consommation. J’espère que vous aurez le même raisonnement au sujet du budget de cette année, qui impactera le pouvoir d’achat de quasiment tous les Français.

M. Paul Midy (EPR). Le groupe Ensemble pour la République votera pour ces amendements de suppression, en cohérence avec sa politique : nous avons ramené l’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % pour soutenir l’économie, ce n’est pas pour augmenter leur taxation aujourd’hui.

Nous nous battons en revanche depuis des années pour que toutes les entreprises présentes dans notre pays payent le juste impôt, en particulier les grandes entreprises de services numériques américaines. C’est la raison pour laquelle nous avons instauré il y a quelques années la taxe Gafam, à hauteur de 3 %, qui a vocation à s’éteindre lorsque le pilier 1 de l’OCDE sera mis en place. L’élévation de cette taxe à 15 % rapporterait 4 milliards : nous préférons que ce soit ces entreprises qui les payent, plutôt que les entreprises françaises

M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’article 3 a été supprimé – certes par erreur. Je suis le premier à considérer qu’une contribution exceptionnelle doit le rester : contrairement à la contribution différentielle, qui a vocation à perdurer tant que notre situation financière ne change pas, une contribution exceptionnelle est faite pour répondre à un besoin exceptionnel. Vous vous targuez d’avoir créé la taxe Gafa mais je vous rappelle que celle-ci ne rapporte presque rien – 500 à 600 millions d’euros – par rapport à la contribution exceptionnelle des grandes entreprises, qui figurait dans le même texte.

Si nous adoptons cet amendement, je ne sais pas comment nous équilibrerons le budget : il va manquer 7 à 8 milliards de recettes. Et ce n’est pas le rehaussement de la taxe sur Gafa que vous nous proposerez après l’article 24 qui résoudra le problème : cette taxe est fragile, même d’un point de vue international.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous nous opposerons évidemment à ces amendements de suppression. Il est cocasse de voir un budget préparé à la va-vite totalement détricoté par des membres de groupes qui devraient soutenir le gouvernement ; il est cocasse, aussi, d’entendre des ministres dire qu’il ne faut pas proroger une surtaxation, alors qu’ils l’avaient acceptée l’an dernier. Rappelons que celle-ci ne touche que les très grosses entreprises réalisant plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, et qu’elle porte sur les bénéfices non distribués : il est faux de dire qu’elle affecterait les entreprises en difficulté.

Supprimer cette contribution, c’est prendre un chemin non pas vers une solution, mais vers dissolution !

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Le Premier ministre Lecornu nous avait promis la rupture. En fait de rupture, nous voyons depuis ce matin la folie de macronistes qui pensent qu’ils peuvent faire le même budget qu’en 2017, c’est‑à‑dire supprimer des impôts et des taxes tout en demandant aux gens de se serrer la ceinture. L’allocation aux adultes handicapés va être gelée ; faute d’aides aux contrats d’insertion, des associations ne vont pas pouvoir embaucher. Or votre politique a été rejetée plusieurs fois dans les urnes ! Grâce au Rassemblement national, qui valide tous vos amendements, on se retrouve avec un budget ni fait ni à faire, totalement chaotique. Il sera vraiment très difficile de remonter la pente.

M. Gérault Verny (UDR). Les bras m’en tombent. Que ne faut-il pas entendre ! Voilà un budget qui alourdit la fiscalité de 14 milliards d’euros, dans le pays le plus fiscalisé au monde, et vous osez dire que ce serait un budget d’austérité. De qui se moque-t-on ! Cette commission est en train de saigner les Français. Apprenez à compter.

M. le président Éric Coquerel. Presque aucun amendement n’a été voté : le budget ne saigne pas les riches, c’est certain.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je suis très surpris de voir ces amendements de suppression issus du bloc central. Si le budget était presque à l’équilibre, on pourrait remplacer un impôt par un autre ; sauf que le déficit reste considérable ! Il va dépasser les 5 % – nous avons voté ce matin pour signifier que les prévisions étaient mensongères. Vous devez trouver d’autres recettes, ou des baisses de dépenses, mais vous n’en proposez strictement aucune. L’impôt par lequel vous voulez remplacer cette taxe est en outre totalement illusoire : j’aimerais bien voir les Gafam payer ces milliards d’euros à la place des multinationales françaises !

C’est vraiment n’importe quoi : vous détruisez votre propre budget par pure posture et vous faites croire que vous vous souciez de ce que vous votez ici, alors que vous savez très bien que tout ceci se terminera par des ordonnances.

M. Charles de Courson (LIOT). À l’article 2, nous avons voté la prolongation de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, ainsi qu’un amendement prévoyant qu’elle ne sera supprimée que lorsque le déficit public sera repassé sous les 3 % du PIB.

Si nous étions cohérents, nous devrions voter une mesure identique pour la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, qui était estimée à 8 milliards d’euros en 2025  ce montant ne sera pas atteint. Elle rapporterait 4 milliards d’euros en 2026  la contribution sur les hauts revenus 2 milliards d’euros – et ne disparaîtrait que lorsque le déficit serait en dessous des 3 %.

M. Jean-Didier Berger (DR). Heureusement que nous n’appliquons pas la même logique à cette contribution ! Nous n’avons pas voté de budget à l’équilibre depuis cinquante ans : si nous avions créé à l’époque des taxes exceptionnelles en conditionnant leur disparition au rétablissement des finances publiques, nous ne nous en serions pas sortis !

Si les taxes exceptionnelles ne le restent pas, nous risquons de tuer la confiance des contribuables et des entreprises.

De plus, il faut cesser de créer de nouveaux impôts alors que nous sommes déjà le pays le plus fiscalisé au monde, particulièrement s’agissant des entreprises. Là encore, nous risquons, purement et simplement, de tuer les entreprises.

Enfin, monsieur Tanguy, permettez-moi de rappeler que nous examinons la partie du budget consacrée aux recettes : lorsque nous examinerons la partie dédiée aux dépenses, vous pourrez constater que nous proposerons bien des baisses en matière de dépense publique – qu’en sera-t-il de votre côté ?

Mme Eva Sas (EcoS). Depuis 2017, les entreprises ont bénéficié de 29,5 milliards d’euros de baisses d’impôt, notamment grâce à l’abaissement du taux d’impôt sur les sociétés de 33 % à 25 %. Le déficit auquel nous faisons face aujourd’hui résulte de ces baisses, qui ont particulièrement profité aux grandes entreprises.

Pour redresser les comptes publics, il est donc normal non seulement de revenir sur ces baisses d’impôt, mais aussi de solliciter en premier lieu les plus grandes entreprises grâce à cette contribution exceptionnelle – que nous proposerons d’ailleurs de pérenniser.

Nous devons rééquilibrer ce budget : en l’état, tous les Français seront amenés à payer, même les plus pauvres, les plus vulnérables et les plus malades, alors que les entreprises, notamment les plus grandes, sont très peu mises à contribution. Maintenir la contribution exceptionnelle des grandes entreprises est la moindre des choses si vous voulez continuer de dire que tout le monde contribue à l’effort.

M. Pascal Lecamp (Dem). L’article 4 est très clair : il s’inscrit dans une trajectoire de retrait progressif de cette contribution exceptionnelle, à laquelle nous sommes favorables, quitte à nous distinguer de nos collègues du bloc central.

L’an dernier, nous avons sollicité les grandes entreprises pour faire face à un besoin budgétaire important. Or celui-ci est au moins aussi important cette année. Une sortie douce de cette taxe, avant son retrait définitif l’année prochaine, est susceptible d’être comprise par les entreprises concernées, tout en les faisant contribuer à l’effort national. Nous voterons donc contre les amendements de suppression.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1697 de M. Nicolas Sansu

M. Nicolas Sansu (GDR). Il vise à maintenir le taux de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises au même niveau qu’en 2025. Ce maintien concourrait non seulement à la réduction du déficit public, mais aussi au renforcement de la justice fiscale.

Par ailleurs, nous plaidons pour la progressivité de l’impôt sur les sociétés. C’est une mesure qui devrait être étudiée.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Denis Masséglia (EPR). Il n’est plus question de justice fiscale, mais de matraquage fiscal : le taux de prélèvements obligatoires s’est établi à 42,8 % du PIB en 2024, et devrait être de 43,9 % en 2026 !

Finalement, il n’y a que ça qui vous intéresse : des impôts, encore des impôts, toujours des impôts.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF335 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Il vise à pérenniser la surtaxe prélevée sur les grandes entreprises.

Depuis huit ans, les taxes concernant les plus riches sont toujours temporaires, exceptionnelles et ciblées. Pour les pauvres et les classes populaires, en revanche, elles ne le sont jamais : la réforme de l’assurance chômage n’est pas temporaire ; les coupes dans les services publics ne sont pas ciblées : les efforts demandés aux classes populaires ne sont pas exceptionnels mais permanents.

Il est temps d’inverser cette tendance, en faisant participer les grandes entreprises à l’effort national. En 2025, elles ont versé près de 100 milliards à leurs actionnaires, mais elles ont acquitté à peine 15 % d’impôts alors que les petites entreprises en payaient près de 21 %. Ce n’est guère surprenant, puisque les plus grandes entreprises captent la majorité des aides : les crédits d’impôts, les abattements, les niches fiscales.

Cette situation est parfaitement injuste ; la contribution demandée aux grandes entreprises ne compense même pas les baisses successives du taux de l’impôt sur les sociétés décidées par Emmanuel Macron.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Puisqu’il a été plusieurs fois question de nos records supposés en matière d’imposition des entreprises, permettez-moi de rappeler que la France se classe à la trente-cinquième place des pays de l’OCDE s’agissant du taux moyen effectif d’imposition des sociétés.

M. Gérault Verny (UDR). Monsieur le président, c’est un peu trop facile de se limiter au taux de l’impôt sur les sociétés : il faut prendre en considération l’ensemble des impôts payés par les entreprises.

Par ailleurs, il faut cesser de confondre une entreprise réalisant 1 milliard de chiffre d’affaires avec une entreprise riche : ça n’a rien à voir !

M. le président Éric Coquerel. Mais vous ne contestez pas les statistiques que je viens de donner.

M. Gérault Verny (UDR). Comparons ce qui est comparable : il a été question tout à l’heure du taux de prélèvements obligatoires de 25 % aux États-Unis, mais il faut lui comparer l’ensemble du système fiscal français.

M. Sylvain Maillard (EPR). En 2017, nous avons décidé de ramener le taux d’imposition des sociétés de 33 % à 25 %. Ce chiffre n’a pas été choisi au hasard : il correspondait à la moyenne européenne – ni plus, ni moins.

Comment croyez-vous qu’il a été possible de réindustrialiser notre pays ? Comment sommes-nous parvenus à créer des emplois ? Rappelez-vous qu’en 2017, la lutte contre le chômage était au cœur de notre campagne électorale : ce n’est plus le cas désormais !

Si notre compétitivité venait à nouveau à baisser, nous ne nous en sortirions pas. Il est indispensable de maintenir notre taux d’imposition des sociétés dans la moyenne européenne. Ne repartons pas dans une folie fiscale qui ne mènera qu’à la reprise du chômage.

M. le président Éric Coquerel. L’Insee prévoit l’an prochain un taux de chômage supérieur à 8 %. Pour le reste, je ne faisais que rappeler les chiffres de l’OCDE en matière d’imposition des entreprises.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF122 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). La contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises cible en théorie les 400 plus grandes entreprises mais dans les faits, elle a concerné en 2025 plus de 150 ETI. Cet amendement vise à exclure ces dernières de cette contribution supplémentaire à l’impôt sur les sociétés, parce que leur modèle économique, fondé sur la production, l’emploi local et le long terme, se distingue fondamentalement de celui des groupes, capables d’absorber l’impact d’un tel prélèvement.

Préserver les ETI, c’est préserver la base productive, l’investissement et l’emploi dont dépend la réindustrialisation de notre pays, notamment celle des territoires ruraux dans lesquels elles se déploient.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

En 2023, les taux marginaux d’imposition des entreprises étaient en moyenne de 21 % dans l’Union européenne, de 23 % dans la zone euro et de 25,8 % en France. Avec cette surtaxe de 10 %, nous devrions dépasser Malte, qui est le champion, avec un taux de 35 % – la Commission européenne n’a pas publié le tableau correspondant.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Je voudrais demander à M. Labaronne quel serait le coût de son amendement, mesuré en perte de recettes.

M. Daniel Labaronne (EPR). Je suis toujours très surpris que l’on découple la politique fiscale de la politique économique, en considérant que l’impact fiscal n’a aucune incidence sur les évolutions macroéconomiques : la croissance, l’emploi, l’investissement – notamment étranger –, l’attractivité, etc.

Exempter les ETI de la contribution exceptionnelle permettra de créer de l’activité économique, notamment dans les zones rurales, mais aussi dans les territoires d’industrie. Il en résultera de plus grandes rentrées fiscales, par le biais de la TVA, de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur les revenus des salariés, qui compenseront très largement la perte de recettes fiscales entraînée par cette exemption.

M. Philippe Brun (SOC). En raison de la concurrence fiscale, le taux moyen d’impôt sur les sociétés dans les pays de l’OCDE a baissé de 13 points au cours des vingt-cinq dernières années ; il était de 45 % en 1985 – et de 50 % en France à la même date.

La concurrence fiscale a des limites ; nous y avons contribué puisque notre taux d’impôt sur les sociétés se situe plutôt dans la moyenne basse – il est identique à celui du Luxembourg. Il me semble difficile de descendre beaucoup plus bas.

Les mesures prévues à l’article 4 concernent les très grandes entreprises, qui sont peu nombreuses. J’ai reçu des représentants de l’Afep (Association française des entreprises privées), qui représente de grandes entreprises, cotées pour la plupart : ils ne demandent pas le retrait de la contribution exceptionnelle. Je ne comprends donc pas pourquoi les députés macronistes se montrent plus royalistes que le roi.

Votons cette mesure de bon sens, qui ne concerne que de très grandes entreprises ; ce n’est pas trop leur demander que de s’acquitter de cet effort supplémentaire.

M. Daniel Labaronne (EPR). Mon amendement porte uniquement sur les ETI.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF1381 de M. Michel Castellani et I-CF304 de Mme Christine Arrighi (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (EcoS). Le rapporteur général a évoqué les vicissitudes de la vie politique. En matière de vicissitudes, je vois surtout 10 millions de pauvres et un projet de taxer les apprentis et de retirer des droits aux Français souffrant d’affections de longue durée. Parallèlement, vous refusez depuis des années de taxer les entreprises produisant des super profits, alors qu’elles bénéficiaient déjà de la baisse de l’impôt sur les sociétés, voire d’une taxation ad hoc – comme la taxation au tonnage pour CMA-CGM.

Vous voulez maintenant réduire une contribution exceptionnelle qui est encore plus nécessaire cette année que l’an dernier en raison de l’augmentation de la dette et de sa charge.

Par conséquent, nous nous retrouvons à soutenir les mesures du gouvernement, que vous devriez défendre : c’est le monde à l’envers !

Comme l’a rappelé le rapporteur général, la contribution sur les hauts revenus n’a donné lieu à aucune stratégie d’évitement ; il n’y en aura pas non plus pour celle-ci. D’ailleurs, les grandes entreprises ne le demandent même pas !

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Je ne reviendrai pas sur l’impact des baisses d’impôt sur le tissu économique français ni sur la création de 2,5 millions d’emplois, mais permettez-moi d’apporter quelques précisions.

Pour être parfaitement honnêtes, lorsqu’il est question des entreprises, nous devons prendre en considération l’ensemble du package : d’une part, l’impôt sur les sociétés, les impôts de production, la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) et les cotisations patronales ; et, d’autre part, les contributions nettes et les exonérations fiscales.

Or il se trouve que même en tenant compte de tous ces éléments, la France reste le pays de l’OCDE dont les entreprises subissent la plus lourde charge fiscale. Diminuer le taux de l’impôt sur les sociétés à 25 % n’a pas fait de la France un paradis fiscal, tant s’en faut.

M. le président Éric Coquerel. Permettez-moi de rappeler que les cotisations patronales ne relèvent pas de la fiscalité ; ce sont, notamment, des salaires socialisés.

M. Emmanuel Maurel (GDR). C’est presque rafraîchissant : on assiste au retour des thématiques de la campagne 2017 d’Emmanuel Macron, on entend certains collègues renouer avec la théorie du ruissellement ! Sauf que nous sommes en 2025 : nous savons que ça ne fonctionne pas.

Quant aux collègues qui parlent de réindustrialisation, je les en conjure, qu’ils prennent connaissance des chiffres ! Il n’y a jamais eu autant de défaillances d’entreprises que cette année – et même ce mois-ci. Votre politique n’a pas fonctionné : rendez-vous à l’évidence, cessez d’être aussi obtus et obstinés !

M. le président Éric Coquerel. L’industrie représente moins de 10 % du PIB – quel grand succès en effet !

Rappelons également que nous sommes champions d’Europe en matière d’aides aux entreprises sans condition. D’après un rapport du Sénat, elles s’élèvent à 211 milliards.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Charles de Courson a indiqué que cette contribution exceptionnelle ne rapporterait pas en 2025 les 8 milliards escomptés. À quoi cela sert-il de voter la prolongation d’une disposition dont l’efficacité n’est pas certaine ? Elle ne nous permettra sans doute pas d’atteindre notre objectif en matière de déficit public – objectif qui est déjà compromis.

Monsieur le rapporteur général, disposez-vous de chiffres confirmant ou infirmant les propos de M. de Courson ?

M. le président Éric Coquerel. Nous ne connaîtrons le chiffre précis que lorsqu’il sera en exécution. À ce stade, nous ne disposons pas de données objectives, comme c’est le cas pour la TVA par exemple.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La prévision est maintenue à 8 milliards, mais nous serons fixés en fin d’année.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF337 de M. Aurélien Le Coq, I-CF514 de Mme Mathilde Feld et ICF1455 de M. Charles Rodwell (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Dans ce budget, vous avez décidé d’augmenter les taxations pour tous – même les malades – sauf pour les entreprises. Pour les plus grandes d’entre elles, vous avez même décidé de renouveler un cadeau de 4 milliards, comme si elles étaient étrangères à la question du déficit. Chaque année, ce sont pourtant 211 milliards d’aides qui leur sont octroyés.

Avec notre amendement, nous proposons non seulement de prolonger la contribution exceptionnelle pendant quatre ans, mais aussi de l’augmenter de 40 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard et de 55 % pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards.

Lorsque vous parlez du taux de l’impôt sur les sociétés, vous oubliez de préciser que le taux réel d’imposition des grandes entreprises, après la prise en compte des différents cadeaux fiscaux, est de 14 % quand celui des petites entreprises est de 25 %. En d’autres termes, vous cautionnez le fait que les grandes entreprises paient moins d’impôts qu’un boulanger ou un boucher.

Et si des taux d’imposition des sociétés de 50 % vous effraient, rappelez‑vous que c’était ce à quoi elles étaient assujetties entre 1948 et 1985 : je vous croyais encore un peu gaullistes !

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je propose un amendement de repli visant à maintenir le taux actuel de la contribution exceptionnelle.

Toutes ces leçons d’économie délivrées par nos Mozart de la finance me laissent sans voix. Les 3 300 milliards de dette sont-ils avérés ? Qu’en est-il des 315 millions prélevés sur la mission Sport, jeunesse et vie associative, des 770 millions prélevés sur la mission Aide publique au développement et des 247 millions prélevés sur la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ?

Je pourrais poursuivre encore longtemps. J’ai la sensation de vivre dans un monde parallèle, où l’on ne se rend plus compte de l’ampleur des choses. Vous allez saigner tous les Français pour préserver votre ruissellement qui ne fonctionne pas.

M. Charles Rodwell (EPR). Mon amendement vise à abaisser le taux de la contribution exceptionnelle pour préserver le grand succès de notre bilan économique, notamment en matière de création d’emplois – 2,5 millions créés en l’espace de cinq ans grâce à la confiance que nous avons su établir avec les entreprises.

Permettez-moi de souligner que l’amendement I-CF337 vise à porter le taux de la surtaxe à 120 % : est-ce vraiment ce que nous voulons pour nos entreprises ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Monsieur Le Coq, quand on impose une société à 0 %, cela rapporte 0 euro. C’est pareil quand on l’impose à 100 % : les entrepreneurs n’ont plus intérêt à produire. Avec votre taux à 120 %, la somme des impôts sur les sociétés dépasserait d’ailleurs 55 %, ce qui est probablement confiscatoire. De toute façon, l’effet sera négatif sur la production. Avis défavorable aux deux premiers amendements.

Monsieur Rodwell, j’aimerais tant donner un avis favorable à votre amendement ! Malheureusement, son coût de 2 milliards d’euros m’oblige à émettre également un avis défavorable.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Vous parlez du grand succès de la politique de l’emploi de la Macronie. Parlez-vous des 7 500 salariés qui ont perdu le 5 novembre dernier leur emploi chez Michelin, une entreprise qui a fermé et délocalisé deux usines alors qu’elle est arrosée d’aides publiques ? Parlez-vous des salariés d’Auchan qui ont été licenciés et qui ont ensuite gagné en justice contre leur employeur ? Et je me limite à des exemples issus de ma seule circonscription, dans le Puy-de-Dôme.

J’invite les gens à prendre connaissance de votre bilan, qui est minable et artificiel. C’est l’apprentissage qui gonfle les chiffres et sauve le bilan de la Macronie en matière d’emploi. La réalité, c’est la perte d’emplois dans l’industrie et dans la grande distribution.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Je ne voulais pas intervenir dans ce débat – je me suis d’ailleurs abstenu sur le vote des amendements de suppression de l’article. Toutefois, les termes et le ton employés pour parler des entreprises par nos collègues de la gauche, notamment de la gauche de gouvernement, sont irrespectueux. On voit bien qu’ils considèrent les entreprises comme des paillassons sur lesquels on s’essuie les pieds.

Je les invite à prendre connaissance de données parues l’an dernier dans Les Échos, qui montrent que le Crédit Mutuel, Aéroports de Paris ou EDF ont massivement contribué à cette surtaxe. Ce sont des entreprises vertueuses, pas de méchants capitalistes comme vous le laissez entendre.

M. Philippe Brun (SOC). Monsieur Sitzenstuhl, vous nous accusez de vouloir matraquer les entreprises mais nous proposons après l’article 12 un amendement visant à diminuer l’impôt sur les sociétés pour les PME, afin de réduire la distorsion qui les amène à payer proportionnellement plus d’impôts que les grandes. J’espère que vous le voterez cette fois, contrairement aux autres années.

Vous dites qu’EDF contribue massivement à la surtaxe, mais pourquoi ne pas vous être opposé à l’État quand il lui a demandé le versement d’un dividende exceptionnel gigantesque, en contradiction avec son plan d’investissement dans le nucléaire ?

La surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, temporaire, est acceptée par les professionnels du secteur. Je vous invite à la soutenir, parce qu’elle est utile au plan de redressement des finances publiques.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1460 de M. Jean-Didier Berger

M. Jean-Didier Berger (DR). J’espère parvenir à mettre tout le monde d’accord avec cet amendement d’apaisement, qui vise à traiter différemment les entreprises produisant essentiellement en France et celles dont plus de 50 % de la production est effectuée hors de France. Il me semble assez logique que les premières paient moins de contribution exceptionnelle.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement ne risque-t-il pas de provoquer un effet secondaire pervers, une sorte de malus pour les sociétés qui exportent ? J’ai du mal à estimer un potentiel effet négatif. Je m’en remets donc à la sagesse de la commission.

M. Jean-Didier Berger (DR). L’amendement vise la production des entreprises.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Je me suis fait la même réflexion que le rapporteur général. Il est question dans l’amendement du chiffre d’affaires : une entreprise dont le marché est par nature basé en France – un opérateur télécoms par exemple – serait donc exemptée de surtaxe, et celles massivement tournées vers l’export  Michelin ou Air Liquide par exemple – seraient pénalisées, alors même que leur production est effectuée en France et que leur excellence doit être encouragée.

En d’autres termes, je crains que la rédaction même de l’amendement ne le fasse passer à côté de son objectif initial.

M. Jocelyn Dessigny (RN). C’est vraiment le bal des hypocrites. Tout le monde se rejette la faute de la désindustrialisation. Pourtant, depuis sept ans, la Macronie a plongé le pays dans le plus grand marasme qu’on ait jamais vu et a désindustrialisé tout le territoire ; parallèlement, les Écologistes et autres représentants de l’extrême gauche font le maximum pour avoir toujours plus de surtransposition des normes européennes, qui font que plus personne ne veut investir en France.

Des travailleurs perdent leur emploi et des familles entières sont touchées. Seul le Rassemblement national est en mesure de relever le pays.

M. Jean-Didier Berger (DR). Je retire l’amendement, qui sera retravaillé avant l’examen en séance pour tenir compte des remarques.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 4 modifié.

Amendements identiques I-CF528 de M. Laurent Baumel, I-CF1182 de M. Nicolas Sansu, I-CF1867 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF1876 de M. Laurent Wauquiez ; amendements identiques I-CF245 de Mme Estelle Mercier, I-CF515 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1614 de M. Jocelyn Dessigny ; amendements I-CF1790 de M. Jocelyn Dessigny, I-CF1382 de M. Charles de Courson et I-CF1690 de M. Jean-Didier Berger (discussion commune)

M. Laurent Baumel (SOC). Je m’oppose à la proposition du gouvernement de supprimer la réduction d’impôt pour les frais de scolarité des enfants à charge dans l’enseignement secondaire et supérieur et pour les indemnités perçues en cas d’affection de longue durée (ALD).

Sur ce dernier point, il s’agit encore d’une question de justice, car les indemnités journalières (IJ) ne sont pas équivalentes aux revenus : leur exonération fiscale était donc une sorte de compensation. C’est en outre, tout simplement, une question d’humanisme. Il serait en effet lamentable d’envoyer aux gens souffrant d’affections de longue durée le message que le gouvernement et la représentation nationale n’ont aucune considération pour leurs souffrances.

M. Nicolas Sansu (GDR). La fiscalisation des indemnités journalières des personnes en ALD, rapidement désignée comme la « taxe sur le cancer », est révélatrice de la volonté du gouvernement de taxer les gens en difficulté et de toujours épargner les milliardaires. Les indemnités journalières représentent 50 % du salaire brut et sont limitées à 41,50 euros par jour. Il y a déjà une perte de revenus : l’ajout de la fiscalisation sera un vrai problème pour un foyer fiscal qui paie déjà l’impôt sur le revenu. J’invite donc nos collègues du bloc central à voter notre amendement pour refuser cette fiscalisation injuste, et même intolérable.

M. Jean-Didier Berger (DR). Supprimer des niches fiscales, c’est augmenter encore la pression fiscale dans le pays le plus fiscalisé du monde. Certaines choses surprenantes pourraient certes être revues pour ce qui concerne les personnes en arrêt maladie – j’ai ainsi déposé un amendement relatif à l’acquisition de congés pendant un arrêt maladie –, mais je ne vois pas de raison de fiscaliser ces revenus qui ne l’étaient pas. Surtout, la politique familiale ayant été réduite quasiment à néant, il serait dommage de supprimer la réduction d’impôt sur les frais de scolarité. L’amendement I-CF1876 vise donc à la suppression de l’alinéa 4 et, en conséquence, de l’alinéa 10 de l’article 5.

Mme Estelle Mercier (SOC). Je ne sais pas si c’est l’heure tardive, cette journée très longue ou les discussions interminables que nous avons eues sur les niches fiscales, avec des centaines de milliers d’euros par-ci et des millions par-là, mais je trouve que cet article est une honte. J’aimerais connaître le décompte de toutes les dépenses fiscales que vous avez votées depuis le début du débat – car c’est bien de dépenses fiscales qu’il s’agit, alors que cette partie du PLF est consacrée aux recettes. Et après tout cela, voilà que vous fiscalisez les indemnités journalières de personnes atteintes d’un cancer, au moment même où tout le monde arbore le petit ruban d’Octobre rose. Non seulement vous avez, pour une partie d’entre vous, voté la loi Duplomb, mais vous allez maintenant dire aux malades du cancer qu’ils vont payer des impôts. C’est une honte !

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet article est marqué par l’indignité d’un gouvernement qui est capable de décider de financer ses cadeaux aux plus riches en taxant les malades. C’est en effet aux malades du diabète, du cancer, d’insuffisance cardiaque ou de sclérose en plaques – en un mot, aux 14 millions de Françaises et de Français qui ont des maladies chroniques – que vous avez décidé de vous en prendre. Vous allez fiscaliser leurs indemnités journalières, c’est-à-dire le revenu de remplacement des jours où ils ne sont pas en état de travailler. Honnêtement, c’est juste dégueulasse. Il n’y a pas une personne dans ce pays qui puisse défendre une telle mesure. Et tout ça pour récupérer sur le dos des malades 828 millions d’euros pendant que vous offrez aux grandes entreprises 4 milliards au titre de l’impôt sur la fortune et 1 milliard via la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

M. Jocelyn Dessigny (RN). Il est incompréhensible de vouloir instaurer une telle mesure, qui rompt avec la logique de neutralité du système fiscal. Ces indemnités ne sont pas un revenu, mais compensent une perte de capacité de travail, souvent durable et médicalement constatée. La soumettre à l’impôt sur le revenu reviendrait à considérer que leur maladie est, pour les malades, une source de revenus imposables.

Cette approche est contraire à la finalité de ces prestations et à l’équilibre de la fiscalisation assurantielle. Elle fragilise un dispositif qui repose sur la solidarité nationale envers ceux que leur santé empêche de travailler.

Sa mise en œuvre soulève par ailleurs des difficultés majeures. La distinction entre un arrêt de travail ordinaire et un arrêt lié à une affection de longue durée relève en effet d’informations couvertes par le secret médical et aucune transmission de ces données fiscales ne serait juridiquement possible.

M. Charles de Courson (LIOT). En 1994, j’ai vécu le même débat à propos des rentes d’accident du travail. Deux thèses s’affrontaient : pour les uns, il s’agissait d’un revenu, qui devait donc être imposable – il était précédemment exonéré ; pour les autres, il s’agissait de dommages-intérêts, qui devaient donc être exonérés. Le débat en séance a été affreux, il y a eu des manifestations place du Palais-Bourbon… Bref, on a fini avec une sorte de jugement de Salomon : on a décidé que 50 % de ces rentes seraient exonérées et 50 % considérées comme un revenu. Le débat est le même aujourd’hui pour les ALD : les IJ sont-elles un revenu ou des dommages-intérêts ? Mon amendement retient la même réponse : 50/50.

M. Jean-Didier Berger (DR). Vous avez tous entendu parler du projet d’allocation sociale unique, plafonnée à 70 % du SMIC. Avant d’arriver à cette mesure de bon sens visant à revaloriser le travail et à faire en sorte qu’il paie toujours plus que les revenus de la solidarité nationale, nous proposons de fiscaliser les revenus de l’assistance pour que cette différence commence à trouver un effet direct.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tous ces amendements visent à supprimer la fiscalisation des indemnités des malades en ALD, à l’exception de celui de M. Berger, qui veut au contraire fiscaliser les autres prestations sociales, et de celui de M. de Courson, qui coupe la poire en deux avec une fiscalisation à 50 %.

Lorsqu’une personne en ALD contracte une maladie aiguë, cette maladie est prise en charge si elle est liée à l’ALD et n’est pas prise en charge dans le cas contraire. Je ferai le parallèle avec les indemnités journalières (IJ) : si l’arrêt de travail qui les justifie n’est pas en relation avec l’ALD, il n’y a pas de raison que ces IJ ne soient pas fiscalisées, car cela relève du droit commun. La suppression pure et dure que proposent les amendements identiques n’est donc pas logique, car on peut très bien être en arrêt de travail avec des IJ qui n’ont rien à voir avec l’ALD : à quel titre, dans ce cas, vous ou moi, qui ne souffrons pas d’une ALD, serions‑nous fiscalisés pour la même pathologie ? Vous faites comme s’il n’y a pas de différence, alors qu’il y en a une. Je m’oppose à ces amendements.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). À lire cette demande de fiscalisation des IJ pour ALD, j’ai honte pour vous. L’exonération a été conçue comme un soutien financier compensant la baisse de revenus pour les périodes d’arrêt de travail. Vous voulez maintenant fragiliser encore plus des foyers déjà confrontés à la maladie. J’ai vraiment honte pour vous.

La commission adopte les amendements identiques I-CF528, I-CF1182, ICF1867 et I-CF1876.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement I-CF1753 de Mme Félicie Gérard

Mme Félicie Gérard (HOR). Il vise à aligner le régime fiscal des indemnités journalières versées au titre d’accidents du travail ou de maladies professionnelles sur celui applicable aux arrêts pour maladie. Actuellement, les indemnités temporaires d’inaptitude versées aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles bénéficient d’un traitement partiel d’exonération, de 50 %, alors que les indemnités journalières d’assurance maladie en cas de maladie non professionnelle sont soumises totalement à l’impôt sur le revenu. La suppression de cette clause spécifique permet d’aligner l’ensemble des régimes applicables aux arrêts maladie et d’éviter des régimes différenciés.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1877 de M. Laurent Wauquiez, amendements identiques I-CF1854 de M. Philippe Juvin et I-CF1615 de M. Jocelyn Dessigny, amendement I-CF1383 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Nicolas Ray (DR). Nous sommes opposés à la fiscalisation des traitements attachés aux médailles militaires et à la Légion d’honneur. Ce n’est pas pertinent, et pas à la hauteur des enjeux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je propose moi aussi de supprimer l’assujettissement à l’impôt des traitements associés à la Légion d’honneur et la médaille militaire, qui sont très symboliques. Franchement, ce n’est pas à la hauteur.

M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, je vous invite à être très attentifs à la défense de chacun de ces amendements car, leur périmètre s’étant révélé trop large, il a fallu les scinder, alors que l’exposé des motifs qui les accompagne est resté global.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Cette mesure est symboliquement malvenue et budgétairement négligeable. Les montants en jeu représentent moins de 400 000 euros par an, mais leur portée dépasse la simple ligne de recettes. Les traitements visés constituent une marque de reconnaissance de la nation envers ceux qui ont servi la France avec exemplarité, dans le champ civil comme dans le champ militaire. Il ne s’agit pas d’une rémunération, mais d’un signe d’honneur. Les fiscaliser reviendrait à assimiler une distinction nationale à un avantage financier, ce qui la dénaturerait profondément. Cette exonération n’a jamais été conçue comme un privilège, mais comme une exception fondée sur l’intérêt moral et symbolique du service rendu. Elle s’inscrit dans la tradition républicaine de gratitude envers les citoyens les plus méritants.

Dans ce contexte de finances publiques contraintes, l’État cherche des recettes partout, y compris dans ce qui relève du symbole national. Le RN s’y oppose formellement. L’honneur ne se taxe pas.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’alinéa 6 porte sur la Légion d’honneur et la médaille militaire, l’alinéa 7 sur la création d’entreprises – mais le fait générateur est éteint depuis 2024. Les auteurs des amendements se référant à cet alinéa 7 devraient donc les retirer pour les réécrire en vue de l’examen du texte en séance publique : nous ne garderions donc que le mien et l’amendement identique I-CF1615.

M. Daniel Labaronne (EPR). Les niches fiscales sont au nombre de 474 : nous avons engagé une démarche visant à réduire ce nombre et à rendre le dispositif fiscal moins complexe. Le recouvrement de ces petites taxes à faible rendement coûte en effet plus cher que ce qu’elles produisent, les dispositifs sont parfois éteints, ou on ne parvient pas à en connaître le nombre de bénéficiaires… Prise une à une, chaque niche fiscale peut se justifier et en l’occurrence, l’aspect symbolique est tel que je comprends bien que la suppression de celle qui concerne les médailles militaires et la Légion d’honneur puisse choquer, mais il s’agit d’une démarche de simplification de notre arsenal fiscal.

M. le président Éric Coquerel. Je vais vous donner mon sentiment : voilà maintenant des années qu’on nous annonce qu’on va s’attaquer aux niches fiscales mais, faute de viser celles qui coûtent le plus cher, notamment le crédit d’impôt recherche et le pacte Dutreil, on s’en prend à des niches qui non seulement ne coûtent pas grand-chose, mais qu’il est injuste d’attaquer. C’est ce qui explique, selon moi, le caractère décalé de ces mesures, qu’il s’agisse de la fiscalisation des indemnités journalières pour ALD ou, comme dans le cas présent, des médaillés militaires – et il y en aura d’autres.

Si on attaque vraiment les niches fiscales, peut-être faudrait-il commencer par les plus dispendieuses, qui d’ailleurs très souvent avantagent d’abord – et c’est peut-être ce qu’il faudrait limiter – les plus favorisés de nos concitoyens, avec des effets d’aubaine.

Voilà ce qui, selon moi, explique cet article – qui, du reste, sera probablement rejeté.

Les amendements I-CF1877 et I-CF1383 étant retirés, la commission adopte les amendements identiques I-CF1854 et I-CF1615.

Amendements identiques I-CF1855 de M. Philippe Juvin, I-CF1874 de M. JeanPhilippe Tanguy et I-CF1878 de M. Laurent Wauquiez

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il s’agit encore d’un symbole. Alors qu’un économiste français vient d’avoir un prix Nobel, la première mesure qui suit est la suppression de la niche fiscale qui y est associée ! Je ne pense pas que cette niche rapporte grand-chose à l’État. Je suggère donc, pour des raisons symboliques – car la loi, ce sont aussi des symboles, et pas seulement de la technique –, de ne pas toucher à cette niche qui, je l’espère, grossira dans les années à venir.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Mon amendement est identique. Voyez comme nous sommes magnanimes : quand j’entends les horreurs que prononce sur notre compte M. Aghion, qui parle d’un programme qu’il n’a pas lu, je vois qu’on peut être un prix Nobel brillant dans son secteur et très médiocre en politique. Mais nous pardonnons tout pour la gloire de la France et nous lui laissons donc son privilège fiscal !

M. le président Éric Coquerel. Je suis moins magnanime que vous !

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques.

Amendements identiques I-CF246 de M. Corentin Le Fur, I-CF1618 de M. Jocelyn Dessigny, I-CF1869 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF1879 de M. Laurent Wauquiez

M. Corentin Le Fur (DR). La grande majorité des sportifs professionnels vivent difficilement, au prix de nombreux sacrifices et contraintes. Supprimer la déduction fiscale des dépenses qu’ils engagent pour leur nécessaire reconversion me semble injuste et même un peu mesquin, d’autant que les budgets dédiés au sport sont fortement amputés. Supprimer les toutes petites niches fiscales n’aura que peu d’incidence sur les finances publiques. Mieux vaut privilégier les baisses de dépenses, logique qui n’est pas suffisamment suivie dans ce budget.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Nos athlètes, par leurs performances aux Jeux olympiques, nous ont remplis de fierté : continuons à leur donner les moyens d’œuvrer à faire briller la France partout dans le monde. Supprimer ce petit avantage fiscal ne renflouera pas les caisses de l’État, mais leur retirera une petite aide. On voit toute l’indécence de ce gouvernement : au lieu de creuser dans les vraies niches fiscales ou de réduire le train de vie de l’État, il préfère taper sur les sportifs ou sur les personnes décorées de la médaille militaire ou de la Légion d’honneur. Cela n’a aucun sens : il nous faut un vrai budget.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Contrairement aux prix Nobel et aux médaillés militaires, les sportifs ont déjà un avantage. Aux termes du code général des impôts, les dépenses visées sont déjà déductibles de l’impôt sur le revenu pour les sportifs qui optent pour le régime en frais réels : « sont assimilées à des frais professionnels réels les dépenses exposées en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une qualification professionnelle dans la perspective d’une insertion ou d’une conversion professionnelle par les personnes tirant un revenu de la pratique d’un sport ». Par ailleurs, je ne suis pas certain que Kylian Mbappé ait besoin d’une telle exonération pour sa reconversion. Avis défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Les écarts entre les sportifs professionnels sont tels qu’appliquer à tous la même règle semble peu pertinent. Cette exonération serait contre-productive pour ceux qui ont amassé des fortunes colossales. L’intérêt de fiscaliser un revenu est que notre fiscalité est conçue pour être progressive : la fiscalisation aura une incidence nulle ou faible pour une personne disposant de peu de revenus ; mais pour celle qui a des revenus élevés, il ne paraît pas anormal qu’un impôt s’applique.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1623 de M. Jocelyn Dessigny

M. Jocelyn Dessigny (RN). Cet amendement vise à maintenir l’exonération d’impôt sur le revenu pour les gratifications allouées aux vieux travailleurs ayant reçu la médaille d’honneur du travail.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette dépense fiscale, à l’effet incitatif nul, ne se justifie pas. Par ailleurs, je vous avoue avoir du mal à saisir le sens de cette distinction décernée pour la simple raison qu’une personne a fait son travail.

M. Daniel Labaronne (EPR). Certains disent qu’il faudrait s’attaquer aux niches les plus importantes au lieu de viser les plus petites, mais mes amendements destinés à modifier le crédit d’impôt services à la personne, l’une des plus grosses niches existantes, ont été rejetés ! Ce que nos discussions montrent, c’est que nous sommes tout simplement dans l’incapacité de réduire les niches fiscales, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes. Or cette succession d’avantages nuit à la lisibilité de notre système fiscal.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1769 de M. Laurent Wauquiez ; amendements identiques I-CF248 de M. Corentin Le Fur, I-CF1384 de M. Laurent Mazaury et I-CF1880 de M. Laurent Baumel ; amendement I-CF247 de M. Corentin Le Fur ; amendements identiques I-CF192 de M. Hervé de Lépinau, I-CF521 de Mme Claire Lejeune, ICF666 de Mme Marie-Christine Dalloz, ICF1517 de M. Emmanuel Mandon, ICF1633 de M. Jocelyn Dessigny et I-CF1881 de M. Nicolas Sansu ; amendement I-CF1653 de M. Jocelyn Dessigny (discussion commune)

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Ces amendements, auxquels je tiens tout particulièrement, visent à maintenir la réduction d’impôt pour frais de scolarité – article 199 quater F du code général des impôts. Sa suppression est une attaque en règle contre les familles, qui n’a pas lieu d’être à l’heure où notre natalité chute. Je précise que 2,5 millions de foyers verraient leur pouvoir d’achat affecté.

M. Corentin Le Fur (DR). Cette mesure est en effet particulièrement malvenue. Il s’agit pour nous de défendre les familles et leur pouvoir d’achat.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Cette réduction d’impôt ferait partie, selon les termes de l’exposé des motifs de l’article 5, des dépenses fiscales « dont la justification ou l’efficacité sont contestables ». Or, comme elle a un caractère forfaitaire, elle est structurellement plus favorable aux contribuables dont les revenus sont les moins élevés, à l’instar du nouvel abattement forfaitaire sur les revenus des personnes retraitées. Il nous paraît équitable de la maintenir.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Cette réduction d’impôt dont bénéficient 2,7 millions de foyers fonctionne très bien : elle permet aux ménages les plus modestes d’accompagner leurs enfants dans leur scolarité, notamment jusqu’aux études supérieures. L’ascenseur social est en panne dans notre pays et chaque petite mesure compte quand il s’agit d’alléger les finances des familles de la classe moyenne. N’allons pas à rebours de ce qu’il faut faire.

M. Nicolas Sansu (GDR). Une simple remarque : il serait intéressant en outre de s’interroger sur les moyens de verser directement des aides aux familles qui en ont le plus besoin sans passer par l’intermédiaire des dépenses fiscales.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis favorable à l’ensemble des amendements.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Pour ma part, j’y suis défavorable. L’idée de supprimer cette niche, dont le coût s’élève à 400 millions, ne vient pas de nulle part : selon la Cour des comptes et le Conseil des prélèvements obligatoires, elle est redondante avec le dispositif de l’allocation de rentrée scolaire et les bourses étudiantes et elle est mal ciblée car, dans les faits, elle est utilisée avant tout par les familles les plus aisées, celles des déciles 9 et 10. Il faut donc la supprimer.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Vous plaisantez, j’espère : ce sont en réalité les foyers moyens les premiers concernés. Vos parents ont peut-être bénéficié de cette réduction d’impôt pour vos études, laissez cette chance à d’autres. Supprimer cette niche ne rapportera presque rien aux finances publiques.

Vous et vos collègues du gouvernement ne voulez pas vous attaquer aux vraies dépenses : aucune agence de l’État n’est remise en cause, par exemple. Vous cherchez juste à vous en prendre au portefeuille des Français sans taper dans celui de vos copains.

Mme Perrine Goulet (Dem). Honnêtement, je ne vois pas ce que 183 euros par an changent pour entretenir un étudiant, ni 61 euros pour un collégien. C’est négligeable en termes de pouvoir d’achat, alors que cette dépense fiscale a un coût important. Mieux vaut largement préserver les aides personnalisées au logement.

La commission rejette l’amendement I-CF1769.

Elle adopte les amendements identiques I-CF248, I-CF1384 et I-CF1880. En conséquence, les autres amendements tombent.

Mme Estelle Mercier (SOC). Serait-il possible, monsieur le président, de disposer demain d’un chiffrage des dépenses fiscales supplémentaires que nous avons adoptées aujourd’hui ?

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Réunion du mardi 21 octobre 2025 à 9 heures ([suite] article 5 à article 11)

https://assnat.fr/HCGVem

La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général).

Amendement I-CF520 de Mme Mathilde Feld

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Les frais de scolarité pèsent lourdement sur l’ensemble des familles et s’élèvent en moyenne à 600 euros par an en primaire, à 890 euros au collège et à 1 120 euros au lycée. Ce sont même 16 % des familles qui sont contraintes d’emprunter de l’argent à des proches pour passer la difficile période de la rentrée. Il convient donc de refuser la suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité, d’autant plus que d’autres mesures vont toucher les familles, à commencer par celles visant à raboter les allocations familiales. Par cet amendement, nous proposons même de transformer cette mesure en crédit d’impôt, afin qu’elle ne bénéficie pas qu’aux plus aisés. Les familles non imposables, donc aux plus faibles ressources, doivent également bénéficier d’une aide.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Le système ici proposé me semble d’une complexité inouïe. De plus, nous en avons parlé hier soir, la Cour des comptes craint qu’un tel dispositif soit redondant. Renforcer les moyens des familles peut être un choix : il suffit, le cas échéant, d’augmenter l’allocation de rentrée scolaire ou de revaloriser les bourses. Thomas Cazenave et moi-même préconisons d’ailleurs cette dernière mesure dans notre rapport d’information sur la réforme des bourses étudiantes, en plus de la suppression de cette niche fiscale que vous souhaitez transformer en crédit d’impôt.

M. le président Éric Coquerel. De cette manière, nous répondrions tout de même aux éléments soulevés hier soir – même si je reconnais que le crédit d’impôt ne constitue pas nécessairement la meilleure des solutions.

M. Nicolas Sansu (GDR). Pour ma part, je comprends tout à fait l’esprit de cet amendement. En effet, une réduction d’impôt ne s’applique qu’à ceux qui en payent, tandis qu’un crédit d’impôt concerne tout le monde ; c’est beaucoup plus équitable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1385 de M. Jean-Pierre Bataille

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Il vise à maintenir le crédit d’impôt destiné à la formation des chefs d’entreprise, à qui nous devons manifester notre soutien. Il est limité à quarante heures de formation par an, rémunérées au niveau du smic horaire. Une telle mesure serait donc symbolique, mais importante pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME).

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le fait générateur de ce crédit d’impôt s’est éteint le 31 décembre 2024 et celui-ci ne produit donc plus d’effets juridiques. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1386 de M. Michel Castellani

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Cet amendement vise à maintenir le crédit d’impôt relatif aux rachats d’entreprises par ses salariés : il s’agit du fameux dispositif Scop (sociétés coopératives et participatives). Pour mémoire, de tels rachats sont possibles pour les entreprises de plus de quinze salariés et l’avantage fiscal correspondait au montant de l’impôt sur les sociétés de l’année n – 1.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sauf erreur de ma part, ce crédit d’impôt était applicable aux rachats effectués entre le 15 avril 1987 et le 31 décembre 1991. Il ne produit donc plus d’effet juridique depuis trente-quatre ans. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1882 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement vise à conserver trois exonérations : l’exonération d’impôt sur le revenu de l’aide financière à la création ou à la reprise d’une entreprise ; l’exonération d’impôt sur le revenu des intérêts du différé de paiement accordé lors de la transmission d’une exploitation agricole ; et l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les propriétaires de parcelles situées en zone humide. Cette dernière mesure a été prise il y a très longtemps, tandis que, sauf erreur, les deux premières ne sont plus en vigueur.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le fait générateur de l’exonération d’impôt sur le revenu des intérêts du différé de paiement accordé lors de la transmission d’une exploitation agricole s’est éteint en 2010 et le dispositif n’a plus d’incidence budgétaire depuis 2023. Comme précédemment, mon avis est défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Il reste l’exonération en faveur des zones humides.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1871 de M. Jean-Philippe Tanguy

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le dispositif que cet amendement vise à conserver s’est éteint l’an dernier. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1507 de M. Emmanuel Mandon

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement tend à supprimer une dépense fiscale à l’efficacité douteuse et dont le nombre de bénéficiaires – des entreprises faisant l’acquisition d’œuvres originales et d’instruments de musique – est très restreint. De plus, cette niche ne représente que 2 millions d’euros. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1872 de M. Jean-Philippe Tanguy

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Tant que la pression fiscale ne baissera pas, nous nous opposerons à la suppression de ces niches.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Je ne comprends pas l’exposé sommaire de cet amendement. Comme d’autres dont votre groupe est l’auteur, il indique que vous êtes contre la suppression de dispositifs qui n’ont plus aucun effet budgétaire et qui ne concernent qu’un très faible nombre de bénéficiaires. Ne pensez-vous pas que l’administration fiscale perd son temps avec ces dispositifs ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF1622 de Mme Lisa Belluco, I-CF1654 de M. Jocelyn Dessigny et I-CF1873 de M. Jean-Philippe Tanguy, amendement ICF1883 de M. Charles de Courson (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (EcoS). Les zones humides sont essentielles pour prévenir les inondations, préserver la biodiversité et stocker l’eau, ce qui est très important avec la récurrence des sécheresses. Or les scientifiques estiment que 64 % des zones humides de la planète – je dis bien 64 % – ont disparu depuis 1900. En France, seuls 6 % des habitats humides sont en bon état de conservation. Il est donc urgent de les préserver.

Les propriétaires qui agissent en ce sens peuvent être partiellement exemptés de taxe foncière sur les propriétés non bâties. Cependant, les alinéas 28 et 29 du présent article suppriment cette niche fiscale, l’une des rares favorables à la biodiversité.

D’après le Réseau Action Climat, 37 milliards d’euros de dépenses publiques néfastes à l’environnement seraient à réorienter d’urgence vers la planification écologique. Ce devrait être l’objet de cet article, plutôt que de supprimer une niche fiscale verte.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Le gouvernement entend supprimer l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties, dispositif créé pour compenser les contraintes réglementaires imposées aux exploitants. Il ne s’agit pourtant pas d’une niche fiscale, mais d’une mesure d’équilibre. Le coût du dispositif, inférieur à 3 millions d’euros par an, est dérisoire pour l’État, mais déterminant pour les exploitants concernés.

Pour la première fois depuis des décennies, la balance commerciale agricole de la France est négative. Les agriculteurs sont pris à la gorge. Après l’accord avec le Mercosur et alors qu’ils souffrent déjà de l’inégalité des normes, leur retirer cette exonération serait un coup de couteau dans le dos supplémentaire. On marche sur la tête !

M. Charles de Courson (LIOT). Cette mesure relative au foncier non bâti, qui ne représente que 3 millions d’euros, a été prise notamment parce que les propriétaires de marais ne peuvent en tirer aucun revenu. Or avec cet article, ces parcelles seront assujetties à l’impôt.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La fiscalité sur le foncier non bâti est illisible, les exonérations pouvant être permanentes, temporaires, imposées par l’État ou décidées par les collectivités territoriales ; sans jeu de mots, c’est un marais. Je propose de nous en remettre aux communes et aux EPCI – établissements publics de coopération intercommunale – et de laisser le terrain décider. Avis défavorable.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement I-CF1883 tombe.

Amendements identiques I-CF901 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF1073 de M. Eddy Casterman, amendement I-CF1527 de M. Emmanuel Maurel, amendements identiques I-CF17 de Mme Nicole Le Peih, I-CF149 de M. Nicolas Ray, I-CF431 de M. Éric Woerth, I-CF708 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF1165 de M. Charles de Courson, I-CF1423 de Mme Anne-Sophie Ronceret, I-CF1752 de Mme Félicie Gérard, I-CF1821 de M. Jean-Luc Fugit et I-CF1875 de M. Laurent Wauquiez, amendement I-CF1074 de M. Eddy Casterman, amendements identiques I-CF95 de M. Vincent Trébuchet et I-CF422 de M. Pierre Meurin, amendements ICF504 de M. Vincent Trébuchet et I-CF409 de M. Pierre Meurin, amendements identiques I-CF603 de M. Thierry Liger, I-CF1051 de M. Christophe Plassard et ICF1662 de M. Jocelyn Dessigny, amendements I-CF1667, I-CF1671 et I-CF1673 de M. Jocelyn Dessigny, I-CF1516 de M. Jean-Paul Mattei et I-CF1387 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)

M. Eddy Casterman (RN). Les amendements identiques I-CF901 et I‑CF1073 visent à empêcher que la filière des biocarburants ne subisse une véritable saignée fiscale. Pourquoi vouloir frapper du marteau de la taxe un carburant vert qui fait baisser de plus de 50 % aussi bien le prix à la pompe que les émissions de gaz à effet de serre, qui crée plus de 10 000 emplois dans la France rurale et qui ne fait pas les poches des automobilistes et des Français les plus modestes ? Est-ce un crime pour ainsi condamner une filière à la guillotine fiscale, avec une explosion de 400 % des taxes ?

J’ajoute que les carburants verts contribuent à diversifier et à stabiliser les revenus de certaines filières agricoles actuellement en souffrance, comme chez moi, dans l’Aisne, où les planteurs de betteraves subissent déjà de multiples avaries économiques. Je pense à l’accord avec le Mercosur, à la concurrence déloyale de l’Ukraine et à l’augmentation de la taxe soda.

Je rappelle enfin le formidable potentiel énergétique des carburants verts, qui pourraient faire rouler 5 millions de voitures hybrides rechargeables flex fuel – polycarburants –, un potentiel qui redevient d’actualité alors que la Commission européenne s’apprête à revenir sur l’interdiction des véhicules thermiques à l’horizon 2035.

Donnons de la visibilité et de la stabilité à la filière des biocarburants et protégeons le pouvoir d’achat des Français.

Mme Nicole Le Peih (EPR). Maintenir les alinéas 32 à 38 de l’article 5 serait une triple faute.

Une faute écologique, d’abord, car en taxant le carburant B100, issu de protéines végétales, et le superéthanol E85, nous pénaliserions des carburants entièrement produits en France et par surcroît à partir de colza, de blé et de betterave, ce qui permet jusqu’à 70 % de réduction des émissions de gaz à effet. De plus, cette production participe de notre souveraineté protéique.

Une faute économique, ensuite, car ces filières concernent 120 000 exploitants agricoles, 30 000 emplois industriels et procurent une valeur positive de plus de 2 milliards d’euros pour notre balance commerciale. Les affaiblir reviendrait à détruire des débouchés agricoles et à favoriser des carburants fossiles ; ce serait une menace pour notre compétitivité.

Une faute sociale, enfin, parce que le E85 coûte 80 centimes de moins par litre et qu’il est choisi par près de 1 million d’automobilistes pour préserver leur pouvoir d’achat et concilier économie et écologie.

Ne punissons pas la France qui produit. Ne taxons pas ceux qui décarbonent. Votons ces amendements visant à supprimer les alinéas 32 à 38.

M. Nicolas Ray (DR). À l’instar des précédents, l’amendement I-CF149 tend à revenir sur la hausse brutale de la fiscalité relative aux biocarburants E85 et B100, qui sont une solution alternative au gazole fossile, notamment pour le transport routier.

Le E85 fait l’objet d’un fort engouement de la part des automobilistes. La suppression de sa fiscalité avantageuse serait donc un signal particulièrement négatif, d’ailleurs en contradiction avec nos objectifs de transition écologique.

De plus, nous avons besoin de stabilité fiscale : on ne peut constamment changer de règles.

M. Charles de Courson (LIOT). Il s’agit ici aussi de préserver la stabilité de la politique énergétique. Alors que cela fait vingt ans que les gouvernements successifs favorisent les biocarburants, on nous propose de supprimer brutalement les avantages fiscaux dont bénéficient le B100 et le E85, et ce pour récupérer respectivement 148 et 141 millions d’euros, soit un total de 289 millions. C’est totalement inadapté. Dans ces conditions, fermons aussi les outils industriels et licencions tout le personnel !

De plus, les biocarburants réduisent les émissions de CO2 de près de 50 %. Certains arguent qu’il faut directement passer au moteur électrique, mais son développement est très lent. Conservons donc la fiscalité actuellement en vigueur. Grâce au B100, les transporteurs routiers payent leur carburant deux fois moins cher.

Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). En effet, ces amendements identiques visent à neutraliser la fiscalité sur le E85 et le B100, afin d’éviter un report vers des carburants plus carbonés. Il s’agit d’un enjeu concret pour nos agriculteurs, nos entreprises, mais aussi nos industriels qui investissent sur nos territoires. Ces filières mobilisent plus de 120 000 exploitants agricoles et 30 000 emplois industriels dans le pays. Elles jouent un rôle essentiel dans la transition écologique, pour le développement des territoires, pour la compétitivité ainsi que pour notre souveraineté énergétique et protéique. Il convient de garantir une trajectoire lisible, qui sécurise l’investissement et préserve l’emploi local.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Ces amendements visent en effet à empêcher une hausse brutale de la fiscalité sur le E85 et le B100. Ce dernier est le principal carburant alternatif au gazole fossile dans le secteur du transport routier de marchandises, tandis que le E85 fait l’objet d’un fort engouement de la part de certains automobilistes. Une hausse de 400 % – je dis bien 400 % – constituerait un signal négatif et en contradiction avec nos objectifs de transition écologique.

M. Pierre Meurin (RN). Non seulement les biocarburants contribuent à la transition écologique, mais ils constituent une filière souveraine. En essayant de la casser, il semble que vous vouliez mettre tous vos œufs dans le même panier et aller à marche forcée vers la voiture électrique chinoise qui, elle, n’a rien de souverain et dont les vertus écologiques sont plus que douteuses.

Je rappelle que le bioéthanol réduit les émissions de CO2 de 50 % et les émissions de particules fines de 90 %, ce qui est particulièrement vertueux sur le plan sanitaire et utile dans nos aires urbaines, sur fond de ZFE (zones à faibles émissions) – dont j’espère la disparition.

Il convient d’arrêter le stop and go législatif. Par un effet d’aubaine de pouvoir d’achat, 1 million de personnes se sont engagées dans le bioéthanol : il faut arrêter de changer d’avis en permanence.

Je rappelle aussi que 20 000 camions roulent chaque jour au B100. Des transporteurs routiers ont investi massivement en ce sens et il est évident qu’une hausse de la fiscalité aurait un impact sur le pouvoir d’achat du consommateur final. Il ne faut pas légiférer tels des apprentis sorciers au motif de récupérer quelques sous.

Enfin, j’appelle votre attention sur le fait que le rapporteur général a lui aussi déposé des amendements, non pour refuser la hausse de la fiscalité sur les biocarburants, mais simplement pour l’amortir. Il faudra donc s’y opposer.

M. Thierry Liger (DR). Dans la lignée des amendements précédents, le I‑CF603 vise à supprimer l’alinéa 33, relatif au B100. J’insisterai simplement sur le caractère écologique de ce carburant et sur l’importance de ne pas changer les règles en cours de route pour les personnes qui ont fait des investissements.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Le B100 et le E85 sont des carburants bio qui devraient recueillir le soutien de tous ici, depuis les écologistes jusqu’à nous. De plus, il est produit en France, particulièrement dans le département de l’Aisne, tandis que les voitures électriques, Pierre Meurin l’a dit, viennent principalement de Chine. Il serait donc de bon sens de conserver les avantages fiscaux associés à ces carburants, afin de permettre à la filière de se développer. Il conviendrait même de la favoriser en lieu et place de celle des véhicules électriques, qui représentent une charge pour notre économie.

Je précise que mon amendement I-CF1673 tend à préserver la niche fiscale relative aux voitures anciennes et véhicules de collection.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le E85 est utilisé par 1 million de personnes qui, comme l’a dit M. Liger, ont investi pour rendre leur véhicule compatible. Elles ont fait confiance à une recommandation de l’État, raison pour laquelle je suis favorable à tous les amendements visant à préserver le tarif réduit relatif à ce carburant.

Le B100, lui, pose une question industrielle, étant donné que nous importons du bioéthanol de la zone Mercosur et que nous sommes déficitaires. Afin de ne pas porter préjudice à cette filière, je suis aussi favorable à la conservation de l’avantage fiscal pour ce carburant.

S’agissant des véhicules de collection, il s’agit en revanche d’une niche dans la niche. Je suis défavorable au maintien de l’avantage fiscal afférent, d’autant que les propriétaires concernés bénéficient d’autres avantages.

En clair, je suggère d’adopter les amendements I-CF17 et identiques, qui sont mieux écrits et qui permettraient de préserver d’un même geste les seuls tarifs réduits d’accise destinés au B100 et au E85.

M. Eddy Casterman (RN). Je fais simplement remarquer que les amendements identiques I-CF901 et I-CF1073, certes rédigés différemment que les identiques suivants, auraient exactement le même effet.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Au risque de vous contredire, ces deux amendements incluent l’exonération relative aux poids lourds de collection.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Le B100 et le E85 semblent faire l’unanimité, mais je tiens à rappeler que ce n’est pas parce qu’il s’agit de biocarburants qu’ils sont bio tout court ; renseignez-vous. La production mondiale de biocarburants émet 16 % de CO2 en plus que les carburants fossiles, sans compter la consommation d’eau que demande l’exploitation du colza. De plus, nous ne sommes pas du tout souverains en la matière, comme en attestent nos importations massives depuis les États-Unis. Ce pays pousse d’ailleurs cette question des biocarburants, car il s’agit pour eux d’une production très importante.

J’ajoute que les biocarburants portent également atteinte à notre souveraineté alimentaire, dans la mesure où ils suggèrent une prédation de terres agricoles très fertiles. Ici réside d’ailleurs la vraie question. Nous n’aurions jamais dû créer une niche fiscale pour soutenir le groupe Avril et Arnaud Rousseau.

Cela étant, la brutalité de la proposition du Gouvernement pose problème. On supprime un avantage sans solution alternative – et on aura les gilets jaunes dans la rue.

M. Pierre Meurin (RN). Le discours de la gauche est à géométrie variable : elle défend les énergies renouvelables quand il s’agit d’éoliennes, par exemple, mais pas quand il s’agit des biocarburants – qui sont pourtant bien renouvelables ! Votre mauvaise foi à ce sujet ne s’explique-t-elle pas par votre idéologie antivoiture ?

La filière du biocarburant soutient certaines exploitations de betterave sucrière – à terme, cela pourrait également être le cas d’exploitations viticoles. Même si on peut discuter du coût de revient de cette filière, pourquoi la critiquez‑vous, alors qu’elle est souveraine ? D’ailleurs, pourquoi, si ce n’est par provocation, le gouvernement propose-t-il de telles suppressions d’avantages fiscaux ?

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Je souscris aux arguments de Mme Arrighi. Le problème est la brutalité avec laquelle le gouvernement a décidé de cette mesure, sans aucune concertation ni évaluation. Sur le fond, cette filière n’est pas du tout souveraine. Pour soutenir nos agriculteurs, il faudrait garantir leurs retraites, leurs salaires, des prix planchers, plutôt que d’encourager des choix de culture très contestables.

M. Charles de Courson (LIOT). Est-il raisonnable, de la part du gouvernement, de supprimer brutalement un avantage qui a été voté gouvernement après gouvernement et a permis le développement d’une filière agro-industrielle ? Près de 25 % des betteraves produites en France sont désormais transformées en bioéthanol. Au sein de cette commission, nous sommes donc très majoritairement favorables à ces amendements de suppression. Nous verrons si le Gouvernement formule des contre-propositions.

La commission rejette successivement les amendements identiques I-CF901 et ICF1073 et l’amendement I-CF1527.

Puis elle adopte les amendements identiques I-CF17, I-CF149, I-CF431, ICF708, ICF1165, I-CF1423, I-CF1752, I-CF1821 et I-CF1875.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Amendement I-CF638 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (EcoS). Mon amendement vise à mettre fin à une aberration écologique et fiscale : l’exemption de taxation du kérosène pour les vols domestiques. Cette exemption est injustifiable alors que tout un chacun paie à peu près 1,70 euro par litre de carburant pour sa voiture et que le kérosène est le carburant le plus polluant de tous. Selon l’Ademe, l’Agence de transition écologique, le transport aérien émet entre quatorze et quarante fois plus de CO2 que le train, par kilomètre parcouru et personne transportée, sans compter le méthane et le protoxyde d’azote libérés à la combustion.

Contrairement à ce qu’on entend souvent, rien n’interdit de taxer les vols intérieurs. Les États-Unis, le Japon et la Suisse le font déjà. En outre, si le kérosène était taxé au même niveau que le carburant des véhicules individuels, le rendement serait de l’ordre de 500 millions d’euros. Nous en avons besoin en cette période de déficits importants. Ce serait aussi un signal fort : nous ne pouvons pas continuer à subventionner les énergies fossiles et le trafic aérien.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La taxation du transport aérien a déjà beaucoup augmenté l’an dernier. Dans son rapport d’information sur l’application des mesures fiscales du 30 septembre 2025, M. de Courson a montré que cette hausse entraînait d’ores et déjà des reports de trafic des aéroports français vers l’étranger, notamment l’Europe du Sud. Certes, votre amendement ne concerne que les vols intérieurs, mais comme disait Pierre Dac, « tout est dans tout, et réciproquement. » Avis défavorable.

M. Kévin Mauvieux (RN). C’est le retour des écolos taxeurs. À chaque PLF, c’est la même chose : des taxes, des taxes, des taxes – c’est incroyable. Les écologistes viennent de s’opposer au maintien d’une fiscalité avantageuse sur le biocarburant E85, après que l’État a passé des années à inciter nos concitoyens à investir dans les boîtiers nécessaires à ce carburant, alors qu’ils n’ont pas d’argent.

Le biocarburant était présenté comme une nouvelle norme écologique, meilleure que le diesel – d’ailleurs, ce carburant aussi a été lourdement taxé après que son usage a été encouragé pendant des années. Je parie que dans quelques années, vous ferez la même chose avec les voitures électriques, parce que la construction des batteries nécessite beaucoup de terres rares et d’eau, et ainsi de suite. Vous tondez les Français sous des prétextes pseudo-écologiques, qui ne servent à rien pour la planète, car il s’agit en réalité de renflouer les caisses de l’État. Stop.

M. le président Éric Coquerel. Le présent amendement ne vise pas à taxer davantage le kérosène, mais à mettre fin à l’exonération dont il bénéficie. Le transport aérien est avantagé, alors qu’il n’est pas pour rien dans le réchauffement planétaire. Cette mesure ne me semble pas de même nature que celle qui avait suscité le mouvement des gilets jaunes, au vu des différences sociologiques entre les usagers des moyens de transport concernés.

M. Tristan Lahais (EcoS). Quelles que soient nos propositions, vous prétendez toujours avancer un argument magique, celui des effets de bord liés à la concurrence internationale. En l’occurrence, vous répondez que le présent amendement pousserait les voyageurs à prendre des vols internationaux depuis des aéroports étrangers au lieu des aéroports français. Vous évitez ainsi toute considération sur l’urgence écologique.

Monsieur Mauvieux, nous sommes d’accord, la transition écologique nécessite un accompagnement social au quotidien, pour ceux qui n’ont pas d’autres moyens de transport que la voiture pour aller travailler, par exemple. Mais ici, il s’agit des vols intérieurs. Vous êtes dans la confusion et vous oubliez que la transition écologique est nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF899, I-CF965 et I-CF976 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (EcoS). Ces trois amendements visent à supprimer progressivement, en trois ans, les subventions à la consommation d’énergie fossile dans les entreprises énergo‑intensives.

Les amendements I-CF965 et I-CF976 visent à supprimer les subventions à l’achat de gaz naturel.

Quant à l’amendement I-CF899, il vise à supprimer le tarif réduit sur la consommation de charbon dans les industries énergo-intensives – car celui-ci reste bel et bien en vigueur ! Au minimum, il faudrait adopter cet amendement, qui corrigera une aberration écologique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les entreprises bénéficiaires des tarifs visés aux amendements I-CF899 et I-CF965 sont déjà soumises au principe pollueur-payeur. Quant à celles visées par votre troisième amendement, elles bénéficient d’une accise réduite, parce qu’elles sont exposées à la concurrence internationale.

Dans un contexte de fortes tensions du commerce international et de désindustrialisation, il ne faut pas déstabiliser les entreprises concernées. Nous nous lamentons tous sur la désindustrialisation, qui est massive et s’inscrit dans le long terme. Peut-être faudrait-il en étudier les causes profondes, parmi lesquelles la taxation, qui est probablement trop importante ? Avis défavorable sur les trois amendements.

M. Daniel Labaronne (EPR). J’avais proposé dans le passé la suppression d’une subvention en faveur du charbon, au vu du faible nombre de ses bénéficiaires.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). L’État aussi consomme du charbon. De fait, avec la réduction de la part du nucléaire, que vous demandiez, il a fallu rallumer des centrales à charbon. Il faut en outre éviter que la désindustrialisation de notre pays se poursuive. Nous nous opposerons donc à vos amendements.

Mme Eva Sas (EcoS). J’entends la préoccupation pour la désindustrialisation. Toutefois, l’amendement I-CF899 ne coûterait que 12 millions d’euros ; son adoption ne déstabiliserait donc pas l’industrie française.

C’est la logique même des tarifs réduits qui doit être révisée. Actuellement, plus un acteur consomme d’énergie fossile, plus il reçoit de subventions. Il faudrait plutôt des subventions forfaitaires, pour soutenir l’industrie sans encourager la consommation d’énergie fossile.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF816 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (EcoS). Le présent amendement vise à accélérer la suppression du tarif réduit sur le gazole non routier (GNR) dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Cette niche fiscale s’éteindrait en deux ans, au lieu de quatre.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous voulez changer les règles, en accélérant la suppression de cette niche. Or l’un des problèmes de la France, outre la taxation trop importante des industries, est l’instabilité des règles. Les industriels peuvent s’adapter à des règles, même dures, mais uniquement s’ils disposent de visibilité. Au nom de la stabilité, avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Le coût de l’inaction climatique sera de 15 points de PIB en 2050. Si nous voulons éviter ce coût, il faudrait consacrer chaque année 2 points de PIB, soit 63 milliards d’euros, à l’investissement en faveur de la transition. Nous en sommes très loin.

Si nous ne faisons rien, nous assisterons à l’effondrement de l’économie au niveau mondial, à l’effondrement des industries, à cause des inondations, des feux de forêts et ainsi de suite. Et je peux vous assurer que le fonds Barnier ne permettra pas de faire face aux catastrophes naturelles.

M. Jocelyn Dessigny (RN). La dérive de l’écologie punitive réduira encore les marges de manœuvre des entreprises du bâtiment, alors qu’elles sont déjà en difficulté, notamment à cause des normes écologiques. Stop ! Il faut arrêter d’embêter les entreprises. Avec vous, il n’y aurait plus d’industrie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Madame Arrighi, il est faux de prétendre que nous ne faisons rien. Par exemple, la fin du tarif réduit du GNR pour le BTP est bien prévue. Simplement, nous ne voulons pas modifier les règles que nous avons fixées. Comment les acteurs arriveront-ils à suivre si nous modifions les règles chaque année ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1388 de Mme Estelle Youssouffa

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Curieusement, le présent texte prévoit de supprimer dès cette année l’aide allouée aux entreprises affectées par le cyclone Chido, à Mayotte. Notre amendement vise à proroger cette aide jusqu’au 1er janvier 2029 ; c’est le moins que nous puissions faire pour nos compatriotes mahorais.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis ennuyé, car les principaux intéressés ne m’ont pas fait part de demande particulière en ce sens. Avis de sagesse.

M. Charles de Courson (LIOT). Soyez rassuré, c’est Mme Youssouffa qui a fait remonter ce problème du terrain.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1389 de M. Jean-Pierre Bataille

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Denis Masséglia (EPR). J’ai déjà l’impression d’être dans Un jour sans fin : c’est toujours la même chose. Avec l’amendement I-CF520 de Mme Feld, nous venons de voter en faveur d’un crédit d’impôt qui coûtera plusieurs centaines de millions d’euros, si ce n’est 1 milliard d’euros. Je ne sais pas où on va. Le budget risque de ne ressembler à rien !

La commission rejette l’amendement.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Attention : quand nous avons voté l’amendement I-CF520 de Mme Feld, nous pensions qu’il visait à créer un crédit d’impôt pour les frais de scolarité. En réalité, il renvoie à un article du code général des impôts consacré aux souscriptions en numéraire au capital des sociétés, ce qui n’a rien à voir. Sans doute y a-t-il eu une erreur de copier-coller dans la rédaction ; il faudra corriger ce problème en séance publique.

La commission adopte l’article 5 modifié.

Amendements de suppression I-CF250 M. Corentin Le Fur, I-CF293 de M. Alexandre Dufosset, I-CF522 de Mme Mathilde Feld, I-CF1572 de M. Éric Ciotti et I-CF1770 de M. Laurent Wauquiez

M. Corentin Le Fur (DR). Certains voudraient nous faire croire que les retraités sont des privilégiés qu’il faudrait taxer. Or les retraités vont déjà subir le gel des retraites, puisque l’année blanche concerne tout le monde – même si c’est difficile à accepter, on peut comprendre la philosophie de ce choix. Pourquoi en plus supprimer l’abattement fiscal de 10 % dont les retraités bénéficient ?

Beaucoup de retraités modestes ont exercé leur métier dans des conditions beaucoup plus difficiles que celles des actifs d’aujourd’hui. Il est injuste de les taxer davantage. En outre, il est malsain d’opposer les retraités entre eux. Il faut donc supprimer cet article.

M. Alexandre Dufosset (RN). Cet article affaiblira directement le pouvoir d’achat de nos aînés. Le passage à un abattement forfaitaire de 2 000 euros créerait de nombreux perdants parmi les ménages dont la pension nette est faible, mais légèrement au-dessus du seuil d’imposition, notamment des veuves et des veufs. La logique forfaitaire est trop grossière, elle ignore les notions d’isolement, de charges contraintes, de reste à vivre après loyer ou les contraintes d’énergie.

Enfin, la recherche d’économies ne doit pas se faire au détriment d’une catégorie dont le revenu est par définition rigide et sensible à l’inflation.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet article est un coup bas que vous aviez déjà tenté l’an dernier. Puisque vous refusez d’aller chercher l’argent là où il est, vous en êtes réduits à faire la poche des retraités et des malades souffrant d’une affection de longue durée. Vous prévoyez ainsi de geler les pensions et de remplacer l’abattement de 10 % sur les pensions par un abattement forfaitaire.

Mme de Montchalin avait osé parler de « justice entre les retraités ». Or cet article sera défavorable à tous les retraités dont la pension est supérieure à 1 660 euros. Pensons à ceux qui touchent 1 700 euros de retraite après avoir travaillé dur toute leur vie !

En outre, ce n’est pas entre les retraités mais entre les Français qu’il faut appliquer la justice fiscale. Pour cela, vous auriez pu voter hier la taxe Zucman, le rétablissement de l’ISF et la suppression de la flat tax. La suppression de cet article fera, je pense, l’unanimité.

M. Gérault Verny (UDR). La Macronie vient d’avouer que ce projet de budget ne ressemble à rien. Effectivement, il fait les poches de tous les Français. Après vous être attaqués aux actifs et aux entreprises, avec cet article, vous vous attaquez aux retraités. Il faut le supprimer, pour protéger le pouvoir d’achat de ceux qui ont travaillé toute leur vie.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Il faut protéger les retraités, qui ont travaillé durement toute leur vie et méritent de vivre dignement. C’est donc un devoir moral de maintenir l’abattement de 10 % dont ils bénéficient.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’abattement forfaitaire destiné aux retraités que propose le gouvernement à cet article a plusieurs limites. Il bénéficierait surtout aux couples de retraités, mais n’avantagerait que faiblement les retraités isolés, du fait des seuils d’imposition. Par ailleurs, il est susceptible de créer des effets de bord pour certaines prestations sociales.

Toutefois, l’abattement de 10 % en vigueur n’est pas non plus exempt de critique. Il bénéficie surtout aux plus aisés – ceux dont les revenus sont dans le dernier décile concentrent à eux seuls 30 % de son coût. Il s’agit par ailleurs de la troisième dépense fiscale de l’État, avec un coût de 5,3 milliards.

J’émets un avis défavorable à ces amendements de suppression, car je proposerai tout à l’heure de réécrire l’article. Il faudrait conserver l’abattement fiscal de 10 %, tout en abaissant son plafond, qui passerait de 4 399 euros à 3 000 euros. Le gain budgétaire serait de l’ordre de 920 millions d’euros, soit une somme proche du gain attendu du présent article, dans sa rédaction actuelle.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Derrière les termes techniques et les pourcentages, une fois encore, avec cet article, vous traitez les retraités comme une variable d’ajustement budgétaire. Pourtant, ils ont déjà largement contribué à la solidarité nationale, en finançant les écoles, les hôpitaux ou les routes. Il n’est pas acceptable de les soumettre à une nouvelle contrainte fiscale, alors qu’il faudrait faire preuve de reconnaissance. Ce n’est pas digne de notre nation.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). J’ai l’impression que les différents groupes seront unanimes pour maintenir l’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités. Personnellement, je m’y oppose. En effet, cet abattement est justifié par les frais professionnels, et n’a donc pas lieu d’être appliqué aux revenus des retraités.

En outre, les retraités bénéficient déjà d’autres avantages fiscaux et sociaux : un taux de CSG (contribution sociale généralisée) plus faible que pour les actifs ; un plafond majoré pour le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile ; diverses exonérations d’impôts, notamment pour la retraite du combattant. Ils bénéficient en outre de l’Aspa (allocation de solidarité aux personnes âgées) et de l’APA (allocation personnalisée d’autonomie). Les plus de 75 ans et les plus modestes bénéficient déjà d’exonérations de taxe foncière. Enfin, des exonérations de plus-value sont prévues pour les ventes de logement et les cessions d’entreprises des retraités.

Notre système de retraites est déjà très déséquilibré – il explique la moitié de notre endettement depuis 2017. Il ne serait pas sérieux de maintenir cet abattement fiscal. Le taux d’épargne des retraités atteint un niveau record. La classe politique le sait, mais refuse de le dire et de revenir sur le moindre avantage des retraités, par pur électoralisme. Ce n’est pas très responsable.

M. Charles de Courson (LIOT). La suppression de l’abattement fiscal de 10 % affecterait le revenu fiscal de référence des retraités, et donc le calcul des prestations, y compris pour les retraités qui ne sont pas imposables.

Si le plafond actuel de l’abattement de 10 %, d’un montant de 4 399 euros, est anormal, c’est parce qu’il vaut aussi bien pour les célibataires que pour les personnes mariées. Je propose de maintenir cet abattement, et le niveau actuel de son plafond pour les couples, mais de le diviser par deux – cela ferait 2 200 euros – pour les célibataires. Cette conjugalisation rétablirait la justice. Ne votez donc pas les amendements de suppression, afin de débattre du mien, qui suit.

M. Tristan Lahais (EcoS). Nous n’avons pas d’hostilité de principe au projet de demander un effort aux retraités de notre pays. En revanche, les efforts demandés sont mal ventilés – vous n’avez d’ailleurs pas voté en faveur de plusieurs mesures visant à accroître la fiscalité sur les plus hauts revenus.

Nous nous abstiendrons sur ces amendements. Si, selon nous, on peut supprimer le principe de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite, l’abattement forfaitaire proposé risque de peser sur des retraités aux pensions modestes, d’environ 1 600 euros par mois. Pour les épargner, nous proposerons en séance publique de relever le montant de l’abattement forfaitaire.

M. Philippe Brun (SOC). Nous voterons en faveur de ces amendements de suppression. C’est une question d’égalité devant l’impôt : il ne faut pas que les retraités payent davantage d’impôt sur le revenu que les actifs.

De fait, l’abattement de 10 % n’est en rien lié à des frais professionnels. S’il l’était, il ne s’appliquerait pas aux députés, dont les frais professionnels sont pris en charge. Simplement, de très longue date, le législateur a décidé que l’assiette de l’impôt sur le revenu était de 90 % des revenus, quels qu’ils soient.

M. Nicolas Sansu (GDR). Je voterai en faveur des amendements de suppression. L’application d’un abattement forfaitaire changerait le revenu fiscal de référence des retraités, si bien que les prestations dont bénéficient certains retraités risquent de passer à l’as.

Toutefois, monsieur de Courson, la conjugalisation de cet avantage fiscal ne serait pas juste, car certains frais sont les mêmes pour les célibataires et les couples – par exemple la taxe foncière.

Avec cet article, le gouvernement envisage de faire payer les petites retraites pour les très petites retraites, en oubliant de faire contribuer les plus aisés. Il devrait réfléchir à un autre système.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Chacun a relevé le côté inégal et injuste du remplacement de l’abattement de 10 % par un plafond. On nous explique qu’il est absolument impossible de toucher, par la taxe Zucman, à ceux qui ont un patrimoine supérieur à 100 millions d’euros mais taxer plus fortement les retraités qui perçoivent 1 666 euros par mois ne poserait pas de problème. Le décalage est insupportable et nous voterons donc les amendements de suppression.

Il est vrai que l’instauration d’un abattement de 2 000 euros pourrait être avantageuse pour les toutes petites retraites, inférieures à 1 666 euros par mois, mais pas toutes. Lorsque les personnes concernées sont en couple et qu’une des retraites perçues est inférieure à l’abattement, on ne pourra pas en bénéficier complètement, ce qui pourrait conduire à un désavantage par rapport à la situation actuelle. C’est pourquoi nous avons par ailleurs déposé l’amendement I-CF1248, qui préserverait le forfait tout en garantissant sa pleine opérationnalité pour les couples et permettrait de conserver l’abattement de 10 % pour les retraités qui touchent plus de 1 666 euros sans être riches pour autant.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 6 est supprimé et les autres amendements tombent.

Amendements de suppression I-CF227 de M. Moerani Frébault, I-CF914 de M. Christian Baptiste, I-CF1180 de M. Nicolas Sansu et I-CF1482 de M. Matthias Renault

M. Moerani Frébault (EPR). Si nous laissons passer l’article 7, je le dis avec gravité, nous prendrons la responsabilité d’une déflagration économique et sociale dans nos territoires.

Cet article représente de 300 à 400 millions d’euros de soutien en moins pour l’investissement productif, soit une baisse de 30 à 40 %, sans étude d’impact ni concertation. Tous les acteurs économiques sont vent debout contre cette mesure – la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom), le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), les acteurs du tourisme, du BTP et des transports aériens ainsi que ceux de l’agriculture et de la pêche. Tous nous alertent : cela arrêtera net les investissements et détruira des emplois.

Vendredi dernier, l’Assemblée de la Polynésie française s’est opposée à l’unanimité, autonomistes et indépendantistes réunis, ce qui est rare, contre cette évolution considérée comme injuste. Tous nos indicateurs économiques et sociaux sont déjà très dégradés par rapport à ceux de l’Hexagone. Dans ce contexte, fragiliser l’investissement productif serait une faute politique et économique.

Des amendements de suppression ont été déposés par des députés issus des groupes EPR, Modem, Rassemblement national, Socialistes, GDR et LIOT. Je vous demande à tous de bien vouloir soutenir les outre-mer en adoptant ces amendements.

Mme Estelle Mercier (SOC). Nous demandons la suppression de cet article. Cette première copie budgétaire du gouvernement s’attaque au dispositif issu de la loi pour le développement économique des outre-mer, la Lodeom, ainsi qu’au dispositif pour les investissements productifs, afin d’économiser respectivement 350 millions et 400 millions. L’aide fiscale à l’investissement productif est un outil à la fois ancien et important de soutien public à l’économie des territoires ultramarins.

M. Nicolas Sansu (GDR). Je me fais le porte-parole des collègues ultramarins du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui ont trouvé cet article extrêmement brutal. Il remet en cause un ensemble de dispositifs de défiscalisation et de soutien à l’investissement productif. On pourrait évidemment envisager des subventions, un soutien direct à la place des défiscalisations, mais rien de tel n’est prévu dans la seconde partie du projet de loi de finances pour aider les outre-mer en luttant contre la vie chère et en créant davantage d’emplois. Nous proposons donc de supprimer cet article et nous demandons au gouvernement de revenir vers les outre-mer pour présenter des dispositions un peu plus sérieuses et surtout moins indécentes vis-à-vis de nos compatriotes ultramarins.

M. Matthias Renault (RN). La défiscalisation pour l’investissement productif est un héritage lointain des lois Pons, Girardin et Perben – c’est le fruit de toute une construction réalisée par la droite de gouvernement –, qui ne visait pas à créer un paradis fiscal, comme l’ont fait, par exemple, nos amis du Royaume-Uni, même si cela pourrait être pertinent compte tenu des résultats économiques ainsi obtenus. Les dérives, objectives, de la loi Pons ayant été corrigées, c’est au cœur du dispositif des investissements productifs que le gouvernement s’attaque maintenant. S’il est possible de discuter, pour des raisons budgétaires, certaines défiscalisations destinées à l’outre-mer, c’est tout à fait malvenu pour ce qui est de l’investissement productif. Nous vous proposons donc de supprimer l’article 7.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. M. Frébault a raison de souligner qu’il manque des études d’impact, même si ce n’est que partiellement vrai. Une étude réalisée par l’Inspection générale des finances (IGF) a ainsi montré que le coût des dépenses fiscales a augmenté de plus de 95 % en sept ans – reste à savoir quelle a été l’efficacité de cette évolution, mais je crois que personne ne sait répondre à une telle question.

Je regrette, pour être très franc, la technique du rabot utilisée par le gouvernement – il aurait fallu faire ce que suggérait l’IGF, à savoir un ciblage – mais je suis également gêné par ces amendements, car la suppression de l’article nous priverait d’un débat sur les amendements suivants. J’émets donc un avis défavorable, en espérant que nos débats nous permettront d’arriver à un résultat mieux centré.

M. Christian Baptiste (SOC). S’agissant de l’efficacité, que vous venez d’évoquer, il s’agit de dispositifs qui maintiennent la compétitivité, l’emploi et l’investissement des entreprises. Nous proposons de ne pas les supprimer aujourd’hui, mais de prendre le temps de mener, au début du premier trimestre prochain, une véritable étude d’impact pour préparer le budget suivant. Je pense que nous pourrons alors trouver des solutions de compromis. Une coupe brutale serait une catastrophe pour nos économies. La sagesse serait de ne pas tout supprimer, mais d’étudier ensemble ces questions.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pour ce qui est des aides fiscales à l’investissement dans le secteur hôtelier, par exemple, le gouvernement souhaite instaurer un plafond de 7 000 euros le mètre carré – certaines situations sont, en effet, assez déraisonnables. Le gouvernement essaye, maladroitement, il est vrai, de mettre des limites à des pratiques qui ne paraissent pas raisonnables. J’aimerais que nous puissions discuter des amendements suivants.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 7 est supprimé et les amendements suivants tombent.

Amendement I-CF508 de M. Moerani Frébault

M. Moerani Frébault (EPR). Merci, chers collègues, pour le vote précédent.

La croisière est bien plus qu’un segment touristique : c’est une véritable opportunité économique, sociale et culturelle pour les territoires d’outre-mer. Le dispositif fiscal censé accompagner le développement de ce secteur est, pourtant, totalement inopérant. Du fait de la restriction de la base éligible à 20 % du coût des navires et de la limitation du taux de défiscalisation à 35 %, les aides ne représentent que 5 à 6 % du coût total, contre 30 à 40 % dans la plupart des autres secteurs, comme ceux de l’hôtellerie et des énergies renouvelables. Le résultat est qu’un seul projet a pu voir le jour depuis 2019.

Je vous propose de corriger cette incohérence. L’amendement ne vise pas à élargir le dispositif sans contrôle, mais à le rendre plus efficace en faisant évoluer la base éligible et en fixant un plafond par cabine, pour atteindre un niveau raisonnable et conforme aux standards du marché. Si nous voulons que le secteur de la croisière dans l’outre-mer devienne un levier de souveraineté et de développement durable, il faut lui donner les mêmes outils fiscaux qu’aux autres secteurs stratégiques.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement, soutenu par la Fédération des entreprises d’outre-mer, tend à élargir un avantage existant. La mission de l’IGF dont je vous ai parlé n’a pourtant pas démontré, en 2023, que ce régime avait un effet significatif sur la réalisation d’investissements dans l’outre‑mer. Vous demandiez tout à l’heure des études impacts : il a été démontré en l’espèce que le dispositif n’avait pas d’effets positifs, mais produisait seulement un effet d’aubaine. Par conséquent, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1240 de M. Nicolas Metzdorf

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement, lui aussi travaillé avec la Fedom, porte sur un dispositif concernant la rénovation de logements, qui a été assoupli par la loi de finances pour 2024. Comme le plafond actuel augmenterait considérablement, le coût serait probablement important. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1177 de M. Frédéric Maillot

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Même avis. L’IGF n’a pas considéré comme prioritaire un élargissement du champ du crédit d’impôt au titre des investissements dans l’outre-mer en ce qui concerne les travaux de rénovation ou de réhabilitation des logements intermédiaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF796 de Mme Béatrice Bellay

M. Christian Baptiste (SOC). Le crédit d’impôt en faveur du logement social dans les pays des océans, dits d’outre-mer, s’applique sous conditions aux organismes de logements sociaux. Il peut s’agir de logements-foyers et de logements spécialement adaptés à l’hébergement de personnes âgées de plus de 65 ans ou de personnes handicapées auxquelles des prestations de services de nature hôtelière peuvent être proposées. Le présent amendement vise à soutenir également la production d’Ehpad dans des territoires où les effets du vieillissement démographique sont très nets.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement, soutenu par l’Union sociale pour l’habitat, concerne un crédit d’impôt qui a déjà été assoupli et renforcé en loi de finances, et qui coûte 250 millions d’euros. Par ailleurs, je ne dispose pas d’éléments qui me permettraient d’affirmer qu’il existe effectivement un besoin particulier. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF774 de Mme Béatrice Bellay

M. Christian Baptiste (SOC). Cet amendement vise à créer un cadre fiscal incitatif et structurant pour accompagner le désamiantage et la reconstruction du parc de logements dans les pays des océans, dits d’outre-mer, tout en encourageant la structuration d’une filière locale pérenne de gestion de l’amiante, ce qui est indispensable pour la mise en œuvre d’une politique de l’habitat ambitieuse, sûre et équitable dans l’ensemble des territoires océaniens français.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il s’agit du même amendement, adapté à la question de l’amiante. Là non plus, je n’ai pas d’étude d’impact et je donnerai donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant les avis du rapporteur général, la commission rejette successivement l’amendement de suppression I-CF369 de M. Jean-Philippe Tanguy et l’amendement I-CF524 de Mme Mathilde Feld.

Amendements I-CF1669 de Mme Olivia Grégoire, I-CF1815 de M. Paul Midy et ICF527 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)

Mme Olivia Grégoire (EPR). On observe, depuis un moment, une baisse des levées de fonds de capital innovation, et nous avons atteint au premier semestre le point le plus bas en la matière depuis 2020. Or la fragilisation du financement de l’innovation nous fait courir un risque économique majeur. L’amendement I‑CF1669 a donc pour objectif de soutenir l’investissement intermédié en faveur du financement en fonds propres des jeunes entreprises innovantes, les JEI, notamment à travers les fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI). Ce que je vous propose est parfaitement conforme aux conclusions de la mission d’information de la délégation aux entreprises du Sénat qui a travaillé sur ce sujet. L’idée est d’élargir le champ d’investissement des FCPI pour éviter les failles de financement de l’innovation en France et soutenir davantage nos jeunes entreprises innovantes.

M. Paul Midy (EPR). En effet, il faut absolument soutenir les PME, qui ont des difficultés de financement. Le dispositif FCPI-PME permet de le faire. Grâce à lui, toutes les Françaises et tous les Français peuvent investir, par le réseau bancaire, dans les PME de tous les territoires et soutenir l’emploi. Il est donc très important de conserver ce dispositif. Mon amendement a le soutien de l’ensemble du groupe EPR.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Si l’on veut vraiment soutenir les PME, il faut surtout relancer la demande, donc arrêter de mener une politique qui empêche la consommation populaire. Notre économie, on le sait, repose sur elle.

Notre amendement I-CF524 visait à conserver un plafond de 15 millions d’euros, au lieu d’aller jusqu’à 16,5 millions, car ce sont les entreprises les plus petites que nous visons. L’amendement I-CF527 tend à garder le taux actuel, qui est de 25 %, au lieu de passer à 30 %. En effet, ce n’est pas le moment de continuer à élargir les niches fiscales. Par ailleurs, cet article aurait pour effet de recentrer le dispositif sur les jeunes entreprises innovantes alors qu’une note de l’Insee pointe que les mesures concernant les JEI ont un effet faible et incertain sur l’emploi. Il nous paraît assez périlleux de recentrer le dispositif dans le sens qui nous est proposé tout en augmentant le montant de cette niche.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Lors de leur création, en 1997, les FCPI étaient destinés à dynamiser l’industrie du capital-risque, mais ils ne représentent plus qu’une part marginale du flux. BPIFrance joue un rôle identique, tout en coûtant moins cher aux finances publiques. Le dispositif ne sera pas supprimé, car une réduction d’impôt restera possible pour les investissements dans les FCPI qui se tournent vers les JEI. Avis défavorable à ces amendements.

M. Paul Midy (EPR). Un dispositif, qui marche très bien – des milliers d’emplois ont été créés – a été mis en place en 2024 pour l’investissement dans les JEI. Il faut évidemment le garder, comme le propose le gouvernement. Nous souhaitons, par ailleurs, conserver des mesures pour les PME qui ne sont pas des JEI. C’est un dispositif plus restreint mais nécessaire pour le maintien de l’emploi et le financement des TPE-PME dans les territoires. Je vous invite donc à adopter mon amendement.

Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF1669 et adopte l’amendement I-CF1815.

En conséquence, l’amendement I-CF527 tombe.

Amendement I-CF1546 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Cet amendement concerne les entreprises solidaires d’utilité sociale (Esus), qui font partie de l’économie sociale et solidaire. Il faut absolument la soutenir : souvent, les organisations et les entreprises qui en relèvent ne bénéficient pas de tous les dispositifs destinés aux entreprises dites lucratives. Il faut aussi accompagner celles dites à lucrativité limitée, qui sont dotées d’une gouvernance vertueuse. Le présent amendement permettra aux Esus de bénéficier d’un soutien à l’investissement par l’intermédiaire du dispositif dit IR-PME.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement tend à proroger un dispositif qui doit s’arrêter au 31 décembre et à le majorer, en portant le taux de la réduction d’impôt de 25 à 30 %. Avis défavorable, à moins que vous n’acceptiez de retirer l’amendement pour le redéposer en séance dans une rédaction maintenant le seuil à 25 %.

M. Paul Midy (EPR). Je préfère que nous votions mais je pourrai, avec plaisir, continuer à améliorer cet amendement d’ici à la séance.

La commission adopte l’amendement.

Elle rejette l’article 8.

Amendement I-CF317 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). Cet amendement vise à rationaliser la dépense fiscale liée aux fonds communs de placement pour l’innovation, conformément aux recommandations de l’Inspection générale des finances. Ces dispositifs coûteux pour l’État se sont révélés peu efficaces. Ils n’assurent qu’un rôle secondaire dans le financement de l’innovation, alors que BPIFrance, acteur public, remplit cette mission d’une manière bien plus ciblée et performante. Toutefois, ce constat ne concerne pas les territoires d’outre-mer, ni la Corse, où les FCPI jouent encore un rôle structurant dans le financement des PME locales et la dynamisation du tissu économique. Nous vous proposons donc de suivre une approche différenciée, équilibrée et cohérente, qui allégera la dépense fiscale tout en préservant les territoires où ces outils restent nécessaires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. La suppression sans préavis que vous proposez serait très brutale, en particulier pour les entreprises innovantes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1505 de M. Emmanuel Mandon

M. Emmanuel Mandon (Dem). Nous sommes favorables, s’agissant des fonds d’investissement de proximité (FIP), à une rationalisation de la dépense fiscale qui permettra de réallouer des ressources publiques vers des mesures plus ciblées et plus efficaces en matière de soutien aux entreprises.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La situation est probablement un peu différente en Corse et dans l’outre-mer, car les FIP qui leur sont destinés sont tenus de consacrer 70 % de leur actif aux fonds gérés en non coté dans la région. Ces véhicules, qui ont réuni 26 millions d’euros en Corse et 11 millions dans l’outre-mer, représentent une part très significative des montants investis dans ces territoires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement ICF1813 de M. Paul Midy.

Amendement I-CF530 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet article tend à doubler le plafond de la niche dite Coluche. Bien que nous soyons en principe contre la défiscalisation, nous sommes bien obligés de soutenir cette mesure compte tenu de la politique délétère de M. Macron, qui a conduit à une détresse alimentaire sans précédent. Les macronistes ont refusé chaque année toutes les mesures qui permettraient aux personnes de vivre dignement – hausse des salaires, garantie d’autonomie pour les étudiants ou blocage des marges sur les produits alimentaires. Il y a désormais dans notre pays des files d’attente à perte de vue pour l’aide alimentaire et le scorbut fait son retour chez les enfants. Voilà la France d’Emmanuel Macron et de sa politique de malheur. On peut toujours augmenter le plafond du présent dispositif pour que l’État prenne à sa charge les trois quarts du coût pour ceux qui donnent, mais ce ne sera qu’un pansement sur une jambe de bois tant que nous n’aurons pas tiré un trait sur la politique de M. Macron. Par cet amendement, nous proposons de créer un crédit d’impôt pour ouvrir la possibilité de faire preuve de générosité à tous les Français, et non pas simplement à ceux qui paient des impôts.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le gouvernement veut augmenter le plafond du dispositif, ce qui permettra aux associations de recevoir plus de dons défiscalisés. Je vous propose de commencer par regarder ce que donnera cette évolution avant d’apporter une autre modification par la création d’un crédit d’impôt. Avis défavorable.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il s’agit de faire en sorte que les personnes qui donnent mais ne paient pas d’impôt puissent elles aussi bénéficier d’un dispositif, ce qui élargira le nombre de donateurs et permettra d’éviter que les mesures fiscales ne profitent qu’à ceux qui paient des impôts. Notre commission a entendu les Restos du cœur : leur président a expliqué qu’ils allaient devoir refuser des personnes, pour la première fois de leur histoire. On peut penser que les associations de lutte contre la précarité cesseront d’avoir du travail le jour où il n’y aura plus de pauvreté, mais le macronisme l’a tellement fait exploser dans notre pays que les associations sont débordées. Plus de 14 % de personnes sont passées sous le seuil de pauvreté, un tiers des demandeurs d’aide d’alimentaire a moins de 35 ans et il y a désormais 1 million de travailleurs pauvres. La pauvreté est à son plus haut niveau depuis 1996. Or des efforts sont demandés dans ce budget à celles et ceux qui n’ont déjà pas beaucoup, tandis que les efforts portant sur les plus riches sont divisés par deux. Le bilan du macronisme est une explosion de la pauvreté dans notre pays, et le budget pour 2026 ne fera qu’accélérer ce phénomène.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 9 modifié.

Amendement I-CF136 de M. Nicolas Ray

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le plafond pluriannuel de la déduction pour épargne de précaution (DEP) n’a pas été réévalué depuis sa création en 2019. Pourtant, l’inflation et la concentration des exploitations, qui ont conduit à une augmentation du chiffre d’affaires et des bénéfices, plaident mécaniquement pour son relèvement. J’y suis d’autant plus favorable que la DEP consolide les exploitations à un coût quasi nul pour l’État, puisqu’elle consiste à étaler la taxation des bénéfices agricoles – c’est avant tout une avance de trésorerie. Avis favorable.

M. Denis Masséglia (EPR). À l’article 9, nous avons transformé une réduction en crédit d’impôt. Je comprends la volonté de mieux accompagner nos concitoyens, mais combien cela va-t-il coûter ? Nous enchaînons les chèques en blanc ! Comment allons-nous financer tout cela ? J’aimerais vraiment qu’on dispose du coût de chaque mesure.

M. le président Éric Coquerel. Vous savez pertinemment qu’on ne peut pas regarder les choses uniquement comme ça. Certains pensent qu’on peut trouver des dizaines de milliards d’euros de recettes pour financer ces dépenses sans en faire payer le prix à nos concitoyens. C’est un choix, voilà tout.

