N° 2052

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2025.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1)
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE (N° 1108),
DE M. GABRIEL AMARD ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES,


sur la reconnaissance d’un droit fondamental à l’eau et à l’assainissement
de qualité au sein de l’Union européenne,

 

 

 

PAR M. GABRIEL AMARD,

Député

 

 

 

 

 

 

 

  1.    La composition de la commission figure au verso de la présente page.

 

La Commission des affaires européennes est composée de : M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, président ; Mme Manon BOUQUIN, M. Laurent MAZAURY, Mme Nathalie OZIOL, M. Thierry SOTHER, vice-présidents ; MM.  Henri ALFANDARI, Benoît BITEAU, Maxime MICHELET, Mme Liliana TANGUY secrétaires ; MM. Gabriel AMARD, Philippe BALLARD, Karim BENBRAHIM, Guillaume BIGOT, Pierre‑Yves CADALEN, Mmes Céline CALVEZ, Colette CAPDEVIELLE, M. François-Xavier CECCOLI, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, MM. Jocelyn DESSIGNY, Julien DIVE, Nicolas DRAGON, Mme Sylvie FERRER, MM. Michel HERBILLON, Sébastien HUYGHE, Mmes Sylvie JOSSERAND, Chantal JOURDAN, Marietta KARAMANLI, Constance LE GRIP, Nicole LE PEIH, M. Pascal LECAMP, Mme Murielle LEPVRAUD, MM. Matthieu MARCHIO, Patrice MARTIN, Mme Yaël MENACHÉ, M. Marcellin NADEAU, Mme Danièle OBONO, MM. Hubert OTT, Mmes Anna PIC, Marie POCHON, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Isabelle RAUCH, MM. Alexandre SABATOU, Charles SITZENSTUHL, Mmes Michèle TABAROT, Sophie TAILLÉ-POLIAN, Liliana TANGUY, Sabine THILLAYE, Anne‑Cécile VIOLLAND, Estelle YOUSSOUFFA.

 


SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. Le droit fondamental à l’eau : état des lieux et perspectives

A. un droit À la confluence du droit de l’environnement et du droit de la santé

1. L’eau : un objet juridique difficilement saisissable

2. La différence entre le droit à l’eau et le droit de l’eau

i. Droit à l’eau, droit de l’eau

ii. Droit à l’eau, droit à l’assainissement

3. L’appréhension juridique du droit fondamental à l’eau a fait l’objet d’efforts nombreux au niveau international, insuffisamment repris au niveau national

a. Au niveau international

i. L’œuvre tribunicienne des Nations unies pour reconnaître le droit à l’eau comme droit de tous les droits

ii. Un bilan mitigé en pratique

b. Au niveau européen

i. L’initiative citoyenne européenne : « L'eau et l'assainissement sont un droit humain ! L'eau est un bien public, pas une marchandise ! »

ii. La directive 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive eau potable

iii. La directive 2024/3019 du 27 novembre 2024 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires

c. Au niveau national, l’eau a d’abord été réglementée sous le prisme du droit de l’eau, avant que le droit à l’eau ne soit saisi de manière fragmentaire au carrefour des codes de l’environnement, de l’urbanisme, de la santé publique et des collectivités territoriales

i. Un cadre législatif préexistant au cadre européen et ayant servi de modèle de gestion à l’étranger

ii. La directive eau potable a été transposée par l’ordonnance n°2022-1611 du 22 décembre 2022

d. Une reconnaissance jurisprudentielle indirecte et incomplète

B. Un droit insufisamment protégé en pratique

1. Un non-respect du principe pollueur-payeur pointé au niveau européen

2. Des violations au niveau national

a. Une situation où le droit à l’eau et à l’assainissement de qualité n’est pas encore garanti pour l’ensemble de la population

b. Des carences des pouvoirs publics particulièrement préoccupantes en outre-mer

c. Le dernier rapport de Générations futures fait état d’une qualité de l’eau potable inégale selon les territoires

II. Le travail diplomatique pour la consécration d’un droit à l’eau et le chemin qui pourrait mener à sa reconnaissance

A. des initiatives internationales et nationales pour reconnaitre le droit fondamental à l’eau et a l’assainissement de qualite

1. Des initiatives internationales et nationales

2. L’opposabilité du droit à l’eau devrait engendrer des coûts relativement modestes et s’accompagnera du libre choix de chaque collectivité sur les solutions à déployer

B. Le chemin pour l’inscription de ce droit fondamental dans le droit européen

1. La révision de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne requiert l’unanimité

2. La révision de la directive-cadre sur l’eau pourrait permettre l’inscription du droit fondamental à l’eau et à l’assainissement

a. Inscrire le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement dans le droit européen dérivé

b. Réaffirmer l’importance de cette inscription à l’occasion d’une communication de la Commission

EXAMEN EN COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉNNE INITIALE

AMENDEMENTS EXAMINES PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

aNNEXE : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 


   introduction

 

Mesdames, Messieurs,

« Nous oublions que le cycle de l’eau et le cycle de la vie ne font qu’un » déclarait Jacques-Yves Cousteau.

Il ne parlait pas seulement de quantité, mais de qualité. De l’eau qui désaltère sans empoisonner, qui lave sans contaminer, qui soigne au lieu de rendre malade. Car pour lui, le drame du siècle à venir ne serait pas seulement la soif, mais l’eau polluée — celle qu’on boit faute d’autre, celle qu’on rejette faute d’assainir, celle qu’on détruit faute de respecter ses cycles.

Ce qu’il annonçait déjà au XXème siècle, les peuples autochtones le savaient depuis toujours. Chez les Maoris de Nouvelle-Zélande, on dit : « Ce que tu fais à la rivière, tu le fais à ton propre corps ». Partout sur la planète, ces peuples de la « Terre-Mère » savent que la qualité de l’eau reflète la qualité de notre rapport au vivant.

Ce message résonne d’autant plus fort à l’heure où, dans nos propres bassins de vie, les nappes phréatiques sont contaminées, entre autres, par les nitrates, les pesticides, les PFAS — ces polluants éternels que ni les stations d’épuration ni les promesses politiques ne détruisent encore. L’assainissement, trop souvent relégué à l’arrière-plan, est pourtant la condition même du droit à l’eau : il ferme le cycle du vivant, il empêche que la source devienne poison.

Ainsi, cette proposition de résolution européenne vise à promouvoir, au sein de l’Union européenne, la consécration d’un droit fondamental à l’eau et à un assainissement de qualité, tel que l’a affirmé la résolution 64/292, votée par la France, et adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 28 juillet 2010.

Elle est d’inspiration transpartisane. L’importance du sujet exige en effet une démarche transparente et concertée. Les travaux préalables et diverses auditions ont ainsi été menés en étroite coopération avec ses cosignataires : Mme Anne-Cécile Violland, M. Hubert Ott, M. Marcellin Nadeau, Mme Chantal Jourdan, Mme Marie Pochon et M. Olivier Serva.

Le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement de qualité que nous portons toutes et tous doit être effectif, garanti à chaque habitante et habitant — de l’hexagone aux outre-mer comme au sein de toute l’Europe — sans distinction de richesse, de lieu ou de statut.

Mais il doit également respecter le principe de subsidiarité active : les communes, les régies publiques, les populations locales elles-mêmes doivent être les artisans de ce droit, en choisissant leur propre modèle de gestion, leurs technologies adaptées, leurs pratiques écologiques et culturelles. Ce rapport et cette proposition de résolution ne s’immiscent pas dans la libre administration des peuples de l’Union européenne et des communes et collectivités en France.

Les peuples autochtones, depuis les origines, nous rappellent que le progrès véritable est celui qui rend l’eau plus pure qu’on ne l’a trouvée.

Mes chers collègues, défendre le droit à une eau et à un assainissement de qualité, c’est défendre la dignité du vivant.

Désormais, il ne tient qu’à nous de le promouvoir.


I.   Le droit fondamental à l’eau : état des lieux et perspectives

A.   un droit À la confluence du droit de l’environnement et du droit de la santé

1.   L’eau : un objet juridique difficilement saisissable 

 

L’eau peut s’appréhender de diverses manières.

Salée pour 97 % de celle présente sur Terre, douce pour 3 %, on la trouve sous trois états – liquide, solide, gazeuse.

L’eau est dite bleue ou verte, selon que l’on fait référence à l’eau visible déplacée par les fleuves ou à l’eau invisible déplacée avec les masses d’air par évapotranspiration formant des « rivières atmosphériques » à l’origine de 50 % de la pluviométrie tombant sur les sols émergés dans le monde.

L’eau est dite grise ou noire lorsqu’elle est polluée par des usages domestiques (douche, évier dans un cas, toilettes dans l’autre).

Qu’elles soient issues d’usages domestiques, industriels ou agricoles ou obtenues par ruissellement, les eaux usées, aussi appelées « eaux résiduaires » nécessitent un assainissement collectif (égouts acheminant les eaux jusqu’à une station d’épuration) ou non-collectif (fosse septique, phyto-épuration, roselière, micro-station d’épuration, filtre compact). L’assainissement repose sur des actions mécaniques (filtrages) ou sur des actions biologiques (dégradation de la matière organique par des micro-organismes ou des bactéries) qu’offrent gratuitement la nature, pour permettre leur retour dans l’environnement.

L’eau circule naturellement sur la Terre selon un grand cycle, et localement selon un petit cycle, lié aux activités humaines. Cette distinction tend cependant à être remise en cause puisque l’état des masses d’eau en milieu naturel peut de moins en moins être géré indépendamment du circuit de l’eau potable et du traitement des eaux usées. Ceci, du fait de la pollution croissante qui, aujourd’hui, contamine l’eau quel que soit le milieu considéré.

Face à cette diversité d’approches possibles, à la confluence de plusieurs droits (humains, alimentaire, sanitaire, environnemental, de l’urbanisme) et parfois de plusieurs pays (droit national ou international) les définitions juridiques de l’eau n’intègrent bien souvent pas ces caractéristiques nuancées. Ces lacunes ont été soulignées par le professeur Bernard Drobenko lors de son audition.

2.   La différence entre le droit à l’eau et le droit de l’eau

i.   Droit à l’eau, droit de l’eau

Le droit à l’eau, entendu comme le droit fondamental des personnes d’accéder à une eau potable et à un assainissement de qualité, doit être distingué du droit de l’eau, qui renvoie à l’ensemble des règles juridiques encadrant la gestion de la ressource en eau et des services hydriques, ainsi qu’à la possible attribution d’une personnalité juridique à des entités naturelles comme les mers ou les cours d’eau.

Si l’on s’essaye à une comparaison, on peut noter que le droit de l’eau est un corpus normatif technique et fragmenté, réparti entre plusieurs codes (environnement, santé publique, collectivités territoriales, urbanisme). Il traite notamment de la protection des ressources, de la distribution de l’eau, de la police des usages et de la prévention de la pollution.

Le droit à l’eau, quant à lui, s’analyse comme un droit-créance pour les individus, une dette de la part de l’État envers tout être humain, afin de garantir sa survie. Cette garantie se décline entre autres au prisme du droit alimentaire et sanitaire.

Le droit à l’eau recouvre donc la notion d’accès à l’eau (quantité), tout en incluant des problématiques de qualité  ([1]) et d’accessibilité (physique – raccordement –  et économique – tarif au m3). Lors de son audition, Claire Dagot, docteure en droit et avocate, a rappelé l’importance de ce triptyque : qualité, quantité et accessibilité.

Ces trois aspects sont aujourd’hui menacés. Les quantités d’eau sont de plus en plus incertaines compte tenu du dérèglement climatique et des risques accrus de sécheresse et de submersion ; la qualité des eaux est menacée par la pollution des sols et des écosystèmes du fait des pratiques et des rejets de certaines industries (textile, agricole…) ; l’accessibilité enfin n’est pas encore acquise à égalité pour l’ensemble des personnes en France hexagonale et en outre-mer.

ii.   Droit à l’eau, droit à l’assainissement

Par ailleurs, le droit à l’eau doit être différencié du droit à l’assainissement.

Cela a été rappelé par la Coalition eau dans sa contribution écrite.

Le droit à l’eau se matérialise par la fourniture à tout être humain d’une eau salubre, c’est-à-dire exempte de risques pour la santé, en quantité suffisante par jour et par personne (50 à 100 litres d’eau pour les usages domestiques d’après l’OMS selon le contexte) et de manière continue, accessible sans discrimination à toute personne, d’un point de vue physique (dans tous les lieux de vie et d’activité des humains : habitat, travail etc..), économique (d’un coût abordable pour toutes et tous), sans discrimination y compris pour les plus pauvres, vulnérables et marginalisés, avec la disposition des informations pour ce faire.

De fait, la mise en œuvre du droit à l’eau repose sur une gestion intégrée de la ressource en eau (GIRE), c’est-à-dire sur une coordination fine de plusieurs acteurs : les autorités organisatrices des services d’eau et les agences de l’eau (anciennement appelées agences de bassin), pour assurer la disponibilité en quantité suffisante et limiter les conflits d’usages et les agences régionales de santé et l’ANSES pour veiller à sa bonne qualité.

Pour une explication détaillée de la gestion de l’eau en France, on peut utilement se référer au rapport public annuel de la Cour des comptes de 2023 qui consacrait un chapitre ([2])  à la gestion quantitative de l’eau et dont est tiré le schéma explicatif suivant :

 

Le droit à l’assainissement se matérialise par la fourniture d’installations sanitaires physiquement accessibles, abordables, sans risque, hygiéniques, sûres, socialement et culturellement acceptables, préservant l’intimité et la dignité. L'assainissement est un système qui permet la collecte, le traitement, l'élimination ou la réutilisation des excréments humains, auxquels sont associés les dispositifs d'hygiène connexes.

Il ne faut pas confondre les traitements de potabilisation, qui ont pour fonction de transformer l’eau prélevée dans le milieu naturel en eau potable, et l’assainissement des eaux usées, avant leur retour dans un cours d’eau.

En tant qu’il concerne les interactions entre la sphère privée et le milieu naturel, le droit à l’assainissement peut être rattaché, conceptuellement, au droit à vivre dans un environnement sain ou, pour reprendre la formulation de l’article 1er de la Charte de l’environnement, « équilibré et respectueux de la santé ».

 

3.   L’appréhension juridique du droit fondamental à l’eau a fait l’objet d’efforts nombreux au niveau international, insuffisamment repris au niveau national

a.   Au niveau international

i.   L’œuvre tribunicienne des Nations unies pour reconnaître le droit à l’eau comme droit de tous les droits

La résolution 64/292 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 28 juillet 2010 et votée par la France reconnaît que « le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit de l’homme, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Sans droit à l’eau, le droit à la vie est directement menacé, la santé ne peut être préservée, la nutrition est compromise, et la dignité même de la personne est atteinte.

Le droit fondamental à l’eau est ainsi considéré par le vote de la France aux Nations Unies comme un droit de tous les droits, un droit sans lequel la satisfaction des autres demeure impossible. En cela, les violations du droit à l’eau sont bien souvent des signes avant-coureurs de violations plus larges d’autres droits humains, en temps de guerre comme en temps de paix ([3]), et de contexte de grande précarité.

 

 

 

L’adoption de la résolution 64/292 du 28 juillet 2010

Dans sa résolution proposée par la Bolivie, qui a obtenu 122 votes pour, 0 contre et 41 abstentions, l'Assemblée générale reconnaît « l'importance que revêt l'accès équitable à une eau potable salubre et propre et à des services d'assainissement, qui fait partie intégrante de la réalisation de tous les droits de l'homme ». Le texte réaffirme aussi la responsabilité des États dans « la promotion et la protection de tous les droits humains qui sont universels, indivisibles, interdépendants et intimement liés qui doivent être traités globalement, de manière juste et égale, sur un pied d'égalité et avec la même priorité ».

Certes, lors de ce vote, plusieurs pays s’étaient abstenus ([4]) cependant aucun n’a voté contre.

Les raisons des abstentions étaient des raisons à la fois procédurales ([5]) et des raisons de fond, les États-Unis estimant que le processus en cours au Conseil des droits de l'homme au même moment aurait dû prévaloir. De fait, une résolution séparée du Conseil des droits de l’homme sera adoptée peu après.

De fait, le Conseil des droits de l'homme, par une résolution en date du 30 septembre 2010, a appuyé cette reconnaissance et précisé que ce droit découle du droit à un niveau de vie suffisant tel qu’il est prévu par l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, adopté par l’AGNU le 16 décembre 1966  ([6]) (résolution 15/9 du CDH).

