N° 2057
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er novembre 2025.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2026
(nos 1907 et 1999)
PAR M. Thibault BAZIN
Rapporteur général, rapporteur pour l’équilibre général, les recettes et la branche maladie, Député
M. Hadrien CLOUET
Rapporteur pour la branche autonomie, Député
Mme Anne BERGANTZ
Rapporteure pour la branche famille, Députée
Mme Sandrine RUNEL
Rapporteure pour la branche vieillesse, Députée
M. Gaëtan DUSSAUSAYE
Rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Député
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TOME I
AVANT-PROPOS ET SYNTHÈSE
Voir les numéros : 1907, 1999, 2049.
SOMMAIRE
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Pages
Avant‑propos de M. hadrien clouet, rapporteur pour la branche autonomie
Avant‑propos de Mme anne bergantz, Rapporteure pour la branche famille
Avant-Propos de Mme SANDRINE RUNEL, rapporteure pour la branche vieillesse
Article 4 Amélioration des capacités juridiques du recouvrement
Article 7 Créer une contribution des organismes complémentaires au titre de l’année 2026
Article 8 Réduction des niches sociales applicables à certains compléments salariaux
Article 9 Rationalisation d’exonérations spécifiques
Article 10 Simplifier la régulation du secteur des médicaments
Article 12 Transferts financiers au sein des administrations de sécurité sociale
Article 13 Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale
Article 17 Approbation de l’annexe pluriannuelle
Article 20 Simplifier et rendre plus efficiente la politique vaccinale
Article 21 Renforcer l’accès aux soins
Article 22 Simplifier et sécuriser le financement des établissements de santé
Article 24 Lutter contre les rentes dans le système de santé
Article 25 Mieux réguler les dépenses dans le secteur des soins dentaires
Article 31 Systématiser l’utilisation de Mon espace santé par les professionnels de santé
Article 32 Lutter contre le gaspillage des produits de santé
Article 33 Améliorer la pénétration des biosimilaires et des génériques en ville
Article 34 Adapter les dispositifs d’accès précoces, d’accès compassionnels et d’accès direct
Article 35 Expérimenter le référencement de médicaments thérapeutiquement équivalents
Article 37 Contribution à la prise en charge du coût de l’accord du 4 juin 2024 par les départements
Article 39 Améliorer la reconnaissance des maladies professionnelles
Article 41 Optimiser le recouvrement des pensions alimentaires
Article 42 Créer un congé supplémentaire de naissance
Article 43 Rationaliser et simplifier le cumul emploi‑retraite
Article 44 Stabiliser le montant des prestations sociales, dont les pensions
Article 45 Réduire les inégalités entre les femmes et les hommes à la retraite
Article 47 Dotations aux opérateurs financés par le sixième sous‑objectif
Article 48 Objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès
Article 51 Objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles
Article 52 Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2026
Article 53 Objectif de dépenses de la branche famille
Article 54 Objectif de dépenses de la branche autonomie
Avant-propos de M. THIBAULT BAZIN,
rapporteur gÉnÉral, RAPPORTEUR pour l’Équilibre gÉnÉral, les recettes et la branche maladie
● L’exercice budgétaire auquel le Parlement se prête cette année est, à bien des égards, exceptionnel.
Exceptionnel sur le plan politique d’abord et avant tout, le renversement du gouvernement de François Bayrou suite au rejet le lundi 8 septembre par les députés d’un vote de confiance sollicité en catastrophe et dans des conditions étonnantes, confondant le but à atteindre et les moyens d’y parvenir, conduisit à la nomination d’un nouveau Premier ministre, dès le lendemain, alors que nous entrions dans la dernière ligne droite de la préparation des textes budgétaires.
S’ensuivirent de longues semaines d’échanges avec les différentes forces politiques en vue de la composition d’un Gouvernement qui, nommé en fin de journée le dimanche 5 octobre, démissionna dès le lundi 6 en tout début de matinée. Aucun Gouvernement de plein exercice n’était donc « aux affaires » le 7 octobre, premier mardi du mois et date limite de dépôt des projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) conformément au cadre organique qui régit les textes budgétaires ([1]).
Il fallut donc attendre une semaine supplémentaire, le mardi 14 octobre 2025, pour que soit finalement déposé le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 qui, de l’aveu même du Gouvernement, constituait une version imparfaite et inaboutie.
● Exceptionnel, le contexte l’est également sur le plan de la procédure parlementaire. D’abord car, lors de sa déclaration faite à l’Assemblée nationale le mardi 14 octobre en application de l’article 50‑1 de la Constitution, le Premier ministre a pris l’engagement de renoncer à l’usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Si l’adoption de textes financiers sans recours à cette arme constitutionnelle est relativement habituelle dans la longue histoire de la Ve République, la configuration politique que connaît l’Assemblée nationale depuis les élections législatives de juin 2022, puis celles de juillet 2024, est telle qu’aucune loi de finances de l’année ou de financement de la sécurité sociale n’a été votée par les députés depuis décembre 2021 ([2]). Le choix de renoncer à cet outil est donc tout sauf anodin et marque indéniablement une rupture dans la méthode.
Ensuite car, fait inédit sur un projet de loi de financement, une lettre rectificative fut déposée par le Premier ministre le jeudi 23 octobre pour y intégrer l’article 45 bis portant décalage du calendrier de report de l’âge de départ à la retraite et du relèvement de la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite au taux plein. Cet article, fruit de négociations entre le Gouvernement et les socialistes dont ont largement été exclues les autres forces politiques, engendrerait des dépenses supplémentaires de 100 millions d’euros en 2026 et de 1,4 milliard d’euros en 2027. Les travaux préparatoires du rapporteur général tendent toutefois à montrer que la facture pourrait s’alourdir de plusieurs centaines de millions d’euros chaque année pour le système de retraite – le coût pour les finances publiques n’ayant à ce stade pas été évalué – selon les arbitrages rendus sur l’intégration des assurés éligibles aux départs anticipés pour carrières longues ou les retraités des régimes de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et de Mayotte. Cinq articles, présents dans la copie initiale, ont quant à eux fait l’objet de rectifications pour tirer les conséquences de cet ajout. Nous y reviendrons.
Il résulte de cette séquence politique que la phase parlementaire d’examen des textes financiers a débuté plus tard que d’ordinaire, qu’elle se déroule dans des conditions particulièrement dégradées et que le délai constitutionnel de cinquante jours entre le dépôt du PLFSS et son adoption par le Parlement a été plusieurs fois repoussé. Les députés n’ont ainsi eu que vingt‑quatre heures pour amender le texte modifié par la lettre rectificative après une première expiration du délai de dépôt, puis deux jours pour préparer le débat en commission. Après quatre jours pleins de discussion, portant sur 988 amendements et ponctués de nombreuses suspensions liées à la discussion concomitante du projet de loi de finances en séance, les travaux se sont achevés vers 23 heures le vendredi 31 octobre, soit dix heures seulement avant l’expiration du délai de dépôt des amendements pour l’examen en séance publique débutant trois jours plus tard.
Alors que de nombreux commentateurs – et même certains acteurs politiques eux‑mêmes – n’ont eu de cesse de dire et de répéter que la France entrait dans le « temps le plus parlementaire de la Ve République », le rapporteur général ne peut donc que constater que rien n’a été fait pour permettre les conditions d’un débat serein, réfléchi et exigeant.
Et pourtant, les travaux menés par la commission sous la conduite du président Frédéric Valletoux ont été d’une grande qualité, d’une bonne tenue intellectuelle, techniquement fouillés et ont permis de dégager plusieurs pistes de compromis à creuser sur certaines dispositions du texte. Le rapporteur général sort donc de cette expérience convaincu que, si le compromis est d’un apprentissage difficile, il n’est pas hors de portée.
● Ce texte justement, que pouvons-nous en dire ? Premièrement, qu’il s’inscrit dans un contexte où la situation financière de la sécurité sociale reste particulièrement alarmante. Le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) s’établirait à 23 milliards d’euros en 2025, en dégradation de 7,7 milliards d’euros par rapport à 2024. Le solde de la branche maladie est à la dérive et semble hors de contrôle : – 17,2 milliards d’euros, en chute de 3,4 milliards d’euros par rapport à l’année écoulée. Celui de la branche vieillesse (– 6,7 milliards d’euros) est également considérable, en particulier au regard du fait que la réforme des retraites de 2023 continue à monter en charge sans toutefois parvenir à compenser la hausse des masses financières des prestations légales. Bien que de moindre ampleur, le retour des déficits des branches accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) et autonomie sont des signaux faibles indiquant une détérioration globale de nos finances sociales. Seule la branche famille resterait excédentaire mais pour des raisons toutefois préoccupantes liées à la baisse de la natalité. En effet, l’indice conjoncturel de fécondité est tombé à 1,62 enfant par femme en 2024, son plus bas niveau depuis trente ans. Cela inquiète fortement le rapporteur général qui tire la sonnette d’alarme depuis de nombreuses années sur ce sujet, étant rappelé que le renouvellement des générations est l’une des conditions de la pérennité de notre système par répartition fondé sur la solidarité intergénérationnelle.
Comme le montre le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale d’octobre 2025 – lui aussi transmis très en retard par rapport à la pratique habituelle, ce que le rapporteur général regrette, tant les informations qu’il contient sont précieuses et éclairantes pour le débat parlementaire –, en l’absence de mesures nouvelles, le solde des Robss poursuivrait sa plongée vers les profondeurs pour atteindre 28,7 milliards d’euros, un montant supérieur à celui observé en 2022 lorsque les mesures liées à la crise sanitaire représentaient 11,7 milliards d’euros.
Le rapporteur général s’inquiète, en outre, de l’effet de cette situation financière dégradée sur les établissements et services financés par la sécurité sociale. En effet, les établissements de santé, les établissements sociaux et médico‑sociaux accueillant des personnes âgées ou handicapées, les services à domicile, ou encore les crèches se trouvent dans une situation budgétaire de plus en plus alarmante, qui se dégrade année après année. Les départements, qui cofinancent avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) les politiques de l’autonomie alertent également sur leurs difficultés grandissantes à assurer leurs compétences obligatoires en matière sociale.
● Le projet de loi de financement est incontestablement ambitieux puisqu’il prévoit 11,1 milliards d’euros de mesures nouvelles dont 9,1 milliards d’euros résultent d’économies, en particulier dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam), et 2 milliards d’euros de recettes nouvelles. Il en ressortirait un déficit de 17,5 milliards d’euros en 2026, en nette amélioration par rapport à 2025.
Ambitieux, ce projet l’est toutefois sûrement trop tant les mesures prévues concentrent de critiques à leur égard. Concernant les recettes, l’article 7 prévoit l’instauration d’une contribution exceptionnelle portant sur les cotisations perçues par les organismes complémentaires d’assurance maladie, sur une assiette rigoureusement identique à celle de la taxe de solidarité additionnelle (TSA). Initialement fixée au taux de 2,05 % pour un rendement estimé à 1 milliard d’euros, la lettre rectificative a rehaussé le taux à 2,25 % afin d’obtenir 100 millions d’euros supplémentaires pour financer la perte d’économie consécutive au décalage de la réforme des retraites, consenti aux socialistes.
L’article 6 gèle les seuils de revenu fiscal de référence pris en compte pour l’application du barème de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les pensions de retraite et d’invalidité et les allocations de chômage (290 millions d’euros), disposition miroir dans le champ social de l’absence d’indexation du barème de l’impôt sur le revenu dans le projet de loi de finances, laquelle a été corrigée en séance publique à l’initiative d’un amendement du groupe Droite Républicaine afin de diminuer la pression fiscale.
L’article 8 réduit les niches sociales applicables à certains compléments de salaire en les assujettissant au forfait social au taux de 8 % : titres‑restaurant, chèques‑vacances, chèques emploi‑service universels préfinancés, contributions des employeurs au financement des activités culturelles et sociales (950 millions d’euros). Il prévoit la création d’un nouveau taux de forfait social de 40 % et l’applique aux indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite, dans un objectif d’économie et de lutte contre les abus en matière de recours à ces modes d’interruption du contrat de travail, en lieu et place de la contribution patronale spécifique prélevée sur lesdites indemnités au taux de 30 % (260 millions d’euros). L’article 9 procède à une rationalisation de plusieurs exonérations ciblées (pour une économie totale de 970 millions d’euros en 2025), dont le dispositif dit « Lodeom » applicable en outre-mer et l’exonération de cotisations salariales portant sur la rémunération des apprentis.
Du côté des dépenses, la principale mesure d’économie faisant l’objet d’un article et ne renvoyant pas à des dispositions réglementaires ou conventionnelles est le gel des prestations sociales et des pensions de retraite pour l’année 2026 (article 44), lequel induirait des économies de 3,6 milliards d’euros sur l’ensemble des administrations publiques, dont 2,5 milliards pour les seuls Robss.
S’ajoute à ce gel une trajectoire pluriannuelle de freinage des pensions de vieillesse qui n’est qu’un autre nom pour parler de sous‑revalorisation. Tandis que le projet de loi de financement initial prévoyait une sous‑indexation de 0,4 point par rapport à l’inflation entre 2027 et 2030, la lettre rectificative a considérablement rehaussé cette sous‑indexation pour l’année 2027, à hauteur de 0,9 point, afin de dégager des économies de 1,5 milliard d’euros permettant de compenser, là encore, le coût du décalage de la réforme des retraites pour l’exercice 2027.
Les mesures portant sur l’Ondam (entre 6 et 7 milliards d’euros d’économies) relèvent pour la plupart d’actions de maîtrise médicalisée des dépenses ou de dispositions réglementaires, au premier rang desquelles se trouve l’augmentation des franchises et participations des assurés à leurs frais de santé (2,3 milliards d’euros d’économie). Au total, le taux de progression de l’Ondam serait ramené à 1,6 % en 2026, un objectif plus que volontariste au regard de son évolution spontanée estimée à 4,5 %. Le secteur des soins de ville, et en particulier les assurés, serait le principal contributeur à cet effort (75 %) puisque le sous‑objectif y afférent n’augmenterait que de 0,9 %. Les détails de ces évolutions sont abordés au commentaire de l’article 49.
Ces « irritants » – ainsi que le monde politique a pris coutume de les désigner depuis trois ans – ont pour la plupart été supprimés ou rejetés par la commission. Si cela montre une majorité d’opposition aux mesures proposées par le Gouvernement, à laquelle le rapporteur général s’est associé à plusieurs reprises – sur la contribution sur les complémentaires, la suppression des niches sociales sur les compléments de salaire ou le gel des prestations sociales pour ne citer que ces quelques exemples –, la commission ne s’est pas contentée de supprimer ou de rejeter les dispositions du texte initial. Elle a également adopté plusieurs mesures en recettes et en dépenses, toutes ne recueillant pas, il est vrai, le soutien du rapporteur général. Il en va ainsi de la hausse de 1,4 point de la CSG sur les revenus du capital (dont les plans d’épargne logement et les plans d’épargne populaire) ou des nombreuses taxes comportementales au rendement financier non mesurable – faute soit d’assiette claire, soit de taux précis – et aux effets plus qu’incertains sur les pratiques qu’elles visent à réduire.
Des consensus utiles ont toutefois été dégagés sur des sujets aussi importants que la compensation intégrale des exonérations ciblées de cotisations sociales par l’État (sur proposition du rapporteur général). Le rapporteur général se félicite également de plusieurs mesures adoptées à son initiative : le principe d’une expérimentation du versement des prestations non contributives, hors prestations familiales, suivant un « revenu social de référence » à définir, jalon supplémentaire dans les réflexions préalables à la mise en place d’une allocation sociale unique ; la possibilité de prendre le nouveau congé supplémentaire de naissance à temps partiel, afin d’accroître la flexibilité pour les familles et donc l’intérêt même de cette nouvelle prestation attendue depuis de nombreuses années (article 42) ; l’encadrement des prescriptions de renouvellement des arrêts de travail par télémédecine ; la création d’une sanction pour violation par les grossistes‑répartiteurs de l’interdiction d’exportation des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur en risque de rupture comme mesure de souveraineté sanitaire ou encore l’ouverture des exonérations de cotisations applicables aux jeunes agriculteurs aux conjoints collaborateurs s’engageant à poursuivre une activité d’exploitant agricole.