M. Denis Masséglia (EPR). Pour la clarté des débats, nous avons besoin de connaître le coût des amendements adoptés !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous ne pouvez pas avoir des arguments à géométrie variable : beaucoup d’amendements adoptés à l’initiative du bloc central – nous en avons soutenu certains, notamment concernant les PME et les entreprises innovantes – n’étaient pas chiffrés, cela ne vous a posé aucun problème, mais celui qui encourage la générosité publique serait un scandale ? Au reste, les personnes modestes ne disposent pas d’une trésorerie excédentaire leur permettant d’avancer 2 000 euros : ce ne sont pas elles qui dépenseront l’intégralité du crédit d’impôt que nous avons créé.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques I-CF163 de Mme Danielle Brulebois, I-CF1795 de M. Guillaume Kasbarian et I-CF1806 de M. Jocelyn Dessigny

Mme Danielle Brulebois (EPR). Face à la multiplication des aléas climatiques et au montant croissant des dégâts qu’ils provoquent, il convient de réévaluer le plafond de la déduction pour épargne de précaution, qui est la meilleure assurance pour les exploitants.

M. Matthias Renault (RN). Après le minipsychodrame suscité par l’amendement Coluche, nous nous apprêtons à adopter des mesures fiscales en faveur des agriculteurs. Cela ne me semble pas d’une totale irresponsabilité budgétaire – mais je crois que le psychodrame concernait moins l’amendement Coluche que la fin de l’abattement fiscal spécifique aux outre-mer prévue à l’article précédent.

En réalité, le bloc central se demande si le budget pourra être voté en l’état, non pas que des dingueries aient été adoptées, mais en raison de la dégradation du solde. Peut-être nous en diront-ils plus dans la suite de la discussion.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Compte tenu de la multiplication des événements climatiques extrêmes, il me semble judicieux de renforcer le dispositif créé l’an dernier en portant à 50 % l’exonération fiscale dont bénéficient les exploitants agricoles ayant recours à la DEP. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques I-CF36 de M. Nicolas Ray, I-CF161 de Mme Danielle Brulebois, I-CF675 de Mme Marie-Christine Dalloz et I-CF1794 de M. Guillaume Kasbarian

M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à élargir l’exonération partielle de la réintégration des sommes déduites au titre de la DEP aux aléas économiques liés aux changements de saison et aux variations climatiques, qui sont un vrai problème pour nos agriculteurs.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Les aléas climatiques et économiques sont au cœur des préoccupations du monde agricole. Mon département a été fortement touché par la catastrophe sanitaire de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). Face à la détresse du monde de l’élevage et aux difficultés pour reconstruire un cheptel perdu, il faut aller au bout de la démarche et, dès 2026, assortir l’exonération fiscale décidée en 2025 d’une exonération sociale.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Effectivement, il convient d’élargir l’exonération aux aléas économiques sur lesquels les exploitants n’ont pas prise – cours des matières premières, enjeux géopolitiques. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques I-CF41 de M. Nicolas Ray, I-CF162 de Mme Danielle Brulebois et I-CF1804 de M. Jocelyn Dessigny

M. Nicolas Ray (DR). Les dispositions actuelles n’autorisent l’application de cette exonération qu’aux compensations versées par le FMSE – fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental. Certaines indemnisations pouvant être versées par d’autres organismes, comme c’est le cas pour la DNC, cet amendement vise à l’étendre à toutes les indemnisations versées dans le cadre d’un programme national reconnu par les pouvoirs publics, notamment en cas d’abattage ou de crise sanitaire.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Afin de répondre aux sinistres sanitaires gravissimes telle la DNC, cet amendement vise à étendre l’exonération partielle de 30 % applicable à la reprise de la déduction pour épargne de précaution que nous avons adoptée en 2025.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est une proposition de bon sens, qui comble un angle mort de la loi. Avis favorable.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je suis ravi que ce dispositif créé à l’initiative de notre majorité relative prospère : on élargit son assiette, on augmente son taux, tout cela est formidable. Mais cet outil, qui permet aux exploitants de prévoir des années où elles gagneraient moins, bénéficie surtout aux exploitations qui gagnent de l’argent : je tiens à alerter la représentation nationale sur la situation assez dramatique de nombreuses petites exploitations agricoles, notamment les viticulteurs, qui subissent depuis de trop nombreuses années les aléas climatiques. Il faudra leur accorder un soutien spécifique dans la deuxième partie du PLF.

La commission adopte les amendements.

Amendement I-CF1120 de Mme Perrine Goulet

Mme Perrine Goulet (Dem). Soutenir le monde agricole face à la DNC est une bonne idée. Cet amendement tend à élargir l’exonération aux indemnités versées aux exploitants horticoles et maraîchers dont les serres ont été détruites par des orages ou un épisode de grêle. En effet, la fiscalisation de ces indemnités empêche souvent la reconstruction des serres à l’identique, alors qu’il s’agit de leur outil de travail. Je précise que seules les sommes investies seraient concernées, à l’exclusion des revenus d’exploitation.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre intention est louable mais le dispositif que vous proposez est susceptible d’entraîner deux effets pervers : inciter les agriculteurs à ne pas s’assurer et pousser les assureurs à proposer des indemnisations minimales, puisque l’État compensera par un crédit d’impôt la différence avec la valeur comptable des installations détruites. Avis défavorable.

Mme Perrine Goulet (Dem). Certaines conséquences des aléas climatiques, comme la destruction des serres, ne sont pas indemnisables. Si les maraîchers et horticulteurs touchent des indemnités pour les reconstruire et poursuivre leur activité, elles sont fiscalisées ce qui réduit de fait le montant pouvant être réinvesti dans leur outil de travail. Encore une fois, il ne s’agit pas d’exonérer les revenus, simplement les investissements dans l’outil de travail.

M. Benoît Biteau (EcoS). M. Juvin craint un effet d’aubaine qui conduirait l’État à compenser tous les dégâts liés aux aléas climatiques. Mais force est de constater que certains secteurs agricoles ont du mal à accéder au régime assurantiel, notamment car les aides de la PAC, la politique agricole commune, pour adhérer aux assurances ne sont pas adaptées. On ne peut pas les laisser sur le bord de la route, d’autant que les maraîchers et les horticulteurs, qui produisent localement les produits, sont des acteurs essentiels de notre souveraineté alimentaire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je souscris à votre constat sur les difficultés assurantielles. Mais le dispositif risque d’inciter les assureurs, conscients que l’État couvrira intégralement la différence entre les indemnités et la valeur des biens perdus, à ne proposer qu’une indemnisation très minimale. Il faudrait retravailler le dispositif d’ici la séance. Je maintiens mon avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF864 de Mme Marie-José Allemand et I-CF143 de M. Nicolas Ray, et amendements identiques I-CF164 de M. Nicolas Ray, I-CF168 de Mme Danielle Brulebois, I-CF526 de Mme Nicole Le Peih, I-CF704 de Mme Marie-Christine Dalloz, et I-CF826 de M. Jean-Pierre Vigier (discussion commune)

M. Inaki Echaniz (SOC). Dû notamment à Marie-José Allemand, cet amendement que nous avions adopté l’année dernière à mon initiative et celle de Mme Véronique Louwagie porte sur la fiscalisation des indemnités versées en cas d’abattage sanitaire imposé par l’État. L’ensemble des syndicats dénoncent le fait que non seulement ces indemnités sont fiscalisées, mais qu’elles sont conditionnées à la reconstitution du cheptel sous un an. L’abattage de tout un cheptel provoque un véritable traumatisme chez les éleveurs et implique de revoir tous les protocoles. Dans ce contexte, il est essentiel d’en finir avec ces contraintes comme avec la fiscalisation des indemnités, qui ne sont plus légitimes.

M. Nicolas Ray (DR). Effectivement, nos éleveurs subissent encore les contrecoups des crises sanitaires successives et les indemnisations versées par l’État restent trop fortement soumises à la fiscalité. Le PLF prévoit une exonération d’impôt sur les plus-values réalisées en cas d’écart entre l’indemnité perçue au titre de l’abattage et la valeur nette comptable du cheptel mais elle reste conditionnée à sa reconstitution sous un an. Ce délai est beaucoup trop court pour garantir la disponibilité des animaux, le respect des cycles biologiques et les conditions sanitaires. Le porter à trois ans permettra de soutenir réellement nos éleveurs face aux crises sanitaires majeures – d’où l’amendement I-CF143.

L’amendement I-CF164, de repli, prévoit un délai de deux ans.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Si l’indemnité versée au titre de la reconstitution du cheptel est tout à fait justifiée, le délai d’un an accordé pour bénéficier de l’exonération ne semble pas suffisant en cas de crise majeure comme celle de la dermatose imposant l’abattage de l’intégralité du troupeau. Cet amendement propose donc de le porter à deux ans.

Mme Nicole Le Peih (EPR). Mon amendement vise à porter de douze à vingt-quatre mois le délai accordé aux éleveurs pour reconstituer leur cheptel après un abattage sanitaire. Reconstituer un troupeau ne consiste pas seulement à racheter des animaux : il faut retrouver des lignées, respecter des protocoles sanitaires stricts et souvent attendre plusieurs cycles de reproduction. Le faire sous un an est irréaliste. Un délai de deux ans serait plus juste et plus adapté aux réalités du terrain. Cela permettrait, sans coût supplémentaire pour l’État, d’offrir un véritable soutien moral et économique aux éleveurs durement éprouvés par les crises sanitaires.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Dans le contexte sanitaire actuel, c’est un amendement de bon sens. Il n’est pas possible de reconstituer un cheptel en un an : il y a des données génétiques à intégrer. Il faut aussi prendre en compte l’effet de chaîne : des Montbéliardes, des vaches du Jura, devaient arriver cette semaine pour reconstituer les cheptels abattus l’été dernier, or le Jura est aussi touché par la DNC. Donnons deux ans aux éleveurs, c’est le moins que nous puissions faire pour le monde agricole.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Après la perte d’un troupeau, il faut trouver de nouveaux animaux, remettre les bâtiments en état, attendre la levée des restrictions sanitaires : tout cela ne peut se faire en un an, c’est irréaliste. Nous proposons donc d’étendre le délai à deux ans.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement I-CF864 prévoit l’exonération de toute l’indemnité versée en cas d’abattage du cheptel et non de la seule plus-value éventuelle. Les exploitants percevant ces indemnités pourraient ainsi en dégager un bénéfice qui serait totalement exonéré d’impôts, tout en conservant une charge déductible égale à la valeur des animaux abattus. Ce dispositif complexe est de nature à créer une rupture d’égalité économique et d’égalité devant la loi entre les exploitants percevant les indemnités et ceux qui n’en bénéficient pas car l’abattage de leur troupeau n’a pas été demandé. Compte tenu de ce risque juridique, j’émettrai donc un avis défavorable.

Avec les amendements suivants se pose la question de la durée du délai accordé pour reconstruire le cheptel et bénéficier de l’exonération. Un an est évidemment insuffisant : l’amendement I-CF164 propose trois ans et non deux. La proposition à deux ans faisant consensus parmi les organisations agricoles, c’est celle que je soutiendrai.

M. Benoît Biteau (EcoS). Je plaide pour le délai le plus long possible. Conditionner le dispositif à la reconstitution du troupeau n’est pas la meilleure solution, car certains n’y parviennent pas : il vaudrait mieux asseoir l’indemnité sur la valeur du troupeau au moment où l’abattage sanitaire est décidé.

Prenons l’exemple de Bérénice, en Gironde, près de Libourne, qui élevait des bœufs, c’est-à-dire des mâles castrés – le mieux de ce qui se fait en viande bovine. Je vous défie de trouver des bœufs pour reconstituer intégralement un élevage qui était très bien valorisé sur le marché de la viande au moment où il a été abattu, la tuberculose n’empêchant pas la mise sur le marché. Si nous avions fondé le mécanisme sur la valorisation de cette viande de très bonne qualité, l’État n’aurait eu qu’à verser un complément pour permettre à Bérénice de récupérer la valeur de son troupeau et nous ne serions pas en train de chercher à décider s’il faut lui laisser deux ou trois ans pour le reconstituer.

Le dispositif étant très mal conçu, autant laisser le plus de temps possible à l’éleveur pour reconstituer son troupeau.

La commission rejette l’amendement I-CF864.

Elle adopte l’amendement I-CF143.

En conséquence, les amendements I-CF164, I-CF168, I-CF526, I-CF704 et I-CF826 tombent.

Amendement I-CF843 de M. Jean-Pierre Vigier, amendements identiques I-CF177 de Mme Danielle Brulebois et I-CF673 de Mme Marie-Christine Dalloz, amendement I-CF306 de M. Nicolas Ray (discussion commune)

M. Jean-Pierre Vigier (DR). L’exonération fiscale créée à cet article est certes bienvenue pour les éleveurs contraints à un abattage sanitaire, mais les indemnités perçues restent soumises aux cotisations sociales, ce qui en réduit fortement l’effet. Or quand un éleveur perd tout ou partie de son cheptel, chaque euro compte pour redémarrer. Allons au bout de la logique et créons une exonération fiscale pour garantir la neutralité des indemnités et majorer leur effet pour les éleveurs touchés par les récentes crises sanitaires.

Mme Danielle Brulebois (EPR). Compte tenu du drame économique et moral que constitue le dépeuplement total d’un troupeau, il est absolument nécessaire d’ajouter une exonération sociale à l’exonération fiscale.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Dans le contexte actuel, il me paraît effectivement important de prévoir en plus une exonération sociale.

M. Nicolas Ray (DR). Pour donner à ce mécanisme toute sa portée, mon amendement vise lui aussi à ajouter une exonération sociale. Petite subtilité : je la limite à trois ans afin que nous puissions l’adopter dans le cadre du PLF, alors qu’une telle mesure relève normalement du PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale).

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Favorable.

Mme Perrine Goulet (Dem). Cette mesure qui tend à modifier le code de la sécurité sociale sera-t-elle applicable si nous l’adoptons dans le cadre du PLF ?

M. le président Éric Coquerel. Nous allons vérifier.

M. Nicolas Ray (DR). Si l’amendement n’a pas été déclaré irrecevable, c’est que la mesure sera applicable !

La commission rejette l’amendement I-CF843.

Elle rejette les amendements identiques I-CF177 et I-CF673.

Elle rejette l’amendement I-CF306.

Amendements identiques I-CF472 de Mme Marie Pochon et I-CF893 de Mme Mélanie Thomin

M. Benoît Biteau (EcoS). Quand on parle d’agriculture, on parle beaucoup de souveraineté alimentaire mais on oublie trop souvent que l’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique menacent l’espoir d’y parvenir. Or un modèle de production offre aujourd’hui les réponses les plus pertinentes à ces menaces : l’agriculture biologique. Plutôt que continuer à réparer indépendamment les ressources vitales, comme l’eau ou l’air, la biodiversité et notre santé, nous devrions adopter une approche globale et accepter d’investir de l’argent public pour rémunérer les agriculteurs qui prennent soin de l’intérêt commun et sont les garants de l’espoir de souveraineté alimentaire.

L’agriculture biologique dépasse les logiques de marché : elle ne répond pas forcément à la logique de l’offre et de la demande mais adopte une approche globale de la préservation de la biodiversité et du climat. La soutenir nous permettra d’atteindre notre objectif de souveraineté alimentaire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le gouvernement propose déjà de proroger le crédit d’impôt et je suis défavorable à une hausse de son montant, faute d’éléments démontrant son insuffisance.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Après les votes intervenus ce matin – retour sur la suppression de certaines niches et création de nouvelles niches, etc. –, il serait utile de faire un point des dépenses et des recettes. Monsieur le rapporteur général, quelle est la facture à ce stade des débats ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je vous la présenterai dans l’après-midi.

M. Benoît Biteau (EcoS). La compétitivité de l’agriculture est le mot d’ordre du gouvernement. Or, selon un rapport de la Commission européenne, la France est le pays qui aide le moins son agriculture biologique. Nous demandons donc de rehausser le plafond du crédit d’impôt à 6 000 euros pour résorber le déficit de compétitivité dont souffrent nos agriculteurs biologiques.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’article 10 modifié.

Amendement CF184 de Mme Danielle Brulebois

Mme Danielle Brulebois (EPR). Il vise, sans incidence sur les finances publiques, à relever à 500 000 euros le seuil de passage du régime réel simplifié d’imposition au régime réel normal, dans un double souci de simplification et d’adaptation à l’évolution du chiffre d’affaires des entreprises agricoles, consécutive aux restructurations de ces dernières années.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette simplification bienvenue épargnera à de nombreux exploitants des lourdeurs administratives et comptables excessives lorsque leur activité croît.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CF186 de Mme Danielle Brulebois, CF587 de M. Jean-René Cazeneuve et CF1311 de M. Charles de Courson

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). L’amendement tend à autoriser les exploitants agricoles et viticoles soumis au régime réel d’imposition à cumuler le dispositif de blocage des stocks à rotation lente avec les mécanismes d’étalement des revenus exceptionnels et de moyenne triennale. Face à la crise que traverse la viticulture, victime des aléas climatiques, de la déconsommation et des difficultés d’exportation, cette mesure de soutien serait bienvenue.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. À la différence de l’étalement des revenus exceptionnels, le blocage des stocks à rotation lente s’applique aux revenus d’exploitation ordinaires. L’interdiction de cumul des deux dispositifs rend toutefois le second peu attractif alors qu’ils sont complémentaires. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques CF185 de Mme Danielle Brulebois et CF678 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Amendement CF180 de Mme Danielle Brulebois

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement vise à exclure les produits de cession des actifs immobilisés du calcul des seuils d’exonération des plus-values. J’y suis favorable car il conforte le caractère exceptionnel de ces cessions, courantes pour le renouvellement du matériel agricole.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CF799 de M. Dominique Potier et CF1005 de M. Stéphane Viry

Mme Sophie Pantel (SOC). Afin de favoriser la transmission des exploitations agricoles, nous proposons de transformer en crédit d’impôt la réduction prévue par l’article 199 vicies A du code général des impôts, et de l’ouvrir aux ventes sans différé de paiement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le crédit d’impôt n’est pas le bon outil pour favoriser la transmission. Il est préférable de jouer sur les droits de mutation à titre gratuit (DMTG) et les abattements sur les plus-values de cession, notamment en cas de départ à la retraite. Tous ces dispositifs ont été revalorisés l’an dernier en cas de cession ou de transmission à un jeune agriculteur. Avis défavorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement CF350 de Mme Aurélie Trouvé, CF1600 de M. Dominique Potier et CF869 de M. Jean-Pierre Vigier (discussion commune)

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). L’amendement vise à pérenniser le crédit d’impôt au titre des dépenses de remplacement pour les agriculteurs, à porter son taux à 100 %, et à ajouter la formation à ses motifs.

En raison du périmètre restreint du crédit d’impôt et d’un remboursement limité des dépenses, le coût du remplacement continue d’être un obstacle, souvent insurmontable, au droit au repos et à la remise sur pied. C’est la raison pour laquelle nous proposons sa prise en charge à 100 % pour les dix-sept premiers jours puis à 75 % pour les sept suivants, pour congé, maladie ou formation.

Mme Sophie Pantel (SOC). Il s’agit également de porter le taux de prise à charge de 60 à 70 % pour les dix-sept premiers jours. Ce dispositif permet aux agriculteurs de concilier vies professionnelle et familiale mais aussi de réduire le stress et les risques psycho-sociaux.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). L’amendement étend de dix-sept à vingt-huit le nombre de jours éligibles au crédit d’impôt. Ce dispositif a montré son efficacité. En facilitant l’accès au congé, il permet de réduire le stress et la fatigue de nos agriculteurs. C’est bien le moins que nous devons à ceux qui travaillent si durement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement de Mme Trouvé, en portant le taux de prise à charge à 100 %, a pour effet de faire supporter par l’État la totalité des dépenses de remplacement. J’y suis défavorable, de même qu’à celui de M. Potier qui augmente les taux de prise en charge de droit commun et majoré.

Il me semble plus pertinent d’accroître le nombre de jours éligibles. Les dix‑sept jours actuels représentent une dépense de 36 millions pour l’État. On peut raisonnablement penser que l’allongement à vingt-huit jours en coûtera 7 à 8 millions de plus.

M. Benoît Biteau (EcoS). Nous ne pouvons que souscrire au principe d’un crédit d’impôt pour le remplacement mais il est regrettable de ne pas être plus regardant sur les activités agricoles qui peuvent en bénéficier. Le dispositif devrait être limité à deux activités qui en ont vraiment besoin : le maraîchage et l’élevage. Vous faites fausse route en l’ouvrant à toute la profession et vous vous exposez à de terribles dérives financières.

Après avoir rejeté les amendements CF350 et CF1600, la commission adopte l’amendement CF869.

Amendement CF346 de Mme Aurélie Trouvé

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Demande de retrait car il est satisfait par l’article 10.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CF817 de M. Dominique Potier et CF1510 de M. Pascal Lecamp ; amendements identiques CF877 de M. Jean-Pierre Vigier et CF1004 de M. Stéphane Viry (discussion commune)

M. Dominique Potier (SOC). Nous proposons de revenir sur un dispositif particulièrement inefficace : l’exonération des plus-values sur la cession de matériel agricole. Provoquant une surmécanisation et une hausse du prix du matériel et profitant essentiellement à l’industrie allemande et américaine, c’est un échec.

Notre amendement vise à financer, par un plafonnement de l’exonération fiscale, un crédit d’impôt pour soutenir les coopératives d’utilisation de matériel agricole (Cuma). Ce modèle très vertueux de mutualisation et d’optimisation du matériel est souvent à la pointe de la transition agroécologique.

Le rééquilibrage proposé consiste à comprimer un mécanisme fiscal contreproductif, qui ruine le revenu agricole, au profit d’une agriculture de groupe, qui a su dès les années 1960 répondre aux défis et peut continuer à le faire, qu’il s’agisse de souveraineté alimentaire, d’installation des jeunes ou de transition agroécologique.

M. Emmanuel Mandon (Dem). En effet, la surmécanisation peut être une source d’endettement et d’isolement pour les exploitants. Elle mobilise un capital important pour financer des machines souvent sous-utilisées, alourdissant les coûts de l’exploitation.

Cette mesure favorise des pratiques plus vertueuses pour la compétitivité et les finances publiques. Son coût, estimé à 17 millions, est neutralisé par l’abaissement du plafond d’exonération des plus-values de cession de matériel agricole.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Mon amendement est destiné à encourager les agriculteurs à anticiper la transmission de leur exploitation en créant un crédit d’impôt d’accompagnement les incitant à s’inscrire au répertoire départ installation (RDI) des chambres d’agriculture et à bénéficier d’un accompagnement par des structures agréées. Le crédit d’impôt serait reconductible sur cinq ans afin de donner à chaque agriculteur le temps de bâtir un projet solide.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable aux deux premiers amendements car les Cuma sont exonérées d’impôt sur les sociétés pour leurs opérations avec leurs associés coopérateurs, ce qui s’apparente à l’incitation fiscale à se regrouper que vous appelez de vos vœux. En outre, vous faites financer le crédit d’impôt par les agriculteurs qui ne sont pas en coopérative.

Avis également défavorable à la seconde série d’amendements car il me semble généreux de verser 5 000 euros à des exploitants pour qu’ils s’inscrivent à un répertoire – ce qu’ils avaient peut-être déjà prévu de faire. Par ailleurs, la loi de finances pour 2025 a amplifié plusieurs mesures en faveur de la transmission.

M. Matthias Renault (RN). Nous venons de voter la création, au demeurant bienvenue, d’un crédit d’impôt destiné à faciliter les transmissions. Fidèles à notre esprit de responsabilité budgétaire, nous voterons contre les amendements qui créent de nouveaux crédits d’impôts, d’autant que l’un porte encore sur les transmissions.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je soutiens les amendements sur les Cuma. Ces structures ont malheureusement disparu dans certaines campagnes alors qu’elles sont très utiles pour les territoires ruraux, permettant notamment d’apprendre le travail en commun. Le dispositif envisagé pour les dynamiser est indolore pour les finances publiques puisqu’il est financé par un plafonnement de l’exonération fiscale sur la cession des matériels.

M. Dominique Potier (SOC). Le revenu agricole ne se construit pas seulement en aval par le juste partage de la valeur avec l’industrie agroalimentaire et la grande distribution mais aussi en amont, où l’on assiste à une dérive des prix inexpliquée. La mécanisation est un mal français qui plombe le revenu agricole et qui, à l’instar de l’accaparement des terres, s’inscrit dans une logique d’agrandissement sans limite et de capitalisation insensée au regard de la réalité économique.

Les Cuma offrent un contre-modèle, fondé sur la mutualisation et l’optimisation des moyens. L’agriculture française doit sa réussite dans les années 1960 aux coopératives – pour la production et la commercialisation – et à des systèmes de régulation. Le monde agricole doit renouer avec la raison et la solidarité. Mon amendement y contribue modestement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CF809 de M. Dominique Potier

M. Dominique Potier (SOC). Il s’agit de mettre fin à une pratique d’optimisation fiscale consistant à se transformer en société civile d’exploitation agricole (SCEA) non‑exploitante pour ne payer quasiment aucune taxe sur les cessions de biens immobiliers agricoles.

Ce scandale fiscal est à l’origine d’un manque à gagner pour l’État et d’une distorsion de concurrence au sein du monde agricole. Quelle que soit notre position sur la régulation foncière, nous devrions tous reconnaître que l’existence de deux voies de transmission, l’une qui exonère de droits de mutation et l’autre qui fait passer à la caisse, est inique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En 2020, a été ajoutée une condition d’ancienneté de trois ans de la société civile agricole pour lutter contre les pratiques que vous dénoncez. Je n’ai pas connaissance d’une éventuelle insuffisance de cette règle. Avis défavorable.

M. Dominique Potier (SOC). Un responsable de Safer (société d’aménagement foncier et d’établissement rural) dans les Landes m’a dit ceci : « non seulement des personnes conduisent sans respecter les limitations de vitesse – en matière agricole, cela concerne la surface et le droit du sol – mais elles franchissent le péage sans payer ». C’est exactement ce qui se passe avec les SCEA. La condition d’ancienneté de trois ans est bien trop lâche donc l’ingénierie financière permet aisément de s’en affranchir. L’optimisation fiscale est totalement contraire à l’égalité des droits.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ne suffit-il pas de renforcer les contrôles pour dissuader les pratiques illégales ?

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement CF1136 de M. Charles de Courson.

Amendements identiques CF756 de Mme Marie-Christine Dalloz, CF913 de Mme Sophie-Laurence Roy et CF1138 de M. Charles de Courson

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’article 793 bis du code général des impôts prévoit une exonération des DMTG sur les transmissions de biens loués à bail rural de long terme à condition que le bien transmis soit conservé pendant une certaine durée. Or cet article ne tient pas compte de l’évolution du monde agricole – la création des groupements fonciers agricoles (GFA), des groupements agricoles d’exploitation en commun (Gaec) ou d’exploitations agricoles à responsabilité limitée. Faciliter les apports de titres dans ces structures collectives est l’objet de l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements.

Amendements identiques CF589 de M. Jean-René Cazeneuve, CF751 de Mme MarieChristine Dalloz, CF890 de Mme Sophie-Laurence Roy et CF1137 de M. Charles de Courson

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). L’amendement vise à faciliter la transmission intergénérationnelle des biens ruraux, freinée par le régime fiscal applicable aux baux à long terme, qui oblige à conserver le bien un certain temps pour bénéficier de l’avantage fiscal. Alors que les transmissions sont de plus en plus tardives du fait de l’allongement de l’espérance de vie, cette règle peut empêcher la transmission intergénérationnelle.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Favoriser les transmissions en permettant aux générations suivantes de conserver le bénéfice de l’avantage fiscal est une nécessité pour assurer la pérennité de nos exploitations agricoles.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis très favorable d’autant que les amendements précédents, exactement dans le même esprit, ont malheureusement été rejetés.

La commission adopte les amendements.

Amendement I-CF1003 de M. Stéphane Viry

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

La loi de finances pour 2025 a déjà prévu une hausse de l’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour tous les agriculteurs, ce qui coûte 50 millions à l’État. Les jeunes agriculteurs bénéficient quant à eux d’un abattement de 50 %, compensé par l’État.

Votre amendement est plus généreux lors de l’installation mais il est probablement pénalisant dans la durée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1322 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Il vise à taxer les producteurs d’engrais de synthèse dont on doit réduire l’utilisation.

Nous sommes obligés d’avoir recours aux énergies fossiles pour en produire : il faut 1,5 litre de gaz venant de Russie ou d’Ukraine ou 1,5 litre de pétrole pour produire un kilogramme d’azote. Imaginer une agriculture post-pétrole suppose d’accompagner mais aussi de taxer ceux qui continuent à proposer des engrais de synthèse.

Outre qu’ils dégradent la biodiversité et les sols, ces engrais provoquent des dégâts considérables. Je pense en particulier aux marées vertes, très connues en Bretagne mais aussi dans ma circonscription. Il faut donc réduire l’utilisation de ces engrais afin de ne plus avoir à supporter les conséquences des excès d’azote dans l’eau.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis globalement opposé à l’approche punitive. Il faut privilégier une démarche concertée avec les parties prenantes.

J’ajoute qu’une trajectoire annuelle de réduction des émissions d’ammoniac du secteur agricole avait été prévue par la loi « climat et résilience ». Si l’on constatait pendant deux années consécutives que les objectifs n’étaient pas atteints, une redevance sur l’usage des engrais azotés pourrait être instaurée. Les objectifs chiffrés ayant été fixés par décret en 2022, il faudrait vérifier si l’engagement a été tenu avant d’inventer de nouvelles taxes. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF636 de M. Benoît Biteau

M. Benoît Biteau (EcoS). Cet amendement propose de proroger de 2026 à 2028 le crédit d’impôt dont bénéficient les agriculteurs qui renoncent à utiliser le glyphosate, produit phytosanitaire le plus utilisé en France.

Si nous voulons préserver la santé de nos concitoyens – en premier lieu celle de nos enfants –, ainsi que les ressources vitales que sont l’eau et l’air, mais aussi la biodiversité et le climat, nous devons accompagner les agriculteurs qui bifurquent et cessent d’utiliser cette molécule dont l’impact est particulièrement nocif. Il faut passer à une logique de prévention plutôt que de continuer à engloutir de l’argent public dans des solutions curatives.

La mesure que nous proposons est bien entendu cumulable avec le crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF9 de M. Nicolas Ray, I-CF139 de Mme Nicole Le Peih, I-CF181 de Mme Danielle Brulebois, I-CF588 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF1307 de M. Charles de Courson et I-CF1756 de M. Pierre Henriet

M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement important propose de reconduire le crédit d’impôt pour les exploitations agricoles certifiées haute valeur environnementale (HVE), qui existe depuis plusieurs années et permet de soutenir les exploitations engagées dans la voie de la certification, qui a un coût et nécessite des investissements. C’est un outil simple d’incitation pour accélérer l’engagement des professionnels agricoles en faveur de méthodes d’exploitation durables.

Mme Nicole Le Peih (EPR). La certification HVE est un repère pour les consommateurs et un outil de progrès pour les agriculteurs. Mais son développement reste freiné par son coût et par les contraintes administratives, surtout pour les petites exploitations.

Il convient donc de maintenir le crédit d’impôt HVE, dispositif incitatif qui a démontré son efficacité en accompagnant les agriculteurs dans leur transition. Alors que la France s’est fixé un objectif de 50 000 exploitations certifiées d’ici à 2030, il serait incohérent d’abandonner ce levier alors même que nous devons accélérer la diffusion des pratiques vertueuses. Le label HVE, reconnu par la PAC et ouvrant droit à l’écorégime, contribue directement à nos objectifs de durabilité et de souveraineté alimentaire. Soutenir la HVE, c’est soutenir des agriculteurs qui s’engagent concrètement.

Mme Danielle Brulebois (EPR). La certification HVE est un label de qualité reconnu par les consommateurs qui encourage fortement les agriculteurs à s’engager dans la voie de l’agroécologie et pour l’environnement. Cette certification a un coût et mérite d’être encouragée car nous sommes bien loin de l’objectif de 50 000 exploitations certifiées en 2030.

Ce dispositif a de nombreuses vertus, puisqu’il offre une voie d’accès parfaite à l’écorégime du plan stratégique national. Il est donc utile de proroger ce crédit d’impôt.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je propose également de prolonger d’un an ce crédit d’impôt. Ce n’est pas complètement satisfaisant, mais c’est une étape importante.

M. Charles de Courson (LIOT). Certains veulent opposer le HVE à l’agriculture biologique. C’est une erreur.

En Champagne, le syndicat général des vignerons a beaucoup plaidé pour le développement du label HVE. Entre 60 et 70 % des exploitations vinicoles l’ont obtenu, alors qu’elles ne sont qu’entre 6 et 7 % à être certifiées bio.

Nous avons besoin des deux. Il faut maintenir ce crédit d’impôt, qui encourage à aller dans la bonne direction.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous nous plaignons sans arrêt de l’absence de rapports d’évaluation, mais j’ai une bonne nouvelle : un rapport d’évaluation a été remis au Parlement en 2023 et il a souligné que ce crédit d’impôt couvrait les coûts de certification.

En 2025, 39 000 exploitations sont certifiées HVE, soit 37 000 de plus qu’en 2019. Est-ce dû au crédit d’impôt ? En tout cas, nous avons un début d’évaluation.

Avis favorable. Il s’agit seulement de proroger d’un an le dispositif.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Le label HVE joue un rôle de vitrine trompeuse, au détriment du bio. Ce n’est pas nous qui le disons, ce sont les autorités compétentes. Une note de l’Office français de la biodiversité (OFB) et une étude de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) montrent que, derrière ce label, on trouve des pratiques qui ne sont absolument pas vertueuses ni respectueuses de l’environnement.

Cela pose aussi la question du signal envoyé aux consommateurs. Le label HVE est une illusion trompeuse, qui fait croire qu’un produit est vertueux pour l’environnement et pour la santé, alors que ce n’est pas le cas.

Alors qu’il faut favoriser la production de produits bio, le label HVE ralentit ce processus en trompant les consommateurs. On ne peut donc pas prolonger ce crédit d’impôt en faisant comme si l’on faisait un bon geste pour la planète, car c’est le contraire.

M. Benoît Biteau (EcoS). Haute valeur environnementale sonne agréablement à l’oreille mais je vous invite à lire avec attention le cahier des charges de ce label haute valeur d’enfumage – parce que telle est la vérité. Il ne prévoit de restreindre l’utilisation d’aucune molécule, ni de réduire les doses de pesticides. On floue les consommateurs avec une appellation merveilleuse alors que le cahier des charges est ridicule. Je vous invite à réfléchir.

Mme Brulebois a indiqué qu’il s’agissait d’un outil pour obtenir l’écorégime de la PAC. Lorsque la Commission européenne en a évalué l’application en France, elle a constaté que 99,2 % des agriculteurs y avaient été éligibles sans modifier leurs pratiques agricoles. C’est bien la preuve que ces labels reposent sur des logiques d’optimisation des aides de la PAC, mais ne visent en aucun cas à s’engager dans une démarche vertueuse.

La commission rejette les amendements.

Amendements de suppression I-CF373 de M. Michel Castellani, I-CF501 de M. Philippe Brun, I-CF1181 de M. Nicolas Sansu et I-CF1392 de M. Charles de Courson

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Cet amendement propose de supprimer l’article afin de ne pas voir le produit de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) continuer à diminuer. Il a sensiblement baissé depuis 2019 – et tant mieux pour nos entreprises –, mais on ne peut pas continuer ainsi alors qu’il est plus que compliqué d’équilibrer le budget.

J’ajoute que le produit de cette contribution sert en partie à compenser la perte de cette recette pour les intercommunalités, les départements et les régions. Il est donc urgent de ne pas priver l’État d’une recette qui revient inévitablement pour partie dans le budget des collectivités.

M. Philippe Brun (SOC). Absolument personne ne demande d’accélérer la baisse de la CVAE. Pas une seule entreprise, pas un syndicat patronal. Nous avons reçu l’Association française des entreprises privées (Afep) et le Medef. Cette question figure en toute fin de la liste de leurs demandes.

Il est irresponsable de se priver de 1,5 milliard de recettes par pure idéologie, au moment où nos comptes sont en désordre – en particulier au vu des efforts qui sont demandés aux collectivités, avec une baisse de 25 % de la compensation de la réduction des impôts de production.

M. Nicolas Sansu (GDR). Il n’y a en effet aucune demande pour accélérer la suppression de la CVAE.

Ensuite, cet impôt local qui finançait des services pour le plus grand nombre et le développement des territoires, en s’assurant que les entreprises y participaient au même titre que les ménages, a été remplacé par l’attribution d’une partie de la TVA, qui est payée par les consommateurs. C’est inadmissible et cela justifie que l’on supprime cet article.

M. Charles de Courson (LIOT). Avons-nous les moyens de consacrer un bon milliard à la poursuite de la suppression de la CVAE ? La réponse est non – surtout après les amendements qui ont été adoptés depuis hier matin.

Si nous le pouvions il serait bien sûr très bien de supprimer les impôts de production, puisque leur niveau est très élevé en France et que nous faisons face à la concurrence internationale. Mais nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous reprendrons le mouvement de diminution lorsque nous aurons ramené le déficit public à 3 %.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Premièrement, la CVAE fait partie des impôts de production, dont le Conseil d’analyse économique (CAE) a rappelé le caractère nocif pour l’activité économique. La CVAE est l’un des plus dommageables, puisqu’elle a pour assiette un solde de gestion très en amont du résultat net de l’entreprise, sans rapport avec sa rentabilité.

Deuxièmement, cet impôt est désormais collecté par l’État et non plus par les collectivités. Son évolution n’a donc pas d’effet direct sur leurs finances.

Troisièmement, le problème ne réside pas tant dans les impôts de production que dans leur niveau par rapport à ce que pratiquent nos voisins. Malheureusement, les chiffres ne mentent pas. Ces impôts représentaient selon Eurostat 4,5 % du PIB français en 2023, contre 2,4 % dans l’Union européenne et 2,2 % dans la zone euro. En Allemagne, ces impôts s’élèvent à 0,9 % du PIB. À une époque, nos impôts de production ont représenté une centaine de milliards de plus pour les entreprises françaises, à qui l’on demandait, ainsi lestées, de courir aussi vite que les entreprises allemandes.

Enfin, cette baisse était prévue et elle a été repoussée. Quand on s’engage dans une vision à long terme, on essaye de tenir le cap. Il y aura évidemment des pertes de recettes immédiates, mais il faut stimuler l’activité industrielle. Pour ma part, je ne souhaite pas que nous mourrions guéris. Les entreprises françaises doivent pouvoir continuer à vivre dans un monde qui est ouvert, même si certains peuvent le déplorer. Ce serait donc une erreur de ne pas continuer à réduire la CVAE, d’autres baisses devant, je le rappelle, intervenir plus tard.

Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je soutiens évidemment ces amendements de suppression.

Beaucoup d’amendements – dont certains sont selon moi légitimes – ont permis de revenir sur des suppressions de crédits d’impôt qui auraient affecté les plus défavorisés ou en tout cas les classes moyennes. D’autres amendements ont créé des crédits d’impôt. Une partie de ces derniers a été présentée par des groupes qui soutiennent le gouvernement.

Il va bien falloir trouver des recettes quelque part. Je vois mal comment ceux qui ont proposé de proroger des crédits d’impôt se priveraient d’une recette dont il n’était pas question qu’elle diminue cette année – du moins jusqu’au plan Bayrou.

On peut discuter de la pertinence de la CVAE, mais ce n’est vraiment pas le moment de la baisser.

M. Matthias Renault (RN). Nous voterons bien entendu contre ces amendements.

Depuis hier, on discute énormément de propositions d’augmentation de taxes, mais finalement jamais de baisses globales des impôts.

Le niveau des impôts de production est particulièrement élevé en France par rapport à ce que l’on observe chez nos voisins européens. Ces impôts pèsent 4,5 % du PIB en France, contre 2,5 % en moyenne dans l’Union européenne, 2,5 % du PIB en Italie et seulement 1 % en Allemagne.

Au Rassemblement national, nous considérons qu’il faut baisser les impôts de production pour des raisons de compétitivité. Nous prônons une baisse globale de 20 % pour ces derniers, qu’il s’agisse de la CVAE, de la contribution foncière des entreprises (CFE) ou de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).

M. Tristan Lahais (EcoS). L’engagement de supprimer la CVAE était accompagné de celui d’en neutraliser les effets sur les finances des collectivités territoriales. Or en ce qui concerne la DGF (dotation globale de fonctionnement) des régions, la fraction de la TVA est ramenée à son plus bas niveau de 2024, ce qui contredit l’argument du dynamisme de ce mode de compensation.

On prétendait que la stimulation de l’activité liée à la baisse de la CVAE compenserait la perte des recettes pour l’État. Mais cette suppression d’impôt a bien sûr conduit à un accroissement de la dette et du déficit.

Nous contestons précisément la logique générale à l’œuvre dans ce projet, qui consiste à faire des cadeaux aux plus aisés et aux plus grandes entreprises, sans aucune contrepartie hormis les efforts demandés aux plus démunis, notamment à travers le gel des pensions et du barème de l’IR.

Nous appelons à un compromis, mais les débats n’ont jusqu’à présent en rien permis de l’esquisser – à moins que vous n’en prépariez un avec le RN, puisque vous votez avec lui.

M. Corentin Le Fur (DR). Quand il y a une baisse d’impôts, il faut la saluer. Notre groupe le fait d’autant plus que l’on sait parfaitement qu’il existe un décalage énorme avec nos voisins européens en matière d’impôts de production. Nous souffrons de ce fait d’un manque de compétitivité qui explique en partie la désindustrialisation.

Il faut donc baisser ces impôts, conformément à une promesse faite il y a longtemps aux entreprises et qui a mis du temps à être tenue.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Il y a deux poids, deux mesures : d’un côté on demande des efforts à l’ensemble des Français, de l’autre on supprime des impôts au bénéfice des plus grosses entreprises. La CVAE rapportait 15 milliards en 2019-2020 ; elle n’en rapporte plus que 11. Nous avons donc perdu 4 milliards, pourtant ce projet prévoit de continuer à baisser cet impôt.

Par comparaison, le coût du décalage de la réforme des retraites voulu par Sébastien Lecornu s’élève à 400 millions. On nous dit que chaque euro doit être compensé alors que la suppression de la CVAE donne lieu à une tournée des grands patrons et du Medef pour expliquer qu’il s’agit d’un bon investissement. Cette contribution était acquittée à hauteur de 35 % par les grandes entreprises et de 41 % par les entreprises de taille intermédiaire (ETI). Faire croire que sa suppression va profiter aux PME est un mensonge.

La perte de recettes pour les collectivités est compensée par l’attribution d’une fraction de la TVA. La suppression d’un impôt payé par les plus grosses entreprises – présentée comme un geste fort pour la compétitivité – va être payée par tous les Français lorsqu’ils font leurs courses.

M. Sylvain Maillard (EPR). Sommes-nous tous d’accord pour créer des emplois dans l’industrie en France – c’est-à-dire des emplois partout sur le territoire et plutôt bien payés ?

Le constat est très simple : notre industrie part avec un boulet au pied, avec 20 milliards d’impôts de production. Vous dites qu’aucun chef d’entreprise ne demande la baisse de la CVAE, mais vous avez dû mal comprendre ce qu’ils vous disaient sur les impôts de production. Supprimer ce poids de 20 milliards permettrait aux industriels d’investir dans la décarbonation, les mutations technologiques et l’IA.

M. le président Éric Coquerel. Il y a un problème de corrélation, puisqu’on a déjà baissé la CVAE mais que la part de l’industrie dans le PIB diminue.

Mme Anna Pic (SOC). On nous explique encore et encore la théorie du ruissellement – il s’agit bien de cela, puisqu’il faudrait réduire les impôts de production pour favoriser la réindustrialisation. Comme l’a relevé le président, les chiffres ne le confirment pas de manière convaincante.

Je suis élue dans un territoire très industriel. L’investissement relève d’un tissu économique et de la qualité de la formation. À chaque fois que l’on baisse les impôts de production, ce sont les collectivités qui payent et, au bout du compte, ce sont les conditions d’installation de l’écosystème industriel qui en pâtissent.

En réalité, vous ne favorisez pas la réindustrialisation car vous portez atteinte à l’envie d’investir dans des territoires attrayants. Dans ma circonscription, la réindustrialisation a commencé bien avant la baisse des impôts de production. Peut-être est-ce en raison des investissements massifs dans les infrastructures, notamment portuaires, effectués par les collectivités territoriales quand elles en avaient encore les moyens.

M. Nicolas Sansu (GDR). Je souligne le décalage entre le discours des aficionados d’Emmanuel Macron et la réalité. La part de l’industrie dans le PIB baisse, ce qui montre que le choix qui a été fait n’est pas payant. Comme l’a dit Anna Pic, l’essentiel est de donner aux collectivités les moyens de bien accueillir les entreprises et de fournir des services pour leurs salariés.

Ce n’est plus possible car la TVA est payée par tout le monde alors que les entreprises ne participent quasiment plus à l’effort des collectivités locales pour garantir des services publics de qualité.

Vous commettez une erreur manifeste. Cet article peut être supprimé sans que cela mette les entreprises en difficulté.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Si vous voulez réindustrialiser la France, baissez les impôts de production. Comme l’a écrit Bossuet, de mémoire, « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques I-CF532 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1013 de M. Tristan Lahais

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cela ne nous amuse absolument pas mais nous sommes obligés de bricoler à coups de crédits d’impôt pour pallier l’inexistence de certaines politiques publiques. En effet, vous refusez obstinément de voter des recettes supplémentaires tout en déplorant les crédits d’impôt que nous proposons.

Comme l’a relevé notre collègue socialiste, c’est aussi la qualité de l’accueil et notre modèle social qui font que des gens ont envie de créer et de s’installer chez nous.

Arrêtez de nous donner de grandes leçons ! Cela fait huit ans que vous êtes au pouvoir et on en est à plus de 3 000 milliards de dette.

Cet amendement propose donc de rétablir progressivement la CVAE, dans un premier temps pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard avant un élargissement progressif aux ETI.

M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement ne sera pas adopté puisqu’il propose de rétablir intégralement la CVAE mais il a le mérite de mettre en évidence nos divergences.

Nous ne croyons pas qu’une politique économique se résume à une politique fiscale. On a le sentiment que la réindustrialisation prônée par le macronisme s’incarne seulement dans des réductions d’impôts pour les entreprises. Au vu des résultats, nous considérons qu’elle n’a pas produit ses fruits. L’amendement est donc une manière d’inviter à sortir du dogme et à s’interroger sur d’autres méthodes.

Par ailleurs, la politique qui a été conduite a été très coûteuse pour le financement de la protection sociale et des services publics. C’est la raison pour laquelle il faut y mettre fin.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Je souhaite revenir sur la philosophie de la politique qui est menée.

Un pas de côté extrêmement important a été fait en prorogeant d’un an la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises – ce qui n’est pas contradictoire avec la ligne défendue historiquement par la gauche.

La suppression de la CVAE concerne quant à elle un beaucoup plus grand nombre d’entreprises puisque la baisse de cet impôt de production devrait bénéficier à 300 000 d’entre elles, dont des PME. Cette mesure correspond à ce que vous êtes censés défendre.

S’agissant des collectivités territoriales, la DGF a été stable de 2007 à 2012, puis elle a baissé de 10 milliards entre 2012 et 2017. Elle a augmenté depuis lors. Ceux qui ont aidé les collectivités sont sur nos bancs, pas sur ceux d’en face.

Mme Edwige Diaz (RN). Le Rassemblement national s’oppose au rétablissement de la CVAE, y compris de manière graduelle. Les allégements des impôts de production sont absolument nécessaires et souhaités par les entreprises.

Il faut que nos collègues de gauche écoutent le monde économique. Je les invite à lire dans Sud Ouest de ce matin l’interview du président du Medef pour le département de la Gironde, qui déplore que les politiques ne comprennent pas le monde de l’entreprise. Je regrette au passage qu’il amalgame tous les politiques, car les groupes RN et UDR comptent le plus de députés ayant travaillé dans le privé.

Les amendements idéologiques de la gauche contribuent à cette confusion et surtout à aggraver la situation des entreprises. Dans le département de la Gironde, cinq PME ont fermé chaque jour et la situation se dégrade.

Il faut en finir avec les amendements discriminatoires. Les entreprises ne se gavent pas d’argent public ; elles contribuent au rayonnement national, créent des emplois et génèrent des recettes fiscales.

M. le président Éric Coquerel. Je ne sais pas sur quelles données vous vous appuyez en ce qui concerne l’origine professionnelle des uns et des autres, mais je ne suis pas certain que ce que vous avez dit soit exact.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1046 de Mme Marianne Maximi

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). M. Labaronne disait hier que notre vision de la politique fiscale ne correspondait pas aux enjeux macroéconomiques. Mais c’est votre vision qui est tronquée, car notre tissu économique n’existe pas indépendamment de la qualité de nos services publics et de l’éducation donnée aux futurs travailleurs. En vidant les caisses, vous produisez un effet macroéconomique qui, en retour, a une incidence sur la qualité des conditions offertes aux entreprises, en particulier aux TPE et PME.

Par ailleurs, en raison de leur compensation par l’intermédiaire de la TVA, les 15 milliards d’allègements fiscaux liés à la suppression de la CVAE sont payés par les Français au lieu de l’être pour l’essentiel par les grandes entreprises. Ce n’est pas autre chose que ça.

Notre vision macroéconomique est donc bien plus large que la vôtre.

Avec cet amendement, nous demandons une nouvelle fois de revenir sur les baisses d’impôts de production, car la politique de l’offre que vous avez menée depuis huit ans est un échec manifeste.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Qui a dit qu’une politique économique est avant tout une politique fiscale ? C’est Michel Debré. Qui estimait que la politique fiscale était essentielle pour réguler l’économie ? Keynes. Cela relativise certains propos.

Par ailleurs, s’il y a des députés qui veulent éviter de taxer les entreprises afin qu’elles créent des richesses pouvant ensuite être redistribuées, c’est bien nous.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF533 de Mme Mathilde Feld

M. Aurélien Le Coq (LFI). Alors que ce budget va taxer tout le monde – les retraités, les malades et tous ceux qui galèrent –, un nouveau cadeau fiscal aux entreprises, en particulier pour les plus grandes, est défendu à la fois par la Macronie et par le Rassemblement national. De la même manière, ils ont défendu une baisse de 4 milliards sur l’impôt sur les sociétés.

Cet amendement prévoit de faire contribuer quand même un petit peu les entreprises. Et puisque vous pleurez sur les petites et que vous essayez de nous faire croire qu’elles sont touchées par la CVAE, nous proposons de la rétablir pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard. Vous ne nous ferez pas croire qu’avec cette mesure on s’en prend aux petites entreprises.

Je rappelle que les deux tiers des gains issus de la suppression de la part régionale de la CVAE ont bénéficié à 10 000 grandes entreprises. Ce sont bien elles que vous favorisez systématiquement par vos baisses d’impôts qui coûtent très cher. Avec la nouvelle diminution de la CVAE prévue par cet article, vous faites encore un cadeau de 1,3 milliard.

Vous dites que les impôts de production grèvent l’industrie. En réalité, vous les avez baissés et l’industrie est tout de même en train de s’écrouler.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 11 sans modification.

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Réunion du mardi 21 octobre 2025 à 14 heures 30 (article 12 à après l’article 12)

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La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général).

M. le président Éric Coquerel. Nous avons examiné 608 amendements ; il en reste 905. Si nous maintenons le rythme nous devrions tenir les délais.

La commission adopte l’article 12 non modifié.

Amendements I-CF1640 et I-CF1641 de M. Joël Bruneau (discussion commune)

M. Joël Bruneau (LIOT). Ils visent à créer un statut du bailleur privé : étant donné son utilité sociale, la rentabilité de son investissement devrait être au moins égale à celle qu’il obtiendrait en plaçant son épargne sur un compte dormant.

Ces amendements poursuivent aussi un objectif de simplification : dès lors que le logement, qu’il soit meublé ou non, est affecté à un usage d’habitation principale, le bailleur pourrait bénéficier d’un abattement forfaitaire de 3 % par an.

Inscrire le statut du bailleur privé dans la loi, afin d’en reconnaître l’utilité, marque une rupture avec les dispositifs qui se sont succédé depuis trente ans.

L’amendement I-CF1640 se distingue du I-CF1641 en prévoyant un plafonnement de la fiscalité : quoi qu’il arrive, le bailleur conserverait 25 % des loyers perçus, le cumul de la fiscalité ne pouvant excéder 75 % de leur montant.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez un bouleversement total du système. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Ces amendements posent une véritable question. Il est indispensable qu’avant la fin de l’examen de la première partie on puisse débattre d’un amendement visant à relancer le locatif privé et prévoyant un plafonnement. Où en est la réflexion du rapporteur général ?

M. Inaki Echaniz (SOC). Il est nécessaire de parvenir à créer un statut du bailleur privé fondé sur des critères clairs et qui permettrait de relancer le secteur locatif privé tout en évitant les écueils des précédents dispositifs.

Nous ne sommes pas favorables à ces amendements en l’état. Avec différents groupes, nous travaillons en vue de la séance à la rédaction d’un amendement qui trouve un équilibre entre la fiscalité applicable aux loyers, l’encadrement des loyers et le public concerné.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Premièrement, ces amendements visent à sortir les meublés de tourisme du régime BIC (bénéfices industriels et commerciaux) pour les inclure dans le régime foncier, qui est moins avantageux.

Deuxièmement, ils permettent au bailleur, sur option, de choisir bien par bien son régime d’imposition : il pourra donc inclure un logement nu dans le régime BIC et inversement.

Troisièmement, ils augmentent le plafond des régimes micro-foncier et micro-BIC à 77 000 euros et plafonnent l’IFI (impôt sur la fortune immobilière).

En réalité, ces amendements bouleversent en profondeur les régimes fiscaux en matière de location immobilière. Leurs effets de bord seraient importants tant pour les finances publiques que pour le marché locatif. Nous ne pouvons envisager de telles modifications sans étude d’impact.

Il faut que nous élaborions un dispositif en vue de la séance, où nous pourrons débattre de manière constructive avec le gouvernement.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). L’amendement, bien qu’intéressant, comporte un risque : un professionnel qui basculerait de manière involontaire dans le régime BIC serait ainsi soumis à l’impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, selon les règles de la comptabilité privée, les amortissements sont réintégrés dans le calcul des plus-values de cession du bien.

M. Joël Bruneau (LIOT). Je suis d’accord pour retravailler cet amendement. Un point fait consensus : la situation du logement neuf et ancien est critique.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF570 et I-CF574 de M. François Jolivet (discussion commune)

M. François Jolivet (HOR). Le logement est le sujet le plus important dans notre pays. Il sera central lors de l’élection présidentielle et des élections municipales : contrairement à il y a six ans, les maires sans grue seront les maires battus.

L’amendement I-CF570 accorde aux investisseurs une déduction fiscale de 3 % par an pendant vingt ans, en contrepartie d’une servitude d’intérêt général : plafond de ressources et de loyer. La durée de vingt ans vise à ce que le logement perde son statut de marchandise. Si le bien est cédé avant, en cas de décès, la servitude reste attachée au logement et non au propriétaire, contrairement au dispositif de la loi Pinel.

Cet amendement permettra de relancer la construction de logements lors des opérations intermédiaires puisque, en 2024, 54 % des logements sociaux ont été construits par des promoteurs et que la proportion sera de 64 % en 2025.

L’amendement I-CF574 est de repli.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le dispositif, qui s’inspire du rapport de MM. Daubresse et Cosson, est intéressant. Néanmoins, il présente deux limites : l’absence de plafond d’exonération d’impôt et la question du ciblage des logements.

Avancer à l’aveugle et de manière dispersée n’aboutira à rien. Afin d’élaborer un amendement consensuel, je propose d’organiser avant la séance une réunion avec les équipes du ministre et les députés de tous bords dont la réflexion est la plus avancée.

Avis défavorable en l’absence de réflexion commune.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF573 de M. François Jolivet

M. François Jolivet (HOR). Il vise non pas à une défiscalisation mais à instaurer un système d’amortissement technique par composants, à l’instar de celui s’appliquant aux sociétés foncières, qui disposent ainsi de plus de trésorerie mais font moins de résultats.

Il s’agit d’appliquer aux propriétaires privés investisseurs les normes comptables internationales dites IFRS (International financial reporting standards), déjà appliquées aux foncières.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il me semble qu’il revient plutôt au législateur qu’au Conseil d’État de fixer le taux d’amortissement. Je réitère ma proposition : réunissons-nous avec le cabinet du ministre avant la date limite de dépôt des amendements, jeudi à neuf heures. Avis défavorable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Ce dispositif concernerait-il les structures assujetties à l’impôt sur les sociétés ? Même s’il mériterait d’être retravaillé, je regretterais que nous n’adoptions pas cet amendement très important, car l’amortissement par composant permet une visibilité sur le vieillissement des bâtiments. Les collectivités devraient s’en inspirer pour avoir une vision à long terme des travaux à réaliser sur les bâtiments communaux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF575 de M. François Jolivet

M. François Jolivet (HOR). Je ne comprends pas pourquoi l’amendement précédent a été rejeté, notamment par mes collègues d’EPR, tant le logement est un sujet important.

Cet amendement, qui concerne les logements anciens, propose un amortissement identique de 3 %, réservé aux investisseurs qui réaliseraient des travaux substantiels dans des logements.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je rends hommage à M. Jolivet qui étudie en profondeur ce sujet et cherche une solution consensuelle. Je renouvelle ma proposition. Avis défavorable en attendant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1626 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Il vise à baisser les impôts des petits propriétaires assujettis au régime micro-foncier, en rehaussant l’abattement d’impôt sur le revenu de 30 % à 50 %.

Cet amendement, adopté à l’unanimité l’année dernière, tend à inciter les petits propriétaires à louer leurs biens sur une longue durée, dans un contexte d’attrition de ce type de logements. Cette mesure coûterait peu, d’autant qu’elle pourrait être compensée par la suppression des amortissements déductibles pour les locations meublées, comme le propose l’amendement I-CF1458 qui va suivre.

Ce dispositif, préconisé par l’IGF (Inspection générale des finances), est également soutenu par ma collègue Annaïg Le Meur, membre du groupe EPR. J’espère que ce coup de pouce aux petits propriétaires fera l’objet d’un vote consensuel. Vous êtes nombreux à affirmer matin, midi et soir vouloir les défendre, en voici l’occasion.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement reprend une des recommandations du rapport de MM. Daubresse et Cosson.

Cette mesure de simplification vise à aligner le taux d’abattement des logements nus sur celui des logements meublés. Avis favorable bien que nous en ignorions le coût.

M. Inaki Echaniz (SOC). Cette mesure, qui figure bien dans ce rapport, est également issue des travaux que nous avons menés avec Annaïg Le Meur dans le cadre de la loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme. Elle pourra vous en donner le coût.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je soutiens cet amendement. Voilà enfin une mesure simple et lisible qui sera très efficace.

M. François Jolivet (HOR). Je suis également favorable à cet amendement. Néanmoins, M. Echaniz se préoccupe uniquement des petits propriétaires qui, par définition, le sont déjà. Selon l’une des règles édictées par le Haut Conseil de stabilité financière, les revenus locatifs ne sont désormais plus pris en compte dans le calcul de la capacité d’emprunt pour un investissement locatif. Ce système n’avantage que ceux qui ont des ressources propres suffisantes pour rembourser l’emprunt. Au-delà des taux d’intérêt élevés, c’est le premier obstacle à l’investissement et, par conséquent, l’une des causes majeures de la crise du logement.

M. Jean-Didier Berger (DR). Pour une fois que les députés socialistes proposent une baisse d’impôt, on serait tenté de soutenir cet amendement.

Porter l’abattement à 50 % est une bonne idée, mais le plafond de 15 000 euros sera très vite atteint. Il conviendrait de retravailler ce dispositif afin de rehausser ce plafond.

M. Inaki Echaniz (SOC). Afin de garantir l’équilibre budgétaire et l’efficacité des dépenses nous avons finalement renoncé à proposer une augmentation du plafond. Toutefois, si Bercy nous y autorisait, nous y serions favorables.

Mme Annaïg Le Meur (EPR). La volonté initiale était d’aligner à 50 % le taux d’abattement du régime micro-foncier s’appliquant à l’ensemble des locations. Cela permettait d’avoir plus de visibilité et d’encourager la location de logements nus.

L’année dernière, nous avons diminué le taux d’abattement s’appliquant aux locations touristiques, qui est passé de 71 % à 50 %. Cet amendement s’inscrit donc dans cette dynamique.

Je vous donnerai le coût de cette mesure, qui tient compte de la réintégration des amortissements dans le calcul des plus-values de cession.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF84 de M. Lionel Causse.

Amendement I-CF682 de M. Aurélien Le Coq

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il vise à supprimer la niche fiscale dont bénéficient les locations meublées, en particulier les locations touristiques. Celles‑ci relèvent du régime BIC, qui est très avantageux.

Alors que cinq millions de jeunes vivent encore chez leurs parents, ce qui constitue un obstacle dans leur parcours d’études et professionnel, on dénombre plus d’un million de locations en meublé touristique de type Airbnb, ce phénomène contribuant à la crise du logement.

Les mesures qui seront adoptées devront aussi s’attaquer à la concentration du patrimoine immobilier. On ne peut pas faire comme si la France ne comptait que de touts petits propriétaires qu’on aiderait par des cadeaux fiscaux ; il faut actionner d’autres leviers qui auront un effet sur les loyers, dont la part ne cesse d’augmenter dans le budget des ménages.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer tout abattement fiscal pour les meublés de tourisme. Or nous avons déjà réduit les avantages fiscaux dont ils bénéficient dans le cadre de la loi Le Meur, adoptée l’année dernière. Évaluons les effets de ce dispositif avant d’aller plus loin. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF615 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (DR). Il vise à différencier les chambres d’hôtes des meublés de tourisme afin de ne pas freiner le développement du tourisme local dans les territoires ruraux.

La loi Le Meur a mis dans le même sac les meublés de courte durée et les chambres d’hôtes, qui sont soumises à des règles fiscales et réglementaires plus sévères. Cette loi a pour objet de lutter contre la pénurie de logements dans les grandes agglomérations ou les zones très touristiques. Or les chambres d’hôtes ne peuvent être considérées comme des logements.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les associations d’élus locaux évoquent souvent ce sujet. Les chambres d’hôtes ne peuvent être assimilées aux locations Airbnb. Avis favorable.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Les chambres d’hôtes sont un véritable moteur de vitalité pour les territoires ruraux. Elles font vivre les villages, maintiennent l’activité économique locale et soutiennent les artisans, les producteurs et la gastronomie. Les assimiler à des meublés de tourisme, c’est nier leur spécificité, fondée sur l’authenticité et la valorisation du territoire.

Cet amendement, loin d’accorder un privilège, reconnaît simplement leur rôle indispensable pour la ruralité française. Soutenir ces hébergeurs, c’est soutenir la vie, l’emploi et le patrimoine des campagnes.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je suis très heureux d’entendre M. Di Filippo soutenir cette mesure. Le maintien de l’avantage fiscal pour les maisons d’hôtes, mais également pour les gîtes ruraux, figurait dans la version initiale de la proposition de loi Le Meur. M. Husson, rapporteur général de la commission des finances du Sénat et membre du groupe des Républicains, qui y était fermement opposé, l’a fait supprimer.

Olivia Grégoire, alors ministre, s’était engagée – comme ses successeurs – à prendre un décret définissant le gîte rural. Nous l’attendons toujours.

Je reste pour ma part favorable à cette mesure, mais il faudra convaincre nos collègues sénateurs du groupe Les Républicains. Je compte donc sur M. Di Filippo pour faire entendre raison à M. Husson, qui a failli faire échouer l’adoption de l’ensemble de la loi Le Meur.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1458 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Dans la même logique de rééquilibrage en faveur de la location longue durée, il vise à aligner le régime fiscal de la location meublée sur celui de la location nue, en supprimant les amortissements déductibles des revenus.

Ce dispositif, qui reprend une recommandation du rapport d’Annaïg Le Meur sur la réforme de la fiscalité locative et de celui de MM. Daubresse et Cosson, vise à encourager la location meublée.

Par ailleurs, il conviendra de déposer en séance un amendement tendant à appliquer aux gîtes ruraux le dispositif de l’amendement précédent.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne suis pas convaincu qu’il faille rendre la location meublée financièrement insoutenable pour les bailleurs. Par ailleurs, nous avons toujours besoin de logements meublés, en particulier pour les étudiants. Avis défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Le régime fiscal resterait avantageux, d’autant que si l’achat de meubles représente un coût, celui-ci est amorti dès la première année de location. Il serait donc incohérent de maintenir ces amortissements durant toute la durée de location.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF551 de M. Dominique Potier

Mme Estelle Mercier (SOC). Cet amendement, que M. Potier dépose chaque année, propose un mécanisme incitatif qui prend en compte les écarts de revenus. Il vise à supprimer la déductibilité des charges de personnel du résultat imposable de l’entreprise pour les salaires dont le montant est au moins douze fois plus élevé que celui des salaires les plus bas.

Il vise à garantir un bon partage de la valeur et à favoriser les entreprises vertueuses.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF980 de M. Guillaume Garot

M. Guillaume Garot (SOC). En 2016, nous avions adopté à l’unanimité une loi, dont j’étais le rapporteur, pour inciter les entreprises à donner leurs invendus alimentaires plutôt qu’à les détruire. À cette fin, les dons peuvent être déduits du résultat soumis à l’impôt sur les sociétés (IS) à hauteur de 60 % de leur valeur, dans la limite de 0,5 % du chiffre d’affaires ou de 20 000 euros. Au-delà de ce plafond, les entreprises de la grande distribution peuvent comptabiliser ce qu’elles ne donnent pas – donc qu’elles jettent – en pertes, déductibles de l’IS. D’une certaine façon, l’État incite donc aujourd’hui à la destruction plutôt qu’au don.

L’amendement vise à corriger cette situation en prévoyant que le don de denrées alimentaires ouvrira droit, au-delà du plafond, à une déduction fiscale de 25 %. L’impact pour les finances publiques serait neutre.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne suis pas certain de bien comprendre ce que vous proposez. Pour l’heure, les pertes liées à la destruction de denrées sont déductibles du résultat fiscal de l’entreprise. La déduction que vous proposez au titre des dons s’ajouterait-elle à cette possibilité ?

M. Guillaume Garot (SOC). Elle la remplacerait.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le stock qu’une entreprise déclare actuellement comme perdu pourrait donc désormais être déclaré comme donné – s’il l’est effectivement. L’entreprise remplirait deux déclarations distinctes, respectivement au titre des pertes déductibles et des dons réalisés.

M. Guillaume Garot (SOC). Par définition, tout stock donné n’est pas perdu. Le don ouvrirait droit à la déduction fiscale que je préconise, cette dernière ayant vocation à remplacer la déduction actuellement possible au titre des pertes. C’est pourquoi l’amendement n’aurait pas d’incidence sur les finances publiques. Par ailleurs, les pertes justifiées – parfois, on ne peut pas faire autrement que de jeter – ne seront pas incluses dans le champ du dispositif.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ne craignez-vous pas que la complexité induite par cette déclaration supplémentaire – celle des dons réalisés – dissuade certaines entreprises de se saisir de cette possibilité ? Pour l’heure, elles déclarent des destructions de denrées qu’elles peuvent défalquer de leur résultat imposable. Ne risquent-elles pas de préférer s’en tenir à ce système plutôt que de se lancer dans une double déclaration ?

M. Guillaume Garot (SOC). Non, car je propose simplement de prolonger le dispositif existant, qui les incite déjà à donner en leur accordant une exonération très intéressante.

M. Charles de Courson (LIOT). Le dispositif existant est effectivement généreux, puisqu’il permet de déduire les dons à hauteur de 60 %. Des responsables des Restos du cœur m’ont d’ailleurs fait part d’abus : les produits donnés sont valorisés au prix de marché, même quand ils sont un peu dégradés, ce qui permet à certains de s’enrichir en détournant quelque peu le système, sans que les bénéficiaires soient en mesure de le contrôler.

La proposition de notre collègue Guillaume Garot est séduisante, mais elle suppose qu’on soit capable de déterminer dans quels cas la destruction des denrées est justifiée et les pertes déductibles, ce qui me paraît très compliqué. Le fait qu’un produit soit périmé, par exemple, est-il un motif légitime de destruction, ou simplement le signe d’une mauvaise gestion des stocks ? Il me semble nécessaire de retravailler le dispositif.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF38 de Mme Corinne Vignon

Mme Corinne Vignon (EPR). Je propose d’instaurer un dispositif fiscal incitatif, simple et neutre pour les finances publiques, afin de soutenir la transition écologique des TPE-PME. Il s’agit de permettre aux entreprises soumises à un régime réel d’imposition de déduire immédiatement de leur résultat imposable le montant d’un investissement à finalité environnementale en constituant une provision réglementée qui sera ensuite reprise progressivement au rythme de l’amortissement comptable du bien.

Ce mécanisme, conçu avec la CCI (chambre de commerce et d’industrie) de la Haute-Garonne, encouragerait l’investissement vert et soutiendrait la modernisation du tissu productif français sans engendrer de coût durable pour l’État.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La définition retenue au II. 1° de votre amendement me semble excessivement large et je crains qu’elle ne donne lieu à des abus comparables à ceux observés pour le dispositif MaPrimeRénov’. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF544 de Mme Christine Pirès Beaune

M. Mickaël Bouloux (SOC). Le suramortissement applicable aux véhicules propres vise à soutenir la transition écologique du secteur du transport. Or certaines entreprises en profitent pour financer des véhicules qui, par des circuits de location, seront principalement utilisés à l’étranger. Le contribuable français paye ainsi pour décarboner les usages hors de nos frontières, alors que nos transporteurs et nos PME peinent à investir en France.

Nous ne souhaitons pas remettre en cause le dispositif, mais en garantir la cohérence et la justice : le suramortissement doit être réservé aux véhicules utilisés majoritairement sur le territoire national, afin que chaque euro de dépense publique soutienne la transition écologique française.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre idée est séduisante intellectuellement, mais, le secteur du transport routier étant par essence internationalisé, je vois mal comment on pourrait déterminer le nombre de jours que chaque véhicule passe en France ou à l’étranger. Un système aussi complexe ne me semble pas viable.

Il comporte également un risque juridique au regard du principe de libre prestation de services consacré par le droit de l’Union européenne : quel traitement devrait-on réserver à des camions venant d’autres pays ? Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Je crains que cet amendement ne soit contraire au droit communautaire, puisqu’il reviendrait à favoriser le transport intérieur.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1754 de M. Pierre Henriet

M. Pierre Henriet (HOR). Je propose de rétablir pour deux ans le dispositif de suramortissement dont bénéficiaient les PME industrielles investissant dans le domaine de la robotique et de la transformation numérique. Dans un secteur soumis à une concurrence internationale très forte, cette disposition, qui a fait ses preuves, aiderait certains fleurons de notre industrie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce dispositif a été éteint sans être réellement évalué. Peut-être son faible coût était-il l’illustration de sa faible utilité. Avis défavorable.

M. Pierre Henriet (HOR). L’initiative Territoires d’industrie prévoit un dispositif complémentaire à ce suramortissement. Il me semblerait de bon ton de continuer à soutenir cette filière indispensable et exposée à une concurrence parfois féroce.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1089 de M. Jimmy Pahun

M. Erwan Balanant (Dem). Le transport vélique est en plein développement. La France compte plusieurs entreprises novatrices engagées dans des chantiers où se construisent les bateaux du futur. Pour les aider, elle doit les faire bénéficier d’un suramortissement vert vraiment efficace. Ce n’est pas encore complètement le cas, ce qui freine l’essor de cette filière qui jouera un rôle central pour faire advenir un transport transatlantique complètement décarboné.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce suramortissement a été modifié cinq fois depuis sa création en 2019. D’après le rapport sur l’application des lois fiscales (Ralf) rédigé par notre collègue Charles de Courson, il semble qu’il soit peu utilisé. Je vous propose d’en rester au système en place et de laisser la filière s’en emparer. En attendant, avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Il se trouve que j’ai cosigné cet amendement transpartisan. Nous avons organisé il y a quelques semaines un colloque consacré à la propulsion vélique. Le développement de ce secteur est une vraie piste de décarbonation et la France a tous les atouts pour en être un des leaders, grâce à sa culture de la course au large et à sa maîtrise des technologies. Toute la filière – armateurs, constructeurs, chantiers – attend cet amendement, même s’il reste perfectible. Une proposition de loi transpartisane, dont j’espère qu’elle sera prochainement présentée au cours d’une semaine de l’Assemblée, est d’ailleurs en cours de préparation.

M. Erwan Balanant (Dem). Des bateaux français transportent déjà des marchandises à travers l’Atlantique sans émettre de carbone – sauf pour effectuer les manœuvres dans les ports. Ils sont pour partie produits dans les chantiers Piriou, à Concarneau, dans ma circonscription. Huit sont en cours de construction et deux effectuent déjà chaque semaine des trajets entre Le Havre et New York. Ils sont le transport de l’avenir. La France peut rester leader dans ce domaine, à condition d’aider ces entreprises. En l’occurrence, la dépense ne serait pas énorme comparée au coût d’autres suramortissements, comme celui dont bénéficie un grand transporteur français basé à Marseille.

M. Matthias Renault (RN). Sur le principe, l’amendement est intéressant : la décarbonation est effectivement l’avenir du transport de marchandises et les armateurs se préparent à intégrer une part de propulsion vélique à leur modèle.

En revanche, couvrir 100 % des surcoûts paraît un peu exagéré. Surtout, si la propulsion vélique peut être utilisée à titre accessoire pour économiser du carburant, penser que le transport de marchandises sera à l’avenir assuré par des navires propulsés principalement par le vent paraît un peu illusoire.

M. le président Éric Coquerel. Vous auriez dû assister au colloque : vous auriez constaté qu’il n’en est rien.

M. Matthias Renault (RN). Je m’exprime aussi en tant que rapporteur spécial du programme Affaires maritimes, pêche et aquaculture et après avoir interrogé les armateurs sur ce point.

M. Charles de Courson (LIOT). J’imagine que vous avez tous lu le Ralf. J’y évoque ce dispositif, qui reste très peu utilisé. De mémoire, le nombre de bénéficiaires se compte sur les doigts d’une main. Permettra-t-il à la filière de se développer ? L’auteur de l’amendement nous assure que oui, mais cela reste à voir.

Mme Christine Arrighi (EcoS). La propulsion vélique est effectivement un moyen de décarboner la filière maritime. Il existe déjà des dispositifs pour la favoriser. J’ai participé au colloque consacré au sujet et je remercie le président Coquerel pour son invitation, mais dans le contexte budgétaire que nous devons affronter, il me semble que nous pouvons attendre avant d’accorder un nouvel amortissement au secteur. Notre champion, CMA-CGM, a déjà bénéficié de la non‑taxation des superprofits, qui lui a permis d’investir dans nombre de nouveaux navires moins émetteurs grâce à une motorisation de meilleure qualité, et d’une taxe au tonnage de 2 % en guise d’IS.

M. Daniel Labaronne (EPR). Une entreprise de ma circonscription, qui importe et exporte du poivre, avait fait le choix de le transporter sur un bateau à voile. Or dans les ports où ce dernier fait escale, que ce soit au Brésil, au Maroc ou en Tunisie, il n’est pas considéré comme un bateau de marine marchande, mais comme un voilier. Comment les choses se passent-elles pour les navires que vous évoquez ?

M. Erwan Balanant (Dem). Comme je l’indiquais, la société TOWT, basée au Havre, commercialise des bateaux à voile capables de voyager entre New York et Le Havre presque aussi vite qu’un bateau propulsé par du pétrole ou du gaz. Le temps gagné grâce à une bonne gestion des emplacements de conteneurs, les slots, donc à un déchargement plus efficace des navires, lui permet même d’être plus rapide qu’elle ne le serait avec des bateaux à moteur.

Je suis très étonné d’entendre le groupe Écologiste s’opposer à un amendement qui vise à développer la navigation décarbonée, qui est la navigation du futur – car demain, la plupart des produits, notamment ceux à forte valeur ajoutée, seront transportés à la voile.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques I-CF926 de M. Daniel Labaronne et I-CF1811 de M. Paul Midy

M. Daniel Labaronne (EPR). Je propose de proroger jusqu’au 31 décembre 2028 le régime d’exonération fiscale bénéficiant aux jeunes entreprises innovantes (JEI), dont l’échéance est fixée au 31 décembre 2025.

M. Paul Midy (EPR). Rappelons que des entreprises dont nous sommes tous fiers, comme Mistral AI, Back Market, BlaBlaCar ou Doctolib, sont des anciennes JEI. Il faut continuer à les soutenir.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable.

M. François Jolivet (HOR). Quel est le coût de cette niche ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le régime adopté dans la loi de finances pour 2024 avait coûté environ 200 millions.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1812 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Nous proposons de créer une nouvelle catégorie, celle des jeunes entreprises d’innovation à impact. Cet amendement, élaboré avec le mouvement Impact France, avait été adopté l’année dernière en séance avec le groupe Socialistes. Il vise à faire bénéficier du dispositif JEI les entreprises de l’ESS (économie sociale et solidaire) qui s’engagent dans l’innovation à impact. Ces entreprises étant malheureusement assez peu nombreuses, le coût sera très restreint.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez non plus de proroger le dispositif existant, mais de l’étendre, créant ainsi une dépense supplémentaire, non évaluée et probablement élevée. Avis défavorable.

M. Paul Midy (EPR). Le coût de la mesure est estimé entre 3 et 5 millions d’euros.

M. Charles Fournier (EcoS). Pour une fois, il n’est pas question uniquement d’innovation technologique. Alors que l’innovation sociale n’est plus perçue comme un progrès et qu’elle ne bénéficie plus d’aucun soutien public, élargir le dispositif à ce secteur a du sens. Je soutiens donc cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF1483 et I-CF1814 de M. Paul Midy (discussion commune)

M. Paul Midy (EPR). Je vais retirer l’amendement I-CF1483 au profit du I-CF1814, qui vise à créer une catégorie distinguant les JEIR (jeunes entreprises d’innovation de rupture), lesquelles seraient aidées pendant douze ans au lieu de huit. Cette durée est nécessaire dans certains secteurs comme le quantique – je songe à des entreprises comme Pasqal, Quandela ou Quobly, qui ont vocation à devenir les Apple ou IBM de demain.

La mesure ne coûterait rien à l’État au cours des huit prochaines années puisqu’elle ne s’appliquerait qu’aux jeunes entreprises d’innovation de rupture créées à partir du 1er janvier 2026. Symboliquement, il est toutefois très important de la soutenir.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le statut de JEI est récent et assorti de nombreux avantages fiscaux. La durée de huit ans paraît conforme à celle habituellement retenue pour définir une jeune entreprise. Plus on l’allonge, plus on s’éloigne de l’intention initiale. Laissons le dispositif faire ses preuves ; nous aviserons ensuite. Avis défavorable.

M. Paul Midy (EPR). Le dispositif JEI a été créé il y a vingt et un ans, sous Jacques Chirac.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Pour avoir, en tant que membre du Comité de surveillance des investissements d’avenir, beaucoup travaillé sur les entreprises innovantes, je peux affirmer qu’à part celles qui planchent sur l’ordinateur quantique, toutes trouvent leur rythme de croisière en l’espace de cinq ans. Environ 8 milliards d’euros sont déjà consacrés à la recherche à travers le programme d’investissement d’avenir. Il faut aussi laisser le marché trouver son équilibre. Un accompagnement de douze ans serait disproportionné et créerait une distorsion de concurrence au profit de ces entreprises innovantes. Dans ce domaine, il faut rester prudent.

M. Pierre Henriet (HOR). Même si l’esprit de l’amendement est intéressant, de nombreux dispositifs – le plan Quantique, le PEPR (programme et équipement prioritaire de recherche) Quantique – soutiennent déjà la filière. Mickaël Bouloux et moi-même avons rendu en juillet dernier un rapport consacré à la valorisation de la recherche. Constatant la multiplicité des dispositifs existants, dont certains sont assez flous, nous y proposons notamment de simplifier le paysage. Cette mesure me semble plutôt aller dans le sens de la complexification.

L’amendement I-CF1483 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF1814.

Amendements I-CF4 de M. Nicolas Ray et I-CF916 de Mme Christine Pirès Beaune (discussion commune)

M. Nicolas Ray (DR). Mon amendement vise à introduire davantage d’équité et d’efficacité dans le soutien à l’installation des professionnels de santé.

Les médecins qui s’installent en ZFRR (zonage France ruralités revitalisation) bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu ou d’impôt sur les sociétés. Or ce zonage ne correspond pas à la cartographie des déserts médicaux, lesquels se trouvent ainsi pénalisés lorsqu’ils ne sont pas classés en ZFRR. Je pense notamment à certaines villes moyennes. L’amendement vise à rendre le système plus cohérent en excluant les professions médicales du zonage FRR, initialement conçu pour les entreprises, et en créant un nouveau dispositif fiscal spécifique qui corresponde réellement à la cartographie des déserts médicaux.

Afin de ne pas aggraver la situation des finances publiques malgré l’extension du soutien à l’installation qui en résultera – davantage de zones en bénéficieront –, je propose de ramener la durée de l’exonération de cinq ans à trois ans.

Nous éviterions ainsi les distorsions de concurrence dont souffrent les déserts médicaux qui ne sont pas situés en ZFRR.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous proposons de recentrer la dépense fiscale sur une vraie priorité de santé publique : la lutte contre les déserts médicaux. Les abattements dont bénéficient les médecins, accordés parfois sans lien clair avec le lieu d’exercice, coûtent plus de 350 millions d’euros par an. Nous proposons de réserver ces avantages à celles et ceux qui s’installent là où les besoins sont les plus criants, dans un souci de justice territoriale, de responsabilité budgétaire et de cohérence avec l’objectif d’égal accès aux soins.

Cette mesure permettrait de réaliser une économie de l’ordre de 200 millions par an.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement de M. Ray aurait pour effet d’exclure les professions de santé du zonage FRR et de leur appliquer un zonage exclusivement fondé sur la carte des déserts médicaux. Cela me semble pertinent : j’y suis favorable.

Celui de Mme Pirès Beaune, qui tend à réserver le bénéfice de l’abattement forfaitaire et de l’abattement complémentaire de 3 % aux praticiens exerçant dans un désert médical, est également très intéressant, mais je ne crois pas qu’une mesure fiscale moins ciblée que celle proposée par M. Ray soit suffisante pour inciter à l’installation. J’y suis donc défavorable.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Comment le dispositif prévu par M. Ray s’articulerait-il avec les ZIP (zones d’intervention prioritaire) et les ZAC (zones d’action complémentaire), qui sont définies par les ARS (agences régionales de santé) selon une méthodologie nationale et ouvrent déjà droit à des aides à l’installation ?

Quel serait le coût de ce système ?

M. Nicolas Ray (DR). Il est vrai que l’installation en ZIP ou en ZAC permet de toucher des subventions, mais celles-ci sont bien moins intéressantes que les exonérations fiscales liées aux ZFRR.

Je ne connais pas le coût exact du dispositif, mais je sais qu’il sera plus élevé que celui en vigueur, d’où la réduction de la durée d’exonération que je propose par ailleurs.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). À titre personnel, je soutiens l’amendement de M. Ray. On associe toujours les déserts médicaux à des territoires très reculés et isolés, alors que, dans certaines agglomérations, la densité en médecins généralistes est très inférieure à celle observée dans des zones rurales. L’exemple le plus criant est celui de la Seine-Saint-Denis, qui reste le plus grand désert médical de France. Il importe donc de corriger le dispositif et de le lier au nombre d’habitants, et non à la seule géographie.

La commission rejette successivement les amendements.

Présidence de M. Philippe Brun, vice-président de la commission

Amendement I-CF1113 de Mme Perrine Goulet

Mme Perrine Goulet (Dem). Il y a deux ans, nous avons voté une mesure visant à instaurer des ZRR (zones de revitalisation rurale) dans six départements en difficulté. À la suite de l’adoption d’un amendement sénatorial, les communes de plus de 30 000 habitants ont été exclues de ce dispositif, ce qui a eu un impact important sur l’installation de médecins et d’entreprises dans ces communes.

Dans ma circonscription de la Nièvre, seule la commune de Nevers n’est pas en ZRR. Parce qu’elle compte 34 000 habitants, celle-ci a été sortie du dispositif et se retrouve confrontée au départ de médecins et d’entreprises.

Pour corriger l’injustice résultant de cette décision sénatoriale inepte, cet amendement vise à porter le seuil d’éligibilité aux dispositifs France ruralités revitalisation de 30 000 à 35 000 habitants.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’entends vos arguments, madame Goulet, mais les effets de seuil sont inévitables. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1520 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Cet amendement vise à clarifier et compléter la fiscalité en matière de cryptoactifs et de jetons de gouvernance.

Certaines personnes participant à des projets d’entreprises de cryptoactifs reçoivent des jetons de gouvernance, qui s’apparentent à des actifs financiers. Ces jetons, qui leur permettent de participer à la gouvernance des entreprises, peuvent être revendus et produire une plus-value. Il faut fiscaliser cette plus-value qui, par nature, a vocation à être intégrée au prélèvement forfaitaire unique (PFU). Plusieurs centaines de milliers de personnes sont concernées.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous voulez intégrer les gains issus de la cession de ces jetons de gouvernance au PFU, comme pour les cessions effectuées par des particuliers. Merci d’explorer cette matière nouvelle, mais ce sujet mérite une plus large réflexion.

Les cryptoactifs sont des produits volatils et je recommande la plus grande prudence s’agissant de l’assouplissement du régime fiscal, en particulier pour les cryptoactifs de gouvernance. Avis défavorable.

M. Paul Midy (EPR). Ces jetons de gouvernance sont possédés par des personnes physiques, qui ont vocation à payer l’impôt sur la plus-value résultant de leur vente. Dans la pratique, actuellement, l’impôt n’est pas payé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF782 de Mme Mathilde Feld

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Depuis ce matin, nous entendons les macronistes dire que trop d’argent va être dépensé, que le budget va être tellement déséquilibré qu’il va finir par s’effondrer.

Je vous propose de remédier à ce problème en taxant les dividendes, ce qui dégagerait 6,7 milliards d’euros. Un amendement similaire avait été adopté l’an dernier, avant que les macronistes ne le rejettent, main dans la main avec les députés du Rassemblement national.

Pourquoi taxer les dividendes ? Parce qu’ils ne servent à rien. Ils ne permettent ni d’augmenter les salaires, ni de procéder à des investissements productifs. La preuve, leur volume explose alors que, d’après l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), les investissements productifs diminueront de 1,6 % l’année prochaine.

Les dividendes sont prélevés sur la valeur produite par les entreprises. En 2024, sur les 130 milliards de bénéfices dégagés par les entreprises du CAC40, 100 milliards ont été versés aux actionnaires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette mesure ne rapporterait rien puisqu’elle serait inapplicable aux filières européennes, en raison de l’existence du régime mère-fille. Par conséquent, le Conseil constitutionnel la censurerait s’agissant des filiales françaises, en raison de la discrimination à rebours. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il faut vraiment que nos collègues d’une certaine gauche comprennent qu’il est inutile de mentir de la sorte, que les gens voient ce qui est voté et connaissent la vérité. Hier, nous avons proposé un amendement contre les surdividendes, très précisément définis : vous ne l’avez pas voté ! Aujourd’hui, vous racontez n’importe quoi, proposez un dispositif illégal. Vous n’avez pas changé depuis l’époque où vous étiez étudiants : vous agitez des slogans et faites des promesses mais ce que vous proposez ne sert à rien. Si par miracle cet amendement était voté, il serait censuré par le Conseil constitutionnel.

Vous êtes les meilleurs ennemis des milliardaires ! Vous dites que les dividendes sont inutiles, mais tous les petits porteurs et les détenteurs d’assurance vie savent que c’est faux. Tous ceux qui sont attachés à la souveraineté française savent que sans dividendes, nos entreprises seraient exposées. Rémunérer le capital n’est pas une insulte si cette rémunération est juste et si les détenteurs de dividendes paient leur juste contribution.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Permettez-moi de féliciter MM. Juvin et Tanguy de leur récente nomination au Conseil constitutionnel, qui m’avait échappé.

S’il est bon que toute nouvelle mesure soit soumise au Conseil constitutionnel, il serait néanmoins préférable qu’on ne suppose pas par avance quelle sera sa décision.

Percevoir des dividendes n’est certes pas un crime et il existe de petits porteurs. La question est celle de l’excès de dividendes : trop de dividendes tue le dividende ! Les excès que nous observons depuis des années en la matière ont provoqué des baisses de recettes et la situation sociale que nous connaissons. Les Françaises et les Français attendent une plus grande équité fiscale – même ceux qui votent pour vous, monsieur Tanguy.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF641 de Mme Mathilde Feld

M. Damien Maudet (LFI-NFP). À l’été 2024, la famille Dassault, sixième plus grande fortune de France, requalifie sa holding familiale en holding animatrice. En d’autres termes, elle déclare du jour au lendemain que sa holding lui sert finalement à gérer les entreprises qu’elle possède. La famille Dassault s’est-elle réveillée un matin en comprenant que la holding familiale était finalement composée de biens professionnels ? Non. Elle a voulu éviter de payer l’impôt sur la fortune immobilière.

Dans certains cas, le dispositif de holding est utilisé pour des montages d’optimisation fiscale massive. Ce n’est guère surprenant puisqu’avec six pages d’exemption, l’article 3 du projet de loi de finances, qui a été largement modifié, ressemble plus à un conseil d’avocat fiscaliste qu’à autre chose.

Grâce au régime mère-fille, les ultrariches ne se versent pas les dividendes directement, ils les versent à leur holding et ne payent quasiment aucun impôt dessus. Parce que nous sommes inquiets de l’état des finances publiques, nous vous proposons de supprimer cette exonération qui permet à certains milliardaires de ne pas payer d’impôts.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre amendement est inapplicable, puisqu’il ne tient pas compte de la directive mère-fille. Vous devriez vous faire élire au Parlement européen !

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Chers collègues LFI, vous omettez de le dire dans vos tweets mais ce matin, plusieurs niches fiscales ont été créées ou étendues grâce à l’adoption d’amendements de votre camp votés par les députés du RN. Arrêtez donc de nous faire la leçon.

Par ailleurs, chers collègues Écologistes, vous avez la mémoire courte : lors de l’examen de textes importants comme la loi sur l’immigration ou la loi Duplomb, vous nous avez vous aussi donné des cours de droit constitutionnel – et à raison d’ailleurs, puisque certaines dispositions ont été censurées par le Conseil constitutionnel. Admettez donc que sur les sujets fiscaux aussi, la Constitution s’applique et que nos arguments en la matière ne valent pas moins que les vôtres.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Monsieur Tanguy, vous êtes prêt à réutiliser tous les arguments de la Macronie pour protéger les ultrariches. Vous essayez de nous faire croire que vous protégez les petits actionnaires et les détenteurs d’une assurance vie, mais l’amendement que vous venez de rejeter proposait une taxe exceptionnelle sur les dividendes distribués par les entreprises du CAC40. Or je ne crois pas que les 100 milliards d’euros de dividendes qu’elles ont distribués concernaient les petits actionnaires, puisqu’on sait que 96 % vont à 1 % de la population.

Additionner les points finit par former une ligne, celle qui vous relie à la politique d’Emmanuel Macron pour la protection des riches : depuis hier, vous avez refusé de revenir sur la flat tax, d’élargir la contribution différentielle sur les hauts revenus, de modifier des niches fiscales, de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune ou de créer la taxe Zucman. Je ne doute pas que vous en ferez autant concernant cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF681 de M. Aurélien Le Coq et I-CF1544 de M. Paul Midy (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous sommes tous d’accord, il faut cesser de créer des niches fiscales et d’étendre celles qui existent, puisqu’elles grèvent le budget et creusent les déficits. Elles représentent 89 milliards d’euros.

Nous vous proposons donc de revenir sur la première d’entre elles, le crédit d’impôt recherche (CIR), cette arnaque à 7 milliards d’euros qui ne bénéficie qu’à un tout petit nombre de très grandes entreprises : 10 % des bénéficiaires du CIR perçoivent 77 % du montant total ; et même cinquante entreprises en reçoivent 43 %.

Toutes les études montrent que le CIR ne favorise pas la recherche. Ainsi, Sanofi, qui a reçu 1,5 milliard d’argent public au titre de ce crédit d’impôt pendant dix ans, a sur la même période divisé par deux le nombre de ses chercheurs, vendu Doliprane et délocalisé ses activités de recherche. Il est temps de mettre un terme à cette gabegie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le CIR a probablement des imperfections, mais il a un effet d’entraînement et d’incitation réelle à la recherche pour les entreprises – et pas seulement pour les plus grandes. Avis défavorable pour la suppression brute du CIR.

L’amendement I-CF1544, lui, propose une avance de trésorerie. Les jeunes entreprises innovantes ont parfois du mal à attendre douze ou dix-huit mois qu’on leur verse le CIR pour financer un poste de chercheur par exemple. Avis favorable pour cette mesure qui ne coûterait rien au budget de l’État.

M. Gérault Verny (UDR). Nous venons d’entendre un florilège de toutes les bêtises dont vous êtes coutumiers depuis hier.

Hier, monsieur Le Coq, vous nous expliquiez qu’il était nécessaire de développer l’actionnariat salarié afin que les salariés puissent toucher des dividendes. Aujourd’hui, vous dites que les dividendes ne servent à rien. Cherchez la cohérence.

Ensuite, vous clouez au pilori la famille Dassault, sans doute la plus patriote de France, grâce à qui notre pays est quasiment le leader mondial dans le secteur de l’aviation militaire. La requalification de sa holding familiale en holding animatrice résulte du fait que l’entreprise est gérée par les mêmes personnes que cette holding. L’administration fiscale est particulièrement attentive à ce sujet et je ne vois pas en quoi cela pourrait faire débat.

Enfin, le CIR a fait ses preuves depuis de nombreuses années.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Chaque année, à l’occasion de l’examen du PLF (projet de loi de finances), tout le monde admet que le CIR pose problème, qu’il est mal défini et qu’il entraîne des excès. Pourtant, tous les ans, vous rechignez à voter le moindre amendement permettant d’en limiter les abus.

Alors que nous cherchons tous à renflouer les caisses de l’État, il est totalement irresponsable de ne pas se pencher sur le CIR, qui représente 7,7 milliards : c’est la plus grande niche fiscale.

Sachant que Sanofi a licencié 1 000 salariés, dont 400 chercheurs, alors qu’il a massivement bénéficié du CIR, les « circulez, il n’y a rien à voir » et les « nous regarderons ça plus tard » sont complètement irresponsables. Nous devons agir dans ce PLF.

S’il n’est pas supprimé, nous discuterons plus tard des amendements visant à mieux le délimiter. Il faut vraiment traiter le problème.

M. Paul Midy (EPR). J’aimerais que nous prenions un peu de recul pour rappeler pourquoi l’innovation est importante. Comment expliquer que dans notre pays, dont le nombre d’habitants est relativement stable, la richesse créée soit beaucoup plus abondante qu’il y a cent ans ? Par des gains de productivité, qui résultent uniquement de l’innovation.

Lorsque l’agriculture a été mécanisée, les paysans ont pu moissonner beaucoup plus de blé et produire beaucoup plus de richesses. De même, on transporte beaucoup plus de monde avec un bus à hydrogène qu’avec une calèche et cela coûte beaucoup moins cher.

Contrairement à la Chine, notre population n’est pas en expansion : la seule façon de créer plus de richesse, pour une meilleure éducation et une meilleure santé, c’est l’innovation et les gains de productivité. Ne supprimons pas le CIR !

Mme Christine Arrighi (EcoS). Permettez-moi de venir au secours de mes collègues de La France insoumise et de citer la fin de l’exposé sommaire de leur amendement : « Nous proposons en conséquence de mettre un terme au CIR, les moyens ainsi dégagés permettront d’amplifier considérablement la recherche publique, et pourront, sous la forme d’un nouveau dispositif, aider les TPE et les PME dans leurs efforts de découverte de technologies de rupture. »

Vous prétendez être des parangons de vertu en matière de recherche et d’innovation tandis que nous serions favorables au retour de la charrette et de la bougie. En réalité, vous refusez de revoir le CIR alors que de multiples rapports – Cour des comptes, Sénat, Assemblée nationale – ont recommandé de le réformer et de le conditionner à des mesures sociales et environnementales.

La commission rejette successivement les amendements.

M. Philippe Brun, président. Je dois vous informer que le dépôt des amendements en vue de l’examen du texte en séance publique est ouvert. Le logiciel Eloi vous permet de reprendre des amendements déjà déposés en commission en cliquant sur le bouton « redéposer », ce qui n’empêche pas de les modifier. Cela facilite leur suivi et fait économiser un temps précieux aux services. Malheureusement, sur les 1 700 amendements déjà déposés, 88 seulement l’ont été en utilisant cette fonctionnalité.

La Conférence des présidents a décidé ce matin que les amendements en vue de l’examen en séance publique pouvaient être déposés jusqu’à jeudi à neuf heures.

Présidence de M. le président Éric Coquerel

Amendements identiques I-CF1150 de Mme Sandrine Le Feur et I-CF1283 de Mme Constance de Pélichy

Mme Sandrine Le Feur (EPR). Avec mes collègues Constance de Pélichy et Marcellin Nadeau, nous avons travaillé à l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur la lutte contre l’artificialisation des sols. Ce travail a donné lieu à un rapport et à des préconisations pour accompagner la mise en œuvre de l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) sur les territoires, ainsi qu’à une proposition de loi.

Pour tenter de concilier l’objectif ZAN et la demande croissante de logements, je propose la création d’un crédit d’impôt fixé à 25 % des dépenses engagées pour l’amélioration du logement, qui vise spécifiquement les territoires où les besoins de réhabilitation de l’habitat sont les plus marqués. Le plafond de dépenses, fixé à 150 000 euros par logement, garantit un ciblage de l’aide sur des travaux substantiels propices à la revitalisation qualitative du patrimoine bâti.

M. Michel Castellani (LIOT). L’amendement proposé par Constance de Pélichy vise ainsi à créer un crédit d’impôt sur les dépenses engagées pour la réhabilitation et la remise sur le marché de logements vacants depuis au moins cinq ans. Le crédit serait fixé à 25 %, dans la limite de 150 000 euros, dans les territoires où les besoins en logements seraient plus marqués.

Il s’agit de répondre aux besoins de logements tout en soutenant la filière bâtiment et travaux publics, qui en a grandement besoin.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable puisqu’il s’agit d’un crédit d’impôt, mais serait-il envisageable d’en estimer le coût en vue de l’examen en séance publique ?

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Ces amendements visent à conforter l’objectif ZAN. Or les groupes politiques qui les ont déposés ont soutenu le projet de loi « simplification », qui a donné lieu à un dégommage en règle du ZAN. Vous pouvez soutenir des projets de loi qui dézinguent les outils imparfaits que vous avez daigné voter pour protéger l’environnement, mais cela manque un peu de cohérence.

La commission rejette les amendements.

Amendements I-CF105 et I-CF106 de M. Daniel Labaronne (discussion commune)

M. Daniel Labaronne (EPR). Notre arsenal fiscal incite les bailleurs sociaux à investir dans la construction de logements sociaux. Certains bailleurs construisent beaucoup, d’autres très peu, voire pas du tout. Ils bénéficient pourtant tous d’un même avantage fiscal : l’exonération de l’impôt sur les sociétés, instaurée pour renforcer leurs fonds propres et les inciter à investir dans la construction.

L’amendement I-CF105 vise à supprimer cette exonération pour les bailleurs sociaux, mais en la réintroduisant grâce au I-CF106, conditionnée à des engagements en matière de construction.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je salue ces amendements disruptifs, mais l’amendement I-CF105 aurait un effet trop vigoureux, ne correspondant probablement pas aux plans d’investissement des bailleurs sociaux. J’y suis donc défavorable.

En revanche, l’amendement I-CF106 me paraît tout à fait vertueux : la raison d’être des bailleurs sociaux est de construire pour le bien public. Avis favorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Vous êtes prêts à imposer des conditions aux bailleurs sociaux, mais pas à voter nos amendements visant à conditionner les aides aux entreprises.

La crise du logement social – 2,8 millions de ménages sont en attente d’un logement – et le manque de constructions résultent de la diminution constante des moyens donnés aux bailleurs sociaux. Ces derniers ne refusent pas de construire, mais subissent la crise du modèle. Le dispositif que vous proposez ne la réglerait en rien, mais contribuerait à mettre en difficulté les bailleurs sociaux, qui ne sont pas responsables de la situation dans laquelle l’État les a placés.