 

 

Dans son Rapport A/70/203 de 2015 ([7]), le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits à l’eau et à l’assainissement précisait les principes et critères qui sous-tendent ces deux droits :

- Garantie de ces droits par les États ;

- Nécessité que ces droits soient opposables ;

- Nécessité du respect des critères que sont la qualité, la quantité, l’accessibilité physique et économique et enfin, l’acceptabilité ;

- Le respect d’une gestion équitable, non-discriminatoire ([8]) incluant le public dans les processus décisionnels, faisant preuve de transparence et assurant une gestion durable pouvant toujours faire l’objet d’un recours ;

- L’information des citoyennes et des citoyens quant à ces droits.

Par la suite, plusieurs autres résolutions des Nations unies sont venues asseoir ce droit fondamental au niveau international.

La résolution 68/157 du 18 décembre 2013 a réaffirmé que « le droit à l’eau potable et à l’assainissement en tant que droit de l’Homme découle du droit à un niveau de vie suffisant et est inextricablement lié au droit au meilleur état de santé physique et mentale possible, ainsi qu’au droit à la vie et à la dignité ».

La résolution 70/169 du 17 décembre 2015 est venue préciser le sens de cette affirmation en affirmant d’une part que « le droit de l’homme à l’eau potable doit permettre à chacun d’avoir accès sans discrimination, physiquement et à un coût abordable, à un approvisionnement suffisant en eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques » et d’autre part que « le droit de l’homme à l’assainissement doit permettre à chacun, sans discrimination, d’avoir accès physiquement et à un coût abordable, à des équipements sanitaires, dans tous les domaines de la vie, qui soient sans risque, hygiéniques, sûrs, socialement et culturellement acceptables et gages d’intimité et de dignité » ([9]). 

La résolution 71/222 du 25 novembre 2016 a créé l’expression de Décennie internationale d’action pour l’eau pour la période 2018-2028, estimant que « la Décennie devrait avoir pour objectif d’insister davantage sur le développement durable et la gestion intégrée des ressources en eau à des fins sociales, économiques et environnementales » ([10]).

La résolution 72/178 du 19 décembre 2017 s’est inscrite dans cet effort international pour faire reconnaître les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement et a demandé aux États parties de faire en sorte que ces droits soient respectés et permettent l’accès de toutes et tous à une eau potable et à l’assainissement sans discrimination.

D’autres résolutions ont suivi : la résolution 74/141 du 18 décembre 2019 ([11]), la résolution 75/212 du 21 décembre 2020 ([12]), la résolution 76/153 du 16 décembre 2021 ([13]) et la résolution 78/206 du 19 décembre 2023 ([14]).

Notons, en outre, que l’Objectif de Développement Durable n° 6 de l’ONU consiste à garantir un accès universel et équitable à l’eau potable, à l’hygiène et à l’assainissement d’ici 2030, en particulier pour les populations vulnérables. Il appelle également à une gestion durable de cette ressource.

ii.   Un bilan mitigé en pratique

En dépit de cette assise désormais largement affirmée au niveau international, des difficultés dans la déclinaison de ce droit demeurent.

La Fondation Danielle-Mitterrand dresse un bilan mitigé de la mise en œuvre de ce droit à l’eau : « La résolution des Nations unies est apparue comme une victoire mais en demi-teinte car dépolitisée et ne réglant pas la question du statut de l’eau et des conflits d’usage ».

À l’étranger, ces tensions ont pu trouver un écho singulier dans des luttes à forte charge symbolique, comme ce fut le cas en Bolivie avec la « guerre de l’eau de Cochabamba », désignant une série de mobilisations qui se sont déroulées dans la quatrième ville de Bolivie, entre janvier et avril 2000 en opposition à la privatisation du système municipal de gestion de l'eau. Consécutif au doublement des prix de l'entreprise Aguas del Tunari, filiale du groupe nord-américain Bechtel, ce cycle de protestation s'est conclu par l'annulation du contrat de concession de service public de l’entreprise américaine en Bolivie.

Au niveau national, la Fondation Danielle-Mitterrand déplore une privatisation et une absence de hiérarchisation des usages en dépit du dérèglement climatique, bénéficiant souvent aux usages agricoles, industriels et touristiques, plutôt qu’aux besoins des populations. Elle estime que la gestion de la ressource en eau favorise les intérêts privés et pointe, par exemple, la surreprésentation de la FNSEA dans les organes de décision locaux ([15]).

D’après la Fondation Danielle-Mitterrand : « il faut veiller à ce que la consécration d’un droit fondamental à l’eau ne fasse pas l’impasse sur le fait de garantir une gestion publique de la ressource ; la consécration d’un droit fondamental à l’eau doit aller jusqu’à ses modalités d’exercice : gestion publique et arbitrages dans les usages dans un contexte de la hausse des tensions liées au stress hydrique provoqué par le changement climatique ».

b.   Au niveau européen

i.   L’initiative citoyenne européenne : « L'eau et l'assainissement sont un droit humain ! L'eau est un bien public, pas une marchandise ! »

L’initiative citoyenne européenne (ICE) « Right to water » lancée en 2012 ([16]) s’est clôturée en 2013. Elle a permis de récolter 1,8 million de signatures récoltées dans 13 États membres, ce qui fait d’elle plus d’une décennie plus tard l’initiative citoyenne européenne la plus plébiscitée. Cette initiative a donné lieu à l’adoption d’une communication par la Commission européenne, publiée en 2014 ([17]). En parallèle, le Parlement européen a adopté un rapport d’initiative ainsi qu’une résolution en septembre 2015 ([18]).

La Commission, dans sa communication du 19 mars 2014 sur l’initiative citoyenne européenne « L’eau et l’assainissement sont un droit humain ! L’eau est un bien public, pas une marchandise ! », a invité les États membres à garantir l’accès à un approvisionnement minimal en eau pour toutes les citoyennes et tous les citoyens, conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé.

ii.   La directive 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive eau potable

À la suite de cette initiative, la directive eau potable qui datait du 3 novembre 1998 et avait été modifiée à plusieurs reprises a fait l’objet d’une refonte globale en 2020. La nouvelle directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine a été adoptée le 16 décembre 2020 ([19]).

L’article 4 dispose que : « les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la salubrité et la propreté des eaux destinées à la consommation humaine ».

L’article 16 dispose que : « Les États membres (…) prennent les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l’accès de tous aux eaux destinées à la consommation humaine, en particulier des groupes vulnérables et marginalisés tels qu’ils sont définis par les États membres ».

Comme le note la Coalition eau, cette disposition fixe aux États membres des objectifs afin d’améliorer l’accès à l’eau de toute personne, notamment via l’identification des besoins sur leur territoire et des solutions à leur disposition, tout en favorisant la disponibilité de points d’eau potable dans les lieux publics. Il convient néanmoins de souligner que cet article consiste en une reconnaissance très peu ambitieuse du droit à l’eau, au regard des propositions effectuées par l’initiative Right2Water et les revendications citoyennes initiales.

Comme l’a noté Pablo Sanchez Centelllas pour le compte de la fédération européenne des services publics : « la Commission a proposé d’ajouter une mention de la protection du droit à l’eau dans cette directive mais le problème était qu’elle se concentrait sur la qualité de l’eau, qui n’est qu’une des dimensions du sujet. »

Pablo Sanchez Centellas a souligné que lors du processus d’adoption du texte au niveau européen, le Parlement et le Conseil ont – chose rare – affaibli la proposition de la Commission, en transformant une obligation de fourniture gratuite des volumes minimums d’eau nécessaires à la vie en une simple possibilité.

Le considérant (33) de la directive prévoit ainsi que : « Cet objectif [l’accès à un approvisionnement minimal en eau pour toutes les citoyennes et tous les citoyens] devrait être atteint grâce à des mesures visant à améliorer l’accès de tous aux eaux destinées à la consommation humaine, notamment en installant des équipements extérieurs et intérieurs dans les espaces publics, lorsque c’est techniquement possible, ainsi que grâce à des mesures destinées à promouvoir l’utilisation de l’eau du robinet, par exemple en encourageant la fourniture d’eaux destinées à la consommation humaine à titre gratuit dans les administrations publiques et dans les lieux publics, ou à titre gratuit ou moyennant des frais de service peu élevés aux clients des restaurants, cantines et services de restauration. »

Le second paragraphe de l’article 16 dispose que : « Les États membres peuvent également prendre les mesures qui suivent pour promouvoir l’utilisation de l’eau du robinet destinée à la consommation humaine :

a) faire connaître les équipements extérieurs ou intérieurs les plus proches ;

b) lancer des campagnes d’information auprès des citoyens concernant la qualité de cette eau ;

c) encourager la fourniture de cette eau dans les administrations publiques et les bâtiments publics ;

d) encourager la fourniture de cette eau, à titre gratuit ou moyennant des frais de services peu élevés, aux clients de restaurants, de cantines et de services de restauration. »

Le représentant d’Acqua Publica Europea (réseau européen des gestionnaires publics de l’eau) a confirmé que certains États membres ont agi en ligne avec l’article 16 pour imposer, par exemple, aux services de restauration de servir de l’eau gratuitement – c’est notamment le cas en Espagne. Cependant, ces obligations ne sont pas partagées par l’ensemble des États membres et n’existent par exemple pas en Belgique ou en Italie.

iii.   La directive 2024/3019 du 27 novembre 2024 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires

La directive européenne relative au traitement des eaux urbaines résiduaires ([20]) fixe les règles relatives à la collecte, au traitement et au rejet des eaux résiduaires urbaines, en vue de protéger l'environnement et la santé humaine. Elle établit également des règles relatives à l'accès aux sanitaires pour tous, à la transparence du secteur des eaux résiduaires urbaines, à la surveillance régulière des paramètres pertinents des eaux résiduaires urbaines pour la santé publique.

En particulier, son article 19 dispose que « les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir l'accès aux sanitaires pour tous, en particulier pour les groupes vulnérables et marginalisés », au plus tard d’ici janvier 2029.

c.   Au niveau national, l’eau a d’abord été réglementée sous le prisme du droit de l’eau, avant que le droit à l’eau ne soit saisi de manière fragmentaire au carrefour des codes de l’environnement, de l’urbanisme, de la santé publique et des collectivités territoriales

i.   Un cadre législatif préexistant au cadre européen et ayant servi de modèle de gestion à l’étranger

Le modèle de la gestion de bassin est hérité de la loi de 1964 ([21]). Celle-ci organise la gestion de l’eau par bassin avec la création des agences de l’eau et des comités de bassin. La même année est introduit le principe « pollueur-payeur ». À noter qu’avec l’introduction de la Charte de l’environnement de 2004 dans le bloc de constitutionnalité, ce principe a depuis une valeur constitutionnelle.

Cette loi de 1964 fixe des objectifs de qualité par cours d’eau dans chaque département. Elle crée les organismes de bassin (agences et comités de bassin). La France est divisée en six grands bassins hydrographiques, chacun comportant une structure consultative (les comités de bassin composés des représentants de l’État, des collectivités locales et des usagers de l’eau) et un organisme exécutif (les agences de l’eau) ([22]).

Aux six bassins de la France hexagonale s’ajoutent les cinq bassins hydrographiques des départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Réunion et de Mayotte, qui sont dotés d'un Office de l'eau, aux missions équivalentes aux agences de l’eau.

S’appuyant sur les réalités hydrographiques, le modèle de la gestion de bassin est devenu une inspiration pour un grand nombre de pays et a été repris au niveau européen au travers de la directive-cadre sur l’eau adoptée le 23 octobre 2000, qui a elle-même été transposée par la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite loi LEMA.

D’autres dispositions participent de cette construction juridique du droit à l’eau : le code de la construction et de l’habitation exige qu’un logement loué dispose d’une alimentation en eau potable (décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 sur le logement décent) garantissant ainsi l’accès à l’eau au titre du droit au logement.

De même, la loi  2013-312 du 15 mars 2013 dite Brottes interdit aux distributeurs de procéder à des coupures d’eau ou réductions de débit dans les résidences principales, même en cas d’impayés. Cette interdiction de priver un usager de l’eau courante pour des motifs financiers est une mesure essentielle de mise en œuvre du droit à l’eau, désormais validée par le Conseil constitutionnel comme proportionnée et conforme à la liberté des opérateurs publics et privés ([23]).

ii.   La directive eau potable a été transposée par l’ordonnance n°2022-1611 du 22 décembre 2022

L’ordonnance du 22 décembre 2022 a décliné la directive eau potable dans le droit français.

Comme le souligne Me Crusoé lors de son audition, on est passé d’un droit « résiduel » déduit des grands principes du droit de l’environnement à un ensemble plus construit avec des dispositions législatives expresses : « Il y a de vrais progrès au niveau du droit interne. On note une évolution depuis 2011 : avant, ce droit était résiduel, d’application uniquement via les articles 3 et 8 de la CEDH. Aujourd’hui, on se base toujours sur la CEDH mais aussi sur des dispositions du Code de la santé publique, qui précisent certaines modalités en matière de droit à l’eau de qualité et des modalités qu’on peut discuter devant le juge administratif. ».

L’article 1er de l’ordonnance a ainsi introduit un article L1321-1 A dans le code de la santé publique qui définit un droit d’accès quotidien à l’eau pour chaque personne, tandis que l’article L 1321-1 B porte sur l’obligation des communes de garantir cet accès – obligations précises qui n’existaient pas auparavant.

Article 1321-1 A du code de santé publique

Toute personne bénéficie d'un accès au moins quotidien à son domicile, dans son lieu de vie ou, à défaut, à proximité de ces derniers, à une quantité d'eau destinée à la consommation humaine suffisante pour répondre à ses besoins en boisson, en préparation et cuisson des aliments, en hygiène corporelle, en hygiène générale ainsi que pour assurer la propreté de son domicile ou de son lieu de vie.

Article 1321-1 B du code de santé publique

Les communes ou leurs établissements publics de coopération, en tenant compte des particularités de la situation locale, prennent les mesures nécessaires pour améliorer ou préserver l'accès de toute personne à l'eau destinée à la consommation humaine.

Ces mesures permettent de garantir l'accès de chacun à l'eau destinée à la consommation humaine, même en cas d'absence de raccordement au réseau public de distribution d'eau destinée à la consommation humaine, y compris des personnes en situation de vulnérabilité liée à des facteurs sociaux, économiques ou environnementaux.

L'accès à l'eau destinée à la consommation humaine peut être temporairement suspendu en cas d'interruptions programmées du service de distribution d'eau ou de ruptures d'approvisionnement intervenant en application des 3° et 6° de l'article L. 1321-4, de l'article L. 3131-1 ou dans le cadre de la mise en œuvre, par le représentant de l'État dans le département, des mesures prévues par l'article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure.

L’article 2 de l’ordonnance a modifié diverses dispositions du Code général des collectivités territoriales, notamment :

Article L 2224-7-1 du Code général des collectivités territoriales (extrait)

Les communes sont compétentes en matière de distribution d'eau potable. Dans ce cadre, elles arrêtent un schéma de distribution d'eau potable déterminant les zones desservies par le réseau de distribution. Elles peuvent également assurer la production d'eau potable, ainsi que son transport et son stockage.

Art. L. 2224-7-2 du Code général des collectivités territoriales

Pour mettre en œuvre les compétences énoncées à l'article L. 1321-1 B du code de la santé publique visant à satisfaire les besoins essentiels des personnes en eau destinée à la consommation humaine, les communes ou leurs établissements publics de coopération identifient sur leur territoire les personnes n'ayant pas accès, ou ayant un accès insuffisant, à l'eau potable ainsi que les raisons expliquant cette situation.

Ce diagnostic territorial porte sur l'intégralité de la population présente sur leur territoire. Il fait l'objet d'une mise à jour régulière, au moins tous les six ans, qui tient compte des signalements de situations relatives à un accès inexistant ou insuffisant à l'eau potable.

Les dépenses exposées par les communes ou leurs établissements publics de coopération dans le cadre de la réalisation du diagnostic territorial ne sont pas soumises à l'interdiction prévue au premier alinéa de l'article L. 2224-2.


 

Notons qu’il est prévu que l’accroissement des charges résultant pour les communes ou leurs établissements publics de la mise en œuvre de ce diagnostic territorial fasse l’objet d’une compensation financière selon des modalités déterminées en loi de finances (article 8 de l’ordonnance).

 

L’article 3 a modifié l’article L 210-1 au sein du code de l’environnement :

 

Article L 210-1 du code de l’environnement ([24])

L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général.