Comme cela devient la norme depuis plusieurs années, le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été rejeté en commission, suite à la suppression de l’article liminaire puis aux rejets successifs des première, deuxième et troisième parties. Si le texte avait toutefois été adopté, il en aurait résulté un solde dégradé de plusieurs milliards d’euros par rapport à la version initiale du Gouvernement, autour de 22 à 25 milliards d’euros selon les hypothèses. Force est donc de reconnaître que la commission n’a pas été en mesure de compenser intégralement l’effet financier de ses votes de suppression et de rejet par davantage de recettes ou d’économies – cette seconde hypothèse convenant naturellement mieux au rapporteur général que la première.
● Cette difficulté à réunir les conditions d’un redressement financier de la sécurité sociale est un point d’alerte sur lequel le rapporteur général souhaite insister lourdement. Si la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) poursuit avec efficacité l’apurement de la dette qui lui a été confiée par le législateur dans un cadre organique strict (137,9 milliards d’euros restant à amortir au 31 décembre 2024), les déficits ne cessent de s’accumuler dans les comptes de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
L’article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe comme chaque année le plafond de recours par l’Acoss à des ressources permanentes. Pour l’exercice 2026, ce plafond serait de 83 milliards d’euros, un niveau jamais égalé hors période de crise. Lors de son audition, le directeur de l’Acoss a alerté le rapporteur général sur les faibles marges de manœuvre qu’un tel montant lui laissait pour assurer sa mission essentielle de financement de la trésorerie des régimes de base alors même que les articles 10 et 11, en réformant la régulation du secteur des médicaments et en instaurant un mécanisme de versement anticipé des remises, sont susceptibles d’apporter une facilité de trésorerie de près de 9 milliards d’euros : si ce flux de trésorerie ne vaudra par construction qu’un an, il semble déraisonnable aux yeux du rapporteur général de renoncer à une mesure qu’il avait lui-même suggérée lors des débats sur le précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Sans mesures fortes et réformes structurelles, la sécurité sociale continuera sa dérive, ballottée tel un paquebot entre les courants contraires de la hausse des besoins liés au vieillissement de la population et la chronicisation des maladies d’une part et de l’épuisement de ses ressources lié à un taux d’emploi qui peine à retrouver sa dynamique et une natalité en berne d’autre part. À force d’années d’attentisme faites d’ajustements paramétriques et de rabots indifférenciés, notre système social semble s’être figé dans une immobilité flaubertienne, une lente somnolence et une résignation silencieuse face à la dégradation des équilibres.
Alors que nous célébrons les quatre‑vingts ans de la sécurité sociale, il ne suffit plus d’admirer la « cathédrale », il faut en restaurer les pierres.
Pour cela, un changement profond de paradigme est nécessaire. La gestion à l’année a des vertus mais elle doit s’accompagner d’un pilotage pluriannuel que le cadre organique actuel ne permet pas de définir et encore moins de faire respecter. En outre, le domaine actuel des lois de financement de la sécurité sociale comporte plusieurs limites que chacun peut mesurer lors des débats : la seule manière d’augmenter les recettes est de prévoir des taxes, cotisations, contributions ou redevances supplémentaires. Cela focalise donc les discussions sur la création de nouveaux prélèvements dans un pays qui, rappelons-le, détient déjà le record du taux de prélèvements obligatoires par rapport à sa richesse nationale (43,6 % en 2025). Pourtant, le rapporteur général est persuadé que c’est par le taux d’emploi et la revalorisation du travail que viendra la solution. Il regrette profondément que la marge de manœuvre du législateur financier social soit à ce point limitée.
De même, la lutte contre la fraude qui, outre son caractère vertueux pour les finances sociales, est un élément clef de l’adhésion de nos concitoyens à notre modèle de protection sociale, se heurte encore trop souvent au périmètre étroit du domaine des lois de financement. Si le rapporteur général se réjouit de la discussion prochaine du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, il suggère qu’une réflexion soit menée sur un assouplissement du cadre organique des lois de financement afin que les mesures relatives à la lutte contre la fraude puissent davantage y trouver leur place.
Le rapporteur général conclura son avant‑propos en formant le vœu que la discussion budgétaire puisse aller à son terme et en espérant que le Parlement saura faire les compromis nécessaires pour doter la France d’un budget, condition sine qua non de la stabilité économique et sociale sans laquelle notre pays risquerait de décrocher dans un environnement international de plus en plus instable.
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Avant‑propos de M. hadrien clouet,
rapporteur pour la branche autonomie
L’absence de financements et de vision politique font de la branche autonomie une coquille vide
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) coïncide avec le quatre-vingtième anniversaire des ordonnances de création de la sécurité sociale, dont il constitue pourtant l’exact opposé. Les projets technocratiques et comptables ont balayé cette formidable institution populaire sous contrôle ouvrier. Les projections étatiques enserrent désormais le champ des possibles. La gestion élective exercée par les assurés eux-mêmes, à travers l’affectation de leur argent à une réponse à leurs besoins est désormais tout aussi limitée. Exit la caisse unique interprofessionnelle, nous discutons désormais de « branches » et de « régimes » aux comptes séparés. L’ambition d’un gouvernement par les besoins s’est transformée en une simple gestion par les dépenses.
La branche autonomie incarne l’ensemble des critiques du fonctionnement actuel de la sécurité sociale. Son financement ne résulte plus seulement des cotisations sociales mais d’outils fiscaux, à l’image de la contribution sociale généralisée ou de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie. C’est la fin de la gestion par les assurés eux-mêmes : l’État peut prendre l’ensemble des décisions, pertinentes ou non, sans forcément prendre en compte l’avis des premiers concernés. Le conseil d’administration de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) se contente d’approuver des comptes et de rendre un avis consultatif sur les orientations générales.
À ce titre, nous interrogeons le véhicule budgétaire lui-même : depuis 1996, le PLFSS participe à l’extinction de la démocratie sociale en réduisant le rôle des conseils d’administration à celui de commentateur des actions gouvernementales. A fortiori dans une séquence politique où le Gouvernement proposant ce « budget » est illégitime à triple titre : issu du camp politique qui a perdu les élections législatives, il reconduit des projets rejetés par trois fois par la représentation nationale, et renouvelle les postes de ministres déchus par le Parlement.
Ainsi, le PLFSS que nous examinons porte exactement les orientations politiques désavouées par le peuple, qui a majoritairement exprimé sa soif de justice sociale aux dernières élections. Conscient du rejet qu’il provoque, le Gouvernement s’efforce néanmoins de réduire au maximum la transparence des opérations politiques. Les entraves sont légion : délais de dépôt des amendements accélérés, incertitudes maximales sur le contenu même du texte et sur son évolution, communication tardive puis hâtive des documents nécessaires à la bonne information du Parlement. Les parlementaires sont contraints de réduire les auditions et les débats à leur portion congrue, dans des conditions évidemment dégradées. En conséquence, le Parlement est menotté par l’usage de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ou désormais par des menaces d’ordonnances – comme si, finalement, il ne rendait qu’un avis purement consultatif, au même titre que les conseils d’administration des caisses de la sécurité sociale.
Malgré ces contraintes, nous avons non seulement conduit des auditions grâce à la célérité de l’administration parlementaire, mais aussi procédé à un large appel à témoignages. Usagers, salariés et familles ont massivement répondu, afin de contribuer à cet avant-propos en l’inscrivant dans l’expérience ordinaire des premières et des premiers concernés. Tous dénoncent, en premier lieu, un manque de ressources financières déjà pressant, qui sera aggravé par les mesures austéritaires que contient ce PLFSS. La majorité d’entre eux craignent le gel de l’allocation aux adultes handicapés (AAH, prévue dans le projet de loi de finances) et le doublement des franchises médicales, alors que leurs revenus actuels sont déjà insuffisants pour faire face à leurs besoins, tant le reste à charge est important. D’autres déclarent qu’ils seront contraints à renoncer à des soins et à des rendez‑vous médicaux. Les salariés du secteur médico-social nous alertent sur leurs salaires trop faibles, les problématiques de sous‑effectifs constants qui dégradent leurs conditions de travail, entraînent parfois des arrêts maladie, et portent atteinte, in fine, à la qualité des soins dispensés. Ils et elles dénoncent l’« ubérisation » de leurs professions, avec le recours de certains établissements à la plateforme Hublo qui recrute des personnes non diplômées ou insuffisamment formées. Certains évoquent une perte de sens, due au manque de moyens financiers et humains qui met leur travail à mal. Tous déplorent le regroupement des petites structures au sein de grands groupes vautours, qui organisent des fusions avec pour seul but de générer des profits, au détriment de la qualité d’accompagnement des patients.
Un budget est le squelette d’une Nation, et ce PLFSS pour 2026 est l’expression chimiquement pure d’une ligne politique libérale-conservatrice battue dans les urnes. Les coupes budgétaires d’un montant exorbitant marquent une austérité accrue. Celle-ci sera aux frais des salariés (année blanche sur les compléments de revenu), des retraités (année blanche puis sous-indexation des pensions), des allocataires (année blanche sur les prestations universelles), des personnes en situation de handicap (baisse de la prestation de compensation du handicap en cas d’indemnisation suite à un accident ou une agression), des familles nombreuses (année blanche sur les allocations familiales), des apprentis (assujettis à de nouvelles cotisations salariales), des mères (privées de rendez-vous médical obligatoire de reprise d’emploi à la suite d’une grossesse), des malades (taxés par le biais des franchises médicales, des participations forfaitaires et de la fiscalisation des affections de longue durée).
L’austérité est un choix politique, qui consiste à réduire les dépenses utiles à la population plutôt que de lever de nouvelles recettes, au risque d’orchestrer délibérément un déficit public. Premièrement, par un effet d’effort : le refus d’assujettir les revenus, bénéfices et patrimoines les plus élevés à l’impôt, ou bien de soumettre à cotisations sociales les plus hauts salaires au-dessus du plafond ridiculement bas de la sécurité sociale ou les dividendes, instaure une contribution régressive. Deuxièmement, par un effet d’assiette : les exonérations de cotisations sociales et l’exemption d’assiette de nombreux revenus (primes, participations, intéressement...) créent des niches sociales au détriment direct des ayants droit de la sécurité sociale. Troisièmement, par un effet de décoordination : l’attribution de subventions, aides et cofinancements publics sans conditions d’indexation salariale ou de redistribution interne des revenus prive la sécurité sociale de recettes, à défaut de progression de la masse salariale.
Le sous-financement de la branche autonomie traduit une volonté politique de maintien des populations dans la dépendance, d’autant plus que les ayants droit de cette branche figureront parmi les premières victimes des déremboursements et de la désocialisation des risques. En effet, la branche autonomie s’adresse, par définition, à celles et ceux qui éprouvent la plus vive difficulté à faire valoir leurs droits en raison d’entraves à leur mobilité, à leur connexion numérique, à leur compréhension des documents, à leur gestion administrative personnelle. Elle n’est pas le supplément d’âme de certaines prestations, mais la condition d’émancipation individuelle et collective de millions d’individus.
Son déficit apparaît d’ailleurs largement planifié, résultat d’une action délibérée. Le solde de la branche s’élève à – 1,7 milliard d’euros cette année, contre – 0,3 milliard d’euros en 2025. La situation s’aggrave, après plusieurs années de sous-financement systématique. Si la branche fut créée en situation d’équilibre financier, les recettes ont été gelées de 2022 à 2024, avant de connaître un sursaut en 2024, puis de nouveau un gel total depuis deux ans. Sur la période d’ensemble, les recettes ont crû de 27 %, tandis que les dépenses progressaient de 33 %.
Évolution des recettes et des dÉpenses et du solde de la branche autonomie depuis sa crÉation
(en milliards d’euros)
Source : commission des affaires sociales.
Aucune ressource nouvelle, aucune contribution additionnelle n’a donc été allouée à la branche, en dépit de la hausse constante et régulière des dépenses – qui restent pourtant encore insuffisantes. Dit autrement, les besoins ont progressé sans que la sécurité sociale ne reçoive les moyens d’y répondre. Le bilan est connu : les maisons départementales des personnes handicapées, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes et plus généralement les établissements et services sociaux et médico-sociaux souffrent d’un sous‑financement chronique et d’une même pénurie de moyens. Le personnel manque, leurs salaires sont gelés, les conditions de travail se dégradent, la formation est insuffisante, et la qualité de l’accueil et de l’accompagnement s’effondre.
Pour ne pas reconnaître les défaillances de la puissance publique, la rhétorique réactionnaire invente des défaillances individuelles : il convient de suppléer aux faiblesses des individus concernés par le manque d’autonomie. En réalité, c’est tout l’inverse : l’autonomie est un phénomène social, qui résulte de l’adaptation d’une société à ses membres et qui profite à l’ensemble de la population. L’invention de l’ascenseur, par exemple, a élargi le champ de l’autonomie personnelle dans le logement au cours du siècle sans que l’on ne fournisse d’aide individuelle à ceux qui l’empruntent ! Partir du point de vue des personnes dites en manque d’autonomie répond toujours à l’intérêt général.
Réciproquement, la dépendance n’est autre que le produit de politiques publiques de mise en dépendance. On observe plusieurs mesures de cet ordre dans le débat budgétaire qui nous occupe : réduction de l’AAH en fonction d’autres entrées monétaires, refus du caractère professionnel de l’AAH pour exclure toute prime d’activité, réforme des ALD afin de fiscaliser leur perception, alors que les personnes en situation de handicap font déjà face à plus de 1 500 euros de restes à charge en moyenne
Les personnes concernées ne sont pas à charge de la société, comme voudraient l’accréditer certains penseurs eugénistes, pseudo-darwinistes sociaux ou idéologues producéristes. Les anciens, au contraire, sont indispensables à la société capitaliste, puisqu’ils assurent une partie du travail nécessaire à la reproduction sociale. Ils sont présents à chaque étape de la vie : garde d’enfants, soutien scolaire, présence dans les immeubles collectifs, actions dans des associations... Ils créent du lien social et unissent les générations, quand les exigences productivistes empêchent la majorité de la population d’être disponible pour les autres. Et ces activités constituent un rempart à la perte d’autonomie. Loin de représenter un passage de l’activité à la passivité, le départ à la retraite permet l’exercice d’un ensemble d’activités non lucratives, sans valeur au titre de l’accumulation capitaliste, mais d’une valeur sociale cruciale. Désormais, un tiers des présidentes et présidents d’associations est âgé de plus 65 ans. Le processus historique de réduction de l’âge de départ à la retraite, culminant en 1981, a ainsi libéré des forces immenses dans le pays pour le travail socialement utile en association, que contrarient les réformes en sens inverse, notamment celle de 2023 sur le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite. De façon semblable, les politiques libérales de mise au travail inconditionnelle des demandeurs d’emploi, y compris via un déménagement ou une migration pendulaire, rompent l’étroitesse des solidarités familiales et intergénérationnelles, provoquant les pires difficultés pour les jeunes et la pire solitude pour les anciens.
Les personnes en situation de handicap sont elles aussi victimes de l’accumulation capitaliste par deux extrémités : la discrimination initiale et l’acquisition d’une vulnérabilité. Pour les personnes marquées par le stigmate de handicap au plus jeune âge, l’accès à l’éducation et aux qualifications relève du parcours du combattant dès la formation initiale. Le cumul d’inégalités dès les premières années de vie jusqu’à l’éventuel diplôme concerne les deux tiers des travailleurs handicapés en emploi ouvrier ou employé, qui perçoivent en conséquence des salaires bien inférieurs à la moyenne nationale. Ils constituent une main-d’œuvre non seulement sous-payée, mais censée être reconnaissante d’accéder à l’emploi et cantonnée au rôle d’armée de réserve au titre de sa double exposition au chômage ! Elle rejoint alors le parcours des personnes dont le travail lui‑même a provoqué une situation de handicap, gelant leur carrière suite à un accident ou une maladie professionnelle. Pire encore, les personnes en situation de handicap sont victimes de politiques qui les maintiennent dans la précarité, comme en témoignent le faible montant de l’AAH (20 % inférieur au seuil de pauvreté) et les règles qui régissent son calcul (qui font baisser l’allocation dès perception de tout autre revenu).
Dans les deux situations, l’autonomie est prise en charge grâce à l’absorption, par le régime socialisé de la sécurité sociale, de discriminations initiales ou d’un risque laborieux, qui plaident à plus forte raison pour des recettes accrues, dès lors que le handicap apparaît fonctionnel en régime capitaliste. L’âge et le handicap sont des prétextes pour absorber les faux frais de l’accumulation capitaliste, par la négation du travail gratuit qu’ils apportent à la société française.