M. Jean-Didier Berger (DR). Je suis également opposé à cet amendement visant à créer une contrainte supplémentaire pour les bailleurs sociaux. L’État a prélevé énormément d’argent dans les poches de ces derniers, notamment des fonds propres, affaiblissant le secteur du logement social. Favoriser l’accession sociale à la propriété pour permettre aux bailleurs sociaux de reconstituer leurs fonds propres est une bonne idée, mais ne les obligeons pas à faire des choses qu’ils n’ont plus les moyens de faire à cause de l’État.

M. Daniel Labaronne (EPR). Certains bailleurs sociaux ne construisent pas, alors qu’ils encaissent des loyers et dégagent des bénéfices, tout en étant exonérés de l’impôt sur les sociétés. Vous trouvez cela normal, moi pas.

Nous devons encourager les bailleurs sociaux qui prennent des risques et construisent des logements sociaux, alors que la demande est très forte. L’économie est la science des incitations : de ce point de vue, exonérer de l’impôt sur les sociétés ceux qui construisent des logements me semble être juste et incitatif.

L’amendement I-CF105 étant retiré, la commission rejette l’amendement ICF106.

Amendement I-CF468 de M. Éric Coquerel

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je sais que nous sommes tous attachés à ce que chacune et chacun paie sa juste part d’impôt. J’imagine donc que taxer les multinationales à la hauteur des bénéfices réalisés en France fera consensus.

Le gouvernement a décidé de s’attaquer à la fraude fiscale – c’est ce qui est affiché dans ce PLF. Mais personne ne croit sérieusement qu’il récupérera 1,5 milliard avec les dispositifs actuels : en 2024, après la suppression de 30 000 emplois à la direction générale des finances publiques, les recettes de la lutte contre la fraude fiscale n’ont progressé que de 200 millions.

Je vous propose de régler définitivement le problème en taxant la part des bénéfices réalisés en France par les multinationales. D’après une étude du Cepii (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), cette part représente un manque à gagner de 36 milliards par an. L’économiste Gabriel Zucman, que vous connaissez bien désormais, estime que 40 % des profits des multinationales sont délocalisés. Il est donc grand temps de faire payer correctement l’impôt.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement est contraire à l’accord prévoyant un impôt effectif minimal de 15 % conclu dans le cadre de l’OCDE en 2021 et transposé par la directive du 14 décembre 2022. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement, adopté l’an dernier en séance publique, est particulièrement vertueux. Lors des travaux de la mission d’information sur les différentiels de fiscalité entre entreprises, nous nous sommes aperçus, avec Jean-René Cazeneuve, que le différentiel est moins entre les PME et les grandes entreprises implantées en France qu’entre les entreprises françaises et les multinationales, qui, en jouant sur les prix de transfert, peuvent délocaliser une partie de leurs profits dans des pays à fiscalité privilégiée. C’est apparu de manière très nette, claire et incontestable.

Il faut donc rectifier un tant soit peu ce système par un calcul au prorata de l’activité de la multinationale réalisée en France. D’après les calculs, ce rééquilibrage de l’impôt payé par les multinationales rapporterait 26 milliards d’euros au Trésor.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Sans contredire vos propos sur les conclusions de notre rapport, j’observe que l’amendement comporte deux écueils.

Le premier est que changer les règles qui s’appliquent aux autres leur fera changer les règles qu’ils nous appliquent. Je ne suis pas certain que nous en sortions gagnants. Il y a au sein de l’OCDE des accords. Il ne faut pas imaginer que nous sommes plus malins que les autres ni qu’ils accepteront un écart de rendement de notre fiscalité.

Le second est que les entreprises françaises dont l’activité est très internationale, telles que LVMH, sont imposées très au-delà de ce que pèse leur chiffre d’affaires en France. Pour elles, cet amendement aurait pour effet de réduire l’impôt qu’elles paient en France.

M. Gérault Verny (UDR). L’entreprise LVMH verse en France un impôt sur les sociétés (IS) élevé par rapport au chiffre d’affaires qu’elle réalise sur le territoire national. J’aurais aimé que cet amendement soit beaucoup plus ciblé sur les Gafam, qui échappent de manière massive à l’impôt eu égard à leur activité économique. Il met dans le même panier des sociétés qui contribuent de manière vertueuse et importante au budget de l’État et des entreprises qui cherchent à contourner massivement l’impôt.

M. le président Éric Coquerel. Au contraire. Une société multinationale payant un IS significatif en France, proportionnel au chiffre d’affaires réalisé dans le pays, ne sera pas concernée par cet impôt. Il touchera les entreprises ayant une forte disparité entre le chiffre d’affaires réalisé dans le pays et les profits déclarés Il n’y a pas que les Gafam qui procèdent ainsi, et nous avons peu d’armes pour lutter.

Quant aux accords internationaux, les États-Unis ont dénoncé celui prévoyant un impôt effectif minimal de 15 %. Longtemps, on nous a opposé cet accord ; le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est très fragilisé. Il est temps de prendre des décisions unilatérales.

M. Gérault Verny (UDR). TotalEnergies, entreprise française, paie en France un IS très faible par rapport à son chiffre d’affaires, car elle n’y réalise pas de bénéfices. Elle entrerait dans le cadre de cet impôt.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous avions abordé le sujet dans le cadre de la mission d’information relative à l’impôt universel. L’amendement ignore les conventions fiscales internationales, qui reposent sur deux principes : la localisation et l’absence de double imposition, grâce à des mécanismes de compensation. Il est intéressant mais pas opérant. Revoir les quelque 120 conventions internationales – dès lors que nous créons un déséquilibre – est mission impossible. Avec un amendement comme celui-là, on se fait plaisir, c’est tout.

M. le président Éric Coquerel. Les pays à fiscalité très privilégiée ne sont pas si nombreux.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement, il faut le prendre comme une réflexion sur la façon dont les grandes entreprises internationales peuvent être fiscalisées. Les prix de transfert, que mentionne l’exposé des motifs, sont contrôlés par l’administration.

Quand nous avons demandé à TotalEnergies comment ils sont fixés, ils nous ont répondu que c’était très simple : c’est le prix de marché du jour. Au cours des quinze dernières années, TotalEnergies n’a pas gagné d’argent en France mais en a gagné beaucoup dans les pays d’extraction, lesquels ont fortement augmenté les taux d’imposition – allant jusqu’à 75 % pour récupérer la rente d’extraction, ce qui est tout à fait légitime.

L’amendement soulève un problème de fond, mais l’approche adoptée n’est pas la bonne. De surcroît, on ne pourra avancer qu’en obtenant un accord à l’échelle au moins de l’Union européenne – idéalement à celle du monde, mais ne rêvons pas.

M. le président Éric Coquerel. Pour cela, il faudrait une Union européenne où la fiscalité soit harmonisée, ce qui n’est même pas prévu dans les traités – c’est bien le problème.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF290 de Mme Clémentine Autain

Mme Christine Arrighi (EcoS). La fraude fiscale et les paradis fiscaux ruinent les piliers de nos démocraties, à tel point que nous nous retrouvons dans la situation actuelle, aggravée par la politique de l’offre menée depuis huit ans. 40 % des bénéfices des multinationales sont délocalisés dans des paradis fiscaux. Et ne me répondez pas que la direction générale des finances publiques va y travailler : vous l’avez épuisée ! Vous y avez supprimé tellement d’emplois qu’elle ne sait plus où donner de la tête.

Dans les années 1970, il avait été dit qu’il faudrait une imposition mondiale des entreprises. Vos prédécesseurs disaient que ce n’était pas possible : si, cela a été possible ! Il y a eu une petite avancée en 2021, avec l’accord de l’OCDE. Si nous avions été au pouvoir, cela aurait été beaucoup plus, depuis plus longtemps. Nous proposons d’aller plus loin en taxant le déficit fiscal mondial des entreprises.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Une telle disposition est contraire au droit international, et à la directive européenne du 14 décembre 2022. Passer des 15 % de l’accord de l’OCDE à 25 % provoquerait par ailleurs des représailles de nos partenaires, qui n’accepteraient pas que leurs entreprises soient doublement imposées et feraient subir la même chose aux sociétés françaises. L’amendement est non seulement inopérant mais potentiellement source de désordre du commerce international. Avis défavorable.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Dans ce débat, il faut quand même comprendre qu’agir seuls, c’est affaiblir notre pays. On peut être pour ou contre, mais le fait est qu’il y a une concurrence fiscale à l’échelle mondiale.

Madame Arrighi, vous parlez de l’accord de l’OCDE comme d’une petite avancée. Je rappelle, pour être complet, qu’il faut plusieurs années pour négocier de tels accords et les faire aboutir, avec des dizaines de pays autour de la table.

Il aurait aussi été honnête de votre part de rappeler que la France a pris une part substantielle à sa conclusion. Le ministre des finances de l’époque, Bruno Le Maire, a joué un rôle absolument crucial, pendant plusieurs années, pour aboutir à cet accord qu’il a porté à bout de bras. En matière de taxation internationale, il nous arrive de faire des choses conformes à certaines de vos idées.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Monsieur Sitzenstuhl, vous apportez de l’eau à mon moulin. Malgré les accords internationaux, le régime mère-fille et autres conventions, vous y êtes arrivé en 2021 ? Ce que nous proposons est encore mieux, et nous le ferons.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous ne pouvons pas nous asseoir sur les accords internationaux. Le Conseil d’État et la Cour de cassation vous feraient savoir que l’amendement est contraire à la Constitution, qui dispose que les accords internationaux priment sur le droit interne, et serait laissé inappliqué.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF824 de M. Nicolas Sansu

M. Emmanuel Maurel (GDR). Cet amendement porte sur le même sujet, qui est très sérieux : nous ne cherchons pas à nous faire plaisir.

Lorsque je siégeais au Parlement européen, la plupart des eurodéputés français avaient travaillé, de façon transpartisane, à répondre à un problème structurel : comment taxer les bénéfices là où l’activité économique réelle est exercée ? Amazon, Google, mais aussi des entreprises telles que Mcdonald’s, localisent artificiellement leurs profits dans des paradis fiscaux. Résultat : des dizaines de milliards de pertes de recettes fiscales pour la France.

Nous proposons de faire en sorte que, si une entreprise réalise 10 % de son chiffre d’affaires mondial en France, alors 10 % de ses bénéfices mondiaux y sont imposés au taux en vigueur. Je ne comprends pas l’opposition de nos collègues, dans la mesure où, souvent, la France a pris l’initiative avant les autres. L’exemple de la taxe Gafam, que votre président de groupe, M. Attal, a défendue même si elle a été largement contestée en Europe, devrait vous convaincre. Notre rôle est de montrer la voie singulière de la France, qui en général arrive à convaincre les autres pays européens.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement vise à imposer les multinationales en France non pas sur le bénéfice réalisé dans le pays mais sur un ratio par rapport aux bénéfices mondiaux.

Le dispositif proposé est contraire au droit international et au droit de l’Union européenne. L’amendement provoquerait de nombreux contentieux devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et le juge national. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Monsieur Maurel, en quoi votre amendement se distingue-t-il de l’amendement I-CF428 du président Coquerel ? Est-il identique à celui proposé par le rapport d’information sur la lutte contre les paradis fiscaux de MM. Bocquet et Dupont-Aignan ?

M. Emmanuel Maurel (GDR). Mon amendement se distingue de l’amendement I-CF428 par le seuil d’imposition. Quant à l’amendement Bocquet, nous l’avons déposé l’an dernier et il a été voté, notamment avec vos voix.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF428 de M. Éric Coquerel

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous proposons d’inclure dans le régime des sociétés étrangères contrôlées les filiales établies dans un État membre de l’Union européenne. Nous visons l’alinéa 2 de l’article 209 B du code général des impôts, qui prévoit une forme d’exception européenne à la règle.

Si une filiale d’un groupe français est implantée dans un pays à fiscalité plus avantageuse, elle doit théoriquement payer ses impôts en France, sauf si ce pays est membre de l’Union européenne. En permettant de mettre à profit les différentiels de fiscalité entre États membres de l’Union européenne, cette disposition encourage une course infernale vers le bas au sein de l’Union et un dumping fiscal tout à fait délétère, notamment pour nos finances publiques. Nous proposons de supprimer cette anomalie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La CJUE précise, dans un arrêt de 2006, que le droit primaire de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre impose des bénéfices réalisés par une filiale située dans un autre territoire, à moins qu’il s’agisse de montages purement artificiels. Avis défavorable.

M. Matthias Renault (RN). Je me demande s’il n’y aurait pas un contresens sur le II de l’article 209 B du code général des impôts. Ce dernier dispose : « Les dispositions du I ne sont pas applicables si l’entreprise ou l’entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne [et] si l’exploitation de l’entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l’entité juridique par la personne morale passible de l’impôt sur les sociétés ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française ».

Vous y voyez, d’après l’exposé sommaire, une incitation à échapper à un montage artificiel mais il me semble que cet article vise plutôt à exclure tout montage artificiel.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Tel qu’il est rédigé, je comprends le II de l’article 209 B comme une présomption qu’il ne s’agit pas d’un montage artificiel. Or tel est parfois le cas. Cette espèce de présomption d’innocence empêche de rapatrier et de fiscaliser des bénéfices réalisés par les filiales d’un groupe français dans des pays à fiscalité avantageuse.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous dites l’un et l’autre la même chose et en tirez des conclusions distinctes. Le droit de l’Union prévoit qu’un État membre ne peut pas imposer les bénéfices réalisés par une filiale située dans un autre territoire, sauf si ce dernier est manifestement ce qu’on appelle un paradis fiscal. Dans ce cas, l’arrêt du 12 septembre 2006 Cadbury Schweppes a confirmé l’exclusion de principe de la double imposition.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF755 de M. Aurélien Le Coq, I-CF595 de M. Jean-René Cazeneuve, I-CF1105 de M. Philippe Brun et I-CF596 de M. Jean-René Cazeneuve (discussion commune)

M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Il s’agit de supprimer une niche fiscale particulièrement avantageuse : la niche tonnage pour le transport maritime. Elle n’a qu’une seule fonction, soustraire à l’impôt les grandes entreprises maritimes, et elle est particulièrement bien faite : au lieu de payer l’impôt sur les sociétés, les grandes entreprises maritimes paient une taxe de 24 centimes très exactement sur chaque tonne de marchandises convoyée. Pour les finances publiques, cela représente près de 6 milliards en moins par an.

Le quasi unique bénéficiaire de cette niche fiscale, c’est CMA-CGM. Au titre de cette taxe, CMA-CGM a payé 180 millions en 2023. Assujettie à l’impôt sur les sociétés, elle aurait payé plusieurs milliards. Et le groupe a réalisé 14 milliards de bénéfice net en 2024 ! Vous mettrez cela en rapport avec les horreurs contenues dans le PLF et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette année, comme le gel des retraites et les attaques contre les malades atteints de maladies chroniques, et vous comprendrez que cette niche fiscale est particulièrement choquante.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Illustration supplémentaire : dès qu’on parle de fiscalité, vous êtes dans l’excès ! Vous vous débrouillez pour qu’on ne puisse pas voter vos amendements. Vous n’êtes pas à la recherche d’un compromis mais de la provocation.

Nous avons absolument besoin d’avoir un champion mondial en France et nous sommes très heureux d’en avoir un. La France n’est pas une île, c’est le cas de le dire : la fiscalité qui s’applique à CMA-CGM doit donc être identique à celle qui s’applique aux autres acteurs du marché dans tous les pays du monde. Sinon, cet acteur pourrait être tenté de changer de port.

L’amendement I-CF596, de faible rapport mais de bon sens, vise à indexer la taxation au tonnage sur l’inflation. Le I-CF595 vise à plafonner la niche – car, à partir d’un certain niveau de profitabilité, on peut s’interroger sur sa pertinence. Il propose donc qu’au-delà de 20 % de bénéfice net, ce soit l’IS qui s’applique sur le bénéfice supplémentaire.

M. Philippe Brun (SOC). L’amendement I-CF1105 en reprend un adopté l’an dernier, en commission et dans l’hémicycle, visant à encadrer la « niche armateur ». La taxe au tonnage est un régime européen, qui n’est pas issu d’une directive mais qui est appliqué de façon symétrique par de nombreux pays. Son coût dérape.

Ce que nous souhaitons, c’est la réserver aux petits armateurs, en en limitant le bénéfice à 500 millions de réduction d’impôt : au-delà, on passerait au régime normal de taxation, ce qui ne concernerait que l’acteur majeur qu’est CMA-CGM. Si cette mesure avait été appliquée de 2022 à 2025, le rendement de l’impôt sur les sociétés aurait été supérieur de 10,4 milliards à ce qu’il a été, sans supprimer la niche armateur pour les autres.

Par ailleurs, le seuil de 20 % proposé par Jean-René Cazeneuve n’est pas suffisant. L’an dernier, la niche fiscale a coûté 1,4 milliard. CMA-CGM a réalisé un chiffre d’affaires de 55 milliards et un résultat de 5 milliards, soit moins de 10 %.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est un marronnier qui revient chaque année. La taxe au tonnage est appliquée dans la plupart des pays maritimes du monde – 90 % de la flotte mondiale est couverte par un régime similaire. Elle a largement rempli son rôle en matière de défense de la compétitivité des armateurs européens, qui sont trois – l‘Italo-Suisse, le Danois et le Français – parmi les quatre premiers armateurs mondiaux.

Hors crise, ce dispositif coûtait de 50 à 200 millions par an. Il est vrai – c’est tout le sujet de notre débat – que son coût a explosé de 2020 à 2023. Toutefois, je mets en garde contre sa remise en cause totale ou partielle, qui nous exposerait à un danger immédiat : la disparition pure et simple de l’assiette. Rien ne ressemble plus à un port européen qu’un autre port européen.

Je suis donc très défavorable aux quatre amendements, d’autant que l’entreprise française dont nous parlons a été soumise à une contribution exceptionnelle cette année. Décidons de contributions exceptionnelles si nous les jugeons nécessaires, mais ayons conscience que remettre en cause la fiscalité de façon générale nous expose à la disparition pure et simple de cette activité industrielle. Les Chinois qui ont racheté le port du Pirée rêvent d’y voir arriver un grand armateur qui le ferait bien vivre ! Il faut être très prudent.

M. Didier Le Gac (EPR). Je rappelle, comme nous le faisons chaque année, que la taxe au tonnage n’est pas une niche fiscale mais un régime d’imposition. Elle est moins encore un régime fiscal franco-français, mais un régime d’imposition qui s’impose à 86 % de la flotte mondiale, et au sein de l’Union européenne à vingt-trois pays.

Supprimer la taxe au tonnage en France, c’est faire disparaître purement et simplement la marine marchande française : plus la peine de former des marins à l’École nationale supérieure maritime ni des matelots ! À terme, 80 000 emplois directs ou indirects sont concernés.

90 % des marchandises dans le monde passent par la mer, 70 % des importations et exportations françaises passent par la mer : si demain nous n’avons plus de puissance maritime, c’est la souveraineté du pays qui s’en va. De plus, il n’y a pas pire moment pour taxer la marine marchande, qui réalise, pour faire face à la transition énergétique, des investissements de l’ordre de 3 à 5 milliards par an jusqu’en 2050.

L’introduction du seuil de 20 % proposé par Jean-René Cazeneuve ouvre une brèche dans le dispositif. Je n’y suis pas favorable. En revanche, indexer la taxe sur l’inflation me semble être une bonne solution, dans la mesure où elle n’a pas été révisée depuis 2003.

En tout état de cause, le pavillon français est très fragile. Certes, il sort la tête de l’eau, ce qui est pour nous une fierté ; mais la fin de la taxe au tonnage, c’est la fin de la marine marchande française.

M. Matthias Renault (RN). Il faut veiller à défendre le pavillon français dans un univers très concurrentiel et alors qu’il est très facile de changer de pavillon – cela prend moins de vingt-quatre heures.

Cette activité exige des investissements colossaux – d’autres sont d’ailleurs prévus pour la décarbonation. Par ailleurs, elle est cyclique. Les bénéfices ont été très importants en 2023 et en 2024, ce qui a justifié l’adoption d’une contribution exceptionnelle l’année dernière. Mais pour 2026, c’est un déficit qui est prévu. Dans ce cas, la taxe au tonnage, contrairement au régime de l’impôt sur les sociétés, permet de maintenir des rentrées fiscales.

Nous sommes donc défavorables à la remise en cause de cette taxation particulière, d’autant qu’elle est appliquée quasiment partout dans le monde. Nous sommes en revanche favorables à l’amendement I-CF395 de M. Cazeneuve, parce que les bénéfices de certaines années sont exceptionnels.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Au lendemain de la crise du covid, notre commission a mené un cycle d’auditions sur l’optimisation fiscale de certains grands groupes. J’avais des idées préconçues, nées des amendements récurrents dénonçant les prétendus avantages procurés par la taxe au tonnage. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que l’entreprise CMA-CGM, qui est un fleuron français, n’était pas coupable d’abus de droit fiscal ! La taxe au tonnage est une vraie taxe, imposée dans tous les pays européens. Cette entreprise peut à tout moment décider de délocaliser son siège social hors de France. Il faut être très prudent : il y a de l’emploi et de l’enjeu économique là-dedans. La taxe au tonnage compense largement ce que vous pouvez imaginer.

M. Philippe Brun (SOC). Notre collègue Le Gac dit que la taxe au tonnage n’est pas une niche fiscale : elle l’est au sens de la Lolf, la loi organique relative aux lois de finances, puisqu’elle figure à ce titre, avec son évaluation, dans l’annexe Voies et moyens du projet de loi de finances. Comment justifier en effet que le boulanger acquitte l’impôt sur les sociétés au taux de 25 % et que CMA-CGM l’acquitte au taux de 0,2 % ?

Nous ne proposons pas de supprimer cette niche, qui est un outil de compétitivité, notamment pour les petits amateurs. Nous souhaitons que, en cas d’année exceptionnelle, l’impôt sur les sociétés s’applique au-delà d’un avantage fiscal de 500 millions, ce qui est quand même gigantesque. Cela permet, monsieur Renault, d’appliquer la taxe au tonnage dans les mauvaises années et même dans les années moyennes.

L’année dernière, lorsque je défendais cette mesure, qui a été adoptée, je m’entendais répondre que l’année 2024 allait être très mauvaise. Elle a été excellente. Ne soyons pas dupes du discours de lobbying, qui est puissant, et attelons-nous à rendre plus juste notre système fiscal.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Chaque année, quelle que soit la situation économique, nous entendons la même chose. Dans le cadre de la mission flash sur la taxation des superprofits, nous avions auditionné – plusieurs d’entre vous y étaient – Rodolphe Saadé, qui ne niait pas en avoir réalisé et assurait qu’il s’acquitterait de leur éventuelle taxation.

Mais chaque année, vous recyclez vos arguments en disant que ce n’est pas le bon moment. Cela vous fait perdre toute crédibilité. Nos amendements ne proposent de passer à une autre taxation qu’au-dessus d’un certain seuil, ce qui préserve la taxe au tonnage les mauvaises années. Vous n’êtes décidément pas crédibles, ni pour ce qui est de ce dispositif, ni pour ce qui est de la bonne gestion des finances publiques.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous soutenons cet amendement, déjà adopté l’an dernier. Il ne s’agit pas de mettre en cause la taxe au tonnage, ce qui mettrait en difficulté les petits armateurs. Simplement, le fait est que notre très gros champion fait des bénéfices records.

Notre groupe proposera un amendement après l’article 12 visant à reconduire la contribution exceptionnelle sur le résultat d’exploitation des grandes entreprises de transport maritime.

Au-delà de cela, les bénéfices préservés par la taxe au tonnage doivent-ils être réinvestis pour acheter RMC, BFMTV et le média Brut ? Pour la décarbonation, cela pourrait s’entendre, mais pas pour grossir dans le monde des médias – et l’on sait très bien à qui cela peut servir.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Ces amendements ne vont pas dans le bon sens. Je vous rappelle que la taxe au tonnage est un impôt de production – elle est due, même en l’absence de bénéfices. La remontée des dividendes de CMA-CGM dans des holdings pose question, dans la mesure où celles-ci ont vocation à acheter d’autres biens que ceux pour lesquels cette taxe a été instaurée. S’il faut maintenir la taxe au tonnage – elle est un élément concurrentiel très important pour l’entreprise CMA-CGM –, il faut s’interroger sur l’utilisation des profits qui en résultent.

M. Gérault Verny (UDR). Nous défendons la taxe au tonnage : nous ne pouvons nous permettre de jouer solo dans un système de taxation mondial. Il suffirait en effet à un armateur, qui peut très facilement délocaliser son activité, de changer de pavillon.

Par ailleurs, je nous invite à avoir un raisonnement clair sur la liberté d’entreprendre. Il revient à CMA-CGM de décider de la façon d’investir ses bénéfices : si les investissements sont profitables, le groupe continuera de croître ; dans le cas contraire, il modifiera ses investissements. Faisons confiance aux entrepreneurs, qui créent de la valeur : CMA-CGM nous a déjà démontré ses capacités sur ce point.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF669 de M. Éric Coquerel

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement vise à instaurer une véritable taxe Gafam, dans la mesure où celle créée par Bruno Le Maire, en 2019, est en partie défaillante. En effet, elle ne permet de récolter que de faibles montants. Elle n’enraye pas non plus la situation de quasi-monopole – voire de monopole – des grandes sociétés du numérique, notamment américaines : le pouvoir de marché qui leur est ainsi conféré leur permet de répercuter la taxe sur les prix.

De plus, cela nous place dans une situation de dépendance, ce qui est un véritable danger pour notre souveraineté. Nous proposons un mécanisme, inspiré du groupe CRCE au Sénat, pour aller beaucoup plus loin en matière de taxation des Gafam et de lutte contre les évitements fiscaux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Il est inopérant de vouloir consacrer l’établissement stable virtuel en droit national si l’on ne renégocie pas les conventions fiscales internationales avec nos partenaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF469 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer la niche Copé, dont le coût est évalué à 10 milliards d’euros – sur un total de 89 milliards pour l’ensemble des niches. Cette exonération colossale profite avant tout aux holdings patrimoniales et aux grandes fortunes qui les détiennent. Elle favorise les opérations de rachat avec effet de levier, pour des entreprises dont la seule activité est d’emprunter pour spéculer sur les marchés financiers. Ces opérations spéculatives ne profitent en rien à l’économie réelle, et participent au renforcement d’un capitalisme rapace, tourné vers la rentabilité à court terme pour satisfaire les actionnaires d’un jour.

Cette niche fiscale permet notamment aux entreprises de ne s’acquitter de l’impôt sur les sociétés (IS) qu’à hauteur de 12 % sur les plus-values réalisées lors de la revente de parts de sociétés dont elles détiennent plus de 5 % des parts depuis plus de deux ans.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF483 de M. François Ruffin, I-CF622 de Mme Claire Lejeune, I-CF823 de M. Nicolas Sansu et I-CF484 de M. François Ruffin (discussion commune)

M. François Ruffin (EcoS). Le magazine Challenges a révélé que Bernard Arnault a touché, l’an dernier, 3,1 milliards d’euros de dividendes, ces chiffres s’élevant respectivement à 1,8 milliard et 1,3 milliard d’euros pour les patrons d’Hermès et de L’Oréal. « Difficile à croire, mais ces grandes fortunes ne vont pas payer 1 euro d’impôt sur leurs milliards de dividendes » indique le magazine. Cela est rendu possible par les sociétés écrans ou holdings. Alors que les États-Unis taxent, depuis 1934, les holdings à hauteur de 20 %, nous ne le faisons pas, en raison de l’existence de deux régimes – le régime mère-fille et la niche Copé. Il faut y mettre un terme, pour que les milliardaires ne soient plus taxés qu’à hauteur de 2 % de leurs revenus au maximum.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement I-CF622 vise à augmenter à un taux plancher de 50 % les trois taux actuels de la quote-part pour frais et charges (QPFC). Selon le rapport d’information sur la fiscalité du patrimoine de MM. Mattei et Sansu, les distributions de dividendes ne sont actuellement taxées qu’à 1,25 %, en raison de dispositifs fiscaux très avantageux – la niche Copé et le régime mère-fille. Or la distribution de dividendes explose – 98 milliards d’euros en 2025 –, ces régimes fiscaux extrêmement avantageux contribuant à la dynamique de concentration du capital – exponentielle sous les années Macron – dans la main des plus riches. La situation économique dramatique que nous vivons justifie grandement de fiscaliser la distribution des dividendes.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF823 vise également à augmenter la quote-part pour frais et charges, dans le cadre des remontées de dividendes vers des sociétés holdings du même groupe. Les entreprises françaises ont distribué 70 milliards d’euros de dividendes et 30 milliards d’euros sous forme de rachat d’actions – nous sommes les champions européens en ce domaine. Le régime mère-fille permet d’exonérer 95 % des dividendes, pour un coût annuel estimé entre 20 et 30 milliards d’euros et 50 000 entreprises bénéficiaires.

Le mécanisme est le suivant : une accumulation de liquidités et des revenus non distribués – donc non soumis à la flat tax – ouvrent la voie à un report d’imposition via la capitalisation intra-groupe. En France, ce type de dispositif consiste à taxer seulement 5 % du capital détenu à un taux de 25 %, soit une taxation globale effective de 1,25 % – contre 20 % aux États-Unis : l’augmenter ne serait pas du luxe.

M. François Ruffin (EcoS). Le Luxembourg a également mis en place un impôt sur la fortune des holdings. L’amendement I-CF484, de repli, se concentre sur la niche Copé, dont le coût est d’au moins 7 milliards d’euros chaque année. Il vise à relever la QPFC applicable aux plus-values à 100 %, pour simplement leur appliquer le taux normal d’IS – les sociétés qui le paient sont bien plus taxées que les holdings de Bernard Arnault, Hermès ou L’Oréal.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces dispositions sont contraires au droit européen, en l’espèce à la directive mère-fille. Avis défavorable.

M. François Ruffin (EcoS). Au regard des dizaines de milliards d’euros en jeu, cela vaudrait la peine d’essayer. Si les 3 milliards d’euros gagnés par Bernard Arnault l’année dernière étaient imposés selon le régime de la flat tax – que nous voulons augmenter –, nous aurions pu gratter 1 milliard d’euros, ce qui est considérable. Un rapporteur général est censé relever les injustices et se bagarrer pour changer aussi le régime mère-fille au niveau européen. Par ailleurs, rien ne nous empêche d’en finir avec la niche Copé.

M. Gérault Verny (UDR). Vous avez, monsieur Ruffin, cité trois entreprises qui réalisent l’extrême majorité de leurs bénéfices à l’étranger. Plus généralement, LVMH a rapporté au budget de l’État 5 milliards d’euros d’IS l’année dernière. Plutôt que de faire les poches de cette entreprise – son activité économique permet de générer la moitié du budget du ministère de la justice –, efforçons-nous de créer les conditions pour avoir d’autres entreprises comme LVMH, Hermès ou L’Oréal, qui créent de la richesse et paient des impôts en France. Plutôt que de les assécher et les rendre sous-performantes, créons cet écosystème.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. D’un point de vue juridique, la directive mère-fille empêche la mise en œuvre de ces amendements – au demeurant intéressants, puisque sources de recettes fiscales. Nous devons respecter le droit européen : le combat doit se mener à Bruxelles, au Parlement et au Conseil.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF785 de Mme Marianne Maximi, I-CF825 de M. Nicolas Sansu, I-CF803 de M. Éric Coquerel et I-CF806 de Mme Mathilde Feld (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Je présenterai les amendements I‑CF785, I-CF803 et I-CF806. Le premier vise à rendre l’impôt sur les sociétés plus équitable et plus progressif – que les gros paient gros et les petits, petit. Je m’interroge : quelle solution propose le bloc présidentiel pour augmenter la justice fiscale pour les petites entreprises, qui semblent n’être qu’un totem que vous brandissez pour vous opposer à nos amendements ? Je le redis, elles paient, proportionnellement, plus d’impôts que les multinationales, ce qui devrait vous scandaliser : 14 % d’impôt en moyenne pour les grandes entreprises, contre 21 % pour les plus petites.

Le deuxième vise à moduler le taux d’IS en fonction de l’allocation faite des bénéfices entre dividendes et conservation en trésorerie.

Le troisième est de repli. Il propose de revenir à l’IS tel qu’il existait avant 2017 et la victoire de votre camp, qui a contribué à creuser le déficit sans créer de rentrées fiscales.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF825 vise également à rendre l’IS plus progressif. Le résultat net moyen des entreprises françaises qui le paient s’élève à environ 22 000 euros. Les TPE-PME – les très petites, petites et moyennes entreprises – seraient les bénéficiaires de ce dispositif, seules les grandes entreprises réalisant des bénéfices au-delà de 152 480 euros étant taxées à partir de 33 %, comme elles l’étaient auparavant. De plus, avec toutes les niches fiscales permettant d’échapper à l’impôt, le taux nominal de 25 % se traduit par un taux réel inférieur à 2 points du PIB, bien en deçà de la moyenne de l’OCDE.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement I-CF785, qui vise à rendre les taux d’IS progressifs, est intéressant, malgré un dispositif très compliqué. Toutefois, l’impôt est calculé en appliquant 10 % pour la fraction du bénéfice imposable supérieure à 15 000 euros et inférieure ou égale à 20 000 euros. Or, les petites entreprises étant actuellement sujettes à un taux de 15 %, les seules gagnantes seraient celles ayant un bénéfice imposable inférieur à 20 000 euros. Je ne suis donc pas certain que cette mesure favorise autant les petites entreprises que ce que vous annoncez. Vous vous demandez comment aider les petites entreprises : la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises), afin d’aider 20 000 PME, en est un exemple.

Mme Olivia Grégoire (EPR). Les propos sur l’imposition des entreprises en France sont difficiles à entendre. Il ne faut pourtant pas être grand clerc pour savoir qu’en termes de prélèvement et d’imposition sur les sociétés, nous sommes les champions d’Europe : discutez-en avec l’entrepreneur d’une TPE.

M. Sansu a fait référence aux grandes entreprises qui font un bénéfice imposable de 152 480 euros : celles-là ne sont pas de grandes entreprises, monsieur.

J’ai relu quatre fois ces amendements et je n’ai pas tout compris : n’avez-vous pas trouvé meilleures usines à gaz ? En matière de complexité fiscale, ce sont des chefs-d’œuvre ! Je pensais que nous avions la volonté commune de simplifier l’enfer que vivent nos entrepreneurs.

M. François Ruffin (EcoS). L’impôt sur les sociétés est actuellement régressif, avec un taux réel de 21 % pour les PME, 17,8 % pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et 14 % pour les grandes entreprises. La justice fiscale implique de faire payer les gros plus gros, et les petits, plus petit.

Je reviens sur les propos qui ont été tenus sur LVMH et Bernard Arnault : lorsque l’on donne 1 million d’euros aux PME, cela crée environ 13 emplois ; lorsque l’on donne la même somme aux grands groupes, cela crée 0,6 emploi. Le rapport est de 1 à 20. Il est donc bien plus productif de concentrer l’argent public sur les TPE et les PME ; de plus, cela nous assure d’avoir des champions demain.

M. le président Éric Coquerel. Mme Grégoire, en matière d’imposition, répéter des choses qui ne sont pas vraies n’en fait pas une vérité. Je le redis, selon les statistiques de l’OCDE, nous sommes, en 2022, à la trente-cinquième place au regard du taux d’imposition effectif moyen des sociétés – et, en 2023, à la quarante‑sixième place au regard du taux légal de l’IS.

M. Paul Midy (EPR). Ce que vous dites est exact, monsieur le président, si l’on ne regarde qu’un seul impôt, l’impôt sur les sociétés. Mais un entrepreneur qui lance son entreprise paie des dizaines d’impôts ! L’écart des impôts de production entre la France et l’Allemagne représente 20 milliards d’euros. Nous sommes les champions du monde en termes de coût du travail.

M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas le coût du travail, mais le prix du travail. Quant au coût du capital, il est très cher dans ce pays, au regard des 200 milliards d’euros que nous donnons aux entreprises. Non, nous ne sommes pas les champions du monde du coût du travail en France.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF663 de Mme Claire Lejeune

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Vous proposez d’imposer les brevets, certificats d’obtention végétale, logiciels et procédés de fabrication industrielle au taux normal de l’IS de 25 %, contre 10 % aujourd’hui. Or l’innovation commence par le brevet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF852 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement vise à majorer l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui ne respectent pas le quota de 40 % de femmes dans leurs conseils d’administration ou de surveillance, comme le prévoit la loi depuis une quinzaine d’années. Il existe en effet des écarts significatifs entre la réalité de la composition des conseils d’administration – les chiffres sont parfois difficiles à obtenir – et les exigences de cette loi.

J’ajoute par ailleurs que c’est l’arbre qui cache la forêt : il ne suffit pas d’assurer la représentativité des femmes dans les plus hautes instances des grandes entreprises pour apporter une réelle solution à la situation des femmes sur le marché du travail – en grande majorité des travailleuses précaires et pauvres, à temps partiel.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Si l’index de l’égalité professionnelle est une bonne chose, le non-respect des manquements ne doit pas être sanctionné via l’IS, qui n’a rien à voir avec ce sujet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1086 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). Cet amendement vise à baisser l’impôt sur les sociétés des PME, aussi j’espère qu’il recueillera un avis favorable de la totalité des groupes. Le taux réduit – 15 % – n’a pas été modifié lorsque le taux normal est passé de 33 % à 25 %. Afin de remédier à une inégalité flagrante – le taux apparent d’imposition sur les sociétés est plus élevé pour les PME que pour les grands groupes –, nous proposons d’augmenter son plafond.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre proposition – rehausser à 100 000 euros l’assiette du bénéfice ouvrant droit au taux réduit d’IS – est intéressante, puisqu’elle fera mécaniquement augmenter le nombre de PME au taux réduit et leur facilitera la vie. Je suis toutefois incapable d’évaluer le coût de ce dispositif pour le budget de l’État. J’invite M. Brun à le redéposer en séance, après en avoir évalué – même grossièrement – le coût. Avis défavorable, avec grand regret.

Pierre Cazeneuve (EPR). Je partage l’avis du rapporteur général : cette réduction d’IS ciblée sur les PME va dans le bon sens et est bien plus cohérente que certains des autres dispositifs qui ont été proposés. J’ai néanmoins la même interrogation quant à son coût : si l’on considère qu’il y a 150 000 PME en France, le coût prévisionnel est déjà de 150 millions d’euros sur une base de 10 000 euros au-delà de l’assiette actuelle – soit 10 000 euros de bénéfices supplémentaires au‑delà de 42 500 euros. S’il est difficile d’adopter une mesure sans en connaître le coût, je suis prêt à soutenir cet amendement sur le principe et en séance.

Mme Eva Sas (EcoS). Je soutiens cet amendement. Je rappelle au rapporteur général, qui invite à son retrait, que nous ne votons pas le texte discuté en séance : nous gagnerions donc à adopter cet amendement à titre indicatif et à en évaluer le coût d’ici à l’examen en séance. Plus généralement, nous devons aller vers un impôt sur les sociétés progressif, quitte à relever les tranches les plus hautes. Les grandes entreprises ont en effet largement bénéficié de la baisse de l’IS de 33 % à 25 %, une chance que n’ont pas eue les petites structures.

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement me laisse sceptique. Il était possible de baisser le taux applicable aux PME quand l’IS était à 33 %. Il se situe désormais à 25 % et constitue généralement le taux marginal d’imposition. Je ne suis donc pas certain qu’il faille le baisser à 15 %, même si je souhaite le rendre plus progressif et l’augmenter pour les grandes entreprises.

J’appelle par ailleurs votre attention sur le fait qu’une personne qui possède plusieurs PME n’est pas forcément un petit chef d’entreprise, mais peut être à la tête d’une fortune : je ne suis pas certain que le critère retenu soit le bon. Ma préférence va à une augmentation du haut de l’échelle, plutôt qu’à une baisse par le bas.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. De mémoire, le coût du taux réduit à 15 % s’élève à 2,8 milliards d’euros. Si les choses étaient linéaires – ce qui n’est pas le cas –, le coût du dispositif proposé serait donc d’au moins 1,4 milliard d’euros. Cette estimation est néanmoins très imparfaite et invite à la prudence.

M. Philippe Brun (SOC). Le coût de la mesure est estimé à environ 1,2 milliard d’euros, avec l’incertitude inhérente au fait qu’est concernée la fraction supérieure des profits des PME. Cet amendement avait déjà été adopté par l’Assemblée, à l’initiative de Valérie Rabault : son estimation était alors inférieure à 1 milliard, mais les chiffres ont évolué depuis. Je vous propose d’adopter cet amendement, qui deviendra ainsi un amendement de la commission : nous pourrons en modifier les paramètres d’ici à la discussion en séance.

M. Paul Midy (EPR). Je salue l’initiative du groupe Socialistes. Cet amendement permettrait d’aider nos PME à se développer. Nous sommes favorables à son adoption, moyennant qu’il soit retravaillé en vue de l’examen en séance. J’espère que nous pourrons aussi travailler en commun sur le sujet des jeunes entreprises innovantes – un amendement précédemment adopté se traduira par une augmentation de 30 % du coût du travail sur leurs salariés.

M. Thierry Liger (DR). Je m’exprimerai en tant que dirigeant de PME. Il ne faut pas se focaliser sur l’IS. En effet, l’impôt de production est le plus important à maîtriser : la diminution de son taux à 25 %, il y a quelques années, a permis à certaines PME d’instaurer l’intéressement et d’autres dispositions, bref, de partager la valeur avec les salariés. Les patrons de PME sont davantage concernés par le coût du travail.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF849 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Quel travail mérite de toucher un salaire 400 fois plus important qu’un autre ? Quelle personne est suffisamment brillante pour réussir à produire 400 fois plus qu’une autre ? Un tel écart de 1 à 400, c’est celui qui existe au sein de l’entreprise Carrefour. Au sein du CAC40 notamment, les écarts de salaires ont explosé, pour arriver à une situation ridicule : Carlos Tavares serait capable de produire la richesse que produit l’un de ses ouvriers pendant l’ensemble d’une année en seulement trois heures vingt-deux, ce que personne ne peut défendre. Nous proposons donc d’encadrer les salaires dans une proportion allant de 1 à 20 et de faire payer l’IS plus cher aux entreprises qui ne l’appliqueraient pas. Non, l’objectif n’est pas toujours de taper sur les riches, mais d’augmenter les salaires les plus bas.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable : l’objet de l’IS est de taxer les bénéfices.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF328 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Les fermes-usines sont ce qu’il y a de pire en matière d’élevage : elles concentrent à l’extrême les animaux dans des espaces réduits, au nom de la rentabilité. La France est un cas d’école en la matière, puisque 60 % des animaux élevés sur notre sol le sont dans des fermes-usines, alors que celles-ci ne représentent pourtant que 3 % des élevages.

En raison des nuisances qu’elles occasionnent sur l’environnement, ces installations sont soumises à autorisation. Malheureusement, les dégâts causés sur l’environnement – concentrations en nitrate et en ammoniac –, sur le bien-être animal avec l’entassement de centaines de vaches, de milliers de cochons ou de dizaines de milliers de volailles, ou sur le plan social sont largement sous-évalués.

Le plus grave, c’est que ces structures menacent l’existence même des exploitations paysannes, qui sont soucieuses de la qualité de leurs produits et des conditions d’élevage de leurs animaux et ne peuvent pas rivaliser, structurellement, avec les économies d’échelle massives réalisées par les fermes-usines. Pourtant, la survie des exploitations paysannes n’est pas négociable, car elles sont pourvoyeuses d’emplois et garantes du tissu économique local.

C’est pourquoi le présent amendement vise à majorer l’impôt sur les sociétés des fermes-usines.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable : en portant à 35 % le taux d’IS appliqué aux sociétés d’élevage, vous pénaliserez fortement le secteur et, mécaniquement, la France sera contrainte d’augmenter ses importations de produits animaux.

M. le président Éric Coquerel. En plus des mesures protectionnistes, je suis d’accord.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Il n’y a pas de fermes-usines dans notre pays et nous pouvons nous en réjouir. L’élevage français résiste avec courage et détermination aux pressions du marché, pour maintenir un modèle paysan. Malheureusement, vous lui plantez régulièrement des couteaux dans le dos, au lieu de vous féliciter que les agriculteurs et les éleveurs français tiennent bon – si l’on peut dire, puisque l’élevage français va très mal, que ce soit pour la production de lait ou de viande. Pour la première fois depuis des années, la balance commerciale agroalimentaire de la France pourrait être négative, notamment à cause des produits d’élevage, laitiers en particulier – la grande distribution importe plus de 500 millions d’euros de beurre des pays de l’Est, au lieu de valoriser nos terroirs. Par conséquent, au lieu de majorer le taux d’IS, nous devrions les soutenir en le réduisant, au contraire, de 15 %.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Contrairement à ce qu’affirme M. Tanguy, il y a en France plus de 3 000 élevages intensifs, dont la moitié sont situés en Bretagne, dans lesquels des millions de bêtes sont entassées, dans des conditions terribles – il existe aussi une ferme-usine dans l’Oise, où sont concentrées 1 million de volailles. Or les Françaises et les Français sont de plus en plus sensibles à ce sujet. Vous vous targuez de défendre la condition animale, mais lorsqu’il s’agit de soutenir des amendements qui dénoncent les conditions d’élevage, il n’y a plus personne ! Cessez votre hypocrisie. Cet amendement a toute sa légitimité pour soutenir le petit élevage français.

M. Charles de Courson (LIOT). La majorité des élevages français sont des entreprises individuelles, qui relèvent du droit commun et n’ont pas le statut de société, visé par votre amendement. Et vous ne pouvez pas taxer une entreprise agricole pour la simple raison qu’elle a pris cette forme juridique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF318 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement prévoit d’instaurer une surtaxe de 10 % de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui dégagent plus de 1 milliard de chiffre d’affaires et qui refusent d’aligner leur trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre sur celle prévue par les accords de Paris. Selon un rapport d’Oxfam, seules 9 % des entreprises la respecteraient.

Le dérèglement climatique a un coût énorme pour les finances publiques, estimé entre 1 à 10 points de PIB par an. Vous avez sans doute pu observer, dans vos circonscriptions, l’impact des inondations, de la sécheresse ou du phénomène de retrait-gonflement des argiles. Si nous voulons opérer rapidement la bifurcation écologique, l’effort doit être partagé ; l’incitation des entreprises, seule, ne suffira pas. Cet amendement présente donc l’avantage d’imposer une contrainte relativement musclée aux entreprises et de remplir les caisses publiques, afin d’assurer les financements nécessaires à la transition.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’IS vise à taxer des bénéfices. Ce n’est pas un outil adapté pour atteindre votre objectif, même s’il est louable. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF917 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement vise également à majorer le taux d’IS pour les fabricants de protections hygiéniques qui ne respectent pas les normes sanitaires et environnementales du secteur.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’IS n’est ni une pénalité ni une amende. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF944 de Mme Gabrielle Cathala

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Depuis deux ans, un génocide se produit à Gaza dont la France, par son inaction, s’est, de fait, rendue complice : alors que des dizaines de milliers de personnes sont mortes et que la région subit une famine organisée, la France n’a rien trouvé à faire.

Sous la pression populaire, Emmanuel Macron a fini par reconnaître l’État de Palestine, sans toutefois prendre la moindre sanction à l’encontre d’Israël pour faire cesser les bombardements sur les civils et les atrocités qui s’accumulent les unes aux autres.

Il est de notre devoir de parlementaires d’agir et de prendre des dispositions, au sein du budget, contre ce que la rapporteure spéciale des Nations unies Francesca Albanese a qualifié d’« économie opérant sur un mode génocidaire ».

C’est pourquoi nous proposons de traduire dans le budget la campagne Boycott, désinvestissement et sanctions, en majorant le taux de l’impôt sur les sociétés pour toutes les entreprises qui ont profité du génocide…

M. Emeric Salmon (RN). Il n’y a pas de génocide !

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). …en exploitant les colonies ou en soutenant l’armée israélienne.

Si, il y a un génocide et il est temps d’arrêter de fermer les yeux !

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous ne sommes pas des juges et il ne nous appartient pas, en tant que membres de la commission des finances, de décider s’il y a lieu ou non d’employer le terme de génocide. Toutefois, à ma connaissance, aucun jugement international n’a condamné l’État d’Israël pour ce crime.

Ensuite, nous travaillons ici dans le cadre d’un débat fiscal ; gardons-nous des chevaux de Troie moraux et politiques. L’impôt sur les sociétés n’est pas fait pour appliquer des sanctions, qu’elles soient justifiées ou non. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La réunion est suspendue de dix-sept heures trente-cinq à dix-sept heures quarante-cinq.

Amendement I-CF1714 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). J’ai déposé une série d’amendements qui concernent le secteur des films d’animation, pour lequel la France fait figure de référence : je pense à Flow, qui a décroché le César et l’Oscar en 2025, aux Minions que tout le monde connaît ou encore à Arcane, des studios Fortiche, qui est l’une des plus belles réussites françaises de ces dernières années.

Toutefois, j’ai pu constater, dans le cadre de mes travaux en tant que rapporteur spécial, que l’animation française traverse une période compliquée. Nous devons accompagner cette industrie, actuellement dans le creux de la vague, afin que la France reste leader dans le domaine.

Le présent amendement vise donc à rehausser le taux du crédit d’impôt audiovisuel (CIA) de 25 % à 30 % pour les œuvres d’animation. Le coût de la mesure est estimé à 12,7 millions d’euros par an.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez d’augmenter le taux du crédit d’impôt pour les œuvres audiovisuelles de fiction. Or la revue des dépenses menée par l’Inspection générale des finances (IGF) montre que ce crédit d’impôt a, je cite, « constitué un pur effet d’aubaine pour une fraction importante des productions de fiction ». Avis défavorable.

M. Denis Masséglia (EPR). Cela tombe bien puisque je ne parle pas des œuvres de fiction, mais de l’animation !

M. Emmanuel Maurel (GDR). Je conteste ce type de réponse, qui met en avant des effets d’aubaine. Il est de notre responsabilité de soutenir un secteur emblématique de l’excellence française, qui participe de l’exception culturelle dont nous sommes fiers collectivement. La proposition de M. Masséglia reste tout à fait raisonnable et n’entraînera pas une dépense excessive.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce n’est pas moi qui dénonce des effets d’aubaine ; je ne fais que rapporter les conclusions de l’IGF. J’entends néanmoins que le dispositif de votre amendement évoque les productions de fiction et non des œuvres d’animation.

M. Erwan Balanant (Dem). Vous reprenez les conclusions de l’IGF, mais de nombreuses études montrent que les crédits d’impôt pour l’audiovisuel, le cinéma ou le spectacle vivant rapportent énormément à l’État français. La culture rapporte autant de points de PIB que l’industrie automobile et le secteur pharmaceutique. Cette bonne dynamique est aussi due aux crédits d’impôt, qui permettent de créer de la valeur, d’avoir des productions qui fonctionnent, de générer de la TVA, de l’impôt sur les sociétés et de créer beaucoup d’emplois.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF319 de Mme Sandra Marsaud et I-CF1218 de M. Anthony Boulogne (discussion commune)

Mme Sandra Marsaud (EPR). Mon amendement vise à soutenir le financement des films français d’animation, reconnus dans le monde entier et primés aux Oscars. Rappelons que les entreprises du secteur emploient environ 10 000 personnes en France.

Il est donc proposé d’augmenter le taux du crédit d’impôt animation de 30 % à 40 %, puisqu’un tel taux existe déjà dans le cadre du crédit d’impôt international (C2I) pour les films étrangers fabriqués en France – les entreprises étrangères bénéficient ainsi d’un crédit d’impôt supérieur. L’objectif est de défendre les productions françaises, comme celles qui sont réalisées à Toulouse, à Paris ou encore à Angoulême – je pense au futur film d’animation long métrage, Astérix, qui a employé 600 personnes.

Mme Stéphanie Galzy (RN). En cinq ans, le coût fiscal des crédits d’impôt pour le cinéma et l’audiovisuel a augmenté de 126 millions d’euros pour atteindre près de 400 millions en 2024. Pire, le surcoût budgétaire entre le chiffrage initial et celui réalisé a atteint 54 millions en un an. Autrement dit, nous assistons à un dérapage de cette dépense fiscale, qu’aucun mécanisme de contrôle ne vient encadrer. À l’heure où les finances publiques sont dans un état critique, il serait irresponsable de laisser filer une telle dépense.

L’amendement de notre collègue Anthony Boulogne vise donc à ramener le dispositif à des proportions raisonnables, en réduisant de moitié le taux du crédit et son plafond. Il ne s’agit pas de remettre en cause le soutien au cinéma français, mais d’adopter une mesure de bon sens budgétaire : chacun doit contribuer à l’effort national de redressement des comptes publics.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Selon le rapport de l’IGF, près de 1,2 milliard d’euros a été accordé dans le cadre de ces dispositifs fiscaux. Le nombre de films français agréés a connu une croissance continue au cours des deux dernières décennies – nous sommes passés de 200 à 300 films –, alors que leur part de marché reste stable. Il en résulte que la majorité des films français ne réalisent qu’un nombre d’entrées dans les salles relativement faible : en 2022, un tiers a obtenu moins de 20 000 entrées. Entre 2012 et 2023, la part des aides publiques dans le financement des films a doublé, passant de 16 % à 29 %. Peut-être pourrions-nous auditionner l’IGF sur ce sujet. Pour l’instant, nous devons rester très prudents. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. L’IGF a une approche comptable et court‑termiste, fondée sur le nombre d’entrées dans les salles. Rappelons toutefois que la plupart des cinémas nationaux dans le monde ont disparu et que le cinéma français – en particulier le film d’animation – fait figure d’exception. Par conséquent, il ne faut pas le mesurer sous le seul prisme du nombre d’entrées, mais bien par rapport au prestige qu’il confère à notre pays. Si le système d’aide à la création française – par le biais du CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) – n’existait pas, le cinéma français aurait disparu, comme bien d’autres et nous serions encore davantage soumis au modèle américain, qui se développe partout.

M. Erwan Balanant (Dem). Il a été démontré que chaque euro de dépenses fiscales dans le cadre de ces crédits d’impôt rapporte à l’État, en recettes fiscales et sociales, 1,31 euro – soit un rendement de 31 %, ce qui n’est pas si mal ! Par conséquent, au-delà des arguments culturels, ce type de dispositifs rapportent beaucoup fiscalement et économiquement – j’évoquerai ultérieurement un autre crédit d’impôt, qui rapporte 3,75 euros pour 1 euro de dépenses directes de production. Si nous voulons faire preuve de sérieux budgétaire, ne supprimons pas ces crédits d’impôt.

Mme Sandra Marsaud (EPR). Je rejoins M. Balanant. Je dispose d’une évaluation de l’impact des crédits d’impôt relevant du CNC, selon laquelle chaque euro de dépense fiscale associée au crédit d’impôt cinéma a contribué à localiser 6,50 euros en France, dont environ 2,12 euros de recettes sociales et fiscales – soit un niveau d’autofinancement compétitif.

Le coût fiscal supplémentaire qu’entraînerait l’adoption du présent amendement est estimé à 5 millions d’euros. J’ajoute que le film d’animation est une niche : on n’en tourne que dix à quinze par an. Il ne faut donc pas se référer aux chiffres de la création cinématographique dans son ensemble.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je me contente de lire le rapport de l’IGF. Celui-ci indique que l’animation présentait un taux de localisation des dépenses identique en 2023 à celui de 2012 – 77 % –, alors que, dans l’intervalle, ce fameux crédit d’impôt spécifique à l’animation a été renforcé ; il n’a donc pas entraîné une amélioration sur ce point. Libre à vous de me répondre que le taux de localisation n’est pas un critère omniscient, mais c’est la donnée dont je dispose.

En revanche, je considère que la création artistique doit rester libre. Diderot disait que l’art « veut quelque chose d’énorme, de barbare et de sauvage. » J’y crois. Toutefois, en matière de dépenses publiques, l’absence de spectateurs doit nous conduire à nous interroger et la question se pose pour des films qui réunissent moins de 20 000 spectateurs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1712 et I-CF1713 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Denis Masséglia (EPR). Vous mentionnez le nombre d’entrées dans les salles, mais l’animation française est une référence à l’échelle internationale et le film Les Minions, par exemple, a réalisé des chiffres considérables dans le monde.

Vous nous dites que le taux de localisation dans l’animation est resté stable, mais vous oubliez de préciser que 1 000 emplois ont été supprimés ces derniers mois et que le secteur traverse une période de crise. J’invite d’ailleurs nos collègues du Rassemblement national, qui pensent qu’il n’existe pas d’études sur le sujet, à lire mes travaux parlementaires !

L’amendement I-CF1712 vise à rehausser le plafond des crédits d’impôt, fixé pour l’animation à 3 000 euros par minute produite, pour le porter à 10 000 euros. Le coût de cette mesure est estimé à 4,11 millions d’euros – somme relativement faible, d’ores et déjà gagée sur d’autres amendements pour compenser la dépense.

L’amendement I-CF1713, de repli, vise à rehausser le plafond à 6 000 euros seulement, pour un coût réduit à 4,08 millions d’euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Une nouvelle fois, je m’en tiens au rapport de l’IGF, probablement critiquable, dont je dispose.

Le projet de loi de finances ne diminue pas les financements du cinéma ; si ceux-ci n’augmentent pas, ils restent stables. Ne criez donc pas telles des vierges effarouchées : il n’est pas question de porter atteinte à l’intégrité physique et intellectuelle du cinéma français.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1706 et I-CF1705 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Denis Masséglia (EPR). Ces amendements sont issus des conclusions de mon rapport d’information sur le crédit d’impôt en faveur des entreprises de jeux vidéo, mené dans le cadre du Printemps de l’évaluation.

L’amendement I-CF1706 autorise le dépôt d’une demande d’agrément complémentaire de deux ans à l’issue de la période applicable à la demande initiale du crédit d’impôt, pour permettre à un jeu déjà commercialisé d’évoluer et le faire vivre – c’est ce qu’on appelle « The game as a service ». Je considère que si le jeu existe encore au-delà de cette période additionnelle, c’est qu’il fonctionne bien et qu’il n’y a plus lieu, pour le contribuable français, d’en accompagner le financement.

Contre l’avis défavorable du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF1706.

En conséquence, l’amendement I-CF1705 tombe.

Amendement I-CF1704 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Le crédit d’impôt jeux vidéo (CIJV) permet aux entreprises de création de jeux vidéo de déduire de leur impôt, après obtention d’un agrément, une part des dépenses de production d’un jeu pendant trente‑six mois. Je propose d’inclure dans l’assiette du dispositif les dépenses intervenues au cours des six mois précédant la demande d’agrément. Cet amendement donnera plus de liberté au secteur, sans entraîner de surcoût.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez d’inclure dans l’assiette du crédit d’impôt jeux vidéo les dépenses de prototypage. Ce crédit d’impôt a été prolongé l’année dernière jusqu’en 2031 : évaluons le dispositif avant de l’assouplir.

M. Denis Masséglia (EPR). Ce sont précisément les conclusions du Printemps de l’évaluation !

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1709 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Je rappelle qu’actuellement il est possible de bénéficier du CIJV pendant une période de trois ans. Les jeux étant de plus en plus longs à développer, je propose de porter cette période à cinq ans.

J’ajoute que, sur l’ensemble du budget, mes amendements représenteraient un surcoût de quelque 100 millions, mais entraîneraient dans le même temps une réduction des dépenses de l’ordre de 5 milliards. C’est pourquoi j’encourage mes collègues à me suivre.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Les années précédentes, nous avions adopté des amendements qui accordaient un crédit d’impôt pour une période de trois ans ; vous souhaitez la porter à cinq ans pour les jeux dont le budget est supérieur à 5 millions d’euros. Au fur et à mesure que l’on avance dans le temps, nous élargissons considérablement le dispositif du crédit d’impôt et en faisons une niche fiscale qui risque de devenir incontrôlable. Certes, il s’agit d’une activité importante en France, qui emploie de nombreux jeunes et répond à une demande. Néanmoins, elle doit trouver son modèle économique et ne peut pas être en permanence biberonnée à l’argent public – sinon, c’est que l’activité n’est pas rentable.

M. le président Éric Coquerel. C’est assez vrai de nombreuses aides aux entreprises… 

M. Denis Masséglia (EPR). Un crédit d’impôt est fait pour être expertisé et adapté à la réalité du secteur économique – j’ai fait un rapport en ce sens.

M. Daniel Labaronne (EPR). Vous êtes juge et partie !

M. Denis Masséglia (EPR). Non. Simplement, je travaille sur le sujet et je pense avoir une certaine légitimité pour l’aborder.

Il n’existe pas des dizaines de possibilités : soit le jeu vidéo est produit en France, soit il l’est à l’étranger. Vous pouvez remettre en cause le crédit d’impôt, mais ne venez pas ensuite vous plaindre qu’il n’y a plus de jeux vidéo réalisés en France. Nous avons eu ce problème avec la Tech par le passé : on casse un système et, après, on pleure face au résultat.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1710 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Il existe, pour les jeux vidéo, des productions dites AAA, c’est-à-dire qui nécessitent parfois des centaines de millions d’euros de développement. L’objectif de l’amendement est d’adapter le crédit d’impôt à ces jeux, pour lesquels la France est un leader mondial. Et pour ceux qui ne les connaîtraient pas bien, je propose de faire un Clair obscur : Expédition 33 ; sur le plan du graphisme, de la musique et des histoires, ce jeu est extraordinaire. Vive le jeu vidéo français !

M. le président Éric Coquerel. Cela devient commercial !... 

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je salue la passion de M. Masséglia pour cette industrie, évidemment importante. Néanmoins, je rejoins M. Labaronne : chaque année, nous en remettons une couche. Quel modèle économique voulons-nous financer ? Vous souhaitez, par cet amendement, rehausser le plafond du crédit d’impôt à 10 millions d’euros. Je pense qu’à un moment donné il faut arrêter. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). C’est une nouvelle illustration de l’incrémentation du dispositif. Vous voulez porter le plafond du crédit d’impôt, actuellement fixé à 6 millions, à 10 millions ; l’année prochaine, ce sera peut-être 12 millions, puis, l’année suivante, 15 millions, et ainsi de suite. Il faut savoir s’arrêter, d’autant que la situation budgétaire est tendue.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF832 de Mme Sophie Mette

M. Erwan Balanant (Dem). Les crédits d’impôts que nous proposons rapportent de l’argent à l’État.

Le présent amendement vise à garantir que les films qui bénéficient du C2I continueront d’en bénéficier jusqu’à la fin de leur réalisation, grâce à l’instauration d’une clause « grand-père ».

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Dans sa revue des dépenses relatives aux aides au cinéma, l’IGF a indiqué que le C2I « paraît » être un outil efficace, mais « ne préconise pas d’évolution de ce dispositif ». Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF35 de Mme Géraldine Bannier, I-CF801 de Mme Sophie Mette et I-CF1716 de M. Denis Masséglia, amendement I-CF1717 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

Mme Géraldine Bannier (Dem). Le crédit d’impôt international, qui concerne les films et série d’initiative étrangère dont la fabrication a lieu pour partie en France, a largement montré son efficacité :1 euro consacré à ce crédit d’impôt génère 1,31 euro de recettes fiscales et sociales directes. Entre 2017 et 2023, le C2I a permis plus de 3 milliards d’euros de dépenses directes et un montant équivalent de dépenses non éligibles ou indirectes, soit un total de 6 milliards d’euros, en France – plutôt que dans un pays étranger.

Mon amendement vise à proroger ce dispositif au-delà de 2026, afin de donner aux acteurs du secteur une visibilité suffisante, faute de quoi les productions en train d’être décidées échapperont à la France.

M. Erwan Balanant (Dem). Oui, 1 euro dépensé dans ce crédit d’impôt génère 3,75 euros de dépenses directes en France et 1,31 euro de recettes fiscales et sociales pour l’État.

M. Denis Masséglia (EPR). Le C2I permet d’accompagner la réalisation des films, qui dure souvent entre trois et quatre ans. Or le C2I doit s’éteindre en 2026. Pour donner de la visibilité aux acteurs du secteur, je propose également sa prorogation – jusqu’en 2031 avec l’amendement I-CF1716 et jusqu’en 2028 avec l’amendement de repli I-CF1717. Cette prorogation ne coûtera rien.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il n’est pas exact que ces prorogations ne coûteraient rien. Par ailleurs, le ratio entre argent public investi et recettes fiscales que vous citez est inférieur à celui qui prévaut en matière industrielle – dans ce domaine, 1 euro d’argent public rapporte plutôt 2 ou 2,50 euros. Même si ce ne sont que des évaluations grossières, elles justifient ma prudence.

Toutefois, puisque le dispositif doit s’achever le 31 décembre 2026 et puisque nous avons désormais l’habitude d’adopter les lois de finances tardivement – quand on les vote –, il paraît logique, pour ne pas gêner des investissements de long terme, d’émettre un avis favorable à sa prorogation – même si vous voyez très loin, avec l’année 2031. En tout cas, c’est une question de viabilité économique et de bon sens.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement I-CF1717 tombe.

Amendement I-CF1217 de M. Anthony Boulogne

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement tend à diviser par deux les taux du crédit d’impôt international. Je n’étais pas favorable à ce qu’on les augmente ; je ne suis pas favorable à ce qu’on les divise, étant donné que l’IGF juge que le taux actuel est d’une efficacité relative. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1718 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Cet amendement vise également à introduire une clause « grand-père » dans le C2I, afin d’accroître la visibilité des acteurs du secteur.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1219 de M. Anthony Boulogne

M. Anthony Boulogne (RN). Le présent amendement vise à limiter le coût du crédit d’impôt au titre des dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical ou de variétés, en restreignant son périmètre. De fait, le coût pour l’État de ce crédit d’impôt a explosé. En 2024, alors qu’il était initialement chiffré à 17 millions, il s’est finalement élevé à 42 millions, selon le rapport annuel de performance de la mission Culture. Nous ne pouvons pas nous permettre ce genre de dérapage en ces temps de tempête budgétaire. Il faut réduire la voilure du dispositif, tout en le sanctuarisant pour les microentreprises et les petites entreprises.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les éléments dont je dispose laissent entendre que le coût de ce dispositif est plutôt stable. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1729 et I-CF1730 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Denis Masséglia (EPR). Ces deux amendements visent à proroger le crédit d’impôt au titre des dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical ou de variétés, jusqu’en 2031 pour l’amendement I‑CF1729 et jusqu’en 2028 pour l’amendement I-CF1730

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La fin de ce dispositif n’est prévue que pour fin 2027, ce qui nous laisse de temps de réfléchir à la prorogation. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1564 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Le bénéfice du crédit d’impôt « au titre des dépenses de création, d’exploitation et de numérisation de représentations théâtrales, d’œuvres dramatiques ou de cirque », dit crédit d’impôt spectacle vivant, est actuellement réservé aux productions qui comptent au moins six personnes sur le plateau – cette condition avait été instaurée pour réserver le dispositif aux spectacles les plus importants.

Le secteur demande que ce nombre soit ramené à deux, car, de plus en plus souvent, dans des productions importantes, on compte moins de six personnes sur le plateau – c’est-à-dire sur scène –, malgré des effectifs nombreux à la technique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Actuellement, ce crédit d’impôt bénéficie à soixante-dix-sept entreprises, pour un coût de 4 millions.

Près de deux tiers des spectacles du Festival d’Avignon comptent deux personnes sur scène. Votre proposition augmenterait donc beaucoup le nombre de bénéficiaires, tout comme la dépense. Avis défavorable.

M. Tristan Lahais (EcoS). Un crédit d’impôt n’est pas forcément le bon moyen de soutenir la création. Toutefois, puisque la création artistique connaît une crise dans notre pays, à cause de la baisse des crédits de l’État et de la perte de ressources des collectivités territoriales, puisque les compagnies ont moins souvent qu’avant les moyens de déployer des spectacles avec des effectifs importants sur le plateau, je voterai pour cet amendement, qui apporte une réponse indirecte.

M. le président Éric Coquerel. Le budget du ministère de la culture baisse cette année, après avoir baissé drastiquement l’an dernier. C’est, nous dit-on, parce que les dépenses publiques sont trop élevées – mais ce n’est pas en diminuant les recettes que l’on améliorera les choses.

Nous sommes donc obligés de proroger des crédits d’impôt, alors que ce sont des pis-aller. Pour soutenir la culture, un système vertueux reposerait plutôt des subventions ciblées, dont l’attribution serait éventuellement soumise à des critères.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’aide publique aux spectacles vivants ne se réduit pas à ce crédit d’impôt. Celui-ci ne bénéficie qu’à soixante-dix-sept entreprises et n’offre qu’une vision très partielle. Il existe un nombre considérable de dispositifs : l’intermittence du spectacle, de nombreuses subventions et des achats de spectacle par les collectivités territoriales, notamment.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1565 et I-CF1566 de M. Erwan Balanant (discussion commune)

M. Erwan Balanant (Dem). Je propose d’amender le code général des impôts pour intégrer les œuvres chorégraphiques au crédit d’impôt spectacle vivant – pourquoi la danse en est-elle actuellement exclue ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce crédit d’impôt a déjà été élargi au cirque en 2024 – comme M. Labaronne tout à l’heure, je note la tendance à élargir encore et encore le champ des crédits d’impôts.

Par ailleurs, la définition de ce qu’est une œuvre chorégraphique pourrait poser problème : comment qualifier des spectacles de théâtre qui intègrent de la danse ?

M. le président Éric Coquerel. Je découvre que les arts chorégraphiques sont exclus de ce crédit d’impôt. Il faudrait y remédier. C’est important car ces arts font, comme l’animation qu’évoquait M. Masséglia, la fierté de notre pays, y compris à l’étranger. Je voterai pour cet amendement, afin de permettre une égalité de traitement entre les différents arts vivants.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1731 et I-CF1732 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Denis Masséglia (EPR). Il n’y a pas d’art supérieur ou inférieur ; il n’y a que de l’art. Notre pays compte de nombreux artistes, dans une foule de domaines. Il est bon de les défendre et de les accompagner.

Ces deux amendements visent à donner de la visibilité aux bénéficiaires du crédit d’impôt spectacle vivant en prorogeant ce dispositif, jusqu’en 2031 pour l’amendement I-CF1731 et jusqu’en 2028 pour l’amendement I-CF1732.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le dispositif ne s’achèvera qu’à la fin de 2027. Nous aurons donc le temps d’étudier son éventuelle prorogation lors du prochain PLF. Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Ces amendements relèvent de la politique de gribouille. Depuis des années, vous diminuez les ressources des collectivités et tous les budgets pour lesquels nous nous battons, notamment ceux de la culture et de l’éducation. Ensuite, par le biais de prorogation de crédits d’impôts très circonscrits, vous tentez de remédier aux conséquences de votre politique ! Vivement que tout cela s’arrête.

M. Denis Masséglia (EPR). Vous répétez tous les jours que les dépenses de l’État baissent. Pourtant, l’article liminaire du présent texte – contre lequel vous avez voté – est très clair : le montant des dépenses publiques des administrations publiques centrales était de 651 milliards d’euros en 2024, de 663 milliards en 2025 et il sera de 683 milliards en 2026. Les dépenses augmenteront donc de 20 milliards l’an prochain.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1557 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Cet amendement vise à créer un nouveau crédit d’impôt, pour les podcasts, cette nouvelle forme artistique. Un Français sur deux écoute un podcast au moins une fois par mois. Ce sont des œuvres documentaires ou de fiction, qui ont l’intérêt d’écarter les enfants des écrans. C’est prouvé, l’écoute d’un podcast est bien plus bénéfique à l’imaginaire des enfants que les écrans.

Les producteurs de podcasts ne disposent, pour l’heure, d’aucune politique publique. Ils ne sont rattachés à personne ; ils ne sont soutenus ni par le CNM (Centre national de la musique) ni par le CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée), ni par le Centre national du livre et ne bénéficient pas de crédit d’impôt.

Le crédit d’impôt proposé ne coûterait pas grand-chose, alors qu’il permettrait de pérenniser le développement des producteurs de podcasts indépendants.

Enfin, évitons les contre-vérités : le budget du ministère de la culture a augmenté de 40 % depuis 2017.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Madame Arrighi, le budget de la culture n’a connu aucune baisse – et personne, ni ici, ni au gouvernement, n’a proposé sa diminution. Notre débat en commission porte seulement sur l’opportunité de l’augmenter  pour ma part, vous l’aurez compris, j’y suis défavorable.

Quant à l’amendement en discussion, j’y suis défavorable, car il créerait un nouveau crédit d’impôt.

M. Erwan Balanant (Dem). Le crédit d’impôt proposé ne coûterait qu’entre 600 000 et 900 000 euros, alors qu’il permettrait le développement d’une filière qui, dans quelques années, produira beaucoup de richesses et de valeur. Ne ratons pas le train, comme nous avons raté le train pour de nombreux sujets numériques. Aidons les producteurs de podcasts, car les podcasts ont de nombreuses vertus, en matière de souveraineté, de lutte contre les fakes news, de développement de la francophonie, notamment. Ce sont les outils de demain.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF838 de M. Nicolas Sansu, amendements identiques ICF683 de M. Éric Coquerel, I-CF689 de Mme Estelle Mercier, I-CF747 de M. Charles Fournier et I-CF842 de M. Nicolas Sansu, amendement I-CF693 de M. Éric Coquerel (discussion commune)

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous proposons de mieux encadrer le crédit d’impôt recherche (CIR), pour gagner de l’argent – il ne s’agit pas de supprimer ce dispositif, car il aide à l’innovation.

Il y a quelque temps, dans une note pour le CAE (Conseil d’analyse économique), un prix Nobel préconisait d’abaisser le plafond des dépenses éligibles au CIR à 20 millions d’euros, car il constatait que les dépenses de R&D des TPE‑PME (les très petites, petites et moyennes entreprises) sont bien plus intelligentes que celles des grandes sociétés.

Par l’amendement I-CF838, nous proposons de diviser par deux le plafond des dépenses de recherche éligibles au CIR – y compris quand elles sont externalisées, conformément aux préconisations du rapport de Fabien Gay sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants. Le plafond pour les dépenses non externalisées passerait de 100 millions à 50 millions d’euros. Par ailleurs, nous proposons de calculer les dépenses éligibles au CIR au niveau du groupe, et pas seulement des filiales, mais aussi de subordonner le bénéfice de ce dispositif au maintien des emplois de chercheurs et de techniciens de recherche.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement I-CF683 est quasiment identique à celui que vient de présenter M. Sansu. L’efficacité du CIR est inversement proportionnelle à la taille des entreprises qui en bénéficient. Ce n’est pas moi qui le dis mais le Sénat, dans un rapport d’information de 2012 « Crédit d’impôt recherche : supprimer l’effet d’aubaine pour les grandes entreprises, réorienter le dispositif vers les PME ».

Nous proposons donc de recentrer le CIR sur les petites entreprises. Le taux de 30 % ne vaudrait plus que jusqu’à 50 millions de dépenses en recherche et développement – cela n’affectera pas exagérément les grands groupes, puisque la moyenne des dépenses éligibles au CIR pour cette catégorie est de 37 millions d’euros. Nous éviterons ainsi les abus. C’est un amendement de bon sens, sur lequel nous pouvons tous nous retrouver, pour récupérer plus de 1 milliard d’euros.

Mme Estelle Mercier (SOC). Rappelons que 0,17 % des bénéficiaires du CIR – soit cinquante entreprises sur 28 800 –, accaparent près de la moitié du montant de la niche. Les différents rapports, notamment celui du CAE, ont pointé l’inefficacité de la niche. Il faudrait la recentrer sur les TPE et PME, ce qui soulagerait en outre nos finances publiques.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Oui, il faut recentrer le dispositif sur les TPE et PME, mais aussi plafonner les dépenses éligibles au niveau du groupe et non de ses entités. De fait, les multinationales créent des unités spécifiques pour contourner le système actuel de plafond et engranger davantage de bénéfices. Enfin, il faut exclure l’immobilier d’entreprise de l’assiette du calcul du CIR. Ces amendements permettraient à l’État de gagner de l’argent.

M. Nicolas Sansu (GDR). L’amendement I-CF842 est identique à ceux des autres groupes du NFP (Nouveau Front populaire). J’ajoute que le CIR ne représente pas grand-chose par rapport à la totalité des dépenses de R&D des grandes sociétés. Stellantis, par exemple, a dépensé 2,3 milliards d’euros en R&D en 2023 et a gagné 63 millions d’euros au titre du CIR. Ce n’est donc pas ce crédit d’impôt qui décide de leurs dépenses de R&D.

M. Philippe Aghion indique que le CIR est 2,5 fois plus efficace pour les TPE et les PME que pour les multinationales. Or le coût du CIR est hors de contrôle – alors qu’il n’était que de 3 milliards il y a quelques années, il atteint désormais 7,8 milliards.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). L’amendement I-CF693 est de repli.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vos amendements tendent à modifier considérablement la structure du CIR avec, chaque fois, des effets de bord difficiles à chiffrer. Avis défavorable.

Je regrette que M. Jean-René Cazeneuve n’ait pas présenté son amendement, le I-CF591, au sein de cette discussion commune. Cet amendement aurait permis de calculer le plafond des dépenses éligibles au CIR au niveau des groupes fiscalement intégrés, en prenant en compte les analyses de France Stratégie et du Conseil d’analyse économique. Cela représenterait une économie de 470 millions d’euros.

M. Paul Midy (EPR). Notre groupe repoussera tous ces amendements. Nous n’investissons pas du tout suffisamment dans l’investissement. L’investissement lancé par le général de Gaulle pour que la France se dote de l’arme nucléaire – encore si fondamentale pour notre autonomie, tout comme notre statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU – représente l’équivalent de 50 milliards d’euros actuels. C’est comme si nous lancions un plan France 2030 tous les ans.

Ainsi, même avec les 7 milliards d’euros du CIR, nous restons très loin de la balle, en matière d’investissement dans l’innovation. Nous décrochons par rapport à la Chine et aux États-Unis depuis vingt à trente ans – historiquement, les pays dans une telle situation finissent toujours par se soumettre ou par subir des invasions.

Les amendements visant à limiter le crédit d’impôt recherche ne peuvent donc pas aller dans le bon sens. Nous pourrions toutefois discuter de propositions visant à le développer ou à l’optimiser, car nous ne prétendons pas qu’il ne peut l’être.

M. le président Éric Coquerel. Monsieur le rapporteur général, tout à l’heure, vous avez cité l’IGF. Mais si vous citez des rapports officiels, il faut tous les citer. Ceux que la Cour des comptes, en 2022, et le CPO (Conseil des prélèvements obligatoires), en 2025, ont consacrés au CIR, notamment, plaident de manière imparable pour une modification des seuils de ce crédit d’impôt, au motif qu’il est beaucoup trop avantageux pour les grandes entreprises et produit des effets d’aubaine – dont certains sont sans doute encore mésestimés. On connaît l’exemple de Sanofi.

M. Nicolas Sansu (GDR). La défense fiscale est-elle plus efficace que la dépense directe ? Bien sûr qu’il faut investir dans la recherche, mais c’est une erreur de laisser aux groupes les décisions en matière de recherche, et de les laisser intégrer dans les dépenses éligibles au CIR des immeubles ou d’autres actifs qui n’ont pas de lien avec la recherche.

C’est une erreur de ne pas toucher au CIR, alors que la dynamique de cette dépense est hors de contrôle. Même l’administration fiscale ne peut pas contrôler la réalité des dépenses du CIR. Il faut privilégier les dépenses directes aux défiscalisations – c’était, je crois, la logique du général de Gaulle.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Oui, il faut investir dans la recherche. Mais ne faut-il pas garder des marges pour investir dans la recherche publique ? Le CIR est désormais l’une des niches les plus coûteuses, avec près de 7 milliards d’euros par an, alors que son efficacité fait débat. Ce crédit d’impôt, même s’il soutient certaines entreprises innovantes, est mal ciblé. Dans le même temps, les engagements pris dans la loi de programmation de la recherche (LPR) pour les années 2021 à 2030 afin de garantir la montée en puissance des financements publics de la recherche ne sont pas intégralement tenus.

Ainsi, la recherche publique est sous-dotée, alors que l’État consacre plusieurs milliards d’euros à des dispositifs fiscaux au rendement incertain. Recentrer le CIR reviendrait à restaurer la cohérence de notre politique publique de recherche.

M. Charles de Courson (LIOT). Premier problème : faut-il calculer les dépenses éligibles au CIR par entreprise ou au niveau du groupe ? Les simulations ont montré qu’un calcul au niveau du groupe réduirait drastiquement les bénéfices dans les grands secteurs – aéronautiques, pharmacie, automobile. Veut-on affaiblir les fleurons actuels de l’industrie française, dans l’aéronautique, et ses fleurons d’autrefois, dans le secteur pharmaceutique et dans l’automobile ?

Deuxième problème : le crédit d’impôt doit-il être de 5 % au-delà de 100 millions d’euros de dépenses ? Un crédit d’impôt à 5 % ne sert à rien. Supprimer ce taux rapporterait 400 millions.

Il faudrait aussi débattre du taux pour les 100 premiers millions de dépenses éligibles, et de ce plafond. Si nous l’abaissons, les entreprises bénéficieront moins du CIR.

M. Thierry Liger (DR). Il ne faut pas modifier le CIR en tant que tel, mais mieux contrôler l’usage qu’en font les sociétés. Or cela implique une vraie connaissance technique des domaines dans lesquels celles-ci opèrent.

Pour les PME, même si le CIR est important, il faut privilégier le crédit d’impôt innovation., qu’elles mobilisent plus facilement.

M. Paul Midy (EPR). Bien sûr qu’il faut investir davantage dans la recherche publique. C’est pour cela que nous défendons la LPR chaque année. Il faudrait d’ailleurs faire plus.

Toutefois, si l’Europe décroche fortement par rapport aux États-Unis et à la Chine, c’est à cause de la recherche privée en technologie. N’opposons pas recherche publique et privée : ce sont les chercheurs en physique quantique qui révolutionnent le monde depuis cent ans, car leurs résultats ont des applications dans le domaine du nucléaire, des semi-conducteurs ou encore d’internet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF447 de Mme Claire Lejeune et I-CF449 de M. Éric Coquerel (discussion commune)

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Nous proposons de remplacer le seuil de déclenchement de l’impôt sur les bénéfices des multinationales, actuellement fixé à 750 millions d’euros de chiffre d’affaires, par un seuil de 100 millions d’euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces dispositions sont contraires à l’accord de l’OCDE de 2021 et à la directive européenne de 2022. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF821 de M. Manuel Bompard, I-CF837 de Mme Marianne Maximi et I-CF1335 de M. Tristan Lahais (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement I-CF821 reprend l’une des rares bonnes idées de Michel Barnier, qui était de majorer l’impôt sur les sociétés des très grosses entreprises, même s’il ne l’avait pas poussée assez loin.

On ne peut pas ignorer que le CAC40 bat des records de profits depuis huit ans et que, chaque année, il décide d’en verser la quasi-totalité aux actionnaires plutôt que d’investir ou d’augmenter les salaires. Puisque le CAC40 n’est manifestement pas capable d’allouer équitablement les profits, qui sont le produit des efforts des travailleurs et des travailleuses, la puissance publique doit s’en charger pour lui. Nous proposons donc une contribution exceptionnelle pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, de façon à ce qu’elles paient 40 % ou, pour celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 3 milliards, 55 % d’impôt sur les sociétés. C’est, encore une fois, une mesure de justice fiscale.

M. Tristan Lahais (EcoS). L’adoption de cet amendement compenserait la division par deux de la contribution exceptionnelle des grandes entreprises proposée par le gouvernement et adoptée par la commission, dont le groupe EPR avait même proposé la suppression pure et simple. Il est navrant que, sur des objets qui font consensus de la société, EPR fasse preuve d’une telle inflexibilité et reste sourd à la demande de justice et d’équité fiscale, l’exemple du CIR étant particulièrement parlant.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces dispositions créent une surtaxe sur les superprofits dont le chiffre d’affaires dépasse un certain montant. Cette surtaxe s’ajouterait à la surtaxe exceptionnelle, ce qui aboutirait, dans le cas de l’amendement I-CF837, à un taux d’impôt sur les sociétés de 55 %. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1129 de M. Philippe Brun et I-CF702 de M. Fabrice Roussel (discussion commune)

M. Philippe Brun (SOC). Mon amendement vise à reconduire la surtaxe exceptionnelle sur les armateurs que nous avions adoptée l’année dernière. Le projet de loi de finances pour 2026 propose une surtaxe exceptionnelle sur toutes les grandes entreprises ; or, les armateurs ne payant pas l’impôt sur les sociétés, cette surtaxe ne les concerne pas. Il y aurait une injustice à ce que les grandes banques, les grandes entreprises, la SNCF et les transporteurs s’acquittent cette année encore d’une surtaxe tandis que celle touchant les armateurs ne serait pas reconduite.

Ma collègue Christine Arrighi et mon collègue Nicolas Sansu ont déposé des amendements similaires un peu plus loin.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements rouvrent le débat sur la taxe au tonnage. L’amendement I-CF1129 propose de reconduire en 2026 la contribution exceptionnelle sur les entreprises de transport maritime et l’amendement I-CF702 revient à supprimer, de facto, la taxe au tonnage. Compte tenu de la concentration du secteur et des régimes similaires appliqués par les autres pays, le risque est de faire disparaître l’assiette de la taxe par la fuite des bateaux de CMA-CGM vers d’autres pays et, partant, la disparition de la marine marchande française. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Nous avons eu ce débat l’année dernière. La taxe au tonnage est un dispositif européen. J’y reviendrai lorsque nous examinerons la série d’amendements portant sur le sujet.

M. Philippe Brun (SOC). La question de la taxe au tonnage a été tranchée par la commission. Il ne s’agit pas de cela.

L’année dernière, nous avions adopté une surtaxe sur les armateurs en parallèle de la surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, auquel les armateurs ne sont pas soumis. Cette année, le gouvernement reconduit la surtaxe dur l’impôt sur les sociétés, à laquelle nous sommes favorables, mais pas la surtaxe sur les armateurs. Il serait injuste qu’Air France et la SNCF s’acquittent d’une surtaxe et que les armateurs en soient exemptés. C’est une mesure d’équité.

M. Matthias Renault (RN). Nous voterons contre l’amendement. Toutefois, en vue de la séance publique, il serait judicieux de demander à l’entreprise intéressée quels sont les bénéfices attendus en 2026, car elle avait travaillé sur ce dispositif avec la direction de la législation fiscale l’année dernière.

M. Charles de Courson (LIOT). L’année dernière, le PDG de CMA-CGM nous a dit clairement qu’il était prêt à consentir un effort à titre exceptionnel – qui, de mémoire, se montait à 500 millions d’euros – mais que, si la surtaxe était reconduite, il en tirerait toutes les conclusions. Elles sont très simples : 25 % de la flotte de CMA-CGM naviguent sous pavillon français, ce qui est le minimum ; du jour au lendemain, a-t-il dit, je peux changer de pavillon. En effet, la taxe au tonnage étant un dispositif communautaire, les quatre grands opérateurs européens – un Italien, un Français, un Allemand et un des Pays-Bas – sont en concurrence, ce qui pousse à la délocalisation. Le dispositif actuel permettra au moins de garder les officiers, qui sont français et formés dans des écoles françaises. En tout état de cause, il est illusoire de croire que la surtaxe rapportera le montant escompté.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Je ne savais pas que Rodolphe Saadé siégeait dans notre commission ! Quoi qu’il ait dit publiquement, c’est nous qui décidons en tant que députés, et nous pouvons décider autre chose. CMA-CGM a fait 5 milliards de résultat cette année. J’ajoute que changer de pavillon n’est pas la même chose que délocaliser son siège social. Les menaces proférées en permanence par les grands patrons d’entreprise pour éviter l’impôt et ne pas participer à l’effort fiscal, dans la situation que nous connaissons, relèvent d’un chantage auquel nous ne devons pas céder, sans quoi ceux qui paieront seront les retraités, les salariés, le secteur culturel, celui du jeu vidéo, etc.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF841 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement tend à introduire une contribution temporaire de solidarité sur les entreprises productrices d’hydrocarbures. Nous n’avons pas seulement un déficit à combler, nous avons aussi 34 milliards d’euros d’investissements publics à réaliser par an, d’après les chiffres du rapport Pisani-Ferry-Mahfouz, si nous voulons réussir la bifurcation écologique. C’est un minimum. Non seulement ces entreprises ont récemment engrangé des superprofits qui ont été très peu fiscalisés, mais elles sont les premières responsables du dérèglement climatique et du cortège de dommages qu’il inflige à notre société et dont la réparation incombe aux deniers publics. Ces entreprises réalisent des profits sur des produits qui nous mènent dans le mur climatique, et les classes populaires sont les premières à en payer le prix.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Lors de sa création, on a cru que la contribution temporaire de solidarité sur les entreprises productrices d’hydrocarbures rapporterait beaucoup d’argent ; en réalité, elle a rapporté 60 millions d’euros et le gouvernement a fini par revenir sur cette mesure. Il n’y a pas de situation de superprofits. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Chers collègues, il y a une façon de financer une partie de la transition, c’est d’exploiter les ressources nationales, mais vous ne le voulez pas. Vous l’avez interdit. Vous avez donc organisé l’importation massive de ressources exploitées à l’extérieur de nos frontières, sur lesquelles vous ne touchez absolument rien et ne toucherez jamais rien, puisque vous n’allez pas piller, dans une version néocoloniale, les ressources des autres. Si l’on exploitait le peu de ressources que la nature a bien voulu nous laisser dans l’attente de la transition, nous pourrions y investir 80 % à 90 % du profit tiré de ces ressources. Votre idéologie n’a donc pas de sens. Elle refuse certaines réalités, à savoir que, même dans les scénarios de transition les plus optimistes, il faudrait encore vingt à trente ans d’énergies fossiles décroissantes. Vous voulez le beurre et l’argent du beurre, et c’est toujours dans le portefeuille du crémier qu’on finit par piocher.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF961 de Mme Claire Lejeune

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet amendement d’appel vise à nationaliser ArcelorMittal. C’est une entreprise que son actionnaire est en train de détruire. Elle devait réaliser des investissements pour décarboner son activité d’ici à 2030 afin de rester viable. L’État était prêt à mettre 850 millions d’euros sur la table ; Arcelor devait aussi, de son côté, mettre 850 millions. Finalement l’ensemble des projets est à l’arrêt, alors qu’ils devaient être achevés avant 2030. Nous avons tout juste le temps de les réaliser.

Derrière tout cela, il y a des réalités : 15 000 emplois directs sont menacés, dont plus de 3 200 à Dunkerque. Ce serait une destruction pour toute l’économie du Dunkerquois et pour l’ensemble de l’industrie française. Sans acier français, il n’y a plus de planification écologique, plus d’automobiles, plus de trains, bref, il n’y a plus rien.

Pourtant, ArcelorMittal a l’argent pour réaliser ces investissements. L’entreprise a fait en 2024 1,2 milliard de bénéfices et elle a versé 710 millions de dividendes. Je vous invite donc à envoyer un message fort en adoptant cet amendement et les deux suivants, qui appellent également à des nationalisations.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est un amendement d’appel que je prends comme tel. Il devra être débattu en séance. Avis défavorable. Pour mémoire, l’Institut La Boétie estime le coût de cette nationalisation entre 2,6 et 6,25 milliards d’euros.

M. le président Éric Coquerel. Ayons en mémoire l’audition du PDG d’Arcelor France, qui a confirmé ici qu’il ne réaliserait pas le plan de décarbonation qui était prévu à Dunkerque pour 2030. Sans décarbonation, les deux puits ne seront pas créés car ils n’auront plus d’intérêt, notamment pour des raisons liées aux subventions européennes, et ce sera la fin de la sidérurgie française.

On peut toujours se persuader que l’on trouvera des solutions de rechange si Arcelor, qui menace aussi de fermer Fos-sur-Mer, ferme Dunkerque – c’est ce qu’on m’a dit au ministère de l’industrie –, mais ces solutions n’existent pas. Si nous voulons conserver la sidérurgie, il va falloir envisager ce qu’on fait les Britanniques. Sans sidérurgie, il n’y a pas d’industrie. Je ne vois donc pas d’autre solution, même temporaire, que la nationalisation. Le problème va se poser très vite : si le plan de décarbonation n’est pas lancé dès l’année prochaine, tout sera déjà fini.

M. Charles de Courson (LIOT). La sidérurgie européenne est dans une situation particulièrement dégradée car elle est concurrencée par la sidérurgie chinoise et, dans une moindre mesure, singapourienne. L’Union européenne vient enfin d’adopter des mesures de protection pour réduire les importations à 10 % du marché européen ; si elle ne l’avait pas fait, ce ne serait pas simplement l’effondrement de la sidérurgie française, mais aussi celle de la sidérurgie européenne. Maintenant que la décision est prise, il faut conforter la sidérurgie européenne pour assurer l’indépendance de l’Europe en acier. Ce n’est pas par ce mécanisme que nous y parviendrons.

M. le président Éric Coquerel. Par lequel, alors ?

M. Charles de Courson (LIOT). D’abord, par les mesures de protection qui ont déjà été décidées par l’Union européenne.

M. le président Éric Coquerel. Ce n’est pas incompatible.

M. Charles de Courson (LIOT). Ensuite, il faut aider les sidérurgistes français à rester compétitifs. L’investissement énorme de Dunkerque – que je suis allé contrôler avec la présidente de la commission des affaires économiques – se montait à un peu plus de 2 milliards, avec une aide de l’Ademe (Agence de la transition écologique) prévue à hauteur de 850 millions d’euros. Ils ont renoncé devant l’effondrement du marché européen. Si le marché se redresse grâce aux mesures de protection, et en demandant à tous les sidérurgistes européens de se moderniser en basculant vers l’électrification – en mettant des barrières à l’entrée, pour que le prix de revient de l’acier soit viable…

M. le président Éric Coquerel. Le problème, c’est qu’Arcelor est en train d’ouvrir des centres sidérurgiques en Indonésie et en Amérique latine. Il n’a pas intérêt à entrer en concurrence avec lui-même. Je suis favorable aux mesures protectionnistes mais, à partir du moment où Arcelor ferme, il faut bien trouver une solution de rechange.

M. Charles de Courson (LIOT). Tout cela pour dire que la nationalisation, même temporaire, n’est pas la solution.

M. Philippe Brun (SOC). Nous voterons pour cet amendement. L’absence de nationalisation des hauts-fourneaux de Florange en 2012, contre l’avis du ministre de l’industrie, Arnaud Montebourg, a été une erreur majeure. On ne peut aucunement faire confiance au groupe ArcelorMittal qui organise déjà sa délocalisation. Ma collègue Sophie Pantel me dit à l’instant qu’en Lozère, à Saint‑Chély-d’Apcher, le transfert des savoir-faire et du personnel a commencé. Nous devons reprendre le contrôle, mettre fin au laisser-faire et nationaliser la filière acier française, comme l’ont fait les Britanniques, pour retrouver notre souveraineté dans un secteur essentiel à l’industrialisation du pays.

J’ajoute, en ma qualité de rapporteur spécial du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, que celui-ci dispose de réserves non utilisées. Du fait de l’instabilité politique, peu d’opérations capitales ont été menées à bien. Nous avons donc l’argent nécessaire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Que ce soit Arcelor, Sanofi ou Atos, il faut que ce débat ait lieu en séance en présence du gouvernement.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans les conditions actuelles, la nationalisation d’ArcelorMittal sera la dernière cartouche de la France pour sauver sa sidérurgie et, avec elle, celle de l’Europe, même si celle-ci ne s’en rend pas compte. Toutefois ArcelorMittal est un groupe d’intérêt national indien. Sauf erreur, il n’y a pas de cas récents de nationalisation d’entreprises françaises qui, malheureusement, ne le sont plus vraiment. Quand on parle de nationaliser ArcelorMittal, qu’est-ce qu’on nationalise exactement : les sites en France, en Europe ou les sites mondiaux ? Ce n’est pas une question piège.

M. le président Éric Coquerel. La nationalisation concernerait les sites industriels sidérurgiques français.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette successivement les amendements I-CF967 de M. Aurélien Le Coq et I-CF970 de Mme Mathilde Feld

Amendement I-CF875 de Mme Béatrice Bellay

M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement de ma collègue martiniquaise s’inscrit dans le combat du groupe Socialistes et apparentés pour lutter contre la vie chère dans les territoires des océans – j’utilise à dessein cette expression que Béatrice Bellay privilégie à celle de territoires d’outre-mer. Depuis des années, les populations des océans subissent des prix anormalement élevés sur les produits de première nécessité. Ces écarts ne s’expliquent pas seulement par les coûts de transport, mais aussi par les situations de monopole ou d’oligopole dans la distribution, l’importation et l’énergie qui permettent à certains grands groupes de capter une part disproportionnée de la valeur.

L’amendement crée donc une contribution exceptionnelle de 5 % sur le chiffre d’affaires réalisé dans les territoires des océans par les sociétés dont le chiffre d’affaires consolidé dépasse 500 millions d’euros. Son objectif est simple : faire contribuer les acteurs dominants à l’effort collectif et financer les politiques publiques en faveur du pouvoir d’achat, de la production locale et de la régulation économique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ne craignez-vous pas qu’en surtaxant un groupe monopolistique qui, par définition, dispose d’un pouvoir sur le marché, celui-ci ne répercute la totalité de la taxe sur les consommateurs ? Il me semble, malheureusement, que c’est mécanique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1652 de M. Christophe Naegelen

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Sans aller jusqu’à copier les Italiens, qui viennent de décider de taxer les entreprises de banque et d’assurance à hauteur de 4,5 milliards d’euros, l’amendement sollicite une contribution exceptionnelle de 3 % de l’impôt sur les sociétés applicable aux établissements de crédit et aux entreprises d’assurance afin de contribuer au rétablissement de nos comptes. Le rendement de cette mesure serait de 400 millions d’euros pour les établissements bancaires et de 140 millions d’euros pour les assureurs.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement crée une surtaxe sur la surtaxe d’impôt sur les sociétés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF836 de M. Manuel Bompard

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je sais que chacun dans cette commission est un défenseur des agricultrices et des agriculteurs. Eh bien, pour défendre les agriculteurs, il faut que ceux-ci soient justement rémunérés pour leur travail et que les prix auxquels ils vendent à la grande distribution augmentent ; en même temps, puisqu’il y a dix millions de pauvres dans le pays du fait des macronistes, il faut que la population puisse acheter ces mêmes produits. La solution, c’est l’encadrement des marges pour que la grande distribution arrête de se gaver à la fois sur le dos des Français et sur celui des agriculteurs.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Premièrement, l’amendement crée une surtaxe sur la surtaxe. Deuxièmement, croyez-vous qu’une surtaxe soit l’outil juridique ad hoc pour lutter contre un monopole, puisque vous suggérez qu’il y en a un ? Le droit de la concurrence serait un meilleur outil. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). La rédaction de l’amendement rappelle étrangement une proposition de loi de M. Bompard qui visait non pas à créer une surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, mais à bloquer les prix – et c’est effectivement ce à quoi aboutirait l’amendement. Le blocage des prix n’a jamais été demandé par les agriculteurs et il n’a jamais fonctionné dans aucun pays, où l’on a au contraire observé qu’il vidait les rayons des supermarchés, créait un marché au noir où les agriculteurs vendent des produits sous le manteau et, à la fin, amenait à un effet de rattrapage lorsqu’on libère enfin les prix. C’est une vision marxiste de l’économie qui n’a jamais fonctionné nulle part.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF758 de Mme Mathilde Feld, I-CF648 de Mme Claire Lejeune, I-CF652 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1696 de M. Nicolas Sansu, amendements identiques I-CF309 de Mme Christine Arrighi et I-CF1396 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). La discussion a déjà eu lieu. Ces amendements portent sur la contribution exceptionnelle des armateurs.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous pouvons encore nous rattraper : le résultat du vote était de 17-17 tout à l’heure.

Mme Christine Arrighi (EcoS). En 2021, les bénéfices de CMA-CGM s’élèvent à 17,9 milliards de dollars, en 2022 à 24,9 milliards, en 2023, ils connaissent une petite chute, à 3,64 milliards, en 2024, ils progressent de 56 %, à 5 milliards. Pas de taxation des superprofits, maintien de la taxe au tonnage, et vous ne voulez pas de la reconduction de la contribution exceptionnelle. Les Français jugeront.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Je retire mon amendement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

Successivement, la commission rejette les amendements I-CF758 et ICF648 et adopte l’amendement I-CF652, l’amendement I-CF1396 ayant été retiré.

En conséquence, les amendements I-CF1696 et I-CF309 tombent.

Amendements I-CF761 de M. Éric Coquerel, amendements identiques ICF749 de Mme Estelle Mercier, I-CF777 de Mme Marianne Maximi et I-CF1189 de M. Emmanuel Maurel (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). C’est un amendement de décence eu égard au contexte dans lequel nous nous trouvons.

Les actionnaires du CAC40 ont touché en 2025 près de 100 milliards d’euros qui sont à peine taxés, sur lesquels il n’y a pas de cotisations et qui ne participent pas même pour un euro à notre modèle social. On comprend la colère des gens : il est indécent d’expliquer aux malades, aux précaires, aux apprentis, aux classes populaires et moyennes qu’ils doivent encore faire des efforts quand les actionnaires, eux, continuent à se gaver. Les milliards de dividendes ne tombent pas du ciel, ils viennent de la richesse produite par les travailleurs et les travailleuses de notre pays qui, eux, n’ont pas le droit à la moindre augmentation de salaire. Avec le gel du barème de l’impôt sur le revenu, ils vont même, au contraire, perdre du pouvoir d’achat.