Le respect des équilibres naturels implique la préservation et, le cas échéant, la restauration des fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques, qu'ils soient superficiels ou souterrains, dont font partie les zones humides, et des écosystèmes marins, ainsi que de leurs interactions. Ces fonctionnalités sont essentielles à la reconquête de la biodiversité, à l'adaptation au changement climatique ainsi qu'à l'atténuation de ses effets et participent à la lutte contre les pollutions. À ce titre, les écosystèmes aquatiques et les écosystèmes marins constituent des éléments essentiels du patrimoine de la Nation.

Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique a le droit d'accéder à l'eau potable, selon les modalités et pour les usages essentiels mentionnés à l'article L. 1321-1 A du code de la santé publique, dans des conditions économiquement acceptables par tous.

Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques.

 

Enfin, notons que l’article 9 mentionne les dates avant lesquelles le diagnostic territorial doit être réalisé, identifiant les personnes sans accès suffisant à l’eau (article L.2224-7-2 du Code général des collectivités territoriales) et mettant en œuvre, dans les trois ans, de mesures pour y remédier (article L.2224-7-3 du Code général des collectivités territoriales). Cela se traduit concrètement par l’installation de fontaines, de points d’eau, l’octroi de m3 gratuits ou la mise en œuvre de dispositifs alternatifs afin d’assurer qu’aucune habitante et aucun habitant (y compris les personnes non raccordées, sans domicile fixe ou en habitat informel) ne soit privé d’un minimum d’eau potable.

Le diagnostic prévu par l'article L. 2224-7-2 du Code général des collectivités territoriales est réalisé par les communes ou leurs établissements publics de coopération au plus tard le 1er janvier 2025. Il est réalisé au plus tard le 1er janvier 2027 pour les communautés de communes qui deviennent compétentes en matière d'eau au 1er janvier 2026.

La communication annuelle prévue par l'article L. 2224-7-4 du même code, introduit par l'article 2 de la présente ordonnance, s'effectue à compter du 1er janvier 2025 pour les communes ou leurs établissements de coopération et à compter du 1er janvier 2027 pour les communautés de communes devenues compétentes dans le domaine de l'eau au 1er janvier 2026.

 

Votre rapporteur souligne que les échéances prévues par l’ordonnance de 2022 en matière de diagnostic territorial ne devraient pas être tenues. À ce stade, nous devrions en être aux préconisations en réponse aux diagnostics mais ce n’est pas le cas. On devrait être dans la première année en 2026 du programme d’investissement pour combler le retard.

L’association Acqua Publica Europea a, de son côté, noté « qu’aucun État membre n’a fourni les éléments de reporting sur la directive à ce stade, la date limite étant fixée à 2026 au niveau européen ».

d.   Une reconnaissance jurisprudentielle indirecte et incomplète

Comme l’a noté la Coalition eau lors de son audition, les mentions du droit à l’eau dans le droit en vigueur ne consistent pas en la reconnaissance d’un véritable droit fondamental. Les formules telles que celles de l’article L 210-1 du code de l’environnement (« l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation ») n’emportent pas de conséquences juridiques précises.

De fait, le droit à l’eau est rattaché à d'autres droits fondamentaux mais sur des fondements indirects ce qui fait qu'il n'est pas opposable et que les personnes précaires en eau ne peuvent pas faire valoir ce droit devant les tribunaux.

Se contenter de fondements indirects pour un droit aussi fondamental – 3 jours sans eau est mortel pour tout être humain – ne parait pas satisfaisant.


Il existe néanmoins plusieurs objectifs à valeur constitutionnelle (OVC) auxquels le droit à l’eau peut être rattaché, qui imposent au législateur de poursuivre ces finalités, comme cela a été souligné par le Conseil d’État dans son étude annuelle publiée en 2010 et intitulée « L’eau et son droit » ([25]) :

Lors de son audition, Maître Lionel Crusoé a souligné que le juge administratif français fonde souvent son appréciation, en matière de droit à l’eau, sur les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, portant respectivement sur la prohibition des traitements inhumains et dégradants ([26]) et sur le droit au respect de la vie privée ([27]). Ce rattachement indirect est certes opératoire au contentieux mais d’une faible lisibilité pour les requérants et, a fortiori, pour des populations dont le droit à l’eau ne serait pas respecté et qui sont souvent dans des situations précaires.

Maître Crusoé estime ainsi que : « ce prisme, que représente la prohibition des traitements inhumains et dégradants, n’est pas adapté car le juge administratif sanctionne uniquement les situations les plus graves des personnes les plus en difficulté ». Et la Coalition eau d’abonder : « Le droit à l’eau est reconnu de facto mais n’est pas inscrit dans les textes. Il existe un décalage entre la manière dont les juges interprètent le droit à l’eau en le rattachant à d’autres droits fondamentaux et ce que disent clairement les textes. ».

L’un des angles contentieux souvent rencontré est celui de collectivités territoriales ou de préfets utilisant les points d’accès à l’eau comme points de fixation pour contraindre les personnes en habitat précaire à quitter tel lieu ou à s’orienter vers tel autre.

Maître Crusoé note qu’au contentieux, le juge administratif a une approche ferme, affirmant qu’en toute hypothèse, priver des personnes de leur hygiène et alimentation ne peut être un levier d’action pour les pouvoirs publics ([28]). Toutefois, on remarque que sur le plan des discours politiques, ces modes d’action demeurent du registre des possibles.

Notons que le droit à l’eau entraîne également des contentieux devant le juge judiciaire. Ainsi, un arrêt du 27 mars 2019 de la première chambre civile de la Cour de cassation ([29]) a reconnu le droit d’obtenir des dommages et intérêts de la part du distributeur lorsque l’eau délivrée n’est pas conforme aux exigences réglementaires et que cela cause un préjudice aux usagers.

Ajoutons à cela le fait que le dérèglement climatique amène à penser que les contentieux en matière de droit à l’eau (qualité, quantité, accessibilité) sont amenés à se multiplier à l’avenir et qu’une base juridique clairement opposable simplifierait le travail d’appréciation des juges dans de nombreuses situations.

B.   Un droit insufisamment protégé en pratique

1.   Un non-respect du principe pollueur-payeur pointé au niveau européen

La pollution des eaux destinées à la consommation humaine est un problème directement lié à celui du droit fondamental à l’eau en tant qu’il se rattache à sa dimension qualitative.

Dans un rapport de 2021 ([30]), la Cour des comptes européenne note que : « bien que des progrès aient été accomplis en ce qui concerne certains polluants, pour de nombreuses entreprises, le prix de l'eau n'englobe pas les coûts générés par les polluants qu'elles rejettent dans l'eau. Le principe de récupération du coût des services liés à l'utilisation de l'eau est difficile à appliquer à la pollution provenant de sources diffuses, par exemple de l'agriculture. L'Union ne s'est pas dotée d'un cadre général pour protéger les sols, même si de nombreux actes législatifs contribuent indirectement à réduire les pressions exercées sur l'environnement. »

Ces conclusions sont corroborées par le rapport de l’agence européenne de l’environnement relatif à l’état de l’eau en Europe, publié en 2024 ([31]), qui estime qu’au sein de l’Union européenne seul 37 % des masses d'eau de surface présentent un bon ou très bon état écologique et 29 % présentent un bon état chimique. Ces chiffres n'ont pratiquement pas évolué depuis 2015. L'absence d'amélioration de l'état écologique reflète la persistance des pressions combinées qui s'exercent sur les eaux de surface à travers le continent, en particulier la pollution et la dégradation des milieux naturels.

Cela tient en partie au fait que la durée de rémanence de certains polluants dans les sols est particulièrement longue. On pense par exemple aux substances per- et polyfluoroalkylées, dites PFAS ou « polluants éternels », compte tenu de leur demi-vie très élevée. Alors même qu’il n’existe pas encore d’interdiction totale de ces substances ni de filière de dégradation en composés non-toxiques.

L’objectif de bon état écologique des masses d’eau dans l’Union européenne, fixé par l’article 4 directive cadre sur l’eau ([32]) pour 2015 n’a donc pas été atteint. Ces pollutions des écosystèmes aquatiques sont déplorables en soi, mais elles portent également des conséquences pour le petit cycle de l’eau, compliquant les processus de potabilisation et faisant peser des risques pour la santé humaine, animale et environnementale.

2.   Des violations au niveau national

a.   Une situation où le droit à l’eau et à l’assainissement de qualité n’est pas encore garanti pour l’ensemble de la population

Selon la dernière enquête logement de l’Insee ([33]), réalisée en 2013, en France hexagonale, 99,94 % de la population avait accès à un réseau d’alimentation en eau dans son logement et 99,4 % à des toilettes à l’intérieur de son domicile.

Ces chiffres signifient, en creux, que l’accès à l’eau potable et à l’assainissement de qualité demeure problématique pour plusieurs milliers de personnes : près de 40 000 ([34]) s’agissant de l’alimentation en eau et près de 200 000 s’agissant des toilettes à domicile ([35]).

On estime à plus de 500 000 le nombre de personnes pouvant connaître des difficultés d’accès à des services d’eau et d’assainissement. D’après les chiffres du 30e rapport sur le mal logement de la Fondation pour le logement des défavorisés, publié en 2025 ([36]), la France hexagonale compte encore 350 000 personnes sans domicile, 100 000 personnes vivant en habitats de fortune (squats, bidonvilles, campements) et 208 000 personnes dites « gens du voyage » subissant de mauvaises conditions d’habitat et étant particulièrement à risque s’agissant du non-respect de l’accès à l’eau et à l’assainissement.

S’appuyant sur les chiffres de la Coalition eau qui reprend elle-même les chiffres de l’Insee, le ministère de la transition écologique note qu’environ 300 000 personnes sont aujourd’hui encore privées d’un accès continu et sécurisé à l’eau potable et à l’assainissement en France, principalement du fait qu’elles ne disposent pas d’un logement raccordé aux réseaux de distribution et d’évacuation des eaux. Les personnes sans domicile fixe, celles occupant des bidonvilles, campements ou squats, les gens du voyage ou issus de communautés non-sédentaires ainsi que les populations ultramarines résidant dans des quartiers d’habitat insalubre figurent parmi les premiers concernés ([37]).

Auditionnée, la Coalition eau insiste sur la complexité d’obtenir des données fiables, harmonisées et précises en matière d’accès à l’eau, compte tenu de la complexité des recensements. L’enquête logement de l’Insee qui sert de référence à la plupart des estimations doit être mise à jour prochainement et permettra un nouvel état des lieux, étant entendu que le droit à l’eau est souvent un critère parmi d’autre pour qualifier le mal-logement ou l’habitat précaire, sans qu’il soit parfois possible de le distinguer d’autres critères comme l’accès à l’électricité ou la fourniture énergétique.

L’autre source faisant autorité, en plus de l’Insee, est le Joint Monitoring Program (programme cogéré par l’UNICEF et l’OMS) qui publie chaque année un rapport mondial sur l’accès à l’eau pour les usages domestiques ([38]).

Ce rapport fait état des problèmes d’accès à l’eau et à l’assainissement, qui concernent encore de nombreuses populations à travers le monde. En 2024, 2,1 milliards de personnes n'avaient toujours pas accès à des services d'eau potable gérés de manière sûre, dont 1,4 milliard à des services de base. Cependant, des progrès sont à souligner : depuis 2015, 961 millions de personnes ont obtenu l'accès à des services d'eau potable gérés de manière sûre. La couverture est passée de 68 % à 74 %. Le nombre de personnes utilisant les eaux de surface pour leur consommation a diminué de 61 millions.

La France et les pays de l’Union européenne sont considérés comme ayant atteint un « accès universel », c’est-à-dire supérieur à 99 % s’agissant de l’accès aux services d’eau potable de base. Si la couverture est globalement satisfaisante, certaines populations subissent encore des inégalités d’accès. Le rapport analyse par exemple la situation des Roms, estimant qu’ils ont dix fois plus de probabilité de ne pas avoir une eau de qualité dans leurs habitations par rapport à la moyenne européenne.

b.   Des carences des pouvoirs publics particulièrement préoccupantes en outre-mer

Les carences pour l’accès à une eau en quantité et de qualité suffisante affectent une grande part de la population en outre-mer. Selon les chiffres du rapport de la Fondation pour le logement des défavorisés, reprenant les données de l’Insee ([39]), hors Mayotte, 3,5 % des logements ultra-marins n’ont ni douche ni WC (jusqu’à 18,6 % en Guyane).

À Mayotte, où la situation est d’une gravité particulièrement aiguë après le passage de la tempête Chido ([40]), 13 500 logements n’ont pas l’eau courante, ce qui représente 29 % des logements sur l’île. Outre l’endommagement des réseaux de distribution d’eau, 6 % de la population mahoraise est contrainte d’utiliser des eaux de surface (rivières, retenues naturelles) qui ont été en grande partie contaminées par les boues et débris charriés par la tempête. Cette situation expose la population à des maladies hydriques comme le choléra, la typhoïde et la dysenterie.

S’ajoutent aux problèmes d’accès des problématiques locales, tenant à la qualité de l’eau. La Martinique et la Guadeloupe connaissent par exemple une situation structurelle de pollution au chlordécone.

Auditionné, le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’eau et à l’assainissement, Pedro Arrojo, dénonce un deux poids deux mesures sur le respect du droit à l’eau et à l’assainissement de qualité en outre-mer. Il prend l’exemple de l’état des réseaux urbains en Guadeloupe où des taux élevés de déperdition sont déplorés, pouvant dépasser les 50 % de l’eau acheminée, compte tenu des nombreuses fuites.

c.   Le dernier rapport de Générations futures fait état d’une qualité de l’eau potable inégale selon les territoires

Les ONG Générations futures et Data for good ont fait paraître en octobre 2025 un rapport sur la qualité de l’eau en France. Ce rapport ([41]) s’accompagne d’un site internet spécialement créé ([42]), à partir des données publiques issues des contrôles sanitaires des agences régionales de santé, pour établir une cartographie de la qualité des eaux potables sur l’ensemble du territoire. Cette carte sera actualisée tous les mois, au rythme de la mise à jour des données des ARS.

La cartographie identifie cinq grandes familles de polluants chimiques de l’eau : les PFAS, les pesticides, les nitrates, les chlorures de vinyle monomère (CVM) ([43]) et les perchlorates.

De manière générale, le rapport note que la qualité de l’eau est globalement bonne en France avec actuellement plus de 87 % des unités de distribution conformes à la réglementation et sans dépassement de limites sanitaires ([44]).

Ce chiffre est toutefois à interpréter avec prudence car il exclut les métabolites de pesticides non pertinents.

À cet égard, Pauline Cervan, docteure en toxicologie et membre de Générations futures, auditionnée par votre rapporteur, rappelle que les pouvoirs publics font la différence entre les métabolites pertinents (présentant un risque pour la santé) et les métabolites jugés non-pertinents (ne présentant pas de risque).

Cette classification relève d’un enjeu à la fois sanitaire et scientifique puisqu’une fois qu’un métabolite est classé comme non-pertinent, il ne fait plus l’objet des mêmes contrôles que les métabolites pertinents.

Pauline Cervan prend ainsi l’exemple du chlorothalonil-R471811, métabolite du chlorothalonil, qui a été déclaré pertinent et recherché pour la première dans les eaux destinées à la consommation humaine en 2022. Cependant, compte tenu de sa présence dans 22,3 % des unités de distribution d’eau en France à des seuils au-delà de 0,1 μg/L. Ce seuil étant considéré comme une non-conformité, il a été décidé de « déclasser » le chlorothalonil R471811 qui n’est plus considéré comme pertinent. Étant entendu que le seuil de non-conformité pour les métabolites non-pertinents est plus élevé : 0,9 μg/L contre 0,1 μg/L pour les métabolites pertinents.

Le rapport Dans mon eau note ainsi : « Étant jugé non pertinent, aucune recommandation de restriction de la consommation de l’eau n’est émise, même en cas de forte contamination (UDI ont des concentrations en chlorothalonil supérieures à 3 μg/L) ».

Or, d’après Pauline Cervan, ce déclassement comme « non-pertinent », décidé en 2024, s’est appuyé sur une étude de l’ANSES scientifiquement contestable, occasionnant une collusion entre des problématiques de gestion de l’eau d’une part, et les réalités scientifiques et sanitaires d’autre part.

Cette situation fait peser un risque : celui de préférer casser le thermomètre pour ne pas voir monter la température. Facialement, le nombre d’unités de distribution déclarées non conformes a ainsi diminué entre 2024 et 2025 alors que, dans le même temps, le chlorothalonil R471811 était exclu des statistiques.