Mais le travail gratuit des uns est toujours la fondation du profit des autres, comme en témoigne le développement rigoureusement inverse vers la mise en marché générale, dans la foulée de l’échec de la loi de 2005 sur le handicap et de l’absence de tout plan reflétant une vision politique sur le grand âge. Prestations individuelles d’accompagnement, sociétés privées d’aide à la personne, établissements lucratifs de prise en charge, achat libre de dispositifs d’aide... En réalité, le marché de l’autonomie permet à la bourgeoisie de récupérer ce qu’elle a concédé, sous pression populaire et sociale, avec les régimes d’assurance vieillesse et d’assurance maladie. Qu’on fasse le calcul : l’employeur d’un salarié rémunéré au Smic verse 184 640 euros de cotisations vieillesse au cours de quarante ans de carrière, laquelle somme est récupérée en cinq ans et demi de tarification d’une chambre d’Ehpad !
En outre, la pyramide de l’aide personnelle repose mécaniquement sur des écarts de revenus marquants. En effet, il est nécessaire que l’heure travaillée de celui qui paie pour l’individu en perte d’autonomie soit mieux rémunérée que l’heure travaillée de celui qui se porte au chevet de l’individu en perte d’autonomie, pour que soit sous-traité le temps nécessaire. Là aussi, seule la collectivisation et la planification permettent les économies d’échelle nécessaires pour payer dignement les salariés du secteur sans prendre à la gorge les bénéficiaires.
Finalement, la spéculation fait rage autour de l’autonomie. Nombre d’établissements pratiquent les tarifs les plus élevés possible auprès de la population résidente. À cette fin, ils réalisent des ententes sur les prix à haut niveau, doublées d’un chantage auprès de familles dépourvues des facultés de prendre en charge elles-mêmes les proches. Les salariés y gagnent-ils ? Pas du tout, car les versements de dividendes et la concentration économique vont croissant. Ainsi, dans le secteur du grand âge, cinq groupes (Emeis, DomusVi, Domidep, Colisée et Clariane) se répartissent à eux seuls 60 % des places du secteur privé commercial, soit 15 % de l’ensemble des places d’Ehpad. Quant aux individus accompagnés à domicile, ils ne sont pas épargnés, puisque de manière indirecte, la spéculation immobilière d’un bâti peu adapté et mal isolé repousse incessamment les populations vulnérables vers la périphérie. Là, elles subissent la double peine d’un manque de mobilités ou de zones à faibles émissions (ZFE) qui viennent les couper de leurs espaces de vie habituels ou historiques.
Pour toutes ces raisons, un marché de l’autonomie est structurellement impossible. Le public concerné est, par définition, empêché d’y agir économiquement. La consultation des prix, la comparaison des devis, la négociation des tarifs, le choix de consommer ou non les prestations, ne sont pas des options accessibles aux usagers. Ceux-ci ne sont pas libres d’entrer ou sortir du marché, ils doivent s’y inscrire pour vivre. Et la variable d’ajustement est la vie elle-même des personnes prises en charge, parfois drastiquement raccourcie par les institutions lucratives qui extorquent le maximum de plus-value en opérant une double dégradation des facultés physiques et cognitives des résidents (privés de sociabilité intergénérationnelle, abrutis par des activités de masse sans intérêt pour eux, positionnés les uns à côté des autres comme si la coprésence suscitait de l’interaction, entassés dans de véritables mouroirs où le goût de la vie disparaît en quelques semaines). La vie des anciens et des personnes en situation de handicap est une pure marchandise, sujette à un calcul coût (de leur encadrement, de leur entretien et de leur bonheur) contre bénéfice (prix de journée, tarif des activités, surcharge des locaux). D’où la contradiction centrale : les mécanismes marchands sont impossibles car aucun usager ne peut négocier ni sa condition, ni les prix, alors que le service est indispensable. Il s’agit d’un droit fondamental que seule la solution collectiviste peut garantir.
La perte d’autonomie n’est jamais un phénomène naturel, mais un choix collectif : quelles populations sont exclues de l’ordre social ? Ce PLFSS maintient clairement l’exclusion des anciens et des personnes en situation de handicap. Pire, il renforce leur sujétion. Aucune disposition de ce PLFSS n’ouvre de droit nouveau aux personnes âgées ou en situation de handicap – on ne fait même plus semblant. Il s’agit uniquement de réorganisations comptables et de saisies sur le revenu des usagers.
L’article 36 met en œuvre la réforme Serafin-PH du financement des établissements et services médico-sociaux pour personnes handicapées. Derrière l’argumentaire de l’exécutif sur une clarification, une simplification et une harmonisation des prix, deux éléments demeurent très inquiétants. La réforme est envisagée à coûts quasi constants, ce qui engendrera une perte financière pour certains établissements par rapport aux dotations historiques, et donc un report de charge sur le public accueilli. Le second est l’objectif de transformation des pratiques d’accompagnement elles-mêmes, reprenant les schémas cognitivistes anglo-saxons fondés sur le symptôme plutôt que sur l’histoire globale du patient. Ses besoins seraient intégrés à une nomenclature limitée de prestations internes ou externes, mettant en concurrence les établissements et les prestataires pour le moins cher, au risque du moins-disant. Et ce, à plus forte raison que la grille de tarification ressort du domaine réglementaire, à la discrétion absolue du ministre de la santé du moment.
L’article 37 assure quant à lui une compensation incomplète, partielle et tardive des engagements du Ségur. La CNSA verse en effet 50 % des frais occasionnés par les revalorisations légales de (seulement) certains professionnels sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Ce faisant, il acte un reste à charge de 50 % pour les départements, qui s’ajoute aux baisses de leurs dotations. La conséquence : paralyser l’action publique des collectivités, parfois contraintes de devoir procéder à des gels de recrutements ou à une dégradation des conditions d’accueil pour absorber les surcoûts. Le devoir de l’État est de couvrir intégralement les hausses de salaire qu’il a décidées ou acceptées, d’en assurer l’indemnisation rétroactive au 1er janvier 2024, comme le prévoit l’accord du 4 juin 2024 et, évidemment, d’élargir son bénéfice à l’ensemble de ceux et celles qui font vivre les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, en incluant les personnels administratifs et techniques. Comment comprendre que les responsables de la prise de rendez-vous soient écartés de la revalorisation prévue, à juste titre, pour celui ou celle qui accueille et accompagne le même usager ?
L’article 38, lui, retourne totalement le devoir public envers les personnes vulnérables, pour instaurer un devoir des personnes vulnérables envers la puissance publique ! Il introduit une récupération des indemnités perçues en réparation d’un dommage corporel résultant d’un accident ou d’une agression sur les montants d’APA ou de PCH. Il s’agit d’une économie de bout de chandelle injustifiable, qui réduit délibérément le revenu des ménages les plus fragiles. Sur le plan moral du droit, cette mesure mêle incompréhensiblement les indemnités visant la réparation d’un dommage et les prestations visant à compenser un manque. Généraliser une telle disposition est d’autant plus cynique que les départements peuvent d’ores et déjà tenir compte des travaux réalisés par une personne handicapée pour aménager son véhicule et son logement, afin de les exclure du plan d’aide ou d’accompagnement. Sur le plan pratique, il incombera aux concernés... de déclarer aux services départementaux les indemnités perçues au titre de la réparation d’un dommage, rajoutant des opérations administratives pour une population déjà confrontée à des obstacles bureaucratiques majeurs.
En absence de vision politique et de moyens nécessaires pour faire face aux besoins, la branche autonomie n’est qu’une coquille vide. La politique de l’autonomie doit favoriser l’émancipation des publics, et non l’organisation de leur dépendance.
Vingt ans après la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, force est de constater l’échec des politiques mises en œuvre dans le champ du handicap : accessibilité plus que partielle, aides à l’autonomie insuffisantes, obstacles persistants à l’éducation et à la formation, déconsidération des proches aidants... Surtout, aucun des objectifs fixés par la loi de 2005 ne saurait être satisfait sans allouer les moyens nécessaires à leur réalisation. Ainsi, lever les obstacles à l’autonomie des personnes en situation de handicap nécessite la mise en place de politiques publiques d’ampleur et l’allocation de moyens conséquents. D’abord, assurer l’autonomie financière des personnes en situation de handicap en revalorisant l’AAH au niveau du SMIC, en permettant la prise en charge par la sécurité sociale de l’ensemble des dispositifs médicaux nécessaires à la vie quotidienne et en garantissant le financement pérenne de l’insertion professionnelle. Ensuite, assurer l’accessibilité pour toutes et tous nécessite la mise en place de mesures coercitives (en témoigne l’échec de la loi de 2005), notamment imposer 100 % de logements accessibles dans les constructions neuves, permettre aux préfets de se substituer aux maires pour fermer les bâtiments privés qui ne respectent pas la loi, et imposer les travaux nécessaires à la mise en accessibilité des transports. Enfin, faire de l’école pour tous une réalité, en créant un corps de fonctionnaires pour les AESH qui permettra un grand plan de recrutement et le renforcement des capacités d’accueil, développer les supports pédagogiques adaptés aux particularités des élèves (enseignement bilingue en LSF, apprentissage du braille, communication alternative et augmentée...).
Chacun a le droit de bien vieillir. Garantir des conditions de vieillesse dignes est un enjeu de civilisation humaine, faire face collectivement à la perte d’autonomie individuelle en abandonnant la politique actuelle de maintien dans la dépendance. Pire, notre modèle actuel de maltraitance institutionnelle fait des personnes âgées en perte d’autonomie une marchandise victime de spéculations capitalistes. Il est grand temps de rompre avec l’ostracisation de nos anciens, en permettant à chacun de choisir où et comment passer leurs dernières années de vie. Ici encore, il est nécessaire de garantir l’autonomie financière des personnes âgées en portant le minimum contributif au niveau du SMIC pour revaloriser les petites pensions et indexer les retraites sur les salaires. Développons un réseau public de maisons de retraite aux tarifs harmonisés et accessibles, avec un grand plan de recrutement de personnels soignants afin de respecter un ratio minimal d’encadrement au chevet des résidents. Pour garantir un accompagnement de qualité et aider ceux qui le souhaitent à rester à domicile, revalorisons les revenus de tous les métiers du soin et du grand âge. Enfin, mettons un terme au marché de la vieillesse en collectivisant les Ehpad privés à but lucratif pour les confier à des associations ou des coopératives.
Une autre politique de l’autonomie est possible : l’option collectiviste contre la cruauté marchande.
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Avant‑propos de Mme anne bergantz,
Rapporteure pour la branche famille
La branche famille de la sécurité sociale constitue l’un des piliers historiques de notre modèle social. En finançant, ou cofinançant, la politique familiale française, elle contribue de manière importante à la cohésion sociale dans notre pays, en compensant la charge de l’enfant dans le foyer, en luttant contre la pauvreté, en favorisant la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle et en œuvrant pour l’égalité entre les hommes et les femmes.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 prévoit 60,1 milliards d’euros de recettes et 59,4 milliards d’euros de dépenses pour la branche famille, soit un solde positif de 0,7 milliard d’euros. La rapporteure thématique note cette situation budgétaire favorable, qui devrait se poursuivre dans les années à venir. En 2027 la branche famille renouerait avec d’importants excédents, qui dépasseraient les 2 milliards.
Néanmoins, la rapporteure thématique souligne que la branche famille de la sécurité sociale est confrontée à d’importants défis. La transition démographique que connaît notre pays, qui se traduit par un vieillissement de la population et une baisse de la natalité, appelle les pouvoirs publics à repenser la solidarité entre les branches de la sécurité sociale d’une part, et les leviers de la politique familiale d’autre part. L’évolution des attentes des familles, ainsi que les nouvelles formes de parentalité, invitent également à une transformation des dispositifs de soutien aux familles financés par la branche.
Au regard de ces défis, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 pose les premiers jalons d’une refondation de notre politique familiale, à travers, notamment, la création d’un congé supplémentaire de naissance. La rapporteure thématique se félicite de cette mesure très attendue par les jeunes parents. Dans la continuité de cette démarche, elle invite les pouvoirs publics à engager une réflexion collective de long terme sur l’avenir de la politique familiale, en commençant par notre système d’allocations familiales, devenu peu lisible par la juxtaposition de prestations soumises à des critères multiples (rang, nombre d’enfants, plafond de revenus, structure de la famille).
La baisse de la natalité, qui s’est accélérée depuis le début des années 2020, à l’exception de l’année 2021, contribue très fortement à limiter la progression des dépenses de la branche famille. En parallèle, celle-ci bénéficie de recettes relativement dynamiques, en particulier la taxe sur les salaires. Dès lors, ses recettes progressant plus rapidement que ses dépenses, la branche famille connaît une situation excédentaire qui s’installe dans la durée. La trajectoire présentée dans le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale 2026 intègre d’ores et déjà les transferts de recettes de la branche famille vers les autres branches, à hauteur de 5,7 milliards d’euros en 2026. Ainsi, la branche famille demeurera excédentaire tout en contribuant à la réduction du déficit global de la sécurité sociale.
La rapporteure thématique estime que cette situation est satisfaisante à deux égards :
– dans un objectif de bonne gestion des ressources de la sécurité sociale et de réduction des déficits publics, il est tout à fait opportun d’organiser la solidarité entre les branches de la sécurité sociale par des transferts de recettes ;
– en parallèle, ces transferts de recettes n’empêchent pas la progression des excédents de la branche famille, de sorte que des réformes structurelles de la politique familiale peuvent être envisagées grâce à ces marges de manœuvre budgétaires préservées.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 amorce une réflexion collective sur le sens et le contenu de la politique familiale française, à travers deux grands chantiers qu’il conviendra de poursuivre.
● En premier lieu, la création d’un congé supplémentaire de naissance s’inscrit dans une réflexion plus large sur la réforme de l’écosystème des congés familiaux français – congés de maternité, de paternité ou d’adoption et congé parental d’éducation.
Par rapport à d’autres pays européens, la France se caractérise par : un congé de maternité relativement court, mais bien rémunéré ; un congé de paternité récemment allongé, dont il convient d’améliorer le taux de recours ; et enfin, un congé parental d’éducation long, mais faiblement indemnisé. En outre, l’écosystème des congés familiaux, en France comme à l’étranger, ne peut pas être étudié indépendamment de l’offre d’accueil disponible pour les jeunes : la France bénéficie ainsi d’une offre d’accueil formel du jeune enfant répartie entre les assistantes maternelles, historiquement très nombreuses, et les crèches, dont le nombre a connu une progression soutenue au cours des vingt dernières années.
Cet équilibre est néanmoins remis en cause aujourd’hui. La démographie des assistantes maternelles est en effet très défavorable au maintien des places d’accueil, en raison des nombreux départs à la retraite qui interviendront d’ici 2030, sans être compensés par l’installation de nouvelles professionnelles. En outre, le secteur des crèches connaît des difficultés structurelles en termes de financement et de recrutement, qui conduisent à des destructions nettes de places. Le développement des connaissances scientifiques sur le jeune enfant, mises en avant dans le cadre de la commission des 1000 premiers jours, invite également à mettre l’accent sur la garde parentale les premiers mois de vie, voire jusqu’à l’âge d’un an, les jeunes enfants ayant besoin d’un nombre restreint de figures d’attachement, avant la phase de socialisation. Enfin, les attentes des familles ont également évolué : si les jeunes parents, et notamment les mères, expriment le souhait de reprendre un travail à temps plein après la naissance de leurs enfants, ils regrettent souvent la courte durée des congés de maternité et de paternité. Les enjeux relatifs à l’égalité des femmes et des hommes, à la fois dans la sphère domestique et dans la sphère professionnelle, témoignent de la nécessité d’inciter les pères à plus s’impliquer auprès de leurs enfants, et ce dès le plus jeune âge, afin de leur éviter d’investir le rôle de « parent auxiliaire », au détriment de la mère à qui il incomberait l’essentiel du soin aux enfants et des tâches ménagères.
Au regard de ces différents enjeux, deux grands axes de travail se dégagent. D’une part, il convient de faire évoluer nos congés familiaux, pour mieux répondre aux attentes des familles, et permettre aux jeunes parents d’accueillir leur enfant dans de bonnes conditions et selon leurs souhaits. D’autre part, renforcer l’offre d’accueil disponible, de même que la qualité d’accueil proposée, afin de favoriser l’épanouissement des tout-petits, l’attractivité des métiers de la petite enfance, et la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle pour les parents, et en particulier pour les mères. La création du congé supplémentaire de naissance constitue, à ce titre, une première avancée importante qu’il convient de saluer tout en maintenant dans un premier temps la prestation partagée d’éducation de l’enfant. La rapporteure néanmoins souligne la juxtaposition de cinq congés différents (congé maternité, congé de naissance du père, congé de paternité, congé supplémentaire de naissance et PrePare), qui risque de nuire à leur clarté et à la bonne compréhension des choix offerts aux familles. Ceci appellera une nécessaire refonte de certains congés à terme.