L’amendement vise à faire participer les actionnaires du CAC40 à l’effort budgétaire avec une petite taxe de 5 %, uniquement sur les superdividendes. Nous ne comprendrions pas que vous ne le votiez pas.

M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement vise à instaurer une contribution exceptionnelle de 5 % sur les superdividendes versés par les grandes entreprises dont le chiffre d’affaire excède 1 milliard d’euros. Cette taxe s’appliquerait uniquement lorsque les dividendes dépassent de 20 % la moyenne des cinq dernières années.

Mme Maximi a employé le mot décence. C’est exactement ce dont il s’agit. Ce que nous vous expliquons depuis deux jours, c’est que, compte tenu de la situation économique de la France et du puissant sentiment d’injustice qui étreint la plupart des Français, il faut rééquilibrer la balance entre la fiscalité du capital et celle du travail. C’est ce que nous proposons dans cet amendement, qui est décent et raisonnable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement I-CF761 vise à créer une contribution sur les dividendes exceptionnels des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros, entendus comme les dividendes qui dépassent de 1,25 fois la moyenne des dividendes versés entre 2017 et 2019. Cette notion crée une asymétrie de traitement. En effet, les entreprises qui feraient profiter leurs actionnaires d’un profit exceptionnel seraient pénalisées, tandis que celles qui versent des dividendes élevés de façon régulière et stable ne seraient pas assujetties à la taxe.

Par ailleurs, puisque les dividendes sont déjà taxés, ces amendements risquent de contrevenir à la directive mère-fille en portant la quote-part au-delà des 5 %. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai l’impression que cet amendement est le même que celui du Rassemblement national. Pour vous, quelle est la différence entre cette taxe et celle qui n’a pas été adoptée hier ?

M. Nicolas Sansu (GDR). L’entité qui paye n’est pas la même, monsieur Tanguy. Ce n’est donc pas le même amendement que celui du Rassemblement national.

En revanche, cet amendement présente de grandes ressemblances avec celui proposé par Jean-Paul Mattei et adopté en séance dans le PLF pour 2024. Il peut donc susciter un large consensus.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). À l’époque, cet amendement sur les superdividendes était cohérent car les entreprises d’énergie faisaient des bénéfices très importants. À mon grand regret, il a disparu du projet de loi de finances (PLF), adopté par 49.3 après un bras de fer avec le ministre des finances. Depuis, les choses ont évolué.

Nous avons d’abord adopté la contribution différentielle sur les hauts revenus, qui fait que la flat tax peut atteindre 37,2 %, si les 12,8 % et les 20 % sont cumulés. Nous avions d’ailleurs débattu de l’augmentation de son montant. Il me semble donc que l’objectif est atteint, d’autant que nous avons adopté la pérennisation de cette contribution.

Ensuite, au vu de l’évolution du monde des affaires, je ne suis pas sûr que ces amendements soient opérationnels comme en 2023, année de profits exceptionnels où ils avaient un rôle pédagogique.

Successivement, la commission rejette l’amendement I-CF761 et adopte les amendements identiques.

Amendements I-CF1393 de Mme Estelle Youssouffa, I-CF377 de M. Kévin Mauvieux, I-CF810 de Mme Claire Lejeune, I-CF813 de M. Éric Coquerel et ICF815 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)

M. Charles de Courson (LIOT). Cette mesure reprend l’initiative du groupe Démocrate lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.

Les rachats d’actions opérés par les grandes entreprises françaises cotées représentent chaque année un montant de l’ordre de 25 à 30 milliards d’euros en moyenne – sur les 100 milliards de dividendes, dont environ 70 % sont directement versés et 30 % réinvestis dans le rachat d’actions. Lors de pics récents, ces rachats ont atteint 40 à 50 milliards.

Ces opérations, qui permettent essentiellement de soutenir le cours de bourse et de rémunérer indirectement les actionnaires, ne contribuent ni à l’investissement productif, ni au partage de la valeur avec les salariés. Dans un contexte de nécessaire rétablissement des finances publiques, il est légitime de solliciter davantage ces pratiques.

Le taux de la taxe est fixé à 2 % de la valeur des rachats d’actions réalisés par les sociétés dont le siège est situé en France, cotées sur un marché réglementé, et dont le chiffre d’affaires excède 1 milliard d’euros.

Cette mesure aligne la France sur la dynamique internationale ouverte par les États-Unis avec l’Inflation Reduction Act tout en adaptant ce taux pour correspondre au poids réel des rachats d’actions en France – dans la mesure où ils sont encore plus importants aux États-Unis. Elle permet de réorienter les comportements des entreprises vers l’investissement et le partage de la valeur, tout en assurant une ressource nouvelle et équitable pour l’État.

Le produit serait de l’ordre de 2 % sur ces 25 à 30 milliards, soit 600 millions d’euros.

M. Kévin Mauvieux (RN). Notre amendement prévoit de modifier la taxe sur les opérations de rachats d’actions qui n’est pas concluante pour l’instant.

Pour dégager un rendement de plus de 8 milliards d’euros sur la première année et dissuader ces opérations de spéculation, nous proposons un élargissement de l’assiette à toutes les entreprises qui réalisent des rachats d’actions et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros – seuil retenu notamment pour les Gafam – ainsi qu’une augmentation du taux à 33 %.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous proposons avec cet amendement de taxer le rachat d’actions à hauteur de 10 %. Avec l’amendement I-CF813, de repli, nous proposons une taxe de 4 %.

La pratique du rachat d’actions est néfaste à notre économie puisqu’elle consiste, d’une part, à faire augmenter artificiellement la demande d’actions et, d’autre part, à retirer des actions de la circulation, ce qui conduit à l’augmentation mécanique du dividende par action. Cette pratique de spéculation, contre laquelle il n’existe aucune mesure significative, se fait au détriment de l’investissement des entreprises dans l’économie réelle. Le président Macron lui-même a dénoncé son cynisme.

Nous proposons une taxe sur la base de la valeur réelle des actions, et non pas sur leur valeur nominale, comme l’avaient fait les gouvernements Bayrou et Barnier.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pour résumer, l’amendement I‑CF1393 propose une taxe sur le rachat d’actions assise sur leur valeur d’acquisition. La disposition adoptée l’année dernière dans la loi de finances pour 2025 asseyait cette taxe sur leur valeur nominale. Avec l’amendement I-CF377 M. Mauvieux entend quadrupler le taux de la taxe, le portant de 8 % à 33 %. Enfin, les amendements I-CF810, I-CF813 et I-CF815 proposent une taxe assise sur la valeur réelle des actions, ce qui va à l’encontre de la directive mère-fille puisqu’elles seraient alors taxées une deuxième fois. Ils sont donc contraires au droit européen. En outre, toutes ces dispositions aggravent la pression fiscale. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Taxer le rachat d’actions a forcément une incidence sur le cours de l’action, qu’il ferait baisser, créant ainsi une opportunité formidable pour les fonds vautours qui pourraient racheter les titres d’entreprises françaises cotées.

Sans vouloir “ramener ma science”, j’ai dirigé une thèse sur le sujet : la baisse du cours d’une action – pour des raisons de gouvernance, de mésentente entre les actionnaires ou de stratégie – expose en effet au risque d’une offre publique d’achat (OPA) hostile ou d’un rachat de titres par des hedge funds. Toute la littérature académique en sciences économiques s’accorde sur ce réel danger. Il ne me paraît donc pas adapté de désarmer notre économie en taxant le rachat d’actions.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Le rachat d’actions spéculatif vient des États-Unis, où, afin de taxer les dividendes, il a été détourné de sa fonction principale de structuration des opérations de marché. Le rachat d’actions sert à présent à soutenir artificiellement les cours de bourse, envoyant d’ailleurs le message que les bénéfices de l’entreprise sont supérieurs aux investissements nécessaires, suscitant ainsi des désaccords sur l’utilisation du capital. Il ne s’agit donc pas d'une pratique nationale et les entreprises françaises l’emploient pour copier les pratiques des fonds américains, au demeurant déjà majoritaires dans le CAC40.

Or le rachat d'actions nourrit l’attrait étranger pour les actions françaises. Il faut donc soutenir l’actionnariat français ! Vous rejoignez paradoxalement les gauches en ne faisant rien. Rien ! Pourtant, le rapport de M. Jolivet et moi-même montre bien que l’épargne française ne va pas, ou de manière très marginale, vers le CAC40 – l’épargne des classes moyennes notamment, sans parler de celle des classes populaires. Faute de soutien, vous avez laissé les intérêts américains entrer au CAC40.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Les amendements qui défendent une taxe sur le rachat d’actions à une valeur de marché s’opposent à la réglementation européenne. Nous avions insisté là-dessus l’an dernier lorsque nous avons dû en rester à une taxe assise sur la valeur nominale des titres, alors que nous souhaitions, au départ, adopter une taxe de 1 % assise sur leur valeur de marché.

Concernant le rachat d’actions, j’ai toujours dit que le vecteur privilégié n’était pas forcément le bon. Il faudrait travailler à un droit d’enregistrement pour un partage d’annulation des titres, mais nous n’y parvenons pas. Nous considérons tous que c’est un sujet de fond et il nous faut désormais travailler à une taxe raisonnable, qui ne soit pas confiscatoire et qui tienne compte des contraintes européennes, d’autant que la mesure décevante votée l’an dernier n’a pas été aussi rentable que prévu.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF691 de Mme Anaïs Belouassa-Cherifi

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Cet amendement tend à taxer les compléments de loyer dans les zones tendues : ils augmentent artificiellement le montant des loyers, touchent souvent les locataires les plus précaires et ceux qui ont le plus de difficultés à se loger, et atteignent parfois des montants très élevés – 192 euros en moyenne, et jusqu’à 237 euros à Paris et 161 euros à Lyon et Villeurbanne. Mediapart a enquêté sur la question. Pour dissuader les propriétaires d’utiliser ces compléments de loyer excessifs, nous proposons de les taxer.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’émets un avis défavorable à cet amendement qui vise à taxer les compléments de loyer, lesquels sont déjà taxés au titre de l’impôt sur le revenu (IR) et des prélèvements sociaux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF334 de M. Arnaud Bonnet

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Cet amendement vise à exclure les établissements d’enseignement privés – y compris les établissements d’enseignement supérieur – des réductions d’impôts accordées sur les dons des entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés.

Ces réductions d’impôt posent en effet un problème de transparence et d’équité territoriale. L’intervention sur ce sujet de deux ministères, celui du budget et des comptes publics et celui de l’éducation nationale, accentue en outre les difficultés de suivi et d’évaluation, sur le plan tant qualitatif que quantitatif, de cette niche. C’est ce qu’a rappelé la Cour des comptes en avril 2024.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat et je rappelle que les établissements privés d’éducation ont une mission de service public. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF903 de M. Pouria Amirshahi

M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement peut faire consensus : il tend à activer le droit au mécénat des sociétés publiques locales (SPL) de manière à reconnaître leur action, notamment dans le champ culturel. La disposition, déjà proposée l’an dernier, avait été adoptée en commission et mériterait cette fois de figurer dans la loi de finances.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Mener des actions de mécénat sur des sociétés publiques locales me semble de bon sens. Avis favorable.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Sur ce sujet, je ne peux pas ne pas saluer le travail de la sénatrice rennaise Sylvie Robert, qui, en portant avec conviction une proposition de loi votée à l’unanimité au Sénat, a inspiré cet amendement que je remercie le groupe Écologiste et social de présenter.

Il permet en effet de résoudre une inégalité fiscale devenue incompréhensible. Les SPL sont au cœur de la vie culturelle de nos territoires puisqu’elles gèrent des musées, des théâtres, des festivals et des équipements culturels essentiels à la vitalité locale. Cet amendement rétablit une équité de traitement et offre un nouveau souffle aux acteurs culturels de proximité. Notre groupe votera donc cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1072 de M. Christophe Plassard

M. Christophe Plassard (HOR). Cet amendement concerne le patrimoine architectural et culturel de nos gares, qui appartient à l’État mais est mis en gestion auprès de SNCF Gares et connexions, et dont la rénovation est plus que nécessaire, comme en témoignent différents rapports pointant leur dette grise.

Cet amendement entend permettre de faire appel à des financements privés pour ces rénovations – un avantage fiscal ordinairement possible pour les bâtiments inscrits au titre des monuments historiques, sauf en cas de gestion déléguée. Ce n’est pas normal.

Cette mesure aurait très peu d’impact sur les finances publiques : pour 500 millions de travaux sur une dizaine d’années et avec une participation du privé à hauteur de 10 %, cela ne représenterait que 5 millions d’euros par an. Cet avantage fiscal limité permettrait ainsi d’entretenir et de rénover ce patrimoine national confié à la SNCF.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cela fait deux fois que nous travaillons sur cet amendement, je réitère donc mon avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous revenons en effet pour la deuxième fois sur cet amendement poussé par la SNCF, ce que ne mentionne pas l’exposé sommaire.

Ces financements privés viendraient finalement pallier le manque de financements publics. À titre personnel, je n’ai aucune envie d’avoir du LVMH partout sur nos gares, et de voir écrit « Merci, Bernard ! ». C’est ce qui arrivera ! Si nous voulons rénover nos gares, engageons des moyens publics.

M. Christophe Plassard (HOR). Il ne s’agit pas de pallier un manque de financements publics mais de renforcer le budget de la SNCF pour ces rénovations.

Si l’appel aux financements privés n’est pas rendu possible par l’amendement, la question ne portera pas sur le défaut de financements publics mais bien sur le fait que le budget de la SNCF serve à rénover des biens de l’État qui lui sont simplement confiés en gestion.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1291 de M. Philippe Lottiaux

M. Philippe Lottiaux (RN). La rénovation d’un monument historique donne droit à du mécénat au titre de l’article 238 bis du code général des impôts. Or ces travaux comprennent fréquemment des fouilles archéologiques, de la rénovation énergétique et, parfois, du remembrement – le regroupement de biens meubles pour les replacer dans le bâtiment rénové –, opérations qui, elles, n’entrent pas dans le cadre de l’article 238 bis. Le but de l’amendement est, dans un souci de cohérence de cet article, de corriger ce manque en y ajoutant ces opérations – au demeurant assez marginales.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Même avis qu’hier : favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1579 de Mme Anne-Cécile Violland.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Cet amendement vise à supprimer un avantage fiscal qui a été détourné.

Les entreprises présentes sur le marché français ne peuvent pas détruire leurs stocks de vêtements invendus. Elles doivent les recycler, les vendre à des déstockeurs ou les donner à des associations en échange d’une réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés équivalant à 60 % de la valeur du don.

Cela crée un effet d’aubaine pour les entreprises françaises ou étrangères de fast fashion et d’ultrafast fashion et contribue à l’engorgement déjà massif de toutes nos filières de tri, de collecte et de traitement des déchets. Il faut mettre fin à cet effet de bord que nous n’avions pas imaginé au départ. Je précise que cet amendement a été adopté au Sénat en première lecture de la loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’avais cru que nous parlions de gaspillage alimentaire, mais il s’agit des pratiques industrielles et commerciales du secteur du textile. J’ignorais qu’il y avait des abus. Avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1659 de Mme Olivia Grégoire

Mme Olivia Grégoire (EPR). Les entreprises souhaitent de plus en plus s’engager pour soutenir des causes, faire du mécénat et mener des actions sociales. Elles ont également des obligations en la matière – que l’on pense aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) ou à la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises (CSRD). Enfin, les Français attendent que les entreprises s’engagent dans le débat public.

Cet amendement rendrait possible, pour les entreprises qui s’engageraient dans de telles actions de mécénat sur au moins trois ans – la pluriannualité du financement des causes et des associations est en effet un enjeu majeur –, de faire passer de 0,5 % à 1 % du chiffre d’affaires le plafond prévu de la réduction d’impôt.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette proposition me semble pleine de bon sens : elle permet aux bénéficiaires d’avoir une vision budgétaire sur trois ans, ce qui est vertueux compte tenu de leurs difficultés de financement. Avis favorable.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il faut réaliser le niveau d’hypocrisie de cet amendement, qui prétend aider des causes ou des associations. La Macronie – celle-là même dont le projet de loi de finances, dans sa seconde partie, présente 300 millions d’euros de coupes sur le budget du sport et des associations, soit près de 20 % de moins – nous propose donc une réduction fiscale pour les entreprises qui aideraient ces mêmes associations ! Vous augmentez au fond les 211 milliards de cadeaux dissimulés offerts chaque année aux entreprises.

M. Charles Rodwell (EPR). Cet amendement est plein de bon sens.

Par ailleurs, monsieur le président, vous avez très judicieusement fait remarquer hier que les membres de cette commission se moquaient parfois des femmes qui prenaient la parole. Ce rappel à l’ordre est valable pour tout le monde, y compris pour le collègue de La France insoumise qui vient de le faire.

M. le président Éric Coquerel. Ce que j’ai dit s’adressait à tous les groupes.

Mme Perrine Goulet (Dem). Cet amendement me paraît intéressant. Depuis plusieurs années, nous essayons de mettre en place des dispositifs de soutien à la protection de l’enfance sur le soin. Or de grandes entreprises se sont réunies pour installer des structures pour accueillir des enfants protégés, notamment à Paris. Il n’est donc pas inutile d’orienter les entreprises qui souhaiteraient venir en soutien à ces projets – pour lesquels l’État et les départements sont défaillants. Il ne me choque pas non plus que les entreprises privées fournissent une aide sur ces causes importantes, plutôt que d’augmenter leurs dividendes. Nous avons demandé aux entreprises de s’engager pour des causes sociales et environnementales : quand elles le font, il faut les encourager.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF987 de Mme Céline Calvez

Mme Céline Calvez (EPR). L’article 238 bis AB du code général des impôts permet aux entreprises qui investissent dans des œuvres originales d’artistes vivants de déduire de l’impôt sur les sociétés le coût de leurs acquisitions, dans la limite de 0,5 % de leur chiffre d’affaires ou de 20 000 euros. Au-delà d’asseoir le rayonnement culturel de la France et d’assurer une plus large visibilité des œuvres auprès du grand public, ce dispositif, dont la fin est programmée au 31 décembre 2025, permet de soutenir financièrement les artistes français. C’est pourquoi je propose de le proroger de trois ans, d’autant que nous observons déjà une légère baisse des commandes auprès des artistes.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En réalité, ce dispositif que vous souhaitez proroger jusqu’en 2028, a très peu de bénéficiaires. Avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous sommes interloqués ! Par cet amendement, vous voulez, une fois de plus, amplifier les déductions fiscales accordées aux entreprises pour leurs bonnes œuvres ou pour leur soutien aux associations qui remplissent, en réalité, des missions de service public. D’un côté, vous rejetez nos amendements qui visent à augmenter la fiscalité sur les entreprises et, de l’autre, vous nous demanderez, dans le cadre de l’examen de la seconde partie du PLF, de procéder à des coupes budgétaires ! D’ailleurs, l’exemple donné par Mme Goulet, qui souligne que l’État est défaillant, est emblématique. Posez-vous plutôt la bonne question : pour quelle raison est-il défaillant ? Tout simplement parce que nous procédons à des coupes budgétaires. Je trouve grave de vouloir recourir au privé pour combler les défaillances de l’État que nous organisons nous-mêmes ici !

Mme Céline Calvez (EPR). Très peu d’entreprises bénéficient de ce dispositif, j’entends bien. Néanmoins, ce qui compte n’est pas tant le nombre d’entreprises qui en profitent que le nombre d’artistes qui sont soutenus grâce à lui. J’ajoute qu’il permet aussi de prêter des instruments de musique.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Avant de clore la réunion, M. le rapporteur général souhaite faire une communication sur l’état des recettes tel qu’il résulte de nos travaux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Une première évaluation, très imparfaite, a été réalisée aux alentours de seize heures trente, pour faire le point sur l’impact de ce que nous avons voté en commission: globalement, nous arrivons à une dégradation de l’équilibre de l’ordre de 9 milliards d’euros.

Sans entrer dans le détail, permettez-moi de vous indiquer les grandes masses de nouvelles réductions fiscales, c’est-à-dire de plus de 150 millions d’euros : la revalorisation partielle du barème de l’impôt sur le revenu devrait coûter 700 millions d’euros ; le maintien de la réduction d’impôt accordée aux personnes résidant dans un Ehpad, environ 600 millions d’euros ; la réécriture globale de l’article 3 qui visait à instaurer une taxe sur le patrimoine financier des holdings patrimoniales devrait diminuer les recettes de l’ordre de 1 milliard d’euros ; l’exclusion des entreprises de taille intermédiaire (ETI) dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 milliard d’euros du champ de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises devrait représenter 500 millions d’euros. S’agissant des niches fiscales, le maintien de l’exonération des indemnités journalières pour les malades atteints d’affections de longue durée (ALD) représenterait un coût de 880 millions d’euros et le crédit d’impôt pour les frais de scolarité de 450 millions d’euros ; le maintien de l’avantage fiscal pour le superéthanol E85 et le biogazole B100 représenterait 289 millions en 2026, 430 millions d’euros en 2027 et 571 millions d’euros à terme ; la suppression de l’article relatif à l’abattement spécial de 10 % pour les retraités coûterait 1,2 milliard d’euros ; le rehaussement à 50 % du taux d’abattement du régime microfoncier, 150 millions d’euros ; et l’augmentation à 100 000 euros de la tranche des bénéfices des PME imposée au taux réduit de 15 % coûterait entre 1,5 milliard d’euros et 3,5 milliards d’euros.

En contrepartie, quelques mesures ont été adoptées créant des recettes supplémentaires, telles que l’exclusion des biens non professionnels du champ de l’exonération de droits de mutation au titre du pacte Dutreil, qui devrait rapporter 500 millions d’euros ou encore la suppression des amortissements déductibles au titre du régime réel BIC (bénéfices industriels et commerciaux), qui rapporterait un peu moins de 400 millions d’euros.

Les dispositions adoptées par la suite n’ont pas encore été évaluées.

M. le président Éric Coquerel. Plusieurs taxes ont été votées, qui rapporteront des milliards – comme la taxation des multinationales à proportion de leur chiffre d’affaires. Il faut en tenir compte.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tout à fait, mais je vous donne les chiffres dont je dispose à cette heure.

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Réunion du mardi 21 octobre 2025 à 21 heures 30 ([suite] après l’article 12 à article 19)

https://assnat.fr/zoLuBq

La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général).

M. le président Éric Coquerel. Nous allons tenter d’examiner 150 amendements ce soir. Je ne laisserai pas s’exprimer plus d’un pour et d’un contre.

Amendement I-CF729 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Cet amendement vise à mettre fin au scandale du recours abusif des grandes entreprises aux aides publiques. Le sénateur Fabien Gay a démontré dans son excellent rapport que ces grandes entreprises sont les principales bénéficiaires des aides publiques, en particulier des crédits d’impôt. Or que font-elles avec une manne financière qui représente plus de 200 milliards d’euros chaque année ? Je ne prendrai qu’un exemple qui me concerne et qui est très révélateur. En 2024, alors que Michelin a touché 149 millions d’aides publiques, elle a licencié 1 200 personnes. Son patron a prétendu que l’entreprise avait des difficultés. Pourtant, cette même année, elle a versé plus de 2 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’IS (impôt sur les sociétés) n’est pas un outil de régulation des licenciements. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF753 de Mme Marianne Maximi

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement vise, dans le même esprit, à interdire aux entreprises de toucher des aides, dès qu’elles procèdent à des licenciements économiques ou sans cause sérieuse. L’an dernier, Auchan a licencié 2 400 personnes ; ma circonscription a ainsi perdu 200 emplois. Or, entre 2013 et 2023, la famille Mulliez a touché près de 600 millions d’euros de la part de l’État. Ces familles de milliardaires continuent à s’enrichir avec de l’argent public et, pourtant, elles licencient et ferment des magasins utiles aux habitants, notamment dans les quartiers populaires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre objectif de limiter les licenciements est louable. Toutefois, ce n’est pas par la fiscalité que vous allez l’atteindre.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). À quel moment fixe-t-on des contreparties aux versements d’argent public ? Michelin va liquider ses deux sites de production, qui ont été délocalisés. Quels sont les leviers pour contraindre les grands groupes à garder leurs emplois ? S’ils partent, on n’a qu’à leur demander de rembourser ; c’est bien ce que l’on fait pour les individus.

M. Denis Masséglia (EPR). Je ne vais pas forcément défendre Michelin, parce que c’est dans ma circonscription que l’usine principale a été fermée : 955 personnes ont perdu leur emploi. J’ai travaillé avec Michelin pendant des années, pour essayer de trouver une solution. La France insoumise, elle, est passée quelques jours pour faire du tourisme sur la souffrance des gens. Le crédit d’impôt recherche (CIR), c’était pour financer la recherche à Clermont-Ferrand. L’entreprise a fermé du fait, d’une part, de la concurrence de la Chine et, d’autre part, de la volonté de Michelin d’augmenter la marge sur les pneumatiques. Ce n’est pas de la délocalisation, c’est une réduction de la production pour éviter une baisse des ventes. Je ne vais cependant pas défendre Michelin, parce que tout le territoire souffre. Évitez cette propension aux raccourcis qui sont néfastes pour les entreprises.

M. le président Éric Coquerel. C’est moins néfaste pour les salariés par contre.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF661 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF745 et ICF744 de M. Charles Fournier, I-CF1638 de M. Joël Bruneau, I-CF1397 de M. Charles de Courson, I-CF1637 de M. Joël Bruneau, I-CF685 de Mme Mathilde Feld, I-CF687 de Mme Claire Lejeune, I-CF654 de Mme Christine Pirès Beaune, I-CF343 et I-CF1394 de M. Michel Castellani (discussion commune)

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). En tant que rapporteure de la mission Remboursements et dégrèvements, j’ai accès aux chiffres du CIR, qui continue d’être la dépense fiscale la plus onéreuse pour les finances publiques, malgré une efficacité discutable. Ces dernières années, le CIR a fait l’objet de nombreux travaux de la part de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (Cnepi) associée à France Stratégie, de la Cour des comptes, du CPO (Conseil des prélèvements obligatoires) ou de l’IGF (Inspection générale des finances).

L’amendement vise à réformer structurellement le CIR, en remplaçant l’assiette et les taux actuels par un système progressif en fonction de l’intensité en recherche et développement (R&D), c’est-à-dire sur la base du rapport entre les dépenses de recherche et le chiffre d’affaires. Cette idée a été défendue par le prix Nobel d’économie, Philippe Aghion, dans une tribune publiée en juin 2019 dans Les Échos, intitulée « Comment réformer le crédit impôt recherche ».

M. Tristan Lahais (EcoS). L’amendement I-CF745 vise à verdir les critères d’éligibilité au CIR. L’amendement I-CF744 propose de le réorienter vers les PME (petites et moyennes entreprises) et les ETI (entreprises de taille intermédiaire), dont le chiffre d’affaires est inférieur ou égal à 100 millions d’euros. C’est pour les petites entreprises que le levier d’efficacité du CIR est maximal : 1 euro investi génère 1,40 euro de dépenses supplémentaires en R&D. Pourtant, l’essentiel du montant du CIR est capté par les 465 plus grandes entreprises tandis que les PME, qui représentent 95 % du tissu industriel, ne touchent que 32 % de la créance fiscale. Vous allez sûrement nous dire que nos amendements, tout intéressants qu’ils soient, ont besoin d’être retravaillés, comme vous nous le dites depuis des années, dès qu’il s’agit de niches fiscales. C’est pourtant au Gouvernement et à son groupe de faire preuve de créativité sur ces sujets.

M. Michel Castellani (LIOT). Dans un objectif de réduction des coûts du dispositif, l’amendement I-1638 propose de plafonner à 150 millions d’euros le montant des dépenses de recherche éligible au crédit d’impôt recherche.

L’amendement I-CF1397 limite le bénéfice du CIR à 30 millions d’euros, soit 30 % de 100 millions d’euros de dépenses, en supprimant la tranche à 5 %.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Le taux d’effort en recherche et développement stagne à 2,2 % du PIB depuis 2006, en dépit de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030, qui prévoyait un volume d’investissement massif pour atteindre 3 % du PIB. La niche du CIR coûte 7,7 milliards d’euros aujourd’hui, alors qu’elle était de 5,5 milliards d’euros il y a dix ans. Le recours au CIR est massif et les abus sont considérables, comme on a pu le voir chez Capgemini, par exemple, qui a carrément créé des services pour accéder au crédit d’impôt recherche. Cette entreprise a capté 71 millions d’euros en 2023. On nous parle sans cesse de contrôle, sauf qu’il n’y a plus d’argent à la DRFIP (direction régionale des finances publiques), donc plus d’inspecteurs des finances et de moyens de contrôler. Hier, vous avez refusé de doter la France de recettes, en dépit du plébiscite des Français pour la taxe Zucman.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Dans les débats sur le CIR, un bloc se présente comme celui des champions de l’innovation. Néanmoins, l’outil du CIR est en fait un instrument extrêmement grossier pour atteindre les objectifs que vous prétendez vous être fixés. En gros, on déverse 7,7 milliards sur les entreprises qui ont les plus importants moyens internes d’investir dans la recherche, sans aucune condition ni contrôle. Nous proposons d’abaisser de 100 à 20 millions d’euros le niveau de dépenses de recherche et développement au-delà duquel le taux de crédit d’impôt recherche passe de 30 % à 5 %. L’urgence est de contrôler ce dispositif et de le réformer en profondeur.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement I-CF654 vise à plafonner le plafond de dépenses R&D donnant lieu à crédit d’impôt, comme cela existe dans de nombreux pays. Le CIR devrait atteindre 8 milliards d’euros à la fin de cette année. L’amendement reprend une préconisation du CPO dans son rapport de 2022 et recentre le CIR sur les PME, en instaurant un plafond de 20 millions d’euros, avec un taux unique de 30 %. D’après le Conseil d’analyse économique (CAE), cette réforme permettrait une économie de 2,5 milliards. Je rappelle, à titre de comparaison, que le plafond de R&D est de 500 millions d’euros en Allemagne.

M. Michel Castellani (LIOT). Dans un objectif de rationalisation, l’amendement        I-CF343 propose de supprimer la seconde tranche du crédit d’impôt recherche. Les entreprises ne pourraient ainsi plus bénéficier du dispositif pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à 100 millions d’euros. Il prévoit également l’instauration d’un plafonnement du montant total du crédit d’impôt, fixé à 30 millions d’euros par entreprise et ajusté pour les départements et régions d’outre-mer ainsi que pour la collectivité de Corse. J’ai d’ailleurs déposé des amendements spécifiques, étant donné la fragilité particulière des entreprises corses. Le CIR est un outil gagnant-gagnant.

L’amendement I-CF1394 est un amendement de repli. Nous proposons de réduire le plafond de la première tranche à 75 millions d’euros et d’exclure les dépenses de veille technologique, qui doivent être soigneusement distinguées des opérations de recherche et de développement proprement dites.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tous ces amendements visent à réduire le CIR, parfois en jouant sur le seuil, parfois sur le taux, parfois sur la localisation géographique, et à le détricoter. Vous avez raison, monsieur Castellani, le CIR a des effets positifs sur l’économie en Corse et ailleurs. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Éva Sas a dit que Philippe Aghion avait remis en cause le CIR. Or, dans l’éditorial des actes du colloque qui s’est tenu en 2023 sur les quarante ans du crédit d’impôt recherche, il écrit que : « C’est sur cette base qu’un consensus s’est établi autour de cette idée qu’il serait dommageable de chercher à remettre en cause le CIR, y compris sous sa forme actuelle […]. Si nous ne recommandons pas de toucher au CIR dans sa forme et son enveloppe actuelles, néanmoins il nous faudra recourir à des instruments additionnels pour endiguer le décrochage de la France en matière d’innovations de rupture. » Il faut maintenir le dispositif.

M. Nicolas Ray (DR). L’an dernier, nous avons déjà réformé le CIR, en excluant de son assiette la veille technologique et les frais de brevets. On ne peut pas modifier tout le temps les règles fiscales. Les entreprises ont besoin de stabilité, de visibilité institutionnelle et fiscale. Changer complètement les règles serait assez néfaste pour notre économie, surtout que ces dépenses de recherche s’inscrivent dans un temps long. Par ailleurs, les programmes de recherche deviennent de plus en plus complexes, surtout dans un environnement de concurrence internationale accrue. Enfin, ces crédits d’impôt recherche sont profitables aux centres de recherche implantés dans nos territoires. Peut-être pourrons-nous revoir ce dispositif un jour, mais pas chaque année.

M. Paul Midy (EPR). L’amendement I-CF661 de Mme Pirès Beaune vise moins, me semble-t-il, à limiter le CIR qu’à l’optimiser. Quel est son chiffrage ?

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). À l’origine, le CIR était vraiment un bon outil. Mais il a été dévoyé, parce que nous sommes le seul pays où il n’y a pas de plafond. Le plus gros consommateur de CIR déclare 363 millions d’euros de dépenses de R&D ! Puisqu’il faut faire des économies, est-ce que l’on doit laisser dériver des crédits d’impôt, alors même que plusieurs organismes discutent de leur efficacité ?

Philippe Aghion ne dit pas que le CIR est mauvais mais que l’on pourrait modifier son assiette – proposition que je reprends dans l’amendement I-CF661. Le chiffrage est, me semble-t-il, dans le rapport du CAE. On ne peut pas aller chercher 50 euros dans la poche de tous les Français et ne pas vouloir s’intéresser au recentrage du CIR.

M. le président Éric Coquerel. Madame Pirès Beaune, vous citez un prix Nobel d’économie qui a salué le programme économique de M. Milei – ce n’est pas parce qu’on est prix Nobel qu’on est forcément neutre… Je note que les trois études récentes sur le CIR, qu’elles aient été menées par le CAE, le CPO ou la Cour des comptes, concluent à la nécessité de le modifier. Ces institutions ne sont pas un repaire de La France insoumise et du NFP (Nouveau Front populaire). Il y a bien un problème. L’année dernière, le CIR n’a pas été suffisamment toiletté. J’en entends parler depuis que je suis à la commission des finances. Joël Giraud, l’ancien rapporteur général, avait déjà pointé les mêmes problèmes.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1163 de Mme Sandrine Le Feur

Mme Sandrine Le Feur (EPR). L’amendement vise à faire du CIR un puissant levier au service de notre politique environnementale, en majorant de dix points de pourcentage les activités de recherche des entreprises qui soutiennent l’un des six objectifs environnementaux définis par la taxonomie verte européenne.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je crains que l’amendement que vous proposez n’entraîne la sortie de nombreuses entreprises du dispositif, d’autant qu’il serait difficile, compte tenu de l’assiette actuelle, de déterminer quelles dépenses respectent la taxonomie verte de l’Union. Il ferait également courir le risque de contentieux à répétition et d’une insécurité juridique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF656 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Savez-vous combien d’entreprises bénéficient du CIR ? Près de 29 000. Savez-vous combien les cinquante plus grands consommateurs de CIR empochent sur cette niche fiscale ? Quelque 43 %. Arrêtez de dire que vous voulez développer le CIR en faveur des PME et des TPE (très petites entreprises) : ce n’est pas vrai. Il faut recentrer ce crédit d’impôt. La France vit au-dessus de ses moyens. Je me répète : on ne peut pas demander 50 euros de franchise médicale à tous les Français sans vouloir réduire le coût de cette niche fiscale, qu’il faut par ailleurs garder car c’est un très bon outil. Nous vous proposons d’apprécier le CIR non pas au niveau des filiales mais du groupe. Selon l’IGF, cette mesure permettrait une économie de 969 millions d’euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre amendement ressemble à l’amendement I-CF591 de M. Cazeneuve, qui était circonscrit aux groupes fiscalement intégrés et qui n’a malheureusement pas été défendu. J’étais pourtant prêt à le soutenir. Avis défavorable sur le vôtre.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF643 de Mme Christine Pirès Beaune

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les dépenses de fonctionnement éligibles ont déjà été rationalisées par la loi de finances en 2025 : elles sont passées de 43 à 40 %. Les immeubles sont par principe affectés à l’activité de recherche. Leur présence dans l’assiette du CIR est donc légitime. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1500 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). Bien sûr qu’un CIR à 7 milliards d’euros est optimisable, mais il faut investir plus dans l’innovation. Nous nous opposerons à tous les amendements visant à détricoter ou à réduire le CIR. Si vous proposez un amendement qui fait 7 milliards d’investissements plus efficacement que le CIR, nous le voterons ! Dans les dépenses du CIR, les dépenses de calcul GPU et CPU, c’est-à-dire la dépense principale des start-up de l’intelligence artificielle, ne sont même pas comptabilisées.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF743 de M. Charles Fournier

M. Arnaud Bonnet (EcoS). L’amendement vise à élargir le champ d’application du crédit d’impôt recherche aux projets d’innovation sociale réalisés par les entreprises de l’ESS (économie sociale et solidaire). L’innovation est considérée d’un point de vue uniquement technologique dans le CIR, alors que l’innovation sociale réalisée par les entreprises de l’économie sociale et solidaire constitue un levier essentiel pour la transformation économique, sociétale et environnementale, au plus près des besoins de nos territoires.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF742 de M. Charles Fournier et I-CF698 de Mme Sophia Chikirou (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (EcoS). Si le CIR est un outil majeur de soutien à l’innovation, il échappe à toute exigence sociale. Cet amendement vise à le rendre cohérent avec son objectif d’intérêt général, en conditionnant son bénéficie au maintien des emplois sur le territoire et à la protection des postes directement liés aux projets financés. L’amendement ne bloque pas a priori l’accès au CIR, mais il prévoit un remboursement en cas de manquement avéré, selon une approche plus juste et plus souple que celle de l’exclusion directe.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). À Limoges, chez Valeo, ils se demandent comment la France peut devenir la première Nation à produire des véhicules propres, en laissant partir les usines et la recherche. Notre amendement conditionne le versement du crédit d’impôt recherche à l’interdiction pour l’entreprise de délocaliser ses activités pendant une période de dix ans ou, le cas échéant, à l’obligation de le rembourser. En effet, 83 licenciements ont eu lieu l’année dernière, dont 13 dans le secteur de la R&D, alors que l’entreprise a touché 50 millions d’euros de crédit d’impôt recherche. Les délocalisations se sont faites vers la Turquie, l’Inde et l’Espagne. C’est un non-sens absolu. Les salariés se sentent victimes d’une véritable injustice : on leur demande toujours plus, ils peuvent se faire licencier sans rien dire, mais les aides du crédit d’impôt recherche ne sont même pas conditionnées. À l’époque, ils avaient rencontré l’ancien ministre de l’industrie, Marc Ferracci, qui leur avait dit qu’il faudrait faire quelque chose sur ces aides sans conditions. En vérité, rien n’a été fait et les cas comme celui de Valeo prospèrent. Les entreprises touchent les aides publiques payées par nos impôts, avant de licencier et de délocaliser.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat, qui est intéressant mais hors du champ d’action du CIR. Avis défavorable.

M. Damien Maudet (LFI-NFP). Je ne comprends pas bien en quoi notre amendement est hors du champ du crédit d’impôt recherche. Parce que vous nous répétez depuis le début du budget qu’il faut faire gaffe aux dépenses, nous vous proposons de mettre des conditions à l’obtention des aides et que, à défaut, elles seront remboursées.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le crédit d’impôt recherche est fait pour favoriser l’innovation, la recherche et le développement. Les outils permettant de limiter les licenciements sont d’un autre type. On ne réduit pas les licenciements grâce à des politiques fiscales.

M. le président Éric Coquerel. Quand le crédit d’impôt recherche est fait pour développer la recherche et que, depuis des années, Sanofi en est le plus grand bénéficiaire, alors qu’il a fermé et supprimé des centaines d’emplois de chercheurs et des laboratoires de recherche en France, il y a quand même un souci. Il a fait des bénéfices comme jamais. Si vraiment le but du CIR est de développer la recherche et l’innovation en France, chacun comprendra qu’il ne peut pas financer des suppressions d’emplois et des délocalisations. Quelque chose m’échappe !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous avions déposé un amendement similaire inspiré de la proposition de loi de notre collègue Emmanuel Taché. Je m’étonne d’ailleurs qu’il ne soit pas examiné dans le cadre de cette discussion commune. Quoi qu’il en soit, nous voterons ces amendements, car les Françaises et les Français ne comprennent plus qu’on continue, après tant d’années, à subventionner des entreprises sans contrepartie. Or la première des contreparties est bien d’assurer le maintien de l’outil de travail, des sites de production et des emplois.

Je partage un peu l’indignation du président Coquerel. Pourquoi vous opposez-vous à cette conditionnalité ? Dans le privé, personne n’accepterait d’investir de l’argent sans rien recevoir en retour. Il n’y a que l’État pigeon pour accepter de verser des milliards sans contrepartie concrète.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Si l’entreprise ne dépense pas d’argent en R&D, elle ne perçoit pas de CIR. Voilà la contrepartie : pour bénéficier du CIR, il faut embaucher des chercheurs et développer des brevets. En réalité, il s’agit d’une question de compétitivité à l’échelle européenne et mondiale : en France, les charges qui pèsent sur les chercheurs sont si lourdes que le CIR permet simplement, de façon indirecte, de faire de la recherche et d’embaucher à un prix compétitif.

La commission adopte l’amendement I-CF742.

En conséquence, l’amendement I-CF698 tombe.

Amendement I-CF700 de Mme Claire Lejeune

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous souhaitons qu’une entreprise bénéficiant du crédit d’impôt recherche s’engage, contrairement à ce qu’a fait Sanofi, à ne pas licencier de chercheurs. Si elle procède à des licenciements, elle devra rembourser le crédit d’impôt et s’acquitter d’une pénalité équivalant à 100 % de son montant.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles exprimées précédemment.

M. Gérault Verny (UDR). On a là une nouvelle illustration de votre méconnaissance de la vie des entreprises : le crédit d’impôt recherche vise à encourager la recherche. Par définition, la recherche n’offre aucune garantie de résultat : ce n’est pas parce qu’on cherche qu’on trouve – sauf vous lorsque vous cherchez de nouveaux impôts, à l’évidence. Lier licenciements et crédit d’impôt recherche n’a donc ni queue ni tête et ne correspond pas à la réalité des entreprises.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF19 de Mme Natalia Pouzyreff, I-CF703 de Mme Mathilde Feld et I-CF1508 de M. Emmanuel Mandon (discussion commune)

Mme Natalia Pouzyreff (EPR). Sans vouloir freiner l’incitation à l’innovation offerte par le CIR, je propose d’exclure du bénéfice de ce dernier les sociétés exerçant à titre principal des activités financières et d’assurance, en particulier les banques. Un amendement précédent avait été adopté l’année dernière.

Mme Perrine Goulet (Dem). On peut en effet resserrer utilement le champ du CIR en excluant de son champ les sociétés qui relèvent de l’article L.511-1 du code monétaire et financier, c’est-à-dire les entreprises financières.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le secteur financier représente seulement 1,74 % des dépenses de recherche déclarées par les entreprises et capte 1,86 % des créances du CIR. Les innovations financières – lutte contre la fraude, cryptomonnaies, cybersécurité, utilisation de l’intelligence artificielle – sont des enjeux très importants. Sur ces thèmes, nous risquons d’ailleurs de nous faire doubler par des acteurs qui vont très vite en matière de recherche et d’innovation. Faisons bien attention à cela.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF927 de M. Daniel Labaronne

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis de sagesse sur cet amendement, qui vise à prolonger le bénéfice du crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF366, I-CF365 et I-CF364 de M. Michel Castellani (discussion commune)

M. Michel Castellani (LIOT). Le crédit d’impôt pour investissements en Corse (CIIC) est très important. En permettant à un certain nombre d’entreprises de naître et en garantissant leur pérennité, il apporte de l’oxygène à une île qui, au vu de sa situation économique et sociale, en a bien besoin. Nul ne peut contester la nécessité de tenir compte de l’insularité de la Corse.

Nous proposons donc, dans l’amendement I-CF366, de renforcer ce crédit d’impôt et de le pérenniser jusqu’en 2030. L’amendement I-CF365, qui se contente de renforcer le crédit d’impôt, est un amendement de repli, tout comme le I-CF364, qui a pour seul objet d’en prolonger l’existence jusqu’en 2030.

J’insiste sur le fait qu’il s’agirait là d’un dispositif gagnant-gagnant : le fait de renforcer l’économie corse ne peut qu’avoir un effet bénéfique sur la production, la richesse et l’emploi, donc sur les recettes fiscales.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En l’absence d’éléments appuyant votre demande, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF370 de M. Michel Castellani

M. Michel Castellani (LIOT). Nous souhaitons étendre le bénéfice du taux majoré du crédit d’impôt pour investissements en Corse (CIIC) aux entreprises de moins de vingt salariés, contre onze actuellement, afin d’éviter l’effet de seuil pour les entreprises concernées.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En l’absence d’évaluation de la pertinence d’une telle évolution, je ne peux pas la soutenir. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF650 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Le crédit d’impôt famille permet, par des montages absurdes, de financer des boîtes privées – qu’on est, au demeurant, incapable de contrôler –, plutôt que de financer les services publics. La publication de l’ouvrage Les Ogres par le journaliste Victor Castanet a permis de mettre en lumière les dérives du secteur des crèches privées lucratives, lesquelles profitent largement de ce crédit d’impôt. Je propose de supprimer cette manne financière.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tous les élus locaux le savent, le modèle économique des crèches est en grand danger. Je suis défavorable à cet amendement, dont l’adoption mettrait en péril un modèle qu’il nous faudra revoir profondément si nous ne voulons pas voir disparaître les crèches, y compris publiques.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Étant moi aussi élue locale, je vois très bien de quoi vous parlez, mais je ne comprends pas le rapport avec les crèches publiques. Ces dernières ont besoin d’argent, c’est vrai. Récupérons donc celui dépensé dans ce crédit d’impôt et donnons-le aux crèches publiques.

M. Philippe Lottiaux (RN). Nous avons besoin de dizaines de milliers de places en crèche supplémentaires. Ces dernières années, la plupart des places créées l’ont été par le secteur privé, notamment grâce au crédit d’impôt famille. Remettre en cause cet outil mettrait en danger tout un système économique. Quoi qu’on puisse lire dans certains livres, la commission d’enquête sur les crèches n’a d’ailleurs pas montré que les crèches privées posaient davantage de problèmes que les crèches publiques. Il ne faut pas, sur la base de quelques incidents, remettre en cause un système qui fonctionne plutôt bien ; il faudrait au contraire développer les crèches, privées comme publiques, pour répondre à la demande des familles et renforcer la natalité.

Nous voterons contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF888 de Mme Céline Hervieu

M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous proposons de ramener de 50 % à 25 % le taux du crédit d’impôt famille accordé au titre du financement des crèches d’entreprise. Ce dispositif, conçu pour permettre une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, bénéfice surtout aux grandes entreprises et finance jusqu’à 75 % du coût des places réservées, sans effet réel sur la création de nouveaux lieux d’accueil.

La réduction proposée permettrait de rétablir l’équité et de réaffecter les sommes économisées aux communes, désormais responsables de la politique d’accueil du jeune enfant.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne partage pas votre avis : ce crédit d’impôt a permis d’ouvrir des places de crèche financées par les entreprises. Encore une fois, le modèle de financement des crèches, publiques comme privées, est en grand danger : de nombreuses crèches ferment, en particulier par manque de personnel ou pour des raisons financières. Ne touchons pas aux équilibres déjà précaires des crèches.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF233 de M. Patrice Martin.

Amendement I-CF502 de M. Kévin Mauvieux

M. Kévin Mauvieux (RN). L’écologie du bon sens, le patriotisme, voilà ce que je propose par cet amendement – nous verrons bien si les écolos ont vraiment envie de faire de l’écologie. Il s’agit d’introduire un critère de préférence industrielle en faveur des entreprises européennes. On favoriserait ainsi l’écologie sans toucher au portefeuille des Français ni les taxer au prétexte de faire baisser les émissions de CO2.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable.

M. Denis Masséglia (EPR). Ce que vous proposez existe déjà : il s’agit du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, un texte européen auquel vous vous êtes opposés. L’Europe est la bonne échelle pour agir : vouloir appliquer une taxe européenne en France me semble un peu décalé.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne crois pas qu’il soit question d’une taxe. La mesure proposée me semble en outre compatible avec la législation européenne relative aux concessions et aux délégations de service public.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF925 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). Le bénéfice du crédit d’impôt au titre des investissements en faveur de l’industrie verte est conditionné à l’obtention d’un agrément préalable, dont la procédure de délivrance prend fin au 31 décembre 2025. Je propose de prolonger de trois ans le délai de dépôt des demandes d’agrément, afin que les projets industriels éligibles puissent continuer à être déposés. Nous assurerions ainsi la pleine mobilisation des crédits budgétaires prévus pour ce dispositif stratégique.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1161 de Mme Sandrine Le Feur

Mme Sandrine Le Feur (EPR). La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a organisé un cycle d’auditions consacré à la pérennité de notre modèle assurantiel. Face au risque climatique, mieux vaut prévenir que guérir. L’amendement vise donc à créer un éco-PTZ (prêt à taux zéro) prévention, pour aider les ménages à financer les travaux de prévention des risques, dont les coûts sont parfois particulièrement lourds.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’idée est vertueuse, mais en l’absence d’éléments pour nous éclairer sur la sinistralité et le risque associé, je ne peux que donner un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1629 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Sophie Pantel (SOC). Nous proposons d’ouvrir le dispositif d’éco‑PTZ aux travaux d’installation d’équipements d’autoconsommation de source solaire. Cette mesure répondrait à une préoccupation de nos concitoyens en renforçant leur pouvoir d’achat, tout en leur permettant de contribuer à la transition écologique, en particulier dans les zones où les réseaux ne permettent pas de transporter l’électricité pour la réintroduire dans le circuit public d’Enedis et d’EDF. Le secrétariat général à la planification écologique recommande d’ailleurs de « renforcer les incitations à l’autoconsommation ».

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’éco-PTZ, couplé au dispositif MaPrimeRénov’, a permis de financer des équipements de chauffage ou de fourniture d’eau chaude fonctionnant à l’énergie solaire. Il a été assoupli en 2024, les plafonds ayant été relevés à 50 000 euros. Par ailleurs, les installations en autoconsommation bénéficient déjà de plusieurs aides, qui sont régulièrement renforcées. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF473 de Mme Marie Pochon

Mme Christine Arrighi (EcoS). En février 2024, le président de la République annonçait la création d’un prix minimum d’achat pour les produits agricoles. En avril de la même année, l’Assemblée nationale adoptait la proposition de loi du groupe Écologiste visant à garantir un revenu digne aux agriculteurs. En 2025, le sujet est toujours d’une brûlante actualité, mais il est pour l’instant resté lettre morte.

L’amendement vise à répondre aux déséquilibres sur les marchés agricoles et aux enjeux agricoles contemporains – juste rémunération des agriculteurs, souveraineté alimentaire et transition écologique du secteur – en encourageant fiscalement les pratiques de commerce équitable, pour promouvoir un modèle plus juste et responsable socialement comme écologiquement. À cette fin, il tend à instaurer un crédit d’impôt au bénéfice des entreprises engagées dans le commerce équitable. Soutenir ce secteur, c’est garantir aux producteurs des prix rémunérateurs, fondés sur les coûts de production et sur une négociation équilibrée. C’est aussi assurer un engagement commercial pluriannuel entre les groupements de producteurs et les acheteurs.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’idée est très intéressante, mais ne craignez-vous pas que ce crédit d’impôt ne génère un effet d’aubaine pour les acheteurs qui sont déjà engagés dans une démarche de commerce équitable ? En principe, le commerce équitable repose sur un effort de l’acheteur. Si ce dernier est subventionné par la puissance publique, la démarche n’est plus la même. Pourtant, l’entreprise bénéficiera toujours de ce label, qu’elle pourra faire valoir pour gagner des parts de marché. Avis défavorable.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cette réponse est hallucinante : à vous entendre, seuls ceux qui ont les moyens peuvent privilégier le commerce équitable ; quant aux autres, tant pis pour eux ! On ne cesse de distribuer de l’argent à tout le monde, mais quand il s’agit d’encourager l’économie solidaire pour garantir des prix rémunérateurs au monde agricole, dont toutes les filières – élevage, viticulture, maraîchage – subissent une crise majeure, vous nous opposez des arguments absolument lunaires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne sais pas si je suis sur la Lune, mais le commerce équitable repose aussi sur la volonté de l’acheteur. Subventionner ce dernier modifierait la nature même de sa démarche.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1841 de M. Éric Coquerel

M. le président Éric Coquerel. En 2024, sur les 75 milliards d’euros reversés aux actionnaires du CAC40, plus de 25 milliards l’ont été sous forme de rachats d’actions. Même le président de la République avait pointé le caractère problématique de ce phénomène.

Nous avons adopté, dans la loi de finances pour 2025, une taxe sur les rachats d’actions, mais son rendement ne devrait pas dépasser 400 millions d’euros. Une des raisons pour lesquelles nous ne parvenons pas à instaurer une taxe plus significative qui serait assise sur la valeur d’acquisition réelle des actions réside dans la non-conformité supposée d’un tel dispositif à la directive mère-fille.

Je propose donc un mécanisme qui contourne le problème en créant un droit d’enregistrement de 4 %. Il serait conforme à la directive mère-fille, puisqu’il ne taxerait pas les bénéfices des entreprises mais le fait de racheter des actions.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La taxe que nous avons adoptée pour 2025 existe depuis moins d’un an. Évaluons sa pertinence et ses éventuelles failles avant de la modifier. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Sa pertinence est connue, puisqu’elle n’a permis de collecter que 400 millions d’euros sur les 25 milliards versés aux actionnaires du CAC40 sous la forme de rachat d’actions. On est très loin du compte. C’est pourquoi je propose ce dispositif, dont je pense qu’il serait acceptable pour l’Union européenne.

M. Gérault Verny (UDR). Vous donnez le sentiment que les rachats et annulations d’actions sont des instruments financiers barbares qui servent à enrichir le grand capital. En réalité, n’importe quelle entreprise peut y recourir. Une société ayant besoin d’accroître ses capacités financières pour se développer peut ainsi choisir de procéder à une augmentation de capital en y faisant entrer un fonds d’investissement. Si, cinq ou dix ans plus tard, elle a prospéré et n’a plus besoin de ce fonds, elle peut vouloir racheter ses actions et les annuler. Où est le problème ? Pourquoi ces rachats devraient-ils être taxés ?

M. le président Éric Coquerel. Parce que les trois quarts des sommes reversées aux actionnaires – et non réinvesties – proviennent maintenant du rachat par les entreprises de leurs propres actions. Il s’agit d’un outil totalement spéculatif, qui échappe à l’impôt dans une très grande proportion. Permettre à un capitaliste de racheter ses propres actions pour faire des bénéfices, ce n’est pas encourager l’économie réelle.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). La piste du droit d’enregistrement me semble plus juste, d’un point de vue fiscal et juridique, que votre proposition antérieure. Il n’empêche que le taux de 4 % me semble excessif. En outre, vous incluez l’ensemble des opérations dans l’assiette. Or le système de rachat est fréquemment utilisé dans le cas d’une restructuration, pour faire sortir un associé du capital. Il est alors vertueux. Il est vrai que certaines sociétés cotées pratiquent le rachat d’action dans un autre esprit, mais ne mélangeons pas les deux. Votre amendement me paraît trop large, parce qu’il touchera aussi les opérations de restructuration pratiquées par les petites entreprises.

M. Daniel Labaronne (EPR). J’alerte sur le risque d’offrir en pâture nos entreprises cotées à des fonds de pension comme BlackRock, qui disposent d’une surface financière incroyable et n’attendent qu’une dévalorisation des actifs des entreprises pour les acheter à bas prix. Le rachat d’actions, en faisant augmenter leur valeur, est une manière de se prémunir contre ce risque d’OPA (offre publique d’achat) hostile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1608 de Mme Félicie Gérard

Mme Félicie Gérard (HOR). Le présent amendement vise à instaurer la neutralité fiscale en cas de transfert du patrimoine professionnel vers une société, qu’il soit effectué par un entrepreneur individuel ou par une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL). Actuellement, la fiscalité qui s’applique lorsque le format de l’entreprise évolue est très pénalisante pour les entrepreneurs individuels.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Supprimer l’inégalité de traitement fiscal qui affecte les entrepreneurs individuels selon qu’ils ont opté pour l’impôt sur le revenu ou pour l’impôt sur les sociétés me semble être une mesure équitable, qui relève du bon sens. Avis favorable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je soutiens pleinement cet amendement. La loi du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante, qui a consacré l’entreprise individuelle – notamment la séparation entre patrimoines professionnel et privé – et facilité sa transformation en société, n’a pas traité ce problème. La transformation d’une entreprise individuelle en société donne en effet lieu à un frottement fiscal, notamment dans l’application de l’article 151 octies du code général des impôts.

Peut-être faudra-t-il retravailler l’amendement après en avoir apprécié tous les effets, mais il est nécessaire, car il vient combler un manque dans notre arsenal législatif.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF5 de M. Nicolas Ray

M. Nicolas Ray (DR). Dans le système actuel, aucun médecin n’a intérêt à s’installer dans un désert médical non situé dans une zone FRR (France ruralités revitalisation), notamment dans les villes moyennes. Pour remédier à cette distorsion entre territoires, il est proposé de ne pas imposer les aides financières perçues dans les déserts médicaux situés hors FRR – les fameuses ZIP (zones d’intervention prioritaire) et ZAC (zones d’action complémentaire) des ARS (agences régionales de santé) – car il serait incohérent de taxer les aides accordées aussi bien par les collectivités locales que par les ARS. La mesure proposée constituerait un premier pas vers une plus grande équité dans le soutien à l’installation dans les déserts médicaux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous souhaitez donner la possibilité aux professionnels de santé situés en désert médical, mais hors FRR, de déduire de leurs résultats imposables les aides à leur installation et leur maintien. Avis favorable.

M. le président Éric Coquerel. Je comprends bien l’objectif mais des études ont montré que la création de zones franches à côté de zones ne bénéficiant pas des mêmes avantages avait tendance à déséquilibrer l’ensemble. Or la France est en train de devenir un gigantesque désert médical : que l’on habite dans un département rural ou en Seine-Saint-Denis, il devient de plus en plus difficile de trouver un rendez-vous chez un médecin généraliste. Pour résoudre ce problème majeur, il faudra en passer par des mesures structurelles – multiplication des centres médicaux ou de santé, médecins fonctionnaires… Je crains que cet amendement ne parvienne qu’à diminuer les impôts sans changer la situation.

M. Philippe Brun (SOC). Nous arrivons au bout d’un système. Pour mettre fin aux déserts médicaux, il a été décidé de financer les secrétaires médicales, puis les cabinets médicaux. Désormais, j’inaugure des cabinets dans lesquels exercent des sophrologues et des marabouts, mais pas des médecins – je peux même vous donner les adresses.

Ensuite, on a voulu salarier les médecins. Je connais un centre médical où les trois médecins salariés sont partis parce que les territoires se font concurrence entre eux pour les recruter.

Aujourd’hui, vous proposez une niche fiscale pour les médecins installés dans un désert médical. Ce n’est plus possible : il faut que nous adoptions la proposition de loi Garot sur la régulation de l’installation ; cela coûtera beaucoup moins cher aux finances publiques.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Nous aurons beau multiplier les avantages et les aides à l’installation, il y aura toujours des déserts médicaux. Nous ne parviendrons à résoudre ce problème que le jour où nous formerons des médecins.

M. le président Éric Coquerel. Il est clair que nous payons la politique du numerus clausus.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). N’oublions pas que tous ces dispositifs – exonérations, incitations, subventions à l’installation dans une zone considérée comme désertifiée –, c’est de l’argent public. Tout cela prendra fin parce que nous ne pourrons plus subventionner ce secteur. Il y a une forme d’incohérence à traiter les territoires de façon différenciée dans la mesure où l’ensemble du territoire national est devenu un désert médical, notamment en ce qui concerne les spécialités. Ce n’est pas avec des exonérations que l’on réglera ce problème.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement de M. Ray ne prétend pas régler la question des déserts médicaux.

Les Anglais ont doublé leur numerus clausus ; nous, nous l’avons augmenté de 15 %. Tant que nous ne formerons pas massivement des médecins – certes, cela va prendre quinze ans –, nous serons dans cette situation. L’année dernière, sur les quelque 10 000 médecins diplômés hors Union européenne qui se sont présentés au concours pour travailler dans notre pays – 20 000 étaient inscrits –, nous n’en avons recruté que 3 800. Tous n’ont certes pas le niveau mais il y a probablement là une manne que l’on pourrait utiliser pour gagner du temps, parce que les prochaines années seront très difficiles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF6 de M. Nicolas Ray

M. Nicolas Ray (DR). Il est proposé d’instaurer un crédit d’impôt pour l’achat de biocarburants durables destinés à l’aviation car ils sont plus onéreux que le kérosène. L’objectif est de favoriser la décarbonation de ce secteur.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Un tel crédit d’impôt comporterait les effets de bord habituels, des acteurs non situés en France pouvant le demander. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements de suppression I-CF1864 de M. Philippe Juvin, I-CF284 de M. Corentin Le Fur, I-CF695 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF787 de M. Kévin Mauvieux, I-CF1075 de M. Eddy Casterman, I-CF1399 de M. Michel Castellani, I-CF1581 de M. Éric Ciotti et I-CF1771 de M. Laurent Wauquiez

M. Corentin Le Fur (DR). Nous proposons de supprimer l’article 13 afin d’empêcher un nouvel alourdissement des dispositifs de malus automobile. Ceux‑ci pénaliseraient en effet les nombreux Français, notamment les ruraux, qui n’ont pas d’autre solution que de prendre leur voiture pour aller travailler, pour emmener leurs enfants à l’école, pour faire des courses ou pour se rendre chez le médecin – dans ma circonscription rurale, à Loudéac, les gens n’ont pas le choix : pour consulter des spécialistes, ils doivent se rendre à Rennes en voiture.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’alourdissement du malus écologique est une catastrophe à la fois pour les territoires ruraux, où l’on n’a pas le choix des transports en commun, et pour la filière automobile. Cela fait des années que je vous alerte : à force de tout verdir, nous en venons à financer les filières asiatiques. La baisse du nombre d’immatriculations est énorme et nous sommes en train de perdre des emplois et du savoir-faire. Il faut calmer cette volonté écologique à tout crin.

M. Kévin Mauvieux (RN). Du malus, du malus et encore du malus : l’écologie, c’est du malus tout le temps. Nous vous avons proposé de faire de l’écologie sans taxer : vous ne l’avez pas voulu. En revanche, quand il s’agit de taxer, vous êtes tous présents.

Je propose de supprimer l’article 13 parce que rien ne va : les personnes qui seront concernées par la hausse du malus automobile sont celles qui ne peuvent pas changer de voiture pour passer à l’électrique. En outre, l’électrique ne permet pas de répondre à tous les besoins quotidiens, notamment quand on habite dans une zone rurale.

Cet article aura également des conséquences sur les entreprises et les associations possédant des flottes automobiles. Je ne citerai qu’un exemple parmi tant d’autres, celui d’une association tutélaire qui utilise des véhicules pour que les mandataires judiciaires puissent se rendre chez les majeurs protégés dont ils s’occupent. Le budget des associations n’étant pas extensible, elles ne pourront pas suivre. Vous ne nous proposez que de mauvaises solutions.

M. Eddy Casterman (RN). Le Gouvernement persiste dans une logique d’écologie punitive en aggravant le malus automobile. Le principe est simple, si ce n’est simpliste : plus votre voiture émet ou pèse, plus vous payez. En pratique, cette politique frappe de plein fouet les familles nombreuses, les artisans, les habitants des zones rurales, c’est-à-dire ceux pour qui la voiture est une nécessité et non un luxe.

L’article 13 est la transcription du pacte vert et de son interdiction des véhicules thermiques d’ici à 2035. Heureusement, cette interdiction sera suspendue grâce aux Allemands et aux Italiens, qui ont compris que l’industrie automobile était en danger de mort. Il n’y a que le gouvernement français pour ne pas comprendre, et ses directeurs de conscience écologistes et Insoumis pour saborder l’industrie automobile française, menacer 800 000 emplois et faire les poches des classes moyennes. Avec vos délires, la production automobile a d’ailleurs perdu 2 millions de véhicules depuis 2019.

Le malus n’est pas une incitation à la transition, c’est une double peine : on taxe les voitures thermiques et maintenant les hybrides sans offrir d’alternative abordable ou réaliste. On matraque des Français qui n’ont pas le choix au nom d’un dogme écologiste hors-sol.

M. Michel Castellani (LIOT). Nous demandons la suppression de l’article 13 qui renforce le malus CO2, le malus masse et les taxes annuelles sur les véhicules. Ces mesures ne manqueraient pas de pénaliser les ménages périurbains et ruraux, pour lesquels le recours à l’automobile est indispensable. De plus, elles renchérissent les véhicules thermiques, alors que les véhicules électriques demeurent extrêmement chers.

M. Gérault Verny (UDR). Le renforcement du malus touche principalement les classes populaires. Depuis le début de l’examen du budget, on a compris que la finalité, c’est de taxer, que ce soient les classes populaires ou les grandes entreprises. En l’occurrence, on pénalise non pas la France des villes, qui peut se déplacer en transports en commun, mais la France périphérique, qui vit loin de son travail et doit utiliser sa voiture mais n’a pas les moyens de s’équiper de véhicules à faibles émissions. Il faut aider ces populations et non les taxer davantage.

M. Nicolas Ray (DR). L’article 13 prévoit une augmentation de la fiscalité automobile avec le durcissement des dispositifs de malus écologique sur les véhicules. Nous nous opposerons à toutes les hausses d’impôts dirigées contre la France qui travaille. Oui à l’incitation, mais non à la fiscalité punitive !

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’ai moi-même déposé un amendement de suppression. Je précise que, pour 2026, le coût pour les finances publiques sera nul puisque les mesures ne seront applicables qu’à partir de 2027 ; elles coûteront alors 58 millions.

Mme Sandrine Le Feur (EPR). Je suis opposée à la suppression de l’article 13, pour deux raisons. La première est d’ordre économique : supprimer le malus, c’est faire un cadeau fiscal à ceux qui choisissent les véhicules les plus lourds et les plus polluants. En clair, c’est une subvention cachée pour les grosses cylindrées, aux frais du contribuable.

La deuxième est d’ordre social : les auteurs de ces amendements prétendent défendre les Français ruraux alors que les véhicules concernés par le malus sont pour la plupart des modèles haut de gamme, dépassant les 40 000 euros à l’achat. Les automobilistes des zones rurales, eux, roulent souvent dans des véhicules d’occasion et ne sont donc pas concernés. Supprimer le malus, c’est aider non pas les ruraux mais les constructeurs de SUV (sport utility vehicle) de luxe ; c’est un renversement complet du discours social. Quant aux familles modestes, elles bénéficient des primes à la conversion qui sont financées par le malus : supprimer le malus, c’est donc supprimer le financement de ces aides sociales.

M. Pierre Meurin (RN). Il faudrait arrêter de saboter la filière automobile de ce pays. Ses représentants, que j’ai auditionnés en vue de la deuxième partie du PLF, ne supportent plus les stop and go législatifs et ne supportent plus de ne plus vendre leurs voitures.

Je veux vous donner deux bonnes raisons de voter ces amendements. Premièrement, la hausse du prix des voitures – un véhicule neuf coûte désormais en moyenne 36 000 euros – ralentit le renouvellement du parc automobile et freine la transition écologique. Deuxièmement, vendre plus de voitures permettrait d’augmenter les recettes fiscales. Si l’on vendait 100 000 voitures de plus grâce à la baisse du malus, cela ferait rentrer 720 millions en recettes de TVA dans les caisses de l’État, ce qui compenserait largement les recettes de ce fameux malus.

Arrêtons de pomper l’air des automobilistes et laissons notre filière automobile travailler. Une filière souveraine permettrait d’éviter l’importation de véhicules électriques chinois, qui ne sont pas mieux-disants sur le plan écologique.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1323 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). La loi de finances pour 2025 prévoit d’abaisser le seuil de déclenchement du malus automobile à 108 grammes de CO2 émis par kilomètre dès 2026, et 103 grammes en 2027. Les consommateurs, comme les entreprises, ont plus que jamais besoin de visibilité dans les dispositifs, à plus forte raison dans le contexte actuel de transition énergétique et écologique, qui impose des investissements importants pour les acteurs de la filière.

Dans le climat d’incertitude et d’attentisme actuel, une augmentation irréaliste de la fiscalité aurait un effet délétère sur l’activité des entreprises. La dynamique de reprise et de soutien aux entreprises est plus que jamais nécessaire, en donnant notamment des perspectives de stabilisation du marché. Les entreprises de la filière mobilité ont subi une hyperfiscalisation sans commune mesure, des blocages et des stop and go dus aux incessants changements réglementaires – durcissement du malus CO2, du malus poids, réforme des avantages en nature, etc.

L’amendement a donc pour objet de reporter de deux ans l’entrée en vigueur de la diminution des seuils de déclenchement du malus et plafonne ce dernier à 60 000 euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je partage l’objectif de M. de Courson, mais il introduit une telle complexité que je préfère m’en remettre à la sagesse de la commission.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Je souhaite réagir aux arguments sur la souveraineté avancés par le Rassemblement national. Tout d’abord, nous sommes en train de développer une fiscalité incitative pour remplacer les véhicules thermiques, qui nous rendent dépendants des hydrocarbures importés de grandes démocraties comme la Russie, l’Algérie et le Kazakhstan, par des véhicules à propulsion électrique, c’est-à-dire par un vecteur énergétique que nous sommes capables de produire en France de manière souveraine.

Ensuite, si nous n’achetons que du chinois, c’est justement parce que nos constructeurs ne sont pas encore suffisamment compétitifs. Dans dix ou quinze ans, toutes les voitures seront électriques. Si nous ne voulons pas dépendre des marchés chinois et des constructeurs américains, il faut absolument subventionner notre marché des véhicules électriques.

M. Charles de Courson (LIOT). Je vous prie de m’excuser car je vous ai présenté par erreur l’amendement I-CF1325.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF1325 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). J’ai défendu cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1112 de Mme Perrine Goulet

Mme Perrine Goulet (Dem). Il s’agit d’annuler les alinéas 1 à 51 de l’article 13 afin de stabiliser cette fiscalité, dont la dernière modification est assez récente. On observe un impact sur la vente des véhicules depuis plusieurs années, l’âge moyen d’un véhicule ayant augmenté de deux ans en moins de cinq ans, c’est‑à-dire depuis l’alourdissement du malus. Les voitures sont ainsi conservées plus longtemps, avec un effet contre-productif puisque les véhicules de plus de 11 ans polluent davantage que des modèles plus récents.

Nous avons besoin de mettre fin à cette fuite en avant pour permettre un renouvellement de la flotte et pour que les gens puissent s’acheter les véhicules dont ils ont besoin, notamment dans les territoires dépourvus de services publics de transport. De plus, l’augmentation des malus est en train de tuer nos constructeurs automobiles, qui n’arrivent plus à vendre leurs produits.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF1319 de M. Charles de Courson et I-CF1424 de Mme Anne-Sophie Ronceret, amendement I-CF1656 de Mme Lisa Belluco, amendements identiques I-CF418 de M. Pierre Meurin et I-CF1063 de M. JeanLuc Fugit (discussion commune)

M. Charles de Courson (LIOT). Il s’agit d’accompagner concrètement les entreprises dans la décarbonation progressive de leur flotte de véhicules poids lourds en prolongeant le dispositif de suramortissement applicable à l’acquisition de véhicules neufs utilisant des énergies propres.

Mme Anne-Sophie Ronceret (EPR). Mon amendement vise également à prolonger le dispositif de suramortissement applicable à l’acquisition de poids lourds et d’utilitaires légers neufs utilisant des énergies propres, qui sont chers et pour lesquels l’offre reste limitée. À titre d’exemple, un poids lourd électrique représente un investissement trois fois supérieur à celui d’un équivalent diesel. Cette différence de coût constitue un frein majeur pour les entreprises, en particulier les PME, alors même qu’elles sont pleinement engagées dans des démarches de réduction de leur empreinte environnementale. C’est pourquoi il est important de prolonger ce dispositif pour maintenir l’exigence écologique nécessaire, accélérer le renouvellement des flottes et réduire la pollution dans un calendrier réaliste.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je propose de maintenir le calendrier initial du suramortissement pour les véhicules lourds utilisant du B100 et du bioGNV jusqu’en 2030, afin de préserver la cohérence de la transition énergétique dans le transport routier. Exclure ces véhicules du dispositif dès 2027 priverait en effet les entreprises de solutions immédiates et éprouvées, alors que ces motorisations réduisent significativement les émissions de CO2 et de polluants de proximité.

Supprimer ce soutien fiscal découragerait les investisseurs de se tourner vers des mobilités plus propres. Il est donc important de conserver l’éligibilité de ces types de carburants afin de soutenir la décarbonation progressive qu’ils offrent au secteur des poids lourds.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable aux amendements identiques I-CF1319 et I-CF1424, qui visent à prolonger le dispositif jusqu’en 2040, échéance trop lointaine, ainsi qu’à l’amendement I-CF1656, qui propose son extinction dès la fin de cette année.

Avis favorable aux amendements identiques I-CF418 et I-CF1063.

La commission adopte les amendements I-CF1319 et I-CF1424.

En conséquence, les amendements I-CF1656, I-CF418 et I-CF1063 tombent.

Amendement I-CF420 de M. Pierre Meurin

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement de repli vise à geler le malus jusqu’en 2028. La filière automobile veut de la stabilité ; elle ne souhaite pas voir augmenter le malus, qui l’empêche de vendre des voitures. Ainsi, ce dispositif affecte le pouvoir d’achat des Français, ralentit le renouvellement du parc automobile et donc la transition écologique, et menace l’emploi industriel – 100 000 emplois devraient être détruits dans les dix ans –, pour favoriser la filière industrielle chinoise, laquelle n’a que faire de nos légitimes préoccupations environnementales.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Dès lors que l’article n’a pas été supprimé, il convient de maintenir ce que nous avons voté l’année dernière, pour des raisons de stabilité fiscale et réglementaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF876 de Mme Lisa Belluco, I-CF1785 de M. Corentin Le Fur et I-CF1829 de M. Eddy Casterman (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (EcoS). L’amendement I-CF876 vise à abaisser progressivement le seuil de déclenchement du malus poids. Il a été écrit en cohérence avec l’article 13, dont l’objet est « de permettre à tous les acteurs concernés – constructeurs, gestionnaires de flotte, professionnels, particuliers – de disposer d’une visibilité sur trois ans sur les barèmes des quatre principales taxes sur les véhicules de tourisme » mais qui a omis d’appliquer cette pluriannualité au malus poids.

Seuls sont concernés les SUV neufs, dont le concept a été imposé par l’industrie automobile – je n’ai jamais entendu personne réclamer des SUV avant que cela existe. Cherchez maintenant une petite voiture légère break : cela n’existe plus sur le marché français. Désormais, on construit des grosses voitures qui pèsent beaucoup, qui sont polluantes, qui sont très chères et qui, en outre, sont taxées. Si vous voulez sauver l’industrie française, dites aux constructeurs français de renoncer aux SUV et de produire des petites voitures légères.

M. Corentin Le Fur (DR). Pour ma part, je propose l’inverse. Mon amendement prévoit de ne pas abaisser le seuil de déclenchement du malus poids. Les SUV ne sont pas les seuls concernés : les véhicules familiaux, utilisés par les familles nombreuses, le sont aussi. De même, les gens qui font l’effort de passer à un véhicule hybride sont souvent pénalisés car ce sont des véhicules plus lourds. Tous seraient pénalisés par le malus poids.

M. Eddy Casterman (RN). L’amendement de repli I-CF1829 a pour objet de maintenir le seuil de déclenchement du malus poids à 1,6 tonne durant une année supplémentaire et d’en exclure les véhicules hybrides rechargeables. Cette exonération offrirait une meilleure visibilité aux constructeurs automobiles, aujourd’hui confrontés à une concurrence internationale déloyale qui menace l’activité et l’emploi dans nos territoires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. J’émets un avis défavorable au premier amendement, qui vise à durcir le malus masse en 2027 alors que le secteur automobile est très concurrentiel et le contexte dégradé.

J’émets en revanche un avis favorable aux amendements I-CF1785 et I‑CF1829, qui décalent respectivement à 2028 et à 2027 le renforcement prévu de ce malus.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Notre amendement permettrait de financer le leasing social, qui a eu un succès fou mais que vous avez arrêté ! Des personnes disposant de peu de moyens pourraient ainsi accéder au véhicule électrique.

M. Eddy Casterman (RN). Tout le monde ne peut pas rouler en vélo cargo ou en trottinette électrique, dans la ruralité. Venez chez moi dans l’Aisne : vous verrez que pour aller chez le médecin, faire ses courses, déposer les enfants à l’école ou aller travailler, il faut des véhicules spécifiques et pas des petites citadines !

En réalité, ce malus est une attaque notoire sur le pouvoir d’achat des Français : il ne concerne pas que des SUV de luxe mais aussi des Peugeot 208 ou 2008, des Dacia Sandero et des véhicules hybrides rechargeables ! Il faut le supprimer.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF424 de M. Pierre Meurin et I-CF1809 de M. Eddy Casterman (discussion commune)

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement de repli, qui me paraît très raisonnable, vise à maintenir l’exemption de malus masse pour les véhicules micro‑hybrides. Ceux-ci présentent l’avantage de permettre un usage du moteur électrique en zone urbaine, pour les trajets courts, et du moteur thermique pour les trajets longs.

M. Eddy Casterman (RN). Je propose moi aussi un amendement de repli, visant à soutenir le verdissement des flottes automobiles en France tout en veillant à la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et à la stabilité de la filière automobile française.

En France, un véhicule de tourisme immatriculé pour la première fois est soumis à une taxe au poids afin d’encourager les consommateurs à s’orienter vers les véhicules les plus légers. Alors que les micro-hybrides jouissent d’un abattement de 100 kilogrammes sur leur masse en ordre de marche dans la mise en œuvre du malus, le PLF pour 2026 conditionne cet abattement, à compter de 2027, à une puissance maximale nette du moteur électrique supérieure à 30 kilowatts. De ce fait, un nombre important de modèles de véhicules vertueux seront demain soumis au malus masse, ce qui fera mécaniquement augmenter leur prix d’achat. Cette situation impactera directement les constructeurs français, qui investissent massivement depuis des années pour développer ces modèles de véhicules et contribuent à la transition énergétique. Elle affectera ainsi l’activité, l’emploi et la pérennité de nombreux sites de production.

C’est pourquoi cet amendement propose d’abaisser le seuil d’assujettissement à l’abattement à 14 kW. Ce seuil plus approprié permettra de préserver des modèles de tension supérieure, accessibles mais vertueux, et de poursuivre la dynamique d’électrification et de verdissement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques I-CF426 de M. Pierre Meurin et I-CF1062 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Nous proposons de supprimer l’application du malus masse aux véhicules particuliers électriques à partir de juillet 2026 et aux véhicules à hydrogène à compter de 2028. Ces véhicules n’émettent ni CO2 ni polluants de proximité à l’échappement : il ne faut pas les pénaliser mais au contraire les soutenir car ils sont utiles pour diminuer les émissions de CO2 et améliorer la qualité de l’air. Leur soumission à un malus masse qui peut atteindre 21 000 euros, alors qu’ils sont encore plus chers à l’achat que les véhicules à énergie fossile, enverrait un signal contradictoire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il est effectivement absurde de taxer des véhicules purement électriques ou à hydrogène. J’aurais pu donner un avis favorable à ces amendements si leur rédaction n’avait pas conduit à supprimer la phrase « Le véhicule à faible empreinte carbone est exonéré. », à l’alinéa 34. Je suggère leur retrait, pour réécriture.

Les amendements sont retirés.

Amendement I-CF789 de M. Kévin Mauvieux

M. Kévin Mauvieux (RN). Je vous propose, avec cet amendement de repli, que chacun d’entre nous mette la démagogie et la politique de côté. Acceptons l’augmentation des taxes pour le verdissement des flottes mais acceptons aussi de voir que, pour le secteur associatif, cela va être très compliqué : excluons les associations du champ d’application de l’article 13.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’article L. 421-126 du code des impositions sur les biens et services exonère de ces taxes les organismes d'utilité générale. En outre, la rédaction de votre amendement ne précise pas les taxes sur lesquelles porterait l’exonération.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1049 de M. Christophe Plassard

M. Christophe Plassard (HOR). Le cas des loueurs de courte durée n’a pas été pris en compte dans la décision de durcir progressivement le malus automobile ; je propose d’y remédier. C’est en effet l’utilisateur final, client du loueur, qui choisit le véhicule qu’il souhaite utiliser : le malus n’a pas d’effet sur son choix ni sur son comportement. Le rôle de soupape que joue la location de courte durée suppose une flotte plus diversifiée et plus lourde.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il me semble préférable de maintenir les dispositions que nous avons votées l’an dernier, pour des raisons de stabilité fiscale et réglementaire. Avis défavorable.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Un travail très important a été réalisé en commission du développement durable, notamment par notre collègue Fiévet. Il en est ressorti qu’il était important d’avoir des incitations très fortes pour les loueurs : premiers acheteurs de voitures, ils fournissent ensuite le marché de l’occasion – qui est le point faible du véhicule électrique aujourd’hui. À titre personnel, je voterai donc contre cet amendement.

M. Kévin Mauvieux (RN). Je souhaiterais que l’on arrête d’utiliser le mot « incitation », qui revient très régulièrement dans la bouche des macronistes notamment : ces mesures sont en réalité une punition ! On punit les Français qui n’ont pas le bon comportement aux yeux de démagogues écolos qui décident à leur place la façon dont ils doivent vivre.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF1054 de M. Christophe Plassard et I-CF1810 de M.  Eddy Casterman

M. Christophe Plassard (HOR). Cet amendement vise à soutenir le verdissement des flottes automobiles en France en privilégiant les véhicules les plus vertueux et les plus adaptés aux usages du quotidien, tout en veillant à la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et à la pérennité de la filière automobile. Il propose pour cela d’alléger la fiscalité pesant sur l’acquisition des véhicules hybrides rechargeables les plus vertueux, en exemptant de malus ceux qui atteignent un score environnemental minimal et dont l’autonomie est au moins égale à 80 kilomètres.

M. Eddy Casterman (RN). La loi de finances pour 2024 a mis fin à l’exonération des véhicules hybrides rechargeables de la taxe annuelle sur les émissions de CO₂, instaurant à la place un abattement de 200 kilogrammes dans le calcul du malus masse pour les véhicules dont l’autonomie est supérieure à 50 kilomètres. Cet amendement propose de revenir partiellement à la législation antérieure. Cette exonération représenterait une économie moyenne de 4 000 euros par véhicule concerné et offrirait une meilleure visibilité aux constructeurs automobiles français, confrontés à une concurrence internationale déloyale qui menace l’activité et l’emploi dans nos territoires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pour les raisons de stabilité réglementaire et fiscale déjà évoquées, j’émets un avis défavorable.

M. François Jolivet (HOR). Je soutiens l’amendement de mon collègue Christophe Plassard : il n’est pas normal de taxer fortement les véhicules hybrides rechargeables, dont le poids élevé est lié à leur autonomie en mode électrique.

J’en profite pour répondre à notre collègue Pierre Cazeneuve : quand j’achète du carburant, je n’ai pas le sentiment d’aider la France mais plutôt de nourrir des pays qui attentent à nos valeurs – à l’exception de la Norvège. Je voudrais néanmoins rappeler, à l’heure où l’on parle de faire évoluer les règles, que les constructeurs français sont les premiers employeurs industriels dans notre pays.

Je suis enfin obligé de souligner que 19 milliards d’euros sont consacrés au Grand Paris Express et que 7 milliards sont versés au Stif (Syndicat des transports d’Île-de-France), tandis que l’on cherche 30 millions d’euros dans un département rural : dans ces conditions, vous comprendrez que pour nous le véhicule électrique soit très très loin !

M. Philippe Lottiaux (RN). Les positions sont idéologiques et n’ont aucune rationalité économique ou sociale ! On oblige les constructeurs à produire des véhicules que les Français n’achètent pas et qui vont pourrir sur les parkings ! On va transformer nos usines en cimetières, détruire des dizaines de milliers d’emplois et pousser les Français à conduire des véhicules de plus en plus anciens, et tout le monde a l’air de s’en satisfaire ! On le regrettera dans quelques années, mais il sera un peu tard.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement ICF1427 de Mme Anne-Sophie Ronceret.

La commission adopte l’article 13 modifié.

Amendement I-CF1438 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). La hausse du malus sur les émissions de CO2 et du malus masse, prévue pour 2026, devrait bouleverser l’équilibre économique du secteur de la location de courte durée de véhicules, qui représente 10 % des achats de véhicules neufs. En effet, le modèle économique du secteur repose sur un renouvellement au moins annuel des flottes de véhicules, qui sont revendus rapidement pour éviter leur dépréciation.

Pour les entreprises de ce secteur, les malus automobiles ont représenté une charge de 43 millions d’euros en 2024 et de 80 millions en 2025, qui atteindra 170 millions en 2026 et 250 millions en 2027. Une telle charge n’est pas soutenable pour ce secteur dont l’activité décroît déjà, entraînant une baisse des achats de véhicules neufs.

C’est pourquoi le présent amendement propose de faire bénéficier d’un abattement de 20 % de taxe sur les émissions de dioxyde de carbone les véhicules acquis par ces sociétés.

Selon l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1078 de M. Eddy Casterman

M. Eddy Casterman (RN). Cet amendement d’appel en reprend un autre qui avait été adopté à une très large majorité l’an dernier. Il vise à revoir la méthode de calcul du malus en y intégrant les émissions relatives à la production et à l’importation d’un véhicule. Selon l’Ademe (Agence de la transition écologique), la production d’un véhicule électrique émet 5 à 15 tonnes équivalent CO2 selon les modèles, soit deux à trois fois plus que la production d’un véhicule thermique équivalent. Quant à la pollution engendrée par un cargo transportant des véhicules, elle équivaut à celle de 50 millions de voitures thermiques. La prise en compte de ces émissions dans le calcul du malus permettra d’évaluer plus fidèlement l’impact environnemental global d’un véhicule, ce qui favorisera la relocalisation des chaînes de production en France.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous ne précisez pas les modalités de cette prise en compte : avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 14 non modifié.

Amendements de suppression I-CF915 de M. Romain Eskenazi et I-CF1076 de M. Eddy Casterman

M. Eddy Casterman (RN). Nous nous opposons à l’affectation automatique d’une majoration de la taxe régionale sur les certificats d’immatriculation au financement d’Île-de-France Mobilités. Cette mesure revient en effet à alourdir la fiscalité pesant sur les automobilistes franciliens sans tenir compte des réalités sociales et territoriales. Illustrant l’écologie fiscale punitive, elle pénalise ceux qui n’ont pas le choix de leur mode de déplacement et alimente le séparatisme territorial. Elle fait financer un service public collectif par une catégorie d’usagers – les automobilistes –, même s’ils ne peuvent en bénéficier. Dans un contexte de forte pression fiscale sur la mobilité individuelle, cette mesure pourrait enfin freiner le renouvellement du parc automobile.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La suppression de l’article 15 privera Île-de-France Mobilités de 80 millions d’euros de recettes dès le 1er janvier prochain : il faut proposer un financement alternatif. Avis défavorable.

M. Eddy Casterman (RN). Mais si l’on maintient cet article, ce sont des millions d’euros que l’on prendra dans les poches des automobilistes franciliens qui n’ont pas d’autre choix que de prendre la voiture pour se déplacer ! Luttons contre la fraude dans les transports en commun, ce sera peut-être plus efficace.

M. Jean-Didier Berger (DR). L’idéal, dans un souci d’intérêt général, serait de trouver une autre façon de financer les transports publics. Dans mon amendement à suivre, je vous propose justement une solution de remplacement consistant à faire peser l’essentiel de l’effort sur les passagers étrangers qui prennent l’avion. Je vous invite donc à ne pas voter ces amendements de suppression.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 15 est supprimé et les amendements I-CF1430 de M Jean-Didier Berger et I-CF1783 de M. Corentin Le Fur tombent.

Amendement de suppression I-CF1674 de M. Jocelyn Dessigny

M. Jocelyn Dessigny (RN). L’article 16 propose de prolonger le régime dérogatoire concernant la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) appliquée aux carburants – un dispositif ancien, coûteux et incohérent avec les orientations fixées par le PLF. Alors qu’à l’article 5, le Gouvernement supprime les soutiens aux biocarburants au nom de la rationalisation des dépenses fiscales, il choisit ici de maintenir les allègements dont bénéficient les distributeurs lorsqu’ils incorporent ces mêmes biocarburants dans leurs carburants fossiles. Ce dispositif entraîne un manque à gagner de près de 500 millions d’euros chaque année, pour une efficacité environnementale discutable et un coût administratif considérable. Il repose sur un système de certificat d’incorporation devenu inadapté, qui complique la vie des entreprises sans contribuer réellement à la réduction des émissions de CO2. En prolongeant ce dispositif, le Gouvernement retarde la réforme demandée par la directive européenne RED II, fondée sur les résultats environnementaux plutôt que sur des volumes arbitraires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La Tiruert (taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports) n’est pas obsolète puisqu’elle répond aux obligations d’incorporation de biocarburants fixées par une directive européenne. De plus, elle n’est pas une dépense fiscale mais une taxe comportementale. Enfin, votre amendement ne supprime pas la Tiruert mais seulement l’article du PLF qui rehausse certains de ses objectifs d’incorporation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1058 de M. Jean-Luc Fugit (EPR).

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Cet amendement vise à sécuriser la transition vers l’hydrogène renouvelable et bas-carbone, un levier essentiel pour décarboner le raffinage et le transport routier lourd. La stratégie nationale hydrogène révisée en avril dernier souligne l’importance de ce vecteur énergétique, dont le développement repose entre autres sur le mécanisme de l’Iricc (incitation à la réduction de l’intensité carbone des carburants) qui doit remplacer la Tiruert. Initialement prévu pour 2026, celui-ci a été reporté à 2027. Or ce délai supplémentaire met en danger certains projets déjà engagés, en France, de production massive d’hydrogène par électrolyse. Pour préserver la confiance des investisseurs, nous proposons d’intégrer dès 2026 dans la Tiruert un quota spécifique pour l’hydrogène, avec un pourcentage cible et un montant de pénalités aligné sur les prévisions initiales de l’Iricc.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le secteur des biocarburants va devoir s’adapter à un nouveau dispositif à compter de 2027. Je crois préférable d’assurer une certaine stabilité fiscale dans l’intervalle. Avis défavorable.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Je me permets de préciser que l’hydrogène n’est pas un biocarburant.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Non, effectivement. Mais le secteur des biocarburants lui-même va devoir s’adapter à l’Iricc, qui va succéder à la Tiruert.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 16 modifié.

Amendement I-CF625 de Mme Julie Laernoes

Mme Christine Arrighi (EcoS). Cet amendement vise à supprimer les alinéas 7 à 42 de l’article 17, qui allègent la taxe sur les installations nucléaires de base. Le Gouvernement évoque une adaptation technique mais c’est en réalité un allègement fiscal sur mesure pour la filière nucléaire, notamment pour les petits réacteurs modulaires, les fameux SMR. Rappelons pourtant que cette filière a déjà reçu plus de 1 milliard d’euros d’argent public dans le cadre de France 2030, dont près de 500 millions pour les SMR. Pour quel résultat ? Aucun prototype, aucune preuve de rentabilité et un horizon industriel repoussé à 2040 au mieux. Malgré cela, le Gouvernement veut encore réduire encore leur contribution fiscale, alors même que la sûreté, les déchets et le démantèlement des centrales nucléaires nécessitent des moyens accrus.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’an dernier, nous avons modifié certaines dispositions de la fiscalité des petits réacteurs modulaires afin de favoriser leur développement. Vous souhaitez modifier ou supprimer ces modifications. Avis défavorable.

Mme Perrine Goulet (Dem). L’année dernière, ces taxes ont été, sous couvert de leur fusion, artificiellement et techniquement augmentées. Le Gouvernement rétablit les taxes en vigueur auparavant. Il ne faut pas supprimer les alinéas 7 à 42, comme le prévoit l’amendement. Nous avons besoin de nos centrales nucléaires. Il faut rétablir les taxes telles qu’elles étaient avant l’erreur commise l’an dernier.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 17 non modifié.

Amendement I-CF466 de M. Nicolas Bonnet

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il vise à supprimer le tarif réduit sur l’accise sur l’électricité dont bénéficient certains centres de données au titre des tarifs réduits pour les procédés et activités industriels. D’après RTE (Réseau de transport d’électricité), la consommation d’électricité des centres de données en France s’élevait en 2022 à 10 térawattheures (TWh), soit 2 % de la consommation française totale.

Au tarif normal de 20,90 euros par mégawattheure (MWh), ils devraient s’acquitter d’une accise sur l’électricité de 209 millions. Le tarif réduit de 12 euros leur permet de s’acquitter de 120 millions, soit une perte significative de recettes fiscales de 89 millions. Ce tarif est réservé en priorité à des infrastructures présentant un intérêt national ou collectif le justifiant. Or l’intérêt d’un centre de données pour la collectivité n’est pas établi.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1055 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Il s’inscrit dans la logique de l’article 18 qui vise à réformer les tarifs réduits d’accises sur l’électricité applicables aux activités à forte intensité énergétique, prévoyant notamment d’abaisser le tarif applicable aux activités électro-sensibles de 5 à 3 euros par MWh à compter du 1er janvier 2026. Les centres de données, désormais reconnus comme activité électro-sensible au sens du code des impositions sur les biens et services, ne bénéficient pas de ce tarif réduit dans la rédaction actuelle du projet de loi.

L’amendement propose d’aligner le tarif applicable à ces infrastructures sur celui prévu pour la catégorie des activités électro-sensibles. Cette mesure permettra d’assurer une cohérence réglementaire et de préserver la compétitivité du marché français du cloud et du traitement de données face à la concurrence européenne. En soutenant cet amendement, nous envoyons un signal fort en faveur notamment de l’innovation et de la compétitivité de la France dans ce secteur stratégique pour notre avenir économique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis favorable à la baisse du prix de l’électricité pour les centres de données, qui coûte environ 36 millions. Les centres de données sont des éléments stratégiques.

La commission rejette l’amendement.

Contre l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1805 de M. Paul Midy.

Elle adopte l’article 18 non modifié.

Amendements identiques I-CF497 de M. Karim Benbrahim, I-CF617 de Mme Marie-Noëlle Battistel, I-CF624 de Mme Julie Laernoes, I-CF1057 de M. Jean-Luc Fugit et I-CF1490 de M. Emmanuel Maurel

M. Philippe Brun (SOC). Nous souhaitons la suppression de cet article qui vise à doubler le taux de la taxe sur les installations de réseau.

Mme Christine Arrighi (EcoS). L’article 19 prévoit l’instauration d’une surtaxe de 7,54 euros par kilowatt sur les installations solaires de 2026 à 2028. Où va cet argent ? Dans le budget général de l’État, et pas un centime pour les collectivités qui accueillent ces projets ! C’est une double peine, pour les développeurs dont les modèles économiques sont fragilisés et pour les territoires qui, une fois de plus, ne touchent rien. L’article doit être supprimé parce que l’affectataire n’est pas le bon.

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Cette mesure menace directement la viabilité économique des installations existantes. Elle frappe des projets déjà en service, dont certaines installations lauréates d’appels d’offres en 2017 fonctionnant avec des tarifs de rachat de 55 à 60 euros par MWh, bien en dessous des prix actuels du marché. Plus une installation est performante, plus elle sera taxée : cette logique économique me semble contre-productive.

Dans un contexte où la filière solaire est déjà fragilisée par l’absence de PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) et par les menaces régulières de moratoire, cette mesure risque d’achever de saper la confiance des investisseurs. C’est d’autant plus grave que la France dispose d’un potentiel solaire majeur en Europe qui, avec les autres énergies renouvelables (EnR), s’ajoute au nucléaire pour progressivement nous aider à réduire notre trop forte dépendance aux énergies fossiles. Je propose de supprimer l’article 19 pour préserver une filière essentielle à notre avenir énergétique.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Il y a un double problème. D’abord, on déstabilise une filière en augmentant de 88 % l’impôt sur les installations photovoltaïques. Surtout, l’Ifer (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau) était dans le panier de remplacement de la taxe professionnelle. Affecté aux collectivités locales, il est dans cet article affecté au budget de l’État. Il y a un problème dont nous devons discuter, et sur lequel le rapporteur général doit se prononcer.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’article 19 vise à majorer l’Ifer sur les centrales photovoltaïques installées avant 2021. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous nous opposons à ces amendements. J’entends dire que la filière solaire n’aurait pas assez de soutien de l’État : cette année, elle l’est à hauteur de 4,4 milliards en tarifs de rachat. Elle ne sert strictement à rien et concurrence directement le nucléaire. Si elle était supprimée, personne ne s’en rendrait compte à part les parasites qui se nourrissent d’argent public. Que les communistes la défendent est déplorable.

La commission rejette les amendements.

L’amendement I-CF228 de M. Michel Castellani est retiré.

Amendement I-CF1400 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Il est un peu choquant d’augmenter l’Ifer de 7,54 euros par kilowatt alors même qu’on lit dans l’étude d’impact : « La majoration du tarif de l’Ifer sur les centrales photovoltaïques permettrait de contribuer aux objectifs de diminution du déficit public via un accroissement des recettes fiscales de l’État ». Il y en a pour 50 millions. Actuellement, l’Ifer sur le photovoltaïque rapporte 68 millions. C’est une augmentation de 60 %. À défaut de la supprimer, affectons-la aux collectivités locales, à hauteur de 20 % pour la commune d’implantation, 50 % pour l’intercommunalité et 30 % pour le département.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Si la surtaxe ne va ni aux EPCI (établissement public de coopération intercommunale) ni aux collectivités, c’est, de façon assumée, pour améliorer le rendement budgétaire pour l’État, qui supporte l’essentiel du coût de soutien à la filière. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF253 de M. Corentin Le Fur

M. Corentin Le Fur (DR). Si nous instaurons une surtaxe sur le photovoltaïque, je ne vois pas pourquoi l’éolien, qui provoque beaucoup plus de nuisances, en serait exonéré.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 19 non modifié.

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Réunion du mercredi 22 octobre 2025 à 9 heures (article 20 à article 24)

https://assnat.fr/3Norb8

La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général).

Amendement I-CF1110 de M. Kévin Mauvieux

M. Kévin Mauvieux (RN). Cet amendement propose de supprimer quasiment tout l’article 20 pour n’en garder qu’une seule disposition : celle qui, concrète pour les agriculteurs, leur permet de supporter le choc de la réforme de 2024 sur les redevances des agences de l’eau. Notre objectif est de supprimer l’ensemble de cette réforme, mais nous ne pouvons pas le faire ici.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre amendement conserve donc l’abattement de 20 000 mètres cubes pour l’irrigation, et supprime le reste. L’article vise pourtant à corriger les effets de bord non anticipés de la réforme de 2024. Je me demande si une vision définitive comme la vôtre est une bonne chose. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Présidence de M. Éric Coquerel, président

M. Denis Masséglia (EPR). J’espère que nous aurons l’occasion de voter le projet de loi de finances dans la nuit. Avant ce vote, le rapporteur général pourrait‑il nous fournir un bilan global, afin que nous soyons les plus justes possible ?

M. le président Éric Coquerel. C’est prévu.

Amendements I-CF1800 de M. Guillaume Kasbarian, I-CF1331 et ICF1330 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Cet amendement vise à corriger les effets brutaux de la réforme sur les redevances des agences de l’eau adoptée en 2024. Les industriels ont vu leurs redevances exploser – doubler et parfois tripler – alors qu’ils ont réduit de 42 % leurs prélèvements d’eau depuis 1990 et qu’ils investissent chaque année massivement pour la sobriété hydrique. L’amendement vise donc à lisser les effets de la réforme afin de donner aux industriels un temps d’adaptation sans fragiliser leurs investissements environnementaux. Il propose ainsi d’étaler sur cinq ans la hausse des redevances pour prélèvement et consommation d’eau potable, tout en protégeant les sites les plus touchés et en conservant le même rendement global pour les agences de l’eau. Il va ainsi dans le sens de la compétitivité et d’une transition écologique maîtrisée et il soutient nos industriels sans alourdir le budget de l’État.

Il a été travaillé avec France industrie.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement I-CF1331 vise à régler la question de l’écart-type considérable de l’impact de l’augmentation des redevances de prélèvements dans les milieux naturels, tout en protégeant proportionnellement les sites les plus touchés.