 

 

 

 

 

 

 


Nombre d’unités de distribution non conformes pour les pesticides au moins une fois dans l’année (rapport Dans mon eau)

Par ailleurs, le chiffre de 87 % des unités de distributions conformes ne doit pas masquer un problème d’inégalités territoriales quant à la qualité de l’eau.

Source : cartographie « tous polluants » issue du site Dans mon eau. Cette cartographie indique l'état de la qualité de l'eau potable vis-à-vis des principaux polluants chimiques – pesticides, nitrates, PFAS, CVM et perchlorates. Des cartes spécifiques à chaque polluant sont aussi consultables.

Pauline Cervan note que : « La cartographie met en évidence l’absence de mesures préventives contraignantes pour interdire l’épandage des pesticides dans les aires d’alimentation de captage par exemple ou réglementer les rejets de PFAS ». 

Cette hétérogénéité aboutit à des situations locales parfois problématiques, notamment dans le nord de la France, qui représente la majorité des cas de non-conformité et est très touché par les pesticides liés à l’agriculture chimique, les perchlorates et les nitrates.

Il y a également de grandes inégalités territoriales concernant le suivi des polluants. Le suivi est très lacunaire dans les DROM où les analyses de PFAS n'ont pas débuté sauf à La Réunion, et en particulier à Mayotte, où les pesticides sont très peu recherchés.

II.   Le travail diplomatique pour la consécration d’un droit à l’eau et le chemin qui pourrait mener à sa reconnaissance

A.   des initiatives internationales et nationales pour reconnaitre le droit fondamental à l’eau et a l’assainissement de qualite

1.   Des initiatives internationales et nationales

D’autres pays peuvent être pris en exemple en matière de droit à l’eau, notamment la Slovénie qui est le seul pays européen à avoir constitutionnalisé le droit à l’eau.

La constitutionnalisation du droit à l’eau en Slovénie

La Slovénie est, à ce jour, le premier État membre de l’Union européenne à avoir inscrit le droit à l’eau dans sa Constitution.

Le mouvement en faveur de la constitutionnalisation du droit à l’eau est né au début des années 2010, dans un contexte de crainte de privatisation des services de distribution d’eau, après l’adoption en 2014 d’une directive européenne sur la concession de services (Directive 2014/23/UE).

Une initiative citoyenne soutenue par plus de 50 000 signataires a conduit le Parlement slovène à ouvrir une procédure de révision constitutionnelle.

Le projet a été adopté à une quasi-unanimité du Državni zbor (Assemblée nationale) le 17 novembre 2016, sous l’impulsion du Premier ministre Miro Cerar

La révision a introduit un nouvel article 70a dans la Constitution de la République de Slovénie :

Article 70a – Droit à l’eau : « L’approvisionnement en eau potable et l’eau destinée à l’usage domestique des habitants constitue un bien public géré par l’État. L’accès à l’eau potable est un droit fondamental de l’homme et de la collectivité. Les ressources en eau sont un bien public et leur usage est régi par la loi. »

Cette inscription place la Slovénie parmi les rares pays au monde à avoir constitutionnalisé un droit à l’eau potable, aux côtés notamment de l’Afrique du Sud et des États-Unis du Mexique.

En France, la dynamique issue de l’initiative citoyenne européenne de 2012 a abouti à la présentation d’une proposition de loi devant l’Assemblée nationale en 2016 instituant le droit à l’eau comme un droit fondamental, portée par le député Michel Lesage ([45]). Ce texte devait permettre à la France d’introduire ce droit dans son ordre juridique interne à l’article L. 1314-1 du code de la santé publique. Cependant, cette proposition de loi a été rejetée au Sénat en 2017.

Par la suite, en novembre 2024, une proposition de loi constitutionnelle transpartisane a été déposée par votre rapporteur et les signataires de la proposition de résolution européenne accompagnant ce rapport, visant à créer un article 1-1 de la Charte de l’environnement, ainsi rédigé : « Art. 1‑1. – Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit humain, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits humains. » ([46])

2.   L’opposabilité du droit à l’eau devrait engendrer des coûts relativement modestes et s’accompagnera du libre choix de chaque collectivité sur les solutions à déployer

Comme l’a noté Pablo Sanchez Centellas, auditionné au nom de la European federation of public service unions : « Pour créer un véritable droit fondamental à l’eau, il faudrait une évaluation des coûts engendrés ainsi que des pistes de financement ; il faudrait réviser les coûts que doivent supporter les gestionnaires publics au privé pour en faire une obligation. »

Toutefois, les coûts pourraient demeurer relativement faibles et la forme de mise en œuvre serait, en tout état de cause, laissée à la discrétion des États et, en leur sein, des collectivités territoriales (branchement, volume gratuit, camion-citerne, livraison de bouteilles, fontaines, bains douches, toilettes publiques…).

 

En effet, compte tenu des spécificités nationales (milliers de lacs en Suède, désalinisation à Malte…) il n’y aurait pas d’intérêt à ce que l’eau devienne une compétence partagée entre l’Union et les États membres. Au contraire, l’application du principe général devrait ensuite être déclinée nationalement et localement pour éviter une approche trop verticale et identifier les solutions les plus appropriées.

Votre rapporteur estime qu’un équilibre pourrait être trouvé en consacrant au niveau européen un droit opposable à l’eau et à l’assainissement tout en laissant le soin aux États membres et, en leur sein, aux collectivités territoriales, de déterminer librement les moyens de parvenir au respect de ce droit.

 

B.   Le chemin pour l’inscription de ce droit fondamental dans le droit européen  

1.   La révision de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne requiert l’unanimité

 

La révision de la Charte est un exercice particulièrement périlleux qui aurait des chances minimes d’aboutir pour la seule inscription du droit fondamental à l’eau.

Cependant, il pourrait être envisagée une révision de la Charte à l’occasion d’une réforme plus globale des traités.

2.   La révision de la directive-cadre sur l’eau pourrait permettre l’inscription du droit fondamental à l’eau et à l’assainissement

a.   Inscrire le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement dans le droit européen dérivé

 

Il serait possible d’insérer le droit fondamental à l’eau dans la directive cadre sur l’eau. Cette option porterait de plus grandes chances de succès à court ou moyen terme. Elle consisterait non pas en une modification de la Charte mais en une modification de la directive cadre sur l’eau.

Une réserve tient toutefois au contexte politique. Compte tenu de la tendance au recul des ambitions écologiques, une révision de la directive cadre sur l’eau porterait aussi son lot de risques et il ne faudrait pas que l’inscription d’un droit fondamental à l’eau conduise à un recul sur d’autres sujets. Cette préoccupation a été relayée par la représentante du Mouvement européen pour l’eau.

Notons cependant le retour de ce sujet dans l’actualité européenne.

La Commission européenne a en effet récemment adopté une communication ([47])  intitulée « stratégie européenne pour la résilience de la ressource en eau » publiée en juin 2025, qui mentionne ce droit fondamental mais ne prévoit pas de modification législative autre que la révision de la directive cadre stratégie pour le milieu marin en 2027.

Des conclusions du Conseil relatives à la stratégie sur la résilience de l’eau ont été approuvées par les ministres de l’environnement des États membres lors du Conseil Environnement du 21 octobre, réaffirmant symboliquement l’importance de ce droit fondamental.

La stratégie vise à restaurer et à protéger le cycle de l'eau tout en garantissant l'accès à une eau salubre et abordable.

Dans ses conclusions, le Conseil s'est félicité de la stratégie, mettant en avant le besoin urgent de restaurer et de protéger le cycle de l'eau, d'améliorer les infrastructures hydriques et d'assurer un accès équitable à l'eau. Les ministres ont insisté sur l'importance de la résilience hydrique dans tous les secteurs, de l'innovation et de la coopération transfrontière. Ils ont souligné qu'il est urgent de s'attaquer aux polluants à leur source afin de préserver l'eau européenne.

Les ministres invitent la Commission à rendre compte de l'état d'avancement de la mise en œuvre de la stratégie, un examen à mi-parcours étant prévu pour 2027. Dans l'intervalle, les États membres sont également encouragés à intégrer la résilience dans le domaine de l'eau dans leurs politiques et cadres de financement nationaux.             

 

b.   Réaffirmer l’importance de cette inscription à l’occasion d’une communication de la Commission

En attendant, la réaffirmation de cette priorité politique est, a minima, souhaitable à l’occasion d’une communication de la Commission européenne.

Cette communication n’aurait pas de valeur juridiquement contraignante mais permettrait de maintenir le sujet comme prioritaire, en attendant un contexte politique propice à la révision de la directive cadre sur l’eau.

Cette dernière option, moins ambitieuse, présente toutefois l’avantage d’être la plus opératoire à court terme. La fédération européenne des services publics rappelait ainsi lors de son audition que la Commission devrait présenter au premier trimestre 2026 une communication sur le suivi des principes proclamés par le socle européen.

Le point 20 du socle européen des droits sociaux ([48]) portant précisément sur le droit à l’eau, cette communication pourrait être saisie comme une opportunité de le voir mentionné et de faire pression sur la Commission européenne.


   EXAMEN EN COMMISSION

La commission s’est réunie le mercredi 29 octobre 2025, sous la présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, président, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

M. le président Pieyre-Alexandre Anglade. L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution européenne de M. Gabriel Amard et de plusieurs de ses collègues concernant la reconnaissance d’un droit fondamental à l'eau et à l'assainissement de qualité au sein de l'Union européenne. Je relève qu’il s’agit d’un texte associant des cosignataires issus de différents groupes politiques, dont certains sont aujourd’hui présents au sein de notre commission.

M. Gabriel Amard, rapporteur. « Nous oublions que le cycle de l’eau et le cycle de la vie ne font qu’un ». Ces mots de Jacques-Yves Cousteau résonnent aujourd’hui avec une force singulière. Cousteau ne parlait pas seulement de la quantité d’eau mais de sa qualité : de l’eau qui désaltère sans empoisonner, de l’eau qui lave sans contaminer, de l’eau qui soigne au lieu de rendre malade. Il pressentait, dès le XXᵉ siècle, que le drame du vivant ne serait pas seulement la soif, mais l’eau polluée : celle que l’on boit faute d’autre, celle que l’on rejette faute de l’assainir, celle que l’on détruit faute de respecter ses cycles.

Ce que Cousteau annonçait déjà, les peuples autochtones le savaient depuis toujours. Chez les Maoris de Nouvelle-Zélande, on dit : « Ce que tu fais à la rivière, tu le fais à ton propre corps. » Cette sagesse ancienne contient toute la modernité de notre réflexion : la qualité de l’eau reflète la qualité de notre rapport au vivant. Or, dans nos propres bassins de vie, les nappes phréatiques sont contaminées par les nitrates, les pesticides, les substances per- ou polyfluoroalkyles (PFAS) et les polluants éternels. Ni les stations d’épuration ni les promesses politiques ne parviennent encore à les éliminer.

L’assainissement, trop souvent relégué à l’arrière-plan, est pourtant la condition même du droit à l’eau : il ferme le cycle du vivant et empêche que la source ne devienne poison. C’est pourquoi cette proposition de résolution européenne vise à promouvoir, au sein de l’Union, la consécration d’un droit fondamental à l’eau et l’assainissement de qualité, tel qu’affirmé par la résolution des Nations unies du 28 juillet 2010 reconnaissant le droit de l’Homme à l’eau et à l’assainissement, déposée par la Bolivie et votée par la France.

La proposition de résolution européenne, que je porte avec plusieurs collègues, a pour but de faire avancer nos débats et l’esprit de cette résolution onusienne. Elle est d’inspiration transpartisane, car, sur un sujet d’une telle importance, il ne saurait y avoir de cloison entre les groupes politiques. Il y va de l’intérêt général du vivant, de l’intérêt commun des peuples de notre continent.

Notre démarche s’appuie sur une idée simple : le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement de qualité doit être garanti à chaque habitante et habitant de l’Union, sans distinction de ressources, de lieu ou de statut. Ce droit doit être effectif et non proclamé sans suite. Néanmoins, il doit aussi respecter le principe de subsidiarité : les communes dans le cas de la France, les régies publiques et les populations locales partout dans le monde doivent être les artisans de sa concrétisation.

Ce droit ne saurait, selon nous, être imposé d’en haut : il se construit dans la proximité, par la responsabilité et la liberté des peuples. Nous ne proposons donc pas un modèle unique de gestion, mais une reconnaissance européenne du droit à l’eau, laissant à chaque État – pour nous en France, à chaque collectivité et autorité organisatrice des services d’eau et d’assainissement – le choix des solutions, qu’il s’agisse de régies publiques, de coopérations intercommunales ou de dispositifs de solidarité locale. Mes chers collègues, les peuples autochtones nous rappellent depuis toujours une vérité immuable : le progrès véritable est celui qui rend l’eau plus pure qu’on ne l’a trouvée.

L’eau est un objet juridique difficile à saisir : elle traverse les frontières, change d’état – salée pour 97 % de la planète, douce pour 3 % ; liquide, solide ou gazeuse ; bleue, verte, grise ou noire selon les usages – elle défie nos institutions.

Le droit de l’eau, c’est-à-dire l’ensemble des règles encadrant la gestion, la distribution, la protection et la police de la ressource, n’est pas le droit à l’eau. Le premier régit les usages ; le second est un droit-créance : il fait de l’accès à l’eau salubre et à l’assainissement un droit humain fondamental.

Là réside toute la différence : le droit de l’eau protège la ressource – ou du moins devrait le faire ; le droit à l’eau protège la personne. Ce droit à l’eau n’a de sens que s’il inclut trois conditions : la qualité, la quantité et l’accessibilité. Or, ces trois dimensions sont aujourd’hui fragilisées. La quantité d’eau disponible devient incertaine sous l’effet du dérèglement climatique ; la qualité se dégrade sous l’action des polluants ; et l’accessibilité, physique ou économique, demeure inégale sur notre territoire comme ailleurs en Europe.

Le droit à l’eau ne peut être dissocié du droit à l’assainissement : l’un ne va pas sans l’autre. Fournir une eau salubre sans garantir le traitement des eaux usées, c’est rompre le cycle de la vie. L’assainissement est la condition sanitaire et écologique du droit à l’eau.

L’effort pour reconnaître ce droit au niveau international a été considérable. Nous citons, dans notre résolution, celle des Nations unies du 28 juillet 2010 reconnaissant « le droit à une eau potable et à un assainissement comme un droit de l’Homme, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme ». Ce texte a recueilli 122 voix pour, aucune voix contre et 41 abstentions ; la France a voté pour. Depuis, plusieurs résolutions onusiennes – adoptées en 2013, 2015, 2016, 2017, 2019, 2020, 2021 et 2023 – ont réaffirmé la même idée : sans droit à l’eau, aucun droit humain n’est pleinement effectif.

Pourtant, le bilan demeure mitigé. La fondation de Danielle Mitterrand, France Libertés, a raison de rappeler que la reconnaissance symbolique n’est pas suffisante. Les privatisations, les conflits d’usages et les inégalités d’accès persistent. La « guerre de l’eau » de Cochabamba, durant l’année 2000 en Bolivie, a montré que la marchandisation de l’eau est une ligne rouge que les peuples refusent de franchir. En Europe, nous pouvons aussi rappeler qu’après la crise de 2003, les Grecs ont résisté à la privatisation des infrastructures liées à la production et à la distribution de l’eau, conduisant au retour à une gestion publique régionale.

En Europe encore, une étape majeure a été franchie avec l’initiative citoyenne européenne (ICE) « Right2Water » lancée en 2012, signée par 1,8 million de personnes dans 13 États membres : la première et encore aujourd’hui la seule ICE d’une telle ampleur. Elle a conduit à la directive européenne de 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, transposée en France par l’ordonnance du même nom, en décembre 2022.

Cette directive impose aux États membres d’améliorer ou de préserver l’accès de toutes et tous à une eau salubre, en particulier pour les groupes vulnérables. Mais reconnaissons-le, elle reste timide : elle n’impose pas un volume minimal garanti pour vivre et être en bonne santé, même si elle en laisse la possibilité. La directive plus récente de 2024, relative au traitement des eaux résiduaires urbaines, renforce les exigences en imposant aux États de garantir l’accès aux sanitaires pour toutes et tous d’ici 2029 ; un progrès concret.

Au niveau national, la France a souvent montré la voie : en 1964, elle a instauré la gestion par bassin et le principe pollueur-payeur ; la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a transposé la directive-cadre du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau ; la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes, dite loi Brottes, en 2013, a interdit les coupures d’eau et le lentillage – c’est-à-dire la réduction du débit de l’eau – dans les résidences principales.