● En second lieu, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 amorce une réforme de notre système d’allocations familiales, en décalant de 14 ans à 18 ans la majoration pour âge des allocations familiales. Cette mesure fait suite à une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), parue en 2023, qui soulignait qu’« il est difficile de déceler un seuil d’âge à partir duquel un enfant entraînerait plus de dépenses ou diminuerait davantage le sentiment d’aisance financière des familles », et qu’« il apparaît plus pertinent de ne pas traiter l’enfant de moins de 14 ans différemment de celui de 14 ans ou plus [...]. S’il faut absolument choisir un seuil, celui de 18 ans paraît aujourd’hui également pertinent, d’autant plus qu’il correspond à la majorité et à l’entrée éventuelle dans l’enseignement supérieur. » ([3]) Le décalage proposé dans le cadre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 ne concernera pas les foyers déjà bénéficiaires de cette majoration.
La rapporteure thématique ne s’oppose pas à cette mesure, qu’elle avait elle-même proposée dans le cadre d’une proposition de loi ([4]). Toutefois, elle estime que cette mesure paramétrique doit s’inscrire dans une réflexion plus large sur la portée et l’objet des allocations familiales. En effet, dans un contexte où le nombre d’enfants par couple est aujourd’hui inférieur à deux, il doit être envisagé d’attribuer les allocations familiales dès le premier enfant, afin de soutenir le pouvoir d’achat des familles. La modulation des allocations familiales en fonction du revenu du ménage ou du rang de l’enfant dans la fratrie doit également être réinterrogée dans la mesure où elle complexifie fortement le système de prestations familiales, où elle affaiblit le principe historique de redistribution horizontale qui le sous-tendait, et où elle fragilise le consentement au système socio-fiscal des ménages de la classe moyenne.
En conclusion, la rapporteure se félicite des mesures entrant dans le champ de la branche famille dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026. Elle invite néanmoins les pouvoirs publics à engager, en lien avec le Parlement, les grands chantiers évoqués, afin d’adapter la politique familiale française aux attentes renouvelées des familles.
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Avant-Propos de Mme SANDRINE RUNEL,
rapporteure pour la branche vieillesse
● L’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 intervient dans un contexte budgétaire et social marqué par les conséquences encore vives de la réforme des retraites de 2023. Celle-ci, imposée sans vote à l’Assemblée nationale, a profondément bouleversé notre système de retraite en reportant l’âge de départ de 62 à 64 ans et en augmentant le nombre de trimestres requis pour une retraite à taux plein pour des millions de nos concitoyens. Ce faisant, elle n’a ni répondu au défi de la justice sociale, ni à celui de la soutenabilité financière à long terme.
Sous couvert d’équilibre comptable, elle a fragilisé les carrières les plus hachées, accentué les inégalités entre les femmes et les hommes et mis en péril la promesse républicaine d’un droit à la retraite digne pour tous. Deux ans après son adoption, la situation de la branche vieillesse le confirme : les excédents espérés n’ont pas été au rendez-vous, les déficits demeurent, et le malaise social est profond.
Le contexte politique dans lequel s’inscrit ce projet de loi est quant à lui également exceptionnel. Le Premier ministre s’est prononcé devant la représentation nationale et a pris l’engagement de suspendre la réforme des retraites de 2023.
Il l’a annoncé en ces termes : « dès cet automne, [je] propose que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle. Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028 ([5]). »
Cet engagement s’est traduit, fait rare s’agissant d’un texte financier, par le dépôt le 23 octobre d’une lettre rectificative, introduisant l’article 45 bis qui gèle l’âge à 62 ans et 9 mois et la durée d’assurance à 170 trimestres pour la génération 1964. Les assurés des générations 1965 à 1968 bénéficieraient d’un départ anticipé de trois mois par rapport à la situation actuelle et ceux de la génération 1965, d’une condition de durée d’assurance moins restrictive d’un trimestre par rapport à aujourd’hui.
Arraché de haute lutte, cet engagement traduit la prise de conscience tardive d’une majorité désormais contrainte de reconnaître l’injustice de la réforme qu’elle a imposée et son rejet par une part très majoritaire de la population. Toutefois, chaque mot compte dans ces deux phrases prononcées par le Premier ministre.
Comme l’a relevé la rapporteure, la promesse n’est que partiellement tenue puisque ni les assurés relevant du dispositif des carrières longues, ni ceux de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et de Mayotte, ni ceux nés au premier trimestre de l’année 1965 ne sont intégrés, à ce stade, dans le périmètre de la suspension. Les coûts de cette suspension partielle estimés par le Gouvernement sont ainsi de 100 millions d’euros, plutôt que les 400 millions d’euros que la suspension comprenant les assurés nés au premier trimestre de l’année 1965, en carrières longues et les Saint‑Pierrais-et-Miquelonnais et Mahorais est estimée coûter.
Il est attendu par la rapporteure, comme par l’ensemble des députés, que le Premier ministre précise les modalités de prise en compte de ces assurés par la suspension lors des débats en séance publique.
En outre, les solutions de financement retenues par le Gouvernement sont injustes et économiquement contestables : d’un côté la hausse de la taxe sur les organismes complémentaires d’assurance maladie (article 7), laquelle rapporterait 100 millions d’euros en 2026 ; de l’autre, une sous-indexation accrue des pensions en 2027, abaissant leur évolution à – 0,9 point en dessous de l’inflation (article 44), qui permettrait d’économiser 1,4 milliard d’euros sur le dos des retraités.
Ces choix sont inacceptables : ils font peser l’essentiel de l’effort sur les assurés et les retraités, sans mobiliser les revenus du capital ni les très hauts revenus. La commission des affaires sociales s’est prononcée à une large majorité contre ces mesures, en les supprimant.
Cela étant rappelé, la question du déficit de la sécurité sociale en général et de la branche vieillesse en particulier ne peut être laissée sans réponse. C’est pourquoi, la rapporteure a défendu plusieurs amendements destinés à proposer des financements alternatifs :
– une surcotisation d’assurance vieillesse sur les très hauts salaires, afin de renforcer la solidarité au sein du système ;
– une hausse de la CSG sur les revenus du capital, mesure adoptée en commission, qui permettrait de rééquilibrer les efforts entre le travail et le patrimoine ;
– des mesures de réduction des exonérations de cotisations sociales qui, au‑delà d’un certain niveau de salaires, n’ont plus aucun effet positif sur l’emploi ni sur la compétitivité.
Au total, la rapporteure rappelle que cette mesure, qui pourra améliorer la vie de millions de Français, n’est qu’une étape vers une abrogation de la réforme des retraites. Il s’agit d’apaiser le débat en permettant son gel jusqu’à l’élection présidentielle de 2027 au cours de laquelle les Français seront amenés à faire un choix décisif pour leur avenir.
● Au-delà de ces débats financiers, deux articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 concernent directement et exclusivement la branche vieillesse ([6]).
L’article 43 procède à une refonte d’ensemble du dispositif de cumul emploi-retraite (CER) afin d’en simplifier les règles, harmoniser les régimes et réduire certains effets d’aubaine pour recentrer le dispositif sur son public originel : les retraités modestes faisant le choix d’une reprise d’activité pour compléter leurs maigres pensions.
Jusqu’à présent, les conditions de cumul restaient complexes, différenciées selon les régimes et sources de revenus, donnant lieu à des règles d’écrêtement ou de suspension hétérogènes. Le dispositif permettra de rendre le cadre plus lisible et vertueux pour les finances sociales. Les économies pour le système de retraite seraient ainsi de 400 millions d’euros en 2027, année de son entrée en vigueur, et de 1,9 milliard d’euros en 2030.
L’article 45 s’inscrit quant à lui dans l’objectif ambitieux de réduire les inégalités de pension entre les femmes et les hommes, en application de l’article L. 111‑2‑1 du code de la sécurité sociale, qui fixe l’horizon d’une suppression totale de ces écarts d’ici 2050 et leur réduction de moitié dès 2037 ([7]).
Malgré la progression de l’emploi féminin, les écarts demeurent considérables : la pension moyenne des femmes du régime général reste inférieure de 38 % à celle des hommes (et de 25 % en incluant les pensions de réversion), reflet des inégalités salariales, du recours accru au temps partiel et des carrières interrompues. Ces écarts atteignent jusqu’à 40 % pour les mères de trois enfants ou plus. Dans le régime agricole, les femmes perçoivent encore 19 % de moins que les hommes, soit un écart moyen de 266 euros bruts par mois.
Face à ce constat, la mesure proposée vise deux avancées concrètes :
1° Intégrer les majorations de durée d’assurance (MDA) pour enfant dans les trimestres cotisés pris en compte pour l’ouverture du droit au dispositif de départ en carrières longues ;
2° Réduire le nombre d’années de salaire retenues pour le calcul du revenu annuel moyen des mères, afin de mieux compenser les effets de maternité et de temps partiel sur la carrière, bien que cela relève de la compétence du pouvoir réglementaire.
Ces ajustements, issus des travaux de la Délégation paritaire permanente (DPP) et des échanges conduits avec le Conseil d’orientation des retraites (COR), constituent des évolutions bienvenues.
Pour la rapporteure, si ces dispositions vont dans le bon sens, elles demeurent encore trop limitées au regard de l’ampleur des inégalités constatées. Elles ne règlent ni la question du niveau des pensions de base ni celle du partage des droits familiaux entre les parents.
La rapporteure plaide donc pour une approche plus ambitieuse de la réduction des écarts de pensions, reposant sur une réforme structurelle des droits familiaux et une politique favorisant l’égalité des salaires.
● Les débats en commission ont permis de dégager une majorité pour le rejet de la copie initiale du Gouvernement, comme en témoignent les suppressions du gel du barème de la contribution sociale généralisée sur les pensions de retraite (article 6), de la taxe exceptionnelle de 1,1 milliard d’euros sur les mutuelles (article 7) ou encore de l’inique et injuste gel des prestations sociales (article 44).
D’autres mesures ont à l’inverse recueilli une majorité des suffrages, ce qui montre qu’une amélioration du texte est possible. C’est notamment ce qu’illustre l’adoption d’une hausse de 1,4 point de la CSG sur les revenus du capital pour un rendement de 2,7 milliards d’euros permettant de compenser largement la suspension de la réforme des retraites jusqu’à l’élection présidentielle de 2027.
Cela montre donc qu’un chemin est possible pour adopter un budget plus juste, moins hostile aux plus faibles et plus exigeant face aux forts. Les débats en séance seront décisifs. La rapporteure y prendra toute sa part.
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AVANT-PROPOS DE M. GAËTAN DUSSAUSAYE,
RAPPORTEUR POUR LA BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL
ET MALADIES PROFESSIONNELLES
Avant toute analyse et commentaire des dispositions du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, il est essentiel de souligner que les missions de rapporteur ont été singulièrement complexifiées par le jeu de chaises musicales auquel deux gouvernements démissionnaires et le Gouvernement actuel se sont prêtés durant plusieurs semaines. Comment discuter, interroger, influer, s’opposer quand, ni le sujet principal de l’échange – à savoir le projet de loi de financement de la sécurité sociale –, ni le nom de l’interlocuteur ministériel ne sont connus ? Si un ministre démissionnaire peut supporter la charge de suivre les affaires courantes, comment pourrait-il répondre des engagements budgétaires d’un gouvernement dont on ne sait ni la composition ni l’orientation ? Comment se satisfaire d’une audition aussi importante que celle des partenaires sociaux quand celle-ci se tient à peine quelques heures après la transmission officielle du projet de loi ?
Je tiens ici à remercier les organisations syndicales, les organisations patronales et M. le rapporteur général pour leur réactivité et leur disponibilité dans cet échange.
Les délais de dépôt impartis ont, par ailleurs, porté une atteinte d’une particulière gravité à la clarté et à la sincérité des débats parlementaires sur ce texte, cœur du financement de notre protection sociale. Les récentes annonces précipitées, souvent contradictoires et dont on peut douter de la sincérité et de la durabilité n’ont pas plus contribué à une œuvre de clarté.
En outre, je note que ce que l’on annonçait comme une exception l’année dernière, à savoir un dépôt hors du délai prévu par la loi organique, devient une caractéristique de ce Gouvernement vis-à-vis du fonctionnement naturel de nos institutions. Par anticipation, j’ai pris la décision d’user des prérogatives de rapporteur et de la liberté d’écriture que permet l’avant-propos du présent rapport pour donner la parole à des Français qui travaillent dans des métiers difficiles et parfois peu reconnus : sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, conducteurs routiers, assistantes maternelles, égoutiers et éboueurs.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) occupe notamment une place particulière dans le financement des départs anticipés en retraite de travailleurs qui ont commencé tôt leur activité professionnelle. À bien des égards, cette branche est donc celle des Français qui souffrent du mal-travail et que la puissance publique ne parvient manifestement pas à protéger suffisamment.
Ces Français, nous les croisons tous les jours. Ce sont les « essentiels », les « premiers de cordée ». Ceux qui ont vu succéder au vacarme des applaudissements de la France solidaire, le silence froid de leurs dirigeants face à la dégradation de leurs conditions de travail. Ceux qui ont commencé à travailler tôt, qui subissent les horaires décalés, qui travaillent la nuit et le week-end, qui ne parviennent pas parfois à profiter d’une séparation claire entre leur vie professionnelle et leur vie privée. Ceux qui souffrent du mal-travail, des ordres et des contrordres, de la surabondance administrative et de stratégies managériales verticales, arbitraires et éloignées de la réalité et de l’expérience du travail. Ceux qui usent leur corps et leur esprit au travail, qui exercent dans un environnement difficile et parfois dangereux et pour qui ne reste que la réparation en raison d’une prévention insuffisante.
Ces travailleurs essentiels représentent près de 60 % des emplois en France. Christine Erhel, professeur au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et directrice du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), et Thomas Amossé, sociologue et statisticien, dans une contribution utile au débat public en précisaient les contours et l’importance :
« Selon le BIT (Bureau international du travail), les métiers “essentiels” ou métiers-clés se situent au croisement de deux critères : ils s’exercent dans des secteurs dont l’activité ne peut être interrompue même en cas de crise grave, et ils ne sont pas télétravaillables (BIT, 2023). Les secteurs retenus comme essentiels (60 % des emplois) suivants : l’agriculture, les matières premières, l’industrie, l’énergie, l’eau, le traitement des déchets, les transports, la réparation de véhicules, l’information et la communication, la finance, les activités scientifiques et techniques, l’administration, la santé et le social. »
« Les métiers non télétravaillables (50 % de l’emploi) incluent les travailleurs du système alimentaire, de la santé, du commerce, de la sécurité, du nettoyage, des transports, les travailleurs manuels et employés des services les travailleurs essentiels représentent 7,7 millions de salariés en 2021, soit 32 % de l’emploi. »
Des rencontres en circonscription aux auditions de l’Assemblée nationale, c’est dans la vérité du travail vécu et raconté que j’ai pu constater que si les statistiques de sinistralité diminuent progressivement – bien qu’elles doivent être discutées au regard de l’ampleur de la sous-déclaration des accidents du travail et de la sous-reconnaissance des maladies professionnelles –, la réduction du mal‑travail doit retrouver la première place des objectifs de la promesse sociale et devenir un moteur des décisions publiques.
Réduire le sujet du travail aux seules questions du nombre d’emplois, de nos capacités de création de postes et de la réduction du taux de chômage, du temps de travail ou encore de la rémunération, c’est passer à côté de la place qu’occupe le travail dans la vie des Français.
« Parler du travail, c’est parler de la vie de millions de personnes. C’est un sujet intime, social, politique » ([8]).
Le travail est pourvoyeur de sens à l’échelle de l’individu comme de la communauté. Le « bon travail » est ce travail qui allie l’utilité sociale, la cohérence éthique et la capacité de développer ses compétences. Une définition du sens au travail que l’on doit depuis 1993 au théoricien de la psychodynamique du travail, Christophe Dejours : « le sens par rapport à une finalité à atteindre dans le monde objectif [l’utilité sociale] ; le sens de ces activités par rapport à des valeurs dans le monde social [la cohérence éthique] ; le sens, enfin, par rapport à l’accomplissement de soi dans le monde subjectif [la capacité à développer ses compétences] » ([9]).
Une précision de la triple mission du « bon travail » qui précise et complète – eu égard aux enjeux du XXIe siècle – la Déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944 (lors de la Conférence générale de l’Organisation internationale du travail) : qui donne pour objectifs que les travailleurs soient employés « à des occupations où ils aient la satisfaction de donner toute la mesure de leur habileté et de leurs connaissances et de contribuer le mieux au bien-être commun » ([10]).