Il vise d’autre part à atténuer la brutalité de l’augmentation de ces redevances en échelonnant cette augmentation sur cinq ans, ce qui, notamment dans le secteur agroalimentaire, favoriserait le développement des plans de sobriété hydrique qui nécessitent du temps et des investissements importants.

L’amendement I-CF1330 concerne quant à lui le problème de rétroactivité posé par la réforme, qui a conduit à taxer des factures antérieures à son adoption.

Il vise ainsi à rétablir la prévisibilité budgétaire des entreprises ; à éviter un effet d’aubaine pour les collectivités et les agences de l’eau ; à préserver les capacités d’investissement dans les plans de sobriété et de réutilisation des eaux ; enfin, à corriger une situation de quasi-rétroactivité économique non voulue par le législateur.

Cette situation est liée à un élément que nous n’avions pas anticipé lors du vote, à savoir que, depuis le 1er janvier 2025, le fait générateur de la redevance sur la consommation d’eau est la facturation du prix de l’eau.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tout le monde a raison de dire que l’impact de la réforme sur certains industriels avait été mal anticipé et que nous devons trouver une solution.

Les amendements I-CF1800 et I-CF1331 échelonnent sur cinq ans la hausse de la fiscalité au titre des prélèvements sur l’eau des industriels. Or des amendements qui arriveront plus tard dans la discussion proposent selon moi une solution plus simple. Sagesse.

Avis défavorable au I-CF1330 qui conduirait à rembourser les redevances pour l’année 2025 pour l’ensemble des contribuables et à les recalculer en fonction des volumes consommés. Les modalités de calcul sont trop complexes.

Les amendements sont successivement rejetés.

Amendement I-CF145 de M. Nicolas Ray

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Cet amendement propose d’exonérer de la redevance sur la consommation d’eau potable toutes les exploitations agricoles, sans appliquer le plafond des 20 000 mètres cubes de consommation, ni s’assurer qu’aucune autre solution d’irrigation n’était possible.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1329 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement vise à réintroduire, pour les entreprises utilisatrices d’eau potable les plus impactées, des plafonds de volumes d’eau potable progressifs sur lesquels sera payée la redevance – comme cela existait auparavant avec le plafond très bas de 6 000 mètres cubes.

Nous proposons en responsabilité de fixer un premier plafond de 50 000 mètres cubes et d’atteindre le maximum cinq ans plus tard. Cela permettra aux entreprises de l’agroalimentaire – dont la compétitivité est capitale pour la souveraineté nationale – d’absorber progressivement l’augmentation importante de la redevance et de poursuivre les investissements nécessaires à la sobriété hydrique dans le contexte économique très tendu que nous connaissons.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Comme je l’ai déjà dit, l’impact de la réforme des redevances des agences de l’eau sur certains industriels avait été mal anticipé. Quelque 200 entreprises sont ainsi très fortement pénalisées. Plusieurs dispositifs ont été proposés jusqu’ici, témoignant d’une même volonté d’agir mais tous assez complexes.

L’amendement I-CF1329 de M. de Courson est une proposition beaucoup plus lisible. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1796 de M. Eddy Casterman

M. Eddy Casterman (RN). Cet amendement propose de supprimer l’acompte de 40 % du montant sur les redevances pour pollution diffuse, qu’un article du code de l’environnement oblige les entreprises de négoce agricole à payer avant le 30 juin de chaque année. Ces redevances servent à financer les interventions des agences de l’eau qui sont chargées de les collecter auprès de leurs clients.

Or le paiement de cet acompte calculé sur la base des années antérieures a pour conséquence d’amputer la trésorerie des entreprises de négoce, dans la mesure où elles doivent avancer ce montant avant d’avoir été elles-mêmes payées par les agriculteurs. Cette situation est d’autant plus préoccupante dans le contexte actuel marqué par la remontée des taux de la redevance pour pollution diffuse du fait de l’indexation automatique sur l’inflation et par l’augmentation du risque accru d’impayés de la part des agriculteurs.

Nous connaissons en effet les difficultés actuelles de l’activité agricole et j’appelle à soutenir les agriculteurs et les entreprises de nos territoires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il s’agit d’une question de trésorerie. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 20.

Amendement I-CF448 de Mme Marianne Maximi

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous proposons d’instaurer une taxe sur la production de PFAS – substances per- ou polyfluoroalkylées – à la suite du rapport de M. Isaac-Sibille et en réaction aux décrets des 7 et 8 septembre 2025.

Ces décrets devaient mettre en application la loi du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux PFAS, adoptée sur la base du texte de nos collègues écologistes. Or ces décrets ne traduisent pas les exigences de la loi et restent bien en deçà, en autorisant les industriels à continuer à utiliser les PFAS alors que, par exemple, la loi était censée les exclure de la production d’ustensiles de cuisine.

Il s’agit donc d’un problème de protection des Français, ce qui rend d’autant plus important le soutien à cet amendement proposant la fiscalisation de ces substances massivement polluantes et très dangereuses.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous avons voté une loi sur les PFAS le 27 février 2025. Je vous propose de ne pas y revenir dès le mois de novembre. Avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Justement, à l’heure actuelle, cette loi n’est pas appliquée correctement. Il y a donc encore du travail. La loi aurait même pu aller plus loin, notamment sur l’interdiction de la production d’ustensiles de cuisine contenant des PFAS.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF887 de Mme Lisa Belluco et I-CF1151 de Mme Sandrine Le Feur (discussion commune)

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Après les sécheresses catastrophiques de 2022 et 2023, le président de la République a annoncé un plan Eau. Il s’agissait de rehausser les moyens des agences de l’eau et de taxer l’eau de façon plus juste pour financer leur action.

Le gouvernement de Mme Borne avait donc défendu une réforme des redevances qui mettait à contribution les plus gros consommateurs et les vendeurs de pesticides qui empoisonnent notre eau. Mais il a suffi d’un rendez-vous avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) pour reporter cette réforme, qui ne figure toujours pas dans le projet de loi de finances – le troisième depuis les annonces présidentielles.

Cet amendement permettrait de tenir les engagements présidentiels du plan Eau.

M. Jimmy Pahun (Dem). Cet amendement vise à responsabiliser les producteurs de plastique non recyclable afin d’atteindre les objectifs que la France s’est fixés en matière de recyclage des plastiques. Il y a cinq ans, seuls 25 % des plastiques étaient recyclés ; aujourd’hui, à peine 28 %. Or, la France paye tous les ans 1,5 milliard d’euros d’amende à l’Europe parce qu’elle ne tient pas ces objectifs.

Cet amendement renforce la taxe prévue à l’article 21 du projet de loi de finances en augmentant ses taux chaque année entre 2026 et 2030 – cela, pour inciter les producteurs de plastique à faire des efforts dès l’année prochaine. La taxe est pour l’instant de 3 centimes d’euro la tonne. Nous aimerions la faire passer à 10 centimes, ce qui permettra de compenser pour moitié, à l’horizon 2030, le montant de l’amende française. Après avoir longtemps manié la carotte vis-à-vis de nos metteurs en marché, l’idée est de manier un peu le bâton.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La réforme de la fiscalité de l’eau est entrée en vigueur le 1er janvier 2025, avec une hausse de plus de 15 % des rendements des redevances, soit 325 millions en 2026. Je vous propose de ne pas revenir sur des mesures fiscales qui viennent d’être prises. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF498 de M. Emmanuel Fouquart

M. Emmanuel Fouquart (RN). L’énergie osmotique résulte des gradients naturels de salinité de l’eau douce et de l’eau salée, qui dégagent une électricité renouvelable, pilotable et continue. Les volumes d’eau prélevés sont intégralement restitués au milieu naturel, sans consommation ni altération de la ressource, puisque l’eau n’est qu’un vecteur d’énergie. Par ailleurs, les centrales d’énergie osmotique implantées dans les zones deltaïques ou estuariennes n’interfèrent ni avec les ouvrages hydroélectriques, ni avec la navigation.

Dès lors, l’assujettissement des producteurs d’énergie osmotique à une redevance pour prélèvement sur la ressource en eau n’a pas lieu d’être. Cet amendement vise donc à les en exonérer.

Cet amendement vise donc à aligner le droit sur la réalité physique de cette technologie et à encourager une filière française d’avenir qui génère à la fois des emplois et de la souveraineté énergétique. Je vous invite donc à adopter cet amendement de cohérence et de bon sens écologique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’exonération des producteurs d’énergie osmotique de la redevance est en effet probablement un manque de la législation, dans la mesure où c’est une technologie propre qui ne prélève pas d’eau. Avis favorable pour compenser cet oubli.

M. Charles de Courson (LIOT). Est-ce que ça existe en France, la production d’énergie par l’énergie osmotique ?

M. Emmanuel Fouquart (RN). Un démonstrateur, en activité depuis plusieurs années, est présent dans ma circonscription. Il traite actuellement les membranes des générateurs pour les rendre plus efficaces, dans le but d’atteindre un rapport de 25 watts produits pour 1 watt consommé. Il a acheté une ancienne usine Stellantis près de Rennes pour la fabrication de générateurs et pour préparer son passage en filière industrielle. Cela avance donc très bien.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, afin que nous puissions terminer l’examen du texte cette nuit, je vous invite à limiter vos prises de parole, en ne reprenant pas l’argumentation de fond lorsqu’elle a déjà été présentée, par exemple. Nous aurons l’occasion de poursuivre le débat en séance.

Amendement de suppression I-CF1772 de M. Laurent Wauquiez

M. Nicolas Ray (DR). L’article 21 opère une refonte de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) couplée à une hausse des tarifs. Cet accroissement de la fiscalité se répercuterait nécessairement sur le montant de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) acquittée par nos concitoyens et serait une source de complexité supplémentaire pour nos Syctom (syndicats intercommunaux de traitement des ordures ménagères). Nos élus locaux nous parlent souvent de ces contraintes et du coût croissant que représente le traitement des ordures ménagères.

Par ailleurs, l’article taxe les emballages plastiques, ce qui pourrait fortement perturber la filière plasturgie. Rappelons que les bouteilles d’eau minérale sont l’un des produits les mieux recyclés.

Pour ces raisons, nous souhaitons la suppression de cet article, qui vise à accroître la fiscalité contre les Français.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’augmentation des tarifs va en effet poser rapidement problème. Le produit attendu représentera déjà une quarantaine de millions au cours de l’année à venir. La plasturgie risque d’en souffrir considérablement. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF458 de M. Nicolas Bonnet

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Dans le cadre du sérieux budgétaire que nous prônons et des ambitions que nous nourrissons en matière de transition des transports – qui représentent un tiers de nos émissions de gaz à effet de serre –, je vous propose de créer une nouvelle ressource financière, à savoir une contribution kilométrique sur les poids lourds, qui existe déjà en Allemagne ou en Suisse, par exemple. Cela permettrait de financer notre réseau ferré, qui en aurait bien besoin, comme notre réseau routier, en favorisant la transition des camions vers de nouvelles mobilités, plus propres. Nous sommes nombreux à partager ces ambitions, qui sont souvent affichées, mais personne n’a le courage politique de mettre des ressources financières en face.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette taxe existe déjà. Elle va être mise en œuvre en 2027 en Alsace et dans le Grand Est. D’autres régions peuvent choisir de l’appliquer sur les routes nationales mises à leur disposition. Avis défavorable.

M. Nicolas Bonnet (EcoS). Je ne peux pas vous laisser dire cela : cette taxe n’existe pas ! Les régions peuvent l’instituer si elles le souhaitent, mais très peu l’ont fait : seule la collectivité européenne d’Alsace l’a décidé, et la région Grand Est y réfléchit. Les transporteurs, qui sont bien conscients de la nécessité d’investir dans le réseau routier et dans la décarbonation du fret, par le basculement vers le fret ferroviaire, préfèrent la création d’une taxe à l’échelle du pays, qui offrirait de la lisibilité et procurerait des recettes nationales permettant de financer l’évolution des motorisations de leurs camions.

M. Charles de Courson (LIOT). Cette taxe sera bien appliquée puisque le conseil régional du Grand Est et le conseil départemental de la collectivité européenne d’Alsace l’ont instaurée. La mesure sera opérationnelle dans les dix départements du Grand Est en 2027. Le produit de la taxe sera affecté à la modernisation des infrastructures routières. Comment cela s’articule-t-il avec votre amendement, monsieur Bonnet ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je confirme les propos de M. de Courson : la taxe existe ou, du moins, va exister ; elle va être appliquée. Ces questions doivent, à mes yeux, être décidées à l’échelon décentralisé. Vous écrivez vous-même, dans votre amendement, que l’on doit prendre en compte l’avis des collectivités territoriales.

M. le président Éric Coquerel. Je ne comprends pas très bien selon quelle logique cela devrait être forcément décentralisé.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF471 de Mme Marianne Maximi.

Amendement I-CF545 de Mme Claire Lejeune

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). La France est championne d’Europe, et troisième mondiale, pour le nombre de trajets en jet privé. En matière de pollution, ce sont, encore une fois, les plus riches qui sont les premiers responsables : en France, soixante-trois milliardaires polluent plus que 34 millions de personnes. La palme revient à M. Rodolphe Saadé qui a réussi à rejeter, l’année dernière, l’équivalent de ce que rejette un Français moyen en 274 années.

Nous vous proposons d’instaurer une taxe sur les jets privés, qui serait favorable à la planète comme à nos finances publiques.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous avons déjà introduit une fiscalisation de ces équipements dans la dernière loi de finances. Au surplus, je ne suis pas certain qu’une loi fiscale soit là pour traduire une sorte de lutte des classes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF386 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). L’amendement a pour objet d’instaurer une taxe sur la location des yachts professionnels fondée sur le principe du pollueur-payeur, qui est inscrit à l’article L. 110-1 du code de l’environnement. Ces navires sont parmi les plus grands émetteurs au monde de CO2 par passager ; ils sont source d’externalités très préjudiciables à l’environnement. La création de cette taxe serait une mesure de justice environnementale et fiscale. Il n’est en effet pas acceptable que les plus riches puissent polluer impunément alors que les plus précaires sont appelés à contribuer pour la dépollution.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La dernière taxe qui avait été instituée sur les yachts avait été un très grand succès puisqu’on ne compte plus que deux yachts dans notre pays, me semble-t-il ! Autrement dit, la base d’imposition a quasiment disparu. C’est un exemple typique des effets d’une taxe absurde. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1119 de Mme Perrine Goulet

Mme Perrine Goulet (Dem). Cet amendement vise à réduire le tarif de la taxe sur les déchets métalliques et les déchets radioactifs métalliques, qui est disproportionné, d’autant plus que des taxes nouvelles ont été appliquées aux déchets du nucléaire civil au cours des deux dernières années. Je vous propose de faire passer le tarif de 366 à 150 euros la tonne, soit à un niveau encore bien supérieur à celui applicable aux déchets classiques.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1554 de M. Emmanuel Fouquart

M. Emmanuel Fouquart (RN). Cet amendement vise à réviser les barèmes de la TGAP pour les déchets stockés et incinérés, afin d’éviter une hausse brutale de 45 % à 55 % d’ici à 2030. Si nous partageons tous l’objectif d’une gestion plus vertueuse des déchets, une telle augmentation risquerait d’asphyxier les collectivités et les exploitants, déjà confrontés à l’explosion des coûts. Elle se répercuterait en outre inévitablement sur la Teom. Aussi suggérons-nous une progression, plus réaliste, de 27 euros la tonne en 2026 pour l’incinération et de 67 euros la tonne pour l’enfouissement, avec une revalorisation annuelle de 2 euros. Cette trajectoire préserverait l’ambition écologique et la justice sociale tout en laissant aux territoires le temps d’investir dans des solutions durables comme la modernisation des installations.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF910 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement vise à supprimer la trajectoire de hausse de la TGAP car elle reviendrait à faire reposer sur les collectivités les mesures qui devraient être prises en amont. Nous ne nous opposons évidemment pas à la fiscalité environnementale, mais une fiscalité appliquée en amont serait plus adaptée à l’objectif de réduction de l’émission de déchets. Ce n’est pas par cette trajectoire que nous y arriverons.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Des alertes conduisent en effet à penser que la hausse est trop forte. Cependant, mon avis sera défavorable car vous modifiez des alinéas qui ne concernent pas cette hausse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1228 de M. Charles Fournier

Mme Christine Arrighi (EcoS). Afin de renforcer la cohérence et l’ambition environnementale de l’article 21, nous proposons d’améliorer la refonte de la TGAP pour assurer une meilleure application du principe pollueur-payeur, en relevant les tarifs de l’incinération et en mettant fin à l’exonération totale des combustibles de récupération. Il s’agit d’éviter que ces déchets soient simplement incinérés au lieu d’être enfouis et donc de soutenir les investissements des collectivités dans le tri et la valorisation de la matière.

En outre, nous proposons de supprimer la baisse de la TVA à 5,5 % sur l’incinération et l’enfouissement, dans la mesure où cette mesure entre en contradiction frontale avec la hausse de la TGAP.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF123 de M. Daniel Labaronne, I-CF610 de M. Thierry Liger, I-CF699 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF752 de Mme Manon Bouquin et I-CF1797 de M. Guillaume Kasbarian, amendement ICF495 de M. Emmanuel Fouquart (discussion commune)

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’amendement I-CF699 vise à supprimer les alinéas 223 à 298, qui concernent la taxe sur les emballages plastiques. En effet, la loi de finances prévoit un doublement du tarif de la taxe entre 2026 et 2027. Or le coût assumé par les entreprises de cette filière REP (responsabilité élargie des producteurs) a doublé en cinq ans, passant de 800 millions à 1,6 milliard d’euros d’écocontribution, sans que cela se traduise par un gain de performance. Les entreprises paient très cher un dispositif inefficace, sur lequel elles n’ont aucun moyen d’agir. Il faut arrêter cette progression qui déstabilise un secteur économique sans régler la question du recyclage des emballages.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, les amendements I-CF495 de M. Emmanuel Fouquart, ICF800 de Mme Manon Bouquin, I-CF904 de M. Stéphane Delautrette, I-CF1087 de M. Jimmy Pahun, I-CF1158 de Mme Sandrine Le Feur, I-CF688 et I-CF697 de M. Michel Castellani tombent.

Amendement I-CF1493 de M. Sébastien Peytavie

Mme Christine Arrighi (EcoS). Cet amendement vise à soumettre les éco‑organismes au paiement d’une taxe additionnelle lorsqu’ils ne respectent pas les objectifs fixés par leur cahier des charges. Rappelons qu’ils réalisent des bénéfices d’un montant de 8 milliards. La Cour des comptes et l’Ademe (Agence de la transition écologique) ont dénoncé les défaillances des filières REP. Le coût des traitements non réalisés par les éco-organismes, qui se voient confier une mission de service public, est reporté sur les collectivités territoriales, qui doivent assurer la continuité du service.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La taxe sur les emballages plastiques avait été élaborée pour la filière des déchets ménagers. L’étendre, sans adaptation, à toutes les filières à responsabilité élargie aurait peu de sens. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1083 de M. Jiovanny William

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement est satisfait par les alinéas 103 et 191. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF254 de M. Corentin Le Fur

M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à supprimer la majoration de la TGAP sur l’enfouissement et l’incinération des déchets. Cette taxe, qui a connu une augmentation continue au cours des dernières années, est répercutée par les syndicats sur les usagers par le biais de la Teom et de la Reom (redevance d’enlèvement des ordures ménagères). Nous souhaitons supprimer cette fiscalité punitive, qui renchérit la vie quotidienne de nos concitoyens.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il semble que l’amendement ne vise pas les bons alinéas. Je vous invite donc à le retirer et à le réécrire en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 21 modifié.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF437 de M. David Guiraud.

Amendement I-CF897 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). Les éco-organismes, qui sont chargés de mettre en place les filières de recyclage, ne sont pas à la hauteur des objectifs qui leur sont assignés. Pourtant, aucune pénalité ne leur est appliquée. C’est pourquoi nous proposons d’assujettir à la TGAP, en amont, les éco-organismes qui ne remplissent pas leurs objectifs.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il y a manifestement un problème de rédaction car votre amendement prévoit une taxation des éco-organismes dès 2020. Je vous invite à le retirer pour le réécrire.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF900 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement va dans le même sens mais concerne les déchets qui ne sont pas couverts par les filières REP.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF367 de M. Michel Castellani

M. Michel Castellani (LIOT). Cet amendement vise à réserver à la collectivité de Corse une fraction du produit de la TGAP déchets collectée sur le territoire de la Corse. La collecte de déchets s’élève en moyenne à 722 kg par habitant en Corse contre 548 en métropole, ce qui s’explique notamment par le tourisme. Le transfert d’une fraction de la TGAP permettrait de renforcer les moyens de la collectivité dans ce domaine.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La Corse bénéficie déjà, depuis cette année, d’une réfaction de TGAP de 20 %. Il faut mener un travail plus global sur la gestion des déchets en Corse avant de voter une telle mesure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1065 de M. Jean-Luc Fugit

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa) jouent un rôle essentiel, en collaboration avec les collectivités locales et le tissu économique. Pourtant, leur modèle de financement, qui repose en partie sur les dons libératoires de TGAP air, est fragilisé par la diminution des recettes issues de cette taxe. Pour garantir la pérennité de ces associations et leur capacité à agir sur l’ensemble du territoire, il est proposé de supprimer les plafonds des dons de la TGAP air.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez que les sociétés polluantes puissent déduire sans plafond les dons qu’elles font à des associations de lutte contre la pollution. On risquerait, de la sorte, d’affaiblir l’incitation à réduire les émissions polluantes. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF399 de Mme Mathilde Feld.

Amendement I-CF1131 de Mme Edwige Diaz

Mme Edwige Diaz (RN). La loi de finances pour 2019 a institué une augmentation exponentielle des taux de la TGAP, dont les conséquences sont dramatiques puisque les citoyens ont l’impression de payer toujours plus pour bénéficier de toujours moins de services publics. Même si l’on peut contester la gestion financière de certains d’entre eux, des syndicats d’enlèvement des ordures ménagères ont décidé, comme en Dordogne et en Gironde, d’arrêter la collecte des ordures en porte à porte car ils estiment que la TGAP n’est plus soutenable financièrement. L’instauration de ces taux, qui est emblématique de l’écologie punitive et de l’idéologie de la décroissance, va à l’encontre de l’objectif visé puisqu’on constate la multiplication des dépôts sauvages et l’exclusion des personnes en situation de handicap non véhiculées. Nous proposons donc de revenir au taux de 2019.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Compte tenu de la recodification à laquelle nous avons procédé à l’article 21, votre amendement serait dépourvu d’effet. Défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1337 et I-CF1336 de M. Charles de Courson.

Amendements identiques I-CF1699 de M. Belkhir Belhaddad et I-CF1703 de M. Alexandre Loubet, amendement I-CF1708 de M. Alexandre Loubet (discussion commune)

M. Belkhir Belhaddad (SOC). L’amendement I-CF1699 a pour objet de limiter la participation des installations de production thermique traditionnelles à la première procédure d’enchères du mécanisme de capacité, tout en faisant une exception pour certaines centrales en cours de reconversion, comme la centrale Émile-Huchet. Par le vote d’une proposition de loi, en avril, nous avons permis à cette centrale à charbon de basculer vers le gaz naturel et le biogaz. Cette exception s’inscrit dans une logique d’équilibre entre exigences environnementales, impératifs industriels et responsabilité sociale. L’ouverture réservée aux centrales à charbon en voie de conversion constitue une mesure ciblée, proportionnée et conforme à l’intérêt général, qui concilie la sécurité d’approvisionnement et une transition énergétique plus juste, grâce au soutien du bassin d’emploi associé. Elle est également en accord avec la position de la Commission européenne.

M. Alexandre Loubet (RN). Nous avons voté en avril une proposition de loi qui vise à permettre la conversion des centrales à charbon – plus spécifiquement, de la centrale de Saint-Avold, dans ma circonscription – vers la production d’une énergie moins émettrice de CO2. Cette conversion devrait avoir lieu dans plusieurs années. D’ici là, nous devons garantir le fonctionnement de la centrale, car elle assure la sécurité d’approvisionnement électrique du pays et emploie des centaines de personnes. C’est un amendement de bon sens.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le charbon n’a compté, en 2024, que pour 0,13 % de la production d’électricité dans l’Hexagone. Il s’agit, par ces amendements, de permettre aux seules centrales à charbon en reconversion de participer aux mécanismes de capacité. Avis favorable.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’amendement I-CF1708 tombe.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1587 de M. Éric Ciotti.

Amendement I-CF475 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il s’agit de supprimer l’avantage fiscal lié à l’utilisation du gazole non routier dès lors que celui-ci n’est pas employé à des fins agricoles ou d’entretien forestier.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’État a pris des engagements vis-à-vis du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF642 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement vise à supprimer l’exonération de l’accise sur les carburants dont bénéficient les navires de croisière. Cette taxe intérieure sur les carburants, que tout le monde paye, à l’exception de ces navires, pourrait rapporter 22 millions d’euros. Cette situation nous semble très injuste.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La mesure serait assez brutale pour les croisiéristes français comme pour les Chantiers de l’Atlantique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF460 de M. Nicolas Bonnet

M. Nicolas Bonnet (EcoS). En France, 13 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues au transport routier de marchandises. Pour décarboner, il faut développer de nouvelles mobilités et reporter une partie des marchandises vers le rail. Les motorisations plus vertueuses, comme le biogaz ou l’électrique – qu’il provienne de l’hydrogène ou de batteries – doivent être proposées à un tarif plus intéressant que le tarif classique – celui du transport au gazole – ou au moins équivalent à celui-ci. La loi « climat et résilience » de 2021 avait prévu de supprimer, à l’horizon 2030, la réduction de taxation dont bénéficie le gazole. Cet amendement vise à réduire progressivement cet avantage d’ici à 2030.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je crains que la hausse que vous proposez ne se répercute assez rapidement sur les prix à la consommation et ne se traduise par une perte de pouvoir d’achat. Avis défavorable.

M. Philippe Lottiaux (RN). Depuis tout à l’heure, on assiste à une foire aux taxes nouvelles, notamment sur le transport routier. Dans ce secteur, qui est en difficulté, l’essentiel des émissions de gaz à effet de serre sont liées aux importations. Plutôt que de taxer ce mode de transport, visons les causes du phénomène et essayons de lutter contre les accords délirants de libre-échange qui se développent de tous côtés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1620 de M. Aurélien Dutremble

M. Aurélien Dutremble (RN). Le code des impositions sur les biens et services (CIBS) prévoit un remboursement partiel de l’accise sur les énergies concernant le gazole utilisé par les entreprises de transport routier de marchandises. Les exploitants agricoles bénéficient déjà d’un tarif réduit sur le gazole non routier (GNR) pour leurs activités de production, mais aucune disposition ne couvre les activités de transport de marchandises effectuées au moyen de véhicules agricoles ou forestiers. L’amendement vise à étendre l’avantage à ces véhicules lorsque ceux-ci sont utilisés pour le transport de marchandises. Il s’agit de soutenir les petites exploitations agricoles et forestières, de rééquilibrer le traitement fiscal entre les transporteurs routiers et les producteurs locaux et de favoriser les circuits courts et la compétitivité de l’économie de proximité.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le secteur agricole s’est vu maintenir son tarif d’accise très avantageux en 2025. En outre, l’article 10 du PLF contient des mesures fiscales favorables aux agriculteurs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1585 de Mme Anne-Cécile Violland

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Cet amendement vise à supprimer progressivement, entre 2026 et 2035, par tranche de 10 % chaque année, le tarif réduit qui s’applique aux produits taxables utilisés comme carburant ou combustible pour la navigation maritime ou destinés à l’avitaillement de navires professionnels. Cette suppression ne concernerait pas, toutefois, les entreprises de pêche artisanale exploitant des navires de moins de 24 mètres, ni les autorités publiques, qui continueraient de bénéficier du tarif réduit en raison de leur rôle spécifique et des contraintes particulières auxquelles elles sont soumises. Le dispositif s’étalerait sur dix ans car il convient de laisser aux entreprises de transport maritime le temps de planifier leurs investissements en navires moins carbonés ou décarbonés, alors que l’offre technologique, comme la propulsion vélique, est encore peu développée. Il pourrait rapporter environ 250 millions d’euros par an.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je crains que cette exonération ne soit imposée par la directive européenne sur la taxation de l’énergie pour ce qui concerne les eaux communautaires. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF465 de Mme Mathilde Feld et I-CF1582 de Mme AnneCécile Violland (discussion commune)

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement I-CF465 vise à supprimer la niche fiscale sur le kérosène aérien. Très coûteuse pour l’écologie ainsi que pour les finances publiques, elle rend l’aviation artificiellement moins chère que les mobilités douces que nous devrions soutenir, comme le train.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). La situation en effet est anormale ; elle favorise le trafic aérien intérieur, au détriment du train, mode de transport le plus adapté à la transition écologique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement I-CF465 est contraire à la convention de Chicago de 1944. Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF396 de M. Maxime Laisney

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Il vise à supprimer le versement nucléaire universel (VNU), très mauvais mécanisme improvisé par Bruno Le Maire en novembre 2023, à fixer des seuils de rente inframarginale pour toutes les centrales d’électricité et à rétablir des tarifs réglementés de vente sur l’électricité et le gaz pour tous les consommateurs.

Philippe Bolo et moi l’avons montré dans un rapport d’information, le VNU n’apportera aucune visibilité aux acteurs puisque tout le monde sera exposé aux mécanismes de marché – on prévoit des augmentations de 15 à 30 % du montant des factures. En l’absence de plancher, les revenus d’EDF ne sont nullement garantis. Enfin, ce dispositif – dont je voudrais la peau – fera jouer EDF contre les consommateurs : pour engranger les bénéfices dont il aura besoin pour investir, notamment dans un programme de nouveau nucléaire que nous réfutons, il faudra qu’il laisse les factures exploser.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tous les acteurs de l’électricité ont anticipé l’application prochaine de la réforme de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique), votée l’an dernier. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF1440 et I-CF1450 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Dans son rapport annuel, la Cour des comptes souligne que la situation financière des régions se dégrade, en dépit des efforts consentis pour freiner les dépenses de fonctionnement. Hélas, elles n’ont presque aucune recette autonome, à l’exception de la fiscalité sur les cartes grises, dont le plafond est fixé à 60 euros par cheval fiscal. Ces amendements visent à le rehausser à 80 euros et à fixer un plancher de 50 euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous avez raison : la carte grise constitue la seule ressource fiscale pilotable réservée aux régions. Je suis favorable au premier amendement, dont l’adoption donnera de la liberté aux régions ; en revanche, je suis défavorable au deuxième : le plancher obligerait les régions à lever un impôt même si elles n’en ont pas besoin.

M. Philippe Lottiaux (RN). C’est ubuesque : la commission a voté hier l’article 13 qui prévoit des taxes délirantes sur les véhicules, à cause desquelles les Français achètent de moins en moins de véhicules, et les recettes diminuent. Or voici que nous créons d’autres taxes pour compenser cette baisse : le serpent se mord la queue…

L’amendement I-CF1450 est retiré.

La commission rejette l’amendement I-CF1440.

Amendement I-CF918 de M. Julien Gokel

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Mieux vaudrait rediscuter les contrats de concession.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1665 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il vise à élargir aux jets privés l’assiette de la taxe sur le transport aérien de passagers et à augmenter son barème, en distinguant les destinations européennes des destinations extra-européennes en vertu du principe du pollueur-payeur. Avec quarante fois plus de CO2 par passager que le train, l’avion est un des modes de transport les plus émetteurs ; c’est aussi un des plus inégalitaires. Cette mesure pourrait rapporter 1 milliard d’euros, somme que l’Afitf, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, pourrait investir dans la décarbonation du secteur aérien et du secteur ferroviaire. Le bénéfice serait à la fois social et environnemental.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Après la taxe sur les yachts, revoilà la taxe sur les jets privés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF557 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). Les émissions des jets privés ont augmenté de 46 % en cinq ans, pour effectuer des trajets parfois dérisoires – certains vols font 50 kilomètres. Pendant que des millions de Français réduisent leurs déplacements et subissent la hausse des prix des carburants, quelques privilégiés multiplient les vols ultracourts, et laissent une empreinte carbone démesurée.

Le présent amendement vise à faire payer l’usage de jets privés – immatriculés ou non en France, loués ou possédés – en fonction de leurs émissions. L’assiette sera constituée du volume de CO2 dans l’espace aérien. Les technologies pour le mesurer existent : tous les jets sont identifiés, on connaît leur trace, on peut calculer le volume des émissions et les taxer en conséquence. C’est une question de justice écologique et fiscale.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La loi de finances 2025 a fiscalisé les équipements concernés, en les intégrant à l’assiette du tarif de solidarité de la taxe sur le transport aérien de passagers. Le tarif s’élève à 420 euros par embarquement vers l’Europe, à 1 015 euros vers une destination située à moins de 5 000 kilomètres et à 2 100 euros au-delà. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Si vous taxez les aéronefs qui passent au-dessus de la France, ils n’arrêteront pas de voler ; ils vont juste contourner, donc allonger leurs trajets et émettre plus de CO2. C’est contre-productif.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Étant donné la place centrale de la France en Europe, il est évident qu’ils ne feront rien de tel !

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1597 de M. Éric Ciotti et I-CF1528 de Mme Christine Arrighi (discussion commune)

M. Gérault Verny (UDR). L’amendement I-CF1597 vise à baisser fortement les taxes sur le transport aérien, qui renchérissent le prix du transport – elles représentent jusqu’à 37 % du prix d’un billet low cost. Pour ceux qui gagnent très bien leur vie, elles sont indolores mais, pour les classes populaires, qui ont autant le droit de voyager que les autres, elles rendent l’avion inaccessible.

Mme Christine Arrighi (EcoS). La TSBA, la taxe de solidarité sur les billets d’avion, est moins chère en France que dans les autres pays européens : je propose de la rapprocher du niveau standard. Ce rehaussement constitue une mesure de cohérence et de justice environnementale à même de produire 663 millions d’euros de recettes supplémentaires. Les territoires d’outre-mer continueraient à bénéficier d’un tarif minoré, en application de l’article 30 de la loi de finances de 2025.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. M. Verny veut baisser les taxes sur le transport aérien, Mme Arrighi veut les augmenter, nous n’arrêtons pas de changer les règles – or les industriels ont besoin de stabilité. Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il y a trois ans, j’ai défendu un amendement similaire et vous m’avez opposé le même argument mais, entre-temps, vous avez augmenté la TSBA pour prendre en compte la situation, et comme les effets sociaux et environnementaux du dérèglement climatique continuent de s’aggraver, je parie que dans deux ou trois ans, nous la relèverons.

M. le président Éric Coquerel. Je proposerais volontiers la même stabilité pour les lois sociales.

M. Matthias Renault (RN). Je ne vois pas bien ce que la question sociale vient faire là-dedans ni pourquoi on parle de justice environnementale pour justifier de taxer davantage les billets d’avion. Au contraire, dans cette volonté d’augmenter les taxes, de décourager le tourisme de masse, je lis un désir de revanche sociale. Les classes supérieures sont un peu dégoûtées que les classes populaires et moyennes accèdent à une part de leur confort de vie en faisant de temps en temps un petit voyage. Sous couvert de justice environnementale s’exprime une forme de sadisme.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Le Rassemblement national n’arrive plus à cacher sa volonté de protéger à la fois le business, l’aviation, les pollueurs et les plus riches. Tout à l’heure, vous vous êtes opposés à la taxation des jets privés et des yachts : ne venez pas nous faire croire que vous défendez les loisirs des classes populaires. Incapables de montrer du courage politique, vous faites preuve d’une hypocrisie crasse !

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1758 de M. Romain Eskenazi.

Amendement I-CF847 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (EcoS). Il vise à instaurer une taxe annuelle sur les jets privés d’affaires en s’inspirant de la taxe sur les véhicules de société. Monsieur le rapporteur général, vous avez objecté l’instauration l’an dernier d’une taxe sur les trajets en jet privé, mais la TSBA ne touche que les trajets commerciaux, pas la détention des aéronefs. Il y a donc un énorme trou dans la raquette : le jet de Bernard Arnault, par exemple, n’est pas assujetti à la TSBA – c’est un vrai problème.

Au niveau mondial, les émissions produites par des jets privés ont bondi de 46 % en cinq ans ; en France, 106 000 vols ont été effectués en 2023 et près de 45 % d’entre eux étaient intérieurs. Cette taxe est donc une mesure écologique, car elle limitera l’usage du mode de transport le plus polluant ; budgétaire, car elle dégagera des recettes supplémentaires ; sociale, car on ne peut demander des efforts à presque tous, en épargnant les rares qui volent au-dessus des nuages.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1721 de Mme Mélanie Thomin.

Amendement I-CF419 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). Seuls 2 % de la population mondiale prennent l’avion et moins d’un tiers des Français le font au moins une fois par an. Arrêtez de parler des classes moyennes et populaires quand vous voulez refuser de taxer les plus riches !

L’amendement I-CF419 tend à augmenter la taxe annuelle sur les engins maritimes à usage personnel (Taemup). Inchangée depuis des années, elle est désormais déconnectée de la réalité économique et environnementale du secteur.

Les grands yachts sont responsables d’impacts écologiques considérables, notamment à cause de leurs émissions : taxons-les pour pouvoir investir dans la propulsion vélique.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF560 de M. Mickaël Bouloux, I-CF637 de M. Aurélien Le Coq et I-CF340 de M. Max Mathiasin (discussion commune)

M. Mickaël Bouloux (SOC). Il faudrait à un Européen ordinaire 585 ans pour émettre autant de dioxyde de carbone qu’un propriétaire de yacht en un an. La France dispose du deuxième espace maritime mondial : elle doit être exemplaire. C’est pourquoi l’amendement I-CF560 vise à instaurer une taxe sur les émissions de CO2 des yachts les plus puissants. Nous avons tous les outils, notamment les balises, pour calculer le montant de cette taxe, écologique et juste. La transition énergétique ne peut être à deux vitesses ; elle doit aussi concerner les plus privilégiés. Enfin, cette mesure encouragera le choix d’autres modes de propulsion, vélique par exemple.

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Nous défendons ici la création d’une taxe sur les yachts de luxe et sur les navires de croisière. Un paquebot qui fait escale dans un port français émet 200 tonnes de dioxyde de carbone, soit autant que 16 000 Français pendant une journée. Du point de vue écologique, c’est une question de bon sens.

M. Michel Castellani (LIOT). L’amendement I-CF340 tend à réduire de 50 % la taxe de solidarité sur les billets d’avion pour les vols vers et au départ des territoires d’outre-mer et de la Corse.

L’an dernier, nous avions déposé un amendement comparable ; la ministre nous avait expliqué que nous attendions une réponse de Bruxelles – le délai me semble un peu long.

Dans ces aires géographiques, l’avion est un moyen de transport incontournable. De plus, la collectivité de Corse subventionne fortement le transport aérien : il n’est pas cohérent d’aider d’une main et de pénaliser de l’autre.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sur les yachts, je vous rappelle notre malheureuse expérience collective : nous les avons tellement bien taxés qu’ils ont disparu. Cela ne fonctionne pas. Avis défavorable aux deux premiers amendements.

Même avis sur le troisième : le problème de l’avion en Corse, c’est qu’il n’y a pas de concurrence. Instaurez-la, les tarifs baisseront.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Nos collègues de gauche mesurent-ils les impacts économiques des mesures qu’ils défendent ? La création d’une taxe sur les navires de croisière et les grands yachts part peut-être d’une bonne intention mais son seul effet sera de décourager les navires de mouiller sur les côtes françaises. Les conséquences sur le secteur du tourisme – hôtellerie et restauration par exemple – seront néfastes, en particulier sur l’emploi ; dans certains départements, toute une industrie vit de la présence de ces navires.

M. le président Éric Coquerel. Je remarque que, pour aller vite, nous examinons seulement l’aspect financier, et non la dimension écologique. Or la catastrophe que nous connaissons impose de changer d’urgence nos modes de consommation. Le bilan carbone des grands yachts est catastrophique. La question n’est pas de savoir s’ils iront en Italie ou ailleurs. Même problème pour les jets, tout aussi polluants vu le nombre de leurs passagers.

L’an dernier, pour la première fois, les émissions de CO2 ont moins baissé que les années précédentes. Nos engagements en faveur de la décarbonation, notamment l’accord de Paris, ne seront pas crédibles si nous ne remettons pas en cause ces pratiques. À défaut de les interdire, on peut les taxer, au moins pour financer les politiques écologiques, dont les crédits ont diminué l’an dernier. La dette écologique n’est pas négociable. Celle-là, nous en serons redevables envers les générations à venir.

M. Paul Midy (EPR). Il est essentiel d’arriver au zéro carbone en 2050. Mais il existe une autre voie : l’écologie du progrès. Je salue par exemple Beyond Aero, PME française innovante, qui travaille à la conception d’un avion zéro carbone à hydrogène. L’an dernier, elle a fait voler dans le ciel français l’équivalent d’un jet et dans quelques années, ce modèle pourra transporter plusieurs personnes sans émettre de carbone. Il faut consacrer des moyens au soutien aux entreprises innovantes.

M. le président Éric Coquerel. Vous auriez dû voter pour l’amendement sur la propulsion vélique hier…

M. Christophe Blanchet (Dem). Lorsque nous avons voté la taxe sur les yachts, c’était pour récupérer 30 millions d’euros. Résultat, on a récupéré 30 000 euros et il ne reste que trente yachts concernés. De plus, tout l’écosystème économique de ces navires a disparu depuis.

J’entends l’argument écologique mais je préfère parler du développement durable, qui englobe l’écologie, l’économie et le besoin de stabilité. Certes, nous produisons 477 millions de tonnes de gaz à effet de serre mais la Chine en produit 16 800 millions et les États-Unis 8 000 millions. Nous devons être vertueux mais, si nous adoptons une telle mesure, les navires concernés iront là-bas, et nous n’aurons pas sauvé la planète.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Il n’y a rien de plus contagieux que l’exemplarité.

M. Kévin Mauvieux (RN). Contrairement à vous, monsieur Sitzenstuhl, je ne pense pas que les écolos ignorent l’incidence économique d’une taxe sur les yachts. Lors du meeting de rentrée du RN à Bordeaux, j’ai été ravi de constater l’accueil que le maire de Bordeaux avait réservé à un beau navire de croisière : ils savent très bien que l’économie locale en a besoin. Entre la démagogie parisienne et la réalité du terrain, il y a un monde. Ce débat ne sert à rien.

On entend les mêmes arguments depuis une demi-heure. Il était pourtant question d’accélérer si les amendements étaient rejetés…

M. le président Éric Coquerel. Que nous accélérions ne m’empêche pas de donner la parole plus longuement lorsque les gens ont envie de s’exprimer sur un thème en particulier. Sur celui-ci, il était utile d’échanger des arguments.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1128 de M. Philippe Bolo.

Amendement I-CF1077 de M. Jiovanny William

M. Christian Baptiste (SOC). La responsabilité élargie du producteur (REP) est un pilier essentiel de la politique de transition vers une économie circulaire dans le secteur du bâtiment. Selon le principe du pollueur-payeur, les producteurs, importateurs et distributeurs prennent en charge la fin de vie de leurs produits et matériaux de construction. Avec 21 millions de tonnes de déchets par an, la filière mobilise un large écosystème : producteurs, éco-organismes agréés par l’État, opérateurs de collecte, de transport et de traitement des déchets et entreprises de travaux.

Dans un contexte de refondation de la filière, cet amendement tend à favoriser la transparence et la traçabilité des contributions financières, conditions de la confiance et de l’équilibre du système.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. On ne sait pas très bien à quoi se rapporte la taxe que vous voulez créer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1494 de M. Sébastien Peytavie

M. Tristan Lahais (EcoS). Suivant les recommandations du rapport d’information du Sénat sur l’application de la loi Agec, il vise à instaurer une taxe en amont sur les produits manufacturés qui ne dépendent d’aucune filière de récupération. La tarification incitative en matière de déchets, censée encourager la réduction et le tri, a aussi creusé voire provoqué des inégalités. En effet, en liant le coût du service à la quantité de déchets produits, elle fait peser une part croissante du financement sur les ménages alors que les plus vulnérables ont peu de marges de manœuvre pour réduire certains déchets.

Le système est donc perçu comme injuste et l’incompréhension est d’autant plus forte que le laxisme envers les premiers producteurs de déchets, les industriels, est flagrant. Pourtant, l’extraction des matières premières, leur transformation, le conditionnement et le transport des produits sont responsables de 62 % des émissions de gaz à effet de serre.

Le présent amendement tend à renforcer les obligations et les sanctions sur les industriels pour remédier à certains angles morts du principe du pollueur-payeur.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous voulez créer une nouvelle taxe. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF874 de M. Laurent Lhardit

M. Laurent Lhardit (SOC). Les navires de croisière de masse émettent plus de 7 millions de tonnes de CO2 chaque année en Europe et autant de polluants atmosphériques que 1 milliard de véhicules. Cet amendement vise à instaurer une taxe sur les billets de croisière au départ de la France, afin de compenser les conséquences de cette activité sur l’environnement. La taxe serait proportionnelle à la durée de la croisière et modulée selon la catégorie des cabines ; 15 euros par passager et par jour de croisière rapporteraient 100 millions par an à l’État.

M. Sitzenstuhl a mis en avant les bénéfices des croisières pour l’hôtellerie, mais les passagers de ces navires dorment à bord !

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le risque est d’inciter les bateaux à partir de Belgique, d’Italie ou d’Espagne, et non plus de France. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Vous me semblez sous-estimer l’attrait touristique des ports français, d’autant plus que cette taxe est bien légère…

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF320 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il tend à créer une taxe sur les passagers de navires de croisière faisant escale en France – ce qu’ils ne pourront éviter de faire –, en application du principe du pollueur-payeur prévu à l’article L. 110-1 du code de l’environnement. Ce secteur en pleine croissance émet chaque année des millions de tonnes de CO2 et d’autres polluants atmosphériques, avec des impacts majeurs sur le climat, la qualité de l’air et les écosystèmes marins.

Plusieurs grands ports européens appliquent déjà cette taxe dont la recette permettrait de financer la protection du littoral et la transition écologique du secteur, afin de compenser ses effets néfastes. Il s’agit d’une mesure juste, responsable et cohérente avec les engagements environnementaux de la France.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1605 de M. Mickaël Bouloux

M. Mickaël Bouloux (SOC). Il vise à créer sur les navires de croisière une taxe calculée en fonction des émissions de CO2. Le problème du départ ou de l’escale ne se posera pas puisqu’elle sera due dès lors que le navire passera dans les eaux territoriales françaises, qui sont les deuxièmes plus vastes du monde.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF226 de M. Nicolas Ray

M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement transpartisan, notamment cosigné par Mmes Pirès Beaune et Lingemann, vise à soutenir les aéroports de proximité. Essentiels à l’aménagement et au désenclavement de nos territoires, ils sont en danger.

Pour les aéroports de catégorie 3, qui enregistrent entre 5 000 et 5 millions de passagers, le financement des délégations de services publics (DSP) est déficitaire. L’article 133 de la loi de finances pour 2025 programme la fin de l’apurement. Lorsque les contrats de DSP seront échus, l’exploitant devra assumer ce déficit. Or la crise sanitaire a provoqué une chute du nombre de passagers, donc des recettes, mais les coûts liés à l’exécution des missions régaliennes, de sécurité notamment, sont fixes.

L’amendement vise à exclure du champ du dispositif les aéroports qui comptent moins de 1 million de passagers, en créant une catégorie intermédiaire car la catégorie 3 est trop vaste.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La création d’une nouvelle classe d’aérodromes risquerait d’être très défavorable aux petits aéroports. Ils seraient notamment exclus du bénéfice du tarif de péréquation aéroportuaire. Je vous suggère de retirer votre amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF450 de Mme Mathilde Hignet

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis opposé à l’approche punitive. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1060 de M. Jean-Luc Fugit et I-CF692 de M. Peio Dufau (discussion commune)

M. Jean-Luc Fugit (EPR). Le secteur du transport de marchandises a un rôle essentiel à jouer pour atteindre nos objectifs climatiques, mais la transition ne peut reposer sur les seuls transporteurs. Ils ont déjà entamé la mutation de leur flotte pour privilégier les moteurs à faibles émissions de CO2 et de polluants de proximité tels que les oxydes d’azote et les particules fines.

Les chargeurs, c’est-à-dire les donneurs d’ordre, qui orientent la demande, sont des acteurs déterminants : ils peuvent tirer toute la chaîne logistique vers des solutions plus durables.

Le présent amendement tend donc à créer une contribution climat pour les chargeurs de plus de 250 salariés. Elle sera modulée en fonction de leur volume d’activité et de leur niveau d’engagement dans la transition. C’est incitatif et non punitif.

Il s’agit à la fois de responsabiliser tous les acteurs de la chaîne logistique pour encourager les pratiques de transport plus vertueuses, et de dégager des ressources pour accélérer la décarbonation du secteur.

M. Peio Dufau (SOC). L’amendement I-CF692 vise à créer une contribution climat pour les chargeurs. En effet, il faut les responsabiliser et les inciter à contribuer à la transition, que les transporteurs ne peuvent assurer seuls, en favorisant un report vers le ferroviaire et vers le fluvial. C’est le seul moyen pour faire changer les pratiques.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette contribution affectera les entreprises, donc les consommateurs. De plus, une taxe nationale à l’importation serait contraire au droit européen. Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF421 de M. Éric Coquerel

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il tend à instaurer une taxe kilométrique afin que le prix des produits importés prenne en compte leur coût écologique. Cette mesure favorisera la production locale et les circuits courts. Elle contribuera donc à défendre nos agriculteurs en luttant contre la concurrence déloyale.

Monsieur le rapporteur général, n’objectez pas que nos amendements tendent à créer de nouvelles taxes. L’article 21 prévoit d’introduire une nouvelle taxe ; il est logique que les amendements portant article additionnel après l’article 21 visent à en faire autant.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je confirme qu’il n’est pas obligatoire de toujours créer de nouvelles taxes. En l’occurrence, il s’agirait là d’une taxe nationale à l’importation, ce que le droit européen interdit. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Le tout est de savoir si c’est indispensable dans la situation dans laquelle nous sommes. Si nous voulons relocaliser l’industrie et renforcer notre souveraineté agricole vis-à-vis des accords de libre-échange, nous ne pouvons attendre que l’Union européenne agisse, car les États membres allant dans ce sens sont loin d’être majoritaires.

Il s’agit donc d’un excellent amendement : c’est une mesure d’urgence qui me paraît d’autant plus essentielle que M. Trump nous a fait entrer dans une bataille politico-économique entre blocs. Nous aurons du mal à résister si nous ne défendons pas notre économie d’une manière ou d’une autre.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est un amendement intéressant, qui s’inscrit d’ailleurs dans la vision localiste du Rassemblement national. Cela étant, le décompte des kilomètres comprend-il aussi ceux parcourus par les produits importés sur notre territoire national ? Je pense à nos outre-mer, car on peut imaginer qu’un produit européen entré dans l’Hexagone peut ensuite être réexporté jusqu’à eux.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Peut-être devrons-nous revoir la rédaction de l’amendement, mais il est évident qu’il n’y aurait pas de taxe au sein du territoire français et que les outre-mer ne seraient pas concernés.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Comment une telle taxe s’insérerait-elle dans les droits de douane existants ? Et avons-nous une étude d’impact sur l’augmentation des prix attendue avec un tel dispositif pour le consommateur final ?

M. le président Éric Coquerel. À ma connaissance, il n’existe pas d’étude d’impact. S’agissant des prix, vous savez que nous sommes favorables à un blocage des prix – nous l’assumons –, aussi ne faut-il pas considérer l’amendement en tant que tel.

Pour répondre aussi à M. Tanguy, il est clair qu’il s’agit d’un amendement d’appel. Le dispositif est à affiner, mais il permettrait d’envoyer un message. Dans la situation dans laquelle nous sommes, devons-nous continuer d’importer des produits concurrents qui sont moins-disants sur le plan social et écologique, et dont nous savons qu’ils ont des conséquences pour notre industrie et notre agriculture ? Nous pensons que non.

M. Sylvain Maillard (EPR). Cet amendement est très important en ce qu’il tend à envoyer un message politique. Ce qu’il contient, cela s’appelle la TVA sociale. Nous en parlons depuis très longtemps et chacun y va de son dispositif, mais c’est bien de cela qu’il s’agit.

Comment cette mesure s’appliquerait-elle concrètement ? Comment définissez-vous le montant de la taxe quand il y a plusieurs produits dans un même colis ? Y a-t-il une différence s’il est transporté par la mer ou par les airs ? Cette proposition aurait un impact très fort sur nos concitoyens et mérite un vrai débat.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Pour répondre à M. Tanguy, tel que je lis l’amendement, oui, toutes les distances parcourues au sein du territoire national seraient comptabilisées.

Ensuite, je répète que cette proposition est contraire au droit européen et donc qu’elle serait inopérante. On peut disserter, mais c’est ainsi qu’elle serait considérée. Le cas échéant, il faudrait convaincre le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Vous êtes nombreux à critiquer cet amendement, mais même au niveau européen, on comprend qu’il va falloir faire quelque chose. Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) relève d’ailleurs de la même logique, sauf qu’il est inopérant, critiquable et contournable, notamment parce qu’il ne permet de taxer que les matières premières et non les produits assemblés, comme les voitures. Le dispositif que nous proposons ici, lui, serait opérant et je répète que sa logique est désormais admise par vos alliés européens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement de suppression I-CF974 de M. Anthony Boulogne

M. Anthony Boulogne (RN). Pas de surprise : l’article 22 introduit une taxe – encore une –, inventée par un gouvernement qui ne sait plus rien faire d’autre que de ponctionner les Français. En l’occurrence, on nous dit que c’est pour lutter contre la concurrence déloyale asiatique. Le slogan est louable, mais cette mesure purement fiscale n’aura en réalité aucun effet ni sur le dumping, ni pour la protection des commerces. En fin de compte, ce ne sont pas les plateformes étrangères qui paieront, mais les consommateurs français, à commencer par les plus modestes, ceux-là mêmes qui n’ont parfois d’autre choix que d’acheter à bas coût sur des plateformes, s’étant appauvris à cause de vous ces dernières années.

Cette taxe de 2 euros par article – je dis bien par article – sera une double peine, injuste socialement et inutile économiquement. Elle ne changera rien aux déséquilibres du commerce mondial, mais frappera encore un peu plus ceux qui travaillent et subissent la vie chère. J’y insiste, après huit années de gabegie financière macroniste, le gouvernement tente de combler ses erreurs en vidant les poches des classes moyennes et populaires. Nous le refusons. Arrêtez de dépouiller les Français avec vos taxes !

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Une telle taxe, et c’est d’ailleurs toute la différence avec la proposition précédente, sera introduite au niveau européen : tous les pays en sont d’accord.

De plus, on ne peut nier le véritable déferlement de petits colis en provenance de Chine, lequel constitue une menace très grave pour notre commerce et notre industrie textile.

J’applaudis donc l’Union européenne de travailler sur cette question. Certes, le montant de 2 euros par article n’est pas à la hauteur de l’enjeu, mais cela reste préférable à la suppression de cet article.

M. Paul Midy (EPR). Je suis très étonné de la position du Rassemblement national. Nous savions que votre programme était pro-russe ; nous nous demandons maintenant s’il n’est pas aussi pro-chinois, étant donné que votre amendement tend à protéger Shein et Temu au détriment des entreprises françaises et européennes. La mesure prévue à l’article 22 est censée protéger ces dernières, particulièrement les petits commerçants implantés dans nos territoires et nos centres-villes, sans oublier qu’elle est bénéfique pour la transition écologique.

Par cet amendement de suppression, vous faites vraiment fort et je me demande par quelle pirouette vous allez justifier de protéger ainsi des entreprises chinoises. En ce qui nous concerne, nous défendons vraiment la souveraineté française et européenne.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous ne voterons pas en faveur de la suppression de l’article, mais tenons à souligner l’immense hypocrisie de cette taxe. Il est évident que la fast fashion pose un très grand problème, tout comme l’importation à outrance, dans le contexte d’une mondialisation délirante qui n’a aucun sens social et écologique. Il n’en demeure pas moins qu’au cours des huit dernières années, vous avez soutenu les installations de méga-entrepôts Amazon partout sur le territoire, en votant des textes qui les favorisent. C’est notamment le cas du projet de loi de simplification de la vie économique, qui dézingue le ZAN (zéro artificialisation nette) pour mieux faciliter l’installation de telles structures. Par ailleurs, vous n’avez rien fait pour protéger les petits commerces.

Cette taxe de 2 euros ne changera rien aux modes de consommation, dans la mesure où l’écart de prix est trop important entre une robe Shein et une robe en vente dans un petit commerce français. Par surcroît, cette somme supplémentaire touchera avant tout les classes populaires, qui n’ont d’autre choix que de recourir à ces plateformes.

Cette mesure est donc hypocrite ; vous ne proposez rien de structurel pour véritablement endiguer les causes de la fast fashion et de la surconsommation.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous n’avons pas de leçon de stratégie à recevoir de la part des macronistes. Rassurez-vous, notre électorat comprendra très bien qu’il s’agit une fois de plus de les taxer et que cette mesure ne sauvera aucun petit commerce.

Vous l’avez dit vous-mêmes, le montant de cette taxe est insuffisant et, surtout, il sera très facile de s’y dérober. Les entreprises concernées auront un « ami » européen – ils sont nombreux – qui trichera et sera ravi d’être le larbin de la Chine pour importer et réexporter sur le marché intérieur. Ou alors, il suffira que les Chinois installent un faux entrepôt ou une fausse entreprise, où ils conduiront une minable opération, afin de contourner la taxe et d’acheminer les mêmes petits colis en France.

Tout cela n’a donc aucun sens et revient à affronter la mondialisation avec des excuses bidon. Si vous croyez que vous allez faire peur à la Chine avec cette taxe sur les petits colis, c’est vraiment ridicule et de mauvaise foi ! Une fois de plus, vous allez taxer les familles modestes sans rien résoudre par ailleurs.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF1859 de M. Philippe Juvin et I-CF1775 de M. Laurent Wauquiez

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La question soulevée à cet article 22 est très complexe, car nous voulons répondre à des objectifs parfois contradictoires.

Premièrement, le petit commerce et l’industrie textile s’écroulent, en raison d’un déferlement de produits étrangers.

Deuxièmement, dans la mesure où il y a un accord européen en la matière, nous avons le droit d’introduire une taxe sur les petits colis. Or, si nous en créons une très élevée, nos colis n’atterriront plus à Roissy mais à Liège, et nous tuerons nos plateformes logistiques. Il faudrait donc que la même taxe s’applique partout.

Troisièmement, la taxe doit être suffisamment élevée si nous voulons sauver le petit commerce ; il est évident que 2 euros ne compensent pas la différence de prix avec les plateformes.

Quatrièmement, il y a l’effet du dispositif sur le consommateur.

Je l’ai dit, tous ces éléments sont contradictoires, mais nous ne pouvons pas ne pas agir. C’est pourquoi je propose cet amendement qui, je le dis d’emblée, est imparfait et demande à être affiné. Je suggère une taxe élevée de 25 euros par article – montant qui peut être revu – et qui s’appliquerait non à chaque colis individuellement, mais aux sociétés mettant en relation les vendeurs et les acheteurs, en fonction du nombre de paquets gérés. De cette manière, il n’y aurait plus d’intérêt à faire atterrir les produits en Belgique plutôt qu’en France.

Ces amendements sont une manière de faire progresser le débat. Je suis prêt à entendre toutes vos propositions d’amélioration technique, mais il faut absolument que nous avancions dans ce domaine.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Issu d’un territoire rural, j’insiste sur le fait que ces amendements pleins de bon sens permettraient de protéger nos commerces qui, eux, fournissent un service de qualité et de proximité à nos concitoyens et maintiennent le lien social et la vie dans les zones rurales. Votons cette taxe de 25 euros par article : ce serait un bon début pour aider nos territoires.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Shein s’apprête à s’installer aux Galeries Lafayette de Limoges ; l’enjeu dépasse donc les colis et cette taxe ne résoudra rien pour les classes populaires, qui seront les premières touchées étant donné que ce ne sont pas les très riches qui achètent des produits bas de gamme fabriqués à l’autre bout du monde.

Au fond, la vraie question que devrait se poser notre commission, particulièrement à l’occasion d’un budget tel que celui-ci et dans un moment de crise comme celui que nous connaissons, est celle du travail et des moyens de consommer correctement.

Nous devrions aussi nous interroger sur les besoins artificiels de consommation créés par une publicité incessante et envahissante, source de dépendance à des marques dangereuses aussi bien pour l’écologie que pour nos commerces.

Comment pourrions-nous réguler l’installation de boutiques telles que celle que Shein ouvrira à Limoges puis dans toutes les autres villes, où elles concurrenceront de plein fouet nos magasins ?

M. Guillaume Kasbarian (EPR). D’abord, pouvons-nous nous assurer qu’une telle taxe, fortement rehaussée à 25 euros par article, ne sera pas contournée par l’installation d’entrepôts en Belgique ou en Allemagne ? Ne risquons-nous pas de développer une activité logistique concurrente chez nos voisins pour un nombre inchangé de colis chez nous ?

Ensuite, l’Union européenne elle-même élabore une taxe harmonisée, dont un quart du produit pourrait nous être reversé. En introduisant un dispositif franco‑français au rendement nul, ne nous priverons-nous pas d’une ressource à venir issue d’une taxe qui, elle, ne pourra être évitée et dont nous percevrons un quart du produit ?

M. Charles de Courson (LIOT). Le problème vient de l’exonération de tout droit de douane en deçà de 150 euros. En l’occurrence, 80 millions de colis par an ont une valeur déclarative moyenne de seulement 7 euros – ce chiffre figure dans l’étude d’impact –, ce qui suggère une fraude massive à la TVA. Dans ces conditions, ne faudrait-il pas renoncer à cette taxe sur les petits colis, qui ne servira à rien ? Car si une majoration de 2 euros pour un colis de 7 euros est significative, elle devient epsilonesque si la valeur réelle de la marchandise est de 100 ou 150 euros. Notre combat au niveau communautaire ne devrait-il pas plutôt porter sur l’abolition de cette franchise de 150 euros et l’application du droit commun pour tous les colis ?

M. Corentin Le Fur (DR). Je salue le travail du rapporteur général. Par définition, une taxe n’est jamais parfaite et nous devons collectivement trouver le moyen de la rendre aussi efficace que possible. On ne peut se résoudre à l’impuissance quand on voit la concurrence déloyale d’entreprises comme Shein ou Temu, ainsi que la surconsommation que les groupes chinois provoquent dans notre pays.

Avez-vous estimé le rendement de cette taxe ? Je suis d’accord avec M. Kasbarian, un dispositif communautaire serait plus pertinent, mais en instaurer un dès à présent en France enverrait un bon signal à nos concitoyens et inciterait l’Europe à agir plus efficacement.

M. Erwan Balanant (Dem). Je suis sensible au point de vue de M. de Courson sur l’exonération de droits de douane pour les colis d’une valeur inférieure à 150 euros.

Par ailleurs, vous dites que le paiement de la taxe n’incomberait pas aux clients, mais à la plateforme. Par exemple, il reviendrait donc à Amazon de s’en acquitter. Mais que fera cette entreprise, le cas échéant ? Elle répercutera ce coût sur le client ou sur le fabricant du produit. Dans les deux cas, nous ne réglons donc pas la question.

De plus, comme l’a dit Mme Maximi, les plateformes visées par cette proposition s’apprêtent à ouvrir des magasins. À cet égard, je ne vois pas comment une telle taxe pourrait avoir une incidence sur les choix des consommateurs. Le surcoût de 2 euros prévu par le texte initial me laissait penser qu’il revenait au client, ce qui pouvait l’inciter à faire un autre choix.

M. Matthias Renault (RN). Je suis surpris par cette proposition des Républicains visant à instaurer une taxe de 25 euros par colis, dont le seul effet réel serait de pénaliser le secteur de la logistique en France. L’objectif recherché par l’amendement est louable, mais il faut trouver un autre moyen de l’atteindre. Comme l’a dit M. de Courson, le problème de fond est celui des tarifs douaniers.

Par ailleurs, nous oublions l’importance des accords postaux, établis dans le cadre de l’Union postale universelle et qui impliquent le subventionnement de l’importation de produits venus de nombreux pays – parmi lesquels la Chine jusqu’en 2019 – par l’intermédiaire des tarifs terminaux de La Poste. Cette aide au développement qui ne dit pas son nom pourrait aussi être remise en cause.

Enfin, il serait judicieux de réfléchir à l’introduction d’une nouvelle catégorie de pratiques anticoncurrentielles – en plus de l’entente et de l’abus de position dominante – concernant ces produits importés par colis. En effet, nombre d’entre eux sont des malfaçons et ne respectent pas nos normes.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Je précise que l’Union européenne a bien la volonté d’introduire une taxe sur les colis à compter du 1er janvier 2027. Nous ne serons donc en avance que d’un an.

Si, contrairement aux États-Unis, nous ne passons pas par la TVA ou les droits de douane, c’est en raison du volume. Car si nous estimons que cette taxe rapportera 1,6 milliard d’euros, c’est parce que nous recevons 800 millions de paquets par an rien que de Chine. Imposer un prix unique de 2 euros par colis permet de grandement simplifier les opérations douanières – même si la réflexion est encore en cours.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Entendons-nous bien : ces amendements visent à répondre à une situation politique gravissime. Le pire serait de ne rien faire.

Au fond, M. Kasbarian a raison. L’idéal serait une taxe européenne unique et suffisamment élevée, c’est-à-dire supérieure à 2 euros – montant que la France, le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas adopteront le 1er janvier prochain ; ce sera insuffisant.

Comment fonctionnerait le dispositif que je propose et qui cible plutôt la Chine, même si les amendements ne le disent évidemment pas ? La taxe toucherait les plateformes qui déclarent un chiffre d’affaires en France et qui, ne serait-ce que pour des raisons fiscales, en l’occurrence de TVA, sont obligées de déclarer combien de colis elles reçoivent dans notre pays. Voilà la base sur laquelle le dispositif s’appliquerait.

Cela étant, je reconnais qu’il faudrait l’évaluer. Ce que je demande, c’est l’adoption de ces amendements afin que nous ayons ce débat très complexe en séance avec le gouvernement. L’année prochaine, 6,5 milliards de colis arriveront de Chine en Europe. Si nous ne faisons rien, nous n’aurons plus qu’à fermer les boutiques !

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF719 de M. Antoine Vermorel-Marques

M. Antoine Vermorel-Marques (DR). Cet après-midi, plusieurs membres de la mission d’information sur les contrôles des produits importés en France dans le cadre des politiques de réciprocité se rendront à Roissy. Nous assistons en effet à un important changement de stratégie de la part des importateurs qui, avant, utilisaient des cargos et des conteneurs, et qui, désormais, fraudent massivement en envoyant de petits colis dont le taux de non-conformité est proche de 50 %. Le meilleur exemple est celui de l’iPhone 17, généralement déclaré au prix de 80 euros quand il arrive de Chine dans un petit colis, alors qu’il en vaut 1 700. Aussi bien les douanes que la DGCCRF – direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – nous appellent à une action systémique.

À la période de désindustrialisation va succéder une période de décommercialisation. Les États-Unis en ont pris conscience, raison pour laquelle, depuis le 30 juillet, ils appliquent des droits de douane ou des taxes de l’ordre de 50 % sur les produits inférieurs à 100 dollars. Et si nous sommes inondés de colis Shein et Temu en Europe, c’est aussi parce que les Américains ont réglé le problème chez eux. Ils n’ont plus de petits colis et sont revenus au système d’importation classique, par conteneurs, qui peut être contrôlé. Vingt-cinq pays ont renoncé à l’exportation de petits colis vers les États-Unis depuis la hausse des droits de douane.

Il est donc faux de dire que nous ne pouvons rien faire et que le mouvement est inexorable pour nos petits commerces. Lors de l’examen de la proposition de loi relative à la fast fashion de notre collègue Anne-Cécile Violland, nous avons unanimement approuvé l’introduction d’une taxe de 5 euros par article, en faveur de laquelle le Rassemblement national avait voté ; je m’étonne qu’il en vienne à se contredire.

Le présent amendement vise à préciser que la taxe prévue à l’article 22 concerne les petits colis importés, et non ceux échangés entre acteurs français.

M. le président Éric Coquerel. L’idée que nous pourrions avancer en agissant unilatéralement à la manière des États-Unis me semble particulièrement pertinente.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement et l’article 22 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements à l’article 22 tombent.

Amendement de suppression I-CF1358 de M. Aurélien Le Coq

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Pourquoi nous opposons-nous, par cet amendement de suppression, à la taxation des cigarettes électroniques ? Parce que ces dernières, si elles présentent des risques pour la santé, sont bien moins nocives que les produits du tabac et qu’elles sont, pour nombre de Françaises et de Français, le moyen d’en sortir ou de limiter leur consommation. Taxer les cigarettes électroniques risquerait d’inciter à continuer de fumer des cigarettes traditionnelles.

Quelques chiffres : 73 000 décès sont associés chaque année au tabagisme et plus d’un cancer sur trois y est lié, ce qui représente un coût de prise en charge de 27 milliards d’euros pour l’assurance maladie, soit 13,4 % des dépenses. Ainsi, non seulement la taxe aura un effet contre-productif sur la santé, mais elle pèsera d’abord, comme toutes celles sur la consommation, sur les plus pauvres et les plus précaires.

Nous présumons que vous êtes invités à prendre cette mesure par l’intense lobbying de l’industrie du tabac, qui cherche à protéger ses bénéfices.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’Union européenne imposera l’instauration d’une accise sur les produits du vapotage d’ici à 2028, laquelle devra d’ailleurs être supérieure au niveau fixé par l’article 23. Avis défavorable.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Cela vous étonnera peut-être mais, pour la première depuis le début de l’examen du budget, je serai d’accord avec le groupe LFI. Je précise que j’associe Guillaume Kasbarian à mes propos, mais qu’il ne s’agit pas de la position de mon groupe.

Je ne comprends pas cet article. La cigarette tue des centaines de milliers de personnes chaque année et nous n’avons rien trouvé de mieux pour y remédier que des produits qui y ressemblent mais qui ne sont pas nocifs ; voilà que nous viendrions les taxer. Après avoir fumé un paquet de clopes par jour, j’ai arrêté et je fume des cigarettes électroniques. Elles sont parfois défaillantes et contiennent de la nicotine, mais c’est une question d’addiction, non de santé publique. De plus, ce qui incite les fumeurs à passer au vapotage, c’est bien que cela coûte beaucoup moins cher. Le tabac est surtaxé, coûte beaucoup d’argent. L’incitation est donc forte d’arrêter au profit d’un produit bien moins nocif.

Mme Perrine Goulet (Dem). N’étant pas soumise au lobby de la cigarette, je vais parler des jeunes, pour qui les risques liés au vapotage sont très importants, comme le montre une étude publiée sur le site d’Ameli. La nicotine – car on oublie parfois de dire que les cigarettes électroniques en contiennent – a un impact sur le développement cérébral des jeunes et présente des risques pour la santé respiratoire. De plus, il s’agit d’une porte d’entrée vers le tabagisme. C’est à ce titre que je trouve très judicieux de taxer le vapotage. Je comprends le point de vue de ceux qui souhaitent arrêter le tabac, mais il faut aussi regarder l’autre côté du spectre et éviter que les jeunes n’entrent dans le tabagisme via ces produits. En outre, la nicotine a également des effets nocifs pour les adultes.

M. Arnaud Bonnet (EcoS). Je rejoins les propos de Perrine Goulet. Nous avons d’importantes alertes au sujet de drogues qui sont en train de circuler et qui sont très accessibles aux plus jeunes. Je pense au PTC – « pète ton crâne » – qui se vend à 5 euros devant les collèges, voire les écoles primaires. Il faut absolument fermer ces portes d’accès au tabagisme, y compris celle du vapotage qui, j’insiste, représente un grave problème pour nos jeunes.

M. Charles de Courson (LIOT). Globalement, l’article 23, tel que proposé par le gouvernement, va dans la bonne direction. Le problème n’est pas la vapoteuse en tant que telle, mais ce qu’elle contient. Certaines recharges ne comprennent pas du tout de nicotine, quand d’autres en contiennent plus que des cigarettes traditionnelles. L’idée de taxer en fonction du taux de nicotine est donc cohérente – quoique complexe. Ce serait une erreur que de repousser cet article, car vapoter n’est pas nécessairement moins dangereux pour la santé que fumer.

M. Pierre Henriet (HOR). Je vous invite à consulter la note scientifique  41 de l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) sur les nouveaux produits du tabac ou à base de nicotine. M. Cazeneuve y trouvera des sources scientifiques indiquant que si les cigarettes électroniques présentent une moindre nocivité, elles peuvent néanmoins contenir plusieurs substances toxiques. Prenons donc garde au message que nous envoyons aux jeunes au sujet des véritables impacts toxicologiques du vapotage.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Nous ratons la cible, qui est la prévention des addictions. À cet égard, j’alerte sur les coupes budgétaires qui nous seront soumises en la matière dans la seconde partie du projet de loi de finances et qui concerneront aussi bien l’éducation nationale que la santé. Comment prévenons-nous la consommation ? Comment régule-t-on les bureaux de tabac, où de la publicité déguisée est visible par tous les jeunes ? Voilà les vraies questions de fond.

Je le répète, le budget que vous nous proposez réduit les moyens des départements ou encore des ARS (agences régionales de santé), c’est-à-dire les acteurs de la prévention qui interviennent en lien avec l’éducation nationale pour lutter contre toutes les formes d’addiction. On arrive trop tard pour les jeunes car vous ne consacrez pas les moyens suffisants à la prévention.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les études scientifiques montrent que si le vapotage peut aider les adultes à se sevrer – même si la nicotine a des effets négatifs sur la santé –, il peut aussi s’agir d’une voie d’entrée dans le tabagisme pour les plus jeunes. C’est pour cela que nous ne pouvons pas faire autrement que de le taxer.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1338 de M. Charles de Courson et I-CF940 de M. Ludovic Mendes (discussion commune)

M. Charles de Courson (LIOT). Ces amendements portent sur un point que nous avons déjà abordé l’an dernier : faut-il interdire la vente de sachets de nicotine ou seulement l’encadrer ? La ministre d’alors, Mme Darrieussecq, souhaitait interdire ; pour ma part, je craignais que cela ne crée un marché parallèle, ce qui est en train de se passer. Reprenant les préconisations de l’Opecst et de l’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques, je recommande de taxer les sachets dont le poids est inférieur à 16,6 milligrammes et de les interdire au-delà. La vente aux mineurs serait également proscrite, la diffusion de ce produit revenant donc aux buralistes.

M. Christophe Blanchet (Dem). L'interdiction, c’est bien, mais encore faut-il être capable de la faire respecter. Quand on sait que le marché de la contrebande de tabac pèse 3 milliards d’euros, pour un produit dont l’usage est légal, il paraît évident qu’il faut réguler le marché de la nicotine à usage oral. Sans cela, un marché parallèle se développera inévitablement – les structures sont déjà bien organisées. Encadrons l’usage de ce produit – interdiction de la publicité et de la vente aux mineurs, teneur minimale en nicotine – plutôt que d’essayer vainement de l’interdire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sachant que la vente des sachets de nicotine sera interdite à compter de mars 2026, j’émets un avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). À vouloir une interdiction absolue sans disposer d’aucun moyen de contrôle, vous allez faire exploser le marché parallèle. Ce serait une erreur. Mieux vaut encadrer le marché – interdiction aux mineurs, distribution exclusive dans le réseau buraliste. Adopter l’amendement fera tomber le décret qui interdit la vente à compter de mars 2026.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Je parle sous le contrôle du rapporteur général, qui est aussi médecin, mais il faut avoir en tête que le vrai danger de la cigarette n’est pas la nicotine mais la combustion des goudrons et autres. La nicotine – et donc la cigarette électronique – comporte certains dangers, notamment cardiovasculaires, mais ils sont à des années-lumière de ceux de la cigarette classique, qui cause 75 000 morts par an. Cela présente un intérêt du point de vue de la santé publique.

Je suis d’accord avec vous, madame Goulet. J’étais favorable à l’interdiction des puffs, pour des raisons écologiques mais aussi parce que leur facilité d’usage les rendait dangereux pour les jeunes. Or la lutte contre le tabagisme chez les jeunes n’implique pas forcément de taxer davantage les cigarettes électroniques ; d’ailleurs, il est normalement interdit de leur en vendre.

M. Philippe Lottiaux (RN). Comme l’a dit M. de Courson, la prohibition ne résout rien. Les pays qui ont le plus réduit leur prévalence tabagique sont d’ailleurs ceux qui ont développé des alternatives, certes imparfaites mais toujours meilleures que le tabac : la vape et les sachets de nicotine. Qu’on interdise totalement ou qu’on ne fasse rien, le résultat sera le même : tout le monde pourra acheter n’importe quoi n’importe où. L’amendement prévoit une solution encadrée avec une diffusion exclusive, un contrôle des produits et une interdiction aux moins de 18 ans. Je le soutiens pleinement.

M. le président Éric Coquerel. La même logique pourrait s’appliquer à la légalisation du cannabis, mais je n’ouvrirai pas ce débat.

La commission adopte l’amendement I-CF1338.

En conséquence, l’amendement I-CF940 tombe.

Contre l’avis défavorable du rapporteur général, la commission adopte l’amendement I-CF939 de M. Ludovic Mendes.

Amendements identiques I-CF941 de M. Ludovic Mendes et I-CF1339 de M. Charles de Courson ; amendements I-CF1340 de M. Charles de Courson et ICF1776 de M. Laurent Wauquiez (discussion commune)

M. Christophe Blanchet (Dem). Une recharge de vapoteuse contient 10 000 bouffées, l’équivalent de vingt paquets de cigarettes. Les producteurs finalisent même un produit qui atteindra 100 000 bouffées, soit 200 paquets. Réfléchissons à une fiscalisation opportune de ces produits, non seulement pour faire des recettes, mais surtout pour éviter qu’ils arrivent sur le marché et rendent nos jeunes dépendants à la nicotine et, plus tard, à d’autres substances. Cet amendement est nécessaire pour protéger la jeunesse.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement I-CF1339 a deux objectifs : simplifier la nouvelle taxe sur les liquides de vapotage et augmenter son montant par millilitre, pour des raisons de santé publique.

À l’image de vingt-quatre pays de l’Union européenne, et en prévision de la révision de la directive sur la fiscalité du tabac, le gouvernement propose de créer une taxe sur les produits de vapotage, auxquels aucune fiscalité n’était appliquée jusqu’à maintenant. Dix-neuf de ces pays appliquent un taux unique de taxation, quand le gouvernement prévoit deux taux différents en fonction de la concentration en nicotine. La complexité de ce dispositif ferait reposer le choix du niveau de taxation sur les vendeurs de produits nicotiniques. Adoptons plutôt un taux unique, beaucoup plus simple. Nous proposons de le porter à 0,15 euro le millilitre, conformément à la moyenne européenne, contre les 0,03 à 0,05 euro de la version actuelle. Si vous rejetez cette proposition, nous vous proposerons, dans un amendement de repli, une accise de 0,10 euro le millilitre.

M. Jean-Pierre Vigier (DR). Pour notre part, nous souhaitons annuler la taxation des produits de vapotage.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Je ne comprends pas cette volonté obsessionnelle de taxer la vape. Vous voulez protéger les jeunes, mais le code de la santé publique interdit déjà de leur vendre des dispositifs de vapotage. Taxer plus lourdement la vape ne fera pas moins fumer, mais la rendra moins intéressante par rapport à la cigarette classique qui, elle, pose un vrai problème. Arrêtez de vous cacher derrière des arguments de santé publique : cette surtaxation vise uniquement à remplir les caisses de l’État. C’est pourquoi je suis contre tous ces amendements, sauf celui de M. Wauquiez qui dit clairement les choses.

M. Philippe Lottiaux (RN). Autant nous sommes d’accord pour distinguer la vape des produits à fumer et pour réserver la distribution des cigarettes électroniques aux buralistes et à quelques boutiques agréées, autant la taxe à 0,15 euro le millilitre nous paraît beaucoup trop élevée pour la filière et pour les utilisateurs. De plus, la distinction entre deux niveaux de taxation paraît quasiment ingérable. Seul l’amendement de M. Wauquiez, qui vise à annuler la taxe, nous paraît pertinent.

Successivement, la commission rejette les amendements I-CF941 et ICF1339 ainsi que l’amendement I-CF1340.

Elle adopte l’amendement I-CF1776.

Amendement I-CF938 de M. Ludovic Mendes

M. Christophe Blanchet (Dem). Les produits de vapotage ont beau être interdits aux mineurs, ils sont vendus dans différents types de commerces auxquels les jeunes ont accès, en dehors des bureaux de tabac. Pour restreindre cet accès, car leur usage peut être dangereux à long terme, nous proposons d’en limiter la distribution aux commerces qui réalisent au moins 20 % de leur chiffre d’affaires avec ces produits.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 23 modifié.

Présidence de M. Philippe Brun, vice-président de la commission.

Amendements de suppression I-CF382 de M. Kévin Mauvieux, I-CF1707 de M. Emmanuel Maurel et I-CF1793 de M. Guillaume Kasbarian

M. Kévin Mauvieux (RN). Nous souhaitons supprimer cet article ayant trait à la taxe due par les services de vidéo à la demande, fiscalité historiquement affectée au CNC – Centre national du cinéma et de l’image animée – pour financer l’audiovisuel et le cinéma. Nous refusons d’entretenir, par de nouveaux aménagements fiscaux, un système de dépendance budgétaire de l’audiovisuel public et parapublic, alors que les priorités culturelles doivent être ailleurs.

M. Emmanuel Maurel (GDR). À la différence de M. Mauvieux, je suis favorable au principe de la taxe. Le problème est que l’article 24 décide subitement d’en exempter des créateurs de contenus – je pense à des plateformes infiniment contestables comme Kick ou OnlyFans, cette dernière étant l’antichambre de la prostitution. Pourquoi accorder une exemption aux redevables qui encaissent moins de 200 000 euros par an sur ces plateformes ?

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Je suis hostile à cette taxe qui renchérit le coût pour les utilisateurs, tout en augmentant les subventions du CNC. Je m’oppose donc à l’article.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le texte vise à résoudre une ambiguïté : les plateformes sont taxées alors qu’elles reversent la totalité du montant des abonnements aux créateurs de contenus. Il s’agit ici de taxer directement ces derniers, en exonérant les plus petits.

M. Paul Midy (EPR). Si j’ai bien compris, l’idée est que la taxe ne frappe pas l’ensemble des revenus – y compris ceux qui sont reversés aux créateurs de contenus, comme actuellement –, mais uniquement ceux qui sont générés par les plateformes. En bref, on ne prend pas d’un côté ce qu’on va prendre de l’autre. Ce calcul semble plus logique. Je rappelle aussi que la taxe a vocation à soutenir les créateurs. En réalité, l’article n’introduit pas de taxe supplémentaire et a un impact budgétaire neutre.

J’ajoute que les plateformes comme OnlyFans ou Mym ont un chiffre d'affaires annuel bien supérieur à 200 000 euros.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1567 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). L’article 24 prévoit de fractionner la taxe pour que les créateurs et les intermédiaires en soient redevables à proportion de ce qu’ils encaissent. Toutefois, avec un seuil d’assujettissement à 200 000 euros de revenus annuels, très peu de créateurs seront concernés et la taxe ne rapportera rien. Je propose d’abaisser ce seuil à 50 000 euros. Ce faisant, nous ne toucherons pas les créateurs d’œuvres d’art, dont le revenu est inférieur, mais des sites qui diffusent essentiellement des contenus pornographiques. Cette taxe aura un vrai rendement, ce qui permettra au CNC de renforcer et de concentrer son action sur ses vraies missions : la création d’œuvres audiovisuelles.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’abaissement du seuil risque de pénaliser les créateurs de contenus modestes. Précisons aussi que le seuil ne correspond pas aux bénéfices, mais au chiffre d’affaires.

M. Erwan Balanant (Dem). Avec un seuil à 50 000 euros, les petits créateurs seront exemptés. Je le répète, les plateformes qui réalisent vraiment du chiffre d’affaires et des bénéfices produisent des contenus pornographiques. Les créateurs sont ailleurs. Si nous ne voulons pas que le rendement de la taxe soit proche de zéro, il faut abaisser le seuil d’exemption.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1352 de M. Emmanuel Maurel

M. Emmanuel Maurel (GDR). Il s’agit de doubler le rendement de la taxe sur les services d’accès à des contenus audiovisuels à la demande comme Netflix, Amazon Prime, Disney+, etc.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement suivant vise à réduire la taxe de moitié… Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1583 de M. Éric Ciotti

M. Gérault Verny (UDR). Nous souhaitons diviser par deux la taxe sur les salaires, impôt de production dû par les entreprises sur la base non pas du profit qu’elles réalisent, mais des salaires qu’elles versent. Elle exerce une pression à la baisse sur les salaires. Surtout, elle est une caricature de ce qu’est la fiscalité française : une usine à gaz très compliquée à appliquer, qui décourage les embauches. Nous sommes contre les impôts de production en général, contre celui-ci en particulier.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement priverait la sécurité sociale de 9 milliards d’euros. À vous de juger.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je souhaite revenir sur le débat précédent. Après des taxes moralisatrices visant des comportements divers et variés, nous avons maintenant droit à un laïus sur la pornographie. Pardon, mais la pornographie est légale en France. Ça peut choquer certains, mais cessez de vous donner des prix de vertu bidon. Un jour, on ira voir les comportements ! Cachez ce sein que je ne saurais voir ! Cela fait 300 ans qu’on y a droit, c’est grotesque, et ce n’est pas vraiment l’esprit français.

La pornographie serait épouvantable, le dernier des vices ; taxons, taxons, taxons pour se donner bonne conscience et s’acheter une bonne vertu ! Sachez qu’il y a des établissements pour ça : vous pouvez faire des dons aux hospices de charité – mais je doute que ceux qui font la morale donnent beaucoup.

M. Charles de Courson (LIOT). Qui paie la taxe sur les salaires ? Toutes les entreprises qui ne sont pas assujetties à la TVA. Qui sont ces entreprises ? Essentiellement les banques et les assurances, mais aussi les hôpitaux, entre autres. Votre amendement représente un cadeau de 9 milliards dont plus de la moitié ira aux banques et aux assurances, dont je doute qu’elles en aient particulièrement besoin. Nous ne saurions y être favorables. Ce n’est pas raisonnable.

M. Erwan Balanant (Dem). L’idée n’est pas de moraliser, monsieur Tanguy. La pornographie, quand on est un grand garçon comme vous, ça ne pose aucun problème. Quand on est adulte, on fait ce qu’on veut. Mais nous avons des enfants à protéger. M. Tanguy nous donne toujours de grandes leçons et sait tout sur tout, mais quand vous parlez d’un sujet, étudiez-le. Nous sommes un certain nombre, ici, à avoir étudié les conséquences de l'exposition des enfants à des contenus pornographiques.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Quel est le rapport avec la taxe ?

M. Erwan Balanant (Dem). OnlyFans est l’antichambre de la prostitution : voilà le rapport. Je n’ai aucun problème avec la pornographie pour les adultes, mais je souhaite protéger les enfants.

M. Philippe Brun, président. Je rappelle que nous débattons d’un amendement sur la taxation des salaires.

M. Paul Midy (EPR). Plus précisément, l’article 24 porte sur la taxation des plateformes qui diffusent des contenus, comme Netflix ; il complète un dispositif de protection de la création culturelle française qui existe depuis des dizaines d’années. Cela n’a rien à voir avec la pornographie, encore moins avec la taxation des salaires.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 24 non modifié.

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Réunion du mercredi 22 octobre 2025 à 14 heures 15 (après l’article 24 à après l’article 27)

https://assnat.fr/2XWGed

La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général).

Amendement I-CF611 de M. Aurélien Le Coq ; amendements identiques ICF314 de M. Karim Ben Cheikh, I-CF614 de M. Éric Coquerel et I-CF889 de M. Philippe Brun ; amendements I-CF1194 de M. Emmanuel Maurel, I-CF1401 de M. Christophe Naegelen, ICF313 de M. Karim Ben Cheikh, I-CF547 de M. Mickaël Bouloux, I-CF385 de M. Kévin Mauvieux, I-CF1738 de M. Karim Ben Cheikh, ICF619 de Mme Nadège Abomangoli, ICF559 de Mme Dieynaba Diop et I-CF1739 de M. Karim Ben Cheikh (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). L’amendement I-CF611 vise à renforcer la taxe sur les transactions financières (TTF) en élargissant son assiette.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). L’amendement I-CF314, qui avait été adopté en commission des finances l’année dernière, vise à renforcer l’efficacité et l’équité de la TTF.

Il s’articule autour de trois propositions : l’élargissement de l’assiette aux opérations dites intraday et aux dérivés d’actions ; le relèvement du taux à 0,6 % ; et l’amélioration de la collecte de la taxe, qui serait confiée à la direction générale des finances publiques (DGFIP). Rappelons que la taxe est actuellement collectée par Euroclear sur une base déclarative : Charles de Courson, alors rapporteur général, avait souligné les limites de ce mécanisme en matière de transparence et de contrôle fiscal, voire sa fragilité juridique.

Un tel mécanisme permettrait de renforcer la justice fiscale, de mieux cibler les opérations spéculatives et surtout de moderniser le recouvrement de la taxe.

M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement I-CF1194 constitue un moyen efficace d’obtenir des recettes fiscales supplémentaires tout en répondant au sentiment d’injustice qui s’exprime à l’égard des grandes entreprises et des détenteurs de capital qui ne payent pas suffisamment d’impôts. Il vise à inclure dans l’assiette de la taxe les opérations intrajournalières – c’est important, car celles-ci représentent plus de 80 % des transactions financières –, à étendre la TTF aux produits dérivés d’actions et aux produits dérivés négociés hors des marchés réglementés, et à augmenter le taux nominal à 0,6 % – ce qui n’est pas énorme mais aurait le mérite d’accroître un peu le rendement de la taxe. Je suis sûr que cet amendement aurait un franc succès auprès de la population française !

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement I-CF1401, que nous déposons depuis plusieurs années, tend à élargir l’assiette de la TTF aux transactions intrajournalières ainsi qu’aux dérivés. Cela augmenterait considérablement le champ de cette taxe.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). L’amendement de repli I-CF313 poursuit le même objectif avec d’autres paramètres.

M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement I-CF547 est également de repli. J’insiste juste sur l’élargissement de l’assiette aux opérations intraday : qu’on ne nous dise pas là qu’il s’agit de taxer les classes moyennes ! Les opérations intraday ne concernent pas le commun des mortels. Leur taxation sera très utile pour la solidarité internationale, qui est attaquée dans ce budget.

M. Kévin Mauvieux (RN). L’amendement I-CF385 propose la création d’une taxe sur les transactions financières intraday, c’est-à-dire réalisées en moins de vingt-quatre heures, afin de lutter contre le trading à haute fréquence. Il s’agit d’une spéculation ultrarapide, déconnectée de l’économie réelle et qui ne crée aucune richesse. Elle accentue la volatilité des marchés, favorise les comportements prédateurs et détourne des milliards d’euros des circuits productifs. Cette taxe symbolise un choix clair : faire contribuer la spéculation plutôt que le travail, rétablir la justice fiscale et reprendre le contrôle sur une finance devenue folle.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). L’amendement de repli I-CF1738 vise surtout à moderniser la collecte de la TTF, dont on connaît les faiblesses, en la confiant à la DGFIP.

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Le rendement de la TTF telle que nous proposons de la modifier est estimé à près de 9 milliards. Ce n’est pas nous qui le chiffrons, mais l’Institut Montaigne.

M. Mickaël Bouloux (SOC). L’amendement I-CF559 vise simplement à modifier le taux de la taxe.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). L’amendement I-CF1739 vise à relever le taux à 0,5 % et à moderniser la collecte.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements modifient un ou plusieurs paramètres de la taxe sur les transactions financières : hausse du taux à 0,5 % ou à 0,6 % au lieu de 0,4 actuellement, élargissement de l’assiette aux opérations intrajournalières, transfert du recouvrement à la DGFIP – sans que l’on sache si elle en a la capacité.

Nous avons déjà augmenté le taux de 0,1 point l’année dernière et nous sommes dans la moyenne européenne – il est de 0,2 % en Espagne et en Italie, où il existe aussi un taux réduit. L’assiette étant volatile et sensible aux signaux, une nouvelle hausse me paraît risquée.

Les modifications d’assiette posent également des problèmes. La loi de finances pour 2017 avait déjà tenté de l’étendre aux opérations intrajournalières mais cette mesure, impossible à appliquer techniquement, avait été abandonnée l’année suivante. Par ailleurs, la taxe pèserait d’abord sur les épargnants parce qu’elle serait répercutée par les opérateurs et, in fine, sur les frais payés par les épargnants auprès des intermédiaires financiers.

S’agissant du transfert de recouvrement, il faudra interroger le gouvernement en séance sur la capacité de la DGFIP à absorber cette compétence.

De façon générale, les premiers amendements jouent sur tous les paramètres, en particulier l’intraday, les derniers essentiellement sur le taux et pas sur l’intraday. Je donne un avis défavorable à tous.

M. Charles Rodwell (EPR). Je rejoins l’argumentaire du rapporteur général et je note que le Rassemblement national et l’ensemble du Nouveau Front populaire de la gauche se sont à nouveau coalisés autour d’une nouvelle taxe.

Un chiffre résume notre position : si, au lendemain de la crise financière, le PIB des États-Unis et celui de la zone euro avaient été égaux, il y aurait aujourd’hui seize points de PIB d’écart. Cela prouve que le vrai problème pour notre pays et pour l’Union européenne tient à notre incapacité à créer de la richesse, du moins à la même échelle que d’autres pôles économiques du monde, notamment les ÉtatsUnis.

L’enjeu principal n’est pas de faire grossir la taxe, mais de faire grossir le gâteau à laquelle elle s’applique. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre cette taxation des transactions financières car nous considérons qu’elle pénaliserait l’économie française et le financement de nos entreprises.

M. le président Éric Coquerel. Je vous fais remarquer, monsieur Rodwell, qu’en favorisant le capitalisme financiarisé à outrance, y compris par la fiscalité, vous n’avez pas agrandi le gâteau. C’est cela, la conclusion des dix ans que nous venons de vivre : le niveau de croissance n’est pas bon, l’industrie baisse, l’emploi n’a pas progressé, contrairement à ce que vous dites, etc. Votre politique n’a pas eu les répercussions économiques que vous dites, et il faudrait peut-être se demander pourquoi. En revanche, elle a bien eu des répercussions sur les profits non investis, qui ont atteint des niveaux records.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Pour ce qui est du taux, je souligne que ces amendements auraient simplement pour effet de rattraper le niveau de taxation des principales places boursières, en Asie ou à Londres.

Pour répondre aux interrogations du rapporteur général sur la capacité de la DGFIP à collecter la TTF, je rappelle qu’il s’agit d’une recommandation de la Cour des comptes. Cette dernière estime que la DGFIP a cette capacité, ce qui a d’ailleurs été confirmé l’année dernière en séance par le ministre du budget.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je trouve cocasse de la part de la Macronie de nous expliquer que la taxe sur les transactions financières mettrait en danger l’économie réelle alors qu’il s’agit de taxer des phénomènes spéculatifs qui sont complètement décorrélés de l’économie réelle. Hier, le CAC40 a battu un nouveau record historique en atteignant son plus haut nombre de points ; depuis le 1er janvier, il a augmenté de 12 %. Rien dans l’économie réelle – ni la production, ni les emplois, ni les salaires – n’a augmenté dans de telles proportions.

M. Rodwell dit qu’il faudrait élargir l’assiette : c’est précisément ce que proposent ces amendements. La TTF actuelle s’applique à 600 milliards d’euros d’échange, au lieu de 4 000 milliards. Autrement dit, 85 % des transferts ne sont pas imposés.

M. Charles de Courson (LIOT). Je partage l’idée qu’il faut créer de la richesse avant de la répartir. Mais l’intrajournalier ne crée pas un euro de richesse : c’est de la spéculation pure. D’autres pays l’ont taxé sans que cela entraîne de conséquences graves.

Il faut lutter contre la spéculation pure. C’est d’ailleurs l’objet de l’amendement I‑CF1401, qui distingue selon la nature des opérations et prévoit un taux très faible, de 0,03 %, sur l’intrajournalier. Il faut arrêter cette spéculation folle. Le jour où il y aura un effondrement, comme cela est déjà arrivé, vous serez les premiers à dire qu’il faut intervenir !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je suis entièrement d’accord avec Charles de Courson. Mais, pour la bonne tenue de nos débats et dans la mesure où ces amendements sont nombreux et assez complexes, est-il possible de rappeler leurs différences avant les votes ?

Dans un état d’esprit constructif, nous voterons pour l’amendement I‑CF1401. Puisqu’on nous a expliqué, d’une manière très hypocrite, que le Parlement devait faire le budget à la place du gouvernement, prenons-le au mot : si nous arrivions à nous mettre d’accord sur un texte unique, ou recueillant l’accord le plus large possible, nous enverrions un message fort pour la séance.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tous ces amendements modifient un ou plusieurs paramètres : fixation du taux à 0,5 ou 0,6 %, élargissement de l’assiette, transfert du recouvrement à la DGFIP

Les quatre premiers amendements ainsi que le I-CF313 modifient tous les paramètres.

Les amendements suivants ne les modifient pas tous : le I-CF1194 élargit l’assiette et modifie le taux ; l’amendement I-CF1401 élargit l’assiette aux opérations intrajournalières et à certains dérivés ; le I-CF547 élargit l’assiette et transfère le recouvrement à la DGFIP ; l’amendement I-CF385 élargit l’assiette aux opérations intrajournalières ; le I-CF1738 modifie le taux et transfère le recouvrement ; le I-CF619 élargit l’assiette ; le I-CF559 fixe le taux à 0,6 % ; enfin, l’amendement I-CF1739 fixe le taux à 0,5 % et transfère le recouvrement à la DGFIP.

M. le président Éric Coquerel. Pour résumer, à partir de l’amendement I‑CF313, il s’agit d’amendements de repli par rapport aux précédents, qui sont tous issus des groupes de gauche à l’exception de l’amendement I-CF1401.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). La taxation sur les opérations intrajournalières est un sujet récurrent. On peut en effet se demander si celles-ci, qui consistent à faire des va-et-vient sur une journée, ont une véritable utilité pour l’économie.

À titre personnel, je soutiendrai l’amendement I-CF1401 car il me semble le mieux rédigé. En prenant en compte différentes hypothèses, il démontre une volonté de retrouver, sinon de la justice fiscale, du moins un équilibre, car cela assure une certaine moralisation de ces transactions.

La commission rejette successivement les amendements I-CF611, I-CF314, I-CF614, I-CF889 et I-CF1194.

Elle adopte l’amendement I-CF1401.

En conséquence, les amendements I-CF313, I-CF547, I-CF385, I-CF1738, I-CF619 et I-CF1739 tombent.

La commission rejette enfin l’amendement I-CF559.

Amendement I-CF89 de M. Fabrice Barusseau

Mme Sophie Pantel (SOC). Il s’agit de relever de 12 % à 20 % le taux du prélèvement sur la surprime « Cat nat ». Dans un contexte d’augmentation des risques de catastrophes naturelles, l’objectif est de pouvoir financer le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit “fonds Barnier”. Depuis 2021, le prélèvement est versé directement au budget de l’État. Or si le surplus tiré du relèvement récent de la surprime avait été alloué entièrement au fonds Barnier, il y aurait eu 250 millions supplémentaires pour le financement de la prévention des risques naturels.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Depuis la réforme de la Lolf (loi organique relative aux lois de finances) en 2021, il est interdit d’affecter une taxe à un fonds sans personnalité morale. Aussi, rien ne garantit que le rendement supplémentaire serait affecté au fonds Barnier. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement de notre collègue ne vise pas à affecter cette recette : elle ne fait qu’inciter le gouvernement à le faire. Cela ne pose donc pas de problème au regard de la loi organique.

Sur le fond, le problème, c’est que le fonds Barnier est en train d’exploser en raison de l’aggravation des calamités naturelles. Je suis même étonné que ce soit un parlementaire qui dépose un tel amendement : c’est au gouvernement de dire comment équilibrer le fonds Barnier. C’est par des crédits budgétaires que l’on financera l’explosion des coûts. Je suis donc favorable à cet amendement. Attendons la réaction en séance du gouvernement.

Mme Eva Sas (EcoS). Je suis favorable à cet amendement.

Sur les 510 millions d’euros que rapporte la surprime Cat nat, seuls 330 millions sont affectés au fonds Barnier. L’État se met donc dans la poche ce qui est prélevé sur les contrats d’assurance de tout un chacun et qui devrait être affecté à la prévention des risques : c’est proprement inadmissible.

Relever la part consacrée à la prévention des risques, pourquoi pas ? Mais le régime Cat nat doit rester équilibré, parce qu’il faut aussi indemniser les gens ; j’espère que ce point a été expertisé. Surtout, il faut augmenter le fonds Barnier parce que, depuis l’année dernière, la part consacrée à la prévention ne lui est pas affectée.