L’ordonnance de 2022 ayant transposé la directive européenne de 2020 mentionnée auparavant, en inscrivant dans le code de la santé publique le droit d’accès quotidien à l’eau pour chaque personne, constitue un pas important dans la bonne direction.

Ce socle est solide certes, mais incomplet. Le droit à l'eau reste dépourvu d’opposabilité réelle. Les formulations telles que « l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation » dans le Code de l’environnement sont belles, mais sans portée juridique directe. Le juge administratif fonde ses décisions sur les articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, tandis que le Conseil constitutionnel rattache parfois ce droit à celui d'un logement décent ou à la santé publique. Cependant, il manque encore une inscription explicite ou une norme de valeur constitutionnelle.

Dans le même temps, les inégalités demeurent. Selon l'Insee 99,94 % de la population hexagonale dispose de l'eau courante, ce qui signifie que des dizaines de milliers de personnes en sont encore privées. Près de 40 000 personnes ne sont pas raccordées au réseau, 200 000 ne disposent pas de toilettes à domicile et plus de 500 000 rencontrent des difficultés d’accès aux services d’eau et d’assainissement. Les données les plus récentes, datant de 2021, de la Fondation pour le logement des défavorisés, indiquent que plus de 400 000 citoyens n’ont pas accès à une eau sécurisée et 882 000 ne disposent pas de sanitaires de qualité.

La situation est particulièrement alarmante dans les territoires d’outre-mer. À Mayotte, comme une question au gouvernement nous l’a rappelé il y a quelques minutes, 13 500 logements, soit 29 % de l’île, ne disposent pas de l’eau courante. En Guyane, 18 % des logements n'ont ni douche ni toilettes. En Guadeloupe, les pertes sur les réseaux dépassent 50 % de l'eau distribuée. Le rapport du rapporteur spécial des Nations Unies Pedro Arrojo-Agudo, auditionné en amont de cette séance, est sans appel : la République doit appliquer partout sur son territoire les mêmes droits fondamentaux.

À cela s'ajoute la question de la qualité de l’eau. Le rapport « Dans mon eau », publié en octobre 2025 par Générations Futures et Data for Good, indique que 13 % des unités de distribution en France présentent au moins un dépassement de seuil sanitaire. Les PFAS, pesticides, nitrates, et perchlorates sont omniprésents dans l’eau. Certaines molécules ou métabolites sont déclassées pour échapper aux contrôles. Par exemple, un métabolite du chlorothalonil est désormais jugé comme non-pertinent par l’ANSES, alors qu’il dépasse les seuils dans 22 % des réseaux. En d'autres termes, on casse le thermomètre pour ne pas voir la fièvre.

Face à ce constat, plusieurs exemples étrangers montrent la voie. Depuis 2016, la Slovénie est le premier État membre de l’Union européenne à avoir constitutionnalisé le droit à l'eau. L'article 70a de sa Constitution proclame que « l'approvisionnement en eau potable et l'eau destinée à l'usage domestique constituent un bien public géré par l'état. L'accès à l'eau potable est un droit fondamental de l'homme et de la collectivité. ».

En France, nous avons déposé, avec plusieurs collègues, dont les signataires de la présente proposition de résolution européenne, une proposition de loi constitutionnelle visant à créer un article 1 bis dans la Charte de l’environnement. Cet article énoncerait que « le droit à l’eau potable et à l'assainissement est un droit humain essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l'exercice de tous les autres droits humains ». L’esprit et la lettre de cette initiative rejoignent ceux de la proposition de résolution présentée aujourd’hui, visant à transposer la résolution des Nations unies engageant la France depuis désormais quinze ans. Mes chers collègues, une telle inscription aurait le mérite de clarifier ce que notre conscience sait déjà : sans eau propre, il n'y a ni santé, ni dignité, ni République.

Concernant le chemin européen, maintenant. Modifier la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, impliquerait, comme l’ont rappelé les auditions menées et la rédaction de ce rapport, d’obtenir l’unanimité des États membres. Un exerce qui, à cette étape, demeure périlleux. Toutefois, nous pouvons agir autrement, en inscrivant ce droit dans la directive-cadre sur l’eau du 23 octobre 2000. Vingt-cinq ans plus tard, il serait légitime que la question de sa mise à jour figure à l’agenda européen. Une autre voie possible serait d’obtenir une communication officielle de la Commission européenne réaffirmant le principe du droit à l'eau et à l'assainissement de qualité. En juin 2025, la Commission européenne a publié une stratégie européenne pour la résilience de la ressource en eau, qui mentionne ce droit fondamental. Le Conseil « environnement » du 21 octobre 2025 en a fait une priorité politique, demandant à la Commission européenne de rendre compte des progrès avant 2027.

C'est dans ce cadre que notre résolution trouve tout son sens. Elle rappelle l'urgence de restaurer le cycle de l'eau, d'assurer un accès salubre pour toutes et tous, de renforcer les infrastructures hydriques, de prévenir les pollutions à leur source et de reconnaître enfin le droit fondamental à l'eau et à l'assainissement comme un socle du projet européen. L'eau n'est pas un bien marchand : elle constitue un commun du vivant. Elle n'appartient ni à une entreprise, ni à un État, mais au vivant lui-même. Chers collègues, je me permets de vous citer ces mots d'Andrée Chedid :

« Terré sous notre peau, un fleuve nous habite. Il irrigue nos peines, nos clameurs, nos élans. Il abreuve nos gestes. Il féconde nos rêves. Ce fleuve sans repos cherche une mer sans fin. »

Ces mots ne sont pas une supplique, mais un engagement. Ils nous obligent à agir : agir pour inscrire ce droit dans le droit européen, agir pour que chaque commune, chaque citoyen, chaque enfant puisse dire : « Oui, j'ai de l'eau pure à boire. J'ai un assainissement digne. » - et cela parce que la République et l'Europe l'ont voulu. Défendre le droit à une eau et à un assainissement de qualité, c'est défendre la dignité même du vivant.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

M. Hubert Ott (Dem). La proposition de résolution qui nous rassemble vise à faire reconnaître à l'échelle européenne, le droit fondamental à l'eau et à l'assainissement de qualité dans chacun de nos pays. Cette démarche commune transcende les clivages politiques nationaux et témoigne de l'intérêt supérieur collectif. Nous, co-signataires de cette résolution, sommes convaincus de l'importance majeure qu'il convient d’accorder à cette ressource majeure. La raison en est simple : la vie, qu'elle soit humaine, animale, végétale, fongique ou microbienne, est systématiquement et intimement liée à l'eau. Notre démarche s’inscrit dans la continuité du dépôt, en mars 2023, puis en novembre 2024, de la proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire le droit à l’eau dans la Charte française de l’environnement. Dans ce sens, en mars dernier, lors de la Journée mondiale de l’eau, nous avons déposé, cette proposition de résolution européenne.

L'inscription de ce droit est cruciale pour harmoniser, entre les pays concernés, la dotation en outils nécessaires afin de faire face à ces enjeux. Les défis liés à l'eau sont transversaux : d'est en ouest, du nord au sud, chacun de nos pays souffre, à des degrés divers, de formes de contaminations pouvant altérer dangereusement la qualité de cette ressource essentielle à notre survie. Puisque c’est une nécessité quotidienne et vitale pour chaque être vivant de s’abreuver, l’eau, peut devenir un vecteur d’empoisonnement. Il est de notre devoir de restaurer, à chaque fois que nécessaire, la qualité de nos eaux tout en garantissant les quantités d’eau, nécessaire à la survie des populations humaines et de l'ensemble des écosystèmes.

La résolution examinée s’inspire des travaux des Nations unies, puisque 122 États ont reconnu le droit à l’eau et à l’assainissement, dans les résolutions de juillet et septembre 2010. Cette résolution est le fruit d'un travail de convergence et d'unité à l'échelle mondiale. Votre rapport, cher collègue Monsieur Gabriel Amard, nous dresse un tour d'horizon de l'importance de l'eau qui irrigue le droit à différentes échelles.

Un chemin important reste à parcourir, mais le vote de cette résolution est une étape déterminante. Je sais pouvoir compter sur la diplomatie française et nos eurodéputés pour prendre le relais de nos travaux, afin d’inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne la proposition suivante : « Le droit à l'eau potable et à l'assainissement est un droit humain, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l'exercice de tous les droits de l'homme. Un niveau élevé de protection de l'eau et de l'assainissement et leur amélioration doivent être intégrés et garantis dans les politiques de l'Union ».

M.  Gabriel Amard, rapporteur. Vous l'aurez compris, nous parlementaires, avons co-écrit et travaillé conjointement depuis près de trois ans afin de porter la discussion sur la constitutionnalisation du droit à l'eau en France, démarche aujourd’hui concrétisée par cette proposition de résolution européenne. L’objectif est de faciliter une discussion parlementaire et d’essayer de converger sans faux-semblants, en évitant d’ériger des murs factices qui créent des dissensus. Il n’existe pas de vie sans eau : trois jours sans et nous sommes morts. Il est fondamental de se préoccuper de ce droit, essentiel à l'exercice de tout autre droit. Cette référence à trois jours sans eau, je la dois à Danielle Mitterrand, qui rappelait que l’eau est l’égale du rayon de soleil et de l’air que nous respirons.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Le soutien de la reconnaissance du droit fondamental à l'eau et à l'assainissement dans l'Union européenne est essentiel. L'eau est un bien universel, vital pour chaque humain, chaque animal et l'ensemble des écosystèmes. Évidemment, pour nous tous, cette eau est une évidence, mais ouvrir le robinet et voir de l’eau claire couler est un luxe pour d'autres.

Dans un contexte de sécheresses récurrentes, de stress hydrique quasi permanent, où les eaux de surface et les nappes phréatiques sont en péril, l'accès à l’eau ne devrait pas être un droit, mais une évidence pour tous. L'eau relie tous les cycles du vivant. Assurer son accès, sa qualité ainsi que sa préservation est une charge qui incombe à tous les États. C'est la condition sine qua non d'une sécurité sanitaire, économique et environnementale.

Les changements climatiques aggravent ces constats. Ils accentuent la nécessaire gestion durable, internationale, solidaire de cette source de vie que représente l'eau. Il ne suffit pas de tourner le regard vers des pays extra-européens, mais bien de s'arrêter sur nos territoires et notamment ultramarins, où nombre de nos concitoyens n'ont pas ce luxe de pouvoir tourner un robinet.

Ce plaidoyer en faveur d'un accès inconditionnel et partagé à l'eau n'est pas celle de mon groupe. C'est une décision en pleine conscience que j'assume : celle de soutenir l'intérêt essentiel d'inscrire le droit à l'eau dans la charte européenne pour affirmer que les santés humaines, animales et des écosystèmes doivent être protégées et permettre à l'Union européenne d'avoir un fondement juridique fort et sécurisé pour appuyer ces politiques en faveur d'une adaptation à une transition faites de résilience et de justice sociale.

La France inspire. Elle est un moteur de l'Europe et le montre dans de nombreux domaines. Elle a ici encore l'occasion de porter de nouvelles valeurs universelles de justice et de solidarité.

Aussi, soutenir cette inscription, c'est une fois de plus honorer la vision humaniste de notre pays et sa défense d'une souveraineté écologique de la population et participer à ce que l'Europe fasse sa mue pour devenir une communauté sociale et environnementale.

M. Gabriel Amard, rapporteur. Merci d’avoir exprimé, avec vos mots, ce qui fonde le caractère transpartisan de notre travail dans la préparation de cette résolution. Avec des mots communs, j’espère vous convaincre que nous convergeons.

Je retiens surtout, de votre intervention, cette idée essentielle : l’eau n’est pas seulement un bien commun, mais un commun du vivant.

M. Olivier Serva (LIOT). Cette proposition de résolution européenne trouve un écho en chaque Guadeloupéenne et Guadeloupéen. Elle revêt pour nous, ultramarins, une importance à la fois symbolique et très concrète, en ce qu'elle reconnaît à tous les citoyens européens un droit fondamental de l'eau et de l'assainissement de qualité.

Aujourd'hui, dans mon département, la Guadeloupe, mais aussi à Mayotte ainsi qu'en Guyane, l'accès à l'eau potable et à un réseau fiable est loin d'être une évidence. En Guadeloupe, un quart de la population n'a pas d'eau tous les jours. 68 % des volumes d'eau destinés à la consommation disparaissent dans un réseau fuyant, des compteurs défectueux ou des branchements clandestins.

Je ne me cantonnerai pas à la Guadeloupe. 31 % de la population mahoraise n'a pas accès à l'eau courante dans son logement et 59 %, est dépourvue de confort sanitaire de base. Entre 15 et 20 % de la population de Guyane n'a pas accès à l'eau alors que la Guyane dispose de la troisième réserve d'eau mondiale. Un habitant sur deux de la Réunion ne peut pas boire l'eau du robinet car impropre à la consommation. En Martinique, les habitants subissent des coupures d'eau incessantes, sans compter la pollution des cours d'eau et des sources au chlordécone qui va rester présent dans les sols et dans les eaux durant des centaines d'années.

Dans la septième puissance mondiale, ces chiffres font froid dans le dos. Dans un contexte de résolution européenne, ceci prend tout son sens. Elle envoie un message clair : dans l'Union européenne, aucun territoire, y compris d'outre-mer, ne doit être laissé pour compte. Le droit à l'eau, c'est d'abord la garantie qu'un habitant des Abymes, de Mamoudzou, de Cayenne ou d'ailleurs en France, puisse ouvrir son robinet en toute confiance.

Ce texte ouvre aussi la voie à une meilleure reconnaissance de la réalité locale et prône une gouvernance adaptée, des financements européens mobilisables, des critères de qualité qui s'imbriquent aux défis de l'insularité et de l'enclavement de nos territoires.

Soutenir cette résolution, c'est affirmer que ce droit à l'eau n'est pas un simple idéal, mais une obligation collective pour chaque citoyen européen, quelle que soit sa géographie. C'est donc tout naturellement que, pour la Guadeloupe, pour tous nos territoires ultramarins et pour l'Europe de l'avenir, le groupe LIOT souscrit à ce texte.

À titre personnel, je remercie vivement le rapporteur Gabriel Amard et ses équipes avec qui on chemine depuis plusieurs années sur ce sujet.

M. Gabriel Amard, rapporteur. Nous faisons la démonstration que les enjeux du droit à l'eau ne sont pas cantonnés aux discussions dans le cadre desquelles la délégation aux outre-mer est amenée à interpeller régulièrement la représentation nationale, mais que nous savons cheminer de manière transpartisane et que les élus d'Hexagone et des territoires dits d'outre-mer savent se retrouver au-delà de leurs différences politiques.

M. Marcellin Nadeau (GDR). Nous abordons aujourd'hui la proposition de résolution européenne à laquelle nous sommes associés depuis plusieurs années.

Celle-ci porte sur la reconnaissance d’un droit fondamental à l'eau et à l'assainissement de qualité au sein de l'Union européenne. Il s'agit là d’un texte transpartisan d'importance, porté avec Gabriel Amard, Hubert Haute, Anne-Cécile Violland, Chantal Jourdan, Marie Pochon, Olivier Serva et nous-mêmes. Il vise à reconnaître ce qu'a déjà affirmé la résolution 64/292 des Nations unies du 28 juillet 2010, votée par la France, mais non respectée, singulièrement dans ses dix outre-mer. Cette situation interroge sur la persistance d'inégalité, voire d'éléments de colonialité dans la relation entre la France et, comme l'aurait dit Césaire, cette « impensée » que sont les outre-mer.

Nous soutenons ce texte parce que la situation de l'accès à l'eau dans les dix outre-mer nous motive absolument. Pas d'eau à Mayotte 3 ou 4 jours par semaine, des coupures sempiternelles d'eau potable en Guadeloupe et en Martinique, des eaux antillaises polluées par les pesticides et le chlordécone, un assainissement souvent ignoré par l'État, comme en Martinique, où la seule usine de purification de l'eau au charbon a été construite et financée uniquement par l'ancien Conseil général. Les outre-mer sont les oubliés de l'histoire. Ils sont surtout, en l'occurrence, les oubliés du droit fondamental à l’eau.

Ensuite, nous soutenons ce texte parce qu'il respecte le principe de subsidiarité. Il donne la possibilité aux communes, aux régies publiques, aux instances territoriales locales, aux populations de choisir leur propre modèle de gestion, leur technologie appropriée et les plus adaptées afin de respecter leurs pratiques écologiques ou culturelles. En ce sens, ce texte respecte aussi le droit des peuples des dix outre-mer à une libre administration.