Ce sont, ainsi, les contradictions internes à l’activité professionnelle qui génèrent de la souffrance : la contradiction entre le travail prescrit et le travail réel, la contradiction entre les valeurs personnelles et les exigences professionnelles, la contradiction entre l’impératif d’obtenir des résultats immédiats et le temps nécessaire au travail bien fait, la contradiction entre le volume de travail fourni ou l’effort requis et les gains obtenus que ce soit en termes de rémunération, de reconnaissance, de considération dans la prise de décisions ou de compensation/réparation lors du temps de la retraite.
L’évolution des conditions de travail en raison du recours à de nouveaux outils technologiques ou à de nouvelles formes de management, aggrave l’intensité de ces contradictions et par conséquent du mal-être au travail :
Le temps est devenu une ressource rare et contrainte (deadline). Arnaud Mias, professeur de sociologie à l’Université Paris Dauphine, précise le concept de « modèle de la hâte », développé par Corinne Gaudart et Serge Volkoff, qui « s’impose dans les organisations du travail, souvent posé comme collectivement incontestable, non discutable, non négociable et dont les conséquences s’éprouvent et se traitent à un niveau individuel, voire personnel » ([11]). « L’heure est partout, le temps nulle part » ([12]).
Le temps professionnel qui déborde sur le temps personnel : 20,2 % des travailleurs en France affirment venir travailler sur leur temps libre pour répondre aux exigences de leur travail a minima plusieurs fois par semaine, contre 16,4 % en moyenne au sein de l’Union européenne ; 37 % des travailleurs en France affirment avoir travaillé alors qu’ils étaient malades au cours des douze derniers mois, contre 28,2 % en moyenne au sein de l’Union européenne.
Le développement de stratégies managériales arbitraires et éloignées de la réalité et de l’expérience du travail : s’inscrivant dans un taylorisme de l’organisation du travail (« On ne te demande pas de penser. Il y a des gens payés pour cela, alors mets-toi au travail »), il participe de la perte de sens à l’atelier, à l’usine, à la scierie, comme à l’hôpital ou dans les chambres de résidents en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Il nourrit la culture du contrôle, du « reporting » et de l’évaluation permanente. Alain Supiot, professeur émérite au Collège de France, rappelait les nouvelles aliénations du XXIe siècle : « Le travail industriel des Temps modernes pouvait se contenter d’obéir aux ordres et garder, pour le reste, son quant-à-soi. Le travailleur postmoderne est en revanche traité comme machine programmable, censé réagir instantanément aux signaux dont on le bombarde pour atteindre des objectifs chiffrés déconnectés des réalités de son travail. D’où une emprise cérébrale et une dépossession de soi jamais égalée dans le monde industriel et qui mettent en péril la santé et ont fait surgir les risques nouveaux d’épuisement professionnel (burn-out) et de suicide au travail. » ([13])
Conscient des effets de ces contradictions sur le bien-être au travail et le sens du travail, le langage professionnel est modifié cherchant à faire de ces oxymores du travail une nouvelle normalité. Ainsi, Pascal Chabot, philosophe auditionné le 17 septembre 2025, décrit la réalité de cette novlangue en action : « Gérer une trop grande quantité de travail est masqué sous la valeur de “stress positif”. Passer d’un poste à l’autre est déguisé sous le terme “flexibilité”. Faire face à des contradictions est transcendé par les leitmotivs d’ouverture d’esprit et de capacité à penser en dimensions. Se plier à l’emprise de la mesure s’appelle “évaluation”. Répondre à des masses de courriels emplis de sommations et de rappels se nomme “connectivité”. Laisser son portable constamment allumé est qualifié de “proximité”. Obéir sur-le-champ aux injonctions est qualifié de “réactivité”. S’abîmer les yeux douze heures par jour devant des écrans d’ordinateur est rebaptisé “disponibilité”. C’est ainsi que des mots étrangers vissent les humains à leurs sièges. » ([14])
Aux symptômes connus du mal-travail – troubles musculosquelettiques, accidents du travail, maladies professionnelles – s’ajoutent de façon exponentielle les symptômes de la perte de sens du travail – risques psychosociaux, burn-out.
« Le burn-out est une maladie du trop » ([15]) : le burn-out d’excès (trop de sollicitations), le burn-out relationnel (présence d’une personne toxique dans l’équipe), le burn‑out d’invisibilité (absence de reconnaissance malgré un rôle essentiel dans l’activité) et le burn-out de sens (absence d’utilité sociale ou de cohérence éthique).
La connaissance des pathologies du XXIe siècle doit inviter à deux évolutions : l’organisation d’une conférence sociale avec les partenaires sociaux sur l’évolution des reconnaissances des maladies professionnelles et une plus large prise en compte des risques psychosociaux dans les politiques de prévention secteur public comme secteur privé.
La France a un retard important sur ses homologues européens. La Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) rappelait ces chiffres alarmants : « 39 % des travailleurs français déclarent que leur santé est à risque du fait de leur activité professionnelle, soit six points de plus que la moyenne des travailleurs européens (33 %) » ([16]).
L’une des concrétisations de cette usure de la santé du fait de l’activité professionnelle, c’est le nombre de sinistres recensés dans le champ de la branche « AT‑MP ».
En 2023, ont été recensés 913 575 sinistres (dont 697 200 arrêts de travail ou reconnaissance d’une incapacité permanente) :
– 717 719 accidents du travail (dont 555 803 avec arrêt ou incapacité) dont 59 % d’accidents dans les secteurs de la construction, de l’industrie, du commerce, du transport, de l’hébergement et de la restauration ;
– 127 310 accidents de trajet (dont 94 023 avec arrêt ou incapacité) ;
– 68 546 cas de maladies professionnelles (dont 47 434 avec arrêt ou incapacité, dont 84 % concernaient les troubles musculo-squelettiques).
Lors de l’audition des représentants du Conseil national professionnel de la médecine du travail (CNPMT) et de la Société française de santé au travail (SFST), une première mise en garde a trouvé écho dans les auditions qui ont suivi et particulièrement celles portant sur l’engagement des sapeurs-pompiers.
La sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles peuvent fausser les statistiques. Mais dans quelles proportions ?
Un rapport de Santé publique France publié en avril 2023, rapporté par Arnaud Mias, indiquait que « 75 % des TMS [troubles musculosquelettiques] correspondant à un tableau de maladie professionnelle n’ont pas fait l’objet d’une déclaration, principalement en raison de la méconnaissance de la procédure par le salarié et d’un bilan diagnostique insuffisant » ([17]). Même réalité concernant les maladies professionnelles : « les chiffres sont saisissants : chaque année, hors cancers liés aux expositions à l’amiante, moins de 300 cancers sont effectivement reconnus comme maladies professionnelles, alors que les épidémiologistes les plus prudents estiment que le nombre de cancers liés au travail est au moins 20 fois plus important » ([18]).
À la source des sous-déclarations et sous-reconnaissances, le manque d’informations, de communications et de prévention auprès des Français qui travaillent. Les représentants auditionnés (CNPMT et SFST) soulignent également le problème d’équité de traitement des assurés au niveau national en raison des disparités en termes de reconnaissance des médecins, de traitement, d’utilisation des statistiques et de la taille des entreprises employeurs. La médecine du travail doit retrouver toute sa juste place et particulièrement dans ses missions de prévention. À l’heure de l’orthodoxie budgétaire et de la dépense responsable, faire le choix de la prévention en faveur de la santé des travailleurs est un choix bénéfique humainement et financièrement : « si un suivi annuel de 70 à 100 euros par salarié permet d’éviter un ou deux arrêts longs, on comprend bien que la dépense sera largement compensée » ([19]).
La médecine du travail doit être renforcée par une augmentation des moyens humains – le nombre de médecins du travail a diminué de 5 108 médecins en 2012 à 4 265 en 2023, soit une diminution de 15 % en dix ans – par l’harmonisation des outils (« on a un système qui évolue de façon fracturée, qui pose problème dans son ensemble ») et par la création d’un outil public unique de collecte et d’analyse des données afin de permettre une cartographie nationale des risques.
Dans ce contexte, les mesures qui sont proposées par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 visent à améliorer les conditions de reconnaissance des maladies professionnelles (article 39) ainsi que l’indemnisation des ayants droit d’exploitants agricoles décédés (article 40). S’il faut considérer favorablement ces mesures de simplification de la procédure de reconnaissance qui relève, bien souvent, de la maltraitance administrative, elles manquent toutefois le cœur du problème. En effet, plutôt que de chasser un non‑recours difficile à déterminer au moyen de procédures souvent « kafkaïennes », c’est bien la prévention des risques professionnels qu’il faut accentuer.
Renforcer la médecine du travail, c’est aussi faire le choix de la prévention plutôt que de la réparation. Pour permettre aux médecins du travail d’assurer leur rôle de conseillers en prévention, peut être posée la question de la pertinence de la multiplication des consultations administratives d’aptitude qui font perdre un temps médical pourtant précieux : « on devient des automates pour faire des visites mais pas pour faire notre travail d’analyse et de prévention ».
Actuellement, les dépenses de prévention ne représentent que 2 % du budget total de la branche, un niveau nettement insuffisant.
Il est donc nécessaire et urgent de porter ce ratio à 7 %, sur le modèle de l’Allemagne, comme le préconisait déjà le rapport sénatorial de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale sur ce sujet. Par ailleurs, la politique de tarification doit encourager une véritable culture de prévention et notamment dans les établissements et services médico-sociaux qui concentrent une part importante de la maltraitance.
Reconnaître les risques et les maladies professionnelles liés à l’engagement
des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires
« Mon mari a signé pour éventuellement mourir au feu. Pas pour mourir d’un cancer. » (1).
Ces mots sont ceux de Mme Ludivine d’Ingeo Mahieu, veuve de M. Tony Mahieu, sapeur-pompier de 1998 à 2023, anciennement de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris puis du Sdis du Nord, décédé le 19 mai 2023 d’un cancer broncho-pulmonaire. M. Tony Mahieu avait, préalablement, effectué une visite d’aptitude le 24 novembre 2022 qui avait permis de le déclarer apte à occuper les fonctions de sapeur-pompier. Au Sdis 59, il a effectué 400 interventions uniquement en feu. À chaque visite d’aptitude, on vérifie son poids, ses yeux, son ouïe et l’absence d’addictions, mais pas le reste. Tout au long de sa carrière, M. Tony Mahieu n’aura eu le droit qu’à une seule radio pulmonaire. Avec l’aide et le soutien du syndicat CGT Sdis du Nord (CGT Sdis 59), un dépôt de plainte contre « X » a été effectué pour mise en danger de la vie d’autrui.
À travers Tony Mahieu, ce sont les sapeurs-pompiers de France, professionnels comme volontaires, qui souffrent du manque de prévention, du manque d’examens approfondis et de réparations suffisantes que nous avons entendus au cœur de l’Assemblée nationale.
Les sapeurs-pompiers sont exposés à de nombreux risques : traumatiques, toxiques, infectieux, cardiovasculaires, routiers, psychologiques, stress thermique et déshydratation, TMS (liste non-exhaustive). En juin 2022, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé l’activité de sapeur-pompier cancérogène pour l’homme. Le risque du fait de cette activité est 58 % plus élevé que la moyenne nationale pour le mélanome et 16 % plus élevé pour le cancer de la vessie. À ce jour, seuls deux types de cancers sont inscrits au tableau des maladies professionnelles et non imputés automatiquement au service. L’urgence est à l’action : « les études épidémiologiques, on en a déjà. On ne va pas continuer à mourir pendant 20 à 25 ans ». La France connaît un retard important au regard des exemples internationaux : aux États-Unis, 28 cancers sont reconnus imputables à l’activité de pompier, 19 au Canada et 12 en Australie.
La reconnaissance comme maladies professionnelles des cancers surreprésentés
au sein de la profession, longtemps promise, doit intervenir rapidement.
Les sapeurs-pompiers sont également victimes d’une forte sous-déclaration et sous-reconnaissance des maladies professionnelles : seulement vingt-quatre maladies professionnelles reconnues en 2023, un chiffre dérisoire au regard des risques connus. Les dysfonctionnements sont nombreux au cœur de la profession : absence de fiches d’exposition standardisées, disparités en fonction des départements et des moyens alloués, sous-déclaration des accidents de la part des sapeurs-pompiers volontaires pour ne pas être impactés sur leur activité professionnelle, manque de matériel adapté, etc.
« Il y a une différence entre le travail prescrit et le travail réel. C’est ça notre problème. »
Dans ce contexte, la baisse des fonds alloués au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) et au Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (Fcaata) n’est pas acceptable et ce alors même que les auditions ont permis de relever que de nombreux professionnels, à l’instar des pompiers, n’avaient pas suffisamment accès à ces dispositions d’indemnisation de droit commun.
(1) Audition de Mme Ludivine d’Ingeo Mahieu, veuve de M. Tony Mahieu, et de M. Angelo Carlucci, représentant de la CGT SDIS 59, 9 octobre 2025.
Mille métiers, zéro reconnaissance. « On est assistantes maternelles mais on nous demande d’être aussi psychologues, infirmières, commerciales, cuisinières et comptables » ([20]).
Ces mots, qui sont ceux des assistantes maternelles auditionnées à l’Assemblée nationale dans le cadre de ces travaux, résument la charge d’un métier essentiel à la vie quotidienne de millions de familles. Les assistantes maternelles accueillent, accompagnent et participent à l’éducation des jeunes enfants au cœur de leur foyer, en maison d’assistantes maternelles ou en crèche. Elles assurent une mission d’intérêt général, celle du bien-être et du développement des tout-petits. Mais leur charge de travail reste largement invisible, sous-valorisée et mal protégée.
Le métier, pourtant reconnu comme fondamental dans la politique de la petite enfance connaît un effondrement sans précédent. En sept ans, le nombre d’assistantes maternelles est passé de 308 900 en 2016 à 227 100 en 2023, soit une baisse moyenne de 4,3 % par an. Si la tendance se poursuit, près de 380 000 places d’accueil pourraient disparaître d’ici 2030. À cela s’ajoute une génération en fin de carrière : 110 000 assistantes maternelles partiront à la retraite dans les dix prochaines années, et il faudrait agréer 15 000 nouvelles professionnelles chaque année pour maintenir le niveau actuel d’accueil.
Cette érosion trouve une partie de son explication dans une combinaison de précarité économique et de pénibilité physique et psychique. Depuis avril 2025, la rémunération horaire brute est fixée à 3,64 euros (2,85 euros nets), pour une durée hebdomadaire officielle de 45 heures. Mais dans les faits, les assistantes maternelles dépassent largement ce seuil. Les responsables politiques qui n’ont de cesse de dire que « les Français ne travaillent pas assez », « qu’on est bloqué à 35 heures », et « qu’il faudrait faire travailler tout le monde plus et plus longtemps » n'ont jamais rencontré une assistante maternelle.
Une assistante maternelle a un temps de travail officiel auquel s’ajoute un temps pour des tâches nécessaires mais invisibles et non comptabilisées. Préparation des repas, ménage, rangement, tâches administratives : chaque journée s’étire d’une heure et trente minutes supplémentaires, non rémunérées. À 8 heures du matin, 77 % des assistantes maternelles sont déjà au travail contre 51 % des salariés français. Une assistante maternelle qui ne travaille pas en maison d’assistantes maternelles prête son lieu de vie. Un lieu de vie, de famille mais aussi de repos. Et pourtant, ce lieu est celui où chaque soirée se trouve consacrée à un réaménagement du salon, à la préparation de repas, à la conception d’activités en lien avec le développement des enfants accueillis, au ménage ou encore au relationnel avec des parents. Une assistante maternelle qui travaille en maison d’assistantes maternelles, si elle bénéficie d’une véritable distinction géographique entre son lieu de vie et son lieu de travail, doit s’acquitter des mêmes tâches auquel s’ajoute le temps de trajet entre le domicile et la maison. Les week-ends, eux, peuvent être consacrés parfois sur une journée entière à l’administratif : renouveler l’agrément, vérifier les déclarations sur « Pajemploi » – dont les bugs répétés provoquent retards ou pertes de salaire –, effectuer des avenants aux contrats en cours, faire une fiche de présence par enfant, répondre aux interrogations des parents employeurs sur les démarches liées à l’Urssaf.