M. le président Éric Coquerel. C’est un problème qui court depuis des années et que l’on n’a toujours pas réglé.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Dans l’exposé des motifs, il est précisé que les recettes supplémentaires versées au budget général pourront soutenir une augmentation du fonds Barnier. Elles ne sont donc pas affectées mais le lien est fait avec les dépenses : nous devrons en parler lorsque nous examinerons la deuxième partie du budget.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF12 de Mme Sophie Panonacle

Mme Sophie Panonacle (EPR). Comme chaque année, je viens présenter un amendement portant sur la participation au financement des projets d’adaptation des territoires littoraux au changement climatique.

Les territoires de l’Hexagone, de la Corse et des outre-mer sont durement affectés, année après année, par l’érosion côtière. Celle-ci n’étant pas considérée comme un risque naturel majeur, elle ne peut bénéficier du fonds Barnier. Il faut donc trouver des solutions pour soutenir les collectivités locales sans aggraver le déficit.

Je vous propose une taxe additionnelle aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), de 0,01 %, ce qui reste relativement indolore pour un acquéreur – 10 euros par tranche de 100 000 euros. Cet amendement, soutenu par les associations d’élus locaux, a été adopté par le Parlement l’an dernier avant d’être balayé par le 49.3 et par la commission mixte paritaire. J’espère que, cette fois, cela va fonctionner !

M. le président Éric Coquerel. Comme l’an dernier, je l’appuierai.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Formellement, vous créez une taxe additionnelle aux DMTO dont vous affectez le produit à l’État, alors que les DMTO sont perçus par les collectivités territoriales.

Sur le fond, des mesures ont déjà été prises pour adapter les territoires au recul du trait de côte, avec la création d’un droit de préemption par la loi « climat et résilience » de 2021 et celle d’un bail réel d’adaptation à l’érosion côtière par l’ordonnance sur l’aménagement durable des territoires littoraux du 6 avril 2022. Avis défavorable.

Mme Sophie Panonacle (EPR). Le droit de préemption et le bail réel d’adaptation sont des outils ; ce ne sont en aucun cas des financements apportés aux collectivités locales.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Justement, la réponse est manifestement plutôt réglementaire que fiscale. De plus, le produit de la taxe additionnelle n’irait pas aux collectivités territoriales mais à l’État.

Mme Sophie Panonacle (EPR). L’objectif est de créer un fonds « érosion côtière » auquel serait affecté le produit de la taxe, mais je ne pourrai le faire qu’en deuxième partie du PLF (projet de loi de finances).

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je rappelle que ce sont les acquéreurs qui payent les droits de mutation à titre onéreux. Il me semblerait beaucoup plus pertinent de taxer les plus-values des vendeurs plutôt que de charger l’accédant, qui fait déjà un effort quand il réalise un projet d’acquisition – même si la question se pose pour les résidences secondaires. Je suis toujours très étonné que l’on demande toujours aux mêmes de payer, c’est-à-dire à ceux qui achètent, alors qu’on ne demande rien aux vendeurs qui percevront une plus-value.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF323 de Mme Claire Lejeune et I-CF1452 de M. Mickaël Bouloux (discussion commune)

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il s’agit de mieux réguler l’utilisation des animaux dans les expériences lorsque cette pratique est évitable. En 2022, la France a utilisé 1,8 million d’animaux – souris, chiens, chats, primates – dans ces expériences, ce qui fait de notre pays l’un des moins bons élèves à l’échelle européenne.

Nous vous proposons une taxe de 10 euros par animal utilisé, ciblée sur le secteur privé, non médical et non pharmaceutique – ce n’est donc pas un amendement maximaliste – pour encourager la transition vers un modèle de recherche non animal. C’est possible, car il existe des solutions alternatives. Je vous invite donc à voter cet amendement qui suscite une très forte attente, 88 % des Françaises et des Français y étant favorables.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Je propose une contribution de 1 euro par animal utilisé à des fins expérimentales afin de financer le développement de méthodes alternatives. L’objectif est donc le même que celui de l’amendement précédent mais il est plus raisonnable – les ONG avec qui j’ai discuté ne demandent pas une contribution de 10 euros ! – tout en étant responsable. Je rappelle que cet amendement, qui répond à une attente forte de nos concitoyens, avait été adopté l’année dernière, tant en commission qu’en séance.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je m’interroge sur le fait que, pour empêcher l’utilisation d’animaux, il faille une taxe. L’interdiction me semblerait plus efficace. On voit d’ailleurs que le niveau d’une telle taxe est bien difficile à définir : 1 euro, 10 euros ? Avis défavorable.

M. Emeric Salmon (RN). Encore une fois, la gauche joue à son jeu préféré : inventer des taxes. Qu’on soit pour ou contre le bien-être animal, ce n’est pas la taxe qui réglera le problème. Soit on interdit si l’on considère que ce n’est pas bien d’expérimenter sur les animaux, soit c’est utile pour la science et pour le développement de technologies et alors on l’autorise, mais il est absurde de taxer.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Je crois que l’on ne se comprend pas. La taxe est un moyen, mais l’objectif est d’accompagner une transition éthique et scientifique. Je note aussi que vous avez changé d’avis puisque, l’année dernière, vous aviez voté pour cette taxe à 1 euro, à la fois en commission et en séance.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF665 de Mme Sophia Chikirou.

Amendement I-CF14 de Mme Sophie Panonacle

Mme Sophie Panonacle (EPR). L’objectif est toujours d’abonder un fonds « érosion côtière », cette fois avec une contribution sur les plateformes de locations touristiques de courte durée – Airbnb pour ne citer que celle-ci. Il n’y a rien de choquant à demander à ces plateformes de participer à l’adaptation des territoires littoraux, qui sont particulièrement affectés par le tourisme, voire le surtourisme.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ne craignez-vous pas que cette taxe, se superposant à la taxe de séjour, ne soit en réalité directement répercutée sur les clients des plateformes ? Avis défavorable.

Mme Sophie Panonacle (EPR). Je n’ai pas parlé de taxe mais d’une contribution demandée aux plateformes. Il est hors de question d’alourdir la taxe payée par les locataires.

Mme Eva Sas (EcoS). Il n’existe aucun financement concernant le recul du trait de côte. Il est donc indispensable de commencer à constituer un fonds qui permettra d’indemniser ou de repositionner certains territoires. J’apporte mon soutien à cet amendement, qui me paraît meilleur que le précédent sur les DMTO car l’assise du financement est intéressante. De toute façon, il faut que nous réfléchissions à dégager des financements pour le fonds « érosion côtière », dont nous aurons tous besoin très rapidement.

M. le président Éric Coquerel. Les plateformes y ont d’ailleurs intérêt. Sinon, dans quelques années, elles loueront des biens non pas avec vue sur mer mais pieds dans l’eau !

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF39 de Mme Corinne Vignon

Mme Corinne Vignon (EPR). Cet amendement vise à créer une taxe comportementale sur les agences de voyages qui organisent des séjours impliquant la chasse d’espèces menacées. Alors que la France est partie prenante des conventions internationales en matière de protection de la biodiversité, il est incohérent que les opérateurs puissent continuer à tirer profit de la chasse de la faune sauvage mondiale. L’objectif prioritaire est de faire baisser cette activité par effet dissuasif.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous souhaitez créer une contribution ou une taxe sur les séjours organisés par des agences de voyage et qui impliquent des espèces dont la chasse est interdite. Je ne vois pas très bien comment cela marche. Il faut agir au niveau international pour protéger ces espèces. Quand c’est interdit, c’est interdit : il n’y a pas à réguler. Avis défavorable.

Mme Corinne Vignon (EPR). Il existe des réserves de chasse, en Afrique notamment. Il faut absolument taxer les organismes qui y organisent des séjours incluant la possibilité de chasser les espèces inscrites aux annexes A et B du règlement européen relatif à la protection des espèces.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1341 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Les articles 40 et 41 de la loi Sren (loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique) du 21 mai 2024 ont institué l’expérimentation des jeux à objet numérique monétisable (Jonum). Parmi les dispositions adoptées figure la remise d’un rapport d’évaluation dans les six mois suivant le démarrage de l’expérimentation, soit en novembre 2024. Or, à ce jour, aucun rapport n’est accessible, ce qui rend incertaine l’évaluation des risques, du succès ou des effets budgétaires de ce dispositif. Le présent amendement vise donc à assujettir fiscalement les opérateurs Jonum à une contribution de 15 % sur le produit brut des jeux et à obliger le gouvernement à remettre un rapport d’évaluation détaillé.

En un mot, une expérimentation a été lancée, on n’en connaît pas les résultats et, en attendant, ces jeux se développent sans aucune fiscalité, à la différence des autres jeux qui sont très fiscalisés.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les Jonum n’ont pas encore été évalués alors que le gouvernement s’était engagé à remettre un rapport six mois après leur création. Avant de créer un régime de taxe nouveau, il faudrait peut-être savoir ce que l’on taxe. En l’état, on n’en a aucune idée. Avis défavorable.

M. Denis Masséglia (EPR). Les Jonum, visés initialement aux articles 15 et 15 bis de la loi Sren, doivent faire l’objet d’une expérimentation de trois ans avec un bilan intermédiaire à dix-huit mois à compter de la publication des décrets. Or ces derniers ont mis longtemps à aboutir. Avant de fiscaliser – et pourquoi pas ? –, mieux vaudrait laisser d’abord l’expérimentation se dérouler.

M. Charles de Courson (LIOT). Comme vous le savez, monsieur Masséglia, puisque vous connaissez très bien ce secteur, l’expérimentation, qui remonte déjà à un an, a beaucoup de succès. Dans l’intervalle, elle ne fait l’objet d’aucune fiscalité alors que les autres formes de jeu sont très fiscalisées, encadrées et soumises à une autorité de contrôle.

Votons donc cet amendement d’appel au gouvernement et voyons ce qu’il répondra – ce ne sera peut-être pas la même chose que vous.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF77 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il vise à instaurer une taxe sur les munitions de chasse au plomb. Ce métal, toxique pour l’homme comme pour les animaux et pour l’environnement, provoque des troubles neurologiques et rénaux. En France, plus de 6 000 tonnes de plomb sont dispersées chaque année et une boîte de vingt-cinq cartouches en laisse près de 900 grammes dans la nature, contaminant le sol, l’eau et la faune. L’Agence européenne des produits chimiques recommande la suppression du plomb dans les munitions, qui en libèrent 14 000 tonnes par an en Europe. Si vous vous préoccupez des canalisations en plomb, vous devriez aussi vous occuper aussi du plomb dispersé dans la nature.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je croyais que c’était déjà interdit et je découvre que cela ne l’est manifestement pas, alors que la suppression du plomb est recommandée partout. La taxe proposée sera néanmoins toute petite, du type de celles que nous essayons régulièrement, et à grand-peine, de supprimer, le coût de leur recouvrement risquant d’être supérieur à leur produit.

Je propose d’agir plutôt au niveau réglementaire pour interdire définitivement les cartouches de fusil de chasse au plomb. Avis défavorable.

Mme Edwige Diaz (RN). Cet amendement de Mme Sandrine Rousseau illustre une fois de plus sa haine de la ruralité, des traditions et, in fine, des chasseurs. Vous voulez taxer – car vous n’avez que ce mot à la bouche – certaines munitions de chasse et vous n’hésitez pas, collègues Écologistes, à instrumentaliser la santé pour servir votre obsession antispéciste.

Les chasseurs ne sont pas des pollueurs mais des amateurs de la nature, pour laquelle ils ont beaucoup de respect et qu’ils connaissent particulièrement bien – peut-être mieux que vos députés des centres-villes.

Cet amendement illustre aussi le mépris que vous avez pour l’activité économique liée à la pratique de la chasse. Je peux vous inviter dans des boutiques de chasse de ma circonscription, qui sont déjà en grande difficulté et qui n’ont pas besoin qu’on leur rajoute une taxe qu’elles répercuteront sur leur clientèle, elle-même modeste. Je vous invite aussi à venir avec moi dans la fédération des chasseurs de la Gironde : ils vous expliqueront tout cela avec beaucoup de pédagogie.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Cet examen du budget est particulièrement utile, car il permet de démasquer le Rassemblement national. Nous pensions que Marine Le Pen était du côté des animaux – c’est en tout cas ce qu’elle se plaît à raconter. Or son groupe a voté tout à l’heure contre une taxe visant à limiter l’utilisation des animaux dans l’industrie, notamment cosmétique, où ils sont empoisonnés uniquement pour faire du fric. Le Rassemblement national a ensuite voté contre une taxe qui visait à dissuader de pratiquer la chasse touristique visant des animaux protégés et, maintenant, il vote contre une taxe destinée à éviter d’empoisonner nos campagnes avec des munitions au plomb. La réalité est claire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1031 de M. Aurélien Le Coq

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). La situation du logement en France est alarmante : 15 millions de personnes sont mal logées et 2 millions vivent dans des logements dépourvus d’eau courante, de sanitaires et de chauffage, dans des conditions indignes qui menacent directement leur santé et leur sécurité, et qui coûtent certainement très cher à la sécurité sociale. Pendant ce temps, le marché de l’immobilier de luxe se porte très bien : il pèse 17 % du chiffre d’affaires des transactions immobilières françaises et les prix continuent d’augmenter gaiement.

L’amendement vise donc à instaurer une petite contribution solidaire sur les ventes immobilières de luxe, d’un montant supérieur à 1 million d’euros. Ce n’est pas tout le monde qui s’achète une maison à 1 million ! Cette taxe, qui ne concernera que les 5 % des Français les plus fortunés, permettra de financer des actions de lutte contre l’habitat insalubre et de contribuer à la dignité et à la sécurité des habitants. Au vu des coupes réalisées sur les budgets des associations dans la seconde partie du PLF, il est très utile de voter ces recettes.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement vise à instaurer une taxe supplémentaire, due par l’acquéreur, pour les biens dont la valeur vénale dépasse 1 million d’euros. Je ne vois pas comment le fait de taxer l’acquéreur d’un bien de plus d’un million d’euros améliorera l’état du marché du logement. Avis défavorable.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il s’agira d’une taxe affectée visant à alimenter, par exemple, le budget de l’Agence nationale de l’habitat, qui a elle aussi pris un coup dans l’aile dans la seconde partie du PLF.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je ne lis pas dans votre amendement que cette taxe soit affectée.

M. le président Éric Coquerel. Si elle doit être affectée, il faut compléter l’amendement par un autre, relatif à l'affectation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF892 de M. Éric Coquerel

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement tend à recréer une contribution à l’audiovisuel public pour près de 22 millions de foyers et d’un montant de 0 à 500 euros selon les revenus. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Ce serait une redevance progressive, contrairement à la précédente. Depuis la suppression de celle-ci, on n’a toujours pas réglé le problème du financement de l’audiovisuel public.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Ce serait une augmentation d’impôts directs touchant quasiment tous les Français. Collègues Insoumis, allez donc au bout de votre réflexion : déposez des amendements pour rétablir la taxe d’habitation, puis allez l’expliquer à des millions de nos compatriotes !

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Certains de ceux qui s’élèvent contre des taxes affectées pour des services publics tels que l’audiovisuel public ne voient pas de problème à augmenter l’impôt des ménages par la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu. Il faut être un peu cohérent.

Il y a un problème avec le financement de l’audiovisuel public, notamment pour garantir son indépendance. Nous y sommes particulièrement attentifs au vu des velléités du gouvernement de réduire encore cette indépendance avec la proposition de loi défendue par Mme Dati. Nous soutenons donc évidemment cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF478 de M. Emmanuel Fouquart

M. Emmanuel Fouquart (RN). Au nom de la santé publique et de la justice fiscale, je vous propose la création d’une taxe sectorielle sur le CBD.

D’abord, la consommation de CBD explose : 10 % des Français en ont déjà consommé. Or, selon les autorités sanitaires et plusieurs enquêtes récentes, ces produits sont parfois trafiqués avec des cannabinoïdes de synthèse provoquant crises d’angoisse, paranoïa et autres troubles graves, comme l’a encore montré la presse régionale à Marseille. Le CBD n’est donc pas un simple produit de bien-être, mais constitue un risque sanitaire réel.

Sur le plan fiscal, une incohérence demeure, car le CBD échappe à toute taxe spécifique alors qu’il relève d’un usage récréatif comparable à celui du tabac. Les buralistes, quant à eux, restent soumis à une fiscalité lourde.

Enfin, une taxe de 10 % sur ce marché évalué à 600 millions d’euros rapporterait dès l’an prochain 60 millions, et jusqu’à 200 millions à l’horizon 2030. Pour protéger les consommateurs, rétablir l’équité fiscale et soutenir nos finances publiques, je vous invite à adopter cet amendement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez de créer une taxe de 10 % sur le prix hors taxes du CBD. Premièrement, je ne connais pas les conséquences économiques d’une telle mesure sur les acteurs français du CBD. Deuxièmement, il faudrait, pour déterminer le bon niveau de taxation, connaître la dangerosité de ces produits et de leurs différentes variantes pour la santé. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) mène précisément des travaux sur cette question. En attendant, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF783 de M. Gérard Leseul

Mme Estelle Mercier (SOC). Cet amendement de compromis, intéressant pour tout le monde, vise à moduler la taxe qui existe déjà pour faire participer le transport routier de marchandises au financement de l’Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport de France). Les poids lourds et véhicules assimilés à trois essieux et plus se verraient appliquer un coefficient multiplicateur de 3 par rapport aux autres véhicules. Ce dispositif permet de faire contribuer les pavillons étrangers au financement de l’infrastructure de transport. La recette supplémentaire escomptée est de 250 millions d’euros. Cette mesure permet également de déplafonner les dépenses et les recettes affectées à l’Afitf.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avec la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance en 2024, la possibilité pour les régions d’instaurer une tarification et, bien qu’elle doive s’éteindre, la Tiruert (taxe incitative relative à l’utilisation d’énergies renouvelables dans les transports), le transport routier fait face à une hausse de sa charge. Avis défavorable.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Dans un débat budgétaire où nous cherchons à faire des économies, à rationaliser le fonctionnement des structures de l’État et à simplifier le paysage administratif, il faut rappeler que l’utilité de l’Afitf est très contestée et que la Cour des comptes ne cesse d’en proposer la suppression. Il ne s’agit pas, bien sûr, de supprimer sa mission et j’espère que nous aurons ce débat.

M. François Jolivet (HOR). Comment faites-vous pour taxer les véhicules étrangers ? Où se trouve le fait générateur de la taxe ? Aujourd’hui en effet, ces véhicules ne prennent qu’un ticket d’autoroute.

Mme Estelle Mercier (SOC). Je vous répondrai en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF735 de M. Romain Eskenazi

Mme Estelle Mercier (SOC). Il s’agit d’appliquer à la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) un barème nocturne dix fois supérieur à celui qui s’applique de jour et de la moduler davantage en fonction de l’horaire de décollage. Le but est d’inciter à limiter les décollages de nuit, notamment pour les avions les plus bruyants, particulièrement nuisibles pour la santé des riverains. Les recettes abonderaient le fonds de compensation qui finance des travaux importants pour protéger les riverains des nuisances sonores.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le problème ne tient pas aux recettes de la TNSA : il y a un excédent en trésorerie de plus de 110 millions qu’on ne parvient pas à dépenser en travaux d’insonorisation en raison d’obstacles réglementaires. La vraie question est donc de débloquer les conditions réglementaires d’utilisation de ce fonds. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Ayant été pendant dix ans rapporteur spécial pour le transport aérien, je peux vous dire que c’est encore plus compliqué. Ces fonds sont affectés à chaque plateforme. Or si certaines d’entre elles indemnisent à 60 % ou 70 %, d’autres, contrairement à ce qu’indique l’exposé des motifs, montent jusqu’à 100 % – j’ai des exemples. La bonne approche consisterait donc plutôt à augmenter les taux de prise en charge de l’insonorisation des maisons ou immeubles.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1312 de M. Aurélien Lopez-Liguori.

Amendement I-CF193 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (EcoS). Il vise à doubler la taxe sur les services d’accès à des contenus audiovisuels et plateformes afin d’attribuer la moitié de ses recettes au fonctionnement de l’audiovisuel public. Celui-ci est en effet fragilisé dans ces financements et, dans le moment géopolitique de guerre informationnelle et de lutte contre la désinformation où nous nous trouvons, il faut lui donner davantage de moyens.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous avons déjà eu ce débat tout à l’heure. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1827 de M. Jean-René Cazeneuve, amendements identiques ICF22 de M. Denis Masséglia et I-CF674 de M. Aurélien Le Coq, amendements identiques ICF549 de M. Philippe Brun, I-CF598 de M. Jean-René Cazeneuve et I-CF1203 de M. Emmanuel Maurel, amendement I-CF1628 de Mme Catherine Hervieu, amendements identiques I-CF270 de M. Corentin Le Fur, I-CF677 de Mme Claire Lejeune et I-CF1247 de M. Aurélien Lopez-Liguori (discussion commune)

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Ces dernières années, notre pays et notre majorité ont été moteurs, au niveau mondial, en matière d’équité fiscale vis-à-vis des grandes entreprises. Nous avons été à l’initiative de l’imposition minimale de 15 % instaurée au sein de l’OCDE et avons instauré la taxe de 3 % sur les services numériques, dites taxe Gafam, qui rapporte aujourd’hui beaucoup d’argent. Mon amendement I-CF1827 vise à augmenter cette taxe. Les Américains ayant augmenté les taxes sur les produits européens sous prétexte de déficit commercial, nous pouvons leur envoyer un message dans le domaine des services au motif de notre déficit significatif en la matière face à ces grandes entreprises américaines. Cette augmentation pourrait rapporter quelques milliards d’euros.

M. Denis Masséglia (EPR). J’ai rédigé mon amendement I-CF22 dès cet été, lorsque j’ai pris connaissance de l’accord entre l’Union européenne et les États-Unis. Nous devons adopter une stratégie de réciprocité et appliquer aux États-Unis les mêmes taux que ceux qu’ils nous imposent – pas plus, car il ne faut pas de protectionnisme, et pas moins, parce que nous ne devons pas nous faire marcher dessus.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il faut effectivement faire passer de 3 % à 15 % le taux de taxation des Gafam, qui accumulent des monceaux d’argent déraisonnables. En 2024, ces entreprises ont généré au total 1 500 milliards d’euros de chiffre d’affaires, accédant ainsi à une position quasi monopolistique et récupérant 71 % du marché total de la publicité, soit 3,5 milliards. Elles peuvent donc acheter toute petite entreprise venant les concurrencer et capitaliser sur les données personnelles de millions de nos concitoyens, tout cela en recourant à des pratiques particulièrement polluantes.

Il y a 4 milliards d’euros à aller chercher en augmentant ainsi le taux de la taxe, qui ne rapporte actuellement que 756 millions. Il ne restera plus alors qu’à adopter dans l’hémicycle les taxes sur les superdividendes et les rehaussements d’impôt sur les sociétés (IS).

M. Philippe Brun (SOC). Mon amendement vise à doubler le taux de la taxe Gafam qui frappe les services numériques et dont le rendement est très dynamique, puisqu’il a été multiplié par trois durant les dernières années et dépassera probablement le milliard cette année. C’est un bon outil pour financer nos services publics et tenir compte de l’évolution de l’économie numérique.

Au moment où les États-Unis de Donald Trump ont décidé d’imposer des droits de douane exorbitants aux entreprises françaises, avec 15 % sur les produits pharmaceutiques, les vins et un grand nombre de produits manufacturés, il est normal que la France montre qu’elle a elle aussi des mécanismes de défense commerciale et qu’elle taxe à son tour les géants du numérique.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous sommes largement dépassés sur notre extrême gauche par M. Masséglia et M. Cazeneuve, et cela me fait très plaisir ! Nous voterons évidemment les amendements qui visent à relever la taxe à 15 %, car c’est la bonne solution tant pour répondre à l’agression commerciale des États-Unis que pour taxer la richesse où elle se trouve. Au XIXe siècle, la richesse, c’était la terre et on a taxé la terre. Au XXe, c’était l’industrie et on a taxé l’industrie. Aujourd’hui, ce sont les services numériques et la finance, et il faut les taxer. J’espère donc que ces amendements feront l’unanimité.

Mme Christine Arrighi (EcoS). La hausse des recettes de la taxe permettrait de renforcer, dans le contexte international et géopolitique que nous connaissons, les moyens destinés à la cybersécurité et assurerait une meilleure visibilité de cet effort pour les acteurs publics et privés. La hausse du taux et l’abaissement du seuil d’entrée de la taxe que nous avons retenus dans notre amendement I-CF1628 reprennent des propositions déjà adoptées en première lecture au Sénat dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025 – sur amendements du groupe centriste.

M. Corentin Le Fur (DR). Mon amendement vise lui aussi à augmenter le taux de la taxe Gafam. Compte tenu des droits de douane imposés aux produits français et européens, notre main ne doit pas trembler. Je suis également prêt à me ranger à l’amendement I-CF1827 de M. Cazeneuve.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement I-CF677 est un amendement de repli.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements jouent sur le taux et, parfois, sur le seuil d’assujettissement à la taxe sur les services numériques.

Pour résumer, l’amendement I-CF1827 vise à porter le taux à 15 % avec un seuil à 2 milliards, les amendements identiques I-CF22 et I-CF674 portent le taux à 15 % sans modifier le seuil, les amendements identiques I-CF549, I-CF598 et I‑CF1203 remontent le taux à 6 % sans modifier le seuil, l’amendement I-CF1628 porte le taux à 5 % et baisse le seuil, et les amendements identiques I-CF270, I‑CF677 et I-CF1247 portent le taux de 3 % à 5 %.

La taxe Gafam a été instaurée par la France dans l’attente de l’accord du pilier 1 de l’OCDE, dont la mise en place est, avec le président Trump, un peu plus longue et compliquée que prévu. Cette disposition permettrait, comme nous le souhaitons tous, de localiser les bénéfices des entreprises numériques.

Nous sommes donc dans l’attente de cet accord. Or, lorsqu’il entrera en vigueur, il faudra probablement rembourser les recettes de la taxe actuelle, qui est en fait un crédit d’impôt à valoir une fois l’accord signé.

Si donc vous voulez être très, disons, efficaces, il faut voter l’amendement I-CF1827. Si vous voulez être plus modérés, il faut voter les amendements I-CF270 et identiques. À vous de choisir. Sagesse.

M. le président Éric Coquerel. J’aurai plaisir à voter les amendements de M. Cazeneuve ou de M. Masséglia, qui se rallient aux positions de La France insoumise. Si j’étais taquin, je dirais que cette mesure prouve bien qu’on n’est pas obligé d’attendre l’Europe pour adopter des mesures protectionnistes.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Nous pouvons tous hésiter entre l’amendement de M. Cazeneuve et celui de M. Masséglia, mais quel est l’effet de la fixation du seuil à 2 milliards ? Est-ce à dire que les entreprises qui se situent entre 750 millions et 2 milliards ne paieront désormais plus rien ? Si c’est le cas, il s’agit d’une baisse de recettes.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Nous appelons à voter l’amendement I‑CF1827, qui est le mieux écrit et le plus performant.

Par ailleurs, je tiens à préciser que c’est plutôt La France insoumise qui s’est ralliée aux positions de Bruno Le Maire. En effet, la taxe Gafam, votée par l’Assemblée nationale en 2019, avec une très large majorité d’ailleurs, est le fruit d’un combat qui était porté depuis deux ans par le président de la République et le ministre des finances Bruno Le Maire. Nous sommes heureux de voir que cette taxe fonctionne, car c’est une question de justice fiscale : ces grandes entreprises utilisant nos infrastructures, il est normal qu’elles contribuent aussi au budget de l’État.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). J’ai une question technique. L’amendement du groupe GDR que nous avons adopté hier et qui vise toutes les formes de suroptimisation fiscale représente, à terme, une taxe Gafam pour toutes les multinationales qui ne paient pas bien leur impôt en France : n’y a-t-il pas là un doublon ? Cet amendement prévoit en effet, sauf erreur de ma part, que lorsqu’une multinationale ne paie pas sa juste part, on prend son chiffre d’affaires et son taux de marge mondial et on applique l’IS français. Cela concerne donc aussi les Gafam.

La commission adopte l’amendement I-CF1827.

En conséquence, les autres amendements tombent.

La réunion est suspendue de quinze heures trente à seize heures cinq.

Amendements I-CF1316 de M. Aurélien Lopez-Liguori et I-CF375 de M. Jean-Philippe Tanguy (discussion commune)

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Par ces deux amendements nous proposons, comme l’année dernière, d’instaurer une contribution pour l’utilisation des réseaux de communication par les fournisseurs de contenus internet. En effet, alors que notre réseau internet est un bien commun largement public, payé par l’investissement des Français et par leurs factures, cinq acteurs privés – qui plus est, étrangers – en utilisent une part exorbitante. Ils représentent à eux seuls 55 % du trafic, faisant ainsi du bien public, en quelque sorte, une part de leur profit. La contribution permettra de lever 550 millions et de faire participer ces acteurs au financement de nos réseaux à la place des contribuables et des ménages français.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable puisque c’est une contribution.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je suis étonné, car cette contribution portera sur des opérateurs étrangers et se soldera donc par une économie de 500 millions pour les Français et les entreprises françaises.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Selon un théorème économique assez constant, toute taxe sur une entreprise se retrouve à un moment sur le consommateur. Je confirme l’avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF1209 de M. Emmanuel Maurel et I-CF430 de M. David Guiraud.

Amendement I-CF1598 de Mme Anne-Cécile Violland

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Il vise à majorer d’un point la taxe sur les services de publicité et de parrainage lorsqu’ils font la promotion d’aliments ultratransformés tels que définis par le groupe 4 de la classification Nova. Il est en effet scientifiquement démontré que la consommation régulière de ces produits est associée à un risque accru d’obésité, de diabète, de maladies cardio-vasculaires et de certains cancers. Il ne s’agit ni d’interdire ni de censurer, mais d’envoyer un signal fiscal clair : quand on choisit de relayer la publicité pour des produits reconnus comme nocifs, cela doit coûter plus cher. C’est une question de responsabilité collective.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il a été montré très clairement que les aliments ultratransformés étaient mauvais pour la santé, notamment qu’ils pouvaient favoriser des cancers du côlon. Il vaudrait pourtant mieux adapter aux ultratransformés le nutriscore, qui est un bon exemple de coopération entre les industriels et les pouvoirs publics, plutôt que de majorer la taxe sur les publicités télévisées. Avis défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Une taxe de 6 % changera-t-elle le comportement des consommateurs ? C’est le cœur du problème. Les nutriscores et l’information sont plus efficaces que des taxes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1820 de M. Nicolas Metzdorf

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’exonération proposée n’est possible qu’à l’échelle européenne. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF946 de Mme Gabrielle Cathala

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

Mme Edwige Diaz (RN). Cet amendement, qui aurait presque pu passer inaperçu, noyé qu’il est au milieu des taxes inventées par la gauche, mérite tout de même qu’on s’y arrête. Il vise à appliquer une surtaxe sur les produits importés d’Israël. En clair, il veut imposer une punition douanière aux commerçants et aux citoyens israéliens pour un conflit dont ils ne sont pas responsables. Il traduit littéralement de la haine à l’encontre du peuple d’Israël, comme le montre le champ lexical utilisé – colonisation, flottille, génocide, territoires occupés, massacres de Gaza –, alors qu’il n’a pas un seul mot pour les otages israéliens du Hamas.

Le Rassemblement national sera bien évidemment opposé à cet amendement, dont l’exposé sommaire précise du reste qu’il est directement tiré du programme du Nouveau Front populaire, co-signé par les quatre groupes politiques de gauche de cette assemblée : les communistes, les socialistes, les écologistes et LFI.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF354 de Mme Claire Lejeune.

Amendement I-CF40 de Mme Corinne Vignon

Mme Corinne Vignon (EPR). La grande majorité des Françaises et des Français s’opposent à l’importation de trophées de chasse d’espèces menacées. Selon la démarche du pollueur payeur, l’amendement vise à imposer aux personnes souhaitant en importer une redevance écologique, en raison de l’impact négatif de l’activité de la chasse aux trophées sur les espèces inscrites aux annexes du règlement européen relatif à la protection des espèces. Figurent notamment à l’annexe A le léopard, le jaguar, le guépard, le gorille, le chimpanzé, les tortues marines, le bonobo et l’ours polaire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La redevance proposée serait équivalente à un droit de douane. Or le droit européen interdit l’instauration de tels droits à l’échelle nationale. Avis défavorable.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Si je comprends bien, vous n’avez pas de problème avec le fait que certains organisent des voyages pour tuer des animaux, mais vous êtes défavorables à l’importation de trophées. Quelle cohérence !

M. Daniel Labaronne (EPR). Une taxe qui ne serait appliquée qu’en France n’aurait aucun effet – les acheteurs passeraient par la Belgique ou l’Allemagne, par exemple. Une telle taxation n’a de valeur qu’au niveau européen.

En outre, n’oublions pas que s’il y a des trophées, c’est parce que les pays africains entretiennent leurs réserves de chasse. Quand un animal est malade, ou agressif, il faut parfois l’abattre et il peut être intéressant de commercialiser son trophée, car un trophée fait vivre toute une communauté villageoise. Évitons donc les idées préconçues, teintées d’esprit colonial, selon lesquelles les Africains ne seraient pas capables de gérer cette question.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF129 de M. Richard Ramos

M. Richard Ramos (Dem). On retrouve de l’hexane dans nos assiettes, alors que c’est un poison, un neurotoxique avéré, notamment impliqué dans l’apparition de la maladie de Parkinson. Les intoxications par ce dérivé du pétrole sont désormais reconnues comme maladie professionnelle par le Parlement européen. Pourtant, la présence d’hexane n’est pas mentionnée sur les étiquettes alimentaires, car il n’est pas classé comme additif mais comme auxiliaire technologique.

Avant d’ouvrir le débat sur l’hexane avec l’Anses et afin de prévenir les industriels de ses dangers, je souhaite, grâce à cet amendement, taxer l’usage de ce produit.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Tout ce que vous dites est vrai. Mais la taxation est-elle la solution la plus efficace ? En outre, votre amendement ne précisant pas le taux de la taxe proposée, il n’est pas conforme à l’article 34 de la Constitution. Vous pourriez le retirer et le réécrire pour la séance. À défaut, avis défavorable.

M. Richard Ramos (Dem). Je le maintiens, quitte à le réécrire en vue de la séance publique. Ce produit est trop dangereux. Il tue trop de gens.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement I-CF135 de M. Richard Ramos est retiré.

Amendement I-CF188 de M. Damien Girard

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement tend à créer une contribution sur les élevages de saumons en circuit fermé. Outre qu’il serait plus efficace d’agir par voie réglementaire, je suis défavorable à votre projet de taxer le chiffre d’affaires de ces établissements d’élevage à 95 %.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1350 de M. Pascal Lecamp et I-CF387 de M. Nicolas Dragon (discussion commune)

M. Pascal Lecamp (Dem). Je propose la création d’une taxe additionnelle de 1 euro sur les visas de court séjour, dont 2 à 3 millions sont délivrés chaque année en France, afin de financer la mise au point de l’outil de data, ou d’exploitation des données, que demandent les acteurs du tourisme que j’ai rencontrés en tant que rapporteur pour avis des crédits du tourisme.

Si la France est la première destination touristique en nombre de visiteurs, avec 100 millions de visiteurs par an, les recettes touristiques par visiteur de notre pays n’atteignent que la moitié de celles que perçoivent l’Espagne ou les États-Unis. Ces mauvais résultats sont dus au fait que nous sommes le seul, parmi les grands pays touristiques, à ne pas disposer d’outil de data.

Cet outil serait mis à disposition d’Atout France. Nous pourrions ainsi élaborer une stratégie nationale transversale qui bénéficierait à l’ensemble des acteurs économiques.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Conformément à une proposition formulée par Jordan Bardella pendant la dernière campagne pour les élections européennes, nous proposons d’instaurer une taxe d’entrée sur le territoire français, d’un montant de 20 euros, qui serait due par tous les ressortissants extra-européens se rendant sur notre sol à des fins touristiques lors de la délivrance de l’autorisation électronique de voyage ou du visa touristique.

Les touristes américains, japonais ou chinois profitent de nos infrastructures et des merveilles de notre patrimoine historique, spirituel et culturel sans contribuer à son entretien, dont le coût va croissant. Songeons au coût d’entretien des églises, qui sont presque toutes gratuites d’accès. Cette taxe permettrait de financer notre politique culturelle et touristique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sur 100 millions de touristes annuels, seuls 2 millions environ ont besoin d’un visa pour entrer sur notre territoire, selon les chiffres du ministère de l’intérieur. Ainsi, votre taxe, monsieur Lecamp, n’aurait qu’un rendement de 2 millions d’euros. Or le coût de recouvrement de cette taxe très éclatée devrait être élevé. Avis défavorable.

M. Pascal Lecamp (Dem). Mon amendement est un amendement d’appel dont l’objet est de financer un outil indispensable au développement du tourisme en France. Il n’est sans doute pas très bien écrit, notamment concernant le fléchage des recettes. Je le retire et le redéposerai en séance après en avoir discuté avec les services de Bercy.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Effectivement, nous n’avons pas d’outil de data concernant le tourisme. Mais Atout France est-il le bon interlocuteur ? Quant à l’Insee, il dispose d’éléments d’information, mais manque de moyens.

Quant à l’amendement I-CF387, monsieur le rapporteur général, il ne concerne pas seulement les visas.

L’amendement I-CF1350 étant retiré, la commission rejette l’amendement I-CF387.

Amendement I-CF457 de Mme Danielle Simonnet

Mme Christine Arrighi (EcoS). Cet amendement vise à faire contribuer les plateformes de l’ubérisation à l’effort national. Il avait été adopté l’an dernier, mais n’avait pas été retenu dans la version du texte sur laquelle le gouvernement avait engagé sa responsabilité. Profitons du fait que cette année, il n’y aura pas de 49.3.

La directive européenne sur le travail des plateformes devra être transposée avant fin 2026. Elle prévoit notamment la présomption de salariat, qui obligera la requalification en salariés de l’ensemble des travailleurs ubérisés. Cette mesure engendra des coûts pour la collectivité – il faudra davantage de contrôle pour s’assurer de son effectivité, mais aussi des mesures d’accompagnement des travailleurs pour l’accès au droit. C’est rendu nécessaire par le fait que les plateformes ont sciemment contourné la loi en utilisant le statut de travailleur indépendant, avec au final un coût important pour les finances publiques. Il est donc légitime de les imposer à travers une contribution spécifique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Si vous voulez modifier le statut de ces travailleurs, il faut passer par le droit du travail, pas par la fiscalité. Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). La question du statut des travailleurs de l’ubérisation est déjà réglée, grâce à la présomption de salariat – vous avez suivi l’actualité, j’imagine. Je propose ici une contribution des plateformes au coût, pour les finances publiques, du soutien à tous ces salariés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF725 de Mme Céline Hervieu

M. Mickaël Bouloux (SOC). Nous proposons de taxer la publicité digitale captée par les grandes plateformes pour financer l’audiovisuel public. Ce qui divise – la publicité ciblée – doit financer ce qui unit – l’espace public de l’information. Cet amendement est issu de la proposition 8 du rapport des états généraux de l’information.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1485 de M. Sébastien Chenu

Mme Edwige Diaz (RN). Nous proposons de taxer les transferts de fonds de type Western Union effectués par des personnes domiciliées en France au profit de personnes situées en dehors de l’Union européenne. Ces transferts représentent environ 14 milliards d’euros par an.

Les pays qui accepteraient de délivrer des laissez-passer consulaires nécessaires au retour de leurs ressortissants expulsés par la France pourraient être exonérés de cette taxe. Ce levier encouragerait la coopération avec la France en matière de politique migratoire et permettrait de sanctionner les pays qui ne respectent pas la volonté de la France. Nous améliorerions ainsi nettement nos résultats, notamment avec l’Algérie.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) interdit aux États membres de restreindre les mouvements de capitaux et les paiements vers les autres États membres, mais aussi vers les pays tiers. Avis défavorable.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Chers collègues du RN, vous criez à chaque fois que nous proposons une taxe mais il est bien clair que votre problème, ce ne sont pas les taxes, mais le fait qu’elles concernent les plus riches. Pour taxer à 10 % des fonds envoyés par des travailleurs qui peinent à gagner leur vie à leur famille, qui s’en servira pour satisfaire des besoins primaires tels que l’alimentation ou le logement, là pas de souci ! Votre proposition est immonde, dans la lignée du pire de ce que vous représentez. Vous voulez faire dépendre le sort de millions de personnes de la décision de leur gouvernement, alors que des études ont montré que ces transferts de fonds constituent pour certaines communautés la première brique de leur développement. Ce n’est pas possible.

M. Matthias Renault (RN). Oui, nous voulons taxer les fuites de capitaux à l’étranger qui passent par Western Union ou MoneyGram et nous l’assumons. Nous disposerons ainsi d’un moyen de rétorsion à l’encontre des pays qui refuseraient de délivrer des laissez-passer consulaires alors qu’ils devraient normalement le faire en cas d’expulsion de l’un de leurs ressortissants. Ces pays, notamment l’Algérie, engagent un bras de fer avec la France que nous devons gagner.

Le moralisme de la gauche ne me touche pas, mais je suis étonné que le rapporteur général reste insensible à cette proposition.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce n’est pas la question. Je vous avoue que je l’ignorais jusque-là mais, aux termes du TFUE et de la jurisprudence, les réglementations concernant la circulation des capitaux entre les pays de l’Union et les pays tiers ne peuvent être prises qu’à l’échelon européen. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements de suppression I-CF1757 de M. Thomas Lam et I-CF1816 de M. Paul Midy

M. Paul Midy (EPR). En juin, en séance publique, tous les groupes ont adopté à l’unanimité, sans abstention, la proposition de loi visant à garantir un cadre fiscal stable, juste et lisible pour nos microentrepreneurs et nos petites entreprises. Cela a permis de rétablir le seuil de franchise de TVA historique et d’arrêter d’ennuyer les autoentrepreneurs, qui l’ont trop été cette année. La commission des finances du Sénat a déjà adopté le texte sans modification et l’ensemble des sénateurs le feront sans doute demain, à l’unanimité, en séance publique. Le sujet est donc réglé.

Or, avec le présent article, le gouvernement en remet une couche, avec une nouvelle réforme du seuil de franchise de la TVA. Nous lui avions conseillé de ne pas le faire et nous avions déjà refusé une première proposition. Je vous propose donc de supprimer cet article.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous ne sommes pas encore sûrs que votre proposition de loi sera adoptée demain par le Sénat – après tout, c’est un endroit bien mystérieux ! Je préférerais adopter l’amendement I-CF1777 qui suit, qui reprend le contenu de votre texte.

M. Paul Midy (EPR). C’est une autre possibilité. Toutefois, les chances que ma proposition de loi soit adoptée conforme demain au Sénat sont très élevées. Elle a l’avantage de valoir clairement pour l’année 2025 et pour toutes les suivantes. En outre, elle est bien identifiée par les autoentrepreneurs et elle a le mérite de la simplicité.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Il faut rejeter ces amendements de suppression. Dans sa version actuelle, l’article 25 a l’avantage d’abroger l’abaissement général des seuils de franchise de TVA décidé l’an dernier, qui a mis les autoentrepreneurs en difficulté. Il serait dommage de le supprimer.

Certes, cet article pose problème en ce qu’il confirme l’abaissement du seuil de franchise pour les activités commerciales. Mais nous pouvons le modifier pour revenir aux seuils historiques, notamment en adoptant l’amendement I-CF1354 de M. Clouet.

M. Paul Midy (EPR). Les deux solutions fonctionnent, mais la suppression de l’article a l’avantage d’être immédiate.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 25 est supprimé et les autres amendements tombent.

Amendement I-CF1067 de M. Christophe Plassard et I-CF363 de M. Michel Castellani (discussion commune)

M. Christophe Plassard (HOR). La base d’imposition de la TVA sur les carburants englobe les taxes auxquelles les carburants sont déjà assujettis. Ainsi, les Français sont taxés sur des taxes, ce qui peut paraître une erreur fiscale. Le présent amendement vise à la corriger. La TVA ne doit porter que sur le produit de la vente.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le droit européen interdit une telle modification : l’assiette de la TVA doit inclure toutes les taxes. Pour changer cela, il faudrait être élu à Strasbourg et avoir des voix au Conseil de l’Union européenne.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dès que nous mentionnons Bruxelles, on nous accuse de vouloir le Frexit, on nous interdit de rien critiquer ou d’établir un rapport de force. Mais quand c’est un représentant du bloc central qui critique Bruxelles, c’est magique : tout devient possible ! Nous serions ravis de supprimer la taxation dingue que vise cet excellent amendement. Mais, de votre côté, ne nous accusez plus de vouloir le Frexit dès que nous touchons à la sacro-sainte Union européenne.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF865 de M. Aurélien Le Coq

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). Nous proposons de relever à 33 % le taux de TVA pour les produits de luxe. Sachant que le chiffre d’affaires de l’industrie du luxe est de 150 milliards d’euros cette année, cela permettrait de dégager de bonnes recettes.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Outre que c’est un taux assez élevé, je m’interroge sur l’effectivité de la mesure. Quels « produits des arts de la table » visez-vous ? Comment distinguez-vous entre les « parfums de luxe » et les autres ? Sentent-ils meilleur ? Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1636 de M. Joël Bruneau

M. Joël Bruneau (LIOT). Cet amendement suscitera la controverse, mais j’assume.

Si nous voulons baisser à court terme les cotisations salariales sur les 50 % de Français qui gagnent moins de 2 000 euros par mois, il n’y a pas de solution miraculeuse : il faut soit augmenter le taux de la CSG sur les revenus autres que ceux du travail, soit augmenter la TVA. C’est cette proposition que je retiens, pour les produits qui ne sont pas de première nécessité. Il faut encourager la production plutôt que la consommation, ce qui n’a pas été fait depuis trente ans.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’augmentation de 3 points de TVA que vous proposez rapporterait 24 milliards. J’entends qu’il s’agit d’un amendement d’appel et je ne suis pas contre ce débat de fond, mais il faudra choisir entre cette augmentation ou d’autres. Nous en discuterons en séance publique. Avis défavorable.

M. David Guiraud (LFI-NFP). Vous arrivez un peu tard, cher collègue : si, cela a déjà été fait. La TVA a été augmentée de 5 points pour financer les cotisations sociales ; cela s’appelle la TVA sociale. Chaque année, environ 60 milliards d’euros de recettes de la TVA vont à la sécurité sociale – bien plus que ce que vous proposez. Ainsi, quand un Français achète une paire de baskets, des céréales ou un pack de lait, il finance des exonérations de cotisations sociales.

Pour notre part, nous voulons revenir sur cette TVA sociale. L’argent de la consommation des Français ne doit revenir qu’à l’État, pour qu’il le leur redistribue. Sans cela, la consommation continuera à reculer, comme elle le fait cette année, et finira par s’écrouler.

M. Joël Bruneau (LIOT). Évitons les caricatures sur ce débat de fond. Les baguettes de pain ne sont pas soumises à une TVA à 20 %. Par ailleurs, le principe de la TVA sociale consiste à diminuer les cotisations patronales pour redonner de la compétitivité aux entreprises. Ce n’est pas ce que nous proposons. Pour notre part, nous voulons redonner du pouvoir d’achat à ceux qui travaillent – au détriment, certes, de ceux qui ne travaillent pas.

Peut-être pensez-vous, dans une vision keynésienne, que la consommation est le seul moyen d’assurer l’activité ? De ce point de vue, la hausse de 3 points de la TVA ne serait pas entièrement répercutée sur les prix des biens et des services, si bien qu’à mon sens, le niveau de consommation potentielle devrait rester à peu près équivalent avec cette réforme.

M. Philippe Brun (SOC). Avec la proposition de M. Bruneau, notre pays enregistrerait un taux record de TVA – il n’est par exemple que de 19 % en Allemagne.

Sachez en outre qu’un grand nombre de produits de première nécessité, comme la lessive, sont soumis à un taux de TVA de 20 %. Le panier de produits soumis à un taux de 5,5 % est extrêmement restreint.

Je note par ailleurs que ce sont les mêmes groupes qui proposent des taux réduits de TVA pour les concours hippiques ou pour d’autres loisirs réservés aux classes supérieures et qui demandent d’augmenter la TVA payée par l’ensemble des Français.

La France vit un phénomène de déconsommation qui a des impacts économiques, que l’on soit keynésien ou non. La consommation a diminué de 1 % au dernier trimestre ; de 2 % au trimestre précédent. Les cafés disparaissent des villages, à l’image d’un grand nombre de commerces de proximité, car les Français ne consomment plus. Ceux qui peuvent se le permettre surépargnent ; les autres n’arrivent tout simplement plus à consommer.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Et que direz-vous aux entreprises et aux ménages qui vont constater une hausse de 3 points de la TVA sur leur facture d’énergie ? Cela ne passera pas inaperçu. Pour notre part, nous voulons baisser la TVA sur l’énergie.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Ce débat m’inquiète. Nous venons de porter la TVA à 33 % sur certains produits sans connaître les impacts de cette décision. Ici, on ne sait pas quelle baisse de charges accompagnerait la hausse de la TVA que vous proposez. Le débat est intéressant, mais il ne s’agit pas de se faire plaisir sans se préoccuper que le texte « tourne ».

De tels débats de fond ne doivent pas être menés au détour d’amendements. Il faudrait une étude d’impact, une vision globale, des effets chiffrés. Le débat a eu lieu il y a quelques années sur la TVA sociale. Il faut peut-être le remettre sur la table, mais avec méthode. Votre amendement d’appel amène de la confusion et il ne serait pas sérieux de l’adopter sans souci de cohérence avec le reste du PLF.

M. le président Éric Coquerel. M. Guiraud a raison. Nous sommes désormais biberonnés à la TVA et c’est dangereux. En 2018, 91,5 % des recettes de TVA finançaient le fonctionnement de l’État. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas que de 45,9 % de ces recettes. En quelques années, c’est un bouleversement qui a eu lieu. La TVA sert désormais à financer les baisses de cotisations, les pertes de recettes des collectivités territoriales et ainsi de suite.

Outre le problème pointé par M. Guiraud, cela crée des difficultés de recettes quand la dynamique de la TVA est négative. M. Bruneau propose de résoudre le problème en augmentant le taux de TVA, mais je ne pense pas que ce soit la solution, car c’est l’impôt le plus injuste au vu de son absence de progressivité.

Monsieur Mattei, vous soulignez avec justesse que ce débat manque de recul. Mais nous manquons également de recul sur l’évolution extrêmement problématique de ces dernières années.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1635 de M. Joël Bruneau

M. Joël Bruneau (LIOT). J’en conviens, un amendement d’appel n’est pas forcément le bon format pour engager un débat de fond à ce sujet. Pour dépassionner un peu les choses, remarquons qu’une hausse de la TVA similaire à celle que nous proposons a été adoptée au Portugal par une majorité sociodémocrate. En outre, jusqu’à preuve du contraire, les problèmes actuels de consommation ne sont pas liés à la TVA, mais à l’incertitude globale, à l’inquiétude causée par la situation de nos finances publiques.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Même si je remercie notre collègue d’avoir lancé ce débat, je voterai contre cet amendement.

Tout à l’heure, les votes conjoints de la gauche et du Rassemblement national ont permis l’adoption de l’amendement I-CF865, qui augmentera très fortement la TVA sur les produits dits « de luxe ». Notre commission sombre dans la démagogie la plus complète.

J’en conviens, la majorité de nos concitoyens ne consomment pas des produits de luxe tous les jours, mais de nombreux membres des classes moyennes et même des classes populaires se font parfois plaisir ou font plaisir à leurs proches avec un produit des grandes entreprises du luxe françaises. Ainsi, alors que vous pensez faire la chasse aux riches ou aux ultrariches, ce sont des millions de nos concitoyens que vous affecterez.

Et puis, à partir de quel prix une cravate, un bracelet ou un parfum seront-ils considérés comme un produit de luxe ? Cette mesure est démagogique.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Vous n’êtes absolument pas gênés par la taxe sur les microentreprises, qui vise les plus précaires, mais vous pleurez à l’idée que les miséreux qui aiment de temps en temps s’acheter un produit de luxe ne pourront plus le faire !

Tout le monde devrait avoir accès à tous les produits disponibles en France. Il faut que les salaires le permettent – c’est la première question.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement I-CF1634 de M. Joël Bruneau est retiré.

Amendement I-CF144 de M. Boris Tavernier

M. Boris Tavernier (EcoS). Alors que le don de denrées était la principale source d’approvisionnement des associations d’aide alimentaire, les quantités données ont fortement baissé ces dernières années. En outre, la précarité augmente. Les associations sont donc contraintes de développer des politiques d’achat de denrées. Cela pourrait toutefois leur permettre de traiter des enjeux de diversification alimentaire, si elles en avaient les moyens.

Nous proposons ici que ces associations soient exonérées de TVA pour les achats de produits alimentaires issus de l’agriculture biologique. Ainsi, nous leur permettrions d’augmenter leurs marges de manœuvre et de proposer des produits de meilleure qualité.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette proposition n’est pas conforme à la directive européenne sur la TVA. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF486 de M. Frédéric-Pierre Vos

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement mélange deux sujets : l’aide aux étrangers en situation irrégulière, qui n’est pas une activité illicite, et des dégradations qui sont punies par la loi. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1687 de M. Guillaume Garot

M. Guillaume Garot (SOC). Il faut donner un coup de main aux associations d’aide alimentaire, qui doivent de plus en plus souvent acheter des denrées alimentaires à cause de la précarité grandissante.

Cet amendement vise à exonérer de TVA les achats de denrées qu’elles font. Monsieur le rapporteur général, si vous pensez que cette proposition n’est pas conforme à la réglementation européenne, détrompez-vous. En effet, l’article 132 de la directive 2006/112/CE prévoit la possibilité d’exonérations de TVA pour « les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l’aide et à la sécurité sociales ». L’Europe nous le permet donc et ce serait un beau geste de la nation en direction des associations et des bénévoles, qui font un boulot formidable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Selon moi, la directive européenne sur la TVA permet de discriminer selon la nature du bien qui est taxé, mais pas selon son destinataire. Peut-être me trompé-je ? Je vérifierai bien sûr ce point avant la séance publique. En attendant, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF2 de M. Nicolas Ray

M. Nicolas Ray (DR). Cet amendement vise à mettre fin à une incohérence fiscale qui concerne la TVA sur la restauration scolaire. La fourniture de repas dans une cantine relevant d’une commune bénéficie d’une exonération de TVA, mais quand des communes se regroupent, le Sivu (syndicat intercommunal à vocation unique) qui exerce cette compétence n’y est pas éligible. Cette incohérence va à l’encontre de la volonté de mutualiser les moyens dans des cuisines centrales pour accélérer la transition vers une alimentation plus durable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est en effet une aberration que j’ai découverte grâce à votre amendement. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1631 de M. Inaki Echaniz

M. Inaki Echaniz (SOC). Mon amendement visant à réduire les impôts pour les petits propriétaires a été adopté hier à l’unanimité. Je vous propose maintenant de faire rentrer entre 1 et 1,5 milliard d’euros dans les caisses de l’État en assujettissant à la TVA les locations de courte durée, parce que ce sont des pratiques commerciales, si ce n’est parahôtelières, qui participent à l’attrition des logements permanents. Cette disposition légitime, qui contribuera au rétablissement des finances publiques, devrait être en vigueur depuis longtemps. Les dépenses d’hébergement transitant par une plateforme américaine bien connue sont estimées à près de 8 milliards d’euros.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La question de la taxation des meublés de tourisme est à traiter, me semble-t-il, d’une manière globale et non sous le seul angle de la TVA. Par ailleurs, je rappelle que la directive sur la TVA, telle qu’elle est interprétée par la Cour de justice de l’Union européenne, prévoit que les locations meublées sont exonérées de TVA sauf si elles font concurrence au secteur hôtelier. Votre amendement reviendrait donc à considérer qu’une location dépourvue de service de nettoyage et ne proposant pas le petit-déjeuner est en concurrence avec l’hôtellerie. Avis défavorable, mais nous pourrons en reparler en séance.

M. Inaki Echaniz (SOC). Lorsque nous avons travaillé sur une vision globale de la location de courte durée, la question de la TVA a été renvoyée au débat budgétaire. Et maintenant vous nous renvoyez à une vision plus globale ! Cet argument ne tient pas. Vous avez certainement noté, par ailleurs, qu’une des grandes entreprises de meublés de tourisme a annoncé, il y a quelques mois, sa volonté de faire de la parahôtellerie en proposant certains services, dont le petit-déjeuner et des activités sportives ou ludiques. Ne manquons pas le coche : il faut soumettre les meublés de tourisme à la TVA.

M. Philippe Lottiaux (RN). Il faudrait arrêter de taper sur les meublés de tourisme : c’est vraiment une tarte à la crème. Bien souvent, il s’agit encore de biens appartenant à des petits propriétaires qui louent une chambre chez eux. En second lieu, si vous augmentez les taxes, vous augmenterez le prix des meublés alors que nous avons besoin du tourisme. Enfin, ce n’est pas en tapant sur les locations meublées que l’on créera plus de logements locatifs à long terme. S’il en manque, c’est parce que ce n’est plus intéressant sur le plan fiscal. Pour les relancer, il serait beaucoup plus efficace d’adopter un statut du bailleur privé que de taxer les meublés de tourisme.

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement est une fausse bonne idée. Outre les arguments déjà développés, vous pousseriez des propriétaires à passer au « black ». Tout ne passe pas par des plateformes.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Cet amendement ne vise pas forcément à libérer des logements mais à dégager des recettes fiscales et à rétablir une certaine équité pour les hôtels. Il faut aussi prendre en compte la question de la TVA récupérable. Enfin, n’oublions pas qu’une société civile qui loue un bien meublé est soumise à l’impôt sur les sociétés. La piste évoquée par notre collègue est intéressante.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF792 de M. Jean-François Coulomme.

Amendements identiques I-CF996 de M. Stéphane Viry et I-CF1018 de M. Lionel Causse

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Il s’agit de permettre une déduction de la TVA s’agissant de la construction, de l’acquisition et de l’entretien de logements mis gratuitement à la disposition de travailleurs saisonniers, qui sont plusieurs dizaines de milliers chaque année sur nos littoraux ou zones de montagne. Cette mesure renforcera l’attractivité des emplois saisonniers et le dynamisme économique des territoires touristiques.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je pense qu’il y aurait un risque de fraude compte tenu du caractère particulier de l’activité. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements I-CF1347 de M. Emmanuel Maurel et I-CF499 de M. Philippe Brun (discussion commune)

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous proposons de rétablir le taux réduit de TVA de 5,5 % pour les abonnements à l’électricité. Le gouvernement nous a dit l’an dernier que c’était impossible compte tenu de la directive européenne, mais rien ne s’oppose à l’application de taux de TVA différents pour l’abonnement et la consommation d’électricité, à condition qu’il n’en résulte aucun risque de distorsion de concurrence. En l’occurrence, ce risque n’existe pas. Si nous proposons ce taux réduit de TVA, c’est parce que les petits consommateurs sont pénalisés par la hausse qui est intervenue, que la baisse de l’accise n’a pas suffi à compenser.

M. Philippe Brun (SOC). Mon amendement vise à corriger une mesure adoptée l’an dernier. Nous œuvrerons en faveur du pouvoir d’achat des Français en ramenant de 20 à 10 % le taux de la TVA sur l’abonnement et la consommation d’électricité. Le gouvernement a essayé de nous faire croire qu’une directive européenne imposait une hausse alors qu’elle ne fait qu’obliger à aligner les taux qui s’appliquent aux abonnements et à la consommation.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le taux a été porté à 20 %, mais seulement pour l’abonnement, si je ne me trompe.

Le premier amendement coûterait 5 milliards d’euros et le second 3 milliards. Avis défavorable.

M. Nicolas Sansu (GDR). Vous n’en faites qu’une question de rendement fiscal, alors qu’un véritable problème se pose pour les petits consommateurs. Il est dommage que certains refusent d’adopter la taxe Zucman tout en continuant à prendre de l’argent dans les poches des petits contribuables.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous soutenons l’amendement déposé par M. Maurel. Il y a un problème, et ce n’est pas la première fois, en ce qui concerne l’information du Parlement. On nous a juré l’an dernier – j’ai même reçu un message écrit du ministère chargé de l’énergie – que le taux de TVA retenu s’imposait impérativement en raison de nos obligations européennes. Nos collègues ont des arguments contraires. J’aimerais savoir la vérité : le gouvernement ne peut pas s’engager sur des choses qui ne sont finalement pas aussi certaines qu’il l’a dit.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). La hausse de la TVA sur l’abonnement a été compensée par une baisse du Turpe (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité) et de l’accise. Une très légère hausse a effectivement été constatée en août pour de tout petits consommateurs d’électricité, mais une grande majorité de Français ont été gagnants dans l’opération. Vous proposez maintenant de réduire le niveau de la TVA, mais pas d’augmenter le Turpe ou l’accise afin que le résultat soit neutre pour les finances publiques.

La commission adopte l’amendement I-CF1347.

En conséquence, l’amendement I-CF499 tombe.

Amendements I-CF389 de Mme Marine Le Pen, I-CF867 de M. Maxime Laisney, et ICF392, I-CF390 et I-CF391 de M. Jean-Philippe Tanguy (discussion commune)

Mme Stéphanie Galzy (RN). L’énergie n’est pas un produit de consommation ordinaire, mais de première nécessité, et il est important de prendre des mesures permettant d’agir de façon immédiate, durable et équitable pour le pouvoir d’achat de tous les Français. Par ailleurs, une baisse massive de la TVA sur l’énergie, secteur qui provoque l’essentiel de l’inflation importée, aurait un effet déflationniste profond et durable sur le reste de l’économie, à condition que l’État garantisse une stricte répercussion sur les prix. L’amendement de la présidente de notre groupe, Marine Le Pen, propose donc d’appliquer un taux de TVA de 5,5 % sur le gaz, l’électricité, le fioul et les carburants.

M. Maxime Laisney (LFI-NFP). Notre amendement vise à réduire à 5,5 % le taux de TVA sur l’abonnement comme sur la consommation d’électricité et de gaz, pour les volumes indispensables à une vie digne.

Lors de l’adoption du budget pour 2025, François Bayrou a imposé par la voie du 49.3 une augmentation de la TVA sur les abonnements, passée à 20 %, alors qu’il avait déjà remonté l’accise. Pour quelqu’un qui parlait de ne pas augmenter les impôts des Français, on se pince !

Je rappelle aussi que 75 % de nos concitoyens disent avoir réduit leur chauffage l’année dernière pour des raisons financières et 30 % avoir souffert du froid. Je ne sais pas si la mesure que nous proposons coûtera 5 milliards ; en revanche, il faut lutter contre la précarité parce qu’elle coûte cher. Des gens vivent dans des chambres glacées et humides parce qu’ils n’arrivent pas à les chauffer, leurs gamins tombent malades et n’arrivent pas à travailler correctement à l’école. Nous allons certes renoncer à des recettes fiscales, mais c’est afin de garantir un mieux-être et d’éviter certaines dépenses.

Par ailleurs, nous proposons de limiter l’application du taux réduit de TVA aux consommations indispensables, dans un objectif de sobriété énergétique, parce qu’il faut aussi éviter les gaspillages et les mésusages.

M. Alexandre Dufosset (RN). L’amendement I-CF392 permettra des gains de pouvoir d’achat, sachant qu’un Français sur trois n’arrive plus à boucler ses fins de mois – sans même parler de ceux pour qui le 15 est déjà la fin du mois. Il propose de ramener la TVA de 20 à 5,5 % sur les carburants, qui sont utiles pour se rendre au travail, on le sait bien dans ma circonscription rurale, et sur le fioul, dont on a besoin pour se chauffer. Cette mesure de bon sens et de justice sociale protégera les Français.

M. Kévin Mauvieux (RN). Nos deux amendements suivants, de repli, visent à ramener à 5,5 % la TVA sur le gaz et sur l’électricité, qui sont des biens de première nécessité. Les Français souffrent d’une crise du pouvoir d’achat en raison des politiques menées par la gauche et la droite, le pompon revenant tout de même à la Macronie. Ils ont besoin d’une bouffée d’oxygène. Les achats d’énergie sont la dépense contrainte que tous les Français subissent. Il faut absolument faire un geste en la matière : c’est dans le programme de Marine Le Pen et de Jordan Bardella depuis des années, et cela le restera, ne vous en déplaise. Je sais, amis de gauche, que vous êtes accro aux augmentations de taxe ; si vous pouviez l’être aux baisses, ce serait plus sympathique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

S’agissant du premier amendement, de la présidente Le Pen, et de l’amendement I-CF392, je crains qu’une baisse du taux de TVA pour le fioul et les carburants soit contraire au droit européen. Si vous voulez y remédier, il faut siéger à Strasbourg – et à Bruxelles.

Pour ce qui est de l’amendement I-CF867, un renvoi aussi large au pouvoir réglementaire pour déterminer le champ d’application d’un taux réduit de TVA n’est pas conforme à l’article 34 de la Constitution.

Le I-CF390, lui, est compatible avec le droit européen, mais il coûterait 1,5 milliard d’euros. Le I-CF391 coûterait probablement plusieurs milliards, mais je ne suis pas capable de l’évaluer précisément.

M. le président Éric Coquerel. Je rappelle que la plupart des décisions européennes sont prises par la Commission et non par le Parlement européen.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La Commission européenne agit en général dans un cadre fixé par une directive ou un règlement adopté conjointement par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. La Commission ne fait que prendre des actes délégués. Elle n’a pas d’autonomie mais agit dans le cadre d’une comitologie qui correspond quasiment au pouvoir réglementaire en France.

M. le président Éric Coquerel. La plupart des décisions ne sont pas le fait du Parlement européen.

M. Pierre Cazeneuve (EPR). Nous venons déjà d’adopter un amendement relatif aux abonnements qui coûte 4 milliards. Vous proposez maintenant, pour toute la consommation d’énergie, de revenir à un taux de TVA de 5,5 %, ce qui coûterait entre 18 et 22 milliards d’euros. Vous n’essayez même pas de cibler cette mesure sur des énergies que nous pourrions produire nous-mêmes ou qui seraient écologiquement vertueuses. Vous avez aussi prévu des déclinaisons qui concernent uniquement le gaz ou les carburants, comme si cela vous faisait plaisir qu’on vous dise que vous êtes accro à vos amis russes ou à d’autres démocraties de ce type. Bref le Rassemblement national nous demande d’adopter un amendement à 20 milliards pour alimenter les pétromonarchies, ni plus ni moins.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous avez donc augmenté les taxes de 4 milliards l’année dernière, en modifiant le taux applicable aux abonnements. Avec vous, les Français doivent toujours payer plus. Le Turpe va d’ailleurs augmenter très prochainement.

Ce que nous proposons ne coûterait pas 18 milliards d’euros, mais 10 – le chiffrage de vos amis de l’Institut Montaigne est compris entre 8 et 12 milliards. Surtout, c’est l’argent des Français, des classes moyennes et des classes populaires, qui n’ont pas le choix quand il s’agit d’utiliser ces énergies. Tout cela ne tombe pas du ciel et nous sommes très fiers de présenter ces mesures, qui sont très attendues par nos concitoyens, ne vous en déplaise.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements I-CF1632 de Mme Marie-Noëlle Battistel et I-CF1592 de Mme Anne-Cécile Violland (discussion commune)

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Notre amendement permettra aux réseaux de froid renouvelable de bénéficier des mêmes avantages que les réseaux de chaleur, à savoir un taux réduit de TVA de 5,5 %. Cette mesure serait cohérente avec les principes de la fiscalité écologique, qui veut être incitative pour les collectivités comme pour les entreprises. Il est normal, dans le cadre du réchauffement climatique, de développer d’autres solutions que des climatiseurs très nocifs pour l’environnement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1085 de Mme Julie Laernoes

Mme Christine Arrighi (EcoS). Les canicules ne sont plus des événements exceptionnels. Elles rythment désormais les étés et affectent la qualité de vie dans nos villes et territoires. Comme le plan national d’adaptation au changement climatique l’a rappelé avec force, ne pas agir maintenant, c’est construire l’inadaptation structurelle de demain. Logements, bureaux, écoles, hôpitaux : nous aurons partout besoin de solutions efficaces et décarbonées en matière de climatisation. Notre amendement propose donc d’étendre le taux réduit de 5,5 % de TVA, aujourd’hui applicable à la chaleur renouvelable, aux réseaux de froid vertueux. Ce levier fiscal a fait ses preuves pour le développement des réseaux de chaleur. Pourquoi ne pas l’utiliser pour le froid issu de sources renouvelables ou d’une récupération ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous voterons avec bonheur cet amendement. Nous découvrons tout à coup que la climatisation n’est plus d’extrême droite : cet été, la clim, c’était facho !

La commission adopte l’amendement.

Amendements I-CF1127 de M. Philippe Bolo et I-CF1832 de Mme Graziella Melchior (discussion commune)

Mme Graziella Melchior (EPR). En votant la loi Egalim, nous avons acté la fin des contenants alimentaires en plastique dans les cantines scolaires et universitaires, afin de réduire l’usage de cette matière et de limiter l’exposition des enfants aux perturbateurs endocriniens. Pour relever le défi, de nombreuses collectivités investissent dans des infrastructures de lavage adaptées aux contenants réemployables. Une incohérence fiscale risque néanmoins de freiner la dynamique. Alors que les services de restauration scolaire qui assurent le lavage des contenants réemployables bénéficient d’un taux réduit de TVA, de 5,5 %, ceux qui externalisent cette activité à des prestataires spécialisés sans qu’elle soit associée à un service de restauration collective seraient soumis à un taux normal de 20 %. Le présent amendement tend à appliquer le même taux réduit de TVA aux prestations de lavage des contenants réemployables, dans le seul cadre de la restauration scolaire et universitaire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis confus de m’en rapporter encore au droit européen mais, à ce stade, il semble qu’un taux plus faible pour les activités contribuant à la réduction des déchets ne soit pas autorisé par la directive relative à la TVA. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1164 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). La réforme de la TVA sur la restauration, menée sous Nicolas Sarkozy, n’a pas eu les effets escomptés, que ce soit en matière de baisse des prix ou d’augmentation de la fréquentation. Nous proposons, pour notre part, de ramener à 5,5 % le taux de TVA pour les établissements qui proposent des produits « faits maison » et sont titulaires du titre de maître restaurateur, tandis que le taux applicable aux restaurants qui ne font qu’ouvrir et réchauffer des sachets venant de l’industrie agroalimentaire passerait à 20 %. Il est anormal, en effet, qu’un restaurant traditionnel, artisanal, qui galère à payer des salariés, soit soumis au même taux qu’un établissement qui propose de la restauration rapide ou à emporter, ou qui appartient à une grande chaîne et n’a de restaurant que le nom. Je vous propose, par cet amendement, d’ouvrir le débat.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est une question très intéressante. Toutefois, il existe environ 170 000 restaurants en France et seulement 3 000 personnes labellisées « maîtres restaurateurs ». Ce que vous proposez serait une révolution, dont il faudrait bien mesurer les effets économiques et sociaux. Je serais, pour ma part, très prudent. La plupart des lieux où l’on déjeune ou dîne seraient privés du taux réduit de TVA qui s’applique actuellement. Sur le plan du droit, on peut appliquer des taux réduits, conformément à la directive européenne, à condition que les critères retenus soient suffisamment discriminants. Or je ne sais pas si l’on peut considérer que le titre de maître restaurateur l’est suffisamment. Malgré tout l’intérêt que l’on peut porter à votre proposition, qui est très populaire et défendue par quelques lobbys, j’émets un avis défavorable. Nous pourrons en débattre de nouveau en séance.

M. le président Éric Coquerel. La modulation du taux de TVA pour récompenser la qualité, en quelque sorte – le côté artisanal, le savoir-faire, les produits utilisés –, est une piste intéressante, et cela ne me dérangerait pas qu’une telle évolution se fasse au détriment des établissements de type fast-food, car le lien avec la question de la malbouffe serait vertueux. Néanmoins, il faudrait s’assurer que la mesure envisagée ait des répercussions au-delà des marges des restaurateurs. Quand on a baissé le taux de TVA, en effet, les prix n’ont pas bougé. Si c’était le cas, des personnes qui vont peut-être dans des restaurants de moins bonne qualité, voire qui se tournent vers de la malbouffe à cause des prix, pourraient accéder à une meilleure alimentation. Ou alors il faudrait au moins que les salaires soient meilleurs parce que la TVA est plus faible. Or, en l’état, rien ne garantit que tout ne partira pas dans les marges. Ce n’est pas votre intention, mais j’appelle votre attention sur ce point. Par ailleurs, vous mettez l’accent sur l’existence de prestations de moindre qualité, de produits tout faits dans certains établissements. Le label de maître restaurateur regroupe-t-il tous ceux qui proposent du fait maison ? Je ne pense pas que cela concerne seulement 3 000 restaurants en France.

M. Philippe Brun (SOC). Plus de la moitié des restaurants français sont éligibles au titre de maître restaurateur, mais seuls 3 000 en ont fait la demande. En effet, il ne sert actuellement à rien d’avoir ce label, si ce n’est qu’on peut l’afficher pour des raisons commerciales.

Il s’agit d’un label officiel, lié à un Cerfa, qui atteste qu’on propose des plats faits maison – autrement dit, une restauration artisanale – quand d’autres font tourner les établissements comme des usines. Cela implique, de fait, qu’un maître restaurateur emploie beaucoup plus de personnes. Un taux réduit de TVA permettrait dès lors de favoriser un secteur très intense en main-d’œuvre, donc très fortement créateur d’emplois.

Il n’y a aujourd’hui que 3 000 maîtres restaurateurs, mais des dizaines de milliers de personnes demanderaient probablement cette certification si le présent amendement était adopté, afin de bénéficier d’un taux réduit de TVA. On mettrait fin, en tout cas, au scandale actuel : il n’est pas acceptable de payer le même taux de TVA dans un restaurant traditionnel, de proximité, qui fait l’effort de faire vraiment à manger, et dans une grande chaîne américaine de restauration.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je ne voterai pas cet amendement, qui aurait des conséquences systémiques. Il toucherait, en effet, beaucoup de restaurateurs en France.

L’octroi d’un taux réduit de TVA, désormais de 10 %, a eu pour effet de remettre à l’équilibre certaines entreprises de restauration – je ne parle pas des grands groupes. Il est vrai que les restaurateurs n’avaient pas l’obligation de répercuter l’évolution du taux sur les additions, mais la mesure a redonné un peu d’air à ce secteur et permis la transmission de petits restaurants.

Je dois dire que l’idée de payer moins de TVA dans un restaurant étoilé, bénéficiant du titre de maître restaurateur, que dans un restaurant classique m’interpelle. Pourquoi faire une différence en faveur de restaurants dont les clients doivent avoir un certain pouvoir d’achat ?

La question que vous posez mérite peut-être une réflexion, mais je pense qu’il ne faut pas remodifier trop rapidement le taux de TVA dans ce secteur.

Mme Olivia Grégoire (EPR). C’est un débat intéressant, qui a été ouvert au Parlement il y a maintenant plus de dix-huit mois et dont le retour me réjouit. La question de savoir comment nous pourrions valoriser davantage les restaurateurs qui proposent vraiment du fait maison par rapport à ceux qui se contentent d’utiliser leur four à micro-ondes se pose, et je suis heureuse qu’il y ait une sorte de consensus à cet égard. Selon le président de l’Association française des maîtres restaurateurs, Alain Fontaine, c’est l’intensité de la masse salariale qui est le marqueur du fait maison. Il faut entre cinq et sept personnes par client dans ce type de restaurant. La TVA est-elle le bon outil à utiliser ? Je n’en suis pas sûre. En revanche, je suis certaine que les enjeux sont la masse salariale et le fait maison.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF433 de M. Éric Woerth.

Amendement I-CF242 de M. Michel Castellani

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Cet amendement vise à conditionner l’éligibilité au taux réduit de TVA de 5,5 % en ce qui concerne les installations photovoltaïques d’autoconsommation à la réalisation des prestations par un installateur qualifié ou certifié par un organisme conventionné par l’État. Cela protégera le client et permettra d’avoir des équipements de qualité, certifiés et adaptés aux besoins.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je trouve que ce serait une source de complexité. D’un autre côté, l’honnêteté me pousse à dire que le ministère concerné pense à une mesure de ce type. Sagesse, donc, bien que je sois très dubitatif.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF808 de M. Paul Vannier, I-CF1084 de M. Philippe Brun et I-CF820 de Mme Claire Lejeune (discussion commune)

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il faudrait – mais ce budget ne permettra pas de le faire – que nous réalisions une transformation des mobilités, et l’accessibilité des transports en commun est l’une des clés en la matière. Nous avons besoin d’immenses investissements publics pour renforcer ce type de transports et les étendre là où c’est nécessaire. En attendant, nous proposons de ramener à 5,5 % le taux de TVA pour l’ensemble des transports en commun, afin d’assurer l’égalité de nos concitoyens en matière de mobilité.

M. Philippe Juvin, rapporteur. Il y a une sorte de paradoxe dans vos propos. Vous appelez en même temps à faire beaucoup d’investissements et à baisser le taux de TVA. Par ailleurs, je rappelle que le prix des transports en commun inclut déjà des subventions très élevées. Les recettes provenant des voyageurs ne constituent, par exemple, qu’un quart des ressources d’Île-de-France Mobilités. Avis défavorable.

M. Kévin Mauvieux (RN). Je m’étonne d’entendre parler d’équité entre les Français qui ont besoin de se déplacer. Vous voulez, en effet, réduire la TVA sur les transports en commun pour des personnes qui vivent majoritairement dans des métropoles, près des grandes villes. En revanche, avec vous, les habitants des zones rurales qui ont besoin d’une voiture peuvent toujours s’asseoir sur un taux de TVA de 5,5 % pour les carburants. Je suis également surpris que Philippe Brun, député de l’Eure, territoire rural, ne vote pas pour une telle mesure, qui permettrait d’aider les habitants de sa circonscription, mais propose lui aussi d’appliquer un taux de TVA de 5,5 % aux transports en commun.

M. Philippe Brun (SOC). Je vous rappelle, puisque vous avez la mémoire courte, que le programme d’une personne que vous aimez beaucoup, Anne Hidalgo, prévoyait de faire passer la TVA à 5,5 % sur l’essence. Par conséquent, vous dites n’importe quoi : c’est une mesure que nous avons longtemps proposée. Et je ne sais pas si vous êtes déjà allé dans le nord de l’Eure, mais je peux vous dire que nous avons beaucoup de réseaux de bus, qu’empruntent des ouvriers, des employés, des gens qui travaillent dur, qui bossent dans des usines. Je pense qu’il serait bien de baisser la TVA sur leurs tickets de bus.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques I-CF267 de M. Corentin Le Fur et I-CF1470 de M. Stéphane Delautrette

M. Corentin Le Fur (DR). Les modifications de taux de TVA me laissent parfois un peu sceptique, bien qu’elles permettent d’envoyer un message politique. Cet amendement, qui reprend une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, vise à diminuer le taux de TVA applicable aux activités de recyclage, qu’il faut préférer à la surconsommation de produits neufs.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Cet amendement transpartisan est issu d’une proposition de loi elle-même transpartisane. Afin de soutenir un secteur qui regroupe les principaux acteurs de l’économie circulaire, présents partout sur le territoire, il vise à ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable aux opérations de réparation. Cela permettrait de préserver des emplois, des savoir-faire et des ressources.

Cette mesure concerne les cordonniers, les couturiers et les réparateurs en tous genres, dont le nombre a drastiquement diminué en vingt ans. Elle est permise par la directive européenne 2022/542 délimitant les activités pouvant bénéficier d’un taux de TVA réduit, déjà transposée par neuf pays.

Adopter cet amendement enverrait un signal fort en matière d’aménagement des territoires, de lutte contre le changement climatique et de soutien au pouvoir d’achat.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable, puisque le fameux bonus réparation existe déjà.

M. Charles de Courson (LIOT). Si nous adoptions cet amendement, la cohérence voudrait que nous abrogions le crédit d’impôt sur les réparations. Dans le cas contraire, le taux d’imposition risque d’être négatif !

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’impact du bonus réparation demeure superficiel et ne permet pas le maintien de ces activités. La réduction du taux de TVA permettrait un véritable accompagnement des filières.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF601 de Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Sophie Pantel (SOC). Il vise à appliquer le taux de TVA de 5,5 % aux audits énergétiques, qui sont souvent une première étape avant un engagement plus massif dans la résorption de la précarité énergétique. L’adopter serait un moyen de soutenir des emplois non délocalisables, mais aussi l’artisanat, le climat et le pouvoir d’achat.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF676 de M. Aurélien Le Coq ; amendements identiques ICF1191 de M. Emmanuel Maurel et I-CF1624 de Mme Valérie Rossi ; amendement I-CF80 de M. Lionel Causse (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Se loger en Macronie est devenu un enfer. Tandis que 12 millions de personnes ont des difficultés en matière de logement, 2,8 millions de ménages, soit 5 millions de Français, sont en attente d’un logement social, vivant dans une précarité absolument insupportable. Ces personnes en demande ou en attente de logement social, que nous sommes nombreux à recevoir dans nos permanences, n’ont parfois nulle part où dormir. Ils se débrouillent alors comme ils peuvent, dormant chez des amis ou de la famille, dans de mauvaises conditions. Aussi notre amendement I-CF676 vise-t-il à ramener à 5,5 % le taux de TVA applicable à la construction de nouveaux logements sociaux, afin d’encourager ce secteur.

M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement I-CF1191 vise à rétablir un taux unique de TVA de 5,5 % pour toutes les constructions de logements sociaux locatifs neufs et pour l’ensemble des travaux effectués dans les logements sociaux existants.

Depuis 2018, le taux réduit a été restreint aux seules opérations financées en PLAI (prêt locatif aidé d’intégration) ou en Plus (prêt locatif à usage social), un taux de 10 % s’appliquant à toutes les autres opérations. Compte tenu de la crise du logement social, cette situation n’est plus tenable : en 2024, près de 2,8 millions de ménages étaient en attente d’un logement social, soit 300 000 de plus qu’en 2022.

Restaurer le taux de TVA de 5,5 %, en vigueur avant 2018, serait une mesure efficace et simple pour relancer la construction, améliorer la situation des foyers précaires et soutenir un secteur puissamment créateur d’emplois locaux.

Mme Sophie Pantel (SOC). Notre amendement I-CF1624 est identique à celui que vient de défendre M. Maurel. Le manque de logements sociaux est criant sur tout le territoire, même dans les zones qualifiées de non tendues. Du reste, ces activités créent des emplois non délocalisables et soutiennent l’ensemble de la filière du bâtiment.

M. Lionel Causse (EPR). L’amendement I-CF80 est complémentaire de ceux qui viennent d’être défendus.

Depuis le changement de taux de TVA intervenu en 2018, les bailleurs sociaux font face à une difficulté de gestion croissante en raison de la multiplication des opérations mixtes : les taux qui s’appliquent diffèrent en fonction de l’affectation des surfaces. Revenir à un taux unique de 5,5 % permettrait une harmonisation qui faciliterait la gestion des bailleurs sociaux et le travail de contrôle des services de l’État.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les questions relatives au logement social sont complexes. Environ 70 % des Français y sont éligibles, ce qui soulève une interrogation sur la définition des critères.

Le principal frein à la construction de logements sociaux est la rareté du foncier disponible, notamment là où il est le plus nécessaire. Par ailleurs, des aides au secteur du logement social existent déjà, comme l’exonération de la taxe foncière.

La diminution du taux de TVA ne me paraît pas de nature à débloquer la construction de logements sociaux ; pour ce faire, il me semble préférable d’agir sur la disponibilité du foncier. Avis défavorable.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Je souscris totalement aux propos du rapporteur général. Penser que l’on va relancer le logement social grâce à une baisse du taux de TVA, qui est un cadeau déguisé, c’est dissimuler la vérité.

Aucun pays européen ne fonctionne comme nous : la France est l’un des pays où les logements sociaux sont les plus nombreux et les plus accessibles. Deux tiers des Français sont éligibles au logement social, ce qui suscite une très longue file d’attente malgré les 5 millions de logements existants.

De plus, le secteur fait face à d’autres problèmes tenant à la disponibilité du foncier, à la délivrance des permis de construire, à l’acceptabilité des projets par les habitants et les élus locaux, ou encore à la rentabilité des logements intermédiaires. Ce n’est pas en baissant le taux de TVA que l’on résoudra ces problèmes.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Vous ne cessez de vouloir aider les investisseurs privés à construire des logements, allant jusqu’à proposer de créer un statut fiscal pour les bailleurs privés, mais quand on vous demande de baisser le taux de TVA, vous rétorquez que cela ne fonctionnera pas et que le problème, c’est le foncier. Vous racontez n’importe quoi et ressassez toujours la même rengaine : vous ne voulez pas donner d’argent public pour mener des politiques publiques en matière de logement.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF78 de M. Lionel Causse

M. Lionel Causse (EPR). Il est nécessaire de disposer d’une offre entre le logement social et le logement libre. L’investissement dans des logements locatifs intermédiaires (LLI) a été ouvert aux particuliers à travers des sociétés civiles immobilières (SCI), mais ces dernières ont des coûts de fonctionnement. Aussi proposons-nous de ramener à 10 % le taux de TVA applicable aux livraisons de ce type de logement aux particuliers sans passer par une SCI.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La loi de finances pour 2024 comprenait déjà des mesures favorables à la construction de logements intermédiaires. L’extension de cet avantage aux particuliers soulève des questions quant au contrôle des conditions fixées par la loi, d’autant que vous ne prévoyez quasiment pas de sanctions. De plus, la répercussion sur les prix d’une baisse du taux de TVA n’est jamais certaine et presque toujours incomplète. Si les investisseurs institutionnels sont armés pour négocier les prix, les particuliers le sont beaucoup moins. On peut donc craindre une dilution de l’avantage fiscal dans les marges des entreprises de construction. Avis défavorable.

M. Lionel Causse (EPR). À partir du moment où le financement de projets de LLI est ouvert aux particuliers dans le cadre de SCI, je ne vois pas en quoi leur donner un accès direct poserait problème. Il s’agit d’augmenter le nombre d’investisseurs particuliers pour contribuer à relancer la construction de logements encadrés. Le contrôle du respect des contraintes sera identique à celui déjà pratiqué auprès des SCI et des institutionnels.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je crains que ce que vous proposez ne soit géré par des entreprises plutôt que par des particuliers, ce qui viendrait diluer l’effet de la modification du taux de TVA.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Il me semble préférable d’avoir un taux de TVA de 10 % sur des centaines de millions d’euros plutôt qu’un taux de 20 % sur rien. Aujourd’hui, il n’y a plus de base taxable, parce que les opérations sont à l’arrêt. J’entends les remarques de M. Kasbarian sur les difficultés liées au foncier, mais le problème ne tient pas tant au taux de TVA qu’à des recettes inexistantes.

M. Daniel Labaronne (EPR). On ne construit pas un budget en fonction des recettes qui seraient produites par un secteur d’activité subventionné. Si c’était le cas, il faudrait subventionner massivement le secteur automobile, qui rapporte beaucoup de TVA !

M. Lionel Causse (EPR). On commence à voir des institutionnels comme CDC Habitat et Action logement réduire leurs engagements dans les LLI, après y avoir beaucoup investi. Ils sont désormais en sous-capacité. Dans ce contexte, il me semble urgent d’inciter les particuliers à investir dans les LLI afin de maintenir la production de ces logements intermédiaires entre le logement social et le logement libre. Dans le cas contraire, la poursuite du désengagement des acteurs institutionnels provoquera non seulement une baisse de l’offre de logements, mais également une diminution des recettes de TVA.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF79 de M. Lionel Causse

M. Lionel Causse (EPR). Il vise à étendre le régime du LLI aux logements appartenant à une résidence de services gérés.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous avez beaucoup de mérite à vous consacrer ainsi à ce sujet, monsieur Causse, mais le blocage du LLI est multifactoriel, et adopter votre amendement ne résoudra pas le problème. On ne peut pas, dans une loi de finances, relancer tout un pan d’activité en jouant sur un seul élément comme le taux de TVA. Je ne parle même pas du problème de l’éligibilité des LLI à la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Avis défavorable.

M. Lionel Causse (EPR). Je conviens que cet amendement ne saurait résoudre à lui seul tous les problèmes du LLI, mais nous aurions pu contribuer à débloquer la situation en votant tous les amendements présentés depuis lundi portant sur le logement.

M. Charles de Courson (LIOT). Ce PLF ne prévoit rien pour résoudre la crise du logement. L’outil fiscal est l’un de ceux qui peuvent y contribuer, mais il n’est pas le seul. Espérons que le gouvernement écoutera la représentation nationale lors de l’examen du texte en séance publique : plusieurs amendements intéressants seront alors défendus. Afin de ne pas aggraver la crise actuelle, nous devons faire quelque chose en faveur du secteur locatif privé, des HLM et de l’accession à la propriété, qui sont les trois principaux volets de la politique du logement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1192 de M. Emmanuel Maurel

M. Emmanuel Maurel (GDR). Monsieur Labaronne, je suis favorable à une subvention massive du secteur automobile ! Il faut soutenir l’industrie partout et tout le temps – nous en avons les moyens.

L’outil fiscal n’est certes pas le seul, mais c’est un des éléments propres à soutenir le logement social. Cet amendement est ambitieux : il vise à instaurer un taux unique de TVA de 5,5 % pour la primo-accession à la propriété sur l’ensemble du territoire, à l’instar de ce qui a été fait pour les opérations implantées dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Compte tenu de l’état du secteur du logement, cet amendement me semble pertinent et opportun. L’adopter serait certes coûteux, mais la perte de recettes serait en partie compensée par la hausse des acquisitions.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce n’est pas en ramenant le taux de TVA à 5,5 % que des opérations complexes se débloqueront brusquement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF572 de M. François Jolivet.

Amendement I-CF1318 de Mme Véronique Riotton

Mme Béatrice Piron (HOR). Nous proposons de porter à 20 % le taux de TVA sur l’eau et les boissons non alcoolisées en bouteille à usage unique – hors départements, régions et collectivités d’outre-mer. Cette mesure vise à réduire la consommation de bouteilles à usage unique – en plastique, en verre, en carton ou en aluminium – et à diminuer ainsi les pollutions liées à leur production et à leur collecte. Elle permettrait également d’augmenter les recettes de l’État de 200 à 300 millions d’euros, tout en contribuant au financement de l’entretien du réseau d’eau potable. Elle renforcerait enfin la cohérence de la fiscalité environnementale en supprimant un taux réduit dont bénéficient surtout les ménages les plus aisés, sans créer de charges nouvelles pour les finances publiques.

Véronique Riotton déposera en séance publique un amendement visant à exclure les bouteilles de lait de cette mesure.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je vous invite à retirer cet amendement afin d’en améliorer la rédaction, la notion de bouteille à usage unique manquant de clarté. Par ailleurs, il conviendrait de vérifier la conformité de cette mesure à la directive européenne sur la TVA.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF406 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il vise à ramener de 5,5 % à 0 % le taux de TVA applicable à la fourniture d’eau potable, et ce, quels que soient le nombre d’habitants approvisionnés et le mode de gestion du service.

Le prix de ce bien fondamental doit être réduit autant que possible, comme nous le proposons dans notre programme, qui prévoit notamment la gratuité des premiers mètres cubes d’eau.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ne craignez-vous pas que cette mesure incite au gaspillage de la ressource ? Du reste, il me semble curieux d’étendre l’exonération à tous les consommateurs, quels que soient leurs revenus. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF407 de M. Aurélien Le Coq.

Amendements I-CF388 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF848 de M. Aurélien Le Coq (discussion commune)

M. Alexandre Dufosset (RN). Nous proposons de ramener de 5,5 % à 0 % le taux de TVA pesant sur cent produits de première nécessité, alimentaires – le pain, le lait, les fruits et les légumes – ou d’hygiène. Cette mesure permettrait de rendre immédiatement du pouvoir d’achat aux Français, en particulier à ceux des classes moyenne et modeste. Cette disposition, qui créera un bouclier anti-inflation, est plébiscitée par 90 % des Français.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Notre amendement vise à défendre celles et ceux qui souffrent sans doute le plus sous la gouvernance d’Emmanuel Macron : celles et ceux qui, vivant sous le seuil de pauvreté, ne parviennent pas à se nourrir et voient les prix s’envoler.

En 2023, les prix de l’alimentation ont augmenté de 20 %. D’après le Secours populaire, un Français sur trois ne peut plus manger trois repas corrects par jour. Dans un pays aussi riche que la France, des gens souffrent de la faim.

C’est pourquoi nous proposons de supprimer la TVA sur les produits de première nécessité. Pour que la grande distribution n’en profite pas en augmentant ses marges, nous proposons également de bloquer les prix des produits concernés.

Pourquoi intervenir sur le taux de TVA ? Parce que c’est l’impôt le plus injuste : les 10 % des Français les plus pauvres consacrent 12 % de leurs revenus à payer cette taxe, quand les 10 % les plus riches y consacrent moins de 5 %.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En Hongrie, les prix de certains produits alimentaires ont été bloqués. On a observé que, par peur de manquer, les gens ont massivement stocké ces produits, ce qui a provoqué des pénuries. Parallèlement, les prix qui n’étaient pas bloqués ont bondi. Finalement, la Hongrie est le pays d’Europe qui a subi la plus forte hausse des prix alimentaires. Permettez-moi donc de vous mettre en garde contre ce type de mesures.

De plus, ce dispositif ne permettrait pas de cibler ceux qui en ont réellement besoin. Enfin, il aurait probablement un coût très élevé, de l’ordre de 10 milliards pour les seuls produits alimentaires. Avis défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Il y a déjà eu dans l’histoire des baisses de taux de TVA qui ne se sont pas traduites par une baisse effective des prix : les distributeurs et les grossistes en ont profité pour refaire leurs marges.

Comment comptez-vous bloquer les prix des salades, des nouilles et des carottes ? En les vérifiant tous les jours sur les marchés ? Cela n’a pas de sens.

Enfin, les baisses de taux de TVA peuvent certes constituer de bonnes politiques publiques, mais la réduction du déficit est notre priorité ; autrement, on crée de la dette et on paie des intérêts qui pèsent sur notre croissance et nos politiques publiques.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF72 de Mme Sandrine Rousseau

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il vise à appliquer dans les territoires ultramarins un taux de TVA de 0 % sur un ensemble de produits de première nécessité – denrées alimentaires, produits d’hygiène, médicaments. Ce régime d’exception à la TVA est déjà en vigueur en Guyane et à Mayotte.

Dans les territoires ultramarins, le taux de pauvreté atteint des niveaux alarmants : 77 % à Mayotte, 53 % en Guyane, 36 % à La Réunion, 34 % en Guadeloupe et 26 %, contre 15,4 % en métropole. Du reste, ces chiffres ne tiennent pas compte du coût de la vie, supérieur de 9 à 16 %. La différence est encore plus marquée s’agissant des produits alimentaires, plus chers de 42 % en Guadeloupe, de 40 % en Martinique et de 37 % à La Réunion.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les outre-mer bénéficient déjà d’un régime favorable de TVA. De plus, il est probable qu’une partie de la baisse se répercuterait dans les marges des intermédiaires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF854 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il consiste à ramener à 0 % le taux de TVA sur les produits de première nécessité.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1090 et I-CF1088 de M. Jimmy Pahun

M. Jimmy Pahun (Dem). Le transport maritime à la voile est le plus efficace, le plus fiable et le plus rapide à organiser.

L’amendement I-CF1090 vise à exempter du dispositif de régulation annuel des exportations de rhum traditionnel les quantités de rhum exportées vers l’Hexagone sur des bateaux à voile. J’en élargirai l’application au café, au cacao et aux épices, qui ne demandent pas à être transportés rapidement, lors de l’examen du texte en séance publique.

Quant à l’amendement I-CF1088, il consiste à instaurer un régime d’accises spécifique pour le rhum transporté à la voile, afin d’encourager les filières agricoles et ultramarines à recourir à des modes de transport décarbonés.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les règles européennes ne permettent pas de discriminer les produits en fonction de leur mode de transport. Par ailleurs, il serait utile d’évaluer les conséquences économiques de ces mesures sur les producteurs de rhum des Antilles. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF999 de M. Stéphane Viry.

Amendement I-CF1619 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il vise à reporter l’obligation de certification des logiciels de caisse introduite par la loi de finances pour 2025. Je suis favorable à ce que l’ensemble des commerçants soient dotés de logiciels certifiés, mais seules deux sociétés sont accréditées pour délivrer une telle certification, pour un coût qui peut dépasser 20 000 euros par logiciel. Un tel montant mettrait en péril nombre de PME, d’éditeurs indépendants et d’auto-entrepreneurs. Cet amendement n’a donc pas pour but de remettre en cause l’objectif de lutte contre la fraude, mais de permettre au gouvernement de trouver une solution proportionnée, soutenable, équitable et négociée afin d’éviter de fragiliser tout cet écosystème.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF523 de M. Dominique Potier

M. Mickaël Bouloux (SOC). Il vise à ramener à 2,1 % le taux de TVA applicable aux produits issus du commerce équitable. Ce dernier rémunère mieux les producteurs, réduit les inégalités et divise par deux les coûts cachés de notre alimentation. Chaque année, l’État dépense des milliards pour compenser les impacts sociaux et environnementaux de notre système alimentaire.

Parce qu’ils coûtent 10 à 15 % plus cher, les produits issus du commerce équitable sont moins achetés. Les rendre accessibles, c’est soutenir nos agriculteurs, nos PME responsables et accélérer la transition écologique sans pénaliser les consommateurs ; c’est une mesure de justice sociale, écologique et fiscale, conforme à nos engagements en faveur de la transition écologique et d’une plus grande souveraineté alimentaire.

En août dernier, la Commission européenne elle-même a encouragé l’application d’un taux de TVA réduit pour les produits alimentaires durables.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Malheureusement, la répercussion sur les prix d’une baisse du taux de TVA est toujours incomplète. Par ailleurs, j’aimerais en savoir plus sur la position de la Commission européenne que vous évoquez : s’agit-il d’une simple déclaration ou d’une décision reposant sur une base juridique solide ? Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1445, I-CF1444 et I-CF1446 de M. Jean-Pierre Bataille

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Après le rhum, permettez-moi de vous parler maintenant de bière et d’une célèbre brasserie de ma circonscription située entre le mont Cassel, le mont des Récollets et le mont des Cats. La capacité de production de cette brasserie va dépasser le seuil de 200 000 hectolitres, en dessous duquel le droit d’accise s’élève à 4,05 euros par hectolitre. Dès le franchissement de ce seuil, le droit d’accise double et s’applique à l’entièreté de la production, ce qui entraîne un surcoût considérable.

L’amendement I-CF1445 vise à créer un droit d’accise intermédiaire, qui pourrait être de 6 euros par hectolitre. L’amendement I-CF1444, de repli, consiste à opérer un lissage sur cinq ans de l’augmentation du droit d’accise. Quant à l’amendement I-CF1446, de repli également, il vise à maintenir le droit d’accise réduit pendant trois ans avant son doublement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il me semble qu’au-delà de 200 000 hectolitres par an, la directive européenne interdit l’application d’un droit d’accise réduit. Or il est question, dans votre amendement I-CF1445, de 300 000 hectolitres.

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Il s’agit d’une erreur, qui ne figure pas dans les deux autres amendements et sera rectifiée pour l’examen en séance publique.

M. Charles de Courson (LIOT). Une solution simple serait d’appliquer des tranches, comme pour l’impôt sur le revenu.

Les amendements sont retirés.

Amendement I-CF196 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement vise à conditionner le taux super-réduit de TVA de 2,1 % applicable aux entreprises de presse à une procédure d’agrément, dont seul Le Monde est aujourd’hui doté. Cela reviendrait à autoriser la désignation des responsables d’une rédaction sans l’avis des journalistes, à condition de payer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 26 non modifié.

Amendement I-CF1863 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La révision des valeurs locatives des locaux d’habitation est un serpent de mer. Il n’y en a pas eu depuis 1970, car il y a toujours une bonne raison de ne pas le faire – et souvent, c’est que personne ne veut le grand soir avant les élections municipales !

Pour que nous parvenions enfin à mener cette révision que tout le monde réclame mais qui n’arrive jamais, je vous propose donc non pas une grande réforme, mais une révision progressive au fur et à mesure de la mutation des biens, ce qui serait plus souple et moins brutal pour les contribuables. Évidemment, les biens qui ne sont pas vendus ne verraient pas leur valeur locative révisée pendant plusieurs années, mais faute de procéder ainsi, dans cinquante ans, les valeurs locatives n’auront toujours pas été révisées. Au moins, nous aurons avancé un peu.

M. Charles de Courson (LIOT). Cette proposition se heurte au principe d’égalité des citoyens devant l’impôt, car la valeur locative de deux biens identiques serait différente selon qu’il a été cédé ou non – l’écart pourrait être de l’ordre de 1 à 2 voire de 1 à 3.