Enfin, nous soutenons ce texte car il défend le droit à une eau et un assainissement de qualité, un élément qui prend tout son sens quand on sait qu'à peine 30 % de la population mahoraise et 15 à 20 % de la population guyanaise n'ont pas accès à l'eau, qu'un enfant sur cinq y est contaminé et 90 % de celles de la Martinique le sont par la chlordécone.

Je remercie les collègues pour cette initiative fondamentale, qui met en lumière un élément essentiel d’inégalité. Nous avons d’ailleurs interrogé à ce sujet le représentant des Nations unies : pourquoi la Charte des droits sociaux européens n’est-elle pas appliquée à nos territoires ? Il s’agit aussi d’éviter que la France ait à rendre des comptes sur l’inadmissible non-potabilité de l’eau dans nos pays.

M. Gabriel Amard, rapporteur. En tant que député de la Martinique, votre contribution est précieuse. Nous avons pu constater ensemble combien, en Martinique, les aléas étaient importants. La continuité de la distribution est parfois compromise, dans un contexte conflictuel, ce qui rend d’autant plus nécessaire de défendre le droit à l’eau et de demander à la représentation de l’État de faire respecter les règles minimales de coopération intercommunale.

S’agissant des enjeux de pollution, ils se posent avec une acuité particulière en Martinique et, plus largement, dans les outre-mer.

Nous sommes limités sur la question de la qualité de l’eau par l’absence d’une filière capable de détruire les polluants qui, qu’on les ait interdits hier, qu’on les interdise aujourd’hui ou demain, demeurent inscrits dans le cycle de l’eau et dans celui de la nature. Il va donc falloir se donner les moyens de les éliminer.

Vous faites référence au charbon actif. Notre pays n'est pas doté de la filière pour les régénérer. Lorsque nous rendons l’eau potable, nous parvenons à capter 99,9 % des molécules, ce dont il faut se féliciter, à l’exception toutefois de quelques-unes mentionnées dans mon rapport. Nous faisons notre possible pour protéger la population.

Pour autant, j'attire votre attention que dans peu de cas, et nous le verrons à l'occasion d'une mission d'information qui m'a été confiée avec mon collègue Jean-Michel Brard du groupe Horizon, c'est que dans très peu de cas, les charbons actifs sont traités et ils sont traités à l'étranger, puisqu'en France nous n'avons pas de filière, notamment en Belgique. Certains filtres en Grande-Bretagne pour certaines caractéristiques, mais les macérats, les pollutions qui sont ainsi captées par le travail de nos techniciens, de nos ingénieurs en potabilisation, sont remis dans la nature. Et donc c'est sans fin pour nous aujourd'hui et pour les générations futures.

Pour autant, j’attire votre attention sur le fait que les charbons actifs usagés sont traités dans très peu de cas – nous le constaterons à l’occasion d’une mission d’information à venir. Lorsqu’ils le sont, c’est à l’étranger, notamment en Belgique, ou encore en Grande-Bretagne pour certaines caractéristiques spécifiques, faute de filière en France. Les pollutions ainsi captées sont ensuite rejetées dans la nature. Ce cycle est donc sans fin, pour nous aujourd’hui comme pour les générations futures.

Si nous ne nous dotons pas des moyens de détruire ces molécules, il ne suffira pas de les interdire ou de les remplacer par des substances naturelles. À l’avenir, il faudra se pencher sur l’enjeu de leur destruction. Et, dans les outre-mer, ce n’est pas un sujet mineur.

M. Patrice Martin (RN). Le droit de chacun à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé n'est pas une option en France. C'est un cap. Un cap qui inclut très clairement l'accès de tous à une eau de qualité et un assainissement performant. L'eau n'est pas un luxe. Elle conditionne la vie, la santé publique, la sécurité alimentaire, mais aussi nos activités agricoles et industrielles. Protéger l'eau, garantir son accès à tous et la restituer saine dans le milieu, c'est protéger la nation, nos concitoyens et notre économie.

Ce droit, la France l'a déjà traduit en actes. Exigences de qualité, surveillance, information, gestion des risques, nous savons faire. Nous faisons déjà, et nous pouvons renforcer encore par la loi nationale, au plus près des réalités de terrain, des nappes et des usages agricoles et industriels.

La proposition de résolution qui nous est soumise affiche un objectif à première vue consensuel : reconnaître le droit à l'eau potable et à l'assainissement comme droit fondamental. Mais le diable se cache dans les détails.

En voulant l’inscrire au rang de droit fondamental de l'Union européenne, cette initiative emprunte une voie périlleuse. Transformer une politique déjà encadrée par la directive européenne sur l'eau de l'ordonnance du 22 décembre 2022, en droit fondamental supranational, c'est ouvrir la porte à un contrôle illimité, voire à l'interdiction de toute activité pouvant affecter la ressource. Demain, un juge pourrait imposer des contraintes exorbitantes sur l'agriculture, l'industrie ou l'aménagement du territoire, avec à la clé des surcoûts, des contentieux et des fermetures. Ce n'est pas protéger l'eau et la santé humaine, c'est la placer au-dessus de l'existence humaine elle-même, de ses besoins, de ses activités, pourtant également reconnus comme des droits fondamentaux.

C'est aussi retirer à la France le droit de décider pour elle-même de la manière de protéger sa ressource et d'en disposer, alors que la directive sur l'eau, pourtant inspirée du modèle français de la gouvernance de l'eau, interfère déjà suffisamment dans notre gestion et de nos affaires nationales. Ce qui doit être garanti l'est déjà par notre constitution et la loi : c'est la qualité de l'eau et l'efficacité de l'assainissement. C'est la compétence de décider comment y parvenir en respectant nos territoires, nos filières, nos moyens.

Nous voulons une meilleure protection de l'eau, mais nous en refusons la dépossession. Oui au droit de l'eau pour tous, non à un verrou européen qui s’imposerait à toutes et à tous. En l'état, si l’alinéa 16 de l'article unique, celui qui consacre cette inscription au plus haut niveau européen, n'est pas retiré, le groupe Rassemblement national votera contre.

M. Gabriel Amard, rapporteur. Dans quelques minutes, chers collègues, je vous proposerai un amendement qui est de nature à rappeler que si nous recherchons, dans cette démarche transpartisane, à consacrer le droit à l'eau, en demandant que la France, par la voix de son gouvernement, saisisse toutes les occasions qui se présentent à elle pour rappeler l'importance de ce droit fondamental et son attachement à son vote de 2010 dans la résolution des Nations unies. Pour autant, par l'amendement dont je vous parlais dans la présentation du rapport, et que vous retrouverez dans le rapport, je vous propose que nous respections la libre administration. Puisque l'organisation administrative et politique de la France fait que c'est le bloc communal qui est autorité organisatrice des services d'eau et d'assainissement.

Et donc si cette résolution, avec mes collègues, va dans le sens de la reconnaissance du droit fondamental sur le continent, mais encore au niveau national – puisque nous portons en parallèle de cette résolution une proposition de loi constitutionnelle, je vous l'ai dit – nous ne cherchons pas à remettre en cause la manière dont les collectivités locales, autorités organisatrices, ont à arbitrer politiquement les outils juridiques, techniques qui viseraient à concrétiser ce droit à l'eau. Certains décideront de mettre des fontaines sur les places publiques, d'autres décideront de délivrer des remises en volume sur la facture ou de faire des mètres cubes gratuits. Cela, nous avons décidé collectivement de le renvoyer à la libre administration des collectivités locales.

Donc nous voulons réaffirmer ce droit fondamental, d'abord édicté par une résolution des Nations unies, que nous cherchons à faire avancer sur le continent – nous sommes en commission des affaires européennes – mais nous n'avons pas perdu de vue la nécessité de le rendre plus clair, mieux compris, davantage admis par l'ensemble des acteurs, en faisant évoluer le bloc constitutionnel français. Pour autant, nous rappelons que l'effectivité de ce droit à l'eau sera de la responsabilité du bloc communal, autorité organisatrice.

Il y a des élections municipales qui arrivent bientôt, vous l’avez compris, il faudra trancher. Nous ne serons pas tous d'accord sur la manière de mettre en œuvre cet objectif ou ce droit fondamental, s'il avançait d'ici le mois de mars prochain. Mais, voilà, ne déplaçons pas le débat ailleurs, il reste ici un enjeu local, puisqu’en France, l'autorité organisatrice des services d'eau et d'assainissement est de compétences communales ou intercommunales. »

Mme Liliana Tanguy (EPR). Le groupe EPR partage l'objectif de garantir à chacun un accès effectif à une eau potable et un assainissement de qualité. C'est une exigence vitale, écologique, sociale, tout le monde l'a dit.

Cependant, le groupe EPR se prononce contre cette proposition de résolution européenne, car si son intention est légitime, le moyen retenu ne nous semble ni adapté ni juridiquement sûr. Inscrire ce droit dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne reviendrait en effet à créer un précédent constitutionnel incertain. La portée de ce nouveau droit serait floue et nul ne peut prévoir l'interprétation que pourrait en donner la Cour de justice de l'Union européenne. Une lecture extensive risquerait de fragiliser nos politiques publiques, en particulier dans les domaines agricoles et industriels, essentiels à notre souveraineté économique et à notre sécurité alimentaire. De plus, une telle inscription ouvrirait la voie à une multiplication des recours devant la Cour de justice de l'UE, entraînant un encombrement contentieux, une insécurité juridique pour les États membres. Enfin, la procédure de révision de la Charte, qui exige l'unanimité, est longue et incertaine.

Le groupe EPR défend donc une approche pragmatique. Le droit européen et le droit français, à travers notre Code de l'environnement, garantissent déjà ce droit dans les faits. La directive eau potable de 2020, qui a été évoquée par chacun d'entre vous, et son application dans le droit français depuis 2022, ont permis des avancées concrètes. Notre priorité doit être de renforcer leur effectivité, notamment dans les territoires ultramarins, comme ça l'a été souligné, où les difficultés d'accès à l'eau demeurent très graves.

Enfin, vous avez évoqué la Slovénie. En tant que président du groupe d'amitié France-Slovénie, je rappelle que la Slovénie est un des rares pays à avoir inscrit le droit de l'eau dans sa constitution, mais il l'a fait dans une période où cette réforme répondait à une volonté d'empêcher une privatisation à outrance du secteur de l'eau.

Et donc, enfin, je voudrais dire pour terminer que garantir le droit à l'eau, c'est avant tout garantir son effectivité réelle par des investissements, des infrastructures et des politiques publiques adaptées.

M. Gabriel Amard, rapporteur. Je vous trouve sévère parce que, vous l’avez compris, les signataires de cette proposition de résolution européenne ont d'abord, dans la précédente mandature, puis dans cette mandature, rédigé et déposé une proposition de loi constitutionnelle qui vise à créer un article 1bis dans la Charte de l'environnement, avec la même diversité politique que celle qui vous présente aujourd'hui cette résolution européenne. Des membres de votre groupe sont signataires de la proposition de loi constitutionnelle.

Pour autant, avec cette résolution, nous vous parlons bien du droit à l'eau. Nous parlons du droit à l'eau, pour qu'il soit évident et pas interprétable de facto, avec d'une juridiction à l'autre des interprétations qui ne sont pas évidentes et pas toujours les mêmes. En effet, ce droit est interprété par les juges comme étant finalement fondé dans certains contentieux par interprétation d'autres droits, comme le droit à la santé ou le droit au logement.

En ouvrant cette discussion devant la Commission européenne, nous cherchons à converger politiquement même si nous sommes sans grandes illusions, sauf à espérer que le gouvernement se saisisse de notre résolution et que cette convergence soit obtenue en Europe. Mais je sais le chemin difficile et incertain. Je suis réaliste et pragmatique. C'est pour cela que je vous propose un amendement proposant de consacrer le droit fondamental à l’eau dans une communication européenne, sans attendre une révision de la Charte des droits fondamentaux.

Par rapport aux craintes que vous avez sur les incidences d’une telle reconnaissance, je vous renverrai à une prochaine résolution, que j'aurai plaisir de déposer, sur le droit de l'eau. Un débat aura alors lieu sur les incidences sur l'activité humaine et l'activité économique d’un tel droit, notamment pour éviter de souiller l’eau, de la détruire, et de mettre en cause le vivant. Ce n'est pas l'objet de cette résolution qui est de faire avancer l'idée d’un droit fondamental à l’eau.

À propos de l'ordonnance du 22 décembre 2022, il convient de faire attention. Les diagnostics territoriaux résultants de cette ordonnance ne sont toujours pas réalisés. Une mission d'information de la délégation aux collectivités territoriales doit étudier ce sujet afin d’accélérer la mise en œuvre de cette ordonnance.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). C’est avec plaisir que je prends la parole, aujourd’hui, pour soutenir cette initiative portée par Gabriel Amard.

L’eau est sans aucun doute un sujet central au XXIe siècle. Les ressources en eau sont doublement mises sous pression par la situation actuelle. Tout d’abord, le changement climatique les place dans un certain nombre d’endroits sous tension et interroge donc la façon de la gouverner. L’état des ressources en eau fait partie des limites planétaires que nous avons d’ores et déjà dépassées. Ensuite, la ressource économique en eau n’est plus actuellement tenable. Cette pression peut affecter, en cas de gestion particulièrement cupide, la quantité d’eau disponible. Mais elle affecte aussi la qualité de l’eau.

Quantité et qualité de l’eau sont donc des préoccupations fondamentales. L’eau montre tout particulièrement que l’environnement n’est pas un compartiment des politiques publiques. Ces mots ont été rappelés plus tôt par le rapporteur. Le droit à l’accès à l’eau potable et à son assainissement est un droit humain essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme. Ils viennent de l’Assemblée générale des Nations unies qui, à cette occasion, a envoyé un signal fort. Il a été entendu par plus de deux millions de nos concitoyens européens qui ont demandé que le droit européen suive le droit international en soutenant en 2012 une initiative citoyenne européenne.

Le droit à l’eau est un droit fondamental, cette évidence s’impose. Et la présente proposition de résolution européenne s’en saisit judicieusement. Elle permet à notre Assemblée de faire œuvre commune en rejoignant l’Assemblée générale des Nations unies, et nos concitoyens européens. Elle permet également de soutenir et d’appuyer le droit international et le multilatéralisme onusien dans un moment où l’un comme l’autre ont un besoin de soutien pressant.

Je tiens à saluer le fait que si elle vient d’un membre du groupe LFI unanimement reconnu pour son travail de long terme et de précision sur l’eau, le rassemblement autour de cette proposition est très large et correspond à la nécessité d’inscrire le droit fondamental à l’eau dans la Charte des droits fondamentaux. En votant cette résolution, nous pouvons envoyer un signal positif et ouvrir un chemin protecteur pour le droit à l’eau en France et en Europe.

M. Gabriel Amard, rapporteur. Je remercie mon collègue Pierre-Yves Cadalen dont la contribution aux enjeux du commun fait l’objet d’une mission d’information en cours. À travers lui, je remercie le groupe LFI pour sa constance et sa continuité sur ce sujet.

C’est un travail qui vient de loin et dont la nature même de nos discussions aujourd’hui me confirme que nous pouvons cheminer et avancer vers un jour où le droit à l’eau sera consacré au sommet de la hiérarchie des normes en France.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Je tiens tout d’abord à remercier Gabriel Amard pour son investissement sans relâche depuis 2022 à l’Assemblée nationale qui aboutit aujourd’hui à la présentation de cette proposition de résolution européenne. Je le remercie également pour le travail de liaison réalisé entre les différents groupes politiques. Sans lui et sans sa détermination, nous ne serions pas là aujourd’hui. Je voudrais vous faire partager ces quelques mots de Danielle Mitterrand prononcés il a près d’une quinzaine d’années mais qui sont toujours actuels : « L’eau est aujourd’hui le symbole d’un virage. Nous devons savoir distinguer dans une économie équilibrée au service de la vie les biens matériels qui peuvent être commercialisés dans une économie de marché et les biens vitaux qui doivent rester sains, libres et accessibles à tous. L’eau est une ressource essentielle pour les activités humaines, notamment l’agriculture, pour assurer notre subsistance. »

En 2022, 34 % de la population de l’Union européenne a été confrontée à une pénurie saisonnière. Malgré l’objectif d’amélioration de l’accès à l’eau, le droit européen reste trop peu ambitieux face à l’urgence.

Chers collègues, défendre le droit à l’eau et à l’assainissement de qualité c’est avant tout défendre le vivant. Et c’est pourquoi nous voterons cette proposition de résolution européenne.