Derrière les sourires, la réalité est aussi celle d’une usure physique et psychique profonde. Une assistante maternelle soulève en moyenne 1,5 tonne par an, entre les enfants, les poussettes, les lits et les jeux. Les troubles musculosquelettiques (TMS) sont fréquents, les douleurs chroniques banalisées. Le service de prévention et de santé au travail national (SPSTN), mis en place en janvier 2025, peine encore à remplir sa mission en raison du recours excessif à la visioconférence, aux délais d’attente longs et aux inégalités territoriales fortes.
L’isolement renforce le stress, aggravé par la pression des parents employeurs. Ils souhaitent, et on les comprend, un accompagnement toujours plus professionnel, exigeant une certaine pédagogie – souvent sans percevoir les contraintes qui en découlent. Pour répondre à ces exigences, les assistantes maternelles doivent se former régulièrement sur leur temps de repos, sans compensation ni prise en charge systématique. Le message est clair : on leur demande de se professionnaliser sans leur reconnaître le statut, les droits ou le repos des professionnelles. Sur le plan social, les protections sont parfois dérisoires. Une assistante maternelle en accident du travail peut – comme d’autres personnes à leur compte – rester jusqu’à deux mois sans salaire, le temps que les indemnisations soient débloquées. Dans les faits, un simple arrêt maladie lui garantirait des indemnités journalières immédiates, mais la procédure d’accident du travail bloque tout versement dans l’attente d’une décision. Même après reconnaissance, la prise en charge n’atteint que 80 % du salaire. Pour bénéficier d’une subrogation intégrale, il faut avoir travaillé six mois consécutifs. Lorsqu’elles tombent malades ou subissent un accident, beaucoup sont licenciées par les parents employeurs, contraints de trouver une autre solution de garde. Reconnaître la pénibilité du métier d’assistante maternelle, c’est reconnaître que la santé de nos enfants ne doit pas se construire sur la fatigue de celles qui en prennent soin.
« On a servi et au moment où l’on est blessé, on nous oublie » ([21]). Ces mots résument la situation d’une filière essentielle au fonctionnement quotidien de nos villes, mais souvent reléguée dans l’ombre : celle des agents de la propreté, des éboueurs, des égoutiers, des agents de tri, de traitement et d’incinération. Ces métiers, classés insalubres depuis 1947, font partie des plus exposés aux risques physiques, chimiques et biologiques, tout en restant au cœur du service public de salubrité. Ils ne peuvent être ni externalisés massivement, ni automatisés : derrière chaque collecte, chaque curage ou chaque maintenance de réseau, il y a des femmes et des hommes qui assument une mission vitale pour la collectivité.
La filière déchet regroupe environ 110 000 travailleurs, dont près de la moitié dans la collecte des ordures ménagères. Leur taux d’accidentalité atteint 53,4 accidents du travail pour 1 000 salariés, contre 33,5 pour l’ensemble des secteurs confondus. Les égoutiers présentent une surmortalité de 56 % par rapport à la moyenne nationale, avec une espérance de vie d’environ 64 ans, soit 17 ans de moins que les cadres et 7 ans de moins que les autres ouvriers. Les éboueurs, quant à eux, vivent en moyenne trois ans de moins que les autres agents territoriaux masculins. Ces chiffres ne sont pas des abstractions : ils disent la violence silencieuse d’une usure au travail que la société ne regarde pas assez.
« On ne sait pas ce qu’on respire derrière le camion ». La pénibilité de ces métiers ne s’arrête pas aux conditions physiques extrêmes : chutes, effondrements, noyades, brûlures, exposition à des gaz toxiques (sulfure d’hydrogène, cyanures), à des agents biologiques, à la chaleur, au froid, aux horaires décalés, à une atmosphère confinée, au noir. Elle est aussi morale : isolement, agressions d’usagers, sentiment d’invisibilité.
À ces contraintes s’ajoute la défaillance du suivi médical : les égoutiers devraient bénéficier de deux visites médicales par an ; dans les faits, elles n’ont lieu qu’une fois tous les deux ou trois ans, faute de médecins du travail en nombre suffisant.
Cette usure se paie doublement : d’abord au travail, ensuite à la retraite. Les agents de la filière déchet partent souvent brisés, reclassés pour inaptitude, avec une pension moyenne comprise entre 980 et 1 200 euros par mois. Pour beaucoup, le recul de l’âge légal de départ est vécu comme une injustice : « On vit très mal le fait d’avoir reculé l’âge de la retraite, surtout venant des mêmes qui font des rapports pour dire que notre métier est pénible. »
La réforme des retraites a mis en lumière la faiblesse des dispositifs de reconnaissance de la pénibilité. Le compte professionnel de prévention (C2P), censé en tenir lieu, se révèle largement inadapté : la majorité des expositions spécifiques aux métiers de la filière déchet n’y figurent pas, malgré la reconnaissance d’un niveau de sujétion à 7 pour les égoutiers et 6 pour les éboueurs.
À cela s’ajoute une sous-reconnaissance des maladies professionnelles : si les troubles musculosquelettiques, affections respiratoires et dermatoses sont identifiés, d’autres pathologies comme les hernies ou certains cancers ne sont pas reconnues comme imputables au travail.
Les dysfonctionnements institutionnels aggravent cette situation : données incomplètes ou faussées (seuls 25 à 30 % des employeurs publics utilisent le logiciel de suivi Prorisq), matériels de protection obsolètes (comme ce fut le cas durant la pandémie de covid‑19 avec l’utilisation de masques périmés achetés durant l’épidémie de grippe aviaire) et équipements lourds qui ajoutent à la pénibilité. Ces femmes et ces hommes « servent », pour reprendre les mots d’un représentant syndical. Ils ne demandent pas la reconnaissance symbolique d’un « métier héroïque », mais celle, concrète, d’un travail essentiel et dangereux, qui justifie une prise en charge spécifique dans la branche « AT‑MP » et une réflexion sur les dispositifs de départ anticipé à la retraite.
« Je dis “moi Président”, je veux reprendre ma part de responsabilité sur le chômage, la formation continue. Ils ne sont pas à déléguer aux partenaires sociaux. Voilà que le futur Président nous expliquait que l’État allait s’occuper de tout et nous des entreprises, un point c’est tout. » ([22]). Ces écrits ne sont pas ceux d’un dirigeant du CAC40, d’un ultralibéral forcené ou d’un adepte du libertarianisme. Ce sont ceux de la secrétaire générale du premier syndicat de France, la CFDT. Dans une vidéo diffusée dans le cadre d’une audition des candidats à la présidence de la République le 16 mars 2017, le futur chef de l’État dévoilait ce qui serait sa méthode d’exercice du pouvoir pour les huit prochaines années : s’occuper de tout, n’être responsable de rien.
Depuis 2017, Emmanuel Macron revendique un exercice du pouvoir fondé sur la « réforme » et la « transformation » rapide du pays, quitte à bousculer les procédures traditionnelles de la négociation. Cette approche, de la concertation plutôt que de la négociation, inspirée d’une logique managériale, a profondément défiguré le dialogue social dans notre pays. Sous son quinquennat, l’État a conservé le monopole de la décision politique tout en multipliant les formes de concertation symboliques, reléguant les partenaires sociaux à un rôle consultatif plutôt que délibératif.
L’épisode de la réforme des retraites de 2023 constitue un révélateur de cette dérive, une réforme pour laquelle les organisations syndicales et patronales ont été entendues, mais rarement écoutées. Malgré un front syndical unitaire – fait inédit depuis plus d’une décennie – le gouvernement a maintenu coûte que coûte son projet d’allongement de la durée de cotisation et de report de l’âge légal. Ainsi, plusieurs propositions des syndicats comme de la représentation nationale (soutenir l’employabilité des seniors, faciliter l’accès au premier emploi, plus tôt, plus jeune, garantir une meilleure prise en compte de la pénibilité ou encore des carrières hachées, revaloriser les retraites des femmes) ont été balayées d’un revers de main par le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Le « 49.3 » a accentué le sentiment de déni démocratique et de marginalisation du dialogue social. Cette décision a non seulement contourné la représentation nationale, mais aussi nié la légitimité de la négociation collective comme instrument de régulation des politiques publiques. Elle s’inscrit dans un mouvement plus large de dé-institutionnalisation du paritarisme accéléré par la réforme du code du travail de 2017 et la réduction du rôle des branches professionnelles dans la négociation des normes sociales.
Plus fondamentalement, cette évolution traduit une conception verticale et technocratique de la décision publique, où les corps intermédiaires sont perçus comme des obstacles à la réforme plutôt que comme des partenaires de la délibération. En substituant la logique de la « concertation rapide » à celle de la co‑construction, le Président de la République a fragilisé les équilibres essentiels à la démocratie sociale française.
Or, l’expérience du XXe siècle l’a démontré : les avancées majeures en matière de droits sociaux – assurance maladie, retraites, assurance chômage, formation continue – reposent sur la cogestion entre l’État et les partenaires sociaux. Ce modèle, fondé sur la responsabilité partagée, garantit la légitimité, la stabilité et la soutenabilité des politiques sociales. En affaiblissant ce mécanisme, le Président de la République compromet non seulement la qualité du dialogue social mais aussi la capacité de notre société à produire du consensus et de la confiance autour d’une idée moderne et précieuse : celle du progrès social.
Le renouveau du dialogue social ne saurait donc se limiter à de simples concertations. Il suppose une véritable écoute des partenaires sociaux, une reconnaissance entière de leur expertise et de leur légitimité dans la régulation du travail et de la protection sociale.
Le transport routier, maillon invisible de la chaîne logistique
Le secteur du transport routier occupe une place stratégique dans l’économie nationale : plus de 800 000 salariés y travaillent, assurant la circulation des biens, des marchandises et des personnes sur l’ensemble du territoire national. Pourtant, ce pilier du modèle productif français traverse aujourd’hui une crise structurelle mêlant pénurie de main-d’œuvre, conditions de travail dégradées et essoufflement du dialogue.
D’ici les dix prochaines années, il pourrait manquer 60 000 conducteurs. Cette tension s’explique autant par le manque d’attractivité du métier, que par la concurrence générée par le travail détaché, que par la surreprésentation des troubles physiques et psychologiques liés à l’activité. Les études de l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) et de la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) révèlent une sinistralité largement supérieure à la moyenne nationale : les conducteurs sont deux à trois fois plus accidentés que les autres salariés – et neuf accidents sur dix ont lieu lorsque le véhicule est à l’arrêt notamment lors des opérations de chargement et de déchargement. Les affections périarticulaires représentent 74 % des maladies professionnelles recensées - conséquences directes d’une pénibilité parfois sous-estimée, d’une sédentarité contrainte et d’horaires de travail décalés. Il est également à noter que 26 % des accidentés ont entre 50 et 59 ans – une situation aggravée par le décalage de l’âge légal de départ à la retraite de deux années.
Sur le plan social et notamment de la santé au travail, les auditions et entretiens en circonscription font ressortir un affaiblissement du suivi médical et une dégradation du dialogue entre toutes les parties prenantes au secteur. Visites de médecine du travail trop espacées, conditions d’accueil sur certains sites clients jugés « attentatoires à la dignité » parfois certains sites ne mettent à disposition ni sanitaire, ni abri, pour les conducteurs.
Point de vigilance : la nécessaire publication des rapports sur
les conditions de chargement et de déchargement
Deux rapports techniques et d’inspection (Garcia et Rivoallon-Putoc’h, Juban, Rostagnat) portant sur les conditions de chargement et de déchargement dans le transport routier n’ont, à ce jour, pas été rendus publics. Leurs contenus – et le droit comparé avec les dispositions appliquées notamment en Espagne et au Portugal – sont nécessaires au débat public sur la compréhension des accidents et l’amélioration des conditions de travail. Cette absence de transparence peut constituer un frein à la mise en œuvre de politiques de prévention efficaces.
La publication intégrale et rapide de ces rapports par le ministre des transports permettrait de mieux identifier les responsabilités partagées entre transporteurs, chargeurs et donneurs d’ordre, d’alimenter les négociations de branche sur la santé et la sécurité au travail et de renforcer la culture de prévention.
Le renouveau du dialogue social, c’est aussi mettre un terme à la division organisée, à la confrontation des uns contre les autres pour en tirer le bénéfice de l’application de choix politiques, budgétaires, sociaux décidés antérieurement. La branche « AT‑MP » porte des exigences communes aux organisations syndicales comme patronales : l’application et le respect de l’ANI 2023, une gouvernance davantage confiée aux partenaires sociaux des demandes à la fois portées par FO et la CPME.
La branche AT‑MP porte également les enjeux pour la force publique de demain telle la prévention des nouveaux risques professionnels dont les troubles psycho-sociaux. « L’AT‑MP a été pensé dans un moment où seule la santé physique comptait. Aujourd’hui, on n’interroge pas assez la responsabilité dans les troubles psycho-sociaux. » ([23]).
En outre, le bilan de la gestion du risque AT‑MP est, pour le moins, préoccupant. Branche déficitaire, prévention des risques professionnels en progression mais encore trop peu effective, là encore la gouvernance par les nombres n’a pas produit les effets escomptés. À ce titre, la faible mobilisation de la dotation allouée au Fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle (Fipu) – 70 % des crédits non consommés – qui illustre l’absence du prolongement des décisions législatives dans la vie réelle du travail, doit servir d’alerte pour l’efficacité de l’action publique.
Cet avant-propos se veut avant tout testimonial. Il rassemble des témoignages, des constats et des paroles recueillis auprès des Français qui exercent les métiers les plus exposés, souvent les moins entendus. Leur expérience constitue une matière précieuse pour comprendre, au-delà des indicateurs statistiques, la réalité du travail et les fragilités de notre modèle de prévention. Donner à voir ces parcours, c’est rappeler que toute politique sociale doit partir du réel vécu par les travailleurs. Ces témoignages forment ainsi le socle d’une réflexion collective sur le travail, la reconnaissance des métiers essentiels et la nécessité d’un dialogue social renouvelé.
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Cet article établit les prévisions de recettes, de dépenses et de solde des administrations de sécurité sociale (Asso) pour l’exercice en cours et celui à venir. Il constitue l’une des novations introduites par la révision organique de 2022.
À la différence des autres mesures des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), et en particulier des tableaux d’équilibre, son périmètre ne se limite pas aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss), au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et à leurs satellites, mais inclut l’ensemble des Asso.
Sur cet agrégat résultant des conventions statistiques européennes, est projeté :
– en volume, un déficit de 0,3 point de produit intérieur brut (PIB) en 2025 et un excédent de 0,1 point en 2026 ;
– en valeur, un déficit de 8,4 milliards d’euros puis un excédent de 3,4 milliards d’euros.
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Conformément aux prescriptions de l’article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale, le présent article vise à rectifier les prévisions de recettes, les objectifs de dépense et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice 2025. Le solde des régimes obligatoires de base s’établirait à – 23 milliards d’euros, en dégradation de 7,7 milliards d’euros par rapport à 2024.
Il rectifie également les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), mises en réserve par le FSV ainsi que l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
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Cet article maintient à 265,9 milliards d’euros l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2025 mais rectifie la répartition entre ses six sous-objectifs, avec notamment une hausse de 0,7 milliard d’euros pour les soins de ville. L’année en cours est marquée par le déclenchement, pour la première fois depuis dix-huit exercices, de l’alerte sur le risque de dépassement par le comité compétent.
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Cet article rectifie à 463 millions d’euros au lieu de 523 millions d’euros la dotation de la branche maladie, maternité, invalidité et décès des régimes obligatoires de base versée en 2025 au fonds pour la modernisation et l’investissement en santé.
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Cet article apporte divers ajustements à des règles de procédure ayant trait au recouvrement des cotisations et des contributions sociales. Il supprime l’obligation d’inscription des créances privilégiées de la sécurité sociale au registre des sûretés mobilières. Il étend aux créances sociales les conditions de délai applicables aux créances fiscales en cas de procédure collective. Enfin, il permet le mandatement des présidents de commission des chefs de service financier (CCSF) par les directeurs des organismes de recouvrement.
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Cet article réforme la gestion administrative de la couverture de base des artistes-auteurs en transférant au réseau des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf), déjà compétent pour le recouvrement des cotisations de ces derniers, les missions actuellement assumées par la sécurité sociale des artistes-auteurs (SSA) en matière d’affiliation et d’action sociale ainsi que la compétence résiduelle qu’elle conserve encore vis-à-vis du recouvrement des cotisations de ses ressortissants. La SSA se verrait confier un nouveau rôle de représentation des artistes-auteurs à l’égard des pouvoirs publics et continuerait par ailleurs de définir les orientations, qui seraient désormais mises en œuvre par l’Urssaf, en matière d’action sociale.