La solution serait de soumettre les nouvelles bases à un triple mécanisme de plafonnement, de « planchonnement » et de lissage sur une dizaine d’années. Le problème, c’est que cela se fait à produit constant. Ceux qui bénéficieront de ce dispositif ne défileront pas dans la rue pour nous féliciter d’œuvrer à plus de justice fiscale, tandis que ceux qui paieront davantage, nous allons les entendre ! Il faudrait que nous ayons le courage d’en finir avec la démagogie et de dire que nous sommes tous d’accord.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Comme pour les bases locatives des locaux commerciaux, je pense qu’il vaudrait mieux s’appuyer sur la valeur vénale. C’est d’ailleurs le principe de votre dispositif, puisque vous proposez la révision à chaque vente. Du reste, lorsque le bien vendu n’était pas loué, on n’en connaît pas la valeur locative. Votre proposition risque également de créer une distorsion entre les propriétaires de biens qui auront muté, dont la valeur locative aura été actualisée, et les autres. C’est un problème inextricable, on le voit bien lors des commissions fiscales communales. L’amendement est intéressant, mais il ne me semble pas pertinent, car il sera compliqué à mettre en œuvre et créera des distorsions ingérables.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Effectivement, monsieur le rapporteur général, si les bases n’ont pas été révisées depuis cinquante ans, c’est parce que les réformes successives ont systématiquement été repoussées soit par les élus locaux, soit par les parlementaires. Mais pour les raisons déjà évoquées votre proposition n’est pas recevable : elle créera d’importantes distorsions, en particulier dans les régions non tendues, où les ventes ne sont pas régulières. Et quand on remettra le sujet sur le tapis, dans cinquante ans, on se dira que la réforme Juvin n’était décidément pas bonne du tout !

Comme le dit souvent Jean-Paul Mattei, il faut réfléchir à un dispositif complètement différent. J’ai déposé une proposition de résolution appelant à l’organisation d’une conférence nationale sur l’autonomie financière et les marges de manœuvre fiscales des collectivités territoriales, afin que nous puissions mettre ce sujet sur la table, sur la base des engagements pris par M. Lecornu en matière de décentralisation dans un courrier adressé à tous les maires – et dont nous n’entendons plus parler.

M. Jacques Oberti (SOC). La distorsion entre des biens équivalents est déjà la première source de contestation dans les commissions communales des impôts directs : nous ne pouvons pas aggraver encore la situation. Par ailleurs, il serait intéressant de fonder la révision des valeurs locatives d’habitation sur les loyers réels, comme pour les locaux professionnels.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). L’idée du rapporteur général est bonne : il faut sortir de ce dispositif devenu obsolète, et la revalorisation à chaque vente permettrait d’avoir des valeurs locatives correspondant davantage aux réalités du marché. Je ne sais pas si le projet de loi de finances est le bon véhicule, mais j’aimerais que le gouvernement se saisisse du sujet. Quoi qu’il en soit, soyons prudents – je me rappelle la cacophonie que nous avons connue dans les territoires avec la réforme des bases locatives des locaux professionnels.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ma proposition est très imparfaite, j’en suis bien conscient. Elle risque effectivement d’entraîner une distorsion, mais je note tout de même que deux biens identiques, dans un même immeuble, peuvent aussi être vendus à des prix différents.

Cependant, je le répète, les valeurs locatives n’ont pas été révisées depuis 1970. La France adore les grands soirs et les grandes réformes.

M. le président Éric Coquerel. Et parfois les révolutions.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Et parfois les révolutions, même si elles coûtent la tête de quelques-uns !

Si nous ne nous décidons pas à faire quoi que ce soit, je suis prêt à parier que dans cinquante ans, rien n’aura bougé. Tout imparfait qu’il soit, le dispositif que je propose a le mérite de réévaluer les choses. Mais j’entends les arguments qui me sont opposés, et je vais donc retirer mon amendement, afin que nous puissions débattre de ce sujet hautement politique en séance.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF1359 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Cet amendement propose également de réviser les valeurs locatives des locaux d’habitation. Je voudrais appeler votre attention sur le manque de moyens criant de l’administration fiscale, qui ne dispose pas de suffisamment d’agents pour actualiser correctement les valeurs locatives. Peut-être devrions-nous commencer par lui donner les moyens de réfléchir à cette révision, car c’est à elle que cela incombe en premier.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le dispositif que vous proposez vise les locaux professionnels ; je pense qu’il s’agit d’une erreur, que je vous invite à corriger avant de redéposer votre amendement en séance.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Effectivement, c’est une erreur.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 27 non modifié.

Amendements I-CF1456 de M. Inaki Echaniz, I-CF1299 de M. Philippe Lottiaux et ICF833 de M. Nicolas Sansu ; amendements identiques I-CF1280 de Mme Constance de Pélichy et I-CF1147 de Mme Sandrine Le Feur ; amendements I-CF511 de M. Emmanuel Grégoire, I-CF680 de M. Emeric Salmon, I-CF705 de M. François Piquemal, I-CF905 de M. Pouria Amirshahi et I-CF709 de Mme Mathilde Feld (discussion commune)

M. Inaki Echaniz (SOC). Trois mots qui devraient plaire à une majorité d’entre vous : simplification, efficacité, décentralisation.

Pour lutter efficacement contre la vacance des logements, l’amendement I‑CF1456, de bon sens, vise à fusionner la THLV (taxe d’habitation sur les logements vacants) et la TLV (taxe sur les logements vacants), qui ont le même objet, à permettre aux communes de majorer la taxe ainsi créée de 5 % à 60 %, comme cela se fait déjà pour la THRS (taxe d’habitation sur les résidences secondaires), et à instaurer une majoration progressive de la THRS et de la THLV en fonction de nombre de locaux imposables au titre desquels un même propriétaire est assujetti à l’une ou l’autre de ces taxes.

Les collectivités sont les mieux placées pour lutter contre la vacance des logements, un problème dont nous parlons depuis des années. Pour rendre ces taxes plus efficaces et plus lisibles – tant pour le contribuable que pour les collectivités –, il me semble nécessaire de les fusionner et de les transférer aux collectivités, qui pourront les ajuster aux besoins de chaque territoire.

Mme Sandrine Le Feur (EPR). L’amendement I-CF1147 vise à mettre en œuvre certaines des conclusions de la mission d’information sur l’articulation des politiques publiques ayant un impact sur l’artificialisation des sols, menée avec Constance de Pélichy.

M. Emeric Salmon (RN). L’amendement I-CF680 vise à protéger les militaires, qui pourraient être empêchés d’occuper le logement qu’ils ont acquis en raison d’une mobilité contrainte. Les associations professionnelles nationales militaires, que j’ai entendues dans le cadre de mon rapport spécial, m’ont encore dit ce matin combien il était important que les militaires ne soient pas pénalisés par la TLV.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Compte tenu de l’actuelle crise du logement, la problématique des logements vacants est particulièrement grave ; aussi notre amendement I-CF705 vise-t-il à rehausser progressivement la TLV. Nous soutiendrons également les amendements visant à octroyer aux collectivités la possibilité de la majorer.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. D’après les chiffres de 2023, la suppression de la TLV entraînerait une perte de 270 millions d’euros pour l’État. En outre, je ne suis pas certain que le levier fiscal soit très pertinent pour lutter contre la vacance des logements : le produit de la TLV est passé de 80 millions d’euros en 2014 à 271 millions en 2023, soit une augmentation de 240 % ; dans le même temps, le taux de logements vacants est resté stable, à 8 % du parc. Enfin, comme M. de Courson l’a souligné dans son rapport sur l’application des lois fiscales (Ralf), la hausse massive de la THRS ces dernières années – + 35 % en trois ans – n’a pas eu d’effet sur la part de résidences secondaires, qui continue de progresser. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne (EPR). Dans le cadre du plan France ruralité, nous avons créé une prime de 5 000 euros versée pour chaque logement vacant devenu occupé. À combien s’élève le montant total des primes versées ? Ce dispositif se montre-t-il plus efficace que la TLV ?

M. Inaki Echaniz (SOC). Monsieur le rapporteur général, la taxe sur les logements vacants, telle que nous la proposons, est efficace : au Canada, où elle est déjà en vigueur, elle porte ses fruits. Le problème est le même que pour les meublés de tourisme ou l’encadrement des loyers. Comme vous le savez, la situation à Paris n’est pas la même que dans le Béarn, au Pays basque, à Annecy ou en Bretagne : ces nouvelles ressources permettront enfin aux collectivités d’agir avec force, au plus près de leur territoire, et notamment de renforcer les contrôles.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Monsieur Labaronne, si j’en crois la réponse du gouvernement à une question écrite, seules 353 primes avaient été distribuées en 2024, pour un total de 1,7 million d’euros.

Monsieur Salmon, aux termes de l’article 232 du code général des impôts, la TLV « n’est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable ». C’est la situation dans laquelle se trouvent les militaires en opération extérieure.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF8 de M. Nicolas Ray

M. Corentin Le Fur (DR). Il vise à lutter contre la vacance des logements, très préjudiciable aux communes, en particulier dans les zones tendues comme la Bretagne, où les biens à louer font cruellement défaut.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je me permets d’attirer votre attention sur un effet de bord probablement involontaire : tel qu’il est rédigé, votre amendement prive les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) des produits de la taxe qui remplacerait la THLV. Je vous invite donc à le redéposer en séance en veillant à l’affectation.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1680 de Mme Sophie Pantel, I-CF1026 de M. Damien Maudet, ICF1486 de Mme Sandra Regol et I-CF1208 de M. Emmanuel Mandon (discussion commune)

Mme Sophie Pantel (SOC). Avec une hausse de 2 degrés depuis 1900, les conséquences du réchauffement climatique – feux, inondations, tornades – affectent désormais tout le territoire national, faisant évoluer le risque en matière de sécurité civile.

Nous avons la chance de disposer d’un modèle de sécurité civile unique, qui repose sur trois composantes, dont les sapeurs-pompiers volontaires, qu’il convient de préserver. Or, aujourd’hui, il y a le feu à la caserne, comme dit le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. À la crise du volontariat s’ajoute la problématique du financement des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), assuré par les collectivités, à hauteur de 5 milliards d’euros, et par l’État, à hauteur de 1 milliard. La contribution des communes étant plafonnée, les conseils départementaux sont la seule variable d’ajustement de ce dispositif à bout de souffle. Or nous connaissons tous leurs difficultés.

Pour leur offrir une petite bouffée d’oxygène, notre amendement I-CF1680 vise à augmenter de 4 points la fraction de taux de TSCA (taxe spéciale sur les conventions d’assurance) affectée aux départements, en la portant à 10,45 % contre 6,45 % actuellement. Cette évolution rejoindrait les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, partagées de manière transpartisane.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Les pompiers sont dans une situation dramatique. Nous les remercions sur tous les plateaux télé, à grand renfort de tweets et de photos lorsque l’été vient, que les inondations frappent et que tout le monde prend conscience du dérèglement climatique, mais n’oublions pas qu’ils sont, comme bon nombre de services publics, abandonnés – jusque dans le budget, puisque les crédits alloués à la sécurité civile ont diminué de plus de 5 % l’an dernier. Leur principale source de financement reste néanmoins les départements, qui financent les Sdis à hauteur de 60 %. Mais ils sont à l’os et n’y arrivent plus, et pour cause : la part de TSCA censée couvrir cette aide n’a pas été revalorisée depuis vingt ans. Aussi proposons-nous, par notre amendement I-CF1026, d’augmenter de 3 points la fraction de taux de TSCA affectée aux départements.

Les Sdis ont besoin de recruter, mais les départements n’en ont pas les moyens. À la caserne de Lille Bouvines, la première équipe en est à seize départs en intervention en vingt-quatre heures. Sans moyens supplémentaires, on met en danger à la fois les pompiers et la population.

Mme Sandra Regol (EcoS). Tous ces amendements proposent différentes modalités pour pallier un peu le manque cruel de moyens alloués à la sécurité civile. Ainsi, l’amendement transpartisan I-CF1486 vise à doubler la fraction de taux de TSCA affectée aux départements pour porter son produit à 1,4 milliard d’euros – il faut bien cela pour faire face à l’urgence –, d’en augmenter légèrement le taux sur les contrats d’assurance de voiture non obligatoires et d’actualiser la clé de répartition de cette somme entre les départements, actuellement assise sur les immatriculations de véhicules de 2003. Le ministre de l’intérieur s’est dit ouvert à une telle évolution, issue des recommandations du Beauvau ; j’espère qu’il en ira de même de l’Assemblée, car il y a urgence.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Il faut absolument renforcer les moyens de nos sapeurs-pompiers et de nos Sdis, de plus en plus sollicités face à la multiplication des événements naturels découlant du réchauffement climatique – inondations, feux de forêt. Aussi proposons-nous, par notre amendement I-CF1208, d’augmenter de 1 point la fraction de TSCA affectée aux départements, ce qui donnera des marges de manœuvre financières supplémentaires aux départements. C’est indispensable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La TSCA a un rendement très dynamique, puisque son produit a augmenté de 33 % en cinq ans  soit une hausse de 3,4 milliards d’euros –, et même de 7 % rien qu’entre 2023 et 2024. Vos propositions risquent donc d’entraîner un effet d’aubaine. Du reste, je vous rappelle que si une part de TSCA est affectée aux départements, rien n’oblige ces derniers à utiliser cette recette pour financer les Sdis. En somme, vous soulevez à raison le problème du financement des Sdis, mais les mesures que vous proposez entraîneront une augmentation considérable du produit – pas toujours justifiée – sans forcément répondre à votre préoccupation. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Ces amendements soulèvent une question importante : celle de notre adaptation aux effets du changement climatique. On parle très souvent des budgets pour anticiper et prévenir les catastrophes environnementales, mais il faut penser aussi à ce qui permettra d’assurer une réparation la plus rapide possible. Le mégafeu qui a touché l’Aude cet été montre bien à quel point il est difficile de lutter contre plusieurs feux en même temps – une situation qui sera malheureusement tout à fait possible dans les années à venir. Or nous ne pourrons pas combattre les effets du changement climatique avec des budgets en baisse – je pense aussi aux crédits alloués aux opérateurs comme l’Office national des forêts (ONF). Il faut davantage de moyens matériels et humains.

Mme Sophie Pantel (SOC). Se contenter de répondre que la TSCA est dynamique n’est pas à la hauteur des enjeux, monsieur le rapporteur général. Notre modèle de sécurité civile repose sur les sapeurs-pompiers volontaires : lorsqu’ils auront posé les bips – et on en est à la veille dans bien des casernes – et qu’il faudra les remplacer par des sapeurs-pompiers professionnels, vous vous mordrez les doigts de ne pas avoir augmenté cette fraction de TSCA.

Le président l’a dit : cet été, quand il a fallu lutter contre les feux dans l’Hérault et à Marseille, l’Aude s’est trouvée dépourvue de moyens aériens pendant un ou deux jours. Il est donc très important de renouveler le matériel.

Enfin, vous avez raison : les départements ne sont pas obligés d’affecter aux Sdis tout le produit de leur part de TSCA, qui devait initialement compenser le transfert de certaines compétences – gestion des routes, collèges. Reste qu’aujourd’hui, les départements donnent beaucoup plus aux Sdis que leur part de TSCA, preuve que celle-ci ne suffit plus pour couvrir leurs besoins.

La sécurité civile est un sujet transpartisan ; nous devons envoyer un signal positif à nos sapeurs-pompiers.

Mme Sandra Regol (EcoS). Je sais que la vie de nos organisations politiques est complexe, mais ce sont les ministres de votre camp, monsieur le rapporteur général, qui ont soutenu le Beauvau de la sécurité civile et accepté ses recommandations. Il est donc étonnant que vous balayiez ainsi d’un revers de main les principales mesures de financement qui en sont issues, a fortiori en arguant que la taxe est dynamique et que les départements font bien ce qu’ils veulent. Le président l’a dit, l’inaction coûte bien plus cher que l’investissement. Les conséquences des grands feux en Gironde ont été évaluées entre 4 et 5 milliards d’euros : voilà le coût de l’inaction. J’y reviendrai dans un autre amendement sur la valeur du « sauvé ».

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Tous ceux qui vont à la rencontre des Sdis savent combien les sapeurs-pompiers souffrent, notamment d’une grande perte de sens. Ils sont en première ligne face à l’effondrement de nos services publics – hôpital, psychiatrie – et aux bouleversements climatiques. La question des moyens est d’autant plus importante que nous faisons face à une crise du volontariat et de l’engagement. Mes collègues ont parlé des feux, mais je rappelle que les fortes inondations ayant touché le Nord il y a quelques années nous avaient obligés à demander de l’aide à nos voisins européens, notamment des pompes, car nous n’étions pas équipés. Il est donc urgent et important de régler cette question.

Enfin, il serait bon que le gouvernement respecte les dispositions que nous avons adoptées de manière transpartisane en matière de gestion de carrière et de retraite des volontaires. Les décrets d’application n’ont toujours pas été publiés – encore une violence démocratique ! Il faut aussi reconnaître le risque de ce métier de plus en plus compliqué. Nous n’entendons pas le gouvernement sur ces sujets.

M. Charles de Courson (LIOT). J’ai présidé le Sdis de mon département pendant un quart de siècle : cela me donne une petite expérience ! Le problème est très simple : la revalorisation de la participation des communes et des intercommunalités au financement des Sdis a été plafonnée au niveau de l’inflation, alors que les décisions prises chaque année par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l’intérieur entraînent une dérive des coûts bien supérieure. Le solde est donc à la charge des départements.

L’inconvénient de ces amendements, c’est que l’affectation de la hausse de TSCA n’est pas précisée. Pourquoi ne pas déposer un amendement transpartisan prévoyant que les bénéficiaires directs en sont les Sdis ? La dotation versée aux départements serait alors réduite à due concurrence de la part qu’ils consacrent actuellement à ce financement, afin que l’opération reste neutre pour eux, et les Sdis seraient ainsi financés par des recettes directes. C’est peut-être une piste à creuser.

M. Daniel Labaronne (EPR). J’avais posé à ce sujet une question écrite, à laquelle le gouvernement a répondu le 29 juillet. L’État a alloué 150 millions d’euros aux Sdis, en complément des 30 millions de crédits prévus par la Lopmi (loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur pour les années 2023 à 2027). Il octroie en outre aux départements une part de la TSCA – 1,45 milliard d’euros en 2024 –, dont la dynamique se caractérise par une croissance soutenue puisqu’elle augmente de 100 millions d’euros par an. Enfin, un comité des financeurs, qui réunit des représentants du ministère de l’intérieur et des élus locaux, réfléchit actuellement à de nouvelles modalités de financement des Sdis et à une redéfinition de leurs missions, dans une logique de mutualisation accrue. Peut-être serait-il plus pertinent d’attendre les conclusions de ce comité avant de prendre des décisions.

Mme Sophie Pantel (SOC). Notre amendement est déjà la traduction d’un travail collectif mené avec les sapeurs-pompiers, les élus et toutes les parties prenantes dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile. Je ne vois pas ce que nous pouvons attendre d’une nouvelle commission. Il y a urgence ! Au Mans, le ministre de l’intérieur démissionnaire s’est engagé à suivre les recommandations du Beauvau.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF297 de Mme Sandra Regol

Mme Sandra Regol (EcoS). Nos services d’incendie et de secours ont besoin de nouvelles sources de financement : telles sont les conclusions, plutôt consensuelles, auxquelles est parvenu le Beauvau de la sécurité civile. L’une des pistes explorées depuis plusieurs années pour sortir de la crise est d’estimer la valeur du sauvé, comme le proposait Éric Pauget dans un avis budgétaire rendu il y a deux ans. Nous ne disposons pas encore d’une méthode de calcul normée, mais nous nous accordons sur le fait qu’il faut avancer dans cette voie. Aussi proposons-nous, par cet amendement, de soumettre les entreprises d’assurance à une contribution égale à 0,5 % de leur chiffre d’affaires moyen, s’il est inférieur à 15 milliards d’euros, ou à 1 %, s’il excède ce seuil. Nous estimons que les entreprises qui bénéficient le plus de la valeur du sauvé doivent participer au financement des services qui leur évitent d’engager des dépenses.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous voulez créer un nouvel impôt pour financer les Sdis, qui s’ajouterait à la TSCA. Cet impôt serait assis sur le chiffre d’affaires des sociétés d’assurance et non sur le montant des contrats : il s’agirait donc d’un impôt de production. Il serait affecté aux départements, mais rien n’obligerait ceux-ci à reverser le produit de la contribution aux Sdis. Avis défavorable.

Mme Sandra Regol (EcoS). Nous pouvons proposer un sous-amendement, si vous y êtes ouvert. Il n’en demeure pas moins que nous avons besoin de nouvelles sources de financement, car les superfeux et les superinondations qui surviennent dans de nombreuses régions de France et auxquels nous sommes incapables de faire face nous font perdre des milliards chaque année. Face à cette situation qui ne cesse de se dégrader, nos concitoyens ne peuvent espérer avoir des conditions à peu près dignes de sécurité que si les Sdis sont correctement financés ; or ils sont à l’os, et ils se débrouillent avec presque rien. Il convient de faire contribuer les sociétés d’assurance, qui gagnent énormément d’argent grâce à leur travail.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Marine Le Pen est allée faire le plein de belles images au congrès des sapeurs-pompiers, mais quand il s’agit de les aider concrètement, d’accroître leurs moyens financiers et humains, le Rassemblement national vote contre. Voilà votre vrai visage ! Vous faites de la communication, comme sur l’ensemble des sujets, mais, loin d’agir, vous abandonnez les pompiers, comme les Françaises et les Français, et protégez les plus riches.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). Madame Regol, il ne faut pas caricaturer. Les budgets cumulés de l’ensemble des Sdis de France s’élèvent à plus de 5 milliards. Pour être conseiller départemental au sein de la collectivité européenne d’Alsace, je n’ignore pas que ces services rencontrent des difficultés, mais il est excessif de prétendre qu’ils sont dépourvus de moyens. Notre débat doit être équilibré et reposer sur des faits objectifs.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1008 de Mme Sophie Pantel

Mme Sophie Pantel (SOC). Nous proposons de supprimer l’exonération de TSCA dont bénéficient certains contrats et de leur appliquer un taux majoré, sur le principe de la valeur du sauvé. En effet, les assurances sont les premières bénéficiaires de la préservation de vies ou de biens.

Monsieur Sitzenstuhl, je crois que vous n’avez pas pris la mesure de la situation. Pour avoir présidé mon Sdis pendant quelques années, j’ai constaté combien les choses se sont dégradées en très peu de temps. Le Sdis demeure le service public le moins cher. Tous les départements disent qu’ils doivent accroître leur contribution de 30 ou 40 % pour faire face aux besoins, dans un contexte marqué par l’apparition constante de nouvelles normes et de nouvelles obligations de dépenses imposées par la direction générale.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous venons de créer une taxe sur les compagnies d’assurance dont le produit devrait s’élever à 800 millions d’euros. En outre, votre amendement vise à supprimer une exonération de TSCA appliquée aux contrats de navires de commerce et d’aéronefs. S’il était adopté, ces sociétés iraient immédiatement se faire assurer par une compagnie d’assurance belge, luxembourgeoise ou allemande. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF203 de M. Nicolas Ray

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement vise à exonérer de taxe foncière les immeubles communaux et intercommunaux, pour lesquels la collectivité se verse la taxe foncière à elle-même, en quelque sorte. Cela me semble logique. Je donnerai un avis favorable à cette demande que les maires formulent de longue date.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF393 de M. Patrice Martin.

Amendements identiques I-CF1139 de Mme Sandrine Le Feur et I-CF1271 de Mme Constance de Pélichy ; amendement I-CF7 de M. Nicolas Ray (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur (EPR). L’amendement I-CF1139 vise à supprimer une niche fiscale qui encourage encore aujourd’hui l’artificialisation des sols. En cohérence avec nos engagements en faveur du zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici à 2050, nous ne pouvons pas accepter que la fiscalité locale continue à subventionner la construction neuve sur des espaces naturels ou agricoles au détriment de la réhabilitation et de la densification des zones déjà urbanisées. Supprimer cette exonération serait un acte de cohérence écologique, de justice fiscale – car elle représente un coût pour les collectivités – et de responsabilité vis-à-vis de nos territoires ruraux, qui perdent leurs terres agricoles.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les amendements identiques visent à supprimer l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dont bénéficient les constructions nouvelles. Je demande leur retrait au profit de l’amendement I-CF7, qui offre cette faculté aux communes et me paraît ainsi plus respectueux de l’autonomie des collectivités territoriales.

M. Charles de Courson (LIOT). Il semble que ces amendements ne soient pas bornés dans le temps. Cette mesure sera donc certainement censurée sur le fondement du principe d’égalité, car tous les immeubles ne se verront pas appliquer le même traitement. Il faudrait prévoir une limite temporelle, par exemple de cinq ou dix ans. Mieux vaudrait les retirer pour les réécrire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement I-CF7 offre une faculté à la collectivité : c’est l’application du principe de libre administration.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF269 de M. Corentin Le Fur

M. Corentin Le Fur (DR). Nous nous accordons tous à dire qu’il est nécessaire de réhabiliter les friches et qu’il vaut mieux réhabiliter le bâti existant qu’artificialiser les sols et construire de nouveaux immeubles et de nouvelles maisons. Cela étant, la réhabilitation et la rénovation sont très coûteuses. Il est quasiment impossible, pour un ménage modeste ou appartenant à la classe moyenne, d’accéder à la propriété lorsque cela implique de réhabiliter une friche. Un soutien fiscal accompagnant la réhabilitation des friches est dès lors indispensable. C’est pourquoi je propose, par cet amendement, l’application d’une exonération de taxe foncière, limitée à cinq ans, aux constructions nouvelles réalisées sur des friches.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cela reviendrait à imposer une perte de recettes aux collectivités territoriales. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1801 de M. Guillaume Kasbarian

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Les bailleurs sociaux bénéficient d’une exonération de taxe foncière. Au-delà de la question de principe de l’égalité devant l’impôt, cette mesure entraîne une perte de recettes pour les collectivités alors qu’elles doivent construire des équipements lorsqu’elles accueillent de nouveaux locataires. C’est pourquoi je propose de réduire de moitié le montant de cette exonération – ce qui dégagerait 400 millions pour les collectivités – et, dans le même temps, de créer des leviers de compensation pour les bailleurs sociaux. D’une part, ces derniers pourraient construire jusqu’à 20 % de logements intermédiaires, destinés aux classes moyennes, ce qui leur fournirait des recettes supplémentaires. D’autre part, ils seraient en mesure de réviser les loyers lors de la relocation sans affecter les locataires en place. Cette mesure serait favorable aux finances publiques et renforcerait l’égalité devant l’impôt.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre amendement a pour objet de réduire de moitié l’exonération de TFPB dont bénéficient pendant vingt-cinq ans les bailleurs sociaux pour les constructions de logements locatifs sociaux financées majoritairement par des prêts aidés par l’État. Cette mesure paraît assez logique économiquement et inciterait probablement les communes à construire. Avis favorable.

M. Nicolas Sansu (GDR). Monsieur Kasbarian, décidément, vous n’aimez pas le logement social ni les bailleurs sociaux ! Non seulement cette mesure les déstabiliserait, mais je rappelle que l’exonération de taxe foncière dont ils bénéficient est conditionnée au respect d’un contrat passé avec les collectivités, qui prévoit plusieurs types d’actions – lesquelles concernent les quartiers, la tranquillité publique, les déchets ménagers, etc. Cela me paraît donc une très mauvaise idée. Si vous souhaitez inciter à la construction de logements sociaux, mieux vaut instaurer des aides, notamment par le biais de la bonification d’intérêts.

M. Gérault Verny (UDR). C’est un amendement de bon sens et de justice fiscale. Les locataires de logements sociaux consommant des services publics, il n’y a aucune raison que les bailleurs sociaux soient exonérés de la taxe foncière. L’utilisation des services publics a nécessairement pour contrepartie une contribution.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous n’en croyons pas nos oreilles. On nous parle d’un amendement de justice, au prétexte que les locataires ont recours aux services publics, alors que cette mesure mettrait encore plus en difficulté les bailleurs sociaux, que l’État a honteusement lâchés. Rappelons que 2,8 millions de personnes sont en attente d’un logement social et que notre parc social est dans un état de dégradation avancée. Cet argument n’a donc aucun sens. Vous invoquez également le principe de l’égalité devant l’impôt alors que, depuis le début de l’examen de ce budget, vous vous moquez éperdument de l’inégalité devant l’impôt entre l’écrasante majorité des Français et les milliardaires. C’est vraiment scandaleux !

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Ce ne sont pas les locataires qui paient la taxe foncière, ce sont les bailleurs !

M. Gérault Verny (UDR). Nous n’avons pas la même conception de l’impôt. Nous faisons des maths, vous de l’idéologie !

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques I-CF1106 de M. Jiovanny William et I-CF1746 de M. Pierre Pribetich

M. Christian Baptiste (SOC). Cet amendement vise à repousser de 2026 à 2028 la fin du dispositif d’exonération de TFPB applicable pendant vingt-cinq ans que nous venons d’évoquer.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La durée de vingt-cinq ans est très supérieure à la durée de conventionnement classique. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1212 de Mme Claire Lejeune.

Amendement I-CF480 de Mme Mathilde Feld

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Les échanges que nous venons d’avoir sont révélateurs de la trumpisation immonde qui gagne la France.

Depuis 2005, les bailleurs sociaux bénéficient d’un dégrèvement de taxe foncière équivalent à 25 % du montant des travaux d’économie d’énergie qu’ils réalisent dans les logements locatifs sociaux. Ce dispositif complète le mécanisme des certificats d’économie d’énergie (CEE), pour lesquels les bailleurs sociaux ont été désignés comme éligibles. Toutefois, un arrêt du Conseil d’État du 14 juin 2022 a fragilisé ces règles, en considérant que les produits issus des CEE obtenus par les bailleurs constituaient des subventions et devaient, à ce titre, être déduits du montant ouvrant droit au dégrèvement. Pour redonner au mécanisme son efficacité initiale et inciter les bailleurs sociaux à s’engager pleinement dans la rénovation énergétique, nous proposons de porter le taux du dégrèvement de 25 % à 33 % du montant des travaux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette mesure coûterait près de 50 millions d’euros. Or je ne suis pas certain que tous les crédits disponibles soient utilisés. Il faudrait disposer d’une évaluation des besoins réels. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF760 et I-CF1735 de Mme Chantal Jourdan (discussion commune)

Mme Estelle Mercier (SOC). Ces amendements visent à conditionner l’exonération de la taxe foncière des terrains ensemencés plantés ou replantés en bois à la mise en œuvre de mesures permettant d’assurer une sylviculture plus proche des cycles naturels.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Certaines des conditions que vous proposez me paraissent extrêmement restrictives. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1033 de M. Éric Coquerel

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). J’ai entendu beaucoup d’hypocrites parler de justice fiscale : voici un amendement qui s’en réclame et qui permettrait de soutenir nos collectivités territoriales. Il vise à rétablir la taxe d’habitation, mais bien sûr pas pour tout le monde – uniquement pour les 20 % les plus riches.

Lorsque vous avez supprimé cette taxe, vous avez grevé très durement le budget des collectivités, au premier rang desquelles les communes. C’est autant d’argent qui manque pour les écoles et les clubs de sport. Du reste, il s’agit d’un cadeau fait à la partie la plus aisée de la population. Sur les 8 milliards d’euros de recettes en moins, la moitié venait des 20 % les plus riches. Cet élément s’ajoute à tous les cadeaux fiscaux que vous avez offerts à cette frange de la population et aux 47 milliards que vous avez retirés en autonomie fiscale aux collectivités.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Comme vous, j’estime que la suppression de la taxe d’habitation a bouleversé négativement les équilibres financier et politique des communes. Désormais, une part importante de leurs habitants n’ont plus de lien fiscal avec elles, ce qui fragilise le ciment communal. Cela étant, on ne saurait rétablir, même partiellement, la taxe d’habitation sans toucher à tous les flux qui, depuis sa suppression, ont été modifiés. Je pense à la taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom), ou encore aux flux de TVA. Je le répète, on ne peut rétablir une taxe d’habitation d’un coup de baguette magique sans tout revoir de fond en comble. Avis défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Initialement, nous ne souhaitions supprimer la taxe d’habitation que pour 80 % des Français. C’est le Conseil constitutionnel qui nous a obligés à étendre cette mesure à l’ensemble de nos concitoyens.

Ensuite, ce sont tout de même 18 milliards d’euros qui ont été rendus chaque année à tous les Français – et pas qu’aux plus riches –, puisque tous payaient la taxe d’habitation, sans exception. Ainsi, à la différence des propriétaires, les locataires, qui font probablement partie de nos concitoyens les moins aisés, ne paient plus d’impôts locaux.

Enfin, le produit de la taxe d’habitation a été compensé à l’euro près. (Exclamations.) Je reprends le pari que j’ai déjà lancé : si un maire me prouve que ce n’est pas le cas, je lui offre une bouteille d’armagnac – à consommer avec modération.

M. David Guiraud (LFI-NFP). Outre le fait que la compensation à l’euro près de la taxe d’habitation soit sujette à de nombreuses divergences d’interprétation, rappelons que l’argent utilisé pour cette compensation est celui de la TVA. Dit autrement, les 8 milliards d’euros économisés par les 20 % les plus riches sont compensés par l’ensemble des Français lorsqu’ils vont au supermarché, à l’hôtel, ou lorsqu’ils s’offrent un loisir. C’est un scandale ! La marque du macronisme n’a pas tant été de faire disparaître des impôts que d’en transférer la charge sur les plus modestes, c’est-à-dire sur les classes moyennes et populaires. Voilà pourquoi il faut rétablir la taxe d’habitation pour les 20 % les plus aisés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF3 de M. Nicolas Ray

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement tend à exonérer de THRS les locaux situés dans le même EPCI que la résidence principale du propriétaire. De cette manière, les locaux en question seraient, par principe, considérés comme étant à usage exclusivement professionnel, sauf à ce que l’administration fiscale prouve le contraire. Sur le fond, je suis assez d’accord, mais je m’interroge sur la faisabilité des contrôles. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF274 de M. Corentin Le Fur

M. Corentin Le Fur (DR). Cet amendement, qui me tient à cœur, vise à exonérer de taxe d’habitation les locaux constituant un habitat inclusif. J’ai été saisi d’une difficulté en la matière par l’association Étincelle, qui loue à Laurenan des logements à des personnes en situation de handicap. Alors que l’équilibre économique de ce beau projet, très utile pour la commune et les familles, est extrêmement précaire, l’habitat inclusif en question se trouve redevable de la taxe d’habitation, ce qui n’est pas acceptable. J’ai essayé de régler ce cas avec l’administration fiscale, mais en vain, d’où la nécessité de changer la loi.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Comme son nom l’indique, la THRS ne concerne normalement que les résidences secondaires. Si les logements dont vous parlez n’en sont pas, ils n’ont donc normalement pas à être taxés. Le cas que vous décrivez me laisse donc perplexe.

M. Corentin Le Fur (DR). Nous partageons votre incompréhension. Je vous assure avoir examiné le dossier de près. Nous avons essayé d’obtenir gain de cause auprès de l’administration fiscale, mais les personnes concernées semblent bien redevables de la taxe d’habitation.

M. Charles de Courson (LIOT). L’administration fiscale s’est trompée, monsieur Le Fur. J’ai connu pareil problème dans ma circonscription et elle a reconnu son erreur. De plus, nous avons ensuite modifié la loi pour préciser les choses. Dites à l’association en question d’intenter un recours gracieux et d’engager un contentieux : elle gagnera et le problème sera réglé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF204 de M. Nicolas Ray

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis favorable à cet amendement visant à exonérer de THRS les immeubles communaux et intercommunaux pour lesquels la collectivité se paie la taxe à elle-même. C’est une mesure logique et de simplification.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements I-CF998 et I-CF997 de M. Stéphane Viry.

Amendements I-CF723 et I-CF730 de M. Aurélien Le Coq ; amendements I-CF1019 de M. Tristan Lahais et I-CF368 de M. Michel Castellani ; amendements identiques I-CF1148 de Mme Sandrine Le Feur et I-CF1281 de Mme Constance de Pélichy (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). D’un côté, notre pays compte 350 000 sans-abri, et 2 000 enfants dorment dehors tous les soirs. De l’autre, il existe 3,7 millions de résidences secondaires, représentant 10 % des logements. En l’occurrence, plus de la moitié de ces dernières appartiennent à seulement 10 % des propriétaires français. Cela signifie bien sûr que les personnes qui possèdent une résidence secondaire font partie des plus riches, mais aussi qu’elles ne représentent qu’une infime minorité.

À l’heure où les collectivités territoriales ont du mal à avancer, à proposer du logement social, à financer les structures d’accueil, il me semble normal et juste d’augmenter le plafond de majoration de la THRS et de faire contribuer celles et ceux qui peuvent se permettre d’avoir plusieurs maisons – quand certains, je le répète, n’en ont même pas une.

Je le précise d’emblée avant que vous ne vous mettiez à hurler : les amendements I‑CF723 et I-CF730 prévoient une fiscalité équitable, la majoration de la taxe étant modulée en fonction du nombre de biens détenus et de leur surface, afin de cibler en particulier les multipropriétaires et les spéculateurs du logement.

M. Tristan Lahais (EcoS). L’amendement I-CF1019 vise à porter le plafond de majoration de la THRS de 60 % à 100 %. Dans le prolongement des propos précédents, il faut comprendre que la situation devient intenable dans certaines zones touristiques, notamment littorales, où nombre d’habitants, en particulier des salariés, ne peuvent plus se loger. Cela induit des coûts importants pour la puissance publique, liés à la construction de logements destinés aux locaux ou encore à la nécessité de prévoir des réseaux qui ne correspondent pas à la population présente à l’année. Voilà pourquoi il me semble absolument nécessaire non de majorer la taxe de 100 % partout, mais de donner cette liberté aux collectivités.

M. Michel Castellani (LIOT). En effet, la multiplication des résidences secondaires pose problème dans certaines régions. Les communes situées en zone tendue peuvent d’ores et déjà majorer la THRS, ce qu’ont fait 1 461 des 3 697municipalités concernées. Par l’amendement I-CF368, nous proposons de porter le taux maximal de majoration de 60 % à 80 %.

Mme Sandrine Le Feur (EPR). Mon amendement I-CF1148, qui s’inscrit dans la continuité de la lutte contre l’artificialisation des sols et de nos travaux sur la transition foncière, tend à instaurer une majoration progressive de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et les logements vacants, en ciblant les multipropriétaires. L’objectif est double : libérer du logement existant et éviter l’artificialisation de nouveaux sols pour construire toujours plus, alors que des milliers de logements sont sous-utilisés. Plutôt que d’étendre nos villes et nos villages sur des terres agricoles, remettons sur le marché des logements déjà bâtis. Les recettes de cette taxe majorée seraient affectées aux établissements publics fonciers, bras armés de la reconquête foncière et de la sobriété. En résumé, cet amendement fait le lien entre fiscalité, logement et écologie. Il incite à mieux utiliser l’existant et à aligner nos outils fiscaux avec nos objectifs de sobriété foncière.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements visent à augmenter considérablement le plafond de majoration de la THRS, en le portant, selon les propositions, à 300 %, 100 % ou 80 %.

Dans le cas d’une majoration de 300 %, une personne qui payait jusqu’à présent 100 euros de taxe d’habitation devrait désormais s’acquitter d’une somme de 400 euros ; je le redis, ce serait une augmentation considérable.

De plus, une augmentation de la THRS aurait-elle pour effet de baisser le nombre de résidences secondaires, ce qui est l’un des objectifs affichés ? A priori non. M. de Courson nous l’avait expliqué : cette taxe a connu une hausse massive de 35 % entre 2021 et 2024 et le produit issu de cette majoration a progressé de 221 % entre ces deux mêmes années sans que cela ait eu d’effet sur la proportion de résidences secondaires, celle-ci ayant même progressé.

Avis défavorable.

Mme Eva Sas (EcoS). Je tiens à exprimer ma stupéfaction devant l’adoption, par les groupes EPR et RN, de l’amendement I-CF1801 de M. Kasbarian, qui visait à diviser par deux l’exonération de taxe foncière dont bénéficient les bailleurs sociaux. Ces derniers n’avaient pas besoin de subir une pression supplémentaire en ce moment ! À Paris, 292 000 ménages sont dans l’attente d’un logement social. Il conviendrait plutôt de soutenir les bailleurs sociaux ainsi que les parcours résidentiels, donc d’aider les ménages à sortir du logement social pour accéder au logement privé. S’il n’y a que 5 % de rotation dans le logement social à Paris, c’est parce que l’offre de logements est insuffisante, notamment en raison des 120 000 habitations vacantes et des 134 000 résidences secondaires, ces dernières représentant près de 10 % du parc. Dans la capitale et ailleurs, il nous faut donc absolument réguler leur nombre ; c’est pourquoi je vous invite à voter ces amendements.

M. Matthias Renault (RN). L’amendement I-CF723 de M. Le Coq vise à porter le plafond de la majoration de 60 % à 300 %. Ce taux est soviétique ! Vous devriez directement proposer la nationalisation des résidences secondaires, ce serait plus rapide.

Du reste, cette taxe bénéficie en particulier aux communes très touristiques, qui engagent souvent des dépenses d’aménagement excessives et dont les ressources sont très importantes par rapport à celles des petites communes rurales.

M. Charles de Courson (LIOT). Le chapitre consacré à ce sujet dans le Ralf montre le danger de ce dispositif. On imagine aisément quelles en seraient les conséquences pour la Corse et les Hautes-Alpes, dont un tiers du parc est composé de résidences secondaires. Dans certaines communes, celles-ci sont même majoritaires. Vos amendements risqueraient de créer des tensions entre les propriétaires de résidences secondaires, qui peuvent s’inscrire sur les listes électorales, et ceux des résidences principales. Faisons preuve de modération, le taux de 60 % est déjà élevé.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF315 de M. Karim Ben Cheikh

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Il vise à créer un cadre fiscal permettant à un Français vivant hors de l’Union européenne de déclarer une résidence en France comme résidence d’attache. L’objectif est de reconnaître et de maintenir le lien fort entre nos compatriotes établis hors de France et le territoire national.

Depuis trois ans, une réflexion est menée sur ce sujet mais n’a toujours pas abouti. L’idée est donc de créer un cadre puis de laisser aux parlementaires, au gouvernement et à l’administration le soin d’en négocier le contenu.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce dispositif s’apparente à un contournement de la THRS, ce qui serait inéquitable vis-à-vis des autres contribuables. Du reste, l’amendement ne définit pas la notion de résidence d’attache. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF376 de M. Jean-Philippe Tanguy, I-CF1214 et ICF1215 de M. Anthony Boulogne et I-CF550 de M. Sébastien Chenu (discussion commune)

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). La fausse politique de l’offre menée depuis 2017 n’a pas fonctionné. Aussi l’amendement I-CF376 tend-il à favoriser un véritable choc de production en supprimant la contribution foncière des entreprises (CFE), un impôt de production particulièrement inefficace au titre duquel les PME et les ETI sont prélevées avant même qu’un seul centime de valeur ajoutée soit créé.

L’idée n’est pas d’avoir un débat hystérique entre les partisans et les adversaires de l’impôt. Il s’agit de choisir les impôts efficaces, qui participent au juste financement des services publics, et de supprimer les impôts toxiques, qui nous exposent à la concurrence déloyale, y compris au sein du marché européen où se trouvent nos concurrents les plus déloyaux.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La CFE est effectivement un impôt de production. Néanmoins, sa suppression coûterait 8 milliards d’euros ; il me paraît difficile d’y procéder par voie d’amendement. Avis défavorable.

M. Anthony Boulogne (RN). L’amendement de repli I-CF1214 vise à exonérer de CFE les activités de construction, de fabrication et de refonte de matériels militaires. Ces entreprises accomplissent une mission stratégique de premier plan, indispensable, qui contribue à la protection de nos intérêts vitaux et à la préservation de notre souveraineté. En votant cet amendement, nous enverrions un message clair : la puissance industrielle de défense est un atout national qui doit être protégé, notamment dans le contexte actuel. En somme, cet amendement de bon sens vise à renforcer notre défense nationale en allégeant la charge fiscale qui pèse inutilement sur notre outil militaro-industriel.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Nous constatons tous la mue libérale complète opérée par le RN. Les arguments de M. Tanguy sur la concurrence fiscale au sein du marché européen contrastent avec ses positions habituelles relatives à la souveraineté de l’État et à sa capacité à agir.

Supprimer la CFE, ce serait supprimer un impôt de production territorialisé dont les recettes allaient dans les poches des collectivités. J’espère que tous vos candidats aux élections municipales assumeront cet amendement affaiblissant la capacité d’action des collectivités, qui sont déjà à l’os.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1028 de Mme Alma Dufour.

Amendements identiques I-CF599 et I-CF1822 de M. Jean-René Cazeneuve

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Cet amendement vise à supprimer l’indexation automatique des valeurs locatives foncières sur l’inflation, ce qui serait neutre pour les finances de l’État. En effet, les propriétaires doivent assumer cette indexation à laquelle s’ajoutent les augmentations de taux décidées par les élus. Par ailleurs, ce dispositif entretient la confusion dans l’esprit de nos concitoyens, qui constatent une hausse effective de la taxe foncière alors que les élus locaux affirment ne pas l’avoir augmentée. Il serait plus sain, plus lisible et plus démocratique de permettre aux seuls conseils municipaux de décider, chaque année et en toute souveraineté, de l’augmentation de la taxe foncière via l’augmentation du taux. C’est un impôt local, la décision doit donc être locale ; elle ne doit pas être perturbée par cette indexation.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Jusqu’en 2018, c’étaient les parlementaires qui décidaient du taux de revalorisation. L’effet pervers de ce dispositif a été très bien décrit. Avis favorable.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Je suis défavorable à cet amendement. Alors que nous nous étions battus pour instaurer des bases locatives dynamiques venant compenser la suppression de la taxe d’habitation, voilà que l’on propose de revenir en arrière… Dans ce cas, assumons de baisser la taxe foncière. Cette mesure serait contraire à l’évolution normale des bases locatives ; elle n’est pas pertinente.

M. Kévin Mauvieux (RN). Nous sommes surpris de constater votre mue vers le Rassemblement national. Je me souviens que, durant l’examen du PLF pour 2023, Jean-Philippe Tanguy s’était battu avec acharnement pour éviter une hausse de la taxe foncière qui aurait touché tous les Français en raison de l’inflation. Vous aviez alors répondu de manière véhémente que cette indexation était nécessaire, et même primordiale. Le problème, c’est qu’en 2022 et 2023, l’inflation a été forte. Vous avez donc laissé les Français « raquer ». Et aujourd’hui que vous n’avez plus le vent dans le dos, vous revenez la bouche en cœur proposer ce que nous exigions il y a trois ans – à l’époque, vous nous aviez vomi dessus. Bien entendu, nous voterons cet amendement. Mais si vous n’êtes pas des professionnels, évitez de refaire cette pirouette.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF234 de M. Patrice Martin

Mme Stéphanie Galzy (RN). Il vise à supprimer le bénéfice de l’exonération de la taxe annuelle sur les éoliennes offshore acquittée par les exploitants des parcs éoliens l’année de la mise en service de leurs unités.

En effet, l’installation et l’exploitation des parcs éoliens offshore ont des impacts significatifs sur l’occupation des espaces maritimes, créant des conflits d’usages avec les autres acteurs tels que les pêcheurs, dont l’activité est gravement affectée par la réduction de leurs zones de travail. De plus, ces infrastructures portent atteinte aux paysages côtiers et aux activités touristiques et récréatives. Elles sont également tributaires des conditions météorologiques, ce qui se traduit par une intermittence de la production d’énergie.

Présentés comme un levier de la transition énergétique, ces parcs en deviennent souvent l’entrave, tant leur construction et leur exploitation s’avèrent coûteuses et peu vertueuses. L’objectif est de rééquilibrer les contraintes pesant sur les différents usagers du domaine maritime en renforçant la responsabilité financière des exploitants éoliens.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je n’ai jamais compris pourquoi les exploitants de parcs éoliens bénéficiaient de cette exonération. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF23 de Mme Sophie Panonacle

Mme Sophie Panonacle (EPR). Il vise à anticiper la répartition du produit de la taxe sur les éoliennes installées en zone économique exclusive (ZEE) en proposant de la calquer sur celle de la taxe appliquée aux éoliennes du domaine public maritime (DPM), soit 50 % pour l’État, 35 % pour les acteurs de la pêche, 10 % pour l’Office français de la biodiversité (OFB) et 5 % pour d’autres organismes tels que la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM).

La part allouée à l’État pourrait financer des projets d’acquisition foncière, de relocalisation, de protection et de renaturation permettant aux communes littorales confrontées au changement climatique de s’adapter à l’érosion, à la submersion et à l’élévation du niveau de la mer.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre amendement vise à modifier, au bénéfice de l’État, la répartition du produit de la taxe sur les éoliennes en mer, pour la part située en ZEE. Je préfère que les communes littorales bénéficient d’une partie de ces recettes fiscales. Avis défavorable, donc.

Mme Sophie Panonacle (EPR). À ce jour, seule la répartition de la taxe s’appliquant aux éoliennes installées dans le domaine public maritime est prévue. La répartition de la taxe sur les éoliennes en ZEE n’a pas encore été fixée par le gouvernement.

Nous proposons la même répartition que celle de la taxe sur les éoliennes du DPM. Au lieu de flécher la moitié du produit de la taxe vers les communes littorales, cette part serait directement versée à l’État en vue d’abonder le fonds « érosion côtière » soutenant les communes littorales affectées par le changement climatique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1492 de M. Sébastien Peytavie

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement vise à diminuer la part fixe de la Teom lorsque la Teom incitative est inférieure à 15 % du produit de la taxe. Or, selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), moins de trente intercommunalités ont mis en place une Teom incitative. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF1146 de Mme Sandrine Le Feur et I-CF1279 de Mme Constance de Pélichy ; amendement I-CF1473 de M. Pierre Pribetich (discussion commune)

Mme Sandrine Le Feur (EPR). L’amendement I-CF1146 tend à mieux encadrer la taxation des plus-values foncières lorsque des terrains deviennent constructibles du fait d’une décision d’urbanisme.

Certains propriétaires bénéficient de plus-values considérables, parfois multipliées par dix, sans effort ni investissement, simplement parce qu’un terrain agricole ou naturel est reclassé en zone constructible. Cette situation crée à la fois une injustice économique entre propriétaires et une incitation à la rétention foncière et à la spéculation, qui ralentit la mise sur le marché des terrains et accentue la pression sur l’artificialisation des sols.

L’amendement propose de fusionner et de simplifier les taxes existantes, de supprimer les exonérations liées à la durée de détention et de porter le taux maximal de taxation à 60 % lorsque la plus-value dépasse deux fois le prix d’acquisition. Les recettes seront affectées aux établissements publics fonciers (EPF).

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il existe deux taxes sur les plus-values réalisées lors de la cession de terrains rendus constructibles par une modification du plan local d’urbanisme (PLU). L’amendement de Mme Le Feur fusionne ces deux taxes pour créer une imposition sur la cession à titre onéreux des terrains nus ou des droits relatifs à des terrains nus rendus constructibles. Son taux serait de 60 % si la plus-value dépassait deux fois le prix d’acquisition. Je précise qu’il existe aujourd’hui un taux majoré de 10 % pour la fraction qui dépasse trente fois le prix d’acquisition. La taxation de la cession de terrains rendus constructibles est sans doute perfectible, mais le taux proposé est vraiment très élevé. Nous pourrions envisager une hausse progressive du taux, en fonction du rapport entre le prix de vente et le prix d’acquisition. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1404 de M. Charles de Courson ; amendements identiques ICF1141 de Mme Sandrine Le Feur et I-CF1275 de Mme Constance de Pélichy (discussion commune)

M. Charles de Courson (LIOT). L’amendement I-CF1404 vise à étendre aux friches industrielles la taxe sur les friches commerciales, qui a pour objet d’inciter les propriétaires à les réhabiliter dans le cadre d’une politique foncière.

Mme Sandrine Le Feur (EPR). L’amendement I-CF1141 tend à généraliser l’application de la taxe sur les friches commerciales et à renforcer sa progressivité pour lutter efficacement contre l’inactivité foncière. Aujourd’hui, trop de locaux commerciaux restent durablement vides, parfois en plein cœur des villes et des bourgs, alors même que s’exerce une pression croissante sur les sols naturels et agricoles.

En rendant cette taxe plus systématique et plus dissuasive, nous enverrions un double signal : nous encouragerions le recyclage urbain tout en réduisant la tentation d’artificialiser de nouveaux espaces. Cet outil serait aussi un levier stratégique permettant de favoriser la sobriété foncière, de redonner vie aux centres-villes et de répondre à l’objectif de réduction de l’artificialisation nette des sols.

En clair, il s’agit de mettre fin à l’absurde situation où il est parfois plus rentable de laisser un commerce vide que de le réhabiliter.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. S’agissant de l’amendement I‑CF1404, l’idée peut paraître bonne mais je me demande si vous tenez compte du contexte économique. En période de crise, si la friche ne trouve pas repreneur, l’industriel subit une double peine puisqu’il doit aussi s’acquitter d’une surtaxe. Je suis donc partagé quant à la pertinence de cette mesure. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1404.

En conséquence, les amendements I-CF1141 et I-CF1275 tombent.

Amendements identiques I-CF1142 de Mme Sandrine Le Feur et I-CF1276 de Mme Constance de Pélichy

Mme Sandrine Le Feur (EPR). Il s’agit de créer une taxe sur les friches industrielles.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements.

Amendement I-CF13 de Mme Sophie Panonacle

Mme Sophie Panonacle (EPR). Il propose de porter le plafond de la taxe Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) de 40 à 60 euros par habitant. Il s’agirait d’une faculté laissée à l’appréciation des intercommunalités qui exercent cette mission, en fonction des projets d’adaptation des territoires au changement climatique.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le produit de la taxe a beaucoup augmenté, passant de 154 millions d’euros en 2018 à 546 millions en 2024, soit une hausse de 250 %. Par ailleurs, les communes et intercommunalités n’appliquent pas le taux maximum ; elles disposent donc encore de marges de manœuvre. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF295 de M. Peio Dufau

M. Peio Dufau (SOC). Cet amendement, qui avait été adopté l’an dernier avant d’être balayé par le 49.3, vise à supprimer la taxe spéciale d’équipement destinée à financer le GPSO (grand projet ferroviaire du Sud-Ouest), car elle contrevient au principe d’égalité devant l’impôt. Les critères d’assujettissement sont arbitraires : dans ma circonscription, certains villages y sont soumis tandis que d’autres ne le sont pas.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous voulez en réalité supprimer les taxes spéciales perçues au profit de la LGV Bordeaux-Toulouse. Il ne s’agit pas de débattre d’une taxe, mais plutôt de ce projet. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1743 de M. Stéphane Delautrette et I-CF906 de Mme Lisa Belluco ; amendements identiques I-CF1140 de Mme Sandrine Le Feur et I-CF1274 de Mme Constance de Pélichy (discussion commune)

Mme Eva Sas (EcoS). Nos sols stockent du carbone, assurent notre souveraineté alimentaire, nous protègent des inondations et abritent une grande partie de la biodiversité terrestre : leur protection est donc primordiale. Pourtant, nous les bétonnons, comme le montrent les rapports successifs de la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), du Fonds mondial pour la nature (WWF), de la Fondation pour le logement des défavorisés ainsi qu’un rapport parlementaire très récent. Si nous continuons de bétonner nos sols, c’est en partie parce que notre cadre fiscal incite à les détruire plutôt qu’à les protéger.

Une proposition de loi transpartisane a été déposée à l’Assemblée nationale, dont l’article 6 prévoit une évolution de la taxe d’aménagement pour la rendre plus cohérente avec l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols. Notre amendement I-CF906 reprend simplement cet article.

Mme Sandrine Le Feur (EPR). L’amendement I-CF1140 vise à transformer la taxe d’aménagement en un véritable outil de sobriété foncière. La fiscalité de l’aménagement reste en effet trop neutre vis-à-vis de l’artificialisation : elle s’applique de la même manière à la construction dans un tissu urbain existant et à l’urbanisation d’un espace agricole ou naturel. Nous proposons deux évolutions : un doublement du taux maximal de droit commun, qui passerait de 5 % à 10 %, et une faculté laissée aux communes de fixer un taux spécifique allant jusqu’à 50 % pour les projets consommant des espaces naturels, agricoles ou forestiers. L’objectif est de dissuader l’extension urbaine, coûteuse et consommatrice de sols, mais d’encourager la densification douce, la réhabilitation et le recyclage urbain.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez d’augmenter considérablement la taxe d’aménagement. En outre, de manière surprenante, vous voulez assujettir à cette taxe les constructions affectées à un service public ou les opérations d’intérêt national. Le secteur de la construction ne se portant pas très bien, cette mesure ne me paraît pas pertinente. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

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Réunion du mercredi 22 octobre 2025 à 21 heures 15 ([suite] après l’article 27 à article 48)

https://assnat.fr/Cs4AoT

La commission poursuit l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2026 (n° 1906) (M. Philippe Juvin, rapporteur général).

Amendement I-CF1029 de M. Gabriel Amard

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1465 de M. Iñaki Echaniz et I-CF1300 de M. Philippe Lottiaux (discussion commune)

M. Iñaki Echaniz (SOC). Depuis 2022, l’Assemblée nationale adopte chaque année à l’unanimité cet amendement qui vise à supprimer la liaison des taux entre la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) et la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Or cette mesure n’est jamais retenue dans le projet de loi de finances (PLF) adopté par usage de l’article 49.3 de la Constitution. Nous espérons que cette année encore, la commission soutiendra unanimement cet amendement et qu’il figurera dans la loi de finances.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1465.

En conséquence, l’amendement I-CF1300 tombe.

Amendement I-CF1348 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). L’objectif de l’amendement est simple : préserver l’esprit du nouvel article 1478 du code général des impôts, lequel incite fiscalement les industriels à entamer rapidement la remise en état d’un site exploité et ainsi, dans un contexte de réindustrialisation, à éviter l’accumulation de friches non exploitées.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF1349 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). Cet amendement vise à améliorer l’articulation entre l’exigence fiscale et la réalité économique des opérations de construction, à réduire l’exposition financière prématurée des entreprises et à garantir la cohérence entre la perception de la taxe et la concrétisation des projets, tout en maintenant les ressources des collectivités territoriales.

Le dispositif de l’amendement repose sur un décalage de l’exigibilité des deux premiers acomptes dus par les redevables de la taxe d’aménagement. Les entreprises doivent en effet s’acquitter d’un premier acompte dès qu’elles obtiennent un permis de construire, ce qui ne va pas sans leur poser des problèmes, surtout en cas de contentieux ou de blocage. Il serait souhaitable que le premier acompte ne soit versé qu’à la date de début des travaux.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte l’amendement.

Amendements identiques I-CF107 et I-CF1826 de M. Daniel Labaronne

M. Daniel Labaronne (EPR). Le bail réel solidaire (BRS) est un dispositif conditionné aux ressources. Il contribue à développer une offre de logements d’accession sociale pérenne à la propriété. Des ménages peuvent ainsi acquérir des biens à des prix de 30 % à 50 % plus faibles que sur le marché.

Afin d’accélérer le déploiement des BRS, l’amendement, adopté par la commission des finances lors de l’examen du PLF pour 2025, vise à élargir le champ des bénéficiaires pour que davantage de ménages soient éligibles au dispositif. Le décret concerné ne pourra pas fixer de plafonds de ressources inférieurs à ceux du logement locatif intermédiaire (LLI) et du Pinel.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre proposition stimulera la mobilisation du BRS, objectif auquel je souscris. L’avis est favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement I-CF1302 de M. Philippe Lottiaux

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’amendement augmente significativement les tarifs de la taxe de séjour des campings 4 et 5 étoiles. J’ignore si ces structures sont assimilables à des hôtels 3 étoiles. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF236 de M. Michel Castellani

M. Michel Castellani (LIOT). Il a pour objet d’augmenter le taux maximal de la taxe de séjour pour les hébergements sans classement ou en attente de classement, et d’ouvrir la possibilité pour les collectivités territoriales de fixer un taux proportionnel – jusqu’à 10 % – du coût de la nuitée.

L’objectif est de donner aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des ressources supplémentaires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sans étude d’impact, il est impossible de connaître les conséquences de cette mesure sur le tourisme. Je m’en remets, là aussi, à la sagesse de la commission.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1612 de Mme Sophie Pantel

Mme Sophie Pantel (SOC). Il vise à allouer des recettes supplémentaires au financement des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis). Pour ce faire, nous souhaitons rehausser la taxe de séjour d’un montant modeste mais incompressible.

Il existe entre l’activité touristique et la sollicitation des Sdis un lien direct, que les données du ministère de l’intérieur illustrent parfaitement. Ce n’est pas au contribuable local de supporter l’intégralité du coût des aménagements relatifs à l’affluence touristique et au séjour des saisonniers. Les Sdis doivent louer du matériel, parfois des hélicoptères, pour faire face aux risques découlant de l’augmentation de la population.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La taxe de séjour vise à financer le tourisme et non les pompiers. L’avis est donc défavorable.

Mme Sophie Pantel (SOC). Vous ne pouvez pas écarter le lien entre le tourisme et la sécurité civile. Le ministère de l’intérieur a publié des données montrant clairement la relation entre la hausse de la population touristique et celle des risques. Vous ne pouvez pas balayer ce fait d’un revers de main, d’autant que cette proposition a fait consensus lors du Beauvau de la Sécurité civile. Libre à vous de refuser de faire des pompiers une priorité, mais vous ne mesurez pas la situation des sapeurs-pompiers sur le terrain, qui mérite mieux que la réponse que vous venez de faire.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ne faites pas la morale : il se trouve que j’ai été sapeur-pompier et que j’ai fait de très nombreuses gardes de nuit, donc je connais leur activité. Quoi qu’il en soit, le produit de la taxe de séjour est majoritairement affecté à l’activité touristique. Que les touristes aient besoin de routes, d’hôpitaux et de sapeurs-pompiers, cela va de soi, mais la taxe de séjour n’est pas le bon instrument.

Mme Claire Marais-Beuil (RN). Je comprends l’objectif de l’amendement, mais si nous le retenions, il faudrait également créer une taxe pour les hôpitaux, surchargés en période estivale. Toutes les zones touristiques voient leur population fortement augmenter pendant l’été, donc nous ne pouvons pas dresser une liste de tous les besoins pour leur affecter le produit d’une taxe supplémentaire : nous ne nous en sortirions pas.

M. le président Éric Coquerel. Il faudrait accorder une augmentation des moyens, car la fréquentation touristique est forte dans les endroits où les risques climatiques sont élevés. Il est cependant difficile de le faire lorsqu’on refuse d’accroître les dépenses publiques. Cette question n’est pas réglée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1126 de M. Laurent Lhardit

M. Laurent Lhardit (SOC). L’amendement a pour objet d’instaurer une taxe de séjour forfaitaire pour les navires de croisière faisant escale dans les ports français. Ce prélèvement mettrait fin à une rupture d’égalité puisque les hôteliers, les campings et les locations de courte durée acquittent la taxe de séjour, dont le produit sert à accueillir les visiteurs dans de bonnes conditions, ce dont les touristes croisiéristes bénéficient pleinement.

Les communes pourraient déterminer le montant de cette taxe à partir d’un plancher de 50 centimes d’euro par passager. Elle ne risque pas de freiner le développement de la croisière de masse : à Marseille, par exemple, la taxe portuaire, fixée depuis deux ans à 6 euros par passager, n’a pas empêché le trafic des croisières de croître de près de 40 %.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF310 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). Son objectif est de clarifier une situation ambiguë et injuste. À la suite de la loi d’orientation des mobilités (LOM), plus de 50 % des communautés de communes, qui n’étaient pas encore des autorités organisatrices de mobilité, ont laissé la compétence mobilité à la région, devenue en conséquence l’autorité organisatrice de mobilité locale de substitution.

Or les régions ne peuvent pas lever le versement mobilité (VM). À titre d’exemple, 80 % des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de la région Centre-Val de Loire ont transféré la compétence mobilité à l’échelon régional, sans que ce transfert s’accompagne de la possibilité de lever le VM pour le compte des intercommunalités. Les autorités organisatrices de mobilité de substitution se retrouvent donc privées d’une ressource non négligeable.

J’ai déjà déposé cet amendement l’année dernière : je ne comprends pas qu’il n’ait pas été intégré à la loi de finances alors que son objet est de combler un vide juridique de la LOM et que les besoins de mobilité et de transports en commun – pour remplacer l’usage de la voiture – sont considérables. Prenez conscience du problème que l’amendement tend à résoudre.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous en avons tellement pris conscience que le versement mobilité régional et rural a été adopté l’année dernière. Je vous demande donc de retirer votre amendement.

M. Daniel Labaronne (EPR). La région Centre-Val de Loire a augmenté la taxe en faveur de la mobilité.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Vous confondez la mesure sur le VM, effectivement adoptée l’année dernière et qui repose sur un prélèvement de 0,15 % pour les régions en tant qu’autorités organisatrices de mobilité, et le transfert de compétence opéré par les EPCI au moment de la LOM vers les régions, échelon qui ne peut lever le VM au profit des intercommunalités. Ce sont deux sujets bien distincts.

Nous souhaitons combler une lacune de la LOM. Si les EPCI n’avaient pas transféré cette compétence, il existerait un VM des EPCI et un VM des régions ; actuellement, seul le VM des régions est effectif. Nous avons besoin d’argent pour les transports, pourquoi ne corrigez-vous pas ce vide juridique ?

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1052 de Mme Claire Lejeune

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). La défense de l’amendement me donne l’occasion de répondre aux interrogations du rapporteur général sur une prétendue contradiction entre la volonté d’investir dans les transports en commun et celle de diminuer le taux de TVA à 5,5 % sur leur prix, baissant ainsi les ressources : comme nous souhaitons faire rentrer des recettes pour investir dans les transports en commun, nous proposons d’autoriser les communes de plus de 100 000 habitants à relever le VM à 3,2 %, comme Paris et sa petite couronne peuvent déjà le faire.

Le maintien de l’inégalité actuelle ne se justifie pas. Le taux de 1 % se révèle insuffisant pour faire face à l’accroissement des besoins d’entretien et d’investissements massifs. Transformer les mobilités ne revient pas simplement à remplacer le parc des voitures thermiques par des véhicules électriques, il faut également susciter l’essor des mobilités douces, notamment les transports collectifs.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le VM est le deuxième impôt local payé par les entreprises : le montant de cet impôt de production a augmenté de 5 % chaque année entre 2010 et 2023. La loi de finances pour 2025 a déjà procédé à une hausse du VM payé par les entreprises, en permettant aux régions, qui sont les autorités organisatrices de mobilité, de l’instaurer. L’avis est défavorable.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). L’amendement vise à permettre aux collectivités locales d’augmenter le taux, il ne s’agit pas de décider pour elles. À la veille des élections municipales, elles réfléchiront avec soin à l’effort demandé aux entreprises.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF922 de M. Pierrick Courbon.

Amendements identiques I-CF205 de M. Michel Castellani, I-CF351 de M. Nicolas Ray et I-CF1204 de M. Emmanuel Mandon

M. Michel Castellani (LIOT). Mon amendement vise à conforter la compétence des départements en les autorisant à relever le taux de la taxe additionnelle à la taxe de séjour. Actuellement fixé à 10 %, nous proposons qu’il puisse se situer dans une fourchette comprise entre 10 % et 30 %.

M. Nicolas Ray (DR). Il s’agit du même amendement, élaboré avec Départements de France dans le but de donner un peu plus de marge de manœuvre à ces collectivités – qui rencontrent de grandes difficultés – dans la fixation de la taxe additionnelle à la taxe de séjour.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Cet amendement répond à une demande des départements, même si nous pouvons nous interroger sur les périmètres des politiques de développement du tourisme et d’attractivité des territoires. Il me semble qu’il y a lieu de conforter cette compétence départementale, mais nous devrions ouvrir une réflexion plus large sur la décentralisation.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements.

Amendement I-CF518 de M. Paul Molac

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis défavorable à cet amendement, qui vise à instaurer une taxe additionnelle de 200 % à la taxe de séjour dans les départements bretons et à affecter son produit au financement des transports.

M. Erwan Balanant (Dem). Cet amendement est très important pour la Bretagne, mais également pour d’autres régions. L’idée est que la taxe additionnelle complète le VM. Elle répond à une demande de tous les acteurs économiques, en Bretagne et ailleurs. Le produit de cette taxe contribuerait au financement des transports du quotidien.

Je comprends votre opposition, monsieur le rapporteur général, mais j’invite tous mes collègues à étudier l’amendement d’ici à la séance publique, car son dispositif apporterait une aide décisive au déploiement des réseaux de la mobilité de proximité. Chez nous, le train ne passerait plus toutes les heures mais toutes les quarante minutes grâce à ce prélèvement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF519 de M. Paul Molac

M. Michel Castellani (LIOT). Ce nouvel amendement de notre collègue Paul Molac, élaboré avec le conseil régional de Bretagne, vise à instaurer une taxe additionnelle régionale à la taxe de séjour. L’objectif est d’assurer le financement des infrastructures et des services de transports des régions.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis très sensible au développement de la Corse, toutefois vous proposez une taxe additionnelle de 200 % : vous n’y allez pas de main morte ! Avis défavorable.

M. Erwan Balanant (Dem). Bien sûr, un taux de 200 % paraît impressionnant, mais cette taxe est de 500 % à Paris. Cela représente un coût de 2 euros supplémentaire pour une nuitée en Bretagne dans un hôtel 3 étoiles et de 60 centimes pour un camping. L’argent récolté financerait la mobilité du quotidien des Bretons. L’adoption de l’amendement permettrait à d’autres régions d’utiliser cet outil, sachant qu’environ 70 % des exécutifs régionaux soutiennent l’instauration de cette taxe additionnelle.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF786 de M. Peio Dufau et I-CF21 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Peio Dufau (SOC). Il vise à augmenter de 4,6 % à 10 % le taux de la taxe sur l’exploitation des infrastructures de transport de longue distance. Les sociétés d’autoroute réalisent des profits exceptionnels qu’il convient de solliciter pour financer les transports propres. Je vois qu’un collègue centriste a déposé le même amendement, ce dont je me réjouis.

M. Denis Masséglia (EPR). J’avais déposé cet amendement l’année dernière, pourtant le groupe Socialistes ne l’avait pas soutenu. Je constate que je suis parvenu à les convaincre du bien-fondé de cette disposition, qui repose sur mon hostilité à la privatisation des rentes. La privatisation des sociétés d’autoroute, décidée il y a quelques années, fut une bêtise.

Le ministre de l’économie de l’époque, Bruno Le Maire, a instauré une taxation des rentes autoroutières, laquelle n’affecte pas le prix des péages et ne touche que les entreprises affichant une rentabilité supérieure à 10 %.

Je propose de relever le taux de cette taxe de 4,6 % à 7 %, afin d’augmenter les recettes de l’État de 300 millions d’euros, sans impact pour le consommateur.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Si le taux de la taxe fait plus que doubler pour atteindre 10 %, on peut craindre que les concessionnaires augmentent le tarif des péages, au détriment des usagers. Ils ne l’ont pas fait au moment de l’instauration de la taxe car cette décision avait été précédée d’une négociation avec l’État, mais ils auraient très bien pu relever le prix des péages. L’avis est donc défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Les contrats prévoient que les concessionnaires ont le droit de répercuter les hausses de la fiscalité. La loi ne l’emporte pas sur la concession. Certes, c’est de la responsabilité de l’État mais, en cas de contentieux, les sociétés gagneraient.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Plusieurs sociétés d’aéroports, y compris Aéroports de Paris, avaient déposé une QPC, une question prioritaire de constitutionnalité.

La commission adopte l’amendement I-CF786.

En conséquence, l’amendement I-CF21 tombe.

Amendements I-CF31 de M. Michel Castellani, I-CF1143 de Mme Sandrine Le Feur, I-CF427 de Mme Mathilde Feld, I-CF1297 de M. Philippe Lottiaux, ICF1277 de Mme Constance de Pélichy, I-CF659 de M. Pierrick Courbon, ICF268 de M. Corentin Le Fur, I-CF1144 de Mme Sandrine Le Feur et I-CF1741 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)

M. Michel Castellani (LIOT). Les communes et les EPCI peuvent appliquer à la Tascom – taxe sur les surfaces commerciales – un coefficient multiplicateur compris entre 0,8 et 1,2. Mon amendement vise à rehausser cette possibilité jusqu’à 1,5. En effet, les centres-villes se dévitalisent au profit des zones commerciales périphériques.

Mme Sandrine Le Feur (EPR). L’amendement I-CF1143 vise à élargir l’assiette de la Tascom aux aires de stationnement, qui représentent souvent plusieurs milliers de mètres carrés artificialisés, et à augmenter le taux pour les établissements les plus consommateurs d’espace. Il s’agit de mieux prendre en compte l’impact foncier et environnemental des grandes surfaces commerciales, de responsabiliser les décideurs d’implantations et de préserver les petits commerces de proximité, qui participent à la vitalité des centres-bourgs.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Nous avons tous à cœur de défendre les petits commerces. Ces espaces de lien social sont le poumon économique de nos villes et de nos villages.

Mon amendement tend à assujettir à la Tascom les méga-entrepôts de plus de 10 000 mètres carrés, points névralgiques du commerce en ligne, afin de limiter les effets négatifs de ce secteur sur le petit commerce tout en dégageant de nouvelles recettes pour les collectivités.

En 2020, France Stratégie nous alertait déjà sur la distorsion de concurrence fiscale en faveur des géants du commerce en ligne, du fait d’une fraude massive à la TVA, de l’exemption de la Tascom, de la réduction de moitié de la TFPB et de l’exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE). Les magasins physiques non considérés comme des sites industriels ne bénéficient pas des mêmes exonérations – celle de la Tascom par exemple – que les entrepôts du secteur du commerce en ligne, dont les groupes étrangers exercent une position dominante. En cinq ans, 85 000 emplois ont été détruits dans le commerce physique mais rien n’a vraiment été entrepris ; l’hémorragie du petit commerce se poursuit.

M. Philippe Lottiaux (RN). Mon amendement tend à assujettir à la Tascom les drives et les entrepôts d’e-commerce. Je le retire pour en préciser la rédaction d’ici à la séance, afin que les entrepôts purement logistiques qui desservent des commerces de proximité ne soient pas concernés.

M. Michel Castellani (LIOT). L’amendement I-CF1277 tend à élargir l’assiette de la Tascom aux aires de stationnement et à en augmenter le taux pour les établissements les plus consommateurs d’espace.

Mme Sandrine Le Feur (EPR). L’amendement I-CF1144 vise à assujettir les entrepôts logistiques à la Tascom.

M. Jacques Oberti (SOC). Nous proposons d’intégrer à l’assiette à la fois les entrepôts logistiques et les surfaces de retrait des drives.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis défavorable aux amendements tendant à rehausser le plafond du coefficient multiplicateur car ils risquent d’être préjudiciables au consommateur, de même qu’à ceux qui tendent à taxer aussi les parkings, qui sont des installations nécessaires.

En revanche, je suis favorable aux amendements I-CF659, I-CF268, I‑CF1144 et I‑CF1741, qui visent à assujettir à la Tascom les entrepôts de vente en ligne.

M. Daniel Labaronne (EPR). Nous parlons d’une taxe sur les surfaces de vente. S’il est intéressant d’y assujettir le commerce en ligne, il faut exclure de l’assiette les zones logistiques : elles dépendent d’un prestataire du vendeur mais rien n’y est vendu.

Si nous augmentons la fiscalité sur les entrepôts logistiques, alors que nous avons déjà la plus forte, le vendeur répercutera la hausse sur le consommateur et les activités seront délocalisées à nos frontières. Les camions et les conducteurs étrangers prendront la place de toutes les petites entreprises de transport qui irriguent nos territoires ruraux.

M. le président Éric Coquerel. En réalité, il est très difficile de distinguer les fonctions des méga-entrepôts – ceux qui, d’un côté, servent au commerce en ligne et ceux qui, de l’autre, auraient un rôle de support. En limitant la Tascom au commerce en ligne, vous laisserez perdurer de nombreux problèmes.

Qu’on le veuille ou non, ces méga-entrepôts, installés à la périphérie des villes, font concurrence à nos commerces. Ils participent à l’importation de produits écologiquement et socialement moins-disants. Les dispositions que nous avons adoptées sur les petits colis ne suffisent pas : sans mesures drastiques, tout notre commerce disparaîtra, au profit non pas d’autres entreprises françaises mais du grand déménagement du monde, d’une société consumériste et productiviste qui ne crée même pas d’emplois – ceux des méga-entrepôts sont précaires et mal payés. Les assujettir à la Tascom, c’est le moins qu’on puisse faire.

L’amendement I-CF1297 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements I-CF31, I-CF1143, I-CF427, I-CF1277 et I-CF659.

La commission adopte l’amendement I-CF268.

En conséquence, les amendements I-CF1144 et I-CF1741 tombent.

Amendement I-CF1356 de M. Charles de Courson

M. Charles de Courson (LIOT). La Cour des comptes a dénoncé cette bizarrerie qu’on appelle l’octroi de mer interne. Cette taxe pénalise la production locale au bénéfice des importations : la part du ciment importé à La Réunion est ainsi passée de 20 à 60 %, alors que les cimenteries de l’île sont sous-utilisées. De même, cet impôt renchérit le ciment dont Mayotte a besoin pour sa reconstruction.

Ses recettes représentent 3 % de celles de l’octroi de mer. Le présent amendement vise à le supprimer.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-1447 de M. Jean-Pierre Bataille

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Dans le cadre du Ségur de la santé et du protocole État-région, l’État s’est engagé à financer des formations sanitaires, encore très utiles dans un contexte épidémique imprévisible, et nous demandons qu’il s’y tienne. En janvier 2025, le premier ministre Bayrou a écrit aux présidents de région que les formations démarrées en 2025 seraient financées jusqu’à leur terme, en 2027. Cet amendement vise à l’inscrire dans la loi.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je n’ai pas réussi à me procurer la lettre que vous citez dans votre exposé des motifs, par laquelle l’État s’engage à financer les formations en question jusqu’en 2027. Je vous propose de retirer l’amendement et d’interroger le ministre en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1480 de M. Matthias Renault

M. Matthias Renault (RN). Pour de nombreuses petites entreprises, la facturation électronique obligatoire sera une révolution. À l’origine, un portail numérique gratuit devait être déployé pour leur permettre de satisfaire aux obligations légales. Le projet en a été abandonné courant 2024. On ignore à qui il avait été confié. Quelles sommes avaient déjà été engagées ? Est-il enterré ou pourra-t-il être repris ? Telles sont les questions que nous poserons au Gouvernement par cet amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF1858, I-CF1860, I-CF1861 et I-CF1862 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le texte prévoit de majorer fortement les amendes en cas de non-transmission des données liées aux factures électroniques, alors que l’État lui-même est en retard dans son projet de plateforme de facturation. Ces amendements tendent à maintenir les amendes à leur niveau actuel.

La commission adopte successivement les amendements.

La commission adopte l’article 28 modifié.

La commission adopte l’article 29 non modifié.

Amendements identiques I-CF983 de Mme Josiane Corneloup et I-CF1001 de M. Stéphane Viry

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces amendements de simplification tendent à supprimer des formulaires Cerfa. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement I-CF1023 de Mme Christine Pirès Beaune

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous proposez de créer un système d’agrément qui autorise les banques à pratiquer l’exonération de retenue à la source sur les dividendes. En cas de fraude, l’agrément serait retiré.

Le dispositif a déjà été largement modifié. Je suis perplexe sur l’opportunité de le changer encore. Sagesse.

M. Charles de Courson (LIOT). Toutes les principales banques françaises ont utilisé le système du CumCum pour contourner le fisc. Aux dernières nouvelles, le montant du redressement atteindrait 3,5 milliards. Il faut rester ferme et mener les contentieux à leur terme. Cependant, leur retirer leur licence, c’est-à-dire leur interdire l’activité bancaire, serait excessif.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). L’amendement ne change pas les règles de partage des dividendes. Nous nous sommes seulement inspirés du modèle américain, beaucoup plus sévère que le nôtre, pour limiter les abus. Si les services fiscaux en constatent, l’agrément sera retiré.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La loi de finances a modifié le dispositif l’an dernier. Compte tenu du délai d’application, les nouvelles procédures ne sont effectives que depuis trois mois. Faut-il encore les changer ?

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Nous avions auditionné le ministre Lombard ; il était plutôt favorable à cette mesure. J’ajoute que nous n’avons pas du tout réformé le dispositif d’agrément l’an dernier.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. En pratique, dans la vie quotidienne des entreprises, il a changé il y a trois mois.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF425 de M. Éric Coquerel

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il tend à encadrer le régime mère-fille, qui permet d’exonérer d’impôt sur les sociétés les dividendes versés à la société mère en échange de la réintégration d’une quote-part de 5 % du montant au titre des frais et charges. Les multinationales l’utilisent pour faire de l’optimisation fiscale.

Nous proposons de limiter le dispositif aux filiales situées dans un pays membre de l’Union européenne et de le plafonner pour les autres.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable. Le régime mère-fille empêche la double imposition. Cette mesure alourdirait la charge fiscale de milliers d’entreprises qui ont des filiales au Maghreb, par exemple, ou encore au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada, au Japon. C’est jouer avec le feu.

M. Charles de Courson (LIOT). Il serait de plus très facile de contourner ce dispositif : il suffirait que les filiales non européennes versent les dividendes à une filiale européenne qui la reverserait à la maison mère.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF984 de Mme Josiane Corneloup et I-CF1002 de M. Stéphane Viry

M. Nicolas Ray (DR). L’amendement de simplification I-CF984 vise à prévoir une date unique, le 15 mai, pour toutes les déclarations professionnelles. Cela éviterait les erreurs.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements.

Amendements identiques I-CF1000 de M. Stéphane Viry et I-CF1466 de M. Jean-Didier Berger

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Amendements de simplification. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement I-CF500 de Mme Christine Pirès Beaune

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Suite au scandale des Pandora Papers, la loi de 2018 relative à la lutte contre la fraude a créé, dans le code général des impôts, un article 1740 A bis visant à pénaliser les professionnels qui se rendent coupables de conseils frauduleux. Mais en pratique, ce très bon dispositif n’est jamais appliqué, car il ne concerne que les actes sanctionnés d’une majoration de 80 % par l’administration fiscale, ce qui n’arrive jamais. Cet amendement vise donc à abaisser ce seuil à 40 %.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette disposition permet de compléter l’arsenal de lutte contre la fraude fiscale. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF482 de M. François Ruffin

Mme Christine Arrighi (EcoS). L’article 1741 du code général des impôts prévoit que « quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts […] peut être privé de ses droits civiques, civils et de famille. » Il prévoit en outre que la juridiction peut « par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer [les] peines complémentaires, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. » Pour renforcer les effets de l’article, cet amendement vise à supprimer la notion de personnalité, qui prête à discussion – a fortiori dans le contexte actuel.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je comprends votre intention, mais votre amendement remet en cause le principe d’individualisation des peines, un principe fondamental du droit – pénal en particulier – qu’il convient de préserver. Je suis donc très défavorable à votre amendement.

M. Emeric Salmon (RN). Exactement : cet amendement est contraire au principe d’individualisation des peines.

M. Charles de Courson (LIOT). Au reste, supprimer cette mention rend la peine automatique, ce qui est non seulement condamnable, mais en plus probablement inconstitutionnel, puisque cela revient à nier le rôle des magistrats. La plupart prononcent d’ailleurs ces peines complémentaires, car ils doivent motiver toute décision contraire.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Soit, mais s’agissant d’un principe général, je ne vois pas pourquoi il devrait être précisé explicitement dans cet article en particulier.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Votre amendement reviendrait à rendre les peines complémentaires automatiques, ce qui correspond à une négation de l’individualisation des peines. Nous devons être très prudents.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF668 de M. Fabien Di Filippo

M. Fabien Di Filippo (DR). Le taux de recouvrement des amendes est très faible, en particulier dans certains domaines tels les escroqueries, les vols, les atteintes à l’environnement et les destructions. Dans la conjoncture actuelle, il n’y a pas de raison qu’une partie de nos concitoyens n’assument pas les responsabilités de leurs actes délictueux. Cet amendement ouvre la possibilité de recouvrer les amendes en saisissant certaines prestations, y compris les minima sociaux tel que le RSA, dans une limite de 50 euros par mois. Il ne saurait y avoir une France à deux vitesses : d’un côté ceux qui paient pour les autres et assument leurs responsabilités ; de l’autre, ceux qui s’en voient totalement dégagés et rient parfois au nez de la police lorsqu’ils sont verbalisés.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF859 M. Nicolas Sansu

M. Nicolas Sansu (GDR). Cet amendement est issu des travaux du Printemps de l’évaluation consacrés aux règlements d’ensemble, une pratique qui consiste à trouver un accord transactionnel entre l’administration et le contribuable – particulier ou entreprise – dans le cadre d’une proposition de rectification. Ce dispositif, qui n’épuise pas le contentieux, n’est encadré par aucun texte, sauf une note de la direction générale des finances publiques (DGFIP) – ce que la Cour des comptes a d’ailleurs déploré.

Or, en six ans, le nombre de règlements d’ensemble a triplé et le montant des remises accordées a atteint plus de 1,8 milliard d’euros en 2024. Près de 80 % de cette somme proviennent des dix plus gros règlements, qui ont chaque fois bénéficié de 70 % d’atténuation. Surtout, c’est le signe d’un manque d’encadrement dans la définition des prix de transferts, puisque ce sont les cas qui entraînent les plus gros règlements d’ensemble. J’ajoute que, le plus souvent, les règlements d’ensemble concernant les entreprises sont assortis d’une convention judiciaire d’intérêt public visant à éteindre toute poursuite – comme ce fut le cas avec Google.

Il n’est pas question d’interdire ce dispositif, seulement de le rendre plus transparent, comme le préconisait également la Cour des comptes.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis très embêté : s’il est vertueux de chercher à doter une pratique d’une base juridique, votre dispositif risque de ne pas être applicable en raison d’un cadre trop restrictif. En effet, vous proposez de plafonner la remise consentie à 20 % du montant en jeu, alors qu’elle atteignait en moyenne 60 % ces dernières années. Peut-être pourrions-nous réfléchir à un juste milieu d’ici à la séance ? Si vous en êtes d’accord, je suis prêt à sousamender votre proposition pour proposer un taux de 70 %. Sinon, avis défavorable.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Dans les cas visés, le redressement a déjà eu lieu, le fisc en est au contrôle. L’objectif est de contraindre suffisamment cette pratique complètement opaque, qui se déroule à huis clos en dehors de tout cadre légal, pour qu’elle devienne exceptionnelle.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous n’allons pas jouer aux marchands de tapis. Votre remarque est pertinente, 20 % est peut-être un peu bas. Nous préparerons des amendements de repli pour la séance.

M. Charles de Courson (LIOT). Ce sont des impôts, il faut un cadre légal : c’est notre mission constitutionnelle. Mais le rapporteur général a raison : peut-être faudrait-il remonter le plafond de remise à 40 % ou 50 %. Si l’administration accordait en moyenne 70 %, cela devrait déjà l’inciter à être plus rigoureuse.

Mme Christine Pirès Beaune (SOC). Tous les ans, je consacre une partie de mon rapport sur la mission Remboursements et dégrèvements aux règlements d’ensemble. Je confirme que leur nombre ne cesse d’augmenter. Mais il ne s’agit pas tant d’une question de sommes que d’éviter des contentieux qui durent pendant dix ou quinze ans, sans assurance aucune que l’État touchera des subsides à l’issue de la procédure. Les encadrer trop strictement n’est donc pas forcément la meilleure des idées. Mais aujourd’hui, seules deux personnes à Bercy peuvent prendre la décision de passer le règlement d’ensemble – après validation du ministre au-delà d’une certaine somme : il y a donc une zone blanche, que la Cour a relevée et qui est gênante pour les législateurs que nous sommes. Néanmoins, l’outil me semble devoir être préservé.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Il serait quand même bon que la DGFIP ait les moyens d’aller au contentieux de temps en temps, car l’éviter empêche de créer la jurisprudence qui permettrait justement de mieux encadrer cette pratique. C’est un cercle vicieux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF329 M. Michel Castellani

M. Michel Castellani (LIOT). Cet amendement vise à lutter contre le détournement et l’utilisation abusive des baux étudiants – un phénomène qui affecte particulièrement les régions touristiques.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement I-CF569 de Mme Dieynaba Diop

Mme Estelle Mercier (SOC). Cet amendement vise à transférer le recouvrement de la taxe sur les transactions financières (TTF) à la direction générale des finances publiques, avec l’appui de l’Autorité des marchés financiers, qui dispose des données nécessaires. Le produit de cette taxe pourrait contribuer notamment au financement de l’aide publique au développement, dont les crédits ont été très largement diminués ces dernières années.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous avons déjà débattu de cette taxe tout à l’heure, nous avons d’ailleurs élargi son assiette. Votre amendement ne prévoit aucun encadrement, aucune limite : c’est très insuffisant. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je ne comprends pas votre argumentaire : l’amendement ne porte pas sur la taxe, mais sur son recouvrement.

M. Charles de Courson (LIOT). Comme je l’ai montré dans mon rapport sur l’application des lois fiscales, confier le recouvrement de cette taxe aux services fiscaux n’est pas une hypothèse raisonnable. Au regard des millions de transactions concernées, c’est un travail extraordinairement complexe. La sagesse commande qu’on ne touche pas à ce dispositif. En revanche, il faut demander à l’administration de le contrôler – pour l’instant, elle s’y emploie fort peu.

La commission rejette l’amendement.

Amendements de suppression I-CF576 de Mme Estelle Mercier et I-CF1093 de Mme Claire Lejeune

Mme Estelle Mercier (SOC). Voilà un article qui doit beaucoup plaire au Rassemblement national – je ne doute pas qu’il souhaite le préserver en l’état. Il prévoit en effet de majorer les droits de timbre pour les titres de séjour, les naturalisations, les visas. Majoration de 200 euros pour une demande de nationalité, de 100 euros pour la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour, contribution de 50 euros rien que pour saisir la justice : autrement dit, le Gouvernement veut faire payer plus cher le droit de vivre, de travailler, de devenir citoyen ou de faire valoir ses droits. C’est d’autant plus absurde que cela rapportera à peine quelques millions d’euros. Nous refusons qu’en France, le droit à la citoyenneté et l’accès à la justice deviennent un luxe : c’est une question de dignité républicaine.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Ce catalogue d’augmentation des droits de timbres est écœurant. Ce budget trahit une double tendance : le RN s’aligne sur la Macronie sur les sujets économiques, et le Gouvernement s’aligne sur les positions xénophobes – il n’y a pas d’autre mot – du RN. Et pour des miettes, en plus, parce que ces mesures ne vont rien rapporter ! Elles ne feront que mettre en difficulté des personnes qui subissent déjà le fonctionnement indigne de nos préfectures ; des personnes – vous devez tous en rencontrer dans vos permanences – qui, faute de parvenir à faire renouveler leur titre de séjour, se retrouvent en situation irrégulière, perdent leur emploi, leur logement et se retrouvent à vivre dans des conditions précaires et indignes. Avec cet article, vous participez à tout cela ; j’espère que nous parviendrons à le supprimer. D’habitude, ce genre de mesures est proposé dans des amendements du RN qu’on arrive à repousser : les voir dans un texte du Gouvernement est le signal d’un glissement effrayant.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Pour ma part, je soutiendrai évidemment ces amendements. J’entends que les propos de Mme Lejeune suscitent des réactions au sein du socle commun, mais elle a raison : il y a quelques années, ces mesures auraient été proposées par le RN et tout le monde s’y serait opposé, parce que l’objectif n’est pas de faire des économies  les sommes en jeu sont assez faibles –, mais bien d’envoyer des messages sur la naturalisation, la régularisation, l’accès à la nationalité française.

Vous savez comme moi ce qui se passe dans les préfectures : en Seine‑Saint‑Denis, il faut six mois pour obtenir ce que les personnes devraient obtenir immédiatement. Le temps d’examen des dossiers est tel que certains basculent dans l’illégalité faute d’obtenir une réponse dans les temps. Les services ne sont pas à la hauteur. Encore une fois, on parle de personnes qui vont être régularisées : ils sont parmi les plus précaires, et vous voudriez les punir encore davantage en majorant les droits de timbre. J’espère que tous les collègues qui sont encore humanistes rejetteront cet amendement, qui est un très mauvais symbole.

M. Guillaume Kasbarian (EPR). Je suis tout à fait humaniste, monsieur le président, et je ne comprends pas ce qui vous choque dans cet article. Tous les Français paient des droits de timbres pour de nombreux actes administratifs, comme le renouvellement d’un passeport. Au reste, de nombreux pays prévoient des droits d’entrée sur leur sol, comme les États-Unis avec le formulaire Esta ou le Royaume‑Uni. Il ne s’agit que de faire payer l’usager – et modestement, encore – pour les services administratifs : il n’y a pas de quoi monter sur ses grands chevaux. C’est assez naturel, et si ça donne un peu plus de moyens aux administrations pour être plus efficaces et plus rapides, je trouve que c’est tout à fait bénéfique. Je soutiens donc cet article.

M. le président Éric Coquerel. Vous aurez remarqué que les États-Unis ne sont pas vraiment notre modèle en ce moment en matière de traitement des migrants.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Savez-vous, monsieur Kasbarian, qu’il existe aussi des visas payants pour entrer en France ? Entre le visa lui‑même – 80 euros – et les frais annexes, le total s’élève à environ 120 euros. Par ailleurs, ce n’est pas le principe du droit de timbre qui est remis en question, car toutes ces personnes en paient déjà, mais le fait de les majorer à un niveau tel qu’il leur sera impossible de réaliser les démarches, y compris pour accéder à leurs droits. Par exemple, l’article 21-2 du code civil prévoit les conditions d’acquisition de la nationalité française. Certaines personnes ont droit à cette nationalité, mais si la demande est soumise à des droits de timbres de 255 euros, ils ne pourront même plus l’activer. C’est quand même quelque chose !

M. Philippe Brun (SOC). Nous parlons de demandes et renouvellements de titres de séjour, de demandes de visa, de régularisation, mais parlons un peu du retour de la TVA judiciaire, la contribution demandée à chaque justiciable pour ester en justice qui avait été instaurée par Rachida Dati et Nicolas Sarkozy en 2009. Tous les barreaux de France avaient protesté contre cette mesure, que nous avons immédiatement supprimée à notre arrivée au pouvoir en 2012. Et encore, à l’époque, c’était un droit de timbre de 35 euros : cette fois, vous proposez 50 euros ! Quel recul pour l’accès aux droits dans notre pays, surtout pour les plus vulnérables !

M. Matthias Renault (RN). Nous soutenons évidemment cet article, qui ne tend qu’à aligner nos droits de timbre sur ceux qui existent ailleurs dans le monde. Nous nous félicitons que nos idées prospèrent et commencent à trouver une majorité dans notre assemblée. Je note tout de même que l’augmentation des droits de timbre et taxes diverses est morale et humaniste quand elle s’applique aux Français, mais immorale et antihumaniste lorsqu’elle s’applique aux étrangers. C’est absurde et risible.

M. Erwan Balanant (Dem). Il faut distinguer les droits de timbre pour les demandes de papiers de ceux pour ester en justice. Si ces derniers sont fléchés vers une amélioration de l’aide juridictionnelle, pourquoi pas ? En tout cas, cela ne me dérangerait pas pour les plaintes au civil – je m’interroge davantage pour les plaintes au pénal. Il faut renforcer l’aide juridictionnelle, la présence des avocats, l’aide aux victimes. Je fais partie de ceux qui ont proposé qu’il y ait des avocats commis d’office pour les victimes : si cela peut être financé par un droit de timbre, allons-y ! Ça ne me choque pas. Comme toujours, c’est une question d’équilibre.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Collègues du bloc central, j’espère sincèrement que vous avez honte que cet article figure dans le budget. J’espère que vous vous sentez mal et que vous allez faire en sorte qu’il soit supprimé. Je vous signale que vous venez de recevoir les félicitations du Rassemblement national, par la voix de Matthias Renault, qui vient de vous expliquer que vous étiez en train de dérouler le programme de Marine Le Pen ! Je le dis sans sourciller : la réalité, c’est que vous êtes en train de céder à l’ensemble de ses lubies racistes et xénophobes. En majorant les droits de timbre qui s’appliquent à la délivrance et au renouvellement des titres de séjour, vous vous en prenez à des gens qui galèrent, des gens qui sont en France depuis parfois des décennies et qui font tourner notre pays ; des gens qui se lèvent tous les matins pour aller bosser, qui ont des enfants, et qui du jour au lendemain, se retrouvent mis à la porte par leur patron, sont obligés de rendre leur logement et perdent les aides sociales auxquelles ils ont droit. C’est ignoble, et j’espère qu’il n’y aura personne pour laisser passer un budget avec de telles mesures dedans ! Franchement, quand on voit ça, on regrette que la censure ne soit pas passée.

La commission rejette les amendements.

Amendements I-CF327 de M. Aurélien Le Coq, I-CF879 de Mme Léa Balage El Mariky, I-CF1315 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1313 de M. Éric Coquerel et I-CF1101 de Mme Mathilde Feld (discussion commune)

Mme Christine Arrighi (EcoS). On commence à avoir un haut-le-cœur.

Puisque vous avez refusé de supprimer l’article, l’amendement I-CF879 propose d’en supprimer les alinéas 1 à 14 et 16.

Le texte prévoit d’augmenter le prix des démarches administratives : la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour passerait de 225 à 350 euros, une nouvelle taxe serait créée pour les autorisations provisoires de séjour, jusqu’ici exonérées, et, enfin, le droit de timbre pour les demandes de naturalisation augmenterait de 360 %.

Ces mesures s’inscrivent dans une logique constante de précarisation. Les personnes concernées rencontrent déjà des difficultés administratives : elles attendent parfois six mois pour obtenir un rendez-vous et, s’il manque un papier, on leur demande de revenir deux, trois voire six mois plus tard. Vous y ajoutez désormais une pression financière.

Pire encore : l’évaluation préalable de l’article 30 indique que « […] ces mesures pourraient encourager les ressortissants étrangers à intégrer le marché du travail. » Cet argument est d’un cynisme absolu. Il est inimaginable que les députés du bloc central votent pour un tel article.

M. Jérôme Legavre (LFI-NFP). Vous vous en prenez toujours aux mêmes : les plus fragiles et les plus démunis.

On parle de personnes, de travailleurs qui sont en France depuis des années, voire des décennies. Un exemple parmi des milliers d’autres : celui d’une dame venue il y a quelques semaines dans ma permanence. Elle a plus de 70 ans et est arrivée en France il y a cinquante ans. Elle a trimé toute sa vie, comme des millions de travailleurs dans ce pays. Elle a eu des enfants, qui sont français comme vous et moi. Or ce qui était auparavant une simple formalité administrative prend désormais plus d’un an parce qu’il n’y a plus de personnel d’accueil dans les préfectures, tout ayant été dématérialisé. Résultat : sa toute petite retraite n’est plus versée. Elle n’a plus rien.

Ils sont des milliers ainsi. Ils perdent leur travail, ils ne peuvent plus se soigner ou étudier. C’est de cela dont on parle. En fait, même les chiens sont mieux traités. Voilà ce que font les macronistes en suivant le RN.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques I-CF1439 de M. Jean-Didier Berger et I-CF1778 de M. Laurent Wauquiez, amendements I-CF1577 et I-CF1578 de M. Éric Ciotti (discussion commune)

M. Jean-Didier Berger (DR). Il est dommage de ne pas avoir des débats apaisés sur cette question. On connaît le coût de ces démarches et il doit bien être payé par quelqu’un – soit par le demandeur, soit par le contribuable. Quand vous faites payer les contribuables français, vous faites payer aussi les travailleurs les plus modestes. Partir du principe que le contribuable devrait prendre à sa charge tout ou partie de ces dépenses ne nous paraît pas justifié.

Avec cet amendement, nous proposons que le droit de timbre corresponde aux coûts réels. Le bénéficiaire de la démarche doit tout simplement être susceptible d’en assumer le coût.

M. le président Éric Coquerel. Les impôts reposent sur le critère de la résidence et non de la nationalité, monsieur Berger. Vous avez évoqué les contribuables français, mais les gens qui vont subir l’augmentation des droits de timbre que vous proposez payent très certainement des impôts eux aussi.

M. Gérault Verny (UDR). Je vais tenter de dépassionner le débat. On estime le coût du traitement des titres de séjour à 400 millions par an. Avec cet article, le Gouvernement – dont la démarche n’est pas assez ambitieuse à mon sens – prévoit seulement de collecter 150 millions de recettes.