M. Gabriel Amard, rapporteur. Je veux remercier ma collègue Chantal Jourdan pour son engagement dès la première heure au début de la mandature précédente en faveur du droit à l’eau pour toutes et tous et d’avoir maintenu cet engagement dans la durée au sein de ce travail transpartisan. J’espère que ce travail fera œuvre commune et en appellera d’autres dans le futur.

Mme Marie Pochon (EcoS). « Je bois devant vous un verre d’eau précieuse. » Il y a cinquante ans, René Dumont, père fondateur de l’écologie politique alertait sur la raréfaction de la ressource en eau.

Cinquante ans plus tard nous voilà au milieu des ouragans, des sécheresses et de l’érosion des traits de côte. Nous voilà maintenant face au stress hydrique, à des communes entières qui ne voient pas l’eau couler l’été, à la livraison de l’eau par camion-citerne et au péril de la privatisation de l’eau.

Il y a désormais entre 400 000 et 800 000 personnes – des populations ultramarines résidant dans des habitats insalubres, des personnes sans-domicile, vivant dans des bidonvilles ou encore des gens du voyage – qui sont encore privés aujourd’hui d’un accès à l’eau potable et à l’assainissement en France. Ceci est principalement dû au fait qu’elles ne bénéficient pas d’un raccordement au réseau et à une évacuation des eaux.

Nous voilà enfin face à la pollution des eaux aux nitrates, aux pesticides et aux PFAS. Pour au minimum 10 millions de Français, la qualité de l’eau n’est pas tout à fait garantie aujourd’hui. Les systèmes de traitement ne suffisent plus à traiter ses composants ou nécessiteraient des sommes colossales à hauteur de 750 millions d’euros minimum par an en France.

Cinquante ans plus tard, force est de constater que l’alerte de René Dumont reste d’une actualité brûlante en France. Je ne peux donc que remercier grandement, collègue Gabriel Amard, d’avoir porté une proposition de résolution européenne après avoir porté une proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à reconnaître notre droit fondamental à l’eau et à l’assainissement.

Cinquante ans plus tard, nous pouvons donc ici voter cette proposition de résolution pour assurer un engagement essentiel au nom d’un attachement à l’eau comme commun qui doit prévaloir face à toute forme d’intérêt de court terme et doter l’Union d’instruments pour garantir ce droit vital.

M. Gabriel Amard, rapporteur. Puisque vous l’avez fait, je suis content de ne pas avoir cité René Dumont et préféré Jacques-Yves Cousteau et Andrée Chedid ! Merci pour ce rappel historique, il avait raison avant nous toutes et tous.

Amendement n° 1 de M. Gabriel Amard

M. Gabriel Amard, rapporteur. Avec cet amendement, nous souhaitons rappeler qu’en France nous respectons la libre administration des collectivités locales. L’organisation des autorités organisatrices de l’eau est pensée et doit continuer à être pensée au niveau local, entre les différents usagers de l’eau, et ce, quelle que soit leur catégorie (domestique, en résidence primaire ou secondaire, les usages professionnels des entreprises et des agriculteurs). Il faut maintenir la gestion du petit cycle dans la proximité. J’ai pensé que notre texte méritait d’être clarifié sur ce point. Nous confirmons ainsi notre attachement aux conditions de la mise en œuvre au niveau du bassin de vie.

M. Patrice Martin (RN). Monsieur le rapporteur, compte tenu de votre intervention, je serais satisfait que vous acceptiez de supprimer l’alinéa 16.

M. Gabriel Amard, rapporteur. L’alinéa 16 constituant le cœur même de la proposition de résolution européenne, je vous propose d’adopter l’amendement que je vous soumets et de renvoyer la suite de la discussion en commission des lois, lorsque nous examinerons la proposition de loi constitutionnelle.

L’amendement n° 1 est adopté.

Amendement n° 3 de M. Patrice Martin

M. Patrice Martin (RN). Cet amendement rappelle que cette proposition de résolution constitue un premier pas vers un transfert à Bruxelles d’une compétence qui relève de la souveraineté nationale : la gestion de l’eau et de l’assainissement. La France n’a pas attendu l’Union européenne pour garantir à chacun l’accès à une eau de qualité. L’inscription d’un droit à un niveau élevé de protection dans la Charte des droits fondamentaux ferait peser des présomptions de contraintes sur les activités agricoles et industrielles liées à l’eau, ouvrant la voie à des interdictions, à des contentieux, ainsi qu’à une perte de maîtrise politique et économique. Nos agriculteurs et nos industriels respectent déjà parmi les normes les plus exigeantes au monde. Plutôt que d’ajouter une contrainte réglementaire supplémentaire, imposons nos standards aux frontières grâce à des clauses miroirs et à des contrôles renforcés. Il s’agit d’une question de bon sens, mais aussi de souveraineté nationale.

M. Gabriel Amard, rapporteur. Je vous demanderai de retirer votre amendement. Nous proposons d’interpeller le gouvernement afin qu’il porte l’expression de notre délibération dans l’agenda européen.

J’ajoute un argument : puisque vous avez adopté l’amendement précédent, vous avez compris que la consécration du droit à l’eau – plus tard, pas aujourd’hui, dans la Constitution française ou, dans un horizon bien plus lointain, au niveau européen – ne remet en rien en cause le fait que la Commission européenne, en matière d’effectivité du droit à l’eau, s’en réfère aux États. Et la France, elle, s’en réfère aux collectivités locales.

Qu’il s’agisse de la directive-cadre du 23 octobre 2000, de la directive eau potable de 2020 ou de la directive sur les eaux résiduaires urbaines de 2024, jamais l’Union européenne ne se substitue aux États-nations.

La Commission renvoie toujours par ces textes au niveau local. Et ce que la Commission européenne appelle « le local », c’est la France, et l’organisation administrative et politique de la France fait que, ipso facto, lorsqu’elle transpose une directive par ordonnance, elle s’engage en matière d’eau et d’assainissement pour le compte des collectivités locales.

C’est d’ailleurs ce qui s’est produit avec l’ordonnance du 22 décembre 2022. J’avais, à l’époque, demandé un débat parlementaire, car si cette transposition se faisait sans visibilité et sans débat au parlement, il y avait un risque — que les faits, malheureusement, confirment — que les collectivités locales ne perçoivent pas la portée de la directive de 2020. Nous sommes en 2025, et cette directive tarde effectivement à être appliquée. Nous n’en sommes même pas encore au stade des diagnostics, et a fortiori encore moins à la mise en œuvre des préconisations visant à répondre aux difficultés d’accès à l’eau des populations les plus vulnérables.

Voilà pourquoi votre amendement n’est pas fondé : il est déjà satisfait par le fonctionnement même des institutions européennes en matière d’eau et d’assainissement.

Mme Nathalie Oziol (LFI – NFP). L’amendement du Rassemblement national vide la proposition de résolution de son objet, de son enjeu, de son intérêt. Nous sommes en commission des affaires européennes, où nous travaillons à promouvoir l’intérêt de l’eau, sa protection, son assainissement au sein de l’Union européenne. Cela n’empêche en aucun cas d’affirmer l’enjeu national de l’eau ; au contraire, nous partons de ce que nous avons identifié comme un enjeu essentiel pour le porter au-delà des seules institutions de l’Assemblée nationale et le défendre au niveau de l’Union européenne.

Je rappelle que le droit à l’eau fut le thème à partir duquel nous avons lancé notre campagne présidentielle à La France insoumise. Je ne me souviens pas que Marine Le Pen se soit exprimée à aucun moment de sa campagne sur ce sujet. Non seulement les niveaux national et européen ne sont pas incompatibles, mais nous allons plus loin en portant cet enjeu à l’échelle communale et en défendant les régies publiques de l’eau et de l’assainissement dans les collectivités locales.

Vous affirmez, dans cet amendement, que nous mènerions la France vers un assujettissement total à une politique européenne de l’eau et de l’assainissement. Cela vous dérange moins lorsque l’on s’assujettit à la politique de Frontex en matière d’immigration, par exemple. Vous choisissez vos sujets.

Et puisque vous évoquez l’agriculture, parlons-en. L’eau constitue un enjeu majeur pour l’agriculture. Élue dans l’Hérault, je vois les départements autour de la Méditerranée subir des sécheresses telles que c’est toute l’agriculture qui se retrouve menacée, notamment du fait de la mise en concurrence des gros agriculteurs avec les petits. Les méga-bassines en sont un symbole : elles favorisent l’accaparement de la ressource par certains grands groupes et gros agriculteurs au détriment des plus modestes. L’enjeu de l’eau est donc essentiel à tous les échelons. Oui, nous défendons le droit à l’eau et sa protection au niveau national, mais aussi au niveau européen et au niveau municipal.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Chers collègues, nous ne sommes pas, me semble-t-il, à un meeting de Jean-Luc Mélenchon ! Merci de rester sur le thème de l’ordre du jour. En ce qui concerne le droit à l’eau, nous ne remettons évidemment pas en cause le fait que ce droit soit universel. Nous défendons, au Rassemblement national, depuis des années, la nécessité que les maires conservent la compétence de l’eau. Vous ne faites donc, une fois encore, rien de nouveau à La France insoumise ! Ce que nous disons, c’est que la France doit rester souveraine et garder la pleine compétence de l’eau et sa maîtrise. Nous sommes parmi les pays les mieux organisés et les mieux structurés en la matière. Il n’y a donc aucune raison de transférer une quelconque compétence à l’Union européenne. Nous voulons rester souverains et maîtres chez nous.

L’amendement n° 3 n’est pas adopté.

Amendement n° 2 du Rapporteur

M. Gabriel Amard, rapporteur. L’amendement n° 2 vise à demander au gouvernement de se saisir des réunions du Conseil « Environnement » et d’établir une communication européenne en lien avec le point 20 du socle européen des droits sociaux. La France doit utiliser ce rendez-vous pour rappeler son attachement au droit fondamental à l’eau.

Mme Constance Le Grip (EPR).  J’observe que cet amendement vient s’ajouter à la préconisation essentielle de votre proposition, à savoir l’introduction, dans la Charte européenne des droits fondamentaux, d’un nouveau droit : le droit fondamental à l’eau. La voie de l’introduction d’un droit supplémentaire dans la Charte européenne des droits fondamentaux nous paraît être une voie vaine.

Nous privilégions une approche concrète et pragmatique : stratégies innovantes, financements innovants, plutôt que de grandes déclarations de principe.

M. Gabriel Amard, rapporteur. C'est justement par pragmatisme que les signataires de cette proposition de résolution européenne suggèrent l’intégration de ce droit fondamental à la Charte des droits fondamentaux, et invitent la France à plaider en ce sens auprès des autres États membres.

Même si nous avons pleinement conscience que le chemin pour y parvenir sera sinueux et long, la France a consacré ce droit en 2010 et en a fait un droit fondamental préalable à l'exercice de tous les autres. Afin de donner corps à tous les droits contenus dans la Charte des droits fondamentaux, il est donc nécessaire d’y inscrire le plus important d’entre eux.

C’est le sens de la résolution votée par la France en 2010, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. L’amendement que je propose représente, certes, une forme de repli, mais que ne compromet en rien l'objectif à long terme.

M. Hubert Ott (Dem). En réaction aux propos de ma collègue, je souhaiterais répondre que la tentation du statu quo et de l'immobilisme, notamment sur un sujet européen, me semble inappropriée. Dans la période récente, la question de l’eau est primordiale. Lors du vote de la loi Duplomp cet été, on a pu constater que la disharmonie européenne nous incitait au recul, alors que d’immenses progrès restent à faire. La France, de par son histoire, devrait dès maintenant tracer une trajectoire pour l’Europe.

M. Pierre-Yves Cadalen (LFI-NFP). Ne désespérons pas de faire en sorte que la délibération parlementaire puisse parvenir à faire changer quelques positions. L’alinéa qui serait introduit par cet amendement sert en effet des objectifs que vous dites partager.

Par ailleurs, le droit à l’eau a toute sa place dans la Charte, qui dans son préambule consacre par exemple la libre circulation des capitaux. Les droits socio-écologiques mériteraient d’être rééquilibrés. Surtout, l’article 37 de la charte dispose : « Un niveau élevé de protection de l'environnement et l'amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l'Union et assurés conformément au principe du développement durable ». Le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement de qualité permettrait de renforcer l’article 37. Il est en cela conforme – me semble-t-il – au consensus relatif à l’impératif du siècle de protéger l’environnement.

M. Jocelyn Dessigny (RN). Ce que vient de dire notre collègue démontre que cette proposition de résolution n’a pas lieu d’être.

L’amendement n° 2 est adopté.

L’article unique est adopté.

La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est par conséquent adoptée.

M. Gabriel Amard, rapporteur. Je me réjouis sincèrement de l’adoption de cette proposition de résolution européenne. Je tiens à en saluer les cosignataires : Anne-Cécile Violland, Hubert Ott, Marcellin Nadeau, Chantal Jourdan, Marie Pochon et Olivier Serva.

Je remercie également les personnes auditionnées, particulièrement Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l’eau et à l’assainissement, le Mouvement européen pour l'eau, la Fédération européenne des services publics, les ONG de la Coalition eau, la Fédération des opérateurs publics de l'eau – Acqua Publica Europea –, le professeur Bernard Drobenko ainsi que Maître Lionel Crusoé et Maître Claire Dagot.

J’espère que nous ne nous arrêterons pas là. La commission des affaires européennes nous a donné l’opportunité d’avoir une discussion sur le droit à l'eau et à l'assainissement de qualité. Je formule le vœu que nous puissions, un jour, enrichir la Charte de l'environnement d'un article supplémentaire, intégrant ainsi le droit à l'eau et à l'assainissement au bloc constitutionnel.

 

 


   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉNNE INITIALE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (version consolidée), notamment ses articles 191, 192 et 193,

Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2012/C 326/02), notamment ses articles 35 et 37,

Vu la Résolution du Parlement européen du 5 octobre 2022 sur l’accès à l’eau en tant que droit de l’homme : la dimension extérieure (2021/2187(INI)),

Vu la Directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine,

Vu le Règlement (UE) 2020/741 du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 2020 relatif aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau,

Vu la Directive 2008/105/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau, modifiant et abrogeant les directives du Conseil 82/176/CEE, 83/513/CEE, 84/156/CEE, 84/491/CEE, 86/280/CEE et modifiant la directive 2000/60/CE,

Vu la Directive 2006/118/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration,

Tenant compte que le droit à l’eau et à l’assainissement a été reconnu comme droit humain fondamental par les Nations unies, notamment au travers de la résolution 64/292 relative au droit de l’homme à l’eau et l’assainissement adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 28 juillet 2010, ainsi que la résolution A/64/L.63/Rev1 du Conseil des droits de l’homme du 30 septembre 2010 et les textes juridiques cités dans ces résolutions ;

Rappelant que le domaine de l’environnement fait partie de la politique de l’Union en vertu du Traité le fonctionnement de l’Union européenne et que la Charte européenne des droits fondamentaux dispose qu’un niveau de protection élevé de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doit être garanti par les politiques de l’Union ;

Estimant que le principe 20 du Socle européen des droits sociaux proclamé le 17 novembre 2017 par le Parlement européen, le Conseil et la Commission met en lumière un consensus entre les États membres eux‑mêmes et la Commission européenne concernant l’accès à l’eau et l’assainissement pour toute personne ;

Notant avec une vive préoccupation qu’une partie des habitantes et habitants de l’Union européenne souffre de stress hydrique et de problème d’accès à l’assainissement de qualité et que ce phénomène tend à s’aggraver au cours des prochaines décennies à cause du changement climatique ;

Considérant que le droit à l’eau et l’assainissement fait partie de la réalisation de tous les droits humains ;

Invite le Gouvernement à soumettre une proposition de modification de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2012/C 326/02), afin d’ajouter, dans les plus brefs délais, un article 37‑1 intitulé « Droit à l’eau et à l’assainissement », qui reprend la définition du droit à l’eau et à l’assainissement de la Résolution 64/292 relative au droit de l’homme à l’eau et l’assainissement adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 28 juillet 2010, ainsi rédigé : « Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit humain, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme. Un niveau élevé de protection de l’eau et de l’assainissement et leur amélioration doivent être intégrés et garantis dans les politiques de l’Union. ».