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Cet article maintient à leur niveau de 2025 les seuils d’assujettissement à la contribution sociale généralisée (CSG) applicables aux pensions de retraite et d’invalidité et aux allocations de chômage. Il constitue le pendant, dans le champ des recettes de la sécurité sociale, de « l’année blanche » prévue à l’article 44 concernant les prestations sociales.
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Cet article, l’un des cinq à être modifiés par la lettre rectificative, prévoit, pour le seul exercice à venir, une participation fiscale des organismes d’assurance maladie complémentaire sur leurs cotisations (sauf celles complétant les arrêts de travail des affiliés aux deux régimes agricoles et au titre de souscriptions collectives d’entreprises). Son taux serait de 2,25 % et son produit serait affecté à la branche maladie pour 2,05 points et à la branche vieillesse pour 0,2 point.
Il s’agit d’abord de répondre à la hausse de ces dernières constatées en 2025 alors que le relèvement du ticket modérateur sur les actes et consultations médicaux et les médicaments qui sous‑tendait le précédent projet de loi de financement de la sécurité sociale au moment de son dépôt puis de son examen en première lecture n’a pas été mis en œuvre.
Le but est aussi de compenser le coût de la suspension de la réforme des retraites de 2023 qu’opère l’article 45 bis inséré par lettre rectificative, toujours pour 2026.
Le rendement de la contribution pour la branche maladie équivaudrait à la croissance des primes – ou du gain budgétaire un temps envisagé –, soit 1,02 milliard d’euros. Celui pour la branche vieillesse serait de 99,5 millions d’euros.
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Cet article réforme le régime dérogatoire dont font l’objet certains accessoires du salaire exclus de l’assiette des cotisations sociales et, pour certains d’entre eux, de celle de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Il propose de soumettre au forfait social au taux de 8 % les aides directes consenties aux salariés par leur employeur ou par le comité social et économique (CSE) de leur entreprise, sans toutefois assujettir ces compléments de rémunération à la CSG et à la CRDS. Par ailleurs, il augmente le taux de la contribution patronale portant sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite, en le portant de 30 % à 40 %, tout en intégrant ce prélèvement spécifique au forfait social, dont le régime juridique est du même coup remanié.
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Cet article réforme plusieurs exonérations de cotisations sociales ciblées sur des territoires ou des publics particuliers :
– il diminue le niveau maximal de l’exonération de cotisations patronales applicable aux créateurs et aux repreneurs d’entreprise, tout en réservant ce dispositif aux demandeurs d’emploi et à certains publics vulnérables ;
– il prévoit une réforme paramétrique des exonérations favorisant les entreprises établies dans certains départements, régions et collectivités d’outre-mer (dites « Lodeom ») ;
– il supprime l’exonération de cotisations salariales dont bénéficient les apprentis ;
– enfin, il restreint le bénéfice de l’exonération de cotisations patronales applicables aux « jeunes entreprises innovantes » (JEI) aux entreprises dont les charges comptent au moins 25 % de dépenses de recherche et développement, contre 20 % actuellement.
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Cet article apporte des précisions, à titre de validation, sur certains paramètres techniques de la clause de sauvegarde et de la contribution sur le chiffre d’affaires, objets de contentieux.
Il tend également à recentrer la clause de sauvegarde frappant les exploitants de médicaments (M) et de dispositifs médicaux (Z) sur son but de régulation en amont des dépenses de l’assurance maladie plutôt que comme source de rendement pour cette dernière :
– il fixe des montants M (30,6 milliards d’euros en 2025 et 26,65 milliards d’euros en 2026) et Z (2,19 milliards d’euros en 2026) à des niveaux tels que l’appel ne devrait pas se déclencher ;
– il intègre les déterminants de la clause qui généraient des recettes dans ceux d’une autre contribution existante sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques.
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Cet article prévoit, avec une transition en 2026, que les remises reversées à l’assurance maladie par les entreprises exploitant, important ou distribuant des médicaments ou des dispositifs médicaux remboursés le seront à compter de 2027 au moyen de quatre acomptes durant l’exercice au titre duquel elles sont dues, puis d’une régularisation, alors que pour l’heure elles sont appelées à l’automne de l’année suivante. Si le but est d’apporter à la branche maladie des encaissements plus réguliers, donc de minorer ses emprunts, l’effet sera analogue pour les redevables, dont les représentants avaient dans le passé suggéré une mesure proche.
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L’article 12 procède, comme chaque année, à la modification de la clef de répartition des ressources fiscales affectées aux différentes branches de la sécurité sociale. Il doit se lire en miroir de l’article 40 du projet de loi de finances pour 2026 qui modifie la part de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée à la sécurité sociale pour tenir compte de certaines mesures prises dans les textes financiers.
Il retrace l’ensemble des transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale d’une part, et entre les organismes de sécurité sociale entre eux d’autre part. Il procède également comme chaque année à des mesures de coordination ou de mise en cohérence de certaines dispositions relatives aux relations financières au sein du champ de la sécurité sociale.
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Cet article constitue une disposition obligatoire des lois de financement de la sécurité sociale, proposant au Parlement d’approuver le montant des compensations par l’État des exonérations, réductions et abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale. Cette compensation s’élève pour 2026 à 5,7 milliards d’euros, contre 6,37 milliards d’euros l’année précédente.
Ce montant tient compte des économies anticipées liées à la suppression ou au recentrage prévu à l’article 9 de plusieurs exonérations ciblées dont le coût donne lieu à une compensation à la sécurité sociale au moyen de crédits budgétaires.
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L’article 14, l’un des cinq à être modifiés par la lettre rectificative, répond à une obligation organique. Il porte approbation du tableau d’équilibre par branche de l’ensemble des régimes de base de sécurité sociale pour 2026. Le déficit des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (Robss) s’établirait à 17,5 milliards d’euros, en amélioration de 5,5 milliards d’euros par rapport à la prévision rectifiée pour l’exercice 2025. Cela est dû à un effort volontariste de 11,1 milliards d’euros de mesures nouvelles. Sans celles‑ci, le déficit plongerait spontanément pour atteindre 28,7 milliards d’euros.
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L’article 15 répond à une obligation organique. Il fixe à 16,4 milliards d’euros pour 2026 l’objectif d’amortissement de la dette sociale par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Comme chaque année depuis 2011, il prévoit un montant nul de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites.
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Cet article, conformément au e du 2° de l’article L.O. 111-3‑4 du code de la sécurité sociale, arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement autorisés à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources. Comme en 2025, les organismes concernés par cette habilitation sont l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF), la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
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L’article 17 porte approbation du « rapport figurant en annexe à la présente loi », qui présente les trajectoires, sur les quatre prochaines années, des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que, mécaniquement, leurs soldes.
Ce rapport intègre, comme l’impose le cadre organique issu de la loi organique du 14 mars 2022, un « compteur des écarts » en dépenses permettant de vérifier la tenue des engagements pris dans la loi de programmation pour les finances publiques. Il présente enfin la trajectoire pluriannuelle prévisionnelle, également pour quatre ans, de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).
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Cet article crée une participation forfaitaire de l’assuré pour les actes et consultations effectués par les chirurgiens-dentistes ; aligne la franchise concernant les dispositifs médicaux sur celle s’appliquant aux médicaments ; prévoit un plafond séparé pour la franchise afférente aux transports ; rend plus systématique le paiement des participations directement auprès du professionnel de santé au lieu d’une récupération par l’assurance maladie postérieure et souvent invisible aux yeux des patients.
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Cet article met en place un parcours d’accompagnement préventif destiné aux patients souffrant d’une pathologie à risque d’évolution vers une affection de longue durée (ALD).
Ce parcours devrait ouvrir droit à de nouvelles prestations à visée préventive actuellement non prises en charge par l’assurance maladie obligatoire, telles que des bilans diététiques et d’activité physique adaptée. Elles seront prises en charge selon les règles de droit commun.
La mise en place de ce parcours doit permettre de limiter l’accroissement des dépenses liées aux ALD en prévenant la dégradation de l’état des patients atteints de certaines maladies chroniques. Par ailleurs, un certain nombre de patients pourraient basculer du dispositif ALD vers le parcours d’accompagnement préventif, le Gouvernement ayant annoncé son intention de saisir la Haute Autorité de santé sur les critères d’admission en ALD.
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Le présent article porte plusieurs mesures visant à renforcer et clarifier la politique vaccinale.
Il s’agit, en premier lieu, de renforcer les obligations vaccinales, spécifiquement contre la grippe et contre la rougeole. La grippe saisonnière conduit en effet à plus de 20 000 hospitalisations et 9 000 décès chaque année, principalement chez les personnes les plus âgées. On observe par ailleurs une résurgence de la rougeole associée à une dégradation de la couverture vaccinale de la population. Le renforcement des obligations vaccinales vise prioritairement les professionnels, pour réduire les infections d’origine nosocomiale, et les personnes âgées résidant en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Toute nouvelle obligation vaccinale sera néanmoins soumise à une recommandation en ce sens de la Haute Autorité de santé (HAS).
Il s’agit par ailleurs de consacrer la compétence des agences régionales de santé (ARS) en matière de pilotage de l’activité de vaccination, actuellement partiellement assurée par les collectivités territoriales. À compter de 2027, les centres de vaccination ne pourront fonctionner que sur habilitation de l’ARS et seront tous financés via le fonds d’intervention régional (FIR).
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Cet article porte diverses mesures visant à renforcer l’offre de soins dans les territoires.
– Il pose un cadre juridique destiné à réguler les structures de soins non programmés, en leur imposant le respect d’un cahier des charges en contrepartie du droit à certaines rémunérations spécifiques.
– Il crée un nouveau statut de praticien territorial de médecine ambulatoire visant à sécuriser et à rendre plus attractif l’exercice dans certaines zones sous-denses jugées particulièrement prioritaires.
– Il assouplit la législation relative aux ouvertures d’officines, de façon à permettre des créations d’officines dans des communes de moins de 2 500 habitants dont la dernière officine a fermé et desservait une population d’au moins 2 500 habitants.
– Enfin, il précise les modalités de rémunération des étudiants en quatrième année d’internat de médecine générale.
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Le présent article porte diverses mesures de simplification et de sécurisation relatives au financement des établissements de santé.
Il vise une plus grande efficience du processus de facturation de ces établissements pour leur permettre de recouvrer plus aisément leurs créances, alléger la charge administrative et sécuriser le processus en lien avec l’assurance maladie. À cette fin, il rend obligatoire la dématérialisation des échanges avec l’assurance maladie obligatoire et complémentaire ; il restreint le périmètre d’implémentation de la réforme de la facturation directe (Fides) ; et il précise les délais de forclusion applicables à la valorisation des prestations d’hospitalisation.
Cet article porte par ailleurs diverses mesures simplifiant le financement dans le champ des soins médicaux et de réadaptation (SMR) et, dans une moindre dimension, dans le champ de la psychiatrie.
Enfin, il régule davantage le choix des échelles tarifaires applicables aux activités des groupements sanitaires de coopération (GSC), dans un contexte où certains effets d’optimisation ont été décrits.
Exception faite de l’abrogation des dispositions transitoires relatives à la Fides, l’ensemble de ces dispositions a vocation à entrer en vigueur dès le 1er janvier 2026.
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Cet article reporte du 1er janvier 2026 au 1er janvier 2028 la mise en œuvre d’une protection sociale complémentaire dans la fonction publique hospitalière.
Prévue dans le cadre d’une ordonnance du 17 février 2021, la participation obligatoire des employeurs publics à la protection complémentaire santé de leurs agents devait être mise en œuvre dans les trois versants de la fonction publique, selon des calendriers spécifiques et au terme de négociations avec les organisations représentatives.
Si ce chantier est en passe d’aboutir dans la fonction publique d’État et dans la fonction publique territoriale, il n’a même pas été véritablement lancé dans la fonction publique hospitalière, de sorte que son report apparaissait inévitable.
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Le présent article comporte diverses mesures visant à contenir les dépenses d’assurance maladie dans des secteurs dont la rentabilité économique apparaît supérieure à la moyenne des autres secteurs de la santé humaine.
Plusieurs leviers structurels sont mis en œuvre pour contraindre la détermination des tarifs des soins dans ces secteurs, dès lors que les négociations conventionnelles ne permettent pas de parvenir aux économies attendues :
– un pilotage des prix par la rentabilité est instauré : dès lors que cette rentabilité sera « manifestement disproportionnée », la négociation conventionnelle devra prévoir des baisses de tarifs, faute de quoi l’assurance maladie pourra appliquer ces ajustements de manière unilatérale ;
– par ailleurs, dans certains secteurs, la fixation des tarifs est définitivement écartée du champ de la négociation conventionnelle. Il en va ainsi des futurs forfaits ayant vocation à financer les actes de radiothérapie, ainsi que des forfaits techniques rémunérant les équipements lourds d’imagerie médicale.
Enfin, des baisses de tarifs devront intervenir dès le début de l’année 2026, à hauteur de 100 millions d’euros pour la radiothérapie et de 20 millions d’euros pour la néphrologie, sur le champ des dialyses.
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Dans le contexte d’un dynamisme relativement important des dépenses de soins dentaires et d’une déformation de la structure de l’offre de soins en faveur de certains types d’actes plus rémunérateurs, le présent article vise à introduire un mécanisme contraignant de régulation des prix dans ce secteur.
Dérogeant au principe de la fixation des tarifs par la négociation conventionnelle, il donne le pouvoir à l’assurance maladie d’enclencher la négociation d’accords de maîtrise des dépenses et de procéder de manière unilatérale à des ajustements tarifaires lorsque la négociation n’a pas abouti en temps voulu. Ce faisant, il étend ainsi au secteur des soins dentaires un mécanisme qui avait été instauré en loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 dans les secteurs de l’imagerie et de la biologie médicales.
Destiné à contribuer à la maîtrise des dépenses au sein de l’enveloppe des soins de ville, ce dispositif ne vise aucune économie spécifique en 2026.
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Le présent article vise à généraliser une surcotisation majorée sur les dépassements d’honoraires et les actes hors convention réalisés par les professionnels de santé conventionnés, en premier lieu les médecins exerçant en secteur 2.
Dans un contexte où de plus en plus de médecins s’installent en secteur 2, et pratiquent des dépassements d’honoraires de plus en plus importants, il s’agit d’accroître les incitations à pratiquer des actes remboursés au tarif opposable, dans le but d’améliorer l’accès aux soins de la population.
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Le présent article vise à refondre le dispositif de financement à la qualité et à la pertinence des établissements de santé.
Il prévoit la généralisation d’un dispositif d’intéressement à la pertinence pour l’ensemble des établissements, y compris les hôpitaux d’instruction des armées, en lieu et place du dispositif Caqes actuellement limité aux établissements dont les pratiques médicales présentent un écart important à la moyenne.
En revanche, un dispositif de mise sous surveillance serait maintenu pour ces établissements, assorti de cibles à atteindre pour réduire les écarts constatés, et sanctionné, in fine, par l’application d’une pénalité financière.
Enfin, le dispositif d’incitation financière à la qualité (Ifaq) serait maintenu mais réformé et simplifié, selon des modalités dont la définition est renvoyée au niveau réglementaire.
Au total, cette refonte doit permettre d’améliorer la qualité des prises en charge et de réaliser les économies en améliorant la pertinence des soins. Le dispositif d’intéressement est susceptible de fournir des ressources complémentaires aux établissements, dans des proportions qui restent à déterminer.
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Cet article borne la prescription des arrêts de travail pour maladie à quinze jours en ville et à trente jours à l’hôpital, met en place un plafond (que l’autorité réglementaire fixerait à quatre ans) pour le bénéfice des indemnités journalières à raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et rend facultative la visite d’un médecin du travail pour la reprise d’une activité professionnelle au terme d’un congé de maternité.
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Cet article supprime la dérogation suivant laquelle n’est pas plafonné le nombre de jours d’arrêt de travail pendant lequel, sur une période de trois ans, un assuré bénéficie d’indemnités de la branche maladie lorsqu’il présente une affection longue ne l’exonérant pas du ticket modérateur :
– il ne laisse valoir cette absence de plafond que pour les affections dispensant du ticket ;
– il aligne, dans les autres cas, la limitation sur les 360 jours de droit commun (pour le seul flux des prescriptions et renouvellements, les malades gardant leurs anciens droits).
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Le présent article instaure les modalités de financement par l’assurance maladie des systèmes d’aide à la décision médicale (SADM) ayant un impact sur les pratiques médicales et, en particulier, contribuant à la satisfaction des objectifs fixés par la convention médicale en termes de pertinence des soins et des prescriptions.