Quelle est la logique qui sous-tend la mesure ? Si quelqu’un veut rentrer ou rester sur le territoire national, il doit contribuer – comme chacun d’entre nous –, même de manière partielle.

Vous vous plaignez que les contributions demandées soient trop élevées tout en déplorant qu’il manque des fonctionnaires dans les préfectures pour répondre aux demandes : c’est paradoxal. Augmentons donc les droits de timbre pour améliorer les moyens, sachant que les sommes demandées restent tout à fait modiques. Et si un étranger qui arrive en France n’est pas capable de payer 300 ou 400 euros, il n’a rien à faire sur le territoire parce qu’il ne va pas contribuer à la richesse nationale.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Contre l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1575 de M. Éric Ciotti.

Amendements I-CF1320 de Mme Mathilde Feld et I-CF880 de M. Emmanuel Duplessy (discussion commune)

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). On nous dit qu’il ne s’agit pas de mesures racistes ou xénophobes, mais regardez comment sont motivés vos amendements. Vous dites que certains n’ont rien à faire sur le territoire national, alors qu’ils y sont depuis longtemps et que ce sont des contribuables. Il est insupportable d’entendre le contraire : ils payent la TVA et leurs impôts en France, et ils contribuent également en travaillant.

Avec ce genre de mesures, vous fabriquez des sans-papiers et vous incitez les gens à être clandestins, car vous faites en sorte qu’ils ne puissent pas être accueillis et travailler correctement.

Ce que font les collègues macronistes est une dérive très dangereuse. Vous vous attaquez aux principes fondamentaux de la justice – la gratuité et l’accessibilité. Comprenez-vous qu’il ne s’agit plus ici de simples économies mais d’un projet politique qui vient de l’extrême droite et que vous reprenez à votre compte ?

Mme Christine Arrighi (EcoS). Je ne trouve plus les mots pour décrire l’écœurement qui m’étreint.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1457 de M. Jean-Didier Berger

M. Jean-Didier Berger (DR). Toujours dans le même esprit, cet amendement est destiné à renforcer le dispositif de l’aide juridictionnelle.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable.

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NFP). On assiste à un concours Lépine pour surtaxer des personnes qui sont sur notre territoire. Je constate que l’ensemble du bloc central cède à toutes les idées de l’extrême droite. C’est une honte.

Des personnes en situation irrégulière ou qui ont des titres de séjour n’arrivent pas à retirer à la préfecture une carte de séjour qui est déjà prête. Ce n’est pas majorant les frais de 50 ou 100 euros qu’on va remplacer les personnels qui ont disparu des préfectures depuis le covid. Ces propositions sont abjectes ; ceux qui les défendent sont les mêmes qui se sont opposés à ce que nous taxions le luxe, les yachts et les jets privés des ultrariches.

M. Paul Midy (EPR). Quelques mots pour que notre position ne soit pas caricaturée trop fortement, car il ne faut pas mélanger deux sujets.

On compte six millions d’étrangers dans notre pays J’en suis très content, mais beaucoup d’entre eux sont capables de payer ces redevances. Qu’on soit étranger ou Français, il faut payer 86 euros pour refaire son passeport et 234 euros pour une carte grise. Qu’il y ait des taxes lorsque l’on fait des papiers n’est pas aberrant. S’il faut aider davantage des gens qui sont en grande difficulté, français ou étrangers, nous pouvons réfléchir à un dispositif.

Nous aussi, nous nous battons dans nos circonscriptions pour des personnes qui arrivent ou souhaitent rester sur le territoire et qui galèrent administrativement pour obtenir des titres de séjour – allant parfois jusqu’à attendre toute la nuit devant la préfecture. Nous trouvons ça scandaleux tout autant que vous. Mais ce n’est pas l’objet de cet article. Ne mélangez pas tout et ne faites pas la morale à peu de frais.

M. le président Éric Coquerel. Monsieur Midy, je crois que vous êtes comme la grenouille qui ne s’aperçoit pas qu’on la fait bouillir.

Au début du premier quinquennat de M. Macron et pendant des années, vous étiez tous opposés à réformer l’aide médicale de l’État (AME) ; l’année dernière, elle a commencé à évoluer.

Vous dites que les personnes concernées auraient les moyens de payer, mais la plupart ne les ont pas. Vous citez les cartes grises, mais la différence avec les titres de séjour tient au fait que le système français impose de renouveler souvent ses papiers, avec toujours plus de difficultés, ce qui plonge les personnes concernées dans des situations chaque fois plus complexes. Or vous décidez d’augmenter de manière considérable ce qu’elles doivent payer. Vous dites qu’elles pourront avoir des aides, mais on baisse les budgets correspondants et ceux destinés aux associations d’aide – que le Rassemblement national veut même criminaliser.

En bref et sans esprit polémique, j’observe ceci : certains d’entre vous voient un rapprochement entre nous et le Rassemblement national quand ses députés votent certains de nos amendements, mais ce sont eux qui viennent alors soutenir nos propositions. Votre cas est différent : c’est vous qui soutenez une des propositions du Rassemblement national, que vous n’auriez jamais votée il y a quelques années – de même que vous n’auriez jamais eu un ministre de l’intérieur qui parle de « Français de papier ». C’est une évolution de votre camp et j’aimerais que vous vous en rendiez compte.

M. Paul Midy (EPR). Premièrement, il ne m’avait pas échappé que les forces extrêmes et populistes gagnent du terrain dans notre pays. Est-ce un problème ? Oui, et il se manifeste aux deux côtés opposés de cette pièce.

Deuxièmement, contrairement à ce que vous affirmez, nous n’avons voté pour aucun amendement du Rassemblement national – et nous ne votons pas des motions de censure avec lui.

M. le président Éric Coquerel. Vous comptez quand même sur les voix de nos électeurs.

M. Karim Ben Cheikh (EcoS). Il faut cesser d’utiliser l’exemple du passeport à 85 euros. Je rappelle que la carte d’identité est gratuite, car c’est ce document qui est nécessaire pour s’identifier – comme l’est le titre de séjour pour les étrangers. Le passeport n’est pas un document d’identité indispensable ; c’est la raison pour laquelle il est payant. Il faut donc comparer ce qui est comparable si nous voulons avoir un débat sérieux et serein.

M. Jean-Didier Berger (DR). Une petite précision pour dépassionner cette discussion : les personnes qui n’ont pas les moyens de payer sont exonérées de plein droit puisque la redevance n’est pas due par les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle.

Évitons les caricatures. L’amendement a simplement pour objet de rendre les choses équitables pour le contribuable.

M. François Jolivet (HOR). Je souscris aussi bien aux propos sur la tarification de divers documents administratifs qu’à ceux de notre collègue de La France insoumise lorsqu’il déplorait que les préfectures marchent mal. Je peux en témoigner, car je fais partie des députés qui reçoivent beaucoup d’étrangers dont la retraite est suspendue à cause de la procédure de renouvellement de leur titre de séjour.

S’agissant de la tarification, je vous invite à lire la page 327 de l’évaluation préalable des articles annexée au PLF. Le tarif pour une carte de séjour s’élève à 368 euros en Belgique, à 900 euros en Grèce, à 1 102 euros en Hongrie, à 350 euros en Slovaquie, à 300 euros en Irlande et à 1 262 euros aux Pays-Bas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF881 de M. Emmanuel Duplessy

Mme Christine Arrighi (EcoS). Les exemples d’augmentation massive des droits de timbre que vous venez de citer démontrent que ce qui est proposé dans cet article consiste à trier par le biais de l’argent. C’est précisément cette politique qui est menée en Hongrie, en Grèce et désormais aux Pays-Bas par la nouvelle coalition qui s’y dessine.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 30 non modifié.

Amendement I-CF1092 de M. Philippe Brun

M. Philippe Brun (SOC). J’ai déposé cet amendement car je suis rapporteur spécial du compte d’affectation spéciale (CAS) Participations financières de l’État. Avec la direction du budget, nous avons remarqué que Bpifrance disposait de réserves surnuméraires par rapport à ce dont elle a besoin pour couvrir ses risques. Elles s’élèvent à environ 500 millions d’euros et je propose de les reverser au budget général.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Bpifrance nous a écrit de manière très inquiète, en expliquant que votre amendement conduirait à mettre un coup d’arrêt brutal à son activité à compter du 31 décembre. Elle considère que ce que vous appelez des excédents réallouables sont des provisions et que leur versement au budget général poserait un problème majeur de fonctionnement.

Avis défavorable.

M. Philippe Brun (SOC). On fait les fonds de tiroir de tous les opérateurs de l’État, dont les agences de l’eau ou l’Ademe, mais Bpifrance bénéficie d’une forme d’immunité totale en raison de la personnalité charismatique de son directeur général.

Nous nous sommes penchés sur le sujet de manière approfondie : les fonds de garantie de Bpifrance sont surdotés par rapport à l’activité et aux ratios réglementaires. Ces 500 millions d’euros peuvent être reversés au budget général sans que cela affecte l’activité de cette banque. Nous en reparlerons en séance.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Les provisions de Bpifrance sont gérées par l’agence France Trésor. Les réallouer au budget de l’État n’aurait aucun effet sur la dette.

M. Charles de Courson (LIOT). Bpifrance est une banque qui a un statut de société anonyme. Si elle a accumulé trop d’excédents, il suffit de demander qu’elle verse des dividendes à l’État. Mais il faut être prudent si l’on commence à prélever les fonds de garantie. Pourra-t-on faire face aux difficultés le jour où elles surviendront ? Cet amendement n’est pas une bonne idée.

L’amendement est retiré.

II – RESSOURCES AFFECTÉES

A – Dispositions relatives aux collectivités territoriales

Amendements I-CF1216 de M. Aurélien Le Coq, I-CF1555 et I-CF1543 de M. Tristan Lahais, I-CF1186 de M. Nicolas Sansu et I-CF1689 de Mme Christine Pirès Beaune, amendements identiques I-CF1363 de Mme Mathilde Feld, ICF1411 de M. Jean-Pierre Bataille et I-CF1808 de M. Jocelyn Dessigny, amendement I-CF1410 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq. Il s’agit de mettre un terme à la saignée imposée à nos mairies, à nos départements et à nos collectivités territoriales. Elle a commencé sous François Hollande, avec la réduction drastique de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Mais celui qui était son ministre de l’économie et est désormais président de la République depuis huit ans, Emmanuel Macron, continue – voire fait pire.

Depuis 2022, les dotations aux collectivités territoriales ne sont pas revalorisées au même rythme que l’inflation. Pour les communes et les départements, cela signifie qu’il manquait 1,4 milliard en 2022, 1,3 milliard en 2023 et 500 millions en 2024 et en 2025. Et ça continue cette année, puisqu’on ne suit toujours pas l’inflation. Bref, il manque plus de 4 milliards aux collectivités pour rénover les écoles, aider les pompiers et entretenir les crèches. Cet argent fait défaut dans tous nos services publics locaux. Vous en êtes responsables.

Avec l’amendement I-CF1216, nous proposons d’indexer définitivement la DGF sur l’inflation.

M. Tristan Lahais (EcoS). L’amendement I-CF1555 propose d’augmenter la DGF et d’extraire la fraction de la TVA qui a été assimilée à cette dotation. En effet, l’attribution d’une fraction de la TVA aux régions augmente artificiellement l’enveloppe de la DGF. L’État s’était engagé à compenser la baisse de certaines recettes des collectivités – je pense à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – par une ressource dont la progression devait suivre celle de la croissance. Mais il n’a pas tenu parole, car la fraction de la TVA ne correspond pas au dynamisme de cette recette.

L’amendement I-CF1543 prévoit quant à lui de revaloriser la DGF à hauteur de l’inflation en 2026.

M. Nicolas Sansu (GDR). Mon amendement propose également d’augmenter la DGF en fonction de l’inflation, qui s’établissait aux alentours de 5 % en 2022 et en 2023. Or la DGF n’a pas suivi cette évolution, ce qui a considérablement compliqué la situation de nombreuses collectivités.

J’ajoute que nombre de dotations de péréquation, comme la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) ou la dotation de solidarité rurale (DSR), sont intégrées à l’intérieur de l’enveloppe normée. La péréquation horizontale pèse donc lourdement sur la DGF des communes, puisque certaines sont perdantes année après année.

Il serait de bonne politique d’étudier un cadre plus dynamique, notamment en tenant compte de l’inflation. Je rappelle que les dotations des collectivités progressaient auparavant au rythme de l’inflation, majoré par la moitié du taux de croissance.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). À quoi sert la DGF ? Elle sert aux collectivités notamment pour adapter les écoles au changement climatique ou rénover des collèges qui sont dans un état lamentable.

Avec l’amendement I-CF1363, notre groupe propose de revaloriser la DGF à hauteur de l’inflation prévisionnelle pour 2026, soit 1,3 %. Cela permettrait d’augmenter d’environ 248 millions la dotation des communes.

Chaque année, l’écart entre l’inflation et la DGF se creuse. Vous avez beau dire qu’elle augmente, il manquait 1,4 milliard en 2022, 1,3 en 2023 et plus de 500 millions en 2024 et en 2025.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je comprends parfaitement les remarques sur le caractère nécessaire des recettes des collectivités territoriales. Mais il faut regarder les choses en face : vous connaissez comme moi la situation des comptes publics. Les collectivités doivent participer à l’effort de maîtrise des comptes publics – même si elles ont une vertu dont est dépourvu l’État, puisqu’elles ont une règle d’or.en matière d’endettement.

Avis défavorable.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Ce sont les Républicains qui ont désindexé la DGF à cause de la crise financière de 2008. Ce sont les socialistes qui ont drastiquement réduit cette dotation de 11 milliards, soit une baisse de 25 %. Et c’est nous qui avons ramené la stabilité, la DGF ayant même légèrement augmenté ces dernières années.

Il ne faut pas juger les recettes des collectivités territoriales à l’aune de la seule DGF. Je vous encourage à consulter le rapport de la Cour des comptes sur les finances publiques locales, qui montre que leur situation est bonne. Depuis 2017, les recettes des trois strates de collectivités ont augmenté plus vite que l’inflation, de même que leur épargne brute et leur épargne nette. Je sais que cela vous ennuie, mais ce sont les chiffres ! Je veux bien qu’on pleure avec les collectivités territoriales, mais vous n’êtes pas honnêtes.

Autre exemple : on sait qu’elles vont battre tous les records d’investissement en 2025. Pour des collectivités qui sont à l’os, c’est quand même incroyable !

Mme Marianne Maximi (LFI-NFP). Ce que les chiffres montrent, c’est qu’il y a eu des attaques successives contre les collectivités. Alors qu’elles ne sont pas responsables du déficit, c’est à elles qu’on demande des efforts. Au total, ce sont 5 milliards d’euros qui leur sont réclamés dans ce budget ; c’est injuste.

Certes, Hollande avait fait des purges budgétaires, scandale que nous avions déjà combattu. Mais vous avez continué avec les contrats de Cahors et vous gelez la DGF cette année. Et après, vous allez nous expliquer que la commande publique ne va pas bien ! Vous venez de dire le contraire, mais c’est pourtant ce que vous indiquiez tout à l’heure. Si vous asséchez les collectivités, vous asséchez aussi la commande publique. Pire, vous mettez à mal les services publics locaux, qui sont essentiels.

Vous soutenez que les écoles vont bien, mais allez dans un département comme le mien : vous constaterez qu’il y a des fuites, que les bâtiments ne sont pas isolés, que les classes ne sont pas adaptées pour les PMR (personnes à mobilité réduite), etc. Il y a des besoins et vous êtes en train de faire du mal aux collectivités.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Lisez le rapport de la Cour des comptes !

M. Erwan Balanant (Dem). Le basculement, en 2018, du financement des régions de la DGF vers une fraction dynamique de TVA, n’était pas un cadeau : leurs ressources connaissaient alors des coupes et n’étaient pas entièrement compensées. Elles ont accepté ce changement et presque toutes souhaitent le conserver ; y renoncer serait donc selon moi une erreur. Conservons ce système, encore très récent, et veillons-y lors de l’examen du texte en séance. La stabilité de nos régions, qui ont fortement gagné en compétences depuis 2018, en dépend.

M. Tristan Lahais (EcoS). Matin, midi et soir, le groupe EPR nous invite à la stabilité fiscale, afin que les acteurs aient de la visibilité. L’histoire de l’affectation de la TVA montre pourtant bien que si les collectivités ne sont pas à même d’agir dans le temps, c’est parce que les règles changent chaque année. Encore l’an dernier, on a inventé le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico) ! Or certains départements ont un taux d’épargne net qui est ridicule. Celui de l’Ille-et-Vilaine, par exemple, n’est que de 200 000 euros. Ainsi allez-vous appliquer le Dilico non sur une épargne, mais sur un déficit. Je vous en prie, levez la tête et écoutez-nous. Les collectivités territoriales sont en difficulté et il y a un problème avec la parole de l’État, qui n’est jamais respectée.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Monsieur Cazeneuve, que vous ont fait les collectivités territoriales pour que vous en ayez autant après elles ? Cela fait trois ans qu’on vous entend dire qu’elles sont trop riches, qu’elles perçoivent trop d’argent, qu’elles sont en excédent.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Je n’ai pas dit ça !

M. Jocelyn Dessigny (RN). Calmez-vous. Cela fait trois ans que vous dites cela, alors qu’elles ont un budget à l’équilibre, contrairement au gouvernement que vous soutenez, qui est responsable de 1 000 milliards d’euros de dette ! Et vous venez faire des leçons de morales à des gens qui sont capables de tenir un budget à l’équilibre ? Un peu de décence.

M. Joël Bruneau (LIOT). La situation des collectivités mériterait que nous soyons moins abrupts dans nos appréciations. D’abord, les cas sont divers, si bien que les moyennes ne sont pas nécessairement révélatrices de toutes les réalités. Ensuite, disons-le, certaines sont mieux gérées que d’autres – même si elles sont souvent mieux gérées que l’État, c’est certain. Enfin, je suis le premier à dire que les collectivités doivent participer à l’effort national, mais il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que c’est l’action locale qui tient le pays, bien plus que ce que nous faisons ici la plupart du temps.

Je répète qu’il est normal de les mettre à contribution, mais pas de manière uniforme et brutale, ne serait-ce que parce que les départements ont un mode de financement contracyclique – d’ailleurs assez ubuesque puisque leurs recettes baissent lorsque leurs dépenses augmentent.

J’entends bien que la TVA est une meilleure ressource que la DGF, mais encore faut-il que la fraction allouée aux collectivités reste dynamique. Or ce n’est plus le cas s’agissant de la compensation de la taxe d’habitation pour les EPCI et les régions, ce qui pose quelques difficultés.

Prenons donc garde au niveau de contribution demandé, car l’essentiel de l’investissement public vient des collectivités.

M. le président Éric Coquerel. De deux choses l’une : soit on estime que les rapports de la Cour des comptes sont toujours prescripteurs, auquel cas nous aurions dû modifier de manière beaucoup plus profonde le crédit d’impôt recherche (CIR), et ce depuis longtemps, soit on estime qu’ils peuvent être contestés. Il faut choisir ; on ne peut tenir deux discours.

À cet égard, monsieur Cazeneuve, le rapport que vous évoquiez ne se contente pas de dire que la situation des collectivités est bonne. Le document est un peu plus compliqué que ce que vous laissez entendre et souligne la diversité des situations. D’ailleurs, les représentants de Départements de France et de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), que nous avons auditionnés, contestent en partie les chiffres avancés par la Cour des comptes et nous ont alertés sur la situation absolument dramatique de certaines collectivités, notamment les départements.

J’ajoute que, depuis 2017, si l’investissement a continué de progresser en France, c’est grâce à ceux réalisés par le secteur public, venus, pour 70 %, des collectivités locales. Autrement dit, si on attaque leur budget, elles seront moins capables de lancer des investissements, notamment en matière écologique, ce dont nous pâtirons tous. C’est pourquoi affirmer que tout va bien pour ponctionner des budgets qui, par ailleurs, sont effectivement assujettis à la règle d’or, ne me semble pas être la bonne solution.

La commission rejette successivement les amendements I-CF1216, I-CF1555, ICF1543, I-CF1186 et I-CF1689.

Elle adopte les amendements identiques I-CF1363, I-CF1411 et I-CF1808.

En conséquence, l’amendement I-CF1410 tombe.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1362 de Mme Mathilde Feld.

Amendements identiques I-CF1133 de Mme Nicole Le Peih, I-CF1412 de M. Jean-Pierre Bataille et I-CF1711 de M. Julien Gokel

Mme Nicole Le Peih (EPR). Ces amendements visent tout simplement à préserver l’équilibre financier des régions. Alors que leurs dotations ont déjà diminué de plus de 500 millions d’euros depuis 2017, une nouvelle baisse de près de 190 millions d’euros est prévue pour 2026. Or elles sont en première ligne de l’investissement local : elles soutiennent les lycées, les transports, la transition écologique et l’économie de nos territoires. La Cour des comptes elle-même souligne qu’elles contribuent déjà au-delà de leur poids réel dans les finances locales et que leur situation s’érode.

Nous proposons donc de geler le montant de leurs dotations aux niveaux de 2025, afin de leur donner un peu d’air et d’éviter un recul supplémentaire de leurs investissements. Il s’agit d’une mesure de bon sens, équilibrée, qui vise simplement à stabiliser leurs ressources.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements.

Amendements I-CF1474 de Mme Christelle Minard et I-CF794 de M. Julien Gokel (discussion commune)

Mme Christelle Minard (DR). Mon amendement vise à conserver le niveau des dotations compensatrices versées aux collectivités : la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle et la compensation de l’abattement de 50 % sur les valeurs locatives des locaux industriels. En effet, le projet de loi de finances prévoit une baisse globale de 527 millions d’euros, dont 308 millions pour les communes et les EPCI.

Depuis 2019, ces enveloppes servent de variables d’ajustement pour réaliser des économies au détriment de la stabilité financière des collectivités. Cumulées sur plusieurs exercices, ces réductions représentent une perte supérieure à 1,1 milliard d’euros. Ces dotations avaient pourtant été créées pour garantir la neutralité financière des réformes de la fiscalité locale. Les diminuer reviendrait donc à rompre la parole donnée par l’État et à fragiliser les territoires industriels déjà durement touchés. Le gel des compensations est une mesure de stabilité et d’équilibre.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1700 de M. Stéphane Delautrette

M. Philippe Brun (SOC). Prenons garde à cet article 31, qui ne porte pas seulement sur la DGF. En effet, il prévoit aussi une baisse de 25 % de la compensation de la baisse des impôts de production, issue de l’abattement de 50 % applicable aux valeurs locatives des établissements industriels – mesure de nature à détruire les territoires industriels.

Pour une ville comme Val-de-Reuil, la plus pauvre de ma circonscription et de Normandie – et neuvième commune la plus pauvre de France –, qui a développé des parcs d’activité industrielle pour se financer, cette baisse de compensation représente la somme de 2 millions d’euros – et même 4 millions si l’on compte l’ensemble de la communauté d’agglomération Seine-Eure.

On ne peut laisser passer pareille disposition qui, je le redis, va tuer les villes industrielles, lesquelles vivent avec les nuisances associées à cette activité économique et qui doivent percevoir le fruit de cette fiscalité. 

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Renoncer à cette baisse de 25 % coûterait environ 800 millions d’euros. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 31 modifié.

Amendements I-CF1365 de Mme Mathilde Feld et I-CF1723 de M. Stéphane Delautrette (discussion commune)

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Mon amendement vise à contemporanéiser le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA). Les collectivités assurent en effet près de 70 % de l’investissement public dans notre pays. Par ailleurs, j’indique à M. Cazeneuve que le département de la Gironde affiche un déficit de 97,7 millions d’euros, dû notamment à l’explosion des dépenses de RSA – des dépenses obligatoires non compensées par l’État –, elles‑mêmes liées à l’augmentation de la population de 20 000 habitants par an.

Mme Sophie Pantel (SOC). Nous proposons de revenir sur la restriction des dépenses éligibles au FCTVA. En effet, par cet article, le gouvernement souhaite réduire l’assiette du fonds et décaler d’un an son versement aux intercommunalités.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1787 de M. Corentin Le Fur, amendements I-CF1413 de M. Jean-Pierre Bataille, I-CF1657 de M. Stéphane Delautrette et I-CF1786 de M. Corentin Le Fur (discussion commune)

M. Stéphane Delautrette (SOC). Je ne sais pas si vous mesurez bien les conséquences de la réduction de l’éligibilité au FCTVA aux seules dépenses d’investissement, que vous venez d’approuver en rejetant les amendements précédents. Cela signifie qu’en matière d’entretien des routes ou des bâtiments – des dépenses qui s’apparentent à de l’investissement –, les communes ne pourront plus récupérer la TVA, ce qui sera très pénalisant, particulièrement pour les plus petites d’entre elles. La réduction de ce type de dépenses est pourtant l’inverse de ce que doit rechercher le gouvernement car, le cas échéant, ce seront davantage d’investissements qui devront être réalisés à l’avenir.

Mon amendement est donc une session de rattrapage, une deuxième occasion de refuser cette réforme du FCTVA et même d’inclure dans son assiette les dépenses liées à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi) – qui, elles aussi, s’apparentent à des investissements.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1621 de Mme Catherine Hervieu.

La commission rejette l’article 32.

Amendement I-CF1833 de Mme Graziella Melchior

Mme Graziella Melchior (EPR). Par l’intermédiaire du FCTVA, l’État rembourse la TVA dont les collectivités s’acquittent pour l’achat d’un bien d’équipement, mais ce n’est pas le cas pour les locations. Le présent amendement vise à y remédier, afin de soutenir les collectivités qui s’engagent en faveur de l’économie de la fonctionnalité, qui privilégie l’achat de l’usage d’un bien plutôt que sa possession. Ce pan majeur de l’économie circulaire incite à la sobriété écologique et financière, à la mutualisation des biens et à la lutte contre les achats inutiles, donc contre le gaspillage.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Aux termes de l’amendement, seraient éligibles au FCTVA des biens meubles « nécessaires à la réalisation d’un investissement ». Cette rédaction, très floue, présente un risque juridique et il conviendrait de la revoir. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement I-CF1472 de Mme Christelle Minard

Mme Christelle Minard (DR). Cet amendement vise à avancer d’un an le versement du FCTVA aux collectivités. Selon les cas, les remboursements interviennent un à deux ans après la dépense, ce qui freine l’investissement local, alors même que les besoins sont importants. En effet, près de 19 milliards d’euros par an devront être investis d’ici à 2030 pour atteindre nos objectifs climatiques. En accélérant les versements, nous redonnerions immédiatement de la trésorerie aux collectivités, sachant que, pour l’État, il ne s’agirait pas d’une nouvelle dépense nouvelle, mais d’un simple décalage de flux destiné, je le répète, à lancer des projets plus rapidement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je comprends l’esprit de cette proposition. Pour avoir été maire, je sais que le FCTVA constitue une ressource précieuse. Cependant, procéder à une telle avance demanderait de trouver au moins 1 milliard d’euros cette année. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements de suppression I-CF1414 de M. Jean-Pierre Bataille, ICF1419 de Mme Mathilde Feld, I-CF1434 de M. Jean-Didier Berger, I-CF1475 de Mme Christelle Minard et I-CF1737 de M. Stéphane Delautrette

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Cet article 33 est un nouveau tour de passe-passe dans les dotations des collectivités en 2026. Jusqu’à présent, la fraction de TVA revenant aux EPCI – laquelle est censée compenser la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP) et de la CVAE – était indexée sur le produit national de la TVA. Désormais, si l’évolution du produit total de la TVA est supérieure à l’inflation, la différence sera défalquée de la part revenant aux collectivités. Cette idée me semble scandaleuse et je demande le maintien du fonctionnement dynamique actuel.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). L’amendement identique I-CF1419 vise à abonder à hauteur de 600 millions d’euros le fonds de sauvegarde des départements, afin de leur permettre d’assurer leurs missions essentielles de solidarité et d’aménagement du territoire.

M. Jean-Didier Berger (DR). On a dit aux collectivités qu’elles allaient bénéficier de la TVA en lieu et place d’autres recettes et que le mode de financement serait bien plus avantageux, car dynamique. Or par cet article 33, l’État entend purement et simplement annuler le caractère dynamique de la ressource. Eu égard au contrat de confiance qui doit unir l’État et les collectivités locales, on ne peut permettre ce type d’artifice.

M. Stéphane Delautrette (SOC). L’État s’était engagé à compenser les réformes fiscales qui ont successivement touché les collectivités par une fraction dynamique de TVA. Or aux termes de cet article, l’État contrevient à son engagement, raison pour laquelle nous soutenons ces amendements de suppression.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je suis partagé, car si l’article 33 minore par le taux d’inflation la dynamique des fractions de TVA affectées aux collectivités, il est aussi prévu d’allouer le produit de cette minoration au fonds de sauvegarde des départements. Ainsi, la suppression de l’article aurait pour effet d’annuler l’abondement de ce fonds, qui devrait s’élever à 240 millions d’euros l’année prochaine. Je me demande donc si l’adoption de ces amendements ne reviendrait pas à se tirer une balle dans le pied, du moins en ce qui concerne l’année 2026. Mon avis est donc défavorable.

M. Charles de Courson (LIOT). Voici ce qui est écrit à la page 353 de l’étude d’impact : « Pour l’année 2026, il est prévu que le montant du fonds de sauvegarde versé aux départements atteigne 300 millions d’euros. Ce montant sera atteint par l’affectation, en plus des sommes qui y ont été affectées au titre des exercices 2024 et 2025 – [issues de la] part dynamique de TVA –, du produit de la dynamique écrêtée par le présent article ». Or si l’écrêtement est nul, cela signifie que le fonds de sauvegarde des départements devra être abondé grâce à la part du produit de la TVA revenant aux collectivités. Dans la mesure où celle-ci s’élève à environ 52 milliards d’euros, 0,6 % de ce total serait affecté au fonds de sauvegarde. Me confirmez-vous ce que je pense comprendre ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Nous essayons tous de comprendre. Pour ma part, je lis que l’État complétera si la somme de 300 millions d’euros n’est pas atteinte. Ma crainte, je le répète, est qu’en supprimant cet article, les départements fragiles manquent de ressources.

M. Charles de Courson (LIOT). Pardonnez-moi, mais l’étude d’impact me semble très claire. Si l’écrêtement est nul, cela signifie bien que les 300 millions d’euros seront atteints grâce au montant global de la fraction de TVA allouée aux collectivités. Pouvez-vous nous donner le montant de cette compensation ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. De mon côté, à la lecture de l’exposé des motifs, je comprends que si on n’atteignait pas les 300 millions, c’est l’État qui compléterait.

M. Jean-Didier Berger (DR). Les collectivités n’attendent pas de l’État qu’il leur verse une obole pour compenser une partie de ce qu’il leur retire. Toutes les collectivités préfèrent que l’État respecte les dynamiques budgétaires initialement prévues.

Nous pourrons retravailler ce dispositif d’ici à la séance. En attendant, nous enverrions le bon signal en supprimant cet écrêtement.

M. Jean-René Cazeneuve (EPR). Les départements ont besoin du fonds de sauvegarde de 300 millions. Au cours des deux dernières années, les DMTO – droits de mutation à titre onéreux – ont baissé fortement ; l’effet ciseau a affecté la capacité d’épargne et d’investissement des départements. En supprimant cet article, vous supprimez le fonds de sauvegarde.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1762 de M. Jean-Didier Berger

M. Jean-Didier Berger (DR). Seule la métropole du Grand Paris n’est pas soumise à l’écrêtement de la TVA. Il n’y a aucune raison pour qu’en soit exemptée cette collectivité, dont je réclame, avec d’autres collègues, la suppression.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Au contraire, votre amendement revient à supprimer cet article, sauf en ce qui concerne la fraction de TVA affectée à la métropole du Grand Paris.

M. Jean-Didier Berger (DR). Je le retravaillerai en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 33 non modifié.

La commission adopte l’article 34 non modifié.

Amendements identiques I-CF1428 de Mme Mathilde Feld et I-CF1477 de Mme Christelle Minard, amendement I-CF1415 de M. Jean-Pierre Bataille (discussion commune)

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). Par cet amendement, le groupe La France insoumise demande la compensation intégrale aux collectivités territoriales du surcoût résultant de l’augmentation de 3 points par an du taux de cotisation vieillesse jusqu’en 2028, prévue par le décret du 31 janvier 2025.

Cette mesure, décidée sans concertation, coûtera 4,2 milliards d’euros à terme, soit une dépense supplémentaire de 1,05 milliard d’euros dès 2026.

Mme Christelle Minard (DR). L’amendement vise à compenser intégralement la hausse des cotisations versées à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), qui représente plus de 1 milliard d’euros de charges supplémentaires pour les employeurs territoriaux que sont les communes, intercommunalités, départements et régions.

Ce choc budgétaire, difficilement absorbable, risque d’entraîner des coupes claires dans les dépenses d’investissement ou de fonctionnement de ces collectivités. En effet, cette réforme ferait baisser d’environ 5 % la capacité d’investissement des communes et des intercommunalités.

Nous proposons que l’État compense la charge qu’il a lui-même créée pour préserver la soutenabilité financière des budgets locaux et maintenir la qualité du service rendu à nos concitoyens.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je comprends votre intention car il s’agit d’une lourde charge qui pèsera sur les collectivités. Néanmoins, vos amendements créeraient une dépense supplémentaire de 1 milliard d’euros pour l’État. Compte tenu de l’état de nos finances publiques, avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendement I-CF1549 de M. Bastien Lachaud

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Là encore, je comprends cet amendement, qui vise à aider la Nouvelle-Calédonie, mais il entraîne une dépense de 1 milliard d’euros. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1421 de Mme Mathilde Feld.

Amendement I-CF1443 de M. Jean-Pierre Bataille

M. Jean-Pierre Bataille (LIOT). Cet amendement d’appel vise à répondre aux demandes légitimes d’augmentation des indemnités des élus des plus petites communes. L’État devrait augmenter la dotation de compensation de la réforme portant statut de l’élu local, afin de prendre à sa charge l’augmentation des indemnités des élus qui le méritent largement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 35.

Amendement I-CF1740 de M. Stéphane Delautrette

M. Stéphane Delautrette (SOC). En l’absence de toute concertation, le Gouvernement a pris la décision d’augmenter de 3 points par an le montant de la cotisation des employeurs territoriaux à la CNRACL, ce qui représentera une dépense supplémentaire non compensée d’environ 4,2 milliards d’euros à leur charge.

Au titre de la compensation démographique, plus de 100 milliards d’euros ont été prélevés sur ce régime, afin d’en équilibrer d’autres, notamment du secteur privé. Pendant cinquante ans, il n’a donc pu mettre en réserve ses excédents.

Il n’est pas cohérent de vouloir la réduction des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, tout en leur imposant un tel choc contributif. Par conséquent, cet amendement vise à compenser les effets de la hausse du taux de cotisation en 2025, en créant un prélèvement sur recettes (PSR).

Par ailleurs, il incombe au Gouvernement de mettre en œuvre, dans les meilleurs délais, les mesures structurelles préconisées par un rapport des corps d’inspection qu’il a lui-même commandé.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement entraînerait une dépense trop importante. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1684 de Mme Sophie Pantel

Mme Sophie Pantel (SOC). Il vise à abonder le fonds de sauvegarde des départements à hauteur de 600 millions d’euros.

Ce fonds, créé en 2020, est insuffisamment doté pour soutenir les soixante départements qui sont en difficulté et dont le budget subit un effet ciseau important.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cet amendement vise à créer un PSR de 600 millions d’euros pour alimenter le fonds de sauvegarde des départements. Or l’article 33 prévoit déjà la création d’un fonds de sauvegarde à hauteur de 300 millions, montant qui me paraît plus raisonnable. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1627 de M. Jean-Didier Berger

M. Jean-Didier Berger (DR). Il vise à sécuriser la compensation versée aux régions au titre du financement des formations sanitaires et sociales, instaurée dans le cadre du Ségur.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Dans le cadre du protocole État‑régions signé en 2022, l’État s’était engagé à financer ces formations. Il semble qu’une lettre d’engagement de l’État ait été envoyée à Régions de France, garantissant un financement jusqu’en 2027, mais je propose que nous en demandions confirmation à la ministre en séance. Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF25 de M. Michel Castellani

M. Michel Castellani (LIOT). Depuis 2009, le montant de la dotation de continuité territoriale (DCT) versée à la collectivité de Corse est figé. Or, en seize ans, les prix ont explosé, notamment ceux du transport aérien et maritime de marchandises et de passagers. En Corse, le recours au bateau ou à l’avion est incontournable, en particulier pour les malades et les étudiants.

Nous avons obtenu une majoration de l’enveloppe dans les PLF précédents : 33 millions en 2022, 40 millions en 2024 et 50 millions en 2025.

Cet amendement propose d’attribuer une dotation exceptionnelle de 60 millions, qui serait indexée sur l’inflation chaque année. Cette mesure légitime nous dispenserait, chaque année, de pénibles négociations à Bercy, en commission et dans l’hémicycle.

J’appelle votre attention sur l’importance de cet amendement pour le quotidien des habitants de l’île, y compris des plus modestes.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Un PSR de 43 millions au profit de la Corse est déjà prévu. Le meilleur moyen d’assurer la continuité en Corse, c’est d’ouvrir davantage à la concurrence le transport vers l’île. En raison du monopole actuel, les tarifs sont élevés et le service est mal organisé. Avis défavorable.

M. Michel Castellani (LIOT). Votre argumentation ne me convainc guère. Il est logique que les prix du service public de transport, qui permet de relier la Corse au continent, soient indexés sur l’inflation. C’est un moyen indispensable pour transporter les marchandises et les passagers. Je rappelle que la Corse est une île.

M. le président Éric Coquerel. Et je rappelle que l’ouverture à la concurrence n’est pas la meilleure solution pour faire baisser les prix, notamment ceux d’un service public de continuité territoriale.

M. Charles de Courson (LIOT). On ne peut pas continuer ainsi : chaque année, c’est le même cinéma. Les gouvernements successifs ont toujours fini par accepter d’augmenter la dotation. Une fois de plus, le Gouvernement cédera. Nous nous honorerions à voter cet amendement mais il faut que ce dispositif soit prévu dans les prochains projets de budget. Ce n’est pas l’ouverture à la concurrence qui réglera ce problème.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). La Corse étant en effet une île, la continuité territoriale vers le continent doit être assurée. Par ailleurs, il ne suffit pas d’un claquement de doigts pour ouvrir un service à la concurrence. Chaque année, il faut quémander cette rallonge ; c’est assez troublant. Il existe un véritable problème de continuité territoriale.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. C’est vrai. Mais il faut réfléchir de manière structurelle au transport de marchandises et de passagers entre le continent et la Corse. On se voile la face si l’on ne prend pas en compte la réalité économique, politique, syndicale et culturelle. J’échangerai volontiers avec M. Castellani à ce sujet avant la séance.

M. Michel Castellani (LIOT). Je rappelle que la dotation de continuité territoriale bénéficie à des compagnies qui ont remporté un marché public à l’issue d’un appel d’offres.

La commission adopte l’amendement.

B – Impositions et autres ressources affectées à des tiers

Amendements I-CF1886 et I-CF1887 de M. Philippe Juvin

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il s’agit de prévoir une année blanche pour les taxes affectées.

Je propose, d’une part, d’annuler les augmentations de plafond proposées par le Gouvernement pour les taxes affectées qui font déjà l’objet d’un plafonnement, afin de revenir au niveau du plafond de 2025 ; d’autre part, d’établir des plafonds, fixés au niveau du rendement de l’année 2025, pour les taxes affectées non plafonnées versées à soixante-six opérateurs, qui devaient recevoir 32 milliards d’euros en 2026.

Toutefois, des exceptions sont prévues pour l’Unedic, compte tenu de sa situation très particulière et de son rôle ; les agences de l’eau, qui font l’objet d’un autre article ; les CCI (chambres de commerce et d’industrie) ; les établissements publics fonciers ; les universités, qui sont autonomes ; et le Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers.

M. le président Éric Coquerel. Je suis complètement défavorable à ces amendements qui donnent un coup de rabot à l’ensemble des taxes affectées sans les différencier, malgré quelques exceptions.

Ce que vous proposez aura des conséquences évidentes, par exemple sur la politique environnementale, dont les budgets diminuent alors même qu’ils devraient augmenter. La baisse des dépenses de l’État n’est déjà pas une bonne solution et le coup de rabot est assurément la plus mauvaise.

M. Erwan Balanant (Dem). Il faut comprendre l’histoire de certaines taxes affectées, qui sont en réalité des contributions volontaires. Par exemple, la taxe sur les spectacles vivants est une contribution volontaire des acteurs du secteur qui décident d’en affecter le produit au pot commun pour faire vivre la filière. Aujourd’hui, plafonner ces taxes qui permettent de mutualiser la création de valeur serait une erreur terrible.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. S’il s’agit de contributions volontaires, pourquoi est-il nécessaire de prévoir des taxes affectées ?

M. Erwan Balanant (Dem). Il s’agit d’une décision de Bercy.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Je propose donc de réduire le produit de ces taxes au niveau obtenu en 2025.

M. Paul Midy (EPR). Pour quels organismes, vu qu’ils sont nombreux à être concernés, l’impact de cette mesure serait-il important ?

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Chaque opérateur vous dira qu’il est important mais a obtenu des hausses de plafond conséquentes. La société des grands projets devrait recevoir 53 millions supplémentaires en 2026 ; le CNM (Centre national de la musique) percevrait 8 millions de recettes supplémentaires… en tout les plafonds augmentent de près d’1 milliard cette année. Pour reprendre les mots de Gilles Carrez, chaque niche fiscale a son chien.

En effet, c’est un coup de rabot, mais qui se justifie compte tenu de la situation budgétaire. Il ne s’agit pas de baisser les recettes, mais de les geler au niveau de 2025 ; c’est une année blanche, mécanisme qui s’appliquera également aux retraites.

M. Matthias Renault (RN). Nous soutiendrons ces amendements pour le principe. La méthode choisie est l’année blanche, à savoir le rabot. Certes, ce dispositif est meilleur que celui proposé par la commission d’enquête du Sénat sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État. Il préconise la mutualisation de certaines missions, sans les remettre en cause, ce qui permettrait de réaliser 500 millions d’euros d’économie.

En revanche, la proposition de notre contre-budget est plus solide. Nous assumons de remettre en cause certaines missions des opérateurs et des agences, ce qui permettrait de dégager 7,7 milliards d’euros d’économie. Nous en rediscuterons lors de l’examen de la deuxième partie du PLF.

M. Daniel Labaronne (EPR). D’une manière générale, je ne suis pas favorable aux taxes affectées. Je souhaite qu’elles fassent l’objet d’une rebudgétisation : à la place, des subventions seraient versées à ces organismes qui auraient conclu des contrats d’objectifs et de moyens.

Nous ne finançons pas des priorités, nous entretenons plutôt des mécanismes automatiques de reproduction de la dépense, dépourvus de tout contrôle de son efficacité. Certes, le mécanisme proposé est rude, mais il va dans le bon sens.

M. Denis Masséglia (EPR). C’est étrange : les taxes sont écrêtées quand leur produit augmente ; en revanche, quand il diminue, aucun complément n’est versé pour atteindre le niveau de l’an passé. La dotation à l’audiovisuel public diminue de 70 millions par rapport à 2025. Si l’idée est d’atteindre le même niveau que l’an dernier, autant ajouter 70 millions en faveur de l’audiovisuel public.

M. Nicolas Sansu (GDR). C’est incroyable. Certaines taxes ont été instaurées pour soutenir des politiques. Prenons l’exemple des paris sportifs, qui ont permis de financer la création de l’Agence nationale du sport (ANS). Ces paris concourent désormais au financement de nombreux équipements sportifs. En 2026, 208 millions de rendement sont attendus alors que le rapporteur général propose de le plafonner à 180 millions. Qu’allez-vous faire des 28 millions ? Cette taxe affectée a été créée pour l’ANS. Dans ce cas, soyez cohérents, réduisez le taux de la taxe.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette mesure ne changerait rien pour l’Agence nationale du sport, car le rendement prévu dans le projet de loi était déjà de 180 millions et cet opérateur était déjà plafonné. Le plafond de 2025 est maintenu. Quant aux taxes qui n’étaient pas plafonnées, leur rendement a été écrêté au niveau de 2025.

Mme Eva Sas (EcoS). S’agissant de la méthode, nous aurions aimé qu’un amendement aussi important et qui concerne autant d’organismes soit accompagné d’une étude d’impact.

S’agissant de l’Office français de biodiversité (OFB), qui est déjà en difficulté, il n’a pas suffisamment d’effectifs dans les territoires pour accomplir ses missions, par exemple en matière d’éducation. On lui reproche souvent d’être trop répressif et de ne pas accompagner les acteurs, notamment les agriculteurs, pour expliquer les politiques environnementales. Nous ne pouvons accepter que vous réduisiez encore leurs effectifs et leurs moyens. Ne coupons pas les crédits de la biodiversité alors même qu’on ne peut appliquer correctement la politique en faveur de la biodiversité fixée dans les trajectoires.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF43 de M. Matthias Renault

M. Matthias Renault (RN). J’ai déposé une trentaine d’amendements sur ce sujet, celui-ci est le seul à ne pas avoir été déclaré irrecevable. Nous défendrons l’essentiel de nos propositions relatives aux opérateurs lors de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de finances. Au total, nous proposons 7,7 milliards d’économie dans notre contre-budget.

Cet amendement technique vise à diminuer le plafond de l’accise sur l’énergie affectée à l’Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport de France).

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements I-CF684 de Mme Dieynaba Diop, I-696 de M. Olivier Faure et I-CF706 de Mme Dieynaba Diop (discussion commune)

Mme Estelle Mercier (SOC). Ils visent à réaffecter une partie des recettes de la taxe sur les transactions financières à la solidarité internationale, notamment à l’Agence française de développement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Cette affectation a été supprimée parce qu’elle est contraire à la Lolf : il doit y avoir un lien entre la mission de service public d’un opérateur et la taxe qu’il reçoit. Or il n’y a pas de lien entre une taxe sur les transactions financières et la politique de développement.

M. le président Éric Coquerel. Je conteste l’argument de l’absence de lien. On peut considérer que la taxe sur les transactions financières finance des actions compensant les externalités négatives que leur intensification liée à la mondialisation produit dans les pays concernés.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1016 de Mme Christine Arrighi

Mme Christine Arrighi (EcoS). La conférence Ambition France Transports s’est achevée il y a à peine quelques semaines. Chacun y a convenu, de manière transpartisane, que nous devions investir massivement dans les transports en commun, et le ministre s’est engagé à une loi-cadre de programmation des investissements dans le transport.

L’amendement propose donc d’affecter une part du produit des quotas carbone du système communautaire ETS 1 à l’Afitf (Agence de financement des infrastructures de transport de France) afin de soutenir la régénération et la modernisation du réseau ferroviaire. Le besoin d’investissements ferroviaires est estimé à 1,5 milliard d’euros supplémentaire par an à partir de 2028, dixit le ministre lui-même ; dans ces conditions, cette mesure sécurisera dès 2026 un financement stable qui renforcera la cohérence entre la politique budgétaire et la planification écologique et qui mettra des transports en commun décarbonés au service de tous et toutes, ce qui représente un gain du pouvoir d’achat pour ceux qui sont obligés d’avoir une voiture.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La Cour des comptes plaide depuis 2009 pour la suppression de l’Afitf et la réintégration de ses crédits au sein du budget général de l’État. Elle a estimé dans un rapport de 2024 que cette agence était « avant tout un moyen de contournement » des règles budgétaires et qu’elle avait une « faible valeur ajoutée ». Avis défavorable.

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il faudra que vous preniez langue avec M. Tabarot. Il est en complet désaccord avec votre analyse.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ce n’est pas mon analyse, mais celle de la Cour des comptes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1324 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Chaque année, la loi de finances grève les ressources budgétaires des agences de l’eau. L’État vient même se servir dans leur trésorerie en y prélevant 130 millions cette année, comme l’an dernier, alors que la qualité de l’eau se dégrade du fait des pollutions et que le dérèglement climatique met les ressources disponibles sous tension.

Le plafond de recettes pour les agences de l’eau est une aberration au regard des actions qu’elles doivent mener et du niveau des aides sollicitées. Une agence de l’eau, et non des moindres, me témoignait devoir refuser toute demande à compter du mois de juillet à cause de l’épuisement de son budget. Le mécanisme du plafond mordant est aussi en contradiction avec le principe de pollueur-payeur ou préleveur‑payeur. L’année prochaine, ce serait 88 millions en moins pour l’eau.

Le groupe Écologiste et social propose de supprimer définitivement le plafond mordant sur les taxes et redevances des agences de l’eau, une promesse non tenue du plan Eau établi par le Gouvernement en 2023.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF736 de M. Fabrice Barusseau

Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement vise à supprimer le plafond de recettes applicable aux agences de l’eau afin de mobiliser pleinement les redevances perçues au titre de la consommation et de la pollution de l’eau. Compte tenu des enjeux actuels de la pollution de l’eau, cet article est vraiment malvenu.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1432 de M. Aurélien Le Coq

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). L’amendement vise à supprimer le plafonnement des financements de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sur la forme, l’amendement est inopérant : en supprimant la ligne, vous ne supprimez pas le plafond, seulement son énumération. Sur le fond, il conduirait à affecter 700 millions d’euros de plus à l’Anah sans justification particulière. Avis défavorable.

Mme Mathilde Feld (LFI-NFP). En effet, il n’y a pas de problème de logement, pas de problème de mise aux normes des logements, pas de problème de réchauffement climatique… Franchement, je ne vois pas pourquoi on dépenserait 700 millions pour tout ça !

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1435 de Mme Claire Lejeune

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le montant affecté à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) est stable et correspond à ses besoins. Il n’y a pas lieu d’augmenter ses ressources de 8 millions, ce qui représenterait une hausse de 15 % en un an, là aussi sans justification. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques I-CF740 de Mme Claudia Rouaux et I-CF1437 de Mme Mathilde Feld

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il s’agit d’un déplafonnement de la taxe sur les paris sportifs affectée à l’Agence nationale du sport (ANS), soit une augmentation de ses moyens de 10 %. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1552 de Mme Claire Lejeune.

Amendements identiques I-CF1558 de M. Erwan Balanant et I-CF1719 de M. Denis Masséglia, amendements I-CF1720 de M. Denis Masséglia et I-CF1559 de M  Erwan Balanant (discussion commune)

M. Erwan Balanant (Dem). Voici un exemple d’une taxe affectée issue de la contribution volontaire d’un secteur et destinée à le faire vivre : en 1964, les théâtres privés décident de créer une taxe entre eux pour que les succès financent la création de nouveaux spectacles. En 2003, quelqu’un à Bercy décide d’en faire une taxe affectée. Depuis, c’est l’État qui la gère, et vous voulez maintenant prendre une part du travail vertueux du monde du théâtre pour le verser au pot commun. Cela s’appelle tout simplement une injustice.

Mon premier amendement demande le déplafonnement de cette taxe affectée. Tous les ans, nous proposons de la déplafonner parce qu’elle marche, parce que la mutualisation des moyens permet à des spectacles d’émerger et de faire fonctionner la scène française.

Je propose également un amendement de repli qui fait correspondre le plafond aux recettes réelles de la taxe affectée.

M. Denis Masséglia (EPR). Mon premier amendement demande le déplafonnement de la taxe. Le second est un amendement de repli qui propose de faire passer le plafond de 8,5 millions d’euros à 12 millions.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La raison pour laquelle il a fallu passer par la loi est que, sinon, tous les théâtres de France ne la paieraient pas. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF734 de M. Laurent Baumel.

Amendements identiques I-CF1888 de M. Éric Coquerel, I-CF860 de Mme Marie-Christine Dalloz, I-CF1011 de Mme Sophie Pantel, I-CF1416 de M. Michel Castellani, ICF1515 de M. Jean-Paul Mattei, I-CF1609 de Mme Félicie Gérard, I-CF1779 de M. Laurent Wauquiez, I-CF1823 de M. Sylvain Maillard, amendement I-CF510 de M. Jacques Oberti (discussion commune)

M. le président Éric Coquerel. Cet amendement que nous présentons chaque année vise à éviter que les CCI soient encore une fois victimes des coupes budgétaires qui mettent en danger leur activité et leurs emplois. Elles sont un acteur central de l’accompagnement économique. Par cet amendement, je propose de revenir sur cette réduction supplémentaire et de maintenir la trajectoire pluriannuelle que nous avions votée dans la loi de finances initiale pour 2024.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). En effet, 175 millions d’euros seront pris aux CCI par l’abaissement du plafond de la taxe affectée. L’amendement vise à revenir sur cette réduction supplémentaire en maintenant la trajectoire pluriannuelle votée par le Parlement dans la loi de finances initiales pour 2024, c’est-à-dire les 525 millions d’euros de plafond. En contrepartie, les CCI s’engagent à un prélèvement de 20 millions d’euros sur leurs fonds de roulement. Ce n’est pas excessivement cher et cela permettra aux CCI de continuer leur activité.

Mme Sophie Pantel (SOC). L’amendement propose de respecter la trajectoire telle qu’elle avait été négociée et entérinée par le Parlement.

M. Michel Castellani (LIOT). Je ne reviendrai pas sur le rôle irremplaçable des CCI, notamment dans les territoires fragiles – c’est le cas en Corse en matière d’accompagnement de la vie économique, de soutien aux entreprises, de gestion des infrastructures et de formation. L’article 36 prévoit une diminution de la taxe affectée de l’ordre de 175 millions, soit un tiers du montant perçu par le réseau, ce qui est énorme. Notre amendement propose de revenir sur cette réduction supplémentaire et de maintenir la trajectoire pluriannuelle votée dans le cadre de la loi de finances pour 2024.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous avons fixé une trajectoire ; n’en changeons pas chaque année. C’est trop insécurisant pour l’équilibre financier de ces belles organisations que sont les CCI, qui ont été précieuses pendant la crise sanitaire et qui continueront de soutenir la transmission et l’accompagnement des entreprises.

M. Jean-Didier Berger (DR). Il s’agit de revenir à la trajectoire prévue. Changer les règles sans arrêt pénalise tout le monde.

M. Sylvain Maillard (EPR). Nous nous sommes engagés – et je l’ai fait personnellement – sur cette trajectoire. Nous voulons qu’elle soit maintenue.

M. Jacques Oberti (SOC). Mon amendement propose une variante, tout en maintenant la trajectoire : 14 % de l’emploi étant dans l’économie sociale et solidaire, il propose d’affecter 10 millions d’euros à ESS France.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces propositions étaient comprises dans le premier amendement que j’avais déposé et qui a été rejeté en début de réunion. Avis favorable.

M. le président Éric Coquerel. Il est dommage que le spectacle vivant n’ait pas reçu autant d’appui.

La commission adopte les amendements I-CF1888 et identiques.

En conséquence, l’amendement I-CF510 tombe.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1553 de M. Maxime Laisney.

Amendements I-CF525 de Mme Nicole Le Peih et I-CF1606 de M. Guillaume Garot (discussion commune)

Mme Nicole Le Peih (EPR). Cet amendement propose de rétablir l’indexation annuelle du plafond de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti sur l’indice des prix à la consommation, comme c’est déjà le cas pour la taxe foncière elle-même. Concrètement, cela représenterait 1,1 % de ressources supplémentaires en 2026 pour les chambres d’agriculture, soit environ 3,6 millions d’euros sans aucun impact sur le budget de l’État, puisque cette taxe est déjà perçue par le secteur agricole. Cette revalorisation est nécessaire car les chambres d’agriculture assument de nouvelles missions, notamment le déploiement de France Services agriculture et la refonte du système d’identification animale. C’est une mesure pragmatique qui renforce le service public sans aucun coût supplémentaire pour l’État.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Ces dernières années, les chambres d’agriculture ont bénéficié de rehaussements importants de leur plafond : de 8,8 millions en 2023, de 21,4 millions en 2024 et de 12,6 millions en 2025. Avis défavorable.

La commission adopte l’amendement I-CF525.

En conséquence, l’amendement I-CF1606 tombe.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette l’amendement I-CF1844 de M. Emmanuel Maurel.

Amendement I-CF1346 de M. Emmanuel Maurel, amendements identiques I-CF1560 de M. Erwan Balanant et I-CF1724 de M. Denis Masséglia, amendements I-CF1561 de M. Erwan Balanant et I-CF1726 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Emmanuel Maurel (GDR). Le secteur de la musique est en souffrance, notamment dans le contexte actuel d’austérité budgétaire. Je propose donc de déplafonner deux petites taxes pour aider le Centre national de la musique, qui promeut le rayonnement de la musique en France et à l’étranger. Ce n’est pas beaucoup, mais c’est important.

M. Erwan Balanant (Dem). Tous les ans, nous arrivons au constat que les recettes dépassent le montant du plafond. Déplafonnons ces taxes une fois pour toutes, cela nous évitera un débat qui en dit beaucoup sur notre rapport à la culture, toujours utilisée comme variable d’ajustement alors qu’elle est pourvoyeuse de nombreux emplois. La culture, c’est 41 milliards de PIB.

M. Denis Masséglia (EPR). J’ajouterai deux arguments à ceux de mes collègues. Le premier est que les dotations au CNM ont été réduites cette année ; autant libérer les taxes affectées. Deuxièmement, et c’est un message à mes collègues macronistes, le président de la République a indiqué qu’il était favorable au déplafonnement lors de la France Music Week, en juin 2025. Puisque nous suivons le président de la République, votons l’amendement !

M. Erwan Balanant (Dem). J’ajoute, à l’intention des personnes qui tiennent absolument à réduire le déficit public, que dès qu’une taxe est déplafonnée, elle n’entre pas dans le calcul du déficit français. J’invite donc tous ceux qui ont chevillé au corps l’idée qu’il ne faut pas dépasser les 3 % de déficit à voter ces amendements.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Depuis 2012, les taxes affectées sont malheureusement intégrées dans le déficit maastrichtien ; avant cette date, elles permettaient en effet de contourner le système, et c’est pour cette raison historique que nous avons tant d’opérateurs. Deuxièmement, il n’est pas tout à fait exact de dire que le CNM touche moins de subventions, puisqu’il bénéficie cette année d’une augmentation de 8 millions d’euros de taxes affectées. Ces amendements proposent 1,8 million supplémentaire. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements identiques I-CF1562 de M. Erwan Balanant et I-CF1727 de M. Denis Masséglia, amendements identiques I-CF1563 de M. Erwan Balanant et I-CF1728 de M. Denis Masséglia (discussion commune)

M. Erwan Balanant (Dem). Je vois que le sujet ne rencontre pas un grand succès. Nous avons créé une taxe streaming qui portait ses fruits ; depuis qu’elle est plafonnée, elle ne fonctionne plus correctement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le CNM bénéficie déjà d’une hausse de 8 millions d’euros des taxes affectées. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1663 de Mme Olivia Grégoire.

Amendement I-CF707 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Il y a une erreur dans la rédaction de l’amendement, qui supprime la ligne 71, relative aux chambres des métiers de l’artisanat, alors que l’exposé sommaire évoque le Centre national de la musique. Je vous suggère de le réécrire. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques I-CF98 de M. Sylvain Maillard, I-CF1417 de M. Michel Castellani et I-CF1824 de M. Daniel Labaronne

M. Sylvain Maillard (EPR). Nous aimons tous nos artisans. Il est impératif que la trajectoire négociée avec le réseau des chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) soit à nouveau respectée, avec une baisse annuelle limitée à 13,25 millions d’euros pour les deux prochaines années.

M. Michel Castellani (LIOT). Notre amendement vise à garantir le respect de la trajectoire de baisse progressive et régulière du plafond de la taxe pour frais de chambre sur la base de 60 millions sur cinq ans, ce qui représente un effort énorme. Il est difficilement envisageable d’imposer une baisse supplémentaire, compte tenu du rôle d’accompagnement considérable que les CMA tiennent auprès des entreprises artisanales.

M. Daniel Labaronne (EPR). J’appelle à respecter la trajectoire fixée pour le réseau des CMA, qui fête ses cent ans au service de l’artisanat et de l’apprentissage.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable.

La commission adopte les amendements identiques.

Amendements I-CF1422 de M. Charles de Courson et I-CF763 de Mme Marie-Christine Dalloz (discussion commune)

M. Charles de Courson (LIOT). La France a la chance d’avoir une viticulture, même si une partie de ce secteur connaît actuellement de graves difficultés. L’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao) est financé par un ensemble de taxes affectées. Laissons-le utiliser ces taxes ! À un moment, c’est de l’acharnement, comme on dit dans le milieu médical, d’autant plus qu’on lui a demandé d’assurer une série d’activités supplémentaires.

Les montants actuels des plafonds ont été fixés par une loi de finances rectificative de 2012. Par esprit de responsabilité, conscients des enjeux budgétaires de notre pays et très attaché à la cogestion des Siqo – les signes officiels d’identification de la qualité et de l’origine –, les professionnels ont, dans une période de crise agricole, voté une augmentation des droits perçus par l’Inao pour mener à bien ses missions. Encourageons-les.

Mme Marie-Christine Dalloz (DR). Ce sont les professionnels qui décident entre eux du montant des droits affectés à l’Inao. Ce n’est pas une taxe imposée par l’État. Compte tenu des enjeux sanitaires qui touchent non seulement le vin, mais aussi le fromage et la filière bovine, l’Inao prend en charge beaucoup d’actions qu’il finance lui-même. Il suffit de déplafonner le plafond d’affectation sans verser aucun crédit supplémentaire – en général, mes amendements ne coûtent pas beaucoup d’argent.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement I-CF1422.

En conséquence, l’amendement I-CF763 tombe.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement ICF67 de M. Matthias Renault.

Amendement I-CF1069 de M. Christophe Plassard

M. Christophe Plassard (HOR). L’affectation de la taxe sur les nuisances sonores est plafonnée à 40 millions d’euros, mais son rendement est proche de 50 millions. Il est proposé que la totalité de son produit soit fléchée vers la lutte contre ces nuisances, car elle vise à financer les dépenses engagées par les riverains des aérodromes et les annuités d’emprunts contractés par exploitants.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le problème de l’Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa) ne tient pas aux moyens qui lui sont dédiés ; les aérodromes ont une trésorerie excédentaire de 110 millions d’euros. Le problème, c’est qu’ils ne trouvent plus de projets à financer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF746 de M. Charles Fournier

Mme Christine Arrighi (EcoS). Il s’agit de réorienter une part de la taxe parafiscale attribuée aux chambres de commerce et d’industrie et aux chambres de métiers et de l’artisanat vers le financement des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire. L’État ne consacre que 7 % des aides aux entreprises à l’ESS, alors qu’elle représente 2,7 millions d’emplois et 13,7 % de l’emploi privé. Seules 4 % des structures de ce secteur touchent des subventions. Réorienter cette part de taxe parafiscale enverrait un véritable signal.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1523 de M. Emmanuel Maurel

M. Emmanuel Maurel (GDR). L’amendement vise à supprimer l’abattement de 66 % dont bénéficient certains opérateurs qui permettent l’accès à des contenus audiovisuels créés par des utilisateurs à des fins de partage – YouTube et TikTok, notamment. Le modèle économique ayant changé, je ne vois pas pourquoi ces plateformes bénéficieraient d’un tel abattement.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1702 de M. Denis Masséglia

M. Denis Masséglia (EPR). Je propose de supprimer la baisse de 70 millions d’euros des concours à l’audiovisuel public prévue pour 2026.

Dans son rapport du 23 septembre 2025, la Cour des comptes souligne que les capitaux propres de France Télévisions « sont devenus inférieurs à la moitié du capital social, seuil en dessous duquel ils sont considérés comme insuffisants pour assurer la pérennité de l’entreprise. Cette situation oblige l’État actionnaire à prendre, avant le 31 décembre 2026, des mesures de rétablissement des fonds propres ou de réduction du capital social […] ». Autrement dit, si nous ne maintenons pas le même niveau de financement que l’année dernière, il faudra de nouveau mettre au pot d’ici la fin de l’année.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La baisse demandée aux sociétés de l’audiovisuel public est de l’ordre de 1,8 %. Avis défavorable.

M. Matthias Renault (RN). Je suis étonné par cette proposition du groupe macroniste qui prévoit d’augmenter les subventions publiques allouées à France Télévisions. Cette société se trouve dans une difficulté financière considérable et risque une liquidation judiciaire puisque ses fonds propres sont inférieurs à la moitié de son capital social. Il faut donc revoir le modèle économique de France Télévisions avant une éventuelle cession – ça, c’est pour plus tard, si le Rassemblement national arrive au pouvoir – et restructurer cette entreprise, quel que soit le modèle retenu à l’avenir. Cet amendement nous semble donc curieux, et nous espérons que la ministre de la culture a d’autres projets pour France Télévisions.

M. Charles de Courson (LIOT). On se trompe de débat. Ce sont des sociétés anonymes : dès lors qu’elles ont perdu la moitié de leur capital social, il faut le reconstituer, faute de quoi elles iront devant le tribunal de commerce. Il faut donc demander au Gouvernement non pas des subventions, mais des dotations en capital pour reconstituer les fonds propres.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF197 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Tristan Lahais (EcoS). Il est proposé de revenir aux engagements du contrat d’objectifs et de moyens (COM) en portant la dotation de l’audiovisuel public à 4,175 milliards d’euros au lieu des 3,5 milliards prévus dans le PLF pour 2026.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF1616 de Mme Valérie Rossi

M. Jacques Oberti (SOC). Il est proposé de rétablir l’exonération de taxe d’apprentissage pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), dont chacun connaît le rôle dans nos territoires.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le rétablissement de l’exonération qui avait été supprimée l’année dernière coûterait 10 millions d’euros. Avis défavorable.

M. le président Éric Coquerel. Je rappelle que, selon les estimations, l’ESS perdra plus de 150 000 emplois dans l’année à venir. Ce genre de décision n’arrangera pas la situation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF341 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (EcoS). Nous proposons de supprimer la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). Son montant de 105 euros peut sembler faible mais, face à l’augmentation de la pauvreté étudiante – selon l’association Cop1 solidarités étudiantes, 49 % des étudiants vivent avec moins de 100 euros par mois après avoir payé leur loyer – et la dégradation préoccupante de la santé mentale des jeunes, la CVEC est une aberration.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. La suppression de la CVEC conduirait à une baisse de 194 millions des ressources des universités et des Crous, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 36 modifié.

Amendement I-CF195 de Mme Sophie Taillé-Polian

M. Tristan Lahais (EcoS). Cet amendement propose de rétablir une redevance audiovisuelle progressive en fonction du niveau de revenus des contribuables, afin de financer l’audiovisuel public de manière pérenne et stable.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Une telle contribution à l’audiovisuel public toucherait 22 millions de personnes et rapporterait probablement 3 milliards d’euros. Son rendement serait donc inférieur à l’affectation actuelle de la TVA, qui s’élève à 3,9 milliards. Ce n’est pas logique, à moins que vous ne cumuliez les deux dispositifs. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 Amendements identiques I-CF711 de Mme Fatiha Keloua Hachi, I-CF855 de M. Nicolas Sansu et I-CF883 de Mme Marie Mesmeur, amendements I-CF712 de Mme Fatiha Keloua Hachi et I-CF395 de M. Jean-Philippe Tanguy (discussion commune)

Mme Estelle Mercier (SOC). L’amendement I-CF711 vise à supprimer la CVEC.

M. Nicolas Sansu (GDR). Nous devrions renommer cette contribution CVEC, ou contribution à la vie et à l’aide aux étudiants – alors tout le monde voterait l’amendement !

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). À l’amendement précédent, qui visait à supprimer la CVEC, les amis de Marine Le Pen ont confirmé qu’ils étaient d’accord pour taxer les étudiants. Taxer les riches, ce n’est pas possible, mais taxer les étudiants, c’est normal !

Un étudiant sur cinq ne mange pas à sa faim ; sur les six dernières années, on a pris 1 milliard d’euros dans leurs poches. Dans le même temps, puisque qu’on peut continuer à les taxer même quand ils n’arrivent pas à se nourrir correctement, le Gouvernement a décidé de geler les APL (aides personnelles au logement) !

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette successivement les amendements.

Amendement I-CF1030 de M. Jérôme Legavre

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Vous réservez le solde de la taxe d’apprentissage aux seuls établissements publics mais les établissements privés participent aussi à l’enseignement professionnel. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement I-CF978 de Mme Eva Sas

Mme Eva Sas (EcoS). Il s’agit de prolonger de deux ans l’affectation au profit de l’Office français de la biodiversité (OFB) du prélèvement sur les jeux de loterie de la Française des jeux dédiés à la biodiversité. Grâce aux jeux à gratter Mission nature, véritable outil de sensibilisation et de participation citoyenne, l’OFB a financé en trois ans soixante-quatre projets de restauration des écosystèmes littoraux et marins, notamment la réintroduction de la tortue d’Hermann. Nous voulons poursuivre cette dynamique vertueuse.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. L’idée est intéressante mais il faut d’abord formellement reconduire le loto ; à défaut, nous ne pouvons pas lui affecter des ressources. Je vous suggère de combiner les deux propositions en séance. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

C – Dispositions relatives aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

La commission adopte l’article 3  non modifié.

Amendements I-CF1830 et I-CF1839 de M. Jocelyn Dessigny

M. Jocelyn Dessigny (RN). Je propose de supprimer la hausse du plafond du produit des amendes affecté au compte d’affectation spéciale Contrôle de la circulation et du stationnement routiers. Cette hausse répond à une logique purement comptable, celle du rendement des radars, au détriment d’une politique de sécurité routière fondée sur la présence humaine, la prévention et l’entretien des infrastructures.

Ce CAS a été créé pour renforcer la sécurité des usagers, non pour faire office de caisse de retraite. Or, chaque année, l’État consacre davantage de moyens à la verbalisation qu’à la sécurité réelle des usagers du réseau routier. Les amendes doivent servir à sauver des vies, pas à remplir les caisses. Redonnons tout son sens à la sécurité routière !

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Si vous votez cela, vous vous privez de 8 millions d’euros de recettes. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

La commission adopte l’article 38 non modifié.

La commission adopte l’article 39 non modifié.

D – Autres dispositions

Amendement de suppression I-CF324 de M. David Guiraud

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Supprimer l’article 40 reviendrait à priver la sécurité sociale de 54 milliards en 2026. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF325 de Mme Claire Lejeune.

La commission adopte l’article 40 non modifié.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette l’amendement I-CF1418 de M. Michel Castellani.

L’amendement I-CF1845 de M. Philippe Juvin, rapporteur général, est retiré.

La commission adopte l’article 41 non modifié.

La commission adopte l’article 42 non modifié.

Amendements de suppression I-CF298 de Mme Christine Arrighi, ICF1433 de M. Charles de Courson, I-CF1436 de M. Romain Eskenazi et ICF1788 de M. Stéphane Lenormand

Mme Christine Arrighi (EcoS). Cet amendement vise à préserver la vocation exclusive de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, qui finance l’insonorisation des logements des riverains exposés aux nuisances des aérodromes. Le Gouvernement, au travers de l’article 43, a décidé de faire un prélèvement exceptionnel qui détournerait cette ressource de son objectif légal, au risque d’ouvrir la voie à des recours contentieux. C’est prendre le problème à l’envers : au lieu de réformer le régime pour aider les riverains à financer leurs travaux, le Gouvernement prélève ce qui n’a pas été consommé. Il serait plus juste et conforme à l’intérêt général de renforcer le dispositif en réduisant le reste à charge des ménages, plutôt que de ponctionner une ressource dédiée à la santé publique et au bien-être des populations.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques de suppression.

En conséquence, l’article 43 est supprimé.

Suivant l’avis du rapporteur général, la commission rejette les amendements de suppression I-CF534 de Mme Claire Lejeune et I-CF1836 de M. Stéphane Lenormand

La commission adopte l’article 44 non modifié.

Amendements I-CF539 de M. Arnaud Le Gall, I-CF791 de M. JeanPhilippe Tanguy, I-CF1210 de M. Emmanuel Maurel, I-CF540 de M. Aurélien Le Coq, ICF779 et I-CF404 de M. Jean-Philippe Tanguy et I-CF18 de M. Charles Sitzenstuhl (discussion commune)

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Nous sommes en train d’étudier un budget qui a été dicté à M. Emmanuel Macron par la Commission européenne. Il est temps de retrouver un peu de souveraineté. Alors que nous devons, dans ce budget, faire 40 milliards d’euros d’économies, qu’on fera payer aux plus pauvres, aux malades, aux étudiants et aux jeunes, nous devons en plus donner 30 milliards d’euros à l’Union européenne, tout cela pour se voir imposer Frontex, l’austérité, des traités de libre-échange comme le Mercosur et une politique agricole commune (PAC) inégalitaire. Nous vous proposons donc de diminuer la contribution à l’Union européenne.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Mes trois amendements visent à baisser drastiquement notre contribution au budget de l’Union européenne en annulant sa hausse indécente et illégitime, en imposant un rabais de 2 milliards d’euros, en récupérant le produit de certaines taxes injustes et des droits de douane dont on nous spolie – se faire piquer 2 milliards d’euros de droits de douane alors que nous sommes soumis aux guerres commerciales des Allemands et au parasitage fiscal de l’Irlande, c’est inadmissible.

J’en finirai par une grande victoire idéologique. Cette année, le Gouvernement a diminué pour la première fois sa contribution, alors qu’on nous expliquait jusque-là que c’était le Frexit assuré. Ce mensonge d’État, relayé par les médias serviles, assurait que jamais on ne pourrait baisser la contribution à l’Union européenne sans risquer un Frexit immédiat. C’était donc faux – continuez à mentir : pour nous, le pouvoir arrive !

M. Emmanuel Maurel (GDR). Alors que la France est condamnée à une année blanche, sa contribution au budget de l’Union européenne va augmenter de 24 %. Or, et cela m’exaspérait déjà quand j’étais à Bruxelles, pendant que la France voit sa contribution augmenter très substantiellement, d’autres pays comme l’Allemagne, la Suède, les Pays-Bas et le Danemark continuent à obtenir des rabais. Eux sont gagnants tandis que nous sommes systématiquement perdants.

Au moment où nous sommes en train de négocier le cadre financier pluriannuel pour les années 2028 à 2034, les priorités françaises ont été systématiquement ignorées, notamment la PAC. De même, le budget consacré aux régions ultrapériphériques (RUP) va baisser drastiquement : ce n’est pas acceptable. Il faut faire un geste. Je propose donc de limiter la contribution française à hauteur du montant de l’exercice précédent. Je suis pour que la France contribue mais je suis contre cette injustice systématique.

M. Charles Sitzenstuhl (EPR). L’amendement I-CF18 est un amendement d’appel qui vise à augmenter notre contribution au budget de l’Union européenne de 1 euro. Je ne souhaite pas, dans un débat aussi fondamental, que seules les voix anti-européennes s’expriment, nous abreuvant de leurs mensonges, de leurs fantasmes, de leurs discours qui frisent parfois le complotisme.

Nous ne versons pas cette contribution à une entité abstraite : nous la versons à nous-mêmes. L’Union européenne, c’est nous ; l’Union européenne, ce sont les Français. Nous avons fondé l’Union européenne et nous sommes la puissance la plus importante, avec l’Allemagne, de cette entité politique. Nous aurons besoin demain de plus de dépenses au niveau européen, que ce soit dans l’agriculture, dans la défense, dans l’industrie, dans l’innovation. Oui, nous devons continuer à contribuer à ce budget parce qu’il nous protège et nous rapporte beaucoup plus que de simples calculs comptables.

Mme Claire Lejeune (LFI-NFP). Il ne faut pas être caricatural. On ne peut pas entendre que l’Europe nous protège et que tout va bien, compte tenu de l’absurdité de la situation. Le budget prévoit une contribution de 30 milliards d’euros, en augmentation de 24 %, alors que, dans le même temps, il impose une saignée à nos services publics et une année blanche qui fera souffrir les Françaises et les Français.

Par ailleurs, l’Union européenne, par la voix d’Ursula von der Leyen, conclut des accords pour acheter 750 milliards d’euros de pétrole et de gaz de schiste américains, ainsi que des armes américaines, nous plaçant dans une forme de vassalité. On subventionne la croissance américaine sur le dos des Français : elle est belle, l’Europe qui protège !

Nous vous proposons donc de minorer notre contribution à l’Union européenne à la hauteur de la saignée budgétaire qui sera imposée à notre peuple.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Le prélèvement sur recettes au titre de la participation française au budget de l’Union européenne procède d’une règle fixée par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). En le remettant en cause, nous romprions nos engagements internationaux.

L’absence d’Europe aurait par ailleurs un coût. Quels que soient les défauts de l’Union européenne, nous bénéficions de son marché intérieur : nos entreprises ont tout intérêt à avoir accès à un marché de 450 millions de consommateurs plutôt qu’au seul marché national. Nos étudiants sont aussi heureux de pouvoir bénéficier du programme Erasmus. L’Europe apporte toute une série d’avantages qui paraissent si naturels que vous ne les voyez plus.

Certains fustigent la France en soulignant que les Allemands, contrairement à nous, bénéficient d’une ristourne. C’est oublier que l’Allemagne est contributrice nette au budget de l’Union à hauteur de 19 milliards d’euros environ, contre 8 milliards d’euros pour la France. N’utilisez pas ce qui s’apparente – je le dis très poliment – à des arguments de comptoir.

L’Union européenne nous protège : elle l’a fait quand nous traversions des difficultés financières, comme elle l’avait fait pour la Grèce dans ses moments difficiles. Nous ne pouvons que nous réjouir d’avoir l’euro, qui nous prémunit de bien des maux. Ne pas voter cette contribution serait une erreur.

M. le président Éric Coquerel. Ce que vous décrivez, c’est un conte : l’Europe expliquée aux enfants. Cessons de faire croire que l’Union européenne n’est pas composée d’États-nations dont les intérêts divergent parfois. Vous évoquez la contribution de l’Allemagne. Je pourrais expliquer dans le détail en quoi, depuis la création d’un euro fort aligné sur le mark, elle est le pays qui bénéficie le plus de l’Union européenne, y compris pour soutenir son commerce extérieur, qui est la base de son économie.

Vous pourrez m’opposer que les gouvernements français sont responsables d’avoir accepté cette situation, mais ne prétendons pas, en tout cas, que l’Europe nous protège. Mme Lejeune l’a rappelé à raison : les accords conclus par la présidente de la Commission avec les États-Unis d’Amérique, qui prévoient 15 % de taxes d’un côté contre 0 % de l’autre et nous engagent à investir plus de 600 milliards de dollars aux États-Unis alors que nous avons déjà du mal à investir en Europe, ne protègent pas nos industries.

Dès lors, il n’y a rien de honteux à se demander pourquoi la France devrait rester contributrice nette à hauteur de 9 milliards d’euros au moment même où l’on demande des efforts à tous les Français ; nous devrions ramener cette contribution à un solde nul. Ce n’est pas en condamnant moralement ceux qui soulèvent cette question qu’on luttera contre l’euroscepticisme. Je préférerais que nous nous opposions plutôt des arguments rationnels, car ce débat mérite d’avoir lieu.

M. Charles de Courson (LIOT). L’Europe s’est beaucoup endettée, dans le cadre du plan de relance européen, pour soutenir les différents États. Or les emprunts se remboursent. C’est pour cette raison que la contribution au budget de l’Union européenne augmente fortement. C’est aussi parce que les traités interdisaient initialement à l’Union de s’endetter d’un seul euro qu’elle a pu concevoir ce mécanisme. La France a choisi de bénéficier de prêts plutôt que de subventions, ce qui lui a permis de toucher davantage d’argent, mais, en contrepartie, elle doit maintenant s’acquitter d’une participation plus élevée.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur général, elle rejette les amendements I-CF552 et I-CF546 de M. Éric Coquerel et l’amendement I-CF542 de Mme Mathilde Feld.

La commission adopte l’article 45 non modifié.

Contre l’avis du rapporteur général, la commission adopte les amendements identiques de suppression I-CF553 de Mme Claire Lejeune et ICF882 de M. Pouria Amirshahi.

En conséquence, l’article 46 est supprimé et l’amendement I-CF294 de Mme Colette Capdevielle tombe.

La commission rejette l’article 47.

TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES
ET DES CHARGES

Amendement I-CF716 de M. Kévin Mauvieux

M. Kévin Mauvieux (RN). Je ne m’attarderai pas, à cette heure, sur la question des obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATI), que nous aurons l’occasion d’aborder en séance, mais nous devrions en finir avec ces instruments financiers.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 48 non modifié.

La réunion est suspendue d’une heure vingt-cinq à une heure quarante.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux explications de vote sur l’ensemble de la première partie du PLF.

M. Philippe Juvin, rapporteur général. Avant d’en venir au fond, je remarque que le Parlement français élabore la loi dans des conditions intéressantes à observer. Pour avoir été pendant dix ans député européen, je peux dire que la fabrique de la loi dans un parlement de tradition nord-européenne ou anglo-saxonne est tout à fait différente. Patrick Devedjian, qui présidait le conseil départemental des Hauts-de-Seine où je siégeais, m’avait prévenu : à l’Assemblée nationale, m’a‑t‑il dit, on ne fait pas la loi, on la subit. Les derniers jours m’ont pleinement éclairé sur le sens de cette phrase. Nous avons travaillé en quelques jours, vous avez dû déposer vos amendements en quelques heures – je rappelle d’ailleurs que le délai fixé pour le dépôt de ceux qui seront examinés en séance expire demain. Bref, il me semble que nous avons des progrès à faire sur la méthode.

Malgré cela, vous vous êtes saisis d’un budget complexe et nous aboutissons à un résultat significatif, qu’on l’aime ou non. Au total, nous avons voté 13 milliards d’euros de baisses de recettes et 6,3 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Je n’inclus pas dans le calcul l’article 35 fixant le niveau du PSR-CT, lequel changerait la donne s’il était valorisé correctement, mais dont chacun connaît la dimension politique. Nos débats débouchent donc sur un effort très important, de l’ordre de 7 milliards d’euros, qu’il faudra évidemment financer. J’espère que nous le ferons par une baisse des dépenses et non par de la dette.

Les principaux articles supprimés ou rejetés sont l’article liminaire, l’article 6 relatif aux pensions, l’article 7 relatif à l’investissement productif outre-mer, l’article 8 relatif à la réduction d’impôt dite Madelin, l’article 15 relatif au financement d’Île-de-France Mobilités, l’article 20 relatif aux redevances des agences de l’eau, l’article 25 relatif aux franchises en base de TVA, l’article 32 relatif au FCTVA, l’article 35 relatif au PSR-CT et l’article 43 relatif à la taxe sur les nuisances sonores aériennes. Nous avons donc parcouru un grand chemin, mais il reste beaucoup à faire : le budget qui nous est proposé n’est pas crédible et devra être retravaillé, ne serait-ce que pour s’assurer que l’article 35 sera bien présent dans la version finale du texte, car le contraire serait impossible, chacun le sait. Nous devrons donc continuer à travailler ensemble et à nous écouter mutuellement malgré nos différences de vues.

Pour ma part, de façon peut-être un peu surprenante pour un rapporteur général, je m’abstiendrai sur la première partie du texte, pour saluer les efforts qui ont été faits tout en soulignant les grandes incertitudes qui demeurent – je crains même qu’on puisse parler de quelques impasses, mais je suis certain que nous pourrons en sortir à la faveur des débats en séance publique.

Enfin, je vous remercie, monsieur le président. Vous êtes parvenu, malgré des délais très contraints, à faire vivre les débats et à permettre à chacun de s’exprimer sur les points qui lui paraissaient importants. Je salue également les administrateurs, sans qui ce travail n’aurait pas été possible. Ils sont d’ailleurs déjà de nouveau sur le pied de guerre pour traiter les plus de 3 500 amendements déposés en vue de la séance.

M. le président Éric Coquerel. Bien que notre cadre global de travail soit effectivement à parfaire, je suis satisfait du travail accompli : nous sommes parvenus à examiner tous les amendements et à débattre de tous les sujets de manière argumentée, dans un esprit qui me semble être à notre honneur. C’était une gageure dans la mesure où, contrairement à l’an dernier, tout le monde était présent, ce qui a rendu les débats d’autant plus acharnés et intéressants. Notre commission a été à la hauteur du moment.

Je remercie à mon tour le rapporteur général, avec qui nous avons bien travaillé malgré nos désaccords, ainsi que les administrateurs, qui devront effectivement continuer à travailler cette nuit et demain. À titre indicatif, le nombre d’amendements à examiner en séance sera comparable à celui de l’année dernière.

Sur le fond, si nous sommes amenés à nous prononcer sur un budget peu crédible, c’est parce que la copie de départ l’était elle aussi : la politique centrée sur l’offre et la compétitivité n’est pas celle dont le pays a besoin et elle nous mène dans l’impasse. Comme elle est nourrie de contradictions et que notre Assemblée est ce qu’elle est, on aboutit à un texte patchwork dans lequel personne ne se reconnaît, au point que beaucoup le rejetteront – ce sera mon cas.

Nos travaux ont permis quelques avancées, notamment la suppression de dispositions particulièrement injustes remettant en cause les niches fiscales dont bénéficient les retraités et les malades atteints d’une affection de longue durée. Quelques taxes touchant les hauts patrimoines et les grandes entreprises ont été adoptées, notamment celle portant sur les multinationales. À mon sens, les recettes fiscales nouvelles qui en résulteront seront d’ailleurs supérieures à 6,3 milliards d’euros. La plupart ont néanmoins été rejetées. Par ailleurs, presque tous les amendements visant à soutenir l’écologie et la culture ont été repoussés, ce qui est problématique.

En somme, le résultat de nos travaux montrera que nous ne pouvons pas sérieusement aménager le projet qui nous est proposé – il a sa cohérence –, alors même qu’il n’y a pas de majorité pour le voter.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Je remercie le président pour la qualité de sa présidence, ainsi que le rapporteur général et l’ensemble de nos collègues.

Je partage votre constat, monsieur le rapporteur général : sous la Ve République, l’Assemblée n’est pas faite pour constituer un budget. Par conséquent, je ne comprends pas comment vous pouvez soutenir un Gouvernement dont la stratégie consiste précisément à faire semblant de nous donner une responsabilité que, malgré les remarquables qualités des administrateurs et de nos collaborateurs, nous ne pouvons pas exercer. Nous n’avons pas les moyens humains de faire ce travail. Tous ceux qui, dans des médias complaisants, relaient cette fiction mentent aux Français et salissent les institutions. En faisant croire à nos compatriotes – donc aux contribuables – que l’Assemblée nationale a les moyens humains et institutionnels de faire ce travail alors que chacun sait que c’est faux, on nourrit l’antiparlementarisme et on affaiblit les institutions.

Nous n’avons d’ailleurs même pas le pouvoir de le faire. Nous subissons donc, en effet, la loi et le budget. On peut le regretter, mais, sous la Ve République, c’est le Gouvernement qui fait le budget ; l’Assemblée nationale l’amende. Les mots ont un sens : amender, cela signifie nuancer, changer, éventuellement bouleverser, mais pas fabriquer. Ce qui se passe est très grave : pour ne pas tenir compte du résultat des élections et se maintenir au pouvoir, le Gouvernement utilise tous les artifices possibles pour salir le Parlement et faire croire que le problème viendrait du vote des Français et de la représentation nationale. Or il vient de partis politiques et de responsables, en particulier le président de la République, M. Macron, qui s’accrochent au pouvoir en usant la Ve République et la crédibilité de la démocratie jusqu’à la corde.

Nous avons certes travaillé ensemble, mais veillons à ce que cet esprit de responsabilité ne conforte pas le narcissisme psychotique qui habite l’Élysée.

M. Paul Midy (EPR). Nous saluons à notre tour la qualité des débats et tenons à remercier le président, le rapporteur général, nos collègues, les administrateurs et nos collaborateurs qui veillent tard pour nous accompagner. Nous avons fait notre travail, même si les discussions furent parfois un peu rapides et animées.

Nous voulons construire un compromis qui fonctionne. Nous avons l’occasion de le faire dans un contexte inédit, puisque le premier ministre s’est engagé à ne pas utiliser l’article 49.3. Je remarque que des débuts de compromis ont émergé. Il faut aller beaucoup plus loin.

Sur le fond, nous partons d’une copie gouvernementale qui prévoyait de répartir équitablement l’effort budgétaire entre hausses d’impôts et économies. Notre groupe prône de moindres hausses d’impôts, afin de soutenir l’emploi et les entreprises, et des baisses de dépenses plus fortes. Les deux tiers de l’effort seraient ainsi portés sur les économies. La copie à laquelle nous avons abouti, même si elle est très loin d’être parfaite, va dans ce sens. C’est une bonne nouvelle.

Nous estimons aussi nécessaire de garder pour objectif de ramener le déficit de 4,7 % du PIB, afin de respecter l’engagement que nous avons pris auprès de nos partenaires européens : nous devons nous inscrire dans une trajectoire de redressement de nos comptes publics. Cela signifie que nous devrons faire plus d’efforts en matière de dépenses dans la deuxième partie du budget. Il faudra trouver le bon équilibre. Il y aura beaucoup de choses à corriger en séance, notamment concernant le PSR-CT. Nous nous tenons à la disposition de tous ceux qui voudront trouver des compromis.

En attendant, nous voterons cette première partie.

M. Aurélien Le Coq (LFI-NFP). Je m’associe aux remerciements adressés aux administrateurs et agents de l’Assemblée ainsi qu’à l’ensemble de nos collaborateurs.

Nous avions commencé nos travaux avec un budget d’une violence sociale inouïe. Au bout du compte, nous nous retrouverons avec un budget d’une violence sociale inouïe, sauf si nous parvenons à y faire obstacle. Car que s’est-il passé au cours de ces travaux en commission ? La Macronie a montré qu’elle préfère le déficit à la contribution des plus riches. Vous vous apprêtez à voter pour un texte qui ampute les recettes de 7 milliards d’euros et frappe la majorité des Françaises et des Français plutôt que de faire contribuer quelques-uns. Les impôts d’une immense part de la population vont augmenter parce que vous avez refusé, avec le Rassemblement national, d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation ; les plus pauvres seront touchés parce que vous continuez, main dans la main avec le Rassemblement national, à détruire le logement social.

Si tout le monde va morfler avec ce budget, certains seront épargnés : vous avez clairement scellé une alliance avec l’extrême droite et les amis de Marine Le Pen pour protéger les ultrariches. Les amis de M. Macron et ceux de Mme Le Pen ont rejeté la taxe Zucman, l’ISF, les taxations sur les dividendes et les super-héritages, la hausse de la taxation sur le capital, de la contribution différentielle sur les hauts revenus et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, les taxes sur les jets et sur les yachts. Bref, ils ont accumulé les cadeaux aux plus riches. Ce budget, qui applique toujours le programme du Rassemblement national en matière de droits de timbre, est inacceptable et insupportable.

Il n’y a donc qu’une solution : le battre, ici et dans l’hémicycle. La démonstration a été faite qu’il n’y avait rien à négocier. Celles et ceux qui se sont bercés d’illusions s’exposent peut-être à un réveil difficile. Au bout du compte, il n’y a qu’une issue : que Macron s’en aille, qu’on procède à une élection et qu’enfin le pays avance.

M. Philippe Brun (SOC). Les socialistes se joignent aux remerciements adressés aux équipes de la commission des finances, à l’ensemble de nos collègues et à tous ceux qui ont permis que ce débat se déroule dans des conditions inédites et sous la contrainte d’un calendrier particulièrement restreint.

En permettant ce débat par leur choix de ne pas censurer le gouvernement Lecornu, les socialistes ont voulu faire entrer le Parlement dans une ère nouvelle et redonner enfin aux députés la faculté qui leur avait été retirée depuis 2022 : celle de voter souverainement le budget de la nation. Cette faculté nous a été rendue par l’engagement du gouvernement à ne pas user de l’article 49, alinéa 3. Nous savions qu’il était illusoire d’imaginer qu’un compromis naîtrait dès les débats en commission des finances, quelques jours après la déclaration de politique générale. Chacun a – c’est bien normal – fait prévaloir ses positions, qui sont évidemment antagonistes compte tenu de nos divergences légitimes et réelles.

Pour nous, bien sûr, le compte n’y est pas. Le texte qui nous est présenté est défavorable aux classes populaires et moyennes, déséquilibré au vu de l’effort qui leur est demandé et insuffisant sur le plan des recettes. Il s’est toutefois trouvé, à de très nombreuses reprises, une majorité pour décharger les classes populaires et moyennes et tenter de rééquilibrer l’effort, par exemple par l’adoption de la taxe sur les superdividendes ou de la taxe Gafam, par la réindexation d’une partie du barème de l’impôt sur le revenu, par la suppression de l’abattement forfaitaire sur les retraites, ou encore par la défiscalisation des indemnités perçues dans le cadre d’une affection de longue durée.

D’ici à la séance publique, nous aurons le devoir de travailler à ce compromis républicain, pour permettre à la France de se doter d’un budget. Ce devoir implique – j’adresse ici un avertissement solennel à nos collègues du bloc central – un changement de cap, une vraie rupture, sans quoi les socialistes ne sauraient en aucun cas soutenir ce budget.

M. Jean-Didier Berger (DR). Le Haut Conseil des finances publiques a eu l’occasion de le dire : la réduction du déficit est en passe de s’opérer exclusivement par des augmentations d’impôts et aucunement par la baisse de la dépense publique. Notre groupe souhaite exactement l’inverse.

Certes, grâce à la Droite républicaine, la copie qui ressort de la commission des finances ne prévoit plus ni la taxe holding, ni la baisse des crédits d’impôt au bénéfice des familles dont les enfants poursuivent leurs études, ni la suppression de l’abattement pour les retraités, ni la taxe plastique, ni la taxe vapotage.

Malgré tout, grâce à l’alliance entre le Rassemblement national et La France insoumise qui s’était déjà nouée l’année dernière, elle comporte dorénavant l’impôt universel, la taxation des dividendes, l’ISF, la réduction du pacte Dutreil et du CIR, ainsi qu’un budget très défavorable aux collectivités territoriales. J’ajoute qu’à cause de l’abstention cynique du Rassemblement national sur notre amendement, le gel du barème de l’impôt sur le revenu est toujours de rigueur. Les Français vous disent merci !

Dans l’attente d’un budget plus acceptable, nous voterons contre ce texte et nous donnons rendez-vous à nos collègues en séance publique, pour en faire disparaître les taxes et les impôts qui y figurent toujours.

M. Tristan Lahais (EcoS). Le groupe Écologiste et social remercie à son tour le président, le rapporteur général et l’ensemble des administrateurs et collaborateurs qui ont travaillé dans des conditions difficiles.

Au vu de nos antagonismes, personne ne se faisait d’illusion sur la possibilité de travailler de manière sereine à un budget de compromis, comme cela doit normalement être le cas dans une démocratie parlementaire. Toutefois, alors que le premier ministre a annoncé renoncer à l’article 49.3, le socle commun avait promis un budget, sinon de compromis, du moins d'apaisement, et d’écouter le pays.

Ces derniers mois, la nécessité de davantage de justice fiscale a surgi dans la conscience populaire. Pourtant, le socle commun n’a fait aucune concession sur le cœur de la politique qu’il mène depuis des années, à savoir la politique de l’offre. Nous voterons donc contre la première partie de ce projet de budget.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Nous avons bien travaillé ces trois derniers jours. Le président et le rapporteur général ont mené un travail sérieux et ont cherché à apaiser les débats. Il faut retrouver la méthode du dialogue, de l’échange. L’essentiel est que nous nous soyons tous respectés.

Certaines mesures de justice fiscale ont été retenues ; d’autres non. Je pense qu’il est possible de trouver un chemin pour doter notre pays d’un budget sans recours à l’article 49.3. Il faudra le tracer dans l’hémicycle et en commission mixte paritaire – ce serait une immense avancée.

Nous ne sommes pas encore en 2027, à l’heure des grands combats politiques. C’est le rythme de la démocratie : il faut d’abord doter notre pays d’un budget. Même s’il ne conviendra pas à tout le monde, nous devons trouver un compromis.

À ce stade, nous ne pouvons ni voter pour ni voter contre ce texte. Par respect du travail accompli, nous nous abstiendrons.

Mme Félicie Gérard (HOR). Dès le début de la discussion budgétaire, nous vous avons alertés. Le texte initial était imparfait ; il constituait déjà un compromis, qui ne correspondait pas à nos ambitions, mais qui avait l’avantage de débloquer la situation et, surtout, de ramener le déficit sous les 4,7 % du PIB dès 2026 – c’est la priorité pour notre groupe.

Au terme de trois jours d’examen, l’équilibre atteint concernant les recettes de l’État ne nous semble pas satisfaisant, car nous nous éloignons trop du rétablissement de nos comptes. Le Gouvernement prévoyait 14 milliards d’euros de recettes supplémentaires, grâce aux prélèvements obligatoires. C’est trop. Surtout, notre commission a voté pour réduire cet effort de 10 milliards.

Si nous adoptons ce texte, il faudrait compenser ces baisses de recettes par des baisses de dépenses. Notre groupe y serait prêt, mais ne mentons pas aux Français. Ceux qui défendent des baisses d’impôt sont incapables de proposer des économies équivalentes dans les dépenses de l’État, tout en préservant le budget des missions régaliennes. De fait, le budget de la sécurité, des militaires, des policiers, des pompiers et de la justice ne sont pas négociables.

Nos discussions ont en outre conduit à la création ou à l’alourdissement de dix taxes : exit tax, impôt universel ciblé, taxe Gafam, surtaxe tonnage, et ainsi de suite. Ce n’est pas une réponse cohérente.

Malgré tout, nous reconnaissons les avancées obtenues en commission et la qualité de nos débats. Puisque le chemin est encore long pour parvenir à un texte équilibré et acceptable, notre groupe s’abstiendra sur le vote de la partie recettes du projet de loi de finances. Place au travail dans l’hémicycle.

M. Charles de Courson (LIOT). Je remercie moi aussi le président et le rapporteur général, ainsi que tous ceux qui les ont aidés dans la discrétion.

Le texte qui nous a été soumis n’était pas votable en l’état. Les débats, qui se sont bien passés, ont conduit à réduire l’augmentation prévue des recettes fiscales nettes, qui est passée de 14 milliards à 7 milliards d’euros.

Si nous voulons atteindre l'objectif de 4,7 % de déficit public, il faudra donc porter les économies en deuxième partie du PLF de 17 milliards à 24 milliards d’euros. Si nous maintenons la deuxième partie du texte en l’état, le déficit atteindra 4,9 % du PIB ; si nous réduisons les économies, il dépassera 5 %.

Nous n’étions pas contre le principe de désindexation du barème de l'impôt sur le revenu. Toutefois, il fallait maintenir l’indexation pour la première tranche, ce que nous avons obtenu à une très large majorité. C’est une source de satisfaction.

Autres motifs de satisfaction, nous avons réussi à maintenir l’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités – nous discuterons plus tard de son adaptation –, à maintenir la défiscalisation du biocarburant, et nous avons rejeté la taxation à 100 % des indemnités journalières.

Nous nous abstiendrons, dans l’attente de la séance publique.

M. Emmanuel Maurel (GDR). Nous voulons nous aussi remercier le président et le rapporteur général, car nous sommes parvenus à avoir un débat de qualité malgré les conditions difficiles et les délais serrés.

Nous sommes au moins d’accord sur un point : la France a besoin d’un budget et il faut œuvrer au redressement du pays. En revanche, pour ce qui est des voies et moyens y conduisant, nous avons un vrai désaccord.

Nous contestons la logique même de l’année blanche, car elle frappe durement les Français les plus vulnérables. Nous contestons une politique économique qui ne fonctionne pas, mais que le Gouvernement et surtout le président de la République s'obstinent à maintenir. Certains ici continuent à croire à la théorie du ruissellement, comme en 2017, alors que les Français eux-mêmes ont les yeux dessillés.

Ce qui nous préoccupe le plus est qu’une partie d’entre vous continue à méconnaître l’aspiration profonde à la justice sociale et fiscale qui grandit dans le peuple français. Le débat autour de la taxe Zucman est loin d’être anecdotique ; ce n’est pas le fruit de je ne sais quel fantasme démagogique. Les Français ne comprennent pas qu’on demande beaucoup à ceux qui ont peu et peu à ceux qui ont beaucoup. Si vous l’ignorez, nous allons au-devant de graves déconvenues.

Nous avons obtenu des avancées, comme sur l’abattement fiscal de 10 % sur les retraites. Nous avons paré le mauvais coup du Gouvernement concernant la taxation des indemnités journalières pour les affections de longue durée. Nous avons adopté une contribution exceptionnelle sur les superdividendes, mais aussi le relèvement de la taxe Gafam.

Il reste néanmoins beaucoup à faire. La taxe sur les holdings a été vidée de sa substance. On est loin du compte, pour la niche Dutreil. On n’y est pas, concernant la taxation des hauts patrimoines. Et nous devrions être entendus concernant la culture et l’écologie.

Sans recours à l’article 49.3, nous sommes prêts au compromis. Pour l’atteindre, chacun doit faire un pas vers l’autre. Nous l’avons fait, mais pas ceux qui sont les plus proches du président de la République.

La commission rejette la première partie du projet de loi de finances pour 2026.

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