 

 

 

 

 

 


   AMENDEMENTS EXAMINES PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

29 octobre 2025


proposition de résolution européenne sur la reconnaissance d’un droit fondamental à l’eau et à l’assainissement de qualité au sein de l’Union européenne

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

M. Gabriel AMARD, rapporteur

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Rappelant que l’opposabilité du droit fondamental à l’eau doit être conciliée avec la libre administration des collectivités territoriales et le libre choix laissé à chacune d’entre elles de décliner localement les solutions les plus adaptées pour assurer l’effectivité du droit à l’eau et à l’assainissement ; »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à réaffirmer l’importance de la libre administration des collectivités territoriales comme brique essentielle de la mise en œuvre du droit fondamental à l’eau et à l’assainissement, selon des moyens qui auront à être décidés au niveau local selon les circonstances propres à chaque territoire.

 

Cet amendement a été adopté.

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

29 octobre 2025


proposition de résolution européenne sur la reconnaissance d’un droit fondamental à l’eau et à l’assainissement de qualité au sein de l’Union européenne

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

M. Gabriel AMARD, rapporteur

----------

ARTICLE UNIQUE

 

Après l’alinéa 16

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Invite le Gouvernement à défendre une position ambitieuse dans les négociations européennes pour que le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement de qualité soit inscrit dans la directive cadre sur l’eau ou, à défaut, dans la communication de la Commission européenne sur le suivi des objectifs du socle européen, attendue au premier trimestre 2026. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à élargir les moyens d’action pour une reconnaissance du droit fondamental à l’eau et à l’assainissement au niveau européen.

Dans le cadre des auditions réalisées par votre rapporteur, la possibilité d’une révision de la directive cadre sur l’eau a été évoquée, comme scénario plus accessible qu’une révision de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, à court ou moyen terme.

La réunion des ministres de l’environnement en Conseil Environnement le 21 octobre dernier les a conduits à adopter des conclusions approuvant la stratégie européenne pour la résilience de la ressource en eau, publiée par la Commission au mois de juin.

Le moment politique est à une prise de conscience des risques pesant sur la ressource en eau au niveau européen : ces risques étant à la fois quantitatifs (sécheresse, conflits d’usage) et qualitatifs (pollutions, inégalités territoriales de la qualité de l’eau).

Ce moment politique ne doit pas nous conduire à nous contenter de grand-messes symboliques. Il devrait être saisi comme une occasion d’inscrire le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement dans le droit européen, en ligne avec la résolution des Nations unies du 28 juillet 2010, votée par la France.

A minima, la réaffirmation symbolique que constituerait une mention du droit fondamental à l’eau et à l’assainissement dans une prochaine communication de la Commission donnerait une tribune permettant de rappeler cette ambition.

À cet égard, le point 20 du Socle européen des droits sociaux porte précisément sur le droit à l’eau. Il serait donc logique qu’une communication sur le suivi des objectifs de ce Socle mentionne le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement.

 

 

 

 

Cet amendement a été adopté.

 


COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

29 OCTOBRE 2025


proposition de résolution européenne sur la reconnaissance d’un droit fondamental à l’eau et à l’assainissement de qualité au sein de l’union européenne (n° 1108),

 

AMENDEMENT

No 3

 

présenté par

M. Patrice Martin, Mme Manon Bouquin, M. Guillaume Bigot, M. Alexandre Sabatou, M. Nicolas Dragon, M. Matthieu Marchio, M. Philippe Ballard, M. Alexandre Loubet, Mme Yaël Menaché, Mme Sylvie Josserand.

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ARTICLE UNIQUE

Supprimer l’alinéa 16.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Si cette proposition de résolution européenne reconnaît en apparence le fondement constitutionnel du droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé, sa finalité emporte des effets d’aubaine susceptibles d’engendrer de graves dérives. Elle emporte en effet des impacts, notamment juridiques et économiques, qui n’ont pas été évalués, mais dont une première analyse fait apparaître des effets non désirés et non souhaitables qui pourraient mettre en danger l’existence même de notre agriculture et de toute activité industrielle, voire économique.

 

D’une part, la reconnaissance du droit à l’eau et à l’assainissement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne constituerait une première étape vers l’assujettissement total de la France à une politique européenne en matière d’eau et d’assainissement, domaines qui relèvent historiquement de la compétence et de la souveraineté des États membres, alors que l’Europe intervient déjà suffisamment dans la gestion de la ressource en eau des États membres.

 

La France a déjà transposé, par l’ordonnance du 22 décembre 2022, la directive (UE) 2020/2184 relative à l’eau destinée à la consommation humaine (dite « directive eau potable »), assurant ainsi la pleine effectivité de ce droit sur son territoire national.

 

De même, la Résolution 64/292 adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 28 juillet 2010, relative au droit de l’homme à l’eau et à l’assainissement, rappelle expressément que la mise en œuvre de ce droit, relève avant tout des États, tout en leur demandant de renforcer la coopération internationale, notamment en faveur des pays en développement. Ce texte reconnaît donc implicitement le caractère souverain de la politique de gestion et de distribution de l’eau par les États.

 

Par ailleurs, la terminologie retenue dans cette proposition, et notamment l’adjectif qualifiant la portée de l’inscription envisagée, traduit une volonté manifeste d’approfondir le degré d’intégration européenne en matière de politique de l’eau et de l’assainissement. Une telle orientation conduirait inévitablement à une dilution des prérogatives nationales au profit d’une compétence européenne accrue, au détriment de la souveraineté, pourtant sacrée et inaliénable, des États membres.

 

La consécration d’un « niveau élevé de protection » de l’eau, appliqué horizontalement, pourrait être interprétée comme une exigence quasi absolue. Sous contrôle du juge et combinée au principe de précaution, elle ferait peser une présomption d’atteinte sur toute activité touchant directement ou indirectement la ressource : autorisations refusées ou retirées et projets bloqués, au prix d’une restriction disproportionnée de la liberté d’entreprendre et d’une insécurité juridique durable.

 

Le cadre européen impose déjà des normes environnementales exigeantes à nos agriculteurs et à nos industries. Dans le même temps, le marché est inondé d’importations qui ne respectent ni nos standards ni nos coûts de mise en conformité, faussant la concurrence.

Au lieu d’ajouter un boulet réglementaire, imposons nos normes aux frontières - clauses miroir, contrôles et sanctions - pour une réciprocité stricte.

 

Le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement demeure, à ce titre, un principe universel et incontestable. Toutefois, les ambitions fédéralistes sous-jacentes à cette proposition de résolution, alors même que la France reconnaît déjà et met en œuvre ce droit dans son ordre juridique interne, ne sauraient être acceptées en l’état.

 

 

Cet amendement n’a pas été adopté.

 


   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (version consolidée), notamment ses articles 191, 192 et 193,

Vu la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2012/C 326/02), notamment ses articles 35 et 37,

Vu la Résolution du Parlement européen du 5 octobre 2022 sur l’accès à l’eau en tant que droit de l’homme : la dimension extérieure (2021/2187(INI)),

Vu la Directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine,

Vu le Règlement (UE) 2020/741 du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 2020 relatif aux exigences minimales applicables à la réutilisation de l’eau,

Vu la Directive 2008/105/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 établissant des normes de qualité environnementale dans le domaine de l’eau, modifiant et abrogeant les directives du Conseil 82/176/CEE, 83/513/CEE, 84/156/CEE, 84/491/CEE, 86/280/CEE et modifiant la directive 2000/60/CE,

Vu la Directive 2006/118/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration,

Tenant compte que le droit à l’eau et à l’assainissement a été reconnu comme droit humain fondamental par les Nations unies, notamment au travers de la résolution 64/292 relative au droit de l’homme à l’eau et l’assainissement adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 28 juillet 2010, ainsi que la résolution A/64/L.63/Rev1 du Conseil des droits de l’homme du 30 septembre 2010 et les textes juridiques cités dans ces résolutions ;

Rappelant que le domaine de l’environnement fait partie de la politique de l’Union en vertu du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et que la Charte européenne des droits fondamentaux dispose qu’un niveau de protection élevé de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doit être garanti par les politiques de l’Union ;

Estimant que le principe 20 du Socle européen des droits sociaux proclamé le 17 novembre 2017 par le Parlement européen, le Conseil et la Commission met en lumière un consensus entre les États membres eux‑mêmes et la Commission européenne concernant l’accès à l’eau et l’assainissement pour toute personne ;

Notant avec une vive préoccupation qu’une partie des habitantes et habitants de l’Union européenne souffre de stress hydrique et de problème d’accès à l’assainissement de qualité et que ce phénomène tend à s’aggraver au cours des prochaines décennies à cause du changement climatique ;

Considérant que le droit à l’eau et l’assainissement fait partie de la réalisation de tous les droits humains ;

Rappelant que l’opposabilité du droit fondamental à l’eau doit être conciliée avec la libre administration des collectivités territoriales et le libre choix laissé à chacune d’entre elles de décliner localement les solutions les plus adaptées pour assurer l’effectivité du droit à l’eau et à l’assainissement ;

Invite le Gouvernement à soumettre une proposition de modification de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2012/C 326/02), afin d’ajouter, dans les plus brefs délais, un article 37‑1 intitulé « Droit à l’eau et à l’assainissement », qui reprend la définition du droit à l’eau et à l’assainissement de la Résolution 64/292 relative au droit de l’homme à l’eau et l’assainissement adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 28 juillet 2010, ainsi rédigé : « Le droit à l’eau potable et à l’assainissement est un droit humain, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l’exercice de tous les droits de l’homme. Un niveau élevé de protection de l’eau et de l’assainissement et leur amélioration doivent être intégrés et garantis dans les politiques de l’Union. »

Invite le Gouvernement à défendre une position ambitieuse dans les négociations européennes pour que le droit fondamental à l’eau et à l’assainissement de qualité soit inscrit dans la directive cadre sur l’eau ou, à défaut, dans la communication de la Commission européenne sur le suivi des objectifs du socle européen, attendue au premier trimestre 2026.

 

 


   aNNEXE : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 

 

Contribution écrite de la Coalition eau

 

 


([1]) S’agissant de la qualité, l’article L 1321-1 du code de la santé publique apporte des éléments de définition : « une eau destinée à la consommation humaine est une eau propre et salubre qui, seule, convient aux usages liés à la boisson, à la préparation et à la cuisson des aliments, à l'hygiène corporelle, à l'hygiène générale et à la propreté, aux autres usages domestiques dans les lieux publics et privés, ainsi qu'à la préparation des denrées et marchandises destinées à l'alimentation humaine dans les entreprises du secteur alimentaire. »  

([2]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-10/20230310-RPA-2023-gestion-quantitative-eau.pdf

([3]) La Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 précise dans son chapitre 3 l’obligation pour la puissance détentrice de fournir de l’eau potable aux internés.  

([4]) https://press.un.org/en/2010/ga10967.doc.htm  - Liste des pays s’étant abstenu (en gras, les pays européens) : Arménie, Australie, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Botswana, Bulgarie, Canada, Chypre, Croatie, Danemark, Estonie, Éthiopie, Grèce, Guyana, Irlande, Islande, Israël, Japon, Kazakhstan, Kenya, Lettonie, Lesotho, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Pologne, Corée du Sud, Moldavie, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Suède, Trinité-et-Tobago, Turquie, Ukraine, Tanzanie, États-Unis, Zambie.

([5]) https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-10-2025-0073_EN.html   

([6]) Son troisième paragraphe : « Affirme que le droit fondamental à l’eau potable et à l’assainissement découle du droit à un niveau de vie suffisant et qu’il est indissociable du droit au meilleur état de santé physique et mentale susceptible d’être atteint, ainsi que du droit à la vie et à la dignité » ; https://treaties.un.org/doc/Publication/UNTS/Volume%20993/volume-993-i-14531-french.pdf

([7]) https://docs.un.org/fr/A/70/203  

([8]) En particulier, des discriminations homme-femme peuvent émaner d’un manque d’intimité. Le rapport croisé de l’OMS et de l’UNICEF analyse ainsi chaque année l’évolution de la santé menstruelle dans le monde.

([9]) Résolution 70/169 du 17 décembre 2015 « Les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement » ; https://docs.un.org/fr/A/RES/70/169  

([10]) https://www.un.org/sustainabledevelopment/water-action-decade/  

([11]) https://docs.un.org/en/A/RES/74/141  

([12]) https://docs.un.org/en/A/RES/75/212  

([13]) https://docs.un.org/en/A/RES/76/153  

([14]) https://www.unhcr.org/media/resolution-adopted-general-assembly-19-december-2023-78-185  

([15]) https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2025/02/EAU-rapport-GP-web.pdf

([16]) Initiée le 10 mai 2012, l'initiative "Right to Water" dans son nom complet et en français, "L'eau et l'assainissement sont un droit humain ! L'eau est un bien public, pas une marchandise !" est la troisième ICE enregistrée par la Commission européenne et la première à recueillir le million de signatures requises pour obtenir une réponse de la Commission.  

([17]) https://ec.europa.eu/transparency/documents-register/detail?ref=COM(2014)177&lang=fr

([18]) https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2015-0294_FR.pdf?redirect

([19]) Directive UE 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, abrogeant la directive 98/83/CE modifiée

([20]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L_202403019  

([21]) Loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution

([22]) https://www.vie-publique.fr/eclairage/24019-chronologie-les-dates-de-la-politique-de-leau    

([23]) Décision n° 2015-470 QPC du 29 mai 2015  

([24]) L’article L.210-1 du code de l’environnement, datant de 1992, a été modifié par la loi n°2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) avant d’être à nouveau modifié par l’ordonnance du 22 décembre 2022

([25]) https://www.conseil-etat.fr/publications-colloques/etudes/etudes-annuelles/l-eau-et-son-droit

([26]) Pour une référence à l’article 3 en cette matière, voir par exemple : décision CEDH 16 juillet 2009 129/3402 Marian Stoicescu c. Roumanie

([27]) Pour une référence à l’article 8, voir : décision CEDH, 4 septembre 2014 42488/02 Dzemyuk c. Ukraine

([28]) Voir, par exemple, les contentieux ayant opposé la Commune de Calais à plusieurs organisations de défense des droits des personnes migrantes : Conseil d’État, juge des référés, 23 novembre 2015, n° 394540 ; Conseil d’État, 6ᵉ ch., 31 juillet 2017, n° 412125   

([29]) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038426762/  

([30]) https://www.eca.europa.eu/Lists/ECADocuments/SR21_12/SR_polluter_pays_principle_FR.pdf

([31]) https://www.eea.europa.eu/en/analysis/publications/europes-state-of-water-2024  

([32]) Article 4 1. a) ii) les États membres protègent, améliorent et restaurent toutes les masses d'eau de surface (…) afin de parvenir à un bon état des eaux de surface au plus tard quinze ans après la date d'entrée en vigueur de la présente directive

([33]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/1287961?sommaire=1912749  

([34]) 0,06 % * 66 millions de Français (2013) = 39 600  

([35]) 0,3 % * 66 millions de Français (2013) = 198 000  

([36]) https://www.fondationpourlelogement.fr/wp-content/uploads/import/sites/default/files/2025-02/ETAT_DU_MAL_LOGEMENT_EN_FRANCE_WEB_2025.pdf

([37]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/0.%20Introduction%20-%20Acc%C3%A8s%20eau%20populations%20non-raccord%C3%A9es.pdf

([38]) https://washdata.org/reports/jmp-2025-wash-households

([39]) https://www.fondationpourlelogement.fr/wp-content/uploads/2025/06/2023syntheseproposition-om-pdf.pdf

([40]) https://www.vie-publique.fr/en-bref/299598-plan-eau-mayotte-2024-2027-garantir-un-acces-durable-leau

([41]) https://www.generations-futures.fr/actualites/dans-mon-eau/rapport-dans-mon-eau-vf/  

([42]) https://www.generations-futures.fr/actualites/dans-mon-eau/  

([43]) Le chlorure de vinyle monomère (CVM) est un gaz organique, incolore à température ambiante. C’est un composé très volatil et faiblement soluble dans l’eau.  

([44]) Les limites de qualité fixées par la réglementation : si ces limites sont dépassées, l’eau est déclarée “non conforme”. Un dépassement d’une limite de qualité indique une dégradation de la qualité de l’eau mais ne signifie pas forcément qu’il y ait un risque sanitaire.

([45]) https://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2715.asp

([46]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0549_proposition-loi#  

([47]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/PDF/?uri=CELEX:52025DC0280  

([48]) Le socle européen des droits sociaux a été adopté le 17 novembre 2017 par le Parlement européen, le Conseil et la Commission. https://commission.europa.eu/system/files/2017-11/social-summit-european-pillar-social-rights-booklet_fr.pdf