À l’heure actuelle, ces systèmes sont peu régulés et leur modèle économique s’avère fragile. Pourtant, leur performance s’améliore rapidement, notamment avec l’introduction de modules d’intelligence artificielle, de sorte qu’ils peuvent constituer des vecteurs majeurs pour la transformation des pratiques médicales.
Le financement envisagé pourrait être accordé dans le cadre d’un conventionnement entre l’exploitant du SADM et l’assurance maladie. Il reposerait sur un dispositif d’intéressement aux économies permises par l’utilisation du système par les professionnels de santé. Ainsi, ce dispositif serait nécessairement vertueux pour les finances sociales, puisque les exploitants ne pourraient se voir reverser qu’une fraction des économies effectivement constatées.
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Le présent article vise à accélérer et pérenniser la montée en charge du dossier médical partagé (DMP) dans la pratique quotidienne des professionnels de santé, dans le but d’améliorer la coordination des soins et de renforcer la pertinence des actes et prescriptions.
Les professionnels de santé ont déjà l’obligation d’alimenter systématiquement le DMP de leurs patients. Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 a cherché à imposer la consultation préalable du DMP pour certaines prescriptions onéreuses ou à risque de mésusage important. Cependant, ces impératifs restent souvent lettre morte, faute de dispositif de contrôle opérant et dans un contexte où les moyens techniques nécessaires à leur mise en œuvre sont parfois défaillants ou, à tout le moins, insuffisants.
Le présent article instaure des dispositifs de contrôle du respect de l’obligation d’alimentation du DMP par les professionnels de santé mais aussi par les structures qui les emploient. Par ailleurs, il prévoit un nouveau dispositif de contrôle statistique pour les prescriptions onéreuses. Ces mesures entreront en vigueur en 2027, le temps de permettre les adaptations techniques nécessaires dans les DMP et les logiciels des professionnels de santé, des établissements et de la Caisse nationale de l’assurance maladie.
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Cet article propose deux mesures limitant le gaspillage de produits de santé. D’une part, il autorise, à titre expérimental, les établissements de santé à re-dispenser des médicaments non utilisés. D’autre part, il permet la cession à titre gracieux des produits du stock sanitaire de l’État qui arrivent à péremption à des établissements de santé ou à des collectivités territoriales.
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L’article étend le principe de « tiers payant contre génériques » aux médicaments biosimilaires et « hybrides » substituables.
Parallèlement, il vise à accélérer l’entrée en application du tarif de remboursement ajusté pour les groupes de génériques et hybrides dès la première année qui suit la publication du prix du premier générique du groupe.
Enfin, il étend l’application du dispositif du tarif de remboursement ajusté aux médicaments biosimilaires à compter du 1er septembre 2026 et facilite la prescription de médicaments biosimilaires en supprimant l’obligation de mentionner le nom de marque dans l’ordonnance de prescription.
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Le présent article permet, d’une part, une pérennisation du dispositif expérimental de l’accès direct.
Parallèlement, il réforme le dispositif d’accès précoce afin de concentrer l’essentiel du périmètre de cet accès dérogatoire sur les spécialités ne bénéficiant pas d’autorisation de mise sur le marché.
Il précise, dans un troisième temps, le cadre dans lequel l’autorisation d’accès compassionnel peut être octroyée.
Enfin, il renforce la possibilité pour le Comité économique des produits de santé d’abaisser les bases de remboursement pratiquées en application du « tarif responsabilité » et ce notamment au regard des prix pratiqués dans des pays non européens.
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Le présent article vise à donner la possibilité au Gouvernement de mettre en œuvre, dans le cadre d’une expérimentation d’une durée maximale de cinq ans, une procédure de référencement dérogeant aux conditions de fixation des prix prévues par le droit commun.
Cette expérimentation a vocation à assouplir les modalités de fixation du prix du médicament afin de mieux intégrer les variables d’approvisionnement et d’empreinte environnementale affectant leur production.
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Cet article met en œuvre la première étape de la réforme de la tarification des établissements et services accompagnant les personnes handicapées, Serafin‑PH. Il modifie les modalités de tarification des établissements et services pour enfants et jeunes adultes handicapés. Ils seront financés, à compter de 2027, par une dotation globale de fonctionnement tenant compte des caractéristiques de l’établissement, des publics accueillis et de l’activité réalisée.
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Cet article prévoit le versement par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie aux départements d’une contribution annuelle de 85 millions au titre de la prise en charge des surcoûts résultant de l’accord professionnel du 4 juin 2024 élargissant le bénéfice des revalorisations salariales issues du Ségur de la santé à l’ensemble des personnels de la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale.
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Cet article autorise les départements à déduire des montants de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap les indemnités perçues par leurs bénéficiaires au titre de la réparation d’un dommage corporel, lorsque celui-ci est à l’origine de leur perte d’autonomie ou de leur handicap.
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Le présent article, relatif à l’amélioration de la reconnaissance des maladies professionnelles, modifie plusieurs dispositions du code de la sécurité sociale.
Premièrement, il renvoie à un décret la fixation des modalités de diagnostic des maladies professionnelles dans le cadre de la procédure de reconnaissance « principale ».
Ensuite, il simplifie, pour ce qui relève de la procédure « complémentaire », les conditions de reconnaissance des maladies professionnelles inscrites au tableau mais qui n’en remplissent pas tous les critères en supprimant l’obligation de saisine de la commission régionale de reconnaissance des maladies professionnelles.
Enfin, s’agissant de la dernière catégorie de maladies professionnelles, il maintient l’obligation de saisine de la commission régionale et réalise une coordination vis-à-vis du dispositif prévu à l’article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 modifiant le régime d’indemnisation de l’incapacité permanente causée à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
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Cet article complète l’évolution apportée par le 7° du I de l’article 98 de la loi n° 2021‑1754 de financement de la sécurité sociale pour 2022 relative à l’alignement de la protection des non-salariés agricoles contre le risque décès sur celle des salariés agricoles.
Il élargit le bénéfice de l’indemnité forfaitaire du « capital décès », dont le montant est à ce jour de 3 977 euros, aux ayants droit des non-salariés décédés des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.
En l’état du droit, le bénéfice de cette indemnité n’est ouvert, pour les ayants droit des non-salariés décédés, qu’aux seules personnes décédées des suites d’un accident de la vie privée.
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Article 41
Optimiser le recouvrement des pensions alimentaires
Cet article harmonise les délais applicables aux procédures de recouvrement des pensions alimentaires. Le délai de prescription de deux ans qui encadre la procédure de paiement direct lorsqu’elle est engagée par l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa) est aligné sur le délai de droit commun de cinq ans prévu par le code civil.
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Cet article crée un congé supplémentaire de naissance au bénéfice des salariés, des fonctionnaires, des militaires, des non-salariés agricoles et des travailleurs indépendants. D’une durée d’un ou deux mois au choix de chaque parent, il sera indemnisé à travers le versement d’indemnités journalières dégressives, en référence au salaire net antérieur, dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale.
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Cet article organise une profonde refonte du dispositif de cumul emploi‑retraite. Afin de le simplifier, de le recentrer sur son public initial (c’est-à-dire les retraités modestes) et de faire des économies, l’article propose une nouvelle architecture entre interdiction du cumul, autorisation dans la limite d’un plafond et libéralisation.
Avant l’âge d’ouverture des droits, aucun cumul ne serait permis et l’ensemble des revenus tirés par un retraité de la reprise d’une activité serait écrêté au premier euro. Entre l’âge d’ouverture des droits et l’âge d’annulation de la décote (67 ans), le cumul serait autorisé dans la limite d’un plafond, fixé par décret et prenant en compte les revenus professionnels et de remplacement. La part des revenus excédant ce plafond ferait l’objet d’un écrêtement à hauteur de 50 % afin de lisser les effets de seuil.
Le cumul emploi‑retraite libéralisé et créateur de droits serait donc réservé aux seuls assurés justifiant de l’âge d’obtention automatique du taux plein. Le montant de la seconde pension résultant de ce cumul ne serait plus plafonné à 5 % du plafond annuel de la sécurité sociale (Pass) et prendrait en compte les périodes d’activité exercées chez le dernier employeur y compris avant expiration du délai de carence actuel de six mois.
Les spécificités applicables à certaines activités ou certains publics tels que les militaires, les marins, les mineurs et les danseurs du ballet de l’Opéra de Paris seraient maintenues.
Les économies attendues pour les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale seraient de l’ordre de 0,4 milliard d’euros dès 2027, année d’entrée en vigueur de ce dispositif, et monteraient en charge jusqu’à 1,9 milliard d’euros en 2030.
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Cet article, l’un des cinq à être modifiés par la lettre rectificative, prévoit un gel de l’ensemble des prestations sociales pour 2026 ainsi qu’un mécanisme de freinage de l’évolution des pensions de retraite par rapport à l’inflation.
Pour 2026, les montants des prestations sociales relevant du champ de la sécurité sociale mais également de l’État et des collectivités territoriales seraient stabilisés.
De 2027 à 2030, le coefficient de revalorisation annuelle des pensions de retraite serait systématiquement diminué : de 0,9 point en 2027 puis de 0,4 point les années suivantes dans un objectif de maîtrise des dépenses publiques et, s’agissant de 2027, pour compenser le coût induit par la suspension de la réforme des retraites (1,4 milliard d’euros).
Les économies attendues sont de l’ordre de 3,5 milliards d’euros en 2026 et, sur la base d’hypothèses conventionnelles, progresseraient jusqu’à 6,1 milliards d’euros en 2029.
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Cet article met en œuvre l’une des mesures issues des négociations de la délégation paritaire permanente (DPP) menées au premier semestre 2025 et visant à réduire les inégalités de pensions entre les femmes et les hommes : la prise en compte de trimestres de majoration de durée d’assurance (MDA) liés aux enfants comme « périodes réputées cotisées » ouvrant droit au départ anticipé pour carrière longue. Le nombre de trimestres de MDA pris en compte serait fixé par décret dans la limite de deux trimestres selon l’annexe 9 du présent projet de loi de financement.
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Cet article, issu de la lettre rectificative déposée par le Gouvernement le 23 octobre 2025, matérialise, mais de façon partielle, l’engagement pris par le Premier ministre le 14 octobre dernier devant l’Assemblée nationale.
L’article décale d’une génération le rythme du calendrier de report de l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Concrètement, les assurés des générations 1964 à 1968 pourraient partir trois mois plus tôt qu’actuellement.
L’article abaisse également d’un trimestre la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une pension de retraite au taux plein pour les générations 1964 et 1965.
En l’état actuel, l’article ne s’applique toutefois pas aux assurés des générations 1964 et 1965 pouvant prétendre à un départ anticipé pour carrières longues, ni aux fonctionnaires des catégories dites « active » et « super‑active ».
Enfin, il exclut de son champ d’application les assurés relevant des régimes de retraite de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et de Mayotte.
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Le présent article fixe le montant pour 2026 :
– de la dotation de l’assurance maladie au fonds pour la modernisation de l’investissement en santé (FMIS), établie à 401 millions d’euros, et destinée à financer les investissements dans le domaine sanitaire ;
– de la dotation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) aux agences régionales de santé (ARS), stabilisée à 190 millions d’euros, et destinée à financer des dispositifs d’accès aux droits, de coordination des interventions et d’appui aux politiques de soutien à la perte d’autonomie.
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Cet article fixe, pour 2026, le montant de la dotation de l’assurance maladie à plusieurs opérateurs financés par le sixième sous-objectif de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam). L’évolution envisagée des dotations est décrite dans le tableau ci-dessous.
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Cet article fixe l’objectif de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès à 267,5 milliards d’euros en 2026 pour l’ensemble des régimes obligatoires de base.
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Cet article fixe à 270,4 milliards d’euros l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour 2026 ; il fixe le montant des six sous-objectifs qui le composent.
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Cet article fixe, pour 2026, le montant des dotations suivantes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) pour le financement :
– du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) ;
– du fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (Fcaata) ;
– du versement de la branche AT‑MP au bénéfice de la branche maladie pour compenser la sous déclaration des accidents de travail ;
– des fonds destinés au financement des dispositifs de retraite anticipée pour incapacité permanente et au titre du compte personnel de prévention.
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Cet article fixe l’objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles pour l’année 2026. Il intègre l’ensemble des mesures du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale et les dépenses anticipées au regard des différents régimes d’indemnisation de la branche.
L’objectif fixé pour l’année 2026 est de 18 milliards d’euros et traduit une hausse de son montant de 500 millions d’euros (+ 3,3 %) par rapport à 2025.
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Cet article, l’un des cinq à être modifiés par la lettre rectificative, fixe l’objectif de dépenses de la branche vieillesse pour l’année 2026.
Les dépenses de l’ensemble des régimes obligatoires de base en matière de retraites avaient été fixées à 307,4 milliards d’euros dans le projet de loi initial.
L’objectif a été rehaussé à 307,5 milliards d’euros suite au dépôt par le Gouvernement de la lettre rectificative intégrant la mesure de suspension du report de l’âge de départ à la retraite et du relèvement de la durée d’assurance requise pour le bénéfice d’une retraite au taux plein, dont le dispositif figure à l’article 45 bis.
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Le présent article fixe l’objectif de dépenses de la branche famille de la sécurité sociale à 59,4 milliards d’euros.
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Le présent article fixe l’objectif de dépenses de la branche autonomie de la sécurité sociale à 43,5 milliards d’euros.
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([1]) Article L.O. 111‑6 du code de la sécurité sociale s’agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
([2]) À l’exception notable du projet de loi de finances pour 2025, dont la première partie fut rejetée par l’Assemblée nationale en novembre 2024.
([3]) Laurie Pinel, Camille Schweitzer, Pauline Virot, « Comment mieux prendre en compte la diversité des familles dans les échelles d’équivalence ? Une analyse du coût de l’enfant à travers la consommation et le niveau de vie ressenti des familles, d’après l’enquête Budget de famille 2017 », Les dossiers de la Drees, mars 2023.
([4]) Proposition de loi visant à simplifier et réorienter la politique familiale vers le premier enfant, n° 839, déposée le mardi 21 janvier 2025.
([5]) Déclaration du Premier ministre, en application de l’article 50‑1 de la Constitution, devant l’Assemblée nationale lors de la séance du mardi 14 octobre 2025.
([6]) L’article 44 portant sur le gel des prestations sociales, dont les pensions, il porte également sur les autres branches de la sécurité sociale.
([7]) Par rapport à leur niveau de 2023.
([8]) S’engager, Marylise Léon, éd. Flammarion (2025).
([9]) « Coopération et construction de l’identité en situation de travail », Futur antérieur vol. XVI, n° 2 par Christophe Dejours (1993).
([10]) Déclaration de Philadelphie, 10 mai 1944.
([11]) L’Horizon fuyant de la santé au travail, par Arnaud Mias – Que sait-on du travail ? éd. Presses Sciences Po (2023).
([12]) Global burn-out, Pascal Chabot, éd. PUF (5e édition, 2024).
([13]) Le Droit du travail, Alain Supiot, éd. Que sais-je (7e édition, 4e tirage 2022).
([14]) Global burn-out, de Pascal Chabot, éd. PUF (5e édition, 2024).
([15]) Audition de M. Pascal Chabot, 17 septembre 2025 – Assemblée nationale.
([16]) Enquête européenne sur les conditions de vie (2021) – Eurofound.
([17]) « Troubles musculo-squelettiques et souffrance psychique : maladies à caractère professionnel les plus fréquemment signalées et en augmentation », Santé publique France, 18 avril 2023.
([18]) « L’horizon fuyant de la santé au travail », Arnaud Mias, in Que sait-on du travail ?, éd. Presses de Sciences Po (2023).
([19]) Audition de la CNPMT et de la SFST, 16 septembre 2025.
([20]) Audition de Mmes Audrey Besnard-Lescene, secrétaire générale de l’Unsam Pro, Sandra Onyszko, directrice de la communication et du développement de l’Ufnafaam, et Margot Petit, assistante maternelle dans la Maison d’assistantes maternelles (MAM) de La Bourgonce, 30 septembre 2025.
([21]) Audition de MM. Frédéric Aubisse et Grégory Bruneau, membres de la CGT FTDNEEA, Eddy Harault, délégué Force Ouvrière section assainissement de la Ville de Paris, et David Planché, délégué syndical adjoint Force Ouvrière section assainissement de la Ville de Paris, 8 octobre 2025.
([22]) S’engager, Marylise Léon, op. cit.
([23]) Audition des organisations syndicales et patronales, 14 octobre 2025.